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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 15 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Gaspillage alimentaire

M. Jean-Pierre Decool

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Lutte contre Daech

M. Bruno Le Roux

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre la précarité

M. François Rochebloine

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique

Mme Eva Sas

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Politique familiale

M. Patrice Verchère

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Loi sur la croissance

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Situation de la recherche française

Mme Marie-George Buffet

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Salles de shoot

M. Yannick Moreau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Restructurations dans le domaine de la défense

M. Jean-Michel Clément

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Indépendance de la justice

M. Georges Fenech

M. Manuel Valls, Premier ministre

Budget de la mission outre-mer

Mme Gabrielle Louis-Carabin

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Suspension de l’écotaxe

M. Denis Jacquat

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Entraînement de jihadistes à Strasbourg

M. Gilbert Collard

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin

Mme Bernadette Laclais

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Aéroport Bâle-Mulhouse

Mme Claudine Schmid

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Continuité territoriale en outre-mer

M. Thierry Robert

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - Projet de loi de finances pour 2015

Discussion générale commune (suite)

M. Dominique Lefebvre

M. Hervé Mariton

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Nicolas Sansu

Mme Karine Berger

Mme Catherine Vautrin

M. Jean Launay

M. Pascal Cherki

M. Yves Censi

M. Razzy Hammadi

M. Jean-Luc Laurent

M. Damien Abad

M. David Habib

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

Article 1er

M. Alain Chrétien

Mme Marie-Christine Dalloz

Amendements nos 24, 59, 58 , 9

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 10 , 57, 56, 55, 54, 53

Article 2

Amendement no 11

Après l’article 2

Amendement no 31

Suspension et reprise de la séance

Article 3

Amendement no 12

Article 4

Article 5

Amendements nos 13 , 37 , 14

Article 6

Amendement no 38

Avant l’article 7

Amendement no 1

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par son président, M. Jacques Chagnon. Cette délégation est à Paris à l’occasion de la vingt-septième session de la commission interparlementaire franco-québécoise. Qu’ils soient les bienvenus ! (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

Merci, cet accueil est à la hauteur de l’amitié qui nous lie au Québec !

Quelques députés du groupe UMP et quelques députés du groupe SRC. Libre !

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Gaspillage alimentaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’agriculture et de l’agroalimentaire. J’y associe les soixante-huit députés, sur tous les bancs de notre assemblée, avec lesquels j’ai déposé la proposition de loi sur le gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces.

Monsieur le ministre, c’est un fait : en France, 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année. Pourtant la précarité s’installe dans des proportions inquiétantes, et nous savons pertinemment que certains produits frais sont dénaturés ou destinés à la méthanisation.

Parce que j’ai grandi dans une famille où l’on ne jette pas un morceau de pain, cette situation me paraît insupportable. La date du 16 octobre a été déclarée par le Gouvernement « Journée nationale de la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Le ministre a participé récemment à Lille, sur une chaîne nationale, à l’émission Gaspillage alimentaire : les chefs contre-attaquent.

Cette présence a constitué un signe encourageant, mais encore faut-il maintenant dépasser la communication et prendre des mesures pragmatiques. Pour lutter contre le gaspillage, il est nécessaire de renforcer l’éducation alimentaire, notamment en restauration collective. Nous avons rencontré de nombreuses associations caritatives, et j’ai moi-même participé à une collecte d’invendus dans une grande surface.

Monsieur le ministre, envisagez-vous d’astreindre toutes les grandes surfaces de plus de 1 000 mètres carrés à mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues et encore consommables, au profit d’associations caritatives ? Certaines enseignes ont déjà prouvé leur générosité, et il n’est pas question de revenir sur la défiscalisation du don.

Il est des préoccupations qui doivent transcender les usages politiciens. Le gaspillage alimentaire est de celle-là. Face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux, quelles dispositions concrètes envisagez-vous de prendre pour lutter efficacement contre ce fléau de notre société de consommation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Decool, je vous prie tout d’abord d’excuser M. Le Foll. Vous interrogez aujourd’hui le Gouvernement sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, et je vous en remercie.

Le gaspillage alimentaire, comme vous l’avez dit, représente vingt kilogrammes de déchets par an et par personne, alors que plus de 3,5 millions de personnes ont recours, chaque année, à l’aide alimentaire en France. Dans ce contexte, un pacte national a été lancé dès 2013 contre le gaspillage alimentaire par Stéphane Le Foll et Guillaume Garot, dont je veux saluer ici le travail.

La lutte contre le gaspillage alimentaire est l’un des quatre objectifs prioritaires de la nouvelle politique alimentaire présentée la semaine dernière en conseil des ministres. Cet engagement rejoint tout le travail mené par Marisol Touraine et moi-même pour que les associations puissent récupérer, dans les meilleures conditions, les denrées invendues, afin de les redistribuer à ceux qui en ont besoin.

Monsieur le député, votre proposition peut sembler aller dans le bon sens et nous partageons les mêmes objectifs. Mais le moyen proposé, consistant à rendre contraignant et obligatoire les dons aux associations, risque d’avoir un effet contraire.

Tout d’abord, il existe déjà de nombreux accords entre les associations et la grande distribution. Ensuite, comme vous l’avez dit, il existe déjà un dispositif incitatif de défiscalisation. Surtout, un dispositif obligatoire ferait peser une contrainte nouvelle sur les associations qui, vous le savez, disposent de moyens de distribution et logistiques limités. Enfin, il pourrait être tentant pour les grandes surfaces de donner sans trier des volumes importants de denrées non consommables, avec le risque de transférer aux associations la charge de la destruction des denrées non distribuables, ce qui serait dommageable pour elles.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite poursuivre et approfondir les plans et dispositifs existants en mettant davantage l’accent sur les mesures incitatives tout en renforçant la capacité des associations à récupérer et redistribuer de plus grands volumes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, elle s’appelle Mayssa Abdo, et sous le nom de Narine Afrine, elle est aux commandes des forces kurdes syriennes qui résistent contre Daech à Kobané.

Elle s’appelle Mayssa Abdo et elle personnifie le front de la liberté. Elle incarne le combat de ceux qui refusent d’être plongés dans l’obscurité de la barbarie et du fanatisme.

M. Jean-Luc Reitzer. Il faut les aider !

M. Bruno Le Roux. Oui, Kobané se bat et la communauté internationale ne doit pas, ne peut pas détourner le regard alors que des combattants donnent leurs vies pour défendre leur ville. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, et certains bancs des groupes GDR, UDI et UMP.)

Mes chers collègues, ces combattants héroïques ont besoin de notre appui car ce sont eux qui défendent Kobané. Ils se battent contre Daech pour assurer la sécurité des populations locales et protéger leur territoire. En se battant contre les terroristes, ils se battent aussi pour nous.

La Turquie doit prendre la mesure de ce qui se joue à sa frontière et assumer ses responsabilités. Le plus grand ennemi de la Turquie, c’est Daech, c’est le terrorisme !

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument ! C’est ce que j’ai dit à l’ambassadeur !

M. Bruno Le Roux. Si la Turquie accueille des réfugiés syriens, elle doit aussi laisser passer les combattants qui veulent rejoindre Kobané et permettre ainsi que des armes soient livrées aux combattants de la liberté. (Mêmes mouvements.)

Notre responsabilité est de ne pas abandonner Kobané à la furie des djihadistes.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de la défense, le Président de la République a lancé un appel soulignant l’urgence de l’instauration d’une zone tampon. Il faut qu’au-delà de la coalition, la communauté internationale réagisse. La France combat Daech par ses moyens diplomatiques et militaires, avec les frappes de nos avions Rafale.

Monsieur le Premier ministre, ce combat mené contre Daech ne se limite pas à Kobané mais Kobané en est devenu un des symboles. Pouvez-vous ici nous confirmer la volonté de la France d’aider ces combattants et de combattre partout ces terroristes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur Le Roux, depuis le 19 septembre, les forces armées françaises sont directement engagées dans la lutte contre Daech.

M. Jean-Luc Reitzer. Deux frappes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Elles procèdent à des opérations de reconnaissance, d’identification et de frappe contre les terroristes du groupe Daech. Le Président de la République, comme vous l’avez rappelé, a décidé de renforcer le dispositif militaire engagé en Irak. Ce renforcement est désormais effectif, avec l’arrivée de trois Rafale supplémentaires, ce qui porte le total à neuf, ainsi que des moyens accrus de renseignement et une frégate.

Les opérations se poursuivront aussi longtemps que nécessaire pour réduire les capacités de Daech et permettre à l’armée irakienne de reprendre le dessus.

La France intervient avec les États-Unis dans le cadre d’une large coalition internationale qui comprend d’abord des pays arabes, et des partenaires européens dont il convient de saluer la décision de contribuer militairement aux actions menées en Irak. La participation de l’Australie à la coalition et la décision du Canada de la rejoindre prochainement démontrent également que le combat contre Daech englobe un nombre croissant d’États confrontés aux défis et aux menaces de ce groupe terroriste, et vous savez la nature de cette menace.

Monsieur Le Roux, vous l’avez dit avec des mots très forts, à Kobané, ville frontalière avec la Turquie, ce combat se déroule sous les yeux de la communauté internationale et met en relief l’impérieuse nécessité de poursuivre notre action avec la plus grande détermination. De nombreuses villes dans la région, en Irak comme en Syrie, livrent loin des caméras une bataille désespérée contre la progression des forces jihadistes ou contre celles du régime de Bachar El-Assad.

Par ailleurs, vous savez que nous soutenons les Kurdes au Kurdistan par l’aide humanitaire et la livraison d’armes. Parallèlement à nos actions en Irak, la France agit pour permettre à l’opposition syrienne modérée, en particulier celle représentée par l’Armée syrienne libre, de reprendre du terrain à Daech. L’action que nous menons en Syrie est complémentaire des opérations militaires que mènent sur ce théâtre les forces américaines et les pays arabes.

Comme l’a souligné hier devant vous le ministre des affaires étrangères, tous ceux qui sont en position d’agir sur le terrain doivent le faire immédiatement, le plus vite possible. La coalition, tout d’abord, doit le faire par des frappes pouvant entraver Daech. Elles ont commencé, mais leur rythme doit s’accroître.

Pour répondre directement à votre question, la France est favorable à l’instauration d’une zone tampon, d’une zone de sécurité. Enfin, je le dis avec beaucoup de force dans cette assemblée, nous appelons la Turquie à prendre toutes ses responsabilités et toutes les mesures qui s’imposent face à un adversaire qui, en s’emparant de cette ville, contrôlerait un verrou stratégique dans la région. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Nous le devons parce que nous menons cette lutte contre le terrorisme et la barbarie, nous le devons parce que la stabilité de la région est un impératif, et nous le devons à nos amis Kurdes. (Mêmes mouvements.)

Lutte contre la précarité

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Monsieur le Premier ministre, hier, le Président de la République a été interpellé par les associations de lutte contre la pauvreté, qui déplorent que les plus fragiles ne soient pas au cœur de l’action gouvernementale.

Le vendredi 17 octobre sera la journée mondiale du refus de la misère, journée qui, je le rappelle, a été instituée en 1987 suite à l’appel lancé par le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde. C’était à Paris, autour du parvis du Trocadéro, à l’occasion du rassemblement de plus de 100 000 personnes venues exprimer la nécessité de s’unir pour faire respecter les droits de l’homme.

Et comment ne pas rappeler le combat contre la déshumanisation de la misère mené par Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, venue ici-même en 1997 interpeller la représentation nationale et les pouvoirs publics ?

Voulue pour dénoncer la discrimination et la précarité sociale, voulue pour sensibiliser aux préjugés contre les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, cette journée du 17 octobre est reconnue depuis 1992 par l’ONU.

Or, plus le chômage s’accroît, plus la crise économique et sociale s’accentue, plus la vie devient difficile pour nos concitoyens les plus modestes, plus les situations de précarité se multiplient et, dans notre pays comme dans la plupart des pays développés, plus les idées reçues sur les pauvres se répandent. C’est un fait malheureusement trop connu. Or, si les personnes fragilisées par la crise ont besoin de soutien matériel, il faut d’abord et avant tout qu’elles soient reconnues et considérées dans leur dignité.

Face à cette situation, monsieur le Premier ministre, quelles sont les priorités du Gouvernement dans le contexte actuel d’austérité budgétaire, et quelles sont les actions envisagées pour lutter contre la grande précarité ? Enfin, quels moyens financiers peuvent être mobilisés dans les mois à venir ? Cette question doit tous nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Le 17 octobre est effectivement la journée mondiale du refus de la misère. Cette année, elle a pour thème : « Ne laisser personne de côté : réfléchir, décider et agir ensemble contre la misère ».

Le Gouvernement est engagé dans le combat contre la pauvreté. Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté en janvier 2013, a fait l’objet d’une large concertation avec les collectivités locales, les administrations, le monde associatif mais aussi les personnes en situation de précarité elles-mêmes. Il mobilise tous les ministères et son budget a été préservé : c’est un choix fort du Gouvernement.

Ce plan pluriannuel contre la pauvreté comprend des mesures concrètes. Je vais vous en citer quelques-unes. D’abord, pour améliorer le pouvoir d’achat des familles fragiles, le RSA est augmenté de 2 % par an en plus de l’inflation, le complément familial est augmenté de 10 % par an et l’allocation de soutien familial fait l’objet d’une hausse de 5 % par an.

Ce plan contient également des mesures concrètes pour l’hébergement d’urgence et le logement : 7 000 places ont été créées en hébergement d’urgence, 117 000 logements sociaux ont été financés en 2013 et 134 000 le seront en 2014.

Je veux aussi citer les mesures pour aider les familles à payer leurs factures d’énergie, avec le chèque énergie, et pour favoriser l’accès aux soins, avec l’élargissement de l’accès à l’aide à la complémentaire santé et à la couverture maladie universelle.

Quant à l’accès à l’alimentation pour les plus démunis, les crédits européens sont confirmés tandis que des crédits nationaux sont consacrés à l’aide alimentaire, à hauteur de 32 millions d’euros par an.

Ce plan comprend enfin des mesures pour les jeunes, avec les emplois d’avenir, mais aussi la garantie jeunes qui concerne dix départements et en concernera quarante en 2015.

Nous ne pourrons pas éradiquer la pauvreté, mais il est de notre devoir de la combattre car, comme l’a dit le Président de la République, elle est une humiliation pour la République. L’ensemble du Gouvernement est mobilisé et tous les engagements du plan seront tenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le Premier ministre, nous avons adopté hier une loi ambitieuse et réaliste sur la transition énergétique,…

M. Jacques Myard. C’est faux !

Mme Eva Sas. …qui constitue une véritable avancée pour notre pays. Nous nous en félicitons.

Mais comment comprendre qu’au même moment, la ministre de l’écologie annonce l’abandon pur et simple de la taxe poids lourds, un véritable non-sens écologique et financier par lequel on renonce à diminuer le trafic des camions sur nos routes et qui risque de coûter plus de 1,6 milliard d’euros aux finances publiques ?

Comment comprendre que l’idée de la gratuité des autoroutes le week-end soit avancée, alors qu’il s’agirait d’un véritable encouragement au trafic routier et que l’enjeu est tout autre, puisqu’il faut au contraire augmenter les prélèvements sur la rente des sociétés d’autoroutes pour mieux financer les transports ?

Comment comprendre encore que l’on baisse les crédits de l’écologie de 480 millions d’euros, que l’on diminue le soutien de l’État aux transports collectifs…

M. Patrice Carvalho. Vous l’avez voté !

Mme Eva Sas. …ou encore que l’on n’inscrive pas dans la prochaine loi de finances le chèque énergie, qui était pourtant l’une des mesures essentielles de la loi de transition énergétique ?

M. Sylvain Berrios. Vous l’avez voté !

Mme Eva Sas. L’écologie a besoin de cohérence pour avancer, et l’écologie a aussi, il faut le dire, besoin d’un minimum de moyens. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, nous avons donc déposé un certain nombre d’amendements qui pourraient donner à l’écologie les moyens qui lui font cruellement défaut aujourd’hui : l’application de la hausse de la fiscalité diesel aux poids lourds, une mesure d’équité indispensable pour éviter que le financement des transports ne repose uniquement sur les ménages,…

M. Pascal Terrasse. Nous sommes d’accord !

Mme Eva Sas. …la fin des avantages fiscaux accordés aux sociétés d’autoroutes, ou encore le maintien du budget de l’écologie.

Monsieur le Premier ministre, ma question est donc la suivante : nous suivrez-vous dans ce sens pour que l’écologie fasse enfin partie des priorités budgétaires du Gouvernement et que cette belle loi sur la transition énergétique que nous avons adoptée hier ne reste pas lettre morte faute de moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Merci, madame Sas, de souligner l’intérêt du texte que votre assemblée a adopté hier…

M. Philippe Goujon. C’est du baratin !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et merci d’être exigeante quant aux conditions de sa mise en œuvre.

Ce n’est pas la première fois que ce gouvernement et cette majorité mettent en place des mesures de fiscalité environnementale. Vous aviez voté la contribution climat énergie, qui monte progressivement en puissance, de façon vertueuse,…

M. Marc Le Fur. Les automobilistes vont apprécier !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour jouer sur les comportements et abonder un certain nombre de financements utiles.

Vous avez bien noté que, dans le projet de loi de finances, 28 millions d’euros sont consacrés aux primes destinées à la conversion des véhicules anciens polluants en véhicules propres. Vous avez également noté que le crédit d’impôt pour la transition énergétique sera simplifié et augmenté, puisque 30 % de crédit d’impôt seront attribués, pour un coût annuel de l’ordre de 700 millions d’euros supplémentaires en année pleine.

Vous avez évoqué la question des infrastructures de transport. Je suis en mesure de vous confirmer que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France sera verra doter d’un budget équivalent à celui de l’année précédente.

Ceci nécessitera de trouver des financements. Vous avez évoqué la piste des sociétés concessionnaires d’autoroutes : le Premier ministre a engagé avec elles un dialogue exigeant – c’est le moins qu’on puisse dire. Nous avons bien pris note de vos propositions, parmi lesquelles la mise à contribution de l’ensemble des utilisateurs des réseaux autoroutiers pour financer les infrastructures de transport.

M. Dominique Baert. Très bien !

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrice Verchère. Ma question, qui s’adresse à M. le Premier ministre, concerne l’acharnement du Gouvernement contre les familles de France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En effet, depuis 2012 et l’élection de François Hollande, les mesures contre les familles se sont succédé : baisse du quotient familial, fiscalisation des majorations de pensions, réduction de la PAJE, soit déjà plus de 4,5 milliards d’euros pris dans leur porte-monnaie. À ce niveau-là, c’est du harcèlement !

Et maintenant, le projet de loi de finances prévoit un nouveau coup de rabot de 700 millions pesant sur les familles de France alors que parallèlement, vous augmentez de 73 millions d’euros les crédits alloués à l’aide médicale d’État, qui donne aux clandestins un accès aux soins gratuit. (« Scandaleux ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cette aide avoisinera rapidement le milliard d’euros.

Mais revenons aux familles. Cette année, celles qui ont de jeunes enfants sont encore dans le viseur de votre politique, avec le report de quatorze ans à seize ans de la majoration des allocations familiales. La création d’une tranche supplémentaire au complément de mode de garde sanctionnera les mêmes.

La réduction de la prime de naissance à partir du deuxième enfant est encore un mauvais signe adressé aux parents qui souhaitent agrandir leur famille tandis que la réduction du congé parental est un coup bas porté à l’emploi des femmes et à l’éducation des enfants.

Mais ce massacre de notre politique familiale ne vous suffit pas, puisque vous souhaitez en plus introduire la modulation des allocations familiales selon les revenus.

Prévenons tout de suite nos compatriotes : avec cette idée, vous ouvrez la boîte de Pandore du démantèlement de notre système de sécurité sociale. En effet, aujourd’hui vous vous en prenez à la branche famille, mais qui nous dit que demain vous ne soumettrez pas les remboursements de santé aux revenus des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, les dépenses de la branche famille ne sont pas de simples dépenses, elles constituent un investissement pour l’avenir.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Patrice Verchère. Oui, monsieur le Premier ministre, vos mesures répétées contre les familles finiront par avoir des effets catastrophiques sur l’économie, sur la natalité et sur l’emploi des femmes.

Monsieur le Premier ministre, cessez de vous en prendre aux familles qui sont les forces vives de la nation ! Monsieur le Premier ministre, allez-vous retirer vos mesures et vos projets funestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous en prie !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le député, je vais commencer par la fin de votre intervention : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui est discuté en ce moment au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée réussit à faire participer l’assurance maladie aux économies de dépenses réalisées par le Gouvernement en ne portant atteinte à aucun remboursement ni aucun accès aux soins, et même en accroissant l’accès aux soins pour les malades de l’hépatite C par exemple. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le parallèle que vous établissez entre les économies sur la branche famille, les débats qui ont lieu actuellement au Parlement et la défense de l’assurance maladie est donc peu opportun.

M. Élie Aboud. Ah oui ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. En ce qui concerne la branche famille, j’ai déjà eu l’occasion de dire ici que l’ensemble des dépenses que la France consacre à la famille et à l’accueil de l’enfant se situe entre 100 et 120 milliards d’euros. Ces dépenses seront en effet affectées par 700 millions d’économies. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. Vous voyez bien !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Au regard de l’ensemble des dépenses, et sans sous-estimer cet effort, cela relativise considérablement l’ampleur de ces économies.

M. Claude Goasguen. L’argument est facile !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Depuis deux ans, le Gouvernement soutient la branche famille (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Catherine Vautrin. Ah oui ?

M. Marc Le Fur. Qu’en serait-il si tel n’était pas le cas ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …particulièrement les familles les plus en difficulté, les familles précaires, les familles pauvres, les familles monoparentales dont vous ne parlez jamais (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. Monsieur Meunier ! Monsieur Verchère ! Écoutez la réponse qui vous est faite.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …et qui sont celles en faveur desquelles nous déployons le plus d’efforts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Loi sur la croissance

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique Emmanuel Macron, aujourd’hui, vous avez donné le coup d’envoi d’une grande et importante réforme du quinquennat. Elle prendra la forme d’un projet de loi présenté au conseil des ministres puis dans cet hémicycle au cours des prochains mois et porte sur l’attractivité et l’égalité des chances économiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

De quoi s’agit-il ? Nous voulons fonder une stratégie cohérente pour remettre de la fluidité, de la facilité et de la confiance dans les rouages parfois grippés de notre économie. (Mêmes mouvements.)

Ce sera donc un ensemble de mesures ciblées, précises et concrètes qui devra être adopté pour donner de l’énergie et créer de nouveaux gisements de croissance, d’emplois et d’initiatives, et libérer l’innovation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, votre projet esquisse plusieurs orientations intéressantes qu’il nous faudra travailler : rénover les professions réglementées, développer les transports en bus, remettre en cause les abus des sociétés d’autoroutes, mais aussi dynamiser l’intéressement salarié par l’actionnariat ou l’épargne, rénover les prud’hommes ou adopter des solutions nouvelles pour le travail le dimanche.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une question.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ce sont tous de grands chantiers. Il y aura des réticences, nous ferons des avancées. Monsieur le ministre, avec le New Deal européen lancé par la France et l’Italie, qui va se mettre en œuvre progressivement et mobiliser 300 milliards d’euros, notre majorité actionne donc tous les leviers de croissance.

Car, face aux difficultés, et il y en a, il n’est évidemment pas possible de se résigner ou de baisser les bras. Alors, faire confiance, simplifier massivement et retrouver le sens de l’intérêt général : ce sont ces principes simples qui guident notre action et la vôtre. Aussi, pouvez-vous nous dire quels seront les résultats attendus de votre loi Activité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien ! Zéro !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ne soyez pas impatients, il va vous répondre !

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Madame la députée, je vous remercie de votre question. Ce matin, lors du conseil des ministres, une première communication a permis de présenter à la fois l’esprit de ce que sera le projet de loi pour l’activité et quelques premières mesures. Ce ne sont que de premiers axes de réflexion.

L’objectif de ce projet de loi, comme j’ai plusieurs fois eu l’occasion de le dire ici, c’est véritablement de déverrouiller notre économie, de libérer l’activité là où c’est possible, c’est-à-dire de simplifier massivement les règles devenues obsolètes et de préserver les règles utiles là où elles existent, par exemple le monopole officinal, le monopole de l’acte authentique ou le maillage territorial.

M. Jacques Myard. C’est fou !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais partout où des règles inutiles existent, il faut les simplifier parce que les règles inutiles brident l’activité.

M. Thierry Mariani. C’est de la théorie.

M. Emmanuel Macron, ministre. Les règles inutiles écartent de l’activité les plus fragiles, les plus jeunes.

L’objectif de ce projet de loi sera de déverrouiller notre économie, vous l’avez dit, madame la députée. C’est un travail collectif de tout le Gouvernement parce que la restauration de la confiance et cette simplification, nous les ferons toutes et tous ensemble, chacun pour nos départements ministériels.

C’est aussi un travail pour lequel je compte m’appuyer particulièrement sur le Parlement. Car sans les territoires, sans ceux que vous représentez, cela ne sera pas possible. Des idées complémentaires doivent donc abonder ce texte. Une concertation permanente doit être menée, elle a d’ailleurs commencé avec Cécile Untermaier et Richard Ferrand. Ce travail sera mené dans la concertation, négocié, et François Rebsamen est en première ligne sur ce sujet, avec les partenaires sociaux.

Mesdames, messieurs les députés, madame la députée, nous ne réussirons ce travail collectif que si nous gardons à l’esprit deux principes simples. Le premier, c’est que libérer, dans beaucoup de situations, c’est accroître les droits. Le second, c’est que l’intérêt général, et vous le savez comme moi, doit passer devant tous les corporatismes. Car nos premiers ennemis, ce seront les corporatismes. (Applaudissements plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Situation de la recherche française

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche, notre pays sera-t-il en mesure de relever les défis scientifiques et culturels du XXIsiècle ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cette question est au cœur des alertes lancées par les chercheurs et les universitaires.

La recherche française a prouvé sa qualité grâce à l’indépendance intellectuelle des scientifiques et à la confiance que la nation leur a accordée. Pourtant, l’emploi scientifique connaît une situation dramatique : une baisse de 15 % des doctorants entre 2000 et 2011, la perte de 806 emplois en douze ans au CNRS, une masse salariale des universités inchangée depuis quatre ans et une pénurie budgétaire qui les pousse à utiliser à d’autres fins les crédits ouverts. Ainsi, 2 080 postes autorisés n’ont pas été pourvus entre 2011 et 2013.

La situation n’est pas meilleure dans la recherche privée, où le crédit impôt recherche, d’un montant de 6 milliards d’euros, n’a pas fait preuve de son efficacité, comme le soulignent les rapports de la Cour des comptes et de l’OCDE. Les regroupements à marche forcée que vous avez initiés poussent à une concurrence malsaine, alors que la recherche exige de la coopération. Pour le président du Conseil scientifique du CNRS, cette situation est « un drame démocratique et scientifique ».

Pour en sortir, plusieurs actions sont en cours : un texte du Conseil scientifique du CNRS, celui de la coordination des responsables du Comité national de la recherche scientifique et une pétition, qui a déjà recueilli près de 20 000 signatures. Enfin, vendredi 17 octobre, les manifestants de Sciences en marche, avec l’ensemble des syndicats, arriveront de toute la France à Paris.

Madame la ministre, allez-vous entendre ces graves préoccupations, décider d’un moratoire sur les regroupements, revoir le dispositif du crédit impôt recherche pour en affecter une grande part aux laboratoires publics de recherche et décider enfin un plan ambitieux pour l’emploi scientifique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la ministre Marie-George Buffet, comme vous, le Gouvernement est sensible à l’emploi scientifique, en particulier à l’insertion des jeunes chercheurs. Concernant l’emploi scientifique, je rappellerai simplement les chiffres : dans les grands organismes de recherche, il a augmenté de 1 437 personnels de recherche entre 2009 et 2013. À l’université, l’augmentation réelle et vérifiée est encore plus importante, avec la création de 5 402 postes entre 2003 et 2013.

Mme Marie-George Buffet. Ils ne sont pas pourvus !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Dans le secteur privé, la progression est encore meilleure, avec 5 000 emplois de plus par an, liés notamment à la bonne utilisation du crédit impôt recherche.

Les comparaisons internationales montrent d’ailleurs toute l’importance de cet effort, la France se situant, pour la part publique de la recherche et pour le nombre de chercheurs en proportion de la population, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Cependant, vous avez raison : oui, il y a un problème. Le problème qui se pose aujourd’hui est celui du recrutement des jeunes. Le budget de la recherche a été sanctuarisé par ce gouvernement, ce qui en fait une priorité dans une période de réduction des déficits publics, mais il y a moins de départs à la retraite, car le départ de la génération des baby-boomers est derrière nous. Il faut donc compenser ce manque de départs à la retraite qui, à budget constant, réduit mécaniquement les possibilités d’embauche.

J’ai donc demandé aux organismes de recherche de prendre toutes leurs responsabilités et de donner la priorité à l’embauche des jeunes docteurs, à leur insertion, à l’insertion des post-doc, plutôt qu’aux fins de carrière. Je me suis engagée à ce que chaque départ à la retraite soit compensé « un pour un », qu’il s’agisse d’un chercheur, d’un technicien, d’un ingénieur ou d’un administratif, ce qui n’avait jamais été fait.

Pour conclure, je veux rendre hommage à la qualité de la recherche française : avec Serge Haroche, Alim-Louis Benabid, Artur Avila, Patrick Modiano et Jean Tirole, la France a reçu en deux ans cinq grands prix internationaux pour une économie de la connaissance que tout le monde félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Salles de shoot

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yannick Moreau. Monsieur le Premier ministre, ce matin, le conseil des ministres a adopté le projet de loi de santé et donc, par son article 8, la légalisation des « salles de shoot », rebaptisées pour l’occasion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Malgré le glissement sémantique, les faits sont là : le Gouvernement a décidé de légaliser les salles de shoot, non plus seulement à Paris mais sur l’ensemble du territoire national. On nous dit que c’est pour six ans, mais combien de millions d’euros y seront consacrés au détriment des politiques de prévention précoce, bien insuffisantes dans notre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, légaliser les salles de shoot est une très grave erreur. Neuf pays seulement ont tenté cette aventure. Partout, c’est un échec.

Plus qu’une erreur, la légalisation des salles de shoot est une faute. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est une faute contre notre jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe UDI), à qui vous adressez un terrible signal de banalisation de la drogue, qui pourrait désormais être légalement consommée dans certains endroits protégés de la République.

C’est une faute contre nos forces de l’ordre qui, au péril de leur vie, luttent sans relâche contre le trafic de drogue. C’est une faute contre les familles (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC) frappées par le fléau de la drogue et qui attendent autre chose du Gouvernement qu’un témoignage de laxisme et de fatalisme.

Monsieur le Premier ministre, dans la crise que nous traversons, la légalisation des salles de shoot est-elle vraiment une priorité nationale ? Combien vont coûter aux contribuables ces six années de prétendue expérimentation et où allez-vous trouver l’argent ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, arrêtez de chercher à masquer l’échec économique de votre gouvernement par des rideaux de fumée idéologiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez de vouloir tout banaliser et de déconstruire un à un, jour après jour, les repères fondamentaux de notre société.

Avec cent collègues, nous déposerons cet après-midi une résolution parlementaire pour contrer cette initiative gouvernementale inopportune, inefficace et dangereuse pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Yannick Moreau, j’ai présenté ce matin en conseil des ministres un projet de loi portant sur l’avenir de notre système de santé, pour faire en sorte que l’ensemble de nos citoyens puissent se soigner dans de meilleures conditions. (« Quel rapport ? » et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce texte comporte de très nombreuses mesures pour la prévention en matière de tabac et d’alcool, pour la lutte contre l’obésité, pour l’accès de tous aux soins, avec l’instauration du tiers payant, et pour l’organisation du parcours de soins, avec le médecin traitant de l’enfant et la reconnaissance de l’hôpital public. Parmi ces très nombreuses mesures, il y a aussi la volonté d’accroître les moyens que nous consacrons à la réduction des risques et à faire en sorte que les toxicomanes puissent être soignés – tous les toxicomanes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. S’il y a une faute, monsieur le député, c’est de ne pas vouloir soigner des hommes et des femmes qui ont pour seul tort d’être malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) S’il y a de l’idéologie, c’est de brandir des risques là où ils ne sont pas. (Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Moi, je ne veux pas, monsieur le député, que des enfants jouent dans des bacs à sable où traînent des seringues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je préfère que les parents puissent être pris en charge dans des centres de réduction des risques. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je sais bien que cette question soulève les passions, mais je vous prie de les contenir.

Mme Marisol Touraine, ministre. Moi, je n’accepte pas qu’il y ait des hommes et des femmes qui ne trouvent pas d’accompagnement, de porte vers le système de soins. C’est tellement vrai qu’il y a des parlementaires, des élus de votre groupe, qui ont apporté leur soutien, au cours des années précédentes, à cette démarche ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Nous en débattrons, monsieur le député, mais moi, je parle de santé et d’accompagnement, pas d’idéologie. Je suis convaincue que nous pouvons nous retrouver sur ces impératifs de santé publique. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

Restructurations dans le domaine de la défense

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Michel Clément. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Un député du groupe UMP. Il n’y en a plus !

M. Jean-Michel Clément. Monsieur le ministre, l’engagement militaire de la France dans le monde est aujourd’hui un atout pour la paix. Sur une multitude de théâtres d’opération, nos forces se déploient pour apporter la solution appropriée aux menaces à la sécurité mondiale. La représentation nationale est unie pour saluer l’action de nos troupes sur ces terrains périlleux.

Dans un contexte marqué par de fortes mutations et des contraintes économiques, notre défense doit relever de nouveaux défis. Ces défis ont été recensés dans le Livre blanc de 2013.

Monsieur le ministre, depuis votre prise de fonction, vous avez affirmé une réelle volonté d’adapter l’armée française aux nouveaux périls, aux nouveaux enjeux de la défense nationale. Pour adapter notre armée, vous avez fait le choix, dans la concertation, avec courage et responsabilité, d’une loi de programmation militaire précise redéfinissant le format des armées, qui nous oblige notamment à réorganiser les services pour rendre notre armée plus efficace.

Vous avez annoncé il y a quelques heures de nouvelles restructurations importantes. Ces restructurations ont été guidées par l’intérêt général et la volonté de maintenir le niveau de nos capacités opérationnelles. Le temps où ces choix étaient dictés par des intérêts politiques locaux n’est plus. (« Oh ! » sur divers bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est incroyable d’entendre ça ! On croit rêver !

M. Jean-Michel Clément. Parmi les restructurations figurent des dispositions concernant des régiments et la modernisation du service de santé des armées, touchant notamment le Val-de-Grâce.

Sans entrer dans les détails, la modernisation du service de santé des armées appelle l’attention de la représentation nationale. Neuf hôpitaux d’instruction des armées de qualité sont implantés en province et le Val-de-Grâce est une institution nationale.

Pouvez-vous nous rappeler quels principes guident ces choix et nous préciser quelle sera la nouvelle organisation du service de santé des armées ? (« Allô ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Plus particulièrement, quel est l’avenir de l’hôpital du Val-de-Grâce ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Michel Clément, ainsi que vous l’avez rappelé, j’ai notifié ce matin le dispositif des restructurations pour l’année 2015 prévues dans la loi de programmation militaire et portant sur 7 500 postes. J’ai respecté mes engagements, qui consistaient à toucher le moins possible aux unités opérationnelles et à procéder le moins possible à des dissolutions – certaines sont douloureuses, mais il y en a peu.

Vous m’interrogez plus particulièrement sur la dimension santé de ce dispositif et notamment sur la mise en œuvre du projet de service de santé des armées, que l’on appelle dans le jargon « SSA 2020 ». Je souhaite à ce propos préciser que sur les neuf hôpitaux militaires dont vous avez parlé, huit seront pérennisés en évoluant dans leurs fonctions sur la longue durée. Il restait un problème : le Val-de-Grâce. En effet, il n’y a pas eu de travaux dans cet établissement depuis 1978. Nous sommes donc obligés, dès à présent et pour une durée qui irait jusqu’à 2020, d’initier les travaux de sécurité et de mise en conformité indispensables pour plusieurs centaines de millions d’euros. Or à proximité se trouvent deux établissements militaires performants et récents, Bégin et Percy. Par ailleurs, l’offre de soins civile dans cette partie de Paris est largement significative. J’ai donc décidé de procéder progressivement à un transfert des activités hospitalières militaires sur ces deux établissements et de faire en sorte que le Val-de-Grâce, lieu historique qui fait partie de notre mémoire, devienne demain tout à la fois le lieu de la formation pour la médecine militaire et le lieu de la recherche militaire, qui est en France très en pointe. Comme vous le voyez, la réponse est globalement positive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, il est permis de s’interroger : la France est-elle toujours un État de droit (Exclamations sur divers bancs du groupe SRC.),…

M. Jean Glavany. Vous n’allez pas nous donner des leçons de morale ?

M. Georges Fenech. …tant les violations répétées des droits fondamentaux s’étalent chaque jour dans une certaine presse qui mène manifestement un combat politique en utilisant les moyens de l’État ?

M. Jean Glavany. Trafic d’influence, marchand d’armes !

M. Georges Fenech. En effet, dans sa dernière édition, l’hebdomadaire Valeurs actuelles révèle que deux journalistes du journal Le Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, mènent leurs investigations contre Nicolas Sarkozy en bénéficiant d’une protection policière permanente composée de deux véhicules et de huit agents de sécurité, ce qui représente 400 000 euros par an aux frais de l’État.

M. Jean Glavany. Vous êtes bien placé pour faire la morale, avec ces aventures africaines !

M. Georges Fenech. Ces deux journalistes enquêteurs ont été reçus successivement le 3 octobre à dix-neuf heures à l’Élysée – comme par hasard, la veille d’un article sur l’affaire Bygmalion ! –,… (Exclamations de M. Nicolas Bays.)

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Bays !

M. Georges Fenech. …puis le 6 octobre à douze heures cinquante, au ministère de la justice – comme par hasard, la veille de l’article portant sur des soupçons en provenance du Kazakhstan. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Comment savez-vous cela ? Qui vous l’a dit ?

M. Georges Fenech. Mais ce qui paraît encore plus grave et inquiétant, mais peut-être est-ce toujours le fruit du hasard, les deux journalistes en question…

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît ! Je demande aux uns et aux autres d’écouter la question et la réponse ! M. Fenech recevra une réponse ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Fenech, poursuivez !

M. Bernard Roman. Comment savez-vous cela ? C’est incroyable, en démocratie ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Cela suffit ! S’il vous plaît, monsieur Roman ! Écoutez la question ; il y aura une réponse ! Allez-y, monsieur Fenech !

M. Georges Fenech. Monsieur le président, est-ce que certaines questions dérangent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI ; protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Fenech, je vous rajoute un peu de temps de parole, mais n’abusez pas !

M. Georges Fenech. Si vous voulez bien m’écouter, mes chers collègues, je disais à l’instant que ce qui me paraît plus grave et plus inquiétant, mais peut-être est-ce le fruit du hasard, c’est que les deux journalistes en question terminent leur périple le même jour, le 6 octobre à quinze heures, au pôle judiciaire financier de Paris, en charge des enquêtes contre Nicolas Sarkozy.

M. Jean Glavany. Vous êtes mal placé pour donner des leçons de morale !

M. Georges Fenech. Monsieur le Premier ministre, vous êtes comme nous attaché à l’indépendance de la justice et à la liberté de la presse. Mais ne croyez-vous pas…

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, j’ai arrêté le chronomètre pendant le désordre et j’ai rallongé le temps de parole de l’orateur !

La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Regardez donc le chronomètre ! Il a été arrêté pendant toute la période où M. Fenech n’a pas pu parler !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Georges Fenech, il me semble avoir compris le sens de votre interpellation et de votre question. Je vous répondrai très rapidement. Vous avez rappelé les principes de l’État de droit, principes qui sont ceux de ce gouvernement : d’une part l’indépendance de la presse et, d’autre part, l’indépendance de la justice. Ces deux principes, dans le passé, n’ont pas été toujours été respectés. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Guy Teissier. Vous pensez à Mitterrand ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces deux principes, puisque vous parlez d’État de droit, sont fondamentaux et doivent être bien évidemment respectés : la presse doit pouvoir faire son travail, et il ne sert à rien de la mettre en cause ici dans cet hémicycle. Quant à la justice, elle doit pouvoir faire son travail et il est déconseillé de la mettre en cause, monsieur Fenech, surtout à l’Assemblée nationale, ou au Parlement d’une manière générale – même si cela a déjà été le cas, malheureusement !

Sur la base de ces deux principes, je vous rappelle que nous sommes précisément dans un État de droit. Ce gouvernement en particulier respecte le travail de la justice et des magistrats.

M. Claude Goasguen. Et le secret de l’instruction ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais si vous voulez que nous allions encore plus loin, il y a des réformes constitutionnelles que nous pourrions voter ensemble : ainsi, les mots et les actes seraient enfin mis en conformité de votre côté !

M. Charles de La Verpillière. Répondez à la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Deux principes – pour le reste, les affaires que vous évoquez ne nous concernent pas, mais concernent le travail de la presse et de la justice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Budget de la mission outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la ministre des outre-mer, les dispositions du projet de budget pour la mission Outre-mer, que vous avez récemment présentées à la presse, vous ont permis de réaffirmer la priorité qu’accorde le Gouvernement à ces territoires éloignés. Cette priorité s’était traduite dès le début de ce quinquennat par des mesures fortes visant à renforcer la compétitivité et la croissance et à consolider le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

C’est la troisième année que ce budget est en hausse, avec une progression significative de 2,6 % des crédits affectés à cette mission, qu’il est essentiel d’inscrire dans la durée à travers un cadre juridique stable.

Plus qu’une volonté politique, cette augmentation doit inévitablement se traduire dans les faits, s’ancrer dans la réalité, afin de stimuler et de structurer mieux encore tout le potentiel des outre-mer.

Quels seront, madame la ministre, les apports du pacte de responsabilité et de solidarité ? Qu’en est-il de la mise en œuvre en outre-mer du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ? L’économie sociale et solidaire ne devrait-elle pas être une des solutions innovantes susceptibles de favoriser l’emploi, dont le développement demeure très fragile ? Quels sont les axes de votre politique en faveur de la continuité territoriale ?

Autant de questions qui m’amènent à vous demander de nous indiquer les grandes priorités de votre feuille de route.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Il est vrai madame la député, que ce Gouvernement a fait du développement des outre-mer une priorité. C’est la raison pour laquelle le projet de budget pour les outre-mer est effectivement en hausse de 2,5 %, en dépit du contexte que nous connaissons. C’est qu’il nous faut absolument pérenniser les politiques publiques destinées à lutter contre ce fléau que constitue le chômage, qui atteint des taux si élevés dans nos territoires d’outre-mer.

Les grandes priorités de ce budget sont l’emploi, la formation, la jeunesse, l’investissement public. Il s’agit de relancer des secteurs qui, tel le logement social, sont susceptibles de créer les emplois dont nous avons besoin.

La mise en œuvre du pacte de responsabilité en outre-mer est également un des axes de ma feuille de route. Quant au CICE, son taux, de 6 % en métropole, sera majoré dans les outre-mers, où il sera porté à terme à 9 %, de manière à ce que les entreprises bénéficient d’un allégement des coûts sociaux.

Afin de garantir le respect du pacte social dans les outre-mers, nous nous efforçons d’y améliorer les conditions de la vie quotidienne, notamment des jeunes. C’est la raison pour laquelle j’ai renforcé le dispositif de continuité territoriale. Il s’agit notamment de le rendre plus efficace pour faciliter le départ des jeunes en formation, tout en en précisant les critères sociaux afin qu’il ne soit pas ouvert à tous les vents.

Responsabilité et développement : tels sont nos objectifs pour les outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Suspension de l’écotaxe

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Monsieur le Président, ma question, à laquelle s’associe Marie-Jo Zimmermann, s’adresse à M. le Premier ministre.

Après plus de deux ans de flou, votre ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie vient d’annoncer la fin de l’écotaxe, au grand dam de beaucoup d’acteurs de la vie politique de notre pays.

Cette annonce brutale est une reculade royale et coûteuse.

En dépit des doutes exprimés par votre ministre des finances et des interrogations du précédent secrétaire d’État aux transports, vous prétendez ne voir « aucun propos contradictoire ».

Pourtant le malaise, et surtout une série de questions sans réponse, subsistent.

Tout d’abord, où l’État trouvera-t-il les 400 millions promis à l’Agence de financement des infrastructures en France, l’AFITF, qui auraient dû être prélevés sur les 600 millions de recettes attendues de la taxe poids lourds ? Est-ce le contribuable qui va payer ?

Ensuite cette rupture de contrat se révèle hors de prix, vos amis du parti socialiste eux-mêmes estimant qu’elle coûtera un milliard d’euros sur un an.

Enfin, que deviendront les emplois ? La plateforme technique d’Ecomouv’, implantée sur l’ancienne base aérienne de Metz-Frescaty, compte 157 employés. Ecomouv’, c’est également 130 douaniers, qui rappellent que ce site a été choisi pour compenser les effets des restructurations militaires.

La solution miracle serait, selon votre ministre de l’écologie, une taxe sur les sociétés d’autoroutes. Or vous savez pertinemment qu’une augmentation de cette taxe sera répercutée sur le prix du péage.

Je vous rappelle, monsieur le Premier ministre, que l’écotaxe a été votée par 526 députés. Les délégués syndicaux d’Ecomouv’ crient au scandale et au déni de démocratie. Ils voient également dans cette décision un mauvais signe pour la transition énergétique et une absurdité financière à l’heure où tout le monde « se serre la ceinture ».

Monsieur le Premier ministre, que leur répondez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Vous avez raison, monsieur le député Denis Jacquat, de déplorer la situation des salariés d’Ecomouv’, car ce ne sont pas eux qui ont fait le choix, pour la première fois en France, de confier à une société privée le recouvrement d’une taxe. Ce ne sont pas eux qui ont fait le choix d’un dispositif dans lequel les frais de fonctionnement d’Ecomouv’ devaient absorber 40 % du produit de la taxe. Ce ne sont pas eux qui ont fait le choix, qui apparaît aujourd’hui comme la cause originelle de l’échec, de reporter sur les chargeurs le coût du principe pollueur-payeur, suscitant des mouvements auxquels certains d’entre vous ont participé.

Dès le mois de juin, le Gouvernement a tenté d’améliorer le dispositif, en limitant son périmètre à 4 000 kilomètres de routes non concédées.

Mais devant l’incompréhension suscitée par cette situation et les difficultés à faire comprendre la justice du principe, le Gouvernement a décidé de suspendre sine die ce contrat. Cependant chacune des parties à l’accord intervenu entre les transporteurs et le Gouvernement reconnaît clairement qu’il est naturel que les transporteurs participent financièrement à l’entretien des infrastructures de notre pays.

Un groupe de travail a été créé dans l’objectif de trouver des recettes de substitution à hauteur de ce qui était attendu du contrat avec Ecomouv’.

M. Jean-Luc Reitzer. Bon courage !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Ce groupe, que je préside, doit se réunir dès jeudi afin de faire au plus tôt des propositions. Plusieurs sont d’ores et déjà sur la table.

Même si le Gouvernement est sensible aux inquiétudes exprimées par les douaniers et les salariés d’Ecomouv’, cela ne change rien à notre objectif, qui est le financement des infrastructures. Seules les modalités changeront et nous prendrons des décisions très rapidement à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Entraînement de jihadistes à Strasbourg

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits.

M. Gilbert Collard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Intérieur.

Dans notre France suicidaire, il est à l’évidence plus facile de protéger les journalistes que les parcs publics.

À Strasbourg, vous le savez, sept individus s’entraînaient au jihadisme, avec des armes, certes, pour l’instant factices.

On les a décrits comme des barbus en djellaba, habillés comme des salafistes. Ils s’entraînaient au cri de : « Allah akbar ! »

Quand les policiers sont intervenus, ils ont hurlé : « Nous sommes là pour venger nos frères musulmans morts sous les balles ! » Et ils ont dit aux policiers : « Vous allez brûler en enfer. »

Il y a une garde à vue.

Alors, la question que je vous pose vise à savoir ce que vous comptez faire. Je sais que M. le ministre de l’Intérieur est au Sénat. La nouvelle loi aboutirait, dans un cas pareil, à la contrainte pénale, rien de plus, alors qu’il y a une emprise physique et psychologique du terrorisme sur le territoire.

Vous allez me répondre, je le sais, avec l’ironie qui vous caractérise et l’art de la cabriole verbale, mais la vérité, c’est que dans un parc public, en France, en plein jour, des individus s’entraînent et que ce sont nos concitoyens qui appellent la police. Sur le nombre des ces individus, il y a une seule garde à vue.

Je sais que le but de l’État islamique est de « tuer les sales Français », mais si on pouvait éviter, tout de même, gentiment, qu’ils s’entraînent dans les parcs publics, ce serait un peu mieux. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Vous vous trompez, monsieur le député, je ne vais pas vous répondre avec ironie, ni cabriole. Je vais vous répondre avec beaucoup de gravité, parce que la situation que connaît notre pays et, au-delà de nos frontières, d’autres pays en Europe, d’autres pays dans le monde, tout particulièrement au Moyen-Orient, fait que la question du terrorisme ne peut être traitée avec légèreté.

C’est pourquoi le Gouvernement met en œuvre, avec l’ensemble de ses fonctionnaires de police, les dispositions législatives renforcées qu’il a obtenues dans cette loi que vous avez votée très majoritairement, loi contre le terrorisme, contre le jihadisme.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. C’est par un travail quotidien, sérieux, engagé, que nous faisons face à des menaces qui sont autrement plus dangereuses que les propos que vous avez rapportés.

Ce que vous rapportez, ce sont sans aucun doute des manifestations parfaitement scandaleuses et, de mon point de vue, j’ai confiance dans les services de police et dans la justice de notre pays.

M. Gilbert Collard. Moi aussi !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Elle prendra les mesures qui s’imposent et nous n’avons pas besoin, monsieur, d’exalter ce type d’anecdote alors que les questions sérieuses sont posées et traitées par ce Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Collard. On doit se taire, alors ?

Projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Bernadette Laclais. Ma question s’adresse au Premier ministre.

La loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, qui vient d’être adoptée par notre assemblée, confirme dans son article 9 l’importance du report modal de la route vers le rail.

Le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, avec son volet relatif au transport de marchandises, s’inscrit pleinement dans cet esprit.

En effet, la liaison Lyon-Turin est un grand projet écologique, visant à réduire les rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère du massif alpin. L’enjeu est considérable, puisque dans ce massif, qui s’étend, au sens européen, du Léman à la Méditerranée, l’année dernière ce sont plus de 2,6 millions poids lourds qui ont circulé, rejetant plus de 2,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, sur 350 à 400 kilomètres.

C’est un grand projet économique : rappelons que l’Italie est l’un des tous premiers partenaires économiques de notre pays. Et nous connaissons, depuis les accidents qui ont eu lieu dans les tunnels routiers du mont Blanc et du Fréjus, l’insécurité que représentent les longs tunnels routiers.

L’Europe a lancé récemment un appel à projets sur les infrastructures de transport et les pays ont jusqu’au mois de février pour faire leurs propositions. Pour le Lyon-Turin, le financement pourrait être pris en charge à 40 % par l’Europe et à 35 % par l’Italie. C’est donc un grand projet de relance économique, pour l’emploi, laissant 25 % de son coût à la charge de la France.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement entend-il bien répondre à l’appel à projets dans les délais fixés par Bruxelles ? Et demandera-t-il avec ambition l’inscription du Lyon-Turin dans les projets à financer ?

Enfin, pour ce qui est de la part de financement de la France, après les déconvenues de l’écotaxe – dispositif que la précédente majorité avait hélas si mal engagé –, serait-il possible, à l’image de ce que font les Autrichiens pour financer le tunnel du Brenner, de s’inspirer du principe posé dans la directive « Eurovignette » ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. La liaison Lyon-Turin est un projet essentiel pour le développement des liens économiques entre la France et l’Italie. Elle aura en outre un impact considérable s’agissant du report modal et de réduction de la pollution dans les vallées alpines. Près d’un million de poids-lourds par an seront ainsi reportés de la route vers le rail.

La France ne peut pas rester à l’écart des grands flux de transport, des dynamiques économiques, alors que des projets comparables sont réalisés dans toute l’Europe.

Des étapes essentielles et concrètes du projet ont été franchies en 2014, avec le percement de la galerie de reconnaissance de La Maddalena, en Italie, et la signature du marché de réalisation de la galerie de Saint-Martin-la-Porte, en France.

Les travaux représenteront le plus grand chantier du début du siècle, mobilisant des entreprises et des forces vives des deux côtés des Alpes, contribuant à la relance de l’économie dont nos pays ont besoin.

Concernant le financement de la part française du projet, compte tenu de la subvention européenne attendue, il s’inscrit dans la politique générale de financement des infrastructures, et la question particulière d’une ressource tirée d’une vignette fait partie des études en cours.

J’ai déjà rencontré à deux reprises mon homologue italien, M. Lupi. Ensemble, nous sommes convenus d’avancer vers une gouvernance rénovée du projet. Nous avons également décidé de mettre en place une procédure de certification des coûts.

Enfin, pour vous répondre précisément, madame la députée, je suis heureux de vous confirmer que les deux gouvernements ont décidé de déposer conjointement, avant le 26 février 2015, un dossier pour obtenir la reconnaissance de grand projet européen et une subvention qui sera importante pour ce grand projet, pour la France, pour l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aéroport Bâle-Mulhouse

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claudine Schmid. J’associe à cette question tous les parlementaires concernés par le devenir de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, dont Jean-Luc Reitzer.

Monsieur le Premier ministre, l’aéroport de Bâle-Mulhouse est binational, son statut est unique au monde et il est un symbole fort de la coopération franco-suisse.

Il ne vous a pas échappé qu’il constitue un atout considérable pour l’Alsace et un facteur économique de première importance avec 27 000 emplois directs et indirects dont 18 000 occupés par des Français.

Je vous interroge aujourd’hui car l’esprit qui a guidé la convention de 1949 semble remis en cause par le Gouvernement, lequel veut appliquer notre législation fiscale à l’ensemble des entreprises situées en secteur douanier suisse.

Depuis votre décision de remettre en cause ce statut, des investissements ont été suspendus et des délocalisations envisagées avec, conséquemment, des effets négatifs sur les emplois. Pour mémoire, cet aéroport est le deuxième employeur du Haut-Rhin.

En 2012, un accord de méthode a été conclu pour mettre un terme au différend existant sur le droit du travail.

Je ne doute pas que, dans le domaine fiscal aussi, vous trouverez un cadre favorable – d’autant plus que la Suisse entend votre revendication et ne la conteste pas, puisqu’elle est prête à rétrocéder à la France toute recette fiscale prélevée directement ou sous forme de TVA.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous rassurer ?

Lors des très prochaines discussions, allez-vous privilégier les retombées économiques bénéfiques pour la région de l’aéroport sur l’application unilatérale de notre fiscalité avec les conséquences qui se dessinent ? Quel délai vous êtes-vous fixé pour trouver un accord ?

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Claudine Schmid, comme vous, nous sommes très attachés au développement de l’aéroport binational de Bâle-Mulhouse, qui est en effet une infrastructure essentielle pour le trafic aérien dans l’espace transfrontalier franco-germano-suisse, mais aussi un bassin d’emploi très important en Alsace.

Mais nous tenons également à ce que les conditions d’exercice de l’aéroport et des entreprises qu’il abrite soient pérennes, claires et sécurisées.

Or, vous le savez, les conditions d’application des impôts et des taxes fiscales français pour les entreprises implantées sur le site et pour les compagnies aériennes doivent faire l’objet d’un accord entre les gouvernements français et suisse.

Si un accord a pu être trouvé en 2012 – vous venez de le rappeler – s’agissant des modalités d’application du droit du travail, les discussions menées depuis plus de cinq ans sur le volet fiscal n’ont pas pu aboutir jusqu’à présent. C’est là pour nous un motif de préoccupation essentiel qui, évidemment, nous mobilise en permanence.

L’incertitude juridique qui en résulte est préjudiciable au développement harmonieux de l’aéroport et de ses entreprises. C’est pourquoi nous avons souhaité définir le plus rapidement possible le régime applicable sur le site.

Des discussions approfondies se tiennent entre la France et la Suisse. Elles sont difficiles mais n’ayez aucun doute : notre objectif est bien de parvenir à un accord, si celui-ci est possible, et je suis absolument convaincu que tel est le cas.

Nous avons d’ailleurs multiplié les propositions en ce sens.

Ainsi, nous avons décidé au mois de septembre de poursuivre pour quelques semaines les discussions en vue d’obtenir une clarification du régime fiscal qui sera appliqué en 2015.

En tout état de cause, le niveau effectif d’imposition en matière de fiscalité sur les entreprises, en France, est comparable à celui qui est en vigueur en Suisse. L’application de la fiscalité française ne se traduirait donc pas par un alourdissement significatif de l’impôt pesant sur les entreprises ni de leurs charges administratives.

Des mesures d’aménagement sont au demeurant prévues par l’administration fiscale française pour faciliter la liquidation et le recouvrement de l’impôt.

Continuité territoriale en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Robert. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à la ministre des outre-mers.

Madame la ministre, je vous interpelle concernant la réforme de l’aide à la continuité territoriale.

Le recul de l’État dans sa participation à l’offre tout public est un coup dur porté à l’appartenance républicaine des Ultramarins.

Oui, la gestion de la région Réunion, pour parler du cas que je connais, est critiquable, mais la remise en cause de l’engagement de l’État soulève des interrogations.

Comment expliquer que des élus aujourd’hui sur les bancs du Gouvernement aient saisi le Conseil constitutionnel pour contester la loi de programme pour l’outre-mer qui créait l’aide à la continuité territoriale, la jugeant insuffisante à l’époque ?

Vous défendiez la qualité de notre République une et indivisible et, en 2003, même l’actuel Président de la République et plusieurs membres de ce gouvernement ont saisi le Conseil constitutionnel ! Je vous invite à relire le texte de la saisine qui a débouché sur la décision n2003-474.

Alors, aujourd’hui au pouvoir, pourquoi avez-vous changé d’avis ?

Madame la ministre, la proposition du Gouvernement n’est pas la solution.

Vous l’avez dit voilà onze ans, nous devons tendre vers une amélioration de « la desserte aérienne des régions d’outre-mer » et travailler à un « régime juridique adapté » afin de mettre en place une « obligation de service public ».

Cette réduction aussi drastique de l’engagement de l’État dans ce dispositif envoie un signal négatif aux Ultramarins. Ce n’est pas vers un désengagement qu’il faut tendre mais vers une nouvelle appréhension du système dans sa globalité, afin de construire une véritable continuité territoriale.

Aussi, madame la ministre, je vous demande de reconsidérer cette mesure qui distend un peu plus le lien entre l’hexagone et ses régions d’outre-mer, de la suspendre et d’envisager une concertation pour que l’aide à la continuité territoriale soit plus équitable et plus juste pour tous les insulaires français, qu’ils soient en Méditerranée, dans l’Atlantique, dans l’Océan Indien ou ailleurs.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Thierry Robert, il est vrai que nous devons travailler à la question de l’aide à la continuité territoriale.

Le constat est partagé par tous : cette aide a explosé depuis plusieurs années : en quatre ans, ce budget a ainsi augmenté de près de 50 %. Par conséquent, nous ne pouvons pas continuer comme cela et il faut trouver des solutions.

Précisément, nous avons proposé une solution qui nous semble équilibrée.

D’abord, nous voulons conserver l’aide pour les étudiants et en faveur la mobilité professionnelle. Par conséquent, le droit demeurera annuel et nous allons même l’améliorer. Ainsi un étudiant ayant échoué à un concours pourra bénéficier d’une aide afin de passer un autre concours la même année. Autre exemple : des parents pourront accompagner un enfant dans le cadre d’évacuations sanitaires.

Pour le reste, nous continuerons à aider les personnes les plus modestes, la condition de durée étant triennale.

Si le dispositif connaît des difficultés, c’est en raison de la politique qui a été menée par le conseil régional de La Réunion, lequel n’a pas aidé les seules personnes dont les moyens sont modestes mais, également, des familles disposant de revenus intermédiaires. Ainsi, des familles ont été aidées pour le paiement de leurs billets alors qu’elles gagnent 9 000 euros mensuels.

Dès lors, le dispositif n’est plus social. Nous devons donc le recentrer sur sa vocation, soit, l’aide aux gens qui en ont vraiment besoin pour payer leurs billets.

Nous allons réfléchir à ce problème. Vous avez raison : nous devons examiner les moyens d’améliorer la continuité territoriale, mais dans le cadre d’un dispositif calculé pour ceux qui en ont vraiment besoin.

Si le conseil régional de La Réunion dispose de 20 millions, qu’il les mette sur les contrats aidés que le Gouvernement a mis en place pour les jeunes Réunionnais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

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Projet de loi de finances pour 2015

Suite de la discussion commune

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, après engagement de la procédure accélérée (nos 2236, 2245) et du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Discussion générale commune (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée nationale a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président et madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, alors que s’engage l’examen des textes financiers pour l’année 2015 avec, aujourd’hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le projet de loi de finances, la semaine prochaine le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, trois textes dont je rappelle qu’ils forment un tout indissociable, nous devons tous avoir à l’esprit le seul enjeu et la seule priorité qui vaillent aujourd’hui.

L’enjeu, c’est celui du retour à la croissance en France et en Europe, une croissance riche en emplois, une croissance durable, inscrite dans la transition énergétique. Le contexte est difficile, compte tenu des tensions internationales et des risques que font peser sur l’économie mondiale certaines zones de conflit. Il faut avoir conscience de ce contexte, et c’est pourquoi je voulais y insister.

La priorité, qui est une priorité absolue, c’est de faire reculer le chômage en France et en Europe, ce chômage structurel de masse qui mine depuis trop longtemps nos sociétés, avec les conséquences que l’on sait : cette désespérance sociale et ce sentiment d’abandon qui alimentent le vote en faveur des extrêmes, et souvent, hélas, de l’extrême-droite.

Cet enjeu et cette priorité, ce sont ceux du Gouvernement et de notre majorité parlementaire depuis juin 2012. Ils ont exigé la mise en œuvre de mesures difficiles et courageuses et nécessité un appel à l’effort de tous dans la justice. L’effort de tous, oui, mais aussi et surtout de ceux qui peuvent davantage. Ces mesures étaient d’autant plus nécessaires que la situation que nous avons trouvée en mai 2012 était – nous ne l’avons pas assez dit et répété – catastrophique.

Je reviens sur cette situation, comme M. le ministre l’a fait hier, car il m’a semblé que Valérie Pécresse et Éric Woerth étaient frappés d’amnésie : un million de chômeurs supplémentaires sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ; une baisse, continue depuis 2002, et brutale à partir de 2007, de la compétitivité de nos entreprises, avec une chute historique de leurs taux de marge ; la perte en dix ans de 700 000 emplois industriels et un niveau d’emplois industriels qui est aujourd’hui parmi les plus bas en Europe ; une dégradation continue du commerce extérieur, qui était excédentaire en 2001 et déficitaire de 75 milliards d’euros en 2012 ; enfin, bien sûr et surtout, l’accroissement continu des déficits publics, sous le double effet d’une absence de maîtrise de la dépense publique et de cadeaux fiscaux inconsidérés aux plus aisés, le tout financé par une dette qui a explosé de 900 milliards d’euros en dix ans, dont 600 milliards sous le dernier quinquennat.

La politique mise en œuvre depuis deux ans est une politique de redressement dans la justice. Nous n’avons peut-être pas suffisamment dit à nos concitoyens ce qu’elle exigerait d’efforts dans la durée pour obtenir des résultats, compte tenu à la fois de la gravité de la situation et de la nature des problèmes à traiter.

Elle a reposé sur trois piliers : la réindustrialisation du pays et le soutien aux entreprises, avec la création de la Banque publique d’investissement, le pacte de sécurisation de l’emploi et le pacte de responsabilité ; le soutien à la consommation et au pouvoir d’achat avec la création des emplois d’avenir et des contrats de génération et la préservation, voire, pour les plus modestes, la revalorisation des prestations sociales et la réduction de l’impôt en 2014 ; le redressement des comptes publics, enfin, qui a conduit en deux ans à diviser par deux le déficit structurel, lequel n’a jamais été aussi bas depuis 2001.

Il est vrai que cette réduction du déficit a d’abord résulté, de mesures de recettes, mais aussi, depuis 2013, d’un effort de maîtrise de la dépense publique qui n’avait jamais été réalisé auparavant. Et cela ne nous a pas pour autant empêchés d’affirmer et de traduire en actes nos priorités politiques, que sont l’éducation, la sécurité, la justice et la défense.

Certes, les résultats ne sont pas encore aujourd’hui à la hauteur des efforts consentis par nos concitoyens et par nos entreprises, ni sur le plan de la croissance, et donc sur celui de l’emploi, ni sur celui du redressement de nos comptes publics. Il y a des explications à cela. D’aucuns concluent à l’échec des politiques que nous avons menées, pour des raisons au demeurant diamétralement opposées et contradictoires : pour les uns, nous aurions mené des politiques d’austérité et n’aurions pas suffisamment soutenu la demande, par un soutien budgétaire qui aurait aggravé nos déficits et notre dette ; pour les autres, au contraire, nous n’aurions pas suffisamment baissé la dépense publique et trop alourdi les prélèvements obligatoires ; bref nous n’aurions pas mené les politiques d’austérité nécessaires.

La vérité, et nous l’assumons, c’est que nous n’avons pas, depuis deux ans, fait le choix de l’austérité, n’en déplaise aux uns et aux autres. Nous ne l’avons pas fait, tout simplement parce que ces politiques conduites à marche forcée chez certains de nos partenaires européens se sont faites au prix de sacrifices sociaux qui ont pesé sur les plus faibles et conduit à des niveaux de chômage destructeurs en Europe. Elles ont surtout alimenté, en bonne partie, la crise que traverse actuellement notre continent européen et, en son sein, la zone euro. La crise que nous traversons aujourd’hui, d’une ampleur équivalente à celle de 2009, se traduit par une croissance quasi nulle en Europe et un niveau d’inflation extrêmement faible.

Qui peut croire un seul instant que les remèdes que proposent encore et toujours la droite de cet hémicycle et une partie de la droite européenne, à savoir une baisse drastique des dépenses publiques et la remise en cause, voire la destruction de notre modèle social, auraient conduit ou conduiraient à un meilleur résultat ? Bien au contraire, de telles politiques ne feraient qu’amplifier la récession, en France comme en Europe. Loin de moi cependant l’idée, simpliste et à courte vue, de penser que les problèmes de la France viennent de l’extérieur et que les solutions viendraient aussi d’ailleurs.

Non, nous avons nos propres problèmes, des problèmes anciens que les dix ans de gouvernement de droite, non seulement n’ont pas réglés, mais ont hélas aggravés. Des problèmes que la fuite en avant dans les déficits et la dette que proposent certains, aux deux extrêmes de cet hémicycle, ne régleraient pas davantage, bien au contraire.

Ces problèmes, c’est à nous qu’il appartient de les traiter, en sachant engager et mener à leur terme, pour celles qui ont déjà été engagées par le Gouvernement, les réformes indispensables à la modernisation de notre économie, à un meilleur fonctionnement du marché du travail, à une plus grande efficacité de la dépense publique par la réforme de l’État et des collectivités territoriales, et à la rénovation de notre protection sociale, non pour abandonner notre modèle social, mais pour le préserver, ce qui suppose de le transformer.

C’est à nous qu’il revient de mettre de l’ordre dans nos comptes publics et de tenir les engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires européens, avec lesquels nous nous sommes engagés dans l’euro, cette monnaie unique que nous avons voulue et qui nous apporte tant. Il est vrai que, sur le plan de nos engagements européens, notre crédibilité est mise en cause.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Dominique Lefebvre. Elle l’est de longue date, et nous savons qui en a la responsabilité historique : en 2003 comme en 2007, les engagements de la France n’ont pas été tenus par les précédents présidents de la République, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui du Président Hollande.

Alors, oui, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président de la République et le Gouvernement ont aujourd’hui raison de faire le choix de modérer le rythme de l’ajustement budgétaire pour l’adapter à la situation économique du pays comme à celle de notre continent. L’adapter, cela signifie ne pas y renoncer, en tenant les engagements pris en avril dernier devant nos partenaires européens, mais surtout en cessant de reporter les efforts nécessaires sur les générations futures. L’adapter, c’est aussi refuser d’entrer dans le cercle vicieux de la récession et de la déflation qui, sans rien régler aux problèmes structurels du pays, aggraverait la situation de l’emploi et celle des finances publiques.

Le Président de la République et le Gouvernement ont donc raison de se battre pour une réorientation des politiques européennes et la mise en œuvre, à l’échelle du continent, de mesures de soutien à l’investissement, qui accompagnent la politique monétaire conduite à juste titre et de manière pertinente par la Banque centrale européenne.

C’est pourquoi, messieurs les ministres, je veux vous assurer que le groupe socialiste fait siens et soutient les choix du Gouvernement dans les textes financiers qui nous sont proposés aujourd’hui. D’abord le choix d’une nouvelle trajectoire de redressement des comptes publics proposée par le projet de loi de programmation, une trajectoire adaptée à l’environnement économique international actuel. Ensuite le choix de maîtriser l’évolution de la dépense publique et de mettre en place les outils de pilotage de cette dépense, qu’il s’agisse de celle de l’État et de ses opérateurs, de celle des collectivités territoriales – c’est l’élu local qui parle – ou des dépenses de protection sociale, y compris bien sûr celles du régime d’indemnisation du chômage, qui relève des partenaires sociaux.

Enfin, le choix de confirmer le pacte de responsabilité et de solidarité, rien que le pacte, mais tout le pacte.

Il s’agit donc de poursuivre la politique de redressement de la compétitivité de nos entreprises, de soutenir la demande, donc la consommation des ménages en redonnant du pouvoir d’achat aux familles modestes et à la classe moyenne par un allégement significatif de l’impôt sur le revenu, qui bénéficiera à neuf millions de foyers fiscaux modestes et des classes moyennes.

Nos préoccupations et nos priorités dans ce cadre, vous les connaissez. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen des articles, de vous faire des propositions d’amendements en ce sens.

C’est par cela que je voudrais terminer en rappelant, mes chers collègues, que le meilleur moyen, aujourd’hui, de soutenir le Gouvernement dans cette discussion sur la réorientation des politiques européennes est d’adopter les textes qui nous sont proposés, dans leur équilibre général et dans l’effort de maîtrise de la dépense publique.

Il y a, d’abord, le soutien à l’investissement public local, qui suppose de trouver des dispositifs d’incitation des collectivités locales à donner la priorité à l’investissement et à faire porter l’effort sur la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.

Des propositions ont été présentées, dont certaines, comme je l’ai indiqué, ne sont pas soutenables budgétairement. D’autres, plus ciblées, seraient plus pertinentes. Elles doivent s’inscrire dans le cadre de l’équilibre et ne pas conduire les collectivités locales à être exonérées de cet effort.

Il y a, aussi, le soutien au pouvoir d’achat et à l’emploi, dans une conjoncture qui reste difficile, par l’activation d’outils qui ont déjà fait leur preuve, et qu’il faut sans doute encore mobiliser compte tenu de la poursuite de l’augmentation du chômage. Je veux parler des dispositions relatives aux emplois aidés.

Il y a, également, la relance du logement pour soutenir l’activité économique comme pour répondre à l’urgence sociale.

Il y a, enfin, l’accompagnement du projet de loi relatif à la transition énergétique, que nous avons adopté hier en première lecture, par les mesures qui y sont consacrées dans le texte.

Le débat européen est essentiel, il est donc de notre devoir de nous rassembler et de soutenir l’action du président de la République et du Gouvernement pour obtenir une réorientation des politiques européennes.

Cette réorientation est nécessaire pour l’Europe, pour de très nombreux pays européens et pour notre pays qui doit, par ailleurs, faire les réformes nécessaires.

Je veux donc, monsieur le ministre, vous assurer une nouvelle fois, au nom du groupe socialiste, de notre détermination à faire adopter par le Parlement dans les termes que vous avez présentés, d’équilibre général et d’effort de maîtrise de la dépense publique, ces textes, dans le respect des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires, en espérant – vous nous donnerez peut-être des informations à ce sujet – que les discussions déboucheront positivement dans les prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, des choix budgétaires, oui, mais pour quelle politique économique ?

Depuis 2012, le Gouvernement et la majorité ont souvent démontré une attitude doctrinaire et des choix de gestion contestés par une grande partie de nos concitoyens. Avec la politique anti-entreprises et le matraquage fiscal, c’était assurément la couleur de ce début de quinquennat.

Vous nous expliquez maintenant, ou vous nous faites comprendre, qu’aujourd’hui, il y aurait une conversion.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ah !

M. Hervé Mariton. Pourquoi pas ? La question qui se pose à nous, si nous exerçons le devoir d’une opposition éclairée, c’est de savoir, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, s’il y a véritablement une conversion, si nous devons l’accompagner et si cette conversion est heureuse.

Y a-t-il conversion ?

Il y aurait une certaine contradiction à imaginer que votre politique s’améliorerait du fait même que votre politique budgétaire se dégraderait. La démonstration que la dégradation des finances publiques énonce, en soi, une amélioration de la politique économique est tout de même sujette à caution. En effet, la réalité est bien là : le solde général en exécution, en 2014 comme en 2015 selon vos prévisions, sera plus mauvais qu’il ne l’était en 2013.

Cette conversion, cette éventuelle évolution et amélioration de votre politique économique, outre que la dégradation de votre politique budgétaire ne suffit pas à l’attester, butte sur un certain nombre de difficultés.

La défiance des Français, tout d’abord. Comment pouvez-vous démontrer que la politique économique s’est améliorée, comment pouvez-vous la partager avec les Français, comment pouvez-vous faire œuvre de pédagogie utile – c’est indispensable en économie – lorsque votre Gouvernement et votre majorité sont arrivés à un tel état d’impopularité et de défiance ?

Il faudra déployer, monsieur le ministre, une énergie et une foi considérables dans cette conversion pour passer la barrière de l’opinion.

Vous aurez observé la défiance des Français y compris quand, avec quelques gestes de Père Noël, vous imaginez que la solution du problème d’achat des Français se trouverait dans la distribution. Vous l’avez fait à plusieurs reprises au début de ce mandat. Vous le faites encore dans cette loi de finances avec la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu.

Vous le savez pourtant bien : quand la défiance atteint un tel niveau, quand la critique de votre politique budgétaire est à ce point partagée, en France, en Europe, quand la politique économique est si incertaine, ces distributions n’emportent aucun crédit supplémentaire, mais seulement de nouvelles dépenses.

La défiance est aussi celle de votre majorité, vous le savez, monsieur le ministre.

Je reconnais qu’il pourrait y avoir une forme de paradoxe, de notre part, à attendre une conversion tout en dénonçant les contradictions que vous auriez au sein de votre majorité. Je vous l’accorde. Nous préférerions qu’il y ait une conversion et que vous assumiez vraiment la distance, voire peut-être la rupture, avec une part de votre majorité. Ce serait là, véritablement, une conversion salutaire. Vous n’y avez pas l’air résolu aujourd’hui.

Plus concrètement, monsieur le ministre, y a-t-il conversion ? Cela s’évalue à la réalité.

C’est aussi à l’aune de cette réalité qu’il faut évaluer la réponse à la deuxième question. Devons-nous accompagner votre éventuelle conversion ? Y a-t-il matière à le faire ? Peu ; rarement ; difficilement.

D’abord pour des problèmes de méthode, comme le montrent l’évolution de la politique économique et les réformes structurelles auxquelles nous aspirons. Vous pourriez à juste titre nous dire : « à droite, vous demandez des réformes structurelles et lorsque le Gouvernement avance, vous critiquez ! ». Oui, monsieur le ministre, mais il y a tant à critiquer !

Prenons l’exemple des professions réglementées : y a-t-il des évolutions à discuter avec les professions réglementées ? Oui, évidemment, et nous n’en disconvenons pas. Cela s’est dit sous différentes majorités et de nombreuses majorités de droite et de gauche n’ont pas eu le courage de bouger.

Mais un peu de méthode ne nuit pas, monsieur le ministre. Vous avez si tardivement décidé de rendre public le rapport de l’Inspection générale des finances. Vous avez engagé ce débat avec tant d’insultes et tant de raidissements que vous avez assurément gâché la matière et vous êtes lancés, avec le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, vers de mauvais choix.

Quand bien même nous essayerions d’évaluer cette l’éventuelle matière accompagnant une conversion, nous butterions d’abord sur la méthode.

Nous butterions aussi sur les délais. La compétitivité, le pacte de responsabilité, vous en parlez maintenant depuis si longtemps…

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Votre conversion est d’apparence si ancienne qu’on n’en voit pas la réalité : on ne voit pas les résultats.

Ainsi, la baisse de l’impôt sur les sociétés – je vous ai interrogé à ce sujet à plusieurs reprises – n’est pas au rendez-vous. Les délais ne plaident donc pas pour vous.

Quant aux résultats, lancer des pistes, des discussions est une bonne chose mais, à un moment, il faut aboutir. Depuis longtemps à droite, enfin à gauche, on parle de modifier les seuils qui, aujourd’hui, freinent l’emploi dans les entreprises et particulièrement dans les PME. Vous en parlez, monsieur le ministre. Peut-être, à un moment, les résultats viendront-ils. Dans quel délai ?

Et puis, bien sûr, pour accompagner votre conversion, il faudrait peut-être que nous partagions, outre la méthode qui n’est pas convaincante, le contenu. C’est là affaire d’ampleur, de réalité. Les économies budgétaires ne sont pas à la hauteur. Nous l’avons dit si souvent que nous avons scrupule à le répéter mais la réalité est toujours là.

Les économies que vous proposez dans le projet de loi de programmation pluriannuelle comme dans le projet de loi de finances pour 2015 ne sont pas suffisantes. Elles ne sont pas suffisamment justifiées.

Lorsque nous avons exprimé des remarques l’an dernier, vous nous avez critiqués. La réalité de l’exécution budgétaire de 2014 est bien là pour démontrer que notre critique était manifestement justifiée.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Le compte n’y est pas. Je viens d’entendre l’orateur du groupe socialiste, qui critique la position de la droite sur ces sujets. Pourtant, oui, nous assumons, j’assume, une vision de politique budgétaire plus rigoureuse : l’austérité, non, la rigueur, oui !

Quand on voit que, dans la plupart des pays d’Europe du Nord, les choses vont mieux ; que, dans la plupart des pays d’Europe du Sud, les choses vont mieux, et qu’il y a aujourd’hui, en matière budgétaire comme en matière économique, essentiellement un homme malade en Europe, et que cet homme malade, c’est la France, la comparaison avec le reste de l’Europe n’est pas à l’avantage de vos choix budgétaires et économiques.

M. Damien Abad. Exactement !

Mme Arlette Grosskost. C’est ça, la réalité !

M. Hervé Mariton. L’ampleur n’y est pas parce que, nous l’avons dit, dans notre vision, il faudra, dans un quinquennat, engager des économies de dépenses publiques bien plus vigoureuses – à hauteur de 100, 110, 120, 130 milliards d’euros. Les derniers milliards sont les plus difficiles à trouver…

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Ça, c’est vrai !

M. Hervé Mariton. …mais il faudra trouver, assurément, au moins une centaine de milliards d’euros d’économies de dépenses publiques.

Cela demande beaucoup de pédagogie. Ça n’est pas simple à plaider. Ça n’est pas simple à faire comprendre. Pour de nombreux Français, de gauche comme de droite, les économies budgétaires concernent les autres. Et nous devons expliquer que les économies budgétaires concernent tout le monde, monsieur le ministre.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ça commence par les amendements : 320 amendements !

M. Hervé Mariton. Quitte à accomplir cet effort, nous devons démontrer à nos concitoyens que nous le faisons avec suffisamment d’ambition.

C’est l’enjeu d’une véritable réforme des retraites. Vous n’y êtes pas parvenus. C’est l’enjeu d’une réforme courageuse de l’assurance chômage. Nous comprenons, nous entendons, vos hésitations et vos peurs. C’est l’enjeu d’une réforme territoriale véritablement garante d’économies non, pour l’essentiel, de manœuvres électorales, qui privilégie l’investissement et qui sanctionne le dérapage des dépenses de fonctionnement.

C’est aussi, chers collègues, l’enjeu d’une réforme audacieuse de la politique du logement et de son financement, qui passe par une politique ambitieuse de cession des logements sociaux à leurs locataires.

C’est enfin l’enjeu d’une politique vigoureuse de réforme du droit du travail, de simplification, de réforme et de modification du rapport de travail dans l’entreprise.

Le contenu, c’est l’ampleur, mais ce sont aussi les choix, avec cette mauvaise pratique, fréquente à gauche, parfois présente à droite, lorsqu’il faut réformer, par laquelle on préfère s’attaquer d’abord à ce qui fonctionne – parce qu’au moins, on l’identifie bien –, plutôt qu’à ce qui ne fonctionne pas.

Donc, lorsqu’il s’agit de choisir entre différentes politiques publiques, vous choisissez d’abord de vous attaquer à la politique familiale : monsieur le ministre, faites d’autres choix !

Et, s’il y a conversion, en tout cas, nous serons un peu plus exigeants dans son contenu. Nous vous demandons de réformer en priorité les politiques qui ne fonctionnent pas plutôt que de vous attaquer d’abord à celles qui fonctionnent.

Mme Arlette Grosskost. Très bien !

M. Hervé Mariton. Est-ce que votre conversion est heureuse ?

Non, monsieur le ministre. Vous-même d’ailleurs ou en tout cas vos collègues n’y croient pas plus que cela, et la conversion de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est essentiellement une conversion à la magie. Nous l’avons entendu avec le remplacement de l’écotaxe. Le Premier ministre lui-même le dit à propos de la gratuité des autoroutes le dimanche.

Comme les sociétés pétrolières ne sont pas plus populaires que les sociétés autoroutières, pourquoi ne pas annoncer la gratuité du carburant le week-end ? (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Extraordinaire !

M. Hervé Mariton. Non, monsieur le ministre, ce n’est pas comme cela que l’on peut gérer la France. Ce n’est pas comme cela que l’on fait œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens.

Une politique économique, une politique budgétaire, c’est d’abord de la pédagogie. Quand on entend votre collègue au sein du Gouvernement faire des propositions aussi « farfelues »…

M. Damien Abad. Ah oui !

M. Hervé Mariton. …pour reprendre un adjectif que la ministre de l’écologie affectionne, on éloigne en réalité les Français de la pédagogie, et vous vous éloignez de votre devoir de pédagogie.

Votre conversion est-elle heureuse ? Pas davantage si l’on observe les hypothèques qui pèsent sur la Nation et le budget de la Nation.

Je l’ai démontré avec mon collègue Marc Goua dans un rapport sur le coût de la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires. Cela veut dire, monsieur le ministre, – car la loi a été votée en première lecture – un coût certain pour le budget de l’État. Est-il intégré dans votre programmation de la dette ?

Vous devriez l’intégrer car des décisions publiques de cette nature et de cette ampleur engendrent une dette certaine, monsieur le ministre. Je pense que nous aurons l’occasion de revenir là-dessus.

Ne pas intégrer la dette provoquée par de telles décisions est une grave erreur dans votre stratégie budgétaire. Évidemment, elle vous amènerait à constater un dérapage de la dette bien plus grave encore.

Alors, monsieur le ministre, pour que votre stratégie fût heureuse, il eut fallu davantage de stabilité. Or vous êtes les parangons de l’instabilité des ménages, qui ont subi le matraquage fiscal. Les plus modestes d’entre eux ont appris une nouvelle moins désagréable, mais, dans tous les cas, la charge fiscale est concentrée sur les classes moyennes, qui n’ont que des craintes à avoir.

En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, les réformes évoquées en matière d’impôt sur les sociétés ne sont pas au rendez-vous. Tant d’allers-retours ! Sur les plus-values, aussi ! Beaucoup, sur ces bancs, ont contribué à ce péché : on sait les zigzags du Gouvernement sur bien des enjeux budgétaires, bien des enjeux de politique économique.

Alors, oui, il faut une autre voie, fondée sur un diagnostic plus lucide, une méthode mieux partagée, une rigueur assumée, de véritables réformes structurelles – réformer, simplifier, stabiliser aussi –, une modération fiscale qui, concernant tous les Français, serait aux antipodes de ce que vous avez fait depuis deux ans, une lisibilité fiscale, une lisibilité de votre stratégie. Je pense que les Français ne vous attendent pas sur votre foi, sur votre conversion, ils vous attendaient sur les résultats. Or les résultats ne sont pas là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, c’est un peu l’heure de vérité, l’heure de vérité d’une histoire, celle qu’on nous a racontée au mois de mai 2012. On nous a expliqué que tout allait bien, qu’on allait prendre de grandes mesures justes, qu’il fallait supprimer la TVA sociale car elle était injuste, qu’il fallait supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’on allait retrouver le plein-emploi, que la croissance serait au rendez-vous. Malheureusement, vous connaissez tous le scénario : c’est cette fameuse inversion de la courbe du chômage – c’est d’ailleurs une formule qu’on n’utilise plus. Mille chômeurs de plus par jour ! Le scénario, c’est de nous expliquer qu’il y aura moins de dépenses publiques. Or chacun sait très bien, malheureusement, que ces dépenses publiques ont augmenté.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Philippe Vigier. C’est ce scénario dans lequel on nous disait : « La croissance, je la vois, elle est derrière le rideau ! » La croissance, elle est à 0,4 %. C’est ce scénario dans lequel on nous a expliqué que neuf Français sur dix ne paieraient pas plus d’impôts. On sait ce qu’il en est advenu. Tous ces scénarios, monsieur le ministre, ont conduit à cette défiance, qui s’est traduite dans les urnes, mais, au-delà, c’est l’ensemble de la classe politique qui, avec de tels résultats, est critiquée, et à juste titre.

Hervé Mariton parlait de conversion. Lorsque le Premier ministre, à cette même tribune, nous a parlé du pacte de stabilité, nous nous sommes dit : « Tiens, il y a une véritable conversion, avec cinquante milliards d’euros d’économies sur trois ans ! » J’ai regardé, monsieur le ministre : dans l’histoire de la Ve République, des groupes d’opposition qui ont dit à la majorité « chiche ! »… Eh bien, cette fois, il y avait une abstention positive pour accompagner ce mouvement formidable. Enfin, on allait peut-être dépenser moins !

Parce qu’on ne dépense pas moins pour se faire plaisir. Vous-même, Michel Sapin, avez expliqué que le mythe de la dépense publique qui permet de retrouver la croissance avait vécu. Alors, je crois que nous l’avons accueilli avec une vraie bienveillance, ce pacte de stabilité, avec ses trois pieds, ce pacte de stabilité avec ses cinquante milliards d’économies sur les trois ans qui viennent.

Vous m’accorderez qu’hier nous avons essayé d’avoir des éclaircissements ; nous avons essayé en commission, aussi, et la Cour des comptes également a demandé des éclaircissements, sur les économies attendues. Même la rapporteure générale fait bien comprendre, dans son rapport, que Bercy ne lui avait pas donné l’ensemble des éléments pour comprendre. Alors, il y a un véritable effort, que l’on connaît, c’est celui des collectivités territoriales, un effort de 3,7 milliards d’euros, de 11 milliards en trois ans ; c’est mathématique, et ça ne pose aucune difficulté.

Je voudrais cependant rappeler que Charles de Courson et moi-même avons déposé, en 2012, un amendement qui se fondait sur l’idée que, l’on ne pourrait pas toujours continuer d’augmenter les dotations pour les collectivités territoriales. Or, monsieur le ministre, lorsque vous étiez ministre du travail et que des préfets, semaine après semaine, allaient voir des maires, pour leur dire qu’il fallait signer des contrats d’avenir, des contrats d’accès à l’emploi, à chaque fois, c’était de l’emploi public,…

M. Michel Sapin, ministre. Non !

M. Philippe Vigier. …avec, à chaque fois, une participation des collectivités, et vous le savez très bien ! Un effort des collectivités est nécessaire, oui, mais un tel effort, non ! Faisons attention. D’ailleurs, je me souviens que, dans une vie antérieure, ayant la responsabilité d’une grande collectivité régionale, vous fustigiez l’État qui transférait des charges vers des collectivités territoriales. Ne l’oublions pas !

M. Michel Sapin, ministre. Je ne fustigeais pas, je discutais !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’était une autre époque !

M. Philippe Vigier. La seconde chose, c’est la réforme de l’État. Elle est indispensable, mais la voit-on arriver ? Non !

En ce qui concerne la réforme des collectivités territoriales, accordez-moi quand même qu’on a accouché d’une souris. Sur les bancs de votre propre majorité, on a dit que les économies attendues ne seraient pas au rendez-vous. Mieux, sur les dépenses de santé, et Charles de Courson l’a très bien expliqué, on a pris un référentiel de dix années pour nous faire comprendre que demain on allait faire quelques milliards d’euros d’économies ! Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais l’équation que vous nous proposez n’est pas tenable une seconde.

On annonce 21 milliards d’euros, mais la réalité ne sera que de 8 ou 9 milliards d’euros. Nous le verrons, monsieur le secrétaire d’État, l’an prochain, parce qu’il y aura une nouvelle heure de vérité.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Philippe Vigier. Nous verrons alors que vous ne ferez pas ces 21 milliards d’euros d’économies.

M. Michel Sapin, ministre. On verra !

M. Philippe Vigier. Il y a aussi cette loi de programmation des finances publiques. On nous avait expliqué que c’était l’alpha et l’oméga de la trajectoire. Que n’a-t-on pas entendu sur la trajectoire, sur les réformes structurelles ! On nous expliquait qu’il y a le déficit structurel, le déficit nominal… Et, séance de la commission des finances après séance de la commission des finances, on appelait de ses vœux une croissance de 1 % ou 1,5 %. Je ne vois pas Mme Berger, c’est bien dommage : je lui avais préparé quelques belles citations, que j’ai bien en mémoire.

Cette loi de programmation des finances publiques, elle non plus, n’est pas respectée, cette loi qui aurait une extraordinaire influence sur la politique gouvernementale, dont on constate l’échec aujourd’hui. Elle nous conduisait à une telle impasse qu’il faut en faire une autre, simplement pour oublier les engagements qu’on avait pris vis-à-vis des Européens !

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument !

M. Philippe Vigier. Vous ne pourrez pas prétendre, monsieur le secrétaire d’État Christian Eckert, que l’UDI ne vous a pas proposé un certain nombre de réformes structurelles, pour l’État, pour les collectivités territoriales, pour les retraites, pour le système de santé. À ce propos, je n’imagine pas, avec la loi santé telle qu’elle est en train de se profiler, que les économies seront au rendez-vous.

Alors, mes chers collègues, il faut aussi qu’on dise une chose tout simplement, c’est que la crise dure depuis 2007 et que le modèle économique et social est en train d’évoluer. Bien sûr, il faut baisser le coût du travail, et vous avez fait le CICE. Nous disons depuis le premier jour que ça n’est pas le meilleur outil, même si c’est un outil, et qu’il eût mieux valu baisser massivement les charges qui pèsent sur le travail,…

M. Damien Abad. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. …mais Paul Giacobbi, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention, disait hier soir que le seul abaissement du coût du travail ne suffirait pas à permettre de retrouver le chemin de la croissance. Il faudra, comme Hervé Mariton vient de le dire il y a quelques secondes, travailler sur le code du travail, sur les codes sociaux, avec les partenaires sociaux, travailler à introduire de la souplesse dans les entreprises, travailler à permettre aux chômeurs de retrouver une activité avec une meilleure formation professionnelle. Quand on voit que ce sont ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi qui bénéficient le moins d’une formation professionnelle adaptée, il faut s’interroger.

Alors, ce budget 2015 apparaît comme un budget rustine : allez, ça va passer quand même, un peu comme un sauteur qui pratique le Fosbury flop : un centimètre, deux centimètres, un petit coup de rein, et il arrive à passer. Évidemment, pour ce budget rustine, on va faire quelques prélèvements çà et là. Les familles ont été une cible particulièrement privilégiée et on souhaite aller plus loin, parce qu’on prend 200 millions ici, 300 millions là. L’année dernière, on avait fait les poches des retraités ; maintenant, on va continuer. Et puis Hervé Mariton a très bien parlé de l’écotaxe. Pour ma part, je m’en tiens à une très belle phrase par laquelle vous concluez, monsieur le ministre, une interview accordée aux Échos, parue hier : « Les 250 millions, il faudra bien les trouver quelque part ! » C’est frappé au coin du bon sens, je le reconnais. D’ailleurs, au moins, les chiffres qui nous sont donnés à propos du budget 2015 sont beaucoup plus proches de la réalité que ne l’étaient d’autres, auparavant.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Philippe Vigier. Un mot sur les impôts. Le volume des impôts prélevé sera en 2015 le même qu’en 2014. On le sait, mais, monsieur le ministre, il y a un vrai problème qui se pose dans le pays, celui de l’acceptation de l’impôt. N’oublions pas que moins de 2 % de la population paieront 50 % des impôts.

M. Nicolas Sansu. Non !

M. Philippe Vigier. Quant à l’exigence d’un nouveau modèle social, rien ne se fera parce que les réformes structurelles – nous les connaissons tous – exigent du courage, rien ne se fera sans une nouvelle gouvernance. On voit bien que ce gouvernement avance étape par étape mais sans cap véritable. Ce gouvernement est en train de faire du zigzag ou du slalom. C’est l’esprit Grenelle qu’il faut faire renaître, que Jean-Louis Borloo avait insufflé à l’UDI, pour qu’on trouve les voies et les moyens, pour que cette nouvelle gouvernance fasse sauter, évidemment, toutes les difficultés auxquelles notre pays est confronté.

M. Razzy Hammadi. Par magie !

M. Philippe Vigier. Et puis je voudrais fustiger rapidement cette lenteur. Cela a été dit à l’instant, sur le pacte de responsabilité et de stabilité, annoncé le 31 décembre 2013, toujours pas en application : il faut attendre le 1Er janvier 2015 ! On ne peut pas avoir de tels délais, fixées à six mois ou un an, pour les entreprises. C’est maintenant qu’il faut agir !

De même, en ce qui concerne les professions réglementées, des moulinets de M. Montebourg jusqu’au texte présenté ce matin en Conseil des ministres, où en est-on ? Et puis, pardonnez-moi, mais vous croyez que c’est en mettant plus d’autocars qu’on va libérer la croissance ?

M. Razzy Hammadi. C’est caricatural !

M. Philippe Vigier. Je voudrais simplement rappeler à Emmanuel Macron que, lorsqu’il y a plus de deux cars, il y a un directeur de régie. Faisons déjà sauter le directeur de régie, cela permettra de faire en sorte qu’il y ait plus d’autocars sur les routes. Vous voyez, c’est l’avantage d’être un cumulard : au moins, un maire, il sait de quoi il parle, il connaît le quotidien.

Soyons positifs, d’autant que le French bashing n’est pas notre culture politique. Moi, j’ai de l’espoir pour ce pays, qui a des pépites extraordinaires.

Mme Karine Berger. Oh là là !

M. Philippe Vigier. Oui, madame Berger, ce ne sont pas des phrases pour promettre n’importe quoi, ce sont des phrases où on promet l’espoir, le chemin de la reconquête. Ce pays, c’est la cinquième puissance mondiale, et, moi, j’ai envie que mon pays réussisse.

Ce budget, monsieur le ministre, c’est une forme de renoncement, et je le regrette beaucoup. Il y a eu cette conversion mais, malheureusement, vous le savez, vous ne disposez pas de la majorité politique nécessaire pour faire les réformes que vous savez utiles. Vous savez de quelles réformes il s’agit et, au fond de vous-même, vous voudriez les réussir. Vous avez donc malheureusement fait ce choix de ne pas affronter les vraies difficultés, de tourner le dos au courage et, d’une certaine manière, de laisser à ceux qui vous succéderont une situation bien dégradée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, chaque année, nous débattons avec sérieux du budget de la France. Cette année au sérieux il faut ajouter la gravité et l’humilité, et sont aussi nécessaires la détermination et l’audace.

Malgré les efforts conjugués de l’État, des organismes sociaux, des collectivités locales et des ménages, nous peinons à redynamiser notre économie et à atteindre notre principal objectif : l’emploi. Malgré les aides dont elles bénéficient, dans un contexte de marasme économique, les entreprises peinent à embaucher et à investir, même s’il faut rappeler que le CICE n’est réellement opérationnel que depuis ce printemps. Malgré l’augmentation des impôts en 2012 et en 2013 et l’augmentation des économies de dépenses, nous n’arrivons pas à réduire nos déficits, même s’il faut, là encore, rappeler que la baisse des dépenses publiques a été modérée jusqu’à présent.

Dans ce contexte, la situation des Français et des Européens est extrêmement difficile et compliquée. On peut identifier trois problèmes importants : la captation du travail par les pays à bas coût de main-d’œuvre ; la rareté des énergies fossiles, des matières premières, ainsi que les pollutions et problèmes de santé qui y sont liés ; la captation des revenus par une minorité qui, de plus, échappe à l’impôt via l’optimisation et la fraude fiscale. Aussi, monsieur le ministre, puisque nous discutons du budget 2015 en lien avec la loi de programmation des finances publique, c’est à l’échelle européenne que nous devions faire preuve d’audace pour empoigner ces questions avec nos partenaires.

M. Michel Sapin, ministre. Nous le faisons !

M. Éric Alauzet. Je suis, comme beaucoup, affligé par le conservatisme et le manque d’imagination de l’Union européenne. Pourtant, il est temps de sortir des sentiers battus.

Premier sujet, celui des déficits et de l’évasion fiscale, puisque les deux sont liés. À celles et ceux qui érigent la réduction des déficits en priorité absolue, il faut dire « chiche », mais à la condition de sortir de cette monomanie de la réduction des dépenses publiques et de trouver des moyens complémentaires pour y parvenir. Si l’Union veut être crédible pour imposer une trajectoire de réduction des déficits, alors il est temps qu’elle se préoccupe des recettes des États et qu’elle mette fin à l’évasion fiscale. Ainsi, on voit certains pays se faire les apôtres de la bonne gestion et donner des leçons alors qu’ils contribuent par leurs régimes fiscaux privilégiés, voire par de petits arrangements avec les multinationales, à spolier leurs voisins. Il est temps que l’Union fixe une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale si elle veut permettre à ses membres de réduire efficacement leurs déficits. Si nous voulons maintenir l’adhésion des peuples à l’Union, prenons garde de ne pas faire s’effondrer l’action et la dépense publiques.

La tâche est considérable mais réaliste alors que les pays les plus libéraux, tel le Royaume-Uni, peinent aussi à collecter l’impôt.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. Éric Alauzet. Pour réussir, nous devons faire le choix de la coopération et de la solidarité entre les États. Nous devons résister à la tentation du tous contre tous et nous engager pleinement dans la construction d’une solution européenne.

Dans le cadre de la loi de régulation des activités bancaires et de la loi contre la fraude, nous avons déjà réalisé des avancées essentielles contre la fraude des particuliers. Aujourd’hui, nous devons nous attaquer à l’optimisation fiscale des multinationales, qui porte préjudice aux budgets des gouvernements à travers le monde.

Nous ne sommes pas seuls dans cette bataille : il y a quelques semaines, l’OCDE a présenté sept mesures visant à la restauration des bases fiscales des entreprises et au règlement de l’impôt dans le pays où l’activité est réellement réalisée, alors que les entreprises transfèrent abusivement des bénéfices d’une filiale à une autre grâce à des factures infondées ou gonflées concernant les matières premières, les redevances ou encore les biens immatériels comme les marques.

Le 28 octobre prochain, monsieur le ministre, vous serez à Berlin avec les représentants de quarante-cinq autres pays représentant 80 % du PIB mondial pour solenniser l’engagement de la France dans ce sens ainsi que la fin du secret bancaire. La pression conjointe de l’OCDE, de l’Europe et des États-Unis a permis un changement majeur puisque l’Irlande a annoncé mettre fin à son régime fiscal controversé dit du « double irlandais », qui permet aux grandes entreprises d’être taxée en Irlande à un taux moyen de 1,9 %. C’est une première victoire. Nous sommes convaincus qu’il y en aura de nombreuses autres.

Mon propos, monsieur le ministre, n’a pour seul objectif que de renforcer votre détermination afin de réussir dans les meilleurs délais, préserver notre modèle social et ne pas déprimer excessivement notre économie par une baisse trop brutale de la dépense publique.

Second point, l’investissement au niveau européen. Monsieur le ministre, vous allez bien entendu me parler du plan d’investissement de 300 milliards de l’Union européenne, ce à quoi je vous répondrai : certes, mais ces 300 milliards d’euros ne doivent pas être investis n’importe comment.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Éric Alauzet. Attention à la tentation et au leurre qui consisterait à transférer au niveau européen des investissements parce qu’ils ne seraient plus comptabilisés dans notre dette et nos déficits. En effet, il faudra de toute façon les rembourser, comme les autres. Non, l’investissement par principe n’est pas la nouvelle pierre philosophale. Il faut d’abord bien choisir les investissements en considérant que tous ne se valent pas.

En effet, très souvent, les investissements publics sont très coûteux et génèrent des dépenses ultérieures importantes – trois à cinq fois le coût initial sur cinquante ans. Ils dégradent souvent l’environnement et aggravent les déficits. Il suffit de se référer aux investissements Fillon des années 2010-2011 pour s’en convaincre.

M. Michel Sapin, ministre. Le fameux grand emprunt devenu grand déficit !

M. Éric Alauzet. L’investissement public ne fonctionne pas comme l’investissement privé. Tous les investissements ne se valent pas, ni sur le fond, ni sur la forme. Sur le fond, nous fonctionnons avec ce modèle fondé sur l’énergie fossile pas chère. Il a vécu. Il s’agit maintenant de privilégier les investissements inscrits dans le développement durable, peu émetteurs de carbone, inclus dans l’économie circulaire. Il y a urgence à muter.

Sur la forme, il s’agit de choisir les investissements qui auront le moins d’impact possible sur l’endettement et les déficits. C’est là que la transition énergétique constitue un atout unique. En effet, les économies d’énergie, toujours, et les énergies renouvelables, souvent, font parties des rares investissements qui s’autofinancent de manière certaine avec une durée connue à l’avance. Il faut ensuite allonger la durée des prêts et caler la durée d’amortissement sur le temps de retour. C’est tout à fait envisageable pour ce type d’investissement dans l’intérêt des générations futures. Ainsi, cette mesure d’allongement de durée de prêt aurait un impact immédiat sur la baisse des déficits.

Au total, voilà bien une mesure utile pour conjurer la déflation, stimuler nos entreprises, réduire les charges des agents économiques notamment en matière d’énergie, et s’engager dans la transition énergétique en minimisant l’impact sur les comptes publics. Autrement dit, la transition écologique ne doit pas être un secteur d’investissement parmi d’autres, elle doit être au cœur des investissements financés par l’Union européenne. Ainsi, au lieu d’un grand chantier, ce sont en réalité des millions de petits chantiers ancrés dans les territoires et créateurs d’emploi qui doivent être soutenus notamment dans le bâtiment – logement, locaux commerciaux et industriels…

Je conclurai sur le budget – très brièvement à ce stade. Nos objectifs sont précis, monsieur le ministre. En premier lieu, consolider l’investissement des collectivités locales en particulier dans la transition énergétique, en précisant une fois encore que tous les investissements ne sont pas bons. Là encore, il faut résonner en coût global, ce qui donne un avantage aux investissements en faveur de la transition énergétique et écologique.

Le risque existe d’un fort ralentissement de ces investissements et il faudra absolument suivre leur évolution très attentivement. C’est dans cet esprit que les écologistes défendront un amendement visant à flécher une partie des dotations aux collectivités en direction de la transition écologique dans le cadre du budget 2015, ainsi qu’un autre permettant aux collectivités d’être associées à l’élaboration du programme de stabilité dans le cadre de la loi de programmation.

En second lieu, le budget de l’écologie, consolidé avec le budget de l’AFIT, doit également être regardé avec attention, notamment le remplacement de l’écotaxe par une nouvelle recette pour financer les transports, en privilégiant le transport des personnes sur les courtes distances et celui des marchandises par le fer. Pour ce faire, la contribution des automobilistes devra nécessairement être complétée par celle des poids lourds ; tel sera l’objet d’amendements de notre groupe.

Troisième point, l’emploi des jeunes, pour lesquels il faut faire feu de tout bois : apprentissage, notamment dans les entreprises artisanales, emplois jeunes dans le secteur de l’économie solidaire et coopérative, emplois d’avenir… À cet égard, je ne comprends pas pourquoi l’on ne développe pas davantage les emplois aidés en attendant que la croissance revienne. Le coût est modeste – 10 000 à 20 000 euros –, quand celui du pacte de responsabilité ou du CICE représente entre 70 000 et 100 000 euros. Accentuons donc notre effort en faveur des contrats aidés.

Pour conclure vraiment, je veux saluer dans ce budget d’une part l’amélioration du pouvoir d’achat pour 9 millions de ménages, parfois à hauteur de plusieurs centaines d’euros – c’est sans précédent –, d’autre part les premières mesures qui traduisent la loi de transition énergétique, notamment le crédit d’impôt pour la transition énergétique, porté à 30 % au lieu de 15 %.

J’espère que la discussion qui s’ouvre permettra des avancées sur ces trois sujets. Comme chaque année, les députés écologistes seront porteurs de propositions visant à rendre notre budget, plus juste, plus efficace, plus écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. D’abord, je vous remercie très vivement, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d’État, d’être venus hier devant le groupe RRDP amorcer ce débat, qui commence aujourd’hui dans l’hémicycle. Votre projet de budget mérite des approbations mais suscite aussi des réserves. Par courtoisie élémentaire, je commencerai naturellement par les premières.

Premier point d’accord, notre groupe n’a cessé de dire depuis le début de la législature que pour redresser nos finances, la réduction de la dépense publique est très préférable à l’augmentation de la fiscalité. Pendant deux ans, vos prédécesseurs à Bercy ont, au contraire, assez fortement accentué la pression fiscale. Aujourd’hui, l’on change enfin de position : d’une part, ce projet de budget comporte un programme d’économies de 21 milliards d’euros, d’autre part, il allège l’impôt sur le revenu des ménages modestes ou moyens par la suppression de la première tranche de l’imposition.

Nous sommes favorables à cet allégement, non à la méthode choisie pour y parvenir. Actuellement – et c’est très légitime – les contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 6 011 euros annuels n’acquittent pas d’impôt sur le revenu, soit environ un foyer fiscal sur deux. Ensuite, les revenus compris entre 6 011 euros et 11 991 euros sont imposés au taux de 5,5 %. C’est cette première tranche d’imposition qui serait supprimée.

Cette suppression aurait bien sûr un avantage : améliorer la situation de ces foyers. Mais elle aurait aussi un inconvénient : accroître sensiblement le pourcentage de contributeurs non assujettis à l’impôt sur le revenu, qui se situerait peut-être autour de 65 %. Or, cet impôt est d’abord une contribution aux charges publiques communes : l’acquitter est un acte civique, qui rattache les citoyens à la communauté nationale. Déjà, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 disposait qu’une contribution commune était indispensable. L’impôt sur le revenu étant un lien entre le citoyen et la nation, il faut éviter une rupture trop généralisée de ce lien civique, de cette contribution, marque d’appartenance à la communauté nationale.

Dès lors, au lieu de supprimer la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui accroîtrait largement le nombre de foyers non imposables, nous proposons de diminuer très fortement le taux auquel cette tranche est soumise en l’abaissant de 5,5 % à 1 %. De la sorte, le montant de l’impôt acquitté serait très nettement diminué, mais une contribution, même symbolique, subsisterait et maintiendrait ce lien civique.

Un mot sur le déficit public, qui représentera 4,3 % du PIB en 2015. Certains vous en font grief, je ne le ferai pas, bien au contraire. Depuis juillet 2012, à chaque loi de finances rectificative ou initiale, je suis intervenu à cette tribune pour dire qu’il fallait éviter un rythme trop rapide de réduction du déficit public pour ne pas mettre en péril la croissance et l’emploi.

La Commission européenne sortante – qui n’en finit pas de sortir (Sourires.) – a fait preuve d’un dogmatisme intégriste, défendant avec dévotion une théologie néolibérale.

M. Henri Emmanuelli. Tout ça ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Quel vétéran !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est la description de la réalité !

Elle a donc imposé simultanément aux divers États européens une politique économique et financière très inadaptée, faite de rigueur excessive, voire d’austérité. Cette stratégie a notablement contribué à freiner ou à stopper la croissance, qui est seule génératrice d’emplois, donc à augmenter le chômage.

Certes, il faut réduire le déficit public, mais en adaptant le rythme de sa réduction à la situation économique actuelle de la France et de la zone euro, qui se caractérise par l’absence ou la faiblesse de la croissance, y compris en Allemagne, si donneuse de leçons, dont le PIB a reculé de 0,2 % au deuxième trimestre.

M. Henri Emmanuelli. C’est vrai !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Dans notre pays, la croissance a été de 0,3 % du PIB en 2012 et 2013. Elle sera de 0,4 % cette année. Comme l’a dit François Hollande le 8 octobre dernier au sommet sur l’emploi de Milan, « il faut ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance. »

La Commission européenne peut exprimer son avis sur notre budget, mais elle n’a pas le pouvoir de le rejeter, comme l’a souvent souligné le ministre des finances. Le budget de la France ne se décide pas à Bruxelles par l’action de quelques technocrates, mais ici à Paris, par le vote des élus du suffrage universel. Là comme ailleurs, la souveraineté appartient au Parlement national, et à lui seul.

Au demeurant, la France applique les traités européens, mais avec les flexibilités qu’ils comportent. Ainsi, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012 prévoit qu’un État peut s’écarter temporairement de l’objectif initialement prévu en cas de « circonstances exceptionnelles », définies comme « des périodes de grave récession économique ».

De plus et surtout, le code de conduite communautaire de janvier 2012, relatif à la procédure de déficit excessif, étend la notion de « grave récession économique » à « une période prolongée de croissance très faible du PIB ». La France est donc tout à fait fondée à s’écarter de la trajectoire initialement prévue, au regard des circonstances auxquelles elle est confrontée.

D’ailleurs, M. Draghi et d’autres esprits sans doute plus éclairés que M. Barroso recommandent aux différents États européens des mesures de relance.

Mme Karine Berger. Tout à fait !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mme Christine Lagarde, dont on ne fera jamais assez l’éloge, …

Mme Marie-Christine Dalloz. Tardivement !

M. Alain Chrétien. Cela fait plaisir !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je voulais susciter une approbation…

Mme Christine Lagarde, dont on me dit qu’elle est directrice générale du FMI,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes bien informé !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …recommande aussi une action en faveur de la demande et une rigueur moins prononcée, car elle est préoccupée par la faiblesse de la demande européenne.

Il est normal, bien sûr, d’aider les entreprises en période de crise, mais le CICE présente deux imperfections majeures, alors qu’il représente une dépense de 20 milliards d’euros par an.

Première imperfection : l’absence de sélectivité. Ce soutien s’adresse en effet indistinctement à toutes les entreprises quelles qu’elles soient, délocalisables ou non, exportatrices ou non, bénéficiaires, même largement, ou non.

Ainsi, comme de nombreuses sociétés du CAC 40, celles de la grande distribution profitent amplement de ce crédit d’impôt. Dès 2013, Carrefour aura perçu à ce titre 70 millions d’euros, et Auchan 45 millions. De leur côté, les membres de la Fédération des banques françaises auraient reçu 300 millions d’euros.

Mme Karine Berger. Et bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Si l’on continue ainsi, le CICE, financé pour partie par l’augmentation de la TVA, va devenir une manière élégante et distinguée de gaspiller l’argent public, au profit de grandes sociétés qui n’en ont pas réellement besoin.

Pour éviter cet effet d’aubaine, il faudrait le réserver aux secteurs et aux entreprises à qui il est vraiment nécessaire. À cela, on oppose parfois la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui en réalité offre cette possibilité, puisqu’elle permet de traiter différemment des personnes, physiques ou morales, placées dans des situations différentes.

À cela on oppose, aussi, le droit communautaire.

M. Charles de Courson. Là, il y a un problème !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit, aussi, que l’on peut privilégier certaines activités ou certaines catégories d’entreprises comme les PME. Je serais d’ailleurs très désireux de voir le taux de CICE applicable à ces mêmes PME augmenté par rapport à son niveau actuel – elles bénéficient du taux général de 6 % – à hauteur de 8 %. Ce serait l’occasion d’aider ces dernières, qui sont des gisements d’emplois potentiels.

Le second inconvénient du CICE me semble être l’imprécision des contreparties.

M. Charles de Courson. Il n’y en a pas !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je devrais dire la grande imprécision des contreparties. Ce système a été inventé avec un objectif précis, qui figure à l’article 243 quater C du code général des impôts. Pour l’essentiel, il s’agit de favoriser l’embauche et l’investissement.

Chacun le sait, les branches sont très peu nombreuses à avoir véritablement engagé des négociations. Seule la chimie les a conclues. Pour le reste, nous sommes dans le flou, l’indistinct et l’imprévisible. On ne peut accepter cet immobilisme de la part de certaines entreprises. Quand il s’agit de combattre le chômage, la démarche ne peut rester celle-là : tarder, traîner, temporiser.

On observe, par ailleurs, que ce projet de budget est beaucoup plus généreux envers les entreprises – qui vont bénéficier au total avec le pacte de responsabilité, de 41 milliards d’euros de baisse de charges en trois ans – qu’envers les collectivités territoriales dont les dotations vont, dans le même laps de temps, diminuer de 11 milliards, dont 3,7 milliards pour la seule année 2015.

Certes, les collectivités territoriales doivent mieux maîtriser leurs dépenses de fonctionnement, mais elles doivent aussi pouvoir continuer à financer leurs dépenses d’investissement pour construire ou rénover des équipements collectifs.

La forte baisse des concours financiers de l’État peut amener de nombreuses collectivités à renoncer à leurs projets d’investissement, avec le risque d’un repli massif de l’investissement public local, qui représente aujourd’hui 70 % de l’ensemble de l’investissement public. Un tel repli serait évidemment préjudiciable à l’activité économique et à l’emploi.

Pour pallier en partie cette baisse des dotations de l’État, il serait très opportun de créer une dotation de soutien à l’investissement local, qui pourrait être dotée d’environ 210 millions d’euros.

Par ailleurs, il serait utile, mais je sais qu’il y a débat sur cette question, d’accélérer les remboursements du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, aux collectivités locales.

Voilà, messieurs les ministres, pour conclure, les points que notre groupe souhaitait souligner et sur lesquels il a déposé des amendements. Nous serons évidemment attentifs au sort qui leur sera réservé, ainsi qu’aux précisions que vous apporterez au cours des débats.

En tous cas, puisqu’il s’agit d’un marathon budgétaire, nous vous souhaitons la constance et la vaillance des marathoniens, qualités qui sont déjà les vôtres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Henri Emmanuelli. Je vais peut-être adhérer au PRG. (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, hier, monsieur le secrétaire d’État au budget, vous nous invitiez, dans vos propos liminaires, au débat. Je crois que vous avez raison, car on ne saurait se résoudre à laisser notre grand et beau pays plonger dans les difficultés et s’abandonner au règne du chacun pour soi. Il faut, à notre sens, sortir de cette pensée unique à l’œuvre depuis trop d’années.

À travers le budget de notre pays, nous discutons des réponses concrètes aux souffrances, aux attentes, et aux réussites de nos concitoyens.

Quel sera l’engagement de la puissance publique pour répondre aux 200 salariés du groupe Apia – installé au cœur de ma circonscription – qui risquent de grossir la cohorte des cinq millions de chômeurs ?

Quelle sera la réponse apportée à la maison de l’oasis, ce lieu d’accueil parents-enfants, qui, dans ma commune, intervient dans les quartiers concernés par la politique de la ville et qui voit fondre les aides d’État ?

Ce sont deux exemples concrets qui, faute de remise en cause des dogmes libéraux imposés par Bruxelles, suscitent inquiétude, amertume, voire colère, car les réponses ne sont pas à la hauteur.

Il faut refuser la démission du politique face aux injonctions qui conduisent l’Europe dans l’impasse. Le FMI lui-même a mis en garde les pays européens contre les risques engendrés par la stagnation de l’activité, la faible inflation, notamment celui de la déflation. Oui, il faut une réelle relance !

Messieurs les ministres, c’est de souffle, de vision, et de confiance dans l’avenir dont notre pays et nos concitoyens ont besoin.

A contrario, hier, lors de votre présentation, nous avons eu l’impression d’assister à des exposés d’experts-comptables.

M. Charles de Courson. Respectez les experts-comptables !

M. Nicolas Sansu. La France est pourtant un grand pays, qui dispose de formidables atouts : nos services publics, nos entreprises, celles et ceux qui les font vivre, notre formidable patrimoine culturel, notre capacité d’innovation et de recherche, nos outils de solidarité, l’unicité de la République dans un territoire riche de sa diversité. Personne ne peut se résoudre à les voir se briser sous les coups de boutoir d’un capitalisme financier sans scrupules.

Bien sûr, la droite et l’extrême-droite parient sur l’échec du gouvernement pour imposer la contre-révolution conservatrice dont elles rêvent depuis tant d’années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Chrétien. Nous souhaitons la réussite de la France !

M. Nicolas Sansu. Mais pour contrer cette droite, dont la gestion a fait tant de mal au pays entre 2002 et 2012, il ne faut pas utiliser les mêmes recettes !

Oui, la grenouille social-libérale n’a rien à gagner à vouloir se faire aussi grosse que le bœuf ultra-libéral, car on connaît la fin de la fable ! Et nous sommes nombreux à penser, à gauche, que si la droite redresse la tête, la gauche ne doit pas la baisser !

Une alternative à ce budget d’austérité est possible. Ce dernier porte une politique de l’offre disproportionnée, avec, en trois ans, 50 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques et sociales pour redonner, sans contreparties, 41 milliards aux entreprises.

On entend sans cesse cette ritournelle, chantée sur tous les tons, de Bercy à Matignon et de Bruxelles à Paris : on n’a plus d’argent. Revenons aux chiffres.

En 2013, la fortune cumulée des 500 Français les plus riches s’élevait à 330 milliards d’euros.

M. Alain Chrétien. Ils sont partis !

M. Nicolas Sansu. Alors que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté s’accroît, le nombre de millionnaires passera, en France, de 2,440 millions en 2014 à 4,160 millions en 2019, selon les estimations du Crédit Suisse – ce sont aussi de bons experts-comptables.

Le gestionnaire d’actifs HGI nous apprend, de son côté, que la France est championne d’Europe des versements de dividendes. Les dividendes versés par les grands groupes ont ainsi augmenté cette année de 30,3 % au deuxième trimestre, pour un total de 40 milliards de dollars, soit un montant record. Cette hausse offre un terrible contraste avec les chiffres de l’investissement : une baisse de 0,7 % au premier trimestre, puis de 0,8% au deuxième.

Contrairement à ce que la droite et les libéraux tentent de faire croire, l’enrichissement des plus riches ne tire pas tout le monde vers le haut, car le gâteau n’augmente pas beaucoup. Ce sont les inégalités, la pauvreté et le déclassement qui s’accroissent.

Nous assistons au triomphe de l’économie de la rente sur l’économie de la production. Ce phénomène s’illustre notamment par l’ampleur de l’optimisation et de l’évasion fiscales qui contribuent à détruire notre modèle social.

Si nous saluons les avancées visant à mettre fin au secret bancaire en Europe, le chemin est encore long sur la voie de l’harmonisation par le haut des normes fiscales et sociales, seule à même de juguler les effets désastreux de la course folle au dumping social et fiscal.

Encadrer la finance, c’est aussi avancer vers la mise en place effective de la taxe sur les transactions financières.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Nicolas Sansu. En Allemagne, une étude indique que cette taxe permettrait de dégager un surcroît de recettes de 18 à 28 milliards d’euros.

En dépit du lobbying acharné des banques, notamment françaises, notre pays doit peser de tout son poids pour une mise en œuvre rapide de cette taxe.

Dans ce cadre, que peuvent bien signifier les coupes drastiques dans les dépenses, si rien n’est entrepris pour mettre fin à la captation, par la sphère financière, des richesses produites ?

S’agissant de la dépense publique, il faut là aussi rappeler quelques vérités. Quand un étudiant français entre dans la vie active, il a, en moyenne, 800 euros de dettes. Son homologue américain en a, déjà, 15 000.

Les dépenses publiques et sociales nous placent face à une question de choix de société, et pas seulement face à un exercice comptable.

Je veux aussi porter le débat sur la dette. Ah qu’il est puissant pour imposer les politiques restrictives, cet argument des 2 000 milliards de dette !

Il est si puissant que, bien souvent, nous oublions ses causes ainsi que les alternatives à celle-ci. Tout fonctionne comme si les seules boussoles étaient les variables financières.

Faudra-t-il, comme me le disait un salarié, que tous les parents soient au chômage pour que nos enfants ne supportent plus de dette ?

Passons sur les causes évidentes de l’endettement : il s’agit des cadeaux fiscaux – éléments déterminants, comme l’avait souligné le rapport Carrez en 2010, du niveau de notre endettement – accordés par la droite aux grandes entreprises et aux plus riches.

Le niveau de la dette vient, aussi, de l’obligation faite aux États, depuis les années 1970 et 1980, de se financer sur les marchés.

Pourquoi refuser d’ouvrir la voie au refinancement direct des dettes souveraines par la Banque centrale européenne, au taux de 0,05 %, comme cela se pratique pour les banques privées ? Cela permettrait de dégager, a minima, 40 milliards d’euros d’économies budgétaires.

Aujourd’hui, ce sont de facto les rentiers privés de la dette publique, qui ne sont ni des anges ni des philanthropes, qui poussent à arbitrer contre les dépenses publiques et sociales !

Messieurs les ministres, si ces combats ne sont pas simples, ils restent essentiels. Il faut engager une réflexion et une action sur la dette qui sortent de la seule dictature des chiffres pour en modifier la structure.

Parce que personne, ici, ne s’accommode de la dette et des déficits, un des objectifs des amendements que les députés Front de gauche auront à défendre sera, bien sûr, de rétablir les comptes publics.

À notre sens, cela passe par une autre architecture fiscale, en vue de plus de justice, plus de progressivité et, au bout du compte, plus d’efficacité.

Avec ce projet de loi de finances, ce sont les impôts indirects, et d’abord la TVA, dont la part progresse dans les recettes de l’État. TVA et TIPP passent en effet de 51,3 % à 53,7 % du total de ces recettes.

L’impôt sur le revenu, lui, reste sous la barre des 25 % du total des recettes. Dans ce contexte, supprimer la première tranche d’imposition —pour corriger les erreurs accumulées depuis 2010 sur le bas de barème —ne peut faire illusion. Cette mesure soulagera, certes, des millions de contribuables. Mais tous les foyers déjà non imposables aujourd’hui n’en tireront aucun bénéfice, contrairement à la revalorisation des prestations et des salaires.

Surtout, ce geste fiscal ne va pas restaurer la confiance dans l’impôt. La mesure risque même de rendre plus crédible l’idée reçue selon laquelle une moitié des ménages financerait les dépenses publiques dont profiterait l’autre moitié, ainsi que le soulignait récemment le leader de la CFDT.

Rien n’est prévu pour le haut du barème, qui doit également être traité, ou pour introduire plus de justice dans la fiscalité du patrimoine, toujours plus concentré dans les mains d’une infime minorité.

Enfin, l’effondrement de l’impôt sur les sociétés, qui passe de plus de 47 milliards en 2013 à 33 milliards en 2015, est le signe d’une politique de l’offre complètement aveugle.

Nous avons quand même réussi l’exploit de cumuler un taux d’impôt sur les sociétés extrêmement conséquent et un produit très faible !

Si vous cherchez des économies, supprimez le CICE et privilégiez les dépenses d’intervention qui permettent de cibler les aides en soutenant, notamment, les investissements essentiels pour la culture, les transports, l’écologie et la transition écologique ! 

Comment accepter que les banques et les compagnies d’assurance continuent de bénéficier du CICE à hauteur de 280 millions d’euros cette année, et de près d’un milliard par an en rythme de croisière ?

Ce gaspillage de la ressource publique contribue à défaire les services et à déprimer l’investissement publics.

Le soutien à l’investissement public demeure une priorité affichée du Gouvernement, mais tous ses actes le contredisent !

Qu’il s’agisse de la baisse des dotations aux collectivités locales, de la ponction sur les recettes des agences de l’eau, ou de l’effondrement du montant affectés aux contrats de plan État-régions, les choix affichés dans ce projet de loi seront dramatiques pour l’investissement public. Ils le seront également, par ricochet, pour l’emploi, notamment dans le secteur des bâtiments et travaux publics qui doit assurer la transition énergétique.

Certes, avec le CICE, les marges des entreprises de ce secteur se sont un peu améliorées, mais leurs carnets de commandes sont vides pour l’année prochaine. En clair, comme me l’a dit le patron d’une entreprise, grâce au CICE, certaines entreprises du BTP vont pouvoir mourir en bonne santé…

C’est particulièrement le cas dans les territoires fragiles comme celui dont je suis élu, que vous connaissez particulièrement, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument.

M. Nicolas Sansu. Fragiliser les collectivités locales revient à fragiliser l’élément dynamique de l’investissement, mais aussi les amortisseurs sociaux que constituent les services publics locaux. Quelle grave erreur économique, politique, et sociale !

Il faut revenir sur cette diminution des dotations…

M. Philippe Vigier. C’est sûr. Une misère !

M. Nicolas Sansu. …contre laquelle le Parti socialiste était, à juste titre, vent debout avant 2012.

Mes chers collègues, évoquer ce budget revient à se pencher sur la chronique d’un échec annoncé. En refusant de s’attaquer au pouvoir exorbitant des marchés financiers, en n’accordant pas réellement, par une hausse significative du SMIC et des bas salaires, la priorité au pouvoir d’achat, en sacrifiant l’investissement public pourtant essentiel pour entraîner l’investissement privé et réussir la transition énergétique, vous faites, messieurs les ministres, fausse route.

Il devrait pourtant exister au sein de cet hémicycle une majorité pour adopter un autre budget, celui qui était attendu par les électeurs qui ont porté François Hollande à l’Élysée, celui qui tourne le dos aux politiques d’austérité qui ont échoué en Europe, celui qui permettrait de ne pas se résigner à voir la droite revancharde et l’extrême droite haineuse diriger notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Alain Chrétien. Nous ne sommes pas revanchards !

M. le président. Nous reprenons la liste des orateurs inscrits.

La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la souveraineté de la France ne se marchande pas. Les textes budgétaires sur lesquels nous travaillerons dans les prochains jours émaneront de cette souveraineté et d’aucune autre.

Ce principe, nous l’avons tous en tête. Je le croyais en tout cas, jusqu’au moment où j’ai entendu certains membres de l’opposition, comme d’ailleurs Mme Le Pen cet après-midi, se gargariser à l’idée que nos engagements européens pourraient remettre en question notre souveraineté budgétaire.

Que la Commission européenne puisse être plus souveraine que la France pour son budget, une telle idée est bien évidemment fausse, et je pense que le Gouvernement fera en sorte de rappeler aux membres de l’opposition leur pleine et entière responsabilité dans le débat portant tant sur la loi de programmation des finances publiques que sur le projet de budget pour 2015.

Cette responsabilité est d’autant plus lourde que nous sommes à la moitié du mandat donné par les Français. C’est ce que je souhaite mettre en perspective à travers deux thèmes : la lucidité que nous devons avoir sur la situation économique actuelle et notre responsabilité dans l’orientation globale de la politique budgétaire qui doit en découler.

Quelle est notre situation économique à mi-mandat ?

M. Charles de Courson. Elle est bonne !

Mme Karine Berger. Pour certains sur ces bancs, le cycle économique n’existerait plus. Je parle de vous, monsieur de Courson, qui êtes un peu notre M. Jourdain parlementaire, vous qui faites du cycle sans le savoir depuis plus de vingt ans : vous devriez être le plus obligé du monde que notre majorité vous l’ait appris.

Le cycle économique est reconnu par le FMI, l’OCDE, la Commission européenne…

M. Philippe Vigier. Comme vos prévisions de croissance pour 2013…

Mme Karine Berger. …et, bien sûr, notre nouveau prix Nobel d’économie, Jean Tirole.

Leur diagnostic est unanime : la France est dans une situation encore plus difficile qu’en 2010, car la situation européenne est plus dégradée qu’en 2010. Comment le sait-on ? Par exemple par l’écart de conjoncture : moins 1,8 en 2010, moins 2,8 en 2014, selon Eurostat. La situation est presque deux fois plus dégradée qu’en 2010 alors que le déficit est environ moitié moindre. L’inflation européenne stagne à 0,4 %, c’est-à-dire bien en dessous de l’objectif de 2 %.

Madame la rapporteure générale, vous évoquiez dans vos propos le poison de la déflation. En voyant les chiffres de la Commission européenne, tant sur l’écart de production que sur les prix, je dirai même plus, c’est le crépuscule de la déflation (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) qui est aujourd’hui à notre porte.

Il est difficile de définir la déflation en quelques mots, tant le phénomène, une fois enclenché, apparaît comme global, se propageant par toutes les courroies de l’économie et vrillant tous ses leviers. Disons que cela s’apparente à la disparition de la valeur. En déflation, la valeur se contracte alors que, habituellement, nous cherchons à la faire croître, objectif résumé par la fameuse croissance du PIB.

La déflation correspond au moment où la valeur du travail, la valeur des objets, la valeur de l’épargne, et même la valeur du risque disparaissent, d’où la baisse des prix, qui est un signal, parmi d’autres, de la déflation, d’où, surtout, la baisse de l’investissement.

La disparition de la valeur fausse toutes les décisions, présentes et futures, des personnes comme des entreprises, se nourrissant d’une épouvantable crise de confiance et en en suscitant une.

C’est bien ce que nous vivons aujourd’hui car, en déflation, il est plus difficile de rembourser ses dettes, d’ajuster les salaires réels ou d’améliorer sa compétitivité par rapport aux autres pays.

Nous ne pouvons pas compter uniquement sur la politique monétaire pour relancer la machine. Il faut évidemment saluer le virage à 180 degrés des options de notre banque centrale et faire en sorte que les évolutions de l’euro se poursuivent, mais, pour relancer la machine, il faut jouer sur la politique budgétaire, en lançant un grand programme d’investissement européen. Il s’agit d’aller à l’encontre de la contraction de l’investissement public observée en début de crise, mais également d’aller plus loin.

Est-ce cette orientation de politique budgétaire qui est inscrite dans la loi de programmation et le projet de budget pour 2015 ? Oui et non. Oui car vous avez choisi de ne plus réduire le déficit structurel, allant à l’encontre de ce que la Commission européenne attendait de nous. S’il fallait une preuve supplémentaire de notre souveraineté vis-à-vis de la Commission européenne, elle est là. Non, car nous avons tout de même la perspective d’une baisse de l’investissement public l’année prochaine dans notre propre pays.

Sur ce que nous avons fait au cours de la première moitié de notre quinquennat en matière budgétaire, les dés sont jetés, seule l’Histoire jugera.

M. Yves Censi. Peut-être que les électeurs le diront !

M. Patrick Ollier. C’est déjà fait !

Mme Karine Berger. Seule l’Histoire dira si une baisse des prélèvements de 30 milliards d’euros sur les entreprises avant l’entrée en déflation était un choix pertinent. Mais, sur ce qui nous reste à faire, les dés ne sont pas encore jetés.

Nous refusons de nous mettre en danger. Préservons l’investissement des collectivités locales et acceptez d’avancer le remboursement du FCTVA dès l’année prochaine : c’est là que se situe la cohérence entre le diagnostic de la déflation et les décisions de politique budgétaire que nous prenons.

Oui, nous devons réduire la dette monumentale que l’opposition nous a léguée, mais sans perdre de vue notre priorité, qui est la lutte contre le risque de déflation.

Je finirai par cette citation de Mme de Maintenon : « Il y a ceci de singulier dans la vie qu’elle offre autant de bonnes occasions à ne pas manquer que de fausses à écarter, et la grandeur d’un destin se fait de ce qu’on refuse plus que de ce qu’on obtient ».

M. Yves Censi. Applaudissements nourris…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous tentez de faire passer ce projet de loi de finances pour un budget d’avenir. Force est de constater qu’il s’agit surtout d’un aveu d’impuissance. Deux chiffres sont extrêmement clairs : une dette publique à 95,1 % du PIB, une dépense publique à 57 % de ce PIB. Du jamais vu. À mi-mandat, ce que l’on constate finalement, c’est l’impuissance à réformer le pays, à tenir les promesses du Président de la République.

Les mesures que vous nous proposez mois après mois, projets de loi de finances après projets de loi de finances rectificatives, enfoncent un peu plus notre pays dans une crise qui n’en finit pas. Les coups de rabot…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oh ! (Sourires.)

Mme Catherine Vautrin. …se succèdent, la paupérisation se généralise, et l’incapacité à créer un consensus de la réforme s’installe.

Le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de répéter leur engagement plein et entier en faveur de l’emploi, ce que chacun d’entre nous dans cet hémicycle souhaite bien évidemment.

Expliquez-nous alors pourquoi vous faites tous ces hold-up, hold-up sur les chambres de commerce et d’industrie, qui, pourtant, s’engageaient en faveur de la formation et de l’apprentissage, ainsi que des transports, hold-up sur les chambres d’agriculture, qui va demain hypothéquer la réalisation de projets structurants et créateurs d’emplois, et même hold-up sur les agences de l’eau, qui ne pourront plus assumer leurs engagements. Le mardi, vous proposez un texte sur la transition énergétique. Le même soir, vous en proposez un qui va toucher les ressources des agences de l’eau. Où est la cohérence ? Merci de le préciser. Vous faites enfin un hold-up sur les collectivités territoriales, dont vous baissez les dotations tout en continuant à leur transférer allègrement des charges, qu’il s’agisse des rythmes scolaires, dont les coûts n’auront pas été compensés longtemps, ou de la gestion des liquidations, qui devient une compétence municipale, et la liste s’allonge texte après texte. Bien évidemment, les collectivités ne pourront plus investir dans les territoires.

Votre budget, en une phrase, c’est « recherche désespérée de recettes à court terme pour atteindre un équilibre impossible ». C’est finalement le camouflage d’une dette chaque jour un peu plus lourde.

En fait, vous avez une vision étatiste et parisienne de la France. Vous estimez qu’elle se réforme d’en haut. Vous prenez des décisions unilatérales, lourdes de conséquences, puis vous pensez que la France des territoires n’aura qu’à se débrouiller pour les appliquer. Il faut vous le dire une fois encore, cela n’est juste plus possible.

Notre pays, monsieur le secrétaire d’État, se réforme par la base, les territoires, les collectivités, la concertation et, surtout, par le partage d’une vision pour l’avenir.

Nous parlons d’avenir. Dommage, la recherche et l’enseignement, domaines que vous connaissez bien, sont justement les grands oubliés, et je n’évoquerai même pas les contrats de Plan État-région, diminués des deux tiers. Même l’Institut de France s’alarme de l’abandon de la recherche en France et du départ massif de ses plus brillants chercheurs.

Les collectivités vous demandent d’accepter des choses simples, une baisse de la TVA au taux réduit de 5,5 % en faveur du transport de voyageurs, mesure directe en faveur du pouvoir d’achat et du développement des transports en région. C’est tout simplement faire ce qui se passe chez plusieurs de nos voisins, le Danemark, le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal, l’Allemagne, qui exonèrent les transports publics de TVA ou leur appliquent un taux réduit, ce qui est autorisé par la Commission européenne. En France, on ne peut pas le faire, vous ne le voulez pas.

Les Français vous demandent de trouver des solutions simples, des solutions d’avenir, et d’arrêter de trouver des boucs émissaires pour vous laisser un peu de répit.

Les familles n’en peuvent plus du fardeau que vous leur imposez. Dernier exemple en date, cette fausse bonne nouvelle de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Nous savons tous quelle en sera la conséquence, vous allez une fois encore concentrer l’impôt. Et qui allez-vous frapper une fois de plus ? Les classes moyennes.

La situation de la France est grave, elle est examinée avec inquiétude par tous nos collègues européens. Nous devons créer les conditions d’un rétablissement de nos capacités à investir, à nous moderniser, à retrouver de la compétitivité, ce qui est une absolue nécessité.

La République mérite que l’on dépasse les clivages. La République mérite que le Gouvernement entende, certes, sa majorité mais, pourquoi pas, son opposition car, nous sommes unanimes, il y a urgence.

Alors, pour que ce projet de loi de finances pour 2015 ne soit pas encore un rendez-vous raté, acceptez d’entendre nos amendements. Souvenez-vous de votre ministre des finances, qui assurait en janvier 2014 que la France maîtriserait ses déficits. Que dira demain le commissaire européen Moscovici de votre projet de budget ?

M. Henri Emmanuelli. Qu’il est bon !

Mme Catherine Vautrin. Arrêtez d’avoir un double discours, le discours de Paris pour répondre aux frondeurs en disant que, bien sûr, on lutte contre l’austérité, et le discours de Bruxelles sur la rigueur.

Finalement, une seule question nous préoccupe : que faites-vous de la parole de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Alain Chrétien. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, 1964-2014, l’on fête les cinquante ans de la loi sur l’eau, qui a donné à notre pays ce qu’on appelle le modèle français de l’eau, qui est largement transposé dans d’autres pays.

Si j’évoque cette date – et mon propos sera centré, vous l’avez compris, sur le prélèvement envisagé sur les budgets des agences de l’eau –, c’est bien parce que ce modèle anticipait à la fois la décentralisation et la directive-cadre sur l’eau, avec la notion de bassin-versant.

Ces agences de l’eau sont des établissements publics de l’État, des opérateurs de l’État. Vous avez décidé, pour résoudre les difficultés de nos finances publiques, que je ne sous-estime pas, et je partage la nécessité de les résoudre, de mettre les opérateurs à contribution, parmi lesquels les agences.

La pratique avait déjà été employée l’an dernier, à hauteur de 220 millions d’euros, et, dans la loi de programmation des finances publiques pour trois ans, c’est trois fois 175 millions d’euros que vous envisagez de prélever. Les prélèvements s’accélèrent donc. Nous les avions déjà condamnés lorsque Roselyne Bachelot en avait fait en son temps car c’est le principe selon lequel l’eau paie l’eau qui est battu en brèche.

Un tel prélèvement, c’est finalement prendre dans la poche du consommateur d’eau lorsqu’il règle sa facture, alors même que l’État reçoit déjà au passage la TVA sur ces factures d’eau, ce qui, si mes renseignements sont bons, représente 500 millions d’euros.

Fonds de roulement, ce n’est pas pour moi un gros mot car, même si l’argent doit circuler, il faut un fonds de roulement minimal puisque les redevances servent à financer des dépenses d’intervention, des investissements portés par des maîtres d’ouvrage locaux. Après le prélèvement de l’an dernier, certaines agences, car leur situation n’est pas uniforme, ont déjà dû revoir leur dixième programme d’intervention.

C’est donc l’investissement public local dans le domaine de l’eau qui est ainsi affecté. Vous qui, en tant qu’élu local, étiez impliqué dans l’agence de bassin Rhin-Meuse, monsieur le secrétaire d’État, vous devinez toutes les conséquences économiques que cela peut avoir sur les entreprises de ce secteur. Elles étaient probablement hier à Paris avec ceux du secteur du bâtiment et des travaux publics qui manifestaient. Je suis convaincu qu’en réduisant les possibilités d’intervention de l’investissement public local, dans ce domaine en particulier, nous accentuons le risque de récession.

Au-delà, il y a un débat plus profond, et je le dis en qualité de président du Comité national de l’eau. J’ai pris mon bâton de pèlerin après le prélèvement de 2014 pour tenter de convaincre le Premier ministre et le ministre du budget de l’époque ainsi que leurs conseillers budgétaires de ne pas renouveler un tel prélèvement. J’ai proposé d’autres solutions, en premier lieu l’élargissement des missions des agences de l’eau. À la faveur du texte relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles, j’ai porté des amendements introduisant la GEMAPI, la gestion de l’eau des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

Cela constitue déjà une évolution notoire, certes contestée par certains. Je considérais que c’était une extension du principe selon lequel l’eau paie l’eau et que, avec cette nouvelle compétence GEMAPI, nous introduisions le grand cycle de l’eau au-delà du petit cycle qui concerne l’eau et l’assainissement stricto sensu. Je continue de plaider pour cet élargissement, sans toutefois aller au-delà. Demain, nous ouvrirons le débat sur la biodiversité. Elle peut être aquatique et, partant, supportable par les agences, dans le cadre de l’élargissement de leurs missions. Ce n’est pas le cas toutefois de la biodiversité sèche. Nous aurons ce débat prochainement, mais il est déjà là en filigrane.

Avec ce prélèvement et l’élargissement des missions, c’est in fine la double peine qui va s’imposer aux agences et les mettre en difficulté. Les risques, je le répète et le regrette, sont doubles : de véritables difficultés économiques pour les entreprises du secteur ; un recul quant à l’atteinte des objectifs que nous impose la directive-cadre sur l’eau, laquelle, par ailleurs, nous laisse, dans un certain nombre de domaines, sous la menace d’astreintes de l’Union européenne. Ce serait un comble qu’en n’assumant pas nos dépenses dans ce secteur nous soyons obligés de verser des pénalités à l’Europe. Voilà qui serait tout à fait contre-productif pour nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons la discussion budgétaire dans un moment d’une extrême gravité, où l’Europe peut s’enfoncer dans la récession et dans la déflation. Je ne doute pas un seul instant de la volonté du Gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour conjurer cette spirale funeste. La volonté est là, je dirais même qu’elle est présente depuis le début de cette mandature. Je mesure les efforts entrepris depuis 2012 par notre Gouvernement, appuyé par sa majorité, pour réduire le déficit structurel qui accablait nos finances publiques. J’en mesure les succès, mais j’en mesure également les limites. Et pour cause : si la réduction des déficits publics est un moyen, un moment dans une stratégie, elle ne saurait constituer une fin en soi. C’est d’ailleurs ce que s’apprête à signifier le Gouvernement à nos partenaires européens et, en premier lieu, à la Commission européenne.

M. Jean-Luc Laurent. À juste titre !

M. Pascal Cherki. Le Gouvernement peut compter sur l’entier soutien de sa majorité. Nous vous invitons à tenir bon et à ne pas reculer dans un énième compromis boiteux où il n’y aurait que des perdants. Afin de vous aider dans cette démarche, nous avons déposé deux amendements. Le premier, dont je suis l’auteur, vous invite à faire vôtre la volonté exprimée par les parlementaires européens, dans une résolution où ils invitaient la Commission à extraire du calcul des déficits publics les contributions versées par les États membres au titre du budget de l’Union. Cette recommandation de bon sens aurait l’immense avantage de ramener notre déficit à 3,3 %, puisque le prélèvement sur recettes de la France en faveur de l’Union européenne représente 20 milliards d’euros, soit 1 point de PIB.

Le second amendement vise à sortir du calcul du déficit une partie de nos dépenses militaires. Actuellement la France consacre près de 2,2 % de son PIB aux dépenses militaires, suivant en cela, avec le Royaume-Uni, les recommandations de l’OTAN qui demande qu’un effort minimum de 2 % du PIB y soit affecté. La France déploie son armée dans des opérations extérieures où nos concitoyens paient l’impôt du sang pour assurer la protection des intérêts stratégiques de l’ensemble de l’Europe, quand les autres pays effectuent un effort de défense deux fois moins important : 1,3 % pour l’Allemagne et 0,9 % pour l’Espagne, par exemple. Aussi vous proposons-nous de déduire du calcul des déficits structurels la part des dépenses de défense dépassant les 1 %, ce qui ramènerait le solde structurel de notre pays autour des 0,5 % et le solde global autour des 3 % de Maastricht.

Monsieur le ministre, vous avez donc le choix, en acceptant l’un ou l’autre de ces amendements, de ramener le débat européen sur la réduction des déficits à une plus juste mesure.

Venons-en à la deuxième question qui nous occupe, et ce parfois bruyamment en dehors de notre hémicycle : je veux bien évidemment parler de la stratégie budgétaire pour faire revenir la croissance. Nous avons une divergence, nous avons un désaccord avec le Gouvernement, non pas sur les buts à atteindre, à savoir le retour de la croissance comme seule garantie pour faire baisser durablement le chômage et les déficits, mais sur les moyens pour y parvenir. Nous partons pourtant du même constat : la faiblesse des marges des entreprises et l’insuffisance chronique de l’investissement.

Là où nous divergeons, c’est que nous ne vous suivons pas dans votre conversion rapide, brutale et incongrue en faveur de la politique de l’offre. Cela ne marche pas et cela ne marchera pas, car la question à laquelle sont confrontées nos économies en Europe n’est pas principalement un problème d’offre, mais bien un problème d’insuffisance de la demande. Quand vous pensez et agissez en sociaux-libéraux, nous vous invitons à penser et à agir en sociaux-démocrates.

M. Henri Emmanuelli. Voilà qui est dit !

M. Pascal Cherki. Nous ne sommes pas les seuls à vous le dire. Ne trouvez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il y a un certain paradoxe à se faire prendre à partie par les principaux économistes américains, tels que les prix Nobel Joseph Stiglitz et Paul Krugman, qui nous reprochent notre soumission à l’orthodoxie ? En 1981, nos amis américains nous reprochaient d’être trop socialistes, aujourd’hui ils nous reprochent de ne pas l’être assez.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent !

M. Pascal Cherki. Ils nous reprochent d’être plus proches de Hoover ou de Clemenceau que de Roosevelt ou de Mendès France. C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements destinés à rééquilibrer ce budget. Nous ne renonçons pas à la justice fiscale, laquelle a pour fondement la progressivité de l’impôt direct, comme l’a rappelé notre ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

Nous souhaitons éviter une crise majeure du BTP, avec la destruction de milliers d’emplois à la clé, qui résulterait de la trop brutale et trop importante diminution des concours financiers de l’État aux collectivités locales. Nous souhaitons recentrer le CICE, en le transformant pour partie en un véritable crédit d’impôt investissement. Nous vous invitons à réduire un peu la voilure des aides aux entreprises, afin de ne pas avoir à tailler, pour plusieurs centaines de millions d’euros, dans des prestations qui fondent l’universalité et l’utilité de notre politique familiale. Et je ne cite ici que quelques-unes des propositions utiles que nous vous formulons pour nous aider collectivement à réussir la fin du quinquennat.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, si le Gouvernement entend notre appel que je sais largement partagé dans les rangs des diverses formations de gauche composant notre majorité parlementaire, je suis persuadé que nous nous ressaisirons et que nous renouerons le lien de confiance avec celles et avec ceux qui ont permis à la gauche de revenir aux responsabilités en 2012 et qui attendent encore tant de nous ; je suis persuadé que nous sortirons la France et les Français de la morosité et de l’inquiétude qui les habitent actuellement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Bravo ! Malheureusement, je crains qu’on ne vous écoute pas.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Monsieur le ministre, une fois encore, vous nous présentez un budget à l’inverse de ce qu’il est réellement : c’est un budget de dupes qui laisse filer les déficits, qui n’amorce aucune réforme structurelle et qui est malheureusement bien impuissant à sortir notre pays de la crise dans laquelle il s’enfonce chaque jour un peu plus. Évidemment, selon vous, ce n’est pas de votre faute si le déficit continue à se creuser. Ce serait à cause de l’environnement international, de la situation dégradée de l’investissement des ménages en matière de logement et de l’atonie de l’investissement des entreprises. Les coupables sont là, tout désignés dans l’exposé des motifs de votre PLF : les étrangers, les promoteurs immobiliers et les patrons.

À la veille d’un endettement hors de contrôle et dans un contexte économique où tous les indicateurs sont au rouge, c’est l’attentisme, monsieur le ministre, qui est au rendez-vous. Tous les freins à la croissance, à la libération du marché du travail, à la compétitivité et à l’investissement restent bien serrés. Vous vous parez des habits vertueux du sérieux budgétaire, mais où est le sérieux budgétaire quand vous vous accrochez à une prévision de croissance totalement irréaliste ? Où est le sérieux budgétaire quand vous ne donnez aucun détail sur les prétendus 21 milliards d’euros d’économies que vous prétendez réaliser en 2015 et les 50 milliards d’ici à 2017 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Il faut arrêter ! Vous n’êtes pas venu hier !

M. Razzy Hammadi. Il faut suivre un peu !

M. Yves Censi. Vous aurez l’occasion de vous exprimer tout à l’heure, monsieur le ministre ! Où est le sérieux budgétaire quand vous vous enfermez dans des manipulations comptables, en présentant la réduction du rythme de progression des dépenses comme des économies ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut être là quand on discute !

M. Yves Censi. Vous ne répondez pas à ces questions, monsieur le ministre ! Ce n’est pas la peine de faire des commentaires, lorsqu’un député prend la parole dans l’hémicycle. Vous aurez l’occasion de répondre, mais vous ne répondrez jamais !

Quel est donc ce sérieux budgétaire ne suscitant que le scepticisme de Bruxelles qui vous exhorte d’ailleurs à présenter des mesures crédibles ? De fait, tous vos artifices ne trompent ni la Commission européenne, ni le Haut conseil des finances publiques, pas plus d’ailleurs que les Français dans leur ensemble. À l’heure où vous prétendez tenir un discours de vérité aux Français, force est de reconnaître que la sincérité budgétaire est une notion qui vous est définitivement étrangère. Le 2 octobre dernier, le Président de la République continuait à défendre une prévision de 1 % de croissance l’an prochain, alors qu’elle devrait être proche de zéro. Surdimensionner le taux de croissance pour boucler la valise des contraintes budgétaires relève non seulement d’une absence totale de sincérité, mais en plus d’une irresponsabilité hautement blâmable.

Irresponsabilité encore, parce que, au lieu de prendre des décisions radicales et globales pour redresser notre croissance, vous choisissez de laisser filer les déficits. Le redressement des finances publiques était pourtant l’un des principaux engagements du candidat Hollande en 2012. Cette priorité a aujourd’hui rejoint le cimetière des nombreuses autres promesses de campagne enterrées. Irresponsabilité également, parce que vous ne faites rien pour désamorcer la bombe à retardement de 2 000 milliards d’euros de dette dont le détonateur sera tôt au tard, vous le savez, l’augmentation des taux d’intérêt. Peu importent à vos yeux, semble-t-il, les signaux négatifs de la Commission européenne, peu importent les politiques vertueuses et ambitieuses menées par nos voisins européens et qui portent aujourd’hui leurs fruits.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lesquelles ?

M. Yves Censi. La Grande-Bretagne, par exemple, qui affiche aujourd’hui 3 % de croissance, a eu le courage en 2010 de restructurer ses dépenses publiques et de les baisser comme jamais auparavant, en redéfinissant les contours de l’intervention de l’État, dans une logique constante de performance. Les impôts ont diminué, monsieur le ministre, concomitamment à la dépense publique – cela est possible ! – et ce sont les entreprises, et partant l’emploi, qui ont été les premières bénéficiaires de cette bascule. Le taux d’impôt sur les sociétés a été ramené à 20 %, soit l’un des plus bas d’Europe, et d’ailleurs les conséquences pour nous seront assez dramatiques. Vous, vous avez fait exactement le contraire : augmentation de la dépense publique pour augmenter le pouvoir d’achat et augmentation des impôts pour réduire le déficit. In fine, c’est l’obésité de la demande publique, le matraquage fiscal et l’étouffement de notre économie.

Tout ce qui semble vous importer, c’est de colmater les brèches d’une majorité frondeuse et dispersée, en cédant à une démagogie budgétaire et fiscale, à courte vue selon moi. L’exemple le plus emblématique en est d’ailleurs la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Vous ajoutez de la complexité à un impôt qui est déjà relativement illisible,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. N’importe quoi !

M. Yves Censi. …vous concentrez un peu plus l’impôt sur les tranches supérieures avec le risque d’accentuer les clivages entre ceux qui paient l’impôt sur le revenu et ceux qui en sont exemptés.

Monsieur le ministre, je ne suis pas votre élève,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais je ne vous parle pas !

M. Yves Censi. …même si j’ai beaucoup de respect pour vous personnellement.

M. le président. Nous aurons toute la semaine pour échanger sur ces questions. Écoutons-nous mutuellement ! Pour l’instant, la parole est au député Yves Censi et à lui seul.

M. Yves Censi. Bref, vous rendez encore plus mauvais un impôt caractérisé par une assiette étroite et des taux prohibitifs, ce contre quoi nous essayons de lutter. Votre projet de budget est loin d’être à la hauteur des enjeux économiques.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas un débat, c’est n’importe quoi !

M. Yves Censi. Pis, il est dangereux dans le contexte si dégradé dans lequel se débat notre pays. Votre attentisme est plus que condamnable. Monsieur le ministre, j’en suis convaincu, notre pays mérite mieux que le rendez-vous raté que vous proposez aujourd’hui aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il a fini de lire son papier, il peut partir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je dois avouer une certaine appréhension voire un malaise vis-à-vis de l’attitude de l’opposition.

M. Alain Chrétien. Gros malaise dans la majorité !

M. Razzy Hammadi. Avec d’autres collègues, y compris de l’opposition, nous avons eu l’occasion ces derniers mois de rencontrer en Europe les différents gouvernements et les différents partis politiques, dans le cadre d’un rapport sur le suivi du pacte de croissance. Partout, j’ai vu la majorité comme l’opposition faire en sorte de défendre leur pays ! Or, depuis hier, je n’entends dans l’opposition que la volonté d’accabler une nation, dont vous avez creusé la dette et les déficits pendant dix ans, au point de laisser penser que vous souhaiteriez l’échec du pays.

M. Patrick Ollier. Et les frondeurs du PS ?

M. Alain Chrétien. C’est la guerre civile à gauche !

M. Razzy Hammadi. Je vous entends depuis hier vous réjouir de l’éventuelle menace visant le budget français. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Certainement pas !

M. Alain Chrétien. Nous voulons le succès de la France !

M. Razzy Hammadi. De qui êtes-vous le parti ? De la Commission européenne ? C’est en ce moment que nous aurions besoin de vous ! Alors qu’aujourd’hui le FMI, l’OCDE et un certain nombre de pays européens souhaitent une réorientation, vous êtes les principaux défenseurs de l’orthodoxie de la Commission.

Rappelons les chiffres : votre bilan, c’est le doublement de la dette, 600 milliards d’endettement supplémentaire en cinq ans.

M. Alain Chrétien. C’est vous qui êtes au pouvoir ! Vos arguments sont élimés !

M. Razzy Hammadi. Quant à nous, nous sommes en train de diviser quasiment par deux le déficit structurel. Je vois certains collègues de l’opposition faire une moue suspicieuse devant une telle affirmation, mais continuons à citer les chiffres : le déficit représentera 75 milliards en 2015 alors qu’il a atteint 148 milliards sous votre gouvernement.

M. Yves Censi. Comparez à celui des autres pays à l’époque !

M. Razzy Hammadi. Vous pouvez essayer de détourner nos arguments par des slogans, des arguties de congrès ou à l’occasion d’éventuelles candidatures, mais vous ne pouvez pas faire mentir les chiffres.

M. Alain Chrétien. Vous deviez revenir aux 3 % !

M. Razzy Hammadi. L’équilibre recherché par ce gouvernement, dans une situation certes difficile et qui nécessite un langage de vérité, je l’assume complètement. Oui, il faut procéder en même temps au rétablissement des comptes publics, de notre compétitivité et du pouvoir d’achat ainsi qu’au financement de la transition énergétique : bref, tout ce que vous avez laissé en jachère, annoncé sans le financer, nous l’assumons aujourd’hui. Oui, ce n’est pas facile, mais nous nous y attelons ; oui, il faut dire la vérité, et nous la disons.

Acceptons-nous pour autant l’austérité ? Est-ce l’austérité que d’ajouter un milliard d’euros au budget de l’éducation nationale parce que c’est notre priorité alors que vous, hier, afin de financer les baisses d’impôts des plus riches, vous faisiez en sorte que les écoles, notamment en Seine-Saint-Denis, ne puissent pas ouvrir le jour de la rentrée scolaire ? Est-ce l’austérité que de faire une priorité de la recherche et de l’enseignement supérieur ? Est-ce l’austérité que d’avoir comme priorité la justice et la sécurité ? Est-ce l’austérité que de financer la transition énergétique, que de prévoir des mesures qui, mises bout à bout, permettent d’injecter 2,5 milliards d’euros supplémentaires dans le BTP, ou encore de décider que neuf millions de ménages bénéficieront d’une baisse d’impôts historique ?

M. Alain Chrétien. Vous leur avez sucré les heures sup !

M. Razzy Hammadi. Nous essayons de mener un pilotage fin et honnête, avec vérité, justesse et justice, pour parvenir à un équilibre.

Il y aura certes des discussions, certaines ont déjà été évoquées, notamment sur la question européenne. Mais je rappelle que nous sommes contributeurs nets, finançant le rabais octroyé à un certain nombre de pays, et il faut que nous puissions en discuter. Je pense aussi à la péréquation, qui atteint certes un niveau historique grâce à un effort sans précédent, mais il ne faut oublier l’engagement de ne pas frapper les communes les plus pauvres par la baisse des dotations, ce dont nous devrons aussi discuter. Il faudra également tenir un débat de vérité : quelles économies proposez-vous, mes chers collègues ? Cette semaine, je voudrais au moins que vous répondiez par oui ou par non à une seule question : les anciens combattants m’ont demandé, en tant que rapporteur spécial, de vous demander si vous suivrez ce que propose M. Marini, votre collègue de l’UMP au Sénat, c’est-à-dire si vous reviendrez sur l’ensemble des revalorisations que nous leur avons accordées,…

M. Yves Censi. Jamais ! Mais vous, que ferez-vous ?

M. Razzy Hammadi. …revalorisations qu’ils méritent pour le moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, sommes-nous réellement en train de délibérer du projet de loi de finances pour 2015 ? Que reste-t-il de la souveraineté budgétaire de la France à l’heure du two-pack, du six-pack et surtout du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – le TSCG – que notre assemblée a malheureusement ratifié à l’automne 2012 ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est bien malheureux en effet ! Une incohérence de plus !

M. Jean-Luc Laurent. Lire la presse ramollit et fait croire que la France serait coupable, que nos infortunes seraient le prix de notre manque de vertu. Or le redressement structurel des finances publiques a bien été effectué : nos finances sont assainies. Alors qu’il devait être le facteur positif introduit par le traité, nous débattons encore en 2014 du solde budgétaire courant et nous sommes enferrés dans les procédures infantiles de la gouvernance de la zone euro. Bien des indicateurs témoignent des difficultés de l’Europe et de la zone euro : le chômage, notamment celui des jeunes, les inégalités, la croissance zéro, les divergences structurelles, la quasi-déflation… Mais on ne prend en compte que le déficit public, le plus idiot, le moins significatif des indicateurs, et à son aune toute politique est jugée. L’indicateur a beau être imbécile, cette politique est pensée : c’est celle de la droite allemande, de l’alliance des conservateurs européens et de la technocratie bruxelloise, qui savent si bien mêler idéologie et intérêts de classe.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Exactement !

M. Jean-Luc Laurent. C’est ainsi que la mâchoire du triple B – Bercy, Bruxelles, Berlin – se referme sur le débat public, la délibération, le travail parlementaire et, excusez du peu, la souveraineté nationale.

N’ayant pas voté en 2012 la loi de programmation pluriannuelle, vous comprendrez qu’en conséquence, monsieur le secrétaire d’État, je n’approuverai pas le projet de loi de programmation 2014-2019.

Face à la situation actuelle, que fait le Gouvernement ? Ce serait mentir de dire qu’il s’y soumet. Il navigue, donne des gages, tente de faire oublier l’enterrement – salutaire ! – du retour aux 3 % en survendant des réformes structurelles. Il lève le pied sur les recettes et serre maladroitement le collier sur les dépenses en présentant un budget de compromis qui tente de ménager les gardiens du triple B et la croissance, les engagements budgétaires et l’explosion du chômage. On ne refera évidemment pas le match en imaginant ce qu’aurait produit une opération volontariste au printemps 2012, conduisant à différer l’ajustement budgétaire et à renégocier le TSCG…

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’était ce qu’il fallait faire !

M. Jean-Luc Laurent. …mais, hier, le ministre des finances et des comptes publics a bien tenu le discours qu’il aurait fallu tenir… en 2012. Cette politique évite le pire, mais elle comporte le risque de rester au milieu du gué et de ne produire aucun des résultats attendus. L’année 2015, mes chers collègues, sera décisive et l’exécution de ce budget demandera du volontarisme pour faire face aux difficultés économiques, sociales et politiques qui s’accumulent dangereusement.

Concernant la partie recettes, dont nous débattons cette semaine, nous, députés du mouvement républicain et citoyen, avions accueilli favorablement le volet pouvoir d’achat du pacte de confiance. Mais nous savons tous que les baisses de charges salariales sur les bas salaires adoptés en juin ont été censurées par le Conseil constitutionnel, et le dispositif de remplacement est, à mes yeux, beaucoup moins convaincant : affaiblir l’impôt sur le revenu, c’est affaiblir l’impôt civique, un impôt progressif qui devrait être au cœur du pacte républicain. La suppression de la deuxième tranche porte un mauvais coup à ce bel impôt centenaire, et je le regrette d’autant plus que d’autres voies existent : nous avons, par exemple, voté une augmentation de la TVA pour financer en partie le CICE ; des propositions de modernisation de la CSG pour la rendre progressive, voire la fusionner avec l’impôt sur le revenu sont sur la table. Monsieur le secrétaire d’État, il faut ouvrir le débat sur la réforme fiscale, une réforme qui permette davantage de justice fiscale et un meilleur mode de financement de notre État-providence.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Voilà le vrai débat !

M. Jean-Luc Laurent. Le budget 2015 est un budget décisif, et ce n’est pas sans une certaine inquiétude que les députés du mouvement républicain et citoyen abordent l’examen de ces deux projets de loi, mais aussi avec le sens des responsabilités.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le budget présenté aujourd’hui est à la fois un budget de renoncement, d’impuissance et d’incohérence.

C’est un budget de renoncement à l’égard des engagements du Gouvernement de réduction des déficits et de la dette publique. Ainsi, le déficit public ne reculera pas l’année prochaine en dessous des 3 %, étant évalué à 4,3 % contrairement à l’engagement pris par la France en 2013 et contrairement bien sûr au respect des objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Pire encore, l’effort de réduction du déficit structurel consenti par la France sera limité alors que la Commission européenne attendait un effort autour de 0,8 %. Pour la première fois, la dette de la France a dépassé le cap symbolique des 2 000 milliards d’euros et risque de dépasser les 100 % du PIB à la fin de l’année 2015. Vous faites donc clairement le choix du renoncement, monsieur le secrétaire d’État, en laissant filer les déficits et la dette. Vous me direz qu’ils ne datent pas d’hier, mais force est de constater qu’il n’y a aujourd’hui aucune volonté politique pour redresser les comptes publics.

C’est aussi un budget de renoncement s’agissant des recettes fiscales, lesquelles ne cessent de se réduire par rapport à la prévision. La situation est préoccupante puisque les impôts augmentent mais les recettes ne rentrent plus ! La loi de finances rectificative votée en juillet montre en effet une dégradation de près de 6 milliards d’euros des recettes fiscales. Les baisses d’impôts annoncées par le Gouvernement ne sont qu’un leurre puisque ce qu’il donne d’un côté, il le reprend de l’autre par de nombreuses mesures qui viennent contrebalancer ses bonnes paroles, telles que l’alourdissement de la fiscalité sur le diesel, la montée en charge de la taxe carbone ou encore le relèvement des cotisations retraite et l’élargissement de l’assiette de la redevance télé.

Et puis il y a votre mesure phare : la réforme de l’impôt sur le revenu en supprimant la première tranche. Permettez-moi de vous rappeler que tous les économistes, non seulement ceux qui ont obtenu le prix Nobel mais les autres également, disent que le problème de l’impôt sur le revenu en France, c’est qu’il a une assiette trop étroite et un taux trop élevé. Or vous faites exactement le contraire de ce qu’ils préconisent : au lieu d’élargir l’assiette et de diminuer le taux, vous entamez une réforme qui va entraîner une hyper concentration de cet impôt sur les classes moyennes salariées, celles qui payent toujours tout et qui n’ont jamais droit à rien. Cette hyper concentration brise le consentement à l’impôt et affaiblit véritablement notre lien social.

Enfin, il y a aussi renoncement sur la dépense publique où, là encore, le compte n’y est pas. De plus, une grande part des 21 milliards d’économies ne sont pas détaillés, ce qui est bien regrettable. Le seul cas où vous voulez véritablement vous attaquer aux dépenses, c’est en vous en prenant aux collectivités locales en réduisant unilatéralement leurs dotations – moins 3,7 milliards d’euros prévus en 2015 –,…

M. Alain Chrétien. C’est une saignée !

M. Damien Abad. …alors même qu’elles doivent supporter le coût de la réforme des rythmes scolaires et qu’elles ne sont plus en capacité d’investir – ce qui explique l’inquiétude grandissante des entrepreneurs de travaux publics. Aujourd’hui, des collectivités locales ont le couteau sous la gorge parce que vous réduisez leurs dotations, que vous augmentez leurs compétences sans leur transférer le financement qui en découle et que vous menez une réforme des rythmes scolaires non financée. Asphyxiées, elles ne peuvent plus investir.

C’est un budget d’impuissance, un budget sous tutelle puisque plane sur lui l’ombre tutélaire de Bruxelles. Vous n’avez pas compris que moins vous respectez les objectifs de Bruxelles, plus vous serez sous son emprise. Il y a quelque chose de paradoxal à venir nous expliquer qu’on défend la souveraineté budgétaire de la France – ce qu’a dit M. Sapin – tout en l’affaiblissant en laissant filer les déficits et la dette. La garantie de notre souveraineté budgétaire, ce ne sont pas les effets de manche ou les effets d’annonce, mais la capacité à conduire de véritables réformes structurelles. En effet, ce que Bruxelles dénonce, ce n’est pas tant le niveau du déficit que votre incapacité à réformer la France, votre absence de courage politique.

Enfin, c’est un budget d’incohérence : on a déjà relevé qu’il y a une incohérence entre les promesses faites aux frondeurs et les engagements pris à Bruxelles. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas nier que nous sommes bien ici confrontés à une certaine schizophrénie de la part du Gouvernement : aux frondeurs, celui-ci affirme qu’il ne s’agit pas d’une politique d’austérité, d’une politique de rigueur ; aux commissaires siégeant à Bruxelles, il assure que la France est sur la voie du redressement des finances publiques, la voie de l’ajustement budgétaire. Le Gouvernement perd dès lors des deux côtés puisque aucun des deux ne le croit réellement. Vous êtes victime du hollandisme, monsieur le secrétaire d’État :…

M. Alain Chrétien. Ni oui, ni non !

M. Damien Abad. …vous avez choisi de ne pas choisir. Les Français n’acceptent plus une telle situation. Hypothèse de croissance tronquée, abandon de l’objectif de réduction des déficits, baisses d’impôts en trompe-l’œil, dette et dépense publique qui continuent d’augmenter, telles sont les raisons qui nous conduisent bien sûr à rejeter ce projet de budget.

Pour conclure, je dirai qu’il y a tout de même un contraste saisissant entre, d’un côté, une France capable de produire un prix Nobel d’économie, et, de l’autre, un Gouvernement incapable de relancer son économie. Monsieur le secrétaire d’État, écoutez Jean Tirole quand il vous enjoint à réformer le marché du travail, écoutez-le quand il préconise de réformer le code du travail, écoutez-le encore quand il dit qu’il faut réformer l’assurance chômage.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. Damien Abad. C’est le seul moyen pour que la France obtienne également le prix Nobel de la cohérence et le prix Nobel de l’audace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, la gravité de la situation économique, le manque de cohérence des politiques européennes, la déflation – évoquée par de nombreux orateurs –, le chômage, les difficultés que connaît le pouvoir d’achat, tout cela pèse sur le débat budgétaire, et c’est bien normal.

Dans ce contexte, quelle pouvait être la réponse budgétaire du Gouvernement ? Eh bien, mes chers collègues, celle qui est aujourd’hui soumise à notre examen.

On nous parle, comme à l’instant M. Abad, de réformes structurelles, d’économies à réaliser, à hauteur de 100, 110, 130, 150 milliards d’euros : à mesure que se profile l’organisation d’une primaire à l’UMP, on assiste un véritable concours Lépine de la réforme structurelle ! Pourtant, au cours de cette discussion générale, je n’ai entendu aucune proposition concrète – si ce n’est la suppression du statut de la fonction publique, dont les effets financiers, s’ils existent, resteraient marginaux au regard des enjeux.

Pierre-Alain Muet l’a expliqué hier : nos marges de manœuvre, au regard du risque de récession européenne, ont amené à un compromis dynamique entre rigueur et croissance, ajustement des dépenses et efforts en faveur de l’emploi et des dépenses d’avenir.

On l’a dit, ce projet de budget stabilise les dépenses obligatoires et divise par deux le déficit budgétaire par rapport à 2011, l’époque où la droite assumait les responsabilités gouvernementales ; il propose une réduction de l’impôt pour 6 millions de ménages fiscaux, modestes ou moyens ; il soutient l’entreprise comme jamais, conformément au Pacte de solidarité et de responsabilité ; il consacre les dépenses d’avenir en matière d’environnement, de logement, de contrats de plan et bien sûr d’éducation et d’enseignement supérieur.

J’ai cru déceler, dans certaines interventions, une volonté d’engager notre pays dans un effort historique comparable à celui qui a été mené dans certains pays du sud de l’Europe. Or, ayant la chance d’être élu dans un département frontalier de l’Espagne, j’ai pu observer ce que deux ou trois années de politiques d’austérité ont entraîné comme conséquences dans ce pays que j’apprécie et pour lequel j’éprouve du respect et de l’amitié.

Quand je vois les milliers de salariés espagnols franchir chaque semaine la frontière pour travailler en France ; quand je vois les cadres espagnols – notamment hospitaliers – réitérer les demandes d’embauche dans des établissements publics ou privés du Béarn ou du Pays basque ; quand je vois la perte d’intelligence que subit aujourd’hui l’Espagne et, plus globalement, l’ensemble de la péninsule Ibérique ; quand je vois ces milliers d’appartements ou d’immeubles vides jalonner les paysages de l’Aragon et du Pays basque, je ne peux qu’inviter toutes celles et tous ceux qui, dans le confort de leurs certitudes, assènent ce type de vérités, à vérifier ce qu’est une politique de rigueur et les effets qu’elle produit.

L’outil productif de nos voisins espagnols ne s’en est pas relevé, même si certains faits de nature conjoncturelle permettent au pays de connaître une situation financière moins dégradée qu’il y a quelques années.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je suis convaincu que même si le contexte politique dans lequel il est présenté n’est pas simple, ce projet de budget est celui qui convient à l’instant présent. Il nous permettra d’assumer nos responsabilités au regard des générations à venir, tout en engageant notre pays dans la recherche de marges supplémentaires en termes de productivité et de compétitivité de notre tissu productif.

Je suis l’élu d’un territoire qui, chaque année, accueille une usine supplémentaire ; qui a connu en trois ans l’apport d’1 milliard d’investissements dans l’outil productif ; qui a permis à son industrie d’assurer sa mutation dans des conditions optimales, en dépit de l’épuisement physique d’une des ressources de son sous-sol. Si nous l’avons fait, c’est parce que les outils existent pour permettre à notre industrie de maintenir son activité et sa compétitivité.

À chaque fois que j’interroge à ce sujet les grands industriels présents dans ma circonscription, ils évoquent, bien sûr, certaines mesures de type macroéconomique, mais aussi la capacité de notre pays à accepter davantage de potentiel économique, la qualité de la formation de ses ingénieurs, de ses techniciens et de ses ouvriers, et l’incroyable potentiel de soutien que représente l’administration française pour tout investisseur désireux de s’implanter sur notre sol. Et ils ne demandent pas moins d’État, mais un meilleur État. Ce qu’ils attendent de notre politique budgétaire, c’est donc qu’elle permette de consolider ces acquis.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, au nom de mon groupe, je vous assure de notre vote et de notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je salue l’exercice précis auquel se sont livrés bon nombre d’orateurs, dont certains figurent parmi les plus assidus à nos travaux.

Quelques mots, tout d’abord, au sujet de l’orientation de notre politique, consacrée avant tout au soutien de la croissance et de l’emploi. La rapporteure générale en a souligné les priorités : soutien à l’investissement et à la consommation des ménages, poursuite de la réduction du déficit.

L’investissement, qu’il soit public ou privé, est effectivement notre priorité. Guillaume Bachelay l’a rappelé dans une formule : « agir dans le présent et préparer l’avenir ». Nous partageons cette vision.

Ces investissements doivent toutefois être sélectionnés avec soin, et M. Alauzet a raison de rappeler que tous ne se valent pas. En l’occurrence, je le répète, l’investissement dans la transition énergétique est une priorité du Gouvernement.

La situation de notre pays est indissociable de celle de la zone euro. Dominique Lefebvre l’a souligné à juste titre : il faut faire valoir en Europe – et la France agit dans ce sens depuis 2012 – la nécessité de mener des politiques plus favorables à la croissance et à la solidarité.

Christophe Castaner l’a bien indiqué, c’est une politique pour l’Europe entière que nous menons. Car nous faisons face à un défi historique, celui de relancer l’activité au sein de la zone euro. Je remercie également Eva Sas pour son soutien aux discussions que nous menons à Bruxelles, et je salue l’analyse de Paul Giacobbi, qui a résumé notre situation économique de manière très claire et très complète, tout en soulignant – à l’instar d’autres orateurs comme Karine Berger – les risques déflationnistes que connaît l’Union.

Enfin, je souhaite apporter un petit complément à l’analyse de Pierre-Alain Muet : si le soutien à la demande doit d’abord être mis en œuvre au niveau européen, nous devons aussi mener en France les réformes nécessaires pour moderniser notre appareil productif. C’est indispensable pour que nos entreprises puissent répondre à la demande.

S’agissant des prévisions macroéconomiques, je suis surpris par les affirmations de Valérie Pécresse et de Xavier Bertrand – ce dernier ayant même parlé de « mensonges ». Ces deux anciens ministres croient peut-être que l’on élabore, en 2015, les projets de loi de finances de la même manière qu’à leur époque. Rappelons en effet que le budget pour 2012 avait été présenté avec une prévision de croissance de 1,75 % ; or la croissance constatée cette année-là n’a été que de 0,3 %. Et ce sont les mêmes qui veulent nous donner des leçons !

Notre prévision de croissance est en fait identique à celle du FMI et de l’OCDE. Elle est d’ailleurs inférieure de 0,1 % à celle du consensus.

M. Woerth, reconnaissons-le, a fait preuve de plus de modération. Il a même jugé trop sévère l’avis rendu sur ce point par le Haut Conseil des finances publiques, et je tiens à l’en remercier.

Concernant les mesures en dépenses, si beaucoup ont parlé des économies à réaliser, peu nombreux sont ceux qui proposent. J’ai aimé votre formule, madame la rapporteure générale : « rationaliser, ce n’est pas rationner ». C’est une ambition que nous partageons.

M. Alain Chrétien. S’agissant des collectivités locales, on peut pourtant parler de rationnement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce que nous proposons, en effet, ce n’est pas l’austérité – et je remercie David Habib pour sa comparaison éclairante avec la situation d’autres pays.

Marc Goua a raison : quand on augmente le nombre de professeurs, de magistrats, de policiers, quand on augmente les minima sociaux, on ne peut pas dire que l’on pratique l’austérité.

Lors du débat d’orientation des finances publiques, l’opposition attendait nos mesures d’économie : elles sont désormais sur la table. Nous sommes prêts pour la discussion, mais avec ceux qui veulent bien y participer. Ainsi, M. Censi nous a dit qu’il n’entendait rien. S’il ne nous avait pas déjà quittés, j’aurais pourtant pu lui apporter toutes les précisions qu’il n’a pas entendues lors de nos propos introductifs.

Mais comme Christophe Castaner et Mme la rapporteure générale, je constate que les amendements déposés par l’opposition n’ont pas vraiment pour but de réaliser des économies. La droite affirme qu’il est nécessaire de réaliser 100, 120, ou 150 milliards d’euros d’économies, mais sans jamais nous dire comment elle compte s’y prendre concrètement. « Le flou partout, et l’austérité pour tous » : Romain Colas a bien résumé ses propositions.

Je remarque également que de nombreux orateurs de l’opposition – dont Gilles Carrez – insistent sur les « dépenses de guichet ». Mais ces dépenses, c’est quoi ? C’est l’hébergement d’urgence, c’est l’allocation adulte handicapé, ce sont les prestations sociales, …

M. Alain Chrétien. C’est l’AME !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’aide médicale de l’État, qui semble vous préoccuper beaucoup, ne représente pas 150 milliards !

M. Alain Chrétien. C’est 1 milliard d’euros, tout de même !

Mme Marie-Christine Dalloz. Et même 1,2 milliard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour économiser 150 milliards, il faudrait supprimer 150 fois l’AME !

M. Alain Chrétien. Son coût a augmenté de plus de 700 millions d’euros en trois ans !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous discuterons ensemble de l’intérêt de l’AME et de ses modalités d’attribution, mais faire de sa suppression la seule solution,…

M. Alain Chrétien. C’en est une, du moins !

Mme Marie-Christine Dalloz. Une parmi d’autres !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …quand on prétend faire 150 milliards d’économies, ce n’est pas seulement un peu court, c’est véritablement indigne.

M. Charroux, de son côté, a exprimé ses craintes au sujet de l’effet de ces économies sur le service public. Mais, monsieur le député, il existe aussi des marges dans la dépense publique. Il est donc possible de faire des économies sans remettre en cause le service public. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est ce que nous voulons faire avec ce projet de budget, car nous sommes, comme vous, attachés au service public.

Nous aurons un important débat sur les collectivités territoriales, et j’en ai déjà longuement parlé dans mon propos introductif. J’insisterai seulement sur la nécessité d’améliorer la péréquation. Ce combat est d’ailleurs également mené par divers groupes du Parlement : ainsi, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, a été créé à l’initiative de sénateurs de droite. Ceux qui, parfois, veulent remettre en cause la péréquation, à laquelle nous sommes très attachés, devraient s’en souvenir. Comme l’a suggéré Christine Pires Beaune, nous sommes favorables à une réforme de la dotation globale de fonctionnement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Ce travail sera long, mais le travail ne nous fait pas peur.

Je n’entrerai pas dans le détail des budgets de chaque ministère – Eva Sas a évoqué l’écologie ; Jean-François Lamour, la défense –, car nous y reviendrons lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances. J’en profite pour saluer le travail effectué par François Brottes et François Pupponi : l’avis de la commission des affaires économiques sur la première partie est une nouveauté qui permettra, j’en suis persuadé, d’enrichir nos débats.

Je conclurai sur une disposition critiquée par les uns, soutenue par les autres : la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu, à 5,5 %. Pardonnez-moi tout d’abord d’avoir marqué un peu d’irritation en entendant dire que la suppression d’une tranche était source de complexité, mais il faut reconnaître qu’un tel propos est pour le moins surprenant. Ceux qui ont lu le rapport de Dominique Lefebvre et de François Auvigne sur la fiscalité des ménages savent quelle forme curieuse – pour ne pas dire plus – prend la courbe de l’entrée des contribuables dans le barème de l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Vous aggravez pourtant les choses !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous aurons là un dispositif beaucoup plus simple et continu – pardon d’utiliser un terme mathématique.

Mais ce qui est effarant – je le dis avec une certaine solennité –, c’est d’entendre, d’une année à l’autre, et de la bouche des mêmes orateurs, des propos totalement contradictoires. Si nous avions un peu plus de constance dans nos propos, la crédibilité de la classe politique y gagnerait. Souvenez-vous, madame et messieurs de l’opposition – vous n’êtes que trois –,…

M. Charles de Courson et Mme Marie-Christine Dalloz. C’est déjà ça !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de vos interventions sur le nombre phénoménal de contribuables qui allaient être précipités dans l’impôt sur le revenu par ces affreux socialistes qui ne pensent qu’au matraquage fiscal !

M. Alain Chrétien. Nous maintenons !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le débat ne portait que sur une seule chose : y en aurait-il un million ou un million et demi de plus ? Je n’ose pas citer le nom des journaux qui balançaient, tous les jours, des chiffres complètement fantaisistes et contradictoires sur le nombre de nouveaux contribuables qui devraient désormais payer l’impôt sur le revenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. On voit bien que vous ne les avez jamais rencontrés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Aujourd’hui, nous vous proposons une disposition qui en fera sortir trois fois plus : trois millions de foyers fiscaux – quand on parlait d’un million de foyers supplémentaires l’année dernière –, sans compter que beaucoup d’autres bénéficieront d’une baisse du montant de leur impôt. Et pourtant, ceux-là mêmes qui disaient l’année dernière : « C’est insupportable, on nous agresse sur les marchés et dans les permanences ! », parlent aujourd’hui de l’impôt citoyen, que tout le monde devrait payer, et jugent anormal que certaines personnes ne soient plus assujettis à l’impôt sur le revenu. S’il vous plaît, un peu de constance !

M. Alain Chrétien. Et la grande réforme fiscale que vous nous aviez promise, où est-elle ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Notre position, nous l’assumons : c’est que l’impôt sur le revenu doit être progressif – et il l’est.

Certains trouvent qu’il l’est trop. C’est un bon débat. J’ai déjà évoqué la question de la concentration respective des revenus et de l’impôt sur le revenu : on n’a pas le droit de projeter des documents dans l’hémicycle, mais si l’on plaçait les deux courbes l’une à côté de l’autre et que l’on comparait les revenus des 10 % les plus riches avec l’impôt sur le revenu qu’ils paient, on verrait que la progressivité existe, mais qu’elle n’est pas considérable ; elle nous semble respecter tout à fait l’esprit de la Constitution.

L’autre débat sous-jacent, que nous aborderons forcément dans le courant de la discussion, c’est que l’impôt sur le revenu n’est, en volume, que le troisième impôt payé par les contribuables.

M. Gaby Charroux. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le premier est la TVA, qui rapporte autour de 150 milliards, et le deuxième, la CSG, avec quelque 90 milliards.

M. Charles de Courson. Et les cotisations sociales ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les cotisations sociales, ce n’est pas un impôt !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà une autre question, souvent soulevée, dont il pourrait être intéressant de débattre. Mais focaliser la discussion sur le fait de savoir si ce sont 48 % ou 52 % des foyers fiscaux qui devraient être imposables et dénoncer un jour une chose et le lendemain son contraire, ce n’est qu’un mauvais débat, qui contribue à accroître le sentiment d’injustice et d’inégalité devant l’impôt – lequel se situe, selon moi, à d’autres niveaux, et qui nécessitera probablement, le moment venu, un certain nombre d’évolutions.

Voilà, monsieur le président, ce que je voulais dire, avec peut-être un peu de passion – mais je m’arrête là, car je sens une certaine impatience à commencer la discussion des articles !

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Nous en venons à l’examen de la trentaine d’articles composant le projet de loi de programmation pluriannuelle.

Rappelons, mes chers collègues, qu’en 2012, le candidat Hollande s’était engagé, par l’engagement numéro 9, à ramener le déficit public à 3 % du PIB en… 2013 ! Était-ce de l’incompétence, de la mauvaise foi ou une véritable escroquerie politique ? On peut hésiter – mais j’ai ma petite idée sur la question. Comment, en janvier 2012, alors que vous connaissiez la situation, avez-vous pu engager les Français dans un tel mensonge d’État ?

En 2013, le gouvernement Ayrault a supplié la Commission européenne de repousser cet engagement à 2015 ; aujourd’hui, le gouvernement Valls la supplie de le repousser à 2017.

Bien sûr, vous nous donnez des leçons sur le passé, mais je crois que vous avez d’ores et déjà un passif. Et je m’interroge sur l’utilité de ces lois de programmation pluriannuelle, si l’on doit chaque année casser le compteur et modifier les objectifs parce que l’on n’obtient pas les résultats escomptés. À quoi sert la loi organique que vous avez adoptée en décembre 2012 si, chaque année, vous faites l’aveu de votre propre échec, en modifiant les objectifs autrefois ambitieux qui ne seront jamais atteints ?

Vous cherchez de la crédibilité auprès de Bruxelles : eh bien, ce n’est pas en faisant voter cette loi de programmation pluriannuelle que vous l’obtiendrez !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, après les félicitations et les remerciements que vous avez adressés à chaque membre de votre majorité, permettez-moi de revenir sur votre constat d’un écart dans le budget 2012 entre les prévisions et l’exécution et de vous rappeler qu’entre-temps, il y avait eu une élection : à votre arrivée au pouvoir, vous avez cassé tout ce qui avait été mis en œuvre pour tenter de respecter la trajectoire fixée. Vous ne pouvez pas nous reprocher d’avoir fait de mauvaises prévisions alors que vous avez contribué à les briser !

Vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi de finances et un projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. C’est la deuxième loi de programmation que nous votons en deux ans et demi ; nous sommes à la moitié de la législature : allons-nous être obligés d’accélérer le rythme jusqu’à adopter une loi de programmation tous les six mois ? Quel écart constaté entre ce qui était prévu à l’origine, ce qui est réalisé aujourd’hui et ce que vous nous proposez ! Qui peut croire qu’en 2016, nous aurons un taux de croissance de 1,9 % ? Il n’y a que vous pour le soutenir. C’est ubuesque !

Les lois de programmation risquent donc de s’enchaîner à une vitesse accélérée, au fur et à mesure de l’avancement du mandat.

Vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, la « sévérité » de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, mais je ne suis pas d’accord avec vous : je trouve au contraire que le Haut Conseil s’est montré très modéré dans son avis ; il est vrai en revanche qu’il ne vous félicite pas pour ce qui est des prévisions…

Dernière chose : j’ai lu avec intérêt le rapport de notre rapporteure générale. Je reconnais la difficulté de l’exercice : avant, le débat portait sur le solde conjoncturel et le solde structurel ; maintenant, il y a en plus un « ajustement structurel », qui comprend un « effort en dépense » et des « mesures ponctuelles et temporaires ». À force d’accélérer le rythme des mesures et de multiplier les alibis pour compenser une gestion qui fait que la réalité s’éloigne toujours plus de vos prévisions, je crains qu’on n’aboutisse dans les prochaines années à des tableaux d’une page entière ! Personne ne s’y retrouvera. Surtout, une méfiance est apparue : c’est la crédibilité de la signature France qui est remise en cause.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements rédactionnels de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, nos 24, 59 et 58.

(Les amendements nos 24, 59 et 58, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n9.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le défendre.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah, M. Jourdain !

M. Alain Chrétien. Mme Coué lui répondra !

M. Charles de Courson. Le groupe UDI propose cet amendement qui tend à compléter le rapport annexé en introduisant l’engagement que la dette publique ne dépassera pas cent points de PIB.

Puisque le ratio d’endettement culmine à 98 % dans les projections gouvernementales, cela ne devrait pas vous gêner. Par contre, s’il y avait un dérapage, il faudrait alors respecter ce principe. Il s’agit d’un amendement symbolique.

Je vous avais dit, monsieur le secrétaire d’État, que je ne vous souhaitais pas d’être « monsieur cent pour cent de dette publique » – ce que vous serez en 2016 si le dérapage se poursuit au rythme de 2014 et de 2013.

M. Dominique Lefebvre. Grâce à qui ?

M. Charles de Courson. Si vous votez contre cet amendement, chers collègues de la majorité, c’est qu’au fond, vous ne croyez pas à vos projections et au rapport annexé ! Sa mise aux voix sera l’heure de vérité pour la majorité.

M. Dominique Baert. Il y en aura d’autres !

M. Charles de Courson. Si vous votez contre, votre position sera scellée.

M. Lionel Tardy. Parfait !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Alain Chrétien. Ah, Mme Coué !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission a émis un avis défavorable (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), car le traité de Maastricht fixe déjà un certain nombre d’engagements. Vous proposez d’ajouter un indicateur supplémentaire, mais il est déjà prévu une publication annuelle du taux d’endettement rapporté au PIB.

Cependant, laissez-moi vous rassurer : nous sommes à la fois mobilisés et confiants quant à notre capacité à réduire l’endettement public !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur de Courson, nous avons déjà eu cette discussion en commission des finances : la loi est trop sérieuse pour être une compilation de symboles. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai bien entendu les explications de la rapporteure générale et du ministre, et je suis d’accord avec eux : la loi est très sérieuse. Or justement, je ne m’explique pas qu’aujourd’hui, mercredi 15 octobre, le Gouvernement puisse présenter à Bruxelles un budget qui contrevient à ce point à ce qu’il avait proposé – et la majorité voté – en matière de trajectoire budgétaire et de réduction du déficit public !

Face à un tel manque de sérieux, il importe que l’amendement présenté par Charles de Courson soit gravé dans le marbre de la loi, afin de rappeler à chacun que ce qui est proposé par la majorité et le Gouvernement dans le budget contrevient à la loi, au cadre budgétaire et à ce que la majorité elle-même a voté il y a quelques mois.

Je demande donc à mes collègues de la majorité de bien réfléchir avant de voter contre cet amendement. S’ils ont conscience de l’importance de la réduction du déficit, ils ne peuvent que se rallier – pour une fois ! – à l’opposition et faire preuve de discipline budgétaire afin de contraindre le Gouvernement à ne jamais dépasser un ratio d’endettement de cent points de PIB – ce qui, quand on y réfléchit, est déjà considérable. Il faut absolument que nous votions cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mon amendement est d’une extrême modération : je vous rappelle que, dans le traité de Maastricht, nous nous sommes engagés à limiter la dette publique à 60 % du PIB dès lors que nous sommes en excédent.

Je me suis tué à dire, quand nous avons discuté de cela, qu’il faudrait, pour atteindre cet objectif, que nous soyons structurellement en excédent. Sinon, c’est impossible !

Les projections du Gouvernement prévoient que notre dette s’élèvera à 98 % de notre PIB. Or le traité de Maastricht impose un délai pour ramener la dette en deçà de 60 % du PIB. En d’autres termes, une fois que nous aurons réussi à assurer l’équilibre du budget, il nous restera encore à ramener notre dette de 98 % à 60 % du PIB – c’est-à-dire que nous devrons rembourser l’équivalent de trente-huit points de PIB – dans un délai fixé par le traité de Maastricht. Je me permets de rappeler ce point à ceux qui n’ont pas lu le traité.

Il serait donc intéressant que M. le secrétaire d’État nous explique comment il envisage de ramener le ratio de la dette publique sur le PIB à 60 %, dans le respect du traité de Maastricht.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je me demandais quel gouvernement a, pour la première fois, dépassé la limite de 60 % de dette par rapport au PIB – limite que nous avions tous votée avec le traité de Maastricht. Monsieur de Courson, monsieur Chartier, cela, c’était une vraie limite !

J’ai cherché cette information sur internet : à votre avis, en quelle année cette limite a-t-elle été franchie ? C’était en 2003 ! De 2003 à 2012, qui plus est, notre dette a allègrement grimpé de 60 % à 85 % du PIB, soit l’accélération la plus importante dans l’histoire de la dette française. Au lieu de proposer maintenant d’inscrire dans la loi des chiffres symboliques qui ne correspondent pas à la réalité, vous auriez mieux fait, par le passé, de respecter des engagements ô combien plus importants, ceux de la souveraineté française vis-à-vis du traité de Maastricht.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. L’amendement de M. de Courson est excellent : il faut bien fixer un plafond ! Ce n’est pas parce qu’on a dépassé il y a quelques années le ratio de 60 % de dette sur le PIB que l’on ne peut pas fixer un autre plafond.

J’ai par ailleurs noté que dans son rapport intitulé Quelle France dans dix ans ?, M. Pisani-Ferry fixe l’objectif de réduire la dette à 75 % du PIB. Il estime donc possible de passer de 100 % à 75 % d’endettement en dix ans : il faudrait pour cela un effort considérable, qui n’est pas très éloigné des préconisations que nous faisions hier. Il faudrait réduire la dépense publique d’environ 6 ou 7 points de PIB, ce qui représente de 120 à 130 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble de la période. C’est donc tout à fait possible.

Madame Berger, il est vrai que la courbe d’endettement des gouvernements Ayrault et Valls est inférieure à celle des gouvernements Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Mme Karine Berger. La dérivée seconde est plus faible !

M. Éric Woerth. Mais les situations ne sont pas comparables : nous avions dû affronter une récession de l’ordre de 3 %, et la France a été en récession pendant deux années. La crise était beaucoup plus aiguë qu’aujourd’hui. L’endettement, c’est vrai, a augmenté d’environ 550 milliards d’euros au cours du dernier quinquennat. Par la suite, vous avez poursuivi l’endettement, certes selon un rythme moins élevé – encore heureux, car la France était sortie de la récession –, mais vous l’avez poursuivi ! Vous avez continué à endetter la France de façon très vigoureuse, c’est le moins qu’on puisse dire !

Il ne sert à rien de se jeter des chiffres à la figure, car cela fait bien longtemps que la France s’endette. Pendant les années Jospin, lorsque la croissance était florissante, nous ne nous sommes pas vraiment désendettés, alors que nous aurions pu le faire.

Mme Karine Berger. Mais si, nous nous sommes désendettés !

M. Éric Woerth. Vous auriez pu éviter de gâcher la croissance ! Cela ne sert donc à rien de faire de l’archéologie ; la vraie question est de savoir comment stopper la spirale mortifère de la dette. De ce point de vue, l’amendement de M. de Courson va évidemment dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Le débat sur cet amendement est important. Karine Berger a bien fait de rappeler que la limite de 60 % de dette rapportée au PIB a été franchie en 2003. Pourquoi l’a-t-elle été cette année-là ? Parce qu’il a fallu assumer cinq années de gestion socialiste, de 1997 à 2002 ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Qu’est-ce que vous voulez, ça coûte cher ! Nous avons donc assumé cinq années de déficits cumulés. En outre, comme l’a très habilement rappelé Éric Woerth, la croissance que la France a connue pendant ces années – qui était due tant à la bulle internet qu’au dynamisme de l’ensemble des entreprises françaises – aurait pu servir à réduire le déficit, plutôt qu’à financer les 35 heures ! Tel n’a pas été le choix de la majorité de l’époque : nous avons donc, en 2003, dû assumer le désastre de cinq années de gestion socialiste. Je remercie Mme Berger de l’avoir rappelé !

Mme Karine Berger et M. Dominique Baert. Il faut oser !

M. Alain Fauré. Il en rit lui-même !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mme Berger est une toute jeune députée : elle ne connaît pas en détail l’histoire de ce qui s’est passé ici depuis vingt et un ans. Elle nous explique que nous avons franchi la limite de 60 % de dette rapportée au PIB en 2003 : c’est exact. Mais je crois me souvenir qu’entre 1997 et 2002, ce n’était pas l’opposition actuelle qui était au pouvoir ! Pardonnez-moi de vous rappeler ce détail historique !

(L’amendement n9 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n10.

M. Charles de Courson. Une question est taboue pour le Gouvernement : l’évolution des effectifs réels de l’État – je ne parle pas des effectifs ouverts, mais bien des effectifs réels.

On ne peut pas stabiliser la masse salariale sans prendre un certain nombre de mesures, dont la réduction des effectifs. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous confirmer que cette année, les effectifs réels – pas les effectifs budgétaires – devraient diminuer d’environ 12 000 ou 13 000 ? Vous avez réalisé des projections portant sur la masse salariale de la fonction publique d’État : pouvez-vous nous confirmer que si le nombre théorique d’emplois sera maintenu, les effectifs réels, eux, diminueront de 13 000 ?

Après vous avoir posé cette question, je défends mon amendement, qui repose sur un raisonnement tout simple : vous ne pourrez pas redresser les finances publiques sans diminuer fortement les effectifs de l’État. Nous sommes le peuple dont la proportion de fonctionnaires est la plus élevée de tous les peuples développés, sans que la qualité de nos services publics soit à la hauteur de ces effectifs – ce n’est pas moi qui le dis, mais le premier président de la Cour des comptes. Il y a encore trente ans, nous avions un bon – voire très bon – système éducatif : les études PISA ont montré qu’il se dégrade. Nous avions une bonne armée : aujourd’hui, elle se dégrade, et tout le monde sait pourquoi.

Pourriez-vous répondre à cette question, bien qu’elle soit taboue ? Mon amendement a pour objectif de rappeler qu’on ne peut pas redresser les finances publiques sans réduire le nombre de fonctionnaires. Ce nombre peut baisser simplement par l’effet des départs naturels : nous avions ainsi décidé de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, et le pays ne s’est pas effondré. En cinq ans, nous avons ainsi fait baisser les effectifs de l’État de 150 000. Je propose, maintenant, d’aller un peu au-delà.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’avis de la commission est défavorable. Une gestion automatique, monsieur de Courson, c’est la négation de la politique !

M. Charles de Courson. Je ne parle pas d’une gestion automatique, mais d’une gestion globale !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Faire de la politique, c’est décider, c’est choisir en connaissance de cause. Et pour vous éclairer, pour répondre à votre question, je vous renvoie aux pages 106 et 107 du rapport n2234 sur le projet de loi de finances pour 2015, tome I. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit 10 601 créations d’emplois, à mettre en regard des 11 879 ETP qui seront supprimés. Au total, cela donne une réduction de l’ordre de 1 000 effectifs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas d’états d’âme à repousser votre amendement : le Gouvernement n’a pas l’intention de s’engager dans une politique uniforme de réduction des effectifs. Dire : « on ne remplacera pas un fonctionnaire sur trois », cela ne nous intéresse pas. Vous dites qu’avec votre politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le pays ne s’est pas effondré : je me souviens quand même que dans nos villes, dans nos campagnes, dans nos banlieues, le nombre de suppressions de postes, notamment dans l’éducation nationale, le nombre de classes fermées, a causé de graves tensions, qui ne sont pas complètement étrangères à la situation de notre système éducatif. Même s’il y a encore quelques difficultés, la situation est radicalement différente aujourd’hui, puisque le Gouvernement a souhaité augmenter le nombre de recrutements d’enseignants.

Votre question est un peu populiste, démagogique, provocatrice ; disons, si vous voulez, que votre amendement est un amendement d’appel – je ne vous en fais pas grief, c’est une habitude, dans cet hémicycle. Vous posez donc une question qui, selon vous, serait taboue : sur le nombre d’ETP prévus par la loi de finances et les « lettres plafonds », combien ne sont pas pourvus ? Il est vrai qu’il y a toujours des postes non pourvus ; les remplacements n’interviennent pas immédiatement après les départs, car il faut du temps pour recruter les remplaçants : ce n’est pas nouveau !

Y a-t-il plus de postes non pourvus aujourd’hui qu’avant ? Il y en a probablement un peu plus, en effet. Je dis : « probablement », car je ne peux pas ici fonder cette affirmation de manière précise. Il y a au moins un domaine dans lequel les difficultés sont avérées, c’est l’éducation nationale. La presse s’en est fait l’écho : nous avons eu un peu de peine à recruter des enseignants. Dans certaines disciplines, notamment scientifiques, il n’y avait pas assez de candidats d’un niveau suffisant : les jurys ont alors décidé de ne pas pourvoir tous les postes. Les raisons de ce phénomène sont connues.

Je ne peux pas analyser en détail les chiffres que vous avez évoqués. Mme la rapporteure générale a signalé que le schéma d’emplois de l’État pour 2015 prévoit une baisse de 1 278 ETP par rapport à l’année précédente.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas vous laisser caricaturer ainsi la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Vous l’avez beaucoup combattue, quand vous étiez dans l’opposition : c’était votre droit. Elle n’en a pas moins donné des résultats : pour la première fois depuis longtemps, les effectifs de la fonction publique ont diminué. Les administrations n’en ont pas pour autant été paupérisées : cela a été fait de façon éclairée, administration centrale par administration centrale. Dans les administrations déconcentrées, des schémas d’organisation ont été prévus.

Vous avez choisi une tout autre manière de travailler : la « régulation budgétaire » – c’est comme cela qu’on appelle les coups de rabot… – que vous demandez systématiquement à l’ensemble des ministères aboutit à une véritable paupérisation de l’administration. On voit bien que l’administration ne peut plus fonctionner à périmètre constant ; or vous ne restreignez pas le périmètre, au contraire : vous l’étendez ! Les tâches de l’administration deviennent alors impossibles à accomplir. Il faut donc réduire la fonction publique.

Vous ne parviendrez pas à faire des économies sans réduire la masse salariale. L’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ou sur trois ne doit pas être bêtement appliqué administration par administration. Les situations sont évidemment très différentes : on peut décider, par exemple, d’augmenter les effectifs dans l’enseignement supérieur, tout en les réduisant un peu plus ailleurs. Ce qu’il faut, c’est se fixer un objectif au niveau global : or en la matière, vous n’en avez pas.

Qu’avez-vous fait ? Vous avez créé 3 000 postes en 2013, 2 000 en 2014, et vous prévoyez d’en créer 1 000 en 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous vous trompez dans les chiffres : il ne s’agit pas d’effectifs en plus, mais d’effectifs en moins !

M. Éric Woerth. Vous stabilisez à peine les effectifs. Vous recrutez des fonctionnaires dans l’éducation nationale – dans des conditions, par ailleurs, assez équilibristes – qui ne servent en réalité à rien…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci pour eux !

M. Éric Woerth. …et vous supprimez par ailleurs des postes dans des administrations qui ne savent absolument pas comment elles pourront s’en sortir ! L’objectif du « un sur trois » a au moins le mérite d’être clair. Il n’oriente pas les baisses d’effectifs vers telle ou telle administration : c’est un objectif général, global. Il ne sera pas possible de réaliser durablement des économies dans notre République sans baisser le nombre de fonctionnaires. Cela implique aussi de les payer un peu mieux, et probablement en leur demandant de travailler un peu plus.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question ! Ma question est la suivante : comment évolueront les effectifs réels de la fonction publique d’État, y compris les contractuels ? Je parle des effectifs réels, pas des effectifs théoriques. Dans le projet de loi de finances pour 2015, le schéma d’emploi de l’État avance les chiffres suivants : -2 317 ETP en 2013, -3 180 en 2014, -1 177 en 2015. Cela représente une baisse de 6 000 ETP en trois ans. C’est vraiment d’ordre symbolique : cela représente une baisse de 0,1 % par an, autant dire rien !

Je crois me souvenir que dans la loi de règlement, la baisse des effectifs réels en 2013 était environ de 13 000.

Pouvez-vous donc me confirmer que vous envisagez de poursuivre une baisse ? Vous ne voulez pas affoler votre majorité, vous affichez donc une petite baisse des effectifs théoriques, mais ce qui m’intéresse, ce sont les effectifs réels. Comment évoluent-ils ? Un simple coup de téléphone à vos collaborateurs vous permettra d’avoir ce chiffre. Et l’année étant assez avancée, vous pourriez aussi donner à la représentation nationale le chiffre pour 2014.

Je trouve incroyable que l’on discute toujours d’effectifs théoriques, et pas d’effectifs réels. Si vous ne réduisez de 13 000 les effectifs réels de la fonction publique de l’État, vous ne pourrez pas tenir la masse salariale.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le projet de loi de finances pour 2015, que j’ai lu attentivement, vous mentionnez la stabilité des effectifs, cela figure en page 15 du projet. Il faut bien recoller les morceaux de votre majorité, vous annoncez donc qu’en 2015, vous allez créer 10 561 postes dans l’enseignement, dont 9 421 au sein du ministère de l’éducation nationale et 1 000 dans les universités. Voilà pour l’affichage de vos priorités.

Une moindre priorité est accordée à la sécurité et la justice, pour lesquelles vous allez créer 1 040 postes.

M. Henri Emmanuelli. Vous, vous supprimiez des postes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Parallèlement, ces créations de postes sont compensées par la poursuite des gains de productivité dans l’ensemble des ministères, c’est-à-dire que 11 879 postes y sont supprimés.

Ce n’est ni plus ni moins que de la RGPP, mais vous ne le dites pas parce que vous avez jugé que cette politique était néfaste, puisqu’elle venait d’une autre majorité. Aujourd’hui, vous faites de la RGPP sans le dire. Pour recoller les morceaux de votre majorité, vous affichez des créations de postes dans les ministères que vous désignez comme prioritaires, avec, comme l’a très bien dit Éric Woerth, des conditions de recrutement et de rémunération dans l’éducation nationale qui ne sont pas à votre honneur.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Madame Dalloz, je voudrais vous dire très simplement que la RGPP, nous l’avons prise de plein fouet dans les territoires. Le pire, ce sont les transferts qui ont été faits aux collectivités territoriales.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et la réforme des rythmes scolaires, ce n’est pas un transfert ?

M. Michel Vergnier. Il y a eu la RGPP, et l’État s’est désengagé d’un certain nombre de missions telles que les passeports, les permis de conduire et autres. Ce sont les collectivités territoriales qui ont assumé des missions que les DDT n’ont pas pu assumer. Voyez les permis de construire, l’ingénierie publique, tout ce qui était fait pour les collectivités, il n’en reste plus rien aujourd’hui.

Vous nous avez demandés – parce que c’est bien vous qui l’avez fait – de remplacer l’État dans ses missions, mais vous n’avez jamais compensé. Vous nous avez fait dépenser, sans compenser.

Il faut le dire, je veux bien que l’on parle de la RGPP en nous reprochant d’avoir râlé, mais nous ne râlons pas par plaisir, madame Dalloz. Nous ne râlons pas parce qu’une mesure vient d’une majorité ou d’une autre. Aujourd’hui, je dis franchement au Gouvernement ce que je pense. De même, je vous rappelle tranquillement que vous nous avez transférés des charges.

M. Henri Emmanuelli. Et nous ne parlons pas du RSA et du RMI !

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame Dalloz, nous avons écouté M. Woerth dire que nous maintenions des postes, et M. Charles Amédée de Courson dire que nous en créions. Quant à vous, vous dites que nous pratiquons la RGPP. Il faudrait que vous accordiez vos violons.

Par ailleurs, une grande majorité des collectivités en France est gérée par vos soins, notamment les communes.

M. Jérôme Chartier. Seulement depuis six mois !

M. Alain Fauré. Allons, allons ! Le Sénat est essentiellement composé d’élus de votre bord, même lorsque nous avons eu une très courte majorité. Or c’est dans ces communes qu’il y a le plus de recrutements et les effectifs les plus nombreux. Je pense donc qu’en matière de gestion exemplaire, vous n’avez certainement pas de conseils à nous donner.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je vais oublier ce qui vient d’être dit, je trouve que le débat était de qualité, je pense qu’il faut continuer ainsi. Ce n’est pas la peine de chauffer la salle, cela n’éclairerait pas le débat.

Michel Vergnier a eu raison d’évoquer la question de la RGPP, et je vais prolonger sa réflexion. Je reconnais ce qui s’est produit dans le passé, moi-même j’ai récupéré la compétence sur les passeports dans ma commune, et il est parfaitement juste que cela nous a coûté de l’argent. S’agissant des rythmes scolaires, le transfert aux collectivités locales de la gestion du temps périscolaire n’est-il pas un transfert déguisé ? C’est bien le cas. Nous voyons bien que la mesure d’aide aux collectivités qui ont mis en place la réforme des rythmes scolaires – qui n’est pas reconduite dans la loi de finances – était une mesure d’accompagnement, mais certainement pas de compensation.

Il faut le reconnaître, le désengagement de l’État ne date pas d’hier, il ne date même pas de la RGPP, il se faisait déjà auparavant.

M. Henri Emmanuelli. Raffarin !

M. Jérôme Chartier. Même un tout petit peu avant, monsieur Emmanuelli. Depuis le début des années 2000, on assiste au désengagement de l’État au profit des collectivités territoriales, avec une compensation très inégale. C’est la raison pour laquelle Jean-Pierre Raffarin a tenu à graver dans le marbre de la Constitution le principe, pour chaque transfert, de la compensation à l’euro près. S’agissant de la réforme des rythmes scolaires, cela a conduit à contourner ce dispositif de compensation en passant par le décret, et non par la loi. C’est très habile, je le reconnais, mais cela a été un transfert supplémentaire qui nous coûte tous.

Pour en revenir à l’amendement défendu par Charles de Courson, je suis moi aussi favorable à la transparence. Puisque l’on se dit tout avec beaucoup de clarté dans ce débat très intéressant, il faut de la clarté jusqu’au bout, et accepter l’amendement de Charles de Courson.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, puis M. Colas pourra s’exprimer et nous passerons au vote.

M. Éric Woerth. Ce débat porte sur des sujets importants !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas un débat, c’est un monologue ! Si je réponds, ils reprendront encore la parole cinq fois ! Il n’est pourtant pas dans mes habitudes de remettre en cause la présidence.

M. Éric Woerth. Cette loi de programmation, c’est maxi-déficit et mini-RGPP. Mais une mini-RGPP, c’est une RGPP qui ne s’assume pas. Vous réduisez au fur et à mesure les effectifs dans la fonction publique d’État, dans des proportions très faibles. Vous indiquez les stabiliser, je constate que la diminution est très faible compte tenu du nombre de fonctionnaires. C’est très peu de chose, rapporté aux 150 000 fonctionnaires de moins en quelques années de la RGPP.

La RGPP a été menée avec l’intention de faire une réforme de structure. Dans les directions départementales comme dans les directions régionales, c’était certes compliqué, mais on a réduit le nombre de directions, on a revu le périmètre de leur action, et vous avez continué à le faire. Mais nous n’avions pas réduit les dotations, nous les avions gelées, tandis que vous les réduisez. Dès lors que l’on réduit les dotations, c’est beaucoup plus difficile, mais cela renvoie au débat sur les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Romain Colas.

M. Romain Colas. M. Chartier nous invitait à ne pas faire d’archéologie, je vais donc vous parler de l’actualité et de ce qui différencie précisément la RGPP de l’action qui est conduite. La rapporteure générale le disait tout à l’heure, le problème essentiel de la RGPP était qu’elle s’appliquait de manière aveugle, quoi qu’en dise M. Woerth.

M. Éric Woerth. C’est faux !

M. Romain Colas. Nous l’avons vu dans nos territoires, il s’agissait simplement d’appliquer des baisses d’effectifs, administration par administration, sans stratégie concernant la présence de l’État dans les territoires ou ses missions.

Je voudrais simplement vous rappeler trois éléments, sur trois secteurs prioritaires, qui différencient la politique que nous conduisons de la vôtre. Je me souviens des coups de menton, des affirmations, de la multiplication des lois pénales lorsqu’il s’agissait de parler de la sécurité des Français lors du quinquennat précédent. Or vous avez supprimé des milliers de postes de gendarmes et de policiers. Nous, nous sommes en train d’en recruter.

M. Henri Emmanuelli. Écoutez cela, madame Dalloz !

M. Romain Colas. Il est vrai que vous considériez à l’époque les magistrats comme des petits pois. Sans doute aviez-vous jugé que les petits pois étaient trop nombreux. Nous, nous créons des postes dans les juridictions.

S’agissant de l’éducation, s’il y a une différence entre ce qui a pu se passer précédemment et ce qui se passe aujourd’hui, je le dis en tant qu’élu de terrain, c’est que nous ne sommes plus obligés aujourd’hui de faire camper les parents dans les écoles pour obtenir des ouvertures de classe dès lors que les critères fixés par l’éducation nationale sont respectés. Nous l’avons notamment vu au cours de la dernière rentrée scolaire. C’est cela qui différencie ce qu’était la RGPP de la politique conduite aujourd’hui.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements rédactionnels, nos 57, 56, 55, 54 et 53, présentés par la rapporteure générale.

(Les amendements nos 57, 56, 55, 54 et 53, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, inscrit sur l’article 2.

M. Alain Chrétien. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, je profite de cet article 2 pour exprimer mes doutes quant à la pertinence des notions de solde conjoncturel et de solde structurel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je suis désolé de vous énerver sur ce sujet, mais nous avons encore le droit de donner notre position dans cette enceinte. À mon sens, ces notions sont des leurres anesthésiants. Ils reposent sur des hypothèses que chacun peut interpréter à sa façon.

Le solde conjoncturel, excusez-moi de vous faire l’offense de le rappeler, est calculé sur des notions tout à fait subjectives puisqu’il s’agit de l’écart entre le niveau réel de l’activité et le niveau potentiel du PIB.

Cette production potentielle est, selon certains économistes, le niveau le plus élevé soutenable à long terme pour une économie donnée. Rien de tel qu’une notion aussi subjective pour faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Je comprends que cela soit utile dans vos discussions avec Bruxelles, puisque l’on peut placer le curseur là où on le souhaite pour éviter les sanctions, mais j’aurais préféré cent fois que nous ayons un débat appuyé sur la notion de solde primaire, qui prend vraiment en compte le niveau de la dette, plutôt que ce solde conjoncturel auquel on peut faire dire ce que l’on veut, et qui introduit un débat fallacieux qui n’éclaircit pas les échanges dans cette enceinte.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n11.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI a déposé cet amendement pour faire réfléchir l’ensemble de la représentation nationale sur le concept de solde structurel.

Admettons que les hypothèses implicites – sur lesquelles je reviendrai – retenues par le Gouvernement ne sont pas trop éloignées de la réalité, que constatons-nous ? Je vais ajouter le solde structurel pour 2013, qui n’est pas mentionné dans le tableau figurant à l’article 2 du projet de loi.

De 2013 à 2015, le solde structurel des administrations publiques, en points de PIB potentiel, serait donc de : -2,5 ; -2,4 ; -2,2. Ma première réflexion est que pratiquement, le solde structurel ne se réduit pas.

Si l’on analyse en détail le solde structurel – je vous renvoie à l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2015 pour mieux suivre –, que constate-t-on s’agissant de la répartition entre État, Sécurité sociale et collectivités territoriales ?

Tout d’abord, le solde structurel de l’État augmente : -2,5 en 2013, -2,7 en 2014 et -2,8 en 2015. Ces chiffres proviennent des estimations gouvernementales. Cela veut donc dire qu’il existe une dérive du solde structurel en ce qui concerne l’État dans les estimations pourtant très optimistes du Gouvernement.

S’agissant des administrations publiques locales, il nous est expliqué que l’on reviendra à l’équilibre dès 2015 : -0,2 en 2013 ; -0,1 en 2014 et 0 en 2015. Mais avez-vous lu le rapport de l’inspection des finances sur la situation en 2014 des collectivités territoriales ? Il n’y a pas de réduction du déficit, il y a une très forte augmentation. Le -0,1 point pour 2014 ne correspond donc aucunement à la réalité, il y a une augmentation du déficit structurel des collectivités territoriales, qui risque fort de s’aggraver en 2015.

Restent les administrations de Sécurité sociale pour lesquelles – ne vous évanouissez pas, chers collègues – nous sommes à : +0,2 en 2013 ; +0,4 en 2014 et +0,6 en 2015. Je ne savais pas que les régimes de protection sociale étaient structurellement en excédent.

Deuxième question, que je poserai à temps et à contretemps : comment se fait-il que l’écart entre le solde effectif et le solde structurel s’accroisse continuellement ? Cet écart passe en effet de 1,6 point en 2013 – 4,1 % moins 2,5 % – à 2 points en 2014 – 4,4 % moins 2,4 % – et à 2,1 points en 2015 – 4,3 % moins 2,2 %.

M. Michel Vergnier. Parce qu’on s’améliore !

M. Charles de Courson. Si l’existence de cycles, hypothèse sur laquelle repose implicitement le calcul du solde structurel par rapport au solde effectif, est avérée, alors ces cycles ont maintenant une durée d’au moins dix ans. En effet, l’écart ne cesse de se creuser, ce qui signifie que nous nous situons en bas de cycle – on ne voit toujours pas l’écart se réduire. En haut de cycle, le rapport entre les soldes effectif et structurel devrait même s’inverser pour aboutir à un solde négatif : le solde effectif devrait être meilleur que le solde structurel, à l’inverse de ce qui se produit en bas de cycle. Or ce n’est pas du tout ce que l’on constate : on observe un écart croissant entre les deux soldes.

Mes chers collègues, quelle que soit notre sensibilité politique, il y a un moment où nous devons nous poser des questions sur la fiabilité des concepts que nous utilisons. Il n’est pas encore interdit de réfléchir.

M. Philippe Vigier. Au contraire, cela vaut mieux !

M. Charles de Courson. Les cycles historiques duraient de cinq à six ans – trois ans de hausse et trois ans de baisse, ou plus exactement de freinage, autour d’un trend. Ce n’est absolument pas ce que l’on constate ces dernières années, depuis la crise. Je pense donc que le traité, qui reprend ce concept antérieur à la crise, est aujourd’hui inadapté.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. L’objet de mon amendement est donc de remplacer, à la deuxième ligne du tableau de l’alinéa 4, le solde structurel par le solde effectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, après avoir nié la volonté politique, vous niez l’existence même des cycles économiques. Décidément, ce soir sera celui de toutes les négations.

M. Charles de Courson. Il n’y a plus de cycles depuis la crise.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais les cycles de Kondratiev duraient trente ans, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Je ne parle pas des cycles de Kondratiev, mais des cycles Juglar.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Selon vous, il n’y aurait plus de conjoncture, plus d’effort structurel ou conjoncturel qui pourrait affecter notre économie. J’entends bien ce que vous dites sur le déficit ou sur le solde : dans cet hémicycle, nous sommes tous d’accord sur le fait que le solde nominal correspond à l’argent qu’il faudra emprunter l’année suivante.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes d’accord.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sur ce point, il n’y a pas de débat. En revanche, notre appareil productif est-il mobilisé à 100 % ? Si non, pourquoi ne l’est-il pas ? Voilà la question posée derrière la distinction entre le solde structurel et le solde conjoncturel au sein du solde nominal.

M. Charles de Courson. Mais pourquoi l’écart entre le solde effectif et le solde naturel s’accroît-il ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est une frontière que l’on dessine…

M. Alain Chrétien. Oui, mais où ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit là d’un débat de politique économique. Considère-t-on que notre appareil productif est mobilisé à 100 % ou non ? Si le solde structurel est important, alors notre appareil productif n’est pas forcément mobilisé à 100 % et nous pouvons observer des effets conjoncturels considérables. Il est donc important de conserver cette notion. En tout cas, monsieur de Courson, nier l’existence même d’un cycle économique revient en fin de compte à nier notre capacité à mener une politique économique. Je vous laisse seul face à ce constat et à cette conclusion.

Pour toutes ces raisons, la commission a donné un avis défavorable à l’amendement n11.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance a pris le solde structurel comme élément de référence. Ni M. de Courson, ni l’un d’entre vous, ni votre serviteur n’y peut rien.

M. Charles de Courson. Un peu quand même ! C’est nous qui avons autorisé la ratification de ce traité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le TSCG adopté par les États membres compte le solde structurel parmi ses références et retient l’effort structurel dans les critères d’évaluation de la trajectoire de nos finances publiques. Notre Parlement a traduit cet élément dans une loi organique qui a été adoptée à une très large majorité, me semble-t-il, à la fin de l’année 2012. Et vous voulez supprimer la notion de solde structurel, monsieur de Courson, sous prétexte qu’elle serait trop compliquée ou qu’elle ne servirait à rien ?

M. Henri Emmanuelli. Voyons, Charles-Amédée !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je respecte votre point de vue, mais je ne peux que repousser votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure générale, vous confondez les cycles Juglar et les cycles de Kondratiev. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Laissez les Russes en dehors de tout cela ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Je n’ai jamais dit que l’histoire économique ne connaissait pas de cycles Juglar ni de cycles de Kondratiev. Ces cycles existent ! Je dis simplement qu’à compter de la crise de 2008-2009, on ne les retrouve plus. On ne retrouve plus non plus de trend de croissance.

Les études de Juglar et de Kondratiev ont mis en évidence un taux de croissance que l’on appelle maintenant « taux de croissance potentielle » et que le Gouvernement a longtemps estimé à 1,5 % voire 2 %. Aujourd’hui, nous sommes bien en-dessous de ces chiffres : d’ailleurs, la Commission européenne estime ce taux autour de 1 %, ce qui me paraît raisonnable. Je crains même qu’il soit encore inférieur : je rappelle que la France a connu une croissance de 0,3 %, 0,3 % et 0,4 % ces trois dernières années.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, vous ne voulez pas répondre au fond. Vous avez des réponses de conservateurs !

M. Henri Emmanuelli. Allons !

M. Charles de Courson. Vous dites que la notion de solde structurel est prévue par un traité. Mais on peut quand même s’interroger – je le dis d’autant plus que je suis profondément européen.

Deuxième question : madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, vous n’expliquez pas pourquoi l’écart entre les soldes structurel et effectif est croissant. Si votre thèse est exacte, s’il existe toujours des cycles Juglar autour d’un trend, alors ces deux soldes devraient se rapprocher avant de s’inverser. Or, depuis cinq ans, l’écart s’accroît d’année en année. Vous considérez peut-être que le cycle Juglar dure maintenant dix ou quinze ans, mais ce n’est absolument pas conforme aux études de Juglar.

M. Philippe Vigier et M. Lionel Tardy. Excellent !

M. le président. La parole n’est pas à Juglar, mais à M. Éric Woerth. (Sourires.)

M. Éric Woerth. Je suis moins hostile à la référence au solde structurel : cette notion est prévue par les traités européens, elle est donc nécessaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci, monsieur Woerth !

M. Éric Woerth. On calcule ce solde d’une manière compliquée. Certes, ce n’est pas un point de repère, mais chacun choisit les points de repère qu’il veut. Il existe un solde nominal : c’est celui-là qui nous intéresse et qui est important.

Ce qui m’intéresse, c’est la trajectoire, et je trouve que celle que vous proposez est particulièrement peu ambitieuse. Selon le tableau présenté à l’alinéa 4, le solde structurel s’améliore de 0,2 point entre 2013 et 2014, de 0,2 point entre 2014 et 2015, puis de 0,3 point entre 2015 et 2016. Tout à coup, à partir de 2016, la progression devient un peu plus importante, probablement du fait de la proximité de l’élection présidentielle.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Dès que la gauche quittera le pouvoir, le solde s’améliorera !

M. Éric Woerth. Dès lors, l’économie deviendra plus vigoureuse et le déficit structurel diminuera plus rapidement. Cette chronique de déficits annoncés rompt avec vos prévisions initiales. Nous devions améliorer le solde budgétaire de 0,8 point par an ; or nous tombons à 0,2 point dans les années qui viennent, alors que nos engagements dans le cadre d’une procédure pour déficit excessif devront prévoir une amélioration de 0,5 point, selon la norme européenne. En vérité, nous sommes donc très en deçà de l’effort attendu. Comme aucune réforme structurelle n’est engagée, aucune réduction solide du déficit structurel ne peut être obtenue.

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n31, portant article additionnel après l’article 2.

M. Jérôme Chartier. Cet amendement a été cosigné par un grand nombre de nos collègues, parmi lesquels Éric Woerth, Marie-Christine Dalloz, Christian Jacob et beaucoup de personnes ici présentes. Il s’agit d’un amendement de vérité.

Depuis plusieurs semaines, nous entendons le Gouvernement défendre un chapitre d’économies. Celles-ci ne sont pas réelles, mais tendancielles. Par une forme d’enfumage – il faut le reconnaître –, le Gouvernement cherche à nous faire croire qu’il réalise des économies. Toutefois, ces dernières ne portent pas sur l’existant, mais sur la croissance des dépenses : le Gouvernement va dépenser moins sur ce qu’il va dépenser en plus.

M. Alain Fauré. Et alors ?

M. Jérôme Chartier. C’est sympathique, mais nous souhaiterions que le Gouvernement se mette à réaliser des économies sur l’existant, sur le réel, sur ce qui est consommé aujourd’hui.

M. Lionel Tardy. Sur le stock.

M. Jérôme Chartier. Il s’agirait là d’une véritable réduction des dépenses publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. David Habib. Vous ne l’avez jamais fait !

M. Jérôme Chartier. C’est la raison pour laquelle beaucoup de mes collègues ont cosigné cet amendement très important. Nous ne souhaitons qu’une chose : la clarté, la transparence. Nous souhaitons que nous soient présentés chaque année, budget après budget, des chiffres en valeur absolue, de sorte que nous puissions constater les économies effectivement réalisées et avoir un large débat sur ces économies. C’est normal : d’après ce que je ressens, nous avons tous envie, dans cet hémicycle, d’une réduction de la dépense publique. Par conséquent, il faut cesser toute supercherie et parler de dépenses publiques réelles, de budget à budget, et non plus de cette espèce d’économie tendancielle qui n’existe que dans les rêves de la majorité.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État et M. Henri Emmanuelli, M. Michel Vergnier. C’est une honte de parler comme cela !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Chers collègues de l’opposition, nous avons déjà débattu de la façon de mesurer les économies, par rapport à la tendance ou non.

La semaine dernière, notre commission a adopté un amendement tendant à insérer dans le texte un article 28 bis et visant à demander au Gouvernement de préciser au Parlement toutes les hypothèses retenues pour le calcul de la croissance tendancielle. Je pense que ce nouvel article 28 bis apporte la réponse à votre amendement.

M. Jérôme Chartier et M. Alain Chrétien. Non, pas du tout !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je pense, monsieur Chartier, que vous savez faire une multiplication. Vous allez pouvoir multiplier un taux de tendance qui vous sera donné par rapport à 1 milliard d’euros : vous obtiendrez alors un nouveau montant dont vous pourrez soustraire tous les éléments que vous souhaiterez. En l’état actuel du texte qui nous est proposé, votre amendement n’est donc pas utile. Pour cette raison, la commission l’a repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement observe ce débat avec…

M. Charles de Courson. Sérénité ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …un peu de tristesse. Ceux qui nous regardent doivent s’étonner de ce discours ! Je l’ai déjà un peu dit tout à l’heure et je vais le répéter : les standards européens et internationaux utilisent des méthodes d’analyse des trajectoires budgétaires qui ont toujours été les mêmes, qui consistent à calculer des évolutions par rapport aux tendances et à exprimer la plupart des chiffres en pourcentage du PIB, car il est évident que des chiffres en valeur absolue ne permettent pas de comparer les petits et les grands pays. Exprimer des dépenses par rapport au produit intérieur brut me semble être la meilleure façon de comparer les pays. Tous les pays font comme cela, l’Union européenne fait comme cela, l’OCDE fait comme cela, les agences de notation travaillent sur ces bases.

M. Henri Emmanuelli. Le FMI fait comme cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tous les gouvernements ont toujours fait comme cela, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier.

M. Charles de Courson. Est-ce une raison pour s’en satisfaire ? Vous êtes des conservateurs !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi font-ils comme cela ? Parce que cette méthode nous semble être celle qui permet de regarder les choses avec le maximum d’objectivité. Mais vous avez raison, force est de reconnaître que la façon de calculer le tendanciel peut varier d’un organisme à un autre et parfois donner lieu à quelques petites manipulations permettant de faciliter ou de rendre plus difficiles les comparaisons.

M. Henri Emmanuelli. En jouant sur la présentation, par exemple.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parfois, certains s’y livrent. C’est pourquoi il a été utilement demandé au Gouvernement de donner des précisions sur sa façon de calculer le tendanciel.

Pardon d’être un peu long, mais je me suis peu exprimé jusqu’ici. Lorsque nous avons bâti la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, dans un bon esprit de collaboration – au bon sens du terme – avec le président Carrez, nous avions débattu de ce sujet en commission. Nous voulions faire référence à des évolutions tendancielles, mais nous savions qu’il existait plusieurs façons de les calculer : aussi jugions-nous utile de préciser la méthode utilisée, mais nous avions estimé que cela était quasiment impossible au vu des différences constatées et des positions de la commission.

Le procès que vous nous faites est donc un mauvais procès. Que nous ayons des débats sur l’utilité de telle ou telle mesure, sur telle ou telle orientation, c’est légitime et normal : ainsi va le débat démocratique, et nous ne serons pas d’accord. Mais que nous nous fassions des procès d’intention sur des points qui ont fait l’objet d’un consensus et qui peuvent donner lieu, à d’autres moments, à des discussions de spécialistes…

M. Henri Emmanuelli. C’est lamentable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pense que la commission a longuement discuté de ces points – même si je n’y étais pas, je me suis tenu informé de ce qui s’y est dit et de ce qui s’y est fait.

Poursuivre un tel débat n’a donc pas de sens et je ne puis que dire mon désaccord à cet amendement. Vous disposez de tous les tableaux dans le projet de loi de finances, en volume, avec l’ensemble des chiffres. Que voulez-vous d’autre ? Un rapport qui donne des chiffres au lieu de pourcentages ? Franchement, cela commence à m’attrister. Je le dis avec calme, sérénité, nous avons encore de longues heures à passer ensemble.

Le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. Henri Emmanuelli. Tout de même !

M. le président. Mes chers collègues, nous devons avancer. Cinq orateurs ont demandé la parole : M. Chrétien, Mme Berger, M. de Courson, M. Chartier et M. Woerth.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Nous allons, monsieur le secrétaire d’État, vous répondre avec le même calme et la même sérénité.

Le Gouvernement rebat les oreilles des Français avec ses 50 milliards d’économies.

M. Henri Emmanuelli. Et vous, 100 ?

M. Alain Chrétien. Lorsqu’au sein d’un ménage, on veut faire des économies, on baisse le niveau de ses dépenses. Si l’on a un budget de 400 milliards d’euros et que l’on veut faire 50 milliards d’économies, on ramène celui-ci à 350 milliards. Or telle n’est pas la réalité. Vous ne ferez pas 50 milliards d’euros d’économies, mais vous dépenserez moins 50 milliards par rapport aux 100 milliards que vous aviez prévu de dépenser sur les années suivantes, soit : 400 plus 100, moins 50 égale 450 et non 350. En fait, vous êtes en train de fabriquer un mensonge d’État en faisant croire aux Français que vous allez baisser la dépense publique en nominal de 50 milliards d’euros.

La seule chose que l’on vous demande, c’est de tenir un discours clair et honnête auprès des Français qui vous écoutent et vous regardent. Vous ne ferez pas, dans les prochaines années, 50 milliards d’euros d’économies, mais 50 milliards de dépenses de plus, au lieu des 100 milliards de dépenses supplémentaires vous aviez prévus. Vous ne dépenserez pas 50 milliards de moins, mais 50 milliards de plus.

Telle est, monsieur le secrétaire d’État, l’équation simple que l’on veut vous faire comprendre.

M. Henri Emmanuelli. On vous a attendu pour comprendre !

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je voulais remercier mes collègues de l’opposition de me faire réviser Molière parce qu’après M. Jourdain, nous avons Tartuffe, cher Jérôme Chartier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

« Le scandale du monde est ce qui fait l’offense

Et ce n’est pas pécher que pécher en silence. »

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas très poli !

M. Alain Chrétien. Fait personnel !

Mme Karine Berger. Je voulais seulement vous rappeler que, pendant cinq ans, vous avez systématiquement raisonné en tendanciel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. M. Jourdain, c’est gentil, Tartuffe, non !

Mme Karine Berger. Par rapport à ce tendanciel, je suis désolée de vous le dire, c’est 35 milliards d’euros de plus chaque année, plus exactement 34,1 milliards de plus en tendanciel chaque année.

M. Alain Chrétien. Tartuffe et Pimprenelle !

M. le président. Nous écoutons Mme Berger.

Mme Karine Berger. Si vous le souhaitez, monsieur Chartier, faisons la lumière totale, mais dans ce cas, les chiffres sont terribles. Au moment où vous étiez au pouvoir, l’État augmentait la dépense de l’État de plus de 7 milliards par an. Nous, nous la faisons baisser de 2 milliards par an depuis trois ans.

M. Alain Chrétien. C’est faux.

Mme Karine Berger. C’est cela la réalité, le péché qui est sorti du silence. Nous n’avons pas besoin d’un amendement pour savoir que ces chiffres, malheureusement, font porter la responsabilité de la situation sur votre gestion passée.

M. Dominique Baert. Voilà qui est bien dit.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, l’amendement déposé par le groupe UMP est intéressant. J’ai passé plusieurs heures à lire la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale pour essayer de trouver les fameux 21 milliards d’économies. J’en ai trouvé 7 !

M. Alain Fauré. Et nous, 50.

M. Charles de Courson. Je me permets de vous renvoyer à la page 67 de l’annexe, c’est passionnant. Vous y trouverez la façon dont est décomposée la réduction du déficit structurel entre la partie dépenses et la partie recettes pour chacun des trois blocs ; État, Sécurité sociale, collectivités territoriales.

En 2013, vous trouvez 0,2 point de PIB de réduction de la dépense structurelle, soit 4 milliards d’euros. On nous en avait annoncé 10. Cela fait 40 %.

En 2014, vous trouvez de nouveau 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d’euros. On nous avait annoncé 15 milliards d’économies. Pour 2015, on nous annonce 21 milliards. Effort structurel : 0,4 point de PIB, c’est-à-dire 8 milliards, 40 % de ce qu’on nous annonce. Ce n’est pas très différent de ce que, analytiquement, j’ai trouvé. Pour 2016, on trouve moins 0,3 point de réduction sur la dépense structurelle, ce qui représente 6 milliards alors qu’on avait annoncé 20 milliards. On est donc à peine à un tiers. Et pour 2017, on nous a annoncé 19 milliards d’économies, on trouve moins 0,6 point d’effort structurel, 12 milliards.

Dans ce que propose le Gouvernement, les 50 milliards se résument à 26 milliards d’euros. Dans les années passées, grosso modo, les économies sont deux à trois fois moins importantes que ce qu’annonce le Gouvernement. Au demeurant, ce n’est pas nous qui le disons. Le Haut conseil des finances publiques ainsi que Mme la rapporteure dans son rapport, que j’ai lu avec grande attention, font remarquer au Gouvernement que celui-ci annonce des économies, mais sans faire d’inventaire. On ne sait pas où se situent ces économies.

M. Jean-Pierre Vigier. Exactement. Vous l’avez écrit, madame la rapporteure.

M. Charles de Courson. En effet, et elle a eu raison. Et la Cour des comptes aussi demande où se trouvent les économies. Avec leur amendement, nos collègues de l’UMP demandent que les gouvernements, quels qu’ils soient, soient obligés d’expliciter analytiquement les mesures d’économies.

Cessez de nous arrêter des histoires en prétendant que quand ça augmente moins, c’est une économie. Mais non !

M. Henri Emmanuelli. Mais si. Moins par moins égale plus. Vous n’avez jamais fait d’algèbre ? Ce sont des économies par addition !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je vais d’abord répondre à Mme la rapporteure générale et à M. le secrétaire d’État s’agissant de la présentation des comptes. Je suis pour ma part d’accord avec ce qui a été dit. Nous débattons ici entre spécialistes et connaisseurs de ces questions budgétaires et nous comprenons parfaitement ce que le Gouvernement veut nous dire. Nous savons donc faire la part des choses s’agissant de la nature de la dépense publique et de son évolution.

Mais je veux ajouter, à l’intention de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État en charge du budget que le rapport que nous demandons dans notre amendement permettrait de faire de la pédagogie en matière de dépense publique. Il est vrai, nous le reconnaissons tous, que la notion de tendanciel n’est pas facilement compréhensible par le grand public. Alors que les déficits sont une question prioritaire pour les Français,…

M. Henri Emmanuelli. Oh !

M. Jérôme Chartier. …un tel rapport serait un outil pédagogique extrêmement intéressant pour tout dire, faire la lumière. Chacun peut comprendre que l’État, ne serait-ce que parce que les prix augmentent, que tout augmente, continue à faire croître sa dépense. On peut le comprendre, mais dans le même temps, il serait beaucoup clair de comparer les budgets en valeur absolue, et de voir la réalité des économies réalisées. Ainsi, tout serait dit.

Mme la ministre de l’éducation nationale indiquait tout à l’heure que sur les 60 000 postes de fonctionnaires, il n’y a que 21 000 postes réalisés. Ce qui signifie qu’il reste 39 000 postes, en équivalent budget, de croissance budgétaire dans les années qui viennent. Il est important de le dire et de le montrer aux Français, pas seulement à la représentation nationale. C’est la raison pour laquelle j’espère que cet amendement très important sera adopté.

J’en viens au deuxième aspect de mon intervention. Le débat s’est bien déroulé jusqu’ici, mais l’expression de « Tartuffe » utilisée à mon encontre ne me convient pas. J’ai trouvé cela déplacé, exagéré.

Mme Karine Berger. C’était Molière. C’est joli !

M. Jérôme Chartier. Autant la référence à Molière et à M. Jourdain est sympathique, autant la référence à Tartuffe l’est beaucoup moins et ne me fait pas rire du tout.

M. Alain Fauré. Hier, nous avons bien eu droit au « Dîner de cons » !

M. Henri Emmanuelli. Elle disait cela pour rire.

M. Jérôme Chartier. C’est la raison pour laquelle, afin de rappeler ce que doit être le bon déroulement des débats entre la majorité et l’opposition, je vous demande, monsieur le président, une petite suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue, pour relire nos classiques…

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

(L’amendement n31 n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n12.

M. Charles de Courson. Je ne vais expliquer indéfiniment que cet écart croissant devrait, toutes tendances confondues, nous interpeller sur la notion de solde structurel. Nous ne sommes pas suffisamment interpellés par l’écart croissant entre le solde structurel et le solde effectif.

(L’amendement n12, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 13 et 37, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n13.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement important car, comme vous le savez, dans la nouvelle nomenclature de la comptabilité nationale européenne, les comptables nationaux de l’Union européenne ont reclassé – à juste raison d’ailleurs, et ce problème avait du reste été soulevé par la Cour des comptes française depuis des années – l’ensemble d’une quinzaine de crédits d’impôt remboursables en dépenses, car il s’agit là de leur vraie nature. Nous avions d’ailleurs eu des débats passionnés à propos de la double nature de la prime pour l’emploi – la PPE –, dont une partie est une subvention et une partie est imputée en déduction de l’impôt sur le revenu.

L’amendement a pour objet de compléter la ligne relative à la dépense publique en y faisant figurer ce crédit d’impôt. Les taux indiqués ne sont pas une invention personnelle, mais ceux qu’a donnés M. le secrétaire d’État en réponse à une question que j’avais posée en commission des finances.

Ces chiffres sont très intéressants : entre 2014 et 2015, la baisse est de 0,1 point, ce qui revient à dire qu’elle est quasi-nulle. Cela pose un énorme problème : on ne réussit pas à faire baisser la vraie dépense, qui est constituée de la dépense effective et des crédits d’impôts qui viennent en déduction des recettes. Le taux commence à baisser en 2016, et surtout en 2017 – mais ce sera une autre histoire.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n37 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n13.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les amendements n13 et n37 sont équivalents, à une décimale près que vous avez oubliée, monsieur de Courson : le chiffre correspondant à l’année 2017 est 56,1, et non pas seulement 56. Je vous invite donc à retirer votre amendement n13 pour vous ranger à l’amendement n37. Avis favorable à ce dernier.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire bien volontiers l’amendement n13.

(L’amendement n13 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n37 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le ministre s’était engagé sur le principe, sous réserve que les chiffres soient corrigés. C’est ce qui a été fait, conformément à notre souhait commun. Cet amendement recueille donc un avis favorable du Gouvernement.

(L’amendement n37 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n14.

M. Charles de Courson. Dès lors que nous avons intégré les crédits d’impôt remboursables à la dépense, il ne faut pas oublier non plus la recette. Le tableau présente en effet, dans le texte qui nous est soumis, des chiffres hors crédits d’impôts, qui sont une recette et une dépense. L’amendement tend donc à compléter également la ligne relative aux prélèvements obligatoires en ajoutant là aussi, comme nous venons de le faire pour les dépenses, une ligne indiquant le taux de prélèvement « y compris crédits d’impôt ».

Il s’agit donc de reporter sur les recettes l’écart observé en dépenses : on observe alors que le taux de prélèvement augmente, passant de 45,9 % à 46,1 % du PIB, et ne commence à baisser – et encore n’est-ce que d’une façon symbolique – qu’en 2016. En 2017, la baisse est encore extrêmement faible. La pression fiscale est donc à peu près stable. C’est une information très intéressante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable de la commission sur cet amendement, pour une raison simple : nous avons des débats sur le solde structurel, au motif que les définitions d’Eurostat ou de la Commission européenne ne seraient pas très précises. Vous proposez ici d’inclure les crédits d’impôts dans les taux de prélèvements obligatoires. Or, Eurostat, dont le règlement n549 évoque bien la dépense publique, n’a pas encore établi de méthodologie propre à harmoniser l’ensemble des données en vue du calcul du taux de prélèvements obligatoires.

Monsieur de Courson, je vous invite donc à retirer votre amendement, afin que nous évitions de multiplier les méthodes et de susciter des débats tels que celui que nous avons à propos du déficit structurel, pour lequel cohabitent plusieurs méthodes. Lorsque les institutions européennes auront complété ce règlement n549, nous disposerons d’une harmonisation et nous fonder sur un unique indicateur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Outre les arguments de Mme la rapporteure générale, auxquels je souscris, j’ajouterai que, si vous voulez mesurer la pression fiscale, il ne faut pas oublier que le crédit d’impôt correspond bien à une partie des impôts qui n’est pas payée. Je ne peux pas même être favorable à cette proposition sur la forme, car cet indicateur, qui n’est produit que par l’OCDE et n’est pas publié par l’INSEE, ne saurait être considéré comme pertinent. Le Gouvernement émettrait donc un avis défavorable à cet amendement s’il était maintenu.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous mettez en contradiction avec vous-même. Vous avez en effet accepté tout à l’heure – à très juste titre – que nous complétions la ligne relative aux dépenses. On constatera donc une différence entre les chiffres et on ne s’y retrouvera plus.

En outre, certains produits sont complexes et consistent pour une part en crédits d’impôts et pour une autre en restitutions. C’est par exemple le cas de la PPE, qui représente environ 2 milliards d’euros de restitutions et 1,8 milliard d’euros de crédit d’impôt – or, il n’y a pas deux PPE, mais une seule.

Je comprends les raisons pour lesquelles vous vous opposez à cet amendement, monsieur le secrétaire d’État : il révèle que vous ne réduisez pas les prélèvements obligatoires, y compris dans vos prévisions de croissance optimistes. Que vous l’acceptiez ou non ne change pas grand-chose : tout le monde peut faire ce calcul et j’espère que nos concitoyens auront ouvert les yeux sur cette dure réalité.

(L’amendement n14 n’est pas adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n38.

M. Lionel Tardy. En 2013, le Conseil d’orientation des finances publiques et la Conférence nationale des finances publiques ont été supprimés, pour laisser place au Haut conseil des finances publiques. Alors que le Gouvernement plaide pour un choc de simplification, voilà qu’on recrée ici une « conférence des finances publiques ». Pour quels objectifs, alors que nous disposons déjà des avis objectifs – et souvent peu joyeux pour le Gouvernement – du Haut conseil des finances publiques ? À quoi servira cette nouvelle instance consultative ?

Alors qu’elle n’existe pas encore, nous ne connaissons déjà que trop bien le diagnostic relatif aux finances publiques. Quant aux conditions requises pour assurer le respect de la trajectoire des finances publiques, cela me paraît tout à fait creux.

En gros, cette conférence réunira les représentants des différents sous-secteurs des administrations publiques pour voir comment atteindre les objectifs de réduction des déficits. N’est-ce pas déjà le cas aujourd’hui ? Dans la négative, c’est inquiétant.

L’État n’a sans doute pas besoin d’une conférence, d’une instance ad hoc, pour réunir ses propres administrations et examiner les efforts budgétaires à réaliser. On voudrait nous faire inscrire dans la loi la tenue de réunions – car une telle conférence n’est rien d’autre qu’une réunion. Franchement, ce n’est pas raisonnable : il s’agit ici d’un véritable comité Théodule utilisé comme outil de communication.

Avoir des finances saines est un objectif vital, qui se passe volontiers de tels artifices. Je demande donc la suppression des alinéas 6 à 8.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Tardy, qu’il n’y ait pas de malentendu : l’objectif de cette conférence de la dépense publique est de réunir tous les acteurs de la dépense publique. Alors que, dans notre pays, la dépense publique représente environ 1 200 milliards d’euros, la dépense de l’État, que nous étudions aujourd’hui, est de l’ordre de 350 milliards d’euros. Vous avez certes raison de rappeler que l’État n’a pas besoin d’un texte de loi pour réunir ses fonctionnaires, mais il s’agit ici d’impliquer tous les acteurs de la dépense publique – les secteurs de la santé, de la protection sociale, des retraites, des retraites complémentaires et, bien sûr, les collectivités locales. Tel est en effet l’objectif de cette conférence de la dépense publique. La réunir et y travailler utilement permettrait sans doute d’éviter certains faux débats sur la responsabilité des uns ou des autres dans l’accroissement de la dépense publique ou de la dette publique. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Nous nous heurtons ici à un problème de compréhension et vous devriez, monsieur Tardy, retirer votre amendement.

En effet, la dépense publique est l’addition des dépenses respectives de l’État, des collectivités locales et des administrations de Sécurité sociale. C’est bien cet ensemble qui produit les chiffres que nous évoquons. C’est sur lui que porte notre objectif de maîtrise de l’évolution de la dépense publique et de réduction de la part de cette dernière dans le PIB de notre pays – ce ratio est en effet l’un des plus élevés d’Europe. Vous souscrivez, me semble-t-il, ce constat.

Réunir dans le cadre d’une conférence l’ensemble de ces acteurs aura, dans la perspective des objectifs que nous nous fixons, la vertu de mettre chacun face à ses responsabilités et d’éviter que les uns et les autres se transmettent la patate chaude – nous reviendrons du reste tout à l’heure sur la dépense des collectivités locales, à laquelle certains articles seront notamment consacrés.

Il est faux de penser qu’un quelconque sous-secteur des administrations publiques pourrait aujourd’hui s’exonérer de cet effort de maîtrise des dépenses. C’est évidemment vrai des administrations sociales, qui représentent 66 % de l’augmentation de la dépense depuis 1980. C’est également vrai du secteur public local – l’article 11 fixera à ce titre un objectif d’évolution de la dépense locale.

Organiser une réunion d’ensemble et obliger chacun des responsables de ces secteurs à assumer ses prises de position par rapport à l’objectif collectif que nous devons poursuive de réduction de la dépense publique est une très bonne initiative. Sans doute est-elle toutefois insuffisante et faudra-t-il un jour aller plus loin si nous constatons que le mouvement des acteurs n’atteint pas les objectifs escomptés – peut-être des mesures plus contraignantes seront-elles alors nécessaires. En tout état de cause, cette disposition va dans le sens d’une bonne gouvernance des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’entends bien vos arguments et chacun pourra analyser s’il s’agit ici d’un effet d’affichage. Je tiens cependant à rappeler que nous faisons ici la loi et que l’on peut parfaitement organiser une telle conférence sans l’inscrire pour autant dans la loi.

(L’amendement n38 n’est pas adopté.)

(L’article 6 est adopté.)

Avant l’article 7

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n1 portant article additionnel avant l’article 7.

M. Jérôme Chartier. Cet amendement simple et important se situe dans le droit fil de la position que j’exprimais tout à l’heure. Compte tenu des variations parfois erratiques qui affectent parfois le PIB, le fait d’exprimer les objectifs d’évolution de la dépense publique en pourcentage de celui-ci pourrait produire de grandes différences – ainsi, alors que la prévision de croissance était cette année de 1 %, elle atteindra peut-être péniblement 0,3 % ou 0,4 %. Il serait donc beaucoup plus clair, plus transparent et plus pédagogique d’exprimer les objectifs en valeur. C’est tout l’intérêt de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’intention qu’exprime votre amendement est intéressante, mais sans doute faut-il, dans un esprit pragmatique, revenir à la réalité des choses. Sur les 1 200 milliards d’euros de dépenses publiques, la moitié sont aujourd’hui sous objectifs ou sous normes, ce qui signifie que le reste ne l’est pas.

Exprimer les objectifs en euros sonnants et trébuchants est sans doute beaucoup moins contraignant que d’adopter une perspective globale exprimée en pourcentage, car certains périmètres pourraient bouger ou varier. Dans un monde parfait, où tout serait sous normes ou sous objectifs, ce serait sans doute réalisable, mais ce n’est le cas, je le répète, que pour 50 % de la dépense publique. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly