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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 18 juin 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation interparlementaire

2. Questions au Gouvernement

Réforme du régime des intermittents du spectacle

M. Christian Kert

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Réformes

M. Christophe Castaner

M. Manuel Valls, Premier ministre

Filière banane

M. Bruno Nestor Azerot

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Canal Seine-Nord

M. Stéphane Saint-André

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Produits phytosanitaires

M. Marc Laffineur

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Loi ALUR

M. Christophe Cavard

M. Manuel Valls, Premier ministre

Insertion des jeunes en entreprises

M. Olivier Dassault

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Nouvelles dispositions sur le logement

M. Christophe Caresche

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires

Réforme territoriale

M. Yannick Favennec

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Écotaxe

M. Thierry Mariani

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Services à la personne

M. Arnaud Richard

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Remplacement du FAMAS

M. Philippe Meunier

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Situation en Irak

M. Jean-Jacques Bridey

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Soldats blessés en opérations

Mme Marianne Dubois

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Réforme du permis de conduire

Mme Jacqueline Maquet

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

3. Réforme ferroviaire

Discussion des articles

Article 1er

M. Yannick Favennec

M. Guillaume Chevrollier

M. Antoine Herth

M. Nicolas Sansu

Mme Valérie Lacroute

Amendement no 238

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Amendements nos 239 , 15, 223 et 23 , 240 , 406 , 345 , 24 , 119 , 199 , 141 , 260 , 380 , 36 , 37 , 241 , 417 (sous-amendement) , 346 , 242 , 38 , 243 rectifié , 40 , 220 , 25 , 66, 65 et 67 , 13 deuxième rectification

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 244 , 303 , 418 (sous-amendement) , 245 , 409 , 246 rectifié , 135 , 247 , 68 , 385 , 398 , 405 , 381, deuxième rectification, , 426 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 128 , 248 , 249 , 382 rectifié , 394 rectifié , 383 , 395 , 250 , 386 , 304 , 182 , 251 , 167 , 69 , 419 rectifié (sous-amendement) , 347 rectifié , 412

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 387 rectifié , 197 , 26

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation interparlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Grande Commission interparlementaire Algérie-France, conduite par M. Mohamed Larbi Ould Khelifa, président de l’Assemblée populaire nationale de la République Algérienne Démocratique et Populaire. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Réforme du régime des intermittents du spectacle

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Kert. Monsieur le Premier ministre, cette année, les grands festivals d’été en France sont menacés. Après Montpellier et Uzès, les festivals d’Avignon et d’Aix-en-Provence risquent d’être les prochaines victimes du mouvement de revendication des intermittents du spectacle. Onze ans après, on rejoue le même scénario qu’en 2003 : un régime spécifique d’assurance chômage, toujours indispensable à la vie culturelle, régime dont vous avez vous-même dit, monsieur le Premier ministre, qu’il était à bout de souffle ; une négociation entre partenaires sociaux qui est forcément difficile ; et, de fait, une réelle inquiétude des intermittents du spectacle, qui utilisent le levier des festivals pour vous forcer la main en quelque sorte. On sait la manne économique que représentent, pour beaucoup de régions françaises, les festivals, au-delà même du dynamisme culturel qu’ils impulsent.

Or vos ministres en charge du dossier se contentent d’énoncer quelques positions de principe tout en laissant les partenaires sociaux se départager.

M. François Rochebloine. Très juste !

M. Christian Kert. Pour parler de culture, la gauche, monsieur le Premier ministre, est plus à l’aise dans l’opposition que dans la majorité.

M. Marc Le Fur. Exact !

M. Christian Kert. Un accord a été signé : il vous faut le valider. Mais il faut le faire, vous le savez bien, en l’accompagnant. Sinon les intermittents, qui sont, plus que d’autres peut-être, frappés par la crise, n’auront rien à perdre et transformeront l’été 2014 en désert culturel.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très juste !

M. Christian Kert. Vous avez désigné M. Jean-Patrick Gille comme médiateur. On connaît les compétences de l’homme, mais quelle est votre volonté et celle de votre gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Laisserez-vous Mme la ministre de la culture et de la communication…

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Monsieur Christian Kert, c’est un sujet que vous connaissez parfaitement, et je comprends que vous me posiez cette question à la veille de grands festivals, dont celui d’Aix-en-Provence. Tous, que ce soit à Aix-en-Provence, à Lyon, à Orange, à Belfort ou ailleurs, nous sommes inquiets pour la tenue de ces festivals.

En cet instant, je tiens à vous dire, au nom du Premier ministre, qu’il me revient d’agréer l’accord majoritaire qui a été passé entre les partenaires sociaux. Je rappelle que le régime de l’intermittence était menacé dans son existence même. Il a fallu tout un travail de conviction mené par les partenaires sociaux pour aboutir à un accord majoritaire, signé par les organisations patronales – le MEDEF, la CGPME et l’UPA – et par la CFDT, Force Ouvrière et la CFTC.

M. Bernard Deflesselles. Tout ça, on le sait déjà !

M. François Rebsamen, ministre. Mais je suis obligé de le rappeler. Cet accord, je dois l’agréer parce que c’est un accord majoritaire, de surcroît au nom du dialogue social.

Mais dans le même temps, le Premier ministre, très sensible, comme la ministre de la culture et moi-même, à ce qui se passe dans le monde de l’intermittence, a confié une mission de médiation au député Jean-Patrick Gille.

M. Bernard Deflesselles. Ça, on le sait aussi !

M. François Rebsamen, ministre. Nous attendons de cette mission des résultats qui nous permettent de renouer le dialogue avec les intermittents tout en agréant l’accord existant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Eh bien, vous n’êtes guère applaudi !

Réformes

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Castaner. Monsieur le Premier ministre, face au marasme économique et social dans lequel elle a trouvé le pays, la gauche a pris ses responsabilités. Depuis son arrivée, les réformes n’ont eu de cesse de se succéder, permettant le redressement de la France à un rythme contrastant avec celui du précédent quinquennat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’UMP avait cruellement manqué de courage et d’ambition pour notre pays, le laissant dériver un peu plus chaque jour. Retraites, dialogue social, entreprises, justice, sécurité sont autant d’échecs à son compteur – sans parler du souvenir amer laissé par le paquet fiscal au bénéfice des plus fortunés –, preuve, s’il en fallait, que l’agitation frénétique et l’esbroufe n’ont jamais été gages de résultats.

Or, du courage et de l’ambition, nous n’en manquons pas. C’en est fini de cette promotion permanente de l’impuissance politique. Elle n’est pas inéluctable ! Et vous le prouvez tous les jours, monsieur le Premier ministre, en incarnant la volonté d’affronter le réel, de privilégier l’action. Car faire de la politique, c’est d’abord faire : transition énergétique, agroécologie, politique de la ville, éducation, réforme ferroviaire, réforme pénale, politique du logement, jusqu’à ce matin où a été présentée en conseil des ministres la réforme territoriale.

Nous faisons cela dans le sérieux budgétaire qui refuse l’austérité et garantit aux plus fragiles la justice sociale, érigée comme cap de notre action, comme le démontre le projet de loi de finances rectificative qui sera débattu la semaine prochaine.

La nouvelle étape est ainsi marquée par de vraies réformes structurelles qui vont produire de vrais effets positifs dans la vie des Français. Cette ambition réformatrice, nous la réaffirmons par-delà nos frontières en exigeant de l’Europe plus de régulation et plus de protection pour les citoyens européens. Ces réformes nombreuses et ambitieuses sont menées dans la concertation et le dialogue social.

M. Étienne Blanc. Bla bla bla !

M. Christophe Castaner. Oui mais voilà, monsieur le Premier ministre, il arrive très souvent que les conservateurs et les intérêts particuliers et corporatistes bloquent le système. Comment allez-vous décliner votre volonté de poursuivre ces réformes vitales pour la France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, monsieur le député, il faut réformer, non pour le plaisir de le faire, mais parce que nous avons de l’ambition pour la France.

M. Charles de La Verpillière. Pas seulement pour la France…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous voulons une France moderne, capable d’affronter les grands défis du monde ; une France dynamique ; une France qui avance.

Une France réformée, ce sont d’abord, évidemment, des territoires plus forts et mieux préparés à l’avenir. C’est le sens des deux textes de loi présentés ce matin au conseil des ministres, et qui seront bientôt débattu au Parlement : dans quelques heures au Sénat, pour ce qui concerne la nouvelle carte des régions, et à partir du mois d’octobre, dans la même assemblée, s’agissant des compétences des collectivités, de l’avenir de l’intercommunalité ou des départements. Nous avons besoin de cette réorganisation territoriale que doit aussi accompagner une réorganisation de l’État sur le terrain. Elle a souvent été annoncée, mais jamais réalisée. Nous souhaitons donc le faire.

De même, nous voulons réformer afin de mieux affronter les défis économiques : le niveau de nos déficits, bien sûr, mais d’abord le chômage de masse auquel la France est habituée depuis des années. C’est ce que permettront les choix qui vont être effectués, les textes qui vont être votés, les projets financiers qui seront l’occasion de mettre en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité, avec des mesures concrètes d’économies, mais avant tout des dispositions destinées à soutenir les entreprises et le pouvoir d’achat.

Nous lançons des réformes d’envergure, des réformes de société. Mme Ségolène Royal a ainsi présenté ce matin les grandes orientations de la transition énergétique.

Un député du groupe UMP. Et Fessenheim ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce texte va faire l’objet d’un long débat, non seulement ici, mais aussi dans les institutions compétentes pour discuter de ces questions essentielles. C’est toute la société française qui doit nous permettre d’aborder cette révolution majeure qu’est la transition énergétique.

Nous défendons aussi, bien sûr, des textes engagés : je pense à la loi sur l’avenir de l’agriculture, au projet de loi sur la santé qui sera proposé par Marisol Touraine, ou à la préparation à la société du vieillissement. Ce n’est pas seulement, en effet, pour les mois qui viennent qu’il faut préparer notre pays, mais pour les prochaines années ou décennies. C’est aussi ainsi que l’on réforme : pour le long terme.

Chacun connaît les difficultés auxquelles nous faisons face. Pour les affronter, il faut tenir un langage de vérité, regarder la situation avec lucidité, et faire preuve de courage pour réformer, dans le respect de la justice – de la justice sociale en particulier –, parce que notre pays a besoin de ces réformes, parce que nos compatriotes les demandent et les attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Filière banane

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Bruno Nestor Azerot. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Moteur de l’économie antillaise, représentant plus de 10 000 emplois, soit près d’un actif sur vingt aux Antilles, la filière banane connaît un avenir incertain, victime d’une part de la maladie des raies noires, qui fait des ravages, d’autre part de la fréquence des cyclones, qui l’ont touchée trois fois en six ans.

La dernière tempête, « Chantal », survenue en juillet 2013, a porté un coup à la filière en endommageant à 40 % les bananeraies antillaises. Or, suite à l’application d’un abattement de 50 %, et faute d’un fonds de garantie comme il en existe en métropole, les pertes n’ont pu être indemnisées par l’État qu’à hauteur de 15 %. Nos agriculteurs sont donc inquiets pour la survie de leur exploitation. Faute de supprimer cet abattement, prévu par une circulaire interministérielle du 11 juillet 2012, et fortement pénalisant et injuste, je crains que nombre d’entre eux ne parviennent pas à se relever.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour permettre d’assurer et de rassurer nos agriculteurs face aux risques climatiques majeurs à venir ? Est-il prêt à les accompagner dans la mise en place du fonds de garantie auquel nous travaillons ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement. Monsieur le député, vous avez en fait posé deux questions : l’une sur l’organisation d’un fonds de garantie et d’assurance pour le moyen et le long terme, l’autre sur le fonds d’indemnisation des calamités agricoles. Ce dernier ne concerne que la métropole mais, vous le savez, le ministère des outre-mer propose un fonds spécifique, le fonds de secours, mobilisable en cas de gros problème climatique, notamment lorsque surviennent des cyclones qui, en Martinique comme en Guadeloupe, causent de lourds dégâts, en particulier à la production de bananes.

Ce fonds de secours va être une nouvelle fois mobilisé. Une réunion interministérielle a en effet été l’occasion de débloquer 6,963 millions d’euros pour l’indemnisation des dégâts causés par le cyclone Chantal, et 437 000 euros pour réparer les importants dégâts occasionnés par les pluies d’avril 2013. Ces questions font donc l’objet d’une action de la part de l’État. Les agriculteurs les plus en plus difficulté toucheront ces aides rapidement.

En ce qui concerne l’organisation d’un système assurantiel, il s’agit d’un projet dont nous discutons au niveau métropolitain, mais qu’il va falloir également aborder à l’échelle des territoires d’outre-mer, en mobilisant l’ensemble des moyens disponibles auprès des financiers privés, des collectivités et des agriculteurs. L’objectif est de financer un système permettant de protéger ces derniers contre ces aléas climatiques aux conséquences douloureuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Canal Seine-Nord

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports.

Monsieur le secrétaire d’État, la réalisation du canal Seine-Nord Europe est un enjeu majeur pour tout le grand nord de la France. Ce grand chantier, qui générera 10 000 emplois durant sa réalisation et 50 000 à terme, est porteur d’espoir pour ces territoires durement frappés par la crise économique. C’est également un élément essentiel pour rétablir leur compétitivité en redynamisant le tissu industriel autour du transport fluvial.

Vous vous êtes exprimé à plusieurs reprises sur ce dossier depuis votre prise de fonction et je tiens à saluer votre action pour recrédibiliser un projet que la précédente majorité avait conduit dans une impasse. Vous avez chargé notre collègue Rémi Pauvros de remettre à plat le dossier et de reconfigurer le projet avec l’objectif de réduire les coûts pour le rendre finançable, sans dénaturer ses fonctionnalités. Rémi Pauvros, dont le travail a été unanimement salué, a remis ses conclusions en décembre dernier ; elles confirment à la fois l’intérêt du projet et son caractère irréalisable dans sa version précédente.

Vous avez décidé, sur ces bases, des orientations claires pour recréer les conditions du succès : reprendre le projet technique acté en 2008 pour optimiser les coûts, mobiliser au maximum l’Union européenne dont la part dans le financement passerait de 6 à 40 %, avancer sur les opérations connexes dans les bassins de l’Oise, de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais.

L’immense majorité des élus et des décideurs économiques de ces territoires lance aujourd’hui un appel au Gouvernement pour obtenir des garanties de la réalisation de ce canal qui constituera aussi une exceptionnelle vitrine de l’intérêt économique et écologique de la voie d’eau. L’établissement public VNF est prêt.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Stéphane Saint-André. Monsieur le secrétaire d’État, six mois après ces décisions, il nous semble important que vous puissiez faire le point sur l’avancement de ces démarches et les perspectives d’engagement de cette opération, tant attendue dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et l’Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Je vous remercie, monsieur le député, pour votre question, qui me permet de faire un point d’étape sur la réalisation de ce canal Seine-Nord Europe, grand enjeu territorial. Je partage votre constat : la réalisation de cette opération est nécessaire. Vous le savez, ce dossier a été victime, trop longtemps, d’effets d’annonce, alors même que c’est le sérieux qui aurait dû s’imposer. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous le savez également, nous avons dû, c’était le 26 mars 2013, interrompre le partenariat public-privé, compte tenu de l’impasse financière dans laquelle la précédente équipe avait mis le canal Seine-Nord Europe. (Nouvelles exclamations. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Depuis lors, nous avons confié à M. Rémi Pauvros, un travail de reconfiguration. Un excellent travail nous a été rendu, qui nous permet à la fois de reconfigurer le projet et de le rendre moins coûteux. Il nous permet aussi d’envisager un financement, notamment en demandant à l’Union européenne – cela n’avait pas été fait – des subventions à hauteur de 40 % pour cet équipement structurant.

M. Alain Gest. Mensonge !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Nous avons, avec mes collègues Michel Sapin et Christian Eckert, demandé à l’inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable d’étudier à la fois les différents montages possibles et la conduite de projet. Nul doute que VNF, dont vous assumez désormais la présidence, nous permettra de pouvoir mener à bien ces procédures, qui nous amèneront à une nouvelle déclaration d’utilité publique à l’horizon mi-2015, mais, d’ores et déjà, le dossier doit être prêt pour être éligible aux demandes de subvention à la fin de l’année 2015 auprès de l’Union européenne.

Je parle sous le contrôle de M. le Premier ministre. Nous savons combien l’enjeu du canal Seine-Nord Europe est important. Des travaux dans le cadre du CPER sont engagés sur la vallée de l’Oise, sur le Nord-Pas-de-Calais, sur la Seine et jusqu’au Havre. C’est important pour la relance du fluvial et vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDPsur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Produits phytosanitaires

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Laffineur. Ma question, à laquelle j’associe Jean-Charles Taugourdeau, s’adresse au ministre de l’agriculture.

Vous savez, monsieur le ministre, l’attachement de nos agriculteurs à leur terre, à leur culture, à leur environnement.

Pour pouvoir lutter contre les maladies des végétaux ou contre des insectes qui peuvent ravager en quelques heures les exploitations, ils sont quelquefois obligés d’utiliser des produits phytosanitaires. Ils le font, bien sûr, en prenant beaucoup de précautions : d’abord, en n’utilisant que les produits qui ont été autorisés par les pouvoirs publics ; ensuite, en faisant en sorte de suivre une formation et d’utiliser du matériel qui empêche la dissémination de ces produits ; en le faisant tôt le matin ou le soir ; enfin, en respectant le fait que le vent doit être inférieur à vingt kilomètres heure.

Pour ne pas avoir respecté, malheureusement, ces règles, un agriculteur bio de la Gironde a infecté des enfants et une école. Bien sûr, cet acte doit être condamné et il est condamnable, mais, à la suite de cela, le Sénat et la ministre de l’environnement ont demandé que l’on interdise l’épandage à moins de deux cents mètres de toute habitation.

Un député du groupe UMP. Eh oui !

M. Marc Laffineur. Ce serait catastrophique, car notre territoire compte énormément d’habitants, et une telle réglementation entraînerait l’abandon de treize millions d’hectares de culture. Cela suscite, évidemment, une très grande inquiétude, dans tous nos milieux ruraux et pour l’ensemble de notre agriculture.

M. Christian Jacob. Ce serait irresponsable !

M. Marc Laffineur. Alors, ma question est simple, monsieur le ministre de l’agriculture. Quelle sera votre position et quelles vont être vos recommandations pour rassurer les agriculteurs et faire en sorte que l’agriculture puisse se développer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement. Monsieur le député Laffineur, je veux d’abord répondre sur deux points.

Le premier, c’est que, si les phytosanitaires sont utiles, nous devons avoir un objectif commun, collectif : en réduire l’utilisation. La discussion est en cours. Le projet pour l’agroécologie que j’ai présenté hier s’est fixé cet objectif, et nous le faisons dans une concertation continue avec les professionnels.

M. Christian Jacob. Les agriculteurs ne vous ont pas attendu pour ça !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le deuxième, vous l’avez évoqué, c’est cet événement, un épandage de phytosanitaires à proximité d’une école, alors qu’il y avait des élèves dans la cour. C’est vrai, c’était contraire aux réglementations. Il y a des règles qui doivent être appliquées, et qui le sont par la grande majorité, presque la totalité des agriculteurs ; elles restent valables. J’ajouterai que, pour protéger les abeilles, j’ai proposé qu’on fasse les épandages plutôt le soir que le matin.

Sur cette question, avec Ségolène Royal, nous avons une discussion, qui a commencé au Sénat, pour adapter et protéger les lieux publics…

M. Christian Jacob. Mme Royal a fait n’importe quoi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … c’est un des enjeux –, sachant que la distance n’est pas la seule protection. Il y a beaucoup d’autres solutions. Nous avons saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour qu’elle fasse un certain nombre de propositions, et nous tiendrons compte, bien sûr, de cette question (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture pour trouver des réponses adaptées, qui permettent la protection des publics tout en garantissant aux agriculteurs la capacité d’utiliser des produits phytosanitaires pour protéger leurs cultures. Les deux sont tout à fait compatibles, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Loi ALUR

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Monsieur le Premier ministre, le récent flottement sur le devenir de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, communément appelée loi ALUR, a suscité de larges inquiétudes dans notre famille politique. Depuis, des déclarations nous ont rassurés. Je salue ainsi la réponse faite par Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires, Sylvia Pinel, hier dans cet hémicycle.

Je souhaite à mon tour répondre à celles et ceux qui voudraient remettre en question ce qui constitue à ce jour une des plus grandes avancées de ce quinquennat en matière de justice sociale… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !

M. Michel Herbillon. Cette loi est un véritable échec !

M. Christophe Cavard. Ce sont souvent les mêmes qui profitent de la dérégulation et de la crise du logement.

J’ai entendu hier une de mes collègues de l’opposition faire une confusion sur les liens entre la loi ALUR et l’activité des entreprises du bâtiment. Nous ne sommes pas là pour faire de la pédagogie, mais enfin, ce n’est tout de même pas la loi ALUR qui empêche la construction de logements !

M. Gilles Carrez et M. Christian Jacob. Mais si ! C’est une réalité !

M. Christophe Cavard. Nous connaissons bien les leviers de la construction de logements : l’investissement public, notamment des collectivités territoriales, et l’investissement des ménages.

Un député du groupe UMP. Mais il n’y a plus d’argent !

M. Christophe Cavard. Pour que les ménages investissent, il faut leur donner du pouvoir d’achat ; c’est précisément ce que propose la loi ALUR en créant des outils pour lutter contre la crise du logement. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Alors que les loyers augmentent plus vite que les salaires, l’encadrement des loyers est une mesure forte de lutte pour le pouvoir d’achat. (Exclamations persistantes sur de nombreux bancs du groupe UMP.)



M. Michel Herbillon. Depuis l’adoption de cette loi, on ne construit plus de logements !

M. le président. Ça suffit, un peu de calme, mes chers collègues !

M. Christophe Cavard. On peut citer également les mesures du projet de loi sur la transition énergétique qui concernent l’isolation des bâtiments.

Nos concitoyens ont du mal à se loger. La lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil doit être une priorité. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous balayer une fois pour toutes nos inquiétudes…

M. Michel Herbillon. J’espère que non !

M. Christophe Cavard. …et nous assurer que nous pouvons compter sur le Gouvernement pour sécuriser cette loi et publier au plus vite les décrets d’application afin que ses dispositions entrent en vigueur rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Michel Herbillon. Personne ne veut de cette loi !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a été votée par le Parlement cet hiver et publiée le 24 mars dernier, il y a trois mois.

Une loi n’appartient pas à un ministre, ni à une famille politique ; après qu’elle a été adoptée par le Parlement, elle appartient à la Nation, et le rôle du Gouvernement – vous avez raison de le dire – est de l’appliquer. Cette loi requiert deux cents mesures d’application recouvrant un domaine très étendu ; il est ainsi nécessaire de rédiger une centaine de décrets d’application.

Concernant le logement, certaines mesures apparaissent comme prioritaires compte tenu, d’une part, de leur impact sur les ménages – en particulier sur leur pouvoir d’achat –, d’autre part, de la très forte attente de l’ensemble des acteurs du secteur du logement, notamment les investisseurs, les bailleurs et les professionnels, qui sont soucieux de savoir quel sera l’environnement juridique et économique de leur activité. Pour cela, nous devons faire passer un message de confiance ;…

M. Christian Jacob. Ils en ont besoin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …nous le ferons la semaine prochaine avec Sylvia Pinel.

Aujourd’hui, on ne construit pas assez de logements.

M. Michel Herbillon. À cause de la loi ALUR !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela dure depuis un certain temps. Il y a un ralentissement de la construction : c’est pourquoi nous devons faire passer ce message de confiance à l’intention de tous ceux qui veulent investir.

Il en va de même pour l’encadrement des loyers dans les zones où le marché est très tendu, très contraint. Pour répondre aux exigences votées par le Parlement, cet encadrement ne peut intervenir que si les observatoires des loyers ont été validés par un comité scientifique indépendant. Cette exigence doit être remplie avant la fin de l’année 2014, notamment dans l’agglomération parisienne. La mise en place de l’encadrement des loyers dans les autres agglomérations se fera ultérieurement, au fur et à mesure de la constitution de ces observatoires. Dans tous les cas, monsieur le député, l’objectif sera de mettre fin aux pratiques abusives sans pour autant – j’insiste sur ce point – décourager les bailleurs de continuer à louer leur logement, ni décourager les investisseurs de placer leur argent dans l’immobilier.

M. Michel Herbillon. C’est raté : ils sont découragés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. N’oublions jamais qu’il n’y a pas de meilleure protection pour les locataires qu’un marché locatif abondant.

Pour ce qui est de la garantie locative des loyers, je ne méconnais pas les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale. Le principe de cette garantie est généreux et indiscutable, mais son financement n’a pas été assuré par la loi. Je rappelle simplement qu’on estime son coût annuel en régime de croisière – soit après 2017 – à 400 à 500 millions d’euros. Le Gouvernement n’agirait pas de manière responsable s’il ne prenait pas le temps de la réflexion et de la concertation…

M. Marc Le Fur. Y compris avec l’ancienne ministre ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …avant de mettre en œuvre un tel dispositif.

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel aveu ! On vous avait prévenus ! Il fallait nous écouter !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Des discussions sont en cours entre Mme la ministre du logement et les partenaires sociaux qui gèrent la participation des entreprises à l’effort de construction de logements.

M. Guy Geoffroy. Il fallait le faire avant !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous comprendrez alors que je ne me prononce pas tant que ces négociations sont en cours.

En conclusion, je vous confirme que la loi ALUR sera appliquée avec réalisme et pragmatisme.

M. Michel Herbillon. Il faut réécrire cette loi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme je vous le disais il y a un instant, ma préoccupation est de redonner de la visibilité et de la confiance pour relancer le secteur de la construction, afin de créer des emplois, de construire des logements, de rénover des bâtiments.

Mme Claude Greff. Bla bla bla…

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est aussi le sens des cinquante mesures de simplification que j’ai évoquées dans mon discours de politique générale. Encore une fois, je ne doute pas que les propositions faites aujourd’hui même par Ségolène Royal y contribueront. Notre pays a besoin d’un vaste mouvement pour encourager la construction.

Voilà, monsieur le député : je ne doute pas un seul instant qu’en étant pleinement dans la majorité, en soutenant le Gouvernement, toutes vos inquiétudes seront levées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Michel Herbillon. Bel exercice, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le député !

Insertion des jeunes en entreprises

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Dassault. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l’insertion des jeunes en entreprise. Souvenez-vous : « Ma priorité, c’est la jeunesse ! », affirmait avec fougue le candidat François Hollande. Que sont devenues ces belles promesses ? Des lendemains qui déchantent ! Chaque année, 150 000 élèves quittent l’école sans le moindre diplôme, et un jeune sur quatre est au chômage. C’est trois fois plus qu’en Allemagne. Parce qu’ils ne veulent plus vivre dans un pays qui condamne la réussite, qui stigmatise le succès, qui bride les talents, 80 % des étudiants de nos grandes écoles envisagent de tenter leur chance à l’étranger.

M. Régis Juanico. C’est faux !

M. Olivier Dassault. Pour leur redonner confiance en l’avenir, monsieur le Premier ministre, n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur de changer de logiciel : misez sur l’entreprise, et non plus sur l’État, pour vaincre le chômage des jeunes. Misez, par exemple, pour valoriser la diversité des talents, sur l’apprentissage, sur cette intelligence de la main qui garantit un emploi rapide à l’issue de la formation. Vous êtes responsable de la baisse d’attractivité de cette filière, qui est la conséquence de vos choix politiques, car vous avez décidé de diminuer de 550 millions d’euros les aides à ces formations au profit des emplois d’avenir, qui n’ont d’ « avenir » que le nom ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il faut bousculer les préjugés, il faut construire des ponts entre l’école et le monde de l’entreprise, plutôt qu’ériger des barricades ! Le groupe « Génération entreprise – Entrepreneurs associés », que j’anime aux côtés de 135 parlementaires, le rappellera demain au cours de notre colloque à l’Assemblée nationale.

Monsieur le Premier ministre, plus qu’une question, c’est un appel : que comptez-vous faire concrètement pour faciliter l’insertion des jeunes dans les entreprises ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez raison : l’apprentissage est une voie royale, une voie d’excellence, une voie vers l’emploi. D’ailleurs, aujourd’hui, vous le savez parfaitement, sur un million d’artisans, 500 000 sont issus de l’apprentissage.

Le Gouvernement a fixé un objectif de 500 000 jeunes en apprentissage en 2017. Gérard Larcher avait déjà fixé cet objectif pour 2009. Malheureusement, il n’a jamais pu être atteint, car depuis de nombreuses années, le nombre de jeunes en apprentissage est d’environ 400 000. En 2013, il y avait très exactement 430 000 jeunes en apprentissage et en alternance.

Le problème, c’est que les entreprises parlent beaucoup de l’apprentissage comme d’une voie exemplaire – ce en quoi elles ont raison – mais ne prennent pas assez souvent des jeunes en alternance. Aujourd’hui, 4 % seulement des entreprises le font. En répondant à votre question, je lance un appel à l’ensemble des entreprises françaises : pas un jeune en CFA ne doit être hors de l’alternance au moment de la rentrée scolaire, en septembre 2014 – c’est en effet à ce moment-là que tout se joue.

M. Michel Herbillon. Paroles, paroles…

M. François Rebsamen, ministre. Nous y arriverons si nous nous mobilisons tous : c’est l’appel que je lance aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nouvelles dispositions sur le logement

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Caresche. Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.

Notre pays souffre depuis de nombreuses années d’un grave déficit de construction de logements, dont les effets se font particulièrement ressentir dans les zones denses, à commencer par l’agglomération parisienne, mais ailleurs également ; difficultés à trouver des logements, prix élevés affectant directement le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de notre économie en sont les conséquences immédiates.

Afin de traiter frontalement cette situation et de parvenir à l’objectif de construction de 500 000 logements par an, diverses mesures concrétisant les engagements du Président de la République ont été prises depuis 2012 : mise à disposition des terrains de l’État, augmentation du seuil de logements sociaux de 20 % à 25 %, assouplissements réglementaires, création d’un statut du logement intermédiaire, relèvement du plafond du livret A, et création des métropoles.

Malgré cette action, seulement 330 000 logements ont été construits en 2013, ce qui est bien loin des objectifs affichés.

Plus inquiétant, le premier trimestre 2014 est marqué par une réduction de plus de 11 % de mise en chantier de logements neufs par rapport à la même période de 2013.

Face à cette situation, reconnaissons que l’objectif de construction a été en partie perdu de vue ces derniers mois (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et rappelons clairement qu’il n’y aura pas d’amélioration durable de la situation des locataires et de ceux qui aspirent à la propriété sans une augmentation de l’offre.

La baisse des prix de l’immobilier et des loyers dépendra davantage de la capacité à créer de nouveaux logements que de mesures administratives. (« Très bien ! » et applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP).

L’urgence est à la mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés. Il faut restaurer un climat de confiance favorable à la construction (Mêmes mouvements), et cela justifie effectivement une mise en œuvre pragmatique et réaliste de la loi ALUR.

Madame la ministre, vous présenterez mercredi prochain au Conseil des ministres une importante communication sur le logement. Pouvez-vous nous indiquer quelles en seront les grandes lignes ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires. Monsieur le député, vous avez raison, le logement est une préoccupation quotidienne de nos concitoyens et il est urgent d’agir en faveur de la relance de la construction.

Vous avez rappelé les efforts réalisés par le Gouvernement pour soutenir le logement social l’année dernière, ce qui a permis à ce secteur de particulièrement bien résister à cette baisse des constructions.

Néanmoins, nous devons aujourd’hui aller plus loin et proposer un certain nombre de mesures permettant de lever un certain nombre de freins, de blocages, et de limiter les coûts de construction.

Je pense aux mesures de simplification que nous présenterons la semaine prochaine. Le Premier ministre a rappelé combien il était urgent de simplifier l’environnement normatif dans le secteur de la construction (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et d’accélérer les procédures.

M. Guy Teissier. Baratin !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Il est également important de retrouver la confiance.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas gagné !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Tel est le sens du pacte de responsabilité et de solidarité, qui bénéficie aux entreprises de la construction, notamment aux artisans du bâtiment, car ce secteur est essentiel pour l’ensemble de notre économie et de nos territoires.

Nous devons aussi poursuivre la mobilisation en faveur de la construction de logement social ; j’invite l’ensemble des élus, quelle que soit leur appartenance politique, à lancer ces chantiers, à ne pas les retarder.

Nous devons également continuer à mobiliser le foncier public, afin de favoriser l’accession, le logement intermédiaire et l’application des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages, notamment dans les zones tendues.

Vous le voyez, monsieur le député, la feuille de route du Gouvernement est claire : relance de la construction (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), rénovation énergétique, amélioration du pouvoir d’achat des Français. C’est ainsi que nous réussirons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Des mots !

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Monsieur le Premier ministre, les deux projets de loi sur la réforme territoriale ont été présentés aujourd’hui même en Conseil des ministres. Le Parlement examinera prochainement le premier pan de cette réforme, consacré au découpage des régions.

M. Laurent Furst. Dépeçage !

M. Yannick Favennec. Une réforme en profondeur de notre organisation territoriale est une impérieuse nécessité. Mais, pour être efficace, elle doit répondre à cinq critères fondamentaux : permettre à la France de relever les défis d’une économie mondialisée, dans un monde en pleine mutation, et de retrouver une nouvelle croissance ; lutter contre l’érosion de la démocratie locale, en lui redonnant du sens et de la force ; intégrer la nécessaire réforme de l’État, corollaire indispensable à l’établissement d’une réforme territoriale véritablement décentralisatrice ; apporter des réponses différenciées, adaptées aux spécificités économiques et sociales de nos territoires ; être guidée enfin par l’intérêt général, et non par des considérations partisanes dont, à titre d’exemple, la région des Pays-de-la-Loire est une victime collatérale.

Monsieur le Premier ministre, votre réforme ne répond en fait à aucun de ces critères de fond ! Pire, vous traitez le contenant avant le contenu, en obligeant le Parlement à se prononcer sur le redécoupage, les modes de scrutin et le calendrier avant même d’aborder les questions primordiales que sont les compétences et le financement !

Quand prendrez-vous enfin conscience de la nécessité d’entreprendre une réforme ambitieuse qui permettra d’inscrire la France de plain-pied dans la construction d’une Europe des territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, cette question pose les termes du débat et témoigne, s’il en était besoin, de la capacité de l’Assemblée nationale et du Sénat à partager le constat d’urgence de la modernisation de nos territoires.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est la nécessité absolue de simplifier le paysage des collectivités territoriales, comme vous l’avez vous-mêmes souligné dans votre question. Il s’agit là d’une urgence : nous voulons moins d’échelon et moins de collectivités territoriales à chaque échelon.

Nous voulons, par ailleurs, améliorer la lisibilité du tissu local actuel. Il y a trop de compétences enchevêtrées, trop de complexité qui obère la lisibilité des institutions locales et perturbe, comme vous l’avez souligné dans votre question, l’exercice de la démocratie locale.

Nous voulons, ensuite, mobiliser les collectivités territoriales pour qu’elles soient davantage en situation d’investir dans les infrastructures dont notre pays a besoin pour se moderniser et accompagner ses filières d’excellence.

C’est précisément la raison pour laquelle, ce matin, deux orientations ont été définies dans les textes auxquels vous avez fait référence : d’abord, diminuer le nombre de régions pour que celles-ci soient beaucoup plus fortes, qu’elles mutualisent leur frais de fonctionnement et puissent, de ce fait, investir davantage qu’elles ne l’ont fait hier dans la modernisation du pays.

Par ailleurs, comme vous l’avez également souligné dans votre question, il faut clarifier les compétences. Le projet de loi présenté par Marylise Lebranchu et André Vallini visera à donner plus de force et de cohérence à l’ensemble.

En conclusion, si nous modernisons nos collectivités territoriales, si nous effectuons ces réformes longtemps promises mais jamais engagées (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), nous devons aussi moderniser l’administration déconcentrée de l’État, car nous avons besoin d’une montée en gamme des services, de davantage de proximité, et les collectivités ont besoin d’un État fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Écotaxe

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Amateurisme, légèreté, désinvolture (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. le président. S’il vous plaît !

M. Thierry Mariani. …force est de constater que ce sont les mots régulièrement utilisés par la présidente de la commission d’enquête sénatoriale sur le contrat Écomouv’ pour définir l’attitude du Gouvernement face au dossier de l’écotaxe.

Amateurisme, quand le Gouvernement décide de façon totalement arbitraire de suspendre cette taxe sans aucun fondement juridique et sans interroger quiconque.

M. Bruno Le Roux. Vous parlez de Fillon ?

M. Thierry Mariani. Ni l’administration ni Écomouv’ n’ont été consultés sur les conséquences et le coût d’une éventuelle suspension. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Roman !

M. Thierry Mariani. Légèreté, quand le Gouvernement joue au pompier pyromane en lançant une polémique totalement infondée sur le contrat. Considérant la grande complexité du dispositif, la commission d’enquête a démontré que le choix d’un partenariat public-privé était bien la solution la plus rationnelle…

M. Philippe Martin. La parole est à M. Le Fur pour répondre !

M. Thierry Mariani. …que le marché était totalement transparent et que le coût de la collecte des radars fixé par l’État était exactement au même niveau que celui prévu par Écomouv’. Désinvolture, enfin, quand le Gouvernement envisage de supprimer l’écotaxe, il signe le coup d’arrêt d’infrastructures de transport dans notre pays. Le préjudice pour les collectivités locales qui attendent ces fonds est important.

M. Alain Vidalies. Et M. Le Fur, qu’en pense-t-il ?

M. Thierry Mariani. M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, estime à 950 millions d’euros le coût de la résiliation d’une telle taxe, somme à laquelle il convient d’ajouter 1,2 milliard d’euros. De plus, avec ma collègue Marie-Jo Zimmermann, nous sommes très inquiets quant à l’avenir des contrats de travail déjà signés à Metz.

M. Daniel Vaillant. Qu’en pense M. Le Fur ?

M. Thierry Mariani. Ma question est très simple, monsieur le Premier ministre, quand votre gouvernement va-t-il prendre enfin une décision sur ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Le Fur !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je vous félicite pour votre sens de l’autocritique ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.) Vous parlez, en effet, d’amateurisme, de désinvolture et de légèreté. Or c’est bien vous qui avez fait voter une loi en 2008 que vous n’avez jamais appliquée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Il nous revient aujourd’hui de gérer une situation particulièrement délicate.

Le Gouvernement a pris connaissance des rapports de la mission parlementaire et de la commission d’enquête que vous avez évoqués. Il examine avec calme, tranquillité et sérénité les solutions à apporter à un problème que vous avez créé. Ses décisions seront rendues la semaine prochaine. Vous aurez ainsi l’occasion d’apprécier le sérieux, l’engagement, la tranquillité et la sérénité du Gouvernement. Mais je vous félicite une nouvelle fois pour votre autocritique ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Services à la personne

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le Premier ministre, notre groupe souhaite vous alerter à nouveau sur les conséquences des décisions prises vis-à-vis de l’un des premiers employeurs de France, je veux parler de nos compatriotes. Depuis maintenant deux ans, vous prenez des décisions catastrophiques et avez ainsi mis en œuvre l’un des plus grands plans de licenciement jamais imaginé dans le domaine des services à la personne, prétendant qu’ils étaient réservés aux plus fortunés.

C’était oublier que ce sont 2,2 millions de professionnels qui, dans toute la France, améliorent la qualité de vie de 4,5 millions de familles. C’était oublier, monsieur le Premier ministre, que les services à la personne, ce sont les gardes d’enfants en bas âge et l’aide à la petite enfance, les soins et l’aide au maintien à domicile, l’aide scolaire et la prise en charge des personnes les plus dépendantes et des handicapés. Il s’agit donc d’un vecteur essentiel de cohésion sociale.

Vos décisions ont eu un coût terrible en matière d’emplois : ceux qui ont été détruits et ceux que les Français n’ont pas créés. Ce secteur, vous le savez, est très dynamique. Sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, il a créé 100 000 à 120 000 emplois par an. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre, et je regrette que vous partiez pour ne pas l’entendre ! Bonne fin d’après-midi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Le pacte de solidarité a été présenté ce matin en conseil des ministres. Profiterez-vous de cette occasion pour revenir sur les erreurs du passé en commençant par accorder une augmentation significative de la déduction forfaitaire aux particuliers employeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député Arnaud Richard, le Gouvernement partage votre souci de préserver et de développer l’emploi à domicile. Je regrette quelque peu le ton polémique de votre question (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) dans la mesure où, en 2011, et vous le savez parfaitement puisque vous et votre groupe connaissez bien cette question, la majorité à laquelle vous apparteniez a supprimé la réduction des cotisations sociales pour les particuliers employeurs, mesure dramatique pour le secteur.

Ce gouvernement et cette majorité ont effectivement contraint les particuliers employeurs à une cotisation au réel, versée par tous les employeurs de France, et ce afin de justifier des droits sociaux des salariés. En contrepartie, le montant des charges acquittées a été réduit de 75 centimes, ce que n’a pas fait le précédent gouvernement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tournons-nous vers l’avenir, monsieur le député. L’avenir, c’est la préservation d’un secteur qui souffre de la conjoncture et qui a besoin d’être soutenu. Je vous rappelle que les salaires et les charges sont déductibles à hauteur de 50 % du montant de l’impôt acquitté, ce qui est une disposition importante. Je vous confirme que le Gouvernement est prêt à envisager, lors de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, une mesure significative, c’est le mot que vous avez utilisé, qui pourrait d’ailleurs être prise par voie réglementaire, puisque les 75 centimes sont fixés par un décret du ministre des finances.

Je ne doute pas que la discussion parlementaire qui se déroulera d’ici à deux ou trois semaines permettra d’avancer dans le sens que vous souhaitez et qui est largement partagé sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Remplacement du FAMAS

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Meunier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Monsieur le ministre, le FAMAS, fusil d’assaut de l’armée française, sera bientôt remplacé pour faire face aux nouvelles contraintes du combat moderne. Deux options sont envisageables : l’achat sur étagère d’un fusil d’assaut étranger ou la production en France de cette arme si importante pour nos fantassins.

Il a fallu, dans les années 1970, toute la volonté et l’engagement du secrétaire d’État à la défense, le général Bigeard, à qui je rends d’ailleurs hommage ainsi qu’à ses parachutistes (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), pour imposer une solution nationale avec le choix du FAMAS, aidé en cela par son aide de camp, notre collègue Yves Fromion.

Aujourd’hui comme hier, l’industrie française est capable de produire ce type d’arme, notamment en Rhône-Alpes, dans le bassin industriel de Saint-Étienne, réputé pour la qualité de sa production. Malheureusement, tel qu’il est rédigé, l’appel à candidatures portant sur la fourniture d’armes individuelles publié en mai 2014 exclut de fait toute entreprise française. C’est la raison pour laquelle je vous demande instamment de revoir les deux clauses de cet appel à candidatures, qui, si elles n’étaient pas modifiées, empêcheraient nos armées de se voir doter d’un fusil d’assaut de qualité produit en France.

En cette année de centenaire, rappelant le sacrifice de nos soldats armés de leurs fusils Lebel, ne soyez pas le ministre de la défense qui, pour la première fois de notre histoire, prendrait la décision d’équiper nos fantassins d’un fusil étranger.

Nous savons déjà que votre loi de programmation militaire ne sera pas respectée, puisque les recettes exceptionnelles attendues ne sont pas au rendez-vous. Essayez au moins de tenir votre engagement à l’égard de nos PME françaises, essentielles pour notre industrie de l’armement, notre indépendance et nos emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je vous remercie, monsieur le député, pour cette question très précise, très technique.

D’abord, contrairement à ce que vous avez indiqué, la loi de programmation militaire 2014-2019 sera intégralement respectée. Lors du conseil de défense qui s’est tenu le 2 juin, je l’ai déjà souligné ici, le Président de la République a rappelé son engagement concernant le maintien de la trajectoire financière.

Vous appelez mon attention sur le remplacement du fameux FAMAS. Il est inscrit dans la loi de programmation militaire et devrait intervenir en 2016 pour des premières livraisons en 2017 ; il porte sur un total de 21 000 AIF, armes individuelles du futur. Conformément à la réglementation, nous avons dû lancer un appel d’offres européen, puisque, avec les nouveaux dispositifs, nous y sommes tenus.

Les entreprises françaises capables de produire directement ce type d’armement il y a une quinzaine d’années ne le font plus ou ont été fermées ; je pense à la manufacture d’armes de Saint-Étienne et à l’atelier munitionnaire du Mans de GIAT-Industries. Il n’y a plus en France ce type d’activités.

En revanche, je suis très ouvert à ce que des entreprises françaises répondent d’une manière ou d’une autre à cet appel d’offres, et je les incite fortement à le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Situation en Irak

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Jacques Bridey. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le ministre, en tant que président de notre groupe d’amitié France-Irak, permettez-moi tout d’abord d’adresser toutes mes pensées d’amitié et de solidarité à nos amis irakiens dans les heures tragiques qu’ils connaissent en ce moment.

Depuis plusieurs semaines, la situation en Irak ne cesse de se dégrader et l’inquiétude monte de jour en jour pour ce peuple ami. Rien ne semble arrêter aujourd’hui le groupe terroriste État islamique en Irak et au Levant, qui progresse, terrorise les populations, multiplie les prises d’otages et diffuse sur internet des images insoutenables.

Aujourd’hui, ce sont déjà 500 000 civils irakiens qui ont fui les zones de combats et connaissent une situation humanitaire des plus difficiles. Ces réfugiés fuient essentiellement vers la région autonome du Kurdistan, qui accueille déjà des dizaines de milliers de réfugiés syriens.

Face à cette crise, quel soutien notre pays peut-il apporter et à l’Irak et au Kurdistan ?

La protection des populations, qui est notre préoccupation première, passe à terme par le renforcement de l’État irakien. Après avoir pris le contrôle de nombreuses villes, parmi lesquelles figurent Saadiyah, Djalaoula, Tikrit et Mossoul, cette organisation terroriste exhorte ses combattants à marcher sur Bagdad, à renverser le régime du Premier ministre Nouri Al-Maliki et à instaurer un État djihadiste.

Cette situation est de nature à nous inquiéter et je vous remercie, monsieur le ministre, d’en avoir compris toute la portée en appelant la communauté internationale à s’en saisir et en condamnant les prises d’otages.

L’organisation terroriste met gravement en danger l’unité et la souveraineté de l’État irakien, auxquelles la France est particulièrement attachée. Dans ce contexte, de quelle manière la France peut-elle continuer à accompagner l’Irak dans le renforcement et la stabilité de son système démocratique et à l’aider à retrouver sa sécurité intérieure ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, la situation actuelle de l’Irak est probablement l’une des plus graves que nous ayons connues depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui se passe est en effet sans précédent. Un groupe terroriste, à la cruauté illimitée, est sur le point de prendre le contrôle d’un grand État, riche.

Je me suis évidemment entretenu immédiatement de cette situation à la fois avec les ministres des affaires étrangères irakien, saoudien et américain et avec le président kurde, M. Barzani.

La France condamne d’abord de la façon la plus ferme, comme cela a été fait en Conseil de sécurité, ce qui se passe en Irak et prend des dispositions humanitaires. Nous plaidons ensuite et agissons pour qu’un gouvernement d’union nationale soit constitué en Irak car, parmi les causes, lointaines – on les voit – et récentes – on les connaît –, il y a des comportements sectaires qui ont créé une espèce de collusion entre les terroristes, qui, finalement, sont rentrés facilement dans les villes, et le reste de la population. Il faut enfin prendre des dispositions – elles sont prévues dans un projet de loi qui vous sera soumis – pour briser – je dis bien : briser – les tentations d’un certain nombre de ressortissants français d’aller faire le djihad là-bas.

Il n’y a aucune demi-mesure possible. Ce qui est en cause, c’est non seulement l’unité de l’Irak mais la situation de l’ensemble du Moyen-Orient – Syrie, Irak et les pays voisins – et donc la sécurité de l’Europe et même du monde. Il n’est donc pas question que puisse se constituer là-bas un Djihadistan terroriste. (Applaudissements.)

Soldats blessés en opérations

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le ministre de la défense, les troisièmes rencontres militaires blessures et sports viennent de débuter à Bourges. Elles sont l’occasion de vérifier les progrès de la prise en charge des soldats grièvement blessés en opérations, qui sont souvent de jeunes hommes, parfois chargés de famille. Malheureusement, cette prise en charge est d’actualité.

Meurtris dans leur âme et dans leur chair, ces soldats doivent réapprendre à vivre, et surtout accepter de vivre avec des séquelles, qu’ils devront supporter durablement avec leurs proches. Si les progrès médicaux sont réels, avec notamment des prothèses de dernière génération, ainsi que l’accompagnement, grâce à la réforme en 2010 de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, la CABAT, il reste encore beaucoup à faire.

En effet, la reconversion professionnelle ne va pas de soi et il serait légitime que notre nation se montre encore plus reconnaissante envers ses soldats qui se battent pour la liberté dans de nombreux points du globe et font honneur à notre pays.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

Mme Marianne Dubois. Dans cette période d’incertitudes budgétaires, où il nous a fallu rappeler avec force la nécessité absolue de sanctuariser le budget de notre défense nationale, il paraît nécessaire de mettre en œuvre un plan de suivi global pour ces militaires blessés qui doivent reprendre une activité professionnelle.

Monsieur le ministre, loin de toute polémique, je souhaite simplement appeler votre attention sur ces vies brisées, qui m’ont, en tant que membre de la commission de la défense, particulièrement interpellée. Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les pistes à suivre, et notamment si vous envisagez de renforcer les passerelles vers les emplois réservés de la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la députée, merci de cette question. Vous avez raison de souligner la tenue des troisièmes rencontres militaires blessures et sports qui se tiennent en ce moment. Je rendrai visite à ces cinquante-quatre militaires blessés et cette centaine d’encadrants dans quelques jours pour leur apporter mon soutien et, j’imagine, celui de l’ensemble de la représentation nationale. Il y a parmi ces militaires blessés des champions des derniers Jeux paralympiques de Sotchi.

Ce sont des hommes et des femmes que nous devons respecter. On sait que la blessure est un risque inhérent au métier militaire ; c’est un devoir pour la nation, et pour la communauté de défense en particulier, d’assister et d’accompagner les militaires blessés dans leur parcours de réinsertion et de réadaptation sociale et professionnelle. À cet égard, le sport a une place essentielle ; c’est un levier qui permet de lutter contre l’isolement et contribue à la restructuration physique et mentale. C’est la raison de l’organisation de ces rencontres militaires blessures et sports. C’est aussi l’objet de l’action de l’organisme que vous avez signalé, la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, qui fait un travail remarquable de suivi de l’ensemble de ces blessés.

M. Guy Teissier. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faut renforcer le processus d’intégration et permettre de nouvelles passerelles vers les fonctions publiques pour les militaires blessés. C’est le but d’une ordonnance que je prendrai dans quelques jours, ordonnance inscrite dans le projet de loi de programmation militaire et qui permettra aux soldats blessés au cours d’opérations extérieures de bénéficier d’un dispositif d’intégration, avec de telles passerelles, plus fort. Le dispositif sera également élargi aux conjoints des blessés.

Merci d’avoir posé cette question, car c’est un sujet qui mérite tout notre intérêt, notre soutien et notre détermination. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Réforme du permis de conduire

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous le savons tous, passer son permis de conduire relève souvent du parcours du combattant. C’est pour beaucoup de jeunes très difficile : trop long, trop coûteux, trop fastidieux. Les inspecteurs sont débordés de travail et les candidats doivent subir des délais inimaginables pour pouvoir s’inscrire à l’examen du permis – sans parler des délais lorsqu’il s’agit d’une deuxième fois.

Il faut permettre aux candidats de passer dans les meilleures conditions leur permis de conduire, car, pour un bon nombre d’entre eux, c’est la condition sine qua non d’obtention d’un travail ou même d’un contrat d’apprentissage.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

Mme Jacqueline Maquet. C’est la condition même de l’indépendance, notamment dans les territoires les plus isolés.

Pour répondre à l’incompréhension de tous les concernés, vous avez choisi de mettre en place une réforme ambitieuse et de remédier à cette situation qui, au regard des autres pays européens, n’est pas tolérable.

Réformer le permis de conduire, c’est ouvrir la conduite accompagnée plus tôt pour désengorger les auto-écoles. C’est libérer des examinateurs de la surveillance du code pour raccourcir les délais de passage du permis, surtout quand il s’agit de le passer une deuxième fois.

Réformer le permis de conduire, c’est proposer des cours d’éducation routière pour les lycéens. C’est faire en sorte que le permis coûte moins cher et que le dispositif du permis à un euro par jour soit ouvert même aux deuxièmes tentatives.

Réformer le permis de conduire, c’est le simplifier, c’est simplifier les normes d’examen, c’est faire en sorte qu’il n’y ait pas de différences énormes entre une auto-école et une autre.

Monsieur le ministre, la réforme que vous engagez va changer le quotidien de tous ceux qui ont besoin de conduire. Pouvez-vous nous dire en quoi elle consiste précisément et quand elle sera appliquée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, cette réforme du permis de conduire, je veux d’abord en rappeler les objectifs. Comme vous l’avez souligné, pour beaucoup de jeunes, le permis de conduire, c’est le permis de travailler. Par conséquent, lorsque les délais sont trop longs et les coûts trop importants, beaucoup de jeunes se trouvent empêchés d’accéder à l’autonomie et à l’emploi. L’objectif de la réforme est ainsi de baisser le coût du permis de conduire pour les jeunes. C’est une réforme pour les jeunes, notamment pour 40 % des jeunes qui ne réussissent pas le permis du premier coup.

Pour ceux qui ratent le permis, le surcoût, compte tenu des délais de passage de l’examen, peut être compris entre 400 et 800 euros, parfois plus, notamment dans les départements d’Île-de-France, où les délais d’attente peuvent aller jusqu’à six mois. Nous avons donc décidé, c’est la première mesure, de concentrer la surveillance des inspecteurs du permis sur le passage du permis B. Nous allons pour cela recruter, dès le 1erjuillet, des retraités de la police et de la gendarmerie qui feront passer le code. Nous lancerons une délégation de service public juste pour le code, avec un cahier des charges extrêmement rigoureux pour garantir la qualité du service public, et qui permettra, là où l’inscription à l’examen du code, coûte entre 58 et 70 euros, de passer à un tarif unique pour les jeunes de 30 euros.

Deuxième mesure : nous voulons que la conduite accompagnée soit développée dès l’âge de quinze ans, avec la possibilité de passer le permis de conduire à dix-sept ans et demi, car cela permet, d’une part, un taux de réussite de 15 % supérieur à celui qui existe aujourd’hui, d’autre part, une diminution du niveau des accidents auxquels les jeunes sont confrontés après avoir passé le permis.

Enfin, troisième mesure, nous souhaitons moderniser les conditions de passage du code, avec un examen moderne, plus simple, et élargir l’accès au permis à un euro en élevant de 300 euros le plafond de la mesure pour faciliter son financement.

Il s’agit donc bien d’une réforme pour les jeunes. Elle n’est en aucun cas contre les auto-écoles ni contre les inspecteurs du permis de conduire. J’appelle tout le monde à faire un effort pour que cette réforme permette d’apporter une réponse à ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

3

Réforme ferroviaire

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme ferroviaire (nos 1468, 1990, 1965).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi portant réforme ferroviaire.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, inscrit sur l’article.

M. Yannick Favennec. Au moment où nous entamons la discussion des articles du projet de loi portant réforme ferroviaire, je souhaite rappeler l’importance de ce service public. Bien qu’il soit souvent critiqué, les Français y sont particulièrement attachés. Les trains fonctionnent, en temps normal, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et trois cent soixante-cinq jours par an. Ils sont le symbole de la mobilité des personnes et du transport de marchandises. Oui, nos compatriotes y sont attachés et ils ont beaucoup de difficultés à comprendre et à admettre les perturbations de ces derniers jours. Ils en ont assez d’être pris en otages…

M. Nicolas Sansu. Oh !

M. Yannick Favennec. …par certaines catégories de personnel. Le secteur ferroviaire français traverse une crise grave, en raison notamment d’un déficit structurel dont le rapporteur nous a rappelé l’ampleur. C’est pourquoi le texte qui nous est proposé était aussi attendu qu’indispensable. Il s’inscrit dans l’esprit des assises du ferroviaire organisées en 2011 par Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani afin de préparer la libéralisation du secteur.

À titre d’exemple, la séparation entre RFF et la SNCF n’a pas fonctionné et devait être intégralement repensée. Aussi certains aspects de votre texte, monsieur le ministre, vont-ils dans le bon sens, mais il manque d’ambition et n’apporte pas de réponses suffisantes aux problèmes du système ferroviaire français. Il ne prépare pas assez l’ouverture à la concurrence. Il faudra à ce propos aborder la question du statut des personnels, si l’on veut assurer la compétitivité et l’efficacité de la SNCF. En outre, les mesures proposées pour rétablir l’équilibre financier ne sont pas assez précises, face à une dette de 40 milliards d’euros. Il serait nécessaire de prendre des mesures incitatives en termes de performance et d’objectifs financiers.

Enfin, avec ce projet de loi, notre pays se positionne en retrait par rapport aux recommandations de l’Union européenne, qui a proposé comme remède aux problèmes de gouvernance la création d’une entité unique gestionnaire de l’infrastructure remplissant toutes les fonctions liées au développement, à l’exploitation, gestion du trafic comprise, et à l’entretien de l’infrastructure. Elle prévoit que la séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires, sans relation de propriété entre les deux types d’entités, deviennent la règle applicable par défaut dès l’entrée en vigueur de la directive. Par conséquent, à la lumière du nouveau paquet ferroviaire, la France pourrait être contrainte de procéder à des aménagements afin de renforcer l’indépendance des gestionnaires de réseau. Il aurait donc mieux fallu opter d’emblée pour la création d’une société anonyme, comme l’a souligné hier Bertrand Pancher lors de la discussion générale. La position définitive du groupe UDI sur ce texte sera fonction des réponses apportées à nos interrogations et du sort qui sera réservé à nos amendements.

M. le président. Merci, monsieur Favennec. Je rappelle que nous ne rouvrons pas ici une discussion générale globale et que le temps de parole sur les articles est de deux minutes. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 1er instaure les principes généraux relatifs à la réforme ferroviaire. Assurément, une réforme est nécessaire pour stabiliser et surtout traiter la dette de ce secteur et préparer l’ouverture totale à la concurrence. Le groupe UMP aurait été tout à fait prêt à voter pour une réforme qui remplisse ces deux missions. Malheureusement, monsieur le ministre, votre réforme nous déçoit à plus d’un titre. Cela n’est pas une question de temps. Vous aviez d’ailleurs dit dans la presse que les délais allaient vous permettre de « créer un consensus autour d’une réforme sensible » et de « rassurer les syndicats ». À voir ce que les usagers de la SNCF subissent depuis une semaine, même cet objectif-là n’est pas atteint. Ces grèves sont scandaleuses, alors même que votre projet ne résout rien sur la question du statut spécifique des cheminots.

Notre système ferroviaire est à la tête d’une dette abyssale de plus de 40 milliards d’euros, et qui augmente de 1,5 milliard chaque année. Qui pourra l’assumer ? Est-ce que ce sera l’État, déjà si lourdement endetté ? Les usagers, qui doivent supporter des tarifs déjà fort élevés dont beaucoup de familles se plaignent ? Les contribuables, que votre gouvernement ne cesse de ponctionner et qui frôlent l’overdose fiscale ? La question reste posée, malgré ce projet de réforme.

Votre texte propose de réunifier la famille ferroviaire, les deux entités qui ont été séparées en 1997 : la SNCF chargée d’exploiter le réseau et Réseau ferré de France chargé d’en assurer l’entretien. Nous espérons que cette fusion mettra fin aux querelles contre-productives si fréquentes entre ces deux entreprises et qu’elle permettra de faire des économies, grâce à des gains de productivité et en évitant des dépenses inutiles. Toutefois, cette timide réforme, qui ajoute de la complexité à la complexité, ne suffira pas pour faire face aux énormes problèmes de notre secteur ferroviaire. Votre gouvernement, monsieur ministre, ne se montre pas à la hauteur des difficultés de notre pays. Nous vous demandons les réformes courageuses dont la France a tant besoin et vous nous proposez des réformes insuffisantes et timorées qui, in fine, mécontentent tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Avant que nous n’examinions les amendements, je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur un point de vos explications. J’ai écouté très attentivement votre réponse hier, et à plusieurs reprises vous avez cité le chiffre de 80 milliards d’euros comme perspective d’endettement global du système ferroviaire à l’horizon de 2025. Pourtant, dans l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, il était question de 68 milliards d’euros en 2025 contre 41,5 aujourd’hui, soit une progression de la dette de 2,3 milliards par an.

Vous prévoyez donc désormais une progression de la dette globale de 3,3 milliards par an. Est-ce lié au fait que nous avons renforcé les compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires lors de l’examen du texte en commission ? Vous vous laisseriez ainsi une marge de sécurité qui vous permettrait une sorte de « dérive » de la dette ? Est-ce plutôt parce que le Gouvernement, suite au rapport de la Cour des comptes, a prévu de se délester d’une partie de ses engagements financiers vis-à-vis du système ferroviaire, en les faisant porter par un endettement supplémentaire du système ferroviaire ?

La question de la projection de la dette globale du ferroviaire mérite d’être clarifiée et je souhaiterais, pour le bon déroulement de nos travaux, obtenir une réponse.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’article 1er est sans aucun doute le plus important de ce projet de loi puisqu’il a pour objet de bâtir un groupe public ferroviaire à partir de trois établissements publics à caractère industriel et commercial.

Le groupe public ferroviaire de notre pays doit avoir comme objectif de répondre aux besoins des hommes et des territoires, de porter les exigences de la lutte contre le réchauffement climatique avec un véritable fret ferroviaire et de permettre la mobilité de tous par des tarifs accessibles.

Bien sûr, ce nouveau groupe public, constitué de trois EPIC, a d’abord comme objectif de répondre, vous le savez bien, au fameux dogme libéral de la concurrence libre et non faussée, et donc de l’ouverture à la concurrence des services de voyageurs, dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire.

Nul besoin de rappeler le fiasco de l’ouverture à la concurrence du fret, plusieurs intervenants ont donné les chiffres hier : en moins de quinze ans, nous sommes passés de plus de 50 millions de tonnes par kilomètre à 27 millions. Par ailleurs, les opérateurs ferroviaires de proximité n’ont pas pris de parts de marché à la route mais se sont nourris de la politique d’abandon de fret SNCF : je pense notamment aux wagons isolés.

J’en profite pour dire combien il est dommageable que le fret et les politiques publiques de développement du fret soient absents de ce texte. Nous essaierons d’y remédier.

Les députés du Front de gauche aurait préféré une réelle réunification de RFF et SNCF en une seule entité, quitte à engager un bras de fer avec la Commission européenne. Mais je ne ferai pas porter la responsabilité par la Commission ou par un commissaire : il s’agit bien du choix des États composant le Conseil des ministres européens.

Dans le cadre qui nous est proposé, pour ne pas dire imposé, nous nous emploierons donc sans relâche, monsieur le ministre, à promouvoir des dispositifs de renforcement de l’unité et de l’unicité du groupe. Dès maintenant, je souhaite porter à votre sagacité un élément essentiel de cet objectif, à savoir l’institution d’un employeur unique : les cheminots, qu’ils soient dans l’EPIC SNCF Réseau ou dans l’EPIC SNCF Mobilités, doivent tous être les employés de l’EPIC de tête SNCF.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. L’article 1er décrit la nouvelle organisation du système ferroviaire. La France a déjà transposé les principales dispositions des directives européennes des trois premiers paquets ferroviaires, avec, en 1997, la création du gestionnaire d’infrastructures RFF, en 2006, la création de l’établissement public de sécurité ferroviaire, en 2009, la création de la direction de la circulation ferroviaire et de l’ARAF et, en 2010, la création de la branche Gares et Connexions.

Vous faites aujourd’hui le pari de réunifier le gestionnaire RFF et l’opérateur ferroviaire SNCF sous un même EPIC de tête. Malheureusement, cette nouvelle vision idéologique de l’organisation du système ferroviaire n’anticipe pas l’ouverture à la concurrence et ne prépare pas à la mise en œuvre du quatrième paquet ferroviaire. Elle présente le risque, avec la création d’un Haut comité du ferroviaire, d’une juxtaposition des compétences, notamment en termes de résolution des conflits.

Cette nouvelle idéologie de l’organisation du système ferroviaire ne prend pas en compte la notion de stricte séparation des flux financiers entre gestion des infrastructures et exploitation. Elle pourrait également remettre en question le dynamisme de l’ARAF. Telles sont nos inquiétudes quant à la compatibilité de ce projet de loi avec l’ouverture à la concurrence et avec le quatrième paquet ferroviaire.

M. le président. Nous en venons aux amendements. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n238.

M. André Chassaigne. Notre dispositif doit être orienté dans le sens d’un système global de transport compatible avec les défis et les enjeux de notre société : lutter contre le changement climatique, engager la transition énergétique, répondre aux besoins des usagers, aménager le territoire, rendre accessibles les tarifs des transports publics ferroviaires, tout cela passe par une place prépondérante donnée au rail, au détriment de l’avion et de la route.

Il est impératif de réaffirmer et de conforter les missions de service public qui incombent au système ferroviaire, notamment en termes de transition écologique et d’aménagement du territoire. C’est l’objet de cet amendement.

La transition écologique et énergétique doit nous conduire à considérer le transport ferroviaire comme un levier important. En effet, le chemin de fer est un moyen de transport reconnu économe en énergie : il émet dix fois moins de gaz à effet de serre que la route. De surcroît, il permet une amélioration significative de la sécurité globale des transports et réduit les risques d’accidents, généralement gravissimes, impliquant les poids lourds, dont les conséquences humaines, sociales et écologiques sont désastreuses.

Cet amendement vise également à rappeler le rôle important du transport public ferroviaire en matière d’aménagement du territoire, synonyme de desserte fine des territoires, en particulier des plus enclavés, alors que sur les axes jugés « peu rentables » nombre d’arrêts sont déjà supprimés.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Avis favorable.

M. André Chassaigne. Il n’est pas certain que cela suffise à lever la grève ! (Sourires.)

(L’amendement n238 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n239.

M. Nicolas Sansu. Continuons sur la même lancée ! (Sourires.)

L’article L. 1111-1 du code des transports dispose que le système des transports doit satisfaire les besoins des usagers et rendre effectifs le droit qu’a toute personne de se déplacer et la liberté d’en choisir les moyens. Il prévoit également que le système ferroviaire doit rendre effective la faculté pour chacun d’exécuter lui-même le transport de ses biens ou de le confier à l’organisme ou à l’entreprise de son choix. Il précise enfin que la mise en œuvre de cet objectif s’effectue dans les conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la collectivité et dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre.

En conformité avec ces objectifs et conditions, notre amendement vise à préciser que l’État doit garantir une offre de transport de marchandises adaptée aux besoins des territoires.

Rappelons qu’en dix ans, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises a été divisée par deux. Aujourd’hui, elle ne représente plus que 9,6 % du transport de marchandises, contre 83,6 % pour la route, avec toutes les nuisances sociales et environnementales que cela induit. En cause, une concentration de l’activité sur les seuls segments les plus rentables, qui a elle-même entraîné la disparition de 5 000 emplois depuis 2008 et la fermeture de la quasi-totalité des gares de triage.

La marginalisation du fret représente une perte de capacités de développement pour nos territoires, pour les installations portuaires – et je sais combien vous êtes sensible, monsieur le ministre, à la nécessité de lier le fer et les ports – et pour l’industrie française. Elle rend illusoire la réalisation de l’objectif de 25 % de part de marché pour les modes alternatifs à la route en 2022 décrété par le Grenelle de l’Environnement. L’État doit prendre ses responsabilités pour corriger cette évolution et relancer le développement du fret. C’est un élu d’un territoire qui a vu sa gare de triage disparaître qui vous le dit, monsieur le ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Il est défavorable, non pas que nous soyons opposés à la relance du fret, sujet qui nous tient tous à cœur, mais parce que nous considérons que la formule « garantit une offre de transport ferroviaire de marchandises » est floue et qu’elle pourrait prêter à des interprétations malheureuses ou à des difficultés de mise en œuvre.

Aujourd’hui, le fret ne souffre pas d’un déficit de fonds publics. Entre 300 et 500 millions d’euros sont injectés chaque année pour financer le fret SNCF, même si ce montant a été réduit cette année. Il existe aussi des aides au péage des infrastructures, lesquels sont plus faibles pour le fret. Enfin, quatre plans fret se sont succédé, dont un de 800 millions d’euros, dérogatoire et obtenu de l’Union européenne.

Les problèmes du fret français, qui sont importants, dépassent donc de loin la question du financement public. Les volumes du fret s’affaissent. La crise du fret SNCF est une crise dans la crise du fret français. Cela est certainement beaucoup plus dû à des questions de distorsion des fiscalités ou à celle de l’existence ou non de l’écotaxe.

La commission estime que cet amendement pourrait prêter à interprétation et conduire à penser qu’il suffirait de consacrer davantage d’argent public au fret pour qu’il fonctionne mieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il demande le retrait de cet amendement, sans quoi il y sera défavorable. Vous savez que le Gouvernement prête une attention particulière à cette question et a pris de nombreuses initiatives pour relancer le fret. De façon très pragmatique, j’ai mis en place des groupes de travail réunissant tous les acteurs du ferroviaire afin d’identifier les difficultés, de mettre en relation les acteurs industriels économiques, d’examiner la réglementation, d’étudier la question de l’innovation industrielle, de faire en sorte que les verrous sautent et peut-être de remédier au manque d’ambition probable de ces acteurs du secteur.

Cela me donne l’occasion de répondre, par un contre-exemple, à ceux qui pensent que la libéralisation, voire l’anticipation de la libéralisation est la solution à tout : en effet, depuis que la libéralisation a été mise en œuvre, le fret, pour ce qui est de l’opérateur historique, s’est effondré.

Je ne suis pas en désaccord, bien au contraire, avec votre analyse et votre démarche. Mais le texte prévoit déjà à l’alinéa 18 de l’article 1er, après l’adoption en commission de l’un de vos amendements, que l’État veille aux conditions de développement de l’activité de fret ferroviaire et du report modal. Par ailleurs, l’amendement n380 de M. Pauvros inclut la question du fret dans le détail du rapport stratégique d’orientation du transport ferroviaire que le Gouvernement devra transmettre, après avis du Haut comité du ferroviaire, au Parlement.

Je demande donc le retrait de cet amendement tout en réaffirmant la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de la relance du fret ferroviaire.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Le premier objet de l’amendement est atteint, dans la mesure où le rapporteur et le ministre se sont exprimés sur le fret ferroviaire. Dans sa mouture d’origine, le texte était quasiment silencieux sur ce sujet. Grâce à l’excellent travail effectué par la commission, et à l’adoption d’un amendement du groupe GDR, il est désormais mentionné à l’alinéa 18 de l’article 1er.

Nous avons bien conscience que le devenir du fret ferroviaire ne peut être réglé d’un coup de baguette magique. Après nous avoir été présentée comme la solution des solutions, la mise en œuvre concrète, sur nos territoires, des OFP, les opérateurs ferroviaires de proximité, n’a pas fonctionné.

Vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu’il faut réfléchir aux causes. Attaché comme je suis au service public, je pense que la SNCF, quoique l’on puisse dire, est la mieux à même d’assurer le fret ferroviaire dans notre pays. Si les OFP ont échoué, c’est que les accords commerciaux avec la SNCF ont été insuffisants pour permettre la prise en charge des wagons isolés et assurer le relais et le regroupement sur les lignes plus importantes. Les OFP n’ont pas non plus, contrairement à la SNCF, la réactivité nécessaire en termes de personnels et de matériels.

Nous retirons cet amendement, mais il faut bel et bien prendre le problème à bras-le-corps. La question de fond, qui est sous-entendue dans ce terme « garantit » que vous avez bien noté, est celle de l’intérêt général. Considère-t-on que le fret ferroviaire relève de l’intérêt général, ou considère-t-on qu’il peut être réglé par la marchandisation ?

(L’amendement n239 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 15, 223 et 23, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Joël Giraud, pour les soutenir.

M. Joël Giraud. Ces amendements rédactionnels visent à supprimer la répétition un peu malheureuse du verbe « assurer » dans la dernière phrase de l’alinéa 11, soit en remplaçant « assure » par « accomplit » ou « remplit », soit en substituant « accomplies » à « assurées ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable. Les linguistes que nous avons consultés n’ont pas été éblouis par ces propositions alternatives. (Sourires)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. J’avais été ébloui dans un premier temps, je le suis un peu moins à présent, aussi vais-je m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée nationale.

M. le président. Les amendements sont-ils maintenus ?

M. Joël Giraud. Oui.

(Les amendements nos 15, 223 et 23, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n240.

M. André Chassaigne. Alors que ce texte vise à renforcer le poids du ferroviaire et à affirmer sa dimension d’intérêt général par la création d’un grand groupe public ferroviaire industriel intégré, la libéralisation annoncée des transports de voyageurs par le quatrième paquet ferroviaire risque de mettre à mal l’existence même de ce service public et ses conditions de réalisation.

En effet, l’expérience liée à la mise en œuvre des précédents paquets ferroviaires au sein des pays membres de l’Union indique clairement que les notions de service public et de concurrence sont antinomiques.

Nous pouvons ainsi légitimement considérer que dans les secteurs où la concurrence a été engagée, l’offre ne s’est pas améliorée, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Bien au contraire, les conditions de concurrence ont conduit l’ensemble des opérateurs non seulement à se focaliser sur les axes rentables, comme en témoigne l’abandon du fret ferroviaire de proximité, mais également à exercer une pression inacceptable sur les conditions sociales des cheminots, sans parler des augmentations de tarifs – je vous renvoie à la situation en Angleterre.

L’exigence d’un service public ferroviaire renforcé est le seul moyen de répondre aux dysfonctionnements de l’offre de transport qui portent préjudice aux usagers, voyageurs ou entreprises. Le présent amendement se limite à rappeler le caractère public de l’offre de transport. C’est un amendement somme toute assez modeste, mais à la portée symbolique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, non pas parce qu’elle n’est pas attachée au service public, mais parce qu’elle ne confond pas la propriété publique et les missions de service public. Les missions de service public peuvent être déléguées au privé, comme cela se fait depuis des années en France, et des entreprises publiques peuvent recevoir des missions marchandes. Ainsi, la récupération des recettes de la galerie commerciale de la gare Saint-Lazare n’entre pas dans le cadre des missions de service public.

Avis donc défavorable à cet amendement qui enferme le système ferroviaire dans des activités dont on pourrait croire qu’elles sont toutes non marchandes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis défavorable, si cet amendement n’est pas retiré. Votre explication était pertinente, monsieur Chassaigne, et brillante, mais elle ne correspond pas à l’amendement. Il aurait pour conséquence de réduire l’intervention de l’État stratège à la seule cohérence de l’offre de service public. Or, M. le rapporteur vient d’indiquer qu’il pouvait y avoir bien d’autres activités. L’État stratègedoit pouvoir intervenir sur l’ensemble du secteur et des services ferroviaires et non seulement sur l’offre de service public, de la cohérence des TER et des services organisés par les régions jusqu’aux TGV, et plus globalement de l’organisation des services ferroviaires jusqu’aux services marchands.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je maintiens tout de même cet amendement qui touche, d’une certaine manière, à l’ADN du service public ferroviaire. Vous qui appartenez au groupe écologiste, monsieur le président, vous savez que je me suis toujours opposé aux organismes génétiquement modifiés ! (Sourires.) Transformer l’ADN du service public ferroviaire serait dangereux pour son avenir.

(L’amendement n240 n’est pas adopté.)

M. André Chassaigne. Les convergences se confirment !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n406.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement tend à préciser que l’État assure ou veille à la cohérence de l’offre faite aux voyageurs mais également de celle proposée aux chargeurs. Le fret doit être intégré dans les objectifs et les principes généraux de la loi.

La cohérence de l’offre faite aux chargeurs supposerait que les pouvoirs publics élaborent un schéma d’infrastructure ferroviaire structurant pour le fret ferroviaire, reposant sur une connaissance précise des flux de marchandises et de leurs évolutions récentes.

Outre la mise en œuvre d’une politique de transports guidée par des objectifs crédibles de report modal, avec un vrai rééquilibrage des distorsions qui favorisent aujourd’hui la route, la recherche d’une cohérence de l’offre de fret nous paraît non moins cruciale que la cohérence de l’offre offerte aux voyageurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable même si, à titre personnel, le rapporteur aurait un faible pour cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur mais sans faiblesse ! (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’ai la faiblesse de penser que cet amendement n’est pas si mauvais, si notre rapporteur a la faiblesse de considérer qu’il aurait pu être adopté… Je le maintiens donc, d’autant qu’il met en cohérence l’offre pour les voyageurs et le fret, alors justement que M. le ministre vient de nous expliquer qu’il était problématique de ne considérer le fret ferroviaire que sous l’angle du service public. L’amendement n406 n’est peut-être pas cohérent avec l’amendement n240, mais la réponse du ministre ne l’est pas non plus !

(L’amendement n406 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement n345.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise, à l’alinéa 12, après la première occurrence du mot « ferroviaire », à insérer « notamment en matière de mise en accessibilité aux personnes handicapées ». Cet amendement tend à inclure dans les missions de l’État la coordination des autorités organisatrices de transport pour la mise en accessibilité aux personnes à mobilité réduite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Avis défavorable, non sur le fond mais parce que cette question très importante de l’accessibilité sera traitée plus loin dans le texte. Afin d’éviter des répétitions, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement, nous en discuterons plus tard.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je le retire.

(L’amendement n345 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n24.

M. Joël Giraud. Cet amendement tend à réparer un oubli en remplaçant, à l’alinéa 12, le mot « usagers » par celui d’ « utilisateurs ». En effet, la notion d’usager étant réservée au service public, la rédaction actuelle pourrait laisser de côté tous les autres utilisateurs qui ne relèvent pas du service public, en particulier le fret. Les entreprises de fret sont des clients au sens du code du commerce et il n’y a aucune raison de les exclure de l’optimisation par l’État de la qualité de service fournie par le système de transport ferroviaire national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. J’ai le plaisir d’annoncer à M. Giraud que nos linguistes ont été éblouis : avis favorable. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je le suis tout autant !

(L’amendement n24 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement n119.

M. Philippe Duron. Il y a un peu plus d’un an et demi, le ministre des transports avait confié à une mission particulière le soin de revisiter le schéma national des infrastructures de transport, sous l’angle d’une hiérarchisation des projets. L’une des recommandations de cette mission Mobilité 21 au Gouvernement fut d’avoir à la fois une vision sur le long terme, une cinquantaine d’années, mais aussi sur le moyen terme, cinq ans – autrement dit un exercice de programmation glissant.

Nous savons bien que nous ne pouvons pas demander au Gouvernement d’inscrire ici, sur une initiative parlementaire, une loi de programmation, mais il peut accepter qu’un rapport relatif à l’ensemble de la mobilité, et non au seul ferroviaire, soit remis tous les cinq ans au Parlement. En effet, aujourd’hui, on ne pense plus les transports de manière modale : on les articule de manière complémentaire car on sait que chaque Français utilise deux ou trois moyens de transport chaque jour, pour se rendre à son travail, au lycée, à l’hôpital.

Cela aurait aussi pour effet de mieux associer le Parlement à la définition de la politique des transports. Il serait souhaitable que ce rapport fixe un certain nombre de priorités pour les cinq prochaines années, ce qui permettrait peut-être aussi de mieux affecter les fonds publics en direction d’une véritable et efficace politique de mobilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission souhaiterait que M. Duron retire son amendement.

M. Jean-Pierre Vigier. Ne demandez pas à M. Duron de retirer son amendement ! Pas à lui !

M. Gilles Savary, rapporteur. Nous avons à plusieurs reprises demandé une loi de programmation, et on nous a toujours répondu que le sujet relevait davantage d’une loi de finances. On nous a de même refusé une loi d’orientation, au prétexte qu’une loi organique serait préférable. Nous avons proposé un schéma régional de transport, mais c’était trop compliqué. Finalement, le Gouvernement nous a aidés à trouver une solution de synthèse et le groupe SRC a déposé son amendement n380 relatif au dépôt d’un rapport stratégique d’orientation sur l’ensemble du ferroviaire, lequel fera l’objet d’un avis du Haut comité du ferroviaire.

M. Duron pourrait retirer son amendement, puisqu’il est également signataire de celui auquel je viens de faire référence. Nous aurions ainsi une réponse, au moins partielle et sans doute pas seulement, à sa demande.

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. En effet, nous n’aurions qu’une réponse partielle, puisqu’elle se limiterait au seul ferroviaire, mais ce serait déjà un progrès. Aussi vais-je retirer mon amendement.

(L’amendement n119 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 199, 141, 260 et 380, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n199.

M. Joël Giraud. C’est pratiquement un copier-coller de celui de M. Duron. J’ai bien compris la proposition qui est faite d’un rapport remis au Parlement. Peu importe sa rédaction, pourvu qu’un rapport soit remis. Au-delà de l’État stratège, il est nécessaire que le Parlement soit « ébloui » par les actions du Gouvernement en matière ferroviaire ! (Sourires.) Sous la réserve que nous soyons cosignataires de l’amendement n380, je suis prêt à retirer le mien.

M. le président. Monsieur Giraud, vous aviez un amendement n141 en discussion commune.

M. Joël Giraud. Retiré sous la même réserve.

(Les amendements nos 199 et 141 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n260.

M. Nicolas Sansu. L’amendement de M. Pauvros est évidemment plus complet, et donc susceptible de tous nous intéresser. Comme M. Giraud, je souhaite que nous puissions en être cosignataires, ce qui ne devrait pas poser de problème. Nous approuvons cette proposition d’un rapport tous les cinq ans sur la politique ferroviaire, qu’il s’agisse du transport de voyageurs ou de celui des marchandises. C’est une bonne chose. J’ajoute qu’en outre, avec l’adoption du quinquennat, chacun sait bien qu’il y aura au moins une loi ferroviaire par mandat, ce qui permettra d’avoir une autre discussion sur la politique ferroviaire tous les cinq ans.

M. Martial Saddier. Nous nous en occuperons !

M. Nicolas Sansu. Naturellement, il est tout à fait opportun que le Parlement soit officiellement saisi au moins une fois par législature.

M. Xavier Bertrand. Revenons au septennat !

M. Nicolas Sansu. Je retire donc mon amendement, sous réserve que nous puissions cosigner le suivant.

(L’amendement n260 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n380.

M. Rémi Pauvros. Il s’agit d’un amendement extrêmement important car il fixe un objectif très précis, souhaité par différents groupes.

M. Martial Saddier. L’EPIC de tête ?

M. Rémi Pauvros. Cette loi est une étape.

M. Martial Saddier. Enfin les aveux !

M. Rémi Pauvros. Elle est un point d’appui qui servira à bâtir une nouvelle époque de notre activité ferroviaire. Il nous paraît donc essentiel que l’État stratège, auquel nous redonnons tout son rôle dans cette loi, puisse, en associant le Parlement, fixer le cap et les orientations et faire le point sur l’application de la loi tous les cinq ans. Je suis certain que M. Cuvillier sera en mesure de revenir devant nous dans cinq ans – je le dis aux rêveurs… – pour dresser un nouveau bilan en la matière.

M. Martial Saddier. Nous l’inviterons en commission !

M. Bertrand Pancher. Il y aura des places en tribune…

M. Rémi Pauvros. D’autre part, il est essentiel d’associer le Parlement à ces orientations. L’État se compose bien sûr du pouvoir exécutif, mais aussi du pouvoir législatif : nous devons jouer pleinement notre rôle. Le présent amendement énumère les différents points qui permettront d’alimenter cette réflexion. Je vous propose donc, après y avoir associé les groupes RRDP et GDR, de l’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Favorable, comme je l’ai déjà indiqué. Je précise à M. Duron qu’il ne s’agit pas ici du seul transport ferroviaire, mais aussi de son lien avec les autres modes de transport. Son vœu légitime sera donc exaucé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis favorable à cet amendement commun à trois groupes. J’ai bien pris date, monsieur le rapporteur, et je serai heureux de vous remettre ce premier rapport important sur l’ensemble des thèmes que vous évoquez, y compris l’intermodalité.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Vous aurez noté comme moi, monsieur le président, que cela fait désormais trente-trois minutes que j’ai posé une question à M. le ministre sur une somme de 80 milliards d’euros. J’attends toujours sa réponse. Ces demandes de rapport m’offrent précisément l’occasion d’y revenir. Celle que formule M. Pauvros est moins riche que celle de M. Giraud, lequel pose la question très intéressante, au 5° de son amendement, de « l’allocation des moyens budgétaires consacrés par l’État à la politique ferroviaire nationale ». C’est, sous une autre forme, la question que je vous ai posée tout à l’heure, monsieur le ministre. Afin que M. Giraud se retrouve encore davantage dans l’amendement présenté par MM. Pauvros et Duron et les membres du groupe SRC, il serait donc opportun que vous puissiez nous éclairer !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Aux trois groupes qui s’associent à cet amendement, ajoutons le groupe écologiste, qui avait, lui, proposé une loi d’orientation. Comme son nom l’indique, une loi d’orientation est bien davantage qu’un simple rapport. Nous regrettons vivement qu’à l’orée du XXIe siècle, le jour même de la présentation par Mme la ministre de l’écologie des grands enjeux de la transition énergétique, y compris le volet relatif aux transports propres et à la mobilité, nous écartions quant à nous, à l’occasion de l’examen de la réforme ferroviaire dans l’hémicycle, l’idée d’une loi d’orientation qui structurerait pourtant notre capacité à faire muer notre pays « addict » au transport routier vers un autre modèle de mobilité qui engloberait le transport ferroviaire et d’autres modes.

Il est fort dommageable que nous ne puissions compter sur une telle loi d’orientation. Le groupe écologiste profitera des lectures ultérieures du présent texte pour la proposer de nouveau. Dans ces conditions, il n’y avait guère de sens à ce que nous déposions un amendement concernant un rapport, mais l’eussions-nous fait que nous nous serions associés à l’amendement n380 – que nous soutiendrons donc, même s’il n’est qu’un minimum minimorum.

(L’amendement n380 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n36.

M. Joël Giraud. Il s’agit une nouvelle fois d’une question sémantique. Cet amendement vise à modifier l’appellation du Haut comité du ferroviaire. En effet, « ferroviaire » est un adjectif et une telle appellation relève donc d’un français quelque peu relâché. Je vous propose d’employer l’expression de « système de transport ferroviaire », d’ailleurs utilisée partout ailleurs dans le texte. Pour vous éblouir encore davantage, je vous rappelle que le sigle HCF existe d’ores et déjà, ce qui n’est pas le cas du HCSTF. L’Alpin que je suis connaît en effet très bien le Hockey Club de France, mais aussi le Hot Club de France – qui n’est pas ce que vous pensez peut-être, mais le club de jazz de Django Reinhardt ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Avis défavorable : nous ne recevons pas les mêmes conseils en acrophonie, monsieur le député.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est dommage !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis favorable. Je ne saurais m’opposer systématiquement à ces précisions sémantiques ou formelles ! Et je saisis cette occasion pour répondre à M. Herth.

M. Antoine Herth. Après trente-six minutes !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je m’attendais bien à ce que vous égreniez au fil du débat le décompte des minutes écoulées depuis votre question ! Pour vous priver du plaisir de telles interpellations, je vous réponds donc ceci : le rapport indique clairement que, faute de prendre des mesures, la dette ferroviaire atteindrait 80 milliards d’euros en 2025. Au contraire, si nous prenons des mesures collectives, la dette pourrait être stabilisée en 2025 à hauteur d’un montant de 60 milliards, et non pas de 65 milliards.

M. le président. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n36. La commission maintient-elle son avis défavorable, monsieur le rapporteur ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Oui. Nous n’allons pas prolonger le débat ad aeternam sur des questions de cet ordre…

M. Philippe Duron. Le ministre est plus swing que le rapporteur… (Sourires.)

(L’amendement n36 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n37.

M. Joël Giraud. Il s’agit d’un amendement de cohérence visant à remplacer « Haut comité du ferroviaire » par « Haut comité du système de transport ferroviaire » partout où c’est nécessaire.

(L’amendement n37, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n241 qui fait l’objet d’un sous-amendement n417.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement.

M. André Chassaigne. L’exposé sommaire de cet amendement indique qu’il s’agit d’un amendement de précision. On pourrait en déduire qu’il s’agit d’une proposition sémantique d’inspiration giraudienne telle que celle que notre collègue radical des Hautes-Alpes vient de défendre. (Sourires.) Il n’en est rien ! Le sous-amendement que le Gouvernement s’apprête à défendre illustre d’ailleurs l’incompréhension qui existe entre nous.

Vous avez cru que les adeptes de la lutte des classes rejetaient l’expression de « partenaires sociaux » – il est vrai qu’aujourd’hui le vocabulaire revêt une importance cruciale. Nous proposons en effet de la remplacer par « représentants des organisations syndicales de salariés », une formule qui exclurait les organisations professionnelles.

C’est précisément ce que je souhaite, les exclure : non pas pour rejeter les organisations professionnelles ou créer un quelconque déséquilibre, mais au contraire pour rééquilibrer les choses. En effet, les organisations professionnelles sont déjà représentées plusieurs fois : par le biais du Haut comité ferroviaire – ancienne appellation – et des entreprises ferroviaires, mais aussi des exploitants d’installations et de services ainsi que des gestionnaires d’infrastructures. Autrement dit, l’expression de « partenaires sociaux » crée au final un véritable déséquilibre entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles qui représentent notamment les chefs d’entreprise et les employeurs du système ferroviaire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n417.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Permettez-moi de m’adresser particulièrement à vous, monsieur Chassaigne, pour vous convaincre. Le Gouvernement, vous le savez, est attaché au dialogue social. Il a donc souhaité recueillir la position des différents représentants syndicaux, y compris celle de la plus puissante organisation syndicale, sur le présent sous-amendement, qui précise que participent au Haut comité du ferroviaire – avant correction terminologique de M. Giraud – non seulement les organisations syndicales, mais aussi les organisations représentatives des employeurs.

Il s’agit donc d’un sous-amendement présenté en plein accord, pour éviter toute mauvaise interprétation et sans contradiction aucune avec votre amendement, monsieur Chassaigne, auquel vous savez que je serai heureux de donner un avis favorable, sous réserve que le sous-amendement soit adopté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Comme le Gouvernement, la commission est favorable à l’amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement. En effet, l’article ne précise pas combien de membres de chaque catégorie siégeront au Haut comité : il ne vise qu’à préciser clairement quels acteurs y seront représentés. Or, si l’on indique que les organisations syndicales de salariés y sont représentées, à un nombre que l’on ne connaît pas, il faut alors ajouter que les organisations professionnelles d’employeurs le sont aussi, à un nombre qui lui non plus n’est pas encore fixé mais qui pourrait être bien inférieur, car les organisations professionnelles pourraient être représentées par ailleurs au titre des différents métiers ou des branches mentionnées plus tôt dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je suis sans voix. À entendre ce débat, je me demande dans quel monde nous vivons ! Ce texte sur les transports ferroviaires emploie l’expression de « partenaires sociaux », comme bien d’autres lois de la République, et chacun sait bien ce que cela signifie. Votre proposition, monsieur Chassaigne, pourrait tout aussi bien consister à enlever « Fraternité » à « Liberté » et « Égalité », et à le remplacer par « Lutte des classes » !

M. André Chassaigne. Vous ne m’avez pas écouté !

M. Antoine Herth. Le sous-amendement du Gouvernement viserait à ajouter « Respect de l’économie de marché » !

Il y a des mots simples pour dire des choses simples. Les partenaires sociaux sont des gens qui s’assoient autour d’une table.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. Antoine Herth. Parfois, ils sont énervés. Parfois, des manifestations précèdent ces réunions. Mais voilà, ce sont des partenaires sociaux : les uns et les autres ont des intérêts divergents lorsqu’il s’agit de proposer des solutions, mais convergents lorsqu’il convient de trouver des réponses pour que, globalement, notre société marche droit.

J’estime, pour ma part, qu’il faut en rester au texte tel qu’il est présenté par le Gouvernement.

M. Xavier Bertrand. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur Herth, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne m’avez pas écouté ! J’ai bien dit qu’il ne s’agissait pas de supprimer les mots « partenaires sociaux », même si je peux bien porter une appréciation personnelle sur cette expression. Cet amendement montre le souci qu’il n’y ait pas de déséquilibre, dans la mesure où les organisations patronales sont représentées d’un autre côté.

J’ai entendu les explications du rapporteur et du secrétaire d’État concernant le nombre des représentants, et j’ai compris que ce déséquilibre n’existerait pas. Compte tenu de cette réponse, je retire mon amendement, puisque son objet portait sur le déséquilibre de la représentation au Haut comité du ferroviaire.

(L’amendement n241 est retiré.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n417 tombe.

La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement n346.

M. Jean-Louis Bricout. J’en reviens ici à la question de l’accessibilité.

La loi de 2005 sur le handicap, initiée par M. Chirac, est une belle loi. Elle a permis de faire avancer la situation des personnes handicapées, sur le plan social notamment, mais elle est malheureusement limitée en matière d’accessibilité. L’objectif d’accessibilité universelle ne sera pas atteint le 15 février 2015.

Les difficultés portent surtout sur le suivi, le contrôle, les moyens, et les normes souvent trop sévères. La semaine dernière, nous avons voté un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans le but précisément d’avancer en matière d’accessibilité universelle, en mettant en place un outil essentiel, l’agenda d’accessibilité programmée, et en prévoyant de nouvelles méthodes, de nouveaux principes et des normes très assouplies.

Au cours des auditions de la SNCF est apparue une attente forte en matière de coordination pour faire aboutir cette question de l’accessibilité. Notre amendement vise à préciser les missions dévolues au Haut comité du ferroviaire pour lui permettre de prendre en compte la dimension de mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Certaines décisions doivent être suivies et les tours de table financiers arbitrés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Cet amendement, auquel je ne suis pas opposé, aura un autre intérêt : il permettra enfin de clarifier cette histoire de trains trop larges et de quais trop étroits.

Si les Régiolis sont trop larges, c’est qu’on leur demande de rendre le même service que les TGV qui roulent sur des lignes nouvelles, autrement dit qu’une personne en chaise roulante puisse entrer dans le train sans avoir besoin d’assistance. Cela nécessite une parfaite adéquation entre le niveau du quai et du train. D’où le besoin de coordination entre le gestionnaire de réseau, le fabricant du matériel et l’exploitant.

Mon TGV a été arrêté lundi en gare de Noisy-le-Sec, qui n’est pas une gare TGV, parce qu’il y avait des manifestants sur la voie. J’ai dû faire de l’escalade pour atteindre le quai, car il y avait un espace d’au moins cinquante centimètres depuis le plancher du train, le quai n’étant pas prévu pour accueillir ce type de matériel. Si cet amendement peut aboutir à ce que l’ensemble des acteurs, des réseaux et des exploitants discutent enfin ensemble pour un bon motif, celui de l’accessibilité, et au final pour le confort de l’ensemble des usagers, tant mieux !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. J’estime également que c’est un amendement très intelligent, qui permet de réintroduire dans notre débat les usagers, qui sont, entre nous soit dit, un peu oubliés dans ce texte, notamment par le biais de la composition du Haut comité du ferroviaire.

Le rapporteur pourra peut-être nous faire part de son sentiment sur ce sujet, mais il me semble important que les usagers soient consultés. Certes, ils apparaissent en quelques endroits du texte, mais les relier au Haut comité du ferroviaire est vraiment important. Je rappelle que, dans la notion d’usagers, il n’y a pas que les personnes handicapées ou à mobilité réduite, même si l’on doit leur prêter une attention particulière. Cette notion recouvre aussi ce que l’on appelle l’expertise d’usage, autrement dit le fait de faire remonter en permanence les réflexions de bon sens des usagers. La SNCF le fait très bien, à travers de nombreux dispositifs, notamment l’ouverture de données, ce qui permet aux usagers de réagir en permanence. Bref, le fait de souligner la place des usagers me séduit.

(L’amendement n346 est adopté à l’unanimité.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n242.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à renforcer les prérogatives du Haut comité du ferroviaire. Dans l’état actuel du texte, il est prévu que ce dernier remette au ministre un rapport tous les trois ans, à l’occasion de l’actualisation des contrats conclus entre l’État et chacun des EPIC qui constituent le groupe, rapport qui sera communiqué au Parlement et rendu public.

Nous proposons que le Haut comité remette chaque année au Parlement un rapport sur le fonctionnement du système de transport ferroviaire au regard de la mise en œuvre du droit au transport, de l’offre de service public et de la réponse aux besoins des usagers et des territoires.

Nous jugeons qu’il est indispensable de démocratiser le service public ferroviaire et de faire en sorte que les citoyens, les usagers du rail, les cheminots, les collectivités locales, mais aussi évidemment les élus de la nation soient mieux associés aux débats et aux délibérations et puissent disposer d’évaluations alternatives à celles qui reposent principalement sur des critères marchands et financiers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable, mais pas à l’idée de fond : simplement, nous ne voulons pas multiplier les rapports et les charges de travail, en l’occurrence les charges de lecture. En effet, le Haut comité du ferroviaire devra donner un avis sur le rapport stratégique avant qu’il parvienne au Parlement. Il sera également amené à donner son avis sur l’ensemble des contrats d’objectifs qui lient l’État à la SNCF avec ses deux déclinaisons : SNCF Mobilités pour les services et SNCF Réseau pour l’état du réseau. En outre, le Haut comité du ferroviaire pourra toujours être saisi d’une demande de rapport par le Gouvernement et éventuellement, je l’espère, par le Parlement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n242 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n38.

M. Joël Giraud. C’est un amendement de cohérence concernant la nouvelle dénomination du Haut comité du système de transport ferroviaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Favorable. C’est ainsi que nous avons nommé ce Haut comité tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n38 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n243 rectifié.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à rétablir les comités de ligne. Ceux-ci ont été institués dans le souci constant d’améliorer les performances et de donner à l’usager une place centrale. Ce sont des lieux d’échanges et de concertation où sont invitées les associations – usagers, personnes handicapées, familles, parents d’élèves – mais aussi les collectivités, les élus des communes desservies, l’exploitant et les gestionnaires de l’infrastructure et des gares, les représentants des salariés de la SNCF ainsi que des usagers à titre individuel.

Ces instances permettent d’instaurer un dialogue inédit sur la qualité du service public ferroviaire de proximité. Les comités de ligne sont des instances de concertation nécessaires et primordiales dont le but est de répondre aux enjeux de desserte fine des territoires, dans un souci d’aménagement équilibré. Tous les sujets y sont évoqués : desserte, tarifs, services, ponctualité. Les attentes de chacun sont étudiées sur chaque ligne, y compris les moins fréquentées.

Emblèmes de la démocratie participative, les comités de ligne sont un lieu d’information, d’échange et d’écoute entre d’un côté la région, la SNCF et RFF et de l’autre les usagers. Leur rétablissement se justifie pleinement dans le but d’améliorer le service rendu à ces derniers. Les comités de ligne ont été abrogés par l’ordonnance n2010-1307 du 28 octobre 2010. C’est un recul extrêmement regrettable. C’est pourquoi nous voudrions les rétablir à l’occasion de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable mais, encore une fois, pas sur le fond. Il existe encore beaucoup de comités de ligne. Le Conseil d’État vient de demander au Gouvernement de les inscrire dans la partie réglementaire du code, ce qui fait que nous ne sommes pas aujourd’hui fondés à les inscrire dans la partie législative. Mais c’est une façon de prendre acte de votre préoccupation, monsieur Chassaigne : les comités de ligne vont entrer dans le code des transports.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis totalement satisfait de cette réponse. Il est extrêmement regrettable qu’une ordonnance ait supprimé ces comités de ligne, même s’ils ont continué à exister dans de nombreux secteurs, car ils rendent énormément de services. Ils se réunissent régulièrement, les usagers y viennent quelquefois à titre individuel, quelquefois sous la forme d’associations. Je vous remercie donc de votre réponse, monsieur le rapporteur, confirmée par le silence du ministre. Je retire mon amendement.

(L’amendement n243 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 40 et 220, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n40.

M. Martial Saddier. Cet amendement montre notre souci, à l’instar de tous les députés du groupe UMP, du sort des usagers. Il y a plusieurs données à prendre en compte : d’une part notre réseau, qui a une capacité, et en face son utilisation et l’optimisation de cette capacité, ainsi que la tarification. Cet amendement vise, dans l’intérêt des usagers, à ce qu’il y ait une réelle optimisation entre la capacité du réseau, son utilisation et la tarification. Je pense que nous ne pouvons qu’être tous d’accord.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n220.

M. Joël Giraud. Les motifs de cet amendement sont les mêmes que ceux que vient d’exprimer Martial Saddier. La différence est que nous avons remplacé « usagers » par « utilisateurs », pour la même raison que dans l’amendement qui a reçu tout à l’heure un avis favorable du Gouvernement et de la commission, à savoir que les utilisateurs ne sont pas forcément des usagers du service public : il y a aussi des utilisateurs du fret, donc des clients.

Dans cet amendement qui propose de compléter la charte du réseau prévue par l’alinéa 24, l’emploi du terme « utilisateurs » permet de rendre service à l’ensemble des utilisateurs, en incluant le fret, et pas seulement aux usagers du service public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Nous avons déjà mené cette bataille linguistique à l’occasion de l’amendement n24 de M. Giraud, qui a été adopté. Dans un souci de cohérence, notre préférence va donc à l’amendement n220 et nous sommes défavorables au n40.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Sur le fond, les amendements n°40 et 220 me satisfont totalement puisqu’ils confortent l’intérêt que porte le Gouvernement à l’ensemble des usagers ou utilisateurs. Cependant, la distinction entre usagers et clients, ou usagers et utilisateurs permet de déterminer le statut du service offert : statut de service public ou statut de service commercial.

M. Jean-Luc Laurent. Absolument !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Par conséquent, je suis plutôt favorable à l’amendement 220.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Le rapporteur et le ministre, en soutenant l’amendement de M. Giraud au détriment du mien, ont opéré un choix… radical. (Sourires.)

M. Jean-Luc Laurent. Vous avez tout compris !

M. Martial Saddier. Néanmoins, en signe de cette bonne volonté dont je fais preuve depuis maintenant près de deux heures, je suis prêt à retirer mon amendement, voire à cosigner celui de M. Giraud s’il est d’accord. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Un ralliement radical !

M. Martial Saddier. Vous rendez-vous compte ? (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Remarquable !

(L’amendement n40 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. L’actuel président de la commission permanente du Conseil national de la montagne que je suis accepte la co-signature de l’ancien président de la commission permanente du Conseil national de la montagne !

M. le président. C’est merveilleux.

(L’amendement n220 est adopté à l’unanimité.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n25.

M. Martial Saddier. Il a pour objet de supprimer l’alinéa 25.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Il est forcément défavorable, car l’alinéa 25 a été introduit par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Totalement défavorable.

(L’amendement n25 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 66, 65 et 67, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur, pour les soutenir.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit d’amendements rédactionnels.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Favorable.

(Les amendements nos 66, 65 et 67 sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n13, deuxième rectification. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Martial Saddier. Nous en venons là au cœur de notre désaccord, monsieur le ministre. Le désaccord de fond qui nous oppose depuis le début des discussions en commission est relatif à l’EPIC de tête. Nous avons toujours du mal à comprendre la raison de son introduction dans le projet de loi. Sans doute fallait-il faire plaisir aux cheminots, les rassurer, ce qui n’a manifestement pas marché, et donner des gages à certains dirigeants actuels et à venir de l’EPIC de tête. Mais tel quel, le texte ne définit pas clairement le rôle et les missions respectifs de l’EPIC de tête et des deux EPIC filles. Nous craignons que l’EPIC de tête n’efface le rôle de l’État stratège, auquel tout le monde ici est attaché, et ne mette sous tutelle les deux EPIC filles, en particulier le gestionnaire de réseau. Cela ne manquera pas de se produire, vous le savez très bien, monsieur le ministre.

Je rappelle que la direction de l’EPIC de tête comptera deux membres, dont un président à voix prépondérante. Dans une discussion à deux, si l’un des deux dispose d’une voix prépondérante en cas de désaccord, cela veut dire qu’en réalité on discute tout seul. Nous ne pouvons l’accepter. C’est pourquoi nous souhaitons que la direction de l’EPIC de tête compte a minima un troisième membre.

Tout cela débouchera à coup sûr sur des conflits ! Et comme l’ont avoué tout à l’heure certains orateurs de la majorité – mais faute avouée moitié pardonnée – la réforme n’est qu’un petit pas en avant : il faudra revoir le dispositif à l’occasion du quatrième paquet ferroviaire, car il ne sera pas compatible avec le droit européen, pas plus du reste qu’avec l’ambition d’un grand réseau européen – la France ne pourra y disposer d’un tel système !

C’est pourquoi nous défendrons sans relâche des amendements d’appel au renforcement de RFF et à la clarification des attributions respectives de l’EPIC de tête et des deux EPIC filles.

Une dernière question, monsieur le ministre. Cela m’a réveillé cette nuit, c’est vous dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Vous vous êtes pourtant couché de bonne heure !

M. André Chassaigne. Les chars soviétiques étaient dans le bois ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. Il était trois heures du matin. Vous voyez, je n’en dors plus, ni vous non plus d’ailleurs, monsieur le ministre !

M. Jean-Luc Laurent. Il faut compter les trains ! (Sourires.)

M. le président. C’est sans doute important, monsieur Saddier, mais votre temps de parole est dépassé.

M. Martial Saddier. Je n’interviendrai plus par la suite, monsieur le président.

M. le président. J’en prends bonne note, cher collègue !

M. Martial Saddier. Soudain donc, dans mon for intérieur, j’ai compris : l’instauration de la troisième structure, l’EPIC de tête, ne viserait-elle pas en fait à disposer d’une troisième boîte pour répartir la dette ? Ses promoteurs n’ont-ils pas l’idée de faire peser un jour une partie de la dette du système sur l’EPIC de tête, afin de faire croire qu’ils ont fait des économies et de retrouver des capacités d’investissement tout en continuant d’augmenter la dette ?

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous confondez avec les comptes de l’UMP !

M. Pascal Deguilhem. Il faut dormir la nuit !

M. Martial Saddier. J’aurai en tout cas eu le mérite de le dire, et ce sera inscrit au Journal officiel. Vous aurez ou non, monsieur le ministre, celui de me répondre, et nous aurons conjointement celui de prendre date pour réformer l’EPIC de tête lors de la prochaine législature.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Je ne résiste pas au plaisir de dire à Martial Saddier qu’il est hanté la nuit par ses propres sortilèges ! Le type de calcul que vous supputez, cher collègue, c’est votre camp qui l’a fait en créant RFF afin de planquer la dette sous le tapis !

M. Jean-Luc Laurent et Mme Marie-Françoise Bechtel. Exactement !

M. Gilles Savary, rapporteur. Nous n’en sommes pas là du tout ! Nous sortirons d’ailleurs probablement un jour une partie de la dette du système ferroviaire, mais ce n’est pas encore possible actuellement. Quoi qu’il en soit, je vous rassure, cher collègue, nous n’avons ni les mêmes réflexes que vous ni la même politique ferroviaire !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Ni les mêmes cauchemars !

M. Gilles Savary, rapporteur. Vous pouvez être tout à fait tranquille à ce propos. Comme je l’ai dit hier, vous voulez casser en deux le système ferroviaire français, conformément à une certaine orthodoxie libérale bruxelloise à laquelle Frédéric Cuvillier a tordu le bras avec son collègue Peter Ramsauer, le ministre allemand des transports. Nous ne voulons pas casser le système ferroviaire, nous voulons conserver un groupe industriel puissant dans lequel réunir les métiers de l’infrastructure et susceptible de compter encore davantage à l’échelle européenne. C’est la seule raison pour laquelle il existe un groupe d’EPIC, avec la SNCF à sa tête et deux filiales d’EPIC, la filiale Réseau et la filiale Mobilités. Voilà pourquoi notre avis sur l’amendement est évidemment défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je suis désolé, monsieur Saddier, que ce texte trouble la qualité de votre repos ! (Sourires.) Le Gouvernement s’y était pourtant montré sensible et nous avons fait en sorte, comme vous l’avez remarqué hier soir, que vous puissiez l’examiner dans les meilleures conditions !

M. Pascal Deguilhem. Je confirme !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Vous vous êtes réveillé cette nuit. Moi, j’ai rêvé.

M. Antoine Herth. Des syndicats !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Du secteur ferroviaire, bien évidemment ! Contrairement à ce que vous affirmez, ce sujet ne m’empêche pas de dormir. Il constitue au contraire l’occasion de réfléchir aux enjeux du ferroviaire, même dans mes rêves ! Et je me suis demandé en rêve comment convaincre en même temps Martial Saddier et André Chassaigne. Comment l’un et l’autre pourraient-ils se retrouver ?

M. Philippe Duron. Dans le même wagon ! (Rires.)

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Un personnage m’est alors apparu, un Russe, ce qui ne peut vous laisser de marbre, cher André Chassaigne. Il s’agit d’Andreï Roublev, dont le nom a d’ailleurs été donné en hommage au train à grande vitesse reliant Moscou à Vladimir. André Chassaigne ne peut qu’être très sensible à une telle référence, tout comme Martial Saddier car cet iconographe a représenté une forme de substance incarnée en trois personnes – l’icône de la Trinité. Nous avions là, rêvé-je alors, un bon point de synthèse, sous la forme d’une incarnation doublée d’un hommage à la grande vitesse ferroviaire, démontrant notre commune volonté incarnée en trois personnalités qui ne sont pas hiérarchisées ! (Sourires.)

M. Antoine Herth. Faites des prières, monsieur le ministre !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Vous dormez peu, ou mal, monsieur Saddier. Je m’efforce donc d’illustrer, pour gagner du temps, la nécessité d’un groupe unifié décliné en personnalités juridiques, en l’espèce des EPIC, à lui rattachées. Je convoque les images que je peux pour essayer de vous convaincre : avouez tout de même que le Gouvernement fait preuve de toute la pédagogie possible ! Nous avons tout entendu : de l’information, de la désinformation et peut-être de l’incompréhension. Je ne saurais vous y laisser. Je vous rappelle donc que nous sommes favorables à l’unicité du secteur ferroviaire, et à son efficacité.

Par ailleurs, Dominique Bussereau m’a véritablement convaincu hier de la nécessité de renforcer les liens entre les deux EPIC SNCF Réseau et SNCF Mobilités, en vue de constituer un groupe le plus intégré et le plus puissant possible. Faire, c’est bien, et défaire ne peut constituer un programme ! J’ai même rêvé, André Chassaigne, de ce poing que vous tendiez hier soir, un poing qui n’était pas vengeur ni rageur, mais ferme. Ce n’était pas un poing revendicatif mais un poing nous invitant à faire preuve de volonté et de force ! Le texte et les orientations organisationnelles que nous retiendrons ensemble par le biais de vos amendements, monsieur le député, en seront l’illustration. Quant à celui dont nous discutons en ce moment, l’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. L’EPIC de tête, monsieur le ministre, constitue en effet l’un des sujets majeurs de la réforme, et vous déployez des trésors de talent pour essayer de nous divertir sur le sujet. J’ai noté pour ma part cette chose essentielle qu’a dite M. Pauvros tout à l’heure, écoutez bien monsieur Chassaigne : il a dit « ce n’est qu’une étape ». Il faut être clair : la réforme dont nous discutons n’est qu’une étape ouvrant la porte à l’étape suivante, celle qu’on ne veut pas assumer aujourd’hui pour tranquilliser le corps social, selon l’expression coutumière.

M. Martial Saddier. On s’en occupera en 2017 !

M. Laurent Furst. Vous avez prononcé en commission, monsieur Chassaigne, la phrase essentielle : « Il suffirait de bien peu pour couper les fils ». En effet, cette réforme ouvre la porte à la suivante, celle de la suppression de l’EPIC de tête. Même si, parfois avec humour, parfois avec énergie et toujours avec talent M. le ministre nous affirme le contraire, il prépare la réforme la plus difficile, celle de la suppression de l’EPIC de tête !

M. Martial Saddier. De la libéralisation du marché et de la concurrence !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Ce n’est pas entièrement faux !

M. Laurent Furst. Deux entités coexisteront, la propriété collective du réseau qui est un bien national et des opérateurs multiples qui fonctionneront et fonctionnent déjà dessus. Soyons clairs, disons les choses ! On en est déjà, monsieur le ministre, à la réforme de demain, celle que vous dénoncez mais que vous préparez aujourd’hui !

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. Je remercie Martial Saddier de faire remarquer que l’EPIC de tête est un point essentiel, et aussi qu’on n’y reviendra plus.

M. Martial Saddier. Du moins cet après-midi !

M. Rémi Pauvros. Au moins, on se dit les choses ! Plus sérieusement, il s’agit en effet d’une étape, comme cela a été dit hier très clairement. Pourquoi ? Parce que compte tenu de l’état dans lequel nous avons trouvé le système ferroviaire que vous nous avez laissé, il faut effectivement tout reconstruire ! M. Bussereau a terminé son intervention hier en nous traitant de conservateurs et de passéistes, mais je ne peux que constater que vous souhaitez vous-mêmes revenir en arrière, c’est-à-dire à la situation que vous nous avez laissée et dont découle le déficit de RFF que nous connaissons. Le conservatisme et le passéisme sont donc sur vos bancs !

M. Laurent Furst. Probablement…

M. Rémi Pauvros. Vous en êtes l’incarnation puisque vous avez tenté de casser le système ferroviaire et de nous laisser, comme d’ailleurs pour la France que nous avons trouvée, tout à reconstruire, à commencer par l’ambition d’engager une nouvelle étape fondamentale du secteur ferroviaire. Il s’agit bel et bien d’un débat de fond. Vous avez envie de laisser ce bel outil aller à vau-l’eau, face à la concurrence qui va déferler. Vous pensez qu’après tout le libéralisme fera son œuvre. En un mot, que le meilleur gagne et que le déficit soit comblé par l’État et les contribuables ! Voilà votre vision. La nôtre est à l’opposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. Caricature !

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je comprends, chers collègues que vous puissiez, vous, rêver d’une étape supplémentaire où il n’y aurait plus d’EPIC de tête coiffant les EPIC filles. Je comprends que telle soit votre volonté. Peut-être même est-ce ce que vous ferez si un jour vous revenez au pouvoir – cela finira bien par arriver, on peut le craindre…

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Le plus tard possible !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. En effet ! Nous ferons tout pour qu’il en soit bien ainsi. Simplement, chers collègues, ne laissez pas entendre que ce que nous préparons, nous, est l’étape que vous désirez, vous.

M. Martial Saddier et M. Laurent Furst. Bien sûr que si !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. C’est exactement l’inverse. Je prétends même que ce que nous préparons permettra de consolider jusqu’à certains mouvements financiers sur lesquels vous aurez bien du mal à revenir si vous aimez vraiment le réseau ferré français. Pourquoi ? Parce que l’EPIC de tête a vocation à faire en sorte que l’EPIC Réseau soit nourri par l’EPIC Mobilités. Si demain vous supprimiez l’EPIC de tête, vous pourriez décider en même temps dans la loi de finances que les dividendes ou la part fiscale qui ne reviendront pas à l’État iront à l’EPIC Réseau.

M. Laurent Furst. C’est vrai !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Mais si vous êtes honnêtes avec vous-mêmes, vous n’ignorez pas que nous travaillons sous la vigie de Bercy, cela est vrai de ce gouvernement comme des vôtres ! Or, toujours Bercy fera en sorte que ces dividendes, plutôt que d’alimenter l’EPIC Réseau, demeurent dans les caisses de l’État, car les ennuis que nous rencontrons aujourd’hui et que vous avez rencontrés avant nous perdureront. Si vous souhaitez vraiment que la dette, ou ne serait-ce que les déficits annuels récurrents cessent, vous serez obligés de conserver l’EPIC mère.

M. Laurent Furst. Mais non !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Vous pourrez certes toujours le supprimer : ce qu’une loi fait, une autre peut toujours le défaire. Mais, de grâce, ne laissez pas entendre que ce que nous faisons aujourd’hui prépare ce que vous voulez faire demain.

M. Laurent Furst. C’est pourtant la vérité.

M. le président. Sur l’amendement n13, deuxième rectification, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Comme il nous faut respecter un certain délai avant de voter, j’en profite pour revenir sur le sujet de la dette du système ferroviaire. Nous risquons de tous nous en renvoyer longtemps la paternité, et nous pouvons d’ailleurs tous le faire légitimement. En effet, la dette ferroviaire, c’est un peu comme celle de la France : elle ne cesse de grossir et il arrive un moment où elle devient insupportable ! Les débats d’hier sur le sujet étaient passionnants. Même Dominique Bussereau a indiqué qu’il était intéressant que cette dette ne soit pas comptabilisée dans l’endettement du pays au sens de Maastricht, car il serait ainsi possible de la faire financer par les générations futures.

Reste maintenant à prendre les mesures nécessaires. Ce projet de loi en contient. Sont-elles suffisantes ?

M. Martial Saddier. Non.

M. Bertrand Pancher. Sans doute pas. De véritables mesures, ce serait le rachat de la dette par l’État, comme l’a fait la Deutsche Bahn y a vingt ans – le ministre en a parlé hier, de manière encore un peu timide – la préparation de l’ouverture à la concurrence – chacun sait qu’on va y venir, y compris d’ailleurs le président Rousset, qui dépose des amendements dont je ne suis pas certain qu’il vienne les défendre – ou encore l’engagement d’une véritable réflexion sur le système social. On n’est plus au temps des locomotives à vapeur ! En Allemagne, les conducteurs de train travaillent 40 heures par semaine et lorsqu’on leur en parle, ils expliquent qu’il est moins difficile de conduire un train que de conduire un camion et que la formation n’est que de six ou huit mois. Faites la comparaison avec la France et cherchez l’erreur !

Si nous pouvions donc, chers collègues, ne pas concentrer nos débats aujourd’hui et demain sur qui porte la responsabilité de la dette mais plutôt voir comment faire pour en sortir collectivement, nous aiderions bien davantage le système ferroviaire français.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Inutile de dire que, bien évidemment, je ne voterai pas cet amendement. Il est vrai que lorsqu’on parle de service public, cela déclenche chez vous, chers collègues de droite, une peur incroyable. Vous voyez les chars soviétiques à la porte de votre chambre, vous n’en dormez plus et faites des cauchemars terribles. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Vous allez même jusqu’à essayer de déclencher chez les députés du Front de gauche un réflexe de Pavlov : vous imaginez que nous allons monter au créneau simplement parce qu’il a été fait allusion à un personnage soviétique. Quant à M. Pancher, lui, c’est carrément Stakhanov ! Il aimerait bien qu’un seul cheminot fasse le travail de quatorze ! (Rires.)

Le ministre, qui est beaucoup moins marqué que vous par l’influence de l’ère soviétique, a quant à lui des références religieuses. Il évoque le Saint-Esprit. Pour ma part, je n’aime pas les actes de foi. Il est vrai, monsieur le ministre, que sur ce projet de loi, vous recherchez une adhésion qui ne peut trouver de véritable fondement dans le texte lui-même. Vous nous demandez donc de croire. Vous nous assurez que l’EPIC de tête sauvegardera l’unicité du système ferroviaire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Pas seulement !

M. André Chassaigne. Vous nous dites que c’est un bloc auquel on ne pourra pas toucher…

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Mais si, on pourra y toucher !

M. André Chassaigne. Vous nous dites qu’en aucun cas il ne pourra être un jour supprimé de façon qu’il ne reste plus que deux entités, dont l’une pourrait être livrée au privé comme n’importe quel opérateur – on a vu ce qui est advenu avec France Télécom, Bouygues, Free et les autres.

M. Martial Saddier. M. Chassaigne est lucide !

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, lors de l’examen de nos amendements, vous aurez l’occasion de nous permettre d’aller au-delà d’un acte de foi afin de graver dans le marbre que notre système ferroviaire est un service public unifié et intégré.

M. Martial Saddier. C’est impossible !

M. André Chassaigne. Je ne doute pas que les nombreux amendements que nous avons déposés seront adoptés. Après quoi les chars soviétiques seront chaque nuit devant la porte de la chambre de nos collègues qui n’en dormiront plus ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Je suis atterré par ce débat. Revenons tout d’abord sur la dette. Elle a sans doute une origine, nous pourrons y revenir. C’est peut-être une bonne dette, comme le disait hier un collègue. Mais trois milliards d’euros par an, soit la pente actuelle, c’est impossible à soutenir à l’avenir.

M. Antoine Herth. Ce sera cent milliards à terme !

M. François-Michel Lambert. Cela procède de choix politiques anciens. On connaît en effet l’inertie des décisions et des engagements politiques. Ainsi, la politique du tout-TGV voulue par le gouvernement de droite Fillon, aujourd’hui assumée et atténuée grâce à la commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, n’en a pas moins toujours une incidence sur la dette actuelle.

Autre inquiétude : cet EPIC est-il suffisamment solide ? Ne suffirait-il pas de couper les fameux « trois fils » pour tout déréguler ? Mais tout cela, cher collègue Chassaigne, ne se fera pas par l’opération du Saint-Esprit. Cela ne pourra procéder que de choix politiques. Quel que soit notre vote sur ce texte, la décision de tout libéraliser et de tout déstructurer ne pourra être prise que si une majorité, à un moment, le décide. Le meilleur moyen de l’éviter est que les citoyens, je leur adresse ce message, à chaque fois qu’ils auront à choisir leurs représentants au Parlement, donnent la préférence à ceux qui militent pour une vision, une ambition et un engagement au service d’un système ferroviaire public et non à ceux qui pensent que la solution réside dans le tout-libéral.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Quelques mots pour l’instant, j’y reviendrai plus tard, pour vous dire toute la conviction et la ferme volonté du Gouvernement. Monsieur Chassaigne, je serais tenté de vous dire : « N’ayez pas peur ! » (Sourires.) Moi même, il y a quelques mois, j’aurais pu être effrayé devant les prédictions de l’opposition qui nous assurait que toute tentative de constitution d’un secteur public fort, réunifié et structuré, que toute volonté d’afficher le retour de la puissance publique – État et collectivités, notamment les régions – dans la définition de la stratégie ferroviaire, étaient vouées à l’échec.

Que n’ai-je entendu par exemple, sur l’euro-incompatibilité ? Il m’a fallu recevoir un courrier du commissaire Siim Kallas pour prendre les membres de l’opposition en flagrant délit de mensonge ! Pendant des années, ils ont essayé d’influencer leurs collègues de la majorité ou ceux qui souhaitaient faire avancer le secteur ferroviaire afin de les détourner de la voie de la simplicité et de l’efficacité, celle qui conduit aujourd’hui à regrouper le gestionnaire et l’utilisateur de l’infrastructure.

Je pourrais vous lire la longue liste, mais ce serait fastidieux, même si nous avons des jours et des nuits à passer ici ensemble sur ce texte, des missions qui seront confiées à l’EPIC de tête. Elles sont nombreuses : j’en ai ici deux pages, et c’est écrit petit ! L’EPIC de tête aura pour première mission d’assurer le contrôle, le pilotage stratégique, la cohérence économique et l’intégration industrielle. Il sera aussi chargé d’assurer l’unité sociale du groupe. Derrière cette notion d’unité sociale, ce n’est pas du vide qu’il y a, mais bien du concret ! L’EPIC de tête sera aussi chargé de faire évoluer le pacte social du pôle public, et notamment de conduire les relations sociales en son sein. Une fois qu’il sera devenu le lieu du dialogue social et de l’animation de l’ensemble des parcours professionnels et des mobilités, oserait-on y toucher ? Il aura également des missions mutualisées pour le compte de l’ensemble du groupe, que je pourrais décliner devant vous, des missions utiles au bon fonctionnement du service ferroviaire.

Mais cette liste, cette double page que j’ai entre les mains, valait jusqu’à hier. Depuis, puisque nous avons entendu les intéressés, nous allons proposer nous-mêmes des amendements et donner un avis favorable à d’autres afin que le dispositif soit enserré dans un cadre non pas seulement réglementaire mais bien législatif, ce qui lui donnera plus de force et de stabilité. Cela vous évitera bien des frayeurs – tant il est vrai que M. Saddier est parfois effrayant dans ses prédictions ! Vous n’êtes pas seuls. Le Gouvernement est là. La conviction des députés socialistes et de la majorité tout entière doit vous rassurer sur le dessein qui est le nôtre de parvenir à un grand secteur public ferroviaire unifié.

M. Rémi Pauvros. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n13, deuxième rectification.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants35
Nombre de suffrages exprimés34
Majorité absolue18
Pour l’adoption5
contre29

(L’amendement n13, deuxième rectification, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n244.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur d’aller au bout de vos convictions. Vous avez expliqué que vous vouliez un grand pôle public ferroviaire unifié. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi propose de regrouper RFF et les activités d’infrastructures de la SNCF dans un même EPIC dédié au réseau, qui sera séparé des fonctions de transporteur, logées dans un autre EPIC.

Si la nouvelle structuration du système ferroviaire met fin à la séparation stricte – qui, je le rappelle, prévalait depuis la loi Pons de 1997 – entre la gestion du réseau et son exploitation par la SNCF, il est tout de même difficile de parler de réunification totale du système ferroviaire. Il serait plus juste de parler d’une reconfiguration du système, qui continue de s’inscrire dans le cadre de la libéralisation du transport ferroviaire.

Pour recevoir l’accord de la Commission européenne, la France a dû en effet garantir que la holding de tête n’empiéterait pas sur les fonctions dévolues à SNCF Réseau et que SNCF Mobilités n’exercerait pas d’influence sur les décisions tenant au réseau. La Commission a également demandé que les pouvoirs de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires soient renforcés, afin qu’elle puisse effectivement contrôler l’indépendance de SNCF Réseau.

Le cloisonnement des activités reste de mise entre un EPIC « mobilité », qui concentre les activités rentables et concurrentielles, et un EPIC « réseau », en charge de l’infrastructure. Les mêmes questions demeurent, concernant la prise en charge de la dette et la réalité de la mise en œuvre d’une véritable caisse de défaisance.

Nous sommes pour notre part convaincus de la nécessité de mettre fin à une organisation séparée entre l’exploitation et l’infrastructure, et favorables à une réunification du système autour d’une entreprise intégrée.

L’amendement que nous présentons est, à l’évidence, un amendement extrêmement fort, de principe.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous n’avez pas peur, allons-y, allons nous battre pour obtenir de la Commission européenne cette autorisation d’un seul EPIC, d’un seul établissement.

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Je souhaiterais brièvement expliciter l’avis de la commission. L’alinéa 32 de l’article 1er du texte de la commission débute par les mots : « La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités constituent le (… ) » Vous voulez leur substituer les mots suivants : « L’établissement public industriel et commercial SNCF et son groupe appartiennent à un (… ) ».

Le groupe devant être défini, un avis défavorable a été émis par la commission…

M. André Chassaigne. Laquelle ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission du développement durable.

M. André Chassaigne. Ce n’est donc pas la Commission européenne ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Gilles Savary, rapporteur. Non, la Commission européenne a d’autres outils pour nous faire rendre gorge ! (Sourires.) Je vous confirme qu’il s’agit bien, en l’occurrence, de l’avis de la commission du développement durable !

Votre rédaction pourrait induire une confusion entre la SNCF – c’est-à-dire l’EPIC de tête – et ses filiales directes.

Ce que nous voulons dire clairement, pour notre part, c’est que la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, comme l’exprime le texte, constituent bien le groupe ferroviaire national. On le définit sans laisser planer aucune ambiguïté juridique.

M. Jean-Claude Buisine. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Avec cet amendement, nous poursuivons le débat byzantin – ou, tout du moins, auquel le secrétaire d’État a voulu donner un tour byzantin en développant la triplicité sous la forme d’une icône censée réunir les trois parties du tableau.

L’unité, la dualité et la triplicité ont, chacune, un identifiant, un marqueur.

L’unité est, à mes yeux, le meilleur de ces trois marqueurs. Si nous pouvions revenir, de manière réaliste et raisonnable, à une unité entre la SNCF et RFF – que l’on n’aurait jamais dû séparer, mais une idéologie sectaire et libérale en a décidé autrement – ce serait certainement l’idéal.

Le système qu’on ne peut retenir est évidemment cette dualité – dont vous savez ce qu’en pensent les députés du MRC –, bâtie par idéologie, sous la pression de la Commission européenne, grâce à la démission du gouvernement d’alors vis-à-vis de cette dernière.

Cette dualité, élaborée, je le répète, sous la pression, était non seulement le fruit de l’idéologie mais, de surcroît, elle n’a pas fonctionné. Elle nous a placés dans la situation où nous sommes aujourd’hui, avec une dette qui, en effet, devient insupportable.

Comme l’a développé hier Jean-Luc Laurent dans la discussion générale, les députés du MRC considèrent que tout ce qui tend à l’unité, à conforter le service public grâce à cette dernière est une bonne chose, à l’instar de tout ce qui écarte la concurrence dans ce qu’elle a de plus inacceptable.

Le Gouvernement nous propose un système iconique et, si j’ose dire, triplice. Il est à nos yeux possible, dans un premier temps, de faire fonctionner ce système, de regarder comment il fonctionnera et de décider si, à l’avenir, il y a lieu de renforcer l’EPIC de tête : peut-être, en effet, y aura-t-il matière à le renforcer, éventuellement sur le fondement du rapport que rédigera le nouveau Haut comité du système ferroviaire – j’insiste sur les mots « système ferroviaire », à l’attention de M. Giraud.

À ce stade, tout en préférant la fusion, on peut considérer que la distinction entre trois parties, réunies dans un EPIC de tête, n’est ni inapplicable ni ingérable.

M. Jean-Luc Laurent. En somme, on répond « oui, ayez confiance ! ».

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. La question ne porte pas ici sur l’unité mais sur l’unicité de l’établissement, ce qui est bien ce que nous proposons.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il faudrait que vous nous disiez pourquoi on souhaite aujourd’hui à tout prix avoir ces EPIC filles : peut-être, après tout, existait-il une solution, sur la mise en œuvre des circulations, pour parvenir à un seul EPIC. Telle est, en tout état de cause, notre volonté et, je le crois, l’objet de la discussion de fond.

Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en sorte que l’EPIC mère soit renforcée et que les liens soient, si ce n’est indestructibles, du moins difficiles à défaire.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Cet amendement est à mes yeux essentiel. Pourquoi ? En raison d’une différence philosophique. Vous avez fait une proposition, qui est celle d’un établissement unifié. Nous développons pour notre part une réflexion qui admet la dichotomie entre – pour ainsi dire – le réseau et l’exploitation des trains. Il y a là deux philosophies claires. Entre les deux, il nous est proposé une forme d’eau tiède, et il nous est dit qu’il s’agit d’une étape et que l’on prépare l’avenir.

De fait – j’y insiste –, nous nous situons à une étape qui prépare l’avenir et rendra possible, un jour, de couper ces trois petits fils. Je veux bien entendre tout ce qui a été dit, mais la réalité plaide en ce sens.

Je veux bien que l’on soit accusé matin, midi et soir d’ultralibéralisme. Moi, vous savez, pour ce qui me concerne, je suis fonctionnaire, plus précisément fonctionnaire hospitalier, et j’en suis très fier.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Il y a de quoi !

M. Laurent Furst. Je ne suis pas du tout ultralibéral : c’est la qualité du service qui me semble être le facteur primordial. Cela peut, me semble-t-il, nous réunir et nous unir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Sans vouloir allonger le débat, je crois que des précisions sont nécessaires car nous nous trouvons à l’un des points centraux du texte. Je ne voudrais pas non plus contredire le secrétaire d’État mais, pour répondre à Mme Bechtel, le groupe en question n’est pas tout à fait trinitaire : s’il est constitué de trois EPIC, il n’est pas dirigé par trois patrons. Les Belges ont essayé une formule avec trois patrons : elle s’est terminée comme tous les triumvirats…

M. Nicolas Sansu. Ou toutes les troïkas ! (Sourires.)

M. Gilles Savary, rapporteur. …avec au moins l’un d’entre eux assassiné ! (Sourires.)

C’est la raison pour laquelle il y a une très forte unité dans notre organisation : les patrons des deux filiales – du réseau et du service – sont aussi les patrons du groupe. Ils doivent gérer par consensus et assurent évidemment, je le répète, une très forte unité. Toutefois cette dernière n’est pas assurée uniquement par cette astuce très française, mais également par le fait que la SNCF va assumer des missions puissantes, qui vont contribuer, en particulier, à réaliser des économies sur un certain nombre de services centraux.



On ne va pas démultiplier, au sein de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités, tout ce qui peut être mis en commun pour pouvoir gérer le groupe sur les plans de la logistique, de l’informatique, peut-être de la représentation internationale, de la communication et de la gestion du personnel – ce dernier sujet devant constituer un gros travail.



Ce ne sont donc pas trois petits fils, mais des câbles assez solides : je doute très fortement, même s’il y avait – ce dont je doute aussi – alternance un jour, que l’on puisse les couper…



M. Laurent Furst. Eh oui !

M. Gilles Savary, rapporteur. …car ce que nous allons construire, aux plans fonctionnel et organique, sera, en réalité, extrêmement puissant.

M. Laurent Furst. Que d’efforts à déployer !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. S’agissant de ces EPIC, deux positions s’opposent diamétralement.

Je ne partage pas la première, selon laquelle la vision des transports de demain consiste à séparer complètement les infrastructures et les sociétés qui assurent le transport. Ce n’est pas une vision souhaitable si nous voulons maintenir de grands groupes. Je pense vraiment que ces derniers, et notamment la SNCF, n’ont rien à craindre de l’arrivée de la concurrence, qui se fera très progressivement.

La deuxième vision, soutenue par la CGT, assimile tous ces EPIC à une usine à gaz et met en question la validité juridique du dispositif.

La vraie solution, mes chers collègues, aurait été d’aller jusqu’au bout de notre raisonnement et de créer une société anonyme, dotée de filiales. Sur le plan comptable, d’ailleurs, tout cela aurait été beaucoup plus simple pour la gestion de l’entreprise. Je pense que nous y arriverons mais, dans le cadre des équilibres dont M. le secrétaire d’État n’a cessé de souligner qu’ils étaient indispensables, notamment sur le plan des discussions sociales, c’était peut-être un pas trop important à faire. C’est pourquoi je pense que ce dispositif comportant l’EPIC de tête et les deux autres structures à son côté, liées à lui, est, pour l’heure, le plus astucieux.

(L’amendement n244 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n303.

M. François-Michel Lambert. Il y a peut-être trois fils, en effet : les coupera – et l’assumera – qui le souhaitera.

Je peux comprendre que cette réforme ferroviaire, comme toute réforme, inquiète : nous le voyons à travers l’ampleur de la grève, suivie par environ un cheminot sur sept. Dans ce contexte, il apparaît que nous n’avons pas encore réussi à rassurer et à faire la preuve de la volonté politique affirmée du Gouvernement et de la majorité de construire réellement un système ferroviaire nouveau, rétablissant les valeurs du service public.

Le groupe écologiste propose, par cet amendement, d’insérer, après la première phrase de l’alinéa 32 – « La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités constituent le groupe public ferroviaire au sein du système ferroviaire national » – la phrase : « Ces trois entités ont un caractère indissociable. » Cela veut bien dire que ce nouvel ensemble doit travailler de façon concertée et optimisée, et ne peut être défait que par une volonté politique et non simplement, si je puis dire, par un décret ou une autre décision de second rang. Cet amendement devrait rassurer nombre de syndicats, qui avaient exprimé cette idée en son temps.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Bravo !

M. le président. Cet amendement fait l’objet du sous-amendement n418, présenté par M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. C’est l’illustration immédiate du débat que nous avons eu, lors de l’examen de l’amendement précédent, sur la nécessité et la volonté exprimée par le Gouvernement de raffermir encore les liens, si cela était nécessaire, permettant d’assurer le caractère « indissociable » de ces entités, comme M. le député François-Michel Lambert l’a indiqué dans l’excellente présentation qu’il a faite de son amendement.

À la suite des discussions que j’ai pu avoir avec les différentes organisations syndicales et des accords de modernisation qui ont été signés par certaines d’entre elles, j’avais pris l’engagement de préserver le caractère indissociable des trois entités, dont nous souhaitons affirmer qu’elles sont inséparables. C’est ce que nous voulons marquer par ce sous-amendement en ajoutant le mot « solidaire ».

Il est important que nous portions ce message, notamment aux différents usagers, qui attendent de vos travaux qu’ils fassent naître un groupe public et un service public efficace. L’organisation actuelle, convenons-en, allie confusion des rôles, séparation et inefficacité, et ce, non pas du fait des agents eux-mêmes, mais parce qu’on s’est souvent organisé pour les séparer, pour cloisonner leurs missions, pour faire barrière à cette conjonction, à cette volonté et à cette capacité d’optimiser le travail en commun.

Le présent sous-amendement vise à donner plus de force encore – j’espère que vous ne m’en voudrez pas de le formuler ainsi – à l’idée d’intégration, au caractère indissociable et solidaire de ce groupe de tête avec ces deux filiales établissements publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n418 et sur l’amendement n303 ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement pour des raisons que je vais expliciter rapidement et favorable à l’amendement sous réserve qu’il soit ainsi sous-amendé.

Le mot « solidaire » n’est pas anodin, car dans l’EPIC de tête serait placée notamment la cellule de gestion des crises pour l’ensemble du réseau. Nous avons besoin d’un EPIC de tête, monsieur Furst, pour gérer un certain nombre de fonctions qui touchent à la fois au réseau et aux circulations et qui ne peuvent pas se gérer de façon dissociée. En particulier, la gestion des crises consiste à la fois à agir sur le réseau en temps réel et à agir sur les circulations afin d’éviter les accidents.

M. Martial Saddier. C’est la SNCF qui le fait, aujourd’hui !

M. Gilles Savary, rapporteur. Par conséquent, cette cellule de gestion des crises serait notamment rattachée à l’EPIC de tête, et le mot solidaire lui confère ainsi une base juridique pour agir de manière unifiée. Ce terme permet également de faire en sorte que les dividendes restent à l’intérieur du groupe et puissent nourrir le système ferroviaire lui-même sans passer par Bercy. Je sais que vous avez une grande confiance en Bercy ; moi aussi. Cependant, il s’agit de la confiance qu’on accorderait à des fermiers généraux : quand on leur donne de l’argent, on n’est jamais sûr de le retrouver, ni qu’il soit remis à son destinataire. (Sourires.)

M. Laurent Furst. Excellente comparaison !

M. Gilles Savary, rapporteur. Il serait donc plus prudent que les dividendes restent dans le système, d’où l’importance d’affirmer que le système est solidaire. Voilà pourquoi l’avis de la commission est favorable à ce que l’amendement soit sous-amendé comme le propose le Gouvernement.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. L’essentiel du débat se trouve précisément dans ce sous-amendement du Gouvernement. Je remercie le rapporteur d’avoir fait l’exégèse des différentes acceptions du mot « solidaire », notamment en termes financiers, ce qui implique une solidarité sur la dette. Cela signifie aussi, vous l’avez mentionné à l’instant, que des résultats peuvent remonter dans l’EPIC de tête. Par conséquent, une fois que celui-ci a collecté ces excédents, son actionnaire principal peut lui demander de lui verser un dividende. En tout cas, c’est ainsi que le système fonctionne en Allemagne.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Mais non ! Pas du tout !

M. Antoine Herth. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas, à droite, créer un EPIC de tête. En effet, en Allemagne, l’État fédéral délègue des missions aux länder en leur donnant un chèque, comme nous le faisons chez nous dans le cadre de la décentralisation. Les länder s’en acquittent, DB Netz encaisse l’argent en vertu des prestations qu’il fournit, puis les dividendes remontent dans les caisses de l’État. C’est donc une façon pour l’État de récupérer une partie de la mise qu’il injecte dans le système. La solidarité, c’est aussi cela !

M. Gilles Savary, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. C’est exactement l’inverse de ce qu’il a dit !

M. Antoine Herth. Je ferai une dernière remarque avant que nous passions aux amendements suivants, monsieur le président. Vous nous expliquez une fois encore que l’EPIC de tête est indispensable, vous essayez de rassurer M. Chassaigne, qui commandera certainement à la rue de se calmer, en lui assurant que nous allons recréer une SNCF intégrée ; alors que, en commission, des amendements ont fusé, par des députés de tous les groupes, pour demander le renforcement de l’ARAF, parce qu’en réalité vous avez déjà peur que le système que vous créez ne vous échappe. Vous avez peur d’en perdre le contrôle, vous voulez renforcer son encadrement. Cela vient encore conforter notre position : n’allons pas trop loin dans le renforcement de cet EPIC de tête.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Contrairement à l’orateur qui vient de s’exprimer, j’apprécie le sous-amendement du Gouvernement, qui a bien compris l’esprit de l’amendement du groupe écologiste. J’invite donc mes collègues à voter le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. La dernière intervention de M. Herth m’amène à préciser les choses. Nous ne sommes pas ici pour je ne sais quel jeu ; ce ne serait pas au niveau du débat et des engagements et responsabilités qui sont les nôtres.

Nous voterons avec conviction l’amendement présenté par notre collègue François-Michel Lambert, car, si on peut toujours débattre philosophiquement du fait que trois font un, il s’agit simplement d’affirmer avec force que nous construisons un outil qui a vocation à perdurer, en dépit des changements politiques, ne vous en déplaise. Ce que nous proposons n’est pas une simple vision d’étape destinée à brouiller le message, mais une véritable construction.

M. Laurent Furst. En ajoutant un ou deux mots dans une phrase ?

M. Rémi Pauvros. L’amendement consolide cette construction, et c’est pour cela que nous le voterons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Monsieur Herth, ce qui se passe en Allemagne est exactement l’inverse de ce que vous avez indiqué. Le mode de financement de la régénération et de la maintenance est dissocié de celui du développement. C’est l’État qui paie le développement du réseau, et quand les développements du réseau sont effectués sur place ; il donne de l’argent aux régions. En tout cas, c’est l’État qui paie, et il n’alourdit pas la dette ferroviaire. C’est le fonctionnement que nous allons vous proposer d’adopter avec un amendement qui viendra en discussion ultérieurement dans le débat.

Surtout, les Allemands remontent les dividendes et les gardent à l’intérieur du groupe. Il se trouve que, outre-Rhin, c’est DB Netz, autrement dit le réseau, qui fait des profits, ce qui est d’ailleurs curieux. C’est sur cet élément que la France a attaqué l’Allemagne sans succès : on reproche au groupe de remonter ses dividendes pour acheter des entreprises ferroviaires et faire du développement externe. On accuse régulièrement la DB d’avoir acheté Arriva, le grand groupe anglais, qui est implanté dans tout le centre de l’Europe, grâce aux dividendes de DB Netz, ce qui n’a pu se faire que parce qu’un groupe a été constitué et que les dividendes ont échappé à l’État allemand. Nous faisons donc la même chose, mais avec un système inversé : c’est non pas SNCF Réseau qui verse des dividendes à l’État mais SNCF Mobilités, et ce sont les dividendes de la mobilité que l’on veut réintégrer dans le réseau.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous voterons bien évidemment cet amendement.

Monsieur Lambert, permettez-moi de vous faire remarquer que vous êtes un peu en contradiction avec les propos que vous avez tenus tout à l’heure, puisque vous disiez que l’essentiel était de ne pas faire revenir la droite au pouvoir. Pour ma part, il me semble qu’il importe surtout de bien inscrire des garanties dans le texte de loi.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Vous les avez, là, vos garanties !

M. André Chassaigne. C’est d’ailleurs ce que vous faites avec cet amendement, et je vous en remercie.

Tout à l’heure, alors que le ministre s’exprimait, je pensais à Jean Vilar, le fondateur du festival d’Avignon ; c’est probablement dû au fait que je viens d’assister à une réunion avec les intermittents. J’espère que le festival aura lieu cette année, car cela signifiera que la question des intermittents aura été réglée.

Jean Vilar avait une très belle formule que voici : « Au théâtre, l’habit fait le moine. » Je dirais pour ma part que, dans le domaine législatif, ce que l’on inscrit dans un texte de loi fait la richesse de la loi. Plus on mettra des garanties, comme le fait cet amendement, sur le caractère indissociable des trois entités, plus cela permettra de conforter la qualité unifiée du service public.

Cependant, monsieur le ministre, même si cet amendement sous-amendé participe d’une construction solide, il ne sera pas suffisant ; il faudra en adopter beaucoup d’autres durant les débats, pour parvenir à un bloc suffisamment monolithique pour que la droite, lorsqu’elle sera de retour au pouvoir, ne puisse l’attaquer au burin.

M. Rémi Pauvros et M. Philippe Duron. Très bien !

M. Laurent Furst. Je souhaiterais prendre la parole, monsieur le président !

M. Rémi Pauvros et M. Philippe Duron. Passons au vote !

M. le président. Votre groupe est déjà intervenu sur cet amendement et ce sous-amendement, monsieur Furst ! Nous allons donc avancer.

(Le sous-amendement n418 est adopté.)

(L’amendement n303, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n245.

M. André Chassaigne. Ce sera très rapide, monsieur le président. Cet amendement n’est pas un simple amendement de précision : il insiste sur le caractère d’intérêt public du fret ferroviaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Nous ne nions pas que le fret ferroviaire a un intérêt public très fort, mais, par cohérence avec ce qui a été voté aux amendements nos 239 et 406, l’avis de la commission est défavorable à l’insertion d’une telle précision à cet endroit du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n245 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n409.

M. François-Michel Lambert. Ceux qui ont lu le dispositif du présent amendement conviendront qu’il est en résonance avec le débat que nous venons d’avoir, et qu’il est satisfait par l’amendement sous-amendé que nous avons adopté voilà quelques instants avec le soutien marqué de M. le ministre. Par conséquent, le groupe écologiste le retire.

M. Rémi Pauvros. Très bien !

(L’amendement n409 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n246 rectifié.

M. Nicolas Sansu. L’amendement que nous proposons revêt une importance particulière, et vous savez que c’est un sujet qui peut causer beaucoup d’émoi parmi les cheminots. Il s’agit en effet de spécifier le caractère dérogatoire du recours au recrutement hors cadre permanent. Il pourrait être en partie satisfait par le sous-amendement n426 que nous avons déposé à l’amendement n381 de M. Pauvros.

Le Gouvernement s’est engagé à ce que, à l’avenir, la proportion de recrutement au cadre permanent soit au moins égale à la proportion actuelle. Nous aimerions que cet engagement trouve une traduction dans le présent texte. C’est une préoccupation justifiée dans un contexte où le rail continue de perdre des emplois sous statut au détriment de l’efficacité du système ferroviaire et de sa sécurité.

Les embauches sous contrat, CDD ou CDI, se sont multipliées ces dernières années dans tous les domaines et métiers. Certains salariés cumulent des contrats précaires pendant plusieurs années ; d’autres accèdent directement à un contrat de droit privé, appâtés par un meilleur salaire que ce que prévoit la grille statutaire. Le recours à l’intérim se développe aussi, notamment dans les ateliers de réparation, et même sur les voies. La SNCF dispose d’ailleurs depuis 2011 de sa propre agence d’intérim filialisée, SNCF Interservices. Cet éclatement est fortement préjudiciable au lien social qui fait la force et l’efficacité du service public.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à adopter le présent amendement, qui serait à nos yeux susceptible d’apaiser bien des tensions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour des raisons formelles : l’amendement vise à modifier des dispositions qui ne concernent que l’EPIC de tête. Or, il y a de grandes chances que nous votions un texte prévoyant la constitution d’un groupe à trois EPIC. Cette règle ne vaudrait donc pas pour les deux autres EPIC, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, ce qui leur serait très préjudiciable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour des raisons qu’il convient d’expliciter. Dans le projet de loi, il s’agit non pas de modifier les conditions actuelles de recrutement au statut mais de les étendre à l’ensemble du groupe public ferroviaire, et vous souhaitez que le recrutement au statut soit principalement utilisé pour les trois EPIC.

Pour régler cette question, tout d’abord, il faut que les partenaires sociaux puissent négocier un accord définissant les proportions de recrutement au statut. Par ailleurs, je renvoie à l’amendement n381 de M. Rémi Pauvros, que vous-même avez évoqué à juste titre et que vous vous proposez de sous-amender. Il permet de répondre à une partie de vos préoccupations.

M. Nicolas Sansu. Une partie seulement !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’amendement n381 que nous souhaitons sous-amender – j’espère que le sous-amendement sera voté – ne permet que de répondre à une partie de nos préoccupations.

Pour revenir sur vos propos, monsieur le rapporteur, nous avons bien entendu visé dans notre amendement l’EPIC SNCF en cohérence avec l’idée d’un établissement unique que nous avions défendue dans un précédent amendement. Il vous appartient de le sous-amender en y faisant figurer les trois EPIC ; nous y serions favorables.

(L’amendement n246 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n135.

M. Joël Giraud. Il s’agit d’insérer la locution « en cas de besoin » dans l’alinéa relatif à la possibilité offerte aux trois EPIC d’employer des salariés sous le régime des conventions collectives. L’objectif est de faire en sorte que cette possibilité ne devienne pas, comme on peut le craindre, une règle générale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable – pas sur le fond, encore une fois, mais parce qu’il est interdit par le droit du travail français de forcer quelqu’un à une mobilité qu’il ne souhaiterait pas. Avec cet amendement, on enfonce donc une porte ouverte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Défavorable. Une fois encore, je renvoie, sur cette question, à la rédaction proposée par M. Pauvros à travers l’amendement n381.

(L’amendement n135 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n247.

M. André Chassaigne. Cet amendement ressemble aux précédents que nous avons défendus. Il s’agit de préciser que les salariés ne peuvent pas être déplacés de force d’un établissement public à l’autre, car la mobilité doit être soumise à leur acceptation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Il ne peut y avoir mobilité au sein d’un groupe que si les intéressés l’acceptent. La précision demandée est donc inutile. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je retire l’amendement n247, monsieur le président.

(L’amendement n247 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n68.

M. Gilles Savary, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n68, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 385, 398 et 405.

La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n385.

M. Rémi Pauvros. Cet amendement est important, car il vise à régler le problème des modalités de recrutement, en cas de mobilité interne entre les trois EPIC, en prévoyant la continuité du contrat de travail des cheminots. Ce dispositif permettra de conforter l’itinéraire des salariés en leur donnant de la sécurité.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n398.

M. François-Michel Lambert. Notre collègue Rémi Pauvros vient d’expliquer tout l’intérêt de cet amendement.

En effet, s’il est vrai que les entités du groupe sont indissociables et solidaires – je vous renvoie au texte que nous avons adopté il y a quelques minutes à travers un amendement du groupe écologiste, sous-amendé par le Gouvernement –, encore faut-il que cela se traduise dans les faits pour les salariés. Ces derniers doivent donc être rassurés et recevoir des garanties, ce qui passe, comme l’a expliqué notre cher collègue M. Chassaigne, par la possibilité qui nous est offerte d’enrichir le texte.

Tel est le sens de cet amendement, d’ailleurs identique à celui présenté par le groupe SRC : il s’agit de rassurer les salariés en faisant en sorte que les mobilités internes entre les trois entités ne puissent être utilisées comme des sanctions ; au contraire, elles doivent constituer une possibilité pour les salariés, voire une chance d’enrichir leur carrière tout en renforçant un EPIC en lui apportant les compétences acquises dans l’un des autres.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n405.

M. Joël Giraud. Pour faire suite à ce que viennent de dire mes collègues, je rappelle que la partie de l’article 1er qui traite de la mobilité au sein de SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités résulte d’un amendement que j’ai déposé en commission au nom du groupe RRDP et qui a été adopté. Son objet est de faire en sorte que la cohésion et l’unicité du groupe soient bien précisées. Évidemment, cela ne peut être le cas que si l’on précise, par voie d’amendement, que la continuité du contrat de travail auprès de l’établissement public considéré est effective.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il est important de souligner combien le dialogue social aide à améliorer les textes. En effet, ces amendements identiques, que je soutiens, découlent des accords de modernisation signés avec les organisations représentatives en vue de sortir du conflit actuel. Ce sujet concerne évidemment tous les agents, car les titulaires d’un contrat de travail doivent pouvoir bénéficier d’une mobilité à l’intérieur du groupe public ferroviaire.

Ces amendements sont donc très importants et je remercie leurs auteurs. Ils répondent à la volonté, que j’ai d’ailleurs exprimée hier à plusieurs reprises, de rendre effective la fluidité des parcours au sein du groupe, d’ouvrir des occasions de progression professionnelle et de formation. Le fait de garantir la continuité du contrat, dans le cadre de la mobilité, est une garantie supplémentaire. Le Gouvernement est donc très favorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Comme nos positions dans ce débat sont régulièrement caricaturées, je tiens à dire qu’il s’agit là de bons amendements.

M. François-Michel Lambert. Merci !

M. Michel Issindou. Ah ! Tout de même !

M. Laurent Furst. Il est tout à fait utile, pour ne pas dire nécessaire, pour la carrière des agents et pour la fluidité de tout le système, de faire en sorte que les agents puissent passer d’un établissement à l’autre.

Tout à l’heure, je vous ai expliqué que je viens du milieu hospitalier. Eh bien, tous les salariés des 1 200 hôpitaux publics français peuvent passer de l’un à l’autre tout en voyant leur carrière se poursuivre. Il s’agit donc là d’un élément essentiel ; nous pourrons tous voter ces amendements identiques.

(Les amendements identiques nos 385, 398 et 405 sont adoptés à l’unanimité.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n381, deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n426.

La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement.

M. Rémi Pauvros. Cet amendement vise, lui aussi, à marquer une étape importante. Il s’agit en effet de prévoir un accord pluriannuel, négocié au niveau du groupe public ferroviaire, afin de fixer les modalités de mise en œuvre du présent article.

À défaut d’accord, et au plus tard six mois à compter de la constitution du groupe public ferroviaire, les modalités de mise en œuvre des dispositions contenues dans cet article seront fixées par le conseil de surveillance de la SNCF.

Au demeurant, la négociation ne pourra pas, bien entendu, remettre en cause le fait que le recrutement d’agents statutaires doit rester la règle. Je tenais à apporter cette précision en complément de cet amendement dont chacun mesure l’importance, car il vise à établir un accord pluriannuel.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir le sous-amendement n426.

M. Nicolas Sansu. M. Pauvros a presque présenté ce sous-amendement en expliquant qu’il ne fallait pas que le recrutement hors statut se généralise.

Mon sous-amendement vise à préciser que l’accord ne peut réduire la proportion de recrutement d’agents « au statut » constatée à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi. En clair, on ne pourra pas avoir plus de recrutement hors statut qu’il n’y en aura au moment de la promulgation de la loi. Il s’agit en quelque sorte d’un sous-amendement de repli par rapport aux amendements que nous avons soutenus tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur le sous-amendement ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Ni l’un ni l’autre n’ont été examinés par la commission. En ce qui me concerne, je suis évidemment favorable à l’amendement n381, deuxième rectification. En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n426, car nous ne savons pas mesurer ses conséquences. De fait, nous ne connaissons même pas le contenu de la convention collective qui va être mise en place.

Nous craignons que le fait de fixer la barre arbitrairement, qui plus est à un niveau que l’on ne connaît même pas, ne soit pas dans l’intérêt du groupe et des filiales qu’il développera.

Avis favorable sur l’amendement, mais défavorable sur le sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Comme le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement n426. Il n’est pas, en effet, de la responsabilité de l’État de se substituer aux partenaires sociaux. Or c’est bien d’une discussion entre les partenaires sociaux que relèvent la proportion d’emplois hors statut et les modalités de mise en œuvre de l’article 1er.

Je comprends votre préoccupation, mais je vous répondrai qu’une solution est d’ores et déjà envisagée, car il est précisé dans l’amendement que, en cas de désaccord entre les partenaires sociaux, « et au plus tard six mois à compter de la constitution du groupe public ferroviaire, les modalités de mise en œuvre du présent article seront fixées par le conseil de surveillance. » C’est donc bien la politique interne au groupe public qui permettra de définir ces proportions. Au demeurant, je ne suis pas persuadé qu’une telle disposition relève de la loi.

M. Gilles Savary, rapporteur. Bien sûr !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Avis défavorable, par conséquent, sur le sous-amendement et favorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Depuis le début de l’après-midi, nous avons eu un dialogue et des échanges très courtois, parfois même très fructueux, mais – je vous le dis très sincèrement – je trouve qu’à travers cet amendement vous envoyez un signal négatif.

Peut-être la rédaction du sous-amendement n’est-elle pas parfaite. Peut-être la disposition ne relève-t-elle pas de la loi. Cela dit, les choses pourraient être corrigées au cours de la navette. Ce n’est pas un bon signal, surtout dans la situation actuelle, de ne pas accepter une ouverture sur cette question des recrutements « au statut » et sur la proportion de recrutements hors statut. Je vous le dis sincèrement : repousser ce sous-amendement sans proposer quoi que ce soit d’autre, ce n’est pas une très bonne idée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Pour vous dire clairement les choses, monsieur Sansu, nous doutons même que ce que vous proposez soit juridiquement possible. Nous avons l’impression que cette mesure est vraiment de la responsabilité de la gestion des ressources humaines de l’entreprise.

M. Nicolas Sansu. Qui est l’actionnaire ?

M. Gilles Savary, rapporteur. C’est bien pour cela, monsieur Sansu, que le conseil de surveillance, c’est-à-dire l’État, intervient à défaut d’accord entre les partenaires sociaux.

Nous pensons qu’il est compliqué, y compris au regard du droit du travail, de fixer ce genre de choses par la loi.

M. Bertrand Pancher. Eh oui !

M. Gilles Savary, rapporteur. Encore une fois, cette question relève de la gestion des ressources humaines et de la négociation sociale, au demeurant encadrée par le code du travail.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. J’ai bien entendu l’avis de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État.

J’ai tenu à préciser tout à l’heure que la règle qui prévaut actuellement et qui consiste à recruter majoritairement dans le cadre du contrat normal, devait continuer à s’appliquer. Il est vrai qu’il est difficile de la fixer à travers un sous-amendement comme celui-ci. Nous le disons et nous le répétons : nous souhaitons que cette règle perdure. Toutefois, à l’évidence, il est difficile de la traduire dans le texte. Je vous propose donc d’adopter l’amendement dans sa rédaction actuelle.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. N’attachons pas en permanence des fils à la patte de la direction de la SNCF. Des discussions collectives ont lieu et l’organisation se met en place. D’ailleurs, on ne peut pas dire que le texte se caractérise par un libéralisme forcené. Le projet est équilibré ; par pitié, arrêtons la surenchère !

M. Nicolas Sansu. Quelle surenchère ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, puis nous passons au vote.

M. Gilles Savary, rapporteur. Je voudrais dire à M. Sansu que c’est une protection pour les salariés le fait que le droit du travail laisse aux partenaires sociaux internes à chaque entreprise le soin de négocier en la matière : supposez qu’il y ait un jour ici une autre majorité et qu’elle décide, dans un texte de loi, qu’il faille recruter hors statut 80 % de l’effectif de l’entreprise… Il est donc heureux qu’un tel sujet ne relève pas du domaine de la loi.

(Le sous-amendement n426 n’est pas adopté.)

(L’amendement n381, deuxième rectification, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, au train où vont les choses, j’aurais besoin d’une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Bechtel. De quel train parlez-vous ? (Sourires.)

M. Florent Boudié. Où est votre groupe ? (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 128 et 248.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n128.

M. Joël Giraud. Il s’agit, dans la section relative aux institutions représentatives du personnel, de réaffirmer l’intégration sociale et l’unicité du groupe public ferroviaire qui est institué par le projet de loi. L’amendement vise à modifier en conséquence la rédaction de l’alinéa 39, afin d’insister sur le fait que c’est un groupe public unifié composé des trois EPIC.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n248.

M. Nicolas Sansu. M. Giraud a expliqué le sens de cet amendement. Mais je profite de la parole qui m’est donnée pour revenir sur le refus, d’une manière quelque peu intempestive, de notre sous-amendement n426 qui portait sur la question de la proportion de recrutements au statut. En effet, j’ai retrouvé l’accord signé par le secrétaire d’État et l’UNSA, et il y est indiqué, au troisième point, que « les recrutements de personnels contractuels devront se maintenir dans les prochaines années à un niveau correspondant à celui constaté actuellement ». Notre sous-amendement ne faisait donc que traduire dans la loi ce que M. le secrétaire d’État a signé avec une organisation syndicale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, j’attends une précision de votre part après que j’ai rappelé l’accord de modernisation que vous avez signé avec l’UNSA. Comment allez-vous le traduire dans la loi, notamment les clauses relatives au recrutement au statut ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je vais rapidement reprendre ce que j’ai déjà indiqué : je partage, sous certains aspects, vos préoccupations, mais il y a des dispositions qui ne sont pas d’ordre législatif et qui n’ont donc pas à se trouver dans le projet de loi. La primauté va bien sûr au dialogue social, et j’ai indiqué que si celui-ci n’aboutissait pas, les dispositions intelligemment proposées dans son dernier amendement par M. Pauvros permettraient de donner le dernier mot à l’établissement SNCF et donc au conseil de surveillance qui, je le rappelle, est présidé par l’État et où celui-ci est majoritaire. Les dispositions prévues dans le projet de loi permettent de garantir aux salariés le dialogue social, et la question que vous évoquez en relève pleinement. On sait combien celui-ci est riche, mais s’il ne devait pas aboutir, la question relèverait du conseil de surveillance. La loi ni même l’État ne sauraient se substituer à la discussion entre les partenaires sociaux et au dialogue social à l’intérieur de l’établissement SNCF.

(Les amendements identiques nos 128 et 248 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 249, 382 rectifié, 394 rectifié, 383 et 395, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 382 rectifié et 394 rectifié d’une part, et les amendements nos 383 et 395 d’autre part, sont identiques.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n249.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement est extrêmement important, tout le monde en convient, puisqu’il vise en premier lieu à la création d’un comité central du groupe public, commun à la SNCF Réseau et à SNCF Mobilités, avec une commission consultative auprès de chacun de ces établissements publics lorsqu’ils sont dotés de plusieurs comités d’établissement.

Il concerne ensuite les modalités de gestion d’une part substantielle des activités sociales et culturelles des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire, gestion assurée, contrôlée et mutualisée dans des conditions et selon des modalités fixées par un accord collectif du groupe public ferroviaire ou, à défaut de la conclusion d’un tel accord dans les six mois suivant la constitution du groupe, par voie réglementaire.

Sans vouloir porter ombrage aux collègues qui ont déposé les autres amendements mis en discussion commune, je crois que le nôtre dissipe les flous juridiques des amendements nos 382 rectifié et 394 rectifié d’une part, et des amendements nos 383 et 395 d’autre part. En effet, les premiers proposent de créer des instances d’information et de consultation auprès de chacun des établissements, mais sans la référence explicite aux dispositions du code du travail qui en précisent les attributions ; et les seconds proposent de ne mutualiser qu’une part substantielle de la gestion des activités sociales et culturelles, au risque de la dispersion du patrimoine social existant. Notre amendement évite ces écueils et ces oublis, et je vous propose donc de l’adopter parce qu’il est plus complet.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n382 rectifié.

M. Rémi Pauvros. Bien qu’il aille dans le même sens que le précédent, cet amendement nous semble plus complet. Mais surtout, il n’exclut pas l’hypothèse que le comité central – un élément essentiel, dont la création est attendue par l’ensemble du personnel – puisse déléguer certaines activités aux comités d’entreprise des EPIC, afin de maintenir une certaine proximité entre les éléments du groupe. C’est une nuance, mais elle est utile.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n394 rectifié.

M. François-Michel Lambert. Sans vouloir offenser mon collègue du groupe GDR, il convient de lire les amendements déposés avant de juger de leur contenu. En effet, avec deux amendements, nous proposons un texte bien plus complet que vous avec un seul. Ils répondent mieux aux attentes des syndicats : il est préférable, en effet, de permettre aux élus internes des trois futurs EPIC de choisir les enjeux dont se saisira le comité central d’entreprise plutôt que de leur imposer un modèle rigide. Pour reprendre la métaphore théâtrale de notre collègue Chassaigne, outre l’attention portée à la qualité des décors et aux costumes, il convient, pour qu’ils révèlent pleinement leur talent, de laisser aux comédiens une certaine liberté de mouvement. C’est pourquoi, s’il est nécessaire de donner un comité central d’entreprise à la structure ferroviaire, que nous avons souhaitée indissociable et solidaire, il faut aussi laisser des marges de manœuvres aux élus internes.

M. le président. Nous poursuivons cette discussion commune avec deux autres amendements identiques.

La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n383.

M. Rémi Pauvros. Il s’agit d’un amendement complémentaire du précédent, visant à favoriser une plus grande intégration sociale du groupe public ferroviaire en proposant la création d’une instance centrale de gestion des activités sociales et culturelles. Cela permettra à tous les salariés du groupe de bénéficier de ces activités, qu’ils travaillent à la SNCF, à SNCF Réseau ou à SNCF Mobilités.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n395.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement complète de la même manière l’amendement n394 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement n249, faute de quoi l’avis sera défavorable. Quant aux quatre autres amendements, j’y suis favorable.

En toute cohérence, nos collègues du groupe GDR ne proposent d’instituer des instances représentatives du personnel qu’au niveau de l’EPIC de tête, parce qu’ils postulent que ce dernier doit être la seule entreprise qui subsiste dans le groupe. Mais si on allait dans leur sens, les deux autres EPIC seraient totalement désarmés en termes de représentation sociale.

Pour sa part, la commission considère qu’il ne faut priver d’une telle représentation ni SNCF Réseau, ni SNCF Mobilités – ce qui ne nous empêche pas de confier au comité central le soin de sceller l’unité sociale du groupe. Nous défendons une logique de groupe, M. Sansu défend une logique d’entreprise unique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Les amendements n°382 rectifié, 394 rectifié, 383 et 395 me semblent en effet plus complets dans leur formulation. Tout à l’heure, M. Saddier s’est offert à cosigner un amendement de M. Giraud ; peut-être que M. Sansu pourrait adopter ici la même démarche.

Je rejoins l’avis du rapporteur : il convient d’adopter la rédaction la plus « intégratrice » possible. Non seulement les accords de modernisation vont dans ce sens, mais cela répond à une attente de la part de ceux qui ne les ont pas signés.

M. Nicolas Sansu. Pas de la manière dont vous le faites !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’allais vous faire un procès d’intention : il ne faut surtout pas que le groupe GDR puisse voir adopté un seul de ses amendements. Ceux que nous avons déposés ont donc été découpés, recyclés, distribués à divers groupes, afin de faire payer au Front de gauche la grève qui se poursuit à l’initiative de ses amis de la CGT et de Sud-Rail. C’est une réalité dont tout le monde, ici, a bien conscience. Vous avez beau tenter de trouver des arguments, de déceler des petites différences entre tel ou tel amendement, la vraie raison est celle-là. J’en prends acte.

Certes, le rapporteur a exprimé une nuance un peu plus forte en admettant que, dans l’hypothèse où l’établissement de tête disparaîtrait demain, il est nécessaire que les établissements publics filles puissent disposer des organes leur assurant une vie autonome.

Mme Martine Lignières-Cassou. Il n’a pas dit cela !

M. Martial Saddier. C’est pourtant bien ce qui va arriver !

M. André Chassaigne. Je ne sais pas pour quelles parts les avis de la commission et du Gouvernement procèdent d’une volonté de recycler nos amendements ou de raisons de fond, mais ils ne me paraissent pas acceptables.

M. Martial Saddier. Ayez peur, monsieur Chassaigne !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. La polémique politique n’a guère de sens ici puisque les amendements sont différents.

M. Nicolas Sansu. Elle vaut pour d’autres amendements !

M. Gilles Savary, rapporteur. Il ne peut donc s’agir de recyclage.

Je le répète, nous sommes dans une logique de groupe unifié. Nous appliquons donc à ce groupe le droit du travail en vigueur dans un groupe en matière de représentation des personnels. La notion de comité central d’entreprise est en effet très familière à l’ensemble des salariés de ce pays. Mais dans les filiales, il existe également des instances de représentation et des activités culturelles.

Nous assurons donc une très forte intégration sociale, avec un comité central qui dispose de toutes les prérogatives offertes par le code du travail à des comités centraux de groupes, et des comités d’entreprise de filiale qui ont les prérogatives propres à leur catégorie. C’est extrêmement simple : une intégration sociale avec, à tous les étages, la représentation sociale adéquate.

M. André Chassaigne. Vous n’êtes pas convaincant.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. On ne peut pas reprocher au Gouvernement une démarche linéaire. À cet égard, je ne changerais pas un mot à ce que vient de dire le rapporteur.

Nous souhaitons un modèle intégré, un modèle de groupe, avec un comité central, mais une intégration que nous déclinons dans chaque EPIC avec un comité consultatif, tant pour la représentation que pour les œuvres sociales mutualisées.

Nous sommes donc dans une démarche intégratrice. Tout à l’heure, monsieur Chassaigne, vous vous inquiétiez de notre volonté ou de notre capacité de doter l’EPIC de tête du maximum de compétences. Vous en avez ici la démonstration avec ces amendements dont la rédaction est forte.

M. André Chassaigne. M. Savary dit le contraire !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Pas du tout. Il ne faut pas donner du texte une mauvaise interprétation.

M. Nicolas Sansu. Rassurez-nous ! Mettez tout au niveau de la tête !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. C’est précisément ce que je viens de dire : il existe un comité central pour le groupe et des comités consultatifs au niveau des filiales.

(L’amendement n249, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 382 rectifié et 394 rectifié sont successivement adoptés.)

(Les amendements identiques nos 383 et 395 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 250, 386 et 304, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n250.

M. Nicolas Sansu. Nous suivons toujours la même logique. L’amendement que nous présentons porte sur l’exercice du droit syndical et la négociation collective au sein du groupe public ferroviaire. Il précise à la fois les règles de représentativité au niveau du groupe, celles de désignation du délégué syndical central, et le cadre des négociations obligatoires qui doivent, selon nous, se dérouler au niveau de l’EPIC de tête, pour l’ensemble du groupe.

De la même manière, nous proposons que les conventions ou accords collectifs soient négociés et conclus entre, d’une part, la SNCF, pour le compte des deux autres EPIC, et de l’autre, les organisations syndicales représentatives au niveau du groupe. C’est à nos yeux l’un des moyens de garantir et de conforter l’intégration sociale du groupe public ferroviaire dont vous proposez la création. Ce serait un signe fort.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n386.

M. Rémi Pauvros. Notre amendement va dans le même sens, même s’il est un peu différent. Il vise à favoriser une plus grande intégration sociale du groupe public ferroviaire en proposant une centralisation du dialogue social. L’intéressement resterait toutefois au niveau de chaque EPIC, compte tenu des obligations européennes qui imposent l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure unifié en matière de budget et de personnel. En effet, l’article 4, paragraphe 2 de la directive 2012/34 précise que « le gestionnaire de l’infrastructure est responsable de son organisation, de sa gestion et de son contrôle interne ».

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n304.

M. François-Michel Lambert. Le groupe écologiste fait preuve d’une certaine constance.

M. André Chassaigne. Recyclons ! Faisons de l’économie circulaire !

M. François-Michel Lambert. Un des quatre volets du projet de loi sur la transition énergétique, dont nous aurons bientôt à débattre, concerne justement l’économie circulaire, mon cher collègue. Mais, même si la SNCF est plutôt active dans ce domaine, ce n’est pas de cela que nous parlons aujourd’hui.

Pour revenir sur notre amendement, le groupe écologiste a quand même, peut-être à la différence de certains autres, une constance. La constance, c’est que nous avons obtenu le terme « indissociable » en plus de « solidaire ». Eh bien, cet amendement conforte, en termes de fonctionnement interne des futurs EPIC SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, l’idée d’une approche indissociable et solidaire. Tout simplement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission considère que l’amendement n386, auquel elle est favorable, couvre les deux autres amendements nos 250 et 304, parce qu’elle s’inscrit dans une logique d’unicité sociale dans un groupe, et non d’unicité sociale dans une entreprise unique et solitaire.

M. le président. Je comprends donc que vous êtes favorable à l’amendement n386 et défavorable aux amendements nos 250 et 304.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Qui peut le plus peut le moins, et je suis favorable à l’amendement qui peut le plus. Donc, comme le rapporteur, je suis favorable à l’amendement n386.

(L’amendement n250 n’est pas adopté.)

(L’amendement n386 est adopté et l’amendement n304 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur, pour soutenir l’amendement n182.

M. Gilles Savary, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que l’EPIC de tête ne peut exercer les compétences des deux autres EPIC. Il s’agit bien d’une holding, d’un genre un peu particulier, une holding EPIC, une holding publique, donc, qui n’a pas de compétences opérationnelles directes en lieu et place de ses filiales opérationnelles.

(L’amendement n182, accepté par le Gouvernement, est adopté et les amendements nos 166 et 198 tombent.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n251.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

(L’amendement n251, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n167.

M. Bertrand Pancher. Compte tenu du bien que je pensais de l’amendement du rapporteur à propos du respect de l’indépendance de gestion des fonctions essentielles de la SNCF Réseau par rapport à l’EPIC de tête, je me demande si cet amendement peut être considéré comme étant résumé par le sien. En tout cas, je souhaiterais l’entendre sur ce sujet, l’objectif étant de faire en sorte que les prérogatives de gestion de l’infrastructure ne soient pas exercées par l’EPIC de tête, à moins de risquer de voir la SNCF Réseau perdre son autonomie décisionnelle, exigée par l’article 7 de la directive sur l’indépendance des fonctions essentielles du gestionnaire de l’infrastructure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. L’avis est défavorable. Pourquoi donc ? C’est parce que nous considérons – et là nous nous mettons en limite avec l’orthodoxie européenne – que la gestion de crise doit être intégrée et qu’on ne peut pas séparer la gestion de crise du réseau de la circulation sur le réseau. Le STIF nous a expliqué qu’il fallait aujourd’hui, avec les deux établissements qui existent, passer vingt-deux coups de téléphone pour pouvoir arriver à gérer une crise sur le réseau, vingt-deux coups de téléphone du fait du cloisonnement des personnels de RFF et de la SNCF à tous les étages. Il faut que cela cesse.

M. Bertrand Pancher. Je retire l’amendement.

(L’amendement n167 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n69 qui fait l’objet d’un sous-amendement n419 rectifié.

La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n419 rectifié, et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n69.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. L’ajout de quelques précisions nous permettrait de donner un avis favorable sur l’amendement n69.

Le sous-amendement n419 rectifié précise donc les missions confiées à la SNCF en matière de sécurité et de sûreté, pour qu’il n’y ait pas de confusion entre ces deux notions, et leur articulation avec les fonctions exercées par d’autres acteurs. Cela présente aussi l’avantage de clarifier le principe selon lequel les activités relatives à la sûreté et à la sécurité sont bien intégrées au niveau de l’EPIC de tête – c’est encore une illustration de l’intégration – et peuvent s’exercer au profit de chacun des entités du groupe public ferroviaire, au profit de l’ensemble des acteurs du ferroviaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n419 rectifié.

(Le sous-amendement n419 rectifié est adopté.)

(L’amendement n69, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement n347 rectifié.

M. Jean-Louis Bricout. Encore une fois, je reviens à la question de l’accessibilité. Je le répète : il est nécessaire de favoriser une meilleure prise en compte des personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite. Cela vise un public beaucoup plus large que celui des seules personnes en fauteuil ; je crois que cela a été souligné tout à l’heure.

Nous serons tous confrontés au vieillissement, avec tous les problèmes de mobilité que cela peut comporter. On doit aussi prendre en compte, bien sûr, tous les types de handicap, mais aussi les parents qui ont quelquefois des poussettes, ou les touristes. Il est donc nécessaire d’améliorer, d’une part, certainement, la formation du personnel en lien direct avec les usagers et, d’autre part, les outils d’information, parfois les outils numériques, pour pouvoir assurer une continuité des trajets et des parcours.

C’est pourquoi cet amendement vise à préciser les missions de l’entité SNCF en matière de mise en accessibilité du réseau ferroviaire aux personnes à mobilité réduite.

(L’amendement n347 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n412.

M. Nicolas Sansu. C’est un amendement extrêmement important à notre sens, qui concerne la politique de recrutement et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le projet de loi prévoit, dans sa rédaction actuelle, que l’EPIC de tête aura notamment pour objet la définition et l’animation des politiques de ressources humaines du groupe public ferroviaire. Nous vous proposons de compléter cet alinéa 49 par une précision, en ajoutant que l’EPIC de tête assurera notamment les politiques de recrutement, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et de mobilités entre les différents EPIC du groupe. C’est évidemment un amendement essentiel à l’intégration et à la cohésion sociale du groupe ferroviaire.

L’amendement qui suit, de nos collègues du groupe SRC, prévoit pour sa part de renvoyer l’animation et la définition de la politique de ressources humaines du groupe à l’accord pluriannuel ou à la décision du conseil de surveillance. Il nous semble au contraire que conforter l’intégration sociale du groupe suppose d’inscrire et de préciser dans la loi le champ des éléments de politique des ressources humaines dévolu à l’EPIC de tête.

Tel est le sens de notre amendement, dont vous savez qu’il est extrêmement attendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission serait plutôt favorable à l’amendement n400 de M. Giraud, quasi identique à l’amendement que vient de défendre M. Sansu.

M. le président. La commission est donc défavorable à l’amendement n412, si je comprends bien.

M. Gilles Savary, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Nous souhaiterions que cet amendement puisse être retiré au profit des amendements identiques nos 384 et 400. En effet, un certain nombre de vos préoccupations, monsieur le député, sont aujourd’hui déjà prises en compte par l’alinéa 49 de l’article 1er, puisqu’il prévoit que l’EPIC de tête définit et anime les politiques de ressources humaines. Cela inclut la gestion du processus de recrutement ou encore la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ce sera donc mutualisé pour l’ensemble du groupe public ferroviaire ; il est important de le souligner. Je prends donc bien le temps d’exprimer les attentes du Gouvernement sur cette question. Vous avez souligné à juste titre, oui, que c’était un amendement attendu, mais, précisons-le, il y est répondu à la fois dans l’article 1er et dans les amendements identiques nos 384 et 400.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Il ne faut pas qu’il y ait de confusion. Les amendements identiques nos 384 et 400, comme notre amendement n413, portent sur l’alinéa 50, mais, en l’occurrence, nous parlons de l’alinéa 49, qui concerne les politiques de ressources humaines. Ne faisons pas d’erreur sur ce point.

J’ai bien entendu M. le secrétaire d’État, qui nous dit que les politiques de ressources humaines intègrent la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et la politique de recrutement. Cela peut rassurer les organisations syndicales, mais ce serait encore mieux si c’était écrit, monsieur le secrétaire d’État. Je me permets donc d’insister. Même si la question de la mobilité a pu être traitée auparavant, il me semble que cette question de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et de la politique de recrutement doit être traitée au niveau de l’EPIC de tête pour tout le groupe public ferroviaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Si on enlevait la mention des politiques de recrutement de votre amendement, on pourrait accepter de compléter comme vous le proposez l’alinéa 49. Pourquoi retirer cette référence aux politiques de recrutement ? Vous savez qu’il y a déjà 950 filiales au sein du groupe SNCF. Si le recrutement devait se faire en un seul point du groupe, ce serait l’embolie complète. Nous reconstituerions un monstre qui, très vite, s’affaisserait. Nous ne pouvons pas prendre ce risque. Si vous acceptez de retirer les politiques de recrutement, je proposerai à nos collègues d’accepter la précision « dont la gestion prévisionnelle des emplois des emplois et des compétences et de mobilités [… ], ainsi que la négociation sociale d’entreprise etc. ».

M. le président. Comprenons-nous bien, monsieur le rapporteur, pour éviter tout malentendu si votre rectification est acceptée par les auteurs de l’amendement. La formule que vous proposez de retenir est bien « dont la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » et non pas « dont la politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », n’est-ce pas ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président : « dont la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ».

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-huit, est reprise à dix-neuf heures trente-deux.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Après la discussion que nous avons eue tout à l’heure sur cet amendement n412, nous avons accepté de l’amputer de sa première partie. Nous le maintenons dans cette version rectifiée, sachant, monsieur le ministre, que dans le cadre de la navette parlementaire, cette question devra être posée pour que ce texte puisse, peut-être, trouver une majorité au Sénat – vous savez que c’est toujours compliqué.

Cet aspect devra faire partie des discussions sur la politique de recrutement au cours de la navette parlementaire. Pour l’heure, nous acceptons ce premier pas. C’est vraiment la politique des petits pas, monsieur le ministre !

M. le président. Pour que les choses soient bien claires, je rappelle la teneur de la rectification orale de l’amendement n412 : elle consiste uniquement en la suppression des deux mots « de recrutement ».

M. Gilles Savary, rapporteur. C’est bien cela.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, de le confirmer.

La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Je voudrais poser une question à M. le ministre et à M. le rapporteur. Il y a bien une loi qui a institué les EPIC en France, n’est-ce pas ? Ma question est simple : avez-vous vérifié la compatibilité entre votre dispositif et ce texte ? Vous transférez un certain nombre de compétences d’un EPIC à l’autre, vous privez des EPIC d’un certain nombre de compétences…

Mme Marie-Françoise Bechtel. La loi postérieure l’emporte : cela n’a pas d’importance !

M. Laurent Furst. Permettez au simple profane que je suis de poser cette question qui n’a peut-être pas d’importance à vos yeux, chère collègue.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. M. Furst, en réalité, s’inquiète de la façon dont il pourrait un jour défaire ce groupe. Cela lui serait en effet extrêmement difficile, car ce texte comporte en effet des dispositions très intégratrices.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Gilles Savary, rapporteur. Je voudrais par ailleurs dire à M. Sansu – que je remercie d’avoir accepté cette avancée – que les amendements portant sur les alinéas 49 et 50 sont loin de représenter des « petits pas ». Ils représentent une intégration sociale quasi complète et très détaillée, jusqu’à la feuille de paye.

(L’amendement n412, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour soutenir l’amendement n387 rectifié.

M. Rémi Pauvros. Il s’agit d’un amendement de précision, monsieur le président, qui ne mérite pas de développement particulier. Il vise à préciser le cadre de la définition et de l’animation des politiques de ressources humaines du groupe public ferroviaire au sein de l’EPIC de tête.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Favorable.

M. le président. L’avis du Gouvernement est-il le même ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Oui, nous sommes favorables à toutes les précisions qui permettent une meilleure intégration sociale dans le groupe.

(L’amendement n387 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n197.

M. Gilles Savary, rapporteur. La commission des affaires sociales est favorable à cet amendement. Je crois que sur ce point, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde que le Gouvernement. Je serai plus explicite : nous proposons d’attribuer une nouvelle compétence à l’EPIC de tête. Celui-ci hébergerait l’ensemble des structures qui ont une vocation générale en matière technique et en matière d’économie du ferroviaire, et qui ne peuvent pas être dissociées entre technologie des réseaux et technologie ou ingénierie des services.

Pour que mon propos soit plus clair, je prendrai l’exemple de la société d’ingénierie Systra, qui est le véritable fer de lance international de l’industrie ferroviaire française. Cette société vend à la fois des conseils très techniques, et des conseils d’ordre plus général ; elle s’occupe à la fois des composants, du réseau, et des services. Elle va même jusqu’à s’occuper du graphisme ! Il serait calamiteux que cette entreprise, Systra, soit coupée en deux, que l’on dissocie les activités de réseau des activités liées à l’ingénierie et aux infrastructures. Cela affaiblirait le pays.

Cet amendement propose donc de rattacher toutes ces structures ayant une vocation générale d’ingénierie ferroviaire à l’EPIC de tête. C’est à cela que doit servir l’EPIC de tête, car c’est à cela que sert un groupe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Je me rappelle avoir eu cette discussion en commission, monsieur le rapporteur. Nous avons déjà parlé des conséquences qu’entraînerait l’adoption de cet amendement. J’ai déjà incité à la prudence et au retrait de cet amendement. Vous demandez le rattachement de certaines activités à l’EPIC de tête ; or cela aurait des conséquences importantes. Une filiale comme Systra, pour reprendre votre exemple, est détenue à parité par la SNCF et la RATP. L’adoption de votre amendement signifierait que la RATP devrait sortir du capital de Systra, afin de laisser la future SNCF piloter seule cette société.

Bref, nous nous posons un certain nombre de questions. Ces questions persistent depuis nos travaux en commission, car nous n’avons pas eu de précisions au sujet des conséquences directes sur ce type de filiale qu’entraînerait l’adoption de cet amendement. Je rappelle que la SNCF compte plus de 600 filiales.

Nous devons être très attentifs aux conséquences du rattachement à l’EPIC de tête de ces filiales stratégiques, d’autant plus quand elles interviennent à l’étranger. Nous demandons donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je n’ai pas beaucoup parlé jusqu’ici : je voudrais donc profiter de cet instant pour faire un bilan des trois dernières heures de discussion.

Cet amendement – qui a fourni l’occasion à M. Savary d’en remettre une couche il y a quelques instants – montre bien l’incohérence de cet EPIC de tête. Les arguments avancés par M. le rapporteur et M. le ministre prouvent mieux que jamais que les fonctions de l’EPIC de tête ne sont pas définies clairement par rapport aux fonctions des deux autres EPIC.

Deuxièmement, je le redis, nous assistons depuis trois heures à une sorte de troc. Il y a d’abord eu ce que j’appellerai le « moment Lambert » : un certain nombre d’amendements ont été lâchés aux écologistes pour acheter leur solidarité sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

Il y a ensuite eu un « moment Chassaigne »…

M. André Chassaigne. Non, c’était Nicolas Sansu !

M. Martial Saddier. Un « moment Sansu-Chassaigne », si vous préférez. Cela montre bien les difficultés qu’il y a à l’intérieur de la majorité. Je pense qu’au moment de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique et la biodiversité, nous connaîtrons des moments pires que celui-ci. Cela prouve, contrairement à ce que le rapporteur ne cesse d’expliquer – d’ailleurs brillamment –, l’incohérence de l’EPIC de tête.

M. Nicolas Sansu. C’est épique ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. L’EPIC de tête n’est pas cohérent : il est provisoire…

M. Laurent Furst. Provisoire et accessoire !

M. Martial Saddier. …et ses fonctions ne sont pas claires. C’est encore un exemple de désaccord entre M. le ministre – c’est-à-dire le Gouvernement – et M. le rapporteur – c’est-à-dire la majorité.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’avoue ne pas être d’accord sur toute la ligne avec le dernier point de vue exposé.

Je ne comprends pas très bien votre réponse, monsieur le ministre : le fait qu’un seul interlocuteur soit chargé d’intervenir sur les marchés extérieurs me semble être un atout dans la concurrence internationale. J’ai donc beaucoup de mal à comprendre les arguments que vous avez exposés. Ceux de M. Savary me semblent franchement plus éclairants.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Nous ne nous éterniserons pas sur ce sujet, qui n’est cependant pas neutre. Monsieur le ministre, si vous êtes d’accord, je vous propose de modifier la rédaction de cet amendement. Ainsi rectifié, cet amendement proposerait l’insertion d’un alinéa ainsi rédigé : « L’hébergement des structures et filiales de conseils ou d’ingénierie à compétence ferroviaire générale. » Je précise que les mots « l’hébergement » signifient : l’hébergement dans l’EPIC de tête.

Nous parlions de Systra : cette société n’est pas hors-sol. Elle n’est pas rattachée à RFF : la moitié de son capital est détenue par la SNCF. Il faudra bien, à l’avenir, la rattacher quelque part dans le groupe ferroviaire ! L’autre moitié du capital restera contrôlé par la RATP, mais cela ne change rien à la question. Je pense, pour ma part, que le rattachement de Systra au sein du groupe ferroviaire doit se faire au niveau de l’EPIC de tête.

C’est pour cela que je vous propose cette rédaction, qui s’appliquerait à Systra aussi bien qu’à d’autres structures : « L’hébergement des structures et filiales de conseils ou d’ingénierie à compétence ferroviaire générale. » Ainsi les structures à compétence ferroviaire spécialisée pourraient être rattachées aux deux EPIC filles, mais les structures à compétence ferroviaire générale relèveraient de l’EPIC de tête. Cette rédaction vous convient-elle, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Vous savez que la SNCF compte plus de 600 filiales, dont certaines sont à capital partagé. Il est donc vrai que nous devons trouver une formulation suffisamment souple pour éviter des conséquences économiques inattendues ! Pour ce qui concerne la dernière formulation proposée par M. le rapporteur, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée ; au cours de la navette parlementaire…

M. Martial Saddier. C’est pas clair !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Monsieur Saddier, voudriez-vous éclairer votre propre position par rapport à celle de M. Chatel, qui vient de m’envoyer un courrier n’allant pas du tout dans le même sens que vous ?

M. Martial Saddier. Pas de problème !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cela ne me pose pas de problème d’être interpellé, mais sachez que moi aussi, je peux rentrer dans ce jeu !

M. Martial Saddier. Allons-y !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Cependant ce style d’échange n’améliore pas la qualité de nos travaux, qualité avérée depuis le début de nos débats ; je ne vous renvoie donc pas aux propos et aux écrits de M. Chatel. En revanche, je vous renvoie aux interventions de M. Mariani. Comme vous le voyez, avant de jeter la pierre aux autres, il vaut mieux être au clair avec ses propres amis !

Nous examinons là un aspect très important, qui n’est pas politique mais technique. Comme je le disais il y a quelques instants, environ 600 filiales sont concernées. Je ne voudrais pas que la formulation retenue mette en difficulté telle ou telle filiale. Nous avons bien conscience du rôle majeur de certaines de ces filiales, notamment Systra, à l’export, sur les marchés extérieurs.

La dernière formulation que vous proposez, monsieur le rapporteur, me semble plus compatible avec la réalité du système SNCF, tel que nous le connaissons.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Le groupe écologiste soutiendra, bien sûr, l’amendement ainsi modifié. Mais je souhaite revenir sur un point : alors que notre assemblée souhaite avancer sur une question aussi importante que celle de la capacité du système ferroviaire à répondre aux attentes des utilisateurs, au changement climatique, à la mobilité pour tous, il est extrêmement désagréable de voir certains, dépassés par un sujet qu’ils n’ont pas travaillé, laisser entendre que le Gouvernement aurait donné des bonbons au groupe écologiste et peut-être également au groupe communiste.

Non ! Cela fait bien longtemps que le groupe écologiste travaille sur le fond du sujet, ce qui lui a permis d’acquérir une telle expertise que ses amendements ont été les premiers à relayer les positions de certains syndicats ou de l’Association des régions de France.

Certes, nous n’avons pas de présidents de région, mais nous avons des vice-présidents qui travaillent et relaient les revendications du terrain ; cela permet au groupe écologiste de l’Assemblée nationale de défendre des amendements fondés sur une vision partagée du modèle ferroviaire.

Nous en avons encore pour quelques heures de débat ; il serait bon de discuter seulement du fond et d’éviter les arguments fallacieux. À défaut, nous devrons ouvrir la boîte de Pandore de l’UMP, qui s’écrit aujourd’hui avec d’autres lettres, et dont nous découvrons chaque jour la profondeur. Cela promet d’être amusant, mais les Français ont d’autres attentes : ils veulent que nous discutions du fond du sujet.

Sur le fond, donc, nous soutenons pleinement le projet de loi présenté par le Gouvernement et nous l’enrichissons.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Pour aller dans le sens de certains propos de M. Lambert, j’indique que nous travaillons aussi depuis deux ans. En ma qualité de vice-président chargé des transports de la région Alsace, j’affirme que nous préparons ce texte depuis deux ans, en concertation avec l’Association des régions de France, et avec un certain nombre de membres du groupe écologiste. Je regrette d’autant plus le caractère polémique de vos propos !

M. François-Michel Lambert. Je parlais de M. Saddier !

M. Antoine Herth. Mais vous avez mis en cause le groupe UMP dans sa globalité, je me sens donc aussi visé !

Il faut que les discussions avancent. Je suis très curieux de savoir si, contrairement à ce qui s’est passé en commission, les amendements de l’Association des régions de France seront effectivement défendus, soit par son Président soit par l’un de ses représentants, car le texte ne prévoit rien sur les régions !

Dans une perspective de maîtrise des dépenses publiques, la Cour des comptes recommande de réaliser des économies sur la croissance de l’offre de transports régionaux de voyageurs. C’est Didier Migaud qui le dit !

Nous avons donc à traiter de sujets importants, qui méritent moins de polémique et plus de sérénité, afin non seulement de construire l’opérateur que vous souhaitez – même si nous défendons une autre architecture –, mais également de réfléchir sur la façon de relancer l’activité de transport.

M. Migaud souligne la diminution du chiffre d’affaires de la SNCF. L’activité des régions représente 11,5 milliards d’euros dans le chiffre d’affaires global de la SNCF. S’attaquer à ces 11,5 milliards implique d’expliquer comment la nouvelle structure, constituée de trois EPIC, arrivera à équilibrer ses comptes.

M. le président. Dans un souci de clarté, je vous donne lecture de l’amendement n197, rectifié par le rapporteur : « Après l’alinéa 49, insérer l’alinéa suivant : « 3° bis L’hébergement des structures et filiales de conseils ou d’ingénierie à compétence ferroviaire générale. »

Est-ce exact, monsieur le rapporteur ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Oui, vous avez tout compris ! Cette disposition viendra en substitution du 3° bis.

(L’amendement n197, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n26.

M. Martial Saddier. Le présent amendement est extrêmement important. Il est constructif et nous permettra donc de mesurer la bonne foi, dont je ne doute pas, du rapporteur, de la majorité et du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur le débat sur la suppression ou le maintien de l’EPIC de tête. Je constate d’ailleurs que le rapporteur a déposé tout à l’heure un amendement visant à garantir l’indépendance entre les fonctions de l’EPIC de tête et les deux EPIC « filles », ce qui justifie notre position.

Dans cette logique, il est très important que des fonctions telles que les services informatiques et juridiques ne soient pas exercées au niveau de l’EPIC de tête en ce qui concerne l’activité des filiales. Comment s’assurer de l’indépendance, de la neutralité, et garantir l’absence de fuites d’information entre l’EPIC de tête et les filiales, si l’EPIC de tête gère l’informatique de la totalité du groupe ? De surcroît, comment gérer les conflits en toute indépendance, si le service juridique est commun à l’ensemble du groupe ?

Le rapporteur est conscient de l’importance de ce sujet, qui n’est pas polémique. Il pose la question de la solidité juridique de l’ensemble de l’architecture proposée par le projet de loi. De surcroît, il est extrêmement important pour la gestion des conflits, qui ne manqueront pas de survenir – c’est le cours normal des choses, votre texte n’y est pour rien.

Nous pensons donc qu’il y a lieu d’améliorer le texte, de cette façon ou d’une autre qui vous conviendra mieux, sur le sujet du service juridique et informatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Avis défavorable car si nous créons un groupe, c’est pour permettre de réaliser des économies en mettant en place des services communs à la holding et en évitant la duplication à l’envi de services qui pourraient être mutualisés.

Je vous rappelle que nous transposons le modèle de la Deutsche Bahn, à la sauce française, avec trois EPIC. Observez le fonctionnement de la Deutsche Bahn depuis 1994, et vous aurez une idée assez précise, concrète et expérimentale des résultats et du fonctionnement futurs du groupe SNCF !

Vous avez raison de rappeler le principe d’indépendance des fonctions essentielles posé par le droit européen et de vous inquiéter des litiges éventuels. Je vous rappelle que le droit européen ne dit pas que le réseau doit être indépendant des compagnies ferroviaires. Il oblige à assurer l’indépendance stricte de deux fonctions essentielles qui touchent au réseau : l’allocation des sillons et la fixation des redevances.

Sur ces deux volets, il est bon d’avoir consolidé l’ARAF ! L’ARAF nous permet de ne pas démanteler le groupe, car elle est le chien de garde de ces deux fonctions. Voilà comment le projet de loi parvient à être eurocompatible et à réaliser des économies d’envergure, au niveau du groupe. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons des services communs.

Je comprends qu’il vous en coûte d’enterrer votre envie de démanteler le groupe ! Néanmoins, tel est notre choix.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. À cette heure tardive, je ne vais pas rallonger les débats. Je souligne simplement que, alors que l’on nous opposait il y a quelques instants les propos de M. Migaud visant à maîtriser les dépenses, il nous est désormais reproché de proposer la mutualisation du maximum de fonctions support au niveau de l’EPIC de tête, dans la droite ligne du projet.

M. François-Michel Lambert. Tout à fait !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il serait intéressant que l’opposition parvienne à une position cohérente !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. L’organisation actuelle de la SNCF permet déjà une certaine concurrence entre les filiales ! Je suis très heurté, monsieur Saddier, par l’idée que des femmes et des hommes puissent être à l’origine de fuites juridiques et informatiques susceptibles de rompre notre confiance en ce nouveau système.

Ce n’est pas parce que, dans d’autres structures, des fuites alimentent les médias quotidiennement, voire heure par heure, qu’il faut généraliser ce risque ! Je pense que les cheminots et les cheminotes ont une haute opinion de leur entreprise et de leur système ferroviaire.

M. Laurent Furst. Démagogie !

M. François-Michel Lambert. Nous devons donc leur faire confiance, d’autant que, comme vient de le rappeler M. le ministre, M. Migaud a souligné la nécessité de construire un système économiquement performant, ce qui passe également par la création de synergies.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Si tout est ainsi caricaturé, nous allons changer d’attitude, et la soirée sera longue, de même que les prochains jours ! Si nous n’avons même plus le droit d’obtenir une réponse un peu crédible à nos questions, cela aura des conséquences sur la suite de nos travaux, je le dis aux membres de la majorité, au secrétaire d’État et au rapporteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je le dis très calmement, mais fermement. J’ai posé une question précise.

M. Gilles Savary, rapporteur. J’ai répondu !

M. Martial Saddier. Vous convenez que, dans le système actuel, comme dans celui de demain, en Allemagne ou en France, un contentieux sur le gestionnaire de réseau peut survenir.

M. Gilles Savary, rapporteur. Oui !

M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord. Dans l’état actuel du droit, quelqu’un peut engager un contentieux sur le gestionnaire de réseau. S’ensuivra donc une enquête. J’ai, comme vous, toute confiance en les personnels ; en aucun cas je ne les ai mis en accusation. Cependant, ces personnels, qui sont gestionnaires d’information de nature informatique ou juridique, vont se retrouver à cheval entre la SNCF et SNCF Réseau.

J’ai simplement posé la question suivante : avez-vous bien vérifié, sur le plan juridique, que l’organisation créée par le présent projet de loi ne va pas d’abord mettre les personnels en porte-à-faux, et ensuite fragiliser juridiquement le gestionnaire de réseau, qui risque de perdre un contentieux qu’il n’aurait pas perdu sans cela ?

Nous sommes tous d’accord pour faire des économies, mais nous savons que nous vivons dans une société très judiciarisée, même s’il existe également des procédures à l’amiable. Il serait bon que le Parlement français s’assure que la nouvelle organisation ne mette pas en porte à faux les personnels et veille à ce qu’un manque de transparence des informations juridiques et informatiques ne fasse pas perdre des contentieux au gestionnaire de réseau.

À ce stade, cette question ne me semble pas complètement infondée.

M. Antoine Herth. La fonction support de l’information est une chose, l’information que l’on met dedans en est un autre. Je m’explique : il existe un débat entre les autorités organisatrices régionales et la SNCF pour savoir à qui appartient la grille horaire. Appartient-elle à l’AOT ou à l’exploitant ?

Très concrètement, quand une AOT régionale crée un système d’information multimodal, la position actuelle de la SNCF est d’accepter ce système et les grilles horaires des TER, mais elle lui demande ensuite de payer pour avoir le droit de donner une information sur la grille horaire des grandes lignes.

À l’inverse, la SNCF invite d’autres régions à ne pas créer de système d’information multimodale et à lui donner gratuitement leurs grilles horaires, pour leur proposer ensuite une réponse globale comprenant la grille horaire des grandes lignes.

La constitution d’un EPIC de tête qui regroupe tous les moyens de collecter l’information pose donc une vraie question : si un nouvel entrant ou une AOT veut obtenir une information sur les sillons ou les grilles horaires, SNCF Mobilités ne sera-t-elle pas en situation de conflits d’intérêts ? Cette potentielle concentration d’information est source de valeur. Il faut donc veiller à ce que ce système d’information ne conduise pas à donner trop de pouvoir à cet EPIC central.

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. J’entends bien, monsieur Saddier, votre analyse d’une situation que l’on peut effectivement imaginer. L’alinéa 50 affirme le principe de la mutualisation. En tant que président de la Fédération hospitalière du Nord-Pas-de-Calais, j’en appelle à l’expérience de votre collègue M. Furst. Il existe des secteurs mutualisés entre les EPIC des hôpitaux.

M. Laurent Furst. Bien sûr !

M. Rémi Pauvros. Ce sont, en fait, des centres de ressources dont les règles du jeu sont clairement établies par les différentes instances que sont les comités de direction ou les conseils de surveillance de ces EPIC. Ce modèle peut juridiquement s’appliquer. Mais il est vrai qu’il est nécessaire de fixer les règles, car il peut effectivement se produire quelques dérapages en la matière. Je crois cependant que la chose est tout à fait faisable, et que la mutualisation est une recherche d’efficacité.

Vous avez vous-même précisé que nous vivions dans un monde de plus en plus juridique. Nous avons donc davantage besoin de juristes de très haut niveau. Dans ces conditions, la mutualisation – assortie de règles extrêmement claires – est tout à fait possible.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Ce débat est très intéressant. Le groupe UDI aurait pu partager les inquiétudes de ses collègues de l’UMP dans l’hypothèse où il n’y aurait eu aucun contre-pouvoir ou autorité de contrôle. Telle était clairement sa position. L’autorité de l’ARAF doit-elle être renforcée ou affaiblie ? Les amendements discutés et adoptés en commission du développement durable tendent à renforcer nettement le pouvoir de l’ARAF.

Cette autorité indépendante contrôle le fonctionnement de la SNCF. Elle donne sa position et rend souvent des avis conformes. On ne peut pas tout obtenir avec cette loi. On ne peut envisager de faire des économies grâce au regroupement des activités et craindre parallèlement que cette structure ainsi concentrée et disposant de tant de pouvoirs ne fausse le modèle. Seul le renforcement du pouvoir de l’ARAF permettra d’atteindre cet équilibre. C’est la raison pour laquelle nous devons relativiser ce débat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary, rapporteur. Je répondrai rapidement à Antoine Herth qu’il faut avoir confiance dans la créativité et l’apport de l’Assemblée. Nous avons voté en commission la création d’un comité des opérateurs du réseau qui regroupe tous les utilisateurs du réseau, dont les régions. Ce comité sera placé auprès de SNCF Réseau afin de résoudre les problèmes de coordination touchant à l’utilisation de l’infrastructure par divers acteurs que sont les nouveaux entrants, les candidats autorisés, les opérateurs de transport combiné, les opérateurs de fret de proximité, les entreprises ferroviaires privées ou les régions.

C’est là que s’engagera la négociation entre le service et l’infrastructure sur les questions touchant aux intérêts orthogonaux, questions que vous avez fort justement évoquées. J’ajouterai que nous allons discuter d’un projet de loi de régionalisation qui ne se limitera pas à l’établissement d’une carte. Nous devrons y introduire d’autres dispositions.

Une grande partie des frustrations s’agissant des compétences régionales pourra s’exprimer lors de ce débat. Nous ne discutons pas, en effet, aujourd’hui d’un projet de loi relatif aux compétences institutionnelles. Je le dis parce que je le pense sincèrement et que j’ai moi-même l’intention de déposer des amendements.

(L’amendement n26 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron