Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 10 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à Nelson Mandela

M. le président

2. Déclaration du Gouvernement sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine et débat sur cette déclaration

M. le président

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. André Chassaigne

M. Jean-Louis Borloo

M. François de Rugy

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Modification de l’ordre du jour

4. Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Explications de vote

M. Dominique Lefebvre

M. Hervé Mariton

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

Mme Annick Girardin

M. Marc Dolez

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

5. Consommation

Discussion des articles (suite)

Rappels au règlement

Mme Catherine Vautrin

M. Thierry Benoit

M. Damien Abad

Mme la présidente

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Mme Catherine Vautrin

M. Alain Vidalies, ministre délégué

Article 5 bis

Amendement no 431

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Article 5 ter

Article 5 quater

Amendement no 528

Articles 5 quinquies et 6

Article 7

Amendements nos 458 , 245 , 177 , 454 , 455 rectifié , 457

Article 7 bis A

Article 7 bis

Article 7 ter

Article 8 bis

Article 9 bis

Amendements nos 162 , 362 , 502

Article 9 ter

Amendements nos 163 , 280 , 305 , 331

Article 9 quater

Amendement no 332

Article 10

Amendement no 159

Article 11

Amendements nos 333 , 334 , 381 , 382 , 30 rectifié

Article 11 bis

M. Martial Saddier

Amendements nos 251 , 320

Article 12

Amendement no 373

Articles 12 bis et 12 ter

Article 13

Article 13 bis

Amendement no 336

Articles 14 à 16

Article 17 bis

Article 17 quater A

Amendements nos 153 , 323 , 358 , 386 , 1

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à Nelson Mandela

M. le président. Dans les faubourgs de Soweto, (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), de Johannesburg à Port Elizabeth, du Cap à Pretoria en passant par Durban, dans toute l’Afrique du sud, un peuple est en deuil. Mais au-delà des frontières de son pays d’origine, au-delà du continent africain, c’est le monde entier qui se sent orphelin.

Nelson Mandela était le symbole de la lutte contre la ségrégation raciale incarnée par les lois de l’apartheid. Condamné à la détention à perpétuité, l’ancien prisonnier de Robben Island, le militant de l’ANC, devenu trente ans plus tard l’artisan de la réconciliation, prix Nobel de la paix, premier président noir d’Afrique du Sud, nous a donné l’exemple d’un homme debout. Debout contre l’oppression, le colonialisme, les inégalités entre les noirs et les blancs, entre les riches et les pauvres.

Pour chacun d’entre nous, Nelson Mandela fut un modèle. Il n’a jamais cédé. Son attitude a toujours suscité l’admiration : la France avait d’ailleurs rendu hommage au président de l’ANC en 1990, lors de sa venue à Paris, au lendemain de sa libération. À cette occasion, Nelson Mandela avait été reçu à l’Assemblée nationale, et ceux qui l’ont croisé ce jour-là ne sont pas près de l’oublier.

Nelson Mandela était épris de liberté. En 1964, face à ses juges, il déclarait ainsi : « Toute ma vie, j’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique, dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » Cet idéal de liberté n’est pas mort avec lui.

À la mémoire de Nelson Mandela, je vous invite à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Je vous remercie. (Applaudissements.)

2

Déclaration du Gouvernement sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine, dans le cadre du mandat résultant de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies.

(M. le président se lève, ainsi que Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement.)

M. le président. Avant de donner la parole au Premier ministre, je voudrais rendre hommage à Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio, nos deux soldats tués hier en Centrafrique. À leurs familles et à leurs proches, j’adresse les condoléances de la représentation nationale. Je vous invite à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, jeudi dernier, le Président de la République s’est adressé à la nation pour annoncer l’intervention des forces françaises en République centrafricaine. La décision d’engager nos forces est toujours une décision grave.

À votre initiative, monsieur le président, nous venons de rendre un hommage unanime aux deux soldats du 8régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, qui ont fait le sacrifice de leur vie. Mes pensées vont à leur famille et à leurs proches, auxquels j’exprime la solidarité de la nation tout entière, et je transmets les condoléances les plus attristées de l’ensemble du Gouvernement.

En République centrafricaine, nos hommes interviennent en ce moment en appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la MISCA, et sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette intervention était urgente et nécessaire. Quelques heures auparavant, des miliciens armés étaient en train de massacrer dans les rues de Bangui, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, munis de listes de victimes et faisant du porte-à-porte pour les traquer. Le danger d’une telle situation, le Président de la République l’avait dénoncé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies dès septembre dernier. Notre alarme était justifiée : le pays était bien au bord du gouffre.

Depuis la prise du pouvoir par des rebelles de la Séléka, le 24 mars 2013, les exactions, l’arbitraire, les pillages, le recrutement d’enfants soldats, les villages brûlés, les viols, les mutilations, les exécutions sommaires : voilà à quoi s’est résumée la vie quotidienne des populations civiles, victimes de la faillite de l’État centrafricain. Plus inquiétant encore : les affrontements entre groupes ont pris récemment une tournure intercommunautaire et interconfessionnelle extrêmement dangereuse. Cette spirale de la haine aurait pu à tout moment déboucher sur un enchaînement d’exactions et de représailles entre chrétiens et musulmans.

L’anarchie en République centrafricaine est aussi une menace pour une région déjà très fragile – je pense aux Grands Lacs, aux Soudans, au Tchad. Ce pays, enclavé entre le Cameroun, le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo et le Congo Brazzaville, ne doit en aucun cas devenir un nouveau sanctuaire pour tous les trafics et tous les groupes terroristes. À cet égard, mesdames et messieurs les députés, c’est aussi notre sécurité et celle de l’Europe qui sont en cause.

À cette crise sécuritaire s’ajoute une tragédie humanitaire : un habitant sur dix a dû abandonner son foyer, 70 000 Centrafricains ont déjà quitté le pays, et 2,3 millions de personnes ont besoin d’une assistance en urgence.

Face à ce drame, la France pouvait-elle ne rien faire ? La France pouvait-elle rester sourde aux appels à l’aide des autorités centrafricaines et de nos partenaires de l’Union africaine ?

Mesdames et messieurs les députés de tous les groupes, pour la France, l’inaction n’était pas une option. Attendre, c’était prendre le risque d’un désastre. Attendre, c’était nous exposer au risque d’une intervention ultérieure, beaucoup plus coûteuse et difficile.

Cette décision fait suite aux efforts déployés depuis plusieurs mois en faveur d’une réponse collective à cette tragédie en plein cœur de l’Afrique. Il y a d’abord eu le message d’alarme du Président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies – je l’ai rappelé. Il y a eu ensuite l’encouragement aux pays de la région à renforcer les troupes qu’ils avaient commencé à déployer et à user de toute leur influence pour que les parties cessent les violences et reprennent le chemin de la transition politique.

C’est la France qui a choisi de saisir le Conseil de sécurité et qui a obtenu que deux résolutions soient adoptées à l’unanimité. La résolution 2127, adoptée la semaine dernière, donne mandat à la force africaine de stabiliser la République centrafricaine et de protéger les civils. Elle permet à la France d’appuyer cette force.

C’est encore la France qui a su convaincre ses partenaires internationaux d’apporter leur soutien politique, logistique et financier à cet effort international de stabilisation.

Le cadre de l’opération Sangaris est donc incontestable. La France agit sur la base d’un mandat des Nations unies. Elle répond à l’appel lancé par l’Union africaine le 13 novembre dernier. Elle répond également à une demande d’assistance des autorités de transition centrafricaines.

Nos objectifs, je veux le rappeler devant vous, sont clairement circonscrits.

Le premier est de rétablir la sécurité en République Centrafricaine, enrayer la spirale d’exactions et la dérive confessionnelle et permettre le retour des organisations humanitaires ainsi que le déploiement des structures étatiques de base.

Le second objectif est de favoriser la montée en puissance rapide de la MISCA et de permettre son plein déploiement opérationnel. La MISCA doit en effet être en mesure d’assurer le contrôle de la situation sécuritaire, de désarmer les milices et de faciliter la transition politique.

Le Président de la République l’a dit très clairement : notre intervention sera rapide. Elle n’a pas vocation à durer. Elle est pleinement cohérente avec le message du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique. La sécurité de l’Afrique relève de la responsabilité des Africains.

M. Jean-François Lamour. Comme au Mali ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nos forces sont engagées dans l’urgence en soutien des contingents africains de la MISCA dont l’action a déjà commencé et va se renforcer. L’Union africaine a en effet annoncé qu’elle porterait rapidement sa présence sur le terrain de 2 400 à 6 000 hommes. Ces hommes viennent de tous les pays de la région. Le désengagement de nos forces commencera dès que la situation le permettra en fonction de l’évolution sur le terrain et de la montée en puissance des capacités opérationnelles des forces africaines. Ce doit être l’affaire de quelques mois.

Nous savons qu’il faudra du temps pour désarmer les milices, pour former de nouvelles forces de sécurité centrafricaines et pour mener à bien un processus électoral. C’est le rôle dans la durée de la MISCA. La résolution 2127 prévoit qu’une opération de maintien de la paix des Nations unies pourra, si le Conseil de sécurité en décide, lui succéder pour la conforter, mais aussi pour lui apporter un cadre plus robuste, y compris en matière de financement. Et l’Union européenne pourra également y contribuer, notamment grâce aux instruments de la politique de sécurité et de défense commune.

M. Pierre Lellouche. Quelle blague !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je tiens à saluer la rapidité et la qualité de l’action que conduisent nos forces armées sur le terrain. Nous avons pu, grâce à la complémentarité entre notre dispositif prépositionné dans la région et les forces en alerte en France, porter en deux jours notre présence sur place à 1 600 hommes. Nous avons pu, grâce aux renforts rapides qui ont été déployés à Bangui, éviter des massacres de masse alors que la situation dans la capitale devenait particulièrement critique. Vous avez d’ailleurs pu lire les témoignages des observateurs et des représentants des organisations non gouvernementales dont je tiens à saluer l’engagement dans des conditions extrêmement difficiles.

Nos hommes, aux côtés des forces africaines, sécurisent les sites les plus sensibles, notamment l’aéroport et les zones de regroupement de nos compatriotes qui sont près de 800, dont 500 binationaux. Ils assurent une présence constante par des patrouilles dont la vertu dissuasive joue pleinement. Déjà, ils participent aux actions de cantonnement et de désarmement des groupes armés afin de rétablir calme et sécurité. Ils favorisent le retour à des conditions d’un fonctionnement normal des structures étatiques indispensable au règlement durable de la situation du pays.

Mesdames, messieurs les députés, soyons clairs. La République Centrafricaine n’est pas le Mali. La situation sur le terrain est différente. Les groupes armés ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Pourtant, j’entends les mêmes questionnements, en particulier sur nos moyens.

Plusieurs députés du groupe UMP. À juste titre !

M. Pierre Lellouche. Étoffez le budget de la défense !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, mesdames et messieurs les députés, la France a la capacité d’agir aujourd’hui.

M. Daniel Fasquelle. Pour combien de temps ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le financement de l’opération Sangaris est prévu au budget de l’État comme en atteste la clause de garantie figurant dans le projet de loi de programmation militaire.

M. Pierre Lellouche. Une blague.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ceux – et je les en remercie – qui ont suivi les débats quels que soient les bancs où ils siégeaient en sont parfaitement conscients. La France le pourra aussi demain dans le cadre défini par cette loi de programmation,…

M. Pierre Lellouche. Mais non !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …avec un format parfaitement adapté à la conduite simultanée d’opérations telles que celles engagées au Mali et en République Centrafricaine. Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que la loi de programmation militaire permet de faire, c’est-à-dire de garder toutes les capacités de la France à préserver ses missions.

De nombreux députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’invite tous les députés à donner au Gouvernement les moyens de sa politique en votant la loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues. Chaque groupe pourra s’exprimer.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’entends également les questionnements sur notre posture. (« Imposture ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Vous mentez aux Français !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Non, la France n’agit pas en gendarme de l’Afrique. Elle assume tout simplement ses responsabilités internationales. Elle répond à l’appel de ses partenaires africains et fait face à l’urgence absolue de prévenir une spirale de massacres. Le sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique a été l’occasion d’un message unanime de tous les Africains sur la nécessité de renforcer les capacités africaines de réponse aux crises sur le continent. La mise en place d’une vraie force panafricaine de réaction rapide mobilisera dans les mois à venir l’Afrique et ses partenaires. Le temps de la Françafrique est terminé, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà une des fiertés de la politique de la France ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-François Lamour. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. le président. Mes chers collègues, chaque groupe pourra s’exprimer. Sur un tel sujet, on devrait se respecter les uns les autres.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je suis très surpris de ces réactions parce que je n’ai visé personne en particulier. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Retrouvons un peu de sérénité et écoutons la suite du discours du Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’entends toutes les questions, d’où qu’elles viennent et il est de mon devoir d’y répondre. J’entends ainsi le questionnement sur notre prétendu isolement. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La France n’est pas seule. (Mêmes mouvements.) Elle bénéficie de tous les soutiens politiques des membres du Conseil de sécurité des Nations unies qui ont adopté à l’unanimité la résolution présentée par la France. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et du groupe écologiste.)

Le secrétaire général des Nations unies a encore lancé vendredi un appel d’urgence sur la situation en République Centrafricaine. Le président de l’Union européenne, M. Van Rompuy, a approuvé l’initiative de la France.



Mesdames et messieurs les députés, c’est la fierté de la France d’assumer ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) La France agit, je le répète, aux côtés des Africains regroupés au sein de la MISCA. Quant à l’Union européenne, je viens de le dire, elle accompagne, depuis le début, cette opération.



M. Jean-François Lamour. De loin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le président du Conseil européen qui participait au sommet de l’Élysée a souligné les risques que la déstabilisation des pays africains fait peser sur la sécurité de l’Europe tout entière. L’Europe agit sur le terrain avec la mise en place, hier, d’un pont aérien entre Douala et Bangui pour acheminer l’aide humanitaire. Et l’Europe apporte ses capacités de financement. Les États membres qui disposent de moyens opérationnels nécessaires ont décidé de s’engager. Sans attendre, le Royaume-Uni a mis des moyens aériens à notre disposition.

M. Yves Fromion. Un avion !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La Belgique se prépare à apporter son appui, d’autres nous font savoir leurs disponibilités. D’avance, la France les remercie. Quant aux États-Unis, ils fourniront dans les prochains jours des capacités de transport pour les contingents africains et ont promis 40 millions de dollars pour la MISCA. L’Union européenne la finance déjà à hauteur de 50 millions d’euros et examine comment s’engager rapidement dans le domaine de la formation de cette force.

Au-delà de l’urgence, en effet, il faut préparer l’avenir. Et cet avenir passe notamment par la restructuration des forces de sécurité et par la restauration de l’autorité de l’État et des services publics en République Centrafricaine.

Il faudra aussi – et c’est la détermination de la France – que la transition politique soit menée à son terme. Trop longtemps, je dis bien trop longtemps, la République Centrafricaine a été ballottée au gré des pouvoirs faibles d’une gouvernance défaillante et de l’ingérence d’acteurs extérieurs.

M. Jean-Paul Bacquet. Oui.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Notre volonté, mesdames et messieurs les députés, c’est de tourner cette page. C’est celle qu’exprimera le Président de la République à l’occasion de sa visite à Bangui ce soir au retour de l’Afrique du sud. Il ira adresser ce message.

M. Jean-Pierre Gorges. Avec Sarkozy ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Avec les Centrafricains, les pays de la région ont posé les contours d’un processus de transition devant aboutir à des élections présidentielles et législatives libres et transparentes, le plus tôt possible. Les autorités centrafricaines se sont engagées à mener à bien cette transition. La communauté internationale fera preuve de la plus grande vigilance. Il y va de la renaissance de la République Centrafricaine.

Mesdames, messieurs les députés, je l’ai dit, la décision d’engager nos forces armées est toujours une décision grave. En ces circonstances, l’unité de la nation et de l’ensemble des forces politiques est indispensable. En recevant, ce matin, les présidents des deux assemblées ainsi que ceux de leurs groupes politiques et des commissions compétentes, j’ai pu constater une large convergence de vues. Je tiens d’ores et déjà à remercier les présidents des différents groupes parlementaires pour leur contribution constructive à l’occasion de cette réunion, qui ne manquera pas d’être prolongée par les différentes interventions dans cet hémicycle à l’occasion de ce débat.

Cette unité, mesdames, messieurs les députés, nous la devons d’abord à nos soldats qui, au péril de leur vie, agissent sur un nouveau théâtre. Je ne soulignerai jamais assez avec vous leur courage et leur professionnalisme. Cette unité, mesdames et messieurs les députés, nous la devons ensuite au peuple centrafricain qui traverse depuis trop longtemps les épreuves et qui est en droit de prétendre à des lendemains meilleurs, lui aussi. La crise actuelle pourra, j’en suis profondément persuadé, être surmontée et céder le pas à la reprise du dialogue intercommunautaire, à la réconciliation nationale et à une perspective de développement. Et la France fera preuve de solidarité.

Cette unité, nous la devons enfin à l’Afrique, notamment aux pays d’Afrique centrale qui se sont mobilisés de façon exemplaire et qui ont, unanimement, demandé l’aide de la France. La France assume ses responsabilités internationales. La France tient parole en étant à leurs côtés. Elle respecte ses valeurs, celles qui sont au cœur de notre République. Oui, voilà, mesdames, messieurs les députés, la motivation de la France.

Un des plus grands hommes que le continent africain ait connu – et nous venons de lui rendre hommage – disait : « Ce monde doit être celui de la démocratie et du respect des droits humains, un monde libéré des affres de la pauvreté, de la faim, du dénuement et de l’ignorance, épargné par les guerres civiles et les agressions extérieures et débarrassé de la grande tragédie vécue par les millions de réfugiés ». Cet homme, c’était Nelson Mandela. Eh bien, c’est fidèle à son message, à son engagement, à son courage que la France aujourd’hui s’engage aux côtés du peuple centrafricain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Ce n’est pas possible !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutons M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est la liberté du peuple centrafricain, son aspiration à retrouver la paix et la sécurité, à bénéficier de l’assistance humanitaire la plus élémentaire que nos hommes défendent aujourd’hui avec les forces africaines. Cette cause est juste. Elle correspond à l’idée même que la France se fait de sa place dans le monde. Le Président de la République et le Gouvernement ont donc fait le choix de l’action.

À l’heure d’assumer à nouveau cette responsabilité, je sais que nous continuerons à nous rassembler. L’Assemblée, je l’espère, le démontrera de manière solennelle et digne cet après-midi pour que nos soldats, se sentant soutenus, soient plus forts et que les objectifs de la France soient pleinement atteints.

Voilà, mesdames et messieurs le message du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nos soldats ont entamé une mission extrêmement périlleuse en Centrafrique. Deux d’entre eux ont perdu la vie et c’est d’abord à eux que nous pensons. Nous mesurons toute l’ampleur de leur sacrifice.

Monsieur le Premier ministre, notre engagement en Centrafrique ne méritait pas le ton polémique que vous avez voulu employer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Quelle méconnaissance de notre continent africain, permettez-moi de vous le dire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Et vous, quelle condescendance !

M. Nicolas Bays. C’est sûr que Sarkozy le connaissait, le continent africain !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutons l’orateur.

M. Christian Jacob. Nous le déplorons d’autant plus que nous soutenons la décision du Président de la République de déclencher l’opération Sangaris.

M. Jean-Luc Laurent. Eh bien alors ?

M. Christian Jacob. Cela n’excuse pas, cher collègue, toutes les erreurs historiques que nous avons pu entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous la soutenons car c’est une décision que le Président ne pouvait pas ne pas prendre au regard du drame qui se noue dans ce pays si intimement lié à l’histoire de France.

Nous soutenons d’abord un débat parlementaire respectueux en tout point de la lettre et de l’esprit de nos institutions.



Le Président de la République – et c’est sa responsabilité – a décidé l’envoi des troupes françaises vendredi dernier. Vous disposiez, monsieur le Premier ministre, en vertu de l’article 35, de trois jours pour informer le Parlement. Ce matin, vous avez réuni les principaux responsables parlementaires à Matignon et nous voici dans l’hémicycle pour en débattre.



Si j’insiste sur ce point, ce n’est pas par je ne sais quel juridisme tatillon. C’est simplement parce que nous avions mal vécu le débat sur la Syrie en septembre dernier. Vous nous aviez convoqués pour débattre d’une intervention militaire virtuelle. Cela avait créé un trouble dans de nombreux rangs, sur tous les bancs de cette assemblée.



Les choses sont beaucoup plus claires aujourd’hui. C’est une bonne chose et cela a permis de créer les conditions d’un consensus.



M. Jean Glavany. Grâce à vous, bien sûr !

M. Christian Jacob. Ce consensus est évidemment renforcé par le vote d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. La France, sauf si ses intérêts vitaux étaient menacés, n’intervient pas sans la force du droit international avec elle.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Christian Jacob. C’est une constante de notre politique diplomatico-militaire depuis cinquante ans.

M. Christian Paul. Comme en Libye !

M. Christian Jacob. Nous pourrions en reparler.

Une fois la résolution 2127 votée, tout était donc en place pour que le Président de la République prenne sa décision. J’entends ici et là quelques reproches selon lesquels nos troupes se seraient déployées trop lentement depuis vendredi dernier. Ce sont des reproches que nous ne pouvons pas laisser prospérer. Nos soldats agissent au prix de leur vie et ont déjà payé un lourd tribut. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. En effet !

M. Christian Jacob. Leur sécurité n’est pas négociable et il est de la responsabilité du Gouvernement et de nos chefs militaires de la garantir.

Ce que nous disons aujourd’hui à nos soldats, c’est qu’ils peuvent être fiers de la cause juste qu’ils servent en Centrafrique. Et nous leur disons, alors qu’ils sont au feu, que nous les soutenons totalement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Notre contingent de plus de 1 600 soldats, aux côtés de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, est en première ligne dans un pays qui est devenu une véritable poudrière en proie à des exactions, des pillages, des viols, des massacres de masse. La France ne pouvait laisser perdurer cette situation qui risquait de déboucher sur une tragédie génocidaire.

Cette mission de la France est noble, elle est juste et conforme aux valeurs de la République. Mais nous devons sans hypocrisie la vérité aux Français qui doutent du sens de notre présence sur un théâtre d’opérations qui leur semble si lointain.

Le Président de la République nous a annoncé une « opération rapide et qui n’a pas vocation à durer ». Nous partageons cet objectif. Mais est-il vraiment réaliste ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

M. Christian Jacob. Ce pays est en proie à ce qui s’apparente à une guerre civile. Le président Djotodia – dont nous ne savons d’ailleurs pas si vous le soutenez toujours – n’a manifestement pas la capacité de désarmer ses ex-alliés. Nos soldats, dans le délai fixé par François Hollande, en seront-ils capables ? Rien n’est moins sûr.

Voilà pourquoi nous pensons qu’il est responsable de dire précisément à nos concitoyens ce qui se joue en Centrafrique.

Ce qui se joue en réalité, c’est la stabilité d’une très vaste zone africaine, une zone qui déborde peu à peu la bande sahélienne, une zone où la criminalité et le terrorisme islamiste tentent de prendre le pouvoir. En Centrafrique aussi, ce mouvement puissant est à l’œuvre et la dimension confessionnelle du conflit ne doit pas être minimisée. Les chrétiens sont en grave danger en Centrafrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Nous attendons que le Président de la République ait ce discours de vérité. II est plus que jamais indispensable de rappeler que la Centrafrique est une pièce de ce puzzle où nos intérêts géostratégiques sont nombreux.

Cet effort de pédagogie et de vérité sur notre stratégie militaire en Afrique nous revient collectivement. Du Mali à la Centrafrique en passant par le Niger avec ses sites d’extractions d’uranium, la France ne met pas seulement en œuvre une diplomatie des bons sentiments, elle défend ses intérêts. Dites-le clairement, monsieur le Premier ministre, cela renforcera la légitimité politique de cette intervention au-delà de sa légitimité morale et internationale. (« Assumez ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mais nous devons, à ce stade, monsieur le Premier ministre, exprimer nos doutes et nos inquiétudes. Une fois de plus, la France est bien seule. Des questions essentielles auxquelles vous n’avez pas répondu se posent.

La première est celle de notre capacité à tenir budgétairement un tel rythme d’engagement. Le vote récent d’une loi de programmation militaire très faible et sans ambition pose avec acuité cette question : aurons-nous dans la durée les moyens d’une stratégie où la France serait le seul gendarme de cette partie du monde ?

M. Jean-François Lamour. Très juste !

M. Christian Jacob. La loi de programmation militaire va peser sur nos capacités de projection et, plus grave, sur la capacité d’entraînement de nos armées. Dans ces conditions, on peut douter que la France aura demain les moyens de projeter des troupes en Afrique ou ailleurs. Vous avez pris avec cette loi de programmation militaire une lourde responsabilité, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

La deuxième question est celle de la stratégie partagée de l’Union européenne, partagée en termes de moyens matériels, de financement et d’effectifs. Il faut beaucoup plus de solidarité dans les opérations conduites dans l’intérêt de tous. Il est urgent de créer un fonds européen de financement des opérations extérieures, comme l’a proposé récemment notre collègue Pierre Lellouche. Ce doit être un enjeu du prochain Conseil européen.

Enfin, la dernière question est celle de la capacité d’intervention des organisations africaines. Cette intervention sera financée par des contributions volontaires des États. Les promesses de dons sont malheureusement toujours supérieures aux dons effectifs. Les forces africaines de la MISCA, hier débordées, sauront-elles prendre demain le relais de nos soldats ? On peut l’espérer et tenter de les préparer. Mais le principe de réalité s’imposera et nos soldats n’auront d’autres choix que de rester.

Monsieur le Premier ministre, je conclurai en réitérant le soutien du groupe UMP à cette opération menée dans le cadre d’un mandat de l’ONU. Nous avons pris acte de l’annonce par le Président de la République d’une mission courte. Nous appelons toutefois votre attention sur les deux points faibles de la résolution des Nations unies : d’une part, le financement incertain ; d’autre part, la frilosité de la communauté internationale devant la nécessité de déployer une opération de maintien de la paix le plus vite possible. Nous soutiendrons toutes les initiatives de notre diplomatie dans cette direction car c’est la clef de la réussite de l’intervention française.

Nos soldats n’auront posé les bases d’un succès dans la durée qu’à deux conditions : que nous n’y restions pas seuls, et que nous transmettions rapidement la responsabilité de l’ordre et du maintien de la paix à une force internationale, de préférence africaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe SRC se joint d’abord aux autres groupes pour rendre hommage aux deux soldats français du huitième régiment de parachutistes d’infanterie de Castres, Antoine Le Quinio et Nicolas Vokaer qui ont perdu la vie dans la nuit de lundi à mardi, dans l’exercice de leur mission au service de la France. Leur dévouement exemplaire doit être ici salué.

Permettez-moi de ne pas m’adresser seulement à vous comme il est d’usage, mais de parler directement aux Français qui se demandent pourquoi nos forces armées sont amenées à risquer des vies à plusieurs milliers de kilomètres d’ici.

Il y a quelques jours, la République centrafricaine était le théâtre sanguinaire d’une situation qualifiée de pré-génocidaire. Dans les faubourgs de Bangui, à Bossangoa et dans plusieurs autres localités, des massacres à l’intensité croissante étaient perpétrés. Alors que la violence la plus aveugle ressurgissait, il était de la responsabilité de la communauté internationale d’empêcher la République centrafricaine de sombrer dans le chaos et la barbarie.

Depuis l’adoption de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a l’opération Sangaris pour mettre fin sans plus tarder aux exactions et pour pacifier avec l’aide des armées de nos partenaires qui sont déjà sur le terrain – je pense en particulier aux soldats africains – un pays aujourd’hui à feu et à sang. Le déploiement de 1 600 soldats français conjugué à l’engagement de 2 500 hommes de la MISCA doit permettre de restaurer la stabilité et la paix.

Le Président de la République a pris une décision courageuse et responsable en engageant nos forces dans ce conflit. Oui, il était impératif de répondre à l’appel de toutes les composantes de la société centrafricaine pour ne pas laisser la République centrafricaine se transformer, vingt ans après, en un nouveau Rwanda.

Notre débat d’aujourd’hui se tient en application de l’article 35 de notre Constitution. Les dispositions de cet article offrent la possibilité d’un débat qui n’a jamais manqué d’être mis en œuvre depuis plusieurs mois, à chaque fois que des opérations réclament l’engagement de nos armées. Les présidents de groupe sont systématiquement associés et consultés et un débat a lieu au Parlement.

M. Christian Jacob. C’est la Constitution !

M. Bruno Le Roux. Je me félicite de cette pratique constante du Président de la République et de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. C’est incroyable : il n’y a rien là d’extraordinaire !

M. Bruno Le Roux. Depuis maintenant une décennie, dans le cadre de l’opération Boali, la France apporte un soutien à la force africaine de stabilisation en Centrafrique désormais sous l’égide de l’Union africaine. Lors de la prise de pouvoir par les rebelles de la Séléka à la fin du mois de mars 2013, un renforcement du détachement Boali a été décidé. C’est sur ce dispositif que s’appuie l’opération Sangaris que nous venons d’engager.

Cette opération diffère très nettement, vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre, de l’opération Serval engagée pour répondre à l’appel du peuple malien il y a près d’un an.

À court terme, il ne s’agit pas de défendre un État contre l’agression armée de groupes terroristes, mais de protéger une population en proie aux exactions de milices mues par une logique de prédation. Voilà ce qui se passe sur le terrain, à Bangui et en Centrafrique. Le pays a plongé dans un véritable chaos depuis la prise de Bangui par les rebelles de la Séléka, lesquels ont ciblé en particulier les églises et les quartiers chrétiens, dans la capitale et dans de nombreuses villes du pays.

Ces pillages, ces exactions, ont suscité des réactions violentes de la part des chrétiens, qui représentent 85 % de la population centrafricaine. À leur tour, ils se sont constitués en groupes d’autodéfense, les « anti-balaka », s’en prenant aveuglément à leurs compatriotes musulmans. Ainsi, les affrontements en Centrafrique, ravagée depuis tant d’années par les coups d’État, prennent une dimension interconfessionnelle qui était jusqu’alors inexistante dans ce pays.

Face à cette catastrophe annoncée, la France ne pouvait pas fermer les yeux et devait être à la hauteur de ses responsabilités. Parmi ces responsabilités, figure justement la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. Appliquer cette responsabilité de protéger à la situation centrafricaine est une évidence quand on est un responsable politique français.

Tout d’abord, la cause de l’urgence humanitaire : 1,6 million de Centrafricains ont besoin d’une aide d’urgence, soit environ un tiers de la population ; un Centrafricain sur dix est déplacé aujourd’hui.

Les règlements de compte entre milices pro et anti-Séléka, les exécutions sommaires, les arrestations arbitraires, les massacres à la machette qui ont visé indistinctement hommes, femmes et enfants, les actes de torture et les violences sexuelles, les pillages et les brigandages en tous genres constituent désormais le lot quotidien du peuple centrafricain.

Cela justifie pleinement, mes chers collègues, une intervention armée lancée pour assurer la sécurité des Banguissois et de tous les Centrafricains, et je suis heureux que, sur cet objectif, nous nous retrouvions aujourd’hui, comme nous avons pu le constater ce matin, dans une unité qui transcende les camps. La vocation de la France est en effet de s’interposer quand des peuples sont exterminés, quand on se bat à coups de machette pour sa religion, quand on devient le prédateur de l’autre, afin de rétablir le calme et la tranquillité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

À ce stade, il convient de rappeler l’étendue des ravages causés par l’impuissance passée de la communauté internationale dans la sous-région. À l’Est de la République Centrafricaine, le Soudan a connu une guerre civile qui a fait quatre millions de victimes et s’est conclue par la partition du pays. Au sud de la République Centrafricaine, la République du Congo a été le théâtre de la deuxième guerre du Congo. Cette guerre a, elle aussi, engendré plus de 4 millions de morts et ne s’est véritablement achevée que le mois dernier avec la reddition des combattants du M23.

Au-delà de l’enjeu humanitaire, nous devons aussi relever un défi sécuritaire considérable. Un flot important de réfugiés affecte tous les pays limitrophes – République Démocratique du Congo, Tchad, Cameroun, Soudan –, pays déjà fragilisés par leurs propres problèmes internes.

Or, la République Centrafricaine se trouve au carrefour de trois zones elles-mêmes en crise : le Sahel, l’Afrique de l’Est et la région des Grands Lacs. Elle incarne malheureusement ce que le dernier Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale appelle « le risque de la faiblesse » : faute de structures étatiques dignes de ce nom, elle devient un terreau propice aux trafics d’ivoire et de diamants, ainsi qu’aux réseaux armés. Cela favorise l’implantation de réseaux s’articulant autour des ex-opposants tchadiens au sein de la Séléka, d’activistes de la LRA, et pouvant constituer demain des réseaux terroristes comme Boko Haram, chassé du Nigeria et du Cameroun voisin. Ce danger existait et existe toujours aujourd’hui en République Centrafricaine, et personne ne peut se résoudre à cette évolution inacceptable.

Ainsi, les forces françaises et la MISCA engagées dans l’opération Sangaris doivent rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire centrafricain.

Mes chers collègues, je voudrais, pour finir, déjà tirer quelques enseignements de la crise centrafricaine.

Tout d’abord, le développement d’une forme d’égoïsme international : alors qu’un consensus s’est dégagé pour constater que la RCA se trouvait dans une situation pré-génocidaire, au-delà de nos partenaires africains, seule la France a pris toutes ses responsabilités pour répondre à l’urgence. Je regrette, même s’ils nous accompagnent au niveau logistique en mettant des avions à disposition, que les États-Unis aient refusé le déploiement de 6 000 casques bleus, préconisé par le secrétaire général des Nations unies. Pourtant, Samantha Power, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, fut l’une des premières à ouvrir les yeux de la communauté internationale sur les ravages de son impuissance face aux génocides.

De la même façon, cela a été dit avant moi, l’Union européenne ne joue pas pleinement son rôle. Notre groupe sait que le Gouvernement profitera pleinement du prochain Conseil européen dédié aux questions de défense pour obtenir de l’Europe qu’elle déploie enfin tous les outils dont elle dispose pour défendre la paix et la sécurité au-delà de ses frontières.

Monsieur le Premier ministre, alors que notre nation s’apprête à commémorer le centenaire de la Grande Guerre, il ne faut pas oublier, dans ces combats pour la liberté de la France, ce que nous devons à ceux qui sont venus combattre à nos côtés. Dans notre réflexion comme dans notre action, cette leçon sert de guide pour engager aujourd’hui la France sur ces théâtres d’opération. Le peuple centrafricain, nous le savons, aspire à renouer avec les piliers de sa devise patriotique : unité, dignité, travail. Notre honneur, monsieur le Premier ministre, est de l’accompagner sur le chemin de sa renaissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe RRDP.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, je tiens avant tout à m’incliner en mémoire des deux soldats tués hier en Centrafrique, et à rendre hommage à tous les militaires de l’opération Sangaris, qui risquent leur vie en Centrafrique pour que la population de ce pays puisse retrouver la paix et la sécurité. Leur mission, c’est de protéger les civils, abandonnés à la violence meurtrière des diverses milices par un État devenu impuissant ; c’est d’empêcher le chaos et la terreur ; c’est d’agir dans un but strictement humanitaire et sécuritaire. Nos soldats ne poursuivent aucun objectif de puissance : ce sont des combattants de la paix. Notre collègue Gérard Charasse, qui préside le groupe d’amitié avec la Centrafrique, a souvent appelé l’attention du Gouvernement sur la gravité de la situation et sur la nécessité d’une intervention rapide. Il l’a fait notamment par des questions d’actualité les 29 mai et 10 octobre derniers.

La population de la RCA vit en effet un drame humanitaire, terrorisée par des groupes armés rivaux. Intolérance, insécurité, inhumanité : les pires violences s’accomplissent – massacres et tueries, viols et mutilations, pillages et incendies.

La France pouvait-elle rester indifférente à un tel drame ? Bien sûr que non, vu notre histoire, nos liens très anciens avec ce territoire. Notre intervention se situe pleinement dans le cadre de la légalité internationale, fondée sur la base de la résolution 2127 du Conseil de sécurité, qui autorise le déploiement de la force africaine – la MISCA – afin de protéger les civils, rétablir l’ordre et la sécurité. De même, elle autorise les forces françaises en RCA à soutenir la MISCA dans l’accomplissement de son mandat.

Tout en approuvant, bien sûr, cette opération à visée essentiellement humanitaire, l’on peut toutefois formuler quelques observations.

Première observation, qui a trait à la procédure : vous appliquez fidèlement, monsieur le Premier ministre, la Constitution et son article 35, révisé en 2008, qui dispose que « Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Cette information peut donner lieu à un débat, qui n’est suivi d’aucun vote. » Mais on peut regretter deux aspects de cet article 35, dont vous n’êtes évidemment nullement l’auteur. D’une part, mieux vaudrait que cette information et ce débat parlementaire aient lieu avant le début de l’intervention, et non après, car cette situation rend l’échange avec le Parlement un peu académique. Bref, on décide d’abord,…

M. Jacques Myard. On tire d’abord !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …et on débat après. D’autre part, le fait que ce débat ne puisse être suivi d’aucun vote prive les parlementaires du droit de se prononcer sur un problème pourtant majeur pour notre pays. Paradoxe là aussi, car l’article 3 de la Constitution confie à ces représentants du peuple l’exercice de la souveraineté nationale. Peu importe toutefois dans le cas présent, car nul ne doute que votre déclaration aurait été largement approuvée par le Parlement.

Mais venons-en au fond. Tout d’abord, la France a l’obligation d’agir, mais il est souhaitable qu’elle ne soit pas la seule à le faire. Or, une fois encore, comme au Mali, aucune autre puissance non africaine n’intervient militairement sur le terrain. Plusieurs grands États s’intéressent vivement au continent africain et à ses potentialités économiques mais, alors qu’il faudrait intervenir sur place pour protéger les populations civiles, ils restent inactifs, laissant ce soin exclusivement à notre pays et s’en tenant au service minimum, c’est-à-dire à un soutien logistique ou financier.

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, le soulignait récemment : « Quoi qu’on dise de l’influence grandissante de la Chine, des États-Unis ou du Brésil sur notre continent, ces pays ne se sont pas engagés chez nous sur le front de la défense et de la sécurité. Ils ne prennent pas les mêmes risques que la France. Tous ceux qui profitent des richesses de l’Afrique doivent aussi contribuer à sa sécurité. »

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’attitude de l’Europe est particulièrement décevante.

M. François Loncle. Elle est même lamentable !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Comme ce fut déjà le cas pour Serval, aucun des grands États européens n’accompagne nos forces dans l’opération Sangaris.

M. Jean-Paul Bacquet. S’ils ne veulent pas intervenir, qu’ils payent !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette inaction n’est pas convenable. Les responsables de l’Union européenne, M. Barroso, M. Van Rompuy, Mme Ashton, souvent si loquaces, si prolixes, si prompts à dispenser leurs leçons, sont ces temps-ci bien silencieux et bien discrets.

M. Jean-Paul Bacquet. Personne ne les connaît !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pourtant, depuis les traités de Maastricht et de Lisbonne, l’Europe est censée avoir une politique de sécurité et de défense commune. À ce titre, il est prévu depuis longtemps qu’un Conseil axé sur la défense se tienne les 19 et 20 décembre. Ce serait l’occasion de traiter de la RCA et de convenir d’agir ensemble, sans laisser la France intervenir seule.

M. Jean-Paul Bacquet. Nous ne sommes pas seuls !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais attendre l’Europe pour agir en Afrique, ce serait comme attendre Godot, c’est-à-dire entretenir un espoir assez vain : en réalité, l’Europe de la défense n’existe pas ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RRDP et UMP.)

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Deuxième observation : au départ, on assurait qu’il s’agirait d’une opération ponctuelle, limitée dans le temps. Comme François Hollande l’a déclaré initialement, cette opération sera rapide et n’a pas vocation à durer. Ensuite, notre pays projette de passer le relais, dans un délai raisonnable, aux forces africaines.

Toutefois, les opérations précédentes menées en Afrique par notre pays ont souvent duré plus que prévu ou ont dû se répéter et se reproduire. Avec Serval, l’armée restera au Mali assez durablement, certes dans un format plus réduit qu’au début. En Centrafrique, depuis 1979 et la chute de Bokassa, nos forces en sont à leur septième opération. Machiavel disait : « On peut commencer la guerre quand on veut, mais on ne la finit pas de même. »

Dernière observation : depuis septembre, la crise en RCA a pris la tournure d’une guerre civile confessionnelle, avec son lot d’intolérance, d’intégrisme, voire de fanatisme. D’un côté, les anciens rebelles de la Séléka, à majorité musulmane, partisans du pouvoir issu du coup d’État du 24 mars ; de l’autre côté, des groupes paysans d’autodéfense chrétiens, comme les anti-balaka.

Les affrontements actuels reflètent de plus en plus ces tensions interreligieuses et intercommunautaires.

Le XXsiècle avait été marqué, en France et ailleurs, par la laïcité, par la séparation de la religion et de la vie publique. Le XXIe semble, au contraire, revenir parfois à la situation antérieure, où les conflits politiques étaient liés à des conflits religieux.

La laïcité permet à tous de vivre ensemble, par-delà les différences confessionnelles. Il serait très utile de restaurer pleinement cette valeur, ici et ailleurs, car elle est un facteur de paix civile, de concorde et d’unité nationale.

Monsieur le Premier ministre, le groupe RRDP approuve et soutient l’action de votre Gouvernement en Centrafrique, action conforme à l’évidence aux valeurs de la République. L’hymne national de la RCA s’intitule La Renaissance. Il faut souhaiter, en effet, qu’avec l’aide de la France, une renaissance succède aux temps troublés et souvent tragiques d’aujourd’hui qui blessent ou meurtrissent ce pays. Nous avons avec lui une longue histoire commune, avec ce qui fut le territoire de l’Oubangui-Chari, avec ce pays qui se rallia dès septembre 1940 à la France libre.

Nous nous devons d’agir pour arracher à la détresse ce pays de 5 millions d’habitants, l’un des plus pauvres du monde. Nous le devons par fidélité, par solidarité, pour qu’il puisse connaître, demain, une société libre et juste, une société de fraternité et peut-être un avenir d’espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, chers collègues, c’est avec émotion que je m’associe, au nom de mon groupe, à l’hommage unanime rendu aux soldats morts en Centrafrique.

Un an à peine après l’engagement de la France au Mali, notre pays se lance dans une nouvelle opération sur le continent africain. Après l’opération Serval qui devait s’achever en juillet dernier, le Président de la République vient de déclencher l’opération Sangaris qui se traduit par le déploiement de 1 600 soldats français. Il s’agit de la cinquantième intervention française en Afrique subsaharienne depuis les indépendances d’il y a cinquante ans.

Cette intervention en Centrafrique s’inscrit dans une longue lignée d’opérations menées par les troupes françaises dans cette colonie, indépendante officiellement depuis 1960, en proie à la pauvreté, à l’instabilité et aux conflits. Autant d’interventions qui n’ont jamais permis de répondre aux maux qui gangrènent la Centrafrique.

La Centrafrique, si elle n’est pas dénuée de ressources naturelles, est classée parmi les États les plus pauvres de la planète, occupant la 171e place sur 177 selon le classement de l’indicateur de développement humain du programme des Nations unies pour le développement. La France y est le premier investisseur. Il est impossible, dès lors, de prendre part à ce débat sur l’engagement des troupes françaises en Centrafrique sans ouvrir le dossier de la Françafrique.

Tous les dix ans ou presque, un président de la République centrafricaine chasse l’autre par un coup d’État, derrière lequel la France n’est jamais très loin. Le peuple centrafricain a ainsi vu défiler des personnages insensibles à son sort, aussi corrompus qu’irresponsables.

M. Bertrand Pancher. Eh oui !

M. André Chassaigne. Les uns après les autres, les dictateurs ont été choisis et maintenus, au gré de « nos intérêts », mais aussi pour protéger des bases militaires françaises dans ce pays considéré comme un porte-avions au centre de l’Afrique, utilisé lors des nombreuses interventions militaires dans la région.

La France n’est pas étrangère à la situation chaotique que connaît ce pays. Elle porte une responsabilité historique dans la tragédie centrafricaine. Elle n’est donc pas la plus qualifiée pour intervenir. C’est un paramètre que nous ne pouvons ignorer même si, je le dis clairement, il n’est pas question de tergiverser pour la protection des populations civiles, premières victimes des violences sanglantes qui déchirent ce pays.

M. le ministre des affaires étrangères a déclaré, face à la communauté française de Bangui le 13 octobre dernier : « Sachez que l’amitié traditionnelle qu’a portée la France à la Centrafrique, nous voulons la manifester de nouveau pour aujourd’hui et pour demain ».

Pourtant, notre histoire commune est marquée par de sombres affaires. Nous gardons en mémoire le pitoyable sacre de l’ancien sous-officier de l’armée française devenu l’empereur Bokassa 1er en présence de la diplomatie française. Malgré ce soutien, le président Valéry Giscard d’Estaing a décidé de débarquer son ancien ami devenu trop encombrant, incontrôlable, qui menaçait nos intérêts, pour réinstaller au pouvoir le président David Dacko, pour ensuite favoriser la dictature du général Kolingba. Il sera remplacé par le dictateur Ange-Félix Patassé qui sera, quant à lui, chassé du pouvoir en mars 2003 par le général Bozizé. Un jeu de chaises musicales orchestré par l’ancienne puissance coloniale.

En 2007, face à la multiplication des mouvements rebelles sous influence soudanaise et tchadienne, les parachutistes français sautent sur Birao, dans le nord de la République centrafricaine. C’est de ce nord musulman qu’est venue, en décembre 2012, l’offensive des rebelles de la Séléka qui, le 24 mars dernier, porta au pouvoir Michel Djotodia. Dans un réflexe hérité de l’histoire, le président Bozizé a vainement appelé à l’aide la France avant de prendre la fuite.

C’est ainsi que l’actuel président centrafricain est arrivé au pouvoir avec le soutien des rebelles de la Séléka, qui sont devenus ses propres ennemis, Michel Djotodia qui en a appelé à la France après avoir dissous la coalition rebelle de la Séléka.

Aussi, au regard de notre histoire en Centrafrique, on peut légitimement s’interroger sur les différentes motivations d’une nouvelle intervention dans l’ancienne colonie.

M. François Loncle. Vous mélangez tout !

M. André Chassaigne. L’ordre du jour réel du Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique qui s’est tenu à Paris il y a quelques jours était clair : avant de parler de paix et de sécurité, Paris et ses alliés du continent africain se sont intéressés à leurs préoccupations économiques et financières. Ce sommet était avant tout une offensive diplomatique pour la sauvegarde des intérêts de la France en Afrique.

M. François Loncle. Caricature !

M. André Chassaigne. Riche de ses ressources naturelles – mines d’or, de diamants, de mercure, d’uranium, de fer, mais aussi culture de manioc, de bananes, de maïs, de café, de tabac, de coton, de canne à sucre, une forêt de 3,8 millions d’hectares aux essences précieuses – la République centrafricaine suscite l’intérêt du monde des affaires et du monde politique.

Pourtant, ce n’est pas de cet intérêt dont le peuple centrafricain a besoin. Le peuple centrafricain a besoin que nous l’aidions à profiter pleinement de ses richesses et que nous l’aidions à mettre fin à la situation de confiscation du pouvoir politique et économique aux mains de quelques-uns. Car, les germes de la crise actuelle sont aussi d’essence économique et sociale.

Le peuple centrafricain a besoin du soutien de la communauté internationale pour que cessent les massacres qui se multiplient, alors que les affrontements entre les milices Séléka et anti-balaka terrorisent la population civile.

La terreur et la misère ont déjà poussé un demi-million de réfugiés dans des camps de fortune. Aussi, je le redis, il n’est pas question de tergiverser pour la protection des populations civiles.

M. Avi Assouly. Eh bien alors ?

M. André Chassaigne. Pour autant, il convient d’agir avec discernement pour ne pas reproduire les erreurs du passé. C’est pourquoi, dans les circonstances que je viens d’évoquer, il revient aux Africains et à toute la communauté internationale d’aider ce peuple en danger.

M. François Loncle. C’est ce qu’on a dit !

M. André Chassaigne. Or derrière l’unanimité de la résolution onusienne autorisant le recours à la force, la réaction internationale est en réalité d’inspiration franco-française et sa teneur est purement militaire.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est faux !

M. André Chassaigne. En effet, le texte, adopté par les quinze pays membres du Conseil sur proposition de la France, autorise les soldats français en Centrafrique à – je cite – « prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la MISCA dans l’accomplissement de son mandat ». Dans ce cadre, la France va tripler son contingent sur place.

L’Afrique demeure donc un terrain d’actions militaires pour la France, ce qui fait d’ailleurs regretter à Amnesty international et à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme l’absence de mise en place plus rapide d’une véritable force de maintien de la paix des Nations unies.

M. François Loncle. Vous mélangez tout ! On ne comprend rien !

M. André Chassaigne. Vous l’avez compris, nous avons, pour qualifier le sentiment qui nous anime, un réel malaise face à cette intervention. Nous pensons, en effet, que la France n’a pas vocation à jouer le rôle de gendarme de l’Afrique. Les valeurs anticoloniales, toujours défendues par les communistes, nous l’interdisent.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est sûr !

M. André Chassaigne. Ces valeurs de solidarité doivent, au contraire, nous pousser à mettre sur pied un partenariat équitable et durable, un système d’aide au développement plus efficace, plus proche des populations. Ces valeurs nous obligent également à rompre définitivement avec la Françafrique et à encourager les démocrates africains et les diasporas militantes, pour faire tomber les honteuses tyrannies africaines qui n’ont que faire des peuples qui ne cessent de s’appauvrir.

M. François Loncle. Démagogie !

M. André Chassaigne. Ces dictatures préfèrent défendre les intérêts des firmes privées, tentaculaires, exploitant aujourd’hui 80 % des gigantesques gisements africains, et dont les bénéfices sont rapatriés dans des paradis fiscaux.

Notre pays a une dette morale considérable envers le peuple de Centrafrique, une dette qui nous oblige à reconnaître que nous n’étions pas les mieux à même pour intervenir dans la situation dramatique qui le frappe. Oui, nous sommes favorables au recours à une force d’interposition sous l’égide de l’ONU, mais une force qui soit multilatérale. Cela suppose que la France ne soit pas la seule à être impliquée, sur le terrain, aux côtés de la MISCA. C’est la communauté internationale, dans son ensemble, qui doit être mobilisée.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. François Loncle. Ce discours, c’est un vrai délire !

M. André Chassaigne. Cette force doit avoir pour mission de créer les conditions d’un cessez-le-feu, d’un secours organisé aux populations en détresse et d’ouvrir la voie à l’État de droit.

Mme Claude Greff. Très bien !

M. André Chassaigne. Elle ne le pourra que si elle ne peut être soupçonnée d’agir au nom d’intérêts à préserver dans une ancienne colonie. C’est en lanceur d’alerte…

M. François Loncle. D’alerte rouge ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …que je m’adresse aujourd’hui à vous : les interventions militaires françaises vont à contre-courant de l’histoire.

Mme Claude Greff. La France n’a pas les moyens !

M. André Chassaigne. La mission de la France, c’est de défendre la stabilité et la paix des peuples en Afrique. Notre pays n’a pas vocation à défendre des dictatures et des États artificiels. La mission de la France, pour être en harmonie avec ses valeurs et ses idéaux des Lumières, n’est pas d’être le gendarme de l’Afrique, elle est de remiser les visions géostratégiques nées du temps de la colonisation pour en écrire d’autres, respectueuses des peuples, de leurs richesses et de leur souveraineté.

Mes chers collègues, c’est ainsi que la France se grandira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Olivier Véran. Assez de ces discours moralisateurs !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez au groupe UDI de s’associer au reste de la représentation nationale pour saluer la mémoire d’Antoine Le Quinio et Nicolas Vokaer et, d’une manière générale, l’ensemble du 8e RPIMa qui, partout, sur tous les continents, s’est illustré, notamment en 2008, huit des dix soldats tués le même jour appartenant à ce régiment. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Je sais que Philippe Folliot est particulièrement affecté.

Le Président de la République a décidé d’engager l’armée française en République centrafricaine aux côtés des forces de la MISCA, conformément à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est une décision extrêmement lourde et grave que d’engager notre pays dans une guerre et les enfants de France au combat, au feu, avec tous les risques que cela suppose, y compris celui du prix de la vie.

Une telle décision nécessite une analyse sereine, républicaine, sans concession, prenant en compte toutes ses dimensions dans la durée.

La République centrafricaine est en plein chaos. Un cyclone de violence communautaire et inter-religieuse s’est abattu sur le pays. Des bandes armées se livrent à des razzias et à des massacres, des villages sont ravagés, brûlés, pillés, des habitants tués, des femmes violées. S’ils ne sont pas tués, ils prennent la fuite : on en compte 60 000 en république démocratique du Congo et 500 000 déplacés sur leur propre sol.

Lorsqu’un pays est dans un tel chaos, terroristes et trafiquants de tout poil pénètrent et se déploient à grande vitesse.

La République centrafricaine est un territoire vaste, entouré du Tchad, du Cameroun, des deux Soudan, du Congo-Brazzaville, de la République démocratique du Congo. Cette grande zone, riche de son avenir et qui nous est si proche, se trouve fragilisée.

Oui, pour des raisons humanitaires immédiates, pour s’opposer à un risque de génocide et au développement du terrorisme, cette intervention, faite dans le cadre de l’ONU en appui de la force africaine de la MISCA, est légitime, monsieur le Premier ministre. C’est en tout cas la position du groupe UDI. Rarement autant de circonstances auront justifié une opération militaire d’urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, RRDP, écologiste et SRC.)

De tout cœur, nous sommes aux côtés de nos 1 600 soldats de l’opération Sangaris qui, par leur courage et au risque de leur vie, vont éviter, nous l’espérons, que le massacre vire au génocide et faire en sorte que le sang cesse de couler. Nous leur disons notre reconnaissance et notre admiration.

C’est un paradoxe mais pas une contradiction, bien au contraire, de constater que cet engagement a lieu précisément au moment où le monde entier salue l’homme du combat pour toutes les libertés et pour la réconciliation des femmes et des hommes de toutes couleurs et de toutes appartenances, Nelson Mandela, et, à un jour près, alors que nous assistons à un conflit inter-religieux, à la date anniversaire de la loi sur la laïcité, de la loi de 1905. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et RRDP.)

Oui, nous avons des liens fraternels avec l’Afrique et avec nos frères africains. Oui, nous avons des capacités militaires pré-positionnées. Oui, nous sommes dans notre zone d’influence et de responsabilité. II ne s’agit pas de faire triompher le bien contre le mal, mais de sauver des vies humaines, de permettre qu’elles cohabitent et bâtissent ensemble.

Mais en même temps, monsieur le Premier ministre, nous devons la vérité aux Français. Il faut leur dire que cette opération, si elle se fait en appui des 2 500 hommes de la MISCA, force africaine dont les effectifs devraient monter à 6 000, elle sera extrêmement délicate, car nos hommes doivent désarmer, avant de cantonner leur armement, des milices éparses difficilement identifiées et identifiables, certains de leurs membres ayant même quitté leur treillis.

Oui, elle est extrêmement difficile, car le territoire est vaste, aussi grand que la France. Même si, grâce au Mali, la bravoure de nos hommes et l’efficacité de nos armées donnent un prestige d’intimidation qui peut aider dans ces opérations.

Des difficultés, il y en aura, monsieur le Premier ministre. Et c’est parce que ce sera difficile que nous serons à vos côtés. Mais permettez-nous, sans compter le moins du monde notre soutien, de vous faire part de nos grandes déceptions, de nos interrogations et de nos réelles inquiétudes.

Comme au Mali, seuls des enfants de France, parmi les pays occidentaux, risqueront leur vie aux côtés de nos frères africains. Notre impression sourde, mais réelle, est que notre capacité militaire l’emporte considérablement sur notre capacité de persuasion politique et diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Nous vous le disons : nous ne mégotons pas notre soutien, mais enfin, c’est la deuxième fois que, de manière invraisemblable, un pays européen s’engage seul sur un territoire étranger, sans aucun soutien humain des pays occidentaux : la deuxième fois en dix-huit mois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme Claude Greff. Eh oui ! Incroyable ! La fleur au fusil !

M. Jean-Louis Borloo. Avons-nous raison contre tout le monde ? Ou sommes-nous dans l’incapacité totale de persuader quiconque ?

En 2008, monsieur le Premier ministre, nous étions dans la même situation au sujet du Tchad. Le Président de la République de l’époque avait pris le problème à bras-le-corps. Hervé Morin, ministre de la défense, a fait le tour des capitales européennes pour bâtir l’Eufor Tchad-RCA avec douze contingents européens pour intervenir au Tchad. Cela, ça s’appelle une mobilisation internationale.

Vraiment, l’absence de capacité à mobiliser nos partenaires est extrêmement troublante.

La deuxième interrogation concerne le coût des opérations extérieures. Il faut en parler aux Français : ce n’est pas déshonorant en période de crise. Les OPEX représentent cette année à peu près un milliard. Nous avions soutenu l’opération au Mali, même si nous étions préoccupés par votre emballement pour la Syrie, mais un Conseil européen va se tenir au mois de décembre. Il faut, monsieur le Premier ministre, que la France obtienne au minimum la création d’un fonds européen d’opérations extérieures pour des pays qui n’engagent pas d’hommes – par tradition, parce qu’on ne les a pas mobilisés –, mais qui accepteraient de contribuer ainsi.

M. Pierre Lellouche. Merci de reprendre mon idée !

M. Jean-Louis Borloo. Il est absolument invraisemblable que nous soyons en état de mendicité. On nous parle de 50 millions d’euros pour raisons humanitaires : même pas pour les opérations militaires ! Vous devez obtenir cela, ou sinon boycotter cette réunion du mois de décembre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

La vérité aussi force à dire que si la partie strictement militaire prendra le temps qu’il faudra, selon l’heureux euphémisme du Président – nous avons compris que nous avons une perspective de six à douze mois –, la reconstruction sera beaucoup plus longue.

M. Jacques Pélissard. Évidemment !

M. Jean-Louis Borloo. En réalité, nous sommes là depuis longtemps et pour très longtemps. Car il faut reconstruire – et comme nous sommes en première ligne, ce sera à nous de le faire, c’est ainsi – un État, une administration et une armée.

Monsieur le Premier ministre, vous savez très bien que parler d’élections fin 2014, ce n’est pas crédible, parce que ni les forces politiques, ni les fichiers électoraux, ni même un recensement n’existent.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Au Mali, c’était pareil !

M. Jean-Louis Borloo. Savez-vous, monsieur le Premier ministre, quel est le premier problème de ce pays, l’unique problème, ce qui constitue une particularité mondiale ? La République centrafricaine est le pays qui a le moins accès à la lumière : au-delà d’un taux d’accès à l’énergie de 3 %, ce sont 16 000 personnes qui sont abonnées à l’électricité pour quatre millions d’habitants. Sans lumière, il n’y a pas de redressement économique possible.

M. Jacques Myard. Les socialistes, c’est les soviets plus l’électricité !

M. Jean-Louis Borloo. Oui, monsieur le Premier ministre, l’Europe et l’Afrique, cette Afrique du Nord de la Mauritanie jusqu’au Sahel, c’est notre grand sujet. L’Europe – l’Europe avec l’Afrique et non la Chinafrique – doit y apporter sa capacité de développement.

Avant le vote qui interviendra dans quatre mois – puisqu’il n’y aura pas de vote cette fois, conformément à une Constitution qui a toutefois amélioré les choses –, nous vous demandons de nous présenter le plan de développement de l’Afrique, le plan de développement de la Centrafrique, au niveau énergétique, au niveau vivrier, au niveau agricole, au niveau éducatif.

Sans cela, la France passera son temps à aller en permanence éteindre des incendies que la solidarité internationale n’aura pas pu prévenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames les présidentes des commissions, mes chers collègues, avant toutes choses je souhaite à mon tour exprimer, en mon nom et en celui du groupe écologiste, une profonde solidarité à l’égard des familles des soldats Vokaer et Le Quinio, tués hier soir près de l’aéroport de Bangui alors qu’ils effectuaient une patrouille de nuit.

Jeudi 4 décembre, au terme d’une semaine de violences opposant rebelles de la Séléka et milices anti-balaka, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé d’autoriser le recours à la force en République centrafricaine. Il l’a décidé à l’unanimité, au titre du chapitre VII de sa charte.

Depuis plusieurs mois, responsables politiques et observateurs avaient alerté sur les risques d’une dérive du conflit inter-religieux en Centrafrique et mis en garde contre la menace d’un génocide ethnique. La crise qui sévit en Centrafrique est en réalité beaucoup plus complexe que cela. Elle résulte de causes multiples et ne saurait se résoudre à une analyse monolithique.

N’ayons pas peur de le dire, la France a une responsabilité liée à l’histoire coloniale dans la faillite de l’État centrafricain. C’est notamment parce qu’elle a eu recours à des sociétés concessionnaires privées durant la colonisation que l’État centrafricain s’est trouvé dépourvu des moyens budgétaires et institutionnels nécessaires à l’exercice de sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, à partir de l’indépendance.

Cette configuration a engendré une fracture entre la capitale, où s’exerçait le contrôle de l’État et l’exploitation organisée des richesses, et le reste du pays, marginalisé et livré à lui-même.

C’est cet éclatement de l’État centrafricain qui a constitué le terreau propice a l’émergence de groupes armés, d’abords dans les régions de l’est, puis sur l’ensemble du pays lorsque ces groupes se sont structurés en rébellion.

Initialement motivée par des ambitions économiques, la violence s’est progressivement propagée sur les terrains politiques et identitaires. Aujourd’hui, le risque d’une dérive confessionnelle mettant aux prises plus de quatre-vingt-dix groupes ethniques est réel et menace la stabilité de la région tout entière.

Dans ce contexte, la France a pris le parti d’intervenir militairement pour endiguer une dynamique de catastrophe humanitaire. Elle le fait dans le cadre strict de la légalité internationale. Elle le fait avec le concours des organisations panafricaines. Elle le fait, enfin, à la demande des partenaires africains et de ce qu’il reste d’État en Centrafrique.

Dans la mesure où l’opération Sangaris répond à une situation d’urgence sanitaire et s’inscrit dans un cadre multilatéral adapté, le groupe écologiste la soutient. Pour autant, cette adhésion ne saurait nous conduire à faire l’économie d’une réflexion sur les objectifs de cette intervention, et plus globalement sur le sens que nous souhaitons donner à la politique étrangère de la France sur le continent africain.

La finalité première de cette intervention est de « sauver des vies », comme l’a indiqué le Président de la République dans son allocution du 6 décembre dernier. En intervenant militairement, la France doit mettre fin aux exactions et offrir une aide humanitaire aux 500 000 réfugiés recensés dans l’ensemble du pays. À cet égard, il est essentiel de préciser que la reprise de l’aide française, suspendue depuis le coup d’État de mars 2013, doit satisfaire aux critères de bonne gestion et de transparence. Nous faisons toute confiance au Gouvernement et au ministre délégué chargé du développement pour restaurer cette coopération avec efficacité.

Pour permettre aux acteurs locaux et internationaux de remplir pleinement leur mission d’assistance, les forces françaises devront assurer la sécurité du territoire. À cette fin, le désarmement de la rébellion et des milices d’autodéfense a été érigé en priorité. Mais plusieurs interrogations demeurent. Comment identifier les anciens combattants, désormais cachés dans la population ? Comment éviter un climat de délation qui enracinerait les tensions ethnico-religieuses pour longtemps ? Comment parvenir à démilitariser 20 000 hommes en quelques mois ? Et à qui confier la responsabilité du traitement judiciaire des belligérants qui pourraient être faits prisonniers ? De toute évidence, la sécurisation du pays ne peut être traitée indépendamment du processus de transition politique.

J’en arrive ainsi au troisième objectif de l’intervention française : l’organisation d’un processus électoral, seul mécanisme pouvant redonner à l’État centrafricain une figure et une légitimité. Dans ce cas encore, la question de l’encadrement de la transition politique doit être clarifiée. La France a vocation à construire la paix, non l’État qui en résultera. Un point d’équilibre doit impérativement être trouvé pour qu’à l’assistance militaire et humanitaire ne succède pas l’ingérence. La question se pose donc de savoir quels acteurs locaux et régionaux seront associés à l’élaboration d’une feuille de route pour la transition politique et qui en assurera le respect.

Par ailleurs, il est clair que la tenue d’élections ne suffira pas à ramener le calme et la stabilité dans l’ensemble du pays. Les agences internationales n’ont pas attendu mars 2013 pour mener des initiatives de consolidation de la paix et nombre d’entre elles ont été infructueuses, à l’instar du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion lancé par l’ONU en 2009. La France aujourd’hui, la communauté internationale demain, doivent prendre acte du fait que l’objectif d’un État centralisé et démocratique n’est pas partagé par l’ensemble des acteurs locaux.

Dans certaines régions, des économies parallèles se sont créées, outrepassant parfois la logique des frontières territoriales et générant des richesses et des intérêts. Une sortie de crise ne s’obtiendra qu’au prix d’une réponse globale comprenant certes des élections, mais également une structure étatique sur l’ensemble du territoire, un meilleur contrôle des frontières et, surtout, des mécanismes de paix et de réconciliations permettant de reconstruire un tissu social éclaté.

Enfin, mes chers collègues, l’opération Sangaris appelle de notre part une réflexion plus générale sur la trajectoire et le sens que nous entendons donner à notre politique extérieure sur le continent africain. Le sommet de l’Élysée qui s’est tenu la semaine dernière, dans le sillage des opérations malienne et centrafricaine, est justement venu rappeler la nécessité de soutenir ce que l’on appelle l’ « africanisation de la sécurité » en Afrique.

L’objectif de ce processus, à terme, est de mettre en place des forces de réaction rapides capables d’intervenir sur n’importe quel théâtre africain sous l’autorité des agences régionales que sont l’Union africaine et la communauté économique des États de l’Afrique centrale. La France devra soutenir ce projet en participant aux programmes de formation et d’entraînement, à l’image de ce qu’elle fait aujourd’hui en Ouganda et à Djibouti, par exemple.

Mais, encore une fois, des initiatives ont déjà été menées dans ce sens, notamment, le programme RECAMP lancé en 1997 destiné à renforcer les capacités africaines de maintien de la paix. Leurs résultats se font toujours attendre.

A cet égard, je soulignerai simplement que le sommet de l’Élysée a fixé comme objectif de créer en Afrique ce que la France n’est jamais parvenue à impulser en Europe, à savoir une défense à l’échelle du continent. Pour sa part, le groupe écologiste l’appelle toujours de ses voeux.

Puisque nous parlons d’Europe, la lucidité commande de constater que la crise centrafricaine confirme combien la France est bien seule lorsqu’il faut agir. La séquence qui a précédé le vote de la résolution de l’ONU a illustré, une fois de plus, des comportements que je qualifierais d’individualistes de la part de certains partenaires. Il est temps de placer les puissances face à leurs responsabilités. Le non-interventionnisme allemand, par exemple, qui a été érigé en concept au lendemain de la deuxième guerre mondiale, est depuis longtemps dépassé.

L’argument de l’absence de liens historiques ne peut plus conditionner la solidarité internationale, bien au contraire. Notre diplomatie devra s’atteler à défendre le principe d’une plus grande implication sécuritaire de nos partenaires européens sur la scène africaine. La question de l’effort financier ou, a contrario, de l’égoïsme financier, se pose également en Europe.

Cette implication européenne doit s’inscrire dans le cadre d’un engagement des pays de l’Union européenne dans la construction progressive d’un ordre international fondé sur le droit et la défense des valeurs universelles. Il ne sert à rien de prétendre, comme M. Jacob vient de le faire au nom du groupe UMP, que nous agissons au nom d’intérêts sécuritaires ou économiques propres à la France en République centrafricaine, sauf à retomber dans le schéma que l’on a appelé « la Françafrique ».

Si tant est que la page soit clairement et définitivement tournée, il ne faut rien faire qui puisse donner prétexte, en Europe comme en Afrique et donc à l’ONU, à l’expression des égoïsmes des intérêts nationaux. Le chemin pour en sortir est long et ardu mais si l’on ne regarde que les intérêts économiques, autant acter dès aujourd’hui ce que l’on devrait appeler « la Chinafrique ».

En définitive, c’est animés par l’esprit de responsabilité que nous soutenons cette intervention militaire et c’est avec le même esprit de responsabilité que nous appelons de nos vœux une sortie de crise politique concertée et accompagnée dans la durée ainsi qu’à une redéfinition de ce que l’on appelle la politique africaine de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, Monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, à mon tour je veux rendre hommage à nos soldats qui assurent des missions dangereuses en Afrique et je présente mes condoléances aux familles des deux militaires du 8RPIMa de Castres tués cette nuit à Bangui, qui ont sacrifié leur vie au service de notre pays. Nous ressentons tous de l’émotion et de la tristesse et nous voulons, autant que possible, partager le deuil des familles.

Chers collègues, nous savons que nos soldats sont en République centrafricaine pour une noble cause : protéger des enfants, des femmes, des hommes terrifiés, massacrés par des bandits, éviter la propagation d’affrontements religieux et le risque de voir des groupes terroristes prospérer. Fallait-il continuer à laisser des enfants se faire enlever, des femmes se faire violer, des hommes être violentés, des villages entiers massacrés, une population entière terrorisée ? À cela, la France dit « non », et c’est tout à son honneur.

Cette cause est noble, mais elle est également légitime. Le Premier ministre a largement expliqué que cette opération militaire, nécessaire et urgente, est réalisée à la demande des Africains et approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution 2127 adoptée à l’unanimité jeudi dernier dote la force de l’Union africaine, la MISCA, créée en juin 2013, d’un mandat sous Chapitre VII. Cette force, dont le déploiement est autorisé pour douze mois, a pour objectif d’apporter la sécurité, de rétablir la stabilité et de protéger la population.

La résolution autorise par ailleurs nos forces armées à prendre toutes les mesures nécessaires pour appuyer l’opération africaine. L’objectif final est donc clair : l’organisation d’élections libres et le retour à une situation politique normale.

J’entends, ici et là, que notre pays serait une fois de plus abandonné par ses partenaires. Quelle est la réalité ? Le sommet informel sur la Centrafrique organisé par le Président de la République à l’Élysée, le 7 décembre, a montré le soutien de la totalité de la communauté internationale…

M. Bernard Deflesselles. Paroles !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …à l’intervention française et a salué l’adoption de la résolution 2127.

M. Bernard Deflesselles. Paroles, paroles !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. L’Union africaine met en place la MISCA – et cela, ce ne sont pas que des paroles –, laquelle se déploie sur le terrain. L’armée américaine va offrir aux forces africaines un soutien en matière de transports de troupes – cela aussi, c’est concret – dont nous savons combien ils sont décisifs. De surcroît, ce sont eux qui coûtent le plus cher.

Comme cela a été le cas au Mali, l’Europe est présente. En 2013, l’Union européenne a plus que doublé son aide humanitaire à hauteur de 20 millions. Jeudi dernier elle a également accepté de contribuer au financement de la MISCA à hauteur de 50 millions. L’Union européenne a confirmé son soutien politique et financier à l’opération française. Le Royaume-Uni apporte une aide logistique pour le transport de troupes – et je répète combien cela est décisif. D’autres États membres de l’Union européenne se sont engagés à concourir à l’opération – je pense, en particulier, à la Belgique. La France, soutenue par le Conseil de sécurité, par l’Union africaine, par l’Union européenne, n’est donc pas seule.

Toutefois, c’est un fait indéniable, notre pays est, comme au Mali, le seul État européen à combattre sur le terrain.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. La France est d’ailleurs l’un des derniers États en Europe – si ce n’est le dernier – à détenir encore les capacités militaires permettant un engagement conséquent et en urgence sur un théâtre extérieur.

Se pose évidemment la question du partage du fardeau financier de telles opérations militaires. Car la France, quand elle intervient au Mali ou en Centrafrique, protège aussi la sécurité des Européens.

Je salue donc la volonté du Président de la République d’évoquer la question d’une plus grande mutualisation des coûts lors du prochain Conseil européen consacré à la relance de l’Europe de la défense.

Monsieur le Premier ministre, dans un rapport d’information sur l’Europe de la défense que j’ai présenté la semaine dernière à la commission des Affaires étrangères, j’ai fait deux propositions : que soit examinée la création d’un fonds permettant de financer les interventions militaires soutenues par l’Europe ; que l’Union européenne qui, depuis 2007, dispose de groupements tactiques opérationnels créés pour participer à des opérations militaires extérieures, les utilise enfin.

Ces groupes militaires, qui n’ont donc jamais été utilisés, auraient pu être très utiles pour soutenir, en amont, l’action de l’ONU en Centrafrique. Ils auraient pu être utilisés en attendant que la situation soit suffisamment stabilisée pour permettre le déploiement d’une opération de maintien de la paix. D’ailleurs, je sais que l’éventuel déploiement d’un groupement tactique a été évoqué dans le cadre de la crise en République centrafricaine.

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu’il y aurait là deux pistes essentielles pour l’avenir de l’Europe de la défense qui, je l’espère, à l’initiative de notre pays, avancera lors du Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Personne n’y croit !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chère Élisabeth, présidente de la commission des Affaires étrangères, mes chers collègues, alors que deux de nos soldats sont morts, ceux de Castres – à nouveau, dirais-je –, le temps n’est pas à la polémique, mais à la responsabilité et au soutien unanime à nos forces présentes en RCA et en pré-positionnement.

Alors que Mandela nous a laissé un témoignage de paix et de réconciliation, l’Afrique est encore victime du terrorisme – après l’épisode malien – mais aussi du pillage et de la corruption. Comme elle l’a fait au Mali, la France a su convaincre le Conseil de sécurité de l’ONU parce que nos militaires, nos forces armées, avec le courage et le professionalisme qui les caractérisent, sont admirés par nombre de pays amis qui, aujourd’hui, nous font confiance quant au respect de nos engagements, que je tiens d’ailleurs à rappeler.

Le Président de la République a donné trois missions à nos forces armées : instaurer un minimum de sécurité tout en préparant le désarmement ; rendre possible l’acheminement de l’aide humanitaire ; permettre à la mission africaine d’intervenir et de mettre en place un processus démocratique.

N’en déplaise à certains esprits chagrins, l’armée française est la première armée d’Europe par le nombre de ses soldats et par son budget – la loi de programmation militaire est discutée cet après-midi au Sénat en deuxième lecture – et elle le restera grâce aux engagements qui ont été pris pour les quinze prochaines années.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Pourquoi la France intervient-elle ? D’abord, rappelons-le, nous avons un Livre blanc – seule la Grande-Bretagne en possède également un, qui est d’ailleurs en train de le revoir. L’Afrique y est explicitement considérée comme une zone d’intérêt prioritaire pour notre pays. Mais, dans le fond, bien d’autres pays européens pourraient dire la même chose car, en fait, l’Afrique est un continent stratégique pour l’Europe entière en raison même de sa géographie. Cet intérêt stratégique, combiné à l’ampleur des dangers que court la Centrafrique, doit nous inciter à prendre nos responsabilités, en soutien des États africains. Or, ne nous leurrons pas : seule la France est prête à intervenir…

M. Jean-Paul Bacquet. Capable d’intervenir !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. …car, malheureusement, et on peut en effet le regretter, beaucoup d’autres pays européens considèrent que c’est à elle de le faire et ne seront présents à nos côtés que parce que nous aurons décidé d’intervenir. Nous devons aujourd’hui assumer cette responsabilité mais nous devons aussi, comme nombre d’entre nous l’ont dit, travailler à faire progresser une politique européenne en matière de défense, idée, je le rappelle, que la précédente majorité avait plutôt abandonnée au profit d’accords bilatéraux.

Assiste-t-on au retour de la « Françafrique » ? Sans doute certains commentateurs évoquent-ils la pérennité d’une forme d’immixtion française en Afrique par goût de la formule. Or, tel n’est pas le cas. Personne ne peut dire que la France soutient l’une ou l’autre des parties en présence, personne ne pourrait décrire les intérêts économiques que notre pays aurait à défendre sur place car ils n’existent pas. En revanche, on doit affirmer que des massacres de populations civiles en Afrique sont aujourd’hui aussi insupportables qu’ils l’étaient hier dans les Balkans.

Le refus de l’ingérence n’est jamais un blanc-seing donné aux fauteurs de guerre civile. Doit-il en être autrement lorsque les victimes sont africaines ? Non, évidemment non. L’intervention française n’est pas une ingérence. C’est une décision qui procède d’une vision stratégique que nombre de nos voisins ont abdiquée, laissant à d’autres le soin d’y penser et d’en décider pour eux. En France, nous nous refusons à endosser ce prêt-à-porter stratégique et affirmons avec force que, par leur capacité autonome d’anticipation, les autres pays européens doivent définir leur capacité d’analyse pour intervenir.

Risque-t-on l’enlisement ? Les massacres de ces derniers jours ne doivent pas occulter une fragilité ancienne de la République centrafricaine. N’oublions pas qu’environ 450 militaires français y sont présents depuis un certain nombre d’années à travers l’opération Boali. Personne ne peut espérer régler tous les problèmes en quelques semaines. Il y aurait toutefois un paradoxe à considérer qu’à défaut de pouvoir tout régler, il faut ne rien faire. Le soutien de notre pays à la MISCA s’inscrit dans la première étape d’un processus. Cette étape, c’est la fin des massacres et la tenue d’élections l’année prochaine.

L’intervention française demeurera donc limitée en ampleur et dans le temps, comme l’intervention au Mali. La France contribuera ainsi à créer les conditions d’un avenir meilleur pour ce pays. La suite appartient à la communauté internationale, et en premier lieu aux Centrafricains.

J’informe enfin le Parlement que je serai la semaine prochaine au Tchad avec deux collègues de la commission de la défense, Christophe Guilloteau et Jacques Moignard. Nous apporterons aux militaires français prépositionnés le soutien de l’ensemble de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens à remercier les orateurs des différents groupes, qui ont tous exprimé leur haute conscience de la gravité de la situation en Centrafrique. L’engrenage qui a eu lieu ces derniers jours, non seulement ne pouvait nous laisser indifférents, mais obligeait la France, en vertu de ses engagements et des valeurs qui sont les siennes, à agir.

La France a donc pris ses responsabilités. Conformément à la Constitution, le Président de la République, après avoir réuni le Conseil de défense, a engagé nos forces. Le Parlement est informé et le sera tout au long du processus. D’ailleurs, si cette intervention devait se prolonger au-delà de quatre mois, l’Assemblée nationale serait à nouveau appelée à se prononcer, comme le prévoit la Constitution. D’ici là, puisque plusieurs orateurs en ont exprimé le souhait à juste titre, je répète ce que j’ai déjà dit ce matin lors de la réunion à Matignon : autant que de besoin, autant que vous le souhaiterez – et je m’adresse en particulier à Mmes les présidentes des commissions – les ministres sont à votre disposition pour répondre à toutes les questions qui se posent.

Certaines ont déjà été posées aujourd’hui, auxquelles je voudrais essayer de répondre précisément. Le président Jacob, qui m’a fait savoir qu’il ne pourrait rester parce qu’il avait un autre engagement, ce que je comprends fort bien, m’a reproché, au sujet du financement de cette opération, d’avoir fait allusion à la loi de programmation militaire. Mais je l’ai fait volontairement ! Lui-même l’a critiquée dans son intervention, et je n’ai fait qu’anticiper son propos. Je conteste en tout cas ses affirmations.

Le volume total de nos forces engagées en OPEX en 2014, même en y ajoutant l’opération Sangaris, sera très inférieur à celui constaté en 2013, où il a atteint près de 10 000 hommes. Et ce n’est pas parce que nous n’aurions plus les moyens de nous projeter à l’extérieur, mais en raison d’ajustements de notre présence à l’étranger, permis par l’évolution de la situation, notamment la décision qui a été prise de se désengager d’Afghanistan et du Kosovo et le retour à un effectif de l’ordre d’un millier de soldats au Mali, une fois passé le deuxième tour des élections. Tout cela compte évidemment dans le bilan général.

La prise en charge du coût des OPEX est prévue au budget de l’État, via la prévision spécifique au budget de la défense et la clause de garantie figurant, je le répète, dans le projet de loi de programmation militaire. Le financement de l’opération Sangaris est donc assuré.

D’une manière générale, et Mme la présidente de la commission de la défense a eu raison de le redire, la France conservera à l’avenir ses capacités de projection, dans le cadre défini par le Livre blanc et la loi de programmation militaire, avec un format parfaitement adapté à la conduite simultanée d’opérations telles que celles engagées au Mali et en République Centrafricaine, et avec un équipement renouvelé.

Nous devons nous féliciter, même si cela représente un effort, que la France soit l’un des rares pays, en tout cas le seul en Europe, avec peut-être la Grande-Bretagne, à s’engager et à avoir un tel niveau d’engagement.

Souvent, la droite dit que nous ne faisons pas assez pour la défense…

M. Bernard Deflesselles. En effet !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais elle nous dit aussi que nous devrions faire des économies.

M. Bernard Deflesselles. Pas sur la défense !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons choisi un projet de défense cohérent pour défendre les intérêts et la sécurité des Français et intervenir uniquement lorsque c’est nécessaire, exclusivement dans le cadre du droit international : c’est ce que nous faisons.

M. Guy Geoffroy. Et la Syrie ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. À propos de la Syrie, est-ce que nous avons décidé d’intervenir unilatéralement ? La question s’est-elle posée ?

Face à la situation dramatique de ce pays, la France a lancé l’alerte, et elle a eu raison de le faire, car ses prises de position politique ont fait bouger la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Jentends dire que la France n’aurait pas de diplomatie offensive et utile. Je vous demande seulement, mesdames et messieurs les députés, d’observer avec un peu d’objectivité les résultats de cette politique et de cette diplomatie ! (Mêmes mouvements.)

S’agissant maintenant du format et de la durée de l’opération Sangaris, le volume de 1 600 hommes actuellement déployés sur le terrain correspond aux besoins que nous estimons nécessaires pour atteindre les objectifs que j’ai rappelés, et qui sont conformes au mandat de la résolution n2127 du Conseil de sécurité. Je les rappelle une nouvelle fois pour que tout soit très clair, puisque la question m’a été posée par certains orateurs, qui n’avaient visiblement pas assimilé tout ce que je leur ai dit, aussi bien ce matin que cet après-midi, au cours de mon intervention.

Il s’agit d’abord de rétablir la sécurité en République centrafricaine et de permettre la montée en puissance rapide et le plein déploiement opérationnel de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine. À ceux qui craignent que la France ne reste longtemps sur le terrain, je rappelle que notre objectif est bien que la MISCA se substitue à l’intervention française. Elle est déjà là, mais il faut la former davantage et lui donner davantage de moyens logistiques, car c’est à elle qu’il revient d’assurer, dans la durée, le contrôle de la situation sécuritaire et le désarmement des milices.

Il importe, enfin, de faciliter la transition politique. À cet égard, j’ai été surpris par vos propos, monsieur le président Borloo. Vous aviez tenu les mêmes au moment de l’intervention au Mali. Je m’en souviens, car j’avais déjà été surpris à l’époque : vous doutiez de la cohérence des engagements de la France.

M. Philippe Folliot. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Sans les remettre en cause sur le fond, vous doutiez de la capacité de la France à les respecter dans la durée. Ces engagements, je les rappelle : il s’agissait d’arrêter la menace terroriste, de redonner au Mali sa pleine souveraineté, et d’engager un processus militaire permettant le remplacement des forces françaises par les forces maliennes, la force internationale, puis la force multinationale dans le cadre de l’ONU. C’est bien ce qui s’est passé sur le plan militaire !

Par ailleurs, nous nous sommes engagés à ce que les élections présidentielles, puis législatives, aient lieu dans le meilleur des délais. À l’époque, vous aviez dit que c’était impossible, parce qu’il n’y avait pas de listes électorales.

M. Jean-Louis Borloo. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Folliot. Vous avez des problèmes de mémoire, monsieur le Premier ministre !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il n’y a pas plus de listes électorales en République centrafricaine, mais les fonctionnaires des Nations unies sont déjà sur place, afin de les établir sans perdre de temps. Au Mali, on nous avait dit que ce ne serait pas possible, or les élections présidentielles ont eu lieu à la date prévue et les élections législatives aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Folliot. Vous racontez n’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous êtes tout à fait dans votre droit de parlementaire lorsque vous me posez cette question, mais je tiens à vous rassurer, car notre détermination est totale. À tous les orateurs qui ont posé des questions similaires sur la nécessité d’une solution politique, je rappellerai qu’au sommet de l’Élysée, où tous les pays africains étaient représentés, les chefs d’État qui étaient présents ont tous demandé que la voie politique soit privilégiée pour rétablir la situation en République centrafricaine, et que le processus électoral, qui est prévu au plus tard pour février 2015, soit avancé. Tel est le souhait des chefs d’État africains. Nous partageons ce souhait et la France veut respecter cet engagement.

Je répète, une fois encore, que la France n’est pas seule. La MISCA regroupe des militaires du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la République démocratique du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Tchad.

M. Philippe Folliot. Nous connaissons tous la faiblesse de ces forces !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dans les prochains jours, le Burundi et le Rwanda viendront la renforcer, et l’Union africaine a décidé de poursuivre ce renforcement jusqu’à 6 000 hommes. Pour la suite, la résolution n2127 prévoit une opération de maintien de la paix des Nations unies, qui pourra succéder à la MISCA, en vertu d’une prochaine résolution. Il est important de le rappeler.

Que font nos partenaires européens ?

M. Philippe Folliot. Rien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ils sont déjà intervenus, à commencer par les Britanniques – comme c’est souvent le cas – sur le plan logistique…

M. François Rochebloine. Comment ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais aussi par un soutien financier à la MISCA. Même l’Allemagne envisage, bien que sa Constitution limite ses capacités d’intervention, d’y prendre sa part. L’idéal, pour vous, serait que des soldats appartenant à une force armée internationale, ou en tout cas européenne, soient déjà déployés sur le terrain.

Vous aviez fait la même remarque au moment de l’intervention au Mali et je vous avais déjà répondu. Le danger étant imminent, si nous avions attendu qu’une telle force soit constituée, alors que cette absence d’organisation militaire européenne est justement l’une des difficultés auxquelles nous devons faire face, il aurait été trop tard.

Au moment de l’intervention au Mali, pour des raisons différentes, et aujourd’hui pour arrêter la catastrophe humanitaire, la France a pris ses responsabilités. Je vous l’ai dit d’emblée : l’inaction n’est pas une option pour les autorités françaises. Nous avons pris nos responsabilités pour désarmer et cantonner les milices, rétablir la paix civile dans ce pays, reconstituer une administration, préparer la transition électorale, remettre des institutions en place et assurer le développement de ce pays, qui est effectivement l’un des plus pauvres du monde.

La France prendra donc ses responsabilités, mais elle ne le fera pas seule, puisqu’un engagement européen a été pris en vue de développer ce pays. C’est indispensable, car il n’y aura pas de paix civile dans la durée, pas de respect des institutions et de l’État, si ce pays n’a pas de perspectives de développement pour son peuple, et en particulier pour sa jeunesse. Oui, nous prenons aussi cet engagement !

Mais ce que nous devons faire dans l’urgence, c’est permettre aux organisations non gouvernementales humanitaires d’intervenir à nouveau sur le territoire de ce pays. Aujourd’hui, en effet, les ONG ne peuvent pas intervenir, car tous les professionnels et les bénévoles qui les composent n’ont pas de moyens et se retrouvent dans des situations tellement dangereuses qu’on laisse à l’abandon des populations entières, des enfants, des familles, des vieillards, qui sont victimes des violences.

Rétablir la sécurité et démanteler les milices, c’est la première des priorités. Et si la France est engagée, ce n’est pas pour défendre ses intérêts, comme je l’ai entendu tout à l’heure, quand M. Jacob me pressait de le reconnaître. C’est d’abord pour défendre nos valeurs que nous intervenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP.) En ce soixante-cinquième anniversaire, jour pour jour, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui a été adoptée le 10 décembre 1948, la France est fidèle à ses propres valeurs et aux valeurs universelles. C’est ce qui l’a conduite à s’engager. (Mêmes mouvements.)

Quant à la transition politique, j’ai dit tout à l’heure qu’elle serait respectée.

J’ai déjà évoqué l’action européenne sur le développement…

M. Philippe Folliot. Et sur le financement ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …qui viendra compléter l’intervention de la France.

Je dirai un mot, pour finir, sur l’Europe de la défense. Sur le financement d’abord, l’Europe et les Européens ont déjà apporté un appui logistique au déploiement des troupes françaises et africaines et contribué à la formation, comme ce fut le cas au Mali, où ils formèrent d’abord trois, puis finalement huit bataillons, soit 6 000 hommes au total. Ce fut l’intervention de l’Europe, et on l’a oublié ! Par ailleurs, sont en train de s’organiser des opérations héliportées impliquant des hommes des Pays-Bas, tandis que d’autres pays, comme la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Allemagne vont s’engager, cette dernière sur le plan logistique.

Mais il est vrai que la question d’une politique de défense en Europe est plus que jamais posée. La France ne demande pas que l’on prenne ses responsabilités à sa place, mais qu’il y ait au moins une stratégie, une vision et une organisation globales. Nous devrions avancer ensemble de manière mutualisée, en matière de transport aérien, de ravitaillement en vol, de financement des drones. Il est vrai que ces questions doivent être posées, et si des avancées ont certes eu lieu, elles sont très loin d’être suffisantes.

Ce sera l’objet du prochain Conseil européen, à la fin du mois, auquel participera le Président de la République, et qui sera consacré à l’Europe de la défense. La France y défendra ses options. Elle continuera à proclamer son indépendance et sa volonté d’autonomie de décision, mais elle fera valoir ce que l’Europe peut faire en commun sur le plan de la défense et sur le plan politique et diplomatique. Il y va de la cohérence et de la crédibilité de l’Europe. Cette question est posée, plus que jamais, et la France sera en première ligne pour la faire avancer.

Mesdames et messieurs les députés, j’aurai à vous rendre compte du rythme d’avancement de ce projet, mais sachez que nous sommes totalement déterminés. En tout cas, pour l’heure, je voudrais à nouveau réaffirmer ma solidarité avec nos hommes sur le terrain, qui mènent un combat très difficile.

Monsieur Chassaigne, j’ai été surpris des propos que vous avez tenus il y a un instant, et je n’ai pas bien compris ce que vous vouliez dire.

Vous avez décrit une situation catastrophique sur le plan humanitaire, je partage ce constat. Mais que préconisez-vous ? De ne rien faire ? Simplement témoigner, proclamer ?

Par solidarité avec nos hommes, nous avons décidé de les soutenir. La France est à leur côté pour leur dire que c’est une noble mission qu’ils mènent, au péril de leur vie. Nous sommes fiers de ce qu’ils font. Ils le font pour défendre des valeurs, pour faire reculer la violence, pour faire reculer la misère, pour redonner une chance au peuple de la République Centrafricaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Merci monsieur le Premier ministre. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Le Gouvernement a informé le Président que l’examen du projet de loi sur les métropoles commencera dès ce soir et se poursuivra mercredi et jeudi.

La discussion du projet sur la consommation, que nous reprenons cet après-midi, se poursuivra lundi 16 décembre après l’examen de la proposition de loi relative à l’Établissement national des produits agricoles.

Les propositions de loi relatives à la loi sur la presse et aux conventions conclues par les organismes d’assurance complémentaire sont retirées de l’ordre du jour de ce même lundi 16 décembre.

Enfin, la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 débutera jeudi 12 décembre, à l’issue de l’examen du projet sur les métropoles, et se poursuivra, comme prévu, vendredi 13.

4

Projet de loi de finances rectificative pour 2013

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013 (nos 1547, 1590).

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai finalement rien à ajouter ou presque à ce que j’ai dit au nom de notre groupe lors du débat général, sauf à souligner quelques avancées de ce texte au cours de la discussion, à l’initiative de notre groupe et du rapporteur général.

Je veux parler ici des amendements adoptés relatifs à l’exit tax pour rendre ce dispositif à la fois plus efficace et plus juste, celui relatif à la prise en compte des crédits d’impôt pour le calcul de la réserve de participation qui sera favorable aux salariés, celui relatif au livret d’épargne populaire ou encore les avancées vers une taxe d’enlèvement des ordures ménagères plus incitative.

Plus généralement, nous avons maintenu et renforcé dans la discussion les mesures en faveur du financement de l’économie. Il en va ainsi de la réforme de l’assurance-vie, de l’amortissement exceptionnel des investissements dans les PME innovantes, du soutien des entreprises à l’export et du soutien à certains secteurs comme la construction navale et la filière bois, auxquels on peut ajouter des dispositions favorables à l’industrie des jeux vidéo ou la prolongation de l’exonération de CFE pour les auto-entrepreneurs.

S’agissant de la réforme de l’assurance-vie, ses grands équilibres, qui ont fait l’objet d’une concertation approfondie avec les acteurs du secteur – compagnies d’assurances et associations d’épargnants –, ont été respectés.

Les adaptations apportées, notamment l’abaissement du seuil de durcissement de la fiscalité des transmissions, ont pour seul objet d’éviter un avantage fiscal indu et un effet d’aubaine injustifié pour les titulaires de contrats entre 850 000 euros et 1,15 million d’euros avant l’abattement de 150 000 euros, et d’assurer ainsi la totale neutralité fiscale de la réforme pour les épargnants comme pour l’État.

Il s’agit là d’une étape importante, autant sur les principes que pour le financement de notre économie, puisque pour la première fois dans l’assurance-vie, les avantages fiscaux dont bénéficient les plus gros contrats seront corrélés à une meilleure allocation des actifs en faveur du financement de l’économie.

Pour le reste, notre Assemblée a adopté de nombreux amendements du Gouvernement, dont nombre ont été déposés tardivement en séance. La discipline que nous nous imposons de ne pas recourir à la multiplication des lois de finances rectificative peut l’expliquer mais en aucun cas le justifier. Il faudra en tirer les conséquences pour l’avenir car si nombre de ces amendements avaient une portée limitée, ce n’était pas le cas de tous. Bref, nous avons bien travaillé. Mais nous avons hélas travaillé seuls !

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est bien vrai !

M. Dominique Lefebvre. L’opposition aura marqué ce débat législatif – qu’elle a tant réclamé depuis le printemps dernier – par son absence, par son inconséquence et par ses mensonges récurrents. Mais les répéter à l’envie n’en font pas pour autant des vérités !

Son absence tout d’abord : au-delà des apparitions ponctuelles de tel ou telle ancien ministre du budget dans le débat général,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh, cela suffit !

M. Dominique Lefebvre. …c’est sans aucun député de l’opposition que s’est déroulé le débat vendredi toute la journée, à l’exception d’une de nos collègues. Heureusement que le président Le Fur était là pour annoncer que les amendements de l’UMP étaient défendus !

Quant à l’inconséquence de l’opposition, elle se trouve une fois encore dans l’addition des amendements qu’elle a défendus qui, pour l’essentiel, auraient eu pour effet d’augmenter la dépense publique, de diminuer les recettes et donc d’accroître le déficit public.

Cette attitude de duplicité et d’irresponsabilité de la droite est assez habituelle en matière de finances publiques. Nous la connaissons bien, hélas, et les Français en payent aujourd’hui le prix.

Manifestement, et l’interview du président de l’UMP de ce jour l’illustre, le retour à l’équilibre budgétaire n’est pas le souci de l’opposition : C’est le seul sujet que n’aborde pas Jean-François Copé qui, pour le reste, propose de baisser l’impôt sur le revenu et d’augmenter massivement la TVA, le tout dans des proportions incompatibles avec le redressement des finances publiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous augmentez les dépenses publiques !

M. Dominique Lefebvre. En fait, l’opposition n’a été présente dans l’hémicycle que pour entretenir ces fausses polémiques orchestrées depuis le printemps sur l’évolution de nos finances publiques et asséner des affirmations aussi fausses que péremptoires pour tromper les Français : dérapage des dépenses publiques, effondrement des recettes fiscales, dégradation du déficit.

M. Michel Issindou. Démagogie !

M. Dominique Lefebvre. La vérité des chiffres de ce projet de loi de finances rectificative, qualifiés par le Haut conseil des finances publiques de plausibles et qui seront confirmés en juin prochain par la loi de règlement, je n’en doute pas, c’est bien tout le contraire.

La dépense publique est maîtrisée et sera inférieure à l’autorisation de la loi de finances initiale. Il n’y a donc pas de dérapage des dépenses, et la progression des dépenses est inférieure des deux tiers à celle enregistrée en moyenne sous le précédent quinquennat.

Les recettes fiscales sont en progression de plus de 7 % par rapport à 2012, soit près de 20 milliards d’euros, même si elles sont inférieures à la prévision initiale pour des raisons principalement conjoncturelles. Il n’y a donc pas d’effondrement des recettes.

Le déficit public, quant à lui, se réduit de 15 milliards d’euros, soit 0,7 point de PIB, du fait d’un effort structurel historique jamais réalisé de 1,7 point de PIB. Il n’y a donc pas de dégradation du déficit de l’État. Bien au contraire, nous poursuivons notre trajectoire de redressement des finances publiques et c’est pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, que le groupe SRC votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tiens, lui non plus n’était pas là !

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voterons contre ce collectif budgétaire parce que le Gouvernement n’a pas répondu aux objections que nous avions soulevées au début de ce débat et à nombre de nos questions, ce qui, de fait, rend l’exercice pénible.

Monsieur le ministre du budget, vous n’avez pas davantage répondu que votre collègue Pierre Moscovici à la lecture rigoureuse que j’ai faite de l’avis de la Commission européenne du 15 novembre qui vous interpelle quant à la réalité des économies présentées par le Gouvernement. Il n’y a pas de réponse à Bruxelles, il n’y a pas de réponse à l’opposition, permettez qu’on vous le redise.            

Un collectif budgétaire comme celui-ci étant un regard sur l’exécution budgétaire, le mieux est encore de se référer à l’excellent travail de notre rapporteur général.

Il nous rappelle que les dépenses de 2012 mises à exécution en 2013 auront augmenté de 3 milliards d’euros, et que les recettes entre l’exécution de 2012 et celle de 2013 auront augmenté d’une vingtaine de milliards d’euros. Ce sont 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires payés par les Français.

M. Jean-François Lamour. Voilà !

M. Alain Chrétien. Ça, ils l’ont vu !

M. Hervé Mariton. À dire vrai, c’est moins que ce que vous aviez prévu, car le matraquage fiscal prévu en loi de finances initiale se situait à 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Cependant, le résultat de votre politique fiscale est que les impôts rentrent mal : sur ces 30 milliards d’euros, les Français auront, en quelque sorte, économisé d’eux-mêmes environ 11 milliards d’euros, un montant de moins-values fiscales que votre collectif budgétaire doit bien constater.

Le solde effectif se situe à 4,1 %, alors que vous l’aviez fixé à 3 % dans la loi pluriannuelle, puis à 3,7 % dans le programme de stabilité. Le Gouvernement doit rendre compte de cela ; pour notre part, notre rôle est de constater son échec et de rejeter ce collectif budgétaire. Observons d’ailleurs que l’évolution du solde structurel donne l’exacte mesure des efforts que vous faites ou que vous ne faites pas.

Ces observations valent d’autant plus que vous avez bénéficié cette année de circonstances favorables s’agissant aussi bien des pensions payées par l’État que de la charge de la dette : 2 milliards d’euros d’économies non prévues initialement au budget vous auront facilité l’exécution budgétaire.

D’ailleurs, au début de ce débat, j’avais fait une proposition à la fois technique et politique et à laquelle vous n’avez pas répondu. Lorsque la charge de la dette diminue en raison d’une évolution favorable des taux d’intérêt, je propose que la somme économisée soit consacrée à faire baisser le montant net de la dette et non pas à faciliter l’exécution budgétaire comme vous le faites en réalité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Belle proposition !

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, au point où nous en sommes, nous avons la certitude que les dépenses continuent d’augmenter.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parole d’expert !

M. Hervé Mariton. Les recettes sont, quant à elles, soumises à d’évidentes incertitudes : vous aviez voulu les faire exploser – plus de 30 milliards de recettes supplémentaires – mais les Français se sont rebellés.

Nous vous proposons d’inverser le cours des choses, de faire en sorte que les recettes soient davantage prévisibles à l’avenir. Qu’est-ce à dire ? Cela veut dire qu’il faut renoncer à la rétroactivité de la loi fiscale et faire une bonne réforme fiscale afin que les Français sachent où l’exécutif propose de les mener et dans quel sens la représentation nationale souhaite décider.

Une telle réforme fiscale, contrairement à celle que vous voulez initier, n’irait pas vers la progressivité de la CSG, vers la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG, c’est-à-dire vers l’écrasement des classes moyennes.

Comment inverser le cours des choses ? Il faut que les recettes soient plus prévisibles alors qu’elles vous échappent. Il faut aussi, pour le coup, que l’inflation des dépenses ne relève plus de la certitude : il s’agit de maîtriser leur évolution.

Nous sommes cohérents. L’orateur du groupe socialiste l’a manifestement remarqué el lisant notre programme, à raison. Mais tous ensemble, au groupe UMP, nous disons en effet que, dans notre pays, l’heure est à la fois à davantage d’économies sur les dépenses et à une diminution des recettes car il faut baisser l’impôt.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Hervé Mariton. Les gouvernements successifs ont-ils toujours été exemplaires sur ce terrain ? Non. Faudra-t-il faire mieux que vous demain ? Assurément oui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative sur lequel notre assemblée se prononce aujourd’hui livre un verdict implacable sur les résultats de la politique que vous menez depuis votre arrivée au pouvoir.

Depuis le vote de votre premier budget en décembre 2012, vous avanciez masqué en refusant de présenter un collectif. Pendant une année, vous avez en quelque sorte dissimulé la réalité budgétaire sur laquelle ce texte nous permet de faire aujourd’hui toute la lumière.

Que constatons-nous ? Que ce projet de loi de finances rectificative vient sanctionner les décisions que vous avez prises en 2012 et celles que vous n’avez pas prises en 2013. Voici donc venu la fin de l’excuse de l’héritage, que vous invoquez sans cesse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Philippe Vigier. Place à notre droit d’inventaire. Une seule question se pose : la France va-t-elle mieux qu’il y a dix-huit mois ?

M. Hervé Morin. Non !

M. Philippe Vigier. Non, car vous avez entraîné le pays dans une spirale dangereuse : l’augmentation massive des impôts mine la compétitivité et le pouvoir d’achat, détruit des emplois, amoindrit les rentrées fiscales et pèse sur l’effort de réduction des déficits publics.

Non, car votre bilan est accablant : 400 000 chômeurs supplémentaires ; une dette qui explose ; des objectifs de réduction de déficit public que vous n’arrivez pas à atteindre ; des dépenses qui augmentent ; le travail, l’effort et l’investissement qui sont découragés ; l’épargne qui est fragilisée ; un sentiment d’injustice et de désespérance qui n’a jamais été aussi fort.

La réalité vous rattrape, et je sais que, de ce point de vue, le réveil devrait être plus brutal pour Pierre Moscovici qui nous a dit ici que « tous les signaux sont au vert » que pour Bernard Cazeneuve qui s’est montré beaucoup plus réaliste.

M. Hervé Morin. C’est normal, il est Normand !

M. Philippe Vigier. Vous avez prétendu que vous réduisiez les dépenses du budget de l’État. C’est faux : elles ont augmenté de 2,4 milliards d’euros alors même que la charge de la dette a baissé de 1,3 milliard d’euros. Cherchez l’erreur.

Je veux également signaler le dérapage préoccupant de la charge des pensions qui sera supérieure de 1,8 milliard d’euros à celle constatée en 2012. Et vous venez d’évacuer lâchement la problématique du financement des pensions de retraite des fonctionnaires et des régimes spéciaux lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Vous commencez à payer le prix fort de ce manque de courage.

Monsieur le ministre, votre insistance à vanter vos résultats en matière de réduction des déficits publics m’incite à remettre les pendules à l’heure. En 2011, année dont nous sommes pleinement responsables, le déficit est passé de 7,1 à 5,2 points de PIB.

M. Marc Goua. Il faut dire qu’en partant de 7,1 !

M. Philippe Vigier. En 2013, dont vous êtes pleinement comptables, vous ne réduisez le déficit que de 4,8 à 4,1 %, soit 0,7 point, un effort près de trois fois moins important que celui que nous avions réalisé.

M. Patrick Lemasle. Sophisme !

M. Philippe Vigier. Je veux dire un mot du déficit structurel cher à Pierre-Alain Muet, qui s’y réfère d’autant plus volontiers depuis que l’engagement n9 du projet de François Hollande, qui prévoyait de réduire le déficit nominal à 3 % du PIB en 2013, a été définitivement enterré. Le déficit structurel atteindra même 2,6 %, loin de la prévision de 1,6 % que vous vous aviez vous-même fixées.

Si notre groupe tient à saluer des progrès encourageants, il partage pleinement les deux réserves du rapporteur général, l’excellent Christian Eckert. Dans son rapport, celui-ci écrit : « Le niveau du solde structurel ne sera probablement pas connu avec précision avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2015. » Il sous-entend que cela va augmenter un peu.

Plus loin, il écrit : « dans l’hypothèse où le rendement des mesures nouvelles serait inférieur à la prévision, il faudrait alors […] revoir à la hausse le déficit structurel de 2013. » Je vous cite, mon cher collègue.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas faux.

M. Philippe Vigier. Concernant la pression fiscale, le constat est simple : la dernière fois que les prélèvements obligatoires ont été aussi élevés, c’était en 1999, Dominique Strauss-Kahn était ministre de l’économie. Pierre Moscovici vient donc de battre le record que la gauche détenait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Un signal fort devrait vous alerter : les recettes fiscales sont inférieures de près de 11 milliards d’euros à vos prévisions. Trop d’impôt tue l’impôt.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh, comme c’est beau !

M. Philippe Vigier. Le Haut conseil des finances publiques, par la voix de l’excellent Didier Migaud, a d’ores et déjà annoncé, comme vous le savez, monsieur le rapporteur général, qu’en l’absence de réaction du Gouvernement, le mécanisme de correction prévu par le traité européen sera déclenché en mai 2014, ce qui vous obligera à un nouveau tour de vis fiscal après les élections municipales.

J’en viens enfin à la réforme fiscale que vous avez annoncée : oui, oui, oui, trois fois oui, elle est indispensable pour éviter cette nouvelle purge.

Au groupe UDI, nous avons posé les conditions pour que ce débat puisse avoir lieu sereinement : une méthode, un calendrier, une baisse massive de la dépense publique, une vraie pause fiscale et une annulation de la hausse du taux de TVA intermédiaire prévue au 1er janvier.

M. Hervé Morin. Vigier aux finances !

M. Marc Goua. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Philippe Vigier. Si ce débat n’a vocation qu’à donner des gages à l’aile gauche du parti socialiste et à Europe Écologie Les Verts pour éviter que la majorité présidentielle n’explose, le grand soir fiscal risque de se transformer rapidement en « nuit des longs couteaux ».

Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé, monsieur le député.

M. Philippe Vigier. En attendant – et cela ne vous étonnera pas, monsieur le ministre – nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative qui nous enferme encore un peu plus dans la logique inverse et dans la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce collectif budgétaire se veut le prolongement de la politique économique du Gouvernement en faveur de l’économie réelle, par un renforcement du soutien aux entreprises et à l’emploi et une reprise en main progressive de la finance, notamment en luttant contre la fraude fiscale.

En faveur des entreprises, certaines mesures nous semblent particulièrement utiles : les mesures exceptionnelles pour les PME innovantes, le dispositif de reprise d’entreprise par les salariés, notamment par la création de SCOP, l’augmentation du nombre d’apprentis, et bien entendu la réorientation d’une partie de la collecte des assurances-vie vers des investissements productifs, à savoir les PME, le logement ou encore l’économie sociale et solidaire.

Nous saluons également le soutien apporté par le Gouvernement à la filière bois. Ces mesures ciblées correspondent davantage à ce que les écologistes proposaient lors du PLFR 2012.

Nous ne doutons pas qu’en ciblant les petites et moyennes entreprises et des secteurs riches en emploi, ces mesures produiront des effets plus rapides mais également plus bénéfiques que le coûteux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

En matière de lutte contre la fraude, après l’adoption de diverses mesures visant à limiter l’optimisation fiscale des entreprises adoptées en première lecture lors du projet de loi de finances 2014, le Gouvernement nous propose un aménagement de l’exit tax, permettant d’améliorer son fonctionnement. Nous saluons tout particulièrement l’adoption de la baisse du seuil d’imposition de l’exit tax, à l’initiative du rapporteur général.

Le travail de la majorité et du Gouvernement sur ce sujet est exemplaire. En quelques mois, nous avons institué la transparence des activités bancaires et des trusts, assuré un soutien aux lanceurs d’alerte et renforcé les peines encourues par les fraudeurs.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement poursuive ce travail et cherche à aller toujours plus loin en la matière. Ce combat est essentiel et constitue le seul chemin praticable entre la hausse des impôts et la baisse des dépenses.

Malgré des dispositions intéressantes, l’étude de ce PLFR révèle de manière accrue la nécessité que soit menée à bien la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre. Vous savez, monsieur le ministre, que les écologistes apportent leur soutien total à cette démarche.

Tout d’abord, nous le voyons tous les jours avec les nombreux collectifs qui se constituent pour protester contre la hausse de la TVA. Si nous approuvons l’adoption de la baisse de la TVA pour les travaux de rénovation et pour le logement en général, montrant une fois encore l’engagement du Gouvernement en faveur de la rénovation des bâtiments, il est difficile de comprendre l’augmentation de la TVA sur les transports en commun, le bois énergie ou la gestion des déchets et l’eau.

Dès lors que le Gouvernement a fait le choix d’aider l’économie réelle, comment comprendre cette décision qui impactera des secteurs qui participent non seulement de la transition vers une société plus écologique mais qui sont également un gisement d’emplois de qualité et non délocalisables ?

Concernant la transition énergétique, je me permets un aparté sur un tout autre sujet. Nous sommes étonnés de la volonté du Gouvernement de créer une contribution au profit de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs alors même que nous devons débattre de la question de la politique énergétique française dans le mois à venir.

Ce besoin de changement devra également porter sur les trop nombreuses niches fiscales nocives à l’environnement, à la santé ou à la justice sociale et qui coûtent doublement à la collectivité, notamment pour dégâts qu’elles provoquent en termes de pollution ou d’exclusion sociale. Dans le cadre de cette loi, nous avons encore renforcé une niche en baissant la taxe sur le tabac.

Enfin, le signe le plus alarmant de la nécessité de remettre à plat notre système fiscal est l’érosion de nos recettes. Entre les prévisions du ministère et les encaissements réalisés, le solde négatif est de 3,5 milliards d’euros pour les recettes de TVA, de 3,1 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu et de 3,8 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés. Si la baisse résulte en partie de la crise, cette explication ne suffit pas.

Cette réforme tant attendue doit être le moment d’analyser les raisons de ce manque à gagner important. Ainsi, elle devra rendre l’impôt de nouveau efficient en le rendant plus efficace, plus juste, plus compréhensible. C’est la condition d’un meilleur consentement à l’impôt ; le prélèvement à la source, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ou, en tout cas, sa progressivité, la mise en place d’une fiscalité écologique fondée sur le principe du pollueur-payeur visent cet objectif.

Monsieur le ministre, dans l’attente de cette grande réforme fiscale qui devra être réalisée dans le cadre du projet de loi de finances 2015, nous voterons en faveur de ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, rarement un collectif budgétaire aura été tant attendu et réclamé. Cette attente a alimenté nombre de contre-vérités. Certains annonçaient des hausses d’impôt massives pour boucler le budget, d’autres des déficits vertigineux. Il n’en a rien été.

Le projet de loi de finances rectificative est, comme souvent, un exercice traditionnel et technique. Il présente des ajustements budgétaires plutôt que de réelles orientations politiques. C’est particulièrement vrai cette année. Tout d’abord, contrairement à l’année dernière, ce collectif budgétaire ne comporte pas de dépenses fiscales à hauteur de vingt milliards d’euros. Ensuite, les mesures inscrites au projet de loi n’ont pas d’objectif de rendement. Enfin, les grands équilibres du projet de loi de finances rectificative étaient déjà connus à la suite de l’examen du projet de loi de finances.

Pour autant, ce collectif budgétaire est loin d’être superflu. Les mouvements de crédit atteignent plus de trois milliards d’euros, et les recettes fiscales ont diminué de onze milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Année après année, on constate de fortes variations de recettes fiscales entre ce qui est prévu initialement et ce qui est réellement exécuté. On ne peut s’en satisfaire.

L’élaboration d’un unique collectif budgétaire dans le contexte économique actuel est donc contestable. Cela permet de ne pas enfermer le débat public dans les seuls aspects budgétaires, mais cela oblige notre assemblée à acter en une seule fois des changements importants dans l’exécution du budget.

Certes, le Gouvernement a informé le Parlement de l’évolution des finances publiques, mais on ne saurait considérer qu’une audition en commission, une déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité ou un débat d’orientation budgétaire ont la même valeur normative qu’un projet de loi de finances strictement encadré par notre Constitution. Il est d’ailleurs regrettable que les comparaisons du Gouvernement se basent principalement sur le révisé budgétaire de septembre, et non sur le budget initial pour 2013.

Toutefois, et malgré ces quelques réserves, je me félicite que la dynamique de réduction des déficits ait bien été maintenue. Le déficit public continue de baisser – de 4,9 % du PIB en 2012, il devrait passer à 4,1 % à la fin de l’année – mais les objectifs assignés ne pourront être pleinement atteints. Ce n’est pas dû à l’évolution des dépenses de l’État, qui ont reculé de plus de quinze milliards d’euros en une année. Ce qui a manqué en 2013, ce sont les recettes fiscales, c’est-à-dire la croissance !

Le crédit d’impôt compétitivité emploi a été la mesure phare du Gouvernement pour recréer de la croissance. Bien évidemment, il est trop tôt pour juger ce dispositif, mais, quand on sait que le taux des prélèvements obligatoires pour les entreprises n’a pas baissé, on peut se demander s’il sera réellement efficace, d’autant qu’il manque certainement sa cible, à savoir l’industrie.

Le CICE requiert un effort financier important et contraint toute autre réforme d’envergure. Les nouvelles mesures en faveur de la croissance sont donc plus que modestes, à commencer par celles que comporte ce projet de loi qui, cumulées, sont néanmoins utiles. Je pense aux dispositifs incitatifs qui sont mis en place pour qu’une plus grande part des encours de l’assurance-vie vienne alimenter l’économie productive ; c’est essentiel au moment où nombre de petites et moyennes entreprises ont du mal à se financer, vous l’avez déjà dit. Il y a aussi l’incitation, pour les grandes entreprises, à investir dans les PME innovantes. Les garanties apportées aux entreprises exportatrices et aux chantiers navals sont étendues. La reprise d’entreprises par les salariés au travers de SCOP est encouragée. Enfin, quelques mesures de simplification sont proposées, mais on est loin de tout ce qui peut être fait en termes de simplification et de dématérialisation des démarches administratives. Il faut enfin arriver au choc de simplification tant attendu.

La priorité en 2013, c’était la baisse du déficit public. Elle a été réelle, et le collectif budgétaire permet de la consolider. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera donc pour son adoption.

Ce qui a manqué, c’est la croissance ; nous l’avons tous dit. La priorité en 2014 devra donc être de viser la reprise économique. Notre groupe appelle depuis plusieurs mois à une réforme fiscale d’envergure, et le Premier ministre l’a annoncée. La remise à plat de la fiscalité est indispensable, mais elle ne peut pas être exclusive. Elle ne doit pas évincer les enjeux majeurs, à savoir, messieurs les ministres, la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, nous achevons l’examen d’un collectif budgétaire qui ne contient pas de mesures d’ajustement très significatives, si ce n’est quelques mesures dites de financement de l’économie.

Alors que le mécontentement légitime de nos concitoyens exigerait de promouvoir un impôt plus juste socialement et économiquement plus efficace, la consultation engagée par le Premier ministre afin de remettre à plat la fiscalité n’ouvre pas réellement de perspectives nouvelles. Le refus de revenir sur la hausse de la TVA et l’annonce de nouvelles baisses des dépenses publiques laissent au contraire entrevoir que les propositions du Gouvernement s’inscriront probablement dans la continuité de la contre-réforme fiscale d’essence libérale engagée depuis bientôt trente ans.

À rebours de ces orientations, nous ne cessons, pour notre part, de faire valoir l’exigence d’une nouvelle architecture fiscale : un impôt sur les revenus plus progressif, un impôt sur le patrimoine contribuant à réduire les inégalités, une fiscalité des entreprises favorisant les comportements vertueux en matière d’investissement et de création d’emploi. Si nous avons soutenu les mesures votées à l’été 2012, qui revenaient sur les principaux cadeaux fiscaux accordés aux plus riches, et si nous avons apporté notre contribution et notre soutien aux avancées en matière de lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, nous ne pouvons que déplorer le tournant pris après la mise en chantier du pacte pour la croissance et la compétitivité. Nous mettons en garde contre les dangers d’une politique de restriction budgétaire entièrement tournée vers l’offre, qui ne peut aboutir qu’à un appauvrissement global du pays et à une remise en cause des mécanismes de solidarité sur lesquels se fonde notre modèle social.

Nous vous avons ainsi proposé de revenir sur la hausse de la TVA prévue pour le 1er janvier prochain, symbole de ce revirement politique. La TVA est l’impôt injuste par excellence. Cette hausse va peser durement sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et brider l’activité économique. Elle n’a d’autre objectif que de financer une partie des vingt milliards d’euros octroyés aux entreprises à travers le dispositif du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui bénéficiera aussi bien aux entreprises de la grande distribution qu’à celles qui sacrifient l’emploi.

Un député du groupe UMP. Eh oui !

M. Marc Dolez. Par ailleurs, comment ne pas être circonspects à propos des outils mis en place pour permettre aux PME-PMI de sortir des difficultés, qu’il s’agisse de la réforme de l’assurance-vie, de l’amortissement exceptionnel ou des mesures de soutien des entreprises à l’exportation ? Si nous partageons l’objectif d’une meilleure mobilisation de l’épargne en faveur du tissu productif, l’exigence première est une profonde réforme du financement de l’économie. Nous avons soutenu la création de la banque publique d’investissement mais elle reste manifestement sous-dotée, et limitée au rôle de correcteur des imperfections du marché. Elle ne peut, dans ces conditions, exercer l’effet de levier qui devrait être le sien en contribuant à réorienter le crédit vers l’investissement productif et l’emploi.

S’agissant des fonds propres des entreprises, rappelons ici que la part des bénéfices versés directement sous forme de dividendes et d’intérêts bancaires n’a cessé d’augmenter ces dernières années, ce qui a pour effet de priver ces entreprises de leur capacité d’autofinancement et d’augmenter leur dépendance à l’égard des banques et des marchés financiers.

Bref, le texte qui nous est présenté ne porte malheureusement pas trace d’une volonté de changer de cap en faveur de l’emploi et d’une plus juste répartition des richesses entre le capital et le travail. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront contre ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants537
Nombre de suffrages exprimés534
Majorité absolue268
Pour l’adoption305
contre229

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Consommation

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la consommation (nos 1357, 1574). Le temps de parole restant pour la discussion du texte est de trois heures et trente et une minutes pour le groupe SRC dont 53 amendements restent en discussion, quatre heures et vingt-cinq minutes pour le groupe UMP dont 179 amendements restent en discussion, une heure et vingt-trois minutes pour le groupe UDI dont 24 amendements restent en discussion, trente et une minutes pour le groupe écologiste dont 9 amendements restent en discussion, trente-quatre minutes pour le groupe RRDP dont 24 amendements restent en discussion, cinquante minutes pour le groupe GDR dont 8 amendements restent en discussion et vingt minutes pour les députés non-inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 5 bis.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Vautrin. Madame la présidente, je vous ai demandé la parole pour un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 58 alinéa 1 de notre règlement, pour déplorer une fois de plus l’organisation de nos travaux. Nous étions toutes deux présentes ce matin, madame la présidente, à la Conférence des Présidents, au cours de laquelle il fut décidé que nous examinerions le projet de loi relatif à la consommation à partir de la séance de cet après-midi, avant d’aborder le projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, pour examiner à partir de jeudi le projet de loi de finances initiale pour 2014 qui revient dans notre assemblée après avoir été rejeté par le Sénat. Force est de constater que la Conférence des Présidents ne sert plus à rien, puisque moins de deux heures après, nous avons appris par des bruits de couloir que l’ordre du jour changeait à nouveau ! Les membres de la commission des affaires économiques ont appris qu’ils étaient priés d’être en séance de dix-huit heures à vingt heures, et qu’ils étaient convoqués à vingt-deux heures à une réunion de la commission consacrée au projet de loi d’avenir pour l’agriculture.

Pourquoi changer ainsi de sujet ? Les raisons avancées sont multiples :…

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est lié à l’arbre de Noël de l’Assemblée !

Mme Catherine Vautrin. …un texte issu d’une commission mixte paritaire que notre assemblée devrait examiner à nouveau, l’arbre de Noël des enfants de l’Assemblée nationale… Bien évidemment, nous ne voulons pas faire de peine aux enfants du personnel de l’Assemblée nationale, mais toutes ces échéances étaient déjà connues. On ne peut que déplorer le manque d’anticipation du Gouvernement ! (« Eh oui ! C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. C’est de l’amateurisme !

Mme Catherine Vautrin. Cela fait des semaines que nous disons que l’agenda parlementaire est trop chargé, et que tout ne tiendra pas.

M. Philippe Gosselin. C’est brouillon !

Mme Catherine Vautrin. Nous siégeons sans discontinuer du lundi au vendredi, et vous n’êtes même plus capables de tenir vos engagements pendant plus de deux heures ! C’est absolument pitoyable !

M. Philippe Gosselin. On saucissonne l’examen des textes : cela n’a plus aucune cohérence !

M. Daniel Fasquelle. On va finir par siéger le vingt-quatre décembre !

Mme la présidente. Monsieur Benoit, me demandez-vous la parole pour un nouveau rappel au règlement ? Ou s’agit-il d’un autre sujet ?

M. Thierry Benoit. C’est le même sujet, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez donc la parole pour un rappel au règlement, monsieur le député.

M. Thierry Benoit. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1. Je vais essayer de peser mes mots : ce qui se passe est à la fois inadmissible et scandaleux ! La nuit dernière, nous avons travaillé jusqu’à deux heures trente du matin. Monsieur le ministre de la consommation, vous n’êtes pas en cause, non plus que le président de notre commission.

Mais nous avons aussi la chance d’avoir avec nous M. le ministre en charge des relations avec le Parlement ! Monsieur le ministre, si nos concitoyens savaient dans quelles conditions nous avons travaillé, légiféré, hier soir…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Thierry Benoit. La nuit passée, à deux heures et demie du matin, certains d’entre nous continuaient à se prendre très au sérieux, alors que – j’en suis convaincu – nous étions tous fatigués ! Pourtant nous nous sommes efforcés de tenir, car telle était la volonté exprimée cette nuit-là par la présidence, en accord – j’imagine – avec la majorité présidentielle.

Je souhaite savoir concrètement comment les ordres du jour sont fixés dans notre assemblée. Comment le contenu et le déroulement de nos travaux sont-ils déterminés ? Pour ce qui concerne nos travaux en séance publique, comment peut-on nous faire discuter jusqu’à vingt heures d’un projet de loi relatif à la consommation, pour ensuite, à vingt et une heure trente, aborder un autre texte, relatif aux métropoles ? Pour ce qui concerne la commission des affaires économiques, comment peut-on nous demander d’aborder ce soir la loi d’avenir sur l’agriculture – la discussion générale seulement, qui plus est ? Enfin, nous devons revenir lundi prochain pour évoquer de nouveau le projet de loi relatif à la consommation, qui aurait dû être voté demain, mais que nous voterons la semaine prochaine. C’est un bazar sans nom ! Je trouve que cela n’est pas sérieux.

Cela nécessite une reprise en main, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement !

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Thierry Benoit. Une sévère reprise en main est nécessaire : il faut nous indiquer clairement le programme des travaux à venir !

M. Jean Leonetti. Et s’il n’y avait que ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour un rappel au règlement.

M. Damien Abad. Madame la présidente, ce rappel au règlement s’entend lui aussi au sens de l’article 58, alinéa 1 de notre règlement, tout comme les interventions de mes collègues Catherine Vautrin et Thierry Benoit.

Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, honnêtement, on ne peut plus continuer comme ça ! Il en va de la crédibilité des assemblées parlementaires, de notre travail de députés, et de la qualité des textes de loi que nous votons – je parle là de leur qualité technique, pas de leur portée politique.

M. Lionel Tardy. Exactement !

Mme Laure de La Raudière. C’est une véritable logorrhée législative !

M. Damien Abad. Vous qui réclamez les 35 heures ici ou là, vous feriez mieux d’appliquer cette loi au moins dans l’hémicycle !

M. Lionel Tardy. Vous nous faites travailler de nuit, et le week-end ! (« Travail de nuit ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Damien Abad. Franchement, je vais vous dire une chose, monsieur le ministre des relations avec le Parlement. Ma collègue Catherine Vautrin, Daniel Fasquelle et moi, ainsi que d’autres députés UMP, avons déjà écrit au président Brottes…

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Damien Abad. …pour l’alerter quant à l’embouteillage des textes examinés par la commission des affaires économiques. Tout cela, parce que le Gouvernement a mis un an à se mettre au travail ! Voilà la réalité ! Nous avons sonné l’alarme à propos de cet embouteillage, mais aussi à propos des auditions communes qui ont été programmées, des changements incessants de calendrier et des allers-retours permanents des textes. Tout cela fait que l’on ne peut pas y voir clair ! Vous le savez aussi bien que moi. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé hier soir, monsieur le président de la commission des affaires économiques : vous avez profité de la mansuétude du groupe UMP pour prolonger la réunion jusqu’à deux heures trente du matin !

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Damien Abad. Nous avons voulu travailler ensemble, pour aller plus loin ensemble. Dans votre réponse à notre courrier – réponse dont je vous remercie – vous nous avez dit que cela relève de la responsabilité du Gouvernement. Vous avez aussi précisé que nous devrions, tous ensemble, alerter le Gouvernement à propos de ce problème. Le Gouvernement est ici présent, notamment M. le ministre des relations avec le Parlement. Nous attendons des engagements, des explications concrètes !

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui ! Que le Gouvernement s’engage !

M. Damien Abad. Sinon, nous serons obligés de bloquer les débats, car nous ne pouvons pas continuer dans cet état d’esprit. Nous ne pouvons pas continuer ainsi, car cela dessert la démocratie et porte atteinte au travail des parlementaires ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lionel Tardy. Et M. Chassaigne, qu’en pense-t-il ?

Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. le ministre, je voudrais simplement, mes chers collègues, revenir sur un fait. Le droit d’amendement des parlementaires est protégé par la Constitution. Nous y sommes tous particulièrement attachés. L’exercice de ce droit nous a conduits à examiner 300 amendements au projet de loi de finances rectificative, et a abouti au dépôt de 700 amendements au projet de loi relatif aux métropoles. C’est bien naturel ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui, mais lundi prochain nombre de nos collègues ne pourront pas être présents !

Mme Catherine Vautrin. On le savait, que cela prendrait du temps !

Un député du groupe UMP. Gouverner, c’est prévoir !

Mme la présidente. Ceci explique également, en partie, l’encombrement de notre ordre du jour. Vous savez aussi que nous sommes tenus par des délais prévus par la Constitution pour transmettre le projet de loi de finances au Sénat. C’est pourquoi nous devons impérativement en terminer l’examen. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons reçu trois convocations rectifiées de la commission des lois !

M. Jean Leonetti. C’est la pagaille !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. J’ai été parlementaire pendant très longtemps. Certains députés présents ici ont partagé mes années de mandat. Je peux témoigner avec eux que lorsque vous étiez au pouvoir, chers collègues de l’opposition, il n’y avait pas de séances de nuit…

Mme Catherine Vautrin. Jamais !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …et que l’on ne travaillait jamais le lundi ni le vendredi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) De même, il n’y avait jamais aucun changement d’ordre du jour. Je reconnais cependant… (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous nous refaites le coup de l’héritage !

M. Dino Cinieri. Vous dites n’importe quoi !

M. Damien Abad et M. Jean-Frédéric Poisson. « Moi Président de la République », je respecterai l’Assemblée nationale !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’autre jour, lors d’une réunion de la Conférence des présidents, j’ai évoqué des statistiques. Mes propos vous rappellent à la réalité, c’est pourquoi vous ne pouvez y réagir qu’en faisant du bruit ! Vous avez très mal géré l’emploi du temps parlementaire pendant dix ans :… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas une excuse !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …mais cela ne peut pas nous servir d’excuse en effet. Votre comportement passé ne nous dispense pas d’être, pour notre part, à la hauteur des exigences du Parlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh bien c’est raté !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je voulais simplement vous remettre cela en mémoire.

M. Thierry Benoit. Et maintenant ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mais, comme certains ont peut-être la mémoire courte, je vais prendre un exemple encore plus récent : les parlementaires nous ont expliqué – et c’est tout à fait leur rôle – que nous devions éviter de siéger le lundi et le vendredi.

Ce matin, j’ai donc présenté en Conférence des présidents un ordre du jour pour les deux premières semaines de janvier, qui ne prévoyait pas de travaux le lundi et le vendredi.

Or, le président du groupe UMP ayant considéré que la discussion sur le premier texte inscrit requérait davantage de temps, vous serez probablement obligés de siéger le vendredi. Votre rappel au règlement relève donc d’un effet de style.

Mme Catherine Vautrin. C’est une caricature !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il reste que je vous dois une explication sur le changement auquel on a procédé tout à l’heure et qui ne relève pas du fonctionnement normal des travaux.

Mme Catherine Vautrin. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je m’en excuse auprès du Parlement. Nous avons été confrontés à deux problèmes relatifs à la hiérarchie des textes : d’abord, le délai d’adoption de la loi de finances, prévu par la Constitution. Ensuite, l’impératif d’organiser avec le Sénat la CMP, dont personne ne connaît l’issue mais qui est très importante pour beaucoup de nos concitoyens, dans la perspective des élections municipales.

M. Lionel Tardy. Vous n’étiez pas aussi pressés pour le vote blanc !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La question des métropoles comporte des enjeux légaux et constitutionnels très compliqués. Nous n’avions pas l’assurance de pouvoir achever la discussion du texte, et avons donc hiérarchisé les inscriptions à l’ordre du jour.

Par ailleurs, le Gouvernement a été confronté à l’impossibilité pour le Parlement de siéger samedi, pour des raisons matérielles. Dès lors, nous avons pris nos responsabilités.

Mme Catherine Vautrin. On a échappé à samedi !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je concède que cela n’est pas la meilleure façon de faire et vous promets que, compte tenu de votre expérience et des principes que vous avez rappelés, le Gouvernement va faire tous les efforts pour que cela ne se reproduise pas.

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas glorieux !

M. Philippe Gosselin. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !

M. Damien Abad. Nous pouvons donc en conclure que le texte sur la consommation n’est pas assez important !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai été trop souvent dans la situation de mes collègues pour ne pas comprendre leur humeur, que j’ai fréquemment partagée. Des choses similaires se sont produites dans le passé…

M. Lionel Tardy. Jamais !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …et elles m’ont toujours paru difficiles à accepter, lorsque, comme vous, nous accomplissions notre travail de parlementaire.

M. Philippe Gosselin. Où est le changement ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais d’abord prendre acte des excuses de M. le ministre. Ce n’est pas avec un enthousiasme forcené que j’ai accueilli son initiative, lorsqu’il me l’a expliquée. J’avais également pris le temps de lui communiquer vos remarques.

Par ailleurs, le travail que nous faisons ensemble, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle, ne témoigne d’aucune volonté de ralentir inutilement les débats et d’aucune mauvaise foi dans le développement des arguments…

Mme Catherine Vautrin. Merci, monsieur le président !

M. Damien Abad. Enfin un peu de bon sens !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’affirme ici que le déroulé de nos travaux et la confrontation de nos idées sont constructifs ; la procédure parlementaire n’est pas utilisée de façon abusive, c’est-à-dire en remplaçant les débats par des arguties.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !

Mme Laure de La Raudière. Merci, monsieur le président !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je veux vous remercier à nouveau de nous avoir permis de siéger hier soir jusqu’à deux heures et demi, alors que nous nous étions fixé la limite de deux heures. Personne, sur les bancs de l’opposition, ne s’est ému outre mesure de notre volonté de finir la discussion sur l’article 5. Dont acte.

Effectivement, il serait bien que ce qui s’est passé cette semaine ne se reproduise plus, car cela entraîne un enchevêtrement compliqué de la discussion des textes.

M. Philippe Gosselin. Cela continuera la semaine prochaine !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Par ailleurs, c’est moi, et non le Gouvernement, qui suis responsable de la convocation ce soir à vingt-deux heures de la commission des affaires économiques.

M. Philippe Gosselin. C’est la suite logique des choix du Gouvernement !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je m’en suis ouvert aux responsables des groupes, à commencer par le groupe UMP. Le texte que nous allons examiner est important, et a fait l’objet de 1 400 amendements. Il porte sur l’avenir de l’agriculture, auquel tout le monde s’intéresse.

Il m’a semblé dommage que nous sacrifiions la soirée de ce soir pour faire autre chose que du travail parlementaire. C’est un point de vue que j’assume. Je n’ai d’ailleurs pas laissé le choix au ministre de l’agriculture. Votre groupe m’a indiqué qu’il préférerait que cela commence à vingt-deux heures plutôt qu’à vingt et une heures trente, j’ai donc proposé cet horaire.

Nous travaillerons donc ce soir sur la discussion générale, en présence du ministre et du rapporteur, pour avancer un peu sur le texte sur l’agriculture qui va nous occuper en commission une bonne partie de la semaine.

Ce sont « nos oignons » au sein de la commission, monsieur le ministre, mais j’ai essayé de mettre à profit ce qui se passait dans l’hémicycle pour valoriser le travail en commission. Pour autant, cela ne doit pas donner au ministre l’idée que nous pouvons toujours nous débrouiller pour faire autre chose, quand il nous propose une modification du calendrier.

J’ai bien compris qu’il n’avait pas beaucoup de marges de manœuvre en la matière, ce qui peut nous permettre de faire preuve de compréhension.

Maintenant que les choses ont été dites – et je n’en suis pas choqué –, nous pouvons peut-être, jusqu’à vingt heures, avancer un peu sur le texte que nous présente M. Hamon en deuxième lecture.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je voudrais simplement remercier le président Brottes qui vient de se livrer à un magnifique exercice qui, pour diplomatique qu’il soit, n’en est pas moins sincère – je le connais suffisamment pour savoir combien il pense ce qu’il vient de dire, et je lui en donne acte.

Monsieur le président, vous avez oublié, quand vous avez souligné la volonté du groupe UMP de participer de façon constructive au débat, que nous avons aussi accepté le changement de l’ordre d’examen du texte pour que Mme Pinel puisse examiner l’ensemble de ces amendements et n’ait pas à revenir lundi soir. Je suis certaine qu’elle nous saura grée d’avoir simplifié son emploi du temps.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vous avais déjà remerciés pour hier soir !

Mme Catherine Vautrin. Cela fait du bien, et on profite de l’occasion !

Monsieur le ministre, je souhaiterais revenir sur deux petites choses. Premièrement, nous en sommes à la deuxième lecture de texte. Or, vous saviez qu’il avait donné lieu à de très nombreux amendements en première lecture. Ce matin, en Conférence des présidents, vous connaissiez le nombre d’amendements et le problème posé par la CMP. Vous pouviez donc l’anticiper. C’est donc votre organisation qui mérite d’être remise en cause.

Deuxièmement, cela fait plusieurs semaines – voire plusieurs mois – que nous évoquons le sujet des séances du vendredi et du lundi. Il est facile de dire que, cette fois peut-être, le groupe UMP en sera responsable mais permettez-moi de vous dire que sur cinquante-deux semaines, vous l’emportez largement ! C’est bien dommage.

Enfin, vous avez fait référence à un passé que nous avons eu le plaisir de partager, mais nous vous laissons bien volontiers la responsabilité du record atteint au mois de juin dernier. En effet, dans le cadre de la session unique, nous pouvons siéger pendant un certain nombre de jours. Dès début juin, nous avions atteint la limite. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a été obligé de publier un décret permettant à notre assemblée de continuer à siéger. C’est une novation, et c’est votre record.

Mme Laure de La Raudière. C’est le choc de simplification !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je ne veux pas rallonger ce débat, mais je souhaite simplement vous faire part d’une anecdote, madame Vautrin : effectivement, nous avions dépassé le nombre de jours de séance autorisés au mois de juin et, n’ayant pas le modèle du texte à publier, j’ai recopié la lettre rédigée deux ans avant par M. Fillon, exactement pour la même raison.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’était pas à la même date, c’était plus tard que vous !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela a dû vous échapper ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 5 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud, pour soutenir l’amendement n431.

M. Thomas Thévenoud. Mon amendement pourrait s’appeler « dernière station-service avant le désert ». Il s’agit en effet de la mise aux normes des stations-service de notre pays.

En première lecture, vous avez accepté, monsieur le ministre, de donner du temps aux stations-service n’ayant pas encore réussi à se mettre aux normes européennes en matière de double cuve – et je vous en remercie.

Vous avez donc entendu l’appel de ces 1 600 stations-service de notre territoire, notamment dans le secteur rural, qui, sans cette disposition, auraient probablement dû arrêter leur activité.

C’est un sujet préoccupant, non seulement pour le secteur rural, mais aussi parce que, selon les estimations, un tiers des stations-service a été supprimé depuis trente ans et un quart des Français habitent dans des communes sans stations-service.

C’est donc un problème, non seulement pour nos concitoyennes et nos concitoyens, mais aussi pour les artisans, les agriculteurs et les services publics locaux.

Nous avions accordé un délai supplémentaire à ces stations-service en repoussant à 2016 l’échéance de la mise aux normes. C’était une première avancée.

Mon amendement concerne la capacité des cuves de stockage. Lors de la première lecture, nous avions réservé aux petites cuves de 500 mètres cubes le bénéfice de ce délai supplémentaire. Mon amendement propose de l’étendre aux cuves jusqu’à 2 000 mètres cubes. Je crois qu’il s’agit d’un bon seuil, qui permettra aux stations-services du secteur rural et urbain – où se trouvent un certain nombre de garages et d’ateliers de réparations – de continuer leur activité.

M. Damien Abad. Voilà un bon amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je me souviens, lors de la première lecture, de votre volonté de nous faire prendre en compte la situation que vous évoquez. Depuis, un travail a été accompli, et des professionnels du secteur ont été auditionnés – j’y reviendrai.

Je souhaite d’abord rappeler vos propos à quatre heures et demie du matin le 4 juin dernier.

Mme Catherine Vautrin. Nous étions là !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. « Je souhaite, à quatre heures du matin, saluer le Gouvernement qui a su évoluer au fil de la journée. Il nous propose un amendement de compromis, équilibré, que je vais évidemment voter ». Aussi, je souhaiterais que, conformément à cet engagement, nous en restions là.

M. André Chassaigne. Quatre heures et demie du matin !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La station-service était ouverte !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Sur le fond, si 1 600 stations-service demandent encore un report, des milliers d’autres ont déjà investi pour la mise aux normes. Or, après le vote du compromis, dont vous avez salué le contenu, les fédérations professionnelles représentant des milliers d’autres stations-service et postes à essence nous ont appelé en dénonçant le « deux poids deux mesures » car celles-ci avaient investi pour la mise en conformité environnementale. Ces professionnels disaient également que, ayant bénéficié d’aides pour le faire, ils trouvaient dommage de dilapider les finances publiques en changeant les règles du jeu au milieu du chemin.

Nous pouvons donc en rester à la position de consensus exprimée en première lecture, que vous avez saluée, de même que l’ensemble des parlementaires ici présents. La nécessité de prendre en compte le sujet a été défendue avec conviction et succès par vous-mêmes, monsieur Thévenoud. En l’état actuel des choses, à l’occasion de cette deuxième lecture, nous pouvons dignement demander le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. En effet, nous avons abondamment discuté de ce sujet en première lecture. Vous aviez proposé de reporter à 2020 l’échéance de mise aux normes, initialement prévue en 2010 pour toutes les stations-service, et repoussée à 2013. Nous avions dans un premier temps adopté l’amendement proposant que les stations distribuant moins de 3 500 mètres cubes puissent bénéficier de ce report. Un compromis a ensuite été trouvé sur la date de 2016, soit un délai supplémentaire de trois ans, mais nous avions limité son bénéfice aux stations distribuant moins de 500 mètres cubes. Vous proposez de relever à nouveau ce seuil à 2 000 mètres cubes.

D’abord, le seuil de 500 mètres cubes existe déjà, puisqu’il est utilisé par toutes les stations-service pour les déclarations de prix sur le site carburant.fr. C’est aussi celui qui permet de véritablement identifier les petites stations. Une station distribuant 2 000 mètres cubes représente 600 véhicules par jour : il ne s’agit donc plus tout à fait d’une petite station, notamment en milieu rural.

Au regard de la distorsion qu’entraîne ce délai supplémentaire pour toutes celles ayant investi pour la mise aux normes environnementales et pour éviter les risques d’accidents liés à l’absence de mise en conformité, nous pensons qu’il est important d’en rester à ce compromis. En effet, il apparaîtrait excessif que nous élevions à nouveau à 2 000 mètres cubes le seuil à partir duquel nous exonérerions ces stations de la nécessaire mise aux normes.

Le report à 2016 la date butoir de mise aux normes pour les stations distribuant 500 mètres cubes représente déjà un engagement fort de la part du Gouvernement, qui a déjà suscité certaines réactions défavorables – comme l’a dit M. le rapporteur. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons aujourd’hui de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement donnera un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’entends M. le ministre : 500 mètres cubes seraient, ainsi, un point de repère pour la publication d’un certain nombre de statistiques et de chiffres. C’est très intéressant. Nous voudrions surtout savoir combien de stations seront concernées en milieu rural et ce qu’elles distribuent exactement comme carburant. Nous n’avons aucun point de repère dans ce débat. Nous avions soutenu, sur le principe, l’amendement de M. Thévenoud et nous sommes prêts à aller plus loin si c’est nécessaire.

Nous voudrions donc entendre le rapporteur, le ministre et, peut-être, M. Thévenoud, lequel pourrait justifier son seuil de 2 000 mètres cubes. Il est, en effet, évident que ces stations-service – et nous en comptons tous dans nos circonscriptions – jouent un rôle essentiel en zone rurale. Elles permettent, en effet, à des Français d’avoir accès au carburant, ce qui est indispensable pour se déplacer là où il n’y a pas de transports publics. De plus, il existe souvent à côté de la station-service un café, un restaurant et une épicerie, lesquels disparaîtront en même temps que la station-service.

Il ne s’agit donc pas seulement d’une question de distribution du carburant, mais de l’accès à des services et à des biens essentiels en milieu rural. La vie de nos campagnes est, en réalité, en jeu. J’ai soutenu, lors de la première lecture, l’amendement de M. Thévenoud et je suis prêt à faire de même cette fois. J’aimerais obtenir des précisions sur les seuils, car nous ne les avons pas eues jusqu’à présent dans le cadre de ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je vous répondrai brièvement. « Ruraux, urbains », il n’y a, ici, que la représentation nationale ! Une chose choque quelque peu l’urbain que je suis. Dès que certains thèmes sont abordés dans l’hémicycle, il y a ceux qui défendent la ruralité et ceux qui sont étrangers à ses intérêts !

M. Daniel Fasquelle. C’est hors sujet !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je crois, monsieur Fasquelle, que les citoyens des territoires ruraux ont aussi le droit à la sécurité environnementale ! Ils ont également le droit, comme ceux qui vivent en territoire urbain, de profiter en temps et en heure, dans le cadre des directives et des règlements européens, de stations-service dotées de la double cuve. Les critères doivent être identiques sur l’ensemble du territoire. S’il est nécessaire et urgent de veiller aux infrastructures des services publics et à la présence des stations-service en zone rurale…

M. Daniel Fasquelle. Il faut sortir de la région parisienne !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …je ne vois pas pourquoi l’exigence environnementale devrait être inférieure à ce qu’elle est dans d’autres territoires.

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes complètement à côté de la plaque !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur le sujet, madame la présidente. Nous avons donné notre position lors de la première lecture et à deux reprises en deuxième lecture.

M. Daniel Fasquelle. Si c’est pour dire cela ! C’est la preuve que vous n’avez rien à dire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le rapporteur, nous ne sommes vraiment pas au cœur du débat que nous souhaitons avoir.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Catherine Vautrin. Daniel Fasquelle s’est contenté d’expliquer que nous manquions de points de repère. Tout le monde n’est pas, ici, un professionnel de la station-service. Chacun sait, je vous rassure, qu’une cuve de 2 000 mètres cubes est plus importante qu’une cuve de 500 mètres cubes. Toutefois, qu’est-ce que cela représente ? Il est incontestable que tout le monde a le droit à une sécurité environnementale, mais chacun doit également pouvoir accéder à l’activité économique et au carburant !

M. Daniel Fasquelle. C’est essentiel !

Mme Catherine Vautrin. Peut-être cela ne concerne-t-il que les cuves de 500 mètres cubes. Nous sommes toutefois confrontés à un problème concret dans nos circonscriptions que je me rappelle avoir évoqué en première lecture à quatre heures du matin. Ainsi, il peut y avoir, dans certains endroits du territoire, vingt kilomètres à parcourir pour acheter de l’essence lorsqu’une station-service ferme. Je vous emmènerai quand vous le voudrez, monsieur le rapporteur, dans ma circonscription à Ville-en-Tardenois. Faire tant de kilomètres pour prendre de l’essence est également un sujet environnemental.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout à fait !

Mme Catherine Vautrin. Il doit donc y avoir un équilibre entre une juste approche environnementaliste et un besoin économique. Nous savons, comme nous l’avons précisé et tel est le sens de l’amendement de M. Thomas Thévenoud, qu’une mise aux normes, considérant les coûts qu’elle impose, engendrera des fermetures.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

Mme Catherine Vautrin. Il est hors de question de considérer qu’il faut continuer ainsi sans jamais évoluer, mais il convient de trouver une moyenne et d’accompagner les uns et les autres.

Mme Valérie Boyer et M. Daniel Fasquelle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sous réserve de chiffres plus précis dont je ne dispose pas exactement, on estime, aujourd’hui, qu’il existe environ 12 000 stations-service en France et qu’environ huit stations-service sur dix se seraient mises aux normes. Les investissements ont, par conséquent, été consentis par une grande majorité d’entre elles. Subsistent effectivement un certain nombre de stations-service situées en milieu rural qui rencontrent des difficultés particulières pour investir. C’est la raison pour laquelle nous avons avec M. le rapporteur, en première lecture, entendu l’argumentation de M. Thévenoud.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas ce qu’a dit le rapporteur !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le rapporteur l’a dit comme moi et je le répète. C’est la raison pour laquelle nous avions donné notre accord à cet amendement de compromis portant sur le seuil de 500 mètres cubes. La Commission européenne a également fixé ce seuil pour recycler les vapeurs d’essence, car elle considère, elle aussi, qu’il existe une spécificité liée à la taille de ces cuves. Nous avons, en conséquence, retenu ce critère qui nous apparaît le plus déterminant pour une petite station en milieu rural et dont la cuve est de taille relativement modeste. Si l’on considère qu’une cuve de 2 000 mètres cubes alimente 600 véhicules par jour et que l’on divise ce nombre par quatre, on en déduit que ce sont 150 véhicules par jour que sert une petite station.

Je le rappelle donc : nous avons accepté un report à 2010, ensuite à 2013, comme vous en aviez décidé, puis à 2016. Ce report supplémentaire de trois ans nous semble être un bon compromis. Il est ainsi nécessaire de réaliser des investissements pour que toutes les cuves soient aux normes afin d’éviter un accident majeur qui serait reproché au Gouvernement et au législateur. Nous ne pouvons toutefois pas nier, dans le même temps, les difficultés économiques et l’importance de maintenir les stations-service en milieu rural pour que l’achat d’essence soit relativement simple.

J’ajouterai un autre argument auquel nous devons être sensibles. Nous devons faire attention à l’effet d’aubaine et à ses conséquences. Ainsi, des patrons de stations-service qui ont procédé à cette mise aux normes peuvent considérer que, si certains n’ont pu, considérant leurs difficultés financières, réaliser un tel investissement, tel n’est pas le cas de tous et que nous les récompensons.

Je le redis ici : Thomas Thévenoud et ceux qui l’ont soutenu ont pointé, en première lecture, une réalité que le Gouvernement n’avait incontestablement pas saisie dans son radar. Cet amendement a été accepté. Je pense qu’il va dans le bon sens. Même s’il était quatre heures et demie du matin – mais la représentation nationale ne vote pas des amendements de moins bonne qualité à quatre heures et demie qu’à seize heures, sinon il ne faudrait pas siéger la nuit ! –…

Mme Catherine Vautrin. Exactement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …nous sommes parvenus à un bon compromis. Nous devons nous en tenir là, monsieur Thomas Thévenoud. C’est pourquoi je vous invite de nouveau à retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. J’ai entendu votre argument, monsieur le ministre, et je vais retirer cet amendement.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Thomas Thévenoud. Il ne s’agit pas d’une prime aux mauvais élèves. Nous devons reconnaître qu’un certain nombre de stations-service sont aussi soumises à la très forte concurrence des chaînes de la grande distribution. Par ailleurs, l’amendement que j’ai proposé tente de concilier les préoccupations environnementales auxquelles nous sommes tous attachés et les préoccupations économiques. Je répondrai à M. le rapporteur que la disparition des stations-service ne concerne pas que le secteur rural, mais touche également les grandes agglomérations, le cœur de nos villes…

Mme Catherine Vautrin. Et Paris !

M. Thomas Thévenoud. …et même le cœur de Paris ! Le Sénat a tout de même adopté à l’unanimité un amendement qui portait le seuil à 3 500 mètres cubes à l’horizon de 2020, alors que je proposais, pour ma part, 2 000 mètres cubes en 2016, ce qui me semblait être un meilleur équilibre. Je retire donc mon amendement, mais je pense qu’il faut avoir des contacts avec les professionnels. En effet, comme l’a souligné Daniel Fasquelle, il convient de préciser l’impact de cette mesure et le nombre de stations-service concernées.

M. Daniel Fasquelle. Absolument, mais on est tout de même dans le flou !

(L’amendement n431 est retiré.)

(L’article 5 bis est adopté.)

Article 5 ter

(L’article 5 ter est adopté.)

Article 5 quater

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n528.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer l’article 5 quater, lequel complète l’article L. 124-1 du code des procédures civiles d’exécution relatif à l’activité des personnes qui procèdent au recouvrement amiable des créances pour le compte d’autrui. Il prévoit qu’un décret fixe les règles de bonnes pratiques professionnelles afin d’empêcher tout comportement qui, soit porte atteinte à la vie privée du débiteur ou est susceptible de l’induire en erreur, soit méconnaît sa dignité humaine, dont la violation constitue un délit sanctionné d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Il est donc proposé de supprimer cette nouvelle incrimination pénale dans la mesure où le droit positif permet, d’ores et déjà, de sanctionner les abus auxquels se livreraient certains opérateurs de recouvrement amiable. L’article 5 quater contrevient ainsi au principe de nécessité des délits et des peines. L’imprécision de sa rédaction enfreint, par ailleurs, le principe de légalité des délits et des peines. Il instaure, en effet, une infraction pénale punie d’une peine d’emprisonnement fondée sur la violation de « bonnes pratiques » prévues par décret. Les éléments constitutifs d’une infraction pénale délictuelle ne peuvent être précisés par un décret.

Le terme de « bonnes pratiques empêchant une atteinte à la vie privée ou à la dignité humaine » est particulièrement vague et ne peut constituer, selon nous, le fondement d’une infraction pénale au regard du principe de légalité des délits et des peines. Ce principe et l’article 34 de la Constitution obligent le législateur à fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et à définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis. Cette exigence s’impose non seulement pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines, mais pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions.

De surcroît, il existe déjà un arsenal répressif à même de réprimer certains comportements : l’article 433-13 du code pénal, traitant de la confusion avec l’exercice d’une fonction publique ; l’article 222-16 du code pénal relatif aux appels téléphoniques malveillants ; l’article 222-13 du code pénal sur violences avec préméditation le cas échéant ; l’article 226-4 du code pénal portant sur la violation de domicile ; les articles 313-1 et 313-2 du code pénal sur l’escroquerie et l’escroquerie aggravée ; l’article 312-1 du code pénal sur l’extorsion et l’article R 124-7 du code des procédures civiles d’exécution relatif à la non-justification d’une assurance professionnelle et au non-respect des mentions informatives obligatoires punis d’une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe.

(L’amendement n528, accepté par la commission, est adopté, l’amendement n270 tombe et l’article 5 quater est supprimé.)

Articles 5 quinquies et 6

(Les articles 5 quinquies et 6 sont successivement adoptés.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n458.

Mme Michèle Bonneton. L’article 7 concerne l’étendue de la garantie légale de conformité. Cet amendement propose d’y inclure les « caractéristiques environnementales, sociales et, le cas échéant, sociétales du bien. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet en commission et avons également eu, hier, l’occasion de revenir à de nombreuses reprises sur la dimension intrinsèque de la qualité évoquée, notamment au travers de la garantie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n458 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n245.

M. Damien Abad. L’article 7 porte la durée de la période de présomption d’antériorité du défaut de conformité à vingt-quatre mois au lieu de six mois actuellement. Cette mesure accroît les charges des commerçants en ce qu’elle nécessite, dans certains cas, le recours à un expert sans apporter de bénéfice au consommateur compte tenu de l’existence de la garantie commerciale gratuite. Cette extension produira, selon nous, l’effet inverse de celui recherché. Le Gouvernement semble privilégier la réparation par rapport au remplacement. Or le matériel risque de tomber très vite en panne, ce qui implique donc davantage le recours au remplacement.

Qu’en est-il, enfin, de la prise en compte d’un certain nombre de supports ou de matériels spécifiques comme le matériel informatique qui dépend, lui-même, des nouvelles technologies ? Comment pourrez-vous faire jouer pour un tel matériel la présomption d’antériorité du défaut de conformité pendant vingt-quatre mois ? Cet amendement propose donc de supprimer les alinéas 1 à 5 de l’article 7.

(L’amendement n245, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n177 de M. Thierry Benoit est retiré.

La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n454.

Mme Michèle Bonneton. Le Sénat avait adopté un amendement fixant à vingt-quatre mois le délai de conformité. La commission, la semaine dernière, est revenue à un délai de douze mois, contre l’avis du Gouvernement d’ailleurs. C’est assez incompréhensible.

Dans son dernier numéro, la revue Que choisir, qui n’avait pas eu connaissance du travail de notre commission, considère que c’est un point très important du texte. Le renversement de la charge de la preuve est en effet déterminant. Si l’on fait passer cette période de six à vingt-quatre mois, le consommateur bénéficiera d’un véritable système de garantie encadré par la loi, et le fabricant aura intérêt à produire des biens plus fiables puisque la charge de la preuve lui incombera. C’est donc un moyen d’améliorer la qualité des produits, ce qui est bon pour le consommateur.

La même revue estime par exemple que, pour un bien vendu 400 euros, le prix serait augmenté de 3 à 5 % seulement et la durée de vie nettement allongée. Cette mesure serait donc bénéfique non seulement pour le consommateur, mais encore pour l’environnement puisqu’elle réduirait la consommation d’énergie et de matières premières ainsi que la quantité de déchets produits, et pour la société dans son ensemble.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons eu un désaccord sur ce point en commission. Le Sénat, avec l’accord du Gouvernement, avait porté à deux ans la durée de présomption d’antériorité de défaut, ce qui permet de rendre effective la garantie légale de conformité dont les consommateurs pensent pouvoir se prévaloir en arguant d’un défaut de conformité. Or il leur revient de faire la preuve de ce défaut, sauf à l’intérieur du délai de présomption d’antériorité, où c’est au vendeur qu’il revient de réparer, de rembourser ou de remplacer.

Nous avons voulu porter cette durée de présomption d’antériorité à vingt-quatre mois, c’est-à-dire une durée identique à celle de la garantie légale de conformité, afin de clarifier les droits réels du consommateur – qui se perd souvent entre la garantie légale de conformité et la présomption d’antériorité de défaut, sans même parler des garanties contractuelles qu’il souscrit de manière volontaire –, de rendre ces droits effectifs et d’encourager ainsi le production de produits durables et réparables.

Cela aura un fort impact sur l’emploi car, plus l’on encouragera à réparer, plus l’on créera d’emplois en France, alors que, quand on remplace un produit, le nouveau est généralement fabriqué assez loin de chez nous, de préférence en Asie. Cela aura également des vertus environnementales.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement.

(L’amendement n454 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n455 rectifié.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à étendre à six ans la garantie pour les gros appareils ménagers, tout en laissant deux ans aux fabricants pour s’adapter. Cette modulation de la garantie en fonction de la nature des biens permet de tenir compte de leur durée moyenne d’utilisation, de garantir le pouvoir d’achat du consommateur et d’allonger la durée de vie des équipements électriques et électroniques.

Ce délai de six ans est celui en vigueur au Royaume-Uni, où il a été démontré qu’il permettait d’enclencher un cercle vertueux, mais nombre d’autres pays soucieux de l’intérêt des consommateurs appliquent des règles plus strictes encore.

Lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, François Hollande avait répondu, le 6 avril 2012, à un questionnaire adressé par le CNIID, le Centre national d’information indépendante sur les déchets, à tous les candidats, par un engagement clair : « Il nous faudra enfin agir sur la durée de vie des produits. Tout en soutenant des modes de consommation responsable, c’est sur cette donnée intrinsèque que nous devons travailler. Plusieurs pistes existent, qui devront être étudiées au regard de leur intérêt environnemental mais également, pour certaines, en prenant garde à leurs éventuelles répercussions sur le pouvoir d’achat : (… ) la lutte contre l’obsolescence programmée des produits par l’instauration progressive d’une garantie longue de cinq ans, puis de dix ans pour les biens de consommation durables et la modulation de l’écotaxe selon la durée de vie garantie du produit. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons déjà eu des discussions sur l’allongement de la garantie légale de conformité. Le Gouvernement a essayé de s’en tenir aux préconisations de la Conférence environnementale, considérant qu’il était nécessaire de faire passer à vingt-quatre mois la durée de présomption d’antériorité du défaut de conformité, ce qui vient d’être fait grâce à un amendement de Mme Bonneton, conforme de surcroît à une recommandation des institutions européennes.

Il nous paraît préférable d’en rester là et de prendre toute la mesure des conséquences de cette mesure extrêmement importante, souhaitée par le Gouvernement et le Sénat et adoptée contre l’avis de la commission des affaires économiques de votre assemblée. L’équilibre atteint semble satisfaisant, et c’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

(L’amendement n455 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n457.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à sanctionner les vendeurs qui ne respecteraient pas les dispositions d’application de la garantie commerciale, en leur infligeant une amende pouvant atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Par manque d’information, le consommateur est souvent démuni face au vendeur. Ce dernier doit donc être incité à respecter les obligations liées à la garantie commerciale sous peine d’être sanctionné par la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est déjà créé par l’article 54 du projet de loi un article L. 211-16-1 du code de la consommation, aux termes duquel tout manquement aux articles L. 211-15 – qui édicte la garantie commerciale que vous évoquez – et L. 211-16 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, l’amende étant prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2. Votre amendement me paraît donc satisfait, monsieur Lambert, et je vous suggère de le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

M. François-Michel Lambert. Fort de ces éléments d’explication très clairs et rassurants, je le retire.

(L’amendement n457 est retiré.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 7 bis A

(L’article 7 bis A est adopté.)

Article 7 bis

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 7 bis. Aucun amendement tendant à le rétablir n’étant déposé, l’article demeure supprimé.

Article 7 ter

(L’article 7 ter est adopté.)

Article 8 bis

(L’article 8 bis est adopté.)

Article 9 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 9 bis.

Je suis saisie de trois amendements, nos 162, 362 et 502, tendant à rétablir cet article et pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 162 et 362 sont identiques.

La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n162.

M. Yves Foulon. Cet amendement tend à rétablir l’article 9 bis dans sa rédaction initiale en permettant aux consommateurs de régler leurs factures d’énergie, d’eau ou de communications électroniques par tout moyen, notamment par mandat-compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n362.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement a pour objet de supprimer une pénalisation de la pauvreté. Il tend à élargir aux fournisseurs d’eau et de télécommunications l’obligation de proposer parmi les modes de paiement le chèque et un mode de paiement en espèces et, surtout, à rendre gratuite l’utilisation du mandat-compte pour le paiement des factures d’énergie, d’eau, de téléphonie et d’accès à internet.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n502.

M. Thierry Benoit. C’est la même chose : il s’agit de faire en sorte que le mandat-compte, qui est payant, soit gratuit, comme le prélèvement automatique, pour l’accès à l’énergie, la fourniture de gaz, d’eau et d’électricité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous en avons déjà discuté. Le paiement en liquide est complexe à mettre en œuvre sur le plan technique ainsi que sur celui de la sûreté et même de la sécurité. À ce stade, en tout état de cause, pour les raisons que nous avons d’ores et déjà dites, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Défavorable.

Il me semble d’abord que les règles en vigueur répondent à plusieurs de vos préoccupations, s’agissant notamment des moyens de paiement, puisque ces règles, fixées par le code monétaire et financier, sont protectrices. Je rappelle en particulier l’interdiction de la surfacturation d’un moyen de paiement en particulier, ce qui serait évidemment discriminant. Imposer un mode de paiement unique peut être qualifié de clause abusive.

Conjuguées de surcroît avec les dispositifs garantissant l’accessibilité des services concernés, ces règles apportent à nos yeux une réponse satisfaisante aux préoccupations qui sous-tendent l’article 9 bis. Par ailleurs, les facturiers doivent bénéficier d’une certaine latitude pour promouvoir des modes de paiement les plus fiables et les moins coûteux.

(Les amendements identiques nos 162 et 362 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n502 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’article 9 bis demeure donc supprimé.

Article 9 ter

Mme la présidente. À l’article 9 ter, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 163 et 280.

La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n163.

M. Yves Foulon. Cet amendement tend à élargir l’interdiction des frais de rejet, afin qu’elle bénéficie à tous les consommateurs, fragiles ou non.

En effet, si l’intention de la rédaction actuelle est louable, elle comporte le risque de légitimer les frais de rejet pour les consommateurs non fragiles, par opposition au public fragile, qui en est exonéré. Il convient d’interdire purement et simplement ces frais car ils constituent une double peine, la banque facturant déjà des frais pour sa part.

Enfin, l’article ne doit pas offrir un prétexte aux professionnels non expressément désignés pour imposer des frais de rejet aux consommateurs, en contradiction avec la jurisprudence constante sur ce point et avec les recommandations de la commission des clauses abusives.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n280.

M. Damien Abad. Il faut soit interdire les frais de rejet, soit les autoriser, mais l’idée d’un juste milieu, considérant les personnes « en état de fragilité eu égard notamment à leurs ressources », n’est pas pertinente. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un « état de fragilité » ? Ensuite, le risque, une fois de plus, est de créer des effets connexes n’incitant pas au retour au travail. Pour tout ce qui concerne les incidents bancaires et les frais de rejet, il est au contraire important de ne pas créer une distorsion entre différents publics. Soit on est pour, soit on est contre, mais le pire serait d’adopter un entre-deux à contresens de ce que nous voulons faire pour valoriser les personnes ayant un emploi.

(Les amendements identiques nos 163 et 280, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n305.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La notion d’« état de fragilité » ne paraît pas suffisamment normative pour figurer dans le texte. C’est pourquoi je propose de renvoyer à un dispositif qui existe et fonctionne, s’appuyant sur les critères, de revenu, d’éligibilité à la CMU, et autres, pour le bénéfice de la tarification sociale de l’électricité et du tarif spécial de solidarité pour le gaz naturel. Ces critères sont tout à fait objectivés, et mieux paramétrés, me semble-t-il, que la notion d’état de fragilité.

(L’amendement n305, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n331.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n331, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 9 ter, amendé, est adopté.)

Article 9 quater

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n332 tendant à supprimer l’article 9 quater.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Sagesse.

(L’amendement n332 est adopté et l’article 9 quater est supprimé.)

Article 10

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n159.

M. Yves Foulon. Cet amendement vise à préciser que le professionnel qui n’a pas effectué la livraison dans les temps peut faire l’objet d’une relance par le consommateur, qui lui laisse alors une nouvelle chance de livrer le bien dans un délai supplémentaire, sous peine de mettre fin au contrat. L’expression de « délai supplémentaire adapté aux circonstances », en plus d’être celle de la directive sur les droits des consommateurs, ici transposée, est plus précise et doit donc être préférée à la notion de « délai raisonnable », subjective et qui risque d’être source de nombreux litiges.

(L’amendement n159, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. À l’article 11, la parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n333.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n333, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n334.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est un amendement de cohérence.

(L’amendement n334, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n381.

Mme Valérie Boyer. C’est un amendement qui concerne l’or. Depuis cinq ans, le cours des métaux précieux a connu une hausse spectaculaire ; l’or a ainsi vu son cours plus que tripler. Cet accroissement de valeur attise les convoitises, et les vols d’or ont fait de nombreuses victimes, en particulier parmi les personnes les plus vulnérables et les professionnels, dans les bijouteries. Aujourd’hui, la profession de bijoutier est devenue une profession à risque. Les services de police de nombreux départements appellent la population à la vigilance en ce qui concerne ces actes délictueux.

C’est pourquoi il est absolument nécessaire de prévoir un agrément des professionnels proposant des opérations d’achat de métaux précieux, notamment d’or, d’argent ou de platine, par une autorité reconnue, ainsi que d’autres dispositions visant à protéger le consommateur. Ces mesures permettraient d’instaurer des règles de bonne conduite, de mettre fin à certaines pratiques et de rétablir l’image de ce secteur d’activité commerciale. La pression est moins forte aujourd’hui, le cours de l’or n’augmentant plus, et ayant même baissé, mais il me semble nécessaire de prendre des mesures pour protéger cette profession, et de prévoir un agrément délivré par l’autorité préfectorale du siège d’exercice ainsi qu’une indication par voie d’affichage des conditions générales de vente et d’achat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est un débat que nous avons entamé en première lecture, et nous avons eu l’occasion de discuter de ce sujet avec Mme Boyer à plusieurs reprises. Nous connaissons, madame la députée, votre engagement sur ce thème, y compris sous la précédente législature.

M. Daniel Fasquelle. C’est exact !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je suis néanmoins défavorable à votre amendement, car les mesures introduites en première lecture par l’Assemblée sont déjà très précises. L’exposé sommaire de votre amendement ne les remet d’ailleurs pas en cause.

Même si un agrément préfectoral n’est pas prévu, toute personne se livrant au commerce de l’or et des métaux précieux est tenue de se faire connaître de l’administration et doit déposer à cet effet une déclaration d’existence auprès du bureau de garantie territorialement compétent, en vertu des articles 533 et 534 du code général des impôts. Les conditions d’exercice de l’activité sont également retracées dans le livre de police que doivent détenir ces professionnels, conformément à la circulaire du ministre du budget. Les garanties sont donc, de notre point de vue, suffisantes. Je vous vois marquer votre désaccord, mais l’avis reste défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’amendement porte sur deux aspects. En ce qui concerne, tout d’abord, le fait de soumettre l’exercice de la profession d’acheteur de métaux précieux à un agrément préfectoral, ce n’est pas dans ce projet de loi qu’il convient de prévoir un agrément relatif à l’accès à une profession, ce projet se concentrant sur les relations entre consommateurs et professionnels.

En revanche, sur le deuxième aspect, le Gouvernement est totalement en phase avec vos préoccupations, madame Boyer, s’agissant notamment d’imposer aux professionnels un affichage des conditions générales de vente et d’achat ainsi que des prêts pratiqués pour l’or. Je vous informe que la DGCCRF a récemment mené des contrôles, qui l’ont amené à constater une information insuffisante de la part des professionnels, notamment sur les prix de rachat proposés. C’est pourquoi le projet de loi, dans son volet consacré au rachat d’or, fait déjà obligation aux professionnels d’informer les consommateurs, au stade précontractuel, du prix de rachat proposé. Les modalités de cet affichage obligatoire des prix seront fixées par arrêté du ministre de l’économie.

Considérant que votre amendement est en partie satisfait, je serais tenté de vous demander de le retirer, à défaut de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris en considération la question de l’information du consommateur, car, lorsque les prix de l’or ont flambé, beaucoup de particuliers ont vendu leur or à un prix qui n’était pas celui du marché, dans de mauvaises conditions pour eux, entre autres lorsque ces ventes ont eu lieu par correspondance. Il est souhaitable qu’à l’avenir l’information soit beaucoup plus claire.

En revanche, si je comprends bien qu’un agrément préfectoral représente un mode d’organisation différent, je pense qu’il est très important que ces boutiques ne poussent pas comme des champignons. Elles ont aujourd’hui tendance à fermer, car le cours de l’or a de nouveau baissé, mais si d’aventure ce cours augmentait encore, de telles boutiques rouvriraient, dans des conditions de fonctionnement pas forcément favorables aux particuliers. Il est nécessaire de s’organiser de façon différente. C’est un problème stratégique de sécurité. Si je me réjouis que les particuliers vendant de l’or bénéficient d’une meilleure information, la protection de notre indépendance – car il s’agit bien de cela aussi –, des professionnels et des particuliers implique que nous changions la façon dont ces boutiques peuvent ouvrir et avoir pignon sur rue. Il faudrait également travailler sur les conditions de vente par correspondance des métaux précieux.

Je ne retire pas mon amendement, compte tenu de la question de l’agrément préfectoral, mais je vous remercie d’avoir pris en considération mes demandes relatives à l’information des particuliers.

M. Thierry Benoit. Très bien !

(L’amendement n381 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n382.

Mme Valérie Boyer. Il s’agit toujours de la question de l’or, cette fois en ce qui concerne la publicité. On observe la multiplication des publicités pour le rachat d’or, qui proposent aux particuliers de vendre leurs bijoux en profitant de la hausse des cours. La prise de conscience publique de la situation du marché de l’or et des métaux précieux en général favorisée par cette publicité, désormais diffusée via de nombreux médias, télévision, presse, internet, ainsi que par le biais de communications téléphoniques au domicile visant des personnes vulnérables, car ce sont souvent des personnes âgées qui décrochent – c’est un démarchage très fort –, a entraîné le développement de commerces dont les pratiques ne sont pas réglementées et permettent certains abus. Je propose donc d’y mettre fin. Des exigences doivent être imposées à ces activités afin de faire obstacle à l’augmentation des vols de métaux précieux, devenus très rentables pour les délinquants et hautement préjudiciables pour la société dans son ensemble.

Si une interdiction générale de publicité serait très difficile à justifier – mon amendement ne la demande d’ailleurs pas –, une réglementation stricte peut néanmoins être mise en œuvre. D’autres secteurs commerciaux, à l’image des armes à feu, ont vu leurs droits à la publicité encadrés dans le but de protéger le consommateur. Cette protection, en ce qui concerne l’or et les métaux précieux, est aujourd’hui nécessaire. La publicité pour le rachat d’or peut en effet être de nature à attiser les convoitises et à augmenter le risque d’occurrence des délits liés à la valeur des métaux précieux.

Enfin, la tenue d’un registre des transactions effectuées au sein des comptoirs de l’or et autres boutiques spécialisées permettrait de restaurer un minimum de transparence et d’assurer la traçabilité des échanges. Je sais que les choses ont évolué mais je pense qu’il faut aller beaucoup plus loin. J’avais proposé la création d’un fichier national des transactions en or ; un agrément préfectoral aurait été particulièrement intéressant, pour permettre de travailler sur un tel fichier et non simplement sur un registre avec du papier carbone, comme c’est le cas aujourd’hui.

J’insiste sur cette publicité et sur ce démarchage à domicile qui incitent à de mauvaises pratiques et sont très contestables en termes de déontologie et de réglementation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je reconnais dans cette présentation, madame Boyer, des fragments de votre proposition de loi. Nous avions d’ailleurs eu des échanges à ce même sujet en commission, avant la première lecture de ce texte.

Mme Valérie Boyer. Oui ! Et même dès la précédente législature…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. En effet.

Toutefois, comme nous le disons dans notre rapport, nous avons voulu, à un moment donné, proposer un encadrement plus fort et plus contraignant de la publicité, ce que nous avons fait en première lecture, je tiens à le rappeler. Nous sommes allés aussi loin que possible dans les limites du cadre imposé par la réglementation existante, du respect de la liberté fondamentale d’expression et de la réglementation européenne sur la publicité qui distingue, comme vous vous en doutez, la vente des armes à feu ou de l’alcool de celle de l’or, justifiant ainsi la différence des règles publicitaires, qui est évoquée dans le rapport. Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Étant donné que les arguments de Mme Boyer sont des arguments de fond, je prendrai une minute pour lui répondre. Cela ne signifie pas, bien sûr, que ceux de ses collègues arguments ne sont pas étayés…(Sourires.)

M. Martial Saddier. Vous vous êtes bien rattrapé !

Mme Valérie Boyer. C’est gentiment dit !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est le métier qui rentre…(Sourires.)

Les contraintes relatives aux documents à fournir par le consommateur-vendeur et par celui qui rachète l’or imposeraient, nous semble-t-il, des charges assez lourdes, notamment à l’endroit de ceux qui font ce métier en toute honnêteté…

Mme Valérie Boyer. Mais non !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …et qui y verraient une charge administrative un peu complexe, n’allant pas dans le sens de nos objectifs de simplification. Je comprends que vous souhaitiez encadrer, notamment en période de crise, cette transaction particulière consistant à racheter l’or de celles et de ceux qui le vendent, souvent parce qu’ils sont dans le besoin. Toutefois, l’encadrement que vous proposez nous semble excessif, car il est important que cette activité commerciale conserve, pour ceux qui la pratiquent avec honnêteté, une fluidité suffisante.

Deuxièmement, vous voulez créer un registre national des transactions des métaux précieux. Il nous semble inutile à ce stade, dès lors que la tenue de registres sur ce type de transactions s’impose déjà dans le registre de police, dit « de brocante », prévu par le code général des impôts. Ces transactions sont donc couvertes en l’état actuel du droit et de la loi.

Enfin, vous proposez de réglementer strictement le contenu des publicités pour les achats d’or. Si je comprends votre préoccupation, je suis obligé de vous faire cette réponse terrible, à savoir que nous sommes juridiquement régis par les dispositions d’une directive d’harmonisation transposée en droit français : aucune réglementation nationale ne peut aller plus loin que ce que prévoit cette directive. Pour ces trois raisons, je me vois obligé de donner un avis défavorable à votre amendement, madame la députée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie, mais je voudrais faire deux remarques. Tout d’abord, les professionnels qui pratiquent honnêtement leur métier, et que j’ai tous rencontrés, réclament précisément plus de transparence et de sécurité ainsi qu’un meilleur encadrement. Je me permets d’ailleurs de rappeler que l’Assemblée nationale a accepté la création d’un groupe d’études sur les métaux précieux et non précieux, dont je suis la présidente. Ces professionnels qui ont pignon sur rue, qui font leur métier honnêtement et qui veillent à ce que la TVA soit considérée dans les transactions – c’est un vrai sujet – souhaitent que leur profession soit sécurisée, mieux réglementée, mieux encadrée et que les vendeurs soient rassurés. Or aujourd’hui, les vendeurs particuliers sont dans l’inquiétude la plus totale.

Quant à la publicité, si je comprends les difficultés que vous évoquez, je ne les partage pas. C’est d’ailleurs pourquoi j’avais émis l’idée que la vente ou le rachat d’or soient encadrés comme peuvent l’être des produits exceptionnels, tels que les armes à feu et l’alcool que vous avez cités. On sait en effet que l’augmentation du cours de l’or a créé des convoitises, donc de la délinquance, donc des victimes, que celles-ci aient été agressées physiquement ou qu’elles aient vendu leur or à un cours éloigné de sa valeur vénale. Ce sont souvent les plus modestes et les plus vulnérables qui ont été touchés et il est nécessaire de les protéger dans un texte sur la consommation, ce que ne fait pas suffisamment la réglementation actuelle.

Je trouve dommage que nous ne profitions pas de ce moment où nous ne subissons pas la pression de la hausse des cours de l’or pour prendre des dispositions en ce sens, alors que les occasions sont rares de traiter ce type de sujet. Il est regrettable de manquer une telle chance de protéger les vendeurs et d’encadrer mieux cette profession, d’autant que notre pays dispose de gisements aurifères en Guyane. Or, protéger toute la filière, c’est protéger aussi notre indépendance. C’est donc également d’un point de vue stratégique qu’il est dommage de passer à côté de cette occasion.

(L’amendement n382 n’est pas adopté.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ces amendements auront été défendu avec conviction !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement n30 rectifié.

M. Jean-Louis Bricout. Près d’un million de foyers français ont recours, pour leurs besoins de chauffage, au gaz de pétrole liquéfié en citerne. Ces consommateurs résident le plus souvent en zone rurale et ne sont généralement pas raccordés à un réseau de gaz naturel. Or les contrats spécifiques qui régissent la fourniture de gaz de pétrole liquéfié ne sont pas encadrés, pour l’instant, par le code de la consommation. Il est donc nécessaire de pallier cette lacune juridique, afin de mieux protéger les droits de ces consommateurs.

Tel est l’objet de cet amendement, qui comporte des dispositions précises s’agissant des durées des contrats, de la sécurité, de la résiliation, du dépôt de garantie, de la mise à disposition et de la vente du matériel, ou encore des délais d’approvisionnement. Afin de ménager un délai suffisant pour que les professionnels puissent procéder aux adaptations nécessaires dans de bonnes conditions, la section 17 ainsi créée au sein du chapitre 1er du titre II du livre 1er du code de la consommation entreraient en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

(L’amendement n30 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 11 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, inscrit sur l’article 11 bis.

M. Martial Saddier. Je profite de la discussion de cet article pour appeler l’attention de notre assemblée sur le fait que l’article 40, qui mériterait une mission à lui tout seul, a encore frappé, à propos de la territorialité de la distribution de l’énergie dans notre pays. Un amendement sur le gaz est tombé à cause de lui, ce qui me fait dire – et je crois que le président Brottes partagera mon idée – que, si la grande loi annoncée sur la transition énergétique doit être débattue l’an prochain, ce ne sera même pas la peine de l’inscrire à l’ordre du jour, puisque cet article 40 fait passer à la trappe tous les amendements ouvrant le débat de la territorialité.

L’article 11 bis, relatif au tarif réglementé de gaz naturel, a fait l’objet d’évolutions importantes en commission, grâce à un amendement du Gouvernement – je vous en remercie, monsieur le ministre – auquel s’est ajouté un sous-amendement du président de la commission, traitant des tarifs de l’électricité. Je vous remercie, président Brottes, pour ce sous-amendement, qui fixe un cadre à la bascule tarifaire qui interviendra à la fin de l’année 2015, mettant fin aux tarifs réglementés de vente de l’électricité aux professionnels, aux entreprises de toutes tailles, mais également à la plupart des artisans et des commerçants.

Pour autant, ce cadre est limité dans la mesure où il procède par analogie, de sorte que les dispositions – en l’occurrence les obligations faites au fournisseur – qui sont prévues pour le gaz s’appliquent également à l’électricité. Or l’électricité n’est pas le gaz, et le marché de l’électricité n’est pas celui du gaz. D’après l’observatoire des marchés, le nombre total de sites non résidentiels bénéficiant du tarif réglementé s’élève à plus de 4 millions pour l’électricité et à 350 000 pour le gaz.

Outre cet effet de taille, il convient de tenir compte des spécificités liées au système électrique et à la nature de l’électricité, qui est un bien essentiel, pour organiser au mieux les évolutions tarifaires prévues d’ici à deux ans. Il s’agira notamment d’éviter des risques de coupures d’alimentation pour des petites entreprises ou des artisans qui seraient gravement pénalisés dans leur activité professionnelle pour n’avoir pas forcément pu ou su anticiper les échéances du passage au prix du marché. Pour ce faire, il conviendra de garantir la capacité des opérateurs à gérer ces situations particulières. Un pas important a été fait par le Gouvernement et par le président Brottes, mais je défendrai tout à l’heure un amendement à cet article, car il me semble indispensable d’encadrer parfaitement ce passage important du tarif réglementé au tarif de marché.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 251 et 320.

La parole est de nouveau à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n251.

M. Martial Saddier. Étant donné la forte proportion de PME et PMI bénéficiant, encore à ce jour, du tarif réglementé d’électricité, les modalités de sa suppression doivent être définies de manière spécifique et précise, afin de leur éviter toute rupture ou interruption de l’activité économique, qui aurait de graves incidences sur l’emploi. Il est impossible en effet, dans le cadre général de la loi, de répondre à la situation de milliers de TPE et de PME qui sont, par définition, dans des situations particulières, toutes différentes les unes des autres.

Ne prendre en considération que l’échéance au-delà de laquelle la fourniture d’électricité ne sera plus assurée par un client exerçant une activité économique n’est pas suffisant. Il apparaît nécessaire de spécifier les modalités opérationnelles complémentaires compatibles avec le maintien de l’activité économique. Ces modalités spécifiques à prévoir permettront de ne pas mettre en danger la continuité des activités économiques et de l’emploi tout en assurant la sécurité des personnes et des biens dans le cas d’activités à risques ou de protection des populations.

Les avancées faites par le Gouvernement et le président Brottes en commission sont importantes, je le redis, mais nous allons au-devant de grandes difficultés si nous ne permettons pas, par le biais d’un décret, un peu de souplesse ainsi que la possibilité de s’adapter aux cas particuliers.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n320.

M. André Chassaigne. Effectivement, des avancées importantes ont été obtenues à la faveur du travail en commission. Elles sont d’ailleurs dues pour partie à des amendements gouvernementaux qui permettent de mieux accompagner le basculement vers la fin du tarif réglementé. Cette question est très importante, en particulier pour les petites entreprises, qui sont très attachées au coût de l’électricité. Vous parlez tous beaucoup du coût du travail ; je parle beaucoup du coût du capital ; mais le coût de l’énergie pèse également très lourd sur notre développement industriel, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Les évolutions apportées concernent le devoir d’information du Gouvernement ainsi que l’exigence d’une offre transitoire et un amendement du président de la commission, François Brottes, a permis de reculer la date du basculement au 31 décembre 2015.

Cependant, il est bien écrit dans le rapport des débats en commission que « la commission des affaires économiques a adopté un sous-amendement présenté par le président de la commission, M. François Brottes – il n’est pas spécifié « l’éminent François Brottes » mais cela aurait pu l’être (Sourires) –, afin d’étendre le dispositif prévu pour le gaz naturel à la vente d’électricité, les tarifs réglementés en la matière devant prendre fin au 31 décembre 2015 ». Il est ajouté « et nécessitant de prendre dans les meilleurs délais une mesure législative spécifique ». L’objet de cet amendement est précisément de traduire dans ce texte de loi la nécessité d’avoir une mesure législative spécifique, comme cela apparaît dans le rapport de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Parce que, monsieur Chassaigne, de ce côté-ci de l’hémicycle, nous illuminons les astres – je précise, pour ceux qui n’étaient pas là, que c’est un private joke, suite à la séance d’hier soir... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Vous pourriez le dire en français !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …je suis favorable à ces amendements sur le fond, nonobstant…

M. Daniel Fasquelle. C’est mieux ! (Sourires.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …le fait qu’il s’agisse d’une loi qui renvoie à une loi, mais je crois que l’éminent président Brottes a un sous-amendement à proposer.

Mme la présidente. Quel est, in fine, votre avis ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Favorable à ces amendements, nonobstant le sous-amendement que le président Brottes s’apprête à proposer.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je remercie André Chassaigne pour le qualificatif qu’il a employé à mon sujet. Une fois n’est pas coutume…(Sourires.)

Ceux qui suivent ces questions depuis toujours savent que la France, y compris son Parlement, regrette la disparition des tarifs réglementés, qui faisaient partie des dispositifs utiles pour maintenir l’accès à ce bien essentiel. Mais nous sommes devant une échéance qui s’impose à nous, et il est hors de question d’y faire face dans l’improvisation.

Le projet de loi apportant des solutions pour l’une des deux énergies concernées, il en manquait une pour l’autre, toute aussi vitale, et j’ai proposé à ce sujet, en commission, un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement. Mais je rejoins Martial Saddier sur le fait que sa rédaction n’est peut-être pas totalement parfaite et que le Gouvernement aura besoin de préciser les contours de son application d’ici le dépôt prochain du projet de loi relatif à l’énergie. C’est pourquoi je propose de rectifier l’amendement commun à MM. Chassaigne et Saddier, qui conviendront probablement qu’une loi ne peut renvoyer à une autre loi, en prévoyant simplement le renvoi à un décret en Conseil d’État.

Par ailleurs, puisque les auteurs de ce double amendement souhaitent laisser une latitude au pouvoir exécutif pour perfectionner le dispositif, je pense qu’il ne faut pas réduire le champ du décret à la seule électricité. L’article traitant aussi du gaz, je propose la rédaction suivante :« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » Le contenu de l’article serait ainsi entièrement couvert, ce qui nous épargnera de nous apercevoir trop tard que l’on aurait dû aussi prévoir un décret d’application pour le gaz.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous rassemblerons ainsi les énergies positives de M. Chassaigne, de M. Saddier, du rapporteur et de moi-même…

Mme la présidente. Les amendements se liraient donc ainsi : « Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette version rectifiée ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Devant une telle tornade d’énergie positive (Sourires), le Gouvernement ne peut que donner un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je tiens à saluer André Chassaigne car ce qui se passe prouve que nous pouvons nous rejoindre sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question des territoires dits défavorisés, je pense en particulier à la montagne, mais aussi sur celle des TPE et des PME. Un travail important a été fait par le rapporteur, le président de la commission et le Gouvernement, et je soutiens la proposition du président de la commission, que je remercie vraiment d’avoir rappelé que l’échéance de la suppression des tarifs réglementés s’impose à nous du fait de la primauté du droit européen, mais qu’il nous appartient de veiller à apporter la souplesse nécessaire pour que ni nos TPE, ni nos PME, ni nos concitoyens ne soient pénalisés. Je le rejoins également pour dire que le Parlement doit se montrer ouvert et intelligent et faire pour le gaz ce qu’il fait pour l’électricité.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne me répandrai pas trop en remerciements, car je ne tiens pas à ce que M. Brottes en prenne l’habitude. (Sourires.) M. Saddier et vous-même, monsieur le président Brottes, étant des élus alpins, je ferai acte de contrition : en faisant référence à une loi à venir, je plaçais un « loup » dans l’espoir qu’une nouvelle loi sur le basculement hors du tarif réglementé permettrait peut-être de reculer encore l’échéance, mais je comprends bien que le décret rend la décision irrémédiable. J’accepte donc de me soumettre à une forme de renoncement par rapport à ce que nous aurions pu obtenir dans un nouveau texte.

(Les amendements identiques nos 251 et 320, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés à l’unanimité.)

M. André Chassaigne. Un vote à la soviétique ! (Sourires.)

(L’article 11 bis, amendé, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n373.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement permet d’offrir une alternative supplémentaire aux consommateurs en cas de litige : celle de saisir les conciliateurs de justice, la possibilité de recourir à la médiation n’étant, bien entendu, pas supprimée. En effet, les conciliateurs de justice sont assermentés et nommés par les premiers présidents de cour d’appel, et ils sont indépendants. J’ajoute que la gratuité de leur saisine va dans le sens des intérêts des consommateurs. Je rappelle par ailleurs qu’ils traitent déjà au quotidien des problèmes de consommation dans leur permanence, sur tous les cantons de France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable car, en l’état de l’article 12, rien n’empêche de faire appel au conciliateur de justice.

(L’amendement n373, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 12 est adopté.)

Articles 12 bis et 12 ter

(Les articles 12 bis et 12 ter sont successivement adoptés.)

Article 13

Mme la présidente. L’article 13 a été adopté conforme par le Sénat.

Article 13 bis

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n336 à l’article 13 bis.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n336, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 13 bis, amendé, est adopté.)

Articles 14 à 16

(Les articles 14, 15 et 16 sont successivement adoptés.)

Article 17

Mme la présidente. L’article 17 a été adopté conforme par le Sénat.

Article 17 bis

(L’article 17 bis est adopté.)

Article 17 ter

Mme la présidente. L’article 17 ter a été adopté conforme par le Sénat.

Article 17 quater A

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, tendant à supprimer l’article 17 quater A.

La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n153.

M. Yves Foulon. Cet article supprime le monopole de vente des produits d’entretien des lentilles de contact, actuellement réservé aux pharmaciens et aux opticiens. Pourtant, le maintien de ce monopole se justifie au regard des risques induits par la délivrance de ces dispositifs médicaux. On sait en effet que ces produits sont destinés à permettre la décontamination et la désinfection des lentilles. Ils doivent donc être utilisés de manière strictement conforme à leur destination, tous n’étant pas, de plus, adaptés à toutes les lentilles. Ils nécessitent par conséquent d’être identifiés par le professionnel de santé pour éviter tout risque sanitaire. L’utilisation d’un produit inadapté peut conduire à la détérioration de la lentille ou, pire encore, à des conséquences extrêmement graves du fait de l’absence d’effet désinfectant.

Cet article, présenté en invoquant le prétexte de la baisse des prix qu’il est supposé entraîner, risque au contraire de provoquer une augmentation des coûts pour la Sécurité sociale du fait de la prise en charge des conséquences sanitaires d’une telle libéralisation.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n323.

M. André Chassaigne. L’essentiel des mesures que contient ce projet de loi va dans le sens d’une meilleure régulation de divers marchés et d’une meilleure protection des consommateurs. Aussi ne comprenons-nous pas bien la présence, ni la pertinence, de cet article 17 quater B qui libéralise, et donc dérégule, le vente des tests de grossesse et d’ovulation.

Mme la présidente. Monsieur Chassaigne, nous n’en sommes encore qu’à l’article 17 quater A.

M. André Chassaigne. Je vous prie de m’excuser, madame la présidente. Considérez que l’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n358.

Mme Valérie Boyer. Je vois que M. Chassaigne et moi allons nous rejoindre sur l’article suivant…Pour l’heure, il s’agit des lentilles de contact. Cet article prévoit en effet de libéraliser la préparation et la distribution des produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact, ce qui porte atteinte au monopole des pharmaciens et des opticiens, par dérogation, pour ce qui relève de la délivrance. L’argument financier n’a pas ici sa place, car cette activité ne représente que de faibles volumes de vente et ne constitue en aucun cas une manne financière pour les pharmaciens et les opticiens. Les produits pour lentilles sont d’ailleurs ceux sur lesquels la marge dégagée est la plus faible.

C’est donc bien d’un point de vue déontologique que ne peut être admise une telle mesure, de surcroît présentée sans qu’aucune étude d’impact pour la santé publique ait été réalisée. En effet, les risques de santé publique liés à l’utilisation du dispositif médical de type IIb sans contrôle préalable par un professionnel de santé, et donc potentiellement inadaptée aux lentilles portées, vont de la simple détérioration de la lentille jusqu’à l’absence de désinfection, avec des conséquences qui peuvent être sévères. Ainsi, la vérification, le contrôle et le conseil prodigués par le professionnel de santé sont des étapes essentielles auxquelles ne saurait se substituer une simple information écrite. Au nom du principe de précaution, le monopole de préparation et de distribution des produits pour lentilles doit donc être maintenu.

Les conséquences sanitaires d’une telle libéralisation auraient par ailleurs un coût pour la Sécurité sociale, contraire à la dynamique de réduction des dépenses qui s’impose dans le contexte actuel.

J’ajouterai encore un argument : alors que l’on essaye de lutter contre la vente de produits pharmaceutiques frauduleux, passer par des professionnels et par des circuits sécurisés permet de garantir la qualité et la sécurité des produits. En France, nous ne sommes encore pas trop victimes de ce type de dérives, mais il serait regrettable de déstabiliser une fois de plus des professions et une filière qui sont déjà bien attaquées.

Nous avons la chance de disposer d’un maillage de professionnels de santé de grande qualité. Il nous faut le conserver, au lieu de leur envoyer des signaux inquiétants tout en continuant à jouer au yo-yo législatif. Nous examinerons l’année prochaine, je l’espère, la loi sur la santé publique, et nous verrons alors s’il y a lieu ou non de libéraliser la vente de ces produits. Pour ma part, je ne le crois pas : profitons de la compétence et des conseils de nos professionnels de santé, y compris s’agissant de l’achat de produits.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement n386.

M. Jean-Louis Costes. Mon amendement propose, comme ceux de mes collègues, la suppression de cet article, qui tend à supprimer le monopole des pharmaciens et des opticiens pour la distribution des produits destinés aux lentilles oculaires de contact. Ce sont des produits qui entrent dans la catégorie « potentiel élevé de risque », et il y aurait un véritable danger sanitaire en cas de mauvaise combinaison. C’est pourquoi nous pensons que de tels produits doivent rester identifiés et conseillés par des professionnels.

Au-delà de la problématique des seules lentilles, et compte tenu du fait qu’aucune étude d’impact n’a été présenté, la vente d’un certain nombre de produits par des non-professionnels de santé, voire par des grandes surfaces, est un mauvais coup porté aux professionnels de santé que sont les pharmaciens et les opticiens, comme l’a dit ma collègue Valérie Boyer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, vous traitez toute cette affaire sous l’angle d’une putative économie sur le prix du produit. Or il y a ici un enjeu de santé publique.

M. Brottes, lors de la discussion d’un précédent texte à l’époque où il était dans l’opposition, avait exigé que le ministère de la santé publique fût représenté au banc du Gouvernement lorsqu’il était question de sujets relevant de sa compétence. Aujourd’hui, comme vous le voyez, monsieur Brottes, nous n’exigeons pas que la ministre en charge de la santé publique soit présente, à moins que cela n’ait déjà été demandé ou soit sur le point de l’être. Une chose est sûre : nous aimerions connaître l’avis du ministère de la santé sur ce sujet-là.

En effet, la divergence de traitement entre les lentilles et les produits d’entretien des lentilles se comprend d’autant moins que les produits d’entretien sont des dispositifs médicaux de classe IIb qui correspondent à un « potentiel élevé de risque » compte tenu de leur fonction de décontamination et de désinfection. Vous traitez ce sujet avec un mépris évident : grâce à cet article, n’importe qui, n’importe où, sur Internet, pourra vendre ces produits alors qu’ils sont destinés à être mis directement en contact avec le globe oculaire ; c’est proprement intolérable.

C’est dans cet esprit que je demande la suppression de l’article 17 quater .

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je souhaite faire un rappel au règlement, car je ne vois pas très bien comme on peut traiter d’un sujet de santé publique au détour d’un texte sur la consommation. Nous demandons donc que la ministre de la santé soit présente pour discuter de ces dispositions, car il est anormal d’avoir ce débat en son absence.

Mme Valérie Boyer. Cela nous a d’ailleurs été reproché tout à l’heure !

M. Daniel Fasquelle. Nous souhaitons également que la commission des affaires sociales soit saisie ; j’en ai d’ailleurs fait la demande lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques et il n’y a pas été donné suite.

J’estime qu’on ne peut traiter d’un sujet d’une telle importance pour la santé publique – nos yeux, c’est ce que nous avons de plus précieux – au détour d’un texte sur la consommation.

M. Damien Abad. C’est vrai !

M. Daniel Fasquelle. Je souhaite donc que nous suspendions nos discussions sur ces dispositions tant que la commission des affaires sociales n’aura pas été saisie et n’aura pas donné d’avis, et aussi longtemps que la ministre de la santé ne sera pas au banc du Gouvernement pour répondre aux questions que nous nous posons en termes de santé publique.

Mme la présidente. Monsieur le député, je considère qu’il ne s’agit pas d’un rappel au règlement. Cette intervention sera donc décomptée du temps de parole de votre groupe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, il s’agit bien d’un rappel au règlement puisque mon intervention concernait le déroulement de nos travaux !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je ferai plusieurs remarques. Tout d’abord, Mme Dalloz a fait référence à juste titre à des propos que j’avais tenus. Je n’ai rien à y redire, d’autant que je réagissais à l’époque à un texte dont M. Fasquelle était le rapporteur et qui, en son article 6, renvoyait à une grande libéralisation de tout ce qui concernait l’optique.

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Veuillez ne pas m’interrompre, cher collègue, car je ne vous ai pas coupé la parole lors de votre intervention.

M. Daniel Fasquelle. Dans ce cas, ne dites pas des choses fausses !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je faisais partie de ceux qui s’émouvaient qu’on pût traiter de la santé dans un texte sur la consommation.

M. Daniel Fasquelle. Vous avez donc changé d’avis ! Ou vous appliquez le principe : « faites ce que je dis, pas ce que je fais » !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Par conséquent, nourri par l’expérience, instruit par le silence avec lequel vous répondiez à mes fortes sollicitations, monsieur Fasquelle, j’ai demandé à Mme la ministre de la santé d’être présente à ce débat…

M. Daniel Fasquelle. Elle n’est pas là !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …et à la présidente de la commission des affaires sociales d’y assister. Celle-ci est d’ailleurs dans l’hémicycle en ce moment et je l’en remercie.

Il se trouve que derrière M. le ministre est assis le directeur du cabinet de Mme la ministre de la santé pour lui permettre de répondre aux questions relatives à la santé.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas la ministre !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Certes, mais nous avons déjà fait un pas par rapport à l’époque où j’en avais fait la demande, car nous n’avions alors personne, ni devant ni derrière, pour ainsi dire. (Sourires.) Je vois que M. le ministre a le sourire.

Aujourd’hui, nous nous appuyons sur deux entités et notre préoccupation est partagée tant par le ministère de la santé que par la commission des affaires sociales, car il s’agit en effet de traiter de questions de santé publique. Nous sommes donc d’accord sur ce point, monsieur Fasquelle, et je considère avoir fait mon travail pour que les personnes compétentes sur le sujet soient mobilisées.

Mme la présidente. Monsieur Abad, s’agit-il d’un rappel au règlement ?

M. Damien Abad. Oui, madame la présidente ; je souhaite m’exprimer sur le même sujet et faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 2, de notre règlement. Je vous sais gré de me laisser prendre la parole. (Sourires.)

Nous discutons en effet de sujets relatifs à la santé. Monsieur Brottes, je n’irai pas jusqu’à lire les propos que vous avez tenus lors de la discussion du projet de loi de M. Frédéric Lefebvre, ni ceux de Mme Massat, qui affirmait vouloir attendre l’avis de la commission des affaires sociales pour se prononcer sur les dispositions relatives à la santé, en particulier lorsque nous avons abordé les articles sur l’optique.

Mme Frédérique Massat. La présidente de la commission des affaires sociales est là !

M. Damien Abad. Oui, madame Massat, mais pour notre part nous souhaitons qu’elle soit saisie sur ce sujet et par ailleurs que la ministre soit présente.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mme Lemorton serait-elle notre future ministre de la santé ?

M. Damien Abad. Nous sommes donc une opposition plus constructive que la vôtre : vous aviez quant à vous demandé une suspension de séance pour permettre au ministre de la santé de rejoindre l’hémicycle, monsieur Brottes. Nous n’irons pas jusque-là.

Permettez-moi d’ajouter que ces questions n’ont pas été abordées en première lecture.

Mme Valérie Boyer. C’est exact !

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Damien Abad. Elles ne sont arrivées en discussion qu’en deuxième lecture et après coup.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et sans étude d’impact !

M. Damien Abad. Pour ces deux raisons, nous pouvons légitimement déplorer de devoir légiférer dans la précipitation, dans la vitesse, ce qui témoigne soit de l’impréparation du Gouvernement soit d’une division au sein des rangs socialistes sur ces sujets relatifs à la santé.

Mme Valérie Boyer et Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. À l’instar de celle de M. Fasquelle, votre intervention, mon cher collègue, sera décomptée du temps de parole du groupe UMP car je considère qu’il ne s’agit nullement d’un rappel au règlement : votre propos est sans objet, puisque le Gouvernement décide seul quel ministre le représente au banc.

Monsieur Fasquelle, je vous donne la parole uniquement s’il s’agit d’un vrai rappel au règlement. À défaut, je la donnerai au rapporteur puis au ministre pour qu’ils donnent leurs avis sur les amendements de suppression qui viennent d’être défendus.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, je ne suis pas du tout d’accord avec vous : tant mon intervention que celle de Damien Abad étaient bien des rappels au règlement, en ce qu’ils avaient trait directement au bon déroulement de nos travaux.

Mme la présidente. Absolument pas !

M. Daniel Fasquelle. Nous demandons à entendre tant la ministre de la santé que la présidente de la commission des affaires sociales, étant entendu que nous avons déjà demandé que celle-ci soit saisie lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques. Il est donc normal que nous intervenions ce soir pour savoir si nous serons éclairés par l’avis de la commission des affaires sociales et par la ministre de la santé.

M. Damien Abad. Si ce n’est pas le cas, nous demanderons une suspension !

M. Daniel Fasquelle. Si la présidente de la commission des affaires sociales est présente, elle siège non pas en tant que telle, mais en tant que simple députée. En outre, contrairement à ce que nous avions demandé dès l’origine, elle n’a aucun avis à nous communiquer, alors que nous sommes déjà en deuxième lecture et que cet examen aurait pu être fait depuis longtemps. Enfin, le fait que le ministre ait derrière lui un membre du cabinet de Mme Touraine n’est pas du tout à la hauteur de ce que nous pourrions attendre et de ce que vous aviez vous-mêmes réclamé il n’y a pas si longtemps.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il s’agit de son directeur de cabinet !

M. Daniel Fasquelle. Pour toutes ces raisons, nos propos étaient donc bien assimilables à des rappels au règlement. Je regrette que, sur un sujet si sensible, le débat soit ainsi bâclé.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’amnésique M. Fasquelle !

Mme la présidente. Monsieur le député, il ne s’agit aucunement de bâcler nos discussions. Vous avez tout à fait le droit de prendre la parole dans le cadre du temps législatif programmé.

M. Daniel Fasquelle. Je saisirai le président de l’Assemblée nationale, car je ne suis pas d’accord avec vous !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression de l’article 17 quater A ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il n’est en effet aucunement question de bâcler quoi que ce soit.

Je souhaite tout d’abord rappeler que le débat ne surgit pas ex nihilo : notre Parlement est composé de deux chambres, et le Sénat a pris en première lecture plusieurs initiatives, comme il en a le droit. Nous pouvons à présent nous en saisir, les approfondir au travers de nos dialogues et de nos échanges.

L’article 17 quater A concerne les produits d’entretien de lentilles de contact oculaires. Que constatons-nous ? On parle de prix, de coût, mais en passant sous silence certaines réalités. Aujourd’hui, le prix élevé de ces produits, qui dépasse largement la moyenne européenne, n’est imputable qu’au monopole des pharmaciens et des opticiens-lunetiers, et ne découle aucunement du fait que leur distribution nécessite d’être accompagné de conseils de santé. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Je comprends d’ailleurs pourquoi nous pouvons avoir des points de vue convergents sur ce sujet, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Il y a en effet deux manières de défendre le droit à l’information des consommateurs. Il y a tout d’abord la libéralisation à outrance, et vous avez raison, monsieur Fasquelle…

M. Damien Abad. Lapsus révélateur !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je veux dire monsieur Chassaigne, pardonnez-moi.

M. André Chassaigne. Vous avez des circonstances atténuantes !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il y a donc la libéralisation à outrance, synonyme de loi de la jungle ou d’absence de règles, et il y a le monopole. À cet égard, il est d’ailleurs assez cocasse de voir que le monopole est défendu de ce côté-ci de l’hémicycle, chers collègues de l’opposition.

M. Damien Abad. Quant à vous, vous défendez la libéralisation !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il ne s’agit pas d’une libéralisation, monsieur Abad ; le terme n’est pas pertinent ici. Ce que nous défendons c’est la fin d’un monopole,…

M. Damien Abad. C’est donc bien une ouverture, une libéralisation ! Assumez donc que vous voulez détruire les pharmacies de proximité !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. … c’est la possibilité de trouver un produit non seulement chez les opticiens-lunetiers et les pharmaciens, mais aussi dans d’autres points de vente, dès lors que l’ensemble des évaluations nécessaires auront été réalisées.

M. Damien Abad. Il n’y aura plus ni pharmaciens ni opticiens !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Au-delà des études réalisées et des préconisations de l’Autorité de la concurrence, nous pouvons vérifier que, là où cette mesure a été mise en œuvre, elle n’a eu aucun effet négatif sur la santé des consommateurs. La commission est par conséquent défavorable aux amendements de suppression.

Mme la présidente. Sur les amendements de suppression de l’article 17 quater A, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. S’agissant du monopole des pharmaciens, je souhaite simplement rappeler que, s’il se justifie dans la plupart des cas pour les dispositifs médicaux, il perd toute justification dès lors qu’il devient une rente.

M. Damien Abad. Il ne s’agit pas de rente, mais de santé publique !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De fait, et cela ne me surprend pas vraiment, il y a dans cet hémicycle des personnes qui se posent en défenseurs de la rente contre cette avancée décisive qui pourrait, non pas libéraliser, mais faciliter la mise à disposition d’un produit utile aux Français, à un prix beaucoup plus favorable à leur pouvoir d’achat que le prix actuel.

M. Damien Abad. Cela ne doit pas se faire au détriment de la santé publique !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je veux saluer les efforts qui ont été fournis par tous sur ce sujet. Je tiens à vous rassurer : sur ce banc, en tant que représentant du Gouvernement, je défends la position de la ministre de la santé et celle du ministre chargé de la consommation, c’est-à-dire celle de l’ensemble du Gouvernement, qui parle d’une seule voix sur ces sujets.

M. Damien Abad. Voilà qui change des autres sujets !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le directeur de cabinet de la ministre de la santé est parmi nous parce que la ministre est actuellement à Londres pour représenter la France au G8 sur les questions de santé, et il est important que nous soyons représentés à un tel événement.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les amendements de suppression déposés par M. Chassaigne et plusieurs parlementaires de l’UMP.

Nous considérons que la suppression du monopole des pharmaciens et opticiens-lunetiers sur la distribution des produits d’entretien de lentilles oculaires de contact est une mesure qui permet de soumettre à davantage de concurrence la vente de produits pour lesquels un monopole n’est, selon nous, pas justifié.

Certes, les produits d’entretien de lentilles ne sont pas des produits comme les autres. Ce sont des dispositifs médicaux qui en cette qualité font l’objet d’une réglementation communautaire stricte et sont sous la surveillance des pouvoirs publics, notamment de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Les distributeurs, qu’ils soient, comme aujourd’hui, des professionnels de santé ou, demain, des commerçants ont, en vertu de la loi, l’obligation de signaler sans délai à l’Agence toute défaillance du produit ou tout effet néfaste pour la santé des personnes. C’est ce qu’on appelle la matério-vigilance, une obligation qu’il conviendra donc de renforcer, notamment en faisant figurer des informations plus détaillées sur les notices d’utilisation, et dont les modalités sont définies au niveau réglementaire. Ma collègue Marisol Touraine, ministre de la santé, y est à juste titre particulièrement attachée. Pour autant, cette vigilance n’est pas directement liée au circuit de distribution des produits, je le rappelle.

La vente de ces produits est libre dans plusieurs pays de l’Union européenne, où il n’a pas été déploré de conséquences graves sur la santé des consommateurs ni sur l’activité économique des pharmaciens et opticiens-lunetiers. Dans son avis du 9 février 2005, observant que ces produits faisaient l’objet d’une réglementation stricte au niveau communautaire et national, le Conseil national de la consommation avait sollicité la suppression du monopole de distribution de ces produits estimant qu’il devrait en résulter une baisse des prix de l’ordre de 20 % à 30 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez ! C’est du délire complet !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Madame la députée, tenez-vous en à des avis délivrés par des experts. Vous utilisiez exactement les mêmes sources lorsque vous étiez au pouvoir, et nous ne les contestions pas sur le fond, car ce sont des avis sérieux. Je vous invite à faire preuve d’un peu plus de constance dans votre argumentation sur ces questions.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’avis du CNC est partagé par toutes les institutions consuméristes, toutes les organisations professionnelles et toutes les personnes qui étaient autour de la table. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est une instance que le précédent gouvernement consultait et dont il respectait les avis, tout comme je le fais aujourd’hui.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’en terminerai en appelant votre assemblée à examiner la réalité des faits.

La réalité, c’est que vous trouvez ces produits en vente en ligne sur internet. En un clic, sur votre smartphone ou votre tablette, vous pouvez acheter des produits nettoyants pour lentilles de contact. C’est assez simple. Pour la plupart, ces sites, même ceux dont l’adresse finit par « .fr », ne sont pas basés en France car ils ne respectent pas la réglementation en vigueur, à savoir le monopole de vente du pharmacien ou de l’opticien. Peut-on les fermer ? Je signale que, dans ce même texte, certains critiquent une disposition qui permet à la DGCCRF de saisir le juge pour qu’il ferme des sites ne respectant pas la réglementation\’85\

Comme ces distributeurs proposent des prix attractifs, beaucoup de consommateurs commandent aujourd’hui en ligne. Or nous ne disposons pas vis-à-vis de ces sites des mêmes moyens de contrôle et d’action en termes de matério-vigilance. Ouvrir la vente de ces produits permettra l’essor de commerçants en ligne français, ce qui sera de nature à renforcer la sécurité par rapport à la situation actuelle. Sécurité renforcée, prix en baisse : je suis évidemment, en tant que ministre chargé de la consommation, et en accord avec la ministre chargée de la santé, tout à fait favorable à cette mesure qui est une avancée pour les utilisateurs consommateurs. Le Gouvernement vous encourage à conserver cette disposition et donne un avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de l’article 17 quater A. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Comme je n’avais pas défendu mon amendement, je profite de l’occasion pour donner les raisons qui nous ont conduits à le déposer. Elles ne sont pas étrangères, dirai-je d’abord, à des considérations de coût. Hier, monsieur le ministre, vous avez parlé d’une économie de 1 milliard d’euros, mais encore faudrait-il pouvoir estimer le coût des conséquences sanitaires éventuelles d’une telle libéralisation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. André Chassaigne. L’information figurant sur les boîtes n’est pas forcément suffisante en cas d’usage inapproprié. Or il faut prendre en compte cet élément. En fait, vous partez du postulat que cette information suffirait à garantir la compatibilité du produit avec la lentille. Il y a là incontestablement un risque de mauvais usage du produit, qui peut justifier que l’on tienne à ce que le produit soit distribué par le réseau des pharmaciens et des opticiens. Voilà pour le premier élément.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai.

M. André Chassaigne. Second élément, les officines de pharmacie et les opticiens connaissent des difficultés et peinent à équilibrer leur résultat. Je pense en particulier aux opticiens, car je me suis entretenu avec certains d’entre eux. Je ne suis sûrement pas le seul et vous avez dû avoir des échos comparables aux miens. Vous savez sans doute que certaines mutuelles obligent leurs adhérents à ne se rendre que chez certains opticiens.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Trois millions de Français n’ont pas de lunettes aujourd’hui pour des raisons de coût !

M. André Chassaigne. Les opticiens que j’ai rencontrés m’ont dit que leur activité avait considérablement baissé parce que les adhérents de telle ou telle mutuelle devaient faire cinquante, soixante kilomètres pour se fournir chez un opticien situé au chef-lieu d’arrondissement, ou en ville, et pratiquant un prix inférieur.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En France, c’est 400 euros contre 200 euros en Allemagne !

M. André Chassaigne. À l’appui de mon amendement, j’envisage donc la question sous ses deux angles : une approche de nature médicale et une autre, territoriale, prenant en compte les difficultés de certains opticiens, voire d’officines pharmaceutiques en milieu rural.

M. Dino Cinieri. Vous avez raison !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le ministre, j’ai su me montrer sévère avec l’ancienne majorité et j’aurai le même comportement à votre égard. Avec ce projet de loi, nous avons eu droit au logo « fait maison » », au défaut de conformité, à l’étiquetage des produits à base de viande, à la facturation à la minute dans les parkings publics payants, aux réservoirs des stations-service, et maintenant nous avons les lentilles, les produits pour lentilles, les tests de grossesse, les tests d’ovulation. Comme je l’ai dit à propos de la proposition de loi Fourcade en 2011, on a l’impression d’être à la « Foir’Fouille » de Noël, au vide-grenier hivernal.

En tout état de cause, il s’agit d’amendements de santé publique, et certains sénateurs de la majorité comme de l’opposition ont clairement dit qu’ils relevaient de la compétence de la commission des affaires sociales.

M. Jacques Lamblin. Tout à fait !

Mme Catherine Lemorton. Je reste sur cette position, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.

Mme Valérie Boyer. Très bien !

Mme Catherine Lemorton. Permettez-moi de vous renvoyer à quelques-unes de vos contradictions. Il faut mettre fin à des situations de rente, avez-vous dit. Deux minutes après, vous prétendiez que cela n’aurait aucun impact financier sur ces professions.

M. Dino Cinieri. Eh oui !

Mme Catherine Lemorton. Je suis désolée. Si c’est une rente, cela signifie que ces professions en vivent. (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.) On ne peut pas dire tout et son contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) On nous dit que l’on va arrêter les débats à vingt heures ; je le regrette, car nous ne pourrons pas aborder la question des tests de grossesse et d’ovulation.

Mme Valérie Boyer. Oh non !

Mme Catherine Lemorton. Vous dites vouloir vous préoccuper du pouvoir d’achat, monsieur le ministre. Et vous dites qu’une manière de l’améliorer, c’est de proposer ces produits à la vente dans les supermarchés. Cela voudrait-il dire que ces tests sont très régulièrement utilisés par une femme ? Il y a matière à s’interroger. Pour que cela soit significatif sur une année, il faudrait qu’elle en achète un certain nombre ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est tout de même pas un pot de yaourt, ni un kilo de pommes de terre !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous n’en sommes pas à cet amendement !

Mme Catherine Lemorton. Cela signifie-t-il que cette femme utiliserait ces tests régulièrement ? Si c’est le cas, cela pose un problème. Cela voudrait dire, soit qu’elle est mal informée sur son propre corps, soit qu’elle est suivie pour une procréation médicalement assistée, auquel cas les centres – que vous n’avez sans doute pas auditionnés – prescrivent des tests de grossesse par prise de sang.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous parlons des lentilles !

Mme Catherine Lemorton. Je parle de l’ensemble des sujets, monsieur le ministre. Je n’y reviendrais pas. Je déplore que la commission des affaires sociales n’ait pas été saisie. Cela ne veut pas dire que nous ne serions pas arrivés au même résultat, mais nous aurions mis tout le monde autour de la table. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il me semble, monsieur le ministre, que la concertation est la ligne de conduite de ce Gouvernement. Nous l’avons montré avec les textes de loi précédents. La concertation, la négociation ne sont pas à géométrie variable, quelles que soient les professions. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il n’est pas contradictoire, madame la présidente de la commission, de dire qu’une mesure aura à la fois un impact sur le pouvoir d’achat et un effet faible sur les pharmaciens, puisque c’est d’eux qu’il s’agit dans ces amendements. La vente des tests de grossesse, c’est 0,03 % du chiffre d’affaires des pharmaciens.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas le problème !

M. Dino Cinieri. C’est un problème de santé publique !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous ne remettons pas du tout en cause les conditions de l’équilibre des officines pharmaceutiques. Le prix des tests de grossesse comme des produits nettoyants pour les lentilles de contact diminuera de manière sensible pour le consommateur.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est faux !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Tel est le choix politique que nous faisons. Il n’est pas en contradiction avec le fait qu’une pharmacie vendra surtout des médicaments, et non des tests de grossesse ou des produits nettoyants pour lentilles de contact. L’impact en termes de pouvoir d’achat sera important,…

M. Damien Abad. On n’achète pas des tests de grossesse tous les jours !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …mais pas autant que l’impact de la mesure sur l’optique évoquée par M. Chassaigne, qui aura un impact considérable eu égard au prix moyen des lunettes et à une singularité française, à savoir que trois millions de Français qui ont besoin de lunettes n’en portent pas parce qu’ils n’ont pas de complémentaire santé pour se les payer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Un milliard d’euros de gain de pouvoir d’achat grâce à une mesure qui ne coûte pas un euro au budget de l’État : on ne peut qu’approuver une telle mesure !(Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’entends les arguments de Mme Lemorton.



M. Damien Abad. Excellents arguments !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ils se justifient, venant de la part de la présidente de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement a fait des choix et il les assume. Mais j’assume aussi certaine contradiction, eu égard à un reproche que j’adressais à M. Fasquelle et M. Lefebvre : celui de proposer un texte aussi peu sectoriel possible, à ce ceci près…

M. Damien Abad. La réalité vous rattrape !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …qu’il leur a bien fallu reconnaître que la consommation, c’est manger des chocolats, c’est acheter des voitures, de l’or, bref, c’est la vie au quotidien, qui nous conduit à aborder des réalités extrêmement différentes, ce qui justifie parfois des réglementations sectorielles.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Un test de grossesse n’est pas du chocolat !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je concède que l’avis de la commission des affaires sociales exprimé par Mme Lemorton est important. Mais sur ces mesures, le Gouvernement entend, en accord avec la ministre de la santé et Bercy, avancer sur la mise à disposition de ces produits sur le marché dans des conditions de prix plus favorables aux Français.

Mme Frédérique Massat. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. La santé n’est pas un produit de consommation, chers collègues. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne discutons pas d’un produit comme les autres. Nous nous sommes investis les uns et les autres sur ce projet, et je salue le courage de la présidente de la commission des affaires sociales. Elle a toujours été indépendante, et elle montre aujourd’hui que la santé publique est au cœur de ses préoccupations. Nous pouvons tous partager cette approche, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons.

Pour ma part, je suis extrêmement choquée par l’exposé des motifs que nous venons d’entendre aujourd’hui.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. On rattrape ce que vous n’avez pas fait !

Mme Valérie Boyer. Il s’agit de la protection de la santé de nos concitoyens. Nous avons la chance, en France, d’avoir un réseau pharmaceutique exceptionnel, même l’Europe le reconnaît.

Nous sommes dotés d’un réseau territorial d’une grande densité : 22 300 pharmaciens, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre grâce aux pharmacies de garde. Ce réseau est caractérisé par la confidentialité et par la qualification des pharmaciens comme des préparateurs. Les pharmacies doivent conserver l’exclusivité de la commercialisation de leurs produits, notamment les tests de grossesse. Comment imaginer qu’on puisse acheter des tests de grossesse au supermarché ? La caissière annoncera-t-elle l’heureux événement ? On marche sur la tête ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Pouzol. Cela ne se passe pas non plus comme cela dans les pharmacies !

Mme Valérie Boyer. Tout à l’heure, le ministre indiquait à propos de l’or que certains aspects devaient être traités dans un autre texte. Nous disons, de même, qu’on ne peut pas traiter des produits d’entretien pour les lentilles et des tests de grossesse dans ce texte-ci.

Mme la présidente. Pour l’instant, nous en sommes à l’article 17 quater A relatif aux produits d’entretien pour lentilles.

Mme Valérie Boyer. En effet, madame la présidente. Mais cela a été évoqué tout à l’heure, et je tenais à en parler puisque vous n’entendez pas prolonger la séance pour que nous terminions l’examen de ces articles. Un scrutin a été demandé, et j’insiste sur la nécessité absolue de rejeter l’article consacré aux lentilles et, ultérieurement, celui sur les tests de grossesse. Cessons de traiter dans un texte relatif à la consommation des sujets aussi importants et de déstabiliser toute une filière, toute une profession. C’est aller contre le droit des femmes que d’agir de la sorte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Il y a un double problème de fond et de méthode. On ne peut pas comparer des tests de grossesse et des lentilles de contact avec des chocolats ou des yaourts.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Daniel Fasquelle. Notre débat est surréaliste.

M. Michel Pouzol. Il n’y a pas de prescription médicale !

M. Daniel Fasquelle. Il est vrai, monsieur le ministre, qu’un texte sur la consommation doit traiter d’un certain nombre de sujets divers. Vous vouliez vous en tenir à des généralités, mais vous avez été obligé de traiter des sujets particuliers. C’est le propre du droit de la consommation, et cela répond aux attentes de nos concitoyens. Mais de là à y mettre tout et n’importe quoi !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pas n’importe quoi !

M. Régis Juanico. Un peu de respect !

M. Daniel Fasquelle. Je peux d’autant moins être d’accord avec vous qu’il s’agit de questions de santé publique et que cela concerne des professions fragiles qui ont besoin que l’on soit à leur écoute. Vous justifiez votre position au nom du fait que l’on peut tout acheter sur internet, y compris à l’étranger. Faut-il pour autant baisser les bras, et accepter chez nous tout et n’importe quoi au motif qu’il y a des gens qui ne respectent pas nos règles ? Franchement, votre argument m’a profondément choqué. Sur le fond, vous n’êtes vraiment pas solide.

Quant à la méthode, le groupe UMP réclame depuis le début des débats, et l’a notamment fait en commission des affaires économiques la semaine dernière, que la commission des affaires sociales soit saisie. Mais, après avoir entendu sa présidente, je comprends pourquoi elle ne l’a pas été. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez voulu vous épargner un avis qui aurait pu vous déranger parce qu’il ne serait pas allé dans votre sens. C’est profondément choquant.

Vous expliquez l’absence de Mme la ministre de la santé ce soir,…

M. Damien Abad. Elle sera là lundi !

M. Daniel Fasquelle. …mais nous aurions aimé avoir un avis précis de ses services. Sur le fond comme sur la méthode, vous faites fausse route sur ce sujet de santé publique comme sur les autres qui vont suivre.

Nous vous demandons ce soir, très solennellement, de bien vouloir retirer de votre projet de loi toutes les dispositions relatives à la santé afin qu’elles soient traitées dans un autre texte, après avoir recueilli l’avis et de nos collègues de la commission des affaires sociales et de Mme la ministre de la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je précise que, bien que m’exprimant de mon siège en raison de l’imminence du scrutin, c’est en tant que président de la commission que j’interviens, afin que le temps de parole imparti à mon groupe ne soit pas affecté.

Il importe, tout d’abord, que nous levions la séance à vingt heures après le vote des amendements en discussion car un autre texte est examiné ce soir. Nous ne pouvons pas prolonger la séance, chacun le comprendra. Nous reprendrons nos débats, avec un autre article, lundi après-midi. Cela nous laissera le temps, monsieur Fasquelle, de retrouver l’ensemble des propos que vous m’avez opposés lorsque je vous reprochais d’avoir introduit des dispositions relatives aux produits de santé dans le projet de loi de M. Lefebvre relatif à la consommation. Autres temps, autres mœurs, me direz-vous.

Toujours est-il que les textes consacrés à la consommation sont, par nature, transversaux. Et je rappellerai à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, auprès de laquelle j’ai insisté pour qu’elle soit présente lors de nos débats, qu’il n’appartient pas à une commission d’en saisir une autre, mais à chacune de s’auto-saisir. Quand la commission des affaires économiques a vu passer le texte sur l’écotaxe, elle a demandé à être saisie pour avis. C’est ainsi que les choses se passent.

Parfois, l’emploi du temps d’une commission peut l’empêcher de se saisir d’un texte pour avis, car elle est saisie au fond d’un autre texte qui lui prend beaucoup de temps et d’énergie. En l’occurrence, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a largement occupé la commission des affaires sociales, mais il ne lui a été interdit par personne de se saisir du texte dont nous discutons.

Je vous demande, madame la présidente, d’en venir rapidement à la mise aux voix de ces amendements identiques pour que, lundi, nous puissions commencer le débat par l’article relatif aux tests de grossesse.

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, je vous demande pour ma part de me laisser présider.

Je donnerai la parole à tous les orateurs qui l’ont demandée, puisque nos débats ont lieu dans le cadre du temps législatif programmé.

La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Sur le fond, les amendements sur les produits d’entretien pour lentilles comme sur les tests de grossesse renvoient au même argumentaire et il me paraît difficile de saucissonner notre discussion en l’arrêtant maintenant pour la reprendre lundi prochain.

Une question de principe se pose : nous discutons de produits qui relèvent du code de la santé publique. Peut-être, monsieur le ministre, que pour vous il ne représente rien du tout.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Allons, allons, cessez ce procès ridicule !

M. Jean-Pierre Barbier. J’estime pour ma part qu’il doit être respecté au même titre que tous les codes en vigueur dans notre pays.

Modifier le code de la santé publique dans un projet de loi relatif à la consommation a quelque chose de profondément choquant. Vos arguments ne tiennent pas. Entre pharmaciens et opticiens, la concurrence joue déjà plutôt bien, et vouloir donner un monopole de fait à la grande distribution procède d’un angélisme que je suis loin de partager. Une fois que les marchés seront asséchés, les prix pratiqués ne seront certainement pas inférieurs à ceux d’aujourd’hui, je puis vous l’assurer.

Enfin, si vous pensez que la grossesse est quelque chose d’anodin… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Veuillez vous en tenir à l’article 17 quater A relatif aux produits d’entretien pour lentilles, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Barbier. Sur le fond, nous ne pouvons partager l’avis du Gouvernement. Nous demandons la suppression de cet article comme nous demanderons la suppression des suivants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je voudrais compléter les propos d’André Chassaigne sur la fragilité des pharmacies en milieu rural.

Mises bout à bout, monsieur le ministre, vos mesures aboutissent à un grignotage qui fragilise toujours plus les professionnels de la pharmacie. Dans nos circonscriptions rurales, nous sommes tous confrontés au phénomène des déserts médicaux. Mais, là où il n’y a plus de médecins, il y a toujours un pharmacien.

Mme Valérie Boyer. Très juste !

M. Jacques Lamblin. C’est souvent le dernier interlocuteur paramédical qui reste.

Pourquoi ? Parce que les pharmacies font l’objet d’une installation réglementée et qu’elles jouissent d’un monopole de distribution du médicament.

Leur situation est toutefois de plus en plus fragile en zone rurale : elles connaissent dépôts de bilan et liquidations. De toute évidence, vous n’avez pas mesuré les conséquences de vos propositions. Vous vous accrochez à une vision de court terme strictement financière. Ce n’est pas sérieux, compte tenu du service que rendent les pharmacies à nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. La position du Gouvernement ne nous paraît pas très nette. Les débats en commission et dans l’hémicycle renvoient à deux aspects, évoqués par les groupes UMP et GDR : la santé publique – j’ai apprécié, sur ce point, l’argumentaire précis de Mme Lemorton – et l’aménagement du territoire. Les pharmacies jouent en milieu rural un rôle majeur. Et je doute fortement de l’argument spécieux selon lequel l’ouverture de la vente des produits d’entretien pour lentilles à la grande distribution va aboutir à abaisser leur prix.

Le groupe UDI votera ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je me demande vraiment si c’est bien M. Hamon qui siège au banc du Gouvernement. La semaine dernière, je l’ai déjà trouvé extrêmement libéral, mais ce soir je ne puis croire impossible que ce soit lui qui défende une position pareille. Nous sommes élus du même département, et je ne le reconnais pas !

M. Thierry Benoit. C’est Fantômas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai été très attentive à votre réponse, monsieur le ministre, et je constate que vous avez tout mélangé. Vous nous avez lu un document fort long, bien écrit, qui évoquait à la fois les produits d’entretien pour lentilles, les tests de grossesse et les lunettes. Il fallait déjà s’y retrouver, mais vous avez encore ajouté à la confusion par votre comparaison avec le chocolat. En réalité, vous faites fi des conséquences qu’aura sur l’aménagement du territoire l’affaiblissement des pharmaciens et des opticiens.

En outre, vos mesures reviennent à faire passer ces derniers pour des profiteurs, ce que nous ne pouvons admettre, compte tenu des difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui en milieu rural – André Chassaigne l’a très bien dit.

Enfin, vous avez indiqué dans votre réponse que vous alliez lutter contre les sites de vente en ligne installés à l’étranger en faisant en sorte que la DGCCRF leur inflige des amendes. Mais comment contrôlerez-vous l’achat de produits d’entretien à l’étranger si vous supprimez le monopole de vente des pharmaciens et des opticiens ? Vous ouvrirez très grand ce marché, avec des risques pour la santé publique : les consommateurs pourront acheter n’importe quel produit low cost pour n’importe quel type de lentilles.

Vous porterez la responsabilité de cette mesure lourde de conséquences pour l’avenir de la santé de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur Brottes, vous avez souligné qu’il serait bon de clore nos débats aujourd’hui en votant l’article sur les produits d’entretien pour lentilles, avant de passer lundi aux tests de grossesse. Or, lundi, nous reviendrons à la question des lentilles puisque nous évoquerons les lunettes et les verres de contact. C’est donc un léger effet d’optique, sans mauvais jeu de mots (Sourires), que de présenter ainsi l’organisation de notre discussion.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j’aimerais appeler votre attention sur le fait que lorsque nous parlons du « fait maison » ou des indications géographiques protégées, Mme Pinel est présente, ce qui est tout à fait légitime. À la suite de Mme Lemorton, j’estime que, lorsque nous abordons des dispositions relatives à la santé publique, même si elles ont été ajoutées par le Sénat et que nous les examinons en deuxième lecture, Mme la ministre de la santé doit être présente au banc du Gouvernement, à vos côtés.

M. Thierry Benoit. Ce serait mieux !

M. Damien Abad. J’ai une proposition à vous faire : nous demandons officiellement que Mme Touraine soit présente lundi dans cet hémicycle pour que nous puissions discuter ensemble des articles 17 quater A, 17 quater B et 17 quater, qui traitent de sujets très concrets de santé publique. Nous aimerions également que Mme la présidente de la commission des affaires sociales puisse donner son avis. Il ira peut-être dans le même sens que le vôtre, comme elle l’a dit elle-même, mais là n’est pas la question : cela nous permettrait d’avoir un débat serein sur ces sujets importants, qui réclament que nous votions en étant éclairés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. J’aimerais, madame la présidente, rappeler ce qui s’est passé. Personne n’a empêché la commission des affaires sociales de s’auto-saisir, M. Brottes a raison sur ce point. Notre commission était surchargée de travail, mais, il y a quelques semaines, lorsque j’ai vu que le Sénat avait introduit ces dispositions, j’ai immédiatement appelé les cabinets des ministres pour les ramener à la raison – M. le ministre ne dira pas le contraire, je pense. J’ai rappelé qu’une stratégie nationale de santé était en cours d’élaboration et que nous n’en étions pas à six mois près pour améliorer le pouvoir d’achat à travers les tests de grossesse ou d’ovulation. J’ai voulu trouver un compromis de forme : pourquoi ne pas examiner ces dispositions dans le cadre de la loi de santé publique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Monsieur le ministre, vous le savez très bien, j’ai insisté à plusieurs reprises. J’ai proposé d’élargir le débat, de réunir autour de la table tous les acteurs concernés – pharmaciens, sages-femmes, gynéco-obstétriciens, Planning familial – pour élucider les raisons qui freinent l’accès aux tests de grossesse et d’ovulation.



Bref, si la commission ne s’est pas auto-saisie, c’est parce que je pensais réellement, monsieur le ministre, que vous alliez revenir à la raison et laisser la commission des affaires sociales garder la main sur ces sujets au cours des six mois à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)



Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Voilà une demi-heure que nous débattons de ce sujet. J’exprimerai un profond regret : lors de la réunion de la commission des affaires économiques, il avait été clairement dit que l’on demanderait l’avis tant de la ministre des affaires sociales que de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons que regretter que cette double démarche n’ait pas été effectuée.

Le groupe RRDP votera la suppression de cet article. En effet, il existe plusieurs sortes de lentilles, et l’on n’utilise pas les mêmes produits selon, notamment, qu’elles sont rigides ou souples. Je vous mets au défi, monsieur le ministre, de nous dire, devant deux types de produits, s’ils concernent des lentilles souples ou rigides. C’est extrêmement difficile, et on a besoin de l’avis de l’opticien ou du pharmacien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Un mot concernant l’avis de la ministre de la santé, qui s’inscrit dans la ligne de la position du Gouvernement. Je le répète solennellement, la position du Gouvernement a été discutée et concertée entre le ministère de la santé et Bercy. Tel est, madame Lemorton, l’avis de la ministre de la santé sur ce point, exprimé par ma voix. Désolé de ne pouvoir faire plus aujourd’hui, mais la ministre de la santé a d’autres obligations.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements de suppression de l’article.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants97
Nombre de suffrages exprimés96
Majorité absolue49
Pour l’adoption44
contre52

(Les amendements identiques nos 153, 323, 358, 386 et 1 ne sont pas adoptés.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron