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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 15 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (suite)

Discussion des articles (suite)

Article 7

Amendement no 40

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Amendement no 15 rectifié

Article 8

Amendements nos 2 , 16 , 52

Article 9

Amendement no 17

Article 10

Amendements nos 18 , 19

Article 11

M. Dominique Lefebvre

M. Charles de Courson

M. Nicolas Sansu

M. Philippe Vigier

M. Jérôme Chartier

M. Marc Le Fur

M. Henri Emmanuelli

M. Razzy Hammadi

Amendements nos 45 , 23 , 44

Article 12

Amendement no 60

Articles 13 et 14

Après l’article 14

Amendement no 3

Article 15

Article 16

M. Dominique Lefebvre

Amendements nos 47 rectifié , 4 , 49 rectifié

Article 17

Article 18

Amendement no 20

Article 19

Amendement no 41

Article 20

Amendement no 27

Article 21

Article 22

Amendements nos 7 , 33 , 50 , 34

Article 23

Amendements nos 5 , 8

Article 24

Article 25

Amendement no 46

Après l’article 25

Amendement no 39

Article 26

Article 27

Article 28

Amendements nos 51 , 35

Article 28 bis

Article 29

Après l’article 29

Amendement no 48 rectifié

Article 30

Amendements nos 22 , 36

2. Projet de loi de finances pour 2015 (suite)

Première partie

Article liminaire

M. Pascal Cherki

Amendements nos 728 , 360 , 690

Article 1er

M. Marc Le Fur

Amendements nos 643 , 660

Article 2

M. Marc Le Fur

M. Dominique Lefebvre

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Mme Karine Berger

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale

M. Éric Alauzet

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (nos 2236, 2245).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 7.

Article 7

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 40 et 15 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n40.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement vise à prendre en compte les crédits d’impôt dans le taux d’évolution de la dépense publique. Il est cohérent avec celui que nous avons adopté tout à l’heure à l’article 5, puisqu’il s’agit à nouveau de prendre en compte les crédits d’impôt et ainsi de garantir une cohérence sur tous les paramètres proposés. C’est le cas ici avec la trajectoire de croissance de la dépense publique. Cet amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Le Gouvernement étant favorable sur le principe et cet amendement ayant été rédigé conformément à ce qui était convenu, son avis est favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n15 rectifié.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

(L’amendement n40 est adopté et l’amendement n15 rectifié tombe.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit ici de prendre en compte une certaine réalité dans le périmètre des dépenses de l’État. En effet, celles-ci couvrent aujourd’hui les dépenses du budget général, ce qui est normal, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et celles au profit de l’Union européenne. Au cours de ces dernières années, ces normes ont souvent été respectées en retirant de leur périmètre des dépenses considérées comme exceptionnelles et imprévisibles par le ministère chargé du budget.

Le présent amendement propose ainsi de réintégrer les dépenses liées à la dotation au Mécanisme européen de stabilité, à la Banque européenne d’investissement ainsi que celles liées au deuxième programme d’investissements d’avenir, ce dernier représentant par exemple 500 millions d’euros. Il semble donc aujourd’hui judicieux d’intégrer dans le périmètre la totalité des dépenses prévues et qui ne seront pas exceptionnelles puisqu’elles entrent dans le cadre d’une programmation.

Pour une meilleure lisibilité, il faudrait donc insérer les mots « des dotations au Mécanisme européen de stabilité, des dotations à la Banque européenne d’investissement, du deuxième programme d’investissements d’avenir » car la sincérité des comptes en dépend.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Ainsi que nous l’avons dit tout à l’heure, à peu près la moitié des dépenses publiques ne sont pas sous norme ou sous objectif. Il s’agit en l’occurrence d’un mécanisme assurantiel qui n’entre pas tout à fait dans la même logique que les autres dépenses. Pour cette raison, l’amendement a été repoussé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes en train de nous dire qu’une dépense qui n’est pas sous norme est en quelque sorte une dépense virtuelle. Pour employer un raccourci : si elle n’est pas dans la programmation, si elle n’est pas dans la norme, on ne la prend pas en compte ! Un ménage, une entreprise ou une collectivité territoriale qui gérerait son budget comme cela serait immédiatement sommé de respecter l’une des trois règles en matière de comptes publics, à savoir la sincérité des comptes ! Je ne comprends pas ! On connaît aujourd’hui les mesures du Mécanisme européen de stabilité ! Alors certes, madame la rapporteure, ce n’est pas une dépense sous norme, mais il me semble aberrant de l’occulter dans le périmètre des dépenses de l’État !

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n16.

M. Philippe Vigier. Avec cet amendement, nous souhaitons que la charge de la dette et les contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions » soient prises en compte dans l’agrégat des dépenses du budget général de l’État. Il s’agit là encore d’un problème de clarification, de simplification et de transparence des comptes : il faut absolument intégrer ce que nous proposons car, dans la situation budgétaire que connaît notre pays – rappelons qu’une copie de ce budget sera adressée à Bruxelles, qui a quelques doutes sur la sincérité de ce qui est proposé : nous verrons d’ailleurs quelles seront les conclusions de la Commission européenne sur ce point –, il nous paraît essentiel d’agréger ces dépenses, qui sont connues et récurrentes, afin de permettre une véritable vision de l’état des dépenses publiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement est déjà satisfait puisque la norme « zéro volume » tient déjà compte de la charge de la dette et du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Cet amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Vigier, retirez-vous votre amendement ?

M. Philippe Vigier. Je le retire.

(L’amendement n16 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n52.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même état d’esprit, il s’agit ici de prendre en compte, dans le périmètre des dépenses de l’État, les dépenses liées aux opérateurs et aux organismes chargés de missions de service public.

Je vous donne quelques exemples, madame la rapporteure, qui, certes, ne sont pas sous norme : ainsi, en matière de subventions et de taxes affectées pour les opérateurs, nous avons 1,9 milliard d’euros – par rapport à une évolution spontanée de 800 millions –, dont 1,1 milliard lié au plafonnement des taxes affectées, y compris les prélèvements sur fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie et des agences de l’eau. Il semble donc important que ces dépenses soient intégrées dans le périmètre des dépenses de l’État. Je trouve aberrant qu’elles ne le soient pas !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Sans revenir sur les différents arguments que vous avez évoqués, madame Dalloz, je veux vous en donner un autre : votre amendement sera satisfait à compter de 2016 puisque l’article 16 de la présente loi prévoit de généraliser le plafonnement à l’ensemble des taxes affectées.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes en avance !

(L’amendement n52, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 8 est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n17.

M. Philippe Vigier. Il y a, dans les dépenses publiques, une masse extrêmement importante et qui n’est pas compressible : il s’agit du nombre des fonctionnaires. Rappelez-vous la révision générale des politiques publiques, dite RGPP, que vous aviez d’ailleurs condamnée à de multiples reprises. Vous aviez même promis de la supprimer quand vous reviendriez au pouvoir : or je constate que vous avez mis en place la modernisation de l’action publique, dite MAP – même si les éléments de documentation et d’information sur ce point font défaut.

Pour ma part, j’en reviens toujours à l’alpha et l’oméga de votre changement de posture : vous nous expliquez qu’il faut faire des économies et dépenser moins, en réalisant 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, dont 21 milliards d’euros pour la seule année 2015. Pour y parvenir, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas d’autre solution que de sortir du dogmatisme absolu !

Quoi qu’il en soit, le nombre de fonctionnaires sera maintenu. Vous savez d’ailleurs pertinemment que c’est une tricherie : en effet, sur le nombre de postes ouverts, combien ne sont pas pourvus aujourd’hui ? Plus de quinze mille ! Osez le dire ! Il faut avoir de la franchise et dire qu’il y aura moins de fonctionnaires mais qu’ils travailleront mieux et qu’ils seront mieux payés. Or vous gelez le point d’indice : vous paupérisez la fonction publique ! Vous donnez envie aux fonctionnaires d’aller ailleurs, alors que nous en avons besoin et que l’immense majorité fait très bien son travail ! Mais ils veulent aussi des perspectives ; or ces perspectives, vous les avez détruites en gelant le point d’indice.

Pour ce qui est de la diminution des dépenses publiques, je rappelle ce que j’ai dit lors de la discussion générale : si, dans ce pays, plus de dépenses publiques constituaient une assurance tous risques pour plus de croissance, cela se saurait ! Il y a toujours eu plus de dépenses publiques, mais cela n’a pas donné le résultat espéré puisqu’il n’y a pas eu plus de croissance. Regardez dans les pays d’Europe qui nous entourent : il y a beaucoup moins de dépenses publiques, beaucoup moins de fonctionnaires, mais ceux-ci sont souvent bien mieux payés, en particulier – vous le savez bien, monsieur Emmanuelli, même si vous maugréez –, les enseignants.

M. Henri Emmanuelli. Je le sais !

M. Philippe Vigier. Moins de fonctionnaires, mieux payés, et arrêtez de faire des promesses que vous ne tenez pas ! En effet, vous n’avez pas maintenu le nombre de fonctionnaires, contrairement à vos engagements.

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Monsieur Vigier, vous venez d’affirmer que les fonctionnaires n’avaient pas été augmentés ou que, du moins, nous avions bloqué l’indice.

M. Philippe Vigier. Quatre ans de gel !

M. Alain Fauré. Ce n’est pas le cas pour la catégorie C : il a été revalorisé.

M. Philippe Vigier. Oui : la première année !

M. Alain Fauré. Cela représente tout de même, pour 2014 et pour 2015, une somme assez substantielle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a beaucoup d’agents de catégorie C dans les collectivités locales !

M. Philippe Vigier. Et cela représente combien ?

M. Alain Fauré. Cela fait à peu près 800 millions d’euros.

M. Marc Le Fur. Ce sont essentiellement les collectivités locales qui payent !

M. Alain Fauré. Vous dites que nous ne faisons pas d’efforts ; or nous en avons fait pour accompagner les fonctionnaires ! Ou alors vous avez une curieuse façon d’analyser les efforts qui sont faits : 800 millions d’euros, ce n’est quand même pas une petite somme !

M. Hervé Pellois. Tout à fait.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Vigier, vous disiez tout à l’heure à propos de la fonction publique que, dans l’éducation nationale, il y a plus de fonctionnaires qu’ailleurs et qu’ils sont plus mal payés. Récemment ont été publiés, pour l’ensemble des pays européens et de l’OCDE, le nombre d’enseignants et les niveaux de rémunération : vous avez pu constater que les enseignants français n’étaient pas si bien lotis que ne le veut la rumeur de droite !

Je trouve inconvenant votre numéro sur les économies que vous faites depuis deux ou trois heures. Si je comprends bien, ce que vous souhaitez, ce sont des économies par amputation : il faudrait trancher !

M. Philippe Vigier. Pas du tout !

M. Henri Emmanuelli. Ce que vous reprochez au Gouvernement, ce sont des économies par abstinence, c’est-à-dire des dépenses qui auraient pu être faites et qui ne le seront pas parce qu’on résiste au désir – un peu de poésie dans les chiffres ! (Sourires.)

Mais ce que vous avez pratiqué, ce sont les économies par illusion : vous en avez beaucoup parlé, mais on ne les a jamais vues ! Et aujourd’hui, vous pratiquez les économies par incantation, avec tous ces candidats à la primaire de l’UMP qui multiplient les milliards d’économies sans jamais nous indiquer en quoi elles consistent !

Mme Marie-Christine Dalloz. Qu’est-ce que cela vient faire dans ce débat ?

M. Henri Emmanuelli. Si vous pouviez revenir un peu à la réalité du débat, cela ferait du bien à tout le monde ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Ce matin encore, en commission, monsieur Emmanuelli, c’est nous qui avons proposé la taxation des golden parachutes, que la gauche n’a pas su faire. Alors ne dites pas que nous ne sommes que dans l’incantation !

M. Henri Emmanuelli. Et j’ai voté votre proposition !

M. Philippe Vigier. Eh oui, parce que c’est une bonne mesure. Je me félicite que vous vous soyez ainsi associé à une proposition, mais vous auriez pu en avoir la paternité.

Les faux-semblants ne m’intéressent pas, monsieur Emmanuelli. Je répète que vous ne réaliserez pas ces 21 milliards d’euros d’économies et que je le regrette.

Puisque vous nous parlez de l’éducation nationale, dites-nous ce que vous pensez de la place de la France dans le classement PISA. N’ai-je pas dit à l’instant que je jugeais que nos enseignants étaient mal payés ? L’UDI n’a jamais proposé des économies de 100, 130, 150 milliards.

Je voudrais pour finir citer le rapport Pêcheur sur la fonction publique : « S’il y a trop de fonctionnaires, il faut en réduire le nombre et non pas les sous-payer. Le blocage de la valeur du point ne saurait dans la durée tenir lieu de politique salariale ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Philippe Vigier. Quant aux agents de catégorie C, cher collègue, je peux vous dire, en tant que maire – c’est un des avantages du cumul – que leur traitement n’a pas été augmenté de plus de quinze euros par mois !

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo ! ça, c’est envoyé !

(L’amendement n17 n’est pas adopté.)

(L’article 9 est adopté.)

Article 10

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n18.

M. Charles de Courson. Le présent amendement propose que l’objectif de dépense des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale soit indexé sur l’inflation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission parce que nous considérons que l’effort demandé aux administrations de Sécurité sociale au travers de l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance maladie – était déjà suffisamment important. On ne saurait aller plus loin sans nuire à la qualité des soins. C’est la raison pour laquelle l’amendement a été repoussé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Notre prévision d’augmentation moyenne de l’ONDAM de 2 % sur le triennal – soit 2,1 %, 2 % et 1,9 % – a suscité des critiques assez violentes – j’ai même entendu le mot d’ « enfumage ». Pourtant en avril 2012, M. Baroin proposait une augmentation de 2,6 %.

Le Gouvernement salue les efforts déjà consentis par l’ensemble des organismes de santé, notamment dans le cadre de l’ONDAM. Ils devront les accentuer quelque peu, puisque l’augmentation était cette année de 2,4 %.

Il faut cependant tenir compte de l’augmentation du coût des soins. Sans vouloir entrer dans des considérations qui relèvent de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à lui seul le nouveau médicament qui vient d’être découvert pour traiter l’hépatite C et qui semble donner des résultats très satisfaisants, devrait générer un accroissement de la dépense d’un milliard d’euros par an. Il serait regrettable que l’encadrement de nos dépenses de santé se traduise par l’impossibilité de soigner des patients atteints par une maladie aussi grave.

Il faut être raisonnable : un objectif de 2,1 % suppose déjà un effort important.

Vous aurez compris, madame la présidente, que mon avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous proposons de plafonner l’augmentation à 2,1 % pour l’ensemble des régimes obligatoires de base entre 2015 et 2016 et à 2,3 % entre 2016 et 2017. L’inflation étant de 1 %, le différentiel est d’environ cinq à six milliards d’euros.

Cela suppose de faire des réformes structurelles, comme celle que notre groupe propose depuis des années pour l’assurance vieillesse. J’aimerais à ce propos que vous nous précisiez, monsieur le secrétaire d’État, l’hypothèse implicite de réévaluation des pensions sur laquelle se fondent les objectifs de 2,1 % et de 2,3 % pour les dépenses des régimes obligatoires de base. Je ne suis même pas sûr qu’ils tiennent compte de l’inflation.

(L’amendement n18 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement n19.

M. Jean-Pierre Vigier. Je suis surpris que le secrétaire d’État ne réponde pas.

M. Henri Emmanuelli. Oh ça va !

M. Jean-Pierre Vigier. A-t-on encore le droit de poser des questions au Gouvernement, monsieur Emmanuelli ? Je ne faisais que m’étonner de l’absence de réponse du secrétaire d’État à une question qui me paraît assez simple.

Pourquoi refuser d’indexer l’objectif d’évolution des dépenses d’assurance maladie et de protection sociale sur l’inflation alors que vous n’avez pas hésité à geler le montant des pensions de retraite pendant dix-huit mois ?

Il ne s’agit pas de limiter l’accès aux soins de nos concitoyens, mais de faire en sorte qu’on améliore l’efficience des soins. Nous savons tous qu’il y a des gaspillages, vous le reconnaissez vous-mêmes – du moins à l’extérieur de cet hémicycle.

Il faut bien sûr pouvoir financer les nouveaux traitements, mais ce n’est pas une raison pour consentir à une augmentation constante de ces dépenses sans même qu’on puisse envisager de les encadrer.

Je voudrais dire à ce propos que la généralisation du tiers payant est une mauvaise décision, chacun en convient, en ce qu’elle est une incitation à la déresponsabilisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il a été repoussé par la commission pour les mêmes raisons que l’amendement précédent.

L’augmentation « naturelle » de l’ONDAM serait plutôt de 3,9 %, monsieur de Courson, étant donné le vieillissement de la population.

M. Charles de Courson. Mais non !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais si, monsieur de Courson !

Si on veut maintenir la même qualité de soins, d’autres pistes d’économies sont à explorer, telles que le développement des génériques ou la réorganisation de l’hôpital.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’aime autant la précision que vous, monsieur de Courson. Or il me semble que vous confondez deux sujets : celui des pensions et celui de l’ONDAM.

Il vous a peut-être échappé que notre population augmente de 200 000 personnes chaque année. En outre la durée de vie s’allonge encore, et c’est heureux, mais l’âge moyen de la population augmente donc et les personnes âgées ont besoin de soins plus coûteux. On ne peut aussi que se féliciter de la sophistication continue des techniques de soin, mais cela aussi a un coût. Ce sont tous ces éléments qui nous amènent à dire que l’augmentation naturelle de l’ONDAM serait de 3,9 %. Libre à vous de le contester, mais nous avons décrit très précisément chaque poste de dépenses de l’assurance maladie pour justifier notre décision de maintenir notre objectif à 2,1 %.

S’agissant des pensions, s’en tenir à l’inflation reviendrait à nier que le nombre des retraités est appelé à augmenter et que de surcroît, celui-ci n’est pas toujours prévisible, beaucoup de salariés décidant de différer ou au contraire d’avancer le moment d’interrompre leur vie active et de liquider leur pension. Cela a d’ailleurs déjà donné lieu à des prévisions erronées, s’agissant notamment des fonctionnaires, qui ont été moins nombreux à partir qu’on ne le pensait.

Pour répondre à votre question, nous nous sommes alignés sur l’inflation, dont chacun reconnaît qu’elle est plutôt faible en ce moment, mais nous avons également tenu compte du fait que le nombre des retraités augmente. C’est ce qui justifie ce chiffre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je sais, monsieur le secrétaire d’État que vous êtes de profession – sans même parler de vos origines lorraines ! – un homme de rigueur et de précision.

Vous nous dites qu’au regard des évolutions tendancielles que vous venez d’exposer, l’ONDAM devrait augmenter de 3,9 % – je rappelle que dans le PLFSS 2014 l’augmentation était de 3,8 % – et qu’en comparaison, une augmentation de 2,1 % seulement représente un effort considérable. Or l’ONDAM n’a jamais été depuis 2010 exécuté à un niveau supérieur à 2,7 % !

Voilà pourquoi nous ne croyons pas à la sincérité de vos estimations. Ce que nous croyons, c’est qu’elles sont artificiellement gonflées dans le but de masquer des pistes d’économies.

(L’amendement n19 n’est pas adopté.)

(L’article 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 11.

La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Au moment d’aborder l’article 11, je souhaitais appeler l’attention de notre assemblée sur l’importance de cet article.

Il s’agit en effet d’un article fondamental en ce qu’il réaffirme le principe de la participation des collectivités locales à l’effort de redressement des finances publiques et en ce qu’il institue d’autre part un objectif d’évolution, pour l’instant purement indicatif, d’évolution de la dépense publique locale.

La dépense publique locale, c’est 21 % de la dépense publique. Elle contribue au déficit, à la dette et au niveau des prélèvements obligatoires. C’est également cent milliards d’euros de dotations budgétaires ou de transferts de fiscalité de l’État vers les collectivités locales.

Il n’est donc pas envisageable que celles-ci ne participent pas à l’effort de maîtrise de la dépense publique.

Il s’agit là d’un objectif global : nous aurons à examiner des amendements proposant de distinguer en son sein entre le fonctionnement et l’investissement. Il faudra aussi, à partir de 2016, décliner cet objectif par niveau de collectivité.

Il ne faut se réfugier, ni derrière le principe de libre administration des collectivités locales …

M. Philippe Vigier. Et pourquoi pas ?

M. Dominique Lefebvre. …ni derrière les difficultés objectives que rencontrent certaines collectivités pour éviter de poser les vraies questions.

Les vraies questions, elles sont simples. Notre pays ne peut pas supporter une évolution de la dépense locale telle qu’on la constate aujourd’hui. En même temps, un certain nombre de collectivités font face à des difficultés particulières. Cet outil de transparence démocratique sera donc utile dans la Conférence nationale des finances publiques parce qu’il permettra de faire avancer ce débat.

Nous y reviendrons en examinant les articles suivants, sur l’effort demandé aux collectivités locales. Il faudra avancer vers une plus grande justice, une plus grande péréquation, une modernisation et une simplification du tissu local, davantage de mutualisation et de solidarité. C’est un article dont je voulais souligner le caractère essentiel dans le pilotage des finances publiques. Les collectivités locales sont le seul secteur, aujourd’hui, qui n’ait pas d’outils de pilotage. L’État a des normes, en volume et en valeur, l’assurance-maladie a l’ONDAM. Il est important par conséquent qu’un objectif national d’évolution de la dépense locale soit fixé par le Parlement et que nous puissions, à partir de cet objectif, traiter les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présenteront.

Mme la présidente. Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes pour les orateurs inscrits sur l’article.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre collègue Lefebvre a raison de souligner l’importance de l’article 11.

Pourtant, mes chers collègues, cet article soulève plusieurs questions.

Première question : est-il constitutionnel ?

M. Nicolas Sansu. Non !

M. Charles de Courson. Le principe de libre administration des collectivités territoriales est-il compatible avec la fixation d’un tel objectif ?

Moi, je ne suis pas membre du Conseil constitutionnel, mais je pense que la question se pose. L’opposition se fera d’ailleurs un plaisir de saisir le juge constitutionnel, comme elle le fait traditionnellement. Et en effet, le sujet mérite réflexion.

La deuxième question concerne la portée de cet article 11. Il est nul.

M. Nicolas Sansu. C’est l’Union soviétique !

M. Charles de Courson. Pourquoi ? Notre pays compte quarante-quatre mille collectivités territoriales et établissements publics. Tant que cet article n’est pas décliné au niveau de chaque entité de base, il n’a, à mon avis, pas de portée. Mais peut-être le Gouvernement pourrait-il nous éclairer.

Enfin, il y a un troisième problème : les taux indiqués. En effet, à la lecture de la note de l’Inspection générale des finances sur l’évolution de la dépense locale, on se dit qu’il serait intéressant que le secrétaire d’État nous en dise un peu plus.

Êtes-vous sûr, monsieur le secrétaire d’État, d’atteindre en 2014 l’objectif, en valeur, de 1,2 % et de 0,3 % en 2015, en escomptant que le cycle électoral, comme on l’appelait autrefois, se traduise par une très forte chute des investissements, lesquels ne reprendraient qu’à partir de 2016 ?

Sur ces trois points, M. le secrétaire d’État pourrait-il nous éclairer ?

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’ai moi aussi quelques questions sur cet article 11 que je considère comme contraire à la libre administration des collectivités locales, et donc à la Constitution.

Il pose plusieurs problèmes. C’est trop ou trop peu.

C’est trop, parce qu’on affiche un objectif global pour quarante-quatre mille collectivités territoriales. Dans le même temps, c’est trop peu, car je suppose que le deuxième étage de la fusée comportera des sanctions, sinon cela n’aurait aucun sens.

Un seuil à ne pas dépasser sera fixé, au delà duquel il y aura des sanctions : le fameux bonus-malus. Autrement dit, les collectivités locales qui sont déjà en difficulté, et j’en sais quelque chose, seront encore plus pénalisées. Cet article pose donc de vraies difficultés.

J’ajoute que limiter l’objectif de dépense publique locale à 0,3 % en 2015 est tout de même une vaste pantalonnade. Je vous le dis : d’ores et déjà, avec le glissement vieillesse technicité – GVT –, les dépenses d’énergie, celles déjà engagées, même si l’investissement va forcément diminuer avec tout ce qui est prévu dans le projet de loi de finances, cet objectif de 0,3 % sera absolument impossible à tenir.

M. Charles de Courson. Bien sûr.

M. Nicolas Sansu. Cela signifierait une contraction considérable du service public local, ce qui ne pourra pas être le cas, vu la situation sociale de nos concitoyens.

Je suis donc extrêmement surpris de cet article, qui porte un mauvais coup aux collectivités territoriales et qui ne fait pas confiance à nos concitoyens.

Nos concitoyens élisent des conseillers municipaux, des maires, des conseillers généraux qui ont pour mission de gérer : s’ils gèrent bien, même si la dépense publique locale augmente, ils sont réélus. S’ils gèrent mal, ils ne sont pas réélus. C’est aussi cela, la loi de la République.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je voudrais dire à Dominique Lefebvre, dont j’ai écouté la brillante intervention, mais il a l’air engagé dans des conciliabules très importants…

La libre administration des collectivités territoriales, monsieur Lefebvre, ce n’est pas rien. Vous qui êtes maire, lorsqu’en 2004, la loi a prévu des transferts de compétences aux collectivités, qu’avons-nous entendu ? « Vous nous transférez les compétences, mais pas les moyens ! »

Mais aujourd’hui, vous diminuez très fortement les dotations aux collectivités, d’environ 3,7 milliards. Vous avez lancé la réforme des rythmes scolaires sans même savoir comment on pourrait payer. Quand une part de votre politique de l’emploi repose sur les contrats d’avenir ou les contrats aidés, et vous êtes les premiers, monsieur Lefebvre, avec vos collègues, à demander que les collectivités signent de tels contrats : mais c’est une charge que vous transférez aux communes !

Enfin, j’aimerais bien que vous me disiez si, oui ou non, vous envisagez un bonus-malus pour la DGF, avec les bons et les mauvais élèves.

M. Nicolas Sansu. Ce ne peut être que ça !

M. Philippe Vigier. Enfin, pardonnez-moi, vous qui avez une compétence particulière au sein de la commission des finances, vous savez très bien qu’on ne fera pas les 50 milliards d’économies promis.

À un moment ou à un autre, vous aurez des comptes à rendre.

M. Dominique Baert. Vous, vous les avez rendus en 2012 ?

M. Philippe Vigier. Depuis deux ans et demi, vous vous êtes plantés sur tout ! Alors que nous, dans nos collectivités, nous présentons des budgets.

En vous réclamant d’un Gouvernement qui nous fait des promesses qu’il ne tient pas, vous garrottez les collectivités territoriales, vous amenuisez l’investissement. Dans votre tableau, c’est tout de même surprenant, la progression des dépenses d’investissement est limitée à 1,2 % et celle des dépenses de fonctionnement à 2,7 %. Une fois de plus, vous privilégiez le fonctionnement sur l’investissement. Nous, c’est tout le contraire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. C’est l’occasion pour moi de saluer la présidence. (Murmures sur tous les bancs.)

Mais oui ! Quand nous travaillons sous de grandes présidences, comme ce fut le cas aussi précédemment, je n’hésite pas à les saluer !

M. Dominique Baert. Il est en campagne !

M. Jérôme Chartier. Je voudrais dire à Dominique Baert que l’époque des élections internes est passée et que celle des élections municipales aussi. J’ai été fort bien réélu grâce à l’action de l’actuel Gouvernement et de la majorité et je voudrais vous en remercier : continuez comme cela, vous êtes sur la bonne voie ! Cela nous promet de très belles élections cantonales et régionales.

Bref, je ne comptais pas intervenir sur cet article, mais j’ai entendu les propos de M. Lefebvre qui, comme chacun sait, est quelqu’un d’important dans la majorité, puisque c’est l’orateur du groupe SRC. Je m’appuie sur les propos, toujours éclairés, de Charles-Amédée de Courson. Il est vrai que cet article 11 frise l’inconstitutionnalité. Et les observateurs avertis de la jurisprudence constitutionnelle savent que celle-ci s’inspire certes de l’article en cause, mais aussi de l’esprit des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Or, dans les paroles de M. Lefebvre, il y a un élément très intéressant qui retiendra sans doute l’attention du juge constitutionnel.

Qu’a dit M. Lefebvre ? Il a dit : « Voici un outil de pilotage des dépenses des collectivités territoriales. » De pilotage ! Cela signifie donc que l’État, le Gouvernement, estiment qu’on doit piloter les dépenses des collectivités territoriales.

Or, cela vient tout simplement s’opposer, de manière cruelle, au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. Au fond, non seulement ce texte traduit une vision comptable, mais le terme même utilisé par le porte-parole du groupe majoritaire dans notre assemblée est révélateur de l’esprit du texte. En l’occurrence, il s’agit bien de piloter la dépense des collectivités. Le Conseil constitutionnel risque de prendre les termes pour ce qu’ils sont et je crains que cet article, définitivement, ne soit repoussé par les hauts magistrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. On crée donc une sorte d’ONDAM des collectivités locales. Je voudrais poser un certain nombre de questions complémentaires à celles qui viennent de l’être.

Premièrement, ce texte engage-t-il l’État ? Cessera-t-il d’imposer aux collectivités des dépenses supplémentaires, ne serait-ce que pour leur permettre de respecter la contrainte qu’il leur fixe ? Je pense évidemment à la dépense énorme qu’entraînent les nouveaux rythmes scolaires.

Deuxièmement, quels sont les effets sur l’investissement local ? Nous avons vu déjà que son montant est minoré par rapport au fonctionnement. Il y a peu de temps, un certain nombre de personnes employées dans les travaux publics manifestaient devant l’Assemblée. L’investissement local est à l’arrêt. Est-ce donc le bon signe à donner en ce moment ?

M. Christophe Caresche. Signez des permis de construire !

M. Marc Le Fur. Troisièmement, peut-on raisonnablement imposer de telles choses aux collectivités locales, alors que pour certaines d’entre elles, on est dans une incertitude totale ?

Je pense aux départements, aux régions, qui ne savent pas s’ils existeront demain, qui ne savent pas quelle sera leur configuration, qui ne savent pas quelles seront leurs compétences. Et pourtant à tous ceux-là, vous allez fixer des contraintes de dépense !

Dernière question, monsieur le secrétaire d’État : ce texte nous engage-t-il, nous, législateurs, à l’occasion de ce débat ?

Il y a un moment très singulier dans l’examen de la loi de finances : celui où nous valorisons les bases. Cela pouvait se concevoir à l’époque où la valeur des biens et des loyers augmentait. Ce n’est plus du tout le cas maintenant. Chez moi, j’assiste à un effondrement de la valeur des biens et de la valeur des loyers.

M. Henri Emmanuelli. Voilà une trouvaille !

M. Marc Le Fur. À l’évidence, et chacun pourra partager cette analyse, il n’est pas question cette année que nous augmentions la valeur des bases, alors même que les biens se déprécient et que les loyers diminuent.

Je sais qu’il y a dans cette assemblée un côté « syndicat de collectivités locales »… On se dit : « Autant que ce soit l’État qui augmente la valeur des bases, cela nous épargnera une augmentation que nous aurions dû voter nous-mêmes. Mais nous sommes aussi des représentants des contribuables. Dans le contexte actuel, il n’est pas question d’augmenter la valeur des bases locatives. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

J’espère que M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure générale voudront bien répondre à mes quatre questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. J’admire la trouvaille de M. Le Fur : pour la première fois, nous n’augmenterions pas les bases. On le faisait régulièrement lorsque la droite était au pouvoir, et maintenant que c’est la gauche, il ne faudrait plus le faire !

M. Marc Le Fur. La valeur des biens diminue !

M. Henri Emmanuelli. Je ne sais pas ce qui se passe en Bretagne, mais je peux vous dire que dans les Landes, le prix des loyers ne baisse pas, ni la valeur des biens.

Moi, ce qui me gêne, et je voudrais le dire avec beaucoup de retenue au Gouvernement et à mes collègues, c’est qu’il s’agisse d’un amendement parlementaire.

Mme Christine Pires Beaune. C’est un article de la loi.

M. Marc Le Fur. C’est en effet de l’article dont nous parlons !

M. Henri Emmanuelli. Comment respecte-t-on l’objectif de 0,3 % d’augmentation quand l’État lui-même impose quelque chose de supérieur ?

M. Marc Le Fur. C’est la question !

M. Henri Emmanuelli. Je n’arrête pas depuis des mois à demander qu’on distingue le bloc communal du bloc départemental et des régions. Or, malgré les demandes répétées et malgré les réponses officieuses, cela n’est jamais fait. Rien que les dépenses imposées cette année par l’État – je parle pour le département que je dirige – font que le plafond est crevé. Ce n’est donc pas sérieux.

M. Nicolas Sansu. Ce n’est pas sérieux en effet.

M. Marc Le Fur. Tout à fait.

M. Henri Emmanuelli. Que peut faire un département quand ses dépenses de RSA augmentent de 7,8 % ? C’est une dépense obligatoire et universelle. Que peut-il faire quand ses dépenses d’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, augmentent de 4,7 % ? C’est une dépense obligatoire et universelle. Que peut-il faire, quand ses dépenses au titre de la prestation de compensation du handicap augmentent de 3,5 % ? C’est une dépense obligatoire et universelle. J’oublie la CNRACL…

M. Charles de Courson. Et le placement des mineurs !

M. Henri Emmanuelli. En effet, j’allais oublier le placement des mineurs. Dans mon département, neuf mineurs devaient être placés, m’avait-on annoncé : il y en a finalement eu trente-neuf et cela coûte 800 000 euros.

Allons-nous continuer à mettre la tête dans le sable ou allons-nous rester sérieux ? Si nous ne sommes pas sérieux, que va-t-il se passer ? Les collectivités vont être étranglées sur le plan financier.

Depuis le début de la discussion, j’écoute ce qui a été dit sur la contraction budgétaire, sur les économies.

Je souhaite vous dire ce que je crains, mes chers collègues, de droite ou de gauche : dans quelques mois, nous ne parlerons plus d’économies mais de la manière de sortir de la crise qui s’annonce. Nous entrons en effet en période de déflation, comme la Suède en a fait état aujourd’hui même pour ce qui la concerne.

M. Philippe Vigier. C’est exact.

M. Henri Emmanuelli. Les taux baissent de façon catastrophique, la chute des exportations vient d’être confirmée aujourd’hui en Allemagne.

M. Marc Le Fur. C’est ce que je viens de dire. La valeur des biens diminue.

M. Henri Emmanuelli. Le taux de croissance des pays émergents ne sera pas celui qui avait été annoncé, les investissements reculent depuis deux trimestres consécutifs dans notre pays et il doit en être de même au premier trimestre de 2015.

Je veux bien que l’on continue de parler de contraction et de compression mais, à un moment donné, il faudra tout de même se demander comment nous allons nous en sortir.

En tout cas, en ce qui me concerne, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je ne reviendrai pas sur le contenu de l’article puisque nous aurons l’occasion de le faire lors de nos débats. En revanche, je reviens sur les réflexions qui ont été faites ici ou là quant à sa constitutionnalité.

Il n’est pas possible d’évoquer les constitutionnalistes, monsieur de Courson, il n’est pas possible, comme je l’ai entendu, d’expliquer que nous frôlons l’inconstitutionnalité sans opérer un retour sur l’esprit de la Constitution lui-même.

Que dit précisément l’article 72 de la Constitution sinon que les collectivités locales s’administrent librement dans le cadre de la loi ? Et la loi, c’est ici que nous l’écrivons.

M. Charles de Courson. Mais qu’en est-il si les collectivités ne sont plus libres ?

M. Razzy Hammadi. Sur le fond, il est possible de débattre mais invoquer la question de la constitutionnalité, c’est se tromper grossièrement.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements.

La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement n45.

Mme Christine Pires Beaune. Je précise que nous discutons d’un article qui concerne le projet de loi de programmation des finances publiques, notamment pour 2015, et c’est précisément parce que le taux prévu nous semble devoir être corrigé que nous avons déposé cet amendement.

Cet article vise à déterminer un objectif de croissance en valeur de la dépense totale annuelle décliné par types d’administration – État, Sécurité sociale, collectivités – et peut-être, à l’avenir, par types de collectivités, en effet. Sur ce point, je rejoins ce que disait à l’instant mon collègue : les dépenses ne sont pas les mêmes dans les départements, les communes et les régions.

M. Henri Emmanuelli. En effet !

Mme Christine Pires Beaune. L’évaluation chiffrée de la dépense publique, selon Bruxelles, concerne la dépense publique globale et pas seulement celle de l’État.

Il ne me semble donc pas totalement incohérent ni aberrant de fixer un objectif indicatif pour les collectivités locales qui plus est lorsque, sur tous les bancs, on réclame un effort en faveur de l’investissement public et privé.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Christine Pires Beaune. Il me semble donc intéressant de distinguer ce dernier des dépenses de fonctionnement.

M. Philippe Vigier. Je l’ai dit tout à l’heure.

Mme Christine Pires Beaune. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter au tableau figurant à l’alinéa 3 une ligne spécifiant l’évolution de la dépense de fonctionnement.

J’ajoute que cet amendement reprend une proposition du rapport Malvy-Lambert.

M. Henri Emmanuelli. Le rapport Lambert-Malvy, alors çà !

Mme Christine Pires Beaune. J’apporterai également un bémol : cet objectif doit être fixé avec les associations d’élus et pas sans elles, c’est en tout cas ce que je souhaite à l’avenir.

S’agissant de l’aspect anticonstitutionnel de l’article, ce n’est pas tant l’article 72 que l’article 72-2 de la Constitution qui pourrait être éventuellement invoqué et qui concerne l’autonomie financière des collectivités. Néanmoins, rien n’y contredit les dispositions prévues par l’article 11 du texte.

M. Christophe Caresche. Absolument !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été accepté par la commission, précisément parce qu’il distingue les dépenses d’investissement et de fonctionnement.

Un mot, tout de même, pour rassurer notre collègue Emmanuelli. Il s’agit de fixer un objectif.

M. Henri Emmanuelli. Certes.

M. Philippe Vigier. Ensuite, nous serons critiqués !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le pilotage des finances publiques peut s’appuyer sur des normes et des objectifs comme c’est le cas avec l’ONDAM !

En l’occurrence, contrairement à ce dernier, nous ne prévoyons pas un mécanisme de correction.

En effet, il n’est pas possible de dire à Bruxelles que nous consolidons nos dépenses publiques, État, collectivités, administrations de Sécurité sociale…

M. Marc Le Fur. Cet article est donc rédigé pour Bruxelles ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Non, monsieur Le Fur : pour nous ! Mais, je le répète, la moitié de nos dépenses publiques se trouve sous norme ou sous objectif. Une vision d’ensemble nécessite a minima – c’est une première étape – de définir un objectif.

L’amendement déposé par notre collègue Pires Beaune va dans le bon sens puisqu’il distingue les dépenses qui relèvent du fonctionnement et celles qui relèvent de l’investissement.

Avis favorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je profite de la discussion de cet amendement pour essayer d’apporter un certain nombre d’éclaircissements quant aux questions, parfois précises, qui ont été posées.

M. Hammadi a eu raison de rappeler le contenu exact de l’article 72 de la Constitution. Nul, ici, ne peut se substituer au Conseil constitutionnel, même si certains rêvent d’y entrer.

M. Marc Le Fur. Il n’y a pas beaucoup de places ! (Sourires)

M. Jacques Alain Bénisti. Des noms ! (Sourires)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne cite personne mais un tel sujet est trop sérieux pour faire l’objet d’une plaisanterie. Je retire donc ce que je viens de dire.

Le principe est le suivant : les collectivités locales s’administrent librement dans le cadre fixé par la loi et c’est nous qui écrivons cette dernière. Il serait d’ailleurs possible de reproduire ce raisonnement pour un grand nombre de décisions que nous prenons afin d’encadrer des taux ou des taxes locales et autres. La loi fixe un cadre. Si le Conseil constitutionnel est saisi, il se prononcera.

J’ajoute que cet article n’a aucune portée normative.

M. Henri Emmanuelli. Quelle est alors sa raison d’être ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez raison, monsieur Emmanuelli, de vous poser la question.

Mme la rapporteure générale et Mme Pires Beaune l’ont dit : nous sommes en train d’examiner le texte de loi de programmation des finances publiques. Or, sur les quelque 1 200 milliards de dépenses publiques, environ 250 milliards sont le fait des collectivités territoriales.

Nous écrivons une loi fixant l’évolution des finances publiques et, donc, en partie, des dépenses publiques – il serait possible d’en faire de même pour les recettes –, pour trois ans.

Que doit donc faire le Gouvernement ? Promouvoir un outil de pilotage de l’ensemble des dépenses publiques et prévoir ce qu’elles seront dans les trois prochaines années.

Et vous expliquez qu’il n’est pas possible de prévoir quoi que ce soit s’agissant des collectivités locales puisqu’elles s’administrent librement ! Ce sont donc 20 % des sommes en jeu qui échapperaient à toute trajectoire des dépenses publiques ! Je veux bien, mais cela n’a pas grand sens !

D’expérience, lorsque l’on observe ce qui s’est passé ces dernières années, on constate que nos services – notamment ceux du Trésor – se sont souvent lourdement trompés en matière de dépense publique.

M. Henri Emmanuelli. Toujours dans le même sens !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, pas toujours, monsieur Emmanuelli. Parfois, ils ont prévu une très forte augmentation qui l’a été beaucoup moins qu’annoncé. Cela a parfois été l’inverse – souvent, d’ailleurs, parfois même à hauteur de plusieurs dizaines de milliards en raison de phénomènes divers dont les cycles électoraux – cela a été dit – ou conjoncturels qui rendent difficile de prévoir les dépenses des collectivités territoriales.

De surcroît, vous l’avez dit, ces dernières s’administrent librement.

Quant à nous, nous essayons de poser un indice que nous avons peut-être tort de qualifier de « pilotage » mais qui relève, disons, de « l’observation » afin d’intégrer une évolution dans une trajectoire triannuelle.

A-t-il un caractère normatif ? Non, il n’en a pas. Point barre !

Par ailleurs, j’entends ce qui se dit dans les couloirs, dans les assemblées, et c’est terrifiant ! D’aucuns assurent qu’il faudrait plafonner les taux d’imposition – après tout ! – pour maîtriser des collectivités territoriales si dépensières ! Pourquoi ne pas plafonner les taux d’imposition ?

M. Marc Le Fur. Parce qu’on n’en a pas le droit !

M. Christophe Caresche. Des noms !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne citerai pas de noms mais il s’agit parfois de personnalités dont les responsabilités sont éminentes soit dans votre commission des finances, soit dans des associations d’élus !

D’autres m’assurent qu’il conviendrait de plafonner le niveau d’endettement. Qu’est-ce que c’est que cela ? On laisserait des collectivités s’endetter ? Ce n’est pas possible !

Quelqu’un m’a même dit récemment – en me priant de ne pas le répéter – qu’il faudrait diminuer la DGF des collectivités locales qui augmentent le nombre de leurs personnels !

M. Christophe Caresche. Des noms ! (Sourires)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous, nous disons tous qu’un effort de maîtrise de l’évolution de la dépense locale est nécessaire – sans caricaturer ni stigmatiser, il est possible de considérer que quelques marges existent quelque part – mais lorsqu’il est question de poser un simple indice permettant d’observer la situation et d’envisager une prévision – que l’on s’efforce d’étayer – on assure que c’est impossible et l’on hurle au garrottage ou à la saignée !

M. Philippe Vigier. Garrottage, c’est un mot de la gauche !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Apprenez les mots de la gauche, monsieur Vigier !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je nous invite tous à réfléchir très calmement et sereinement.

Enfin, j’en termine, allusion a été faite à l’hétérogénéité des situations en fonction de la nature des collectivités – les départements ont assumé les dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité, cela n’a échappé à personne, même à ceux qui ne président pas de conseil général.

Il n’a de même échappé à personne que la situation des collectivités différait fortement selon le dynamisme de leur environnement.

Nous proposons de travailler avec le comité des finances locales pour que cet indice qui, en l’état, est constitué à partir d’une moyenne nationale qui recouvre en effet d’énormes disparités soit affiné par strates et en fonction de la nature des collectivités afin de disposer d’un indicateur digne de ce nom et que l’on ne soit pas dépendant, tous les six mois, d’un rapport de la Cour des comptes dont les uns se servent lorsque cela les arrange et que les autres stigmatisent lorsque cela les enquiquine !

Si l’État peut disposer d’un outil traduisant l’observation de l’évolution des dépenses afin d’obtenir des prévisions qui n’ont pas de caractère normatif plutôt que d’imposer des règles qui, pour le coup, seraient extrêmement contraignantes, nous ferons œuvre de salubrité et de bonne gestion de nos finances publiques.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous prie de m’excuser pour avoir été un peu long mais les interventions ont été nombreuses. Je m’efforcerai d’être plus bref tout à l’heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est utile et a été bien défendu, la distinction de nature entre les dépenses d’investissement et de fonctionnement contribuant à clarifier encore la situation. Le Gouvernement est favorable à son adoption.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Puisque vous voulez y voir clair, monsieur le secrétaire d’État, je vous suggère ceci : affectez ces coefficients d’augmentation en les corrigeant du pourcentage des dépenses transférées par l’État.

M. Philippe Vigier et M. Charles de Courson. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Là, nous serons dans le vrai ! Sinon, cela ne signifie pas grand-chose et le problème qui se pose sera simplement camouflé.

Nous sommes d’ailleurs tous concernés car le transfert des charges – M. Chartier a rappelé l’histoire de la compensation à l’euro près sous le gouvernement Raffarin, dont nous avons vu ce qu’il en est advenu…

Les dépenses d’APA devaient être partagées à parts égales entre l’État et les départements. Or, ces derniers les supportent aujourd’hui à hauteur de 72 % contre 28 % pour l’État. Voilà la réalité ! S’agissant du RSA, la proportion est de 80 %-20 %.

Il faut arrêter de plaisanter avec des sujets sérieux qui concernent des millions de personnes dans notre pays : ce sont, je le rappelle, des allocations universelles.

Si l’État souhaite clarté et transparence, monsieur le secrétaire d’État, il n’a qu’à rapatrier le versement de ces allocations universelles à son niveau. On y verra beaucoup plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Si transfert de charges il y a, retirez-le du montant de la progression évaluée. Là, ce sera clair !

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je remercie M. le secrétaire d’État pour les éclaircissements qu’il vient d’apporter et pour sa contribution extrêmement utile au débat.

Je salue également les propos qu’Henri Emmanuelli vient de tenir.

Pour que tout soit clair, il ne me paraît pas inutile de relire l’article 72-2 de la Constitution, lequel dispose, en son troisième alinéa, que « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. »

La loi organique, madame la présidente, la loi organique ! Discutons-nous, en l’occurrence, d’une loi organique ? Non.

Et cet article pose donc un vrai problème. Notre collègue, qui a rappelé le contenu de l’article 72-2, aurait dû le lire jusqu’au bout ! Malheureusement, la loi s’impose et s’applique à tous.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Je répète qu’il y a là une vraie difficulté, puisque cet article est à mon sens clairement inconstitutionnel. Le secrétaire d’État chargé du budget a essayé de modérer la déclaration du porte-parole du groupe majoritaire, mais ces propos ont bien été tenus.

L’article 11 de ce projet de loi de programmation des finances publiques fixe la progression de la dépense des collectivités territoriales. Or, l’article 72-2 de la Constitution dispose que seule une loi organique peut le faire : c’est ainsi, c’est ce que prévoit la Constitution.

M. Razzy Hammadi. Cela n’a rien à voir !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il n’y a là aucune obligation, monsieur Chartier !

M. Jérôme Chartier. La trajectoire d’évolution des dépenses est fixée : tout est dit. J’appelle donc l’attention de l’assemblée souveraine sur le fait que cet article ne peut pas, en toute logique, être maintenu dans la loi.

M. Xavier Breton. Voilà une très bonne démonstration !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit s’agissant de la constitutionnalité de cette dispositions, mais sachez que nous demanderons naturellement l’avis du Conseil constitutionnel. S’agissant maintenant de ce qu’a dit Henri Emmanuelli tout à l’heure, chacun connaît la situation des départements. Chacun connaît les dépenses sociales qui leur incombent – le RMI hier, le RSA aujourd’hui – et combien celles-ci explosent.

Mais j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes agrégé de mathématiques, faire avec vous un calcul très simple. Vous annoncez un objectif d’évolution de dépenses globales – fonctionnement et investissement – de 0,3 % pour 2015, dont 1,8 % pour la dépense de fonctionnement. Puisque le ratio entre le fonctionnement et l’investissement est de 80 % pour le premier et 20 % pour le second, cela signifie qu’en soutenant cet amendement, vous actez une baisse des investissements de 5 %.

Mme Christine Pires Beaune. C’est seulement une conséquence du cycle électoral !

M. Philippe Vigier. Cela doit aller trop bien dans ce pays pour que l’on continue de diminuer les investissements dans les collectivités locales, alors même que vous n’avez pas cessé, sur tous ces bancs, d’expliquer qu’il représentait 75 % de l’ensemble des investissements, à Paris comme ailleurs. Il s’agit là d’une faute grave.

M. Dominique Baert. Et vous, comment payez-vous vos dettes ?

M. Philippe Vigier. Vous garrottez les collectivités locales – je pèse mes mots, car c’est un terme que la gauche a employé lorsque M. Raffarin a présenté ses lois de décentralisation en 2004.

Monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas écrire n’importe quoi dans un texte pour se faire plaisir, surtout lorsqu’on est scientifique ! Pardonnez-moi, mais lorsqu’on envoie une copie à Bruxelles, c’est pour qu’elle soit tenue ! Sinon, la Cour des comptes, à laquelle vous faisiez référence, sera la première à dénoncer la gabegie des collectivités territoriales.

Enfin, dans une collectivité territoriale, qui décide de l’augmentation du traitement des fonctionnaires ? Les élus locaux ou l’État ? Qui décide des transferts ? Les élus locaux ou l’État ? Qui décide des fameux emplois aidés ? Les élus locaux ou l’État ? Tous les jours, on nous demande à nous, élus des collectivités territoriales, de venir en soutien à l’État, et vous, vous voudriez que l’on fasse de l’affichage pour se faire plaisir ? Cela fait partie de votre stratégie ! Vous présentez un budget intenable, un budget dans lequel, je vous l’ai dit cet après-midi, vous essayez d’allumer des feux de Bengale dans la plaine pour faire croire que vous êtes revenus à une bonne finance publique. Ce n’est absolument pas le cas : vous allez dans le mur et nous en avons ici la confirmation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je ne veux rien ajouter à ce qu’ont dit Henri Emmanuelli et Philippe Vigier, mais je voudrais donner quelques exemples concrets. La situation des départements est extrêmement complexe, puisqu’ils doivent faire face à des dépenses sociales dynamiques, particulièrement en cette période de crise. Mais c’est la même chose dans les communes en difficulté. Je prendrai l’exemple de la mienne, qui se situe dans la strate des communes de 20 000 à 50 000 habitants. Dans cette strate, les communes les moins dotées touchent 900 euros par habitant, et les communes les mieux dotées 3 600 euros par habitants.

Il est plus facile, pour une commune, de mettre en œuvre les nouveaux rythmes scolaires…

M. Philippe Vigier. … dont chacun sait qu’ils ne coûtent rien !

M. Nicolas Sansu. … d’améliorer la situation des fonctionnaires de catégorie C et de s’acquitter des cotisations à la CNRACL qui augmentent avec 3 600 euros par habitant qu’avec 900. Les communes qui ont 3 600 euros par habitant pourront peut-être tenir l’objectif de 1,8 % qui a été fixé pour l’évolution des dépenses de fonctionnement, mais celles qui n’ont que 900 euros par habitant ne pourront pas y arriver, car elles devront faire face aux mêmes dépenses pour mettre en œuvre les activités périscolaires et pour soutenir les catégories C.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est l’évidence même !

M. Nicolas Sansu. Cet objectif est absolument intenable et il est extrêmement surprenant, pour ne pas dire autre chose, qu’il n’ait pas de caractère normatif. Cet article ne sert donc à rien. Comme je le disais tout à l’heure, c’est ou trop, ou trop peu ! Ne trichons pas ! Cela signifie qu’en 2016, vous introduirez le deuxième étage de la fusée : le bonus-malus, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour les collectivités et pour l’investissement public.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lévêque. Pardonnez-moi, je voulais dire M. Dominique Lefebvre ! (Sourires.)

M. Régis Juanico. Monsieur le Cardinal !

M. Christophe Caresche. Monseigneur Lefebvre ! (Sourires.)

M. Dominique Lefebvre. Nous avons tous quelques qualités, et parfois beaucoup de défauts. Dans ce débat, j’ai un défaut, puisque j’ai été longtemps membre de la Cour des comptes, et trois qualités : je suis aujourd’hui député de la nation, j’ai été maire pendant dix-sept ans et j’aurai été président d’une intercommunalité pendant vingt ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous cumulez, cher collègue !

M. Dominique Lefebvre. Je voudrais seulement dire à tous ceux de nos collègues qui s’opposent à la fixation de cet objectif national d’évolution de la dépense locale qu’ils justifient en réalité la procédure que nous proposons. Je rappelle qu’en 2013 les prélèvements sur recettes qui alimentent les dotations budgétaires et la fiscalité transférée représentaient 100 milliards d’euros de transferts de l’État aux collectivités locales pour leur libre administration.

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi les recentraliser ?

M. Dominique Lefebvre. L’État ne peut pas, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, ignorer ces sommes et leur évolution. Avec la conférence nationale des finances publiques et cet objectif d’évolution, tous les problèmes que vous posez sur la table seront pris en compte. Le président Henri Emmanuelli a raison de dire que, dans les relations entre l’État et les collectivités locales, le rapport est parfois inégal, avec des transferts de charges à sens unique. Grâce à la conférence et à l’objectif d’évolution, nous pourrons examiner la manière dont la dépense locale évolue chaque année et les raisons de cette évolution ; raisons qui peuvent tenir aux transferts de charge de l’État – on les a souvent dénoncés de ce côté de l’hémicycle – mais aussi aux décisions des collectivités locales elles-mêmes.

Sans cela, quels outils laissez-vous à l’État, si ce n’est de diminuer de manière continue et relativement aveugle ses dotations aux collectivités locales, comme c’est encore de facto le cas cette année ? Je fais partie de ceux qui regrettent que le Comité des finances locales ne se soit pas suffisamment saisi de cette question, sinon pour procéder à une baisse des dotations aux collectivités locales d’une manière homothétique en fonction des différents niveaux de collectivités, alors que nous savons, et le président Emmanuelli a eu raison de le rappeler, que la dynamique des dépenses communales et intercommunales, celle des départements – on verra ce qu’ils deviendront – et celle des régions obéissent à des logiques différentes.

En réalité, tout ce que vous dites, y compris à la gauche de cet hémicycle, sur la situation des collectivités locales, montre que cet objectif d’évolution, d’une part, et cette conférence nationale des finances publiques, d’autre part, sont des outils qui permettront de mettre les choses sur la table, de régler les problèmes d’inégalités territoriales, de juger du niveau de service public nécessaire au plan local, mais également de maîtriser la dépense publique. J’avais en effet compris qu’à la droite de cet hémicycle, on estimait que le niveau de dépense publique atteint dans ce pays, 57 %, était trop élevé, et qu’il fallait le réduire.

M. Philippe Vigier. En effet !

M. Dominique Lefebvre. Mais je n’ai toujours pas compris comment on comptait s’y prendre au niveau des collectivités locales.

(L’amendement n45 est adopté.)

M. Henri Emmanuelli. Notez que je m’abstiens !

Mme la présidente. Je note qu’il y a deux abstentions.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 23 et 44.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n23.

M. Éric Alauzet. Dans ce débat, on est dans une science molle, et pas dans le normatif. Il n’y a là rien de choquant. Mais ceux qui veulent relever le défi national de la dette, et il y en a aussi sur les bancs de la droite, doivent admettre cette idée.

Cet amendement porte sur la part que doivent prendre les collectivités locales à ce défi collectif. Quelqu’un a dit tout à l’heure qu’il fallait un pilote. Je dirai pour ma part qu’il faut un copilote, ou plutôt quelqu’un dans la tour de contrôle, qui puisse informer le pilote des risques d’avarie. Il importe d’instaurer un partenariat entre l’État, qui fixe le cap, et les collectivités, qui lui renvoient un certain nombre d’informations. Il faut instaurer une meilleure compréhension mutuelle, une meilleure adhésion, une meilleure appropriation. Cet amendement va dans le sens d’un partage des responsabilités en vue de relever le grand défi collectif, en proposant d’impliquer un peu plus les collectivités locales. Sans changer l’esprit de l’article, il s’agit d’insuffler un peu plus d’adhésion, de participation, d’acceptation mutuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement n44.

M. Régis Juanico. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé ces deux amendements au motif que, dans l’article 28 du présent projet de loi de programmation, le Gouvernement propose déjà que chaque année, avant le débat d’orientation des finances publiques, un bilan de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale soit présenté devant le Comité des finances locales.

Ces amendements me semblent donc largement satisfaits par l’article 28.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est une bonne idée de consulter le Comité des finances locales : il est fait pour cela. En revanche, cette rédaction revient à annuler le deuxième alinéa de l’article 11 : il ne faut plus fixer de taux dans la loi. Cela dénature complètement l’article 11 dans sa logique.

(Les amendements identiques nos 23 et 44 sont adoptés.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n60.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est déjà exprimé, par ma voix, sur la question de la réserve de précaution. Pour des raisons de souplesse et de facilité de gestion, cet amendement vous propose de permettre une modulation par programmes du taux de mise en réserve. L’article, tel qu’il est actuellement rédigé, prévoit un taux minimal uniforme par programme. En introduisant la possibilité d’une modulation, nous aurons des outils de pilotage plus fins, plus souples et plus précis. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission n’a pas pu examiner cet amendement, car nous l’avons reçu juste avant l’ouverture de la séance.

Permettez-moi de revenir sur l’objectif de l’article 12. Nous avons beaucoup débattu ce soir du pilotage – ce n’est peut-être pas le terme qui convient mais je l’utilise quand même –, soit de la norme, soit de l’objectif, que l’on peut fixer aux finances publiques. L’article 12 prévoit que soient mis en réserve chaque année, pour chaque programme du budget de l’État, des crédits qui sont de 6 % au moins pour les dépenses hors personnel, et de 0,5 % pour les dépenses de personnel. Cet amendement a l’avantage d’introduire davantage de souplesse, puisque vous proposez d’appliquer les règles définies par l’article 12 à un ensemble de programmes, et plus seulement à chaque programme pris individuellement. Cela permettrait de ne pas effectuer de réserves sur certains programmes et de les transférer sur d’autres.

L’inconvénient de cette disposition, c’est que les choses seront moins lisibles et qu’il sera plus difficile pour le Parlement d’apprécier la répartition de l’ensemble des économies. Il pourrait en outre en résulter des discussions interministérielles. Je m’en remets donc, à titre personnel, à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. La rapporteure générale parle d’or. Je n’ai personnellement rien à ajouter, car elle a bien montré le problème que pose cet article, à savoir sa dimension totalement discrétionnaire. Le risque est immense qu’il se traduise par une absence totale de transparence et que les programmes soient traités au gré des états d’âme et des humeurs du Gouvernement. C’est absolument impensable ; cet amendement est impensable. Il faut donc y renoncer et revenir à la règle qui veut que les mêmes principes s’appliquent à tous. Dans le cas contraire, il y aura en permanence des soupçons terribles d’arbitraire. Je pense que le Gouvernement, et je le dis vraiment dans son intérêt, sera, et la majorité avec, fortement pénalisé par cette démarche.

Je pense donc qu’il serait vraiment sage, de la part de M. le secrétaire d’État au budget, de retirer cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je veux appuyer le Gouvernement : M. le secrétaire d’État a raison !

J’ai passé trois ans de ma vie à la direction du budget.

M. Dominique Baert. Ils s’en souviennent encore !

M. Charles de Courson. Je sais bien qu’on ne peut pas moduler d’une façon homogène des dépenses de personnel et des dépenses hors personnel, de même que les dépenses de personnel ne peuvent être modulées de façon homogène entre les programmes.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela n’a rien à voir, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si ! Les différents programmes ne sont pas dans une situation identique : on ne peut pas mettre en réserve des crédits de la même manière partout.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais si !

M. Charles de Courson. Mais pas du tout ! Dans certains programmes, les effectifs sont au complet, c’est-à-dire qu’il y a très peu de postes vacants ; dans d’autres au contraire, il y a beaucoup de postes vacants. Il est évident qu’en matière de dépenses de personnels, il faut appliquer des taux de mise en réserve plus élevés aux programmes qui ont des taux de vacance supérieurs ! C’est la même chose pour les autres dépenses.

M. Jérôme Chartier. Mais non ! Je ne suis pas du tout d’accord !

M. Charles de Courson. Je maintiens que c’est le Gouvernement qui a raison : il faut donner de la souplesse à la gestion budgétaire. (« Mais non ! » sur divers bancs.) Cela se voit que vous n’avez jamais géré le budget de l’État, les enfants ! Pour ma part, j’ai été trois ans chef de bureau à la direction du budget : je sais comment ça marche.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, savez-vous comment ça marche ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas vraiment ! (Sourires.) C’est compliqué, madame la présidente !

M. Charles de Courson. Il a du mal, mais c’est normal : il ne fait que commencer ! (Sourires)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Essayons de rester sérieux. La réserve de précaution est un outil de gestion, pas un outil politique, qui permet d’utiliser au mieux les moyens de l’État pour inciter les services à maîtriser leurs dépenses. Cela permet aussi de faire face aux aléas qui peuvent apparaître en cours d’année ou en fin d’exercice. Xavier Bertrand évoquait dans la discussion générale hier la question des opérations extérieures, les OPEX : elles découlent de décisions infra-annuelles qui relèvent du Président de la République, car elles touchent à la sécurité nationale. D’autres phénomènes, comme la situation sociale, peuvent influer sur l’évolution des dépenses liées à certaines prestations. Généralement, quel que soit le gouvernement, cela se passe plutôt bien. En fin d’année, on peut décider de dégeler la réserve, voire même de solliciter des crédits d’une autre ligne pour ajuster la gestion.

Appliquer ces taux de réserve de façon uniforme est évidemment moins efficace que le faire de façon plus fine, plus précise. Certains d’entre nous, soit par leur expérience de fonctionnaire, soit par leur expérience ministérielle, savent bien qu’il y a, pour ainsi dire, des abonnés aux dépassements de crédits !

M. Charles de Courson. En effet, et même de très réguliers !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Prenons le cas des OPEX. Je crois que sur ce point, nous nous sommes mal compris, pendant la discussion générale. Je voulais simplement dire que tous les gouvernements, depuis quelques années, ont augmenté les prévisions de dépenses au titre des OPEX. Peut-être ne l’ont-ils pas fait suffisamment ; encore une fois, ce constat était dénué de tout sous-entendu partisan. Le budget de la mission « Travail - Emploi » est lui aussi souvent soumis à des aléas.

La mise en réserve de crédits est donc un outil de gestion utile : cet amendement ne vise aucunement à opacifier la gestion budgétaire, ni à priver le Parlement d’informations sur telle ou telle opération. Je rappelle que tous les décrets pris dans le cadre de la régulation budgétaire sont soumis à votre commission des finances. Il n’y a quasiment pas de réunion de la commission sans que ses membres soient informés de ces décrets dès leur entrée dans la salle !

C’est un bon outil : je me permets donc d’insister pour l’adoption de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Moi aussi, je soutiens l’amendement du Gouvernement. Deux questions se posent.

Premièrement, cet outil est nécessaire pour tenir, au cours de l’exécution budgétaire, les objectifs de dépenses. Depuis deux ans, ces objectifs sont tenus : vous savez bien que si le déficit s’accroît aujourd’hui, c’est par défaut de recettes, et non par dérive des dépenses. Au fil des alternances, tous les gouvernements ont utilisé l’outil de la mise en réserve de crédits pour faire face à des aléas de gestion en cours d’année. En effet, on ne peut pas tout prévoir en loi de finances ! Nous savons même dès le début de l’année que la dotation de certains programmes et de certaines missions risque, à un moment où à un autre, de se révéler insuffisante, et qu’il faudra compenser le surcroît de dépenses.

Le mécanisme actuel de mise en réserve distingue les dépenses de personnel des autres dépenses. Il nous conduit à geler en début d’année des crédits appartenant à des programmes dont nous savons bien qu’à la fin de l’année, ils seront intégralement exécutés. Puisque l’on sait bien que de toute façon, une partie de la réserve sera dégelée en cours d’année, on est conduit à augmenter de manière fictive le taux général de mise en réserve. L’amendement du Gouvernement propose un mécanisme plus souple qui permettra de rendre le gel plus intelligent.

M. Jérôme Chartier. Mais pas du tout !

M. Dominique Lefebvre. Je rappelle par ailleurs à ceux qui, à un moment de leur carrière, travaillaient dans l’administration, que nous sommes le pouvoir législatif. Nous votons le budget qu’exécutera, précisément, le pouvoir exécutif. Or il apparaît clairement qu’une procédure de gel brutale, uniforme et indifférenciée, constitue un frein à la mise en œuvre des politiques que nous décidons.

M. Jérôme Chartier. C’est n’importe quoi !

M. Dominique Lefebvre. Pour le reste, le Parlement ne perd pas le contrôle de l’affectation des crédits : je rappelle que la mise en réserve des crédits se termine soit par un dégel, c’est-à-dire une utilisation conforme à l’autorisation du Parlement, soit par un redéploiement. Dans ce second cas, les décrets d’avance sont examinés par la commission des finances, qui donne son avis.

Je pense donc que l’amendement du Gouvernement rendra la gestion budgétaire plus souple, et permettra de rendre plus intelligent le pilotage infra-annuel des crédits – sauf à penser, monsieur Chartier, que nous n’avons pas besoin, pour tenir l’objectif annuel de dépenses, d’un pilotage infra-annuel !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je rappelle à Charles de Courson que c’est le Gouvernement qui gère le budget de l’État. C’est en tout cas ce que je croyais ; peut-être les choses ont-elles changé, peut-être les fonctionnaires ont-ils la main désormais : entre la responsabilité des ministres et celle des fonctionnaires, je m’y perds parfois.

Plus sérieusement, la mise en réserve des crédits fait l’objet d’un décret : c’est normal, c’est une démarche prudentielle qui relève de la responsabilité de l’exécutif. En revanche, le déblocage des crédits relève de la responsabilité du pouvoir législatif. L’orateur du groupe socialiste a dit que nous avons un pouvoir de contrôle sur le dégel des crédits : je lui rappelle que nous avons aussi un pouvoir législatif. Or le cœur du pouvoir législatif, c’est le vote de la loi de finances. Cela implique aussi de pouvoir dégeler et transférer des crédits : c’est tout le sens des lois de finances rectificatives. Le Gouvernement est libre de présenter un seul projet de loi de finances rectificative dans l’année, ou plusieurs. Mais c’est là le véhicule qu’il faut utiliser.

En votant cet amendement, l’Assemblée nationale se couperait elle-même un bras : c’est une erreur. Je comprends que du point de vue de la fonction publique – qui gère d’ailleurs les comptes de l’État de façon remarquable, comme l’a dit Charles de Courson – l’amendement du Gouvernement présente un intérêt. Je pense néanmoins qu’au niveau politique, à l’Assemblée nationale, nous aurions tout intérêt à conserver le système de gel uniforme des crédits, pour ensuite les dégeler au long de l’année selon l’évolution des circonstances.

Je soutiens donc la position de Mme la rapporteure générale. Si Gilles Carrez, le président de la commission des finances, était avec nous ce soir, je peux vous assurer…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Justement, le voici !

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président de la commission des finances, vous arrivez au bon moment, car cet amendement du Gouvernement me fait bondir ! Comment peut-on accepter que l’autorité de la commission des finances – celle de sa rapporteure, celle de son président, celle de tous ses membres – soit contournée s’agissant de la modulation du gel ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quel scandale !

M. Jérôme Chartier. Cela n’est pas acceptable !

M. Christophe Castaner. Et pourtant nous allons l’accepter !

M. Jérôme Chartier. C’est pourquoi nous nous opposerons à cet amendement. Sachez que nous ne cesserons pas de nous y opposer tout au long des débats budgétaires. Nous voulons rendre cette manœuvre publique, car il n’est pas acceptable que le Gouvernement nie les responsabilités de l’Assemblée nationale.

M. Alain Fauré. Notre collègue s’enlise, et veut nous enliser aussi !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je suis un peu étonné de la tournure que prend ce débat. Dans l’heureux temps où je travaillais à la direction du budget – oserai-je dire que c’était il y a trente ans ? – nous utilisions déjà ces outils de régulation, sans qu’ils ne soient régis par aucun texte.

D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, avez-vous réellement besoin d’une disposition législative pour geler des crédits ? À mon avis, nullement ! En effet, nous ne votons que des plafonds de dépenses. Le Gouvernement n’est pas obligé de dépenser l’intégralité des crédits ouverts.

Comment faisions-nous, à l’époque, quand le Gouvernement nous donnait l’ordre de geler des crédits ? Nous, chefs de bureau, faisions la synthèse des demandes, puis transmettions aux contrôleurs financiers l’ordre de bloquer les crédits, par exemple, à 98 %. Nous disions, pour prendre un autre exemple : « Pas question, en autorisations d’engagement, de dépasser 80 %, et en crédits de paiement, 97 % ». Nous n’avions besoin, pour cela, d’aucune disposition législative ! C’était pour transférer des crédits d’un titre à l’autre – selon la nomenclature en vigueur à l’époque – qu’une disposition législative était nécessaire, pas pour mettre en réserve des crédits à l’intérieur d’un titre. Aujourd’hui, la nomenclature budgétaire distingue les missions et les programmes. Si le Gouvernement veut transférer des crédits entre programmes, il peut le faire : c’est du domaine réglementaire.

Je trouve donc qu’à la limite, cet amendement est inutile. Au lieu de vous ennuyer à subir cette discussion, vous auriez dû décider vous-même des taux de mise en réserve : c’est conforme à la loi, il n’y a même pas besoin de l’écrire. Il vous aurait suffi d’envoyer vos instructions à tous vos boys and girls en leur disant : « Mettez en réserve 2 % ou 3 % de vos crédits. »

M. Jérôme Chartier. Mais cela peut se faire autrement !

M. Charles de Courson. En quoi est-ce attentatoire aux droits du Parlement ? En rien ! Au contraire : cela permet de respecter les plafonds de dépense.

(L’amendement n60 est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Articles 13 et 14

(Les articles 13 et 14 sont successivement adoptés.)

Après l’article 14

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement n3.

M. Jérôme Chartier. Le président Gilles Carrez et moi tenons beaucoup à cet amendement. Il vise à poser un principe simple.

Comme nous l’avons souvent dit depuis le début de cette discussion, nous voulons que les économies à venir soient réalisées dans une transparence absolue. C’est pourquoi nous voulons que les différents éléments du budget soient exprimés en valeur. En l’occurrence, nous demandons que les différents éléments relatifs aux dépenses d’intervention soient communiqués en valeur et que ces dépenses soient stabilisées en valeur.

Il ne faut pas qu’une indexation automatique, ou d’autres mécanismes, conduisent la dépense à augmenter naturellement. La stabilisation en valeur est donc essentielle. C’est pourquoi nous voulons inscrire dans le marbre de cette loi le principe selon lequel « les dépenses d’intervention du budget général font l’objet d’une stabilisation en valeur sur la période de la présente loi de programmation ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui est satisfait, puisque le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une diminution de 700 millions des dépenses d’intervention, par rapport à une évolution tendancielle de 1,7 milliard. Votre amendement est même plus que satisfait : vous demandez la stabilisation des dépenses d’intervention, nous faisons mieux, nous les diminuons.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

Article 15

(L’article 15 est adopté.)

Article 16

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je souligne l’importance de cet article pour la gouvernance de nos finances publiques. Il fixe des règles très claires pour l’avenir. Nous examinerons des dispositions qui forment le pendant de cet article quand nous en viendrons à l’article de plafonnement des ressources affectées.

Là encore, l’enjeu est la maîtrise des dépenses publiques et le contrôle des opérateurs. Je rappelle à la droite de cet hémicycle qu’on a assisté, entre 2002 et 2012 notamment, à une floraison d’opérateurs et à l’augmentation des ressources leur étant affectées – la Cour des comptes s’en est fait assez souvent l’écho dans ses rapports. En réalité, c’était une manœuvre permettant aux gouvernements de l’époque de s’exonérer des normes d’évolution en valeur en en volume des dépenses de l’État, ce que le Parlement avait alors toléré. Mais, on le sait, c’est là une mauvaise gestion qui a abouti à ce que les ressources des opérateurs de l’État évoluent de manière beaucoup plus dynamique que celles de l’État, à ce qu’ils recrutent des fonctionnaires quand l’État en supprime. À nos collègues de droite qui évoquaient tout à l’heure l’évolution des effectifs, je fais observer que la baisse des effectifs de l’État a été annulée par la hausse de ceux des opérateurs, avec un démembrement de l’État – tous les rapports de la Cour des comptes l’ont souligné.

Ces règles d’affectation, ciblées et justifiées, des ressources affectées, de même que leur plafonnement systématique à partir de 2017 et la réaffectation au budget de l’État des sommes dépassant le plafond, marquent une rebudgétisation que notre assemblée doit approuver – n’est-ce pas, monsieur Chartier ? – car elles traduisent une reprise de contrôle par le Parlement de ce qui lui avait échappé.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’appelle l’attention du Gouvernement sur la rédaction du 1° du I. En droit constitutionnel français, les « impositions de toutes natures » sont définies comme un prélèvement effectué par voie d’autorité, sans contrepartie, en vue de financer l’ensemble des dépenses publiques.

Or, je pense qu’il existe dans le 1° une confusion entre imposition de toutes natures et rémunération de service rendu. Tel qu’actuellement rédigé, l’article dispose que : « À compter du 1er janvier 2016, l’affectation d’une imposition de toutes natures à des tiers […] ne peut être instituée que si elle répond à l’un des critères suivants : 1° la ressource est en relation avec le service rendu par l’affectataire à un usager […] ». Dès lors, ce n’est plus une imposition de toutes natures, mais une rémunération de service rendu. Cette rédaction n’est donc pas excellente.

Ma seconde observation porte sur le III, qui a trait au plafonnement. Si l’on veut éviter le plafonnement, il suffit de baisser les taux !

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Je trouve assez choquant que, la plupart du temps, plutôt que de baisser les taux, on préfère réaffecter au budget général tout ce qui dépasse le plafond. On pourrait choisir de baisser les taux, de façon à rester en-dessous du plafond.

M. Dominique Lefebvre. Vous voulez un État unitaire ou un État démembré ?

M. Charles de Courson. Nous parlons, dans votre logique, de ressources affectées à un organisme autre que l’État. Si le plafond est dépassé, baissons les taux. Le problème se pose pour les agences de l’eau par exemple : on se demande si une partie du montant des factures d’eau, au lieu de leur être affectée, ne sera pas finalement versée au budget général – le même problème se pose pour d’autres organismes.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Nous aurons le même débat demain sur les chambres de commerces et d’industrie : un certain pourcentage – 5 %, 10 % ou 15 % – des sommes qui leur sont versées revient au budget de l’État. C’est un complet détournement ! Baissons plutôt les taux. Or, la rédaction actuelle ne fait nulle part mention du taux. Elle se limite à indiquer un plafond, au-delà duquel tout revient au budget de l’État.

J’aimerais connaître la position du Gouvernement sur la rédaction du 1° et qu’il explique pourquoi une baisse des taux n’a jamais été envisagée. Je l’ai proposé plusieurs fois mais me suis toujours heurté à un refus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n47 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable. J’en profite pour répondre à M. de Courson. Il serait faux de dire qu’on le fait tout le temps, mais il n’est pas juste non plus de dire qu’on ne le fait jamais. S’agissant par exemple des chambres de commerce et d’industrie, vous observerez un prélèvement de 500 millions mais également une baisse des recettes de 250 millions qui est rendue – si j’ose dire – aux entreprises sous forme de baisse de taux. Il en va d’ailleurs de même pour les chambres d’agriculture.

Si la période était plus faste, baisser les taux serait effectivement la chose à faire. Mais les difficultés budgétaires sont telles que le Gouvernement a adopté la position suivante : quand on le peut, on abaisse le taux, quitte à ce que la prestation diminue – cela a été fait pour l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI.

Quand les choses iront mieux, rapidement je l’espère, nous irons davantage dans votre sens, ce que l’on fait déjà partiellement.

Pour ce qui est de la rédaction du 1°, certains organismes comme les centres techniques industriels – CTI – perçoivent des taxes affectées et les reversent sous forme de prestations à leurs adhérents. On me dit donc que la rédaction proposée est la bonne.

(L’amendement n47 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement n4.

M. Jacques Alain Bénisti. L’objectif de cet amendement est de corriger une sorte d’ineptie et de remédier, en partie, à la dégradation importante de l’aide à l’insonorisation des logements situés autour des principaux aéroports français. Vous savez que des centaines de familles vivent quotidiennement l’enfer, d’autant que le nombre d’aéronefs ne cesse d’augmenter et que la direction générale de l’aviation civile – DGAC – tend à prescrire des altitudes de vol de plus en plus basses.

La disposition que le présent amendement tend à supprimer a été instituée par la loi de finances pour 2014 dans un article global visant, dans un souci d’une meilleure gestion budgétaire, à plafonner la fiscalité affectée aux organismes chargés de mission de service public.

Or – vous le savez certainement, monsieur le secrétaire d’État –, s’agissant de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, la TNSA, un tel plafonnement est singulièrement inapproprié. En effet, contrairement à l’argumentation développée par le Gouvernement, la TNSA n’est pas en « adéquation avec les besoins » puisque le produit même de la taxe est largement insuffisant – 43 millions d’euros en 2013 – par rapport aux besoins d’insonorisation autour des plates-formes aéroportuaires – 86 millions d’euros en 2013.

Plus aberrant encore, la TNSA ayant été instituée sur le principe pollueur-payeur, elle est donc payée non pas véritablement par l’État mais par les compagnies aériennes et son produit est directement et intégralement affecté au fonds d’aide à l’insonorisation des logements autour des principaux aéroports français.

Cette taxe ne répond pas à une logique économique de redevance ni de contribution assurantielle. Elle répond à une logique de prélèvement sectoriel. Elle ne devrait donc pas pouvoir être plafonnée, d’autant qu’elle correspond indéniablement à une mission d’intérêt général.

Mme la présidente. Merci, monsieur Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Pour terminer, le présent amendement n’a d’autre vocation que de rétablir, avec sagesse, la situation antérieure. Personne ne vous en voudra, monsieur le secrétaire d’État, car l’erreur est humaine, et on ne polémiquera pas outre mesure sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission pour plusieurs raisons. Jusqu’à présent, le plafonnement de la taxe ne s’est pas révélé une contrainte puisqu’il a été fixé à 49 millions en 2014 pour une taxe qui n’a rapporté que 43,5 millions d’euros. Le plafonnement ne pose donc pas de problème aujourd’hui. L’article 15 du PLF proposera un plafonnement à 48 millions.

La question qui se pose peut-être est celle des tarifs payés par les aérodromes pour indemniser les riverains qui subissent les nuisances. M. le secrétaire d’État nous avait toutefois indiqué en juin qu’il y aurait une étude sur le sujet.

Avis défavorable donc à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement relèverait davantage de la loi de finances que de la loi de programmation des finances publiques. Il m’étonne donc quelque peu que nous en débattions à ce stade. J’y suis donc défavorable, ne serait-ce que pour cette raison. Nous aurons le débat au moment opportun.

Pour répondre à Mme la rapporteure générale, j’indique qu’une mission a été confiée à un éminent membre du groupe socialiste sur le sujet de la compétitivité du transport aérien, qui traitera du sujet des tarifs et taxes. Conduite par le président Le Roux, cette mission devrait faire des propositions et rendre ses conclusions dans les prochains jours ou les prochaines semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Le plaidoyer de Jacques-Alain Bénisti était très important, quels que soient les éléments normatifs. Chacun qui peut être concerné par les nuisances aériennes, les élus franciliens en général, mais aussi ceux de la Marne et d’autres territoires possédant un aérodrome, en conviendra. Je suis très heureux que Jacques-Alain Bénisti ait pu défendre cette position, largement partagée sur tous les bancs de l’hémicycle.

Comme l’a dit très justement le secrétaire d’État chargé du budget, approuvé par le président de la commission des finances, il conviendra de veiller attentivement dans le cadre du projet de loi de finances à ce que cette ressource puisse augmenter afin que les attentes des riverains en termes d’insonorisation de leur logement puissent être satisfaites. Cela me semble aujourd’hui absolument prioritaire. Certes, l’activité aéroportuaire procure énormément de valeur ajoutée, mais elle est également source de nuisances. Les riverains doivent pouvoir être entendus.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour m’être occupé pendant dix ans de la TNSA, je sais qu’elle est modulée selon les aérodromes et gérée par les autorités aéroportuaires pour faciliter la gestion locale. La question posée par M. Bénisti est donc encore plus complexe. En théorie, cela n’a pas de sens de faire la somme de toutes les TNSA, puisque cette taxe s’applique pour chaque aérodrome, afin de permettre d’insonoriser les bâtiments situés à proximité.

Il est vrai qu’il serait plus simple de supprimer le plafonnement. Mais puisque, pour l’heure, le plafond est nettement au-dessus du produit annuel de la TNSA, la discussion est un peu théorique. Sur le fond, il serait toutefois bon que la TNSA ne soit pas concernée par ces dispositions car elles ne sont pas du tout adaptées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Je demande simplement à M. le secrétaire d’État qu’il se mette d’accord avec le secrétaire d’État chargé des transports, qui m’a donné raison en commission tout à l’heure et s’apprêtait à intervenir pour satisfaire ce que je demande par cet amendement. Je répète que les besoins se montent au double du produit actuel de la taxe. Il y a un vrai besoin pour une population dont les habitations sont en permanence, à outrance même, survolées par des avions – lesquels pourraient d’ailleurs emprunter d’autres trajectoires. Monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de vous coordonner avec le secrétaire d’État chargé des transports, qui vient de faire une déclaration en ce sens tout à l’heure, laquelle a d’ailleurs été reprise par la presse.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous sommes en train d’examiner la loi de programmation des finances publiques et non le projet de loi de finances. J’ai eu l’occasion, déjà, de m’entretenir avec Alain Vidalies de ces questions, et je répète qu’une mission est en cours. Elle doit faire des propositions.

J’ai eu l’occasion, d’ailleurs, de rencontrer le président Le Roux sur ce sujet. Nous verrons et nous traiterons, en cas de besoin, cette question lors de l’examen du projet de loi de finances.

Les décisions de caractère financier, monsieur le député, se prennent dans les textes financiers.

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n49 rectifié, de Mme la rapporteure générale.

(L’amendement rédactionnel n49 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 16, amendé, est adopté.)

Article 17

(L’article 17 est adopté.)

Article 18

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n20.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement essaie, pour éviter de faire des dépenses supplémentaires en matière fiscale, de s’auto-censurer. Ces dépenses sont donc plafonnées à hauteur de 4 milliards d’euros en 2015, puis de 2 milliards en 2016 ainsi qu’en 2017.

Et bien je vous propose de renoncer à toute mesure fiscale nouvelle en 2016 et en 2017 ! Comme cela le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, sera tranquille. Même sa majorité ne pourra plus déposer d’amendements, en raison du vote de cet article 18 ainsi amendé.

Vous ferez vos 4 milliards en 2015, et puis, en 2016 comme en 2017, vous direz à tous vos collègues : c’est zéro augmentation, vous l’avez voté. Voilà ce que propose le groupe UDI.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je suis un peu étonnée par votre amendement, M. de Courson, puisque vous proposez de baisser les prélèvements obligatoires de 4 milliards d’euros en 2015, en 2016 et en 2017.

Or nous proposons une baisse de ces mêmes prélèvements respectivement de 4, de 6 puis de 8 milliards en 2017. Je comprends donc que vous souhaitez une baisse moins importante que celle que nous proposons : c’est comme cela qu’est rédigé votre amendement. Pour cette raison il a été repoussé par la commission.

M. Nicolas Sansu. C’est pour cela que je vais le voter !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis : tout a été dit.

(L’amendement n20 n’est pas adopté.)

(L’article 18 est adopté.)

Article 19

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n41.

Mme Karine Berger. Nous avons là un excellent article qui propose de plafonner l’évolution des crédits d’impôt et des dépenses fiscales, chose d’autant plus importante que malheureusement l’évolution a été très importante au cours des dernières années.

Ce plafonnement est prévu hors crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Nous avons eu l’échange en commission des finances avec le ministre : il serait tout à fait naturel de mettre l’ensemble des crédits d’impôt sous normes au cours de notre travail de programmation des finances publiques.

L’amendement vise donc à intégrer le CICE non seulement aux dépenses fiscales mais également à l’ensemble des crédits d’impôt ainsi plafonnés par cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable : la discussion en commission avait effectivement permis d’envisager l’adoption de l’amendement tel qu’il est rédigé.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je trouve cet amendement formidable ! Puis-je rappeler à nos collègues, au moins du groupe SRC, ce qui figurait dans le programme du parti socialiste ?

Mme Karine Berger. Vous l’avez encore ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez de saines lectures.

M. Charles de Courson. Il y avait une petite disposition – à l’époque le coût des dépenses fiscales s’élevait à 73 milliards d’euros – qui visait à réduire ces mêmes dépenses de 50 milliards, c’est-à-dire à les fixer à 20 milliards.

Alors-là, je trouve le laxisme de nos collègues socialistes épouvantable. Non seulement ce coût n’est plus réduit de 50 milliards, mais on l’augmente. Autrefois, les jeunes vous auraient dit que vous avez fumé la moquette ! (Rires sur divers bancs)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pas vous, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Je voudrais comprendre quelle révélation vous a conduit à augmenter ce coût des dépenses fiscales, au lieu de le baisser comme vous l’aviez prévu dans votre programme ? Si vous l’avez oublié, je peux vous le ressortir !

Pourquoi donc procéder à une telle augmentation ?

Serait-ce parce que, dorénavant, les dépenses fiscales sont devenues un outil formidable de justice sociale et d’efficacité économique ? Je voudrais comprendre votre logique, pour ma culture personnelle tout autant que pour instruire l’Assemblée.

Sur le fond, nous sommes tout à fait favorables à l’intégration du CICE aux dépenses fiscales : nous avons un amendement, que nous examinerons ultérieurement, qui poursuit le même objectif. Il faut y intégrer le CICE, et ne pas le mettre de côté.

Pourriez-vous, donc, nous expliquer cette conversion à la dépense fiscale ?

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. M. de Courson a eu bien raison de rappeler à nos collègues le programme – que nous connaissons bien l’un et l’autre… – du Parti socialiste ! (Sourires.)

Au-delà de la boutade, il aurait fallu que la rédaction de cet article ne comporte pas le membre de phrase : « hors crédit d’impôt », mais conserve le plafond de 70,6 milliards d’euros.

C’est quand même un comble que de multiplier les dépenses fiscales et les crédits d’impôt. Je pense pour ma part qu’il y a un vrai débat à avoir sur l’alternative entre dépenses fiscales ou dépenses d’intervention. Tant que n’aurons pas réglé cette question, nous ne pourrons pas sectoriser les aides aux entreprises et aux secteurs d’activité.

Il y a donc une vraie question à se poser, pas sur la dépense fiscale et son niveau, mais sur l’alternative entre dépenses fiscales ou dépenses d’intervention. Elles ne visent en effet pas le même objectif.

(L’amendement n41 est adopté et les amendements nos 6, 26 rectifié et 21 tombent.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Article 20

Mme la présidente. Sur l’article 20, je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n27, de Mme la rapporteure générale.

(L’amendement n27, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 20, amendé, est adopté.)

Article 21

(L’article 21 est adopté.)

Article 22

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Eva Sas. L’article 22 crée une annexe dressant la liste des revues de dépenses publiques qui vise essentiellement à identifier les sources d’économie. Mais, à notre sens, la dépense publique n’est pas seulement un élément négatif : elle ne l’est même pas du tout. Elle est également source de création de d’emplois, de services et d’investissement pour l’ensemble de la nation.

Pour cette raison, nous proposons d’inclure, dans cette revue des dépenses, aux côtés des sources d’économies à rechercher, les créations d’emplois et les investissements relatifs aux différentes missions de dépense publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a accepté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La procédure de revue des missions permet d’associer, très en amont, le Parlement à l’identification des pistes de réforme que le Gouvernement doit examiner pour respecter la trajectoire des finances publiques, sur laquelle la représentation nationale s’est prononcée.

Cette revue de dépenses a donc vocation à alimenter la procédure budgétaire. En revanche, elle n’a pas vocation à réaliser une analyse complète des effets d’une politique publique. Ce sont les évaluations menées dans le cadre de la modernisation de l’action publique qui répondent à cet objectif plus large.

Nous souhaitons ici mettre en place une procédure spécifique, directement orientée vers la recherche d’économies. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement : il en demande le retrait, ou, à défaut, le rejet.

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n33.

Mme Karine Berger. Cet amendement fait suite à un rapport d’information que nous avons présenté à la commission des finances, notre collègue Olivier Carré et moi-même, sur le nouveau système européen de comptabilité nationale et son incidence sur les finances publiques. Nous recommandions qu’apparaissent désormais, en exécution, l’ensemble des dépenses fiscales et des crédits d’impôt.

La représentation nationale est chaque année destinataire d’une estimation des crédits d’impôt, dans les voies et moyens, mais elle ne dispose pas de publication de l’exécution de ces mêmes crédits. En tout cas, cela n’apparaît pas dans la loi d’exécution.

Cet amendement vise à ce qu’apparaisse désormais l’exécution des crédits d’impôt qui sont classés comme dépenses depuis l’adoption du nouveau système de comptabilité européen SEC 2010 par Eurostat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement concerne deux sujets. Dans les voies et moyens, ces éléments sont bien entendu précisés en exécution. En revanche, selon l’exposé sommaire, il est proposé une meilleure lisibilité de l’information.

Pour cette raison la commission a repoussé l’amendement.

Dans les voies et moyens tels qu’ils existent, figurent bien les montants en exécution. Pour autant, dans l’exposé des motifs il est précisé que certaines précisions n’y figurent pas. Elles figurent pourtant dans l’exposé des motifs mais pas dans le texte de loi.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas clair !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’amendement présenté par Mme Berger est satisfait, puisque l’information est fournie en effet au Parlement, dans le tome II des voies et moyens, qui présente le coût d’exécution de chaque crédit d’impôt, ainsi que sa prévision pour l’année en cours ainsi que pour l’année à venir.

Le Parlement dispose ainsi, pour la conduite de ses débats, de tous les éléments que vous souhaitez obtenir. Votre amendement me semble donc satisfait.

Au bénéfice de cette précision, je demande le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je vais maintenir cet amendement car – je suis navrée, nous avons vérifié avec Olivier Carré – apparaissent dans les voies et moyens non les chiffres exécutés, mais les chiffres estimés en loi de finances initiale.

Je maintiens cette affirmation puisque l’un des crédits d’impôt sur lequel nous nous sommes renseignés n’a jamais fait l’objet que d’un mécanisme d’estimation.

(L’amendement n33 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n50, de Mme la rapporteure générale.

(L’amendement n50, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n34.

Mme Karine Berger. Nous demandons, par cet amendement, que la liste des dépenses fiscales et sociales rattachées à l’impôt sur le revenu et surtout, pour chacune d’entre elles, la distribution par décile de revenu du nombre de contribuables concernés, soient en effet publiées pour les trois dernières années.

Ce sont des informations qui évidemment portent sur la façon dont les niches fiscales de l’impôt sur le revenu sont aujourd’hui exécutées dans notre législation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’amendement pose plusieurs problèmes.

Il inclut dans l’annexe relative aux revues de dépenses une information relative aux dépenses fiscales qui relèverait normalement des voies et moyens. Il mentionne également les niches sociales rattachées à l’impôt sur le revenu alors que, par définition, seules des dépenses fiscales concernent l’impôt sur le revenu.

Surtout, indépendamment de ces questions de forme, il est impossible à mettre en œuvre techniquement. En effet, la répartition par décile de revenu du coût des dépenses fiscales rattachées à l’impôt sur le revenu ne peut être réalisée que si la dépense fiscale est issue d’une simulation sur la base d’éléments déclarés sur la déclaration de revenus. Or la plupart des dépenses fiscales relatives aux exonérations de revenus ne font pas l’objet d’une simulation faute de données déclarées par les contribuables au moment de la simulation. Le chiffrage est réalisé à partir d’une estimation de l’assiette exonérée, à laquelle est appliqué un taux moyen d’imposition. Ces dépenses ne peuvent donc faire l’objet d’une répartition par décile de revenu fiscal de référence.

Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement mais, dans ce cas précis, le Gouvernement ne sera pas en mesure d’apporter les éléments demandés par la représentation nationale.

J’ajoute que le nombre de données à traiter et de sujets évoqués par l’amendement est considérable et nous pose des problèmes techniques. Le Gouvernement aura vraiment du mal à répondre à de telles exigences.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je comprends les objections du secrétaire d’État, mais une telle information serait extrêmement utile.

Je ne sais pas, mes chers collègues, si vous vous souvenez de la discussion que nous avons eue l’an dernier sur la question des SOFICA.

Mme Karine Berger. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Un certain nombre de nos collègues souhaitaient, et ils ont eu gain de cause d’ailleurs, garder le plafond à 18 000 euros et non pas à 10 000 euros comme pour le logement ou autres. J’avais essayé de me procurer la distribution par décile de l’investissement en SOFICA pour leur montrer que cette réduction d’impôt n’était utilisée que dans le décile de revenus le plus élevé. Même si on avait regardé le décile à l’intérieur du décile, le centile, on se serait aperçu que cette dépense fiscale ne concernait vraiment que les très hauts revenus. Il me paraît donc essentiel, monsieur le secrétaire d’État, notamment pour l’impôt sur le revenu, de voir comment un avantage fiscal se distribue.

Pour les crédits d’impôt également, avec un éventuel remboursement à un ménage qui ne paie pas l’impôt sur le revenu, le croisement entre les déciles de revenus et la distribution des dépenses fiscales ou crédits d’impôt est extrêmement important.

On ne peut peut-être pas exiger de l’avoir pour les dizaines ou les centaines de dépenses fiscales ou crédits d’impôt qui existent, mais cela vaut en tout cas la peine pour les principales. Je me souviens très bien, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons eu cette discussion entre nous lorsque nous étions dans d’autres fonctions, et vous en étiez le premier conscient. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Écartons les dépenses sociales mais, tel qu’est rédigé l’amendement, l’annexe devrait dresser la liste des dépenses fiscales rattachées à l’impôt sur le revenu, et, pour chacune d’entre elles, soit plusieurs centaines, la distribution par décile de revenu du nombre de contribuables concernés pour les trois dernières années précédentes, y compris pour les faibles montants de dépenses fiscales. En dépit de tous les progrès de l’informatique et de la compétence de nos services, c’est un travail non pas même de bénédictin mais de titan, qui prendra énormément de temps.

Chaque fois que le président de la commission ou la rapporteure générale, voire des parlementaires nous ont demandé des informations sur telle ou telle disposition fiscale, nous les avons fournies dans des délais qui sont toujours insatisfaisants pour les demandeurs mais que nous nous efforçons de raccourcir le plus possible. Si un tel amendement est adopté, il sera très difficile de fournir les détails demandés.

Pour revenir sur l’amendement précédent, je maintiens que, dans les voies et moyens, il y a bien l’exécution de l’année précédente. Voici l’exemplaire concernant le projet de loi de finances pour 2015. Il y a ce qui a été réalisé en 2013 et ce qui est estimé pour 2014, seuls éléments que nous puissions fournir à cet instant. Cela dit, vous l’avez adopté, ce n’est pas bien grave.

Pour l’amendement en discussion, nous ne sommes pas capables de répondre à de telles exigences mais, je le répète, nous sommes bien entendu disponibles pour répondre aux demandes qui nous sont régulièrement adressées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai bien entendu ce que vous venez de répondre, monsieur le secrétaire d’État, mais l’amendement présenté par Mme Berger et la rapporteure générale me paraît très bon car, si nous voulons arriver un jour à piloter la dépense fiscale, il faut vraiment savoir comment elle s’organise et d’où elle vient. Il y a chaque année, chacun le sait, un document récapitulatif de l’ensemble des dépenses fiscales, mais tout le monde souriait en voyant la façon dont elles étaient évaluées. Nous avons besoin d’éléments les plus fins possible pour pouvoir les apprécier.

La dernière année fera évidemment l’objet d’estimations, c’est bien normal, et il y aura des rectifications l’année suivante, ce qui est logique, mais, là, on parle des trois années précédentes. C’est donc un véritable outil de pilotage de la dépense fiscale dont il s’agit.

La commission des finances s’est investie depuis des années dans la réduction de la dépense fiscale,…

M. Dominique Lefebvre. Je vois M. le secrétaire d’État tousser et je le comprends ! (Sourires.)

M. Jérôme Chartier. …et il y a eu régulièrement des résultats – nous avons certes beaucoup souffert, mais il y avait une véritable volonté.

Bref, je pense que c’est un outil majeur. La commission des finances doit l’obtenir et le Parlement en disposer. Je comprends le travail que cela représente pour Bercy de faire rentrer un certain nombre d’éléments de paramétrage dans la machine, mais, une fois que ce sera fait, nous pourrons tous bénéficier de cet outil fantastique qui nous permettra notamment, en appréciant mieux la dépense fiscale, de mieux ajuster les amendements pour parvenir à la réduire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Si cette préoccupation est partagée sur tous les bancs, c’est que chacun de nous, dans son rôle de parlementaire, a recherché un jour une répartition par décile d’une dépense fiscale sans pouvoir trouver l’information. Il me paraît donc très utile, pour éclairer le Parlement et lui permettre de jouer tout son rôle, que nous puissions en disposer.

Nous avons tout simplement besoin de savoir qui bénéficie des dépenses fiscales mises en œuvre en France. Nous avons tous le même souci, leur efficacité et la justice fiscale qui doit en découler. Dans une optique à la fois de maîtrise des dépenses fiscales et de justice fiscale, nous avons vraiment besoin d’une information détaillée par décile. Je comprends tout à fait les problèmes de faisabilité. Peut-être pouvons-nous trouver une rédaction qui puisse permettre aux services de s’adapter, mais il faut en tout cas aller vers une telle information.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je remercie d’abord tous mes collègues qui se sont exprimés et qui témoignent de l’intérêt que l’Assemblée nationale porte à cette question.

J’ai entendu vos remarques, monsieur le secrétaire d’État, sur la quantité d’informations que cela représente. Seriez-vous d’accord pour que, à ce stade, nous retirions l’amendement et que nous nous mettions d’accord sur un champ de dépenses fiscales à faire publier par décile lors d’un prochain texte fiscal ?

Je tiens à préciser que ce n’est pas du tout un hasard si nous avons évoqué les petits montants car on sait que certains d’entre eux sont concentrés dans les mains de quelques contribuables. C’était dans cette optique que l’amendement a été ainsi rédigé.

M. Jérôme Chartier. Excellent amendement !

Mme Karine Berger. Je comprends la problématique très pratique qui est posée. Seriez-vous d’accord pour que l’on travaille sur un champ nous permettant d’avoir une telle information qui, vous l’avez vu, est vraiment demandée par la représentation nationale, sans forcément « planter » totalement toutes les imprimeries du ministère des finances ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai réitéré tout à l’heure l’engagement du Gouvernement de répondre à toutes les demandes de la commission.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas pareil !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en connais un peu le fonctionnement de cette maison : chaque parlementaire peut s’adresser au président de la commission ou au rapporteur général pour demander une information nécessaire.

Il y a également un outil particulièrement adapté à ce type d’informations, c’est le rapport d’application de la législation fiscale. Tous les ans, la commission travaille sur ce rapport. Elle peut se saisir d’une disposition fiscale dont elle souhaite avoir telle année la décomposition par décile. S’il y a quatre, cinq ou six dispositions dont elle souhaite connaître le rendement, la répartition par année, par décile, nous pouvons très bien nous engager à les fournir. De toute façon, la commission a un pouvoir de contrôle sur l’action du Gouvernement, qui ne s’y est jamais refusé.

Ponctuellement, si le nombre de dispositions concernées n’est pas considérable, nous fournirons toutes les informations nécessaires. Le président avait par exemple demandé des informations sur l’application du bouclier fiscal et la répartition, elles ont été régulièrement fournies et je crois qu’elles ont été utiles. Tout le monde se souvient de ce tableau à double entrée. On peut bien sûr avoir des outils de cette nature, mais que de telles informations soient systématiques et présentées de façon exhaustive tel que c’est demandé dans l’amendement, ce n’est pas possible.

Dans ces conditions, je suggère que cet amendement soit retiré ou, à défaut, rejeté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. À ce stade, nous n’allons pas maintenir l’amendement, mais, lors d’une prochaine loi de finances rectificative, monsieur le secrétaire d’État, et, d’ailleurs, si je ne le fais pas, d’autres collègues le feront, nous vous soumettrons une liste d’une dizaine de dépenses fiscales rattachées à l’impôt sur le revenu pour lesquelles, je crois, la publication des déciles sera très utile.

(L’amendement n34 est retiré.)

(L’article 22, amendé, est adopté.)

Article 23

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Eva Sas. L’article 23 organise une revue des dépenses fiscales. Or je peux affirmer, en tant rapporteure de la mission portant sur les remboursements et les dégrèvements, que de nombreuses niches et dépenses fiscales vont à l’encontre de certains objectifs environnementaux. Nous avons ainsi la fiscalité la plus contraire aux objectifs environnementaux de tous les pays d’Europe.

Il est donc proposé que l’évaluation porte également sur l’impact des mesures et leur contribution aux indicateurs de qualité de vie et de développement durable de façon à voir, un peu au-delà de la simple revue des dépenses fiscales, leur contribution aux objectifs des politiques publiques, et donc à élargir un petit peu le champ de cette revue des dépenses.

Le débat est en train de s’ouvrir, porté également par France Stratégie, par l’OCDE, sur les nouveaux indicateurs de richesse. Il est temps que l’Assemblée prenne part à ce débat et fasse progresser la question des nouveaux indicateurs de richesse et des indicateurs de qualité de vie et de développement durable. C’est une manière de rentrer dans ce débat. Je pense que nous irons plus loin avec la proposition de loi que nous avons déposée. Le ministre de l’époque, Bernard Cazeneuve, avait promis de dégager un créneau législatif pour que ce texte puisse être discuté au sein de cette assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a accepté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. Dominique Baert. Cela s’appelle un enthousiasme mesuré !

(L’amendement n5 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n8.

M. Éric Alauzet. La Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises la nécessité de mieux encadrer et de plafonner les dépenses fiscales. L’objectif du présent article est de mettre en place une évaluation des dépenses fiscales et sociales afin de juger de leur efficacité. Nous proposons dans cet amendement d’élargir l’évaluation pour mesurer ces dépenses en termes d’impact sur l’emploi, sur l’investissement et sur la transition écologique et énergétique. Le législateur pourra ainsi être mieux éclairé sur les impacts et l’efficacité de chaque dépense fiscale, eu égard à ces objectifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a accepté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme le faisait remarquer Jérôme Chartier tout à l’heure, la commission est très attachée à réduire les niches. Le Gouvernement sera également très attentif à tous les amendements qui proposeront d’améliorer ou de réduire les niches fiscales durant le débat. (Sourires.)

Mme Karine Berger. Y compris le crédit impôt recherche ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’en remet, pour cet amendement tout à fait vertueux, à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n8 est adopté.)

(L’article 23, amendé, est adopté.)

Article 24

(L’article 24 est adopté.)

Article 25

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n46.

M. Dominique Lefebvre. Cet amendement doit également permettre une meilleure gouvernance des finances publiques et une amélioration de la transparence de l’information mise à la disposition du Parlement, puisque nous y proposons que les opérateurs et les autres organismes publics contrôlés par l’État dont les effectifs sont supérieurs à dix personnes rendent publique chaque année la somme des dix plus importantes rémunérations brutes totales de l’établissement.

On a vu un certain nombre de ces rémunérations s’envoler ; il n’y aura donc que des avantages à ce que cela devienne transparent.

(L’amendement n46, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 25, amendé, est adopté.)

Après l’article 25

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n39.

M. Lionel Tardy. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le précédent, à propos cette fois des commissions consultatives. Pour travailler sur ce sujet depuis plusieurs années, j’ai pu examiner des annexes budgétaires. Si ce sont des documents très utiles, je me suis rendu compte qu’il manquait parfois certaines informations. Puisqu’à l’article précédent, ces annexes, pour ce qui concerne les opérateurs de l’État, ont été complétées par des informations nouvelles, je propose de faire de même pour les instances consultatives. Il s’agirait de rajouter pour chacune d’entre elles la date du dernier renouvellement, car il y a bien la date de création, grâce au texte institutif, mais en vertu d’un décret de 2006, certaines ont une durée de vie limitée qui peut être prorogée par décret.

¨Par ailleurs, il faudrait faire figurer le nombre d’employés attachés au fonctionnement de l’administration – c’est une information complémentaire de celle sur le coût de fonctionnement. Enfin, il conviendrait d’ajouter une estimation globale des économies permises par les suppressions réalisées au cours de l’année. Elles ont été nombreuses ces dernières années et j’ai demandé au Gouvernement le montant des économies faites l’année dernière, mais il a été impossible de l’apprendre. Ces ajouts ne coûtent rien et ils sont cohérents avec la volonté affichée à l’article 25.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Votre amendement, comme vous l’avez dit, monsieur Tardy, vise à compléter le jaune budgétaire existant. Déjà, nombre d’informations existent,…

M. Lionel Tardy. Pas assez !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …telles que la date de constitution, le nombre de réunions, le nombre de membres, le coût de fonctionnement et la justification de l’évolution des coûts de fonctionnement, ce qui devrait donner une information suffisamment importante. C’est pour cette raison que votre amendement a été repoussé par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour toutes les instances délibératives ou consultatives figurent dans le jaune budgétaire les références du texte instituant leur création, le nombre de membres, le coût de fonctionnement, le nombre de réunions et éventuellement des indications sur la suppression ou non de ces institutions. Certes, on peut toujours ajouter des informations… Vous avez eu la gentillesse de souligner qu’entre le 1er octobre 2012 et le 1er octobre 2013, 99 commissions ou instances ont été supprimées. Un gros travail a été fait de ce côté-là. La diminution s’est poursuivie cette année et les chiffres seront transmis avec le jaune budgétaire annexé au PLF. Vous avez les coûts de fonctionnement, les textes de création, le nombre de membres et le nombre de réunions. Il est vrai, monsieur Tardy, que l’on pourrait ajouter la durée de celles-ci !

M. Lionel Tardy. Il s’agit seulement d’être cohérents !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Très objectivement, le Parlement est déjà très rigoureusement informé de la liste et du fonctionnement des instances consultatives ou délibératives.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je voudrais soutenir l’amendement de Lionel Tardy. Peut-être que M. le secrétaire d’État n’a pas eu le temps de lire l’amendement jusqu’au bout, notamment son exposé sommaire, car il ne remet pas du tout en cause le travail accompli aujourd’hui,…

M. Lionel Tardy. Au contraire !

M. Jérôme Chartier. …ni le contenu du jaune budgétaire. Il demande simplement, et de façon très cordiale, que soient ajoutées trois informations qui n’ont rien d’extraordinaire. Premièrement, il faudrait préciser le nombre d’employés qui travaillent au fonctionnement de ces instances – cette information ne doit pas être très compliquée à trouver. Deuxièmement, il conviendrait de donner une estimation globale des économies réalisées par les suppressions annuelles.

M. Lionel Tardy. On ne l’a pas !

M. Jérôme Chartier. Cela serait très utile pour le Gouvernement, puisque vous dites très justement que ce sont 99 commissions – félicitations ! – qui ont été supprimées. On a beaucoup travaillé, depuis des années, pour obtenir leur suppression. Parfois, nous n’y étions pas parvenus ; vous l’avez fait ; honneur vous soit rendu ! Ce serait bien que l’on puisse voir combien vous avez réalisé d’économies. Cela est tout à votre crédit et sans doute qu’en demandant cette information Lionel Tardy sait que cela va vous profiter, mais ce n’est pas grave, car il se met au service de l’intérêt général.

Troisièmement, enfin, le fait de communiquer la date du dernier renouvellement ne me semble pas extraordinaire, d’autant qu’il ne s’agit que d’une mise en conformité suite à un décret de 2006. Cette requête ne me semble pas incroyable.

L’amendement est extrêmement modeste et le Gouvernement pourrait revenir sur sa décision.

(L’amendement n39 n’est pas adopté.)

Article 26

(L’article 26 est adopté.)

Article 27

(L’article 27 est adopté.)

Article 28

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n51.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n51, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n35.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à proposer qu’une annexe soit jointe au projet de loi de finances de l’année n, contenant les attributions individuelles, commune par commune, de toutes les dotations d’État de l’année n-1, soit en exécution, avec la totalité de la dépense globale de fonctionnement, la DSU et la DSR notamment.

Ces données sont fournies sous la forme d’un cédérom aux rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais je pense qu’il pourrait être intéressant pour l’ensemble des citoyens français et pour l’ensemble des députés et des sénateurs de disposer de ces données sous la forme d’un tableau publiable sur internet et, partant, accessible à tout le monde. Ces données, qui existent donc, pourraient ainsi bénéficier à tous.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement fait partie des amendements pour lesquels le Gouvernement avait demandé quelques modifications. Puisqu’elles y ont été intégrées, le Gouvernement y est donc favorable.

(L’amendement n35 est adopté.)

(L’article 28, amendé, est adopté.)

Article 28 bis

(L’article 28 bis est adopté.)

Article 29

(L’article 29 est adopté.)

Après l’article 29

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n48 rectifié.

M. Dominique Lefebvre. Je soumets à notre assemblée cet amendement qui me semble avoir toute sa place dans la loi de programmation, puisqu’il s’agit, à mes yeux, d’un article de gouvernance des finances publiques qui concerne les conditions dans lesquelles les opérateurs de l’État, mais également les collectivités locales, recourent aux différentes formes de partenariats public-privé. Ces partenariats sont, je le rappelle, de formes multiples. Il existe les contrats de partenariat, les autorisations d’occupation temporaire, les baux emphytéotiques administratifs, les baux emphytéotiques hospitaliers ou encore les contrats de crédit-bail. Ils ont pour caractéristique de présenter, dans la durée, pour les finances publiques, des risques extrêmement importants, financiers ou juridiques comme un certain nombre de cas l’ont montré ces dernières années. Notre collègue sénateur, Jean-Pierre Sueur, notamment, a d’ailleurs travaillé sur cette question.

Je rappelle que de 2005 à 2012, c’est pour un montant de 17 milliards d’euros que des partenariats public-privé ont été signés. Il y a eu 253 opérations, dont 179 pour les collectivités locales, 44 pour les établissements hospitaliers et 40 pour les ODAC.

L’article additionnel ne vise pas à empêcher la réalisation de ces partenariats public-privé sous ses différentes formes, mais à s’assurer de la meilleure conclusion de ces contrats au bénéfice de la puissance publique – j’en ai d’ailleurs moi-même conclu un il y a deux ans en tant qu’élu local. Cela est possible pour les opérateurs de l’État par le biais d’une remontée à la tutelle et d’une expertise de celle-ci. Quant aux collectivités locales, dont la libre administration doit être respectée et qui ont souvent besoin d’avis d’experts, il faudrait que la MAPPP puisse, par un avis rendu public, venir à l’appui de la délibération d’une collectivité recourant à ces contrats qui engagent pour de longues durées les finances publiques.

Encore une fois, il convient de faire œuvre de transparence et de salubrité publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement a été accepté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais remercier Dominique Lefebvre et la commission qui a accepté cet amendement. Il me paraît être en effet un amendement de bonne gestion et de prudence. Contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture rapide de l’amendement, celui-ci n’interdit pas de recourir aux PPP ; il y est tout simplement suggéré que la réalisation de partenariats public-privé par des ODAC soit soumise à un visa des organismes de tutelle qui peuvent profiter de leurs retours d’expérience vis-à-vis de contrats dont le risque n’est pas neutre. L’expérience montre qu’il faut être prudents pour que ce risque soit maîtrisé, si j’ose dire.

La loi de programmation des finances publiques est l’occasion de parler de la trajectoire des finances, mais elle est aussi l’occasion d’introduire un certain nombre de mesures de gouvernance. En voilà une qui nous paraît très importante. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je souhaiterais simplement obtenir un éclaircissement pour bien comprendre l’amendement, que je découvre. Comment fonctionne la date d’interdiction s’agissant de la publication de l’avis d’appel public à la concurrence fixée avant le 1er janvier 2015, alors même qu’un décret en Conseil d’État doit fixer un certain nombre de conditions ? Ne risque-t-on pas une contradiction entre la date de publication du décret en Conseil d’État et l’avis d’appel à la concurrence ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je répondrai à M. Chartier à la fin de la discussion des articles du projet de loi de programmation.

(L’amendement n48 rectifié est adopté.)

Article 30

Mme la présidente. je suis saisie d’un amendement, n22, tendant à supprimer l’article 30.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le soutenir.

M. Philippe Vigier. Cet amendement est important, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il concerne la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Vous nous expliquiez qu’il fallait faire preuve de vertu dans la dépense publique, fixer des trajectoires et les respecter. Vous êtes même allé jusqu’à expliquer qu’il fallait à cet égard encadrer les collectivités locales. Or je vous rappelle que le Parlement a déjà voté une loi de programmation s’étendant jusqu’en 2017, avec des objectifs très clairs. Il est vrai que l’objectif initial de revenir à 3 % de déficit en 2013 a été décalé à 2015, puis maintenant à 2017 !

Je rappelle tout de même que dès le mois de mai 2013, Charles de Courson et moi-même avions expliqué ici même qu’on ne tiendrait pas cette loi de programmation puisqu’il y aurait un écart très sensible par rapport à la trajectoire initialement prévue. En mai 2014, Le Haut conseil des finances publiques l’a confirmé, recommandant en conséquence de déclencher le mécanisme de correction. Or nous voyons bien que comme le Gouvernement n’a pas respecté et ne respectera pas la trajectoire prévue, il a tout bonnement décidé d’en changer sans avoir pris les mesures qui s’imposaient ni s’être concerté avec la commission, sans même parler de nos partenaires européens, qui n’ont même pas été invités à s’exprimer à ce sujet. C’est tout de même prendre beaucoup de liberté par rapport à des engagements formels de notre pays et par rapport à tous les investisseurs qui financent au quotidien la France.

Il me paraît donc important qu’une telle dérive ne fasse pas seulement l’objet d’un constat : je voudrais que vous fassiez preuve de la même rigueur scientifique que celle que vous avez manifestée tout à l’heure quand il s’est agi d’encadrer les collectivités locales, en l’appliquant cette fois-ci à vous-même. Vous respecteriez ainsi ce que vous avez défini et reviendriez à la courbe initiale. Si vous voulez tenir les objectifs de déficits, la solution est assez simple : faire les réformes structurelles que vous avez toujours laissées de côté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Certes, l’article 30 propose d’abroger la précédente loi de programmation, mais il ne vous aura pas échappé, monsieur Vigier, vous qui faites référence à la rigueur intellectuelle, qu’un certain nombre d’hypothèses ont depuis été revues, notamment sur la base de la nouvelle croissance potentielle publiée par notre commission. Il convient donc de procéder à une adaptation à la fois des mesures et des objectifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n36, de Mme la rapporteure générale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’avis est évidemment favorable, mais je ne voudrais pas laisser M. Chartier dans un état de frustration à cette heure-ci. (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Ah, tout de même !

M. Jérôme Chartier. La majorité évolue ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je lui précise que l’amendement no 48 rectifié qu’a défendu Dominique Lefebvre prévoit une dérogation pour les projets dont l’avis d’appel public à la concurrence a été lancé avant le 1er janvier 2015. Pour ce qui est des autres, les décrets seront pris dans les premiers mois de l’année prochaine, mais rien n’empêche de débuter des consultations sur des PPP et de faire d’ores et déjà appel à la mission d’appui au partenariat public-privé, la MAPPP, la procédure étant ultérieurement précisée par voie réglementaire. Je rappelle au passage que les avis donnés seront simples et non des avis conformes.

Il n’y a pas d’ambiguïté : les collectivités territoriales disposeront donc bien de la libre administration en la matière après avoir été avisées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je tiens vraiment à remercier le secrétaire d’État pour ces éclaircissements importants. J’étais certain de la bonne intention du Gouvernement, mais celles et ceux qui ont eu l’expérience de conduire un PPP savent qu’il peut toujours y avoir une petite difficulté lorsque celui-ci est l’aboutissement d’un choix qui laisse des concurrents malheureux. En effet, il arrive que certains d’entre eux fassent un recours en justice contre la procédure qui a été suivie.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui !

M. Jérôme Chartier. Ce serait tellement dommage qu’apparaisse un problème du fait qu’un décret en Conseil d’État pris trop tardivement pourrait contrevenir sur certains éléments de forme à un avis d’appel à la concurrence lancé après le 1er janvier 2015 ! « Je dis ça, je dis rien », selon la formule, mais j’invite chacun à la prudence.

(L’amendement n36 est adopté.)

(L’article 30, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 21 octobre, après les questions au Gouvernement.

2

Projet de loi de finances pour 2015 (suite)

Première partie

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Nous abordons l’examen des articles de la première partie du projet de loi.

Article liminaire

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, inscrit sur l’article liminaire.

M. Pascal Cherki. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article a pour vocation de fixer la prévision du solde du déficit budgétaire. Cette question pourrait ne faire l’objet que d’un examen assez rapide, mais elle prend ici une importance toute particulière puisque notre assemblée a voté plusieurs traités qui fixent ce qui devient une règle d’airain nous contraignant à terme à un équilibre budgétaire structurel, avec une variation autorisée de 0,5 % sous le solde structurel. Le Gouvernement, dans sa grande sagesse, a décidé, et c’est tout l’enjeu de ce projet de loi de finances, de lever le pied sur la réduction du déficit puisque nous décalerons de deux ans l’objectif des 3 % et celui de l’équilibre budgétaire en invoquant des circonstances exceptionnelles. On se rend en effet bien compte qu’une politique de trop grande compression de la dépense publique risque d’avoir un effet amplificateur favorisant la récession alors que dans une France et dans un continent au bord de la récession, il s’agit de rediscuter de l’inversion de nos priorités.

J’invite le Gouvernement à aller au bout de cette logique parce qu’il apparaît que même si on décale de deux ans l’objectif des 3 %, atteindre 4,3 % l’an prochain nous amène tout de même à opérer un certain nombre de réductions de dépenses publiques, en partie pour tenir ce cap et aussi pour financer les mesures du pacte de responsabilité – mais il s’agit alors d’un autre débat.

Le problème, c’est que la question du déficit budgétaire recouvre une réalité – les 75,4 milliards de solde négatif en 2015 –, mais aussi une part de convention. Si l’Assemblée le souhaite et que le Gouvernement saisit la balle au bond, on peut se redonner des marges de manœuvres pour éviter l’amplification du ralentissement économique qui risque de nous emmener dans la récession.

Ainsi, mon premier amendement reprend une résolution du Parlement européen qui invite la Commission à réfléchir sur la possibilité de ne pas compter dans le calcul du déficit budgétaire les contributions des États membres versés au fonctionnement du budget de l’Union européenne, c’est-à-dire le prélèvement sur recettes. Cela représente un point de déficit structurel. Ce serait tout de même logique. D’autres proposent de supprimer des dépenses d’investissement utiles, d’autres encore une partie des dépenses militaires, mais chacun voit bien qu’il s’agit avant tout de se redonner aujourd’hui des marges de manœuvre.

L’objet de ce débat est d’appeler l’attention du Gouvernement, y compris par voie d’amendements, sur le fait que si on avait un calcul intelligent du déficit, comme celui-ci est affaire de convention et non une règle religieuse indiscutable, montrant ainsi la voie en prenant à notre compte cette résolution du Parlement européen, le nôtre serait à 3,4 % et notre déficit structurel à 1,2 % l’an prochain. Nous disposerions donc de marges de manœuvre pour faire des choses beaucoup plus utiles pour le retour de la croissance et éviter ainsi la récession. De plus, je rappelle que tous les États membres versent au budget de l’Union européenne.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n728, tendant à supprimer l’article liminaire.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le défendre.

M. Charles de Courson. Comme d’habitude, nous tenons à poser la question des causes de l’écart croissant entre le déficit structurel et le déficit effectif. Je vois que même Mme la rapporteure générale, M. le secrétaire d’État et bien d’autres commencent à s’interroger.

Mme Karine Berger. Ah ! C’est mon amendement préféré !

M. Charles de Courson. Mais, chers amis, cela devrait vous traumatiser et vous empêcher de dormir (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), puisque l’écart croissant montre que les hypothèses sous-jacentes ne sont plus cohérentes ! C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement de suppression pour la énième fois. Mais je ne désespère pas que les esprits mûrissent peu à peu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’avis est défavorable parce que je tiens à rappeler à notre collègue M. de Courson que la loi organique du 17 décembre 2012 fait de l’article liminaire…

M. Charles de Courson. Une obligation !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous l’avez dit vous-même !

M. Charles de Courson. Mais c’est un amendement de réflexion, madame la rapporteure générale !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement sait ce qui l’empêche de dormir et de qui il s’agit, monsieur de Courson... Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Pour ma part, je dors comme un enfant !

(L’amendement n728 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 360 et 690, pouvant être soumis à une discussion commune.

Monsieur Cherki, puis-je considérer que l’amendement n360 a déjà été défendu ?

M. Pascal Cherki. Oui, madame la présidente, mais je souhaite que le Gouvernement le reprenne à son compte.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n690.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement a pour objet de lancer un débat.

« L’ambition mille fois répétée d’une véritable Europe de la défense – surtout de la part de ceux qui ne font rien – doit maintenant devenir une réalité », disait le Président de la République dans son discours aux ambassadeurs. Il ajoutait : « l’Union européenne ne peut pas tout attendre d’un ou de deux État membres – je dirai essentiellement d’un, c’est-à-dire la France – pour assurer l’essentiel de l’engagement budgétaire et humain au bénéfice de la sécurité de tous. » Nous savons ce qu’il en est de l’engagement humain : nous avons souvent eu l’occasion de l’évoquer ici même dans des conditions douloureuses. Quant à l’engagement budgétaire, il est important. Aussi, je propose une correction au critère de calcul du déficit structurel et du déficit effectif pour en tenir compte.

La France consacre 2,2 % de son PIB aux dépenses militaires, de même que le Royaume-Uni, tandis que les autres pays européens se situent en moyenne à 1 % du PIB. La France ne dépense pas uniquement pour elle : quand elle intervient à l’étranger, c’est aussi pour l’ensemble de l’Europe. C’est bien l’absence d’une Europe de la défense qui oblige notre pays à avoir une dépense d’un tel montant. Je propose donc de corriger le critère en tenant compte de l’écart par rapport à la moyenne européenne : le déficit structurel ne serait plus alors de 2,2 % mais seulement de 1 %, le déficit effectif non plus de 4,3 % mais juste de 3,1 %. Il y a certes un aspect conjoncturel dans les interventions militaires, mais ce débat mérite d’être abordé – je pense qu’il n’est d’ailleurs pas seulement demandé par la gauche. Tant qu’il n’y a pas une Europe de la défense, il devrait y avoir un correctif qui prenne en compte l’effort accompli par des pays comme la France et le Royaume-Uni.

M. Henri Emmanuelli. Sinon, on envoie les chars Leclerc ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les deux amendements ont, me semble-t-il, le mérite d’ouvrir un vrai débat, mais pas pour les mêmes raisons.

Il est vrai, monsieur Cherki, que la contribution au budget de l’Union européenne est une dépense sous norme. Ainsi, lorsque la Commission propose cinq budgets rectificatifs au cours de l’année 2014, elle nous oblige soit à envisager la baisse d’une autre dépense, soit à constater un dérapage du déficit.

Pour autant, il existe des règles. Bien entendu, les parlements nationaux ont une voix à faire porter, mais la définition du déficit et de ses composantes relève d’une règle européenne sur laquelle nous nous sommes mis d’accord avec nos 27 partenaires. C’est pourquoi la Commission a donné un avis défavorable à l’amendement I-360.

M. Henri Emmanuelli. Oh !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. S’agissant de la proposition de M. Muet, il est également vrai que la France, lorsqu’elle envoie des forces au Mali ou sur d’autres théâtres, contribue en partie à la défense de l’Europe. La question se posera donc sans doute à nouveau au sein de l’Union. Mais, une fois de plus, nous ne pouvons pas prendre, ici, la décision d’exclure une dépense du calcul du déficit, alors même que celui-ci fait l’objet d’une règle commune. Là encore, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rejoins l’avis de Mme la rapporteure générale. La loi organique nous oblige à présenter l’article liminaire en nous appuyant sur les méthodes de la comptabilité nationale qui, malheureusement, conduisent à considérer comme de la dépense publique les deux catégories de dépense visées par les auteurs des amendements.

Au passage, monsieur Muet, les chiffres communiqués par Eurostat sont un peu différents de ceux que vous avez cités. En 2012, la période la plus récente sur laquelle on dispose des informations, la dépense publique dans ce domaine était de 1,9 point de PIB en France, contre 1,3 en moyenne dans la zone euro et 1,5 dans l’ensemble de l’Union européenne.

Pour autant, je comprends l’esprit de votre amendement, même si, je le répète, la présentation de l’article liminaire doit être conforme à la loi organique. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Les deux amendements, en particulier le premier, ouvrent un débat légitime. Il est en effet légitime d’envisager d’exclure le prélèvement européen du calcul du déficit, compte tenu de l’évolution des budgets européens. Si, à terme, le montant de ce prélèvement devrait diminuer très légèrement – cela figure dans le projet de loi de programmation des finances publiques –, il n’en demeure pas moins qu’il représente aujourd’hui un effort conséquent, et ce, alors même qu’il y a lieu d’être circonspect sur l’efficacité de certaines missions remplies par l’Union européenne. Dans ces conditions, la proposition de M. Cherki pourrait être un des moyens de mettre l’Union devant ses responsabilités.

S’agissant du budget de la défense, en revanche, je ne partage pas la position de Pierre-Alain Muet. Le budget que la France consacre à sa défense est aussi le corollaire de la position que notre pays occupe dans le monde. Je rappelle que la France entretient le deuxième réseau diplomatique et consulaire, et qu’elle exerce des missions d’intérêt général, dont certaines très anciennes, comme la protection de certaines populations – je pense notamment aux chrétiens d’Orient. Ces missions sont un héritage de notre histoire et méritent d’être poursuivies. Or elles ne peuvent l’être que si notre effort militaire est d’un montant suffisant.

Au fond, la vraie question ne porte pas sur l’effort de la France, mais plutôt sur celui de ses partenaires européens. Toutefois, cette question relève davantage d’une démarche gouvernementale et, en l’occurrence, d’une discussion entre le Président de la République française et le chancelier allemand au sujet de l’effort naturel que l’Allemagne doit consentir en raison de la position qu’occupe ce pays par rapport à d’autres, notamment en Europe. Une telle discussion me semble incontournable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI est hostile à ces deux amendements, ne serait-ce que pour les raisons indiquées par M. le secrétaire d’État : les propositions qu’ils contiennent sont contraires à la loi organique comme à nos engagements européens.

Mais il existe aussi une autre raison de repousser l’amendement de M. Cherki. Certes, nous versons 21 milliards d’euros au budget de l’Union, mais nous bénéficions également de retours.

M. Razzy Hammadi. Pas à hauteur de 21 milliards !

M. Charles de Courson. Bien sûr. Mais pour autant, la somme qu’il faudrait exclure du calcul du déficit n’est pas ces 21 milliards du prélèvement européen, mais la différence entre ce montant et celui des fonds dont bénéficie la France. Or si certains sont versés au budget national – en matière sociale et agricole, notamment –, ce n’est pas le cas de tous : les 7 milliards d’aides de la politique agricole commune sont directement versées aux agriculteurs. Il faudrait les rebudgétiser. Cette proposition n’est donc pas raisonnable.

Quant à celle de M. Muet, elle s’inspire d’une vieille idée qui resurgit épisodiquement, selon laquelle il ne faudrait pas tenir compte de certaines dépenses dans le calcul du déficit. Mais si on met le doigt dans cet engrenage, pourquoi s’en tenir aux dépenses militaires ? Pourquoi ne pas y ajouter, par exemple, les dépenses de recherche ou d’éducation ? Et qui sait où s’arrêterait une telle liste ?

De même, dans les dépenses de défense, il faudrait distinguer celles qui sont liées à la possession de l’arme atomique – soit environ 0,5 point de PIB –, puisque les Allemands n’en disposent pas. On n’en sortirait plus.

Au mieux, l’effort supérieur consenti par notre pays en matière de défense peut lui servir d’argument lors des discussions avec nos alliés, par exemple lorsqu’il s’agit de répartir le poids financier d’une opération.

De toute façon, comme l’a admis M. Muet, il s’agit d’un amendement de réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je trouve en effet le débat très intéressant, même si les deux amendements sont de nature très différente. Le premier se veut plutôt une réponse à la crise du budget de l’Union, et ce n’est donc pas un hasard s’il s’inspire d’une disposition adoptée par le Parlement européen. En effet, si le prélèvement européen n’était pas pris en compte dans le calcul du déficit, les États seraient incités à contribuer pour une plus grande part aux dépenses européennes.

En tout état de cause, le budget européen connaît une crise sérieuse qui n’est toujours pas réglée, les décisions prises dans ce domaine étant largement insuffisantes. Il y a d’ailleurs une contradiction, pour les États, à limiter leur contribution au budget européen tout en attendant de l’Union qu’elle agisse toujours plus. À cet égard, l’amendement de M. Cherki est bienvenu.

L’amendement no 690, lui, concerne avant tout la France. Mais je ne suis pas d’accord avec M. de Courson : on ne peut pas comparer l’action de notre pays en matière de défense avec l’effort qu’il peut consentir dans les domaines de la recherche ou de l’éducation. La France a en effet raison de rappeler qu’une partie du rôle qu’elle assume profite à l’ensemble de l’Union européenne – d’autant qu’elle se retrouve souvent aux avant-postes.

On pourrait d’ailleurs en dire autant des missions qu’elle accomplit sur le plan humanitaire. Je pense par exemple à ce que fait Médecins sans frontière…

M. Razzy Hammadi. Ebola !

M. Christophe Caresche. …contre l’épidémie causée par le virus Ebola : je n’ai pas le sentiment que cette cause mobilise de nombreux autres pays européens.

Il s’agit donc d’une vraie question, que la France a raison de poser. Mais il faut aller jusqu’au bout du raisonnement : si on veut une mutualisation des moyens, il faut aussi accepter le principe d’un partage des décisions. Et sur ce dernier point, le débat promet d’être intéressant.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ces amendements ouvrent en effet un débat intéressant, mais ils me conduisent également à poser une question à leurs auteurs.

Qu’il s’agisse du prélèvement au bénéfice de l’Union européenne ou du budget de la défense, les montants concernés doivent être empruntés. Ce sont des dépenses. Elles me font penser à certaines dépenses considérées comme exceptionnelles et qui ne figurent pas dans les différentes normes comptables présentées par M. le secrétaire d’État : …

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous en avons parlé tout à l’heure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …programme d’investissements d’avenir, dotations au Mécanisme européen de stabilité ou à la Banque européenne d’investissement. Ces dépenses ont le même effet : elles conduisent à emprunter. C’est pourquoi je vous pose la question, monsieur Muet : vous voulez, d’une certaine façon, effacer certaines dépenses, mais comment allez-vous vous y prendre pour effacer la dette ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Tout le monde, ici, comprend l’intention politique des auteurs des amendements, voire la partage. Il s’agit de poser le débat sur le niveau de dépenses publiques et leur évolution, ainsi que sur les contraintes à prendre en compte en matière de redressement des finances publiques.

Au-delà des arguments juridiques de non-conformité aux traités, qui conduiraient sans doute le Conseil constitutionnel, dans le cas où ces amendements seraient adoptés, à les censurer aussitôt, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences pratiques des propositions qui nous sont soumises. C’est probablement un réflexe de la part du modeste comptable que je suis.

En effet, comme l’a rappelé le président Carrez, un déficit n’est jamais que la différence entre le montant dépensé et la recette perçue. Ce que l’on ne peut pas payer, il faut donc l’emprunter.

Je considère que le niveau de déficit nominal comme celui du déficit structurel – et c’est sur ce point que nous sommes en désaccord avec l’autre partie de l’hémicycle – sont des données extrêmement importantes pour le pilotage des finances publiques. Or si les traités ont fixé des objectifs en la matière, c’est bien parce qu’il paraît nécessaire d’assurer un pilotage global de la dépense publique dans la zone euro.

Vos propositions, je le vois bien, permettraient de prendre en considération la situation relative d’un pays à un moment donné, notamment lorsqu’il traverse des circonstances difficiles et qu’il lui est nécessaire de redresser ses finances publiques. Mais si nous vous suivions, cela ne réglerait pas le problème de la France, qui resterait confrontée à des déséquilibres permanents et à une augmentation continue de la dette.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je souhaite faire une proposition destinée à rapprocher les différents points de vue.

M. Charles de Courson. Une synthèse, donc !

Mme Karine Berger. Il est techniquement impossible, monsieur Muet, d’écrire que le déficit nominal de la France en 2015 représentera 3,1 % du PIB plutôt que 4,3 %.

Mais nous examinons ici la loi budgétaire française, en particulier un article liminaire qui n’a rien à voir avec les traités européens.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Très bien !

Mme Karine Berger. Rien ne nous empêche donc d’ajouter des lignes au tableau figurant dans l’article, de façon à faire apparaître, par exemple, le déficit structurel hors prélèvement européen, ou le déficit nominal hors dépenses militaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quel sens cela aurait-il ?

Mme Karine Berger. De cette façon, nous pourrions indiquer les montants du déficit structurel et du déficit nominal, tout en ouvrant officiellement le débat sur les paramètres à prendre en compte dans leur calcul. C’est donc une solution de compromis que je propose.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je vais marcher sur des oeufs, mais les propositions qui viennent d’être faites m’amènent à partager quelques réflexions avec vous.

Si l’on s’en tient à l’orthodoxie budgétaire, ce que dit le président Carrez est incontestable. La proposition de M. Cherki ne marcherait que dans un cas précis : si, à travers les fonds européens, l’assurance contre les risques financiers ne se concrétisait pas, et qu’à terme, elle se transformait en épargne, le dépôt d’argent serait restitué à un moment ou à un autre ; dans ce cas, on devrait en théorie pouvoir ne pas comptabiliser cette somme dans les déficits – mais comment le prévoir aujourd’hui ?

De même pour les dépenses militaires : si l’on considère que nous agissons pour autrui – ce qui supposerait que les décisions d’intervention soient prises au plan européen et non par la seule France –, cela implique qu’à un moment donné, l’Europe décide de contribuer à un fonds qui financerait en partie les dépenses militaires, auquel cas il s’agirait d’une dépense pouvant à terme générer une recette. C’est à mon avis la condition nécessaire pour éventuellement ne pas comptabiliser tout ou partie de ces dépenses dans les déficits.

Cela m’amène à faire une autre suggestion – déjà évoquée durant la discussion générale. On a proposé de retrancher les investissements du calcul des déficits ; je ne suis pas d’accord, d’abord parce que, pour investir, il faut emprunter, ensuite parce que les investissements, s’ils peuvent susciter du bien-être collectif, ne génèrent pas forcément des recettes. La seule dépense qui s’auto-amortit, c’est l’économie d’énergie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Il l’a déjà dit !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui : il y croit !

M. Éric Alauzet. Si l’on lançait un grand chantier européen en la matière et que l’on empruntait pour ce faire, on aurait l’assurance d’un retour, dans un délai connu ; on pourrait alors en discuter avec la Commission européenne. Cela se fait dans les collectivités territoriales – nous l’avons fait dans ma ville : investir dans les économies d’énergie n’a pas dégradé l’épargne. Dans ce cas de figure, nous pourrions déduire les sommes en jeu et relancer les investissements sans toucher l’épargne ni aggraver les déficits.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Ces amendements portent tous deux sur le calcul du déficit, mais ils ne sont pas de même nature et soulèvent des questions très différentes – par exemple, pour ce qui est du second, sur la gouvernance de la défense.

Je voudrais pour ma part revenir sur celui de Pascal Cherki. Je soutiens la proposition de Karine Berger, à un détail près : je pense que si nous voulons envoyer un message politique, ce qu’il faut faire apparaître, c’est non pas la contribution globale, mais la contribution nette, aujourd’hui de presque 8,3 milliards, et, le cas échéant, la contribution aux rabais – de 2,3 milliards. De même que les rabais ne sont pas inscrits dans les traités, l’article liminaire ne s’oppose à aucun de ces derniers ! Ce que nous souhaitons, c’est envoyer un message politique sur le différentiel de contribution de la France. Il est à ce titre frappant que la Commission européenne nous réclame 8 milliards supplémentaires alors que notre contribution nette s’élève précisément à plus de 8 milliards. Quel symbole !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Mon amendement avait pour objectif de lancer le débat ; je ne veux pas mettre le Gouvernement en difficulté.

M. Marc Le Fur. Quelle idée ! Ce n’est pas votre genre ! (Sourires.)

M. Pascal Cherki. C’est pourquoi je trouve que la proposition de Karine Berger est utile : elle permettrait un heureux compromis.

Je ne souhaite pas que l’on modifie le calcul du solde structurel et du solde conjoncturel tels qu’ils sont présentés dans l’article liminaire, mais il serait quand même bon de faire un pas en avant politique et d’indiquer ce que serait le solde structurel si l’on ne comptabilisait pas le prélèvement sur recette. C’est pourquoi je suis prêt à retirer mon amendement, sous réserve que le Gouvernement accepte la proposition de Karine Berger.

Par ailleurs, je vous invite à réfléchir collectivement à la possibilité de présenter une résolution appuyant les efforts de nos collègues parlementaires européens, ce qui, politiquement, serait aussi une manière de dire qu’à l’avenir nous souhaiterions que la Commission européenne fasse en sorte que l’on ne comptabilise plus la contribution des États membres dans le calcul des déficits.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh bien, on peut dire que l’objectif de lancer le débat a été atteint ! (Rires.)

M. Marc Le Fur. Il faut aussi savoir terminer un débat…

M. Henri Emmanuelli. Nous voudrions avoir la conclusion !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La conclusion, c’est qu’il s’agit d’un débat sans limites : ce qui a été dit sur les dépenses militaires et sur le différentiel entre les dépenses et les recettes par rapport à l’Union européenne pourrait tout aussi bien l’être à propos des investissements en faveur de la transition énergétique, mais aussi, par exemple, des dépenses d’éducation.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est sûr que si l’on enlève les dépenses d’éducation, il n’y a plus de déficit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai écouté attentivement tous les orateurs, et je crains que l’on n’aboutisse à un saucissonnage sans fin.

Là où je rejoins Karine Berger, c’est sur le fait que l’article liminaire n’est pas destiné à Bruxelles, mais à nous-mêmes ; ce qu’il doit contenir est d’ailleurs très précisément décrit par la loi organique. Vous me direz que cela n’empêche pas qu’on puisse y mettre autre chose – encore que : cela pourrait poser des problèmes, puisque c’est sur cet article que le Haut Conseil des finances publiques donne un avis. Je ne pense donc pas qu’il soit opportun de changer sa rédaction, même si tout ce qui a été dit peut contribuer à nourrir notre réflexion.

Je ne voudrais pas vous paraître jésuite en donnant raison à tout le monde pour au final demander à ce que l’on ne change rien, mais le président Carrez n’a pas tort de rappeler qu’il faudrait de toute façon financer ces dépenses d’une façon ou d’une autre – même si je ne suis pas d’accord avec sa formulation, car on peut trouver d’autres solutions que l’emprunt.

Je rappelle que le but de l’article liminaire est de donner des indications globales sur la dépense publique. Après, dans la suite du débat budgétaire, les éléments contenus dans les articles et les annexes permettront de préciser le poids respectif de chaque dépense et éventuellement de les comparer avec les répartitions budgétaires d’autres États – et pas seulement européens : la référence à la moyenne européenne n’aurait que peu de sens, vu que l’article liminaire porte sur la situation de notre pays.

Par conséquent, je propose que nous en restions là ; à défaut, nous risquerions d’avoir des ennuis par rapport au contenu de l’article liminaire, qui doit répondre très précisément aux critères définis par la loi organique.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Mon amendement était effectivement destiné à lancer le débat ; je ne pensais pas le proposer au vote, même si je serais éventuellement intéressé par la proposition de Karine Berger.

Dans le cadre du débat budgétaire, je crois qu’il importait de rappeler que nous supportons un certain nombre de charges au profit des autres pays européens : tel était l’objet de cet amendement.

J’en profite pour dire que je trouve l’amendement de notre collègue Cherki extrêmement intéressant. L’Europe est quand même un espace bizarre : dans toutes les fédérations, le budget commun est abondé par un impôt fédéral ; nous sommes la seule entité à le faire via un prélèvement sur les États et à avoir un budget commun équilibré – alors qu’habituellement, ce sont les budgets locaux qui sont équilibrés et le budget fédéral qui sert pour les ajustements. Voilà qui mérite réflexion.

L’Europe aura vraisemblablement besoin de se doter un jour d’un prélèvement spécifiquement européen, qui pourrait être une part de l’impôt sur les sociétés ou de la TVA – mais c’est un autre débat.

En tout cas, dans le contexte actuel, il ne me paraît pas mauvais de rappeler que la France a des responsabilités qu’elle exerce au profit de l’ensemble de l’Union.

Je retire bien évidemment mon amendement.

Mme la présidente. Monsieur Cherki, faites-vous de même ?

M. Pascal Cherki. Je regrette vivement que le Gouvernement n’accepte pas la proposition de notre collègue Berger.

Monsieur le secrétaire d’État, avant de retirer mon amendement, je souhaiterais vous dire une chose : vous ne pouvez pas dire que l’article liminaire ne concerne que le Parlement, puisque l’ensemble du projet de loi de finances est transmis à Bruxelles pour avis. Nous faisons de la politique, et ce que je proposais était une façon d’appeler l’attention de Bruxelles sur ce que représente la contribution des États membres.

Le prélèvement sur recettes est un élément de langage commun à ces derniers, qui financent tous le budget de l’Union européenne par cet intermédiaire : il ne s’agit donc pas d’un débat franco-français. Si l’on ne fait rien, à terme, le budget européen va devenir la variable d’ajustement pour des États qui seront pris à la gorge. Voyez dans quelles conditions nous avons dû batailler pour sauvegarder un budget européen qui représente moins de 1 % du PIB européen, alors qu’aux États-Unis le budget fédéral est de 15 % : dans ces conditions, les budgets des États fédérés peuvent être à l’équilibre ! Nous, nous marchons sur la tête !

Je retire mon amendement, parce qu’on ne change pas les règles du jeu dans le cadre d’une discussion budgétaire à une heure moins vingt du matin, mais je regrette la pauvreté de la réponse politique du Gouvernement.

(Les amendements nos 360 et 690 sont retirés.)

(L’article liminaire est adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, inscrit sur l’article.

M. Marc Le Fur. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons maintenant le cœur du sujet, c’est-à-dire la première partie du projet de loi de finances, l’impôt, et plus spécialement l’impôt sur le revenu.

Je voudrais d’emblée poser la question de la sincérité de ce budget et des recettes qui sont annoncées. Cela part d’un constat : pour augmenter la recette de l’impôt sur le revenu en 2014, vous avez multiplié les impositions supplémentaires : diminution de l’avantage lié au quotient familial, perte des avantages pour les retraités qui avaient élevé trois enfants ou plus, disparition des heures supplémentaires – nous étions pour la première fois en année pleine en 2013. Pourtant, en dépit de ces mesures, les prévisions de recettes ont été très sensiblement diminuées : alors que vous envisagiez une recette de 74,4 milliards d’euros, on en est à 6 milliards de moins.

Or, pour l’année prochaine, vous prévoyez une recette supplémentaire de 600 millions d’euros, alors que vous avez décidé de faire cette fois une sorte de cadeau fiscal, avec la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Comment est-ce possible ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je l’ai expliqué hier, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Irait-on vers une amélioration de la conjoncture ? Je ne le crois pas – et vous ne le prévoyez pas vous-mêmes. Nous cacheriez-vous quelque chose ? Je pose donc très clairement la question de la sincérité de la prévision de recette de l’impôt sur le revenu pour l’année prochaine, et je crains que la discussion de la première partie de la loi de finances ne s’engage bien mal, vu que ce qui devrait constituer la règle, à savoir la sincérité des comptes et des prévisions, n’est pas respecté – à moins que vous ne me démontriez le contraire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’ai présenté les additions hier soir !

Mme la présidente. Je suis saisie de l’amendement rédactionnel, n643, de Mme la rapporteure générale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sagesse.

(L’amendement n643 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l’amendement rédactionnel, n660, de Mme la rapporteure générale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n660 est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’espère bien, monsieur le secrétaire d’État, avoir la réponse à ma question précédente parce que l’on est là au cœur du sujet, celle de la sincérité. Mais abordons l’article 2.

Vous prévoyez donc la disparition de la première tranche d’impôt sur le revenu. A priori, c’est du pain blanc, mais à côté il y a du pain noir qu’il va falloir avaler, en particulier pour les classes moyennes.

Mme Karine Berger. Mais non !

M. Marc Le Fur. Je vais essayer de vous le démontrer.

L’un des effets de votre mesure, c’est que si l’on fait disparaître la première tranche de l’impôt sur le revenu, le seuil de déclenchement de la deuxième tranche est abaissé, passant de 11 991 euros par part jusqu’à présent à 9 690 euros. La différence est de 2 301 euros. Cette fraction était imposée à 5,5 %. Elle le sera désormais à 14 %, puisque l’on passera directement dans la deuxième tranche, soit 193 euros d’impôt supplémentaire perçu sur cette fraction.

Vous m’objecterez que la fameuse décote permettra d’éviter cette difficulté. Il faudrait que vous nous l’expliquiez ! En effet, alors que la décote n’était pas du tout familialisée, vous la familialisez – certes un peu, j’en conviens, mais pas complètement. Avec l’abaissement du seuil de la deuxième tranche, des familles vont donc subir cette augmentation d’impôt sans bénéficier complètement, pour autant, de la décote.

L’autre effet de la décote est expliqué par M. Taly, spécialiste des questions fiscales et qui a d’ailleurs été collaborateur de ministères plutôt de gauche : la pente de l’augmentation de l’impôt sera extrêmement raide puisque, explique M. Taly dans un article tout à fait étayé, le prélèvement sur la recette supplémentaire pourra être de l’ordre de 28 %.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. On peut en outre s’appuyer sur l’excellent rapport rédigé par M. Lefebvre qui démontre, en page 37, que la conjugaison des aspects sociaux et des aspects fiscaux soumet les catégories modestes à des prélèvements considérables,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais non !

M. Marc Le Fur. …ce qui va accentuer la difficulté pourtant mise en exergue par M. Lefebvre.

Mme la présidente. La parole est justement à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, mes chers collègues, nous abordons là la discussion de l’un des plus importants articles de ce projet de loi de finances, qui marche sur ses deux pieds. Nous avons à assurer le redressement des finances publiques en améliorant la compétitivité de nos entreprises et en soutenant l’activité, pour soutenir la croissance. Cette mesure de justice sociale va restituer du pouvoir d’achat à nos concitoyens et permettre de soutenir la consommation, donc l’activité. Je note, de ce point de vue, que la droite de cet hémicycle propose la suppression d’une mesure d’allégement d’impôt qui touchera neuf millions de ménages et qui pèse 3,3 milliards d’euros : vous en prenez, chers collègues, la responsabilité devant nos concitoyens.

Dans sa forme, cette mesure fait suite à la censure par le Conseil constitutionnel, au début du mois d’août dernier, d’une mesure d’allégement des cotisations salariales, que nous avions adoptée et dont le montant était de l’ordre de 500 euros au niveau du SMIC. La mesure examinée maintenant permet de commencer à résoudre des problèmes qui avaient été largement évoqués au sein du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, en particulier le caractère extrêmement chahuté du bas de barème, avec un certain nombre d’effets de seuil et de ressauts.

M. Marc Le Fur. Vous allez les accentuer !

M. Dominique Lefebvre. Après l’adoption au mois de juillet dernier d’une réduction d’impôt conjugalisée qui ciblait les ménages les plus modestes, cette mesure améliore le barème de l’impôt sur le revenu. Elle efface des entrées dans l’impôt sur le revenu  dénoncées à droite et qui procédaient d’ailleurs pour l’essentiel de mesures votées par celle-ci précédemment. Elle concerne également les classes moyennes, puisque, lorsqu’on examine son impact sur la distribution des revenus fiscaux, mais par unité de consommation, les ménages des cinquième, sixième et septième déciles sont touchés. C’est aussi une mesure favorable aux familles, avec une décote conjugalisée, alors que c’est un système de décote non conjugalisé qui est en vigueur.

Il me semble donc que cette mesure s’inscrit dans le droit fil de nos conclusions. C’est une mesure de justice sociale qui engage la simplification de l’impôt sur le revenu. J’ai toujours indiqué, pour ma part, qu’une réforme fiscale doit s’inscrire dans la durée, dans le cadre d’une baisse des prélèvements obligatoires. Il y a une manière d’aborder la réforme fiscale pour l’avenir, c’est de restructurer le bas de barème : c’est précisément l’objet de cet article.

M. Marc Le Fur. Et sur la question de la sincérité, vous ne répondez pas ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Lefebvre nous dit qu’une réforme fiscale doit s’inscrire dans la durée. Moi, je pense qu’elle doit s’inscrire dans la réflexion. Les seules mesures prises, par petites touches, entre le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et ce projet de loi de finances initiale pour 2015, ce sont des mesures fiscales. Il y en a une par projet de loi de finances. Il s’agit donc de la seule mesure phare de ce projet de loi de finances. À cet égard, nous avons effectivement une conception différente de l’impôt. Nous pensons, pour notre part, qu’il faut des taux faibles et une base large. Vous considérez, vous, qu’il faut une base très restreinte et des taux très élevés. C’est là toute notre divergence en matière de réforme fiscale.

Je vais en outre presque penser, monsieur Lefebvre, que vous êtes de mauvaise foi ! Vous prétendez que le coût de cette suppression de la tranche imposée à 5,5 % est de 3,2 milliards d’euros, mais c’est totalement faux ! D’après ce qu’explique Mme la rapporteure générale, cette mesure représente en gros 1 milliard d’euros, puisque 2,2 milliards d’euros sont liés à l’effet de la décote. Si je n’ai rien contre la décote, la réalité est que lorsque l’on nous parle de neuf millions de foyers fiscaux qui vont sortir de l’impôt du fait de cette mesure, c’est un vrai leurre.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas ce qu’on a dit !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ou neuf millions de foyers fiscaux dont les impôts vont diminuer. J’aimerais justement bien que l’on nous précise l’effet de la décote sur cette sortie – ou sur cette diminution de fiscalité – et l’effet réel de la suppression de la tranche à 5,5 %.

La réalité est que vous concentrez l’imposition. C’est ce qu’on appelle de l’hyper-concentration de l’imposition sur le revenu. Les ménages qui rentraient dans la tranche à 14 % à partir d’un peu plus de 11 000 vont le faire à partir de 9 900 euros. C’est une lourde peine pour les ménages modestes, monsieur Lefebvre, et c’est pourquoi nous sommes contre cette suppression de la tranche à 5,5 %. En plus, ce n’est pas une mesure qui favorisera l’acceptation de l’impôt. Que faites-vous de ce grand principe ?

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ceux qui ont participé aux travaux du groupe de travail sur l’impôt sur le revenu s’en sont vite aperçus : le problème touche à l’ensemble des impôts et des prestations liés à l’imposabilité ou à la non-imposition.

Selon les études, un célibataire dont les revenus passeraient d’un demi-SMIC à un SMIC, se verrait prélevé sur le demi-SMIC supplémentaire 73 % de l’augmentation.

M. Marc Le Fur. C’est le rapport Lefebvre !

M. Jérôme Chartier. C’est hallucinant !

M. Charles de Courson. Vous me direz que ce n’est pas possible. Pourtant, toute une série de prestations et d’impositions – PPE, taxe d’habitation, etc. – sont liées, sans compter les prestations locales dont on n’a pas tenu compte. Et ce problème qui se pose pour les célibataires existe aussi pour les couples, entre 1 et 1,5 ou 1,6 SMIC. Et l’un des facteurs qui aboutissent à ces taux astronomiques, est la décote, mais il y en a d’autres.

La question qui se pose est la suivante : la suppression de la première tranche va-t-elle atténuer ou aggraver le mal ? Il me semble, compte tenu des informations dont nous disposons, qu’elle va l’aggraver, mais en le déplaçant.

Ceux qui sont sur la décote dans le système actuel ont un taux d’imposition de 21 %. Avec ce qui est proposé, on passe à 28 %. Sept points de plus !

Si je songe aux travaux menés dans le cadre du groupe de travail sur l’impôt des ménages et, plus largement, les prestations qui y sont liées, je crains fort qu’on ne trouve des taux de prélèvement de 80 %. Je me demande même, mes chers collègues, si une telle réforme est constitutionnelle, puisqu’elle va aboutir à un taux marginal de 28 % à l’entrée dans le barème, c’est-à-dire pour des revenus par part compris entre 13 700 euros et 18 000 euros. Et si le taux marginal baisse ensuite, il remonte au-delà de 50 000 euros. Dans ces conditions, a-t-on encore un impôt sur le revenu progressif ?

Mme Marie-Christine Dalloz. La vraie question est là !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, votre calcul, j’en suis désolé, est faux. J’ai dit et répété, et je l’assume, que cette réforme n’est pas payée par les uns pour les autres. En effet, si l’on déplace le point d’entrée – de 11 991 euros à 9 690 euros – dans la tranche imposée à 14 %, et si la différence sera imposée à 14 %, soit 323 euros d’impôt supplémentaire, le gain résultant de la suppression de la première tranche – ceux qui sont imposés au taux marginal de 14 % avaient forcément une fraction de leurs revenus imposée à 5,5 % – est également de 323 euros. On a donc rigoureusement calé le décalage de la tranche à 14 % pour que l’effet soit parfaitement neutre pour les personnes concernées.

La situation est même plus favorable. Pourquoi ? Parce que, pour faire court, la décote est décalée vers la droite et mord sur la tranche à 14 %. La réforme est donc favorable à ces contribuables. Contrairement à ce que vous prétendez, ils ne sont pas pénalisés. Et pour ceux qui sont au-delà, bien sûr, cela ne change rien.

On peut, ensuite, évoquer la question de la pente, de la progressivité. J’aurai l’occasion d’y revenir vu l’heure tardive, mais du moins pouvons-nous acter le fait que les contribuables qui étaient à la limite de la tranche à 14 % ou qui pourraient y entrer du fait de ce déplacement du point d’entrée regagneront, grâce à la suppression de la tranche à 5,5 %, tout ce qu’ils pourraient perdre en entrant un peu plus tôt dans la tranche à 14 %.

Vous avez aussi posé, monsieur Le Fur, des questions sur le produit de l’impôt et sur la sincérité. La rapporteure générale a fait une excellente démonstration, hier, sur la méthode d’estimation du produit des recettes. Je ne peux que vous y renvoyer. Vous verrez qu’elle contredit les propos que vous avez tenus tout à l’heure. Voilà ce que je souhaitais préciser à ce stade de nos débats, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je voudrais vraiment que l’on prenne le temps, même s’il est une heure du matin, de bien préciser les éléments du débat. En effet, si l’intervention de notre collègue Le Fur est inexacte, elle montre qu’une clarification s’impose.

Ainsi, s’il est bien question d’une suppression complète de l’impôt payé par les personnes dont les revenus sont compris entre 6 011 euros et 9 690 euros, encore faut-il bien préciser que les personnes qui gagnent plus de 9 690 euros ne paieront pas d’impôt pour la partie de leurs revenus comprise en 6 011 et 9 690 euros. C’est bien la surface qui est au-dessous de cette tranche de 9 690 euros qui disparaît, soit exactement un impôt de 329 euros. Or, dorénavant, les revenus compris entre 9 690 euros et l’ancien seuil d’entrée dans la tranche à 14 % – 11 991 euros – produiront un impôt de 322 euros puisqu’ils seront imposés à 14 %. Les deux surfaces se compensent. Par conséquent, il n’y a pas d’augmentation d’impôt, y compris pour les personnes dont les revenus se situent entre 9 690 et 11 991 euros, et qui passent dans la tranche imposée à 14 %. Je reconnais que le calcul n’est pas intuitif. C’est pour cela que je me suis permis de le reprendre.

Il existe d’ailleurs une autre façon de vérifier que l’impôt n’augmente pas, c’est de faire des simulations. J’ai tenté d’expliquer cela à ma maman récemment, et elle est allée vérifier par elle-même, peu convaincue par mes propres explications. Elle a pu constater qu’effectivement, en simulation d’impôt sur le revenu dans le nouveau barème, il n’y a aucune augmentation de l’impôt sur le revenu liée à la suppression partielle de la première tranche et au changement de pente entre 9 690 euros et 11 991 euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je voudrais apporter deux éléments, sans rallonger excessivement le débat à cette heure tardive.

Madame Dalloz, à la page 50 du tome II du rapport général, vous trouverez le coût budgétaire de la mesure. Effectivement, il est de 498 millions d’euros au titre de la suppression de la tranche à 5,5 %, de 485 millions d’euros au titre de l’indexation du barème, et de 2,2 milliards du fait de la revalorisation de la décote. C’est donc le gros morceau de la mesure.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes d’accord.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela se traduit, pour répondre à notre collègue de Courson, par le fait que l’on entre effectivement plus tard dans l’impôt, mais que celui-ci est un peu plus pentu. Mais pas autant que vous ne le dites.

Prenons l’exemple d’un célibataire dont les revenus annuels sont de 15 000 euros. Dans le nouveau système proposé par l’article 2, il paiera 351 euros d’impôts contre 617 par an auparavant. Si l’on ajoute cent euros à son revenu, et qu’il touche donc 15 100 euros, il paiera alors 379 euros – on retrouve bien les 28% – mais il payait auparavant 638 euros. Il est donc toujours gagnant, parce que l’on a décalé l’entrée dans l’impôt sur le revenu.

S’il y a une chose à retenir, c’est que lorsque vous étiez avant dans la tranche inférieure à 14 % d’impôts, vous êtes gagnants avec la réforme, et si vous êtes au-dessus de cette tranche, vous paierez autant qu’avant.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il faut bien comprendre ce que nous sommes en train de faire, à savoir que nous compensons les dérapages qui se sont produits depuis quatre ans et que nous n’avons pas su arrêter à temps.

M. Philippe Vigier. Vous les avez accélérés !

M. Éric Alauzet. Non, nous n’avons simplement pas su les arrêter. Ces dérapages ont malheureusement été préjudiciables à un certain nombre de nos concitoyens.

Monsieur Le Fur, je ne peux pas croire que vous n’ayez pas compris.

M. Marc Le Fur. Au contraire, j’ai trop bien compris !

M. Éric Alauzet. Vous le savez, il y a deux courbes. Celle de ceux qui entrent plus tard dans l’impôt, et qui, certes, progresse plus vite,….

M. Marc Le Fur. De 28 % !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. D’accord, mais c’est toujours moins d’impôt à l’arrivée, monsieur Le Fur !

M. Éric Alauzet. Jamais ces courbes, qui ont été publiées dans Le Monde ou Les Échos et que vous-même nous avez montrées en commission, ne se croisent. Et lorsque la courbe inférieure rejoint la courbe supérieure, toutes deux, à partir de ce point, évoluent selon la même pente, vous le savez très bien.

En fait, comme Mme Dalloz, vous voulez faire croire que cette mesure va pénaliser les classes moyennes, soit parce qu’elles paieraient pour ceux qui gagnent moins, soit parce qu’elles ne bénéficieraient pas de l’avantage dont profitent des classes plus modestes. Je ne pense d’ailleurs pas que ce dernier argument soit bénéfique à la paix dans notre société, mais je vous laisse à vos responsabilités.

Quant à l’analyse de Charles de Courson, qui évoque un salarié qui touche la moitié du SMIC et dont le salaire doublerait tout à coup, il parle en pourcentages. Or cela ne veut rien dire : il faut regarder en valeur absolue. Il parle de 73 % d’imposition sur les 50 % que ce célibataire gagne en plus. Mais globalement, cette personne, comme toutes celles qui ont peu de revenus, ont des compensations.

Vraiment, je suis très fier de cette mesure qui va bénéficier à 9 millions de personnes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous étiez fier des hausses d’impôt !

M. Éric Alauzet. Elle est en partie financée par la lutte contre la fraude fiscale qui a permis de rapatrier les revenus de 30 000 personnes, soit 28 milliards d’actifs dont nous allons récupérer une partie cette année et qui vont aussi contribuer à augmenter l’assiette de l’ISF. Nous sommes donc vraiment en présence d’un projet de gauche.

M. Romain Colas et Mme Monique Rabin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je voudrais poser une question – nous pourrons y réfléchir pendant la nuit...

Du seul point de vue de l’impôt sur le revenu, pour les foyers fiscaux qui sortaient de la décote dans la tranche à 5,5 % – d’ailleurs personne, en pratique, n’était uniquement imposé dans la tranche à 5,5 % –, le taux de fiscalisation était de 21 %. Quand on sort de la décote dans une tranche à 14 %, le taux est forcément plus pentu : on passe à 28 %.

Mais il me semble que le point que M. de Courson a signalé, et qui figure également dans le rapport de Dominique Lefebvre, c’est-à-dire l’effet du cumul avec d’autres dispositifs tels que les allocations logement, la prime pour l’emploi ou la taxe d’habitation, doit être affaibli car ces dispositifs sont souvent dégressifs selon les revenus. Puisque l’on entre plus haut sur des revenus plus élevés, la perte devrait être moins importante. Il faudrait essayer de le mesurer – s’agissant de la PPE et de l’APL, je crois que c’est le cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Admettons que le raisonnement présenté par la rapporteure générale soit bon pour un célibataire, et que l’effet de la décote atténue complètement l’abaissement du seuil d’entrée dans la tranche à 14 %.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Mais ce raisonnement n’est pas valable pour un couple, car la décote pour un célibataire est de 1 135 euros, contre 1 870 euros pour un couple. Ce n’est pas le double, et cela ne joue donc pas pour les couples. Et c’est encore moins vrai lorsqu’il y a des enfants, par définition, puisque le supplément de décote est très minoré. Vous allez donc avoir une augmentation sensible de l’impôt pour les familles de trois enfants ou plus qui ont ce niveau de revenus, c’est obligatoire.

Mme Karine Berger. Non !

M. Marc Le Fur. Par ailleurs, je constate que personne ne nie l’augmentation de l’effet de seuil à 28 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour y voir clair, il faudrait refaire, avec le nouveau barème, les calculs qui avaient été faits lors des travaux sur l’impôt sur le revenu. On verrait ainsi s’il y a une accentuation des prélèvements nets, comme nous l’avions constaté jusqu’à 73 % pour des célibataires, et encore presque70 % pour des couples mariés.

Le problème, madame la rapporteure générale, n’est pas de comparer la situation de l’impôt sur le revenu avant et après. Personne ne conteste que tout le monde y gagne, je crois que seuls 25 000 couples sont pénalisés.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est important de le dire, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Ce qui compte, c’est la dynamique. Quelqu’un qui augmente les revenus de la famille va-t-il subir des prélèvements aussi importants que ceux que nous avions découverts dans nos travaux ? Je n’ai pas la réponse, je n’ai que des intuitions, mais la direction du trésor pourrait nous éclairer dès demain.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Il s’agit d’un débat politique important et techniquement complexe, et je dois revenir sur un abus de langage que M. de Courson vient de commettre à nouveau. Il parle de prélèvement sur des bas revenus à hauteur de 70 %. C’est faux, on ne prélève pas.

M. Marc Le Fur. C’est à la page 37 de votre rapport !

M. Dominique Lefebvre. Dans notre rapport sur la fiscalité des ménages, nous parlons d’un prélèvement implicite sur le revenu disponible, qui est la conséquence d’un début d’imposition et d’une perte de prestations. C’est lié pour partie au barème de l’impôt sur le revenu et à ses effets de seuil, qui sont en partie gommés par la réforme que nous proposons. Pour une autre partie, c’est lié aux mécanismes d’attribution des prestations sociales qui obéissent à des critères qui peuvent parfois être différents.

La position centrale du rapport est de dire qu’il faudrait unifier ces critères autour du concept de revenu fiscal de référence, et c’est d’ailleurs ce que nous allons faire pour la CSG des retraités.

Il est vrai que l’effet d’une hausse de 100 euros du revenu primaire aboutit parfois à seulement 20 ou 30 euros de revenu disponible net.

M. Marc Le Fur. Dans le pire des cas, c’est dix-neuf euros !

M. Dominique Lefebvre. Cela résulte du fait que l’on commence à payer l’impôt, au taux marginal qui peut être de 5,5 % ou 14 % – Valérie Rabault a très bien rappelé qu’en réalité, les gens concernés paieront moins – et que l’on perd, partiellement ou totalement, le bénéfice de prestations familiales. Cette perte de prestation est due à l’hétérogénéité des modes d’attribution, qui ne sont pas tous basés sur le revenu fiscal. Ce cas s’est présenté concernant le taux réduit de CSG qui obéissait à une règle différente. Résoudre ce manque d’harmonisation dans les prestations sociales est un tel mouvement à faire que bien que nous ayons fixé l’orientation, il faudra des années pour rectifier tout cela.

C’est toutefois un abus de langage de dire que l’on prélève 70 % du revenu. Pour 100 euros de revenu supplémentaire, le revenu net disponible n’est parfois que de 30 euros, mais ce n’est que très partiellement du fait de l’impôt, c’est surtout parce que l’on perd le bénéfice de prestations.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les orateurs inscrits sur l’article 2.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 16 octobre à une heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly