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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Égalité entre les femmes et les hommes

Discussion des articles (suite)

Article 5 quinquies B

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 101 , 218

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. le président

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Article 5 quinquies C

M. Nicolas Dhuicq

Mme Axelle Lemaire

Mme Marie-Anne Chapdelaine

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes

Mme Colette Capdevielle

Mme Sophie Errante

Mme Cécile Untermaier

M. Dominique Tian

M. Guillaume Chevrollier

M. Frédéric Reiss

Mme Véronique Massonneau

Mme Edith Gueugneau

Mme Catherine Quéré

Mme Sonia Lagarde

Mme Barbara Romagnan

M. Jean-Louis Borloo

Mme Nicole Ameline

M. Bruno Le Roux

Mme Marie-George Buffet

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Pierre Lellouche

M. Philippe Gosselin

Mme Sylviane Bulteau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Amendements nos 9 , 93 , 99 , 192 , 223

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendement no 227

Après l’article 5 quinquies C

Amendements nos 226 , 224

Article 5 quinquies

Amendements nos 100 , 193 , 228 , 194 , 195

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 5 quinquies

Amendement no 249

Article 5 sexies

Après l’article 5 sexies

Amendement no 30

Article 6

M. Frédéric Lefebvre

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendements nos 336 , 150

Après l’article 6

Amendements nos 238 , 206 , 294 rectifié

Article 6 bis

Amendements nos 208 , 335 (sous-amendement)

Article 6 ter

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis

Amendement no 121

Après l’article 6 ter

Amendement no 251

Article 6 quater

Article 6 quinquies

Article 6 sexies

Amendement no 103

Article 6 septies

Amendement no 107

Avant l’article 7

Amendement no 32

Article 7

M. Guillaume Chevrollier

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis

Mme Edith Gueugneau

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Égalité entre les femmes et les hommes

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (nos 1380, 1663, 1631, 1657).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 5 quinquies B.

Article 5 quinquies B

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, je me demande si le 21 janvier restera comme une date funeste dans l’histoire de France. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous verrons bien ce soir ce qu’il en est.

S’agissant de l’article 5 quinquies B, je m’interroge particulièrement sur la transcription de concepts anglo-saxons directement dans le droit français. Autrefois, la CIM-10 était censée représenter l’avis de la médecine continentale. Elle a subi l’invasion de la classification DSM nord-américaine. Et voilà que dans la loi française, nous transcrivons directement des concepts qui ne manquent pas de sel : alors que nous travaillons théoriquement sur une loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes, voilà qu’apparaissent les « droits des femmes », ce qui semble constituer une reconnaissance du fait qu’il existe tout de même deux sexes dans l’espèce humaine,…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Et alors ?

M. Nicolas Dhuicq. …qu’hommes et femmes ne sont ni interchangeables ni indifférenciables, et qu’ils peuvent accessoirement avoir, auprès des enfants, des rôles nécessaires et structurants.

Mais nous reviendrons tout à l’heure, lorsque nous examinerons l’article suivant, sur la toute puissance adolescente dans laquelle nous plongent le Gouvernement et, parfois, le chef de l’État, qui s’intègre parfaitement dans cette société adolescente, pensant se trouver encore dans la cour du lycée et multipliant les aventures,…

Mme Catherine Quéré. Oh !

M. Nicolas Dhuicq. …sans réfléchir aux conséquences de son comportement eu égard au poste honorable et suprême qu’il occupe.

M. Philippe Baumel. Ça suffit, maintenant !

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, je vous pose simplement une question : pourquoi, dans la loi française, continuons-nous imperceptiblement, au mépris du peuple français, à intégrer ces concepts anglo-saxons ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 101 et 218, tendant à supprimer l’article 5 quinquies B.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n101.

M. Jean-Christophe Fromantin. Aux termes du présent article, la deuxième partie du code de la santé publique, dont le titre actuel est « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant », sera intitulée : « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant ». Ce changement d’intitulé est assez emblématique de l’état d’esprit qui préside à cette séquence du projet de loi, assez éloignée des thèmes que nous avons abordés jusqu’ici.

L’intitulé que cet article veut modifier procède aujourd’hui d’une construction qui a du sens, et qui n’est pas neutre dans le débat politique. Ce sens consiste à consacrer la pertinence de la cellule familiale, l’ancrage et la construction de la subsidiarité à partir de cette échelle de solidarité que constitue une famille. Nous avons l’impression que cette redéfinition, en fin de compte très fonctionnaliste et pratique, remet complètement en cause cette construction de la « santé de la famille, de la mère et de l’enfant » qui fonde, au-delà de la famille, l’esprit même de nos engagements politiques et de nos institutions.

L’amendement n101 vise à remettre en avant, dans le débat politique, ce principe, fondateur pour moi et pour beaucoup d’entre nous, selon lequel la définition d’un projet de société et la construction du vivre-ensemble partent de la famille.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n218.

M. Jean-Frédéric Poisson. M. Fromantin a parfaitement exposé nombre de points que je voulais évoquer : je ne serai donc pas redondant. Il y a une question que je veux poser à Mme le ministre…

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles de la législation, de l’administration générale de la République , Mme Catherine Coutelle et présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Axelle Lemaire. À Mme « la » ministre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous n’obtiendrez pas cela de moi, madame Lemaire ! Je vous l’ai déjà dit : n’insistez pas !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il y a une circulaire, depuis 1994 !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pensez-en ce que vous voulez : cela m’est complètement égal. Vous pouvez vous énerver, madame Coutelle, cela ne changera rien !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je ne m’énerve pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Gardez de la salive : je recommencerai !

M. le président. Allons, monsieur Poisson, poursuivez.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai été interrompu, monsieur le président. Je réagis aux remarques qui me sont adressées,…

M. le président. Je n’en disconviens pas.

M. Jean-Frédéric Poisson. …et je le fais avec le sourire.

Pourquoi faut-il absolument que vous fassiez disparaître de ce titre la famille, la mère et l’enfant ? Je ne comprends pas ce qui peut vous conduire à abandonner la formulation actuelle, qui paraît pourtant plutôt universelle…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Mais non !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et qui ne semble gêner personne, au profit d’une formulation très marquée par un certain nombre de politiques internationales – à l’ONU, par exemple, la notion de santé reproductive existe depuis très longtemps,…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. En effet !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et elle porte avec elle un certain nombre de projets, qui sont d’ailleurs tout à fait liés aux articles que nous examinerons tout à l’heure. Je ne comprends pas l’intention qui semble se cacher derrière ce nouvel intitulé : j’aimerais donc que vous l’explicitiez d’une manière un peu plus précise. En tout état de cause, je propose la suppression de l’article 5 quinquies B.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je veux revenir sur l’état d’esprit relevé à l’instant par M. Fromantin, en décrivant l’état d’esprit qui a animé la commission des lois lors de nos débats sur ce sujet.

L’objet de cet article, adopté par la commission des lois le 18 décembre dernier, est simple : il s’agit de moderniser la formulation utilisée dans l’intitulé de la deuxième partie du code de la santé publique, qui comprend – je veux citer les intitulés des subdivisions du code, parce qu’il faut savoir de quoi l’on parle – les dispositions relatives à la « protection et promotion de la santé maternelle et infantile », aux « actions de prévention concernant les futurs conjoints et parents », à la « stérilisation à visée contraceptive » – je cite toujours le code –, à « l’assistance médicale à la procréation », à la « recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires », et à « l’interruption volontaire de grossesse ». Voilà ce que recouvre la deuxième partie du code de la santé publique, visée par l’article 5 quinquies B du présent projet de loi et donc par les amendements de suppression.

L’intitulé actuel de cette deuxième partie du code de la santé publique date d’une période où elle était beaucoup moins développée et ne traitait pas d’un certain nombre de sujets : elle ne recouvrait pas des dispositions introduites ultérieurement, notamment celles relatives à l’assistance médicale à la procréation. La modification adoptée par la commission des lois permet justement d’adapter l’intitulé de cette partie à son contenu réel, qui avait été modifié ultérieurement.

Il s’agissait aussi d’assumer la modernisation des termes. Je pense notamment à l’expression « santé de la famille ». Chacun peut reconnaître que la famille en tant qu’entité n’a pas elle-même une santé : c’est bien chacun des membres de la famille qui a une santé. Cette expression posait donc un certain nombre de problèmes d’ordre purement logique. Elle renvoie peut-être aussi, éventuellement, à une conception toute holistique de la famille.

J’ajoute un élément à l’adresse de nos collègues du groupe UMP : lors de la discussion de ces dispositions en commission, c’est grâce à l’intervention de notre collègue Guy Geoffroy que les termes initialement imaginés, faisant référence à la notion de « santé infantile », ont été remplacés par l’expression « santé de l’enfant ».

Pour toutes ces considérations, le maintien des dispositions de l’article 5 quinquies B est pleinement justifié. J’invite donc MM. Fromantin et Poisson, s’ils ont été convaincus, à retirer leurs amendements ; dans le cas contraire, je serai conduit à émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Mon avis est évidemment le même que celui du rapporteur. La disposition que ces amendements proposent de remettre en question a été adoptée par la commission des lois dans un simple souci de clarification et de toilettage, en quelque sorte, de notre droit. Elle est donc fort bienvenue, puisque nous recherchons tous la simplification. Le rapporteur a précisément exposé tout l’argumentaire, notamment la nécessité de donner à une partie du code de la santé publique un intitulé plus adapté à son contenu.

Je veux simplement ajouter un élément : essayons de ne pas passer la soirée à rechercher avec force suspicion les intentions cachées des uns ou des autres. Nous sommes ici pour faire la loi, pour la moderniser, pour la clarifier, et nous le faisons dans un état d’esprit totalement limpide. Il n’y a pas d’intentions cachées : nous voulons simplement être au service des Françaises et des Français.

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Les raisons de ce changement scriptural, si je puis dire, ont été bien exposées par le rapporteur. Rassurez-vous, monsieur Poisson : il ne s’agit pas de refonder le code de la santé publique, mais tout simplement de modifier l’intitulé de la deuxième partie, pour les raisons qui ont été exposées, et en particulier parce que ses dispositions actuelles dépassent le cadre strictement familial. L’intitulé actuel date de plusieurs dizaines d’années. Il reflète une certaine conception de la femme, de son rôle de mère et de la cellule familiale qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui.

Quant à l’idée que se manifesterait ici l’influence d’une pseudo-tradition anglo-saxonne, je réponds qu’il faut en réalité trouver dans ce nouvel intitulé la terminologie utilisée dans les conventions internationales. Il ne s’agit pas d’intentions ou de vœux exprimés par certains pays, mais bien de conventions internationales qui sont entrées en vigueur et utilisées par l’immense majorité des États membres des Nations unies. N’y voyez donc pas des intentions cachées : il ne s’agit aucunement de l’expression d’un dangereux lobby féministe, par exemple, mais simplement d’une volonté toute juridique d’écrire correctement le droit.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La famille, sous toutes les formes qu’elle revêt aujourd’hui, est une aventure. Ce sont des individus qui s’aiment, qui construisent quelque chose ensemble, dans le présent et pour l’avenir. Mais ce sont des individus qui ont chacun des besoins et des droits, et c’est de cela que nous parlons aujourd’hui. Je ne vois pas en quoi la disparition du mot « famille » est un problème, puisque nous parlons ici des droits et des besoins des individus dans cette famille.

Deuxième remarque, mon cher collègue Poisson : je ne suis pas un homme politique. Malgré ce que disent les journalistes, je suis une femme politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Personne ne pense le contraire !

Mme Marie-George Buffet. Lorsque j’étais ministre, je n’étais pas devenue « un » ministre, mais je restais « une » ministre.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Bien sûr !

Mme Marie-George Buffet. C’est pourquoi nous vous demandons tout simplement d’appeler la ministre « la » ministre.

Mme Claudine Schmid. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marie-George Buffet. D’ailleurs, monsieur Poisson, cher collègue, je vous suggère de prononcer cette phrase sans difficulté : « Mme le ministre est enceinte ». Essayez ! Vous verrez : c’est difficile. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. J’y arrive très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous allons tous tenter l’exercice proposé par Mme Buffet !

Je disais, lors de la présentation du projet de loi, que ce qui ne se nomme pas est invisible. En utilisant le masculin dans la totalité des titres, je pense que vous voulez rendre les femmes invisibles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Est-ce le sujet des amendements ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Depuis 1994, une circulaire demande la féminisation des titres.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une circulaire, rien de plus !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Oui, et alors ? Cette disposition ne peut relever que d’une circulaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Elle n’est donc pas contraignante !

Mme Joëlle Huillier. Une circulaire, c’est un texte juridique !

Mme Elisabeth Pochon. Ce sont là des résistances dérisoires !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je ne veux pas parler au nom de Nicole Ameline, mais il se trouve que, ces derniers jours, nous avons participé ensemble à un certain nombre de réunions et de colloques. Nicole Ameline est actuellement présidente du CEDAW, une commission internationale de l’ONU : elle n’y représente pas la France, mais elle en est la présidente. Dans ces instances, il est intéressant que la France ne conserve pas un vocabulaire et des concepts franco-français, mais que nous arrivions à parler un vocabulaire international sur lequel nous puissions nous entendre avec les autres pays.

Aujourd’hui, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a mis en place une commission intitulée « Santé, droits sexuels et reproductifs » ayant pour objet d’illustrer le concept de troisième génération de droits des femmes, voulu par la ministre, qui « vise à passer d’une égalité en droits à une égalité de fait », avec les obligations suivantes : « éducation à l’égalité entre les filles et les garçons et à la sexualité, accès aux services sanitaires tels que l’IVG, accès égal et gratuit à la contraception ». C’est exactement comme pour l’utilisation du féminin dans les titres : quand on nomme des choses, on parle de politiques, on parle de concepts.

Si la France veut se faire entendre à un niveau international, il faut qu’elle sache manier ces concepts partagés par tout le monde. Sans vouloir ranimer de querelles, et il y en aura peut-être quelques-unes en perspective ce soir, je dirai qu’il en va de même pour le mot « genre », lequel n’est rien d’autre qu’une construction sociale pour dire que les filles et les garçons ont un sexe, qu’il y a deux sexes, mais que la construction sociale est faite de stéréotypes qui nous mettent dans des cases. C’est pourquoi il ne serait pas inutile de moderniser notre vocabulaire, notre droit et nos concepts.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Il vaut mieux être sourd que d’entendre cela !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je suis profondément estomaqué parce qu’il fut un temps où être français, c’était être universel. (« Et alors ? » sur quelques bancs du groupe SRC.)

Contrairement au latin, le français n’a pas de troisième genre, n’a pas de neutre.



M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je n’ai pas parlé de genre, mais de génération.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, je rappelle à l’Assemblée que nous sommes des hommes libres et des femmes libres.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !

M. Nicolas Dhuicq. Personne ne peut imposer à l’autre un vocabulaire qu’il ne souhaite pas employer, d’autant qu’en français, la fonction prime sur le genre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement.

M. Nicolas Dhuicq. Si nous voulons être universels, nous devons défendre notre langue.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le débat.

M. Nicolas Dhuicq. Mes chers collègues, parler français, c’est être universel. C’est penser le monde, d’une certaine manière. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, nous sommes députés de la nation, oui, nous sommes députés français. Nous avons le devoir de défendre notre langue. Ce n’est pas forcément à nous de céder aux diktats extérieurs, c’est à nous de défendre notre culture parce que le monde se portera mieux…



Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Un peu de modestie.

M. Nicolas Dhuicq. …et se portera bien lorsque la voix de la France sera entendue dans le monde. Si nous voulons qu’elle soit entendue dans le monde, il faut que les députés de la nation française défendent leur langue et leur pensée, et ne cèdent pas à des diktats auxquels vous cédez si facilement, pensant être dans la modernité.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ridicule !

(Les amendements identiques nos 101 et 218 ne sont pas adoptés.)

(L’article 5 quinquies B est adopté.)

Article 5 quinquies C

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5 quinquies C.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous arrivons à un article profondément délétère et déstructurant.

M. Matthias Fekl. Vous nous aviez manqué !

M. Nicolas Dhuicq. Il consiste à céder à la vision d’un individu atomisé, un individu omniscient, omnipotent, totalement libre, qui céderait à la moindre de ses pulsions. En intervenant à ce stade, je pense à nos adolescents, qui souffrent, qui se plongent dans les paradis artificiels parce que les adultes de ce pays sont incapables de leur donner un cadre et des limites qui leur permettent de se construire et de devenir des hommes libres. (Rires sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. N’importe quoi !

M. Nicolas Dhuicq. Il n’est pas de liberté sans cadre, il n’est pas de liberté sans possibilité d’intégrer ce qu’Antigone nous enseigne, à savoir que des lois peuvent être supérieures à celle de la cité, des lois universelles. En vous parlant, je pense à l’ensemble de ces adolescentes qui ont déjà subi quatre ou cinq interruptions volontaires de grossesse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui n’ont pas de cadre parental, qui n’ont pas la chance qu’ont vos enfants. Je pense à cette dérive terrible qui vous entraîne à banaliser un geste médical…

Mme Émilienne Poumirol. Il n’est pas question de banaliser l’avortement !

M. Nicolas Dhuicq. …alors que la loi de 1975 est une loi profondément équilibrée. C’est une loi sage, qui respecte d’abord la liberté de conscience des médecins. Médecin moi-même, je sais que l’on n’imposera jamais à un médecin un geste que sa propre morale et sa propre éthique lui interdisent de pratiquer.

M. Matthias Fekl. Effrayant !

M. Nicolas Dhuicq. Cette loi est équilibrée parce qu’elle respecte profondément la femme, parce qu’elle donne la possibilité aux femmes d’avoir un temps de conseil, un temps de réflexion, un temps d’accompagnement et un écrit qui permet de confirmer cet engagement. C’est pourquoi, mes chers collègues, …

M. le président. Merci.

M. Nicolas Dhuicq. …i vous avez au moins une conception de l’homme, n’abordez pas ces amendements à la légère et ne supprimez pas la clause de détresse dans la loi de 1975, que vous allez détruire.

M. François Rochebloine et M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Monsieur la députée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), certains de nos collègues proposent de réintroduire le mot « détresse » dans le code de la santé publique. On se souvient de cet épisode tragique, en Irlande, lorsqu’une femme à qui l’IVG avait été refusée est décédée d’une septicémie. La même année, des établissements hospitaliers allemands constataient que les femmes polonaises étaient de plus en plus nombreuses à traverser la frontière pour demander un avortement par crainte de sombrer dans l’illégalité. Cette femme en Irlande, ces femmes polonaises étaient-elles placées dans une situation de détresse ? Peut-être. Mais qui pouvait en juger ? À cette question, le droit français apportait jusqu’à peu une réponse pour le moins paradoxale : seule la femme pouvait juger de son état de détresse, mais cet état devait obligatoirement préexister à une demande d’avortement.

En vérité, le droit d’accès à l’IVG existait sous la forme d’un compromis purement politique, né en 1975, pour permettre l’adoption de la loi Veil. Oui, à condition de sous-entendre que la femme soit victime d’une situation dont elle n’est pas totalement maître puisque son état d’abandon, de solitude morale et d’angoisse l’accable. Cette lecture, qui date, ne répond plus à la réalité vécue par 36 % des femmes en France aujourd’hui, ces femmes qui se sont approprié ce droit pour le transformer en une liberté de choix pleine et entière de disposer de leur corps.

Il était temps que notre droit intègre cette évolution, en l’inscrivant dans ce code rouge qui consacre la rencontre entre un moment, une évolution sociétale et la volonté du peuple. Qu’importe si cette disposition relative à la détresse n’emporte pas d’effet juridique ou pratique dans les faits. Les mots ont un sens,…

M. le président. Merci.

Mme Axelle Lemaire. …ils s’inscrivent dans une histoire qu’ils font vivre. La notion de détresse pourrait trouver une nouvelle force demain si des législateurs zélés étaient tentés par un grand bond en arrière.

M. le président. Merci.

Mme Axelle Lemaire. Je termine…

M. le président. Non. C’est deux minutes pour tout le monde, madame la députée.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, que de chemin parcouru depuis 1810, lorsque l’avortement était passible de la cour d’assises. Que d’hypocrisie lorsqu’on se rappelle qu’avant la loi Veil, en 1975, toute pratique et information sur la contraception et l’avortement étaient interdites et punies de prison.

Avant cette législation des centaines de milliers de femmes ont vécu dans la crainte et la culpabilité, parce qu’elles refusaient le destin de reproductrice qui leur était promis, parce qu’elles voulaient choisir le moment d’être mère.

Mes chers collègues, s’il n’est pas contestable qu’une interruption volontaire de grossesse soit un acte difficile – et personne ici ne le niera –, la détresse n’en est pas la condition préalable. La condition préalable, et la seule, c’est le choix d’avoir ou non un enfant. En tout état de cause, les femmes sont aujourd’hui libres de fait. Faisons en sorte que nulle condition ne les empêche d’avoir recours à un droit légitime.

En supprimant la conditionnalité de détresse, cet article participe à établir la vérité suivante : je décide de mon corps. Il affirme que l’interruption volontaire de grossesse n’est pas un droit à part, mais un droit à part entière, même s’il est vrai qu’il vaut mieux ne pas en faire état. À cet égard, je rappelle à mes collègues de l’UMP que c’est leur gouvernement qui a supprimé beaucoup de subventions aux centres du Planning familial, lesquels peuvent empêcher les IVG par une information sur la contraception. (« Très bien » sur quelques bancs du groupe SRC.)

Cet article confirme ce droit. Aux pressions, aux intimidations et à la propagande qui criminalisent le libre choix, nous opposons notre volonté de vivre librement. Nous sommes et resterons insensibles à la tentation de l’ordre moral qui s’empare de certains de nos voisins.

M. François Rochebloine. Et alors ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il y va de la liberté individuelle de chaque femme, de l’intérêt des valeurs que nous souhaitons voir porter par les familles, qui ne se sauraient se décliner avec la contrainte cruellement subie, avec l’absence de liberté individuelle sur un choix aussi crucial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J’interviens essentiellement pour répondre à toutes ces personnes qui m’ont écrit, téléphoné pour dénoncer cette partie du texte. On m’a parlé de génocide des temps modernes ou de banalisation de l’avortement. Mesdames et messieurs, le corps des femmes n’appartient qu’à elles-mêmes.

M. Jacques Bompard. Et le corps des hommes, à qui appartient-il ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. À elles seules. Ni à vous, ni à nous, ni à l’État, ni aux églises. À personne d’autre qu’à elles-mêmes. La formulation « en situation de détresse » est devenue aujourd’hui complètement obsolète. J’ai l’impression de revenir quarante ans en arrière et je me souviens de ces scènes ici même.

M. François Rochebloine. Vous y étiez ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J’étais trop jeune, je les regardais à la télévision. Cette loi était pour moi très importante. Je n’imaginais pas un seul instant qu’en 2014, je verrais apparaître des amendements qui proposent le déremboursement de l’IVG. Mais, en fait, cela ne m’étonne pas vraiment parce que l’on retrouve une nouvelle fois un certain nombre de nos collègues – pas tous, heureusement – sur des valeurs communes, contre le droit des femmes.

À celles et ceux qui défendent les amendements de suppression de cet article, je dis : pour qui vous prenez-vous pour dicter aux femmes ce qu’elles ont à faire de leur corps, de leur propre corps ? Qui êtes-vous pour juger de leur libre choix ?

M. Philippe Meunier. Des parlementaires élus par le peuple !

M. Matthias Fekl. Très bien, ma chère collègue ! Elle a raison.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. À nos collègues et aux femmes espagnoles, nous disons que nous les soutenons et que nous ferons tout pour les aider afin que ce droit ne soit pas bafoué en Espagne. Ai-je besoin, mesdames et messieurs, de vous rappeler qu’une femme meurt toutes les neuf minutes dans le monde d’une IVG clandestine ? Est-ce cela que vous voulez pour les Françaises ?

M. François Rochebloine. Cela n’a rien à voir !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous nous battrons toujours contre ces idées dangereuses, nous ne reviendrons pas aux aiguilles à tricoter, et surtout pas aux faiseuses d’anges, je les ai connues et je ne veux plus les revoir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le 5 avril 1971, des femmes signaient un appel ainsi rédigé : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. » Suivaient 343 signatures de femmes, que Charlie Hebdo a surnommé les 343 salopes. Je me plais à rappeler cet événement qui a abouti à la loi Veil, mais aussi parce que certains hommes se sont permis de caricaturer cet appel en s’appelant les 343 salauds. Mais je ferme la parenthèse.

Ce manifeste a été une vraie prise de conscience, dans la société française, d’un déni, d’un refus de voir la réalité. Simone Veil a eu le courage, contre sa majorité parfois, d’imposer cette loi avec beaucoup de force. Aujourd’hui, que veut le gouvernement espagnol, puisque vous le prenez en exemple ? Il veut intituler sa loi « Protection de la vie et droits de la femme enceinte », intitulé qui ne peut que vous plaire.

M. François Rochebloine. On n’est pas en Espagne !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il veut dénier à la femme le droit de disposer de son corps. Il veut refaire de la femme une mineure. Elle aura à demander l’autorisation à un psychiatre, à un médecin et pourquoi pas, à un curé, avant d’avoir le droit de savoir si elle peut ou non avorter, si elle peut ou non garder l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans cette lignée, le Parlement européen, sous la pression des députés conservateurs, a, le 10 décembre 2013 – il y a deux mois – refusé un rapport.



M. Jean-Frédéric Poisson. Je l’espère bien.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce rapport aurait permis à l’ensemble des pays européens de reconnaître un accès généralisé à la contraception et à des services d’avortement sûrs. Voilà où nous en sommes. Nous ne pensions pas, en 2014, qu’en légiférant en France sur l’égalité entre les femmes et les hommes, nous serions obligés d’organiser un débat qui nous fait reculer de quarante ans.

M. Yannick Moreau. Il ne fallait pas toucher à la loi Veil.

M. François Rochebloine. À qui la faute ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il est impensable que cette loi nous entraîne vers un tel recul. Un certain nombre de femmes s’en souviendront. Vous ne comprenez pas les évolutions de la société d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je suis élue dans une circonscription proche de l’Espagne et je vous félicite, madame la ministre, pour le pas très important fait par notre pays en faveur du droit. Citoyennes européennes, nous sommes nombreuses et nombreux ici à dénoncer ce projet de loi constitutionnel espagnol qui vise à empêcher désormais nos voisines et amies à avorter.

Nous dénonçons le fait que l’avortement ne soit plus possible en Espagne que s’il existe un préjudice important et durable pour la santé physique et psychique de la femme et un danger pour sa vie, ou si elle est victime d’un viol. Nous dénonçons le fait que la femme doive obligatoirement avoir déposé plainte pour viol avant de pouvoir avorter. Nous dénonçons le fait qu’il faille deux certificats médicaux, comportant un avis motivé, émis par deux médecins spécialistes exerçant dans deux établissements différents pour autoriser l’interruption volontaire de grossesse. Nous dénonçons le fait que ces médecins ne soient pas ceux appelés à pratiquer l’interruption volontaire de grossesse. Nous dénonçons le fait que le gouvernement espagnol …

M. François Rochebloine. Nous ne sommes pas en Espagne !

Mme Colette Capdevielle. …demande que l’évaluation médicale porte à la fois sur la mère et sur le fœtus. Nous dénonçons le fait que l’objection de conscience soit tolérée, voire revendiquée. Nous dénonçons le fait que pour les mineures, l’accord des deux parents soit obligatoire. Nous dénonçons le fait que des sanctions pénales soient envisagées à l’encontre des femmes qui ne respecteraient pas ce véritable parcours de la combattante.

Je demande qu’à l’occasion de nos débats, nous apportions très solennellement notre soutien et notre solidarité à toutes nos voisines de la péninsule ibérique qui se battent pour ce droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Errante.

Mme Sophie Errante. Je voudrais témoigner de l’utilité de cet article, en particulier s’agissant des conditions d’information. Cela a son intérêt car certaines femmes aujourd’hui n’ont pas accès à une information objective, c’est-à-dire non partisane. Chaque cas est unique, comme l’est chaque femme. À chacune de prendre sa décision en fonction de l’analyse qu’elle fait de la situation qu’elle vit : personne ne peut se mettre à sa place. J’ai reçu les témoignages de femmes qui se demandaient si elles allaient ou non recourir à l’IVG : elles ont été confrontées à des informations biaisées, à des discours culpabilisants, y compris de la part de personnels médicaux, comme certains de leurs collègues me l’ont rapporté. C’est inadmissible.

Il n’y a pas qu’en Espagne que le droit des femmes est en danger. En France aussi, nous devons être vigilants. Ce texte va dans le bon sens.

Collègues de l’opposition, vos discours réducteurs et insultants me vrillent les tympans.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous pouvez sortir !

Mme Sophie Errante. J’ai une pensée pour toutes les femmes qui se sont battues pour les droits des femmes. Nous ne devons pas baisser la garde. Merci à vous, madame la ministre, pour le travail que vous menez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. « Détresse » : il s’agit de supprimer un archaïsme terminologique, je dirai même un terme superfétatoire car la détresse, sinon la douleur, la tristesse, la peur sont toujours là, ou le plus souvent, lorsqu’une femme est contrainte de recourir à l’interruption volontaire de grossesse.

Précisons qu’une femme ne recourt jamais à l’interruption volontaire de grossesse pour le plaisir ou une quelconque commodité, comme on a malheureusement pu l’entendre ces derniers temps. Il ne s’agit pas non plus de faire de l’IVG un mode de contraception, mais de reconnaître aux femmes le droit de disposer librement de leur corps.

Le recours à l’IVG est et restera toujours une décision douloureuse, alors accompagnons-les dans cette douleur. L’accès financier est désormais garanti grâce à vous, madame la ministre. L’accès territorial ne l’est plus suffisamment, car les centres d’IVG continuent de fermer, entraînant une profonde disparité sur notre territoire. Et le fait que les médecins gynécologues sont de plus en plus rares ajoute à cette difficulté d’accès aux soins.

M. Pierre Lellouche. La faute à qui ? À la loi ?

Mme Cécile Untermaier. Je dirai même qu’il ne faudrait pas que la clause de conscience, tolérée chez les médecins, l’accentue. Celle-ci est maintenue : soit. Je souhaiterais plutôt qu’on y substitue la sensibilisation à la gravité de cet acte médical, la compassion et la sympathie.

Enfin, pour conclure, je dirai qu’il faut louer les mérites du Président de la République, du Gouvernement et plus précisément encore de Mme la ministre des droits des femmes (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), qui nous propose aujourd’hui de voter ce texte dépourvu de visée électoraliste ou partisane pour enfin reconnaître le droit de la femme à interrompre sa grossesse lorsqu’elle en ressent la nécessité, quelles que soient les considérations qui l’amènent à prendre cette décision qui est, de toute façon, toujours douloureuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. À l’occasion de l’examen de la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, on aurait pu penser qu’un consensus se dégagerait, mais un amendement socialiste, sûrement mûrement réfléchi, est venu politiser le débat et diviser à nouveau les Français. (Applaudissements sur les plusieurs bancs du groupe UMP.) Cela est consternant quand on pense que François Mitterrand, Lionel Jospin et les gouvernements de gauche qui se sont succédé n’ont jamais remis en cause la loi Veil de 1975, tout simplement parce qu’elle était équilibrée et que les blessures de la société française après ce débat extrêmement violent s’étaient cicatrisées.

M. Michel Ménard. Il était violent à droite !

M. Dominique Tian. Chacun rêvait d’une société apaisée, où l’on ne se déchirerait pas pour des raisons de politique politicienne.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Dominique Tian. Tout cela est assez affreux, d’autant que l’on nous cite à longueur de journée le cas de l’Espagne alors que nous n’y sommes évidemment pour rien. Nous n’avons pas à en débattre à l’Assemblée nationale française, nous ne sommes pas responsables de cette situation.

M. Michel Ménard. Condamnez-vous la loi espagnole ?

M. Dominique Tian. Tout à l’heure, Marisol Touraine caricaturait avec une mauvaise foi évidente les déclarations de Jean-François Copé. Pourtant, elles sont très simples : respect de la loi Veil telle qu’a été votée en 1975, volonté d’apaisement de la société française, respect de la vie, respect de la notion de détresse et refus de la banalisation de l’avortement car la question est bien là.

Mme Émilienne Poumirol. Un avortement n’est jamais banal ! Ils ne l’ont jamais vécu, ils ne savent pas de quoi ils parlent !

M. Dominique Tian. Nous ne voulons pas de la banalisation de l’avortement en France !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Par cet article, vous revenez sur une disposition importante de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse : c’est un procédé discutable sur le fond et sur la forme.

Sur la forme, tout d’abord. Ce qui touche à l’IVG relève du domaine de la bioéthique. Sur un sujet aussi majeur, avez-vous consulté le Comité national d’éthique ? La réponse est non. Par un amendement déposé à la sauvette, au détour d’un projet de loi fourre-tout, vous proposez ni plus ni moins une réforme de l’IVG. Il ne s’agit pas d’un simple toilettage, contrairement à ce qu’affirme le rapporteur, car en ôtant la référence à la notion de détresse, vous créez un droit à l’avortement sans condition. Cela ne va guère changer la pratique. Alors pourquoi légiférer ? Pourquoi toucher à ce sujet si délicat ?

En réalité, vous le faites sciemment, par dogmatisme, par idéologie. L’avortement n’est pas un mode de contraception. Ce qui doit vous interroger, madame la ministre, c’est que dans une société développée comme la nôtre, le nombre d’IVG ne baisse pas depuis des décennies. Ce que vous devriez favoriser, madame la ministre, c’est l’amélioration de la contraception pour éviter l’avortement. Au contraire, par cette disposition, vous le banalisez. Vous continuez à diviser les Français, à mépriser ceux qui ne partagent pas vos convictions. Défendre l’égalité, c’est bien, mais il y a une autre valeur que vous oubliez : c’est le respect. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Permettez-moi tout d’abord de m’étonner de l’apparition de cet article nouveau dans un projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai que ce sujet ne concerne pas du tout les femmes !

M. Frédéric Reiss. L’article 5 quinquies C supprime la notion de détresse figurant dans l’article L. 2212-1 du code de la santé publique, en la remplaçant par la simple notion de choix. La majorité, fidèle à sa doctrine de casser ce qui marche, modifie la loi Veil qui était un dispositif reconnu, équilibré et accepté par une très large majorité de Français.

Cet article ne mentionne plus « la femme enceinte que son état place en situation de détresse » mais « la femme qui ne veut pas poursuivre une grossesse ». Le mieux peut devenir l’ennemi du bien. Nous sommes là face à une modification rédactionnelle dogmatique qui, que la majorité le veuille ou non, banalise l’acte d’avortement.

N’oublions pas que la plupart des femmes qui ont eu recours à un acte d’avortement estiment que l’IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre.

Mme Émilienne Poumirol. Cela prouve bien que l’IVG n’est pas banal !

M. Frédéric Reiss. Les modifications apportées par cet article à la loi Veil ne sont pas acceptables. L’IVG doit rester une dérogation, sous condition, au principe d’ordre public de protection de l’être humain dès le commencement de sa vie. Je vous renvoie à l’article 16 du code civil.

Je suis donc favorable au maintien de la rédaction initiale de l’article L. 2212-1. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je voulais saluer cet article : alors que notre assemblée veut renforcer l’accès à l’IVG pour toutes les femmes, ce qui se passe en Espagne fait froid dans le dos. C’est un retour quarante ans en arrière, que certains en France semblent revendiquer également.

M. François Rochebloine. Nous ne sommes pas en Espagne !

Mme Véronique Massonneau. Mais heureusement, cet article, sans marquer une avancée incroyable, montre que les consciences évoluent majoritairement dans le bon sens : d’un point de vue juridique, le terme de « détresse » ne semblait pas facilement interprétable et ne paraissait plus du tout adapté à la réalité. Cet article confirme par ailleurs la volonté de notre gouvernement et de notre majorité de continuer à œuvrer pour le droit des femmes : après avoir permis le remboursement intégral de l’IVG, il entend faire de l’avortement un acte médical auquel chaque femme doit pouvoir prétendre.

Pourtant, aujourd’hui encore, certaines femmes se heurtent à de nombreux problèmes pour accéder à l’avortement : centres IVG qui ferment, refus des praticiens mettant en avant la clause de conscience. Tout cela montre à quel point le combat des femmes reste d’actualité et combien les droits – car c’est bien de cela qu’il s’agit – reposent parfois sur un équilibre précaire.

Cet article va dans le bon sens : supprimer le critère de la « situation de détresse » au profit de la volonté des femmes désirant avorter permet d’ancrer davantage dans la loi ce droit fondamental. Les femmes doivent pouvoir disposer librement de leur corps : elles doivent avoir le choix. Comme nous l’avons vu lors des débats sur le mariage pour tous, la possibilité de choisir d’avoir un enfant dérange certains mais c’est un combat qui mérite d’être mené. Je suis donc fière de pouvoir y contribuer dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Cet article supprime la référence à une « situation de détresse » qui subsistait dans le code de santé publique alors qu’elle était obsolète au regard de la pratique et de la jurisprudence du Conseil d’État, comme Mme la ministre l’a rappelé lors des questions au Gouvernement. Il ne s’agit a priori que d’une modernisation du droit, il ne s’agit que de mettre le droit en adéquation avec la réalité. Pourtant, la liberté de disposer de son propre corps, si durement acquise, pourrait être aujourd’hui mise à mal, balayée, chez certains de nos voisins qui réfléchissent à limiter l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.

Je saisis l’occasion de cet article qui consiste simplement à adapter notre droit à la réalité, et de ce texte qui entend faire progresser les droits des femmes, pour ajouter ma voix à celles et ceux qui ont déjà réaffirmé que l’IVG est un droit imprescriptible, comme le rappelait Maud Olivier tout à l’heure.

Nous sommes des hommes et des femmes libres dans notre pays : les femmes doivent avoir la liberté de choisir si elles veulent ou non mener à terme une grossesse. Plutôt que de rouvrir un débat, plutôt que de donner une tribune à la régression, mes pensées vont à ces femmes qui, demain, auront recours à un avortement. Je sais que cette démarche n’est pas aisée. Nous sommes à leurs côtés. Notre combat n’est pas celui du droit – il est déjà gagné – mais celui de l’égalité : égalité d’accès, égalité d’information. Élue d’un territoire rural, je sais que les délais d’attente, les distances à parcourir sont autant d’obstacles pour user de ce droit.

C’est à réduire ces inégalités que nous devons employer notre énergie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Ce projet de loi est l’occasion d’équilibrer les relations entre hommes et femmes, et surtout de protéger ces dernières. Nombreux sont les sujets traités dans ce texte car nombreuses sont encore les inégalités. Il me semble naturel en 2014 d’actualiser la loi Veil du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse. Les critères en vigueur sont stricts mais doivent-ils rester figés ? Devons-nous fermer les yeux devant ces situations délicates et douloureuses vécues aujourd’hui par de nombreuses femmes en France ?

L’avortement est une terrible solitude, et il est du devoir de l’État d’accompagner ces femmes, notamment en prenant en charge le coût de l’IVG. Il est du devoir du législateur de protéger ces femmes et de respecter leur choix. Chers collègues, ne vous demandez pas si c’est une faute politique ou si nous risquons d’ouvrir une boîte de Pandore – métaphore hasardeuse s’il en est – car avancer pour la liberté est toujours un progrès. Combattons ce prétendu ordre moral qui conduit de nombreuses femmes à des drames et des vies gâchées. De quel droit voulez-vous dicter vos lois et décider à la place des femmes, souvent en grande difficulté ? Nous voulons, pour toutes les femmes, la liberté de disposer de leur corps, nous voulons la liberté du choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. S’il est une chose que nous devons rappeler en préalable, c’est que l’avortement n’est en aucun cas un acte anodin.

Mme Marie-George Buffet. Exactement !

Mme Sonia Lagarde. Simone Veil affirmait ici même, le 26 novembre 1974 : « Aucune femme ne recourt de gaité de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes : c’est toujours un drame, et cela restera toujours un drame ».

L’amendement adopté par la commission, qui consiste à supprimer la mention de la détresse dans le texte initial sur l’IVG, permettrait, selon ses auteurs, non seulement de rendre la loi conforme aux réalités mais aussi de souligner que l’IVG est un droit, y compris pour les femmes qui ne se sentent pas en détresse.

En tant que femme, on peut et on doit comprendre le sens de cet amendement qui, finalement, ne fait qu’offrir aux femmes la liberté la plus fondamentale : celle de disposer librement de leur corps.

Cette mention de détresse, devenue obsolète pour certains, et finalement virtuelle dans les faits, ne doit en aucun cas nous faire perdre de vue la nécessité d’une meilleure prévention, d’une meilleure éducation à la contraception, car l’avortement n’est pas et ne doit en aucun cas être considéré comme un moyen de contraception. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Il est regrettable que cet amendement rouvre la porte à tous les excès, crée une fracture inutile dans notre société, source de tensions et de divisions.

Enfin, c’est en pensant à toutes les femmes et, en particulier, cela a été évoqué, à ces pauvres femmes espagnoles qui voient aujourd’hui menacer leur droit à l’avortement, que je m’opposerai en tant que femme aux amendements de suppression de l’article 5 quinquies C de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, SRC et écologiste, et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Très bien !

Mme Nicole Ameline et Mme Françoise Guégot. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Messieurs « la députée » de l’UMP – vous êtes nombreux, messieurs ! –, nous sommes plus d’un tiers à avoir déjà eu recours à une IVG. Et en effet, cela n’est jamais une partie de plaisir : si ce n’est pas toujours un drame, ce n’est en tout cas jamais un acte banal. Il est presque toujours douloureux, même si chaque expérience est singulière, et je pense qu’il serait bien de ne pas nous imposer en plus d’avoir à faire la démonstration de notre détresse : selon quels critères ? Qui en déciderait ? Vous, monsieur la députée ? Seules les femmes en pâtiraient, et si un tiers des femmes, voire plus d’un tiers des femmes, sont en situation de recourir à une IVG, il y a sans doute en moyenne au moins un tiers des hommes qui en seraient responsables sans jamais en subir les conséquences – dont certains parmi vous, peut-être, messieurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Je précise tout d’abord que je m’exprime à titre strictement personnel ; je ressens du reste beaucoup d’humilité à m’exprimer après l’intervention de Sonia Lagarde.

Deux malentendus doivent être évités : d’une part, nous ne sommes pas dans un débat à l’espagnole. D’autre part, en entendant ce matin à la radio qu’un amendement était de nature, d’une manière ou d’une autre, à remettre en cause la loi Veil, très franchement, j’étais à la fois effrayé et furieux ; nous avons eu l’occasion d’évoquer ce point il y a quelques instants. Chers collègues, on ne peut pas dire qu’une IVG serait une contraception bis ou un acte de confort. Je regrette vraiment que ce débat se soit ouvert dans ces conditions ; mais pour autant, je le dis à mes collègues, surtout ceux qui sont les plus proches de moi, nous devons prendre garde aux caricatures, faire attention au déremboursement et à tout ce qui pourrait être incompris par les femmes.

Sur le fond, madame la ministre, chers collègues qui avez déposé cet amendement adopté par la commission, je pense, comme Sonia Lagarde, qu’il faut vous suivre et que nous devons évoluer. Mais le sujet de l’accompagnement des mineures, des petites, car c’est bien là le sujet – je ne parle pas des adultes –, aurait probablement mérité d’être traité de manière adaptée.

En ce qui me concerne, et à titre strictement personnel, je me situe donc sur la ligne de Sonia Lagarde. Je trouve que cet amendement n’avait pas sa place dans ce texte mais, pour autant, nous considérons qu’il correspond à la réalité du jour. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Le moment est venu de faire confiance aux femmes, de leur donner les moyens d’exercer ce droit élémentaire, cette liberté fondamentale qu’est le recours à l’IVG. Le curseur des droits des femmes, c’est en effet la liberté de décider, de choisir sa vie, d’exercer sa responsabilité. L’héritage de Simone Veil est celui-là, celui du courage, de la volonté et de la responsabilité.

Dénier aux femmes aujourd’hui la capacité de juger elles-mêmes, pour elles-mêmes, de décider, serait non seulement un recul juridique mais une défaite de la pensée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Très bien !

Mme Nicole Ameline. Ce serait une défaite, pour reprendre la belle formule de Condorcet, de l’égalité de l’esprit, celle qui doit nous conduire précisément à donner aux femmes plus d’espace de décision, plus de capacité à se déterminer, en pleine conscience et en pleine responsabilité. C’est ce droit qui est en jeu aujourd’hui.

Je partage totalement ce qui vient d’être dit sur le fait que l’IVG ne sera jamais un acte banal, un acte léger. C’est au contraire un acte responsable, dont les femmes assument effectivement la responsabilité. Je considère, avec Françoise Guégot, porte-parole du groupe UMP pour ce texte, que cet article mérite d’être soutenu. Je le soutiendrai parce que je considère que nous devons aujourd’hui progresser sur le terrain de l’égalité entre les hommes et les femmes. Les droits des femmes sont menacés partout dans le monde, et si la France ne sert pas cette cause juste, nécessaire, indispensable, elle trahira sa tradition et sa vision des droits de l’homme.

Je souhaite donc, avec une certaine gravité, que nous retrouvions un certain apaisement dans un débat qui doit être responsable, car partout dans le monde les femmes observent ce qui se passe dans cet hémicycle. Sur tous ces bancs, nous menons le combat pour l’égalité : ce combat doit, ce soir, être une victoire commune.

Je souhaite personnellement que la suppression de la référence à un critère qui n’a plus véritablement d’objet, relevant d’une pratique que l’on peut estimer obsolète, soit effectivement considérée comme une actualisation de notre législation et ne donne pas lieu à un débat qui, encore une fois, n’a pas sa place dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme Françoise Guégot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Il est bon d’entendre vos paroles, madame Ameline, au moment où se tient un débat que nous pensions ne pas avoir dans cet hémicycle. Je voudrais dire que, comme beaucoup ici, j’ai eu non pas à connaître cette situation, mais à l’accompagner. Lorsque j’étais surveillant dans un lycée professionnel pour payer mes études, j’ai dû accompagner des lycéennes qui ont connu cette situation. Ensuite, en tant qu’étudiant, en tant qu’homme avec des amies, à d’autres titres aussi, je n’ai jamais cherché à mesurer le degré de détresse dans le soutien que j’apportais, dans les conseils que je pouvais donner, dans les rencontres que j’organisais, dans les rendez-vous que je pouvais aider à obtenir.

Jamais je n’ai cherché à mesurer le degré de détresse, parce que jamais je n’ai pensé que je faisais face à une situation facile, parce que jamais il n’y a eu de fous rires dans ces moments-là, parce que jamais je n’ai eu à accompagner un acte que j’estimais déplacé. À chaque fois, j’ai estimé participer à un acte de liberté : liberté de choisir, liberté de disposer de son corps, liberté d’organiser sa vie, liberté de juger si le moment est venu d’avoir un enfant. Cela, je l’ai pensé quand j’ai eu à gérer pour la première fois cette lycéenne qui était dans le bureau des surveillants, en pleurs : était-ce de la détresse ? Non, c’était sa vie qu’elle n’avait pas voulu organiser comme cela, et c’était sûrement quelque chose qui avait failli dans le soutien que nous lui avions apporté auparavant, dans les conseils, voire les cours, dont elle avait pu bénéficier.

Dans ces situations, je n’ai jamais cherché à mesurer le degré de détresse : c’est pourquoi je ne comprends pas que l’on puisse aujourd’hui s’accrocher à cette notion. Mais, même dans cette hypothèse, il n’est pas acceptable que l’exposé sommaire de l’un des amendements de suppression parle de « responsabiliser » cette démarche. Je pense comme vous que cette démarche est aujourd’hui faite en toute responsabilité et qu’il est de notre devoir d’accompagner cette responsabilité. Je ne peux pas laisser penser que nous devrions, comme il est écrit dans un exposé sommaire, mettre la volonté de la femme sous contrainte : non, je ne suis pas pour que l’on mette la volonté de la femme sous contrainte, comme si elle n’était pas en capacité d’exercer cette responsabilité que nous lui avons accordée, que nous devons lui accorder. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Au moment où nous faisons référence à la loi Veil dans ce débat, j’ai une pensée pour Simone Veil et pour l’esprit, non pas de la loi, mais l’esprit qu’elle avait dans ces débats. Ainsi que je l’ai dit hier à la tribune, j’ai relu cette loi, le combat qu’elle a mené, les concessions qu’elle a dû faire pour que cette loi soit votée : je ne veux bien entendu pas parler en son nom mais, si je sais lire ses propos dans ce débat, je pense qu’elle attendait depuis longtemps ce moment où nous supprimerions le mot « détresse » dans la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’un de nos collègues a parlé, lors de son intervention, de « banalisation » de l’avortement : je ne peux pas accepter ces propos. La décision pour une femme d’avorter est une décision lourde et le chemin qu’elle doit ensuite emprunter est parfois difficile : pas de centre d’IVG, un médecin qui refuse, des difficultés, etc. Tout cela ne sera pas effacé par cet article : il dit seulement que la femme décide, que la femme fait ce qu’elle veut faire. L’un d’entre vous a dit qu’elle ne veut pas ; or la femme a le droit de décider ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas : voilà tout simplement ce que dit cet article.

Ensuite, il faudra résoudre les problèmes, faire en sorte que les femmes qui veulent pratiquer une IVG, qui ont fait ce choix, puissent le faire dans les meilleures conditions possible. Il va falloir également déployer les moyens d’information sur la contraception, les différentes contraceptions féminines, sur l’éducation sexuelle – j’ai entendu dans un autre débat des réticences sur ce point : or nous avons besoin de développer tout ce qui permet à une fille, à un garçon, de comprendre ce qu’est le rapport sexuel, de comprendre ce qu’est la maîtrise de son corps, le respect du corps de l’autre. C’est tout cela qu’il va falloir faire ! Pour résumer, cet article a simplement pour objet de dire aux femmes qu’elles ont le droit de décider.

Dernière remarque, j’ai entendu des collègues réagir en disant « Nous ne sommes pas l’Espagne ». Mais vous avez une drôle de conception de l’Europe !

M. Dominique Tian. C’est pourtant vrai : nous ne sommes pas en Espagne !

Mme Marie-George Buffet. Moi, je croyais que l’Europe était une construction commune, qui ne se limitait pas aux questions économiques ni à la mise en concurrence : je pensais que c’était une grande histoire commune (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et je pensais que sur les questions des droits des êtres humains, l’Europe devait faire preuve de solidarité ! J’espère que, ce soir, nombre d’hommes et de femmes en Espagne auront envie, à la fin de cette soirée, de descendre dans la rue, aux quatre coins de l’Espagne pour dire : « Retournons nous battre ! Cette loi, on ne la laissera pas passer, parce qu’en France, ils nous ont dit qu’ils seraient solidaires avec nous ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vais reprendre un certain nombre de mots que vous avez employés au cours des débats, mesdames et messieurs de la majorité, pour réagir et exposer mon point de vue sur ces questions.

Je souhaite tout d’abord rappeler qu’il ne s’agit pas d’une initiative gouvernementale – cela a été précisé tout à l’heure – mais bel et bien d’un amendement qui arrive dans une discussion en commission – c’est bien légitime – et dont on peut imaginer que toutes les incidences et toutes les conséquences politiques ont été parfaitement mesurées.

Cette majorité a pris l’habitude désormais d’enfourcher les sujets de société pour nous en faire oublier d’autres. Cette pratique devient si fréquente qu’on finit par se dire que la majorité n’a guère plus que cela pour tenter de se ressouder (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), fabriquer des épouvantails étant habituellement un assez bon remède pour ceux qui ne réussissent pas.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est minable !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne me rappelle plus qui a dit tout à l’heure que les mots ont un sens. Bien sûr qu’ils ont un sens, et c’est même pour cela que l’on écrit la loi. Comme je l’ai dit l’autre jour en commission, je ne comprends pas que vous puissiez imaginer une seule seconde qu’en supprimant le mot « détresse » vous procédiez seulement au toilettage d’une obsolescence qui serait restée dans la loi et qui aurait finalement traversé les majorités sans que personne ne s’en rende compte. En définitive, vous ne faites pas que toiletter la loi, vous voulez clairement inscrire dans la loi, et plus seulement dans la pratique – c’est cohérent avec votre position et je ne peux pas vous le reprocher – que l’avortement est un droit plein et entier…

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. …sans aucune forme de restriction.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. La restriction, c’est le délai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas un simple toilettage et vous devez l’assumer comme tel.

Tout à l’heure, l’une d’entre vous a employé l’expression « terrible solitude », et à l’instant Mme Buffet vient de dire : « La femme fait ce qu’elle veut ». Je suis étonné de l’assurance que vous avez en prononçant ces deux phrases. Beaucoup de témoignages arrivent sûrement dans vos circonscriptions, comme dans la mienne, qui montrent que si le droit autorise de recourir à l’avortement et s’il le codifie, en réalité on peut s’interroger sur ces 220 000 cas qui concernent les femmes aujourd’hui. Combien de situations connaissons-nous de pressions faites sur des femmes enceintes par leur conjoint, leur famille, leurs amis, dans tous les milieux, de toutes convictions, y compris celles qui affectent d’en avoir d’autres ? Combien de situations connaissons-nous dans lesquelles l’employeur lui-même indique que la grossesse de sa salariée n’est pas la bienvenue ? Je le dis parce que c’est la vérité, même si cela ne vous plaît pas.

Mme Sylviane Bulteau. Vous avez des preuves ?

M. Jean-Frédéric Poisson. En imaginant que vous puissiez être en situation de garantir le libre choix des femmes, vous omettez, madame le ministre, l’éducation dont Mme Buffet parlait à l’instant. On s’étonne que la sexualité précoce des adolescents conduise à des situations dramatiques à quatorze, quinze ou seize ans, mais comment imaginer qu’une jeune fille puisse faire autrement qu’avoir recours à la pratique de l’avortement pour se sauver la vie, si je puis dire ? Comment lui en vouloir ? Que prévoyez-vous, madame la ministre, pour prévenir ces situations ? Que prévoyez-vous pour éduquer un peu mieux les hommes afin qu’ils évitent de faire pression sur les femmes ?

Ce que vous imaginez être un libre choix n’existe que dans les textes. Et c’est aussi pour revenir sur cette situation que nous voulons absolument maintenir dans le droit la notion de détresse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que, comme Bruno Le Roux, il m’est arrivé, dans ma vie, de connaître ce genre de situation de détresse. Aussi, j’aborde ce sujet avec beaucoup d’humilité.

Je regrette que, dans un pays qui est confronté à tant de difficultés par ailleurs, qui a tant de défis à relever, nous passions notre temps à nous complaire, soit dans des sujets de société à répétition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), soit à rouvrir des textes qui ont été le produit d’une évolution historique avalisée par notre société. À cet égard, je me permettrai de citer la décision du Conseil constitutionnel de juin 2001 qui rappelait l’équilibre qui avait été trouvé dans la loi Veil entre le respect de la Constitution qui impose, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme qui découle de l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel rappelait que la notion de détresse visait à prévenir toute dénaturation des principes que le législateur a posés, principes au nombre desquels figure, à l’article L. 2211-1 du code de la santé publique, « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». L’équilibre du Conseil constitutionnel visait à réconcilier le droit plein de la femme à utiliser l’IVG et le respect de la vie.

Aujourd’hui, par le biais d’un amendement adopté en commission, cet équilibre est remis en question et cela provoque dans le pays un certain nombre de réactions fortes. Ici même, certains en ont tiré la conséquence qu’il fallait dérembourser l’IVG, ce qui n’est pas du tout ma position. J’entends d’autres collègues, probablement mus par les meilleures intentions du monde, prétendre qu’il faut sauver les femmes espagnoles, les femmes irlandaises et les femmes polonaises. Je voudrais simplement rappeler ici que nous sommes l’Assemblée nationale française, qu’aux termes, madame Buffet, de tous les textes européens nous avons pleine souveraineté pour décider ce droit qui s’applique en France. Nous sommes dans la subsidiarité. Il ne nous appartient donc pas de légiférer à la place des Cortes ou du Parlement irlandais ou polonais.

Mme Marie-George Buffet. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Pierre Lellouche. La loi Veil permettait cet équilibre. J’engage mes collègues à éviter de se diviser.

Je regrette à la fois les propos qui ont été tenus dans certains cas et qui nous font passer pour les plus rétrogrades des Français et d’autres qui, à l’inverse, voudraient nous ramener à la période d’avant la loi Veil.

Ce que je regrette, c’est que loin de faire progresser la cause des femmes, ce débat fait reculer la société en la divisant.

M. Michel Ménard. C’est vous qui créez les conditions de ce recul !

M. Pierre Lellouche. Est-ce là l’objectif que vous avez souhaité obtenir ? Vous l’avez obtenu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Beaucoup de choses ont déjà été dites lors de la discussion sur cet article. Nul n’imaginait, quelques semaines avant Noël, que nous nous retrouverions au début de cette année, avec une certaine tension, pour un débat qui paraît presque surréaliste, en tout cas que nul n’avait vu venir. Nul ne l’avait vu venir pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait pas de raison de rouvrir un débat, trente-neuf ans après l’adoption de la loi Veil dans des conditions que chacun connaît, qui avait donné lieu à nombre de passions. La loi Veil semblait acceptée, en tout cas par le plus grand nombre, sans qu’il soit question de revenir dessus. La France n’est pas l’Espagne, il n’y a pas de plan secret, de timing qui serait caché, de calendrier occulte qui conduirait l’opposition, UMP, UDI, à vouloir remettre le sujet sur le tapis.

Cela dit, je constate, et vous ne direz pas le contraire – vos bancs sont très nourris ce soir –, que vous avez un certain plaisir à vous retrouver sur ces bancs. C’est sans doute l’occasion de serrer un peu les coudes,…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ça, c’est sûr !

M. Philippe Gosselin. …de se retrouver entre sociodémocrates, gauche, extrême gauche, Front de gauche, ceux qui, sans doute, n’ont plus grand-chose en commun sur le plan économique, social, fiscal et qui veulent se racheter une virginité sur le dos d’un certain nombre de questions de société. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. Matthias Fekl. Fachos, réacs, intégristes : eux, ils sont tous là, sans exception !

M. Philippe Gosselin. Le débat n’avait pas besoin d’être rouvert. La loi Veil de 1975 était appliquée sans difficulté majeure. Or cet article prévoit de rompre l’équilibre qui existait.

M. le président. Merci…

M. Philippe Gosselin. Je termine, monsieur le président. Un principe fort a été rappelé : le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Dans ces conditions, l’IVG n’est pas un droit tout à fait comme les autres. L’acte médical n’est pas banal.

M. le président. Merci.

La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. On est un peu dans un dialogue de sourds. Peut-être allez-vous entendre, du moins écouter. Comme l’a rappelé hier Bruno Le Roux, il s’agit d’adapter la loi à la réalité d’aujourd’hui. La vraie détresse, c’est de subir une grossesse que l’on n’a pas désirée. Ce texte répond à ce drame, le mot a été employé plusieurs fois.

Certains sont descendus dans la rue en Espagne, mais aussi en France, notamment dimanche dernier, qui voudraient que ce soit la loi de Dieu qui s’applique. Or, en France, c’est la loi des hommes et, en l’occurrence, des femmes, qui s’applique grâce à la laïcité, chacun pouvant croire à tout ce qu’il veut dans la sphère privée.

M. Philippe Gosselin et M. Pierre Lellouche. Nul ne le conteste !

Mme Sylviane Bulteau. Il faut cesser d’employer un vocabulaire anxiogène. Il ne s’agit pas de « banaliser », de « déresponsabiliser », ni « d’ouvrir la boîte de Pandore ». Regardez autour de vous : une femme qui ne veut pas d’une grossesse, pour quelque raison que ce soit, a le droit de se faire avorter. Elle n’a pas à justifier son choix. Qu’elle soit pauvre, riche, en détresse ou non, son corps lui appartient.

Ce qui devrait tous nous mobiliser ce soir, et je voudrais appeler l’attention de Mme la ministre sur ce sujet, c’est le manque cruel de moyens dans les hôpitaux publics pour avoir un égal accès à l’IVG. De même, comme l’a dit Mme Buffet, ce qui doit aussi nous mobiliser, c’est un meilleur accès à la santé sexuelle et à la contraception. Les élus nationaux s’y emploient. Dans les territoires, les collectivités territoriales, des actions sont menées ; nous devons les encourager. Dans ma région, nous avons mis en place le « Pass santé contraception » : 7 000 Pass ont été utilisés par les jeunes filles et les jeunes garçons dans les lycées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le président, je ne serai pas longue, beaucoup de choses ayant déjà été exposées. J’aimerais simplement appeler tout le monde à être d’accord sur l’essentiel.

Certains d’entre vous se demandent s’il est bien utile de rouvrir la loi Veil et cet équilibre précieux atteint en 1975 et estiment que ce serait même presque un sacrilège. C’est oublier que le législateur n’a cessé, ces dernières années, de conforter cette loi.

M. Régis Juanico. Bien sûr !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est comme si on n’avait plus touché au droit à l’IVG depuis 1975 ! Or je vous rappelle que nous avons successivement autorisé le remboursement par la Sécurité sociale de ce droit à l’IVG, que nous avons supprimé l’incrimination d’interruption de grossesse du code pénal en 1994, que nous avons ouvert la possibilité pour les résidentes étrangères en France de recourir à ce droit à l’IVG. Nous n’avons donc cessé de le conforter, et c’est précisément ce que les parlementaires socialistes vous proposent aujourd’hui en supprimant la notion de détresse. Cette notion avait été concédée à l’époque par Simone Veil elle-même. Replongez-vous en effet dans les débats de 1974 pour comprendre que la victoire sur le droit à l’IVG a été obtenue à l’arraché. Il a fallu faire des concessions, et fort heureusement il se trouve que la réalité, la pratique, la jurisprudence, sont venues avec le temps, avec le progrès des mœurs, rendre obsolètes un certain nombre de ces notions. Il en va ainsi de la notion de détresse comme une condition à l’accès à l’IVG.

Que le législateur puisse aujourd’hui, en 2014, venir d’une certaine façon toiletter les textes, les expurger de notions devenues obsolètes, c’est non seulement bienvenu, mais aussi heureux car l’on sait bien que les notions que l’on laisse dans les textes, si elles paraissent obsolètes à un moment donné, peuvent, à la faveur d’une régression quelques années plus tard – et c’est précisément là que les exemples espagnols nous éclairent – jouer, être interprétées au détriment des femmes elles-mêmes. En mettant fin à cette notion, nous préservons les femmes d’une régression en matière de droit à l’IVG.

Vous dites ensuite que faire cela reviendrait à banaliser l’IVG…

M. Philippe Gosselin. Oui !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …et je lis en filigrane derrière vos propos que vous considérez que nous allons faire de l’avortement un moyen de contraception comme un autre ou, pour reprendre une expression très utilisée par certains d’entre vous, des IVG de confort. Mais franchement, quelle terrible motion de défiance envers les femmes ! Pourquoi ne leur faites-vous pas simplement confiance ? Quelle piètre opinion pouvez-vous avoir d’elles pour penser véritablement qu’elles utiliseraient l’avortement à répétition comme un moyen de contraception ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) C’est extraordinaire, quand on y pense !

Le troisième point sur lequel je voulais revenir, c’est, au fond, ce que vous avez dit, monsieur le député Poisson, parce que vous avez résumé la situation qui est la nôtre aujourd’hui. La question qui se pose à votre assemblée est celle-ci : l’IVG est-elle une tolérance soumise à conditions…

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …et assortie de tentatives régulières pour culpabiliser les femmes qui y ont recours, comme on le voit dans la société, ou est-ce un droit à part entière ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est un droit !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’estime que l’IVG est un droit et non pas une simple tolérance assortie de conditions. (Mêmes mouvements.)

Enfin, je veux vous dire que vos propos concernant l’éducation à la sexualité seront gravés dans ma mémoire lorsque je reviendrai vers vous pour vous proposer des dispositions afin d’introduire l’éducation à la sexualité de façon effective dans les collèges et les lycées pour préparer nos jeunes filles et nos jeunes garçons à avoir une vie sexuelle la plus épanouie possible. J’espère qu’à ce moment-là, vous saurez vous souvenir de tout ce qui a été dit ce soir et nous accompagner dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 9, 93, 99, 192 et 223, tendant à la suppression de l’article 5 quinquies C.

La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n9.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Rassurez-vous, pas besoin de grande envolée lyrique puisqu’il n’est absolument pas question de remettre en cause la légalité de l’avortement ni de défendre le projet de loi actuellement défendu en Espagne, comme on l’a entendu : il s’agit simplement de conserver un certain nombre de garde-fous autour d’un acte dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est lourd de conséquences psychologiques et parfois physiques. Je voudrais d’abord relever un paradoxe dans l’intention première qui est la vôtre et dans la définition de cet article. Vous l’avez encore répété ce soir, vous niez dans le débat public – et c’est votre droit – l’existence de formes d’IVG que certains médecins appellent de confort. Je trouve que cet article prouve l’inverse, puisque vous mettez en exergue des situations où les femmes recourent à l’IVG en l’absence totale de détresse psychologique et matérielle. Cela relève donc d’un choix de vie que l’on peut, de fait, qualifier de confort. Je tenais à relever ce paradoxe qui m’apparaît flagrant.

Je défends la suppression de cet article parce que j’estime que l’accès illimité à un acte intégralement pris en charge par la communauté nationale nécessite un certain nombre de garde-fous de responsabilité. Or, je crois que, contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas simplement prendre acte d’un état de fait, mais que la suppression de la notion de détresse va forcément entraîner un certain nombre de conséquences dans la période précédant l’avortement, comme la suppression du recours à un psychologue…

Mme Catherine Quéré. Mais qui a dit cela ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …ou d’un certain nombre d’étapes de conseil et la modification du délai de réflexion, puisque seul le choix sera décisif. Pour toutes ces raisons et pour défendre, quoi qu’on en dise, la vie, puisqu’il s’agit quand même de l’existence ou non d’un être humain, qu’on le veuille ou non, je crois qu’il faut conserver ces garde-fous qui sont aussi moraux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, GDR et écologiste.)

M. Jacques Bompard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n93.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale de l’article L. 2212-1 du code de la santé publique. La rédaction de l’article 5 quinquies C opère un changement de régime juridique majeur. L’interruption volontaire de grossesse est une dérogation, sous conditions, au principe d’ordre public de protection de l’être humain dès le commencement de sa vie. C’est l’article 16 de notre code civil.

Je vous ai entendu parler de droit fondamental, de droit légitime ou de droit imprescriptible, mais je voudrais vous rappeler que si les conditions encadrant l’IVG sont en réalité nombreuses – article L. 2211-2 du même code –, la principale est la constatation médicale que la grossesse place la femme dans une situation de détresse.

J’ai entendu aussi que la notion de détresse était un concept obsolète, voire archaïque. Je voudrais vous rappeler que je rencontre des gens dans la détresse et que ce n’est pas un concept archaïque : la détresse existe et la détresse des femmes dans certaines situations, notamment dans le cas de grossesses non voulues, elle existe. Ne la niez pas ! Ne niez pas non plus la situation des femmes plongées dans cette détresse !

M. Luc Belot. Mais qui vous a dit le contraire ?

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Personne ne le nie !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est pas une condition pour accéder à l’IVG, c’est tout ce que nous disons !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette condition inhérente à l’interruption volontaire de grossesse est essentielle pour la cohérence du droit français dont le principe fondamental est la protection de l’être humain. Je reste étonnée devant votre volonté de remettre en cause l’équilibre reconnu, établi et admis par tous de la loi Veil de 1975. Cette loi a été équilibrée dès le départ et, au fil des années, des éléments complémentaires lui ont été apportés. C’est un équilibre. C’est le combat de la vie de Simone Veil. Remettre en cause ces données-là aujourd’hui, c’est faire un mauvais procès à ce texte équilibré et utile aux femmes.

Mme Elisabeth Pochon. Argumentation zéro !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n99.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, madame le ministre, je ne voudrais pas répéter ce qui a largement été dit. Je pense que l’erreur de considérer la loi de 1975 comme un compromis politique en dit long sur la manière dont on aborde ce débat. Je ne crois pas que c’était un compromis politique : cela procède davantage d’un équilibre. La raison de notre actuel dialogue de sourds, c’est que si vous tenez compte, comme nous bien entendu, de la question de la liberté, nous amenons, nous, dans le débat, celle du commencement de la vie. Ainsi, l’équilibre – et non pas le compromis – de la loi de 1975 repose justement sur cette conciliation ou plutôt sur cette réconciliation entre deux éléments – la liberté et la reconnaissance du commencement de la vie – et partant sur le fait que cet acte n’est pas un acte neutre ou gratuit, un acte qui peut être banalisé. Il faut également considérer un autre élément puisque l’on parle ce soir d’actualisation : celle-ci doit aussi se faire à l’aune des progrès scientifiques, notamment du diagnostic prénatal. En effet, la tentation sera grande demain de recourir à un IVG très en amont, très facilement et très librement, afin de procéder à un acte d’eugénisme qui permettra, après avoir pris connaissance des caractéristiques de l’embryon, de sélectionner par l’IVG un être humain et l’enfant que le couple voudra. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. N’importe quoi ! Qu’est-ce que c’est que cet amalgame ?

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est précisément cette actualisation qui mérite d’être prise en compte dans ce texte un peu inattendu qui nous est proposé ce soir et qui révèle gravement une absence de débat et de recul. On légifère malheureusement dans la précipitation sur quelque chose qui va beaucoup plus loin que ce que vous croyez nous imposer par ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Nous en discutons depuis une heure et demie !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n192.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, je voulais prendre la parole tout à l’heure dans le débat, mais je ne l’ai pas eue : je vais donc résumer ce que je voulais dire. La liberté, nous en avons beaucoup entendu parler ce soir, mais la liberté des uns s’arrête là où commence la liberté des autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La liberté que vous évoquez, c’est la liberté pour la mère de tuer son enfant ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. Michel Ménard. M. Bompard fait dans la nuance !

M. Jacques Bompard. Dans ce contexte-là, où est la liberté de l’enfant ? L’avortement est la pire des solutions, puisqu’il s’agit de supprimer une vie. La science le dit de manière indéniable : un fœtus n’est pas qu’un amas de cellules, c’est un être vivant. Faciliter encore l’accès à cet acte mortifère revient à le banaliser encore plus. Or, banalisé, l’avortement l’est déjà bien assez, puisque plus de 200 000 enfants en sont victimes en France chaque année – 220 000 exactement. Notre rôle en tant que parlementaires devrait être la défense à tout prix de la vie des plus faibles et de ceux qui ne peuvent pas encore s’exprimer. Nous devons mettre toutes les conditions en œuvre pour permettre l’arrivée de la vie. Or vous continuez à faire tout le contraire. Le nombre dramatique d’avortements pratiqués chaque année prouve bien que les garde-fous intelligemment prévus par la loi ne sont plus respectés et, parce qu’ils ne sont plus respectés, vous voulez les éliminer pour qu’il n’y en ait plus de traces. Ce que vous voulez, c’est mettre en place l’irresponsabilité généralisée. C’est le but de toutes vos lois mortifères qui tendent à détruire la civilisation. En supprimant cette notion de détresse, vous allez faire sauter la dernière barrière protégeant la vie de cet enfant. Sur une simple décision – vous le demandez, vous le revendiquez ! –, la femme pourra avorter comme elle prend un cachet d’aspirine ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) C’est ce que vous voulez ! Je vous ai écoutés ! Je suis terrorisé par vos propos ! (Mêmes mouvements.)

Mme Pascale Crozon. Nous aussi, nous sommes terrorisés !

M. Jacques Bompard. C’est scandaleux ! C’est dramatique ! Au nom d’un prétendu principe d’égalité, le projet de loi exclut, en plus, le père de toute prise de décision. Or le père est aussi responsable de l’enfant, mais cela vous embête manifestement beaucoup puisque vous le niez complètement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n223.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, vous m’avez largement donné tout à l’heure la possibilité de m’exprimer sur l’article, et donc sur l’amendement tendant à le supprimer. Je considère donc qu’il a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Monsieur le président, vous permettrez que je prenne quelques instants pour répondre sur le fond à tous les arguments qui viennent d’être exposés, car cette question mérite dignité, sérénité, une certaine gravité même et, pour ce qui me concerne, humilité. En tant que rapporteur de la commission des lois, c’est à des propos strictement juridiques que je voudrais ramener mes développements. S’agissant de cet « état de détresse », je rappelle que l’expression a été introduite dans la loi en 1975 comme un compromis purement politique,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est là dessus que nous ne sommes pas d’accord.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. …nécessaire à l’époque pour permettre l’adoption de la loi. En aucun cas la volonté de donner à cette notion une quelconque portée juridique n’avait présidé aux travaux de l’Assemblée nationale à ce moment-là. Je ne vois plus Mme Dalloz, mais je veux lui dire que personne ne nie, sur quelque banc que ce soit, la douleur des femmes qui sont concernées par cette situation. Nous prenons les termes au sens juridique. Ils ne correspondent à aucune réalité concrète et ils sont totalement dépourvus d’effets juridiques, comme ils l’ont toujours été. Ils n’ont jamais produit aucune conséquence et n’ont jamais été considérés comme une condition pour recourir à l’avortement. Dans les faits, les femmes sont totalement libres de procéder à une IVG, à une seule et unique condition, celle de se situer dans le délai légal.

En effet, dès 1980, quelques mois à peine après l’adoption définitive de la loi – elle n’avait été votée, en 1975, qu’à titre expérimental –, le Conseil d’État a jugé que celle-ci reconnaissait le droit de la femme enceinte « d’apprécier elle-même si sa situation justifie l’interruption de sa grossesse ». Je cite la plus haute juridiction administrative. Il faut donc comprendre qu’aucune autorité supérieure, en tout cas aucune autorité médicale, n’a à se substituer au libre choix qu’exerce la femme au regard de sa seule conscience. Quant à la doctrine civiliste, elle reconnaît très majoritairement que le législateur a déjà consacré le droit de la femme de demander une IVG sans avoir à établir qu’elle se trouve dans une situation de détresse. Je tiens à citer le jurisclasseur qui fait référence sur l’article 16 du code civil : « Le législateur permet l’IVG pourvu qu’elle ait lieu dans les douze premières semaines. La notion d’état de détresse est laissée à l’appréciation de la femme et d’elle seule. [… ] Cette notion d’état de détresse est donc totalement superfétatoire. » J’insiste sur ce point : cette notion n’a donc aucun effet juridique et n’en a jamais eu. Dans le même sens, je voudrais aussi faire référence au guide sur l’IVG remis aux femmes. Il est établi sous l’égide du ministère de la santé et diffusé par les agences régionales de santé. J’ai poussé mes recherches jusqu’à examiner aussi bien la version de mars 2012 que celle de novembre 2007 – vous savez qui était alors Premier ministre… Sous l’empire de l’ancienne majorité était donc déjà édité un guide sur l’IVG qui expliquait exactement aux femmes qu’elles étaient les seules juges de leur situation, les seules en capacité d’apprécier si elles étaient ou non dans une situation justifiant un recours à l’IVG.

L’article 5 quinquies C, introduit par la commission des lois, procède à une actualisation du droit en le mettant en conformité avec le fait que l’IVG est un droit plein et entier pour les femmes, qui doit être proclamé et défendu, protégé et conforté contre tous les mouvements réactionnaires qui sévissent aujourd’hui en France et en Europe.

M. Yannick Moreau. Ce n’est pas le rôle de la loi !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Des arguments juridiques ont aussi été avancés sur le plan constitutionnel ou sur celui du droit international. Je veux vraiment vous assurer que nous avons poussé les recherches pour vérifier s’il y avait une difficulté de cet ordre : il n’y en a aucune.

C’est pour toutes ces raisons que, le 18 décembre dernier, la commission a adopté, dans une grande sérénité, l’amendement qui est devenu l’article 5 quinquies C.

Sortant quelques instants de mon propos juridique, je tiens à dire à notre collègue Poisson, et ce en toute laïcité : n’ayez pas peur ; faites confiance aux femmes, comme vous y a invité Nicole Ameline. L’avis de la commission est défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour toutes les raisons que j’ai exposées, le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je veux réagir aux propos tenus dans le camp d’en face…

M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas deux camps !

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis. …parce qu’ils sont vraiment surréalistes, choquants, voire très graves. J’ai ainsi entendu M. Bompard nous dire qu’on va utiliser l’IVG comme on prend un cachet. Cela démontre que ce droit que nous avons durement acquis, à savoir la dépénalisation de l’IVG, demeure vraiment très fragile. Je veux aussi revenir sur les propos de Mme Maréchal-Le Pen, en rappelant ce qu’elle écrit dans son exposé sommaire : « La référence à cet état de détresse n’a pas vocation à constituer un obstacle au droit des femmes mais constitue un garde-fou afin de responsabiliser cette démarche [… ]. » Est-ce à dire, madame, que quand une femme prend la décision de recourir à l’IVG, elle ne sait pas ce qu’elle fait ? Serait-elle irresponsable ? Je vous réponds que non parce que, nombre d’intervenants l’ont dit, en particulier Mme Buffet, c’est un choix difficile et aussi une souffrance. Il est surprenant d’entendre, dans la bouche d’une femme, ce type de propos insultants pour les femmes que nous sommes. Madame Maréchal-Le Pen, le choix d’avoir ou non un enfant est l’une des décisions les plus importantes dans la vie d’une femme. et revenir sur ce droit durement gagné, c’est remettre en cause l’existence même des libertés fondamentales de chacun d’entre nous, à savoir notre liberté de conscience, notre autonomie morale qui nous permet de prendre librement des décisions et surtout notre droit à une maternité librement choisie. Par conséquent, en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je soutiens cet article car la suppression de la notion de situation de détresse matérialise la suite logique des choses : la marche sensée de notre société vers le progrès. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je m’exprimerai en mon nom personnel, même si je suis le porte-parole de mon groupe sur l’ensemble du projet de loi. Je l’ai dit lors de la discussion générale : je pensais qu’au vu du sujet, l’égalité entre les hommes et les femmes, ce texte devait être soutenu sur tous les bancs. J’ai aussi rappelé que le travail mené ces dernières années pour avancer sur cette question avait été le fait de parlementaires et de ministres de tous bords. Il aurait été évidemment essentiel que ce texte de loi contribue à faire avancer la cause des femmes, à travers la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, avec le soutien de l’ensemble de notre assemblée. Je pensais bien que ce type d’article risquait de nous poser quelques problèmes à cet égard, mais je rappelle que je l’ai voté en commission, pour les raisons que notre rapporteur a très clairement expliquées. Nous sommes sur un article de correction d’un texte existant qui ne change en rien ce qui se passe aujourd’hui, mais fait juste un toilettage. Je dis très amicalement aux collègues de mon groupe que je suis députée depuis 2007 et qu’il me semble que nous avons, à de nombreuses reprises, procédé à des toilettages de textes et que la loi Veil, qui date de 1975, c’est-à-dire bientôt quarante ans, a d’ailleurs elle-même été toilettée, y compris sur les délais. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à vouloir faire quelques corrections…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Bien sûr !

Mme Françoise Guégot. …quand il s’agit de défendre la responsabilité et la conscience des femmes. Vous me trouverez toujours, sur de tels sujets, aux côtés de ceux qui défendent à ce titre l’égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville.

Mme Ségolène Neuville. Je voudrais dépassionner le débat, ne pas parler du tout idéologie mais santé des femmes. À cette fin, je ferai deux remarques.

Premièrement, à ceux qui sous-entendent que les femmes pourraient avorter par inconséquence, je demande s’ils savent que 50 % des femmes qui avortent utilisaient un moyen de contraception au moment où elles sont tombées enceintes. Elles avaient donc un comportement responsable, avaient une contraception prescrite, et elles sont malgré tout tombées enceintes. Ainsi, 23 % d’entre elles étaient sous pilule. Il s’agit donc d’échecs de la contraception.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Mme Bérengère Poletti a fait un travail là-dessus.

Mme Ségolène Neuville. Il faut savoir qu’en France, la prescription de la contraception est très stéréotypée – préservatif au début, puis pilule, et puis stérilet quand on a eu ses enfants et passé quarante ans – et souvent inadaptée aux femmes. C’est pourquoi elles tombent enceintes alors même qu’elles sont suivies et utilisent un moyen de contraception.

Ma seconde remarque va dans le même sens : savez-vous, mes chers collègues, que le nombre de grossesses non prévues diminue en France très régulièrement depuis 1975 – du fait d’un meilleur accès à la contraception ? En revanche, en cas de grossesse non prévue, le nombre de recours à l’interruption volontaire de grossesse augmente parce que les modes de vie ont changé, que les femmes travaillent, qu’elles font des études plus longues, et qu’on est passé de la maternité subie à la maternité choisie.

Tout ce phénomène est extrêmement construit : il ne s’agit pas de l’inconséquence des femmes, mais de leur droit à choisir le moment de leur maternité, et même du droit des couples puisque, très souvent, les hommes sont également d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Pour notre collègue qui vient d’intervenir, certains disent que des femmes utilisent l’avortement de manière inconséquente. Je ne sais pas où elle l’a entendu, mais en tout cas pas dans notre groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Inventez toutes les âneries que vous voulez, mes chers collègues, mais de tels propos n’ont jamais été tenus ni pensés par personne dans le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez chercher à faire de la provocation et tous les procès d’intention que vous voulez, mais il s’agit d’en revenir aux faits : nous sommes parfaitement à l’aise puisque nous avons été les artisans de la loi Veil (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), présentée par le gouvernement de Jacques Chirac et par Simone Veil elle-même à cette tribune,…

Mme Michèle Fournier-Armand. Les vôtres ne l’ont pas votée !

M. Christian Jacob. …avec le soutien de l’ensemble des groupes de droite. Voilà la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je le répète : elle a été soutenue par notre majorité. (Mêmes mouvements.) Le texte n’aurait pas été voté sinon. Vociférez autant que vous voulez, mais j’en reviens aux faits : est-ce qu’aujourd’hui, l’état de détresse prévue par la loi empêche une femme d’avorter ? Oui ou non ?

Plusieurs députés du groupe SRC.. Oui !

M. Christian Jacob. La réponse est non, votre rapporteur l’a clairement rappelé : jamais la notion de détresse n’a empêché une femme d’avoir accès à l’IVG !

Mme Michèle Fournier-Armand. Donc, c’est nul !

M. Christian Jacob. Je suis peut-être nul, madame, mais j’ai autant de légitimité que vous à m’exprimer dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Par conséquent, gardez pour vous vos procès d’intention ; s’il vous plaît, un peu de dignité et un peu de respect, parce que je ne sais pas où est la nullité dans ce débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre rapporteur a dit que ce texte n’a jamais produit aucune conséquence sur l’accès à l’IVG, et je partage ce point de vue. Les femmes sont totalement libres d’y accéder, le seul encadrement étant le nombre de semaines. Quand vous arrivez ainsi dans ce débat, mes chers collègues de la majorité, vous vous inscrivez donc bien dans une logique de clivage et de provocation, cherchant à tout prix à casser ce qui fait consensus depuis la loi de 1975 et toutes les modifications qui s’en sont suivies. C’est la seule raison qui vous anime dans ce débat, rien d’autre et certainement pas l’intérêt des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est un intérêt politicien, pour ne pas dire politicard. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous êtes des politicards sur ce terrain-là (Mêmes mouvements) alors que le sujet faisait consensus. Restons sur ce consensus, et c’est la raison pour laquelle je voterai contre cet article. La notion de détresse n’a jamais empêché une femme d’avoir accès à l’IVG. Nous sommes parfaitement à l’aise sur la loi de 1975 et sur toutes les modifications apportées depuis. Nous sommes sereins et à l’aise dans ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe socialiste.. Ça a l’air !

M. Christian Jacob. Nous ne voterons pas vos modifications de politicards qui regardent les choses par le petit bout de la lorgnette. C’est indigne ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) 

M. le président. Chers collègues, sur un sujet aussi important, je n’hésite pas à laisser chacun déborder un peu de son temps. Je vous demande néanmoins de bien vouloir faire attention à vos propos dans cet hémicycle. Ce serait très bien pour un débat si important.

M. Christian Jacob. Je peux me faire traiter de nul, ça ne pose pas problème !

M. Christian Assaf. Elle n’a pas dit ça ! Faut croire que cela rend sourd !

M. le président. Je le dis pour tout le monde, monsieur Jacob.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais apporter deux éléments de réflexion. Le premier, c’est que j’entends exclusivement parler de femmes, mais mon inquiétude se porte sur les adolescentes car elles n’ont pas encore un appareil psychique leur permettant d’être totalement libres de leur décision. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) En réagissant de la sorte, chers collègues, vous déniez l’existence d’une société où, avant de devenir adulte, on passe par le stade de l’adolescence. C’est pourtant une évidence. Si vous ne le reconnaissez pas, vous n’avez qu’à récrire toute la médecine et tous les traités de psychiatrie – vous en êtes d’ailleurs presque là.

J’en viens à mon second point. J’ai entendu ici qu’en tout lieu et en tout temps, la femme, citoyen égal à l’homme, aurait le droit de disposer de son corps comme elle le souhaite.

C’est faux : la loi pose des limites à la disposition de son propre corps. En tant que législateurs, vous et vos prédécesseurs avez voté des lois pour que les médecins puissent soigner des personnes qui veulent porter atteinte à leur corps, que ce soit par le suicide, qui est interdit, par la consommation de substances psychotropes prohibées ou par les scarifications.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Quel rapport ?

M. Nicolas Dhuicq. L’atteinte au corps n’est pas autorisée, et ce principe a toujours été reconnu en tout lieu et de tout temps. Sous la royauté comme désormais sous la République, il est des moments où la protection du corps est l’affaire de la loi et de l’autorité supérieure, qui se doivent de protéger ce corps lorsque l’individu lui-même y porte atteinte.

Aux adolescents qui nous écoutent, je voudrais rappeler ces choses simples : ceux qui soignent les adolescents dans les services où ils exercent leur rappellent régulièrement que non, ils n’ont pas le droit, du fait de la loi, de disposer en tout lieu et en tout temps de leur corps comme ils le souhaitent.

La loi est faite pour protéger. Ne l’oubliez pas lorsque vous allez voter, vous qui êtes des adultes et qui parlez de femmes : pensez aux adolescentes qui n’ont pas encore cette autonomie de décision…

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est treize ans, l’âge du discernement !

M. Nicolas Dhuicq. …et qui, oui, sont susceptibles d’utiliser des avortements à répétition comme moyen de contraception.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. À ceux qui défendent ce droit et qui cherchent à ce que la loi soit la plus précise possible, je demande de ne céder à aucune provocation. Ce débat est certes affligeant…

M. Charles de La Verpillière. C’est vous qui provoquez ! C’est vous qui parlez de nullité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Le Roux a la parole.

M. Bruno Le Roux. Monsieur de La Verpillière, je ne parle de nullité ni pour votre groupe ni pour vous-même, mais votre comportement n’est pas digne d’un député (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) ni du conseiller d’État que vous avez été à une certaine époque.

M. Philippe Gosselin. Pas de leçon de morale !

M. Bruno Le Roux. Je le redis ici au nom de mon groupe : ce débat est affligeant mais n’a rien étonnant. Nous l’avons déjà eu il y a seulement quelques semaines ; c’est le même ce soir. Pouvions-nous le prévoir ? Oui, avec cet amendement.

M. Pierre Lellouche. Vous l’avez organisé !

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président Jacob, je reprends votre argument : notre génération est ici pour faire la loi, l’adapter à ce que nous vivons, à nos sensibilités. Si vraiment vous pensez que la mention de situation de détresse n’a jamais empêché une femme d’accéder à l’avortement, alors il faut modifier la loi. Il ne faut plus avoir de référence à ce qui est devenu une indignité de la loi. Si, ce terme n’a plus aucune importance, comme vous dites, car il n’empêche rien, alors il faut l’enlever et assumer ce qu’est la réalité de l’avortement : un droit à disposer de son corps, un acte qui n’est jamais un confort pour une femme. Faisons en sorte que notre génération, la mienne, la vôtre, écrive les lois quand elle en a l’occasion – et nous vous en donnons, ce soir, une belle occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Fournier-Armand.

Mme Michèle Fournier-Armand. Monsieur le président Jacob, je ne sais si c’est moi que vous visiez, mais jamais je n’ai parlé de nullité. J’ai simplement dit, comme vient de l’expliquer Bruno Le Roux, que si vous trouviez que ce mot ne servait à rien et que jamais il n’y était fait référence pour accorder l’IVG, il devrait être annulé. C’est la seule chose que j’ai dite.

M. Christian Jacob. J’ai entendu « nullité » !

Mme Michèle Fournier-Armand. Voilà, monsieur, ce que je voulais préciser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Pour que M. Jacob ne réécrive pas l’histoire, je vais vous donner le résultat du scrutin de 1975 : 480 votants, 469 suffrages exprimés et seulement 277 voix pour. Autrement dit, votre majorité, à l’époque ultra-majoritaire, n’a pas dû voter dans sa totalité pour ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Chacun a sa liberté !

(Les amendements identiques nos 9, 93, 99, 192, 223 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n227.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à faire en sorte que la liberté de conscience des médecins soit préservée dans le cadre des pratiques de l’avortement. Dans l’exposé des motifs, j’ai repris une phrase de l’arrêt du 7 juillet 2011 de la Cour européenne des droits de l’homme et que je souhaite citer ici : « Le refus de reconnaître l’objection de conscience n’est pas une mesure nécessaire dans une société démocratique. »

C’est ce qui a motivé les amendements que nous avons déposés, et cela a d’ailleurs été reconnu tant pour la femme elle-même qui recourt à l’avortement que pour la matière, comme disent les philosophes, de l’acte, c’est-à-dire le fait de mettre fin à la vie d’un enfant.

Cette gravité de l’acte nécessite que les médecins puissent avoir la liberté de ne pas l’accomplir. C’est la raison pour laquelle nous proposons que la liberté de conscience des médecins, en l’espèce, soit garantie ainsi que nous y invite la Cour européenne des droits de l’homme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Cet amendement est totalement inutile puisque l’article L. 2212-8 du code de la santé publique protège déjà la liberté de conscience des médecins en matière d’IVG.

Mme Catherine Coutelle. Évidemment !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je vous épargne la citation, mais je vous invite à vous y reporter : la loi est très explicite. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même avis. Notre droit n’a pas besoin d’être changé puisqu’il protège d’ores et déjà la liberté de conscience des médecins et pas seulement pour ce qui touche à l’acte d’IVG : Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une intervention, quelle qu’elle soit, mais lorsqu’il s’y refuse, notamment en ce qui concerne l’IVG, « il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. » Voilà la disposition qui permet au médecin d’exercer sa liberté de conscience ; je ne crois pas utile de relégiférer sur ce point.

(L’amendement n227 n’est pas adopté.)

(L’article 5 quinquies C est adopté.)

Après l’article 5 quinquies C

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n226, visant à créer un article additionnel après l’article 5 quinquies C.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, car il porte sur le même sujet que le précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je précise tout d’abord que la liberté de conscience n’est pas seulement reconnue au médecin : elle vaut aussi pour les infirmières, sages-femmes, etc. Cette liberté est protégée par la loi et elle s’exerce sans qu’aucune sanction ne puisse être prise dans le cas où un médecin l’invoquerait. La commission est donc défavorable à cet amendement.

(L’amendement n226, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.).

M. le président. Sur l’amendement n224, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n224.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est la conséquence de ceux que nous avons défendus précédemment.

Dans notre logique, l’acte d’avorter consiste à mettre fin à une vie humaine ; et c’est au nom de ce contenu de l’acte que l’un des considérants de la décision de 1975 du Conseil constitutionnel rappelle que la loi a posé le principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, puisqu’elle n’admet qu’il y soit porté atteinte qu’en cas de nécessité. Et dans le considérant précédent, le Conseil reconnaissait que la notion de détresse est inscrite dans la loi, mais que celle-ci n’en respecte pas moins la liberté des personnes, et que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de liberté posé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pour répondre à votre argument précédent, c’est une curieuse manière de lire la loi, monsieur le rapporteur, que de considérer que l’on met dans la loi des mots qui n’ont pas de portée ou de sens et des notions juridiques qui sont reprises dans les considérants du Conseil constitutionnel et qu’il faudrait considérer comme neutres.

C’est une interprétation que, pour ma part, je ne saurais partager : nous avons une lecture contraire à la vôtre du lien entre la détresse, dans la mesure où elle n’entrave pas la liberté, et le fait que respect de la vie soit garanti. Et c’est l’articulation de ces deux notions qui a amené le Conseil constitutionnel à prendre une décision favorable.

C’est en raison de la gravité de cet acte tant pour la femme elle-même que pour la vie à laquelle on met fin, que nous avons défendu le maintien de la notion de détresse. Nous vous proposant par cet amendement d’en tirer toutes les conséquences : dans la mesure où ne sommes pas dans une situation de cette nature, les modalités de remboursement par la Sécurité sociale ne s’appliquent pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Défavorable pour une raison très simple : ce n’est pas parce que nous avons supprimé cette notion d’état de détresse que l’IVG cesserait pour autant d’être un acte médical. L’IVG reste un acte médical ; à ce titre, il n’y aurait aucune justification juridique – je m’en tiens là à ce stade – de prévoir son déremboursement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’avis du rapporteur sera doublé d’un avis plus politique : si je comprends bien, monsieur le député, vous voudriez que l’on mette un terme au remboursement par la Sécurité sociale de l’IVG.

M. Régis Juanico. Tout à fait !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Autrement dit, vous voudriez donc que l’on exclue du droit à l’IVG les femmes les plus modestes de ce pays.

M. Régis Juanico. C’est exactement ça !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je trouve que c’est absolument insupportable et j’y suis totalement défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Pour moi qui suis né cinq ans après l’adoption de la loi Veil, l’amendement présenté par mes collègues de l’UMP est totalement anachronique.

Cela étant, on peut ne pas en être surpris. Ces derniers temps, une distinction s’était créée progressivement entre le droit légal et le droit réel à l’IVG : engorgement des structures permettant la réalisation des IVG, réduction des subventions qui étaient allouées aux associations participant à la prévention et à l’accompagnement des grossesses non désirées. C’est d’ailleurs pour cette raison que, dès 2012, le Gouvernement a mis en œuvre des mesures telles que le remboursement à 100 % de l’IVG, mais également la gratuité de la contraception et son anonymat pour les mineurs.

Revenir sur le remboursement de l’IVG aggraverait à l’évidence la situation. Quelle est-elle ? Jusqu’en novembre 2012, on a constaté une augmentation du nombre des IVG non pas médicales, mais des IVG chirurgicales plus tardives parce qu’il avait des freins à l’accès à cet acte, dus précisément à l’engorgement des structures et pour des raisons financières. Il faut faire extrêmement attention.

J’entends parler d’IVG de confort. Or que se passe-t-il dans le monde ? Chaque année, 20 millions de femmes procèdent à des IVG clandestines. Croyez-vous que c’est confortable de le faire, au péril de sa vie dans certains pays si l’on est pris sur le fait ? La mortalité en cas d’IVG clandestine est multipliée par 500 par rapport à celle que l’on déplore dans les pays qui ont légalisé l’IVG : pas moins de 70 000 jeunes femmes en âge de procréer meurent ainsi chaque année.

Il faut faire extrêmement attention quand on parle d’IVG de confort ou de solution de facilité. C’est extrêmement grave et, honnêtement, vous devriez avoir honte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon cher collègue, je vous laisse l’appréciation que vous portez à mon sujet… Elle vous appartient, mais ce n’est que votre avis.

La seule chose que je vous demande, madame la ministre, c’est de prendre les propos que je tiens pour ce qu’ils sont, sans y ajouter de création personnelle, interprétation ou extrapolation – je vous laisse le choix de la formule. Nous ne faisons que poursuivre l’argument que je développais précédemment. Vous y voyez la volonté de supprimer purement et simplement le remboursement de l’avortement : jamais je n’ai écrit ou dit cela, ni à l’instant ni à aucun moment depuis deux jours dans cet hémicycle. Si c’est ce que vous croyez, vous en avez le droit, mais ce n’est pas la réalité. La seule chose que je vous demande pour la clarté des débats, c’est de faire attention aux propos que nous tenons. Et comme nous essayons en général d’être précis, je pense qu’il suffit d’y prêter normalement attention pour ne pas avoir de difficulté à comprendre.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Sur cet amendement, une fois n’est pas coutume, je vais être en désaccord avec Jean-Frédéric Poisson qui s’exprimait à titre personnel et au nom de quelques-uns de ses collègues qui l’ont suivi sur ce sujet.

Pour ma part, je considère – et je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point – que l’IVG de confort n’existe pas. Personne ne dira ici que cela existe. À partir de là, l’IVG reste un acte médical. C’est pourquoi je suis favorable à ce que l’on maintienne le remboursement de l’IVG. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n224.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants153
Nombre de suffrages exprimés149
Majorité absolue75
Pour l’adoption7
contre142

(L’amendement n224 n’est pas adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 5 quinquies

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 100, 193 et 228, tendant à supprimer l’article 5 quinquies.

L’amendement n100 de M. Fromantin est défendu.

La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n193.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, madame la ou le ministre – « la ou le » pour concilier le respect de la langue française et l’envie de faire plaisir –, l’avortement est une blessure psychique et physique au cœur de la cité ; 220 000 enfants sont supprimés chaque année. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous avez raison de vous exclamer, je me trompe : ce sont bel et bien 225 000 enfants, et non 220 000, qui sont supprimés chaque année, rompant avec l’ordre naturel de la cité, qui veut que l’enfant soit un don et non un risque pour le devenir économique de la femme. La loi Veil, dont l’auteure a dit récemment qu’elle regrettait de l’avoir présentée, n’a jamais cessé d’être aggravée par des réformes retirant, par exemple, l’assistance parentale aux jeunes filles enceintes. Chaque fois que nous montrons la réalité des fœtus déchiquetés… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Émilienne Poumirol. Ça suffit !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Quelle honte !

M. Jacques Bompard. C’est la réalité !

Chaque fois que nous montrons la réalité des souffrances et des regrets des femmes avortées, vous hurlez et réprimez l’expression de notre refus de voir la femme asservie au diktat de la société marchande.

D’ailleurs, vous continuez sur cette voie en vous attaquant aux sites internet disant la vérité sur les conséquences et le sens de la suppression d’un enfant à naître et en durcissant un délit d’entrave qui fait honte à notre démocratie, puisque c’est une interdiction de montrer la réalité.

Mme Carole Delga. C’est honteux d’oser dire cela dans l’hémicycle !

M. Jacques Bompard. Pire, en supprimant le terme de « détresse », vous transformez fondamentalement le rapport de la société à ses enfants. Ainsi, vous niez la souffrance des femmes, qui honnissent leur potentielle maternité au point d’attenter à la vie, mais également la perte pour la société des richesses qu’auraient apportées tous ces embryons, balayés par une société qui se défait elle-même, au point de ne pas respecter les plus faibles dans leur dignité et leur droit à la vie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n228.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Évidemment, personne ne répondra à M. Bompard, tant le degré d’abjection atteint est élevé.

M. Luc Belot. Très bien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. J’insiste toutefois une seconde sur l’article 5 quinquies, qui est tout de même un article important : il était fondamental d’étendre le délit d’entrave au fait d’empêcher une femme d’accéder à l’information sur l’IVG. D’ailleurs, si, à cette heure-ci, des jeunes filles, des femmes, nous écoutent, qu’elles sachent aussi que le Gouvernement a créé un site ivg.gouv.fr, qui permet tout à la fois d’assurer l’accès à une information de qualité et de lutter contre les sites malveillants.

L’avis de la commission sur ces trois amendements est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je disais tout à l’heure que la loi de 1975 avait été complétée et confortée de fait par le législateur au fil du temps. Voilà un bon exemple de ces mesures venues protéger davantage les femmes dans l’accès à l’IVG : en 1993, face à l’action parfois très violente de ce que certains appelaient à l’époque les commandos anti-IVG, qui tentaient d’empêcher, voire qui empêchaient physiquement les femmes d’accéder à des lieux où se pratiquaient des IVG, a été créé le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.

L’objet de l’article 5 quinquies que ces amendements voudraient supprimer est d’étendre ce délit d’entrave à ces mêmes commandos anti-IVG, qui ne vont pas simplement devant des cliniques ou des centres d’IVG, mais aussi devant des lieux où les femmes pourraient juste s’informer, des plannings familiaux, par exemple, des centres d’information sur les droits des femmes. Eh bien, nous estimons qu’empêcher les femmes d’accéder à une information sur l’IVG, c’est une entrave : il convient donc de poursuivre comme telle ce type d’action. Vous savez aussi bien que moi à quel point c’est un enjeu d’autant plus majeur que le droit à l’IVG, on ne cesse de répéter, est enfermé dans un délai légal. Les femmes ont donc peu de temps pour prendre les informations utiles. Tous ceux qui cherchent à les empêcher d’accéder à ces informations utiles dans le délai légal seront désormais, grâce à cet article, passibles de poursuites.

(Les amendements identiques nos 100, 193 et 228 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n194.

M. Jacques Bompard. Il y a quand même quelque chose d’absolument colossal dans cette assemblée : on vous parle d’informations utiles pour les femmes enceintes qui désireraient avorter, mais, dans ces informations utiles, on interdit de montrer la réalité de l’avortement. Mais dans quel pays sommes-nous ? Comment concevez-vous la liberté d’informer les gens ? Ce que vous faites est totalement criminel. Et c’est tout à fait hostile à la liberté. Vous n’êtes pas des libertaires, vous êtes des totalitaires. C’est inadmissible ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

(L’amendement n194, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n195.

M. Jacques Bompard. Il est défendu.

(L’amendement n195, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 5 quinquies est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 5 quinquies

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n249.

Mme Brigitte Allain. L’expression « en bon père de famille » est utilisée en droit rural, dans le code de l’urbanisme et dans d’autres articles de loi. Il m’est arrivé de devoir signer des actes par lesquels je m’engageais moi-même « en bon père de famille » : je voulais faire supprimer cette expression, mais le notaire m’avait expliqué que c’était dans le code, et donc que ce n’était pas possible.

Cette expression attribue à l’homme, père de famille, la qualité d’être bon gestionnaire. C’est une pure discrimination, stéréotype de genre. De surcroît, être bon père de famille ou bonne mère de famille consiste avant tout à nouer un lien affectif et éducatif avec les enfants. C’est tout à fait différent de la capacité à gérer un patrimoine public ou privé.

Il me semble qu’il est temps, aujourd’hui, de supprimer l’expression « en bon père de famille », particulièrement discriminatoire pour les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Chers collègues, l’expression « en bon père de famille », directement issue de la locution latine bonus pater familias,a été consacrée par le code civil de 1804.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Qui n’est pas une référence pour ce qui est des droits des femmes !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Ce soir, c’est un peu « Retour vers le futur » !

C’est donc une notion ancienne, qui a dépassé le cadre du code civil pour entrer dans le langage et irriguer d’autres codes. Elle renvoie communément à la conduite d’une personne prudente, attentive, raisonnable, soucieuse des biens ou intérêts qui lui sont confiés comme s’il s’agissait des siens. Effectivement, il y a là un stéréotype fondé sur le sexe, daté d’un autre âge. Cette expression est aujourd’hui largement désuète. Elle est très contestable, et renvoie à une conception patriarcale de la famille qui ne correspond aujourd’hui plus à rien. D’ailleurs, elle a été replacée à l’occasion de réformes ponctuelles adoptées plus récemment – je pense au droit des personnes protégées et à la loi de mars 2007 sur les tutelles.

L’amendement n30 propose de modifier le code civil pour remplacer cette expression par un adverbe plus neutre, qui ne véhicule plus aucun stéréotype fondé sur le sexe ; à ce titre, la commission ne peut qu’émettre un avis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, votre amendement correspond parfaitement à la volonté du Gouvernement de promouvoir l’égalité entre les sexes. Nous y sommes donc également très favorables.

(L’amendement n249 est adopté.)

Article 5 sexies

M. le président. La commission a supprimé l’article 5 sexies.

Après l’article 5 sexies

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n30, tendant à insérer un article additionnel après l’article 5 sexies.

Mme Véronique Massonneau. J’ai déjà défendu cet amendement lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Pour lutter efficacement contre les discriminations entre les femmes et les hommes, il faut avoir une vision sur l’ensemble de la carrière professionnelle : or on observe que les carrières sont plus souvent heurtées pour les femmes, en raison des périodes de congés maternité, de chômage ou des emplois à temps partiel. Bien évidemment, cela biaise le calcul de la pension de retraite et en baisse le niveau.

Notre amendement n30 propose que le Gouvernement remette un rapport sur cette question. Une fois n’est pas coutume, je pense qu’il s’agit d’un moyen intéressant de faire avancer les choses et pas seulement un pis-aller pour contourner l’article 40. En effet, ce rapport mettrait en évidence l’opportunité de mettre en place un nouveau mode de calcul des pensions : plutôt que prendre en compte les vingt-cinq meilleures années, comme c’est le cas actuellement, il s’agirait de prendre en compte les cent meilleurs trimestres. En valeur absolue, le nombre de trimestres resterait le même, mais ce nouveau mode de calcul prendrait mieux en compte les carrières heurtées.

Ce rapport, qui serait remis au Parlement et au comité de suivi des retraites, permettrait de nous éclairer, chiffres et études à l’appui, sur l’opportunité de procéder à cette modification du mode de calcul.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, nous sommes tout à fait d’accord avec votre objectif, à tel point que nous en avons fait un objectif principal de la réforme des retraites que vous avez adoptée il n’y a pas longtemps, par laquelle nous avons veillé à réduire les conséquences sur les pensions de retraite des écarts de rémunération et les différences de carrière entre les femmes et les hommes. Ainsi, la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit que les salariés – souvent des salariées – à petit temps partiel puissent bénéficier de droits à la retraite. Elle prévoit également une meilleure prise en compte des congés de maternité des femmes dans le calcul des retraites. Les minimums contributifs pour les petites retraites – qui concernent souvent des femmes – ont été revalorisés, ainsi que les petites retraites de conjointes de chefs d’exploitation agricoles décédés.

Toutes ces mesures vont dans le sens que vous avez évoqué. La réforme des retraites prévoyait également, pour finir, que soit remis au Parlement un rapport sur l’évolution des avantages familiaux pour compenser encore mieux les effets de l’arrivée des enfants sur les carrières et les pensions des femmes. Je pense que le sujet des carrières heurtées sera traité dans le cadre de ce rapport. Celui que vous proposez ne me semble pas utile : il ferait doublon. Avis défavorable.

(L’amendement n30 n’est pas adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, inscrit sur l’article.

M. Frédéric Lefebvre. L’article 6 crée un mécanisme expérimental de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires, ce qui est une excellente initiative.

Les Français établis hors de France sont également concernés par ces impayés. Selon l’enquête 2013 de la Maison des Français de l’étranger, 70,8 % d’entre eux sont mariés, pacsés ou en situation de concubinage, et 7 % sont divorcés ou séparés. Ces unions peuvent, comme sur le territoire national, connaître une fin prématurée, avec toutes les conséquences juridiques, matrimoniales et humaines que cela peut impliquer, mais les difficultés rencontrées sont, sans doute, accrues.

Loin d’être marginal, le taux de divorce des couples expatriés est même supérieur de 40 % au taux de divorce hexagonal. De nombreux conflits relatifs au partage de l’autorité parentale, à la garde des enfants, à l’exécution des jugements de divorce et au paiement ou au recouvrement des pensions alimentaires ne manquent pas de surgir. Les parlementaires représentant les Français établis hors de France – tels que mon collègue Sergio Coronado et moi-même – et la mission Femmes françaises à l’étranger sont de plus en plus fréquemment saisis de ces situations douloureuses, que subissent notamment les Françaises expatriées qui ont divorcé et dont l’ex-conjoint retourné en France refuse de payer la pension alimentaire prévue dans le jugement de divorce.

Plusieurs pays, comme les États-Unis, ont mis en place des systèmes efficaces : Certains ont été jusqu’à créer des agences chargées exclusivement de ces créances alimentaires. Le Québec dispose, pour sa part, d’un mécanisme de garantie des pensions alimentaires avec saisie sur salaire ou sur les biens de l’ancien conjoint.

Il est donc urgent de travailler à une simplification du système français, qui passerait par la création d’une agence pour le recouvrement des pensions alimentaires. Cette idée avait d’ailleurs été défendue en 2011 par ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, et l’ancien Président de la République l’avait reprise lors de la dernière campagne présidentielle. J’ai moi-même abordé ce sujet pendant les élections législatives. Il a également été défendu par d’autres parlementaires, qui ne faisaient pas tous partie de ma famille politique.

Ayant déposé une proposition de loi allant dans ce sens, madame la ministre, j’aimerais savoir si le Gouvernement serait disposé à avancer sur ce sujet. Un tel dispositif permettrait de sortir d’une situation de détresse de nombreuses femmes qui, aujourd’hui, ne peuvent pas faire valoir leurs droits ; je pense notamment à celles qui vivent au-delà de nos frontières, mais qui sont des ambassadrices de la France.

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. La lutte contre la précarité, qui favorise la pauvreté, est un combat que nous devons mener, au même titre que la lutte contre le chômage. Le Gouvernement, dans son plan pluriannuel contre la pauvreté, a commencé à s’y attaquer et il faut se réjouir que la loi sur l’égalité aille dans le même sens.

Nous savons tous que, sur les huit millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté – 42 % à La Réunion –, les familles monoparentales – donc les femmes et, à travers elles, les enfants – sont celles qui sont les plus touchées. Si, en métropole, un enfant sur cinq est touché par cette pauvreté et ne vit donc pas dignement – car vivre dans la pauvreté peut porter atteinte à la dignité –, cette proportion s’élève à six enfants sur dix à La Réunion.

D’après l’Observatoire des inégalités, les femmes retraitées de plus de soixante-quinze ans sont deux fois plus touchées par la précarité en raison des faibles retraites qu’elles perçoivent. Viennent ensuite les femmes de vingt-cinq à trente-quatre ans, en raison de la fréquence des emplois à temps partiel, mais également des difficultés financières liées au non-paiement des pensions alimentaires. Il est donc scandaleux que 40 % des pensions alimentaires qui devraient être versées ne le soient pas.

Agir sur la pauvreté et sur la précarité, c’est agir sur tout ce qui favorise ce mal : le chômage des femmes, le temps partiel – sujet abondamment évoqué hier – et les écarts de rémunérations, afin que, demain, elles puisent percevoir une retraite décente. Et bien sûr, il faut également agir pour que les pensions alimentaires soient versées.

Le Gouvernement a donc eu raison non seulement de se substituer au parent défaillant dans le versement de ces allocations, mais aussi de revaloriser l’ASF qui passera de 90 euros à 120 euros. En revanche, nous devons être très sévères avec le parent qui s’appauvrit pour ne pas payer la pension. Nous le savons tous : parfois le père croit punir la mère ; mais le plus souvent, ce sont les enfants qu’il punit.

Je me félicite enfin que la durée de l’expérimentation ait été réduite et harmonisée pour permettre une généralisation plus rapide, dès 2016, du dispositif. Je vous demande, madame la ministre, que La Réunion, compte tenue de sa situation, soit incluse dans cette expérimentation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n336.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous abordons à travers l’article 6 une disposition à laquelle je tiens beaucoup. L’idée de créer, à terme, une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires pour venir en aide à ces parents isolés – très souvent des mères isolées – confrontés à la galère de ne pas percevoir leur pension alimentaire, ou de la percevoir de façon irrégulière, ce qui les plonge, avec leurs enfants, dans la précarité.

L’objectif de cette mesure est de permettre, dès le premier mois d’impayé de pension alimentaire, à la Caisse d’allocation familiale de se substituer au débiteur défaillant pour verser une allocation de soutien familial au parent isolé et à ses enfants, charge à elle ensuite de se retourner vers le débiteur défaillant pour récupérer son dû.

Monsieur Frédéric Lefebvre, vous nous demandez pourquoi nous ne créons pas une agence spécialisée sur ce sujet : c’est précisément parce que les CAF sont, aujourd’hui, le service public qui connaît le mieux les familles. Dès lors, pourquoi réinventer ce qui existe déjà ? Autant donner aux CAF les moyens et les outils leur permettant de mener à bien la nouvelle mission que je viens de décrire.

Celles-ci pourront ainsi non seulement se substituer au parent défaillant, verser une allocation familiale et recouvrer leur dû, par saisie sur salaire et par saisie sur prestation du débiteur défaillant – ce qui est une nouveauté –, mais aussi entamer des démarches de médiation. Nous savons aujourd’hui que les couples ont besoin de médiation et que toutes les affaires ne doivent pas forcément se terminer devant la justice.

Outre cette médiation, la CAF sera également en mesure d’apporter des aides supplémentaires à la famille monoparentale, au parent isolé dont elle aura connaissance par cette procédure de l’ASF, et dont elle pourra traiter au mieux les difficultés ponctuelles. Ainsi, elle pourra apporter une aide spécifique lors d’un déménagement par exemple, ou si le parent isolé n’a pas d’emploi et a besoin d’avoir accès à des formations. La CAF pourra apporter des aides nombreuses qui lui permettront de remplir un rôle d’intermédiaire pour sortir la famille monoparentale de la galère permanente.

J’en viens maintenant au dispositif, très simple, proposé par l’amendement n336 du Gouvernement. Aujourd’hui, le code de la Sécurité sociale prévoit que, lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l’allocation de soutien familial se marie à nouveau, conclut un PACS ou vit en concubinage avec quelqu’un d’autre, l’ASF cesse d’être versée.

La suppression brutale de ce versement peut plonger les familles en question dans la difficulté. En effet, elle part du principe que le nouveau conjoint ou partenaire de PACS qui s’installera avec le parent isolé va immédiatement prendre en charge l’enfant et que l’ASF n’a donc plus besoin d’être versée. Or nous savons bien que, dans la pratique, cela ne se passe pas toujours ainsi, et que la remise en couple du parent gardien des enfants peut ne pas être pérenne. C’est la raison pour laquelle je vous propose de maintenir les versements de l’ASF pendant les six mois qui suivent une remise en couple, afin de ne pas créer de chute trop brutale de l’aide perçue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. La commission n’ayant pas pu débattre de cet amendement, je n’émettrai qu’un avis à titre personnel ; mais il sera très favorable et je le crois du reste partagé par les membres de la commission : cette préoccupation avait été exprimée pendant les auditions, mais les parlementaires se heurtaient aux difficultés posées par l’application de l’article 40. Cela laisse présager l’avis favorable, notamment de ceux qui avaient déjà cherché à trouver une solution aux éventuelles difficultés de ces mères isolées – puisque c’est d’elles qu’il s’agit, dans l’immense majorité des cas –, lorsqu’elles se remettent en couple : l’hypothèse selon laquelle le nouveau conjoint apporterait lui-même les éléments nécessaires à l’éducation des enfants ne se vérifie pas toujours.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre propos. Le cas des Françaises de l’étranger est très particulier. Je vous prends au mot : je suis prêt à me rallier à votre proposition de créer, non pas une agence, comme je l’ai proposé, mais un département particulier au sein de la CAF pour gérer la situation des Français de l’étranger.

Ma collègue Axelle Lemaire et mon collègue Sergio Coronado savent parfaitement que de nombreuses femmes sont aujourd’hui dans l’incapacité d’obtenir de l’aide, y compris lorsqu’elles adressent leurs demandes à des organismes français. Si telle est votre proposition, je suis tout à fait prêt à l’entendre. Puisque vous mettez en avant la méthode expérimentale dans le présent projet de loi, je suis prêt à accepter cette proposition d’expérimentation sur la CAF, qui serait fondée sur une étude précise de la situation et des nouveaux moyens d’action.

Je ne sais pas ce qu’en pensent mes collègues mais, à mon sens, il faut surtout que la situation évolue, car nous ne pouvons pas rester dans le statu quo.

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Je remercie Frédéric Lefebvre d’avoir soulevé ce problème, qui correspond en effet à une réalité. Je regrette seulement, mon cher collègue, que nous n’ayons pas préparé le sujet avant l’examen de ce projet de loi, mais vous avez attiré l’attention de la ministre sur la question et j’espère que le travail pourra se poursuivre.

Je voudrais surtout remercier le Gouvernement et Mme la ministre pour l’initiative qui vient de nous être annoncée. Si je puis me prononcer au nom des députés socialistes, j’indique que cette initiative est très favorablement accueillie. Elle va tout à fait dans le sens de la démarche générale adoptée par ce projet de loi : lutter contre les inégalités réelles et contre la précarité des femmes isolées en identifiant toutes les situations du quotidien qui peuvent potentiellement en être la source.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’ai oublié de répondre tout à l’heure à Mme la députée Orphé : je lui confirme que La Réunion fait bien partie des départements qui préfigureront cette garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. Quant à M. Frédéric Lefebvre, il a tout à fait raison : parmi tous les contentieux de pensions alimentaires, celui concernant des débiteurs défaillants à l’étranger est particulièrement complexe.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de procéder par expérimentation. Nous avons donc dix-huit mois devant nous, et vingt départements, particulièrement mobilisés, ont déjà commencé à travailler pour mettre en place des mécanismes complexes, par exemple les formations des agents et les outils de recouvrements permettant de lutter contre l’insolvabilité organisée des débiteurs défaillants, que j’évoquais tout à l’heure. Dans le cadre de cette expérimentation, nous mettrons progressivement en place en France une CAF spécialisée dans le contentieux des débiteurs défaillants à l’étranger.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Lorsque ce mécanisme sera généralisé début 2016, cette CAF spécifique disposera d’outils particuliers pour recouvrer son dû auprès de débiteurs à l’étranger. J’espère que cela répond à votre question.

M. Frédéric Lefebvre. Merci beaucoup !

(L’amendement n336 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement n150.

Mme Françoise Guégot. Madame la ministre, la création d’une garantie contre les impayés est une idée très intéressante que nous approuvons. Il convient tout de même, à mon sens, de rappeler que la pérennité de ce dispositif repose intégralement sur les capacités des caisses d’allocations familiales à améliorer leur taux de recouvrement. Or, pour l’heure, celui-ci est relativement faible : 15 millions d’euros seulement sont récupérés sur les 75 millions d’euros avancés au titre de l’allocation de soutien familial.

Si je partage, bien évidemment, avec le groupe UMP, l’idée selon laquelle nous devons aider ces femmes, très majoritairement concernées par le non-règlement des pensions, il est clair que la responsabilité du conjoint défaillant doit être posée : ll ne revient pas à l’État de prendre cette défaillance en charge et la garantie ne doit pas permettre à ceux qui se doivent de régler leur pension alimentaire de s’y soustraire deux fois plus.

Par l’amendement n150, nous entendons précisément insister sur le suivi et l’évolution du taux de recouvrement de toutes les caisses d’allocations familiales pour nous assurer que ce n’est pas l’État, donc les Français, au titre d’une branche famille déjà suffisamment mal en point, qui prendra en charge cette défaillance : si nous voulons que la branche famille fonctionne correctement, nous ne devons pas la pénaliser davantage.

Autrement dit, madame la ministre, nous partageons l’objectif, mais il est essentiel de mettre les débiteurs face à leurs responsabilités et de nous assurer du bon taux de recouvrement des CAF.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je me pose une question, madame Guégot : votre amendement ne risque-t-il pas d’instaurer une sorte de compétition entre les CAF ? Comme le prévoit le texte, l’expérimentation fera l’objet d’un rapport d’évaluation au plus tard neuf mois avant son terme. Votre amendement me paraît satisfait. La commission vous suggère donc de le retirer. Sinon, je serai obligé de donner un avis « aimablement défavorable », faute d’avoir le droit de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vient de le souligner le rapporteur, dans le cadre de l’expérimentation des dix-huit mois à venir, nous avons d’ores et déjà prévu d’évaluer toutes les facettes du dispositif, y compris pour ce qui touche aux pouvoirs renforcés donnés aux CAF pour assurer les recouvrements. J’ai le sentiment que votre préoccupation a trouvé sa réponse, mais je n’en ferai pas une opposition de principe.

J’en profite pour répondre à votre première intervention sur la responsabilité du débiteur défaillant. Je suis absolument d’accord avec vous et c’est tout l’équilibre que nous avons cherché à trouver dans ce texte : il ne s’agit pas de se substituer totalement au parent défaillant, mais tout au contraire de réaffirmer sa responsabilité. En renforçant les moyens de recouvrement des CAF, nous rendons effectif, et là est la véritable nouveauté, le recouvrement auprès des parents défaillants.

C’est également tout le sens, vous l’aurez également noté, de la mécanique dite de l’ASF complémentaire. Il arrive parfois que les pensions alimentaires fixées en justice soient d’un très faible montant – 20 ou 30 euros –, inférieur à celui de l’allocation de soutien familial, actuellement de 90 euros et qui sera revalorisée en 2017 à 120 euros. Plutôt que de laisser les enfants concernés démunis, le parent isolé n’ayant d’autre choix que d’accepter cette pension alimentaire dérisoire, ou d’y renoncer pour se tourner vers la CAF, ce qui, du coup, sort le débiteur du jeu alors même qu’il était prêt à payer les 20 ou 30 euros, nous prévoyons que la CAF pourra compléter la pension alimentaire afin qu’elle atteigne le montant de l’ASF. Ainsi, il ne sera ainsi pas porté préjudice aux enfants du fait des moyens financiers de leurs parents, d’autant que ceux-ci peuvent être tout à fait disposés à payer la pension. C’est là une nouveauté essentielle en qu’elle permettra de mettre fin à des situations d’irresponsabilité organisée. Des couples séparés nous ont apporté leur témoignage en nous expliquant qu’ils s’étaient entendus pour renoncer à la pension alimentaire, très faible, afin que la mère isolée puisse prétendre à une allocation de soutien familial plus intéressante auprès de la CAF. C’est d’autant plus dommage que le parent qui ne vit plus avec ses enfants est incité, afin de ne pas les léser, à ne pas participer, fût-ce de façon minimale, à leur éducation. Grâce à cette mesure de correction, nous faisons en sorte que chaque parent prenne ses responsabilités à l’égard de l’enfant.

Pour revenir à votre amendement n150, j’estime qu’il y est déjà répondu ; je m’en remettrai donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Madame la ministre, j’ai bien compris le dispositif que je trouve tout à fait intéressant. Je répondrai à M. le rapporteur qu’une éventuelle mise en concurrence ne me choque absolument pas : dès lors que les caisses d’allocations familiales se retrouvent investie d’une véritable responsabilité en la matière, il me paraît tout à fait intéressant de faire connaître, en toute transparence, les taux de recouvrement, afin que tout un chacun puisse se faire une idée sur la façon les unes et les autres travaillent, que ce soit dans un cadre expérimental ou non. Je maintiens donc mon amendement.

(L’amendement n150 est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n238, portant article additionnel après l’article 6.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je ne me suis pas exprimée sur l’article 6, mais je voudrais vous dire, madame la ministre, combien la délégation aux droits des femmes apprécie ces dispositions, particulièrement importantes pour lutter contre la précarité. C’est une très belle avancée. Nous le savons, dans les discussions entre ex-époux, les femmes rencontrent plus de difficultés à négocier. Leurs pensions alimentaires ne sont, en conséquence, pas toujours à la hauteur de ce qu’elles pourraient espérer.

Nous souhaitons, dans le cadre des violences faites aux femmes, séparer le plus possible les conjoints. Nous vous éviter qu’ils se retrouvent à devoir négocier et à se rencontrer, car c’est précisément à ce moment-là que peuvent à se produire de nouvelles violences. C’est la raison pour laquelle nous proposons, dans cet article additionnel, que le versement de la pension alimentaire prévue par le juge puisse s’effectuer par virement sur un compte. Le versement automatique permet d’éviter toute relation et donc toute demande de versement. L’autonomie et la sécurité des femmes s’en trouveront ainsi améliorées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je considère que cet amendement est concret et utile. Même si cette possibilité existe déjà, il serait bienvenu qu’elle soit expressément mentionnée dans le code civil. Je vous suggère toutefois une légère rectification en précisant que le virement devra être effectué sur un compte bancaire. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Si je comprends l’objet de votre amendement, madame la présidente, j’émettrai toutefois quelques réserves. Pour commencer, il est déjà possible dans l’état actuel du droit de prévoir un paiement des pensions alimentaires par virement. Je reconnais toutefois que cette pratique est rare. Mais surtout, ne pourrait-on pas craindre de voir se multiplier d’autres contentieux si cette mesure était adoptée ? En effet, dès qu’une des parties voudrait modifier ses modalités de paiement ou changer de compte en banque, il faudra une nouvelle saisine du juge. Qui plus est, le virement a un coût, et le débiteur pourrait en demander la répercussion sur le montant de sa pension. Enfin, il n’est pas obligatoire de détenir un compte bancaire. Le juge ne peut donc pas prévoir cette modalité de paiement pour tous les débiteurs de pensions alimentaires.

Autant de raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je suis prête à obtempérer à la demande du rapporteur : il est bon de préciser qu’il s’agit d’un compte bancaire pour éviter que les comptes offshore…

Par ailleurs, madame la ministre, la formulation : « le versement de la pension peut être prévu » permet la négociation au moment de la discussion chez le juge aux affaires familiales ; et si la mère, puisque c’est elle qui est en général concernée, ne possède pas de compte bancaire, cette possibilité ne sera tout simplement pas prévue. Quant au changement de compte bancaire, je peux vous assurer, pour y avoir procédé, que cette opération ne pose aucune difficulté : les banques, soucieuses de compter de nouveaux clients, procèdent à tous les changements nécessaire sans que cela n’entraîne de nouvelles négociations.

M. le président. Je vous précise qu’à la demande du rapporteur, l’amendement n238 a bien été rectifié par l’ajout, après le mot « compte » du mot « bancaire ».

(L’amendement n238 rectifié est adopté.)

M. le président. L’amendement n299 a été retiré.

La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement n206.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Cet amendement est essentiel puisqu’il traite de la précarité et du travail à temps partiel. Dans la loi, l’organisation du travail d’un salarié ne peut pas être modifiée sans un délai de prévenance de sept jours, sauf dans certains cas. Cette restriction s’applique très souvent aux femmes, à certains métiers et au temps partiel. L’amendement n206 précise qu’une convention ou un accord collectif de branches étendu peut faire varier en deçà de sept jours, jusqu’à un minimum de trois jours ouvrés, le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée aux salariés.

La convention ou l’accord collectif de branche étendu prévoit des contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est réduit en deçà de sept jours ouvrés. Le fait de ne pas bénéficier d’un délai de prévenance est une précarisation supplémentaire. Quand une femme a un petit emploi à temps partiel et qu’elle ne connaît pas les jours où elle travaillera, ce qui est souvent le cas dans la grande distribution entre autres, elle ne peut pas accepter un autre travail : elle se retrouve corvéable à merci et sans aucune disponibilité. L’ANI devrait améliorer sa situation puisqu’il prévoit que, lorsqu’il est inférieur à vingt-quatre heures, le temps de travail doit être regroupé pour permettre de travailler l’autre moitié de la semaine. Cet accord ne sera toutefois pas en place avant le mois de juillet, les partenaires sociaux rencontrant quelques difficultés à s’entendre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Les discussions sur ce sujet ont été suffisamment longues hier. Au regard de tout ce qui a pu être précisé sur cette question, la commission est, vous le comprendrez, défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mon avis ne vous surprendra pas, madame la présidente. La loi de sécurisation de l’emploi, adoptée voici quelques mois à peine, entre en vigueur. Nous estimons donc que le moment n’est pas venu d’y revenir. Il convient de lui laisser le temps de faire ses preuves. Nous en dresserons très prochainement le bilan. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je retire mon amendement, sachant que l’application de l’ANI est effectivement retardée. Un bilan sera fait. Sachez toutefois que la délégation au droit des femmes ne cédera en aucun cas s’agissant des temps partiels, madame la ministre. J’ai déjà eu l’occasion, pour en avoir longuement discuté avec lui, de le préciser à M. le ministre du travail. C’est en effet un des très importants facteurs d’inégalités entre les femmes et les hommes.

(L’amendement n206 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n294 rectifié.

Mme Barbara Romagnan. Il est interdit de ne pas majorer les heures complémentaires, comme l’a confirmé la Cour de cassation le 7 décembre 2010. L’objet de l’amendement n° 294 est donc de s’assurer que les heures complémentaires ajoutées par un avenant ont bien une rémunération majorée, comme toute heure supplémentaire; faute de quoi, il y aurait une inégalité entre les salariés à temps plein effectuant des heures supplémentaires, qui, elles, sont majorées, et ceux qui travaillent à temps partiel et font des heures complémentaires dans le cadre d’un avenant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pardonnez-nous d’être un peu lapidaires, madame Romagnan, mais, comme ce sont toujours les mêmes arguments que nous avons déjà exposés hier, je vous répondrai simplement que je suis également défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Comme ce sont toujours les mêmes arguments mais qu’ils ne répondent toujours pas au problème, je maintiens mon amendement...

(L’amendement n294 rectifié n’est pas adopté.)

Article 6 bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n208 qui fait l’objet d’un sous-amendement n335.

La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le projet de loi a été enrichi par un accord entre les partenaires sociaux, l’accord dit QVT, qualité de vie au travail, signé le 13 juin 2013, autrement après que la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Il était donc prévu que nous introduirions certaines de ses dispositions lors de nos discussions.

Parmi les demandes des partenaires sociaux dans cet accord figure la simplification de toutes les négociations. Nous proposons donc que la mise en œuvre des mesures de rattrapage définies lors de la négociation sur l’égalité professionnelle soit suivie dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, pour regrouper autant que faire se peut les négociations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n335 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n208.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vous propose, madame Coutelle, d’accepter mon sous-amendement, qui vise simplement à préciser que ne sont concernées que les mesures salariales, car les mesures de rattrapage ont un champ bien plus large et ne relèvent pas toutes de ce domaine.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Volontiers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. La commission n’a pas été saisie, mais, à titre personnel, je ne peux qu’être favorable à l’amendement n208, comme au sous-amendement du Gouvernement, qui en renforce la cohérence.

(Le sous-amendement n335 est adopté.)

(L’amendement n208, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 6 bis, amendé, est adopté.)

Article 6 ter

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis. L’article 6 ter a pour objet de compléter les données collectées et analysés dans le cadre du rapport de situation comparée, afin de fournir des renseignements plus étendus et plus signifiants sur la situation des inégalités entre les hommes et les femmes en entreprise. Ces dispositions ayant été intégrées à l’article 5 ter, à l’alinéa 9, je suis favorable à sa suppression car il y a redondance.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n121, qui tend à supprimer l’article 6 ter.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. C’est un simple amendement de coordination.

(L’amendement n121, accepté par le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l’article 6 ter est supprimé et l’amendement n84 tombe.)

Après l’article 6 ter

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n251.

Mme Véronique Massonneau. Pour lutter contre les inégalités professionnelles entre femmes et hommes, il existe un dispositif sanctionnant à hauteur de 1 % de la masse salariale les entreprises n’ayant mis en place ni accord ni plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle.

Pour réaliser cet accord et ces plans d’action, la loi prévoit que les employeurs doivent remettre un rapport de situation comparée, le RSC, dans les entreprises de plus de 300 salariés. Toutefois, bien que ce soit obligatoire, seules la moitié des entreprises disposent d’un RSC. Il s’agit pourtant d’un outil indispensable pour l’élaboration d’un plan d’action efficace en faveur de l’égalité professionnelle.

Notre amendement n251 a donc pour objet de sanctionner les entreprises n’ayant pas de rapport de situation comparée en faisant de cette absence un critère de sanction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Le mécanisme de sanction que vous évoquez, madame Massonneau, a été récemment réformé et donne déjà des résultats : plus de 500 mises en demeure ont été adressées aux entreprises. Procédons à une première évaluation de ce dispositif avant de proposer éventuellement une nouvelle modification. La commission est donc défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je partage évidemment votre objectif, madame la députée, mais, comme je l’ai souligné hier, nous sommes enfin, après des décennies d’inaction en la matière, en dépit des lois qui ont été adoptées, en train de rendre effectif le dispositif de contrôle et de sanction des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations. Des résultats tombent tous les jours : depuis janvier 2013, 4 000 plans ou accords négociés sur l’égalité professionnelle nous ont été adressés après la mise en œuvre de procédures concrètes de contrôle, plus de 500 entreprises ont été mises en demeure, cinq entreprises ont été sanctionnées financièrement.

Dans ces conditions, puisque tout cela commence enfin à bien fonctionner, mieux vaut stabiliser le cadre juridique plutôt que d’ajouter un autre motif de sanction, avec le risque d’une disproportion qui serait de toute façon condamnée par les juridictions. Je suis donc défavorable à votre amendement.

(L’amendement n251 n’est pas adopté.)

Article 6 quater

M. le président. La commission a supprimé l’article 6 quater.

Article 6 quinquies

(L’article 6 quinquies est adopté.)

Article 6 sexies

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n103, qui tend à supprimer l’article 6 sexies.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Cet amendement est une nouvelle illustration de la désormais célèbre jurisprudence Urvoas, celle qui prévaut en tout cas au sein de la commission des lois, et qui est parfaitement hostile à la remise de rapports.

(L’amendement n103, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 6 sexies est supprimé.)

Article 6 septies

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n107.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Il s’agit d’aligner la durée de l’expérimentation prévue par cet article sur celle des autres dispositifs expérimentaux contenus dans le projet, ce qui donnerait un peu de cohérence à l’ensemble du texte. Nous proposons donc de réduire le délai de deux ans à dix-huit mois.

Je précise que les représentants de la CNAF, à qui j’avais posé la question lors de leur audition, n’ont eu aucune objection à ce que la durée de l’expérimentation soit plus courte que prévu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je me rallie volontiers à l’objectif d’aller plus vite, mais la durée proposée initialement devait permettre que les choses se passent au mieux. Nous devons pouvoir trouver un équilibre ; c’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis. Je me félicite de l’adoption de cet article, dont la rédaction a été revue, qui réintroduit le principe de l’expérimentation du versement selon le mode du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde, censuré par le Conseil constitutionnel dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013. Le texte diffère légèrement de ce qui avait été prévu dans le PLFSS pour 2013, puisqu’il en élargit le champ aux familles les plus modestes. C’est une très grande avancée pour ces familles, pour lesquelles un mode de garde individuel représente un gros effort financier. Dans ce contexte, l’ouverture de crèches et de places dans des structures d’accueil collectives des jeunes enfants doit être encouragée.

Par ailleurs, l’article 6 septies réaffirme clairement les grands objectifs qui sous-tendent cette expérimentation et permet aux organismes débiteurs des prestations familiales d’associer les collectivités territoriales afin de favoriser la prise en compte des besoins d’accueil spécifiques des familles inscrites dans un parcours d’insertion ou en situation d’emploi en horaires décalés.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Si dans un délai ramené à dix-huit mois, on peut avoir une expérimentation suffisamment solide, pourquoi pas ?

Sur le principe, le tiers payant est très intéressant et l’agence nationale des services à la personne avait abordé cette question depuis longtemps. Si cette expérimentation est positive, nous pourrons bien évidemment le développer. C’est intéressant pour les parents mais c’est aussi un moyen de développer l’emploi, notamment dans le secteur des assistantes maternelles – qui concerne majoritairement les femmes, qui plus est. Autrement dit, il présente un double intérêt.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette disposition intéresse en effet les familles les plus modestes, madame Guégot, qui étaient jusqu’à présent tenues d’avancer un certain nombre de frais, notamment de garde, ce dont elles pourront désormais être exonérées grâce à ce dispositif de tiers payant.

Ce sera aussi, vous avez raison de le souligner, un soutien au secteur des services à la personne en particulier, puisque cela incite à y recourir davantage, tout comme une autre disposition du texte, qui permet aux salariés de transformer une partie de leur compte épargne temps en chèques emploi service universel pour recourir là encore à des services à la personne, notamment de garde à domicile.

Nous avons donc deux mesures qui vont à la fois dans l’intérêt des familles, en particulier les plus modestes, et dans l’intérêt d’un secteur amené à se développer pour le bien de tous.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Je n’ai développé qu’une argumentation purement technique, mais l’objectif n’est pas simplement d’aligner la durée de toutes les expérimentations prévues par le texte. Nous croyons profondément au bien-fondé de cette mesure. Nous souhaitons non pas tant raccourcir le délai qu’accélérer le moment de la généralisation, de façon que tout le monde puisse justement en bénéficier le plus rapidement possible.

(L’amendement n107 est adopté.)

(L’article 6 septies, amendé, est adopté.)

M. le président. L’amendement n301 de Mme Romagnan tendant à introduire un article additionnel après l’article 6 septies a été retiré.

Avant l’article 7

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n32 tendant à introduire un article additionnel avant l’article 7.

M. Sergio Coronado. Nous avons eu en commission de longs débats sur l’ordonnance de protection, que le texte du Gouvernement améliore : les délais sont raccourcis, ce qui permet une plus grande célérité de la prise de décision ; dans le cas d’un couple non marié, le logement doit bénéficier à la victime de violences ; la durée de l’ordonnance passe de quatre à six mois. Cette ordonnance a également été améliorée par le Sénat.

Je propose, par l’amendement n32, d’aller plus loin. Nous savons que, pour l’application de l’ordonnance de protection judiciaire, deux conditions sont nécessaires : il faut que la femme vive à la fois une situation de violence et de danger. Or, souvent, les juges estiment que la femme est victime de violence sans qu’il y ait danger. Notre amendement vise à supprimer cette seconde condition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Nous attaquons un chapitre important, qui traite du problème général des violences faites aux femmes, et notamment du dispositif de l’ordonnance de protection que le projet de loi va considérablement renforcer. Si nous voulons, monsieur Coronado, que l’ordonnance soit aussi efficace que possible, il faut veiller à ce que son champ d’application reste circonscrit aux cas où les violences risquent de se renouveler et où la victime se trouve donc en réel danger. Supprimer cette condition de danger risquerait de banaliser l’outil et de lui faire perdre de son efficacité. C’est pourquoi je vous suggère de retirer cet amendement, à défaut de quoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le rapporteur a raison d’insister sur le fragile équilibre de l’ordonnance de protection. C’est un dispositif qui a été obtenu en 2010 – je veux à nouveau remercier les parlementaires qui l’ont inventé – dans un cadre extrêmement précis. Il s’agit d’un dispositif hybride, mi-civil mi-pénal : il permet à des femmes qui choisissent de ne pas porter plainte d’être malgré tout protégées, alors même qu’il n’y a pas de coupable condamné, mais seulement une vraisemblance de faits de violence permettant de caractériser une situation de danger justifiant des mesures de protection, par exemple l’interdiction faite au conjoint violent d’approcher sa victime. C’est un dispositif qui a des conséquences assez fortes. L’envisager lorsque la situation de danger n’est pas caractérisée serait trop déséquilibré et nous exposerait à un risque d’inconstitutionnalité. Ce dispositif est trop précieux et je m’en voudrais de courir un tel risque. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.

(L’amendement n32 est retiré.)

Article 7

M. le président. Sur l’article 7, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 7, qui améliore la protection des personnes victimes de violence, vient parfaire l’édifice législatif mis en place par la majorité précédente. Les lois contre les violences conjugales se succèdent mais ce fléau ne régresse pas. Malgré une législation renforcée et la multiplication des campagnes de prévention, les chiffres restent très élevés. En 2012, ce sont encore 146 personnes qui sont mortes sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints.

Cet article vient donc améliorer les dispositifs proposés par les lois de 2006 et 2010. L’ordonnance de protection, mesure essentielle de la loi du 9 juillet 2010, a fait ses preuves. Elle est jugée positivement par les associations. La situation juridique de la victime est mieux assurée. Malheureusement, on enregistre de fortes disparités territoriales en matière de délivrance de cette ordonnance de protection, disparités qu’il convient d’analyser et de corriger.

Cet article raccourcit les délais de délivrance, ce qui est essentiel dans ces cas de violence où il convient de mettre la victime à l’abri le plus rapidement possible. Il allonge également la durée de la protection et protège davantage la victime restée seule avec ses enfants. Nous ne pouvons donc que soutenir cet article 7, qui constitue une avancée positive.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis. Le titre III du projet de loi est un volet essentiel dans un texte à visée aussi transversale. Les statistiques disponibles, qui ont d’ailleurs besoin d’être actualisées, montrent que les violences faites aux femmes persistent. En tant que rapporteure pour avis, j’ai proposé, avec ma collègue Édith Gueugneau, après plusieurs auditions et notamment une visite en Seine-Saint-Denis, un certain nombre de recommandations.

Il faut se féliciter des avancées concernant l’ordonnance de protection, améliorée pour une plus grande efficacité, notamment s’agissant du délai à statuer et l’allongement de ce délai, la généralisation du « téléphone grand danger », ainsi que la médiation pénale, sujet assez controversé. La loi du 9 juillet 2010 avait déjà restreint les conditions de mise en œuvre de cette médiation pénale en prévoyant qu’elle ne soit possible qu’à la demande ou avec l’accord de la victime, dans le cadre de l’ordonnance de protection. Le Sénat est allé plus loin à l’article 8 : non seulement la médiation pénale ne serait possible qu’à la demande expresse de la victime mais, en cas de réussite de cette procédure, elle devrait obligatoirement être suivie d’un rappel à la loi. Il faut s’en féliciter, car cela répond à l’attente d’associations qui œuvrent efficacement sur le terrain.

Pour ce qui est du conjoint violent, privilégier l’éviction du domicile conjugal est très important ; encore faut-il se donner les moyens de faire appliquer la décision lorsque celle-ci est prise. Il est intolérable en effet de voir que les femmes violentées sont amenées à quitter le domicile conjugal parce que le conjoint refuse de partir.

J’aurais aimé, madame la ministre, que la loi aille plus loin, notamment sur la prise en charge de l’enfant témoin des violences, donc victime collatérale, afin d’éviter qu’il souffre de traumatismes ou encore qu’il reproduise le même comportement à l’âge adulte. J’aurais aimé que la loi aille plus loin aussi sur la suspension de l’autorité parentale pour le père ayant commis un homicide ainsi que sur les soins aux personnes récidivistes. J’aurai l’occasion de présenter des amendements sur ces points.

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. L’ordonnance de protection, créé par la loi de 2010 relative aux violences faites aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, permet d’apporter une solution d’urgence à des femmes en situation de danger. Les acteurs dans les territoires, les juridictions qui en font régulièrement l’usage confirment tous l’utilité et l’efficacité de ce dispositif. En effet, même si l’ordonnance de protection est une mesure provisoire et si la procédure au pénal doit demeurer la finalité, les mesures que peut prendre le juge aux affaires familiales permettent d’apporter des solutions d’urgence mais aussi plus de sécurité et donc de sérénité dans le parcours d’une femme victime de violence.

L’article 7 propose de perfectionner encore ce dispositif, notamment avec le passage d’une durée de quatre à six mois, durée sur laquelle s’accordent l’ensemble des acteurs, et l’introduction d’une délivrance dans les meilleurs délais.

Déjà lors des débats sur la loi de 2010, l’introduction d’un délai de délivrance avait posé question, et si l’expression « dans les meilleurs délais » a finalement été retenue, c’est bien du fait d’une appréhension au mieux des réalités de terrain et à dessein de protéger au mieux la victime.

Les travaux du Sénat et de la commission des lois de l’Assemblée ont permis d’enrichir encore le dispositif, en prévoyant une convocation plus rapide de la personne demanderesse en cas de « danger grave et imminent », en lui accordant la possibilité de dissimuler son adresse pour les besoins autres que la procédure, ou encore en garantissant l’information du procureur de la République lorsque les enfants sont en danger.

Nos travaux n’ont eu, encore une fois, qu’un seul objectif : la protection des victimes. Le rapport d’application de la loi de 2010 montre que l’ordonnance de protection reste un dispositif méconnu et d’application inégale sur le territoire. Ce texte nous donnera une nouvelle occasion de nous faire le relais, dans nos territoires, de son utilité, et l’optimisation aujourd’hui proposée permettra à l’ensemble des acteurs, je l’espère, de mieux se l’approprier et d’y recourir plus fréquemment.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur les projets de loi organique et ordinaire interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et de représentant au Parlement européen ;

Ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ;

Suite du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 janvier, à minuit cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron