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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 01 octobre 2014

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Transition énergétique

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et quatorze minutes pour le groupe SRC, onze heures et dix-sept minutes pour le groupe UMP, trois heures et vingt-sept minutes pour le groupe UDI, une heure et cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, une heure et cinquante-cinq minutes pour le groupe RRDP, une heure et quarante-cinq minutes pour le groupe GDR et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme je l’avais fait lors de la discussion générale au sein de la commission spéciale, je veux tout d’abord saluer l’initiative qui a mené à ce projet de loi et les intentions qu’il affiche. Il s’agit, en effet, de construire un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr, plus participatif, visant à relancer la croissance tout en luttant contre le réchauffement climatique, pour réduire le chômage et la facture énergétique de notre pays.

Cinq ambitions sont ainsi affichées : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990 et les avoir divisées par quatre à l’horizon 2050, diviser par deux la consommation d’énergie finale en 2050 par rapport à 2012, réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012, porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation énergétique en 2020 et 32 % en 2030, et enfin ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2025 contre 75 % aujourd’hui.

Vous déclinez dans votre projet, madame la ministre, ces objectifs à partir de mesures concrètes. Je n’évoquerai pas les dispositions sur lesquelles je suis d’accord, mais celles à propos desquelles je m’interroge.

Nous avons connu, sous le précédent quinquennat, l’expérience des Grenelle de l’environnement. À l’époque, à écouter celui qui occupait alors vos fonctions, c’était une véritable révolution copernicienne ! Tout ce travail n’aura certes pas été inutile puisqu’il aura en particulier contribué à faire émerger une prise de conscience. Mais soyons francs, les ambitions affichées sont loin d’avoir vu le jour. Je ne souhaiterais pas, madame la ministre, que votre loi emprunte une voie similaire, d’autant qu’elle est présentée depuis deux ans comme l’une des plus importantes du quinquennat par le Président de la République.

Venons-en aux aspects du texte qui suscitent des interrogations. Selon les évaluations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, il faudrait mobiliser entre 10 et 30 milliards d’euros supplémentaires chaque année par rapport aux niveaux actuels des investissements énergétiques – 37 milliards – pour parvenir au mix énergétique envisagé. Or il n’est retenu que 10 milliards sur trois ans, sous forme de crédit d’impôt, de chèque énergie et de fonds pour accompagner les collectivités locales, les particuliers, les entreprises et les banques.

J’ai bien entendu que vous espériez, madame la ministre, l’engagement du secteur privé. Je crains qu’en réalité, nous n’ayons pas les moyens, tant s’en faut, des ambitions proclamées. Vous souhaitez créer 100 000 emplois en trois ans en relançant une croissance qui permette de lutter contre le réchauffement climatique, de réduire la facture énergétique et de combattre le chômage. Qui n’approuverait pas… Mais où se trouvent ces réserves d’emplois au regard des ambitions environnementales affichées ? Dans la filière des énergies renouvelables, nous répondez-vous, lesquelles doivent prendre le relais du nucléaire dont la part doit être ramenée de 75 % à 50 % dans le mix énergétique d’ici 2025. Je l’ai déjà dit, ces intentions me semblent illusoires, non pas que le nucléaire m’apparaisse comme un horizon indépassable, mais parce que sa réduction dans la production d’énergie n’est envisageable qu’à mesure d’une montée en puissance efficace et forcément progressive d’énergies alternatives. Or, l’expérience que nous en avons aujourd’hui ne nous permet pas d’accélérer le calendrier.

L’exemple allemand est éclairant. En 2000, nos voisins d’outre-Rhin lançaient le « tournant énergétique ». Les énergies renouvelables représentaient alors 7 % de la production électrique nationale. Aujourd’hui, les énergies vertes représentent 23 % de la consommation électrique – dont une partie vient de la France – et l’objectif pour 2020 est d’atteindre les 35 %.

De fait, l’Allemagne est parvenue à développer le solaire, l’éolien et la biomasse. Le mouvement est d’autant plus appelé à s’accélérer qu’elle a décidé de sortir du nucléaire. Mais cette transition énergétique a un coût particulièrement élevé. La principale dépense est la subvention des tarifs de rachat de l’électricité produite sur la base d’énergies renouvelables, dont le montant est estimé à 680 milliards d’euros d’ici 2022.

Ce sont, bien sûr, les usagers qui paient. Or, le kilowattheure allemand est déjà l’un des plus chers d’Europe, à 0,27 euro, quand le nôtre est parmi les plus bas, à 0,15 euro. Sachez qu’il est en moyenne de 0,20 euro dans la zone euro et de 0,19 euro à l’échelle des vingt-huit pays de l’Union européenne.

Si la France occupe une telle place, c’est bien grâce à ses choix et à la maîtrise publique de sa production, dont il y aurait grand danger à sortir. À cela s’ajoute un paradoxe de taille : la fragilité et l’imprévisibilité de l’exploitation des énergies renouvelables. La sortie du nucléaire de nos amis allemands les conduit à rouvrir des centrales à charbon, les plus émettrices de CO2 et, comme ces dernières doublent la production des énergies renouvelable, les coûts de production augmentent d’autant.

Dans le domaine des transports, qui représentent 32 % de la consommation énergétique finale, le projet de loi mise sur le développement du véhicule « propre », en particulier grâce au remplacement de la moitié des flottes publiques par des véhicules électriques, hybrides ou à faible consommation et au déploiement de 7 millions de bornes de recharge électrique.

Très bien, mais il y a là de grands absents. Je pense en particulier aux transports collectifs et, pour le fret, au report modal, c’est-à-dire à la sortie du « tout routier » et au développement du ferroviaire et de la voie d’eau. De ce point de vue, nous marchons à reculons.

Le Gouvernement a ainsi reculé sur l’écotaxe poids lourd, la remplaçant, le 23 juillet dernier, aux termes de la loi de finances rectificative, par une formule allégée qui divise par deux la recette attendue de 1 milliard d’euros par an. Un kilométrage dérisoire de routes sera concerné, dont l’entretien sera à la charge des contribuables et non de ceux qui les utilisent et les dégradent. Cela pèsera bien entendu sur le financement des infrastructures de transport. Le développement du ferroutage ne pourra qu’en pâtir et le fret ferroviaire continuer de régresser.

J’en viens à un autre grand secteur dont votre projet de loi, madame la ministre, fait une priorité : le bâtiment. Il représente à lui seul 44,5 % de la consommation énergétique finale, l’objectif étant d’atteindre en 2017 le rythme de 500 000 logements rénovés par an. Cet objectif est louable mais très ambitieux car, chaque année, les objectifs fixés ne sont jamais atteints.

Notons que le crédit d’impôt pour les dépenses de rénovation énergétique a été renforcé, passant à un taux unique de 30 % du coût des travaux au lieu de 15 % ou 25 %. Néanmoins, cette mesure est très limitée dans le temps puisque le nouveau taux n’est valable que jusque fin 2015. Il ne vous aura pas échappé que la baisse du pouvoir d’achat des Français réduit leur possibilité d’engager les travaux nécessaires. Certes, le taux bénéficiera à « toute action simple » de rénovation. C’est incitatif, c’est vrai, mais cela risque de créer un effet d’aubaine pour les entreprises et d’inciter les particuliers à réaliser des travaux ponctuels, au détriment d’une cohérence d’ensemble efficace.

De même, pour augmenter de 30 000 à 100 000 par an le nombre d’éco-prêts à taux zéro, le projet de loi tend à décharger les banques de la validation technique des dossiers – c’est ce qui les fait rechigner aujourd’hui à accorder ces prêts – pour s’assurer simplement que les artisans répondent à la norme RGE, « reconnu garant de l’environnement ». Or, le label ne garantit pas une rénovation énergétique performante, laquelle, dans un souci d’efficience, gagnerait à relever d’un véritable service public de l’efficacité énergétique.

Parmi les autres grands enjeux pas ou peu présents dans votre texte figurent ceux qui touchent aux projets industriels et à l’adaptation de notre appareil productif à la transition écologique. Une volonté politique forte est pourtant nécessaire pour affronter des lobbies autrement puissants que ceux auxquels le Gouvernement a cédé sur l’écotaxe. Et cela ne passera pas par les 41 milliards d’euros du CICE et du pacte de responsabilité sans contrepartie, y compris écologique, mais selon l’OSCE par 16 milliards d’euros d’investissements par an à consentir par l’État et les entreprises.

La précarité énergétique est l’un des autres thèmes que nous devrons aborder. Selon un sondage publié dans le magazine 60 millions de consommateurs, un tiers des Français ont rencontré des difficultés, au cours de ces trois dernières années, à payer les factures de gaz, d’électricité ou de fioul. Depuis 2005, le prix du gaz a progressé de 80 %, et l’électricité de 10 % en un an. Le fioul est, quant à lui, soumis aux fluctuations des prix du pétrole mais également à l’augmentation de la TVA et de la contribution climat énergie appelée à monter en puissance et à renchérir les prix.

Selon des enquêtes menées auprès d’ERDF et GRDF, 580 000 coupures d’électricité ont eu lieu en 2012, soit 80 000 de plus que l’année précédente. L’extension des tarifs sociaux à près de 4 millions de bénéficiaires et l’instauration d’une trêve hivernale ont certes pondéré cette précarité énergétique croissante, mais le compte n’y est pas.

Se pose tout d’abord un problème de fixation des tarifs, ce qui est sous la responsabilité de la Commission de régulation de l’énergie, qui saisit le Conseil d’État quand le Gouvernement ne suit pas ses préconisations. Or, si cela avait été le cas, l’électricité aurait flambé, en un an, non pas de 10 % mais de 14 à 17 % ! Il conviendrait d’instaurer un peu de transparence sur le bien-fondé de ces exigences, comme l’a d’ailleurs reconnu la Cour des comptes, et de réaffirmer le principe d’une véritable maîtrise de la puissance publique sur la fixation des prix.

Vous proposez d’instaurer un chèque énergie qui se substituerait aux tarifs sociaux et s’ouvrirait aux 3 millions d’usagers du fioul et du bois. Il serait nécessaire que nous en sachions davantage sur son montant et son assiette.

Enfin, la régionalisation de la production et de la distribution est l’un de nos sujets de préoccupation ainsi que les questions relatives à la péréquation et à l’unicité des tarifs à l’échelle de l’ensemble du territoire national. Sur tous ces sujets, nous aurons des amendements à défendre.

Madame la ministre, avant de conclure, je voudrais vous rappeler les engagements que vous avez pris envers moi au sujet des centrales hydrauliques. Mais comme je vois que tout le monde est à son téléphone autour de vous, peut-être êtes-vous en train de m’envoyer des messages à ce propos !

La moitié des centrales hydrauliques risquent de fermer, madame la ministre ! Contrairement aux éoliennes, elles sont le fruit d’investissements privés et, oui, elles fermeront à cause de la loi sur l’eau ! J’ai interrogé Mme Batho, puis M. Martin. Aucune réponse. Je vous ai interrogée aussi, madame la ministre, et vous m’avez répondu que vous prendriez contact avec moi. Mais j’ai eu beau appeler à plusieurs reprises, il semble que l’on n’ait pas même un instant à me consacrer pour évoquer le sujet !

M. Julien Aubert. Venez à l’UMP et vous aurez une réponse !

M. Patrice Carvalho. Pendant ce temps, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, rencontre les acteurs privés qui exploitent des centrales hydrauliques et exerce sur eux une pression inadmissible, imposant délais et diktats. Il est par exemple question de fermer certaines centrales hydrauliques dès le 7 octobre, alors même que le débat sur le présent texte ne sera pas encore achevé ! Tout cela ne me semble pas très sérieux.

M. Julien Aubert. C’est l’urgence !

M. Patrice Carvalho. Comme je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, un moratoire serait le bienvenu, en attendant les résultats d’une étude approfondie. Je ne suis certes pas un technicien de l’énergie hydraulique, mais il me semble souhaitable de réaliser une véritable étude plutôt que d’appliquer des décisions fort subjectives prises dans le cadre de la loi sur l’eau.

Cela étant dit, je répète que nous abordons ce débat dans un esprit constructif et ouvert, avec l’objectif d’aboutir à un texte efficace. Toutefois, nous continuons de nous interroger sur de nombreux points.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen en séance d’un projet de loi particulièrement important. Chacun ici a naturellement sa propre définition de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Nous sommes toutefois unanimes lorsqu’il s’agit du climat : unanimes pour dire qu’il y a urgence, unanimes pour reconnaître que nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était.

L’urgence est écologique, tout d’abord. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », disait déjà le président Chirac en 2002.

M. Patrick Hetzel et M. Éric Straumann. Très bonne référence !

M. Christophe Bouillon. « Nous pensons avoir le temps, or aujourd’hui il y a urgence » indiquait le président François Hollande encore récemment à New York. Douze années se sont écoulées entre ces deux phrases. Entre-temps, les rapports du GIEC ont confirmé l’accélération du réchauffement climatique : en 2013, la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a battu un nouveau record. Entre-temps, le nombre des déplacés climatiques a atteint un seuil critique et dépasse désormais celui des personnes déplacées en raison des guerres. Entre-temps, le public a découvert les ravages de la déforestation, l’existence d’un continent de plastique dans l’Océan indien et les conséquences d’un accident nucléaire comme celui de Fukushima.

L’urgence est géopolitique, ensuite. Les conflits autour des ressources rares s’intensifient. Les guerres se déroulent aujourd’hui sur fond de pétrole, mais aussi de tungstène et de manganèse. Demain, elles auront peut-être lieu autour du seul territoire qui n’aura pas été submergé par la mer. Cette déstabilisation du monde suit la courbe de notre consommation de matières premières. Les conflits en Ukraine ou au Moyen-Orient nous rappellent l’exposition de notre pays aux tensions géopolitiques. Dépendre principalement d’une seule énergie n’est plus possible dans le monde dans lequel nous vivons.

L’urgence est économique, enfin. Les ressources en énergies fossiles ne sont pas infinies, nous le savons. Elles deviendront donc au fil du temps de plus en plus chères. De même, les terres rares qui font fonctionner nos appareils électroniques atteindront bientôt leur pic de production. Vous l’avez rappelé, madame la ministre : les atteintes à la biodiversité qu’entraîne notre modèle de production et de consommation se chiffrent en millions d’euros. Dès lors, la transition énergétique est le véritable choix économique raisonnable pour notre pays. Il l’est pour la compétitivité de nos entreprises, pour la restauration du pouvoir d’achat des citoyens et pour la santé des finances publiques.

L’urgence commande de prendre ensemble des décisions.

M. Julien Aubert. Ensemble, en effet !

M. Christophe Bouillon. Vous y viendrez !

Ce projet de loi répond à cette nécessité. Il y répond par un large travail en amont où la position de chacun a été prise en compte. Associations, élus, acteurs économiques et syndicaux, citoyens : tous ont été associés à l’élaboration du projet de loi.

M. Julien Aubert. Tous sauf l’opposition !

M. Christophe Bouillon. Ce n’est pas la copie d’un seul, c’est un projet qui s’inspire de tous. Il est en outre le fruit d’un travail entre le Gouvernement et le Parlement : quarante-cinq heures de débats en commission spéciale, quarante heures d’auditions avec les principaux acteurs de l’énergie en France et plus de 2 300 amendements examinés. C’est ainsi que la commission spéciale a permis de renforcer les moyens de lutte contre la précarité énergétique, de conforter le tiers financement, de créer un fonds de garantie pour la rénovation thermique. C’est ainsi qu’elle a accru la transparence dans la gestion du nucléaire, qu’elle encourage les initiatives des collectivités territoriales dans le champ de l’expérimentation, qu’elle consacre enfin l’économie circulaire dans la loi – et bien d’autres avancées encore.

J’ai entendu certains commentaires sur les conditions d’examen de ce texte.

M. Julien Aubert. Il est bon que vous les ayez entendus !

M. Christophe Bouillon. Je voudrais rappeler à leurs auteurs que nous avions terminé l’examen du projet de loi « Grenelle II » dans la nuit du 7 au 8 mai 2010. Ce texte comportait 257 articles, soit quatre fois plus que le présent projet. Cela ne nous avait pas empêchés de demeurer constructifs jusqu’au bout, malgré l’utilisation du temps programmé. Je souhaiterais également leur rappeler que mon groupe parlementaire et moi-même avions voté le projet de loi « Grenelle I ».

M. Julien Aubert. C’est bien !

M. Christophe Bouillon. Nous avions une raison majeure : ce texte, comme le présent projet de loi, fixait des objectifs ambitieux pour la France. Là encore, c’est le sens des responsabilités qui a guidé notre action, et j’espère qu’il en sera de même pour l’opposition dans quelques jours.

M. Julien Aubert. L’espoir fait vivre !

M. Christophe Bouillon. Madame la ministre, je voudrais vous remercier au nom du groupe SRC pour votre écoute, pour votre présence en commission et pour le respect de ce principe de co-construction qui vous tient à cœur. Chacun ici connaît votre attachement au principe de la participation. Ce projet de loi permettra d’associer les habitants aux projets de production énergétique dans les territoires et de mieux les informer. En outre, il traduit, et c’est important pour les rapporteurs et les membres de notre groupe, le retour de la politique dans le « mix énergétique ».

Gageons que nous saurons poursuivre ce travail, madame la ministre. N’oublions pas que les Français, nos partenaires européens et bien d’autres encore nous regardent. Ils seront attentifs à nos choix. Nous serons quant à nous déterminés dans nos engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. N’a-t-il pas déjà parlé ?

M. Julien Aubert. Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais croire que nous sommes tous d’accord au moins sur un point : l’importance exceptionnelle et fondamentale du choix auquel nous sommes confrontés. Et ce disant, je n’ai pas l’impression de me payer de mots. En effet, la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte se donne pour objectif de figer dans le marbre un certain nombre de réorientations du mix énergétique français, en réduisant délibérément, volontairement et en toute connaissance de cause la voilure nucléaire, après quarante années de bons et loyaux services.

Le groupe UMP a choisi d’assumer toute la gravité du débat qui s’annonce en préparant intensément ce texte de loi depuis le début de l’année. Nous le devons à nos entreprises, pour lesquelles le prix de l’énergie est capital dans la compétition féroce qui s’engage au niveau mondial. Nous le devons aux salariés de l’industrie nucléaire. Nous le devons à tous les Français qui dorment tranquillement sur leurs deux oreilles en bénéficiant depuis plusieurs dizaines d’années d’une énergie à bas coût, sociale, et d’un service public de qualité.

M. Patrick Hetzel et M. Damien Abad. Excellent !

M. Julien Aubert. L’UMP se fait fort de porter ses propositions sur l’énergie au cœur de ce texte de loi en réorientant par ses amendements la philosophie anti-économique qui y préside. En effet, derrière les fioritures sémantiques concernant la promotion de l’économie circulaire ou la sobriété énergétique, ce n’est pas la croissance verte ou décarbonée que l’on entend imposer…

M. Damien Abad. C’est la décroissance !

M. Julien Aubert. … mais, en réalité, une conception de l’économie inspirée des altermondialistes et des théories de la décroissance. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.) La sobriété énergétique est le fruit d’une conception janséniste de l’énergie. Quant au modèle des tenants de l’économie circulaire, c’est le monde de Dune de Frank Herbert !

M. Damien Abad. C’est l’énergie qui tourne en rond !

M. Julien Aubert. C’est de la science-fiction ! C’est un monde où l’on recycle l’eau face aux vers des sables !

M. Joël Giraud. Aurait-il trop consommé d’épice ? (Sourires.)

M. Julien Aubert. Voilà ce qu’est l’économie circulaire : de la science-fiction ! Désormais, c’est au Gouvernement d’accepter que le débat débute enfin.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Ce sont des arguments de caniveau ! Vous êtes sous la ligne de flottaison !

M. Julien Aubert. Vous le savez, le débat national organisé par le Gouvernement, qui a mobilisé les parties prenantes pendant une année, a abouti à un semi-échec et à une absence flagrante de consensus. Voilà qui tranche avec l’autre débat sur la transition énergétique, organisé par le groupe UMP et piloté par Daniel Fasquelle et moi-même : six mois de concertation, quarante-cinq heures d’échanges et une centaine d’entités mobilisées, permettant permis d’aboutir à une doctrine alternative sur la transition énergétique, plébiscitée par tous les acteurs présents, issus de toutes les filières et de tous les secteurs.

Aveu d’échec ou désinvolture à l’égard des parties prenantes, le texte de loi qui nous est soumis s’éloigne très largement des préconisations de ce fameux grand débat sur la transition énergétique, ce qui est pour le moins étonnant. Reste que la société civile, elle, aura au moins eu deux années pour débattre de l’avenir énergétique de la nation, tandis que le Gouvernement nous a chichement octroyé deux semaines.

M. Patrick Hetzel. Quelle générosité !

M. Julien Aubert. Le Gouvernement a fait le choix d’asphyxier le débat entre les chambres parlementaires, en ayant recours à une procédure d’urgence qui impose une seule lecture.

M. Damien Abad. Scandaleux !

M. Julien Aubert. Que n’y avait-il d’urgence, pendant ces deux longues années où le Parlement attendait cette croissance qui verdoie et cette transition qui… transitoie ! Nous verrons bien si la même soif d’urgence se manifestera pour les décrets d’application.

M. Damien Abad. Ce n’est pas gagné !

M. Julien Aubert. Nous sommes curieux par avance d’observer votre rapidité à les prendre.

La présidence de l’Assemblée a fait le choix d’euthanasier le débat en commission en imposant un calendrier de quinze jours pour auditionner et amender le texte.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Ce ne sont que des arguments de forme ! C’est du mauvais théâtre !

M. Julien Aubert. La commission spéciale chargée de l’examen de ce texte, comme on l’a rappelé, a débuté un marathon d’auditions de trente-sept heures, concentré sur une petite semaine, jour et nuit, ce qui a valu aux acteurs de la profession de parler à un auditoire clairsemé où même M. Plisson n’était pas souvent présent.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Plus souvent que vous, monsieur Aubert !

M. Julien Aubert. Puis elle a choisi de débattre en quatre petits jours des 2 400 amendements déposés, alors que le Parlement était fermé. Au bout de trente heures de travail de forçat, il restait 1000 amendements et 40 articles soumis à discussion.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Effet de manche !

M. Julien Aubert. L’UMP et l’UDI ont alors demandé que les droits du Parlement soient respectés et que trois jours supplémentaires soient consacrés à l’examen de ce texte important afin, notamment, que l’article 55 concernant la limitation du nucléaire fasse l’objet d’un véritable débat. Nous nous sommes heurtés à un refus net, la présidence proposant un examen bâclé des deux tiers du texte en 25 % du temps restant. Nous avons symboliquement boycotté ce simulacre de travail parlementaire,…

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est vrai, le week-end, c’est sacré ! Il faut le sanctuariser !

M. Julien Aubert. … ce qui fait que le texte qui va être débattu n’a fait l’objet d’un travail sérieux que sur les articles 1 à 23.

J’en profite pour signaler au président Brottes que je ne fais pas là de la politique politicienne et que ma réclamation dépasse bien largement les rangs de l’UMP, pour toucher l’UDI, les radicaux et même les rangs de sa propre majorité. Les enregistrements vidéo en font foi : l’exercice solitaire de la présidence se conclut souvent par un monologue.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’ai un maître en la matière !

M. Julien Aubert. Enfin, la majorité a fait le choix d’enterrer définitivement le débat en revenant sur sa décision, pourtant annoncée par Mme Ségolène Royal, de discuter normalement du texte pour imposer à la dernière minute une lecture en temps programmé de trente heures dans l’hémicycle.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Et quelles heures !

M. Julien Aubert. En trente heures de commission, madame le ministre, nous n’avons pu débattre que de 23 articles.

Mme Ségolène Royal, ministre. Un débat de qualité !

M. Julien Aubert. Votre texte de loi est frappé d’obsolescence programmée avant même le début du débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Rendez-vous compte que près de la moitié de ce texte ne sera débattue ni en commission, ni dans l’hémicycle ! Le « grand texte du quinquennat », pour citer le Président de la République, né dans le vacarme d’un débat national avorté, aura été expédié par le Parlement dans des conditions invraisemblables.

M. Patrick Hetzel. Il a fait pschitt !

M. Julien Aubert. Concertation partout, débat nulle part : quelle trahison pour l’énergie !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Allez donc au fond du sujet !

M. Julien Aubert. Le gouvernement de ce pays a choisi de politiser un sujet pourtant consensuel en faisant du Parlement la chambre d’enregistrement d’un misérable accord partisan entre le Parti socialiste et les Verts. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Madame le ministre, la transition énergétique, oui ! La trahison énergétique, non !

M. Jean-Yves Caullet. C’est comme l’eau ferrugineuse…

M. Julien Aubert. Votre texte ne porte d’ailleurs pas sur la transition énergétique, mais sur l’électricité. Il concerne 15 % de la consommation d’énergie et ignore la véritable dépendance qui frappe notre pays : celle qui concerne les importations d’énergies fossiles.

Et encore, sur ce seul secteur électrique, votre loi se fourvoie-t-elle, madame le ministre. Le président du Commissariat à l’énergie atomique, M. Bernard Bigot, avait en juin 2014, juste avant la présentation de votre projet de loi, jeté un pavé dans la mare : « Je ne crois pas qu’il soit possible d’atteindre l’objectif des 50 % du mix électrique en 2025, à moins de mettre le pays en grande difficulté ». Et d’ajouter : « Je ne contredis pas le Président. Le volontarisme politique est une chose, moi je suis un expert technique ». Pour plagier le président Brottes, je vous dirais que lorsque l’expert montre la lune, il est bon que le politique ne se contente pas de regarder le doigt ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Non, madame le ministre, nous ne vous laisserons pas massacrer en silence l’une des dernières filières d’excellence de ce pays, la filière nucléaire. Nous ne vous laisserons pas faire, car 400 000 personnes travaillent directement ou indirectement dans ce secteur et que si vous appliquez à la lettre la réduction d’un tiers de la part du nucléaire dans la production d’électricité, vingt centrales se retrouveront sur le carreau.

Sur ce point, je me tourne vers les rangs de l’extrême gauche. Y a-t-il encore des communistes dans cette Assemblée ?

M. Patrick Hetzel. Non !

M. Julien Aubert. Je veux dire des communistes qui ont des convictions ? Vous qui connaissez sur le bout des doigts l’échec du grand bond en avant maoïste, ne pouvez-vous pas vous opposer à cette révolution culturelle ? Ne voyez-vous pas, vous qui avez déserté les travaux de la commission spéciale et parfois les travées de cet hémicycle…

M. Jean-Yves Caullet. Vous étiez deux, de l’UMP ! Deux !

M. Julien Aubert. …que votre absence fantomatique conforte les illusions dogmatiques du Gouvernement qui s’apprête à lancer le plus grand plan social de la décennie ? 100 000 emplois vont partir en fumée ! Je vous le dis comme je le pense : n’y a-t-il plus que l’UMP pour défendre la classe ouvrière dans ce pays ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’en profite pour saluer le député de Fessenheim, Michel Sordi, qui lutte avec courage pour faire entendre la voix du bon sens. Et je dis à ses collègues socialistes qui ont des centrales dans leurs territoires et qui ne se croient pas concernés : nous sommes tous des Michel Sordi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Demain, dans vos collectivités, vos départements, vos régions, quand l’effet mécanique de la loi se fera sentir, il détruira, tel un rouleau compresseur, l’emploi et le tissu économique. Et vous expliquerez à vos ouvriers du nucléaire, devenus chômeurs, que Mme le ministre leur promet 100 000 emplois dans les énergies vertes ! Ils pourront se délocaliser avec bravitude en Chine pour construire des panneaux photovoltaïques !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le monde évolue ! On a fermé les relais de diligences !

M. Julien Aubert. Madame le ministre, la transition énergétique, oui ! La trahison énergétique, non !

Mme Clotilde Valter. La ministre ! On dit madame la ministre !

M. Julien Aubert. Nous ne laisserons pas passer un texte qui se fixe des objectifs de gosplan soviétique sans réfléchir aux modalités financières. Rien que pour la fermeture des centrales nucléaires, l’addition est très simple : un rapport parlementaire bipartisan a récemment chiffré le coût de l’indemnisation en cas de fermeture de la centrale de Fessenheim à 5 milliards d’euros. Sachant qu’il faudra fermer 20 centrales, le coût sera de 100 milliards d’euros. Et il faudra les remplacer ! Il se trouve que le taux de disponibilité des centrales nucléaires est bien plus élevé que celui du photovoltaïque ou de l’éolien. L’Union française de l’électricité a calculé que pour remplacer 20 gigawatts d’énergie nucléaire, produisant 140 térawatts-heure d’électricité, il faut 35 gigawatts d’énergie éolienne ou 70 gigawatts de photovoltaïque. Soit 20 000 éoliennes ou encore 657 km2 de panneaux photovoltaïques, soit 70 % des toits disponibles. Coût de la mesure : 190 milliards d’euros !

M. Jean-Yves Caullet. Pour la mesure, vous êtes mal placé !

M. Julien Aubert. Voilà le prix de l’alliance entre les écologistes et les socialistes, pour que 60 circonscriptions soient livrées aux écologistes : 290 milliards d’euros, soit quasiment le budget de l’État, alors qu’un carénage sur les 20 centrales menacées coûterait 35 milliards d’euros.

Un député du groupe SRC. Démagogie !

M. Julien Aubert. Rappelons que le plan nucléaire français a coûté 90 milliards d’euros et que le projet ITER représente un investissement de 15 milliards. Mais 290 milliards pour soixante circonscriptions, cela fait 4,8 milliards d’euros par circonscription, une unité Fessenheim par député écologiste !

Mme Cécile Duflot. Non mais ça va bien, la tête ?

M. Julien Aubert. Je suggère au parti socialiste, la prochaine fois qu’il souhaite conclure un accord politique avec les Verts, de leur suggérer de se présenter dans les circonscriptions où se trouve une centrale dont on envisage la fermeture. Ils expliqueront directement leurs arguments aux intéressés pour se faire élire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sophie Rohfritsch. Bravo !

M. Julien Aubert. Et qui va payer ces 290 milliards d’euros ? Le contribuable ! Lorsque la facture d’électricité va exploser, les Français, engloutis par la fracture énergétique, réaliseront que la fameuse transition énergétique était surtout le nouveau nom d’un méga impôt, équivalant à un septuplement de l’impôt sur le revenu. En Allemagne, les subventions aux énergies renouvelables représentaient 20 milliards d’euros en 2013, soit six fois plus qu’en France. Et le prix de l’électricité pour le consommateur a bondi de 210 à 250 euros le mégawatt-heure ! D’après BNP Paribas, les subventions aux énergies renouvelables ont atteint le niveau des coûts de génération de l’électricité dans la facture du consommateur. Ce qui signifie que l’on dépense autant pour produire l’électricité que pour subventionner les énergies renouvelables.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Simplement parce qu’il y a une absence totale de méthode sur la dépense écologique. Au lieu de promettre des milliards en escomptant un retour CO2, il faudrait véritablement réfléchir au coût de la tonne de CO2 évitée. Rappelons que nous avons déjà 80 milliards d’euros gagés pour le financement des énergies vertes sur la contribution au service public de l’électricité.

Dans la facture à venir, il faudrait inclure les autres dépenses non chiffrées qui pullulent dans ce texte, comme les rénovations obligatoires, qui vont bloquer le secteur des transactions immobilières, ou les 25 000 professionnels de la rénovation qu’il va falloir financer. L’ADEME évaluait en 2003 de 10 à 30 milliards d’euros supplémentaires le coût annuel des investissements en matière énergétique.

L’oscar de l’amendement le plus ridicule revient à celui passé nuitamment, dans un grand concours Lépine de démagogie, qui au motif d’apporter toujours plus de services au client va obliger ERDF à débourser entre 150 et 200 millions d’euros pour compléter l’information des compteurs Linky et offrir une information de la consommation « en temps réel ». De l’art de doublonner sans compter…

Il est même prévu d’élargir par la suite cette mesure, qui concerne 4 millions de ménages, aux 25 millions de ménages français, ce qui représente un coût d’un milliard d’euros. À comparer aux 700 millions d’euros que le Gouvernement veut économiser sur le projet de loi sur la sécurité sociale… D’un côté l’on explique aux Français que l’on va économiser 700 millions sur les dépenses sociales, et de l’autre, à la faveur d’un amendement adopté nuitamment, on dépense 150 à 200 millions d’euros avec la perspective d’en dépenser un milliard ! C’est un non-sens !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela ne coûtera pas plus !

M. Julien Aubert. Alors je vous le répète, madame le ministre : la transition énergétique, oui ! La trahison énergétique…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Julien Aubert. Et si encore tous ces milliards étaient dépensés dans un but écologique… mais même pas ! Faut-il vous rappeler que la France est l’une des économies les moins émettrices de CO2, avec 227 tonnes par million d’euros de PIB, d’après la Cour des Comptes, soit moins des deux tiers de la moyenne européenne ? Grâce à quelle énergie, je vous le demande ? L’hydroélectrique et le nucléaire ! En France, 90 % de l’électricité est produite à partir de sources non-émettrices de CO2. Avec 79 grammes de CO2 par kilowatt-heure produit, la France émet entre cinq et six fois moins que l’Allemagne ou les Pays-Bas ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je me tourne vers les soi-disant écologistes de cette assemblée.

Mme Cécile Duflot. Nous sommes là !

M. Julien Aubert. Je leur demande, les yeux dans les yeux : y a-t-il encore quelqu’un dans votre groupe qui se soucie vraiment de l’environnement ? (« Eh non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Votre stratégie de sortie du nucléaire, l’Allemagne l’a tentée. Moralité : le ministre allemand de l’énergie en a évalué le coût à 1 000 milliards d’euros à horizon 2030 et les émissions de CO2 ont augmenté de 2 %, alors qu’en Europe elles baissaient de 2 %. En effet, les énergies vertes doivent être compensées par des centrales thermiques qui tournent au charbon. Bref, nous allons dépenser 290 milliards d’euros pour augmenter les émissions de CO2 : beau signal, avant la Conférence sur le climat !

Et si vous ne me croyez pas, madame Duflot, je vous rappelle les propos d’un socialiste, Sigmar Gabriel, vice-chancelier, ministre en charge de ce dossier outre-Rhin : « La vérité est que la transition énergétique, le modèle allemand qui devait pousser la part du renouvelable dans la production d’électricité à 80 % d’ici 2050 est en train de rater. La vérité est que sur tous les aspects, nous avons sous-estimé la complexité du tournant énergétique. La noble aspiration à un approvisionnement décentralisé et autarcique se révèle de la folie complète. La plupart des autres pays pensent que nous sommes fous ». Voilà ce que dit le ministre allemand de l’énergie.

Pourquoi les Verts ont-ils perdu de vue le réchauffement climatique ?

Mme Cécile Duflot. Oh, mais ça suffit !

M. Julien Aubert. Parce qu’à force de multiplier les objectifs, on n’en suit aucun !

La Cour des comptes, dans un rapport de décembre 2013 sur la mise en œuvre du paquet énergie-climat, déplorait que ce dernier soit constitué d’un nombre restreint d’objectifs globaux aboutissant à un ensemble hétérogène. La Cour concluait ainsi : « Cette multiplicité des horizons et des objectifs, si elle est un obstacle à l’évaluation, est d’abord une difficulté et un risque pour une mise en œuvre cohérente et un suivi efficace de la politique contre le changement climatique ». Ce projet de loi ne fait que reprendre cette profusion, cette arborescence d’objectifs et de trajectoires auxquels personne ne comprend rien dans ce pays.

À force de parler en chiffres ronds, pour des raisons politiques – 20 % en 2020, 30 % en 2030, 40 % en 2040 – on en oublie la vraie vie, celle des entreprises, des administrations et des citoyens de ce pays qui vont devoir se débrouiller avec des projections fantaisistes et des objectifs inatteignables.

M. Xavier Breton. Très juste !

M. Julien Aubert. Madame le ministre,…

Mme Clotilde Valter. La ministre !

M. Julien Aubert. …la transition énergétique, oui ! La trahison énergétique, non ! (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le grand manquement de ce texte est qu’il refuse de regarder la réalité en face : on ne peut pas cumuler une énergie jacobine, nucléaire, centralisée, portée par de grandes entreprises et à la gestion plutôt parisienne, avec un modèle décentralisé et girondin d’énergies vertes décidées par les collectivités locales sans concertation ni mécanisme national de coordination ou d’articulation.

La création des TEPOS, les territoires à énergie positive, est une initiative intelligente si elle consiste à réduire la dépendance énergétique des territoires, et à condition de ne pas céder à la tentation de l’autarcie énergétique. Vous êtes en train de reproduire ce qui s’est passé avec les lois de décentralisation : un État jacobin et centralisé qui fait une fausse délégation de pouvoirs à des territoires, avec à la fin une multiplication des circuits, une lourdeur budgétaire et une inflation des personnels. Dans le domaine de l’énergie, c’est le réseau qui va payer chèrement l’absence de vue transversale et globale.

Madame le ministre, écoutez-nous.

Mme Clotilde Valter. La ministre !

M. Julien Aubert. L’UMP a sérieusement préparé ce débat.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cela ne se voit pas…

M. Julien Aubert. Elle entend proposer une véritable transition énergétique pragmatique, souple, faisable, flexible.

Nous pensons qu’il faut mettre l’accent sur les énergies vertes thermiques, comme la biomasse, pour éviter de nous enfermer dans une transition électrique qui n’amènera que du carbone et de l’instabilité.

Nous sommes convaincus que voter des objectifs nationaux et libérer les initiatives locales sans prévoir une articulation et un modèle de gouvernance est une erreur absolue et qu’un grand commissariat à la transition énergétique devrait être créé pour que nous ayons une vue transversale et territoriale sur les enjeux électriques.

Nous affirmons qu’il faut rééquilibrer notre réflexion sur la consommation des énergies dites rouges, comme le charbon et le pétrole, et que ce sont ces dernières que nous devons diminuer, voire interdire en ce qui concerne le charbon, pour diminuer à la fois la facture et le CO2.

Nous défendons l’idée qu’un grand débat sur l’avenir énergétique ne peut faire l’impasse sur les hydrocarbures non conventionnels et que, sans trancher sur l’exploitation de ces ressources, il convient d’évaluer scientifiquement le potentiel de ressources d’hydrocarbures et d’appliquer enfin la loi Jacob qui prévoit la création d’un comité de pilotage. D’ailleurs, madame le ministre, à ce propos, je n’ai pas entendu votre réponse sur les permis d’exploitation de gaz de schiste dans le Vaucluse…

Mme Clotilde Valter. La ministre !

M. Julien Aubert. Nous pensons qu’au lieu de proclamer que la France va basculer demain dans le « tout électrique », il faut aider le secteur des transports à muter vers plusieurs technologies concurrentes qui vont de l’électrique au biogaz en passant par l’hybride.

Nous réfutons le grand soir énergétique, qui devrait se faire en dix ans en basculant subitement dans une France dénucléarisée.

Nous croyons que la France doit libérer le progrès et la recherche en sanctuarisant le potentiel nucléaire, et notamment notre avance technologique sur la troisième et la quatrième génération, ainsi que le projet ITER développé à Cadarache. Au-delà de la production, il faut préserver les filières naissantes, le démantèlement, le retraitement, l’enfouissement. On note dans cette loi l’absence totale de décision sur le grand projet Cigéo qui attend que le Parlement se saisisse enfin de son avenir.

Nous, madame le ministre, nous ne soutenons aucune diatribe cachée contre l’entreprise EDF et nous nous désolons qu’en 2014 un Parlement puisse voter la création d’un « commissaire politique aux investissements » chargé de chapeauter une entreprise cotée en bourse dans un pays qui se prétend capitaliste et la cinquième puissance économique mondiale.

Madame le ministre,…

Mme Clotilde Valter. La ministre !

M. Julien Aubert. …voulez-vous une loi Royal adoptée en écrasant le Parlement et l’opposition ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Dans ce cas, nous l’abolirons sitôt revenus au pouvoir et l’on se souviendra de votre loi comme de celle qui a mis fin à 50 ans de consensus énergétique français.

Si vous voulez une loi de compromis, de consensus, de co-construction, il est temps de débattre et d’écouter l’opposition…

Mme Clotilde Valter. Il faudrait qu’elle ait quelque chose à dire !

M. Julien Aubert. …avec la même ouverture d’esprit que celle dont vous avez fait preuve à l’égard des partis qui représentent 2 % du corps électoral français. Et surtout, madame le ministre, retenez ce message : la transition énergétique, oui, la trahison énergétique, non ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que dire ?

M. Philippe Plisson, rapporteur. Après ça…

M. Bertrand Pancher. Annoncé comme l’une des ambitions les plus importantes du quinquennat par François Hollande, le projet de loi relatif à la transition énergétique, avec la loi sur la biodiversité hélas sortie, momentanément je l’espère, de nos écrans radars, me semble être tout sauf la priorité de l’exécutif.

Il aura fallu attendre plus de deux ans pour que ce texte, dans sa version finale, soit enfin présenté aux parlementaires, dans des conditions de précipitation et de cafouillage qui en disent long sur l’indécision du Gouvernement dans cette affaire. Rappelons que le débat national sur la transition énergétique, engagé en novembre 2012, a eu les plus grandes difficultés à faire émerger un consensus entre les participants, c’est un euphémisme, là où le Grenelle de l’environnement avait permis d’aboutir, en seulement trois mois, à 268 engagements signés par les acteurs de tous bords.

M. Sergio Coronado. Non tenus !

M. Bertrand Pancher. Après des reports successifs et moult tergiversations sur le contenu même de ce texte, qui a fait l’objet d’innombrables versions avant que sa version finale ne soit elle-même profondément modifiée, nous commençons enfin l’examen de ce projet de loi qui touche à un domaine hautement stratégique sur le plan national comme européen.

Maintenant que nous sommes entre nous, madame la ministre, pourriez-vous au moins nous expliquer pourquoi le Gouvernement a décrété l’urgence sur ce texte ? Quelle idée farfelue !

M. Xavier Breton. C’est vraiment dommage !

M. Bertrand Pancher. Alors que nous aurions pu prendre le temps d’en discuter, l’engagement de la procédure accélérée ne nous laisse aucune marge de manœuvre pour tenter d’améliorer un projet de loi malheureusement peu ambitieux, et surtout peu pragmatique. Jamais nous n’avons été conduits à traiter autant d’amendements en si peu de temps. La moitié d’entre eux n’auront pas été examinés par la plupart des représentants des groupes politiques en commission.

Face à cette insatisfaction générale, toutes les organisations nationales, les ONG, les grands groupes énergétiques et les syndicats professionnels y sont allés de leurs propositions d’amendements, conscients que la concertation avait été bafouée. Nous avons eu l’impression d’être réduits à faire notre marché dans des liasses de propositions, à tel point que France Nature Environnement a manifesté ce matin, ici même, contre les lobbys. L’un des rapporteurs du texte, M. Baupin, qui n’est d’ailleurs pas là, s’est solidarisé avec cette manifestation : un comble ! (« Où sont les rapporteurs ? » sur les bancs du groupe UMP.) On a rarement vu sous la cinquième République celui-là même qui instruit le texte pour le compte de la majorité aller manifester sa solidarité envers ceux qui le contestent ! C’est tout de même fort de café !

Le temps de parole programmé en séance la semaine prochaine entraînera les mêmes dérives : nous n’aurons pas le temps de tout examiner correctement, et il n’y aura pas de deuxième lecture. Pourquoi nous bâillonner ainsi ? Quel fiasco ! Qu’avons-nous donc fait pour qu’il ne soit pas possible d’échanger sereinement autour d’un texte qui paraissait pourtant stratégique pour nous tous ? La transition énergétique ne saurait se réduire à un simple coup de communication. Tout cela commence décidément à devenir insupportable.

Depuis le début de nos débats, le groupe UDI s’était pourtant montré constructif, tentant de faire évoluer un texte qui lui paraissait bien fade. Revenons d’abord sur la dimension européenne. Après l’échec de Copenhague en 2009, le sommet climat de New York qui a eu lieu la semaine dernière semblait nous redonner enfin l’espoir de créer, un jour, une véritable politique climatique internationale commune. Dans cette perspective, la transition énergétique est devenue pour de nombreux pays un enjeu central, figurant la prochaine étape pour espérer construire un nouveau modèle énergétique durable et surtout innovant.

Dans ce contexte, la France doit absolument se positionner comme l’un des chefs de file de cette transition énergétique. À la veille de la Conférence sur le climat, qui aura lieu fin 2015 à Paris, la France et l’Union européenne devaient à nouveau montrer leur implication et afficher des ambitions fortes.

Comment ne pas rappeler que c’est grâce au Grenelle de l’environnement que la France a pu jouir d’un crédit de confiance non négligeable et être moteur dans les négociations, notamment européennes ? L’adoption du paquet climat-énergie de l’Union européenne en 2008, avec trois objectifs précis pour 2020, arrachés par la présidence française, en fut une illustration. Cela n’a pas été aisé. Que François Hollande fasse aussi bien, et nous en reparlerons !

La France a un rôle important à jouer dans l’élaboration d’une ligne européenne. Notre pays doit en effet continuer à être un modèle pour nos voisins européens. Alors que l’Union européenne s’est toujours positionnée en première ligne de l’action mondiale contre le réchauffement climatique, elle éprouve aujourd’hui de nombreuses difficultés à promouvoir des actions communes ambitieuses et durables. La controverse liée à la nomination du commissaire européen à l’énergie l’illustre, tout comme le recul sur la question essentielle du prix des quotas carbone.

Madame la ministre, tout le monde le dit, ce n’est pas votre texte qui va insuffler la volonté d’instaurer une politique énergétique européenne commune. La dimension européenne y a été totalement obérée, et nous aurions préféré débattre d’abord sur les moyens nécessaires à l’atteinte de nos objectifs de 2020, alors que tous les indicateurs décrochent, plutôt que nous fixer des ambitions d’autant plus importantes qu’elles sont lointaines. Pour résumer votre texte à la manière du président d’une grande organisation environnementale, c’est génial pour 2050, correct pour 2030 et ridicule pour ces prochaines années. C’est un peu comme si nous chevauchions une Harley Davidson avec un moteur de solex…

Nous devons créer un terreau favorable au développement d’une ligne européenne commune, et surtout montrer que nous savons mener cette transition énergétique réalisable et raisonnable. Alors que ce texte était l’occasion pour la France de redevenir le leader sur une problématique d’avenir, nous devons nous rendre à l’évidence : ce projet de loi est un grand rendez-vous manqué.

Madame la ministre, depuis 2012 s’est produit un coup d’arrêt terrible pour la croissance verte. Alors que le Président de la République a promis de verser un milliard de dollars au Fonds vert des Nations Unies, le groupe UDI vous demande de réorienter la fiscalité afin qu’elle ne soit plus perçue comme une seule contrainte mais redevienne un instrument puissant au service d’un grand intérêt commun : le développement apaisé de notre société.

Ce projet de loi plusieurs fois bâti et rebâti, construit et démoli, comporte aujourd’hui huit grands titres, ou plutôt huit petits titres, remplis d’objectifs ambitieux mais malheureusement bien éloignés des réalités. La plupart de ses dispositions resteront des chimères faute de financement suffisant, nous le savons tous. Chers collègues rapporteurs, je sais que vous êtes tous attachés à une véritable transition énergétique. Dans un an, demandez donc, comme notre Règlement le permet, à faire le point sur l’exécution de ce texte : vous verrez combien il y avait loin de la coupe aux lèvres.

J’en viens au fond. Dans le catalogue de bonnes intentions figure la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2030 : un bel objectif, totalement irréalisable et qui est aussi dangereux pour notre sécurité énergétique. La consommation énergétique ne va pas diminuer – ce texte fait d’ailleurs l’apologie des véhicules électriques. La progression des énergies renouvelables s’essouffle, et notre trajectoire nous mène plutôt vers 17 % d’énergies renouvelables en 2020, alors que nous nous étions fixé un objectif de 23 %. Quelle farce !

Le plafonnement de la capacité de production à son niveau actuel, soit 63 gigawatts, est évidemment prématuré. Pouvez-vous nous dire ce qui se passera lors du démarrage de l’EPR de Flamanville ? Selon les mesures inscrites dans le projet de loi, deux réacteurs devront fermer leurs portes, sans compter que la centrale de Fessenheim a maintenant de beaux jours devant elle, suite au rapport parlementaire qui révèle publiquement ce que tout le monde savait depuis longtemps.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Pipeau !

M. Bertrand Pancher. À tel point qu’hier, madame la ministre, vous annonciez qu’il n’était pas exclu que ce soit un autre site que celui de Fessenheim qui ferme…

Pourquoi redoutez-vous tant une ligne claire ? Qu’avez-vous peur d’assumer ? Nous militons pour un nucléaire plus respectueux, et ne craignons pas de nous poser publiquement les vraies questions. Nous restons convaincus que le nucléaire doit évoluer, en développant des technologies innovantes et moins dangereuses.

Le groupe UDI a toujours été attentif aux craintes de la population française sur les risques du nucléaire. Aussi, j’ai déposé plusieurs amendements renforçant les contrôles de notre parc nucléaire, mais surtout l’information du public, désormais indispensable.

Cependant, prenons garde à ne pas commettre les mêmes erreurs que l’Allemagne, qui voit aujourd’hui, comme l’indiquait Julien Aubert, ses émissions de gaz à effet de serre augmenter. Car il faut se rendre à l’évidence : moins nous voulons d’énergie nucléaire, plus il faut d’énergies renouvelables. Quelle plaisanterie que de proclamer, partout et sur toutes les estrades, que nous aimons toutes les formes d’énergies renouvelables et de tout faire ici pour ne pas augmenter le prix de l’électricité, lequel finance seul, le président Brottes le sait mieux que moi, ces productions !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Oh, non…

M. Bertrand Pancher. Allons-nous jouer encore longtemps au concours du nez le plus long dans ce domaine ? À quoi bon se convaincre que nous allons réduire globalement notre consommation énergétique si nous n’utilisons pas dans le même temps les seuls outils de régulation à notre disposition, les certificats d’économies d’énergie ? Pourquoi ces atermoiements depuis des mois et des mois sur ce sujet, madame la ministre ? Et que répondez-vous à cette question, cher Denis Baupin, vous qui prêchez dans le désert, avec d’autres, sur ce sujet depuis de longs mois ? Il ne faut pas d’écologie punitive ? Et l’augmentation du prix du gasoil, qu’est-ce ?

Objectifs irréalistes en matière énergétique, donc, mais aussi flous dans le domaine des bâtiments. Nous défendons une transition énergétique soutenable, qui prenne en compte les capacités d’adaptation des Français, mais aussi les exigences des entreprises, qui traversent une crise sans précédent.

Nous avons toujours soutenu une politique environnementale et énergétique ambitieuse. Pour cela, nous devons être attentifs aux contraintes, patiemment réorienter la fiscalité des ménages et des entreprises, et surtout être inflexibles sur le sens de nos politiques et ne pas varier tous les jours d’objectifs ou de moyens.

M. Julien Aubert. Parfaitement !

M. Bertrand Pancher. Nous n’entrerons jamais dans un monde nouveau avec nos vieilles habitudes. Or certaines dispositions prises sur la rénovation énergétique des bâtiments semblent démesurées…

M. Julien Aubert. Il a raison !

M. Bertrand Pancher. … souvent très floues, et ne disposent d’aucune stratégie de financement viable. Je pense notamment à la création du carnet de santé du logement pour les immeubles neufs, qui risque d’alourdir le processus de construction et qui a été introduite sans crier gare par un amendement du Gouvernement. À l’heure du choc de simplification, ce texte ajoute de nouvelles contraintes à un labyrinthe administratif déjà très complexe.

L’objectif de rénovation fixé à 500 000 logements par an est tout à fait irréaliste lorsque nous savons que seulement 160 000 sont en cours de rénovation. Plutôt que de lancer un plan de rénovation tous azimuts, il aurait été préférable de se concentrer sur un type de bâtiments, comme l’avait proposé le Grenelle II pour la rénovation des bâtiments du secteur tertiaire – dont le décret se fait toujours attendre… Ce n’est pas nous qui avons refusé de le publier !

Quant à la rénovation thermique des bâtiments publics, elle aurait mérité un plan d’envergure, totalement inexistant dans ce texte qui se borne à parler « d’exemplarité énergétique ». Surtout, il aurait fallu se pencher sur le cancer des politiques du bâtiment en France : le changement continu des stratégies d’accompagnement et la multiplicité des acteurs. Sans doute faudrait-il en faire moins, mais tout garantir pendant des années. À peine avons-nous le temps de comprendre une mesure qu’elle change ! Comment pourrions-nous nous y retrouver ?

J’en arrive au volet des transports, qui représentent 32 % de l’énergie consommée en France : il aurait donc été pertinent d’inscrire des mesures ambitieuses et innovantes dans ce domaine. Il faut reconnaître que vous avez fait fort, et même très fort, madame la ministre, sur l’écotaxe : il fallait oser, en arrivant au ministère, saccager une des premières et des plus fortes dispositions du Grenelle de l’environnement…

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est vous qui l’avez inventée ! C’est le gouvernement Fillon !

M. Bertrand Pancher. Le volet transports est uniquement abordé à travers le prisme de la voiture électrique. Dois-je rappeler que nous débattons bien de la transition énergétique, et non de la transition électrique ? Les autres modes de transports sont quant à eux les grands absents de ce projet de loi : transports publics, ferroviaire, maritime, aérien, routier…

En juin 2013, l’ancien secrétaire d’État aux transports, Frédéric Cuvillier, avec qui nous avions appris à travailler et commencions à entretenir de très bonnes relations, inaugurait pourtant une autoroute ferroviaire qualifiée « d’ambition concrète pour la transition énergétique ». En juin dernier, il faisait même adopter, avec notre soutien, la réforme ferroviaire qui devait relancer le fret ferroviaire. Là encore, quelle déception ! Le groupe UDI déplore cette terrible absence de lien entre les différents textes législatifs et ce cruel manque de synergie entre les différents modes de transport.

Et l’économie circulaire ! Il fallait compléter un texte bien fade, alors on a trouvé un sujet à la mode : l’économie circulaire et les déchets.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Bertrand Pancher. Pourquoi ici ? Pourquoi si peu ? Nous regrettons tous l’absence d’un projet de loi à part entière sur ce sujet. Alors que le projet de loi sur la biodiversité n’est pas encore à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, permettez-moi d’être inquiet sur l’avenir de sujets aussi majeurs pour notre pays.

Reste la précarité énergétique, qui fait évidemment partie intégrante de la transition énergétique. Près de huit millions de citoyens vivent en situation de précarité énergétique. Outre les dispositions relatives à la rénovation des bâtiments, le projet de loi prévoit la mise en place d’un chèque énergie…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Bertrand Pancher. …selon les préconisations du médiateur de l’énergie ; je reconnais là l’engagement du président Brottes. Ce chèque énergie est nécessaire et constitue une bonne mesure mais il ne couvre pas toutes les énergies et son périmètre d’action est beaucoup trop restreint.

Enfin, madame la ministre, toujours au sujet de ce fléau, comment ne pas relever à nouveau l’augmentation de la taxe sur le diesel, qui va frapper de plein fouet le pouvoir d’achat des ménages et en premier lieu celui des plus modestes ?

Oui, madame la ministre, nous pensons que votre refrain, que nous pourrions tous entonner, que j’ai encore entendu ce dimanche, sonne tout de même un peu faux. Vous dites « je ne veux pas d’écologie punitive, je ne veux pas que l’écologie soit financée par l’impôt, cela fait trop longtemps que je le dis ». Prenez garde, madame la ministre, à ce que votre portrait ne soit pas placardé sur toutes les pompes à essence de notre pays ! (Sourires.)

Enfin, le groupe UDI a toujours soutenu le développement des territoires ultramarins. Nous continuons à déposer des amendements pour inclure les collectivités d’outre-mer dans le processus de transition énergétique et les accompagner dans la mise en place de ces mesures. En effet, les territoires ultramarins disposent d’un patrimoine naturel exceptionnel que nous devons mieux exploiter. Le développement des énergies renouvelables dans ces territoires est un véritable enjeu dont nous ne pouvons pas faire abstraction.

Pour conclure, madame la ministre, vous auriez pu montrer l’exemple en commençant par économiser de l’énergie : la nôtre et celle de l’ensemble des acteurs qui ont cru un court moment que cette loi allait servir à quelque chose. Aussi, sous réserve d’un bouleversement en séance, n’avons-nous pas l’intention de soutenir un projet de loi que nous jugeons bien médiocre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La Conférence des présidents se réunit. La séance va donc être suspendue une vingtaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bartolone.)

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est reprise.

À l’issue de cette suspension de séance, je voudrais rappeler deux principes fondamentaux.

Premièrement, la Présidence ne doit être mise en cause en aucune circonstance, ni par les députés, ni par les membres du Gouvernement, et cela quels que soient les moyens utilisés, traditionnels ou électroniques – puisque dans cette maison, on ne cesse de se moderniser et d’évoluer… (Sourires.)

Deuxièmement, seule la Présidence conduit les débats, dans l’intérêt de leur bon déroulement.

Sur le fond, il est exact que le Gouvernement obtient la parole quand il la demande. Pour autant, l’usage n’est pas qu’il intervienne dans le cours de la discussion générale. Peut-être cette question mérite-t-elle d’être réexaminée, surtout dans le cadre de la procédure du temps programmé et la prochaine Conférence des présidents en sera saisie.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de reprendre nos travaux.

La parole est à Mme Cécile Duflot.

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme Cécile Duflot. Madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, notre planète, la seule que nous ayons, est en train de vivre un grand basculement. Qui ne veut le voir se condamne non seulement à la cécité mais aussi à l’impuissance.

Le temps qui s’ouvre est celui de l’impératif écologique. Il commande que nous changions nos manières de produire, de consommer, d’habiter, parce que les menaces que nous faisons peser sur les écosystèmes nous menacent désormais en retour.

Je sais bien ce que cela semble nous coûter. Mais, croyez-moi, l’immobilisme et le conservatisme en la matière nous coûteront bien plus cher encore. Et quand je parle de coûts, je pense à la fois en termes économiques, sociaux et environnementaux.

Le rôle de la représentation nationale de notre pays est de relever ce défi, et de hâter notre conversion. La France peut être une nation pionnière, et faire émerger la première République écologique, si elle comprend que l’impératif écologique est la continuation du combat républicain multiséculaire, celui pour l’intérêt général.

La République écologique est un universalisme. Liberté égalité fraternité, oui, mais aussi pour les générations futures, et de manière planétaire grâce à la préservation des biens communs de l’humanité.

M. Jean-Marie Sermier. La République écologique n’existe pas !

Mme Cécile Duflot. L’un des piliers de cette République écologique, c’est l’immense défi de la transition énergétique. Une troisième révolution industrielle est en train de voir le jour, sous un double effet, celui d’une transformation de notre modèle énergétique et d’une révolution des communications avec le numérique.

M. Éric Straumann. C’est d’actualité !

Mme Cécile Duflot. Ce n’est pas moi qui affirme cela, mais Jeremy Rifkin, dont les analyses sont aujourd’hui suivies dans le monde entier.

Pendant un siècle, nous avons vécu une illusion. L’illusion que le modèle serait sans limite et sans frein. L’humanité se dopait à la croissance illimitée. Notre modèle économique reposait sur l’idée d’une énergie sans limite, qui nous donnerait des possibilités sans fin.

Nous sommes aujourd’hui, de fait, rattrapés par un certain matérialisme.

D’une part, nous mesurons que nos ressources ne sont pas illimitées mais bien au contraire qu’elles sont fossiles. D’autre part, nous payons aujourd’hui la facture de l’illusion des générations précédentes. Les énergies carbonées, fossiles ont condamné notre modèle de développement. Les Trente Glorieuses nous laissent le dérèglement climatique en héritage. Et notre société vit aujourd’hui largement au-dessus de ses moyens.

Les conséquences toucheront tout notre environnement. Elles s’attaquent à la biodiversité avec la sixième extinction des espèces. Elles touchent notre habitat, notre mode de vie, notre économie. En un mot, si nous n’y prenons garde, elles renversent notre humanité.

Nous avons pourtant aujourd’hui l’opportunité d’embrasser un autre modèle. En réduisant nos consommations, l’efficacité énergétique nous offre l’opportunité d’une nouvelle société. En transformant notre modèle de production, les énergies renouvelables nous offrent la possibilité d’une production d’énergie décentralisée, au plus près du consommateur, qui ne pénalise pas l’environnement.

Bien entendu, je connais aussi les objections qui seront faites. Après avoir nié le dérèglement climatique, certains tracent aujourd’hui des lignes de fuite. Ils nous disent que le pétrole ne serait pas épuisé, puisque les États-Unis et d’autres pays s’enflamment à poursuivre la chimère du gaz de schiste. Selon eux, à notre tour, nous devrions suivre leur exemple. Ils ne feront qu’appuyer sur l’accélérateur du dérèglement climatique. Avec les gaz de schiste, nous aurions finalement une double peine, les énergies fossiles et les conséquences inexorables sur le climat. Quelle absurdité que de voir l’ancien président de la République qui les a interdits hier, à juste raison, les glorifier aujourd’hui !

D’autres ne se bercent pas moins d’illusions. Ils croient à une forme de miracle français. Citoyens du seul pays au monde à poursuivre dans l’impasse nucléaire, ils s’appuient sur la faible consommation de carbone pour y voir une solution aux émissions de gaz à effet de serre. Ils répètent ainsi un certain dogme français fondé sur trois mensonges.

Le premier mensonge, c’est l’illusion du bas prix.

M. Julien Aubert. Mais non !

Mme Cécile Duflot. Le nucléaire français est aujourd’hui coûteux et ne va cesser de coûter plus cher dans les années qui viennent, comme l’ont prouvé les travaux du Parlement.

M. Jean-Marie Sermier. Regardez nos amis allemands !

Mme Cécile Duflot. Le deuxième mensonge, c’est la foi dans l’indépendance énergétique. Le modèle nucléaire est aussi à durée limitée, les ressources en uranium s’épuisent, elles aussi, et nous dépendons aujourd’hui exclusivement de nos importations.

Le troisième mensonge, c’est le risque contrôlé. Les solutions pour les déchets, tant promises depuis 1973, n’arrivent pas. Par ailleurs, et c’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui le dit, le risque d’un accident nucléaire, dans notre pays où aucun habitant ne vit à plus de 300 kilomètres d’une centrale nucléaire, est réel. À Tchernobyl, nous avions mis l’accident sur le compte de l’épuisement du modèle soviétique ; au Japon, sur celui d’un tsunami, qu’on ne rencontre évidemment pas dans nos contrées. Mais que dirons-nous face au risque nucléaire français ? Oserons-nous dire que Fessenheim est construit sur la faille sismique du Rhin supérieur ?

Madame la ministre, le texte que vous nous présentez aujourd’hui est un texte audacieux. Il remet la politique énergétique au cœur de la démocratie, alors qu’elle a été si longtemps privatisée.

M. Paul Molac. C’est vrai !

Mme Cécile Duflot. Il redonne ses droits à la volonté politique, mais se fixe comme horizon de la tourner vers l’avenir plutôt que vers le passé. Enfin, il consacre dans la loi deux éléments majeurs que le Président de la République avait annoncés lors de la première conférence environnementale. Ces deux objectifs fondamentaux nous offrent la possibilité d’un véritable tournant, donnant aujourd’hui à notre pays l’opportunité d’embrasser la troisième révolution industrielle.

Le premier objectif, c’est la volonté de réduire de 50 % notre consommation d’énergie d’ici à 2050. Avec cet objectif, nous pouvons enfin entrer dans le XXIème siècle. Nous pouvons imaginer une économie bas carbone, qui ne cherche pas à poursuivre l’illusion du dopage de la croissance mais qui invente un modèle créateur d’emplois et de prospérité sans nuire à notre environnement. L’efficacité énergétique, dès aujourd’hui, peut créer des emplois dans le bâtiment, dans les mobilités ou dans la mutation économique qui s’annonce autour de l’économie circulaire.

Le deuxième objectif, c’est la sortie du tout nucléaire, en passant à 50 % de nucléaire d’ici à 2025. En sortant d’un modèle à sens unique, nous renouons avec la possibilité de suivre la mutation industrielle qu’ont déjà entamée l’Allemagne, mais aussi la Chine et l’Inde. En un texte de loi, vous donnez enfin à la France l’opportunité de prendre le chemin de l’énergie du XXIème siècle.

Cette étape nous permettra, j’en suis certaine, d’engager la sortie du nucléaire d’ici à 2040, pour laquelle les écologistes continuent et continueront à se battre. Nous proposerons ici des amendements pour aller dans ce sens et permettre que démocratiquement, devant l’ensemble de la représentation nationale, le débat ait lieu.

Vous l’avez compris, madame la ministre, les écologistes saluent l’esprit ambitieux de ce texte. Mais ils se posent encore beaucoup de questions. Le débat en commission, et je vous remercie, monsieur le président, pour l’attention avec laquelle vous l’avez présidé, a permis des avancées majeures, notamment sur la durée de vie des réacteurs nucléaires, sur l’économie circulaire ou sur la stratégie de rénovation des bâtiments. Mais certaines précisions méritent encore d’être apportées. Nous y reviendrons par voie d’amendement.

Trois risques majeurs doivent être ici soulignés. La transition énergétique ne relève pas seulement d’une loi. Elle relève bien davantage d’une volonté politique qui doit traverser tous les objectifs d’un gouvernement.

Le premier risque, c’est que la transition énergétique ne pèche par absence de stratégie. Souvenons-nous de la loi Grenelle, qui avait eu le défaut de mettre les questions d’énergie sous le tapis mais qui avait permis de réelles grandes avancées. Ambitions louables, objectifs ambitieux… mais quelques années plus tard, combien sont restés sans lendemain ? Combien de reculs dès le premier tumulte ? Combien de défauts de traduction dans les faits ?

Nous le savons aujourd’hui, il ne suffit pas de se fixer des objectifs, des normes et des points d’arrivée ambitieux. Il faut définir le chemin et les moyens pour y parvenir, et lutter sur la réalité des effets du dérèglement climatique. C’est pourquoi nous attendons de vous, madame la ministre, et de votre Gouvernement, que vous disiez ici le chemin. Il nous faut des objectifs précis, notamment à l’horizon 2030.

Le deuxième risque, ce sont les financements. Disons les choses – et le rapport de Nicolas Stern l’a montré : la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas l’adversaire de la prospérité.

M. Julien Aubert. Ah oui !

Mme Cécile Duflot. Au contraire, comme tous les grands chantiers dont l’humanité s’est dotée, elle a un prix. C’est une évidence et c’est bien le rôle de l’État de donner des perspectives. Certes, il ne fera pas tout, ces enjeux sont trop immenses. Et madame la ministre, je veux vous dire que là où vous prévoyez 10 milliards d’euros sur trois ans pour la transition énergétique, EDF prévoit d’investir 110 milliards d’euros sur ses réacteurs.

Madame la ministre, je veux dire devant vous que ce que nous craignons, c’est que ce soit l’absence d’écologie dans notre pays qui soit punitive. Je l’avais relevé alors que j’étais encore ministre : la transition énergétique s’accommode bien mal d’une politique de réduction des dépenses. Elle permet de faire des économies, certes, mais elle exige aussi des investissements durables, ambitieux, précis et ciblés. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) Disons-le tout net : sur ce point, les écologistes estiment que le Gouvernement n’est pas au rendez-vous.

Les crédits européens sont promis, mais toujours absents sur le terrain. L’écotaxe, votée à l’unanimité par le Parlement, est sans cesse repoussée, jamais appliquée, peut-être même est-elle de fait enterrée. Vous vous refusez encore à fixer un prix au carbone – les débats en commission étaient intéressants sur ce sujet – quand Ban Ki-moon affirme que c’est la seule solution. La contribution climat énergie que cette majorité a mise en place est certes un progrès décisif, mais elle est encore trop timide pour être à la hauteur des enjeux.

Quant aux programmes gouvernementaux, sur lesquels les acteurs économiques fondent à raison quelque espérance, ils subissent encore l’instabilité et l’insécurité. Certains sont même menacés. Je pense notamment au programme Habiter Mieux, mis en place par la majorité précédente et qui a été modifié et amplifié. Nous n’avons encore aucune indication sur sa pérennité après 2015. Je le redis alors que ce programme rencontre un immense succès tant en termes sociaux qu’énergétiques.

Le troisième risque qui pourrait menacer la transition énergétique, c’est l’imprécision : l’imprécision de la politique, voire parfois ses allers retours. Il faut le reconnaître ici, madame la ministre : combien y a-t-il eu d’incohérences, combien d’avancées puis de reculs sur les mêmes sujets, sur la question écologique ? Il ne suffira pas d’un gouvernement, d’un quinquennat, ni même sans doute d’une génération pour réussir la transition énergétique.

Alors, par pitié, ayons l’audace de la cohérence, de la durée et de la pertinence. Ne nous exclamons pas « Vive les gaz de schiste ! » devant certains acteurs pour les condamner ensuite devant les écologistes. Ne crions pas « Vive le nucléaire ! » devant le MEDEF pour promettre un autre futur devant le Parlement.

« La grandeur aujourd’hui ne peut s’établir uniquement sous les formes et avec les moyens du passé. Cultivons plutôt une forme d’exemplarité en dessinant un modèle dans lequel le peuple français puisse se reconnaître. Un modèle qui parle aux autres et où la recherche de l’efficacité garde pour fin l’équité. » C’est avec ces mots qu’un grand homme d’État, que vous connaissez bien, a conclu son dernier ouvrage : Lionel Jospin appelle ainsi notre pays à avoir l’audace de l’exemplarité plutôt que celle de la conquête.

C’est à cette audace que je voudrais ici nous inviter tous. Dans un an, notre pays accueillera un sommet décisif pour l’avenir de notre planète et de notre humanité. Et si la France en profitait pour devenir un modèle ? Certes, nous avons accumulé un immense retard, mais si nous hissons le texte qui nous est présenté aujourd’hui à la hauteur de l’ambition du siècle qui nous attend, nous pouvons en faire un exemple. Cela ne mérite pas de querelles, pas de polémiques politiciennes ; cela n’appelle pas de divisions stériles ; cela peut nous offrir l’opportunité historique de renouer avec une certaine idée de la grandeur de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les nombreux rapporteurs, chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte qui nous rassemble dans cet hémicycle et sur lequel nous allons débattre au cours des prochains jours est un des textes majeurs de la législature. Après plusieurs mois d’un processus de concertation de l’ensemble des acteurs socio-professionnels au sein du Conseil national de la transition écologique mis en place en août 2013 par Philippe Martin et mené ensuite par vous, madame la ministre, dont on connaît l’écoute et l’indépendance d’esprit, le temps du Parlement est venu.

C’est le temps pour le Parlement de fixer dans la loi les recommandations et les engagements issus de la consultation des acteurs socio-professionnels. Bien sûr, cette consultation a été utile, et même indispensable pour mettre autour de la table des gens qui n’ont pas l’habitude de se parler et de s’écouter. Elle a été féconde pour parvenir à transcrire dans la loi des équilibres atteints et des compromis obtenus à la fin de la nuit, et ainsi bâtir un projet de loi plus efficace et plus pragmatique. Si les radicaux sont dans leur essence des partisans de l’écoute des corps intermédiaires, madame la ministre, si nous avons beaucoup d’affection pour la démocratie participative, nous conservons également un grand respect pour la légitimité de la démocratie représentative, même si nous devons en repenser le modèle, j’en conviens volontiers.

Le Parlement, ce n’est donc pas une réunion de plus du Conseil national de la transition écologique.

M. Julien Aubert et M. Damien Abad. Très bien !

M. Denis Baupin, rapporteur. Exact !

M. Joël Giraud. Ne vous réjouissez pas trop tôt, mes chers collègues…

C’est aux parlementaires qu’il revient désormais de fixer de façon définitive le cap et la stratégie de la transition énergétique à un moment crucial de l’histoire de notre pays, de l’Europe et du monde.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers valeureux collègues impliqués jour et nuit depuis des semaines sur ce projet de loi, je voudrais vous exprimer ma gratitude et mes remerciements pour la qualité de votre travail, pour votre expertise, pour votre sens du dialogue et pour l’atmosphère cordiale et la bonne tenue de nos débats… jusqu’à samedi, à une heure cinquante et une du matin. Car ensuite, ce ne fut que « Non défendu », prononcé plusieurs centaines de fois par notre estimé président de la commission spéciale. Ce samedi là, l’immense majorité des amendements n’ont pas été défendus. Ce samedi là, le projet de loi a été débattu par cinq ou six députés, dont trois rapporteurs et le président de la commission spéciale, sans GDR, sans UDI, sans UMP, sans radicaux, en dépit de toute leur bonne volonté et alors que nous connaissons l’implication de plusieurs des membres de ces groupes dans les sujets traités par ce projet de loi. Notons que lorsqu’on a presque trente membres dans cette commission, comme c’est le cas à l’UMP, c’est tout de même plus facile que lorsqu’on en a deux, dont un habitant à mille kilomètres, comme les radicaux !

M. Julien Aubert. Venez à l’UMP ! (Sourires.)

M. Joël Giraud. Il ne s’agit pas de polémiquer inutilement. Je laisse cela à nos collègues de l’opposition. Toute la mauvaise foi du monde, qu’ils ont portée à un degré exceptionnel tout à l’heure, ne suffira pas à faire croire le contraire de la réalité : ce sont eux qui ont voté lors de la précédente législature le règlement qui a été appliqué, et pas nous.

Ce projet de loi dessine un constat. Il est le fruit d’une conviction et le signe d’une volonté politique forte. Je sais que vous voulez en séance, madame la ministre, rattraper cette journée particulière de la commission. Il devrait d’ailleurs réunir bien au-delà de tous les clivages politiques puisque nous sommes tous, ou presque, déterminés à prendre à bras-le-corps une révolution écologique et énergétique incontournable. Tous les rapports scientifiques le confirment : l’évolution du climat est préoccupante et appelle le renouvellement de nos modes de production et de consommation, de nos habitudes, de nos processus de décisions, de notre mode de construction, de transport et de production agricole.

Qu’il s’agisse des matières premières, de l’eau, de l’air, du carburant, ou du climat stable, le temps dans la croyance des ressources infinies et renouvelées est bel et bien terminé. Notre société fondée sur l’exploitation des ressources fossiles, où, depuis cinquante ans, les besoins énergétiques ont été multipliés par quatorze, a fait son temps. Les alertes se multiplient, à la fois sur les conséquences économiques et sociales de l’après-pétrole, sur l’impossibilité pour les grands pays émergents de fonder leur croissance sur le même modèle ou sur la responsabilité des pays industriels de montrer l’exemple. Crises alimentaires, problèmes de ressources en eau, étalement urbain, augmentation constante de la production des déchets, nouvelles migrations climatiques… Face à tous ces défis, il serait complètement irresponsable de continuer seulement à accompagner le changement.

Pour y répondre, madame la ministre, le projet de loi que vous soumettez à notre examen avance des objectifs avec des chiffres ambitieux et volontaristes. Le groupe RRDP approuve globalement ses grandes lignes, la décarbonation de l’économie, l’adoption de mesures concrètes pour faire face aux changements climatiques, la réduction de la facture énergétique. Mais permettez aux députés qui ont un peu d’ancienneté dans la maison d’être prudents face à des horizons de moyen et long terme… Nous n’en sommes pas à notre premier projet de loi ambitieux, et pour donner un seul exemple, nous proposerons un amendement pour mettre en place en 2019 la tarification incitative pour l’enlèvement des déchets. Savez-vous que cette disposition est inscrite dans l’article 46 de la loi du 3 août 2009 et qu’elle devait s’appliquer au plus tard le 4 août 2014 ? Nous ne comptons plus les lois qui se révèlent au final un catalogue de déclarations de bonnes intentions.

Les questions qui se posent sont toujours les mêmes : comment allons-nous évaluer, contrôler et surveiller concrètement les évolutions, et comment pourrons-nous ajuster les mesures pour se rapprocher des trajectoires prévues ? Le risque est réel pour ce projet de loi, et pour le limiter, nous tenterons d’apporter des améliorations au cours de nos débats, par exemple sur la collecte des données. Nous proposerons ainsi plusieurs amendements visant à fixer des seuils intermédiaires par décret. Beaucoup d’autres sujets appellent des améliorations et nous avons déjà effectué de nombreux progrès en commission.

S’agissant de la micro hydro-électricité, je tiens à remercier Marie-Noëlle Battistel, notre rapporteure experte du sujet – et ma voisine de circonscription qui turbine de chez elle l’eau qui part de mes sources – car plusieurs amendements communs ou similaires aux nôtres ont été adoptés sur la révision du classement des cours d’eau ou encore sur la prise en compte de la spécificité des installations modestes. Nous allons dans le bon sens, même s’il reste quelques points à préciser que nous aborderons par voie d’amendements.

Au sujet de la précarité énergétique, qu’il s’agisse du chèque énergie, de l’extension de la trêve hivernale pour l’énergie, harmonisée sur la trêve hivernale du locatif, des tarifs sociaux, et notamment de l’installation du compteur déporté – et vous pouvez compter sur nous pour proposer de l’étendre à tout le monde ! – ou encore des précisions et de l’ajout de la mention « sans coût excessif », nous avons déjà adopté en commission des amendements importants, dont plusieurs émanant des radicaux, qui nous ont fait beaucoup progresser. Mais de nouveau, comptez sur nous, madame la ministre, pour vous aider à aller un peu plus loin au cours de nos débats.

Concernant les déchets, le débat fut intense et nous nous félicitons de la réécriture de l’article 19. Il nous reste encore des progrès à accomplir pour lutter contre le tri mécano-biologique et pour instaurer une responsabilisation et une tarification incitative. Les amendements que nous présenterons, madame la ministre, pourraient nous faire passer un cap dans la politique de lutte contre l’augmentation des déchets.

Au sujet du bâtiment, la rénovation thermique est une vraie question : en l’état actuel du texte, nous risquons de financer beaucoup de rénovations limitées au détriment des consommateurs et des deniers publics. Aujourd’hui, les travaux de rénovation ou de construction se fondent sur des calculs théoriques de performance énergétique exprimés en énergie primaire et la prise en charge des défauts d’économies d’énergie n’est assurée par aucune des parties prenantes. Nous proposerons donc des amendements pour mettre en place un système assurantiel simple, aux risques limités, combiné avec une opposabilité sur les allégations mentionnées sur les performances et le retour sur investissement. Cela permettrait de responsabiliser et de rassurer l’ensemble des acteurs pour prévenir les risques de contournement et pour garantir la qualité de la rénovation thermique.

Enfin, nous vous proposerons de consolider et de compléter les amendements radicaux adoptés au sujet du gaspillage d’énergie lié à une surconsommation de l’éclairage extérieur. C’est une question importante, qui nous permettrait d’économiser plus de 3 milliards de kilowatts-heure, facilement et sans aucune conséquence pour nos concitoyens. L’éclairage public représente dans le budget des communes 20 % de la facture globale d’énergie et 38 % de la facture d’électricité, et 48 % de la consommation électrique des collectivités locales en kilowatts-heure. Le potentiel d’économies budgétaires varie de 25 % à 50 %. En France, près de 7 milliards de kilowatts-heure sont utilisés pour l’éclairage extérieur.

M. Paul Molac. En effet !

M. Joël Giraud. Nos différents amendements visent à consolider l’incitation pour les communes qui économisent leur éclairage extérieur inutile. Les communes vertueuses doivent être récompensées. L’un de nos amendements sur ce sujet a été adopté, et il faut sécuriser cela juridiquement. Plus de 6 000 communes en France pratiquent une extinction partielle de l’éclairage public au milieu de la nuit et aucune d’entre elles n’est revenue à des pratiques antérieures de surconsommation par de l’éclairage inutile car cela ne pose strictement aucun problème de sécurité, comme tous les commissariats ou gendarmerie de ces communes l’ont constaté.

Enfin, nous avons aussi déposé des amendements pour prendre en compte les questions agricoles. Comte tenu du succès médiatique de l’adoption en commission de notre amendement sur le méthane entérique, nous avons récidivé pour la séance publique et espérons la même réussite – je parle bien sûr de réussite politique, pas médiatique, notre vocation n’étant pas de tourner en boucle sur toutes les chaînes.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On dit ça ! (Sourires.)

M. Joël Giraud. Madame la ministre, globalement, le projet de loi qui nous est soumis comporte beaucoup de mesures importantes portant sur de très nombreux domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens et il va clairement dans le bon sens, de manière pragmatique. S’il est parfois velléitaire ou lacunaire, les députés du groupe RRDP l’accueillent avec enthousiasme, surtout car il consacre un principe auquel ils tiennent : celui de l’énergie décentralisée. Ils comptent bien pouvoir l’améliorer tout au long des débats passionnants qui nous attendent.

M. Jacques Krabal et M. Paul Molac. Très bien !

M. Damien Abad. Le début était vachement bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues de l’Assemblée, « La transition énergétique pour une croissance verte », tel est l’intitulé du projet de loi que nous avons à examiner. L’objectif à atteindre est clairement défini. Tout le corps du texte est truffé de recommandations-sommations tels que « maîtriser et ne pas induire d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ». Madame la ministre, vos récentes déclarations sont venues conforter en tout point votre démarche toujours rectiligne. C’est ma première remarque.

Ma deuxième remarque porte sur un constat et une accusation. Le constat : la Martinique se classe au dernier rang de la production d’énergies renouvelables. En effet, son taux de dépendance aux énergies fossiles avoisinerait les 96 %. Dès lors, tout nouveau projet remplaçant une énergie fossile par une autre énergie fossile n’est certainement pas la solution à retenir. Les coupables désignés sont les collectivités, qui n’auraient pas été suffisamment réactives, vigilantes et audacieuses. C’est une accusation sans fondement. J’en donnerai un seul exemple, parmi tant d’autres : le projet de production d’électricité à partir de l’énergie thermique des mers. C’est suite à un appel d’offres international, lancé par le conseil régional de l’époque, que ce projet a vu le jour. Le promoteur Nicholson s’était engagé, documents à l’appui, à produire, gratuitement dans un premier temps, les dix premiers mégawats. Mais le gouvernement et EDF ont mis leur veto ! Le promoteur a dû plier bagage. Que ce dossier, qui avait été torpillé – pas par vous, madame la ministre ! – soit repris aujourd’hui, je ne peux que l’approuver, mais à condition que les résultats soient probants et pas prohibitifs.

Il existe un second projet, baptisé « mix énergétique biomasse-charbon » : celui-là est, par contre, un leurre et une aberration. Tous les documents officiels que j’ai consultés expriment de la réserve, voire de la méfiance à son sujet. Je rappelle que le rapport d’enquête public précise que « le charbon sera le principal combustible de cette unité de co-génération. » Voilà un déni de logique d’autant plus malvenu que son lieu d’implantation, et donc d’émissions de gaz mortifères, se trouve sur la trajectoire des vents alizés soufflant de la côte vers l’intérieur des terres. On ressuscite un projet qui avait déjà été recalé. Il serait dommage de soutenir un projet aussi… dommageable. Comment peut-on vouloir classer cette mixture délétère dans la catégorie des énergies renouvelables ?

Madame la ministre, le show médiatique donné par les porteurs de ce projet lors de votre visite en Martinique était consternant. Vous êtes une personne avisée : je veux donc croire que l’on a cherché à abuser de votre bonne foi.

Ce projet n’est même pas amendable, il avance à reculons. Le maintenir serait donner un coup de chaud supplémentaire à la planète au moment où les effets dévastateurs du réchauffement sont déjà visibles.

Ma troisième remarque concerne l’affirmation selon laquelle les outre-mer, étant des zones non interconnectées, souffriraient de ce fait d’un handicap majeur pour lequel il n’existerait pas de solution. Mais non interconnectées par rapport à quoi ? Là encore, une telle vision fait l’impasse sur les projets destinés à développer la géothermie avec nos voisins de la Caraïbe, par exemple avec la Dominique, île qui possède une indéniable potentialité en ce domaine.

La France s’était engagée puis s’est retirée. Elle s’est réengagée puis s’en est allée définitivement, portant ainsi préjudice au projet d’interconnexion électrique qui desservirait par câbles sous-marins la Guadeloupe et la Martinique.

D’autres pays se sont donc mis sur les rangs. La Nouvelle-Zélande vient ainsi de signer avec la Dominique et aussi avec Sainte-Lucie, autre île voisine, des accords de coopération en matière de géothermie.

Au nom de quel principe ou de quel dogme devrions-nous pour notre part rester recroquevillés sur nous-mêmes ?

Avant de conclure, je voudrais à nouveau appeler votre attention sur les zones économiques exclusives. Ces fameuses ZEE restent complètement occultées dans le débat, alors que, dans un document intitulé « Le défi maritime français », le Président de la République a souligné la volonté de la France de faire de la mer un enjeu majeur de la croissance économique.

Je réitère donc ma proposition du 12 juin 2012 en faveur d’une redistribution des responsabilités et des richesses et d’un développement endogène.

À cet effet, et au moment même où nous opérons une « transition institutionnelle » vers la future collectivité de Martinique, je propose que les compétences définies par les articles L. 611-31 et L. 611-32 du code minier soient étendues bien au-delà du domaine public maritime et qu’elles concernent également la ZEE de la Martinique.

Martinique « île durable », telle est l’intention affichée. Pour la concrétiser, pour qu’elle soit une chance, comme vous l’avez martelé, madame la ministre, encore faudrait-il faire preuve de la cohérence appropriée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner combien il était pertinent d’installer une commission spéciale pour examiner un texte qui, à l’évidence, couvre un champ beaucoup plus large que celui de telle ou telle de nos commissions permanentes. Je souhaite ensuite remercier les rapporteurs et le président pour l’écoute et la disponibilité dont ils ont fait preuve au cours d’un débat auquel les délais impartis ont donné une particulière intensité. Je veux enfin mettre en exergue l’aspiration, de la part de nos concitoyens, à un débat de fond sur la transition énergétique.

Ce débat de fond est d’ailleurs revendiqué sur tous les bancs de notre assemblée, même si les efforts pesants de certains de nos collègues pour faire durer l’expression de leur attente nuit quelque peu à leur sincérité. Mais je vois qu’ils nous ont quittés ; espérons que la nuit réparatrice leur portera conseil.

Madame la ministre, le texte qui nous est présenté suite aux travaux de la commission a un caractère à la fois stratégique et pragmatique. Il offre une opportunité politique exceptionnelle, celle de faire partager à l’ensemble de nos concitoyens les enjeux de la transition, en permettant à chacun d’en apprécier les effets concrets dans la vie quotidienne, par exemple en matière de logement ou de transport.

Ces mesures auront un impact vertueux sur le climat, mais aussi un effet favorable en termes de pouvoir d’achat. Comment mieux faire toucher du doigt par chacun l’intérêt d’un engagement collectif en faveur de la transition ?

J’insisterai aussi sur le rôle que le projet donne aux collectivités. Leur intervention est en effet essentielle pour prendre les mesures opérationnelles les plus adaptées à chaque contexte et consolider la mobilisation de tous les acteurs porteurs d’initiatives pour une nouvelle croissance.

Je l’ai dit, ce texte a un double aspect. Permettez-moi d’appeler votre attention sur deux points qui me tiennent à cœur et relèvent à l’évidence de son volet pragmatique.

Le premier concerne les carburants renouvelables issus de la production agricole. Le texte proposé indique clairement que le développement de ces produits ne doit pas avoir lieu par extension des surfaces agricoles affectées à des cultures dédiées. Cela me paraît tout à fait pertinent pour éviter des dérives.

Cependant, je souhaiterais que vous puissiez me confirmer que la rédaction qui nous est soumise permet bien de poursuivre la valorisation de certaines cultures de protéagineux présentes dans les assolements actuels aux côtés des céréales.

Ces cultures telles que le colza, très présentes dans ma circonscription, étaient autrefois destinées à la production d’huile alimentaire, avec un résidu protéique que l’on valorisait comme on pouvait. Désormais, elles s’orientent prioritairement vers la production de protéines alimentaires, et l’huile devient un sous-produit dont la valorisation industrielle, sous forme de carburant par exemple, est indispensable pour l’équilibre économique de la filière.

J’ajoute que le développement de la production de protéines végétales est un moyen de lutter contre la dépendance de notre pays aux importations de soja, souvent génétiquement modifié.

Il est donc nécessaire de favoriser la valorisation industrielle de ce sous-produit, qui me semble correspondre à la rédaction adoptée, et qui permettrait de faire progresser la recherche sur les carburants avancés, sans toutefois remettre en cause les investissements déjà consentis. L’enjeu est important pour nos campagnes et notre agriculture.

Le second point concerne le rôle de la biomasse, en particulier forestière, dans le développement des énergies renouvelables et la transition énergétique.

Comme vous le savez, cette ressource représente 60 % du futur mix énergétique hors électricité, soit presque la moitié du total – sachant que l’électricité, dont nous parlons beaucoup, ne représente, tout compte fait, que 20 % du problème.

Quant à la biomasse issue de la forêt, elle représente la moitié du potentiel de cette source d’énergie. L’enjeu est donc considérable. Or pour s’assurer que la biomasse forestière sera disponible de façon durable et respectueuse des diverses fonctions environnementales et sociales exercées par la forêt, il faut investir.

Oui, madame la ministre, il faut replanter, favoriser les régénérations naturelles, éclaircir, conduire les peuplements, cloisonner les exploitations pour éviter le tassement anarchique des sols, empêcher les dégâts causés par le gibier, desservir les massifs par des voies adaptées – car, à défaut, nous concentrerons les prélèvements sur des zones restreintes, au risque de rompre les équilibres nécessaires et d’aviver les conflits d’usage entre bois énergie et bois d’œuvre.

La forêt publique et privée peut contribuer largement à la transition énergétique. Les montants nécessaires ne sont pas hors de portée, car la forêt rend largement les soins qu’on lui prodigue.

Compte tenu de la contribution majeure de la biomasse forestière à la transition énergétique, il me semble donc cohérent d’affecter à l’investissement en forêt une part du produit de la vente des quotas carbone et une part du fonds chaleur.

Je souhaite également que, par des mesures fiscales appropriées, l’épargne privée de long terme puisse contribuer à des investissements profitables à la forêt.

Je sais, madame la ministre, que ces questions relèvent en partie de la loi de finances, mais compte tenu de leur importance, il n’est jamais trop tôt pour les évoquer.

Je compte donc sur votre engagement et votre appui pour que dès 2015, année de la conférence de Paris sur le climat, de nouvelles orientations permettent de dynamiser l’investissement en forêt, au bénéfice de la lutte contre le dérèglement climatique et de la transition énergétique. Shakespeare nous l’avait dit : la mise en mouvement de la forêt annonce toujours des événements marquants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, alors que nous entamons la discussion du projet de loi sur la transition énergétique, le nom de Fessenheim est sur toutes les lèvres. Selon un rapport parlementaire rédigé par nos excellents collègues Mariton et Goua, la fermeture de cette centrale coûterait en effet 5 milliards d’euros à l’État, sans compter le coût social et écologique ni celui du démantèlement de l’installation.

Si j’ai choisi d’en parler dès mon introduction, c’est parce que cet exemple est symptomatique de votre incapacité d’appréhender le débat sur la transition énergétique de manière apaisée, pragmatique et consensuelle.

Tout au long des débats en commission, vous avez fait le choix du déni. Or, s’il y a un sujet sur lequel le consensus aurait été souhaitable, c’est bien celui de la transition énergétique, dont l’ambition est de nous faire passer d’un système énergétique reposant essentiellement sur l’utilisation des énergies fossiles à un bouquet énergétique diversifié à l’efficacité renforcée.

Nous partageons les mêmes objectifs : lutte contre le réchauffement climatique, sécurité des approvisionnements et réduction des gaz à effet de serre. Personne n’a envie que Paris connaisse le sort de Pékin en matière de pollution atmosphérique. Mais force est de constater que le compte n’y est pas. Votre texte est en effet trop bavard pour être normatif, trop idéologique pour être consensuel et trop hésitant pour être efficace.

Qui plus est, vous venez de dire, madame le ministre, que ce projet de loi nécessitait « un débat parlementaire majeur ». Mais alors pourquoi avoir voulu délibérément l’escamoter en commission ? Pourquoi avoir balayé d’un revers de main nos idées et refusé d’entendre les propositions élaborées dans le cadre de « l’Autre débat sur la transition énergétique » par nos excellents collègues Aubert et Fasquelle ? Pourquoi nous avoir demandé d’examiner près de 2 500 amendements en deux jours, …

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Beaucoup étaient les vôtres !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Beaucoup étaient identiques !

M. Jean-Luc Laurent. Vous auriez dû être plus présents !

M. Damien Abad. …alors que le Gouvernement a mis deux ans pour proposer un texte à notre Assemblée ?

Vous invoquez l’urgence, nous dénonçons la précipitation, symbole d’une fuite en avant.

Madame la ministre, à défaut d’écouter l’opposition, vous devriez écouter davantage votre propre majorité : celle-ci compte des gens sérieux qui non seulement ne sont pas hostiles au nucléaire, mais considèrent comme mortifère pour la France d’opposer l’atome aux énergies renouvelables. Vous devriez aussi entendre les voix qui s’élèvent pour rappeler que l’énergie ne peut être vue sous le seul angle de l’environnement.

Car l’énergie, c’est aussi une filière, un secteur d’activité, un enjeu de compétitivité et de croissance.

Alors plutôt que d’énumérer une litanie de concepts tous plus vaporeux les uns que les autres – tels que la sobriété énergétique ou la décroissance durable –, tentons ensemble d’élaborer un plan d’actions concrètes et de créer les conditions de l’indépendance énergétique française. Pour cela, il nous faut sortir des choix stratégiques biaisés, nous engager dans la transition énergétique sans arrière-pensée nucléarophobe et faire de la croissance verte une chance pour l’avenir.

Mais dans ce but, vous devez renoncer à la fermeture de la centrale de Fessenheim, vous engager dans la voie de la modernisation de notre parc nucléaire et abandonner tout objectif chiffré en matière de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique.

Car, vous le savez comme moi, la France ne pourra pas se passer de la filière nucléaire sans subir des conséquences désastreuses en matière d’emplois, de balance commerciale, de prix de l’électricité et d’émission de gaz à effet de serre.

Alors oui, nous sommes tristes que vous vous engagiez dans cette course folle vers la réduction de notre capacité nucléaire, alors même que celle-ci représente notre dernier avantage comparatif par rapport à l’Allemagne.

Le coût de l’énergie reste un des derniers atouts de la France. Alors pourquoi vouloir briser ce qui marche ? Pourquoi vouloir mettre à mal une filière qui embauche 400 000 personnes et qui est le troisième secteur pourvoyeur d’emplois, après l’automobile et l’aéronautique ? Pourquoi casser un fleuron industriel sur l’autel de l’idéologie ? Ne mettez pas à mal le pouvoir d’achat des Français, déjà si malmené par votre gouvernement.

Il nous faut, ensemble, rassembler nos énergies et trouver les conditions d’un consensus national afin de réaffirmer la place centrale du nucléaire dans le mix énergétique, de résoudre le problème central du stockage de l’énergie, de renforcer la performance énergétique de nos logements – sans toutefois prévoir des réglementations qui iraient au-delà des exigences européennes et mettraient à mal la compétitivité des entreprises françaises du bâtiment.

Enfin, sans moyens financiers, ce projet de loi restera une coquille vide. Compte tenu du niveau d’endettement de notre pays, nous ne pouvons pas, en effet, nous permettre d’engager des dépenses nouvelles non financées.

Je conclurai en vous demandant de ne pas occulter la dimension européenne de la transition énergétique. L’Europe est en effet la grande oubliée de ce texte, malgré la volonté exprimée par le président Hollande de mettre en place une communauté européenne de l’énergie.

Nous avons besoin d’une Europe de l’énergie si nous ne voulons pas dépendre du reste du monde. L’Europe du XXsiècle s’est érigée sur l’indépendance alimentaire ; l’Europe du XXIsiècle se construira sur l’indépendance énergétique.

Voilà pourquoi nous ne devons pas abandonner des projets mondiaux, qui nous engagent, comme celui d’ITER à Cadarache : il y va de la crédibilité de la France en Europe et dans le monde. Et voilà pourquoi nous devons être, toutes et tous, à la hauteur des enjeux de ce monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte est pour l’essentiel un projet de loi sur l’énergie électrique.

L’objectif principal de ce texte est de réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 et d’augmenter celle des énergies renouvelables – autrement dit de diversifier les sources de production d’électricité. Il s’agit d’un texte « tout électrique », qui ignore des sources d’énergie parfois plus importantes, comme le gaz, le pétrole, le charbon, voire le bois.

Si la réduction de la part du nucléaire dans notre bilan électrique est un objectif raisonnable, sa vitesse est en revanche parfaitement irréaliste.

On peut ainsi s’interroger sur la proportion de 50 % d’électricité d’origine nucléaire qui a été fixée. À quoi correspond ce chiffre ? Pourquoi ne pas avoir retenu plutôt 40 ou 60 % – voire zéro, comme le proposait un amendement de notre collègue Denis Baupin ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Qui exagère toujours ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. La réponse est probablement à demander à Martine Aubry, qui a négocié l’accord politique entre le parti socialiste et les Verts ; il s’agit d’un arbitrage politique sans aucun fondement économique ou technique.

Or un tel objectif est déraisonnable. Avec un taux de croissance du produit intérieur brut de 1,8 %, comme l’envisage l’étude d’impact, cela provoquerait la fermeture d’un tiers des réacteurs, soit un peu moins de 20 sur les 58 actuellement en fonctionnement. Mais si l’on fait l’hypothèse, à l’instar de la Commission européenne ou du projet de loi de programmation des finances publiques, d’une croissance potentielle de 1,1 % ou 1,2 %, ce sont près de la moitié des réacteurs existants qui seraient appelés à fermer : il n’en resterait que 29.

La fermeture de réacteurs nucléaires ne serait possible que si le développement des énergies renouvelables permettait de compenser la perte de puissance. Or nous ne serons pas capables, dans les délais impartis, de compenser la totalité de la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire : il faudrait pour cela créer des forêts d’éoliennes ou investir massivement dans la méthanisation, le bois ou l’énergie solaire. Cela supposerait de mobiliser des fonds considérables, car il s’agit d’activités extrêmement capitalistiques.

Une autre conséquence – l’étude d’impact n’en parle pas, ce qui est étonnant – serait une très forte augmentation du prix de l’électricité. En effet, le prix de revient des énergies de substitution est très supérieur à celui du nucléaire, même réévalué par la Cour des comptes. Les premiers touchés par une telle augmentation seraient les ménages, et plus particulièrement les plus modestes. L’évolution de la situation en Allemagne devrait d’ailleurs nous amener à réfléchir. En cas de fermeture d’un tiers ou de la moitié de nos réacteurs, nos concitoyens verraient leur pouvoir d’achat et leur niveau de vie baisser encore, alors qu’ils ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois.

Les énergies renouvelables ne permettent pas aujourd’hui une production d’électricité assez constante et surtout assez modulable pour répondre à des besoins extrêmement variables dans le temps ; l’objectif de 50 % fait donc planer le risque d’une carence en électricité. Si l’on fixait un objectif plus raisonnable, avec un taux inférieur de 5 à 10 points et une progressivité, on pourrait l’éviter.

Quant à ceux qui pensent que la solution serait d’importer de l’électricité, ils se trompent, puisque la Belgique, l’Allemagne ou l’Italie se retrouvent avec un fort risque de pénurie électrique en périodes de pointe, qui sont à peu près simultanées dans nos pays.

Techniquement, une forte baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité ne nous permettrait donc pas de répondre à nos besoins, à moins de faire comme les Allemands, c’est-à-dire de développer massivement d’autres sources d’énergie, comme des centrales thermiques au charbon ou au gaz – ce qui n’est pas envisagé par l’étude d’impact. On se heurterait alors à un autre problème : la contradiction entre l’objectif d’une forte réduction des gaz à effet de serre et les fortes émissions de ces centrales. L’équation deviendrait impossible à résoudre.

Je voudrais également évoquer le coût de la fermeture des réacteurs. Il est tout de même incroyable que l’étude d’impact ne fournisse aucun chiffre, non seulement sur l’évolution du prix de l’électricité, mais également sur ce point ; la commission des finances s’en est d’ailleurs étonnée.

L’indemnisation est incontournable : aucun juriste sérieux ne le contestera. Un rapport a récemment été remis par deux commissaires, parmi les plus sérieux – on ne peut pas dire qu’Hervé Mariton et Marc Goua soient du genre farfelu, et il est regrettable, madame la ministre, que vous ayez qualifié ainsi nos deux collègues.

Mme Ségolène Royal, ministre. Un seul !

M. Charles de Courson. Nous avons connus plus « farfelus » qu’eux !

M. Sergio Coronado. Il y a toujours pire !

M. Charles de Courson. Ce rapport est en définitive une étude très simple,…

M. Denis Baupin, rapporteur. Voire simpliste !

M. Charles de Courson. …visant à évaluer le coût de fermeture d’un réacteur. Cette estimation est d’ailleurs extrêmement large, puisqu’elle porte sur un réacteur moyen, et elle est comprise entre 1 et 3 milliard d’euros, à laquelle il convient d’ajouter le montant de l’indemnisation, ainsi que le coût social et d’autres coûts indirects estimés à environ 1 milliard par réacteur.

Pourquoi, madame la ministre, ne voulez-vous pas aborder ce problème ? Cela n’a pas été fait dans l’étude d’impact, et vous avez refusé de répondre quand nous vous avons posé la question. Pourtant, vous avez été parlementaire – il y a certes longtemps :…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est élégant…

M. Charles de Courson. …depuis, nous avons progressé dans le domaine des études d’impact et des documents entourant les projets de loi. Pourquoi traiter avec tant de mépris les travaux de gens sérieux, qui ont fait l’objet d’une discussion en commission des finances ? Pourquoi refuser de répondre à cette question simple : y a-t-il, oui ou non, obligation d’indemniser le fournisseur en cas de fermeture des réacteurs, et si oui, à quelle hauteur ? Sur le plan de la responsabilité gouvernementale, engager une telle politique sans l’avoir fait me paraît quand même grave !

En conclusion, nous proposerons, mes collègues du groupe UDI et moi, des objectifs ambitieux mais réalistes, en inscrivant la politique énergétique française dans une stratégie européenne. C’est d’ailleurs l’un des grands manques de ce texte : on ne peut se contenter d’une politique franco-française, sans tenir compte de ce qui se passe chez nos voisins allemands, anglais, belges, italiens et espagnols. L’interconnexion est tout à fait insuffisante, notamment en matière d’électricité ; elle risque de créer, peut-être même dès cet hiver ou l’hiver prochain, de graves problèmes d’équilibre des réseaux.

Contrairement à beaucoup de courants politiques français, l’UDI ne voit pas le monde en noir et blanc. Nous pensons, madame la ministre, que c’est une grave erreur de ne pas avoir mené une concertation suffisante et de ne pas nous avoir laissé suffisamment de temps pour trouver les équilibres dont notre société a besoin pour faire évoluer son modèle énergétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est l’aboutissement d’un dialogue renforcé avec tous les acteurs de la mutation énergétique et de la croissance verte : les associations, les entreprises, les scientifiques, les élus locaux, les organismes consultatifs. Je tiens à saluer le travail de concertation qui a été fait et la volonté d’impliquer la société civile dans ce vaste débat : c’est suffisamment rare pour être signalé.

Il était indispensable d’engager notre pays dans une transition énergétique durable, pour notre écologie, notre santé, notre climat. Mais cette transition ne peut se faire sans le développement de notre économie. Pour nous, le groupe RRDP, il n’y a pas l’environnement d’un côté et l’économie de l’autre, mais un développement conjoint : l’un ne va pas sans l’autre. Tel est l’objectif que nous devons nous assigner.

À ce propos, je tiens à signaler aux collègues de l’opposition que, d’après une étude d’Harris Interactive publiée le 30 septembre, 74 % des chefs d’entreprise français considèrent que la transition énergétique aura un impact positif sur la croissance et l’ouverture de nouveaux marchés.

Le texte prévoit de plafonner la capacité nucléaire à celle actuellement installée, soit 63,2 gigawatts, d’augmenter d’un tiers la part des énergies renouvelables et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Il vise en outre à améliorer la transparence des prix de l’énergie, à soutenir activement la recherche, l’innovation et la diversification des sources d’approvisionnement en énergie, et comporte de premières aides financières à la baisse de la consommation énergétique. Qui peut être contre des orientations aussi raisonnables ?

N’oublions pas que l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée. Peut-être serait-il judicieux de lancer une vaste campagne de sensibilisation sur le sujet, sur le modèle de « la chasse au gaspi » des années 1970. Appeler nos concitoyens à la sobriété, c’est vouloir non pas la décroissance, mais une autre croissance, qui ne reposerait pas essentiellement sur l’énergie fossile et le nucléaire. Voilà des propositions qui nous semblent très raisonnables.

Il y a certes des points qui font débat, ou qui, du moins, posent problème sur la forme. Sans revenir sur ce qu’a dit Joël Giraud, nous avons ainsi le sentiment que nous sommes passés à côté des débats de fond, et c’est dommage : débat sur la motivation climatique, avec les impératifs de décarbonation, mais aussi remise à plat de l’ensemble de notre modèle énergétique, dans ses différentes composantes, techniques, économiques et sociales.

Et puis, comment est-il possible que nous ne puissions pas aborder la question du nucléaire plus largement et en toute transparence, tant en commission qu’en séance publique ? J’estime pour ma part que notre assemblée devrait engager un débat sur le sujet : nous ne pouvons laisser cette question sans réponse. Il est de notre responsabilité d’élus de faire face aux défis du futur de façon sereine et apaisée sur des aspects aussi essentiels.

Bien évidemment, vu la façon dont s’engage la discussion, je mesure la difficulté de la tâche ! Il conviendrait que nous changions les uns et les autres de logiciel, de manière à obtenir la sérénité indispensable à ce débat.

Je regrette que notre collègue Julien Aubert soit parti, car la remarque suivante l’aurait intéressé. Comment peut-on vouloir engager à nouveau le débat sur les gaz et huile de schiste ? Pourquoi demander l’exploration de ces ressources ? L’exemple américain devrait nous en dissuader : hier considérée comme le moteur de la croissance américaine, l’économie des hydrocarbures non conventionnels s’essouffle aujourd’hui – à tel point que les gisements sont remis en cause –, sans compter les dégâts écologiques et sociaux.

Je salue donc, madame la ministre, la position que vous avez réaffirmée ce week-end. J’aimerais cependant avoir quelques précisions sur les permis de recherche accordés pour des zones situées dans le sud de l’Aisne, particulièrement à Château-Thierry.

J’aborderai à présent le sujet de l’agriculture, qui est trop souvent vue comme une source problèmes et de contraintes, alors que c’est la seule activité qui combine à la fois des emplois non délocalisables et la possibilité de solutions structurelles aux enjeux environnementaux : stockage du carbone, maintien de la fertilité des sols, gestion des eaux, préservation de la biodiversité. Elle garantit en outre l’autonomie alimentaire de la nation, maintient la vitalité économique de nos campagnes, et contribue positivement à la balance commerciale.

Certains de nos amendements ont d’ores et déjà été adoptés en commission spéciale, mais nous devons aller plus loin. C’est pourquoi notre groupe a déposé des amendements visant à reconnaître l’agriculture comme un véritable partenaire de la transition énergétique, et non comme un frein.

Nous devons aussi tirer les enseignements des expériences menées à l’étranger. Ainsi, au-delà de l’obligation d’effectuer des travaux de rénovation, ce qui compte avant tout, c’est l’exigence de résultat. Je suis intervenu en commission sur ce sujet : il ne faut pas se focaliser sur les moyens, mais porter aussi attention à l’exécution et au contrôle des travaux effectués par des professionnels. Nous devons aussi veiller à l’articulation entre la réglementation thermique applicable aux logements existants et aux logements neufs. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer et de favoriser encore davantage les travaux de performance énergétique lors de la rénovation générale du bâtiment. C’est ce que nous faisons dans mon territoire, à Château-Thierry et dans le sud de l’Aisne : nous réhabilitons le cœur de ville ancien, mais aussi des bâtiments qui, bien que récents, sont déjà vétustes et sont de vraies passoires énergétiques. C’est surtout le cas dans l’habitat collectif : les bailleurs publics ont souvent des difficultés à effectuer ces travaux de rénovation.

Oui, il faut rénover nos villes d’une manière durable, grâce à la récupération des fluides, à l’installation de panneaux photovoltaïques, et la création de réseaux de chauffage. À ce sujet, nous sommes intervenus auprès de vos services, madame la ministre, pour dire que ces réseaux de chauffage ont des aspects vraiment sociaux et écologiques. Mais leur emploi dépend de la façon dont nous allons mettre en place la filière biomasse sur le territoire. Nous devrions soutenir financièrement le développement de ces filières locales, faute de quoi nous manquerions une occasion de créer de nouveaux emplois.

Pour réaliser ces travaux, les collectivités ont besoin d’aide, en fonction du niveau de performance atteint. N’oublions pas que la réussite économique et sociale de la transition énergétique, à moyen comme à long terme, dépend de l’adéquation des outils de financement aux besoins d’investissement. Nous savons tous que la sphère publique n’a plus les moyens de financer seule la transition énergétique. Nous devons donc attirer des financements privés, et pour cela, nous avons besoin de règles claires et stables. Il faut encourager les initiatives du marché. Les investisseurs se mobilisent autour des « obligations vertes » : comment l’État compte-t-il accompagner ce mouvement ? Comment s’assurer que ces « obligations vertes » financent bien des projets liés à la transition énergétique ?

Annoncé comme l’un des projets de loi les plus importants du quinquennat, ce texte fait le choix de ne pas opposer les énergies les unes aux autres, mais d’organiser leur complémentarité, et de veiller à leur sobriété. Cela nous semble être un atout majeur. Cependant, si des objectifs chiffrés volontaristes sont nécessaires, l’expérience – cela a été dit tout à l’heure à propos du Grenelle de l’environnement – incite à la prudence, que ce soit pour les objectifs de long terme, de moyen terme, et même de court terme.

Le groupe RRDP – et notamment mon collègue Joël Giraud – a été très fortement impliqué tout au long des cinquante heures de débat en commission spéciale, malgré le rythme imposé.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est vrai !

M. Jacques Krabal. Nous serons tout autant impliqués au cours de l’examen de ce texte en séance.

Ce texte ambitieux n’est peut-être pas parfait. Il est certainement très critiquable, mais je suis convaincu qu’avec votre écoute, madame la ministre, il peut encore être amélioré. Je pense sincèrement qu’il mérite mieux que les caricatures, les effets de tribune, ou la recherche de bons mots. Rappelons-nous que le pire et la critique sont toujours les ennemis du mieux et du bien. Ce texte devrait montrer que nous sommes capables de travailler ensemble, au-delà de tout esprit partisan. Je regrette que cette nouvelle occasion soit ratée – M. de Courson l’a évoqué tout à l’heure.

À ce jeu du croc-en-jambe perpétuel, c’est la France qui tombe, et le Front national qui monte : je le vois dans mon territoire. N’oublions pas, mes chers collègues, que ce soit sur ce texte ou sur d’autres, que « toute puissance est faible à moins que d’être unie », comme le disait Jean de La Fontaine. J’espère, madame la ministre, que nous pourrons travailler tous ensemble, sereinement, au moment d’examiner les amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises lors de l’examen des motions de procédure, la transition énergétique est un sujet suffisamment important et fédérateur pour que le Gouvernement puisse compter sur mon indéfectible soutien.

Je ne souhaite pas revenir ici sur l’intérêt général du texte, puisque mes collègues l’ont fait avant moi, et de fort belle manière. Aussi, je m’arrêterai à nouveau sur le cas complexe de la Guyane.

Tout d’abord, je voudrais remercier mes collègues Erika Bareigts et Daniel Fasquelle qui, dans leur rapport sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer, ont souligné « la situation très grave des communes de l’intérieur guyanais ». Il fait toujours bon de savoir que nous ne sommes pas seuls, nous autres élus guyanais, à tenter de faire sentir à la représentation nationale l’urgence qu’il y a à nous atteler ensemble à la définition de solutions pérennes susceptibles de juguler les graves difficultés que rencontrent des milliers de nos concitoyens d’ici et surtout d’ailleurs.

La Guyane fait figure de bon élève en matière de production d’énergies renouvelables – elles comptent actuellement pour 70 % de son mix électrique – et dispose nombreux atouts pour devenir la vitrine de l’excellence environnementale à la française. Malgré cela, à cause de l’immensité de son territoire et de sa démographie galopante, la notion de service public de l’énergie y est particulièrement mise à mal. Pas moins de 80 000 de nos citoyens sont ainsi inlassablement discriminés. Ils sont souvent alimentés en électricité par des réseaux de très petite taille qui grèvent lourdement les maigres budgets des collectivités municipales, quand ils ne sont pas tout simplement plongés en permanence dans la pénombre. Vous comprendrez donc à quel point il m’est difficile de parler ici de « croissante verte » tandis qu’une grande partie de notre population n’a pas accès à ce bien fondamental qu’est l’électricité.

Je ne puis m’y résoudre. Voilà pourquoi je militerai sans relâche, et avec toute la conviction qui s’impose, pour un abaissement du seuil d’intervention de l’opérateur national, qui est le seul en mesure de faire face à la tâche immense qu’est l’électrification de l’intérieur guyanais. C’est nécessaire du simple point de vue de l’égalité – voire de l’équité – entre les territoires, mais aussi entre les citoyens de notre pays.

Il ne faudra pas s’arrêter là. Quid du FACÉ, le fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui, adapté aux réseaux hexagonaux, fait la part belle aux infrastructures existantes et ne réserve plus que 12 % de ses fonds à l’extension du réseau de distribution ? Nous devons absolument le repenser en profondeur, car il est particulièrement inadapté aux réalités guyanaises. C’est bien simple : les fonds réservés à la Guyane pour l’extension du réseau existant se sont résumés à une maigre enveloppe de 250 000 euros pour 2014.

Plus inquiétant encore, alors même que, comme je vous le disais précédemment, la plupart des hameaux de l’intérieur ne sont raccordés à aucun réseau, et se trouvent de ce fait exclus de la péréquation tarifaire, le programme spécial n794 du FACÉ pour le financement de la production d’électricité dans les sites isolés n’a prévu aucune dotation pour la Guyane ni en 2013, ni en 2014.

Au-delà de ces régimes d’aides quasi obsolètes, nous devons nous interroger sur la répartition des rôles entre l’opérateur public d’électricité, EDF SEI – c’est-à-dire EDF Systèmes Énergétiques Insulaires – pour l’outre-mer, et les collectivités territoriales. Est-il réellement pertinent de confier la gestion d’ouvrages de production à des communes dont les budgets comptent parmi les plus faibles de France ? La question qui se pose ici est celle du service public dans son sens le plus fondamental !

Les débats à venir devront être à la hauteur des enjeux et des défis qui se dressent sur notre route : c’est impératif. Madame la ministre, chers collègues, je suis persuadé qu’ensemble, nous saurons enfin trouver une solution idoine aux difficultés que rencontre non seulement la Guyane, mais aussi toutes les zones non interconnectées. J’évoquais, dans une intervention précédente, le caractère très énergivore des installations de la base spatiale de Kourou. Le sentiment que la production et l’accès à l’énergie se font à une vitesse différente selon que l’on est riche ou pauvre est largement partagé au sein de nos populations. Le président François Mitterrand avait d’ailleurs trouvé anormal que la France et l’Union européenne « tirent des fusées sur fond de bidonvilles ».

Madame la ministre, les Guyanais et les populations d’outre-mer n’ont cessé, depuis mai 2012, de nous réitérer leur confiance et de placer en vous leurs espoirs. Faisons donc en sorte de ne pas les décevoir, en adoptant une attitude résolument positive et empreinte d’une belle empathie républicaine vis-à-vis des quelques amendements que nous avons déposés. D’avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous devons être fiers de ce texte, qui placera la France en tête des pays engagés dans l’excellence environnementale, et qui accompagne ou devance les recommandations européennes.

Pour remettre ce texte en perspective et lui donner du sens, j’ai en tête le fameux slogan « penser global, agir local », qui illustre l’action de la France et son engagement pour l’amélioration de l’environnement de notre planète. Ce texte a le mérite d’actionner tous les leviers et de répondre aux questions essentielles : quelle énergie voulons-nous ? Comment la produire ? Comment construire nos logements ? Comment nous déplacer ? Comment concevoir nos produits et gérer au mieux nos déchets ?

L’article 1er de ce projet de loi en est la pierre angulaire ; il affirme, parmi d’autres principes, que « la politique énergétique de la France préserve la santé humaine et l’environnement. » En matière de logement, j’ai en tête les avancées sur le tiers financement, ou encore le formidable outil que représente le chèque énergie pour lutter contre la précarité énergétique.

S’agissant des énergies renouvelables, nous avons progressé sur l’éolien mais beaucoup reste encore à faire pour aider les parcs en gestation.

Enfin, pour ce qui est des transports, je ne peux que me satisfaire des orientations prises en faveur de l’intermodalité, à travers notamment la création des plans de mobilité rurale, sans parler du transport des marchandises, secteur pour lequel « le développement du fluvial revêt un caractère prioritaire » – selon les termes du nouvel article 9 B. En tant que défenseur du canal Seine-Nord, je ne pouvais pas rêver mieux !

Toutefois, l’essentiel de mon propos sera consacré aux avancées du titre IV relatif à l’économie circulaire, qui incarne une grande partie des espoirs de cette croissance verte en matière de créations d’emplois, de préservation des matières premières et de lutte contre le gaspillage.

À cet égard, il faut saluer les avancées obtenues par la commission spéciale, à commencer par la codification de l’économie circulaire, sa définition et les fondations du nouveau modèle de production « circulaire » fondée sur : une éco-conception des produits ; la synergie industrielle qui fait des déchets des uns les matières premières des autres ; de nouveaux modes de consommation plus participatifs et solidaires ; des produits recyclables et durables. Tout cela influe positivement sur la quantité de déchets produits, sur les coûts du service public de collecte et de traitement des déchets, et sur les coûts de production pour nos entreprises. Parallèlement, des améliorations ont été apportées sur la question des déchets : la généralisation du tri à la source ; le réemploi ; l’interdiction des sacs plastiques.

S’agissant de la commande publique, les aides financières sont davantage conditionnées au respect de ce nouveau modèle circulaire. Quant aux éco-organismes, nous les avons dotés d’une capacité d’influence incitative sur la conception des produits – « prévention amont » – et sur l’économie de la fonctionnalité – « prévention aval » – et nous avons fixé les prémices de deux nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur, ou REP, pour les déchets professionnels du BTP et les flux de déchets dits orphelins.

Toutefois, malgré ces avancées importantes, il reste de nombreux chantiers pour lesquels nous aurons besoin du débat parlementaire. J’ai déposé un certain nombre d’amendements prévoyant la déclinaison locale de l’économie circulaire, notamment la planification régionale, et des amendements d’appel portant sur la création de budgets annexes et la mise en œuvre d’une comptabilité analytique pour les collectivités.

De même, s’agissant de l’obsolescence programmée, nous ne pouvons nous satisfaire de sa seule référence liée au régime de sanction des tromperies commerciales ; il me semble nécessaire que nous en apportions une définition consolidée dans le droit. Par la suite, nous aurons besoin d’améliorer la transparence s’agissant de la liste des composants et des matières utilisées pour améliorer le recyclage des produits et limiter, par conséquent, les substances dangereuses.

Dans la même veine, il est nécessaire d’enregistrer le principe d’une nomenclature des sites de dépôts sauvages et illégaux de déchets parallèlement au renforcement des sanctions pénales, notamment à l’encontre des dépôts de déchets du BTP.

Enfin, il reste encore les chantiers de l’extension de la contribution à la REP papier de la presse gratuite et des magazines, de la couverture plus large de la REP textile, de la création d’un délégué interministériel, des expérimentations sur les installations de compostages, des broyeurs d’évier. Le sujet est très vaste et mériterait sans doute un traitement particulier, pourquoi pas au sein d’une loi-cadre.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons là un grand texte, ambitieux, qui s’inscrira dans la lignée des textes fondateurs sur l’environnement et sur l’un de ses piliers majeurs : celui de la transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi d’abord d’exprimer trois regrets. Le premier a trait à la mauvaise préparation du texte : quatre ministres en deux ans et demi, des annonces de ministres divergeant de celles des deux Premiers ministres, un silence assourdissant du Président de la République sur un sujet pourtant majeur, un examen au pas de charge à l’Assemblée nationale... Pour un sujet qui, selon vos propres termes, devait être l’enjeu majeur du quinquennat, créer 100 000 emplois et engager l’avenir de notre pays, avouez qu’il y a quand même de quoi être plus que réservé, voire dubitatif.

Que les Français jugent par eux-mêmes : on aura finalement passé plus de temps sur la loi ALUR que sur la loi de transition énergétique, alors même que cette loi va être détricotée. Mais peut-être qu’un prochain Premier ministre ou un ministre s’attachera aussi à détricoter le présent projet de loi, car vous changez tellement souvent de cap dans tous les domaines que cela donne le tournis.

Deuxième regret : ce projet de loi ne dessine absolument pas une politique de l’énergie et n’est pas à la hauteur des enjeux du débat. J’en veux pour preuve le flou dans les objectifs et l’absence de réelles priorités. S’agit-il de sortir du nucléaire, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de développer les énergies renouvelables, de réduire la consommation d’énergie, de basculer dans le tout électrique ? On ne connaît pas vraiment vos objectifs et vos priorités. Comme dit le proverbe populaire, qui trop embrasse, mal étreint.

À l’UMP en revanche, nous vous proposons, notamment par la voix de Julien Aubert, un objectif clair : réduire la consommation d’énergie carbonée dans notre pays. Cela présente un double intérêt : diminuer notre dépendance à l’égard des importations d’hydrocarbure et diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Au lieu de cela, le projet de loi poursuit des objectifs multiples, dont certains sont d’ailleurs incantatoires, contradictoires, voire dangereux. Je prends l’exemple de l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 : pourquoi cet objectif, pourquoi 50 % et non 55 %, 40 % ou 45 % ? Cet objectif est sorti du chapeau de François Hollande à l’occasion des primaires socialistes, s’est retrouvé dans son programme puis dans le présent projet de loi, mais n’a jamais été réellement bien pensé.

De même, la limitation de la capacité du parc nucléaire français à son niveau actuel est une inconséquence grave de ce projet de loi car elle conduira à la fermeture de Fessenheim. À cet égard, j’apporte mon soutien à Michel Sordi.

M. Jean-Yves Caullet. On est bien aidé avec de tels soutiens !

M. Daniel Fasquelle. Je fais part de mon incompréhension à l’égard de cette mesure : est-ce une centrale dont la sécurité est déficiente ? Non ! Le site perd-il de l’argent ? Non ! On le voit bien : par pure idéologie, par nécessité de faire des concessions aux écologistes, on a décidé de sacrifier une centrale nucléaire sans aucune raison.

Point plus important encore, en matière de transition énergétique, il faut tirer les leçons de ce qui s’est passé ailleurs en Europe, en particulier chez nos amis allemands.

M. Jean-Yves Caullet. En Allemagne, tout va bien sauf ce qui vous dérange !

M. Daniel Fasquelle. Une transition énergétique mal pensée peut conduire à la catastrophe, comme en témoigne l’exemple de l’Allemagne. Sigmar Gabriel en a d’ailleurs convenu ; il a avoué un jour que la transition énergétique en Allemagne était ratée, que sa complexité avait été largement sous-estimée. Elle a conduit à une augmentation des prix de 200 % depuis 2000 pour les particuliers et à une hausse des gaz à effet de serre. L’affaire est donc trop grave pour que nous l’abordions ainsi dans un texte présentant des objectifs aussi flous et contradictoires.

À la mauvaise préparation du texte et à l’imprécision de ses objectifs, j’ajouterai que les coûts ne sont pas maîtrisés. Certes, l’on peut approuver certaines mesures prises isolément – je pense notamment au renforcement du fonds chaleur. Mais il n’y a ni chiffrage global du coût du projet de loi, ni chiffrage précis des mesures annoncées. Rien ne garantit que nous aurons demain les moyens de financer ces mesures, dont certaines peuvent d’ailleurs s’avérer très coûteuses. Le coût global de la transition énergétique – la fin du nucléaire, la fermeture de centrales, le développement des énergies renouvelable – peut être considérable.

Ensuite, je voudrais évoquer trois questions essentielles à côté desquelles vous êtes malheureusement passés.

La première est celle de la compétitivité. Vous devriez bien écouter Louis Gallois, que vous connaissez bien, pour l’avoir souvent invité. Nous l’avons également invité mardi dernier, à l’occasion de notre séminaire de rentrée. Il a regretté, comme nous, que la question de la compétitivité des entreprises n’ait absolument pas été traitée.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il n’a pas dû dire cela !

M. Daniel Fasquelle. Vous pourrez vérifier ses propos, car l’entretien a été filmé par La Chaîne parlementaire, LCP ; d’ailleurs, vous auriez pu suivre les travaux, car vous auriez appris des choses très intéressantes ! Il a été très clair sur ce point. Il a insisté sur le fait que le prix bas de l’énergie était un atout pour le pays qu’il serait fou de le remettre en cause. La question du gaz de schiste a également été évoquée : on ne comprend pas votre position, qui est, là aussi, irréaliste et très idéologique, s’agissant d’une question essentielle et d’une ressource que nous pourrions avoir en France. En tout cas, elle justifierait qu’on l’examine d’un peu plus près.

En second lieu, vous êtes passés à côté de la question du pouvoir d’achat.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Elle est au cœur du projet de loi !

M. Daniel Fasquelle. Le prix de l’énergie est une question essentielle pour nos concitoyens. Demain, si vous multipliez les énergies renouvelables, remettez en cause le nucléaire et lancez les programmes que vous prévoyez, cela risque d’entraîner une augmentation du prix de l’énergie, comme en Allemagne. D’ailleurs, vous avez lancé une commission d’enquête sur la tarification de l’électricité cette semaine à l’Assemblée nationale, alors que nous examinons ce projet de loi. Quel aveu ! C’est la preuve qu’en matière de tarification et de prix de l’énergie, vous ne savez pas où vous voulez aller.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Non, la loi définit un cadre, alors que la question des tarifs est examinée tous les mois !

M. Daniel Fasquelle. Vous travaillez cette semaine sur une loi et lancez parallèlement une commission d’enquête sur un sujet que la loi traite en partie. Tout cela n’est pas très sérieux.

Troisièmement, vous êtes passés à côté de la question de l’emploi. Vous annoncez la création de 100 000 emplois liés à la croissance verte. En réalité, il n’y a rien de nouveau en la matière. L’essentiel a été mis en place par le Grenelle de l’environnement. En revanche, une vraie menace pèse sur les emplois dans le nucléaire. D’autres menaces, dont on ne parle jamais, pèsent également sur les emplois dans le domaine de l’économie touristique. Alors qu’il est nécessaire de préserver le paysage, vous voulez notamment lever les freins au développement des éoliennes en mer. Sachez que, dans certains endroits, cette implantation abîmera les paysages et conduira à des destructions d’emploi.

Mme Ségolène Royal, ministre. Ah bon ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous n’avons pas lu le même texte !

M. Daniel Fasquelle. Sachez que, dans ces territoires, des acteurs de l’économie touristique et des élus ne veulent pas d’éoliennes en mer. Or, les procédures que vous mettez en place vont court-circuiter l’avis des élus de terrain et des acteurs économiques des territoires. C’est parfaitement choquant.

Mme Ségolène Royal, ministre, M. François Brottes, président de la commission spéciale et et M. Denis Baupin, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est un film d’horreur, que vous décrivez !

M. Daniel Fasquelle. Finalement, on voit bien pourquoi vous refusez le débat à l’Assemblée nationale. Au-delà des mots, vous n’êtes pas très fiers d’un texte qui n’est en aucun cas la grande loi annoncée. En réalité, il a trois objectifs que nous ne manquerons pas de dénoncer : récupérer le travail de la majorité précédente – je salue à cet égard Nathalie Kosciusko-Morizet – en gommant partout le Grenelle de l’environnement pour le remplacer par la transition écologique et énergétique ; donner des gages à votre majorité, en particulier aux Verts ; donner l’impression aux autres États que vous agissez alors que vous préparez la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015.

En réalité, vous nous proposez dans la précipitation un texte idéologique, non financé, flou et donc dangereux pour la compétitivité et le pouvoir d’achat. Il risque de remettre en cause ce qui fonctionne dans notre pays, car nous pouvons être fiers de nos entreprises dans le domaine de l’énergie. Nous essaierons malgré tout de l’améliorer, à la condition, bien évidemment, que vous soyez plus attentifs aux propositions de l’opposition dans l’hémicycle que vous ne l’avez été en commission.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Vous exagérez !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs de la commission spéciale, mes chers collègues, après l’épisode « peur sur la ville », je vais vous raconter la transition énergétique qui est également au service de la compétitivité, car ce qui vient d’être dit ne correspond pas tout à fait à la réalité. (Sourires.)

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est de ceux qui font l’honneur de notre assemblée et de notre Parlement.

Face à l’urgence, il nous fallait une grande ambition qui nous permette de relever les défis par le haut.



Je fais partie des députés socialistes qui, avec d’autres, avaient voté le Grenelle I de l’environnement. Cette attitude avait été saluée à l’époque par le responsable du groupe UMP. Nous attendons aujourd’hui de tous les élus de la nation le même esprit de responsabilité, car l’urgence est toujours là et c’est notre avenir collectif qui est en jeu.



Il nous faut contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et conforter nos engagements face à cette urgence. Il nous est nécessaire, dans le contexte international que nous connaissons, de renforcer notre indépendance énergétique et équilibrer nos sources d’approvisionnement.



Après d’intenses débats en commission spéciale et l’examen d’un nombre record d’amendements, voici venu le temps de l’examen en séance publique. Demain, avec ce texte, la France pourra entamer sa nécessaire transition. Toutes les forces vives seront impliquées au service d’un nouveau modèle énergétique, plus durable pour tous.



La transition énergétique ne représente pas la victoire d’une écologie punitive. Elle permettra au contraire plus d’emplois, de la croissance verte et moins d’impact sur notre environnement.



Je n’interviendrai pas sur l’ensemble de ce projet de loi. D’autres l’ont fait avant moi, beaucoup mieux que je ne pourrais le faire, je pense notamment aux rapporteurs. Je n’évoquerai que deux sujets : l’hydroélectricité d’une part et la problématique des réseaux d’autre part.



L’hydroélectricité est, tout d’abord, une énergie à part. Jusqu’à présent, l’énergie hydraulique avait le statut de bien national. Il s’agissait d’un bien dont l’État se réservait l’usage : un patrimoine national. Pilier du mix électrique français, avec 12 % de la production d’électricité, son avenir est étroitement lié à celui des énergies renouvelables. Son rôle sera déterminant dans l’atteinte des objectifs fixés par ce texte et c’est la seule énergie stockable et très rapidement mobilisable. Elle est aujourd’hui utilisée pour équilibrer et sécuriser le réseau électrique.



Alors c’est vrai que, peut-être, elle est un peu moins fun et plus ringarde que les autres. Pionnière dans les énergies renouvelables, elle n’en est pas moins essentielle dans le mix énergétique.



Les défis auxquels elle se trouve confrontée, et qu’il nous faut relever, sont nombreux : améliorer les équipements, développer de nouvelles ressources, et préserver l’hydroélectricité, très présente dans les zones de montagne !



Nous y répondrons en améliorant la sécurité d’exploitation, en réduisant les impacts de l’hydroélectricité sur l’environnement et en exploitant au mieux le potentiel énergétique de nos cours d’eau et de nos retenues.



L’excellent travail, dont je tiens à saluer une fois encore la qualité, mené depuis plusieurs mois par notre collègue Marie-Noëlle Battistel sur l’hydroélectricité, nous a permis de structurer la réflexion sur le devenir de cette énergie essentielle.



Fallait-il, par exemple, capituler face à la demande d’une libéralisation de ce secteur ? Je ne le crois pas. Les incertitudes étaient immenses pour l’emploi, pour la gestion de l’eau, et pour le devenir essentiel de cette ressource. Des risques pesaient sur les vallées concernées. L’impact sur les prix de l’électricité était indéniable.



Aussi, je me réjouis que le débat se soit ouvert et que le Gouvernement ait, comme la rapporteure, adopté une position pragmatique et équilibrée qui offre un panel de possibilités adaptées à chaque territoire.



Le réservoir d’hydroélectricité que constituent nos montagnes est un enjeu majeur, non seulement pour la transition énergétique, mais aussi pour le développement de nos territoires. Et je remercie madame la ministre pour son clin d’œil aux montagnards qui, effectivement, revendiquent cette fonction de château d’eau de leur territoires.



Des avancées essentielles ont été actées dans ce texte qui prévoit, en outre, la possibilité pour les collectivités de participer à la gouvernance des concessions. Pour conclure sur ce chapitre, j’évoquerai la petite sœur de l’hydroélectricité dont on a parlé tout à l’heure, c’est-à-dire la petite hydraulique.



Elle se heurte à quelques difficultés concernant le classement des cours d’eau et je me félicite, madame la ministre, madame la rapporteure, de l’adoption en commission spéciale de l’amendement permettant la révision périodique du classement des cours d’eau, notamment lors de la mise à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.



Cela m’amène à parler maintenant des réseaux : leur gestion, leur entretien et leur développement constituent un autre des grands défis de la transition énergétique.



En effet, nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un nouveau modèle énergétique, de plus en plus décentralisé. Le développement des énergies renouvelables implique de repenser les réseaux. Ils devront faire la part belle à l’innovation, à la modernisation et à la performance. La participation de tous les acteurs doit être garantie pour permettre l’échange d’information et la rationalisation des investissements.



Enfin, la péréquation, pierre angulaire de notre modèle énergétique, doit être préservée au bénéfice de tous et notamment des plus faibles.



Notre ambition collective est de veiller à ce que toute la population, où qu’elle soit sur notre territoire, ait un égal accès à l’énergie. Pour permettre à chacun d’accéder à une électricité de qualité et gommer les déséquilibres entre les territoires, le réseau électrique joue un rôle fondamental en mutualisant l’ensemble des moyens de production d’électricité. Au travers de ces échanges d’électricité, mais également grâce à la péréquation tarifaire – qui permet aux territoires urbains, ruraux et ultramarins de payer l’électricité au même tarif, en dépit des inégalités territoriales –, le système électrique français organise de nombreuses solidarités.



Il existe des outils, qui peuvent être mis au service de cette belle exigence, mais qu’il convenait d’améliorer. Ainsi, les moyens du fonds d’amortissement des charges d’électrification doivent être mieux fléchés. Aussi, je me réjouis que la commission spéciale ait adopté un amendement pour simplifier, clarifier et rendre plus transparente sa gestion. La procédure de recensement des besoins sera simplifiée entre ERDF et les autorités organisatrices de la distribution d’électricité opérant dans les communes rurales. Demain, l’extension et l’entretien du réseau en seront améliorés.



Des questions subsistent cependant, et c’est pourquoi j’ai déposé, en vue de l’examen du projet de loi en séance publique, quelques amendements qui portent, notamment, sur l’article 56.



Enfin, la question de la gouvernance, concernant les réseaux de distribution, ne doit pas être éludée. À ce titre, l’adoption en commission de l’amendement de François Brottes permettra d’affirmer le principe de collégialité des investissements sur les réseaux publics de distribution, pour une meilleure qualité du réseau et un meilleur service rendu aux usagers.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien.

Mme Frédérique Massat. Il s’agit là d’une avancée considérable au service des réseaux publics de distribution qui sont à la fois propriété des collectivités locales, il faut le rappeler, et exploités par ERDF. Il était nécessaire de trancher la question du pilotage des investissements et de leur financement, en toute transparence, en modifiant leur gouvernance.

Le texte sur la transition énergétique sera sans aucun doute le marqueur de ce quinquennat. Il concrétisera l’ambition de la France d’être à la pointe sur ces questions énergétiques et environnementales.

La transition énergétique que nous portons vise à préparer l’après-pétrole et à instaurer un nouveau modèle énergétique français, plus robuste et plus durable face aux enjeux d’approvisionnement en énergie et à la problématique des prix.

Il s’agit, bien sûr, de faire de la transition énergétique un levier de compétitivité, de réindustrialisation, de croissance et d’emploi. Relever avec succès un tel défi économique, social et environnemental interdit toute posture dogmatique et caricaturale et nous oblige à avancer de manière pragmatique et décomplexée.

C’est ce que vous nous proposez, madame la ministre, avec ce texte. Nous sommes nombreux à vouloir vous accompagner dans cette démarche et participer, comme nous l’avons fait en commission, à cette co-construction du modèle énergétique de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, réussir la transition énergétique est un enjeu majeur en termes d’environnement, de santé, de préservation du pouvoir d’achat de nos concitoyens, de compétitivité de notre économie et de défense de notre souveraineté nationale.

C’est donc un sujet qu’il faut aborder avec beaucoup de pragmatisme, et dont l’approche doit être dénuée de toute idéologie.

Déjà bonne élève au regard des émissions de gaz à effet de serre – notre pays ne représente qu’1,2 % des émissions mondiales – grâce à l’énergie nucléaire qui produit 75 % de l’électricité et assure 15 % de notre consommation énergétique, la France réussira sa transition énergétique en réduisant l’usage des énergies carbonées, voire en en supprimant l’usage dans la production de l’énergie électrique, ce qui aurait dû être votre objectif pour le charbon.

Les autres objectifs vers lesquels nous devons tendre vont aussi, bien sûr, vers la réduction de la consommation des énergies dans l’habitat et dans les transports, et particulièrement dans le transport individuel qui est un gros émetteur de gaz à effet de serre. De ce point de vue, il y a des orientations intéressantes dans la loi.

Dans l’habitat, le texte aurait gagné à insister sur l’usage de la biomasse dans les réseaux de chaleur ou de la géothermie. Mais, par contre, pourquoi autant d’idéologie et de dogmatisme dans la définition de notre mix énergétique ? Ce n’est pas la transition énergétique que vous nous proposez, mais la transition électrique.

Pourquoi cette chasse au nucléaire, à qui l’on fixe des limites ? D’ailleurs pourquoi cet objectif de réduction à 50 % de sa part dans la consommation d’électricité ? Pourquoi pas 40 ou 60 %, alors qu’aucun objectif ou aucune limite ne sont annoncés pour le pétrole ou le charbon ?

Visiblement, vous vous trompez de cible, et vous le savez parfaitement, madame la ministre. Mais que ne feriez-vous pas pour vous attirer les faveurs des écologistes ?

Le Portugal et l’Espagne en arrivent à une remise en cause de leur programme dans les énergies renouvelables. De son côté, l’Allemagne se débat dans ses problèmes de réseaux et de régulation de la production éolienne, après avoir effectué des investissements colossaux pour en arriver à une explosion des coûts de l’électricité, qui sont deux fois supérieurs aux nôtres, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre. La cause de cette évolution ? Elle réside dans le remplacement de l’énergie nucléaire par de la lignite et du charbon.

Il eût été nécessaire, pour la France, d’en tirer les leçons.

Nous avons tous les atouts pour faire les bons choix et rester compétitifs, tout en devenant exemplaires. Nous sommes le seul pays en Europe à avoir ce socle solide. Pourquoi se mettre en danger ? Le monde énergétique est un monde plein d’aléas : choc pétrolier, gaz de schiste, crise ukrainienne…

Nos réserves d’uranium nous garantissent trois ans de fonctionnement de nos centrales alors que pour le pétrole et le gaz, nos réserves représentent respectivement un et deux mois de consommation.

Après 55 milliards d’euros d’investissement effectués dans l’ensemble de notre parc nucléaire pour atteindre des normes de sûreté équivalentes aux réacteurs de nouvelles génération, la Cour des compte évalue le coût de production de l’électricité nucléaire à 60 euros par MWh, contre 80 à 100 euros pour le thermique, et 80 à 280 pour le photovoltaïque.

Alors, pourquoi se hâter sur l’électricité, alors que le nucléaire a ce double avantage d’être décarboné et de fournir l’électricité la moins chère ?

Contrairement aux autres pays, nous pouvons donner du temps au temps, en développant la recherche et l’innovation, afin d’obtenir des diminutions du coût de panneaux solaires photovoltaïques fabriqués chez nous, en favorisant, également, le passage du fioul au gaz, en développant des moteurs plus performants à très faible consommation, mais aussi la voiture électrique.

Dans le domaine industriel, nous ne bénéficions que d’un seul avantage par rapport aux autres pays, c’est le coût de l’électricité, très inférieur à la moyenne de l’OCDE, et ceci en dépit des taxes affectées.

L’augmentation du prix de l’électricité en France accélérera notre déclin industriel. Envisager une transition énergétique en se fixant pour objectif de réduire la part du nucléaire constitue un signal fort qui dissuadera les investissements productifs étrangers.

Les objectifs de développement des ENR, tels qu’envisagés, conduiront à une augmentation de 50 % de la facture d’électricité d’ici 2025, augmentation de prix imputable au deux tiers à celle de la CSPE. Ni les entreprises, ni les ménages, et encore moins l’État, ne sont en mesure de financer les surcoûts de la transition énergétique telle qu’elle est envisagée.

Les énergies fossiles représentent, en effet, le premier poste de notre premier déficit commercial – 66 milliards d’euros en 2013 – soit plus que notre déficit courant. Nous sommes par ailleurs le premier exportateur d’électricité au monde.

La transition énergétique peut constituer un levier de rééquilibrage de notre économie, si elle se donne pour priorité de substituer des productions nationales – production ou économies d’énergie – aux importations énergétiques.

Réaliser une transition énergétique rentable permettrait de créer des emplois. A contrario, votre transition énergétique, idéologique, en détruira, comme l’affirme le rapport « Énergies 2050 » remis au ministre de l’industrie.

Ce texte que vous nous annonciez comme la grande loi de la mandature est catastrophique. Catastrophique dans la forme, avec les conditions déplorables de déroulement de nos travaux, qui avaient pourtant plutôt bien commencé, avec la commission spéciale et des débats de qualité.

Mais votre entêtement, monsieur le président, madame la ministre, à ne pas adapter le calendrier et la durée du débat à l’importance du texte, en font un texte bâclé sur le fond, aux conséquences dramatiques pour notre pays.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est léger, c’est nuancé.

M. Michel Heinrich. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela va être beaucoup plus nuancé.

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente, madame la ministre, préparer l’avenir économique et social de notre pays, préserver l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique sont des objectifs que nous partageons tous.

C’est ce qu’aurait pu et dû être l’essentiel de ce texte. Malheureusement tel n’est pas son contenu, puisqu’à notre sens, méconnaissant les réalités, il aura pour conséquence de dilapider l’héritage énergétique national et d’hypothéquer notre avenir.

Mme Ségolène Royal, ministre. Quelles sont vos propositions sur l’énergie ?

M. Bernard Accoyer. Ce texte méconnaît les réalités. D’abord parce qu’il constitue la suite donnée à deux engagements électoraux, ou plutôt des arrangements politiciens, anciens.

Le premier est l’accord intervenu en 2011 entre madame Aubry, première secrétaire du parti socialiste, et madame Duflot, secrétaire nationale d’Europe écologie - les Verts.

Le second a pris la forme des déclarations et des engagements électoraux du candidat François Hollande, qui visaient à ramener de 75 à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique, dès 2025, et donc à fermer ainsi une vingtaine de réacteurs nucléaires, en premier lieu celui de Fessenheim. Chacun sait pourtant qu’avec les 600 millions d’euros de travaux de rénovation réalisés, il constitue l’un des équipements nucléaires les plus sûrs.

D’ailleurs, le coût du démantèlement de ce réacteur, évalué par nos collègues Hervé Mariton et Marc Goua à 5 milliards d’euros, en dit long sur l’absence d’évaluation et l’irresponsabilité de cette décision.

Ce projet de loi ignore les réalités climatiques, car s’il est une énergie qui prévient le réchauffement climatique et l’émission de gaz à effet de serre, c’est bien la filière nucléaire, que vous entendez mettre à mal.

Or notre mix électrique place la France aux premières places quant à cette exigence. Et 75 % de notre électricité proviennent du nucléaire.

Le projet de loi ignore le coût de plusieurs centaines de milliards que ce projet complètement déraisonnable imposerait à notre pays. Ce n’est pas au moment où nous atteignons 2 000 milliards d’euros de dette publique que l’on peut se permettre de telles fantaisies.

Quant à ses conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes et la compétitivité de nos entreprises, on sait ce qu’il en serait.

Le projet de loi ignore les réalités de la situation créée en Allemagne par la décision rapide et mal évaluée de sortir du nucléaire quant au coût de l’énergie et aux conséquences environnementales de ces décisions. Il méconnaît également les réalités géopolitiques en Ukraine avec la Russie et en Afrique sur les approvisionnements respectifs en gaz et en hydrocarbures.

Enfin, ce texte méconnaît à l’évidence les réalités des besoins énergétiques pour les décennies à venir et, en particulier, les besoins en énergie électrique et spécialement en énergie décarbonée.

S’il méconnaît ces réalités, le texte dilapide également l’héritage énergétique national.

Tous les Présidents de la VRépublique jusqu’à François Hollande ont soutenu le développement et la défense de la filière nucléaire, qui est devenue une excellence française reconnue dans le monde entier.

Madame la ministre, quelle responsabilité sera la vôtre et celle du gouvernement auquel vous appartenez, au pays de Marie Curie et d’Iter, quand vous aurez donné au monde le signal que la France prend ses distances vis-à-vis du nucléaire civil ?

Quel signal envoyez-vous aux clients et aux salariés des entreprises leaders comme des innombrables PME qui travaillent pour cette filière et occupent ainsi le quatrième rang dans nos exportations ?

Quel signal adressez-vous à nos jeunes ingénieurs, qui commencent à se détourner du nucléaire, comme, il est vrai, ils l’ont fait il y a quelques années lorsque les Verts, déjà eux, avaient démantelé la filière de la transgénèse, dans laquelle la France était leader mondial. Maintenant, vous êtes tranquilles, mes chers collègues des Verts, il n’y a plus un seul chercheur en France qui travaille sur ces technologies pourtant d’avenir.

En fait, dix-sept ans après l’annonce à cette tribune par Lionel Jospin de faire démanteler le surgénérateur Superphénix, c’est un nouveau coup que vous portez, qui aura certainement des conséquences considérables.

La France avait à l’époque pour la quatrième génération vingt ans d’avance. Savez-vous, madame la ministre, où sont les ingénieurs qui travaillaient sur la surgénération ? Ils sont en Inde, et il y a gros à parier que, dans quelques années, la France rachètera ces technologies imaginées, conçues, développées par des ingénieurs français, auxquels vous aurez interdit de travailler dans notre beau pays. Telles sont les conséquences de mesures qui sont politiciennes.

Ce texte méconnaît les coûts qui seront induits par de telles décisions, non seulement les 2 milliards d’excédents de l’exportation d’électricité mais le surcoût des importations d’énergies fossiles et, d’ailleurs, c’est bien cette méconnaissance extraordinaire qui fait que ce texte parle de transition électrique et non pas d’une transition en défaveur des énergies fossiles qui aurait dû centrer votre attention.

Alors qu’il suffirait de rénover les centrales pour qu’elles puissent vivre au-delà de quarante ans, de financer ainsi la transition énergétique, de garantir notre avenir, c’est le contraire qui est prévu.

Oui, madame la ministre, ce texte hypothèque l’avenir, il ne dit rien ou presque de l’avenir de la filière, rien de la recherche et du développement dans le nucléaire, rien sur l’avenir des déchets, domaine dans lequel la France est pourtant passée maître et vend ses technologies dans le monde entier, rien sur Astrid et la quatrième génération, rien non plus sur Iter, ce projet international extraordinaire localisé en France. Il ne dit rien des conséquences climatiques de ces choix, rien des conséquences financières. Il ne ménage pas notre indépendance financière.

Mes chers collègues, ce texte est une occasion manquée. Nous pensons réellement qu’il est un grand malheur pour notre pays. Madame la ministre, ressaisissez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Santais.

Mme Béatrice Santais. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la transition énergétique était annoncée comme l’un des chantiers majeurs de cette législature. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que vous nous présentez ce soir, madame la ministre, a été nourri par une large concertation, les travaux des tables rondes des deux conférences environnementales de 2012 et 2013 et du débat national qui a rassemblé les collectivités territoriales, les entreprises, les associations, les ONG et les citoyens.

Je voudrais saluer à mon tour le travail réalisé par la commission spéciale, son président et ses cinq rapporteurs pour enrichir le texte qui nous était proposé grâce à de très nombreuses auditions suivies de plusieurs heures de réunions pour l’examen du texte et des amendements.

À ce moment de la discussion générale, beaucoup de choses ont été dites sur la nécessité d’une transition énergétique, qui doit répondre à une triple urgence, écologique, économique et sociale.

Le texte qui nous est présenté porte une ambition sans précédent en donnant des objectifs, clairement chiffrés et programmés dans le temps, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale, mais aussi en mettant en place des mesures concrètes, encourageant notamment la rénovation des bâtiments, le développement des transports propres, la lutte contre le gaspillage et la réduction des déchets, le développement des énergies renouvelables et la diversification du mix énergétique ; c’est un projet qui implique les citoyens, les collectivités territoriales et les entreprises dans un nouveau modèle de politique énergétique.

Je souhaiterais, pour ma part, aborder seulement une question, et apporter un témoignage.

Ma question concerne les industries électro-intensives, évoquées à l’article 43 du projet de loi. Ces entreprises grandes consommatrices d’électricité sont un véritable moteur de l’industrie française et un pourvoyeur d’emplois indéniable. Je souhaite que l’on puisse aller plus loin sur ce sujet que ce que le texte qui nous est soumis envisage aujourd’hui.

Ces entreprises ont besoin d’un prix de l’électricité compétitif sur une longue période. Elles font en effet face à une féroce concurrence mondiale, au sein de laquelle la condition d’approvisionnement en énergie électrique est un facteur essentiel et critique de compétitivité. Il conviendra de définir un cadre spécifique d’accès à l’électricité pour ces entreprises concernées par la disparition des tarifs régulés de vente d’électricité à la fin de 2015.

EDF ne pourra pas, comme elle l’a fait dans ma circonscription, à Saint-Jean-de-Maurienne, avec la reprise du site de Rio Tinto Alcan par l’industriel allemand Trimet, rentrer au capital de toutes les entreprises industrielles électro-intensives, mais la fréquente proximité de ces industries de centrales hydroélectriques doit nous permettre d’être innovants dans l’élaboration de nouvelles tarifications.

Le témoignage que je voudrais porter devant vous est celui d’une élue locale, maire d’une commune qui mène une vraie belle politique de développement durable depuis maintenant plus de trente ans et qui voit dans votre projet de loi, madame la ministre, une belle reconnaissance de ce long engagement.

Montmélian, c’est en effet une vraie passion pour le solaire thermique, avec plus de 2000 mètres carrés de capteurs solaires pour 4 000 habitants, et, dès 1983, une première installation de 220 mètres carrés de capteurs pour chauffer la piscine municipale, puis l’équipement de nombreux bâtiments publics comme les vestiaires du stade, l’hôpital local, les gymnases, le foyer de jeunes travailleurs.

Dès le début des années 2000, la commune a acheté quatre véhicules électriques, Peugeot à l’époque, dont les batteries sont alimentées grâce à l’installation de 240 mètres carrés de capteurs photovoltaïques sur le toit des ateliers municipaux.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous êtes des précurseurs !

Mme Béatrice Santais. Nous avons régulièrement permis de nouvelles expérimentations avec des capteurs auto-vidangeables, des capteurs semi-transparents ou encore un mur solaire pour préchauffer notre halle de gymnastique.

Nous avons convaincu l’OPAC de la Savoie, propriétaire de la moitié des logements sur le territoire communal, d’installer des capteurs pour la production d’eau chaude sanitaire sur ses bâtiments, de construire des bâtiments neufs à basse consommation d’énergie, et, plus récemment, de réaliser la réhabilitation thermique de ses immeubles les plus anciens.

Montmélian s’est vue attribuer en 2007 et renouveler en 2012 le label européen Cit’ergie reconnaissant l’action de la commune en matière de développement durable et engageant notre collectivité dans de nouveaux projets.

C’est ainsi que, dès 2008, nous avons lancé un plan d’amélioration de l’éclairage public, mis en œuvre un ambitieux programme d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics, éliminé l’utilisation de tous produits chimiques, désherbants ou engrais pour l’entretien de nos espaces verts,…

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est bien !

Mme Béatrice Santais. …ce qui ne nous a pas empêchés de recevoir en 2007 une troisième fleur et de l’avoir conservée depuis. Montmélian est par ailleurs, et en dépit de sa petite taille, l’un des onze actionnaires de la SPL d’efficacité énergétique Rhône-Alpes, qui permettra dès 2015 la réhabilitation thermique de la médiathèque municipale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le paradis écologique !

M. Denis Baupin, rapporteur. Pléonasme ! (Sourires.)

Mme Béatrice Santais. Je voudrais terminer ce tour d’horizon non exhaustif par le PLU que nous avons approuvé en 2012. Ce PLU, remarqué par l’ADEME, intègre notamment une orientation d’aménagement thématique tout particulièrement consacrée à la question énergétique et la création d’un nouvel écoquartier solaire de 800 logements, où 80 % des besoins énergétiques du quartier seront satisfaits par le solaire thermique. La qualité de ce projet a récemment été reconnue par l’Union européenne, qui vient de décerner à la ville le grand prix européen de l’urbanisme, ce dont je suis très fière, en ce qu’il place l’étude de la question énergétique en amont de tout projet d’urbanisme.

Alors, en vous invitant, madame la ministre, à venir visiter ma petite commune, je voudrais vous remercier pour ce texte, qui est une reconnaissance pour tous les élus, dont vous faites partie, qui ont eu une volonté politique forte, qui ont osé avant les autres, et je vous confirme ce que vous disiez en introduction à ce débat : la transition énergétique, de nombreux élus locaux et territoires de notre pays l’ont expérimentée, et ça marche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que vous nous avez tardivement transmis, devait être le projet emblématique du quinquennat de François Hollande. Malheureusement, force est de constater qu’il n’est qu’un bien timide compromis entre les différentes composantes de votre majorité. Après les réflexions ambitieuses des Grenelle 1 et 2 menées par Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet et le gouvernement Fillon, on pouvait s’attendre à un projet remarquablement novateur.

Dans votre exposé des motifs, madame la ministre, nous constatons dès le premier paragraphe l’erreur majeure de la trajectoire de votre projet : « Le projet de loi fixe les objectifs (…) d’un nouveau modèle énergétique français plus diversifié », pourquoi pas, « plus équilibré », dont acte, « plus sûr » – on pourrait malheureusement vous démontrer le contraire –, « et plus participatif », méthode qui peut se justifier.

Mais comment pouvez-vous oublier l’enjeu majeur, incontournable désormais, qui impose à tous les pays du monde de repenser leur production énergétique en limitant le plus possible les émissions de gaz à effet de serre ?

Comment pouvez-vous annoncer un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif sans annoncer d’emblée, avec force et détermination, un modèle énergétique surtout décarboné ? En évitant volontairement cette précision dans votre exposé des motifs, vous décrédibilisez ainsi vos intentions pour 2030 et 2050 exposées à l’alinéa 24 de l’article 1er.

Je suis originaire d’un département du littoral atlantique, qui vit depuis trois semaines le procès cauchemardesque de la tempête Xynthia.

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous voyez qu’il faut faire quelque chose !

M. Alain Leboeuf. Le réchauffement climatique et la hausse du niveau des océans sont dans toutes les têtes de ceux qui ont vécu de près ou de loin cette catastrophe.

Mme Ségolène Royal, ministre. Alors votez la loi !

M. Alain Leboeuf. Pour toutes nos populations côtières notamment, vous redonniez du sens à cette notion de transition énergétique, et vous facilitiez d’autant leur adhésion à votre projet.

Nous devinons bien votre retenue et les raisons de vos choix. Le nucléaire tétanise votre majorité, et vous vous privez d’un plan ambitieux et exemplaire à quelques mois de la conférence mondiale sur le climat à Paris.

Le temps programmé ne me permet pas de commenter l’essentiel de vos soixante-quatre articles.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Si ! Vous avez tout le temps que vous voulez !

M. Alain Leboeuf. Depuis le début de nos débats, nous n’avons cessé de vous rappeler cette erreur de programmation de nos travaux législatifs.

Les saines confrontations, de tous bords, qui vous ont permis d’améliorer certains alinéas, n’ont malheureusement eu lieu que sur une vingtaine d’articles. Un tiers du texte seulement discuté et amendé par la représentation nationale dans sa diversité !

Très brièvement, je voudrais d’abord revenir sur le chapitre concernant la mobilité propre.

Vous faites la part belle au véhicule électrique et vous connaissez, monsieur le président Brottes, madame Massat, mon attachement à l’électromobilité tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Mais votre texte aurait dû promouvoir bien davantage d’autres motorisations, qui nous permettraient d’améliorer rapidement la qualité de l’air en limitant les moteurs diesel – je pense aux moteurs GNV et par extension bio-GNV. Deux cibles ont été insuffisamment prises en compte dans ce projet de loi et il nous reste une semaine pour y remédier : les autocars et bus inter-cités, et les transports maritimes. Avec mon collègue Jean-Marie Tetart notamment, nous avons des propositions à vous faire. J’espère que nous y serons collectivement attentifs, car les enjeux sont considérables et les solutions techniquement très accessibles. Voyez plutôt les chiffres : 66 000 autocars roulent sur l’ensemble de notre territoire et consomment plus d’un million de mètres cubes de gazole, en l’espace des 3 milliards de kilomètres parcourus par an. Il y a ici une vraie source d’économie.

Je souhaite ensuite aborder le chapitre du recyclage. Je vous livre deux points d’attention, madame la ministre. Le premier s’intéresse au recyclage dans le bâtiment et les travaux publics. L’objectif de valoriser 70 % des déchets de ce secteur est peut-être tenable. Par contre, vous nous avez proposé un amendement vendredi dernier, madame la ministre, qui précise que tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction devra s’organiser pour créer des sites capables d’accepter les déchets d’ici au 1er janvier 2017. Compte tenu des nombreux mois nécessaires à la promulgation de la loi et surtout à la publication des décrets, ce délai ne semble absolument pas raisonnable. Les professionnels demandent avec insistance le 1er janvier 2020 pour atteindre l’objectif des 70 % de déchets valorisés. Personnellement, je vous proposerai, dans un amendement, d’accepter la date butoir du 1er janvier 2019.

Le second point d’attention concerne le tri sélectif des déchets ménagers. L’expérience montre que, lorsque l’organisation de la collecte des déchets dans un territoire a été suffisamment poussée, en intégrant une tarification incitative avec du compostage individuel, de quartier ou collectif, ainsi que des déchetteries de proximité pour les apports volontaires de déchets verts notamment, la collecte à la source de déchets organiques représente des volumes négligeables qui ne justifient à aucun moment une collecte spécifique, tant sur le plan financier que sur le plan environnemental. La mise en place de circuits très coûteux de collecte sélective de déchets organiques ne peut pas se justifier dans ces territoires et elle serait pédagogiquement contre-productive. Cette collecte peut certes être envisagée pour certains autres territoires, en particulier plus urbanisés, mais elle ne doit surtout pas être imposée à l’ensemble du territoire national.

Imposons par la loi des résultats, des objectifs, mais non pas des méthodes qui peuvent varier, notamment en fonction des densités de population et des spécificités territoriales. Acceptons que, dans les milieux ruraux et semi-ruraux, nous puissions penser à des méthodes qui ne seraient effectivement pas adaptées aux milieux très denses. L’exemple du département de la Vendée, au sein duquel 40 % des collectivités proposent déjà une tarification incitative, démontre que sans collecte sélective des biodéchets, le ratio de production d’ordures ménagères résiduelles s’établit en moyenne à environ 100 kilogrammes par habitant et par an, grâce à la responsabilisation individuelle des usagers. De tels chiffres prouvent l’inutilité d’une collecte sélective des biodéchets en milieu rural et semi-rural. En outre, le coût d’une telle collecte représente près de quatre fois le prix d’une collecte classique d’ordures ménagères à la tonne. Un tel développement dans le contexte de rationalisation financière exigé auprès des collectivités s’avère impensable.

M. Daniel Fasquelle. Il a raison ! C’est du bon sens !

M. Alain Leboeuf. J’aurais tellement d’autres points importants à développer pour la co-construction de votre projet de loi, mais je laisse à d’autres collègues le soin de compléter mes propos. Je vous remercie de votre attention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, j’ai suivi la préparation de ce texte avec l’attention que commandent les réformes importantes que j’avais eu l’honneur de proposer à cette assemblée durant la précédente législature. Il y a dans cette loi des mesures qui vont dans le bon sens, et j’ai eu l’occasion de les signaler publiquement, mais il y a surtout une occasion manquée au regard de l’importance des enjeux.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. S’agissant de la forme, on pourrait s’étendre sur les conditions d’examen en commission et en séance de ce texte, mais d’autres collègues l’ont déjà fait. Et si j’admets que le Gouvernement est maître de ses outils et que nous avons pu nous-mêmes les utiliser dans le passé,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est vrai ! Souvent !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. … je m’associe à leur déception de n’avoir pu débattre autant que nécessaire de sujets aussi importants que l’avenir du nucléaire.

Mais il y a également des rendez-vous manqués sur le fond. D’abord, celui d’une concertation mal menée. Si encore seuls les parlementaires étaient mal considérés par le Gouvernement – nous en avons l’habitude ! –, mais las, le problème est bien plus profond. En amont, le Gouvernement n’a pas su rassembler toutes les parties prenantes. Il n’a cherché ni le consensus, ni la mobilisation de tous les acteurs autour d’un projet d’intérêt commun, comme nous l’avions fait, mes chers collègues, avec le Grenelle de l’environnement.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Hors du nucléaire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Or, personne ne peut prétendre, ni le Gouvernement, ni la puissance publique, faire seul la transition énergétique. Celle-ci ne peut fonctionner au contraire qu’avec la mobilisation du plus grand nombre.

Ensuite, c’est l’échec d’un projet de loi bâclé. Il y a un grand absent dans cette loi, signalé par d’autres collègues : la préoccupation du coût de l’énergie. Il n’y a pas d’étude d’impact sérieuse. Or, la question du coût de l’énergie, c’est autant de leviers supplémentaires pour renforcer la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. Je suis frappée par exemple de voir combien ce projet de loi s’intéresse peu à proposer aux particuliers des formules tarifaires intelligentes. Je pense évidemment aux nouveaux compteurs pour les inciter à consommer moins, en particulier au moment où l’électricité est la moins chère.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est fait !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il est pourtant fondamental de permettre aux particuliers qui veulent optimiser leur facture et contribuer à la limitation de leur empreinte environnementale de le faire. Ils doivent pouvoir souscrire des contrats à des prix calqués sur ceux du marché, leur permettant de mieux profiter des périodes à prix bas et de réduire leur consommation pendant les périodes de pointe, c’est-à-dire celles où l’électricité est produite à toute vitesse par des centrales thermiques. Ce n’était pas possible hier et ça l’est aujourd’hui.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’était possible et vous avez supprimé ce système !

M. Daniel Fasquelle. Caricature !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il faut créer un droit des ménages à pouvoir choisir des formules tarifaires voisines de celles des industriels.

De plus, sur ce sujet du coût de l’énergie, le Gouvernement est aujourd’hui empêtré dans ses contradictions et dans l’illégalité. Il n’est pas tenu compte de l’arrêt du Conseil d’État du 11 avril sur les tarifs et la ministre revendique de bafouer les décisions de justice. Le blocage des tarifs est démagogique et dangereux, car il conduit ERDF à stopper pratiquement tout investissement de modernisation de son réseau pour remonter sa trésorerie vers EDF. C’est pourquoi, conformément aux recommandations du rapport de la Cour des comptes de février 2013, j’ai déposé un amendement visant à imposer à ERDF un plan d’investissement sous contrôle de la CRE, comme cela existe pour RTE, et de le sanctuariser.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cela permettra de mieux sécuriser les réseaux de distribution électrique et, partant, de développer l’emploi. Si l’on veut relancer l’investissement en France, il y a d’autres moyens que d’incriminer Bruxelles ou Berlin.

Un autre rendez-vous manqué : l’échec à simplifier le parcours du combattant des propriétaires de logements. Ils sont souvent désorientés et finalement paralysés face à la complexité des opérations à mettre en œuvre pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Ils font face à des incertitudes financières quant aux coûts réels des travaux et à leur rentabilité. Pour débloquer cette situation, nous avons besoin d’une initiative forte. J’ai déposé un amendement en ce sens pour que la Caisse des Dépôts, qui a, de longue date, une mission importante en matière de logement, monte ou favorise une offre groupée de diagnostic et d’ingénierie technique et financière intégrée pour faciliter la prise de décision de nos concitoyens, accélérer la rénovation thermique et développer l’emploi. Les Français doivent pourvoir décider en toutes clarté et sécurité de leurs investissements.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il est indispensable que la complexité des différentes étapes, aux plans technique et administratif, ne soit plus à la charge des propriétaires, mais assurée par la puissance publique et non pas laissée à l’initiative commerciale privée, par ailleurs insignifiante dans ce domaine. C’est cela, un service public efficace de la performance énergétique.

Enfin, c’est l’échec d’un projet de loi sans vision d’avenir. Il s’appuie sur une conception traditionnelle, pour ne pas dire passéiste, qui écarte tout ce qui pourrait en faire la modernité. J’ai déjà relevé combien la combinaison de la révolution numérique et de la transition énergétique était la grande absente du texte. Je regrette, à titre d’exemple supplémentaire et pour conclure, de n’y rien lire sur les smart cities, ces villes modernes capables de mettre en œuvre des infrastructures communicantes et durables pour améliorer le confort des citoyens. Comment s’organise-t-on aujourd’hui pour associer tous les acteurs et faire des quartiers beaucoup plus intégrés, dans lesquels la vie, dans toutes ses dimensions, soit beaucoup plus économe en termes de flux de matière et d’énergie ?

C’est dans cet esprit et après une large concertation que nous avions lancé les appels à projet sur les éco-quartiers dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Je regrette, madame la ministre, que cet esprit-là ne souffle plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, lundi 6 octobre, à seize heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 2 octobre 2014, à une heure quarante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly