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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 28 mai 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Rachat d’Alstom

M. Damien Meslot

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Réorientation de la construction européenne

M. Philip Cordery

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Fiscalité des services à la personne

M. Arnaud Richard

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Résultats des élections européennes

Mme Barbara Pompili

M. Manuel Valls, Premier ministre

Investissements étrangers en France

Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Budget des armées

M. Yves Fromion

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Action de la France en Afrique

M. Jean-Luc Laurent

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Bilan économique du Gouvernement

M. Denis Jacquat

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Situation de la SNCM

M. Michel Vauzelle

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Crise du logement

M. Laurent Furst

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires

Réorientation institutionnelle de l’Europe

M. François Asensi

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Compte sur la pénibilité du travail

Mme Arlette Grosskost

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Enjeux de la réforme ferroviaire

M. Michel Lesage

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Lutte contre l’abstention

M. Jacques Krabal

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Devenir des unités pour malades difficiles

M. Céleste Lett

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Difficultés du monde associatif

Explications de vote

Mme Marie-George Buffet

Mme Barbara Pompili

M. Yannick Favennec

Mme Sophie Dion

M. Pascal Deguilhem

M. Jean-Noël Carpentier

Vote sur la demande de création de la commission d’enquête

Suspension et reprise de la séance

3. Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Présidence de M. Denis Baupin

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. François de Rugy

M. Jacques Krabal

M. Patrice Carvalho

M. Arnaud Leroy

M. Jean-Jacques Guillet

M. Bertrand Pancher

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Jacques Krabal

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. François de Rugy

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Patrice Carvalho

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Christophe Bouillon

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Christophe Bouillon

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Martial Saddier

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Julien Aubert

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Arnaud Leroy

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

M. Bertrand Pancher

M. Harlem Désir, secrétaire d’État

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Rachat d’Alstom

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Damien Meslot. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, General Electric a fait une offre de rachat de la partie énergie d’Alstom. Aujourd’hui, Siemens vient d’annoncer qu’il déposerait lui aussi une offre pour racheter cette même branche énergie. Les activités d’Alstom sont complémentaires avec celles de General Electric, tandis qu’elles sont concurrentes avec celles de Siemens.

Cent PME du territoire de Belfort, représentant plusieurs milliers d’emplois, ont lancé un appel en faveur du rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric afin de consolider l’activité industrielle de notre département. Ce projet industriel est cohérent, créateur d’emplois, d’investissements et de développement. Les synergies qui existent déjà entre General Electric et Alstom et qui peuvent naître de la fusion des deux groupes permettront d’obtenir la taille critique suffisante pour se développer et faire face à la concurrence mondiale.

Belfort accueille depuis des décennies General Electric et Alstom. Ces deux leaders mondiaux de l’énergie ont permis d’y construire un tissu industriel dense et porteur d’innovation, comme le montrent les importants projets portés par la vallée de l’énergie. En outre, les dirigeants de General Electric souhaitent faire de Belfort le deuxième centre d’excellence mondial en matière d’énergie. Cette perspective laisse augurer la création de plus d’un millier d’emplois.

Monsieur le ministre, je vous demande d’entendre l’appel de tout un territoire, de ses PME, de ses élus, et de tous ceux qui ont à cœur de voir notre région industrielle se développer. Le Gouvernement fera-t-il le choix d’un projet industriel ambitieux qui donne de bonnes perspectives à notre territoire et à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le député, dans cette opération financière déclenchée par des actionnaires, le Gouvernement a, à l’évidence, souhaité pouvoir disposer du plus possible de choix, de manière à ce que les intérêts industriels, humains, en termes d’emplois, et territoriaux du pays soient non seulement respectés, mais servis.

Grâce à un certain nombre d’initiatives, le Gouvernement a obtenu du temps pour examiner les dossiers. Sans quoi Alstom aurait été dévoré à 75 % par General Electric en soixante-douze heures, sans que personne, ni vous ni moi, n’ait eu le temps d’en étudier les conséquences.

Nous avons donc le temps de décider. Avec le Président de la République, nous avons reçu ce matin le président de General Electric, qui a amélioré ses propositions. C’est certainement une des conséquences du décret que le Premier ministre, Manuel Valls, a signé, permettant ainsi de faire respecter la souveraineté de notre industrie, particulièrement dans le domaine du nucléaire. Nous souhaitons d’ailleurs que l’ensemble des offrants fassent évoluer leurs propositions. Siemens avait fait une offre il y a un mois, qu’il veut maintenant également améliorer.

Nous allons examiner ces propositions avec les parlementaires et les organisations syndicales. Je prends l’engagement de mettre sur la table toutes les solutions, celle de GE, celle de Siemens ou toute autre que nous pourrions éventuellement envisager si nous risquions la perte d’Alstom, de centres de décisions, de souveraineté ou d’emplois. Dans chacune de ces propositions, il y a des éléments positifs et négatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réorientation de la construction européenne

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philip Cordery. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, les résultats de dimanche ont résonné comme un coup de tonnerre. De nombreux Français semblent avoir perdu confiance dans le projet européen. De plus en plus, l’Europe est synonyme pour eux de chômage, de désindustrialisation et de libéralisation.

Il est vrai que la politique du « tout austérité » a été désastreuse pour des millions d’Européens. Il est vrai que la concurrence fiscale intra-européenne favorise l’exil et l’optimisation fiscale et prive les États de ressources budgétaires. Il est vrai que l’absence d’harmonisation sociale, et notamment de salaire minimum dans toute l’Europe, entraîne des délocalisations et des fermetures d’entreprises. Ces réalités sont le fruit de choix politiques menés pendant ces dix dernières années par les gouvernements conservateurs. Ce sont ces politiques européennes dont les citoyens ne veulent plus.

Pourtant, l’Europe peut être différente. Lorsqu’un jeune en situation d’exclusion trouve un emploi grâce à la garantie jeunesse, l’Europe agit pour ses jeunes. Lorsque le Fonds social européen finance le reclassement des salariés en CDD de la filière automobile française, l’Europe agit pour l’emploi. Lorsque, grâce au pacte de croissance, la Banque européenne d’investissement investit en France 1,37 milliard d’euros, dont 700 millions pour la rénovation d’établissements scolaires, l’Europe agit pour la croissance et l’éducation.

Ces réalités sont le fruit d’autres choix politiques opérés grâce à la réorientation de l’Union initiée par le Président de la République depuis deux ans. Nous assumons nos choix politiques. Notre Europe n’est pas honteuse, elle est enthousiasmante. Elle doit fédérer les citoyens européens autour de valeurs communes de progrès et de justice. Monsieur le secrétaire d’État, quelles initiatives la France compte-t-elle prendre pour accélérer la réorientation de l’Union européenne et ainsi restaurer la confiance de nos concitoyens dans le projet européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je vous remercie de votre question. Effectivement, le vote de dimanche, en France comme dans tous les pays de l’Union européenne, même si c’est avec quelques différences, a été marqué par un certain nombre de constantes comme la montée des partis eurosceptiques ou même franchement antieuropéens, voire parfois d’extrême droite, une forte abstention ou encore une demande, y compris de la part des partis proeuropéens, que l’Europe change, qu’elle soit plus proche des attentes et des espérances des citoyens.

Il était nécessaire hier, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement, que le Président de la République affirme l’exigence, qui est aussi une ambition pour l’Europe, de lui fixer de nouvelles priorités. Ces priorités, vous les avez vous-même énoncées en grande partie. Elles tiennent à la réorientation de l’Europe, qui a déjà été engagée mais qui doit être approfondie, et à la nécessité de s’obliger à réaliser l’indispensable à vingt-huit sans se disperser dans ce qui est secondaire.

Les exigences sont les suivantes. La première est de donner évidemment la priorité à la croissance et à l’emploi. Maintenant que nous avons sauvé l’euro et mis en place l’union bancaire, il faut financer l’économie réelle et soutenir les investissements. La deuxième est que l’Europe soutienne les nouvelles technologies, investisse dans les industries du futur et soit pionnière dans des domaines comme le numérique. La troisième priorité est de construire l’Europe de l’énergie, assurer notre sécurité énergétique et la diversification de nos sources d’énergie et relever le défi du changement climatique.

La quatrième priorité de l’Europe, c’est de protéger son modèle social, ses frontières et se doter d’une politique de migration commune. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, la dernière est de construire une politique étrangère et de défense commune. Telle est l’ambition dont le Président de la République a fait état hier lors de ce sommet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Fiscalité des services à la personne

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, par leur vote, dimanche, les Français ont crié leur désespoir et leur défiance à l’endroit du Gouvernement et de la majorité. Le pacte de confiance est brisé. Depuis maintenant deux ans, l’UDI ne cesse de vous mettre en garde et de vous demander de revenir sur vos erreurs. Aujourd’hui, nous en déplorons malheureusement les conséquences néfastes.

Je ne prendrai que le seul exemple du secteur des services à la personne, secteur essentiel de notre économie. Il rassemble en effet 2,2 millions de professionnels, qui agissent sur l’ensemble du territoire pour améliorer les conditions de vie de 4,5 millions de familles. Et ce ne sont pas des familles aisées, monsieur le ministre, quoi que le parti socialiste en pense ! Elles ont de nombreux enfants, qu’elles veulent faire garder, ou des personnes dépendantes, et une aide leur est essentielle.

Ce secteur d’activité a connu, vous le savez, une forte impulsion grâce à Jean-Louis Borloo et à son plan de cohésion sociale, qui a permis de créer 100 000 à 120 000 emplois par an. Puis, vous êtes arrivés au pouvoir (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDI) avec votre cortège de visions dogmatiques, et vous avez tué ce puissant vecteur de créations d’emplois. Des dizaines de milliers d’emplois ont été détruits – autant de drames humains. La suppression du forfait, la réduction des aides fiscales aux particuliers employeurs et la hausse de la TVA sont autant de décisions que nous avons combattues et auxquelles nous vous demandons solennellement désormais de renoncer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Ma question est simple, monsieur le ministre, et s’adresse également à M. Sapin : quand le Gouvernement va-t-il enfin prendre des mesures fortes pour le redressement de ce secteur essentiel pour l’emploi dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDIUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, je vous remercie pour la qualité de votre question, sur un sujet extrêmement important sur lequel je sais que votre groupe et son ex-président ont beaucoup travaillé. Deux mesures ont pénalisé ce secteur. La justice et l’objectivité commandent de dire que la première a été prise par la précédente majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Elle a consisté à supprimer la réduction de cotisations de quinze points pour les particuliers employeurs.

La seconde mesure, portée par notre majorité, a consisté à supprimer la possibilité de cotiser au forfait, ce qui avait l’avantage de donner en toute justice et équité des droits sociaux et des droits à la retraite à l’ensemble des salariés, mais a renchéri le coût de l’heure pour les ménages que vous avez évoqués. Toutefois, monsieur le député, j’ai moi-même décidé de compenser l’effet de cette suppression du forfait par une réduction de 75 centimes de l’heure.

Indépendamment de cette question très technique sur laquelle le Gouvernement est prêt à travailler avec vous, et outre la mesure de réduction de cotisations salariales qui figurera dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif et qui bénéficiera à l’ensemble des salariés, y compris ceux du secteur du service à la personne, nous sommes prêts à examiner avec le Parlement la possibilité, en tenant compte des contraintes budgétaires, d’aller au-delà de ces 75 centimes de réduction. C’est à cette réflexion que je nous invite collectivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Résultats des élections européennes

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le Premier ministre, le verdict des élections européennes est accablant : l’abstention s’enkyste, l’Europe suscite de la défiance, puisque plus d’un électeur sur trois a choisi une liste opposée à la construction européenne, et un mouvement national d’extrême droite a obtenu un quart des suffrages exprimés, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de notre République.

Nul sur les bancs de cette assemblée ne peut se réjouir de cette situation. Nul ne doit la minimiser.

Les Français ne croient plus en l’action politique pour améliorer concrètement leur vie. Rejoints en cela par de nombreux peuples européens, ils considèrent que l’Europe aggrave leurs problèmes au lieu d’apporter des perspectives. À nous, à chaque famille politique de s’interroger sur ses responsabilités et sur les solutions à construire.

Notre majorité doit tirer les leçons de ce scrutin, en mettant tout en œuvre pour obtenir au plus vite des résultats sur le front de l’emploi, par la transition écologique notamment.

Chacun sait qu’il existe des doutes, pour ne pas dire plus, dans la majorité présidentielle sur les choix économiques et budgétaires opérés. Ce débat, continuons à le mener, en cherchant à définir ensemble de nouveaux équilibres, et puisons dans l’exemple italien, pour le moment en tout cas, des raisons d’espérer. Matteo Renzi, tout en lançant de grandes réformes et en desserrant l’étau fiscal, a réussi à contenir les populismes,

Oui, en France comme en Europe, il faut recréer l’espoir. L’espoir s’incarne dans le volontarisme et le courage politique, et dans des mesures concrètes. Nous serons, à vos côtés, force de proposition pour mener les réformes nécessaires. Comment comptez-vous relever ce défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je fais miens, madame la co-présidente du groupe écologiste, les mots que vous avez employés il y a un instant pour décrire le vote de dimanche dernier, et j’ai eu l’occasion de m’exprimer ici hier sur ce sujet.

De quoi souffre la France depuis un certain nombre d’années ?

Plusieurs députés du groupe UMP. De Hollande !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Du chômage de masse, de déficits et d’une dette beaucoup trop importants et d’un manque de compétitivité de ses entreprises. Le Président de la République le rappelait d’ailleurs lundi soir, notre compétitivité n’a cessé de s’éroder, avec la perte de milliers d’emplois industriels, et le différentiel avec l’Allemagne s’est accru. C’est à cette réalité, à laquelle personne ne peut échapper, qu’il faut bien évidemment s’attaquer.

Il faut d’abord soutenir la compétitivité de nos entreprises. Il peut d’ailleurs y avoir un débat sur les instruments à utiliser, sur leur efficacité. C’est notamment le rôle du Parlement, et je sais que vous souhaitez, monsieur le président, examiner avec attention et évaluer les résultats des politiques publiques que nous mettons en œuvre. C’est vrai par exemple pour le CICE, car ce type de mesures doivent être les plus efficaces possibles pour les entreprises, surtout celles qui pourront demain investir et embaucher.

La compétitivité, les marges de nos entreprises, la capacité à embaucher, ce sont nos priorités et nous ne devons pas dévier le cap. Il faut aussi réduire les déficits, réduire la dette. Il faut le faire intelligemment, au rythme adéquat, en respectant nos engagements sans jamais étouffer la croissance. Enfin, il y a des réformes indispensables pour notre pays. C’est vrai pour la transition énergétique ou pour les collectivités territoriales.

Vous avez rappelé, madame la députée, que vous étiez dans la majorité. Je souhaite, je le répète encore une fois ici, que, d’une manière générale, tous ceux qui se situent dans la majorité présidentielle, tous ceux qui se situent dans la majorité gouvernementale, tous ceux qui gouvernent ou ont gouverné aient pleinement le sens des responsabilités. Je serai à l’écoute de tous les parlementaires, et d’ailleurs au-delà de la majorité. Christian Eckert vient de le rappeler pour les emplois à domicile.

Ce que les Français attendent de nous pour répondre à ces crises de confiance dont nous avons encore eu la preuve dimanche dernier, c’est que nous soyons à la hauteur de la situation et que nous soyons efficaces pour l’emploi, le pouvoir d’achat et la croissance. Le Gouvernement sera ouvert à chaque fois que nous pouvons avancer ensemble, et donc, bien sûr, travailler avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Investissements étrangers en France

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, cette semaine, le baromètre Ernst and Young de l’attractivité en Europe 2014 a été publié. Notre pays est au premier rang en matière d’accueil des investissements étrangers, au deuxième rang en termes d’emplois, au troisième rang en termes de projets. L’augmentation du nombre de projets d’investissements étrangers en France nous permet même de renouer avec les niveaux qui étaient les nôtres avant 2010.

Oui, les opérateurs économiques internationaux qui veulent implanter des activités industrielles et commerciales sur nos territoires savent qu’ils trouveront en France des ressources d’innovation, une main-d’œuvre qualifiée et productive et des territoires dynamiques avec un très haut niveau d’infrastructures.

Pour permettre à notre pays de sortir de la crise, ces éléments sont décisifs. Contrairement aux idées reçues, la France est bien sur la voie du redressement économique et productif. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, l’action menée par notre majorité depuis deux ans porte ses fruits. Le pacte de compétitivité, le travail de simplification, la lutte contre les délocalisations, la Banque publique d’investissement, l’encouragement des relocalisations, la relance d’une politique industrielle volontariste sont autant d’éléments qui contribuent chaque jour à renforcer l’attractivité de notre pays.

Pour nos territoires, pour nos entreprises, pour les salariés qui se battent pour préserver l’emploi et enclencher de nouvelles dynamiques, ce classement est un formidable encouragement à poursuivre nos efforts. Ces efforts sont essentiels pour remporter la bataille de l’emploi qui mobilise toutes les énergies. Monsieur le ministre, quelles nouvelles initiatives pouvez-vous impulser pour aller encore plus loin sur la voie de la redynamisation de notre appareil productif ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Il ne faut jamais bouder une bonne nouvelle, madame la députée, surtout lorsqu’elle vient d’un cabinet parfaitement indépendant du Gouvernement, Ernst and Young, plutôt d’inspiration anglo-saxonne, et qui explique que l’année dernière, en effet, la France a vu ses investissements étrangers augmenter de 9 %.

Le chiffre le plus significatif, que nous devrions avoir tous en mémoire, c’est que les implantations d’investissements étrangers dans la recherche-développement ont augmenté de 23 %. Cela signifie que, dans l’esprit des investisseurs internationaux, la France est capable de faire preuve d’innovation créative. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons préservé le crédit d’impôt recherche, conséquence des choix politiques que nous avons faits ensemble. C’est important car c’est l’un des points de notre compétitivité et attractivité.

Ce n’est pas pour rien que nous restons la première destination d’implantation industrielle en Europe et que nous sommes la deuxième en termes de création d’emplois. Nous sommes derrière le Royaume-Uni mais devant l’Allemagne. Nous avons donc des motifs de poursuivre cette politique de compétitivité et d’attractivité, notamment à travers la mesure que vous avez citée, le crédit d’impôt compétitivité emploi.

J’ajoute que cette étude a aussi interrogé les investisseurs sur leurs intentions futures, et que 34 % d’entre eux déclarent envisager d’établir ou de développer des activités en France. C’est un chiffre supérieur là encore à ceux du Royaume-Uni et de l’Allemagne.

Nous avons donc de bonnes raisons de poursuivre sur le chemin que nous avons ensemble emprunté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Budget des armées

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes efforcé hier, ici même, de rassurer le Parlement et la communauté militaire quant au respect strict de la loi de programmation militaire en cours. Mais les réalités comptables se rappellent à vous. La Cour des comptes évoque un trou de 12 milliards d’euros dans le budget de l’État et nul ne peut croire que ce sinistre budgétaire n’impactera pas le projet de loi de finances rectificative pour 2014 en préparation.

D’autre part, je vous rappelle que 500 millions d’euros ont été inscrits dans le budget 2014 pour compenser une annulation de 700 millions d’euros d’équipements en 2013 ; personne n’en trouve trace. Pire encore, 355 millions d’annulations de crédits d’équipements sont prévues par Bercy dans le prochain PLFR. Voilà donc 855 millions qui manquent déjà cette année sur la part des équipements !

Au-delà de l’inflation monétaire, non compensée dans votre budget, nous notons une autre inflation, celle du coût des OPEX, et elle est considérable puisque la situation au Mali et en Centrafrique interdit tout retrait d’effectifs.

C’est sur ce fond d’un budget sinistré et insincère que l’on observe la dégradation extrêmement préoccupante de la situation au Mali et en République centrafricaine.

M. Bernard Accoyer. Eh oui ! C’est dramatique !

M. Yves Fromion. Nos forces armées sont confrontées à des situations qui n’ont plus rien à voir avec les prévisions rassurantes dont le chef de l’État avait entouré nos engagements dans ces deux pays. Très clairement, l’enlisement est en cours, faute de solution politique aux conflits.

Vos erreurs d’estimation, monsieur le Premier ministre, conduisent à une situation extrêmement difficile. J’ai deux questions. Tout d’abord, vous engagez-vous à faire en sorte que le budget 2014 de la défense ne connaisse aucun abattement et que les surcoûts liés aux OPEX, dont le coût prévisionnel pour 2014 a déjà doublé, soient intégralement compensés, comme prévu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Ensuite, pouvez-vous nous assurer que, compte tenu de la dégradation de la situation intérieure au Mali et en Centrafrique, vous allez faire procéder aux renforcements indispensables des forces engagées, en effectifs et en équipements ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Bernard Accoyer. On compte sur vous, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Merci, monsieur le député, de cette question. Vous avez bien voulu le rappeler : conformément aux engagements du Président de la République, qui avait annoncé la sanctuarisation de la loi de programmation militaire, le Premier ministre, ici même hier, a redit sa volonté de faire respecter la trajectoire financière qu’elle définit. Il a reconnu l’ampleur des efforts accomplis par la communauté militaire dans le cadre de cette loi de programmation en soulignant que la défense n’avait pas à payer deux fois.

Cette volonté, monsieur le député, sera concrétisée dans le cadre du collectif budgétaire. Le budget 2014 sera impliqué, approuvé et mis en œuvre complètement. Cela permettra, en ce qui concerne les équipements, auxquels je sais que vous êtes particulièrement attaché, de commander dès l’été prochain le programme Scorpion – je sais aussi que vous êtes très vigilant sur le renouvellement des blindés. Cela permettra également de commander dès maintenant deux MRTT, des avions ravitailleurs, comme vous le souhaitez – et vous avez raison quant au retard que nous avons pris à cet égard.

M. Bernard Accoyer. Et les OPEX ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela permettra aussi de commander le troisième drone, indispensable pour notre renseignement, ainsi que le quatrième sous-marin Barracuda.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et les OPEX ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En ce qui concerne les OPEX, vous êtes trop vigilants et trop coutumiers des pratiques législatives pour ignorer que l’article 4 de la loi de programmation militaire prévoit que, lorsque le montant des opérations extérieures dépasse la somme inscrite au budget, il est procédé à une mutualisation en fin d’exercice. Cela s’est passé comme cela l’année dernière, ainsi que l’année précédente, et cela se passera comme cela cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)

Action de la France en Afrique

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre de la défense, il y a plus d’un mois le groupe Boko Haram enlevait 237 lycéennes à Chibok. Boko Haram attaque l’école. Boko Haram attaque les femmes. Le choix de ces cibles reflète l’idéologie obscurantiste de ce mouvement.

L’indignation planétaire qui a suivi cette infamie, mais aussi les manifestations à Abuja, ont permis de sortir le pouvoir nigérian d’une brutale indifférence face à la situation dans le nord du pays. La communauté internationale a cessé de tourner la tête.

Commencée comme une insurrection locale en 2009, la crise concerne aujourd’hui l’ensemble de l’Afrique centrale. Les Nations unies viennent de classer le groupe Boko Haram comme organisation terroriste, permettant ainsi de mettre en cause son financement international. La France a été extrêmement active et volontariste dans cette affaire. Le Président de la République a convaincu le chef d’État du Nigeria et ses voisins de venir à Paris le 17 mai dernier pour un sommet de sécurité régionale.

Depuis 2012, ce n’est pas la première fois que la France prend ses responsabilités en Afrique. Nous le faisons et nous engageons nos hommes, y compris, comme ici, en terrain moins connu. La France peut le faire parce qu’elle a une capacité diplomatique et un outil militaire opérationnel, qu’il faut préserver. La France peut le faire parce qu’elle ne se lance pas dans des calculs d’apothicaire avant d’intervenir. Ce statut et cette capacité d’action ne sont pas acquis, ils reposent sur des moyens matériels et sur des hommes et des femmes capables de servir leur pays jusqu’au sacrifice.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les moyens engagés par la France au Nigeria ? Pouvez-vous également nous éclairer sur la manière dont cette action se déroule, dans une affaire emblématique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez rappelé le drame que vivent ces jeunes filles kidnappées et leurs familles au Nigeria. Cet événement a ému le monde entier.

Le Président de la République a réuni, le 17 mai, les chefs d’État et de gouvernement directement concernés par cette crise, afin d’engager une véritable mobilisation régionale et internationale. La France y prend toute sa part, à la fois en mettant à la disposition du gouvernement du Nigeria et du président Goodluck Jonathan des moyens techniques indispensables et en déployant des équipes spécialisées, sur lesquelles je ne m’étendrai pas davantage, vous le comprendrez. Par ailleurs, nous avons été amenés à soutenir les interventions d’équipes spécialisées d’autres pays, en particulier à partir de notre base de N’Djamena.

Vous avez aussi rappelé que cette intervention indispensable contre le terrorisme de Boko Haram s’inscrivait dans une démarche plus globale de lutte contre le terrorisme en Afrique. C’est ce que font en ce moment même nos soldats dans le cadre de l’opération Serval, pour empêcher que ne se reconstituent au Mali des réseaux terroristes dans l’Adrar des Ifoghas. C’est aussi ce que nous faisons en République centrafricaine, pour éviter que, dans ce pays où l’État a disparu et où il existe des haines et des rivalités à la fois ethniques et religieuses, ne se crée un vide sécuritaire permettant à Boko Haram et à d’autres groupes du même type de développer le terrorisme en Afrique.

La volonté de la France, avec les pays africains, est de tout faire pour empêcher que le terrorisme ne gangrène cette région importante de l’Afrique sahélo-saharienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Bilan économique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Monsieur le Premier ministre, quel est à ce jour le bilan de François Hollande en matière économique ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Nul !

M. Denis Jacquat. 0 % de croissance au premier trimestre ! Quel est à ce jour le bilan de François Hollande en matière de comptes publics ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Denis Jacquat. Un trou de 12 milliards d’euros débusqué par la Cour des comptes. Quel est à ce jour le bilan de François Hollande en matière d’emploi ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Denis Jacquat. 425 000 chômeurs supplémentaires ! C’est considérable puisque c’est l’équivalent d’environ mille « Florange ». Les chiffres sont cruels, monsieur le Premier ministre, mais au-delà des chiffres, la réalité pour un demandeur d’emploi est encore plus cruelle. Dès lors, ne vous étonnez pas que les Français vous aient sorti trois fois en deux mois le carton jaune puis le carton rouge.

M. Jean-Paul Bacquet. Et à vous aussi !

M. Denis Jacquat. Par votre politique fiscale, vous avez dégradé le pouvoir d’achat des Français. Par vos nouvelles contraintes imposées aux entreprises, vous avez cassé la confiance avec les femmes et les hommes qui créent les emplois. Par vos remises en cause dogmatiques de l’apprentissage, vous avez assombri l’avenir de nombreux jeunes. Ce soir tomberont les derniers chiffres du chômage. À cette occasion peut-on enfin attendre un sursaut du Gouvernement et, en particulier, de votre ministre du travail ? À cette occasion, annoncerez-vous enfin des réformes structurelles ? À cette occasion enfin, prendrez-vous l’engagement de rétablir les crédits en faveur de l’apprentissage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Comme vous, monsieur le député Denis Jacquat, qui êtes l’élu d’une région industrielle très ancienne frappée par de multiples restructurations, je suis très sensible à la question que vous avez posée et au problème de l’emploi et du chômage que vous avez évoqué. Des chiffres qui seront publiés dans quelques heures je n’attends ni amélioration significative,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. François Rebsamen, ministre. …ni dégradation significative. En effet, c’est sur la durée, vous en conviendrez, que l’on se doit de juger l’action du Gouvernement. Les dispositifs de l’emploi qui ont été mis en place sont là et ils fonctionnent. En un an, le chômage des jeunes a reculé de plus de 2 %. Certes, c’est insuffisant, mais c’est une première avancée significative. S’agissant des réformes de structure dont vous parlez, vous savez que nous réunirons, les 7 et 8 juillet prochains, la grande conférence sociale. C’est dans le cadre du dialogue social, avec les partenaires sociaux, que des réformes de structure seront annoncées. Pour ce qui est du chômage des jeunes, du chômage de longue durée et de celui des seniors qui sont exclus du marché du travail, nous proposerons, en liaison avec les partenaires sociaux, un certain nombre de réformes importantes que j’aurai l’honneur de vous faire connaître. Quant à l’apprentissage, c’est un sujet qui doit tous nous mobiliser. À la rentrée, dans les CFA, il n’y aura pas un jeune sans employeur. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Deux minutes pour rien !

Situation de la SNCM

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vauzelle. Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre, car elle concerne l’avenir du port de Marseille, de Marseille, de son image et donc de l’influence de la France en Méditerranée. Un nouveau conseil de surveillance de la SNCM se tient en ce moment même à Marseille. Les actionnaires, dont la Caisse des dépôts, par Transdev et l’État, désigneront un nouveau président du directoire de la compagnie maritime. C’est une fois encore une étape majeure pour l’avenir de cet acteur de premier plan du pavillon français et du service public de continuité territoriale entre le continent et la Corse.

J’ai reçu lundi à Marseille une importante délégation syndicale de la CGT, représentant toute la filière portuaire. Ces représentants des travailleurs ont exposé leurs très fortes inquiétudes ou plutôt leur incompréhension devant l’évolution récente de ce dossier.

Le Gouvernement s’était engagé par écrit à soutenir un plan de redressement visant à conditionner la commande de nouveaux navires à une importante réduction des effectifs. Il s’agissait de garantir la pérennité de l’entreprise afin qu’elle puisse assurer ses obligations de délégation de service public, dans la liaison entre Marseille et la Corse. Cet engagement réciproque avait suscité ces derniers mois de grands espoirs ; or, ce plan semble aujourd’hui remis en cause par les actionnaires. Je veux croire que le Gouvernement peut aujourd’hui garantir que la parole du gouvernement précédent sera respectée. Des solutions doivent être trouvées pour passer cette commande, également attendue par les chantiers de Saint-Nazaire. Pouvez-vous également nous assurer que le décret dit « État d’accueil », qui vise à lutter contre le dumping social en matière de pavillon maritime, sera bien appliqué en juin, comme cela avait été promis ? C’est en effet l’avenir de la SNCM qui est en jeu et, comme je l’ai dit, au-delà d’elle, l’avenir de l’image de Marseille et de la France en Méditerranée.

M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Michel Vauzelle, vous attirez l’attention du Gouvernement sur la situation particulièrement dégradée de la SNCM. Depuis plusieurs années, nous sommes aux côtés des collectivités, mais également des salariés et de l’entreprise, compte tenu de l’enjeu et du rôle de celle-ci du point de vue économique et de la politique portuaire. La SNCM est confrontée à d’innombrables difficultés. Tout d’abord, son activité déficitaire la met dans une situation délicate. Ensuite, la carence de l’actionnariat, doublée d’un doute et d’un manque de confiance à l’égard de ses organes dirigeants, ont provoqué le non-renouvellement du dirigeant du directoire par l’actionnaire majoritaire. À quoi s’ajoute un contentieux européen de 440 millions d’euros qui date de l’époque de la privatisation de la SNCM, et qu’ont encore alourdi les conditions de l’attribution de la délégation de service public dans les années 2006-2007. C’est dire que la situation est grave, et vous avez raison de le souligner, monsieur Vauzelle !

M. Pierre Lequiller. Et la CGT alors ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Pour autant, la SNCM n’est pas n’importe quelle société : c’est celle de la continuité territoriale ; c’est celle du service public ; c’est celle qui nous permet, même en étant minoritaires au capital, avec 25 %, de prendre toutes les initiatives. Des discussions ont été engagées. J’ai rencontré la semaine dernière le commissaire européen, Joaquin Almunia, pour regarder comment nous pouvons assurer la pérennité de l’entreprise et le maintien de l’emploi, mais également garantir toutes les initiatives et les engagements qui ont été pris s’agissant du renouvellement de la flotte. Ces engagements seront tenus par le Gouvernement, tout comme sera appliqué le décret « État d’accueil ». Le combat est devant nous et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation, monsieur Vauzelle, comme vous me l’aviez assuré avant les élections municipales.

M. Marc Le Fur. Et l’écotaxe ?

Crise du logement

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Furst. Madame la ministre du logement, lors de sa campagne, le Président de la République a mis l’accent sur la nécessité de construire plus de logements dans notre pays. Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, malgré la crise de 2008, 2 millions de logements auront été mis en chantier. François Hollande a affirmé aux Français que, sous sa présidence, 2,5 millions de logements seraient construits, soit 500 000 par an.

Quels sont vos résultats ?

En 2012, les mises en chantier se sont effondrées ; en 2013, elles ont encore baissé : en année pleine, 332 000 mises en chantier alors que, sous Nicolas Sarkozy, on en comptait 400 000… et que François Hollande en avait promis 500 000 !

M. Jean Glavany. Il reste trois ans !

M. Laurent Furst. L’échec de votre politique est terrible. Derrière ces chiffres, il y a l’érosion du pouvoir d’achat des classes moyennes. Derrière ces chiffres, il y a le manque de confiance des investisseurs. Derrière ces chiffres, il y a l’addition des textes idéologiques que vous avez adoptés, tels que la loi ALUR.

Derrière ces chiffres, il y a aussi d’autres réalités : celle des Français qui ne seront pas décemment logés, et il y a aussi l’emploi… Ces Florange de l’ombre, ces PME du bâtiment qui ont dû supprimer des dizaines de milliers d’emplois par manque de travail. Quel drame pour nos concitoyens au chômage !

Madame la ministre, nous ne nous réjouissons pas du manque de résultats de votre gouvernement et du Président de la République, car nous souhaitons tous voir notre pays réussir. Vous qui êtes désormais en charge de cette fonction, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous allez prendre afin de corriger deux ans d’échecs ? Pour atteindre les objectifs annuels du Président Hollande, il faudrait que les mises en chantier augmentent de plus de 50 %. S’il vous plaît, apportez de vraies réponses aux Français qui vous écoutent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires. Monsieur le député, la relance de la construction afin de permettre à un plus grand nombre de nos concitoyens d’accéder au logement mérite que nous nous rassemblions, au-delà de nos clivages politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Un tel sujet mérite autre chose qu’une polémique sur les chiffres. (Mêmes mouvements.)

Aujourd’hui, l’objectif et les priorités sont là : permettre à nos concitoyens à la fois d’accéder à un logement digne et de préserver leur pouvoir d’achat. Le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, a rappelé que c’était bel et bien un objectif prioritaire du Gouvernement.



À cette fin, nous allons prendre cinquante mesures de simplification. Vous avez omis de rappeler que dans les normes – législation, réglementation, procédures – qui ont été prises ces dix dernières années, auxquelles votre majorité d’alors a d’ailleurs contribué, il y a des freins, des blocages que nous devons lever. Ces cinquante mesures de simplification ont pour but de baisser les coûts de construction et, pour aller plus vite, elles seront prises dès le mois de juin et appliquées avant l’été. Nous devons aussi continuer nos efforts s’agissant de la mobilisation du foncier public afin d’en libérer…



Un député du groupe UMP. Où ça ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. …pour construire du logement, en particulier du logement social.

Mesdames, messieurs les députés, je dois vous dire combien on peut être inquiets quand l’on constate que certaines municipalités, après les échéances électorales, abandonnent certains projets de construction. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Nous devons nous rassembler pour que ces programmes de logements ne soient pas abandonnés, mais bien mis en route. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Myard. Nul !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Et puis le Gouvernement prendra des dispositions afin de préserver le pouvoir d’achat. Elles sont contenues dans le projet de loi ALUR.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est déterminé à réussir et à mener à bien cette priorité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RRDP et SRC.)

Réorientation institutionnelle de l’Europe

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le Premier ministre, dans votre réponse de tout à l’heure à la question portant sur la réorientation européenne, il a manqué un mot, et pas le moindre : le mot « démocratie ». C’est l’objet de ma question.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Elle émane d’un spécialiste.

M. François Asensi. Le Président de la République plaide depuis dimanche pour une réorientation de l’Europe. Il l’avait déjà promise durant la campagne présidentielle, mais aussitôt élu, il avait abandonné cet engagement. Le Traité TSCG instaurant l’austérité budgétaire, négocié par M. Nicolas Sarkozy, a été ratifié en l’état. Lors du référendum de 2005, le peuple français avait refusé l’Europe de la concurrence libre et non faussée. Malgré cela, le traité de Lisbonne a été imposé. Les Français ont le sentiment d’être méprisés, de vivre un véritable déni de démocratie. Ils ne veulent plus de ces institutions sans égard pour leurs attentes et leurs besoins.

La gestion calamiteuse de la crise de 2008 a porté témoignage que l’Europe de la finance et des marchés triomphe de l’Europe des peuples. Quand 1 000 milliards ont été versés aux banques, seuls 500 millions d’euros vont à l’aide à la jeunesse française au titre de l’emploi.

Aujourd’hui, le projet de traité transatlantique entre l’Europe et les États-Unis, négocié sans les peuples, est une nouvelle étape de cette construction qui privilégie les firmes multinationales aux dépens de la protection des citoyens et des droits sociaux.

Le Gouvernement français, aujourd’hui affaibli dans les institutions européennes, ne pourra réorienter l’Europe qu’en s’appuyant sur les aspirations populaires : le refus de l’austérité et le désir de plus de démocratie exprimé dans les urnes.

À l’heure où le Gouvernement annonce qu’il ne changera pas de cap, je vous pose la question : comment tendre vers une Europe sociale, solidaire, une Europe de la croissance, sans remettre en cause votre dogme de l’austérité et de la concurrence libre et non faussée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur Asensi, vous parlez beaucoup d’Europe de l’austérité, mais je vous rappelle que certains pays européens savent ce qu’est l’austérité : quand on diminue le niveau des pensions, le niveau des salaires,…

M. Jacques Myard. Ça va venir !

M. Michel Sapin, ministre. …le niveau des subventions apportées à tel ou tel. Cette situation n’est pas celle de la France. Ce n’est pas notre politique. Le sérieux budgétaire, ce n’est pas l’austérité.

Pourquoi, monsieur le député, devons-nous continuer à lutter contre les déficits ? Nous le devons parce que, en 2010, il y avait 170 milliards de trou ! Nous l’avons divisé par deux. Certes, il reste encore un déficit. J’entends parler de 12 milliards de trou supplémentaires qui auraient été débusqués… Balivernes, évidemment ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Il y a eu, l’année dernière, moins de recettes que prévu parce que la croissance, que vous souhaitez vous aussi, a été inférieure à celle que nous pensions pouvoir inscrire dans le budget de la France. Il n’y a donc pas de trou supplémentaire, mais un déficit que nous avons réduit, et nous devons continuer à le faire avec le sérieux budgétaire nécessaire…

M. Yves Censi. Vous n’êtes pas sérieux !

M. Michel Sapin, ministre. …pour que la dette de la France cesse d’augmenter, qu’on cesse de verser autant d’intérêts à cette finance que nous voulons, vous et moi, combattre. Le meilleur moyen d’encourager cette finance, c’est de lui verser des intérêts supplémentaires. Le Gouvernement diminuera la dette parce que c’est l’intérêt de la France ; il ne la diminuera pas parce que l’Europe le lui demande, mais parce que c’est bon pour la France, bon pour le peuple français ! Il faut du sérieux budgétaire pour défendre la France et non pas pour obéir à je ne sais quel diktat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Compte sur la pénibilité du travail

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Contraindre le chef d’entreprise à tenir des fiches mensuelles sur la pénibilité du travail de chacun de ses salariés, c’est nier la réalité du monde du travail. Vous parlez de simplification, nous nous en éloignons, alors que chaque jour apporte son lot de modifications.

Si notre majorité a initié la fiche individuelle de suivi, nous sommes actuellement dans une dérive plus technocratique que pratique. Ce dispositif sera évidemment trop lourd et chronophage, et il grignotera par là même, une fois de plus, les marges des entreprises quelle que soit leur taille.

Oui, il est essentiel que la pénibilité soit prise en compte pour l’âge de départ à la retraite, mais on ne peut faire de la pénibilité une notion fixe et uniforme. Les seuils d’exposition seront extrêmement difficiles à définir. Il faudra s’attendre à d’énormes tensions entre employeurs et employés. Nous nous engouffrons dans une situation kafkaïenne, ce que vous reconnaissez d’ailleurs en partie puisque vous annoncez des assouplissements au fil de l’eau.

Aussi, ne serait-il pas plus judicieux de laisser ce sujet à la négociation par branche ou par métier et, à défaut, à l’intervention de la loi ?

Au regard de vos tergiversations face à la réalité économique, ma question est multiple. Quelle est votre position définitive concernant ce dispositif ? Les employeurs devaient être soumis à de nouvelles cotisations. Seront-elles remises en cause ? Avez-vous évalué le coût pour les entreprises de cette nouvelle contrainte administrative ? Et in fine, en parlant de cohérence, voire d’harmonisation sociale, où est la logique, dans la mesure où les salariés détachés et les entreprises des autres États européens n’auront pas à remplir ces exigences ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Arlette Grosskost, la mise en place d’un compte sur la pénibilité du travail constitue une avancée sociale majeure. D’ailleurs, je constate que, dans votre question, vous ne l’avez pas remis en cause.

Il s’agit de permettre à des hommes et des femmes qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité pendant leur carrière professionnelle, de pouvoir disposer de temps pour se former, pour pouvoir travailler à temps partiel tout en étant rémunéré à temps plein, ou en bénéficiant d’un départ à la retraite anticipé.

L’ambition du Gouvernement est que ce compte pénibilité, comme cela a été prévu par la loi, se mette en place au 1er janvier de l’année prochaine. Une mission a été confiée à M. Michel Devirville…

M. Philippe Le Ray. Quelle simplicité !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui consulte l’ensemble des partenaires sociaux – les entreprises et les syndicats – avec la volonté que le système soit le plus simple possible (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) parce que chacun a à gagner à la simplicité : les entreprises qui gèrent ce compte, bien sûr, mais aussi les salariés qui doivent pouvoir s’y retrouver et s’y reconnaître.

M. Yves Censi. C’est raté !

M. Bernard Deflesselles. C’est ingérable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce compte pénibilité produira des effets progressivement. La contribution financière des entreprises destinée à financer ce compte montera donc en charge progressivement car il n’y a pas de raison de faire payer les entreprises avant que des salariés ne bénéficient de départs anticipés grâce à ce système.

Vous le voyez, madame la députée, la volonté du Gouvernement est de faire en sorte que les choses soient les plus simples possibles (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), les plus transparentes possibles. Le Gouvernement s’y emploie car il s’agit d’une avancée sociale majeure qui doit bénéficier à tous les salariés qui peuvent légitimement y prétendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Enjeux de la réforme ferroviaire

M. le président. La parole est à M. Michel Lesage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Lesage. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Monsieur le secrétaire d’État, nous allons bientôt examiner en séance le projet de réforme ferroviaire. Cette réforme intervient dans le contexte malheureux que nous connaissons tous, celui de la commande de nouveaux TER trop larges pour 1 300 voies qui devront de ce fait être rabotées.

Ce n’est qu’un exemple qui montre que le système ferroviaire a besoin d’une réforme structurelle qui remette à plat sa gouvernance et son mode opératoire.

Le texte que nous avons travaillé en commission apporte justement une réponse afin d’éviter les dérives d’un système mal organisé. Fini les commandes mal calibrées, les quais trop étroits ou les trains trop longs. Nous devons nous doter d’un service public de qualité, renforcé et mieux coordonné, car le train est un moyen de déplacement quotidien et indispensable pour beaucoup de Français.

Une France sans système ferroviaire efficace serait une France mourante. Et c’est pour cela que nous avons besoin de clarifier les compétences de chacun, en regroupant sous la houlette d’un établissement public les directions de RFF et de la SNCF.

Monsieur le secrétaire d’État, la réforme que vous engagez est nécessaire car la France et ses territoires ont besoin d’une nouvelle dynamique. On ne peut pas tolérer que le système ferroviaire fonctionne mal, ou que la qualité du service se dégrade. Il faut donc fixer les règles d’entretien du réseau existant pour éviter des investissements massifs qui sont engagés dans l’urgence et parfois au détriment du bon sens.

Monsieur le ministre, ce projet de loi dessine le futur visage de la France en apportant les réponses adaptées aux défis du monde des transports ferroviaires. Avec une gouvernance coordonnée, en lien avec les régions et avec le souci du personnel ferroviaire, il permettra à la France de demain d’avoir un réseau cohérent, fonctionnel et unifié.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser votre vision du système ferroviaire de demain ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, c’est en effet un débat majeur que celui qui est engagé devant votre commission. Je remercie pour leur implication tous les députés qui amendent le texte pour l’améliorer et répondre à ce grand défi auquel la France doit répondre pour faire face aux enjeux de l’aménagement du territoire et aux attentes quotidiennes des Français : nous devons doter notre pays d’un système ferroviaire modernisé.

Il nous revient la responsabilité de remettre le service public ferroviaire à l’endroit. Pendant des années, d’autres gouvernements se sont évertués à éclater, émietter, séparer de façon étanche différents métiers qui sont pourtant complémentaires : la gestion des infrastructures et la gestion du transport et de la mobilité.

Cet éclatement, ces cloisons étanches ont provoqué des dysfonctionnements dont nous avons eu quelques illustrations.

Il est temps de remettre de l’ordre et de la cohérence, de reconnaître l’action de l’État en tant que stratège d’une vraie politique ferroviaire au service de l’industrie et des territoires.

Il est temps de reconnaître l’action des régions qui investissent beaucoup…

M. Bernard Deflesselles. Ah oui !

M. Jacques Myard. Vaches à lait !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. …et qui permettent de proposer une offre ferroviaire à l’ensemble des populations.

Il est temps de réaffirmer les valeurs d’un service public fort et assurant la réalité économique de centaines de milliers d’emplois directs et indirects et d’une industrie ferroviaire qui est l’une des plus puissantes du monde.

Nous devons absolument réussir cette réforme. Je compte sur vous et sur votre soutien, en souhaitant que certains sauront dépasser leur dogmatisme libéral (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), pour que nous redonnions force, cohérence et vertu au service public ferroviaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre l’abstention

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Le séisme occasionné par le résultat des élections européennes doit nous pousser à refuser l’abattement, cela a déjà été dit tout à l’heure, et nous inciter au courage. Nos habitants ont manifesté leur colère, colère face à ce qu’ils vivent depuis trop longtemps. Nous devons donc nous mobiliser tous contre le populisme, contre les idées de haine, contre le rejet de l’autre et ceux qui agitent les peurs. Au pays des droits de l’homme, agissons pour plus de fraternité, luttons contre le chômage et pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat et prenons mieux en compte les attentes de nos concitoyens.

Mais cette crise politique grave est accompagnée par une crise de la citoyenneté. L’abstention s’établit encore à 57 %. Aux municipales, les records ont été battus. Maire élu au premier tour avec 62 % des suffrages, je ne représente que 30 % des inscrits, et n’oublions pas les 7 % de non-inscrits. Nous sommes loin du suffrage dit universel. Notre système électoral est l’un des plus contraignants au monde. À l’ère de l’informatique, il est obsolète. Si nous avons mis en place une timide reconnaissance du vote blanc, il nous faut aller plus loin : automatiser l’inscription sur les listes électorales, simplifier encore le vote par procuration.

Mes chers collègues, un droit, c’est aussi un devoir. En s’érodant, le droit de vote devient une arme qui se retourne contre la démocratie et contre la liberté. Voter, c’est responsabiliser, et appartenir à la communauté. Ayons le courage de mettre en place le devoir de vote pour tous, comme en Belgique, où le taux de participation est de 90 %. Certes, nous ne réglerons pas tous les problèmes, mais nous donnerons du souffle à la citoyenneté. Alors, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour lutter contre l’abstention et contre cette crise du civisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Krabal, merci infiniment pour cette question très importante, qui renvoie au fonctionnement de notre démocratie et à la relation qui s’est détériorée, qui s’est érodée entre les citoyens, le fonctionnement de nos institutions et le suffrage. Il y a à cela de nombreuses raisons. Lorsque l’on regarde, par exemple, l’évolution du taux de participation aux élections européennes, on se rend compte que, depuis 1979, il s’est constamment dégradé. Il a augmenté d’environ 1,5 point entre le scrutin de 2009 et celui qui vient de se dérouler, mais on constate, à l’occasion de ce scrutin comme d’autres, que les citoyens votent moins.

Comment remédier à cela ? D’abord, il nous appartient, vous l’avez souligné en évoquant de multiples propositions tout à fait judicieuses, de faciliter le vote des citoyens, de les inciter à voter : les modalités d’inscription sur les listes électorales, l’utilisation des moyens techniques modernes de communication, tout cela doit être développé. J’ai d’ailleurs moi-même pris une disposition en incitant les préfets à prendre contact avec les maires pour étendre la durée d’ouverture des bureaux de vote. Plus de 400 municipalités ont accepté de le faire, et ce sont près de deux millions de citoyens qui ont ainsi été incités à voter.

Deuxième point, il faut aussi que les organisations politiques, les partis, donnent de la vie politique, à travers leurs échanges, y compris dans cet hémicycle, une image digne. C’est de nature à inciter les électeurs à voter. Il faut aussi que les grandes questions, je pense à la question européenne, n’arrivent pas dans l’espace public seulement au moment des élections. Il faut qu’il y ait un travail de pédagogie continu.

Enfin, monsieur le député, je reprends volontiers votre idée d’une réflexion parlementaire qui doit se poursuivre, destinée à inciter le maximum de citoyens à voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Devenir des unités pour malades difficiles

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Céleste Lett. Ma question s’adresse à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Madame la ministre, je souhaiterais revenir sur le devenir des unités pour malades difficiles, appelées communément UMD, unités de psychiatrie, mais aussi et surtout sur ces agents qui œuvrent chaque jour, au péril de leur intégrité psychique et physique, auprès de patients potentiellement dangereux. Je rappelle qu’il existe en France quatre établissements historiques disposant d’UMD : Montfavet dans le Vaucluse, Cadillac dans le Bordelais, Villejuif dans le Val-de-Marne et Sarreguemines en Moselle, ville dont je suis maire. L’UMD de l’établissement de Sarreguemines est d’ailleurs, de loin, le plus important en France.

En promulguant la loi du 27 septembre 2013, le Gouvernement a supprimé le statut légal des UMD, créé par la loi du 5 juillet 2011 relative à la psychiatrie et voulu par Nicolas Sarkozy. Inquiets des répercussions attendues sur le statut des personnels, élus et organisations syndicales ont interpellé votre ministère, qui a souhaité les rassurer et a indiqué que la seule référence réglementaire garantissait à ces structures spécialisées leur avenir et leur spécificité. J’ai moi-même interrogé le 31 juillet 2013 le rapporteur Denys Robiliard, qui m’a rassuré en m’écrivant ceci : « Cette suppression du statut légal n’emporte évidemment pas de modifications des UMD en tant que dispositif médical et n’emporte aucune conséquence sur le statut de ces personnels et leur mode de rémunération. »

Or le Haut conseil des professions paramédicales a récemment été saisi pour avis d’un projet de décret dont le texte supprime toute référence à une assise réglementaire. Ainsi, les craintes formulées par le passé quant à des modifications aux conséquences incertaines ressurgissent. Madame la ministre, ma question est simple : avez-vous l’intention de maintenir un véritable statut pour les UMD ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, je veux d’abord saluer la qualité du travail qui est accompli au quotidien dans l’établissement pour malades psychiatriques difficiles de Sarreguemines, parfaitement identifié et reconnu par le Gouvernement. Je veux d’emblée vous rassurer quant au statut de ces personnels et à l’existence de ces unités pour malades difficiles, qui ne sont pas nécessairement, monsieur le député, des malades dangereux.

Jusqu’à la loi de 2011, qui avait été adoptée à l’initiative du Gouvernement que vous souteniez, ces unités n’étaient pas inscrites dans la loi. La proposition de loi portée par Denys Robiliard a tiré un certain nombre de conséquences de l’annulation de dispositions de cette loi par le Conseil constitutionnel et réinscrit ces unités pour malades difficiles dans le droit commun. On vous a indiqué, je l’ai fait également, que ce serait à travers un texte réglementaire, un décret, que seraient précisées les conditions dans lesquelles travaillent les personnels affectés à ces unités.

Vous vous inquiétez d’un projet de décret actuellement en discussion, mais celui-ci ne concerne pas les unités pour malades difficiles. Il concerne d’autres malades psychiatriques, ceux traités sous le régime des soins sans consentement. Un autre décret est actuellement en préparation, qui concernera plus généralement l’ensemble des établissements psychiatriques. Il comportera bien les conditions dans lesquelles peuvent exercer les unités pour malades difficiles. J’espère, monsieur le député, vous avoir rassuré. En tout cas, je veux vous dire que la volonté du Gouvernement est bien de reconnaître et de permettre le travail souvent exemplaire de tous ceux qui sont aux côtés de ces personnes en difficulté.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

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Difficultés du monde associatif

Explications de vote et vote

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social (nos 1731, 1958).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la recevabilité et l’opportunité de la proposition de résolution, présentée par le groupe GDR, tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’évaluer difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.

Nous avons décidé de faire usage du droit qui nous est reconnu par l’article 141 de notre règlement de demander l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution. Ce droit est soumis à certaines conditions. J’estime, pour ma part, qu’elles sont bel et bien remplies.

Le règlement demande d’abord de « déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». Il me semble que la proposition de résolution que nous vous soumettons remplit cette condition. Son objet est déterminé : il s’agit d’étudier l’impact de la crise actuelle sur le monde associatif. J’ajoute que d’autres commissions d’enquête ont porté sur un spectre aussi large – la commission d’enquête sur la sidérurgie, par exemple.

Ensuite, une commission d’enquête ne peut porter sur des sujets traités récemment dans le cadre de structures parlementaires particulières. Là encore, la proposition de résolution est recevable. Enfin, une commission d’enquête ne doit pas empiéter sur le travail de la justice. Mme la garde des sceaux a indiqué qu’elle n’avait pas connaissance de poursuites judiciaires engagées sur des faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.

Ainsi, la proposition de résolution que nous examinons apparaît tout à fait recevable au regard des critères fixés par notre règlement. Ce n’est donc pas sur la question de sa recevabilité qu’il faut argumenter pour la contrer. Nous sommes appelés à nous prononcer sur l’opportunité de mettre en place cette commission d’enquête. Débattons-en !

Mes chers collègues, la présidente de la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA, lançait l’an passé une alerte à propos de la crise des financements et du bénévolat, qui est due à des mutations profondes et – ajoutait-elle – irréversibles. On peut discuter ce verdict, mais ce qui est sûr, c’est que de nombreux indicateurs virent au rouge : non seulement on crée de moins en moins d’associations, mais 15 % des responsables associatifs se disent en détresse face à l’impossibilité d’élargir le noyau dur du bénévolat. Onze mille emplois ont été perdus en 2011, et on annonce une nouvelle hémorragie de 9 500 emplois en 2013. Le recul de 17 % des subventions et surtout la hausse des procédures de marchés publics – qui concernent plus de 73 % des appels à projet – transforment le mouvement associatif en exécutant. La commande publique finira-t-elle par tuer la démarche et les objectifs des associations ? La menace est là, l’enjeu est de taille !

Chacun, ici, mesure ce qui est en cause. La France compte plus d’un million d’associations et douze millions de bénévoles : c’est un engagement citoyen sans équivalent, un remarquable espace d’éducation populaire, et souvent un premier apprentissage de la démocratie. Les associations sont également un vecteur économique, elles représentent près de deux millions d’emplois et 2 % à 3 % du PIB. Par la diversité de leurs objectifs et de leurs champs d’action, comme par leurs implantations territoriales, elles jouent un rôle majeur dans le lien social comme dans la réponse aux besoins essentiels de nos compatriotes. Chacun pourrait en donner des exemples : des vacances des enfants aux organisations de jeunesse, des clubs sportifs à l’action caritative, de l’alphabétisation à l’association féministe…

Imaginons, un instant, que les bénévoles se retirent : la France serait bien mal en point ! Aucune puissance, publique ou privée, ne serait capable de les remplacer. Ce n’est pas seulement une question de moyens, mais aussi de démarche. Il est donc urgent de mener un travail parlementaire permettant, à partir d’un diagnostic sérieux, de dégager des options pour l’avenir du monde associatif.

Le champ est vaste, et le débat en commission a témoigné de la multitude des questions à aborder. Si elle est mise en place, la commission d’enquête devra donc définir des priorités, tout en tenant compte de la diversité du monde associatif. Elle devra répondre, à mon avis, à des questions concrètes comme les conditions du financement public, le statut des bénévoles, la place et le statut des salariés, leur formations et leurs carrières, la simplification administrative et, le cas échéant, l’évolution de la loi de 1901. Elle devra également se projeter dans le temps pour anticiper les conséquences de la réforme des collectivités territoriales sur les associations.

Je vous invite donc, chers collègues, à adopter cette proposition de résolution du groupe GDR. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, le travail de terrain effectué par les associations mérite d’être salué par la représentation nationale. Nous devrions en effet rendre hommage à l’engagement des milliers de bénévoles et de salariés qui interviennent, jour après jour, dans nos territoires, dans nos territoires, dans nos quartiers, et bâtissent la cohésion sociale. Sans eux, qui organiserait les matchs de foot de nos enfants et des plus grands ? Comment pourrions-nous apprendre à peindre, à faire du théâtre, à danser ou à nager ? Sans eux, arriverait-on à maintenir la fameuse vie de quartier qui nous est si chère ? Qui viendrait en aide aux enfants des rues ou aux femmes victimes de violence ?

Car c’est bien de cela qu’il est question : sans les associations, qui prendrait en charge la solidarité qui fait tant défaut à notre société ? Soyons clairs, au lieu du « mieux-vivre ensemble » pour lequel nous nous battons, c’est le « non-vivre ensemble » et le repli sur soi qui gagneraient encore. Cette société-là, nous n’en voulons pas.

L’utilité publique du tissu associatif est un fait. Il relève donc de la responsabilité des pouvoirs publics de soutenir et d’accompagner le monde associatif. C’est d’autant plus vrai en cette période de crise où les besoins ne cessent d’augmenter, car les associations se déploient notamment là où l’État fait défaut ; et dans le contexte de crise économique, sociale et environnementale que nous traversons, les associations sont encore plus sollicitées qu’à l’ordinaire.

Véritables laboratoires d’idées, les associations proposent bien souvent des solutions innovantes qui font leurs preuves et sont, par la suite, source d’inspiration pour les pouvoirs publics. C’est pourquoi il est capital de garantir le dynamisme de notre tissu associatif, notamment dans le contexte actuel de morosité dont nous peinons à sortir. C’est aussi pourquoi les difficultés financières des associations nous inquiètent. Il aurait d’ailleurs été intéressant que la commission des affaires culturelles et de l’éducation de notre assemblée se saisisse de cet enjeu. Je souscris donc pleinement à la démarche de mes collègues du groupe GDR, qui permettra à la représentation nationale d’étudier avec précision les difficultés du monde associatif et de proposer des réponses concrètes et d’avenir.

Sur la question du financement, le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire – que nous avons adopté en première lecture la semaine dernière – est un bon début puisqu’il consolide son régime juridique des subventions.

Les appels à initiatives constituent une autre avancée : ils favorisent la co-élaboration de projets en phase avec les besoins locaux. Pour vraiment répondre aux besoins des populations, il n’est plus possible de tordre les projets pour qu’ils rentrent dans des cases déconnectées des réalités ! C’est là un des problèmes majeurs des appels à projets classiques, qui passent sous silence les besoins structurels de fonctionnement, conduisent à écarter les petites structures, favorisent le « moins disant » à la place du « mieux disant » et réduisent les associations à de simples prestataires de services en étouffant toute capacité d’innovation !

Il convient aussi de s’intéresser aux nouvelles sources de financement qui se développent, comme le crowdfunding. Le financement participatif est intéressant, mais il ne doit pas se développer au détriment des subventions et de la responsabilité de la puissance publique. Celle-ci devra, elle aussi, être interrogée au cours des travaux de cette commission d’enquête. Aux baisses dramatiques de crédits sous la droite, a en effet succédé un simple maintien des lignes budgétaires, alors que les besoins explosent et que nous devrions au contraire augmenter notre soutien !

Pour affronter la crise actuelle que traversent les associations, la question financière est cruciale, mais d’autres le sont tout autant. Espérons que cette commission d’enquête sera suffisamment ambitieuse pour s’intéresser aux autres défis à relever. Pour redynamiser l’engagement citoyen, par exemple, osons poser la question du bénévolat, de sa crise et de ses nouvelles formes. Osons faire le bilan des emplois d’avenir et du service civique. Osons parler de l’emploi en milieu associatif. Quelles réponses apporter au besoin en emplois qualifiés, ou au problème que posent les emplois précaires et le turn-over ? Comment accompagner les salariés et les bénévoles ? Comment les former ?

Ces questions ne sont pas marginales. Rien qu’en Picardie, sur 30 000 associations actives – qui représentent pas moins de 250 000 bénévoles –, 4 130 sont des structures employeuses. Cela représente 42 000 salariés, soit 10 % de l’emploi privé de la région !

« Inventer pour préparer l’avenir » : tel était le titre du cahier du journal Le Monde daté du 3 décembre dernier. Oui, le tissu associatif devra être inventif pour continuer à proposer des solutions innovantes face à des besoins croissants, dans un contexte financier difficile. Oui, la puissance publique – qui s’appuie sans relâche sur le tissu associatif – doit elle aussi prendre ses responsabilités afin de parvenir à bâtir dans la durée une relation pérenne de co-construction des politiques.

Les écologistes voteront donc, bien entendu, pour la création de cette commission d’enquête.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’Assemblée nationale est aujourd’hui appelée à se prononcer sur la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.

L’engagement du monde associatif est au cœur de l’exigence de cohésion sociale à laquelle le groupe de l’Union des démocrates et indépendants porte une attention toute particulière depuis le début de la législature. Le monde associatif est un monde fait de générosité, un monde d’hommes et de femmes qui se sont engagés, riches de leurs parcours, forts de leurs convictions, et portés par leurs idéaux. Ils représentent une richesse et des ressources humaines extraordinaires, qui contribuent notamment à l’attractivité de nos territoires.

Certains sont animés par la volonté de changer la société, d’autres par l’ambition de promouvoir une cause, d’autres encore par le plaisir d’échanger, de partager des idées ou de participer à des activités culturelles ou sportives. Ces hommes et ces femmes ont en commun de donner leur temps et leur énergie sans compter, qu’ils soient responsables associatifs ou seulement bénévoles. Je le mesure chaque jour dans mon département, la Mayenne. Alors que la puissance publique recule face à la crise, les associations, elles, sont placées en première ligne face aux problèmes de l’insertion des jeunes, de la prise en charge de nos aînés, de la lutte contre la précarité, de la défense de nos valeurs démocratiques et républicaines, ou encore de l’animation de nos villes et de nos villages.

Aussi, l’impact de la crise sur leur capacité à continuer de produire du lien social constitue une question particulièrement pertinente. Nous saluons par conséquent l’initiative des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Il est vrai que le choix d’une commission d’enquête plutôt que d’une mission d’information peut surprendre – le président de la commission des affaires culturelles, Patrick Bloche, l’a d’ailleurs lui-même souligné. Nous n’en sommes pas moins convaincus que les auteurs de cette proposition de résolution sont animés d’un esprit sérieux et constructif, qui fera de cette initiative une initiative utile.

Je souhaite néanmoins, au nom du groupe UDI, souligner que nos réflexions ne doivent pas se limiter à constater les difficultés rencontrées par les associations. En effet, la crise sans précédent qui met à l’épreuve notre cohésion sociale nous donne l’opportunité d’imaginer et de construire une France plus juste, plus apaisée, plus solidaire, dont le monde associatif sera porteur.

La question du financement des associations est évidemment majeure. Il est essentiel que les subventions versées aux associations soient systématiquement incluses dans des conventions pluriannuelles, afin de permettre aux responsables associatifs d’engager et de mener à bien des projets dont la réalisation doit se poursuivre sur plusieurs exercices. Ils auront ainsi la certitude de bénéficier d’un financement sur la totalité de la durée de ces projets. Parallèlement, la diversification des ressources financières doit être encouragée et facilitée, notamment en simplifiant l’accès du monde associatif aux fonds européens, en favorisant le développement d’une épargne dédiée au financement de projets associatifs et solidaires, et en soutenant le crowdfunding.

Je veux également insister sur quatre points qu’il me paraît essentiel d’aborder dans le cadre de cette commission d’enquête. D’abord, la crise de responsabilité qui frappe les associations : si l’engagement bénévole ne faiblit pas, force est de constater que les candidats aux responsabilités sont de plus en plus rares. Il faut par conséquent trouver des solutions pour mieux protéger les responsables associatifs devant la justice, pour valoriser davantage les responsabilités associatives et pour pérenniser les emplois qualifiés.

Il est également indispensable de poursuivre la lutte contre la complexité administrative pour que la gestion quotidienne d’une association cesse de relever du parcours du combattant. Cela passe notamment par des demandes d’agréments simplifiées mais aussi par davantage de stabilité et de clarté au niveau des soutiens financiers qui peuvent être apportés aux associations.

Il faudra également poser les bases d’une nouvelle relation entre les associations et la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – la fameuse SACEM. Le montant de la redevance, trop élevé, pénalise durement certaines associations, en particulier dans nos petits villages ruraux.

Enfin, il conviendra de renforcer encore la formation des bénévoles et de valoriser leur engagement et leurs compétences, par la création d’un véritable statut du bénévole.

Nous ne nous contenterons donc pas de dresser l’inventaire des difficultés rencontrées par le monde associatif. Nous voulons profiter de cette commission d’enquête pour proposer des réponses d’avenir afin de faire du monde associatif le moteur du changement dont notre pays et nos territoires ont besoin.

En conséquence, le groupe de l’Union des Démocrates et Indépendants ne s’opposera pas à la création de cette commission d’enquête.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg et M. Gérard Charasse. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Sophie Dion. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, les associations jouent un rôle central dans notre économie et notre société. Elles œuvrent dans des domaines extrêmement variés tels que l’économie sociale et solidaire, l’exclusion, la culture, la santé, l’humanitaire, le tourisme, le sport, la défense des consommateurs, de l’environnement, du patrimoine, de la culture. Les associations, aujourd’hui plus que jamais, sont au cœur du mieux vivre ensemble.

Elles sont au cœur de la cohésion sociale, essentielles à l’animation et à la vie de nos territoires. Les chiffres sont éloquents. Vous les avez rappelés, madame la rapporteure : 1,3 million d’associations en France, 23 millions d’adhérents, 16 millions de bénévoles, près de 2 millions de salariés soit 6% des salariés du privé, un budget cumulé de plus de 60 milliards d’euros, qui représente 3,5% de notre PIB.

Mais le monde associatif n’est pas épargné par la crise. Il doit aujourd’hui faire face à la diminution des subventions publiques, à l’instauration de nouveaux modes de financement fondés sur la commande publique et l’appel à projets, à la crise du bénévolat, à la complexité et à la lourdeur de l’administration, à la multiplication de toutes ces contraintes, à la fiscalité et aux procédures judiciaires qui freinent la dynamique associative.

Les subventions publiques, qui représentent aujourd’hui 50 % du financement total du secteur associatif, accusent une baisse très importante.

Le Gouvernement déclare l’engagement associatif, grande cause nationale pour l’année 2014.

M. Pascal Deguilhem. Et c’est très bien !

Mme Sophie Dion. Il entend créer un guichet unique pour les demandes de subventions et affirme que le financement pluriannuel sera désormais la norme mais, dans le même temps, il réduit drastiquement les finances des collectivités territoriales, augmente leurs charges et créé des politiques qu’il leur demande de financer. Quel paradoxe ! Où est la logique ? La réforme des rythmes scolaires en est un parfait exemple. Dans ces conditions, comment voulez-vous inverser la tendance ? Voilà la réalité. Les faits sont têtus.

Les travaux de cette commission d’enquête seront, à ce titre, particulièrement intéressants. Ils nous permettront de mettre en lumière l’incohérence de la politique menée par le Gouvernement, ses effets directs sur le financement des associations et la viabilité de nombre d’entre elles.

Les députés du groupe UMP souhaitent également que le bénévolat soit reconnu à sa juste valeur car, sans les bénévoles, nos associations ne pourraient pas fonctionner.

Au-delà de l’avantage fiscal lié au don, nous pourrions travailler sur un certain nombre de mesures incitatives comme le bénéfice de trimestres de retraite supplémentaires ou la validation de leur expérience bénévole dans leur parcours professionnel. Ces mesures répondraient aux difficultés que rencontrent les actifs pour s’engager davantage, pour donner de leur temps, dans l’action bénévole. Ce sont des pistes de réflexion et j’espère que nous pourrons un jour les travailler ensemble.

Enfin sur la forme, nous considérons qu’une mission d’information aurait certainement été plus appropriée au sujet. Nous l’avons dit en commission. Vous avez fait le choix de déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, comme le règlement de l’Assemblée nationale vous y autorise. Vous nous en avez expliqué les raisons. Le groupe GDR exerce là son droit de tirage. Dont acte. Vous l’avez compris, le groupe UMP participera aux travaux de cette commission d’enquête mais, pour l’heure, il ne prendra pas part au vote.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Deguilhem. Madame la présidente, madame la ministre, chère Marie-George Buffet, chers collègues, je me contenterai de vous présenter les arguments que les députés du groupe SRC ont développé en commission des affaires culturelles et de l’éducation, à la fois pour soutenir, sur le fond, votre démarche qui vise à interpeller le monde associatif – quoi de plus naturel ? –, à comprendre les difficultés auxquelles il fait face, ses interrogations sur sa place dans la société, son engagement, l’action des bénévoles mais aussi nous interroger sur les solutions à mettre en œuvre pour leur permettre d’être le plus efficaces possible dans le contexte économique difficile que nous connaissons.

Sur la forme, nous l’avons dit en commission, la commission d’enquête, qui fait davantage référence à un dysfonctionnement, n’est sans doute pas le véhicule le plus adapté pour conduire cette réflexion. C’est ce qui motivera en tout cas l’abstention de notre groupe – mais j’ai cru comprendre que seuls les votes « contre » pouvaient ne pas valider la proposition de résolution. Je ne m’attarderai pas sur cette question, largement évoquée en commission, pour revenir aux objectifs visés par cette proposition de résolution.

Il s’agit en premier lieu d’évaluer le poids de l’atonie de la croissance, du chômage de masse, de l’explosion de la précarité, de la fragilisation des services publics sur notre secteur associatif. Oui, le monde associatif, dans sa grande diversité, et bien que particulièrement dynamique, soulignons-le, subit des évolutions profondes, pour des raisons politiques, économiques, juridiques, qui freinent son développement. A ce titre, nous partageons le constat établi par les auteurs de cette proposition de résolution.

Oui, le monde associatif, avec ses millions de bénévoles engagés dans plus d’un million d’associations, est une chance, une richesse pour notre pays. Oui, le monde associatif, avec plus de 1,7 million de salariés, est un acteur essentiel et indispensable dans le domaine social mais aussi éducatif, sportif, culturel et bien d’autres.

C’est l’ensemble du tissu associatif qui contribue à la cohésion sociale, à la vie citoyenne, à la vitalité économique de notre pays, tout en répondant aux besoins, au moins en partie, de la population.

Au regard de ces considérations, nous comprenons bien la demande d’examiner ces difficultés auxquelles doit faire face le monde associatif dans sa diversité et pour l’ensemble des secteurs d’activité. Cela d’ailleurs ne simplifiera pas les travaux de la commission d’enquête, mais j’ai cru comprendre que Mme Buffet avait pris en compte cette question d’ordre méthodologique, ce qui m’a rassuré.

Parmi les nombreuses autres questions se posent avec une acuité particulière celles du financement et de l’emploi associatif.

Dressons le constat des actions passées, notamment au cours de ces deux dernières années. Depuis 2012, le Gouvernement s’est engagé dans une logique interministérielle sur la question des financements, de l’emploi, des partenariats. Oui, la baisse des financements publics, depuis une décennie, affecte beaucoup les associations. La requalification de subventions en marchés publics ou en délégations de service public, ou le choix de la commande publique pour sécuriser les financements publics ont eu tendance à dégrader la place des associations, à les reléguer au rang de prestataires alors qu’elles aspirent naturellement à être des partenaires à part entière.

Il est important que les associations conservent leur rôle d’agent de cohésion et de mixité sociales. Il faut leur redonner confiance et lisibilité dans leur action.

S’il reste, nous en sommes conscients, beaucoup à faire, plusieurs actions ont été engagées. Sur les moyens, et malgré les contraintes économiques, les crédits du ministère dédiés à la vie associative ont été préservés en 2013. La formation des bénévoles et le développement de l’emploi associatif ont été largement soutenus. On ne peut pas passer sous silence les 15 000 emplois d’avenir créés, tout récemment au sein des associations pour la jeunesse ou dans le secteur du sport.

Une nouvelle charte d’engagements réciproques a été signée entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales pour refonder un partenariat équilibré.

La mise en application, dès cette année, d’une mesure d’allégement des charges salariales en faveur des associations employeurs représente également un effort important, largement salué par le monde associatif.

Se pose enfin la question des contraintes qui pèsent sur nos associations, en particulier dans leurs relations avec l’administration, comme vous l’avez tous dit. Nous savons combien elles sont source de démotivation, combien elles peuvent détourner les responsables associatifs du cœur de leur mission.

Hier, en réponse à une question d’actualité, madame la ministre, vous avez apporté avec détermination et conviction des réponses précises visant à faciliter le fonctionnent quotidien des associations. Nous partageons sur tous les bancs, je le sais, ce même objectif, sur lequel nous sommes d’ailleurs attendus.

Au-delà de leur abstention, les députés SRC seront présents pour contribuer, comme nous le souhaitons, à l’écriture de nouvelles perspectives pour le monde associatif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, je le dis d’emblée : le groupe RRDP partage les objectifs de votre proposition de résolution et votera pour.

Nous pourrions certes débattre de la question de savoir s’il est préférable d’instituer une commission d’enquête ou une mission d’information mais vous avez, madame la rapporteure, clairement expliqué les raisons de votre choix.

Elles sont, si j’ai bien compris vos propos, guidées par une démarche pragmatique d’inscription dans le calendrier parlementaire qui, il faut bien le dire, n’est pas toujours simple à organiser.

Et puis, c’est vrai, il y a urgence à répondre rapidement aux difficultés et aux interrogations du monde associatif. Bien évidemment, cette commission d’enquête ne doit pas être un lieu où l’on fait de la politique politicienne, comme malheureusement le propose l’oratrice du groupe UMP.

Mme Sophie Dion. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Noël Carpentier. Je le dis à l’opposition : il serait regrettable de chercher à détourner cette commission pour en faire un tribunal politicien contre la majorité ou le Gouvernement. Le monde associatif, ses salariés et ses bénévoles, attendent bien autre chose que ces joutes stériles.

L’interrogation de la commission d’enquête est bien plus large et il ne s’agit pas de se pencher uniquement sur ces dernières années mais d’examiner, à partir de 2008, toute la période de crise que nous traversons et qui est source de difficultés dans toutes les strates de notre société, y compris dans la vie associative.

Notre majorité de ce point de vue, depuis deux ans, n’est pas restée l’arme aux pieds. Elle a fait des efforts, peut-être modestes, mais elle en a fait, contrairement à la droite. Elle a notamment déclaré l’engagement associatif « grande cause nationale 2014 », elle a fait voter une loi sur l’économie sociale et solidaire, elle a soutenu l’emploi associatif en créant plusieurs milliers d’emplois d’avenir.

On le sait bien ici. La vie associative est indispensable à notre République. Elle contribue au maintien du lien social dont notre société a tant besoin en cette période troublée.

La disparition d’une vie associative riche serait grave aussi du point de vue de l’emploi, comme l’a souligné Mme la rapporteure. Et l’on imagine mal l’État, les collectivités locales ou les entreprises privées reprendre les 2 millions de personnes qui travaillent dans les associations.

Nous devons observer la vie associative et trouver des solutions aux problèmes qu’elle rencontre, à l’heure où la crise réduit les moyens de l’État qui du coup, c’est vrai, baisse à son tour les dotations accordées aux collectivités territoriales. Cela, on le sait, affecte les budgets des associations et les met parfois en péril.

Au-delà de cet aspect strictement budgétaire, nous devons aussi nous interroger sur les besoins des associations et sur ce qu’elles représentent en termes de solidarité. À ce titre, la commission d’enquête permettra d’ouvrir de beaux débats dans chacune de nos circonscriptions.

Telles sont, mesdames et messieurs, les raisons pour lesquelles le groupe RRDP soutient la création de la commission d’enquête sur l’impact de la crise dans la vie associative. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et GDR.)

Vote sur la demande de création de la commission d’enquête

Mme la présidente. Aux termes de l’article 141, alinéa 3, du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale s’y oppose, soit 344 voix.

Seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.

Je soumets à l’Assemblée la demande de création de la commission d’enquête.

Qui est contre ?…

(La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.)

Mme la présidente. En conséquence, la demande de création d’une commission d’enquête est adoptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste, et sur certains bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les politiques européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons successivement le Gouvernement, les orateurs des groupes et la présidente de la commission des affaires européennes ; dans un second temps, nous procéderons à une séquence de questions et réponses, la durée des unes et des autres étant limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité la tenue de ce débat sur les politiques européennes contre le réchauffement climatique et je vous en remercie. Celui-ci intervient au lendemain d’une élection européenne qui, en Europe et en France, a été marquée par la montée de l’euroscepticisme et des votes anti-européens ainsi que par une forte abstention, mais aussi par une demande de changement, y compris de la part des partis pro-européens.

Il nous faut donc satisfaire l’attente d’une Europe qui réponde mieux aux préoccupations des citoyens, qui se concentre sur l’essentiel, qui montre sa capacité à agir avec efficacité dans les domaines où il est indispensable de le faire ensemble, et qui défend une vision d’avenir pour le continent. Il nous faut montrer avec responsabilité, parce que nous croyons au projet européen, que l’Europe est l’échelon irremplaçable pour relever de grands défis que l’on ne saurait traiter à l’échelle d’un seul pays.

S’il est une question essentielle, vitale même pour l’avenir de la planète et de notre continent, une question qu’aucun pays ne peut résoudre seul et pour laquelle il ne saurait exister vingt-huit politiques différentes, c’est bien celle de la lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi le Gouvernement a mis la question du climat et de la transition énergétique au cœur de ses priorités européennes, comme l’a rappelé le Président de la République hier soir à Bruxelles.

L’urgence est là, en effet. L’Europe, qui est l’un des principaux consommateurs d’énergie au monde, ne peut plus continuer à produire et à consommer comme elle l’a fait au cours des dernières décennies. La concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère a augmenté de 20 % depuis 1958, et de 40 % depuis 1750, début de l’ère industrielle. Cette trajectoire, largement alimentée par l’industrialisation européenne, américaine et aujourd’hui mondiale, n’est tout simplement pas soutenable. Malgré l’adoption du protocole de Kyoto – premier véritable accord international sur le sujet – et malgré les conférences des parties successives, la tendance au réchauffement climatique se poursuit.

Le dernier volet du cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, paru le 13 avril dernier, nous l’a rappelé : les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record et leur croissance n’a jamais été aussi rapide. Elles nous conduisent sur des trajectoires de réchauffement à l’horizon 2100 qui sont plus proches de quatre degrés que de deux. Or, il nous faut contenir la hausse des températures en deçà de ce seuil de deux degrés afin d’éviter des cycles de dérèglements irréversibles, mais également des impacts importants sur la santé publique. Si nous ne sommes pas en mesure de réagir collectivement, la planète deviendra bientôt invivable.

Cette urgence climatique appelle donc un sursaut à l’échelle internationale. C’est notre responsabilité ! Nous avons le devoir de mettre en œuvre un modèle de développement soutenable et durable, pour l’avenir et pour les générations futures. C’est pourquoi la France a décidé de s’engager : vous le savez, elle accueillera en 2015 la 21e conférence internationale sur le climat, que nous avons intitulée « Paris Climat 2015 ». C’est à cette occasion que les États devront s’engager sur un accord universel et ambitieux de réduction de leurs émissions.

Toutefois, avant la tenue de cette conférence, il est indispensable de nous mettre d’accord entre Européens sur nos propres objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2030. Notre unité de vues est un préalable nécessaire pour que l’Union européenne puisse peser de façon cohérente dans les négociations internationales et garantir l’obtention de cet accord mondial l’année prochaine.

C’est donc unis et solidaires que nous saurons répondre à ce défi majeur pour l’avenir de notre planète et de nos concitoyens. Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, notre ambition est grande et l’activité que nous déployons pour rapprocher les positions européennes est intense. S’engager rapidement vers un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le propose la Commission européenne et comme nous le souhaitons, nous permettra non seulement d’engager cette dynamique mondiale mais également, au sein de l’Union européenne et en France, d’offrir une vision de long terme aux acteurs économiques et aux investisseurs, notamment pour développer les filières industrielles dites « bas carbone ».

Le climat et l’énergie font donc clairement partie de nos priorités, au même titre que le soutien à la croissance et à l’emploi, la première devant d’ailleurs contribuer à mettre en œuvre la deuxième. En effet, il s’agit non seulement de protéger la santé de nos concitoyens et notre environnement, mais aussi de saisir cette occasion pour sécuriser notre approvisionnement en énergie, créer des activités innovantes et donc des emplois durables en France et en Europe. Nous devons également éviter les coûts liés à l’inaction. Ces projets créateurs d’activités et d’emplois durables doivent donc être solidement ancrés dans nos territoires et améliorer les conditions de vie des citoyens français et européens.

Il n’y a, mesdames et messieurs les députés, aucun doute sur le fait que l’Union européenne est bien l’échelon pertinent pour répondre aux grands défis qui se présentent à nous dans ce domaine. L’Europe a été fondée grâce à la mise en commun du charbon et de l’acier, ce qui a rendu la guerre matériellement impossible et posé les prémices de ce qui est devenu l’Union européenne. La construction d’une nouvelle union énergétique contribuera à relancer le projet européen au XXIe siècle ; nous en sommes profondément convaincus. Ce projet, il est à notre portée.

Je voudrais d’abord souligner les progrès réalisés par l’Union européenne au cours de ces dernières années. Notre politique volontariste a commencé à porter ses fruits. Les efforts consentis au niveau européen nous placent collectivement sur une trajectoire collective plus durable et respectueuse de notre environnement.

La principale étape en a été le paquet « énergie-climat » de 2008, qui a permis de fixer de grandes orientations à l’horizon 2020. Il s’agit, je le rappelle, des fameux « 20-20-20 » : diminuer de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans notre consommation finale et, enfin, réaliser 20 % d’économies d’énergie.

Grâce à ce cadre, l’Europe progresse rapidement vers un modèle plus sobre en carbone : les émissions européennes de gaz à effet de serre liées à l’énergie, à l’agriculture, aux procédés industriels et à l’usage de solvants et d’autres produits ont baissé de plus de 18 % au cours de la période allant de 1990 à 2011. Nous avons également progressé vers notre objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre « mix énergétique ». Les Européens consomment déjà plus de 14 % d’énergie issue de ces sources. Si les énergies renouvelables peuvent à court terme produire des difficultés liées à l’intermittence ou encore à l’impact sur les prix, il nous revient d’imaginer des dispositifs innovants pour continuer à les accompagner de façon optimale.

(M. Denis Baupin remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Ce développement permettra d’accroître notre indépendance énergétique en nous appuyant sur des ressources indigènes, comme l’éolien, le solaire ou les énergies marines.

Enfin, nous cherchons à faire davantage d’économies d’énergie. L’Europe consomme déjà moins d’énergie qu’auparavant : entre 2006 et 2012, la consommation des vingt-huit a diminué de 8 %. Par ailleurs, l’efficacité énergétique a fait l’objet d’une nouvelle directive, adoptée en octobre 2012. Elle sera soumise bientôt à une revue, dont nous espérons voir les premiers résultats pendant l’été. Cette directive se traduit par plusieurs mesures nationales, à l’initiative des États membres. En France, par exemple, nous disposons des certificats d’économie d’énergie, qui permettent de promouvoir largement l’efficacité énergétique.

Globalement, nous pouvons nous appuyer sur ce bilan européen en matière d’énergie et de climat. Il s’agit d’en tirer toutes les conclusions pour l’avenir.

D’une part, l’Europe a tiré les bénéfices de sa volonté d’être à l’avant-garde des initiatives et de l’innovation. On peut se souvenir des réticences suscitées par l’adoption des premières directives interdisant l’essence plombée pour les automobiles : tout cela paraît bien loin et chacun est convaincu aujourd’hui que c’était un choix pertinent, non seulement en termes d’environnement et de santé publique, mais aussi en termes industriels.

D’autre part, nous devons regarder avec lucidité ce qui n’a pas fonctionné, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Le marché du carbone, par exemple, ne produit pas les résultats que nous en attendions. Il a pâti d’une crise économique de grande envergure, qui n’avait pu être anticipée. C’est pourquoi nous devons rapidement le réformer. La Commission européenne a fait des propositions en ce sens et nous y travaillons.

Enfin, j’en ai parlé, l’énergie que nous ne consommons pas constitue une source majeure de réduction d’émissions. Les projets visant à faire des économies d’énergie, comme la rénovation thermique des bâtiments, constituent des opportunités que nous devons continuer à exploiter.

Il ne s’agit donc pas de nous complaire dans l’autosatisfaction, mais d’être toujours plus exigeants pour plus d’efficacité, en nous appuyant sur ce que nous sommes déjà parvenus à réaliser en matière de politique énergétique, pour convaincre que nous pouvons continuer dans cette voie et, en étant ambitieux, obtenir des résultats. C’est ce qu’attendent nos concitoyens de l’Europe : qu’elle soit plus concrète, plus réactive, et qu’elle apporte des réponses aux grands défis qui sont devant nous.

Mais nous devons aller plus loin et voir ce défi, non comme une contrainte, mais comme une véritable opportunité pour améliorer le quotidien de nos concitoyens et notre avenir en termes de croissance et d’emploi. Car remédier au réchauffement climatique implique la mise en œuvre de nombreux chantiers qui touchent directement les conditions de vie des Français et des Européens : c’est le cas de l’amélioration du cadre de vie et de la baisse des factures énergétiques qui profiteront à tous et qui seront les conséquences directes de la rénovation thermique des bâtiments et du développement des sources énergétiques moins dépendantes des hydrocarbures. C’est aussi le cas de l’ouverture de nouvelles opportunités pour nos chercheurs et nos laboratoires, par le développement de nos savoirs et de nos technologies écologiques, domaines dans lesquelles l’Europe est en pointe et doit le rester. Cela contribuera au maintien de millions d’emplois durables sur le territoire européen et à la création de nouveaux emplois, grâce à l’essor de cette industrie d’avenir et à l’exportation de nos savoir-faire dans ce domaine. Car tous les autres continents sont aussi à la recherche de réponses, s’agissant de la construction de villes durables, de nouveaux modes de transport ou de nouveaux modes industriels moins consommateurs de carbone.

Dans tous ces domaines, nous devons avancer avec beaucoup d’audace. Il nous faut donc accompagner la transformation de ces économies. Je pense à notre capacité à bâtir une véritable communauté de l’énergie, qui donnera un accès sûr à une énergie pour tous, compétitive et durable. C’est un enjeu pour tous les pays de l’Union européenne, mais aussi pour certains de nos voisins, comme l’Ukraine et la Moldavie.

Les discussions se poursuivent dans ce contexte pour que les États membres s’accordent sur des priorités en matière de politique énergétique :développement d’infrastructures énergétiques supplémentaires pour l’interconnexion entre les différents pays, renforcement de la solidarité énergétique entre les États, y compris par des réflexions sur le poids dans les négociations énergétiques des acheteurs européens, déploiement accru de ressources indigènes, diversification des sources et des voies d’approvisionnement. Toutes ces dimensions sont indissociables de nos ambitions climatiques puisqu’elles contribueront à rendre nos économies plus sobres en carbone et moins dépendantes en hydrocarbures.

Cette dimension avance rapidement : pas plus tard qu’aujourd’hui, la Commission a adopté une étude sur la sécurité énergétique et un plan d’action à partir duquel les États membres vont travailler. Développer des opportunités et des solidarités va donc de pair ; c’est dans l’intérêt de nos économies, de nos industries et surtout dans celui de nos concitoyens ! Pour y parvenir, nous devons nous saisir des échéances et des opportunités majeures qui sont devant nous.

Tout d’abord, je tiens à vous assurer du plein engagement du Gouvernement pour promouvoir l’unité européenne dans la recherche d’un accord à vingt-huit sur le cadre énergie climat 2030, c’est-à-dire sur nos engagements collectifs en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique entre 2020 et 2030.

La Commission a présenté des propositions reconnues par l’ensemble des États membres comme une base de négociation. Elles visent à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre et à porter la part des renouvelables à 27 % de notre consommation finale. Le Gouvernement français soutient ces objectifs. Le sujet a été à l’ordre du jour du dernier Conseil européen. Les États membres se sont mis d’accord pour prendre une décision finale le plus rapidement possible, et au plus tard en octobre 2014.

L’adoption rapide d’une décision européenne est d’autant plus importante que, le 23 septembre prochain, le secrétaire général de Nations-unies, Ban Ki-moon, accueillera les chefs d’État et de gouvernement du monde entier pour faire un premier point sur les engagements climatiques internationaux de l’ensemble des États en vue de la COP 21. Dans cette perspective, le Conseil européen de juin sera un moment crucial pour faire avancer nos positions. Il ne doit pas seulement être une étape procédurale, mais l’occasion d’un vrai débat de fond au plan politique, sur la base des éléments demandés à la Commission et au Conseil en mars.

Cela implique de bien évaluer les conséquences d’une telle décision – réduire de 40 % les émissions de gaz à effets de serre et porter à 27 % la part des renouvelables – pour chaque État membre ; de discuter du partage de l’effort ; de prendre des mesures pour éviter les « fuites de carbone », autrement dit les délocalisations des entreprises soumises aux contraintes environnementales européennes ; cela implique également d’assurer la compétitivité de nos industries énergivores ou électro-intensives, et enfin de revoir, à partir de juillet, la directive efficacité énergétique.

Dans l’ensemble de ces perspectives, nous sommes, bien entendu, en constant dialogue avec nos partenaires européens. Pour combattre le réchauffement climatique, notre communauté de vues, en particulier avec les Allemands, les Polonais ou les Britanniques, est indispensable. Nous sommes engagés dans un partenariat fort et dynamique avec l’Allemagne. Je pense notamment à l’Office franco-allemand pour les énergies renouvelables ou au rapprochement de l’ADEME avec son équivalent allemand, la DENA – la Deutsche Energie-Agentur. Une dynamique productive a été enclenchée lors du Conseil des ministres franco-allemand du 19 février dernier. Les deux gouvernements ont notamment créé un groupe de haut niveau, qui sera chargé d’élaborer une feuille de route concernant l’ensemble des enjeux liés à la transition énergétique.

Nos échanges sont également très fructueux avec la Pologne, comme en témoigne l’accord intervenu entre le Président de la République et le Premier ministre Donald Tusk sur les questions de sécurité énergétique, qui, ne nous y trompons pas, ont un lien direct avec notre combat commun contre le réchauffement climatique. J’y insiste, nous pensons qu’il ne faut pas séparer la question du climat de celle de l’énergie dans la préparation des positions européennes.

Mais les enjeux de ce débat reposent également sur ce qui se passe au-delà des frontières de l’Union. Je ne peux conclure sur ce sujet sans évoquer la situation ukrainienne, qui nous rappelle l’urgence de ce débat et d’une prise de décisions. Les menaces russes de rétorsion gazière sur ce pays nous mettent face à la nécessité d’agir au niveau européen pour sécuriser notre énergie, être plus autonomes et réduire notre consommation d’hydrocarbures. Tout comme nous, la Commission y travaille, et nous espérons que l’accord qui sera conclu entre la Russie et l’Ukraine assurera, dans l’immédiat, la fourniture de gaz à l’Ukraine. Mais il est nécessaire, sur le plan structurel, de mieux assurer notre autonomie afin d’éviter de voir se perpétuer une situation dans laquelle plusieurs états membres sont dépendants à 100 % des approvisionnements d’un seul pays, la Russie, et d’autres à plus de 70 %. Par ailleurs, des discussions trilatérales entre la Commission, l’Ukraine et la Russie, qui se sont tenues lundi, permettent d’entrevoir une issue – que nous espérons positive – dans les prochains jours.

Cette gestion de crise nous rappelle que nous devons aider l’Ukraine à sortir de la crise énergétique, tout en faisant progresser la lutte contre le changement climatique, en développant une vision à plus long terme de notre sécurité énergétique.

Il n’y a pas à choisir entre climat et sécurité énergétique. L’un et l’autre se complètent : la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union européenne et le cadre énergie climat 2030 forment, à notre sens, un seul et même paquet. La protection de notre environnement et le développement d’une croissance durable sont aussi une garantie de notre indépendance et de notre avenir.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité du Gouvernement dans l’agenda européen. Elle est aussi un point d’entrée pour une politique énergétique qui se fixe comme priorité le développement des industries d’avenir, la croissance verte et, bien sûr, la création de centaines de milliers d’emplois durables sur le territoire national et européen. Vous-mêmes aurez à y contribuer lors du prochain débat sur le projet de loi sur la transition énergétique. Ce grand chantier national aura de multiples résonances avec nos priorités européennes. Bâtir l’Europe de l’énergie, c’est relever l’un des plus grands défis de notre époque, celui du changement climatique, mais c’est aussi bâtir une Europe plus sûre, plus protectrice, plus solidaire et tournée vers l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, premier orateur inscrit dans le débat.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers et nombreux collègues présents cet après-midi dans l’hémicycle (Sourires), nous ne saurons sans doute jamais si c’est le sujet ou la veille d’un week-end prolongé qui est à l’origine d’un tel manque d’affluence sur nos bancs… Il faudra tout de même que nous songions, s’agissant du fonctionnement de notre assemblée, à réformer l’organisation de ces débats, car nous traitons de sujets importants avec un trop petit nombre de participants.

Rappelons par ailleurs que le groupe écologiste avait demandé, à la fin de l’année 2012, un rapport du comité d’évaluation et de contrôle sur l’application en France de ce qu’on appelle le paquet énergie-climat, qui rassemble les grandes décisions européennes sur la politique de l’énergie et du climat.

Avec mon collègue Jean-Jacques Guillet, député du groupe UMP – la tradition du comité d’évaluation et de contrôle exigeant que le travail soit mené à la fois par l’opposition et la majorité –, nous venons de rendre un rapport le 15 mai dernier, la cour des Comptes ayant elle-même rendu le rapport que nous lui avions demandé au début de cette année. Nous avons donc à notre disposition deux documents importants pour évaluer la politique menée en matière d’énergie et de climat. Monsieur le secrétaire d’État, je souscris à vos propos : il ne faut pas dissocier les deux. Nous avons en effet à relever le double défi de l’énergie et du climat.

C’est un hasard du calendrier, mais le séisme électoral que nous avons vécu dimanche dernier vient rappeler la nécessité de parler d’Europe. Parler d’Europe, c’est parler de ce à quoi l’Europe peut être utile. Nous, écologistes, nous croyons que la lutte contre le dérèglement climatique est le sujet par excellence sur lequel l’Europe peut et doit peser, contrairement à un État seul, qui n’aurait que peu de poids. La France seule ne pourrait guère peser sur une politique au niveau planétaire.

Notre discussion s’inscrit par ailleurs dans un agenda particulier : d’une part, l’Europe doit réviser le paquet énergie-climat alors que, d’autre part, nous nous apprêtons à débattre de la loi sur la transition énergétique, annoncée par le Gouvernement dans les semaines qui viennent.

Le rapport d’information, que Jean Jaques Guillet et moi-même avons présenté, porte sur l’ensemble des textes communautaires adoptés en 2008 – un règlement, trois directives et une décision –, qui constituent la politique européenne de lutte contre le réchauffement climatique.

Notre rapport résulte d’un grand nombre d’auditions et de tables rondes portant sur les principales thématiques du « paquet énergie climat » afin de recueillir la position des différents acteurs. Il a débouché sur dix recommandations pour réussir la transition énergétique, comme l’indique son titre, que l’on peut regrouper en trois blocs : le premier traite de l’articulation des stratégies nationales et européennes en matière de lutte contre le réchauffement climatique, le second porte sur la pédagogie et l’information des citoyens et le troisième sur la structuration des filières et l’accompagnement des entreprises dans la transition écologique de l’économie. Les conclusions émises par la Cour des comptes le 16 janvier dernier ont attiré notre attention sur plusieurs problèmes relatifs à la stratégie définie à l’échelon européen.

En premier lieu, et c’est un point important sur lequel je ne doute pas que nous reviendrons, la Cour considère que la formulation d’objectifs en termes d’émissions nationales de gaz à effet de serre n’est pas pertinente, car elle n’intègre pas les émissions liées à la consommation intérieure et aux importations. Dès lors, les délocalisations de production dans des pays aux normes environnementales moins exigeantes échappent à notre comptabilité. La notion d’empreinte carbone susceptible de s’y substituer prend en compte, elle, les émissions liées aux importations et semble comme telle plus judicieuse. Ce changement de critère nous semble nécessaire afin de ne pas inciter aux délocalisations.

Le deuxième constat relatif à la politique européenne formulé par la Cour des comptes a mis en évidence la nécessité de coordonner notre politique énergétique à l’échelon communautaire afin de tirer le meilleur profit de la diversité actuelle du « mix énergétique », c’est-à-dire du mélange entre les différentes sources d’énergie comme les sources d’énergie primaire ou la production d’électricité. Une gouvernance européenne offrira une vision d’ensemble grâce à laquelle il sera possible de répartir les investissements entre les réseaux et entre les capacités de production selon les besoins et les spécificités de chaque pays, par exemple en répartissant au mieux les énergies renouvelables selon leur potentiel qui n’est évidemment pas le même d’un pays l’autre. L’interconnexion des réseaux que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d’État, permettra aussi de mieux gérer les phénomènes de pointe de production et de consommation qui font appel à des centrales thermiques classiques et demeurent comme tels très fortement émetteurs de CO2, y compris dans notre pays.

Nos travaux ont également démontré que les politiques publiques nationales sont trop souvent dispersées et changeantes, en matière de production d’énergie renouvelable comme en matière d’efficacité énergétique. Enfin, nous avons souligné la nécessité de ne pas oublier les secteurs des transports et de l’agriculture, qui sont responsables respectivement de 26 % et 21 % des émissions de gaz à effet de serre. Ces proportions sont supérieures à ce qu’elles sont dans les autres pays de l’Union européenne, trop souvent négligés dans les politiques que nous menons.

Outre la nécessité de mieux coordonner notre politique énergétique à l’échelon européen, la lutte contre le réchauffement climatique suppose une sorte de révolution comportementale, comme l’ont fait très nettement apparaître les auditions que nous avons menées. Une telle évolution des comportements a pour préalable une information plus ample des citoyens consommateurs, ce qui m’amène à aborder des points plus concrets.

Le diagnostic de performance énergétique constitue un progrès indéniable, mais il faut le rendre plus transparent et, à terme, opposable, ce qui nécessite qu’il soit plus fiable. Je pense également aux compteurs dits « Linky », qui sont en réalité des compteurs intelligents ou communicants. Malheureusement, les modèles récents promus par EDF ne permettent pas aux ménages de maîtriser leur consommation faute d’être complètement informés à son sujet. Il importe donc que des informations relatives à sa consommation aussi transparentes que possible soient fournies à chaque consommateur, sans le surcroît de prix envisagé s’il faut installer un boîtier supplémentaire. Un compteur intelligent et communicant doit l’être d’abord pour les consommateurs. Je pense enfin à l’étiquetage des produits domestiques, qui doit être aussi un enjeu européen : l’étiquetage actuel n’est manifestement pas satisfaisant.

La lutte contre le dérèglement climatique est trop souvent perçue comme une contrainte alors qu’il s’agit pour nous d’une opportunité. Selon une étude du centre international de recherche sur l’environnement et le développement datant de la fin de l’année dernière, l’effet net de la transition énergétique sur l’emploi, selon les variantes du scénario négaWatt, est compris entre 220 000 et 300 000 emplois d’ici 2020 et entre 570 000 et 820 000 emplois d’ici 2030. Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable de réunir l’ensemble des conditions politiques, administratives, réglementaires et fiscales nécessaires à la structuration du tissu économique et au développement des filières de l’économie verte.

Il faut d’abord garantir aux entreprises une stabilité accrue des règles fiscales et réglementaires. Qu’il s’agisse des conditions d’éligibilité au crédit d’impôt développement durable, des tarifs d’achats pour les énergies renouvelables, en particulier dans le secteur de l’énergie solaire, des conditions d’obtention par les particuliers d’éco-prêts à taux zéro ou encore des taux de TVA, les dernières années ont été marquées par trop de changements. Les particuliers comme les professionnels ont besoin de visibilité pour s’engager et investir et beaucoup d’investissements privés ont été bloqués ou abandonnés au cours des dernières années en raison de cette instabilité.

Il faut également simplifier les procédures administratives nécessaires au développement des activités ou à l’obtention des aides publiques. On parle beaucoup, dans le gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le secrétaire d’État, de choc de simplification ; nous, les écologistes, le disons depuis longtemps : s’il est bien un secteur où on peut favoriser la simplification et par là-même la relance économique, c’est bien celui de l’éolien où les couches successives de réglementation se sont empilées pour que rien ou si peu ne se fasse ! Il faut également, et je sais que Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie y est très favorable, orienter davantage l’activité de la banque publique d’investissement et drainer l’épargne des ménages vers des investissements nécessaires à la transition énergétique.

Les financements, en particulier ceux des entreprises, doivent tenir compte du fait que les investissements dans la sobriété énergétique et les économies d’énergie sont rentables sur le temps long, alors que les entreprises cherchent le plus souvent un retour sur investissement rapide. Il faut s’appuyer davantage sur les collectivités locales ; on ne peut qu’espérer que la réforme territoriale constituera l’occasion de l’affirmer, afin de mettre en relation les acteurs, consolider les filières et mobiliser les citoyens dans tous les territoires. Il faut enfin associer le secteur bancaire afin de garantir un accompagnement financier optimal, ce qui est sans doute encore plus vrai pour les particuliers. On peut également imaginer un ajustement des appels d’offres publics visant à mieux y intégrer les petites et moyennes entreprises.

En conclusion, le rapport du comité d’évaluation et de contrôle prouve une fois de plus l’enchevêtrement, certes normal, entre enjeux nationaux et européens en matière énergétique. Il rappelle que le réchauffement climatique ne se conforme évidemment pas aux logiques ni aux frontières nationales et mérite à ce titre d’être combattu à tous les niveaux. Il rappelle également que les mesures mises en œuvre au niveau européen doivent être prolongées, complétées et amplifiées. C’est à ce prix que nous parviendrons à maîtriser notre avenir face au double défi de l’énergie et du climat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le changement climatique est aujourd’hui une réalité établie et une préoccupation très forte, même si nous ne sommes pas nombreux ce soir. Non seulement la situation actuelle est grave, mais elle continue de s’aggraver de jour en jour. Nous assistons à un dérèglement de l’amplitude des températures combiné à une hausse constante des températures moyennes, et la fonte des glaciers comme la multiplication des sécheresses et des inondations constituent les signes les plus visibles du changement climatique. Ce sont là des réalités.

Mais ce que l’on oublie, c’est que ce changement climatique à un coût financier. Le GIEC l’évalue à 1 050 milliards d’euros à la fin du siècle dernier. En outre, il serait responsable de 2,5 millions de morts en trente ans selon Jim Yong Kim. Nous devons donc nous mobiliser tous pour cette cause. En cas de lutte insuffisante contre le changement climatique, le rapport Stern évalue son coût entre 5 % et 20 % du PIB mondial à moyen terme. En France, nous savons qu’il pourrait en résulter des conséquences graves sur notre industrie agroalimentaire ou notre viticulture, entre autres. Ainsi, dans le sud de l’Aisne, terre de Champagne, la viticulture, filière particulièrement sensible au dérèglement climatique, serait en danger. Il en irait de même de notre agriculture.

La question n’est pas simple et tel est l’enjeu de notre débat. En effet, nous sommes dans une situation paradoxale : d’un côté, nos besoins d’énergie fossile ne cessent de croître, et de l’autre nous devons lutter contre le réchauffement climatique. D’un côté, nous ne devons pas sous-estimer les effets économiques et sociaux positifs de l’action contre le changement climatique, tels que les économies d’énergie, l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction des risques pour la santé. De l’autre, la crise économique que nous traversons nous impose de ne pas asphyxier notre industrie française et européenne alors même que les gaz à effets de serre sont émis dans l’ensemble de la planète et que le réchauffement climatique n’est évidemment pas un phénomène qui s’arrête aux frontières.

Il s’agit donc de mettre en place des mécanismes vertueux au niveau européen en se battant au niveau mondial pour faire progresser cette cause. La France a pour objectif de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre avant 2050. Elle respecte d’ores et déjà ses engagements du protocole de Kyoto. Dans le cadre du « paquet énergie climat » européen, elle défend la fixation de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’accroissement de l’utilisation des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique à l’horizon 2020. Depuis longtemps, l’Union européenne a montré la voie et pris des engagements et des mesures louables. Elle prône la nécessité de limiter le réchauffement mondial à 2 °C maximum et est parvenue à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 18 % depuis 1990.

Malgré tous ces efforts, nous devons reconnaître que nous sommes entrés, depuis la conférence de Copenhague qui est considérée comme un échec, dans une phase de stagnation, voire de recul des négociations internationales sur le climat. Sur la situation du marché du carbone, nous devons être lucides. Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est confronté depuis 2008 à une crise importante. La réduction de l’activité industrielle a mécaniquement entraîné une diminution des émissions et le cours de la tonne de CO2 s’est effondré en quelques mois de huit euros à moins de trois. Il en résulte une autre conséquence majeure : le charbon fait son retour dans les principaux pays européens comme l’Allemagne et le Royaume-Uni et nous connaissons le lien entre prix de la tonne de CO2 et recours aux énergies fossiles.

Ici, en France, le risque est grand de nous voir céder à l’extraction des gaz et huiles de schiste. J’ai récemment abordé le sujet avec Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et avec les présidents du conseil régional d’Île-de-France et du conseil général de Seine-et-Marne à propos des arrêtés de mutation du permis de Mairy et de prolongation de celui de Château-Thierry. Si la France s’engageait dans cette voie, il s’agirait selon moi d’un non-sens économique et environnemental. À l’avenir, et c’est une nécessité, les débats s’engageront au sein de l’Union européenne au sujet des solutions structurelles de réforme.

Les députés radicaux et apparentés soutiennent les efforts visant à respecter les engagements courageux du Président de la République en matière de réduction des émissions de 40 % en 2030 et de 60 % en 2040. Parallèlement, nous devons moderniser le cadre de régulation du marché du carbone en en garantissant l’intégrité et la transparence afin de mettre fin à ses dysfonctionnements et surtout à sa financiarisation. Nous devons aussi poursuivre nos efforts en matière de fiscalité écologique sur l’énergie. Ainsi, la Commission européenne a engagé une révision de la législation sur la taxation de l’énergie pour y introduire une composante carbone, ce qui constitue une bonne initiative. Au cours de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015, la France doit constituer une force de proposition afin d’accentuer les efforts consentis en France mais également dans le monde. Le débat national sur la transition énergétique et la loi subséquente que nous attendons devront montrer l’exemple.

Notre débat ce soir, certes peu suivi, constitue un préambule et nous aurons bien l’occasion d’y revenir au cours des prochains mois. Je ne doute pourtant pas qu’il constituera l’occasion d’un échange riche et fécond compte tenu de l’importance du sujet et qu’il sera caractérisé par la volonté de faire progresser la recherche du bien commun, donc du développement durable. Afin de faire mentir Jean de la Fontaine qui écrit dans la fable La forêt et le bûcheron « Voilà le train du monde et de ses sectateurs/On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs », démontrons ici qu’il est non seulement possible de concilier développement économique et développement environnemental mais aussi que l’économie verte est notre avenir pour la croissance et pour l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne est souvent citée en exemple comme un ensemble de pays volontaires en matière de réduction des émissions de CO2. De fait, elle s’est dotée d’un plan d’action dit « paquet énergie-climat » visant à mettre en place une politique commune de l’énergie et de lutte contre le changement climatique. Le premier paquet a été lancé en janvier 2008, avec pour but de permettre à l’Union européenne d’atteindre, d’ici 2020, l’objectif ambitieux des « trois fois 20 » : une réduction de 20 % des d’émissions de gaz à effet de serre, une amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique et une part de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’Union européenne.

Le 22 janvier dernier, la Commission européenne a présenté une nouvelle série d’objectifs pour 2030 : la réduction des émissions de gaz à effet de serre est fixée à 40 % et la part des énergies renouvelables à 27 %, tandis que l’objectif de l’amélioration de l’efficacité énergétique demeure à 20 %. Tout cela semble marqué du sceau du volontarisme et de la prise en compte d’une situation d’urgence. Mais tout est dans la mise en œuvre ; et là, nous nous apercevons rapidement que les intentions vertueuses sont contredites par les exigences d’un mode de développement qui n’en a que faire. La rentabilité du capital se soucie comme d’une guigne de la préservation de la planète.

Prenons quelques exemples. Lorsque des multinationales ferment ici des usines pour aller s’implanter dans des pays du sud, ou à l’est de l’Europe, elles le font parce que la main-d’œuvre est bon marché, mais également parce que les normes environnementales sont moins strictes, quand elles ne sont pas inexistantes ! Elles disposent donc d’un second moyen d’accroître leurs marges et la rémunération de leurs actionnaires.

Dans les pays émergents, le charbon est la principale source d’énergie. Son utilisation ne diminue pas : au contraire, elle s’accroît. Le charbon représente 30 % de la consommation mondiale d’énergie primaire, juste derrière le pétrole – 33 % –, devant le gaz naturel – 24 % – et les énergies renouvelables – 2 %. Mais sa part dans les émissions de CO2 est de 44 %, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Lors du sommet de Varsovie de novembre 2013, l’une des pierres d’achoppement avec les pays en développement résidait dans le non-respect par les pays industrialisés des engagements pris en 2009 en faveur d’une aide de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays les plus vulnérables à faire face au changement climatique et aux pertes et dommages subis à cause du réchauffement. Or, les pays concernés s’impatientent, car rien ne vient. Leur exploitation est bien trop rentable pour qu’il y soit mis fin. De nombreux choix politiques en matière énergétiques arrêtés dans l’Union européenne sont contradictoires avec les engagements pris.

Nombre de nos collègues siégeant sur ces bancs nous vantent régulièrement le modèle allemand. Eh bien, parlons-en ! Le « tournant énergétique », comme disent nos voisins d’outre-Rhin, est censé faire passer l’Allemagne sous le règne des énergies renouvelables à l’horizon 2050. En attendant, il vient de la propulser dans le fauteuil du champion d’Europe toutes catégories de la production de gaz à effet de serre, avec quelque 951 millions de tonnes de CO2 rejetées en 2013, soit 11 millions de tonnes de plus que l’année précédente.

Il faut en chercher la raison dans la formule adoptée par le gouvernement Merkel II en 2011, visant à organiser la sortie du nucléaire d’ici à 2022, ce qui a conduit à réactiver les centrales au charbon, grandes productrices de CO2. Et la dérive n’en est qu’à ses débuts, car le déploiement en grand en Allemagne d’un parc éolien soumis, par définition, au caprice du vent, conduit à doubler le dispositif de ces mêmes centrales à charbon. Le tout étant aux mains du privé, le prix moyen du kilowatt/heure oscille autour de 28 centimes d’euros, contre moins de 14 centimes en France.

Mais nous pouvons aussi balayer devant notre porte. Nous connaissons la tournure prise par le débat sur l’écotaxe poids lourds. Je ne sais pas encore ce que sera la décision du Gouvernement après les préconisations de la mission d’information de notre Assemblée, puis celles du Sénat. Je rappelle néanmoins que la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fixait pour objectif de « faire évoluer la part modale du non-routier et du non-aérien de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 » et « d’atteindre une croissance de 25 % de la part modale du fret non routier et non aérien d’ici 2012 ».

L’année 2012 est désormais derrière nous. Le fret ferroviaire continue de reculer et le « tout routier » de s’imposer. Les objectifs fixés ne sont donc que des vœux pieux. En matière d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, secteur responsable de 43 % de la consommation d’énergie dans notre pays, l’absence de volontarisme budgétaire – c’est un euphémisme – prive l’État, les collectivités territoriales et les organismes parapublics des moyens indispensables pour accélérer la construction et la rénovation énergétiques des parcs de logements sociaux et contrôler efficacement le niveau de performance énergétique réellement réalisée.

En résumé, l’Union européenne se fixe des objectifs ambitieux et salutaires mais la logique libérale dans laquelle elle est engluée contredit la possibilité de les atteindre. Il n’y aura donc pas de transition énergétique, ni de lutte contre le réchauffement climatique, si nous ne commençons pas à rompre avec le mode de développement qui a conduit aux dérèglements que nous voulons à présent juguler – encore faut-il en avoir la volonté politique ! À l’issue des élections de dimanche et du rapport de forces qui en résulte en Europe, le réchauffement climatique risque de peser bien peu sur les appétits enflammés des actionnaires.

À moins qu’exaspérés, conscients des risques pour la planète et reprenant confiance dans leur nécessaire intervention, les peuples ne s’en mêlent !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je veux commencer par remercier le groupe écologiste d’avoir choisi ce thème dans le cadre de la semaine de contrôle du Parlement, en soulignant la qualité du travail effectué par les deux co-rapporteurs, ainsi que la nouveauté de la démarche. Depuis des années, les rapports relatifs aux affaires climatiques ne cessent de s’empiler – je pense à celui qui vient d’être remis à la Maison Blanche, et qui influera peut-être de manière importante sur la position américaine dans le cadre des négociations climatiques ; ce rapport, établi par plusieurs agences fédérales à la demande du Congrès américain, se révèle plutôt alarmiste pour de nombreuses régions américaines, qu’il s’agisse du Middle West ou de la Floride.

Pour ce qui est du rapport qui vient d’être déposé par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, il s’attache à souligner des failles qu’il convient de corriger. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, la France va accueillir en 2015 la conférence Paris Climat, dite COP 21. Je pense que si notre pays veut être crédible dans ce domaine, il doit améliorer ses dispositifs, les faire vivre et leur donner une ambition nouvelle : nous serons jugés sur nos réalisations. Il faut commencer par établir le bon diagnostic et, pour cela, il me semble important que le Gouvernement se saisisse de la question de l’empreinte carbone. On constate, à la lecture du rapport remis à notre assemblée, qu’il y a à la fois une baisse des émissions de carbone et une hausse de l’empreinte carbone. Or, si nous ne partons pas du bon diagnostic, nous ne trouverons jamais la bonne solution.

Par ailleurs, l’aspect énergétique de la question devient de plus en plus important. La transition énergétique dans laquelle nous nous engageons a donné lieu à un débat d’un an et demi dans les régions, sur le plan national et même sur le plan européen. Ces deux thématiques – l’énergie et le climat –, qui ne font déjà plus qu’un sur les factures énergétiques de nos concitoyens doivent désormais être systématiquement liées : telle doit être notre ambition.

La politique climatique doit également prendre en compte deux secteurs qu’elle a, jusqu’à présent, négligé de cibler : je veux parler de l’agriculture et du transport. Pour ce qui est de l’agriculture, nous avons la chance d’avoir récemment renégocié la PAC, en évoquant notamment son verdissement ; je pense qu’il est temps d’envisager aussi l’impact climatique de l’agriculture et d’essayer de trouver des solutions. Quand on pense, monsieur le secrétaire d’État, que l’agriculture et le transport représentent à eux seuls quasiment 50 % des émissions nationales de carbone, on se demande pourquoi ces deux secteurs sont restés en dehors du ciblage des politiques climatiques, ce qui, demain, pourrait faire peser une menace sur nos activités dans ces domaines en termes de compétitivité. Comme vous le savez, en matière climatique, l’inaction ou l’action tardive coûte beaucoup plus cher que dans d’autres domaines. Demain, face à l’urgence climatique, il y a de grandes chances pour ces secteurs soient pris pour cible par le législateur – en particulier européen. Préparons-les donc dès maintenant à affronter la vague de réglementation à venir.

Nous ne pouvons évoquer l’action à mener en matière de changement climatique sans aborder la question du financement à long terme. La raréfaction de la ressource publique, jointe à la difficulté d’« embarquer », si j’ose dire, le secteur bancaire dans cette aventure, nous impose de recourir à certains acteurs, tels la Banque publique d’investissement, la Caisse des dépôts et consignations et d’autres acteurs publics, afin d’amorcer la pompe du financement. J’espère que la future loi de transition énergétique comportera un titre ou un chapitre consacré à cette question. De nombreux travaux ont d’ailleurs récemment été effectués par le programme MED sur cet aspect financier.

La simplification, qui a été et reste un engagement du Gouvernement dans de nombreux domaines, constitue également un enjeu important en matière climatique. Devenir vertueux est devenu un véritable obstacle, pour ne pas dire une punition : il faut absolument changer cela. Je pense également, comme le suggère le récent rapport de la Cour des comptes sur le coût de l’énergie nucléaire, qu’il faut enfin mettre sur un pied d’égalité les différentes sources d’énergie constituant notre mix énergétique. Je pense tout particulièrement à la référence faite par François de Rugy à l’éolien et au photovoltaïque, auxquels on impose un certain nombre d’obligations ayant pour effet de freiner le développement de ces secteurs.

Le concept de croissance verte est, lui aussi, très important. Je pense que nous devrions passer par un green New Deal au niveau européen. Après les élections européennes dont nous connaissons tous le résultat, il faut redonner de l’espoir à nos concitoyens, ce qui signifie lâcher la bride budgétaire. Sur ce point, le président Bartolone a une formule très sympathique, que je reprends à mon compte car elle me paraît tout à fait juste : « Il est plus facile de vivre avec 4 % de déficit qu’avec 4 degrés de plus ». Nous devons recourir à la manne budgétaire pour financer de grands investissements, des infrastructures, de la recherche en matière de stockage de l’énergie renouvelable, ou encore favoriser de nouveaux modes de travail comme le télétravail ou les transports durables.

Pour conclure, j’évoquerai l’aspect démocratique de la question climatique. Vous avez peut-être pu observer, durant ces longues séances de négociation ayant lieu dans le cadre des COP qui se succèdent depuis 1992, l’absence totale de référence parlementaire. Il faut mettre fin à cela, car doter ces négociations d’un outil démocratique doit faire partie de l’ambition de l’Europe – certes, il existe quelques associations volontaires, telle GLOBE, mais cela ne suffit pas.

Le réchauffement climatique est un dossier gigogne qui contient de nombreuses thématiques, notamment celle des réfugiés climatiques, que l’Europe sera, tôt ou tard, amenée à traiter. Dans quelques jours, monsieur le secrétaire d’État, vous et vos collègues allez certainement représenter la France pour le mandat de la Commission. Comme vous le savez, cette commission finissante avait, en son sein, un commissaire dédié à l’action climatique. Il me paraît très important, ne fût-ce que sur le plan symbolique, que nous conservions, dans l’intitulé de la prochaine commission, une référence à l’action climatique – peut-être en l’accolant à l’énergie, ce qui serait logique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.

M. Jean-Jacques Guillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, j’ai été heureux de rédiger avec François de Rugy le rapport qu’il a évoqué tout à l’heure. Beaucoup de choses pertinentes ont déjà été dites, et je constate l’émergence d’un certain consensus sur les solutions que contient notre rapport, en particulier sur l’une d’elles.

Je ne voudrais pas aborder le problème énergétique qui est, en définitive, un sujet certes connexe, mais différent à bien des égards de la question du réchauffement climatique : l’énergie a sa dynamique propre, quand bien même elle doit être associée à la politique climatique.

Lorsque j’entends notre collègue Leroy dire que le futur commissaire en charge du climat devrait également traiter de l’énergie, je veux rappeler que l’Europe ne s’est pas saisie de façon globale des problèmes énergétiques : c’est d’ailleurs une des difficultés qui se pose à nous. Nous avons, d’un côté, une politique climatique dirigée, pilotée par l’Europe, et de l’autre côté des politiques énergétiques inévitablement pilotées par les États. On connaît l’origine de l’Union européenne, fondée au départ sur l’énergie : il faut le rappeler, comme vous l’avez d’ailleurs fait, monsieur le secrétaire d’État. Il n’empêche que les États ont tenu à garder leur souveraineté énergétique. Je ne dis pas que cela pose un problème en soi, mais cela induit une difficulté de coordination des politiques climatiques, qui devront être inévitablement indépendantes, d’une façon ou d’une autre, de la politique énergétique.

À l’approche du débat sur le projet de loi de transition énergétique – dont nous attendons avec impatience, les uns et les autres, de connaître le contenu, monsieur le secrétaire d’État –, il est intéressant, et je remercie à mon tour le groupe écologiste d’avoir demandé la tenue de ce débat, de nous pencher quelques instants sur la politique européenne sur le climat.

Remarquons tout d’abord que, sous l’impulsion des différents présidents de la République qui se sont succédé depuis de nombreuses années, la France a fait du climat, et de l’environnement en général, un des axes de sa politique étrangère et un des fondements de son approche multilatérale des relations internationales. N’oublions pas qu’il y a un lien direct entre notre approche de la politique climatique et notre vision des relations internationales, sur le plan multilatéral.

Cela s’est manifesté clairement lors des grandes conférences sur le climat qui se sont tenues ces dernières années, – quel qu’ait été leur aboutissement, souvent peu glorieux – au cours desquelles la France a été particulièrement active.

Je me réjouis que la prochaine conférence mondiale ait lieu à Paris en 2015, quand bien même, il faut le souligner, cela s’explique par l’absence d’autres candidatures : le fait que la France ait été la seule candidate à l’organisation de cette conférence atteste un certain désintérêt d’autres pays, ce qui, j’y insiste, est regrettable.

Face à l’échec du passage à la seconde phase des accords de Kyoto, l’Europe avait décidé de poursuivre une politique exemplaire, avec l’espoir d’être suivie par le reste de la planète. Force est de constater que, malgré quelques signes, et en dépit des rapports de plus en plus alarmistes des experts du GIEC, cela n’a pas été le cas.

Certes, le système européen d’échanges de quotas a été, incontestablement, plus ou moins copié à différentes échelles – mais des échelles régionales – ou est en voie de l’être, aux États-Unis, en Australie et même en Chine. Toutefois, la perspective d’une liaison entre les différents marchés du carbone est encore lointaine, alors qu’elle est absolument indispensable.

La crise économique a mécaniquement conduit à une réduction des émissions et a eu comme effet secondaire de conforter les États réticents dans leur position. Les deux principaux pays émetteurs, Chine et États-Unis, demeurent opposés à toute politique qui briderait la croissance à court terme, les Américains estimant de surcroît que l’innovation technologique suffira à résoudre les problèmes identifiés. Au fond, personne ne met aujourd’hui sérieusement en cause la réalité du réchauffement climatique.

S’agissant d’un problème planétaire, qui ne peut être évidemment résolu qu’à l’échelle mondiale, on peut se demander si, dans sa solitude, le caractère exemplaire de la politique climatique européenne est suffisant. L’impossibilité de faire adopter un système multilatéral contraignant amène tout naturellement à considérer qu’il faut user d’autres outils. Depuis plusieurs années est engagée la réflexion sur l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union. Là aussi, la France, en 2009-2010, était moteur de ce processus. Cette taxation permettrait d’éviter le handicap que peut représenter pour notre économie – en particulier par les délocalisations – le fait de mener une démarche solitaire. Je n’insiste pas sur ce point : je crois que tout le monde, dans cet hémicycle, est à peu près convaincu.

On peut légitimement, dans ces conditions, se poser la question de savoir si la politique européenne sur le climat est adaptée à l’objectif que nous partageons tous.

Dans le rapport d’évaluation que nous avons déposé avec François de Rugy il y a une quinzaine de jours, nous constatons, à l’instar de la Cour des comptes, que la formalisation d’objectifs en termes d’émissions de gaz à effet de serre au niveau national n’est pas satisfaisante. En effet, le calcul en termes d’émissions nationales présente deux défauts : il n’incite pas les États à harmoniser leurs cibles d’efficacité énergétique et de carbone et favorise la délocalisation des productions intenses en carbone vers des pays moins exigeants.

Dans une économie mondialisée, on ne peut pas ne pas tenir compte de la réalité des échanges internationaux. Or, la notion d’émissions nationales ne tient pas compte du carbone importé. C’est pourquoi, si l’on veut apprécier fidèlement l’efficacité des politiques climatiques menées, éviter les « fuites carbone » que vous avez citées, monsieur le secrétaire d’État – c’est-à-dire les délocalisations liées aux écarts de politiques climatiques – et encourager le développement d’industries sobres en carbone dans tous les pays et non seulement en Europe, il serait préférable d’adopter une autre méthode que celle suivie actuellement. Il faudrait que l’Union européenne fixe un objectif unique – la réduction des gaz à effet de serre à l’échelle européenne – et que l’on raisonne au plan national en termes d’empreinte carbone : en effet, mesurer les émissions nationales ou l’empreinte carbone d’un pays aboutit évidemment à des résultats très différents.

Ainsi, pour la France, alors que les émissions de gaz à effet de serre produits sur le territoire national en 2005 pouvaient être évaluées à 410 mégatonnes de CO2, l’empreinte carbone s’élevait à 545 mégatonnes de CO2, puisqu’il faut ajouter les émissions liées aux importations, desquelles on retranche les émissions associées aux exportations.

En 2012, le Commissariat général au développement durable observait que le niveau moyen d’émissions avait diminué de 15 % sur le territoire national entre 1990 et 2007, alors que l’empreinte carbone avait, elle, dans le même temps, augmenté de 5 % : il y a incontestablement, de plus en plus, une distorsion entre l’évolution des émissions nationales et celle de l’empreinte carbone, qui évoluent en sens contraire.

L’adoption d’objectifs en termes d’empreinte carbone permettrait de résoudre la contradiction entre la politique climatique et la politique de croissance économique, et éviterait le télescopage, à certains égards – seulement à certains égards – entre les enjeux de sécurité énergétique et de politique climatique.

Monsieur le secrétaire d’État, je serais heureux, à l’instar de mes collègues, que le Gouvernement fasse sienne cette idée d’empreinte carbone et la défende devant la Commission et, évidemment, le Conseil européen.

M. Christophe Bouillon M. Arnaud Leroy et M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, face aux écolosceptiques et aux eurosceptiques que l’on a envoyés au Parlement européen, face à toutes celles et ceux qui pensent qu’il n’y a plus que le court terme qui compte – qu’il faut, autrement dit, régler à tout prix nos crises économiques et que l’on réfléchira ensuite aux crises environnementales – je veux d’emblée formuler la seule question que l’on devrait se poser ou, plutôt, poser à l’opinion publique : ne sommes-nous pas en train de casser le seul outil de régulation internationale susceptible d’éviter ce drame du réchauffement climatique qui s’annonce, non pas pour les générations d’après-demain mais pour celles de demain et même d’aujourd’hui, et qui sera sans doute le plus inhumain que l’on ait jamais connu, peut-être depuis des siècles ?

La France, avec l’Union européenne, a mis en place un modèle pour réguler l’économie mondiale à travers, notamment, de grands objectifs environnementaux, très clairs : je veux parler du « trois fois vingt », qui se décline, d’ici 2020, en un gain de 20 % d’efficacité énergétique, une part de 20 % d’énergie renouvelable et une diminution de 20 % de gaz à effet de serre par rapport à 1990, et cela pour nous engager vers un objectif clair, en 2050, de réduction de 80 % minimum des gaz à effet de serre – ce qu’on appelait le « facteur quatre » – sans lequel nous ne pourrons pas éviter une augmentation de la température de plus de deux degrés.

Nous pensions, à l’époque où ces objectifs avaient été définis, que la France et l’Europe étaient en capacité de les remplir : nous avons d’ailleurs commencé à le faire pour démontrer à toute la communauté internationale qu’on pouvait continuer à se développer, mais de façon humaine, en conciliant nos objectifs économiques, sociaux et environnementaux.

Que constate-t-on actuellement ? Que la machine est grippée, en France, mais aussi en Europe ; c’est ce débat que nous devons avoir aujourd’hui.

La machine est grippée en France car nous n’atteignons pas, alors que c’était possible, ces fameux « trois fois vingt ». Pour ce qui concerne l’énergie renouvelable, nous en sommes sur une trajectoire d’à peine 17 %. Nous en avons discuté avec le Syndicat des énergies renouvelables : force est d’admettre, en reprenant tous les chiffres disponibles, que si nous n’y consacrons pas davantage d’efforts, nous n’y arriverons jamais.

Il y a quelques années, les députés de la majorité que nous étions alors étaient conspués par l’opposition de l’époque, qui nous reprochait de trébucher sur l’objectif de 500 éoliennes par an et nous annonçait que nous allions revenir en arrière. Aujourd’hui, à combien en sommes-nous ? À 300 à peine. On nous avait dit que nous n’allions plus faire de photovoltaïque. Or, combien en fait-on aujourd’hui ? On n’en fait plus.

M. François de Rugy. Vous avez institué un moratoire !

M. Bertrand Pancher. On nous avait dit également qu’il fallait augmenter le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, alors que ce dernier va encore diminuer : le fonds chaleur, en particulier, est absolument insuffisant.

Il ne faut donc pas se raconter d’histoires : il n’y a plus de modèle français. Lors de la conférence environnementale, le Président de la République s’est engagé à ce que 500 000 logements anciens soient rénovés. À combien en est-on aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État ? Pas même à 100 000. Or, c’est tout de même le premier point d’accès à la transition verte, sans parler, évidemment, du transport, avec cette idée complètement folle consistant à abandonner la taxe poids lourds : sans fiscalité environnementale, on ne peut faire de régulation environnementale. Ne nous racontons pas d’histoires !

À côté de ce problème français, se pose également un problème européen : si nous n’atteignons pas tous ensemble les « trois fois vingt » pour 2020, quels seront, chers collègues, les objectifs à l’échéance de 2050 ? Cela passe par la fixation d’objectifs pour 2030. On a dit que l’on trébuchait, qu’il fallait réduire les gaz à effet de plus de 40 % d’ici à 2030 ; c’est ce qu’a soutenu le Président de la République lors de la dernière conférence environnementale, en précisant qu’il fallait viser au minimum 50 % de réduction des émissions sur le territoire européen en 2030.

Entre aujourd’hui, 2020 et 2050, il y a l’étape intermédiaire de 2030. La seule question à se poser est donc de savoir quels objectifs on se fixe, sur le plan européen, pour faire en sorte que l’on puisse continuer à éclairer le monde et à rendre possible le facteur quatre en 2050.

M. François de Rugy et M. Jacques Krabal. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’ajouter à tout ce qui vient d’être dit, avec cette belle unanimité ? Certes, on aurait pu souhaiter que l’assistance ait été plus nombreuse.

Permettez-moi de rappeler un certain nombre de choses. Au lendemain des élections européennes qui ont marqué la défiance des peuples quant à la capacité de l’Union à répondre aux grands enjeux qui les préoccupent, ce débat est essentiel, car, comme on le constate, il s’agit des bases d’une culture désormais partagée.

L’Europe doit se donner pleinement les moyens de lutter contre le réchauffement climatique, dans toutes ses dimensions, qu’elles soient sociales, économiques, industrielles et écologiques, car ce défi peut être une chance pour l’Europe de se réorienter, de structurer des filières, de régénérer son parc industriel, de créer des emplois nombreux et stables, donc de créer de la prospérité tout en préservant la planète pour les générations futures.

Il y a urgence, tous nos collègues l’ont souligné : il existe, de fait, une volonté commune, dans notre assemblée, de faire avancer les choses. L’urgence est attestée par le dernier volet du cinquième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié le 31 mars dernier, qui confirme l’échec des politiques publiques mises en œuvre jusqu’à présent : les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record et leur croissance n’a jamais été aussi rapide. Comme certains orateurs l’ont déjà souligné, à ce rythme, le seuil des deux degrés supplémentaires – qui est l’objectif international réitéré lors des conférences successives des Nations unies sur le climat – sera franchi dès 2030.

Les conséquences du réchauffement climatique sont donc déjà tangibles, et les risques pour l’avenir sont considérables.

Je vous livre ici une liste qui n’est, hélas ! pas une liste à la Prévert : des événements météorologiques extrêmes, tels que les sécheresses ou les pluies diluviennes, se produisent tous les jours, un peu partout dans le monde ; une hausse du niveau des mers et une insécurité alimentaire exacerbée, dont nous pourrions énumérer de très nombreuses illustrations ; une augmentation des conflits, fortement liée notamment au manque d’eau ; des menaces accrues sur la santé publique ; des risques d’extinction d’espèces encore accentués, des écosystèmes marins cruciaux menacés et une hausse de la mortalité des arbres dans de nombreuses régions. Ces arbres pourraient constituer le symbole des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique et la reforestation, vous le savez, est un enjeu fondamental. Il convient de le souligner car on n’en parle pas assez, alors que les puits de carbone sont d’abord là. Il est donc urgent d’arrêter le massacre !

Tous les secteurs économiques – énergie, transport, habitat, agriculture – sont touchés, tous doivent contribuer. Ils doivent faire leur révolution, en commençant par réaliser de rapides progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique ; vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, à l’instar de nous tous dans cet hémicycle.

Le coût économique et humain de l’inaction n’est toujours pas évalué à sa juste mesure, à l’échelle tant nationale qu’européenne ou internationale.

À l’échelle européenne, le 22 janvier dernier, un cap a été fixé pour 2030 : la Commission européenne a appelé l’Union à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et elle propose aussi une économie décarbonée. Je voudrais à cet égard rassurer le dernier de nos collègues qui s’est exprimé : sur l’idée d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, un groupe de travail, dont mon collègue Arnaud Leroy et moi-même faisons partie, est à l’œuvre au sein de notre commission. Nous allons essayer de faire avancer ce sujet auprès des parlementaires. L’exécutif fera bien entendu de même.

C’est un premier pas, mais il est insuffisant. Il faut parvenir à une réduction d’au moins 55 % des émissions par rapport à 1990 si l’Union veut tenir son engagement d’une baisse de 85 % à 90 % d’ici à 2050. L’objectif de 27 % pour les énergies renouvelables, sans clé de répartition nationale, est très en dessous du potentiel fantastique de ce secteur, estimé à au moins 45 % du mix énergétique à l’horizon de 2030. En outre, on ne peut que regretter l’absence d’objectif contraignant sur l’efficacité énergétique.

Au-delà de ces actions, c’est tout notre modèle énergétique qui est à revoir. L’Europe, qui a su faire l’Airbus, doit pouvoir se lancer dans ce nouveau chantier et s’engager dans une nouvelle phase énergétique. Soulignons, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, l’initiative franco-allemande qui associe l’ADEME et la DENA, l’Agence allemande de l’énergie, les organismes de recherche des deux pays, la CDC et son équivalent allemand, la KFW, l’Établissement de crédit pour la reconstruction.

Nous pouvons favoriser l’émergence d’une nouvelle politique industrielle de l’Europe, celle de l’énergie ; encore faut-il en avoir la volonté politique et dégager les moyens financiers pour la mettre en œuvre. La France pourrait ainsi proposer de lancer, à l’échelle de l’Union, un grand plan Marshall de la transition énergétique, soutenu par des investissements chiffrés ; les emplois suivront. Ce serait un engagement fort et clair.

La France aura en 2015, beaucoup d’entre nous l’ont rappelé, la responsabilité d’accueillir la conférence internationale sur le climat. C’est un enjeu majeur pour notre pays et pour la crédibilité de la politique européenne en matière de lutte contre le changement climatique ; c’est fondamental.

La communauté internationale s’est donnée comme objectif d’y sceller l’accord le plus ambitieux jamais conclu pour lutter contre le réchauffement climatique. Notre assemblée doit prendre toute sa part dans cet effort. C’est l’objet notamment du groupe de travail dont les commissions du développement durable, des affaires étrangères et des affaires européennes ont décidé conjointement la mise en place. Sachons être collectivement à la hauteur de nos responsabilités, y compris pour redonner confiance dans la capacité de l’Europe à répondre à un tel défi.

Je tiens à souligner que des pistes concrètes ont été données par nos deux collègues, MM. de Rugy et Guillet. Ces discours n’auront en effet pas de sens si des engagements concrets ne répondent pas aux urgences d’aujourd’hui et aux enjeux vitaux de demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, UMP et UDI.)

M. le président. Nous en venons maintenant aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes sans droit de réplique.

Nous commençons par le groupe RRDP.

La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le secrétaire d’État, sur la question de la lutte contre le réchauffement climatique, dont nous venons de débattre largement, l’Europe doit tenir sa place, et doit même faire plus que cela. Cependant, la véritable question qui touche nos concitoyens est celle de l’adaptation au changement climatique et de la protection des citoyens français et européens. Comment sommes-nous organisés, en France et en Europe, pour faire face à tous ces aléas climatiques ?

Farmers Insurance, un assureur américain filiale du géant Zurich Insurance Group, vient d’intenter une série de recours collectifs contre la ville de Chicago et deux cents municipalités de l’Illinois, au motif que celles-ci seraient responsables, selon lui, de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire face au changement climatique de la planète. Monsieur le secrétaire d’État, comment l’Europe et la France se préparent-elles à faire face à ces risques majeurs que le réchauffement climatique induit ? Quelles mesures de prévention des aléas sont déjà mises en œuvre ?

Je conclurai par une citation, non pas de Jean de La Fontaine, cette fois-ci, mais d’Émile de Girardin : « Gouverner, c’est prévoir. Ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte. »

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Jacques Krabal, je vous remercie de votre intervention et de cette question très importante à laquelle il faut en effet que l’Union européenne soit en mesure de répondre.

Celle-ci a, comme vous le savez, mis en place une série de dispositions de secours qui ont été activées récemment à l’occasion des inondations qui ont touché plusieurs pays dans les Balkans, en particulier un pays membre, la Croatie, mais aussi, plus fortement encore, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, pays bénéficiant de la politique européenne de voisinage.

En recevant son homologue serbe la semaine dernière, le Président de la République a ainsi pu confirmer que la France apportait et apporterait évidemment toute sa contribution à la mobilisation européenne en nature – beaucoup d’États membres ont déployé sur place des pompiers, des forces de sécurité civile – et au travers du Fonds de solidarité, de l’aide humanitaire, et des fonds versés au titre de l’aide de préadhésion. La capacité à venir en aide dans des situations d’urgence en mobilisant des dispositifs européens existe donc aujourd’hui.

Vous avez néanmoins raison de dire que, dans le cadre de la discussion actuelle sur le paquet énergie climat, il serait bon que la Commission saisisse le Conseil et le Parlement européen de propositions cadres pour que chacun des États membres soit à même de mettre en place des dispositifs de secours aux citoyens, aux entreprises, aux territoires qui peuvent être affectés par le changement climatique.

La meilleure réponse, évidemment, c’est la prévention par la mise en œuvre, à l’échelle tant européenne qu’internationale, des dispositions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin d’empêcher que la température n’augmente de plus de deux degrés ; c’est le cœur de notre débat.

M. le président. Nous en venons au groupe écologiste.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une longue expérience du Parlement européen puisque vous y avez siégé pendant de nombreuses années. Vous savez qu’il y a actuellement un débat européen sur les nouveaux objectifs du paquet énergie climat, une appellation qui n’est pas extrêmement parlante pour nos concitoyens. Il s’agit de relever à la fois le défi de l’énergie et celui du dérèglement climatique, deux urgences concomitantes. Nous avons surtout, les uns et les autres, insisté sur le dérèglement climatique, nous avons un peu moins parlé de l’énergie. La crise ukrainienne vient cependant aussi nous le rappeler, assez brutalement parfois.

Sur le changement climatique, on peut dire que l’Europe a pris un peu d’avance par rapport aux autres grandes puissances, qu’il s’agisse des États-Unis d’Amérique, qui ont toujours été à la traîne, ou des pays émergents qui, comme la Chine, ont toujours considéré jusqu’à présent que ce n’était pas leur priorité.

C’est incontestablement une opportunité économique. Je m’appuierai sur un seul chiffre : actuellement, l’Union européenne détient au total 40 % de l’ensemble des brevets dans le domaine des énergies renouvelables, soit plus que les États-Unis.

Le Gouvernement français appuiera-t-il dans les négociations à l’échelle européenne, notamment avec la nouvelle Commission, un paquet énergie climat ambitieux, notamment sur la base des recommandations du Parlement européen ? En effet, il y a dans ce domaine comme dans d’autres, disons-le, un bras de fer entre la Commission et le Parlement européen, celui-ci ayant été, jusqu’à présent, plus ambitieux que celle-là.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le président François de Rugy, je vous remercie de cette question très importante. Nous sommes en effet, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, au début d’un cycle de discussion et de négociation entre les États membres, dont nous souhaitons qu’il permette d’avancer très rapidement.

Je tiens tout d’abord à saluer le rapport que Jean-Jacques Guillet et vous-même avez présenté : les réflexions et analyses qu’il contient sont d’une grande qualité et aident à déterminer précisément les clés qui conditionnent la réussite de cet engagement européen, de ce paquet énergie climat.

Si nous voulons être en mesure de donner les indications nécessaires à chaque État membre, aux acteurs économiques, aux collectivités locales pour être prêts à s’engager réellement dans cette réduction massive des émissions de gaz à effet de serre – 40 % – et dans cette montée en puissance des énergies renouvelables, si nous voulons que l’Europe continue à être un continent leader dans ce domaine et qu’elle donne l’impulsion nécessaire à la réussite de la grande conférence Paris Climat 2015, il faut que, dès le Conseil européen de juin prochain, les États membres se prononcent sur les propositions de la Commission.

Nous comptons bien sur l’engagement fort du nouveau Parlement européen et de la nouvelle Commission européenne ; les auditions des candidats commissaires désignés qui auront lieu pendant l’été et à l’automne seront, de ce point de vue, importantes. Nous passons actuellement notre temps à convaincre nos homologues qu’il faut avancer à la fois sur la question énergétique – sécurité de nos approvisionnements, investissements dans les réseaux et les technologies – et sur la question climatique pour être à la hauteur du défi du changement climatique.

Vous pouvez donc compter sur notre pleine mobilisation et sur le fait que nous nous appuierons sur le nouveau Parlement européen et la nouvelle commission pour faire avancer un accord ambitieux entre les vingt-huit États membres.

M. le président. Nous en venons au groupe GDR.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le secrétaire d’État, l’Union européenne s’est dotée en 2008 d’un paquet énergie climat avec l’objectif d’atteindre d’ici à 2020 une réduction de 20 % des d’émissions de gaz à effet de serre, une amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique et une part de 20 % d’énergies renouvelables.

La Commission de Bruxelles vient de présenter une nouvelle série d’objectifs pour 2030 : réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée à 40 %, part des énergies renouvelables portée à 27 %, maintien à 20 % de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Je suis pour le volontarisme, mais, en l’occurrence, ne sommes-nous pas dans l’effet d’affichage plus que dans l’action concrète ? Pouvez-vous nous donner un bilan succinct des résultats obtenus depuis le paquet de 2008 ?

J’étais au sommet de Varsovie en novembre 2013, où 195 États étaient représentés. Il s’agissait d’une étape avant le sommet de Paris de 2015. Il en est sorti peu de chose, car il apparaît que les pays développés n’entendent pas accepter des règles contraignantes. Comment la France entend-elle aborder ce sommet de Paris pour qu’il ne débouche pas à nouveau sur des vœux pieux ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Patrice Carvalho, je vous remercie de cette question, qui comporte deux volets : vous souhaitez savoir, d’une part, où nous en sommes de la réalisation des objectifs qui avaient été fixés dans le paquet énergie climat en 2008, et, d’autre part, comment nous allons faire en sorte que la conférence Paris Climat 2015 soit un succès.

Je commencerai par répondre au sujet de la réalisation des objectifs, qui sont au nombre de trois. La réduction des émissions de CO2, qui devait être de 20 % à l’horizon de 2020 par rapport au niveau de 1990, est déjà de 18,3 % en Europe et de 13 % en France. Notre pays avait cependant des émissions moins élevées au départ, car la part de l’énergie nucléaire dans notre mix énergétique fait que nous émettons moins de CO2. Nous devons cependant tenir cet objectif, ce qui nécessite d’être au rendez-vous s’agissant des deux autres.

Le deuxième objectif est d’atteindre 20 % d’énergies renouvelables. L’Europe est aujourd’hui à plus de 14 %, la France à 14,3 %. Nous sommes donc en passe d’atteindre cet objectif, qui contribuera à réaliser le premier.

S’agissant des économies d’énergie, la Commission a prévu une revue du dispositif le mois prochain. Nous disposerons donc très vite des chiffres précis, mais on peut déjà affirmer que le plan de rénovation des logements pour réduire la consommation d’énergie, et donc la facture d’énergie des ménages, est en bonne voie. Des dispositifs ont été annoncés par le Président de la République et sont mis en œuvre par le Gouvernement ; nous devrons et nous pourrons donc tenir ces objectifs.

Même si je comprends votre question – puisque nous sommes déjà les premiers dans le monde, pourquoi s’engager maintenant à une réduction de 40 % d’ici à 2030 ? –, nous pensons que c’est réalisable et surtout que c’est nécessaire : ce n’est plus une option mais une véritable obligation, au regard notamment du récent rapport du GIEC, mentionné par plusieurs des orateurs. C’est en poursuivant sur la voie de la réalisation des premiers objectifs, ceux de 2020, que nous voulons atteindre en 2030 l’objectif de 40 % de réduction et de 27 % d’énergies renouvelables. En effet, quand on engage ce processus, l’innovation elle-même fait un bond en avant. Pensez par exemple aux moteurs automobiles : les moteurs consommant deux litres aux cent kilomètres sont à notre portée grâce aux véhicules hybrides et au développement de l’électrique. Il faut donc tenir ces objectifs et faire en sorte que nos industries, nos modes d’habitat soient pionniers dans tous ces domaines.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’opportunité d’une harmonisation de la fiscalité carbone à l’échelle européenne par la voie de la coopération renforcée. En effet, l’urgence du réchauffement climatique avance à grands pas, comme vient de le confirmer le GIEC dans son cinquième rapport. Or, malgré les objectifs de réduction des gaz à effet de serre portés à l’échelle européenne et planétaire, les moyens restent insuffisants par rapport à la taille des enjeux. Deux événements majeurs seront décisifs dans les prochains mois : le Conseil européen pour l’adoption du paquet énergie-climat à l’horizon 2030 et la COP 21 au cours de laquelle l’Europe jouera la crédibilité de son leadership environnemental.

Je suis persuadé, étant donné la globalité des enjeux, que seule une action concertée entre les États peut mener à des réalisations concrètes. Le bloc européen, première puissance économique mondiale, doit continuer à servir de locomotive. Or nous avons constaté dernièrement les défauts de la mise en place du marché des permis d’émission carbone, qui ne couvre pas la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’Europe, ainsi que certains l’ont rappelé avant moi. Réformons-le et réfléchissons à des solutions alternatives et complémentaires. Nous pouvons ainsi nous réjouir des initiatives prises par les États qui ont permis la mise en place de taxes carbone nationales, dont on constate déjà les effets positifs. En effet, celles-ci s’appliquent aux émissions non couvertes par les quotas et ont déjà incité à un changement des comportements dans les pays précurseurs. Six pays ont adopté ces dispositifs : la Suède, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, le Royaume-Uni et la France, avec la récente mise en place de la contribution climat-énergie ; mais ce n’est qu’un début.

Soyons réalistes : l’unanimité nécessaire à la mise en place d’une taxe carbone à l’échelle de l’Union européenne est encore aujourd’hui hors de portée. En même temps, soyons ambitieux : nous avons bien réussi à adopter le mois dernier une résolution actant la mise en place de la première taxe sur les transactions financières avec onze de nos partenaires européens, grâce à la procédure de la coopération renforcée. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, ne peut-on imaginer une coopération renforcée pour la mise en place d’une harmonisation de la fiscalité carbone européenne ? Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, au regard de la législation européenne, des règles de l’OMC et de la volonté politique de la France, si cette solution est envisageable afin d’engager rapidement la transition énergétique européenne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Christophe Bouillon, je vous remercie pour cette question. Je pense en effet que, à côté de la nécessité évoquée par plusieurs orateurs de réformer le système ETS – Emission Trading Scheme, ou système d’échange de quotas d’émissions – pour qu’il fonctionne mieux, nous pouvons de façon complémentaire réfléchir à une taxe carbone au niveau européen ; une proposition en ce sens a d’ailleurs été présentée au Conseil de l’Union européenne en 2011. Vous l’avez souligné, l’une des difficultés est que cette matière requiert un accord à l’unanimité des Vingt-huit ; or, comme cela a été le cas pour d’autres sujets liés à la fiscalité, il est difficile, a priori, de compter sur l’accord de l’ensemble des États membres. Néanmoins nous devons continuer à faire des efforts pour rassembler le maximum de pays de l’Union européenne autour de ce projet et, s’il le faut, être prêts à utiliser le mécanisme de la coopération renforcée. En matière de fiscalité, il vient enfin de déboucher sur un accord concernant la taxe sur les transactions financières, qui sera mise en œuvre d’ici au 1er janvier 2016 et qui apportera d’ailleurs des financements tant pour des politiques européennes que pour des politiques de solidarité internationale.

C’est également par le mécanisme de la coopération renforcée que nous sommes en train d’œuvrer à la création du parquet européen : il apparaît en effet qu’un certain nombre d’États membres ne souhaitent pas y prendre part mais qu’une majorité, largement au-delà du seuil nécessaire pour une coopération renforcée, souhaitent que nous puissions mettre en place ce parquet financier européen. Je pense donc que, en matière de taxe carbone au sein de l’Union européenne, en complément de mécanismes tels que celui que vous avez rappelé sur la contribution énergie-climat, ou d’autres mis en œuvre dans les pays nordiques, nous pourrions effectivement aller dans la voie de l’utilisation de cette coopération renforcée.

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour une seconde question.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’état d’avancement de la création de l’Europe de l’énergie qu’a appelée de ses vœux à plusieurs reprises le Président de la République et dont vous vous êtes fait l’écho tout à l’heure. Le groupe socialiste se réjouit de la déclaration commune du Président de la République et du Premier ministre polonais, le 24 avril dernier, qui a réaffirmé la nécessité de la création d’une Union énergétique européenne.

Trois raisons majeures appellent une accélération du processus d’intégration énergétique européenne. La première est de restaurer la compétitivité et la solidarité énergétiques à l’échelle de l’Europe. En effet, aujourd’hui, le panorama énergétique de l’Europe ressemblerait presque à un tableau impressionniste, dont on a parfois du mal à comprendre la cohérence mais dont on peut saisir la portée. Et pourtant, ce sont justement les différences de nos modèles énergétiques qui permettraient une complémentarité efficace ainsi qu’une diversification de nos sources énergétiques. Cette diversification est la garantie d’une meilleure allocation des ressources et de la baisse des prix de l’énergie.

La deuxième raison tient à la situation ukrainienne, que vous avez rappelée dans vos propos. Cette situation est intenable pour la sécurité des approvisionnements en gaz de l’Union européenne étant donné les intentions parfois mal connues de la Russie. Encore une fois, seule une réponse européenne peut garantir à l’Ukraine et à l’Union tout entière la sécurité énergétique.

La troisième raison, et non la moindre, est l’urgence climatique. Je ne rappellerai pas tout ce qui a été dit sur l’urgence de la situation ni le cri alarmant que l’on peut lancer. Les objectifs européens sont ambitieux en la matière ; c’est justement une réponse européenne cohérente qui nous permettra de lutter contre notre dépendance aux énergies fossiles. Pour cela, il faut favoriser la montée en puissance des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, l’efficacité énergétique, notamment dans le secteur du bâtiment, et le développement de la mobilité propre. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, où en est-on de l’engagement du Président de la République de créer une Communauté européenne de l’énergie ? En quoi celle-ci contribuera-t-elle à la lutte contre le changement climatique en Europe et à la transition énergétique française et européenne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député, comme vous l’avez souligné, la rencontre du 24 avril entre le Président de la République François Hollande et le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a permis de donner une impulsion décisive à laquelle nous avons immédiatement associé, dans le format « Weimar », l’Allemagne, avec laquelle nous travaillons en outre sur les propositions permettant de donner naissance à une Union énergétique, ou Communauté européenne de l’énergie. J’insiste sur ce premier point, que vous avez vous-même soulevé, car ce sujet doit être totalement lié et imbriqué aux exigences de lutte contre le réchauffement climatique. Il ne faut pas opposer la nécessité de répondre aux deux enjeux d’un même pas : nous devons, d’une part, lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, diminuer l’empreinte carbone, la dépendance aux hydrocarbures, faire monter en puissance de nouvelles ressources et sources d’énergie et, d’autre part, assurer la cohésion européenne dans la politique énergétique.

Cette Union énergétique portera tout à la fois sur les infrastructures, en particulier sur la connexion entre les différents pays dans tous les domaines – électricité, gaz ; il y a donc des investissements très importants à réaliser – ; sur la solidarité, notamment dans les approvisionnements, par exemple grâce à des achats groupés ou à la mobilisation des réserves en cas d’urgence ; sur la dimension externe, qui est liée, avec la diversification des approvisionnements et la capacité de négociation en commun ; sur l’exploitation des sources indigènes, en privilégiant pour notre part les énergies non polluantes et renouvelables. Il n’existe pas, certes, de règle interdisant à tel ou tel État membre d’utiliser des gaz de schiste ou de faire de la prospection pour en trouver, mais l’avenir, si l’on veut combiner l’indépendance énergétique et les enjeux du changement climatique, consiste plutôt à développer la géothermie, le solaire, la biomasse, l’éolien, les énergies marines et, par conséquent, à développer les technologies, les capacités industrielles, les alliances permettant à tous les pays d’utiliser ces ressources plutôt que de continuer à utiliser le charbon ou d’explorer des gaz de schiste.

Voilà la mobilisation qui est aujourd’hui la nôtre ; voilà l’un des enjeux de la discussion du paquet énergie-climat : d’un côté, c’est l’objet de notre discussion, s’engager dans un premier temps sur la feuille de route proposée par la Commission – une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, 27 % d’énergies renouvelables – et, de l’autre côté, engager les grands choix d’investissements, d’infrastructures et d’industries qui nous permettront de bâtir l’Europe énergétique.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Les conclusions du cinquième rapport du GIEC posent un constat alarmant : si aucune mesure n’est prise rapidement pour réduire les émissions de C02, la hausse des températures pourrait se situer entre 3,7 et 4,8 degrés en 2100. Il y a donc, mes chers collègues, urgence à agir.

Dès la signature du Protocole de Kyoto en 1997, l’Union européenne s’est fixé des objectifs ambitieux face au changement climatique. Elle s’est ainsi engagée, puis elle a atteint l’objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport au niveau des années 1990. Par la suite, elle a obtenu la prolongation du Protocole de Kyoto jusqu’en 2020. En parallèle de l’implication forte de l’Union européenne dans les grandes négociations internationales sur le climat comme à Kyoto, Doha ou lors de la conférence Rio+20, les vingt-huit États membres ont adopté un paquet énergie-climat exhaustif. Lancé en 2008, il fixe l’objectif ambitieux des « 3x20 » à atteindre d’ici 2020 : une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ; une amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique et une part de 20 % des énergies renouvelables.

Par la suite, la Commission européenne a lancé, en janvier dernier, la négociation du prochain « paquet énergie-climat 2030 » qui contient notamment une diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et une part des énergies renouvelables fixée à 27 % d’ici 2030. Toutefois, des désaccords entre certains États membres ont peu à peu émergé. Initialement prévu les 20 et 21 mars 2014, le débat au sein du Conseil européen a été repoussé à une date ultérieure, sans doute à l’automne.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de notre assemblée a mis en place une mission d’information – mission que j’ai l’honneur de présider et dont le président de séance est d’ailleurs membre – sur les conséquences du changement climatique. Alors que la France accueillera en 2015 la vingt et unième Conférence des Nations unies sur le climat, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer quant aux objectifs que la France s’est fixés dans le cadre des négociations de ce futur grand rendez-vous international ? Pensez-vous que le retard dans les négociations du paquet énergie-climat européen puisse avoir des conséquences sur la conclusion d’un accord ambitieux en 2015 ? Enfin, je profite de cette question pour vous demander également si vous pouvez nous donner des éléments de calendrier sur la grande loi relative à la transition énergétique, qui aura forcément des incidences sur la lutte contre le réchauffement climatique dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Martial Saddier, vous soulevez la question très importante de la capacité de l’Union européenne à prendre des décisions dans un calendrier lui permettant de donner l’impulsion tant aux États membres qu’à la communauté internationale en vue de la COP 21. La Commission a présenté ses propositions le 22 janvier et le Conseil européen a débattu en mars de ces propositions, même s’il n’avait pas à prendre de décisions. Dans ses conclusions, il a toutefois fixé comme échéance de prendre une décision au plus tard au moment du Conseil européen d’octobre. C’est pourquoi vous avez raison de souligner qu’il est absolument indispensable que les États membres se prononcent dès maintenant sur le fond des propositions, d’où notre insistance pour que, dès le Conseil européen de juin qui sera consacré à d’autres sujets – la désignation du candidat à la présidence de la Commission européenne, ainsi que certaines autres grandes questions de l’actualité internationale –, se tienne déjà une discussion de fond, que nous préparons activement, dans nos contacts avec nos partenaires, afin que chacun se prononce sur le partage de l’effort et sur la façon dont on peut s’engager précisément sur les objectifs de 40 % de réduction et de 27 % d’énergies renouvelables.

C’est absolument indispensable si nous voulons mettre en route cette nouvelle dynamique au sein de l’Union et être prêts pour la COP 21. Notre objectif pour cette conférence est que la communauté internationale, contrairement à ce qui s’est passé lors de la conférence de Copenhague, puisse prendre des engagements et passer un accord sous la forme d’un traité, comme ce fut le cas au terme de la conférence de Kyoto. Ainsi nous pourrons enrayer la hausse des températures et le réchauffement climatique qui provoque les cataclysmes et l’ensemble des risques qu’ont rappelés les orateurs précédents.

Quant à la loi de transition énergétique, elle sera présentée en Conseil des ministres avant l’été, de telle sorte que le Parlement en sera très rapidement saisi.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le secrétaire d’État, dans une lettre du 6 janvier, les ministres de l’environnement et de l’énergie français, britannique, italien et allemand avaient clairement affiché leur unité en se déclarant favorables à l’objectif d’une réduction de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

La Commission européenne a ensuite proposé un avant-projet de paquet énergie-climat pour 2030 dans lequel figurait certes un objectif sur les gaz à effet de serre, mais qui ne fixait pas d’objectif contraignant en matière de pourcentage d’énergies renouvelables, avec une cible à au moins 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Il s’avère qu’effectivement il existe une forme de tension entre ces deux objectifs. D’ailleurs, le Royaume-Uni est hostile à l’idée d’un objectif contraignant en matière d’énergies renouvelables, tout en ayant signé la lettre du 6 janvier. L’Allemagne, quant à elle, est favorable à la fixation d’un pourcentage d’énergies renouvelables dans ce futur paquet énergie-climat.

Mais il faut bien voir que l’Allemagne, qui a fait le choix d’une augmentation massive des énergies renouvelables, a constaté une hausse des gaz à effet de serre. En d’autres termes, la diminution trop massive du nucléaire et l’augmentation trop massive de la production d’énergies renouvelables, mal contrôlées, ne produisent pas mécaniquement de diminution des émissions de gaz à effet de serre, pour la simple et bonne raison qu’il faut ensuite équilibrer un réseau menacé par l’intermittence des énergies renouvelables avec des importations de charbon, qui se retrouvent dans l’empreinte carbone de l’Allemagne.

La France, de ce point de vue, évoque un pourcentage massif d’énergies renouvelables puisque Ségolène Royal a fait mention d’un objectif de 40 % d’énergies renouvelables en 2025 lors d’une audition parlementaire le 20 mai dernier. Cet objectif d’énergies renouvelables n’est pas forcément conciliable avec l’objectif de réduction des gaz à effet de serre que nous nous donnons, et je souhaite savoir quelle sera la position de la France lors des négociations à venir : allez-vous imposer un objectif national d’énergies renouvelables dans le paquet énergie-climat, et allez-vous militer pour un objectif contraignant d’ENR au niveau européen ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Aubert, vous soulignez la particularité que pose la montée en puissance des énergies renouvelables : le problème de l’intermittence. Certaines de ces sources d’énergie, en particulier l’éolien et le solaire, peuvent ne pas être toujours disponibles. Cela impose de prévoir des énergies de substitution et des capacités de production pendant ces intermittences. Un certain nombre d’États membres ont tendance à utiliser dans ce cas le charbon, ce qui est effectivement préoccupant, et nous notons une diminution de l’équipement en centrales à gaz, qui sont moins polluantes et qui offrent le complément le plus adapté pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité sans pour autant augmenter les émissions de gaz à effet de serre.

Nous pensons que ce problème doit être traité, mais il n’en demeure pas moins que le recours aux énergies renouvelables est absolument indispensable si nous voulons répondre aux enjeux climatiques et transformer notre politique énergétique, parce que la question de l’épuisement des ressources fossiles et d’une chute de productivité se posera à terme, et parce qu’il faudra régler le problème du réchauffement climatique.

Il vaut mieux nous donner aujourd’hui la capacité de développer les technologies, les filières industrielles et organiser le réseau électrique par un mix énergétique s’appuyant sur les énergies renouvelables et les autres sources d’énergie que de renoncer à la montée en puissance des énergies renouvelables. Nous comptons donc bien qu’une fois que l’objectif aura été fixé au niveau communautaire, chacun des États membres s’engage lui-même sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Le point de départ de cette discussion est la proposition de la Commission européenne qui invite les États membres à discuter du partage de l’effort. Si un objectif de 27 % est fixé pour toute l’Union, je pense que le point de départ de la discussion doit être que chaque État soit en mesure de fournir 27 % d’énergie renouvelable.

M. le président. Nous en revenons comme prévu aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Peut-être me permettrez-vous, monsieur le président, de combiner mes deux questions en une seule ? J’avais, lors de mon intervention, fait mention d’un dossier gigogne concernant les changements climatiques.

Je reviens sur la question des réfugiés climatiques. Pour certains observateurs, la guerre au Soudan a été une première manifestation de ce que certains appellent les conflits climatiques, avec des déplacements massifs de population.

M. Bertrand Pancher. C’est vrai !

M. Arnaud Leroy. Au regard de la réalité de certains pays comme le Bangladesh ou d’autres États proches de deltas de grands fleuves, je crois qu’il conviendrait dès maintenant de mener une réflexion allant au-delà des cercles universitaires ou humanistes qui sont déjà impliqués sur cette question. Dans le passé, nous avions déjà réfléchi à la possibilité d’une extension des Conventions de Vienne. La France s’honorerait de lancer une réflexion à l’échelle étatique sur cette thématique.

La question des réfugiés climatiques m’amène à un deuxième point : le financement. La France, via son agence de développement, a réorienté son aide au développement en direction de programmes liés au développement durable, et notamment aux énergies renouvelables et à la lutte contre le réchauffement climatique sous son aspect adaptation. Monsieur le secrétaire d’État, la France, au-delà de prendre la mesure des réels besoins et d’enfin atteindre un niveau d’aide au développement de 0,7 % de son PIB, va-t-elle également proposer une démarche collective sur cet aspect au niveau européen ? L’Union pour la Méditerranée serait un véhicule intéressant pour nos partenaires d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne.

Enfin, je souhaite soulever la question du fonds vert. Le financement de l’adaptation est un sujet bloquant depuis de nombreuses conférences des parties. Il faudrait que l’on sache, au-delà du choix déjà acté de fixer le siège du fonds en Corée du Sud, où nous en sommes concernant l’abondement de ce fonds, qui doit atteindre à 100 milliards de dollars chaque année. Comment arriverons-nous à une enveloppe significative ? Quelle est-elle aujourd’hui et comment l’Europe compte-t-elle, dans la situation de difficulté budgétaire qui est actuellement la sienne, contribuer à ce fonds à la hauteur de ses obligations ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député Leroy, l’Organisation des Nations unies a évalué à environ 200 millions le nombre de réfugiés climatiques en 2050 si rien ne change et si l’on continue à laisser la température augmenter, les inondations, les tempêtes et les désastres se développer. Évidemment, ces désastres ont des conséquences bien plus dramatiques dans les pays tels que le Soudan et les régions pauvres que vous avez citées que dans nos propres pays, même si nous avons nous-mêmes vécu l’expérience de ces drames. Des millions de personnes sont donc concernées, et cela devient une priorité majeure pour le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Si l’on laisse les choses suivre leur cours, il y aura davantage de réfugiés climatiques que de réfugiés politiques ou de personnes fuyant les guerres civiles ou les dictatures.

C’est donc un enjeu absolument majeur, et pour la première fois, cette question a été débattue lors du sommet UE-Afrique du 2 avril dernier. C’était la première fois que ce point figurait à l’ordre du jour des discussions avec nos amis africains, même si l’on sait que ces sommets sont toujours marqués par les priorités de la coopération, du développement, des enjeux de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Il y a une prise de conscience partagée à l’échelle internationale de cet enjeu des réfugiés climatiques.

Cet enjeu est l’une des raisons pour lesquelles il nous faut un accord mondial et pour lesquelles on ne peut pas se contenter de constater que les choses sont compliquées et difficiles. On le voit dans la discussion : il faut que l’Europe elle-même soit totalement motivée, déterminée, et démontre que puisqu’elle a été pionnière, elle est capable de prendre les engagements qui permettent de maintenir le réchauffement à moins de deux degrés afin de pouvoir engager la discussion en position de force avec les grands pays émergents. La Chine, le Brésil et l’Inde ont eu tendance à se placer en retrait lors des dernières conférences en déclarant que leur priorité était le développement. Mais il ne pourra pas y avoir de développement si l’on ne répond pas à ces dangers du changement climatique.

Évidemment, il faut aussi que les États-Unis s’engagent. Le débat a évolué ces dernières années, en tout cas le président Obama a reconnu qu’il s’agissait d’une priorité, mais il faut également que le Congrès aille dans cette direction. Les États-Unis, qui sont l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, doivent aussi prendre part à un accord.

Cela passera par le fait d’abonder le fonds vert. C’est un engagement qui a été pris pour financer la transition dans les pays les plus pauvres, et c’est aussi un des enjeux de la COP 21. Un engagement commun, international, des grands pays industrialisés comme des pays émergents sur la réduction des gaz à effet de serre et la transition énergétique, ainsi que l’abondement du fonds vert, voilà les deux grands sujets qui seront à l’ordre du jour de la COP 21.

M. le président. Nous en venons au groupe UDI.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. En 1935, en quelques semaines, Jean Giraudoux écrivait La guerre de Troie n’aura pas lieu. Il prévoyait, comme beaucoup d’observateurs, la Seconde Guerre mondiale. En 1935, il était encore possible, sans beaucoup d’effusions de sang, d’éviter cette guerre et ses 70 millions de morts.

Aujourd’hui, tous les climatologues nous disent qu’au-delà de deux degrés d’augmentation de température, le système va s’emballer. Beaucoup d’observateurs disent qu’il est déjà un peu trop tard, et que ce que l’on va connaître d’ici la fin du siècle sera sans commune mesure avec tous les grands drames que l’humanité a connus au cours de son histoire, qu’il s’agisse de la Seconde Guerre mondiale ou de la Peste noire.

Pour faire en sorte de ne pas dépasser deux degrés d’augmentation de température, le modèle des pays européens va être discuté lors de la conférence de Paris. Il faut déjà montrer au monde que nous sommes capables, comme je le disais dans mon intervention, d’atteindre ce que l’on appelle le facteur 4, c’est-à-dire de 80 % à 95 % de réduction de gaz à effet de serre en 2050. Pour cela, il faut démontrer que nous atteignons tous les objectifs intermédiaires, sur le plan national comme sur le plan européen.

Ma question est donc double : sur le plan national, est-ce que des efforts plus importants vont être menés pour que la France continue d’être un modèle en ce domaine ? Et sur le plan européen, l’objectif d’une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 est déjà très faible : il fallait atteindre 50 % de réduction pour arriver à ce facteur 4. Et nous n’atteindrons pas cet objectif si nous ne nous engageons pas dans un objectif contraignant de 40 % d’efficacité énergétique pour 2030 sur le plan européen. Or, dans ce domaine, les chefs d’État et de gouvernement ont rejeté cette idée lors du dernier Conseil européen.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Monsieur le député, vous avez raison : il y a un modèle européen. Dans votre intervention précédente, vous avez souligné à quel point il était important de ne pas casser l’outil de régulation majeur qu’est l’Europe pour faire face à un défi comme celui-ci. Elle est tout aussi indispensable dans d’autres contextes mais il s’agit là d’une urgence absolue : nous devons pouvoir continuer de prendre ensemble des décisions afin que notre modèle de croissance, nos modes de transports et d’utilisations de l’énergie soient conformes à l’intérêt de la planète et donc à celui de nos concitoyens.

Pour cela, des objectifs de long terme ont été fixés. L’Europe s’est fixé l’objectif très ambitieux de réduire de plus de 80 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Mais, comme vous l’avez dit vous-même, il faut pour l’atteindre se fixer des objectifs intermédiaires et se donner les moyens de les tenir.

C’est pourquoi nous attachons une telle importance à ce que l’Union européenne se prononce le plus rapidement sur l’étape 2030 et dépensons une énergie diplomatique considérable en ce sens. Nous sommes sur la voie de réaliser les objectifs fixés pour 2020 ; c’est donc bien la preuve que c’était possible, contrairement à ce que pouvaient prétendre un certain nombre d’oiseaux de mauvais augure.

Oui, l’Europe est parvenue, malgré la crise, à poursuivre son développement et sa croissance, tout en diminuant ses émissions de gaz à effet de serre, en réalisant des économies d’énergie grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique, et en faisant monter en puissance les énergies renouvelables. Il faut donc désormais être en mesure de nous fixer des objectifs que nous pourrons tenir en 2030, et qui seront forcément contraignants.

En France, non seulement nous nous battons pour que les propositions de la Commission européenne soient adoptées, mais nous sommes prêts à aller plus loin. Il faut cependant que l’ensemble des partenaires consentent à partager l’effort et acceptent de se fixer ces objectifs : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre et porter à 27 % la part des énergies renouvelables. Si nous faisons cela, nous atteindrons en 2050 les objectifs ambitieux que vous avez rappelés.

M. le président. Le débat est clos.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 3 juin, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion de la proposition de résolution tendant à la suspension des poursuites engagées par le Parquet de Paris contre M. Henri Guaino ;

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron