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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 novembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Accès des personnes handicapées à l’emploi

Mme Barbara Pompili

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Écoles de la deuxième chance

M. Yves Jégo

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

RSA activité et prime pour l’emploi

Mme Marie-Arlette Carlotti

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique fiscale

M. Hervé Mariton

M. Manuel Valls, Premier ministre

Violences contre les enfants

Mme Bérengère Poletti

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réforme territoriale

M. Sébastien Denaja

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Politique familiale

M. Céleste Lett

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation des fonctionnaires

M. Patrice Carvalho

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Choc de simplification

M. Lionel Tardy

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification

Opération Chammal

M. Jean-René Marsac

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Retraites chapeaux

M. Jacques Krabal

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Approvisionnement énergétique de la Corse

M. Laurent Marcangeli

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Fonds structurels européens

M. Yves Daniel

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Centre hospitalier du Pays d’Apt

M. Julien Aubert

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Maladies dégénératives

Mme Bernadette Laclais

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

M. Jean-Luc Bleunven

M. Yves Daniel

M. Philippe Le Ray

Présidence de M. Marc Le Fur

Mme Catherine Vautrin

M. Gilles Lurton

Présidence de Mme Catherine Vautrin

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

M. Charles de Courson

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Philippe Vigier

M. François de Rugy

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Pascal Demarthe

M. Michel Heinrich

M. Christophe Léonard

M. Jacques Lamblin

M. Benoist Apparu

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Présidence de Mme Catherine Vautrin

M. Jean-Louis Gagnaire

M. Lionel Tardy

Mme Barbara Pompili

M. Bernard Accoyer

M. Éric Woerth

M. Jacques Krabal

M. Jean-Louis Bricout

M. Patrick Mennucci

Amendements nos 15 , 46 , 75 , 109 , 118 , 150 , 209

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Amendements nos 8 , 205 , 1 , 2 , 39 , 132 , 18 , 153 , 188 rectifié

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Accès des personnes handicapées à l’emploi

M. le président. Nous commençons par une question du groupe écologiste.

La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la dix-huitième édition de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées a débuté lundi.

L’urgence d’agir est réelle car le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint le niveau record de 22 %, soit le double de celui du reste de la population. Plus de 400 000 d’entre elles sont en recherche d’emploi, chiffre qui a doublé en six ans.

Si la crise économique rend la situation complexe, elle ne peut valoir justification. La société inclusive que nous prônons exige un changement d’approche radical. Une évolution des mentalités, tout d’abord, pour changer le regard de la société sur le handicap et lever nombre d’obstacles qui, consciemment ou inconsciemment, éloignent les personnes handicapées du monde du travail et bloquent leur accès aux études supérieures et aux formations, lesquelles sont essentielles pour décrocher un emploi.

La question de l’accessibilité est elle aussi déterminante. Il faut entendre les inquiétudes du tissu associatif sur le sujet : comment, en effet, suivre une formation ou se rendre à son travail quand les transports ou les lieux ne sont pas accessibles ?

Ce changement d’approche exige un volontarisme politique fort pour impulser une dynamique et l’accompagner de moyens – je pense aux aides aux postes en milieu protégé, par exemple –, mais aussi pour simplifier les démarches des personnes et des entreprises, sortir de la complexité actuelle et clarifier les compétences des très nombreux acteurs.

Le groupe d’études sur l’intégration des personnes handicapées, que je préside, a mené de nombreuses auditions sur les enjeux de la formation et de l’emploi qui pourront donner lieu à des propositions législatives.

Notre collègue Annie Le Houerou vient de rendre un rapport démontrant la nécessité de dynamiser l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire.

Monsieur le ministre, les pistes pour avancer existent. Comment le Gouvernement compte-t-il agir pour lever les obstacles qui, aujourd’hui encore, empêchent les personnes en situation de handicap d’accéder à l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, s’il est un sujet consensuel par nature, c’est bien celui de l’emploi des personnes handicapées, dont se préoccupent les gouvernements successifs depuis vingt-huit ans. C’est un sujet auquel je suis très attentif.

Le constat est le suivant : le taux de chômage des personnes handicapées, vous le savez, est en grande partie imputable au faible niveau de qualification de ces personnes – 80 % d’entre elles ont un niveau inférieur au BEP.

Mais, même si leur taux d’emploi reste inférieur à celui de 6 % prévu par la loi, il progresse, en même temps que se modifie le regard sur la relation emploi-handicap. Ce pourcentage a atteint plus de 3 % en 2012 dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public. Les PME participent à cet effort, puisque 130 600 travailleurs handicapés sont accueillis dans les entreprises de moins de vingt salariés.

L’effort financier que l’État consent depuis 2012 en faveur de l’emploi des personnes handicapées est significatif. Ainsi, mon ministère a consacré à l’ensemble des dispositifs en faveur des personnes handicapées 512 millions d’euros en 2012 et il y consacrera 621 millions d’euros en 2015, soit une augmentation de plus de 20 %.

Enfin, une conférence nationale du handicap se tiendra en décembre. Elle sera l’occasion de préciser les actions du Gouvernement et de prendre en compte les préconisations de l’excellent rapport que votre collègue Annie Le Houerou a remis à Mme Ségolène Neville et à moi-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande d’être moins bruyants, même si vos conversations sont certainement très importantes.

M. François Rochebloine. Très bien !

Écoles de la deuxième chance

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Elle porte sur les écoles de la deuxième chance, dispositif mis en place par Édith Cresson qui a prospéré depuis une dizaine d’années et participe à la lutte visant à aider les décrocheurs du système scolaire à retrouver leur place dans la société et se réinsérer professionnellement. Ceux qui connaissent le travail des 107 écoles de la deuxième chance que compte la France peuvent en être satisfaits et se réjouir de leurs résultats. Le Gouvernement a maintenu et même un peu augmenté les aides qu’il leur octroie. Elles connaissent néanmoins des difficultés qui en menacent certaines de disparition en raison du transfert de la gestion des aides provenant du Fonds social européen de l’État aux régions.

Réunir le réseau des écoles de la deuxième chance afin de régler rapidement ces problèmes mécaniques de transfert de fonds et prendre en compte les difficultés des associations est donc une urgence. L’école de la deuxième chance de Seine-et-Marne que je préside est une association loi de 1901. Nous n’avons pas de garantie bancaire et pas de facilités de trésorerie quand cela est nécessaire, ce qui engendre des difficultés. Au cours de sa dernière intervention télévisée, le Président de la République a dit son souhait de voir les décrocheurs réintégrés dans l’éducation nationale. Les écoles de la deuxième chance constituent un dispositif très puissant, maillant le territoire et accueillant 15 000 élèves par an. Il peut d’ailleurs se développer sans difficulté et me semble être au cœur du combat que nous devons partager pour l’insertion professionnelle des jeunes. Il y a urgence et je vous demande donc, monsieur le ministre, de réunir rapidement le réseau afin de trouver une solution au problème financier de ces écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je suis très sensible à votre question, monsieur le député Yves Jégo. Les 107 écoles de la deuxième chance existantes ont en effet été créées à l’initiative des collectivités territoriales et des acteurs de l’insertion professionnelle, avec l’appui de l’État. Elles sont fondées sur une pédagogie distincte des schémas scolaires et ont pour objectif l’insertion sociale et professionnelle des jeunes qu’elles accueillent sans autre critère que celui de leur propre motivation. Je le dis d’emblée, l’État est très attentif à ce réseau, dont il souhaite le développement.

Pour en venir aux problèmes général et particulier que vous évoquez, les écoles de la deuxième chance franciliennes mobilisent des subventions du Fonds social européen depuis leur création, ce qui engendre des difficultés de trésorerie. En outre, une partie de ces subventions a été réduite par rapport au niveau envisagé, en raison de l’inéligibilité d’une grande partie des dépenses au regard des nouvelles règles de gestion du FSE.

M. Jean-Luc Laurent. Malheureusement !

M. Maurice Leroy et M. François Rochebloine. On voudrait une réponse !

M. François Rebsamen, ministre. Il en résulte une forte dégradation de la situation financière des écoles de la deuxième chance. Afin de ne pas mettre en danger ce réseau efficace, l’État s’est mobilisé pour les soutenir sous la forme d’une enveloppe financière abondée en 2014 et dont la reconduction en 2015 est à l’étude. Je répète donc ici, monsieur le député Yves Jégo, que le Gouvernement soutient les écoles de la deuxième chance !

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. Je me tiens à votre disposition pour réunir, avec tous les acteurs concernés par le dossier, une table ronde afin d’essayer de trouver les moyens d’assurer la pérennité et le développement de ces structures. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

RSA activité et prime pour l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, ne perd pas de vue son cap, celui de la solidarité. C’est pourquoi vous envisagez de soutenir encore mieux les classes populaires, ce travailleur retrouvant enfin, après des mois de galère, le chemin de l’emploi et à qui il faut donner un coup de pouce afin d’améliorer son pouvoir d’achat et lui permettre de rebondir. À cette fin, deux dispositifs cohabitent actuellement. Tous deux ont montré leurs limites. Le RSA activité présente un taux de non-recours de 60 % tant les procédures sont complexes et discriminantes, à tel point que de nombreux bénéficiaires potentiels ne demandent pas les 150 euros auxquels pourtant ils pourraient prétendre. La prime pour l’emploi est certes plus ciblée, plus simple et plus automatique mais elle est gelée depuis 2008 et a donc perdu toute son efficacité.

Vous envisagez donc, monsieur le Premier ministre, un nouveau dispositif fusionnant RSA activité et prime pour l’emploi. Quelles en seront les grandes lignes ? Qui en bénéficiera ? On me permettra une mention particulière des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans aujourd’hui privés du RSA activité. Nous attendons, bien sûr, un dispositif simple. Pouvez-vous nous confirmer exactement le calendrier de sa mise en œuvre ? Vous nous proposez là, monsieur le Premier ministre, un énorme et très beau chantier visant à mettre fin à l’injustice ! (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Vous avez décidé de lutter contre le non-recours aux droits, qui rend nos politiques inopérantes, des politiques qui donnent certes bonne conscience mais ne font pas reculer la pauvreté. Vous voulez la vérité sur les dispositifs afin qu’ils soient objectifs et atteignent ceux qu’ils doivent atteindre et qui en ont le plus besoin. Vous nous proposez une vraie et grande réforme sociale et nous serons à vos côtés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut en effet, madame la députée, simplifier, clarifier et rendre plus efficace le soutien aux travailleurs aux revenus les plus modestes. Tel est l’objectif de la création de ce que nous pourrions appeler, en tout cas à ce stade, la prime d’activité. Oui, ce doit être une grande réforme, afin que des millions de Français en bénéficient. Nous entendons mettre en place un dispositif simple ayant vocation à se substituer à la prime pour l’emploi et au RSA activité. Le dispositif doit être simple afin que chacun puisse en bénéficier quand il en a réellement besoin et non avec un an de décalage comme c’est aujourd’hui le cas de la prime pour l’emploi. Il doit être simple afin de redonner chaque mois du pouvoir d’achat aux travailleurs aux revenus les plus modestes et encourager la reprise d’activité. Cela est fondamental. Car reprendre un emploi doit être synonyme de pouvoir d’achat supplémentaire. C’est une évidence mais ce n’est malheureusement pas assez le cas, les Français le savent.

Surtout, la prime en faveur de l’activité est une mesure de justice sociale. Elle sera versée à tous les actifs rémunérés autour du SMIC, dans une fourchette qui sera précisée le moment venu au terme de la concertation que mèneront les ministres concernés. Elle comportera une part individualisée calculée en fonction des revenus d’activité et une part familialisée visant à prendre en compte les charges de famille. Enfin, les jeunes travailleurs de moins de vingt-cinq ans que nous devons aider à s’insérer dans la vie active y seront pleinement éligibles.

Oui, il s’agit bien d’une mesure de justice sociale venant compléter les autres dispositifs, en particulier la baisse de l’impôt sur le revenu, qui touchera plus de neuf millions de ménages, soit près d’un ménage sur deux soumis à l’impôt, et la revalorisation du RSA de 10 % en cinq ans dans le cadre du « Plan pauvreté ». En ce moment où nous soutenons les entreprises et leur compétitivité, il est aussi très important de faire passer ce message de justice sociale et de soutien aux revenus les plus modestes. Le Gouvernement sera au rendez-vous de ce chantier très important pour la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République, François Hollande, a annoncé : « à partir de l’année prochaine, il n’y aura pas d’impôt supplémentaire pour qui que ce soit. »

M. Alain Chrétien. C’est faux !

M. Hervé Mariton. Force de la parole présidentielle !

Ma première question sera donc la suivante : si, hélas, comme beaucoup parmi vous le pensent, ce n’est pas le cas, l’État s’engage-t-il à rembourser les Français qui paieraient davantage ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Hélas, monsieur le Premier ministre, la réalité est celle d’une situation économique catastrophique (Mêmes mouvements), d’une croissance zéro, d’une situation dramatique du chômage, d’une dette qui absorbe la totalité de la richesse nationale, d’un budget aujourd’hui sous la tutelle de Bruxelles. Cela justifierait une action vigoureuse et juste pour l’économie. Or même l’ancien ministre que vous avez envoyé à Bruxelles comme commissaire européen, Pierre Moscovici, nous dit que votre action n’est ni précise, ni détaillée, ni ambitieuse, ni de nature à changer la donne.

En France, les impôts sont trop élevés depuis longtemps. La droite devra être capable de les baisser. Mais vous, monsieur le Premier ministre, vous en avez tant rajouté ! Plus 20 milliards sur les ménages depuis 2012, cotisations retraite, massacre du quotient familial, les familles plumées… Et 2015 s’annonce mal : 3 milliards de charges supplémentaires sur les ménages.

Quand arrêterez-vous réellement, à gauche, d’augmenter les impôts ? « Seuls 10 % des Français seront touchés par l’augmentation des impôts », déclarait Jean-Marc Ayrault au début du mandat. Mensonge ! François Hollande a plusieurs fois parlé de pause fiscale, contredit par Christian Eckert. Vraiment, pour vous, l’impôt est un alcool fort, dont vous êtes dépendants, en grande quantité ou pour le dernier verre. Quand arrêterez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il y a quelque chose que les Français ne supportent plus (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe UMP) et, hélas, la campagne interne à un parti d’opposition ne devrait pas y mettre fin – je veux parler de la démagogie qui est la vôtre sur la question des impôts. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quand on a augmenté les impôts sur les ménages et sur les entreprises de 30 milliards entre 2010 et 2012, on ne vient pas donner des leçons au Gouvernement et à la majorité sur ce sujet ! (Mêmes mouvements.)



Vous nous dites, monsieur Mariton, que la droite devra baisser les impôts ; vous nous dites qu’il faut faire 100 à 150 milliards d’économies – au moment, d’ailleurs, où l’un de vos concurrents à la présidence de l’UMP explique que vous ne pourriez pas le faire. Alors, monsieur Mariton, quand on veut parler des impôts, ici à l’Assemblée, il faut avoir le courage de dire là où on va baisser la dépense publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Gorges. Il le sait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Où allez-vous la baisser ? Dans l’école, alors qu’on nous demande davantage de postes d’enseignants ? (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Dans la police, alors qu’on a besoin de sécurité ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! N’en rajoutez pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans la gendarmerie, alors que, dans nos territoires ruraux, on nous demande davantage de moyens ? (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si vous voulez un débat sur ces questions-là, monsieur Mariton, il faut être capable d’être précis, d’être concret, ce que sont la majorité et le Gouvernement. En 2014, nous avons diminué la fiscalité sur les ménages, en particulier pour ceux dont les revenus sont les plus modestes.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et nous allons encore baisser – cela vient d’être fait, et vous le savez parfaitement – la fiscalité pour les ménages les plus modestes de 3 milliards. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comme je l’ai dit il y a un instant, cela va concerner 9 millions de nos concitoyens. Alors, oui, sur ce débat sur la dépense de l’État et la baisse des impôts, je vous attends,…

M. Hervé Mariton. Chiche !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …parce que, de votre côté, il y a la démagogie, et du nôtre, il y a les actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Violences contre les enfants

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Demain, ce sera la journée internationale des droits de l’enfant. Une journée dans l’année, c’est trop peu pour aborder un sujet tellement grave.

Nous parlons beaucoup de violence dans notre société, mais nous parlons trop rarement de cette violence cachée dans les familles, dans les maisons, dans les appartements où les enfants souffrent de coups, de maltraitance psychologique et morale.

Le sujet est grave. En France, chaque jour, deux enfants meurent de maltraitance. Nous n’avons malheureusement pas obtenu l’an dernier que la lutte contre la maltraitance des enfants devienne une grande cause nationale. Les failles de la protection de l’enfance sont pourtant bien identifiées, et méritent que le problème soit pris à bras-le-corps. Ainsi, le Défenseur des droits émet douze préconisations pour sauver tous ces enfants de cet enfer quotidien. On sait qu’il existe un manque de coordination patent entre les différents acteurs, souvent mal formés, et que les dispositions législatives actuelles ne sont que partiellement mises en œuvre. Ce sont là des constats que nous avions déjà faits lors du vote de la loi de 2007, mais les associations qui œuvrent dans le secteur continuent de déplorer ces insuffisances.

Le choix de la justice en France, au motif qu’il vise à préserver le lien familial, replace parfois, malheureusement, les enfants dans des familles qui poursuivent leur maltraitance.

Même si nous connaissons l’existence d’une proposition de loi à venir, qui répond à certaines questions, comment pouvons-nous lutter contre cette culture du silence, améliorer le traitement judiciaire, aider les professionnels qui approchent cette violence et qui doivent la dépister, la nommer, la signaler ? Comment briser cette omerta qui place notre société en état de non-assistance à personne en danger ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, vous avez raison de dire qu’il s’agit là d’un sujet grave, et que nous devons unir nos forces pour faire en sorte que ce qui se passe parfois dans le silence des familles – dans le silence des institutions aussi – soit révélé au grand jour.

Un des acquis de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont Laurence Rossignol est allée signer à New York le troisième protocole facultatif, est la possibilité enfin donnée aux enfants de porter plainte lorsqu’ils ont le sentiment qu’il est porté atteinte à leurs droits fondamentaux. C’est une avancée importante.

Au-delà, nous devons prêter une attention particulière dans notre pays aux 275 000 enfants qui sont accueillis par l’aide sociale à l’enfance. Nous savons que les différences de traitement sont fortes à l’échelle du territoire. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé un travail avec Laurence Rossignol pour poursuivre et amplifier ce qui a déjà été fait avec les conseils généraux.

Nous voulons travailler dans trois directions. D’abord, permettre de mieux repérer les situations où les enfants sont en danger – nous savons qu’il y a des départements dans lesquels cela fonctionne bien, et d’autres où cela fonctionne moins bien. Ensuite, nous entendons mieux garantir aux enfants la stabilité de leur vie et de leur parcours. Enfin, nous voulons leur apporter un soutien vis-à-vis des institutions extérieures.

Ce travail trouvera un premier aboutissement à travers la proposition de loi de Mmes Dini et Meunier que vous avez évoquée. C’est une première étape qui en appelle d’autres, et nous nous retrouverons pour y oeuvrer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Sébastien Denaja. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, dont les députés du groupe SRC saluent les excellents résultats, annoncés ce matin, en matière de baisse de la délinquance, qui traduisent une vraie réussite de l’action gouvernementale en matière de sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, le projet de loi définissant la nouvelle carte des régions de France est aujourd’hui même en débat dans notre assemblée. C’est la première fois depuis la Révolution française qu’un tel dessein est confié au Parlement. Il faut saluer le choix de la méthode employée, qui n’est autre que celle de la démocratie parlementaire.

Notre majorité est attachée à ce texte, qui va permettre la création de grandes régions et offrir plus de cohérence et d’efficacité dans ce qui constitue le cœur de l’action régionale : le développement économique, les investissements d’avenir, la formation professionnelle et la transition écologique.

Notre majorité propose une carte à treize régions, équilibrée, cohérente, qui va permettre à nos territoires de peser plus fortement à l’avenir. Les Français, au nord comme au sud, à l’ouest comme à l’est, s’emparent déjà de cette carte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Pour la déchirer !

M. Sébastien Denaja. Ce texte va également permettre d’amplifier le mouvement de modernisation de l’administration territoriale de l’État, tout en redonnant confiance à ses agents.

M. Yves Censi. Personne n’y croit !

M. Sébastien Denaja. Monsieur le ministre, depuis deux siècles, l’histoire de la République s’est construite à travers la recherche constante d’un équilibre entre l’unité de la nation, d’une part, et l’épanouissement de la démocratie et des aspirations locales, d’autre part.

La décentralisation engagée sous la présidence de François Mitterrand va prendre une nouvelle dimension avec la réforme territoriale engagée par le Président Hollande, qui s’apparentera à un véritable acte III de la décentralisation. C’est ce que vont permettre la nouvelle carte des régions et la future loi sur les compétences et responsabilités locales, la loi NOTRE.

Monsieur le ministre, pouvez-vous à nouveau préciser les intentions du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Sébastien Denaja, le Gouvernement a une triple ambition à travers la réforme territoriale, qui est en débat depuis maintenant plusieurs semaines devant le Parlement.

La première ambition est celle de la modernisation de nos territoires. C’est parce que nous voulons des collectivités territoriales puissantes, qui puissent investir dans la transition énergétique, la transition numérique et les transports de demain, qui puissent accompagner les filières industrielles d’excellence et les pôles de compétitivité, qu’il a été décidé, à travers la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – la loi MAPTAM – portée par la ministre Marylise Lebranchu, de donner à notre pays de grandes métropoles et de les inscrire dans l’action de grandes régions, qui ont appris à coopérer pour le développement économique. En témoigne le dynamisme des laboratoires de recherche, des pôles de compétitivité et des grands projets d’investissement qui feront la croissance de demain. La modernisation des territoires et la croissance, tel est le premier objectif de la réforme territoriale que nous engageons.

Nous voulons également faire des économies, qui ne pourront être réalisées à structure inchangée des collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle nous escomptons que la fusion des régions produira des économies, qui seront rendues possibles par une politique d’achat modernisée et par une mutualisation des dépenses de fonctionnement dans le domaine des grandes fonctions support, qu’il s’agisse de la gestion des ressources humaines ou de la gestion financière des collectivités locales.

Enfin, le troisième objectif que nous poursuivons est d’introduire davantage de proximité. C’est la raison pour laquelle nous inscrivons cette grande réforme des collectivités territoriales dans le cadre ambitieux de la réforme de l’administration territoriale de l’État, que nous mettons en œuvre avec Thierry Mandon, et qui doit permettre, à travers la refonte de la carte des implantations de l’État, l’émergence des maisons de l’État, l’établissement d’une charte de la déconcentration et une revue des missions de l’État, d’instituer plus de proximité et d’efficacité pour nos services publics dans les territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Céleste Lett. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Au printemps 2012, François Hollande, alors en campagne, évoquait sans complexe sa volonté de rassembler tous les Français.

M. Alain Chrétien. C’est raté !

M. Céleste Lett. Or, depuis maintenant deux ans et demi, vous et votre majorité contribuez pleinement à diviser les Français à tour de bras, avec la mise en œuvre de réformes contre-productives, antisociales et antifamiliales. À mi-mandat, c’est un échec cuisant.

Monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous proposé, jusqu’ici, aux Français ?

Tout d’abord, la dénaturation de notre territoire : le big bang territorial que vous provoquez sous couvert de modernisme et d’économies entraîne révoltes, divisions et fractures dans notre pays. Le redécoupage des régions et des cantons à la tronçonneuse rose, les annonces maladroites et les revirements sur la suppression des départements relèvent plus du tripatouillage politicien que de la logique territoriale.

Ensuite, le délitement de notre société et des valeurs fondamentales qu’elle incarnait et protégeait jusqu’à votre arrivée au pouvoir : il est regrettable d’assister aujourd’hui à la mise à sac organisée de notre modèle social et familial. Plus personne n’est épargné par votre politique : les étudiants, avec la tentative de suppression de la bourse au mérite, les familles, avec la loi Taubira et ses conséquences – notamment la GPA et la PMA, ce à quoi s’ajoute, enfin, l’irruption de la théorie du genre dans les écoles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Lamentable !

M. Henri Jibrayel. C’est une honte !

M. Céleste Lett. Comme si cela ne suffisait pas, vous faites les fonds des poches des familles modestes et des classes moyennes, en baissant une nouvelle fois le quotient familial, en réduisant le congé parental, en fiscalisant les majorations familiales de retraites, en multipliant vos attaques contre la prestation d’accueil du jeune enfant et, dernièrement, en modulant les allocations familiales en fonction des revenus de chacun.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand arrêterez-vous ces réformes funestes et néfastes pour vous attaquer enfin aux vrais problèmes que connaissent les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, franchement, je ne sais pas dans quel pays vous habitez ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. En Hollande !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les familles françaises ne sont pas, contrairement à ce que vous indiquez, confrontées, aujourd’hui, au démantèlement des politiques sociales et familiales.

Dois-je vous rappeler, tout d’abord, que ce gouvernement consent un effort financier chaque année plus important en direction des familles ? Lorsque vous avez quitté les responsabilités, 56 milliards étaient consacrés, au sein du budget de la Sécurité sociale, à la politique familiale : ce seront 60 milliards l’année prochaine et, pourtant, vous critiquez la politique familiale de ce gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Nous avons la volonté de concentrer les moyens en direction des familles modestes et de celles appartenant aux classes moyennes. (Exclamations sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. Non !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous faisons l’effort de débloquer des places pour l’accueil des enfants qui n’ont pas trois ans.

Puis-je vous rappeler, monsieur le député, que nous mettons en place un plan ambitieux, comme il n’y en a jamais eu, destiné à créer des places de crèches, à accueillir les enfants à l’école à partir de deux ans et à accroître le nombre d’assistantes maternelles ?

M. Sylvain Berrios. Vous êtes incapables de financer les crèches !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais, monsieur le député, la politique familiale, ce ne sont pas simplement des allocations et des places de crèches qui permettent la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. La politique familiale, c’est aussi l’accompagnement des enfants et des familles dans tous les domaines de la vie, avec, bientôt, la possibilité pour les parents d’avoir un médecin traitant pour leurs enfants (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Ce sera une des avancées du projet de loi de santé, grâce à la mise en place, par l’éducation nationale, avec Najat Vallaud-Belkacem, d’un parcours éducatif de l’enfant.

Monsieur le député, toutes les caricatures de la terre ne feront pas oublier que ce gouvernement soutient les familles, accompagne les familles et travaille pour les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Allain et Mme Jeanine Dubié. Très bien !

Situation des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, ils sont cinq millions et demi. Ce sont eux qui accueillent les patients dans les hôpitaux publics et, faute d’effectifs, ils ne comptent pas leurs heures. Ce sont eux, les maillons de la chaîne éducative et judiciaire. Ce sont eux qui animent les services des collectivités territoriales, et les besoins s’accroissent au rythme des exigences sociales.

Eux, ce sont les fonctionnaires. Ils n’ont pas de comptes en Suisse. Ils ne touchent pas de retraites chapeaux. Ils ne fraudent pas le fisc. Et pourtant, voilà des années qu’ils sont livrés à la vindicte populaire, eux, les « privilégiés », les « nantis ». Ils seraient trop nombreux, trop payés, trop protégés.

La réalité est bien différente. Entre 2008 et 2012, ils ont vécu le plus grand plan social jamais conçu : 150 000 emplois supprimés, et 30 000 suppressions de postes dans la seule direction générale des finances publiques, soit 21 % des effectifs,…

M. Franck Gilard. À L’Humanité aussi !

M. Patrice Carvalho. … le tout au nom de la révision générale des politiques publiques – la RGPP – de l’ère sarkozyenne. Depuis 2010, leur point d’indice est gelé et leur pouvoir d’achat a reculé de plus de 5 %. Un fonctionnaire sur cinq perçoit le SMIC et 50 % des agents territoriaux touchent moins de 1 635 euros. La précarité et les bas salaires se sont installés. Les fonctionnaires avaient pourtant beaucoup espéré de la gauche.

Dans le budget pour 2015, cependant, ils constatent de nouvelles coupes claires : baisse globale de 21 milliards d’euros et baisse de 3,7 milliards pour les collectivités locales. En bref, le mouvement continue et, même, s’amplifie ! Cela signifie la dégradation des conditions de vie et de travail et la mise à mal des services publics pour les usagers.

M. Philippe Le Ray. Vive la gauche !

M. Patrice Carvalho. Pourquoi, madame la ministre, poursuivre dans cette impasse de l’austérité qui est non pas le remède, mais le mal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. La France n’a pas besoin de boucs émissaires. Pour se redresser, elle a besoin de ses fonctionnaires. Songez à toutes les questions auxquelles le Gouvernement a répondu depuis le début de cette séance : à chaque fois, elles comportaient une demande d’action publique – en faveur des enfants, de l’école, des personnes âgées, de la santé ou encore de la sécurité. Nous avons besoin de nos fonctionnaires.

Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres, parce qu’il circule sur certaines chaînes de radio et de télévision des affirmations totalement aberrantes. On nous dit qu’il faudrait imiter le modèle suédois. En Suède, il y a 140 équivalents temps plein d’emplois publics payés pour 1 000 habitants ; en France, ce nombre est inférieur à quatre-vingts. Le Royaume-Uni en a à peu près autant et le Canada autour d’une centaine. Nous ne sommes pas en tête et, comme l’a rappelé le Premier ministre avec Mme Pinel et M. Le Foll lors des assises de la ruralité, nous éprouvons parfois de grandes difficultés à répondre au sentiment d’abandon que peut susciter la fermeture de services publics.

Nous y avons fait face, quoique de manière insuffisante à votre sens. Tout d’abord, nous avons mis un terme à la suppression de 20 000 à 30 000 emplois par an, car il fallait accorder la priorité à l’éducation nationale, à la police, à la gendarmerie ou encore à la justice et à l’emploi. Il est vrai que nous connaissons encore des difficultés concernant les services de contrôle, par exemple. Cependant, nous avons pris l’engagement de conduire un dialogue social constructif avec nos fonctionnaires. Le Premier ministre a d’ailleurs tenu à ouvrir en personne le Conseil national des services publics, parce que c’est en concertation avec les organisations syndicales que nous devons réarmer la fonction publique.

Enfin, le Gouvernement vous présentera une loi – avant l’été prochain, je l’espère – pour rappeler le rôle des fonctionnaires et réaffirmer notre modèle républicain, lequel se fonde sur les valeurs d’impartialité, de loyauté et de laïcité. C’est le service public qui fait la cohésion du pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Choc de simplification

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République annonçait en mars 2013 un « choc de simplification ». La simplification est aujourd’hui l’un des rares moyens dont nous disposons pour renforcer notre économie, dans un contexte où les marges de manœuvre budgétaires sont réduites.

Selon le World Economic Forum, la France se classe au 121ème rang sur 144 pays concernant la lourdeur des réglementations qui encadrent – notamment – nos entreprises. En 2008, la direction générale de la modernisation de l’État avait estimé le coût de cet « impôt papier » à plus de 60 milliards d’euros.

Grâce au Conseil de la simplification, vous avez, il est vrai, agi utilement sur le stock de mesures existantes. Dans le même temps, toutefois, vous n’avez cessé d’alimenter le pays d’un flux de dispositions complexes destinées en particulier à nos entreprises.

Vous constatez aujourd’hui les incongruités du dispositif d’information en cas de cession prévu par la loi relative à l’économie sociale et solidaire, ou encore les problèmes liés à la mise en place du compte pénibilité. C’est malheureusement un peu tard !

Pendant ce temps, nos chefs d’entreprise voient arriver de nouvelles charges et obligations. Dans quinze jours, ils seront même dans la rue.

De nombreuses mesures de simplification reçoivent une application diamétralement opposée à l’intention qui les justifie. Je veux notamment vous interpeller sur le principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord au bout de deux mois. On découvre que cette mesure, annoncée en grande pompe, est littéralement détricotée par quarante-deux décrets et plus de onze cents exceptions – un record ! – qui créent d’innombrables délais différents, voire conservent le refus comme règle. Il en résulte que, dans les faits, ce qui devait être une règle constituera l’exception.

Quelle est, dès lors, la crédibilité de la simplification ? Simplifier, c’est bien, mais le faire sans réfléchir aux flux n’est qu’un trompe-l’œil. Comment comptez-vous enfin, monsieur le Premier ministre, stopper le flux de mesures de complexification que vous faites voter jour après jour par votre majorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. Votre question, monsieur le député, m’amène à vous confirmer les deux prochaines étapes de la politique systématique de simplification que nous avons mise en œuvre depuis maintenant dix-huit mois. Je rappelle qu’elle s’inspire de politiques appliquées à l’étranger – en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Danemark – depuis une dizaine d’années, et que nous sommes en quelque sorte en session de rattrapage. Nous mettons donc les bouchées doubles.

Je ferai, à vos deux questions, une réponse en deux temps. Tout d’abord, vous soulignez le caractère novateur de la procédure selon laquelle « silence vaut accord ». Pour 1 200 démarches qu’ils effectuent auprès de l’administration, les citoyens et les entreprises pourront, en l’absence de réponse, considérer qu’ils ont obtenu un accord. Cette mesure concerne 1 200 des 1 800 démarches administratives possibles – nous avons dû en exclure certaines pour des motifs d’ordre constitutionnel. C’est un changement très profond qui vise à inciter l’administration à répondre systématiquement aux pétitionnaires.

Quant à la gestion des flux, je vous confirme qu’à partir du 1er janvier 2015, c’est-à-dire dans quelques semaines, une contre-expertise indépendante sera réalisée concernant l’étude d’impact de tout nouveau projet de loi et de tout nouveau décret par un groupe d’entreprises, à l’image de ce qui se fait déjà en Allemagne, au Danemark ou encore en Suède. Cela permettra de cesser de légiférer à l’aveugle comme nous le faisons depuis vingt ans, tout en vérifiant précisément la charge que crée toute nouvelle réglementation sur la vie des entreprises, afin de la compenser à due concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Opération Chammal

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-René Marsac. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense. Le 19 septembre dernier, la France effectuait ses premières frappes aériennes en Irak, et déclenchait l’opération Chammal contre Da’ech. Vendredi dernier, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a salué les progrès remarquables des forces de sécurité intérieures irakiennes, qui ont repris la ville de Baïji, à 200 kilomètres au nord de Bagdad.

Ces succès n’auraient pas été possibles sans la mobilisation de la France et de ses forces armées, qui agissent au sein de la coalition internationale pour permettre aux autorités irakiennes de rétablir leur souveraineté sur leur territoire. Ces succès valident également la stratégie du nouveau gouvernement irakien, qui a décidé de s’appuyer sur l’engagement des Kurdes et des membres de tribus sunnites pour combattre les terroristes de Da’ech.

Sans aucun doute, ce combat sera long. Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement dans la poursuite des opérations contre Da’ech ? Les moyens français devront-ils être amplifiés, et sous quelle forme ?

Cette mobilisation contre les actes barbares doit également prendre une dimension européenne. L’Union européenne s’est dite lundi déterminé à lutter contre le groupe dit « État islamique » : quelles sont les actions mises en œuvre avec nos partenaires européens ?

Enfin, si l’épicentre de la lutte contre le terrorisme se situe actuellement au Moyen-Orient, elle nécessite également une mobilisation sur d’autres terrains, comme le Sahel. Pouvez-vous préciser l’état du dispositif français dans cette zone ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je répondrai essentiellement aux questions que vous avez posées à propos de Da’ech, le prétendu « État islamique », groupe que j’appelle pour ma part « l’armée terroriste ». Tout d’abord, la pression de Da’ech sur les provinces irakiennes et leurs habitants reste forte. Des attaques récentes ont été menées contre les peshmergas dans le Sinjar. Des actions très dangereuses et très violentes ont aussi eu lieu dans la région d’Al-Anbar, autour de Bagdad.

Cela étant, comme vous l’avez rappelé, les forces irakiennes ont repris récemment la raffinerie de Baïji. Parallèlement, les peshmergas s’organisent pour reprendre des territoires. C’est particulièrement le cas dans la région de Sinjar et autour du barrage de Mossoul. Ces succès n’ont été rendus possibles que grâce au soutien aérien de la coalition. Depuis le début, la France joue dans cette coalition un rôle primordial. C’est ainsi que vendredi dernier, le 14 novembre, nous avons procédé avec succès à trois frappes contre des positions situées autour de Kirkouk. Cette nuit même, la chasse française a mené un raid de grande ampleur, dont les résultats ont été très positifs, autour des mêmes positions proches de Kirkouk.

Les forces aériennes françaises vont être renforcées. Neuf avions Rafale étaient jusque-là déployés, à partir de la base aérienne d’Al-Dhafrah, aux Émirats Arabes Unis. Ils seront renforcés par six avions Mirage, qui seront placés en Jordanie, pour compléter notre action. Je vous rappelle, par ailleurs, qu’une frégate anti-aérienne est présente sur zone, et que nous formons les peshmergas et les forces irakiennes au maniement des armes que nous leur livrons.

La France assume, monsieur le député, ses responsabilités internationales, et défend sa sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Retraites chapeaux

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre de l’économie, vous nous avez annoncé hier vouloir supprimer les retraites chapeaux. Vous avez raison. 350 000 euros pour Didier Lombard, 740 000 euros pour Henri Proglio, 830 000 euros pour Gérard Mestrallet : les montants de ces retraites sur-complémentaires atteignent des sommets déraisonnables. Ils ne reposent sur aucune rationalité économique et sociale, alors que le montant moyen des retraites est d’environ 1 250 euros par mois – c’est une moyenne : cela signifie qu’il existe des pensions nettement inférieures à ce montant.

Les députes du groupe RRDP ont toujours été attentifs aux petites retraites. Nous portons le combat d’une retraite décente pour tous, tout comme nous sommes aux côtés des entrepreneurs qui se battent pour préserver l’emploi. À l’heure où les difficultés s’accumulent pour des millions de nos concitoyens, les retraites chapeaux sont autant de provocations. Elles sont moralement et socialement inacceptables.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas le premier à vous engager dans la voie d’une réforme de ces retraites, et je crains que vous ne soyez pas le dernier. Vous avez raison de dire qu’il faut cultiver l’éthique des dirigeants. Mais les multiples exemples récents nous prouvent que l’autorégulation ne suffit pas : il faut un encadrement strict.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la création d’une mission de l’inspection générale des finances. C’est bien. Mais pourquoi ne pas ouvrir cette mission à l’inspection générale des affaires sociales, et à des députés issus de chacun des groupes parlementaires ? Pouvez-vous nous donner quelques explications sur votre feuille de route, votre méthode, et les délais ?

Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, écrivait dans la fable Le berger et le roi : « Il avait du bon sens ; le reste vient ensuite ». Monsieur le ministre, vous avez fait preuve de bon sens ; ce qui nous intéresse maintenant, c’est la suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous avez raison de dire que les chiffres des retraites chapeaux que vous avez rappelés sont incompréhensibles pour les Françaises et les Français qui touchent des petites retraites. Il me faut néanmoins dire la vérité : traiter le problème des retraites chapeaux n’apportera rien aux petits retraités français. Cela n’en est pas moins une nécessité politique et morale.

Vous m’interrogez sur la méthode que j’entends employer. L’inspection générale des affaires sociales sera bien évidemment associée à la mission de l’inspection générale des finances : ces deux corps d’inspection travailleront ensemble. Ils auditionneront tous les députés qui veulent participer à leur travail et leur apporter des idées. Surtout, je veux que ces propositions puissent déboucher rapidement sur des mesures, afin que nous puissions les intégrer, par voie d’amendement, au projet de loi pour l’activité et la croissance que je défendrai au Parlement au début de l’année prochaine. Nous devons prendre des mesures concrètes et pratiques, car ce n’est pas de symboles que nous avons besoin.

Sur le fond, monsieur le député, beaucoup de choses ont été dites sur ce que l’on appelle les retraites chapeaux. J’ai fait hier, dans cet hémicycle, une distinction importante. Plus d’un million de Français ont des retraites supplémentaires. Ces retraites supplémentaires sont tout simplement des retraites pour lesquelles ils ont contribué au-delà de la normale. Les Français concernés perçoivent, pour la plupart, de petites retraites : il ne s’agit pas de les pénaliser davantage !

Or jusqu’ici, à chaque fois que le problème des retraites chapeaux a été abordé, le traitement proposé consistait à fiscaliser davantage les gros comme les petits. La mesure que nous devons prendre, au contraire, doit concerner les mandataires sociaux et les grands cadres dirigeants d’entreprises, qui, sans contribuer, demandent à leur entreprise d’abonder des montants importants pour bénéficier, à vie, d’une retraite chapeau.

Voici le message que nous voulons faire passer – et qui inspirera les mesures que nous prendrons : il faut récompenser le risque, mais traquer la rente partout où elle existe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Approvisionnement énergétique de la Corse

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Marcangeli. Ma question, qui s’adressait initialement à Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, concerne l’avenir énergétique de la Corse. J’y associe mes collègues Sauveur Gandolfi-Scheit et Camille de Rocca Serra.

La situation énergétique de notre région est inquiétante. Les centrales thermiques de Lucciana et d’Ajaccio sont indispensables à la sécurité de l’approvisionnement en électricité de la Corse. Afin de garantir la sécurité du système électrique en Corse, l’État s’est engagé à remplacer les deux centrales électriques vieillissantes qui datent des années 1970. Si le renouvellement de la centrale de Haute-Corse est en voie d’achèvement, le devenir de celle d’Ajaccio suscite les plus grandes craintes, puisque rien ne permet, aujourd’hui, d’engager ce chantier déjà en retard de plusieurs années.

Vos prédécesseurs n’ont pas été avares de déclarations et de courriers contradictoires relatifs à l’alimentation de l’île en gaz naturel, dont ils ont fait un préalable au chantier de renouvellement de l’équipement d’Ajaccio. Force est pourtant de constater qu’aucun n’a été capable d’entendre la Corse ni de prendre les décisions permettant de concrétiser le projet.

Pouvez-vous rendre possible un nouveau niveau de différenciation et de développement durable pour la Corse ? Après avoir atteint l’objectif d’un tiers d’approvisionnement à base d’énergies renouvelables, vous pouvez engager définitivement la Corse sur la voie de l’abandon du fioul.

Allez-vous confirmer rapidement le lancement d’un chantier de construction d’un nouvel équipement industriel en région Ajaccienne permettant de sécuriser l’approvisionnement électrique de l’île et en préciser le lieu ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir que ce nouvel équipement fonctionnera au gaz naturel le plus rapidement possible et au fioul léger en phase transitoire ?

Plus largement, quelles décisions allez-vous prendre pour clarifier le rôle des opérateurs industriels dans le schéma d’approvisionnement en gaz naturel de l’île et les inciter à mobiliser leurs compétences et leurs ressources dans un projet qui permettra de réduire de plus de 30 % les émissions de gaz à effet de serre des unités de production électrique de notre île ?

Quelles garanties pouvez-vous nous apporter quant à l’acceptation par la commission de régulation de l’énergie de la prise en compte de tous les coûts et surcoûts liés à ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je vous remercie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Ségolène Royal.

La Corse, comme toutes les zones non interconnectées, représente un défi particulier pour la transition énergétique. C’est un défi économique, technologique et écologique.

Pour renforcer la sécurité de l’approvisionnement, la ministre de l’écologie et de l’énergie souhaite développer le projet d’île à énergie positive, lequel vise à réduire autant que possible les besoins en énergie et à les couvrir par des énergies renouvelables. C’est tout l’intérêt de la mise en service du barrage de Rizzanese en 2013, dont la capacité de 55 mégawatts peut couvrir en période de pointe les besoins d’une agglomération de 60 000 habitants.

Par ailleurs, plusieurs décisions ont été prises pour faciliter l’approvisionnement de l’île. Le Gouvernement s’est engagé à alimenter la Corse en gaz naturel pour approvisionner les centrales thermiques rénovées. L’option retenue combine la création d’une barge de gaz naturel liquéfié au large de Bastia et d’une canalisation reliant Bastia à Ajaccio.

En attendant l’arrivée du gaz, le Gouvernement est favorable à ce que la future centrale du Vazzio fonctionne au fioul léger, comme celle de Lucciana, récemment mise en service. La solidarité nationale y contribue. La commission de régulation de l’énergie a validé la compensation de 20 millions d’euros par an des surcoûts liés à l’utilisation du fioul léger pour la nouvelle centrale de Lucciana. La création d’un réseau de distribution publique n’est pas une condition de l’arrivée du gaz naturel.

En dehors des agglomérations de Bastia et d’Ajaccio, la faible densité d’habitation n’est pas adaptée à ce type d’aménagements.

Par ailleurs, le Gouvernement réaffirme l’importance des investissements de sécurité à réaliser sur les réseaux actuels de distribution et les stockages définis au travers des plans de prévention des risques technologiques. Le groupe GDF-Suez a confirmé son engagement sur ce dossier et l’État apportera des financements dans le cadre des conventions tripartites État-GDF-collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Fonds structurels européens

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Daniel. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État aux affaires européennes.

La réorientation de l’Europe est au cœur de l’action de notre majorité. Elle revêt plusieurs dimensions : la régulation financière, avec la mise en place de l’union bancaire et d’une coopération renforcée pour taxer les flux financiers ; la relance de l’investissement et de la croissance grâce au plan de relance obtenu par la France ; la lutte contre la fraude fiscale et les abus ; la mise en œuvre d’une politique, en particulier monétaire, qui place la croissance et l’emploi au cœur du fonctionnement des institutions.

Cette réorientation indispensable, nous la conduisons. Elle redonne du souffle à une construction européenne perçue comme trop lointaine. Pourtant, l’Europe sait aussi être concrète et proche des citoyens, comme peut en témoigner la politique des fonds européens. Pour la période 2014-2020, la France dispose ainsi d’une manne considérable de 26,7 milliards d’euros, dont la répartition a été examinée la semaine passée à Montpellier.

Notre pays bénéficiera ainsi de 9,8 milliards d’euros pour la transition énergétique, 7,7 milliards d’euros pour l’emploi, la formation et la lutte contre l’exclusion et 7,7 milliards d’euros pour les PME, l’innovation et le numérique.

Monsieur le secrétaire d’État, méconnus du grand public, les fonds européens sont très utiles pour notre pays, ses habitants et ses territoires. Justement, pour la première fois, ces fonds seront, pour l’essentiel, directement gérés par les régions. Cinq d’entre elles ont déjà validé leur programme européen qui s’adaptera à la nouvelle donne issue de la réforme territoriale. Cette Europe concrète, c’est celle que nous aimons. Quels sont les objectifs de la France pour la période 2014-2020 en la matière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, en effet, la France a signé, en août dernier, son accord de partenariat avec la Commission européenne, qui lui permettra de bénéficier de 26,7 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Ces fonds seront directement gérés par les régions, comme l’a souhaité le Président de la République.

Chaque régions est donc en train d’établir et de signer avec la Commission européenne son programme opérationnel, en fonction de ses spécificités, de ses atouts et de ses priorités de développement. À ce jour, la France est d’ailleurs, de tous les États membres, celui qui a signé le plus de programmes opérationnels au titre de l’utilisation du Fonds européen de développement économique et régional, le FEDER – Mme Corina Cretu, commissaire européenne en charge de la politique régionale, me l’a confirmé ce matin.

Vous venez de le rappeler : cinq régions ont validé le programme, mais deux programmes interrégionaux ont également été signés. Nous demandons évidemment à la Commission de faire en sorte que toutes les régions puissent, le plus rapidement possible, bénéficier de cet engagement.

Très concrètement, la France a fixé avec les régions trois grandes priorités, à commencer par l’économie à faible intensité de carbone. Il s’agira d’utiliser les fonds européens pour accompagner la transition énergétique et la gestion rationnelle des ressources. Il conviendra également de soutenir l’innovation et les petites et moyennes entreprises ainsi que l’équipement en haut débit de nos régions. Enfin, il faudra promouvoir l’emploi durable, la mobilité, l’éducation, la formation et l’apprentissage.

En plus de ces fonds structurels, nous pourrons bénéficier d’autres grands programmes de financement européen. Le programme Horizon 2020, d’environ 800 millions d’euros, qui vient en aide à nos universités et à nos laboratoires de recherche, augmentera de 38 %. Un soutien sera également apporté aux grandes infrastructures comme le canal Seine-Nord.

Centre hospitalier du Pays d’Apt

M. le président. La parole est à M. le député Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Je vous remercie, monsieur le président. Ma question s’adresse à Mme le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Depuis vingt ans, les habitants de la ville d’Apt, ville de ma suppléante Dominique Santoni, se battent pour le maintien de leur hôpital et de la maternité. Dans le cadre de son projet régional de santé, l’Agence régionale de santé avait annoncé la fermeture en 2014 de la maternité de cet hôpital, décision à laquelle vous avez accepté de surseoir jusqu’en juin 2015, et je vous en remercie.

Désormais, la population du Pays d’Apt et des environs attend que l’avenir de la maternité soit conforté et ses élus vous ont demandé un rendez-vous pour en parler. En effet, l’inquiétude de la population renvoie à l’incompréhension des professionnels de santé de cet établissement, qui est en équilibre financier. L’hôpital réalise en outre 300 accouchements annuels et ne rencontre aucun problème en termes d’offre de soins, les postes de praticiens étant toujours pourvus.

Sans maternité, vous le savez, madame le ministre, l’hôpital d’Apt sera progressivement vidé de ses services, notamment la chirurgie, si utile lors des affluences touristiques en Luberon. Au-delà de la question économique pour un bassin qui a déjà perdu bon nombre de ses services publics, se pose une question de justice sociale. Apt est le dernier bastion hospitalier d’une zone qui va de la moitié est du Vaucluse à la moitié ouest des Alpes-de-Haute-Provence, et qui jouxte le plateau d’Albion, zone classée rouge en termes de désertification médicale.

L’ARS applique une pure logique de proximité géographique, pointant la proximité de Cavaillon ou d’Avignon, et oubliant qu’une partie de la population desservie par l’hôpital d’Apt vit en zone montagneuse et qu’en hiver, les temps de trajet peuvent doubler ou tripler.

Madame le ministre,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Mme la ministre !

M. Julien Aubert. …vous êtes également le ministre du droit des femmes. Je suis venu vous interpeller en leur nom, car elles ont été nombreuses, lors d’une réunion organisée à la mairie d’Apt sur ce sujet, à nous dire, les larmes aux yeux, combien une poignée de minutes avaient permis de faire la différence entre une vie et la mort.

À la veille de la Journée internationale des droits de l’enfant, je tiens à souligner que les enfants de la France rurale ont eux aussi le droit d’accéder aux services publics. Alors, madame le ministre, tranchez, et dites oui à la maternité d’Apt ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Franck Gilard. Mais dites-moi, chers collègue socialistes, notre collègue Aubert, vous devriez l’interdire de Parlement !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ils sont vraiment ridicules !

Mme Marisol Touraine, ministre. … vous m’interrogez sur la maternité d’Apt, un établissement de santé auquel vous accordez une grande attention, comme d’ailleurs l’Agence régionale de santé et moi-même.

Avant de vous donner quelques éléments sur cette maternité, je veux vous dire, monsieur le député, que dans le cadre des débats que nous avons eus et qui vont se poursuivre sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de nombreuses voix se sont élevées sur vos bancs pour demander la fermeture des petits établissements et la réorganisation de la carte hospitalière au détriment des hôpitaux de proximité.

M. Razzy Hammadi et M. Yann Galut. Eh oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Depuis deux ans, le choix du Gouvernement n’est pas celui-là, et j’ai mis en place des financements spécifiques pour que les établissements de proximité puissent être maintenus. Nous avons permis à des maternités de proximité qui devaient être fermées de rester ouvertes.

Pour ce qui est de la maternité d’Apt, nous sommes confrontés à des enjeux de sécurité.

M. Julien Aubert. Non !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle une mission composée d’experts se penche actuellement sur le sujet, monsieur le député. Le résultat de ce travail sera connu au mois de décembre prochain. À partir de là s’engagera une concertation à laquelle, bien entendu, vous serez associé, monsieur le député. C’est dans l’intérêt général des habitants et des habitantes, de leur santé, avec la volonté que la sécurité soit respectée, que les décisions nécessaires seront prises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Maladies dégénératives

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Madame la ministre, vous avez présenté hier un plan quinquennal de lutte contre les maladies neurodégénératives. Ces maladies – Alzheimer, Parkinson, la sclérose en plaques ou encore la sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot – concernent tous les Français, soit parce qu’ils sont touchés personnellement, soit parce qu’ils ont un proche malade.

Évidemment, ce plan s’articule avec la stratégie nationale de santé et le projet de loi sur la santé que nous examinerons en 2015. Nous devons nous adapter aux nouveaux défis que posent les maladies. Il s’agit d’adapter la société aux enjeux de santé et à la demande d’autonomie des patients.

Pour cela, il y a trois axes à suivre : le développement de la recherche, qui fait tous les ans des progrès ; la détection rapide des maladies, en généralisant les dispositifs de détection et en les mettant en place plus tôt, car nous savons que de cela découlent les traitements les plus adaptés ; enfin, l’accompagnement des malades dans la vie de tous les jours.

Aujourd’hui, de plus en plus de patients souhaitent vivre de manière autonome. Il faut donc organiser la société pour que l’on puisse vivre dans de bonnes conditions en dehors de l’hôpital.

Madame la ministre, en quoi ce plan quinquennal est-il différent des précédents ? Pourquoi avez-vous choisi un plan unique pour traiter les maladies neurodégénératives ? La sclérose amyotrophique fait-elle bien partie des maladies pour lesquelles les mesures que vous avez présentées hier s’appliqueront ? Quel sera le plan de financement ? Je vous remercie, madame la ministre, de répondre à l’ensemble de ces questions, au sujet desquelles les associations s’interrogent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée Bernadette Laclais, vous avez souligné la présentation du plan sur les maladies neurodégénératives. La maladie de Charcot, je veux vous rassurer, fait bien partie de ce plan.

Pourquoi un plan unique ? Parce qu’il y a dans notre pays environ un million de personnes qui souffrent de maladies – la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Charcot, la sclérose en plaques – qui, bien que différentes, ont des éléments en commun et provoquent des troubles similaires chez nos concitoyens. Le Président de la République avait donc souhaité une mobilisation globale, collective, pour aller plus loin, pour amplifier les efforts réalisés dans le cadre du plan Alzheimer.

C’est ainsi qu’avec Geneviève Fioraso et Laurence Rossignol j’ai présenté hier un plan qui a trois grandes orientations.

La première, c’est la volonté de favoriser un diagnostic rapide de ces maladies pour mieux les prendre en charge et, dans l’esprit de ce que sera le projet de loi de santé, de mettre en place un plan coordonné de prise en charge pour éviter aux malades d’être ballottés de service en service.

La deuxième orientation est de favoriser le maintien à domicile de ces malades, ce qui passe par un soutien aux aidants, puisque ces derniers, souvent, s’épuisent et ont besoin d’être accompagnés.

Enfin, la troisième orientation, c’est le développement de plans de recherche en lien avec les soignants, les établissements de santé, mais aussi les associations.

Vous le voyez, madame la députée, il s’agit d’un plan global, cohérent, qui sera financé à hauteur de 470 millions d’euros au cours des années qui viennent et qui doit permettre de mieux répondre aux enjeux posés par ces maladies neurodégénératives pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

2

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (no2331, 2358).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures et vingt-sept minutes pour le groupe SRC, dont cinquante amendements sont en discussion, trois heures et vingt-sept minutes pour le groupe UMP, dont quatre-vingt-cinq amendements sont en discussion, cinquante-quatre minutes pour le groupe UDI, dont vingt et un amendements sont en discussion, quarante-trois minutes pour le groupe écologiste, dont dix-neuf amendements sont en discussion, quarante minutes pour le groupe RRDP, dont dix amendements sont en discussion, trente-deux minutes pour le groupe GDR, dont cinq amendements sont en discussion, et six minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er.

M. Jean-Luc Bleunven. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, la reconfiguration de notre architecture territoriale, modernisée et simplifiée, a pour but de répondre aux défis du XXIe siècle : mondialisation, transition énergétique, mutations économiques liées au développement du numérique.

Les politiques régionales devraient bénéficier des ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs nouvelles missions et ambitions, notamment l’économie, la formation, l’emploi, le tourisme, les transports.

L’élan réformateur dans lequel s’inscrit ce texte est une réponse aux défis de la compétition internationale et territoriale européenne. C’est également un véritable outil d’aménagement des territoires.

Comme mes collègues de Bretagne et des autres régions, je crois qu’il faut laisser respirer nos territoires : même si c’est douloureux pour un pouvoir historiquement centralisé, c’est la clé de notre prospérité future.

La décentralisation est une longue marche, et c’est la gauche qui pose les actes de ces évolutions historiques. Ce projet de loi, s’il ne veut pas être insignifiant, doit consolider cette avancée, et non pas, une fois de plus, rejeter frileusement les aspirations des Français de toutes catégories, qui réclament de pouvoir s’organiser et créer la modernité.

C’est la prise en compte de cette capacité à s’organiser dans un cadre républicain réellement renouvelé que se dessine la nouvelle France « eurocompatible », à fort pouvoir régional et en capacité de valoriser toutes les initiatives nécessaires pour sortir de l’impasse morose et de la croyance au déclin qui prévaut aujourd’hui.

Dans ce cadre, la question du droit d’option est centrale. C’est la prolongation dans les territoires de cette décision nationale que nous prenons en acceptant de bouger les limites régionales. En quelque sorte, c’est un droit à participer aux choix nationaux qui se prolonge dans nos régions.

Pourquoi avoir peur de cette faculté d’autodétermination ? L’idéal républicain et progressiste doit se retrouver dans ce projet. J’encourage donc tant le Gouvernement que les parlementaires que nous sommes à prendre la mesure de l’enjeu de ce texte, qui ne sera un succès pour tous que si les Français y voient un outil de progrès dans leur région. Pour cela ils ont besoin d’avoir prise sur leur destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, les interventions des différents orateurs qui se sont exprimés depuis le début de l’examen de ce projet de réforme nécessaire ont montré que le nord-ouest et le nord-est de la France concentraient les principales difficultés.

La circonscription dont je suis député, frontalière avec la Bretagne, sépare les Pays de la Loire et la Bretagne.

J’ai déjà dit, notamment lors de la première lecture, que je souhaitais construire, non pas les régions d’hier en rattachant la Loire-Atlantique à la Bretagne, bien que j’y sois toujours favorable, mais construire les régions du futur, en regroupant les deux régions Bretagne et Pays de Loire.

Je suis un régionaliste, favorable à une véritable décentralisation, mais je suis attaché au respect des identités et des cultures des hommes et des femmes de ces territoires, véritables bassins de vie, économiques, sociaux et culturels tournés vers l’avenir. C’est pourquoi je souhaite préserver et faire reconnaître les identités et les cultures territoriales.

Cependant, mes chers collègues et amis bretons, c’est en s’ouvrant aux autres, en partageant avec les autres cette identité et cette culture fortes, que non seulement on les préservera, mais qu’on les diffusera et les développera davantage.

Voilà pourquoi je regrette qu’on ait fait le choix du statu quo pour la Bretagne, les Pays de la Loire et le Centre. Je regrette que nous ne construisions pas les régions de l’Europe de demain.

Depuis déjà de nombreuses années, des coopérations lient la Bretagne à la Loire-Atlantique voire à l’ensemble des Pays de la Loire, dans des domaines telles que la formation, la recherche, l’économie, l’agroalimentaire, la culture, le tourisme, etc.

C’est la raison pour laquelle 60 à 70 % des habitants de notre région sont favorables au regroupement de la Loire-Atlantique et de la Bretagne, et même des deux régions Bretagne et Pays de Loire.

Il faut poursuivre le travail par la clarification des compétences, mais il faut surtout se donner les moyens de ne pas en rester au statu quo. La seule solution est un droit d’option simplifié qui permettra de donner du sens et de la cohérence aux régions du futur. Un tel choix conditionnera également mon vote, mes chers collègues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Oui, nous voulons la réforme ; oui, nous voulons de nouvelles régions, mais nous voulons pouvoir choisir et nous voulons que les élus locaux puissent également choisir.

Nous ne voulons pas de votre découpage ni de vos arrangements parce que la nouvelle organisation que vous proposez ne permettra pas un exercice des compétences équitable pour nos concitoyens.

Elle ne permettra pas une réelle organisation publique des services, et c’est là l’essentiel. Une bonne politique régionale s’appuie sur des réalités économiques, culturelles, sociologiques, sur des synergies réelles, non sur des découpages à vue.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Philippe Le Ray. La Bretagne à cinq départements que nous voulons est une réalité, comme est une réalité cette fumeuse soirée de juin dernier, où le Président de la République et son Premier ministre ont fait le choix d’un découpage conforme à vos intérêts. Disons-le franchement : il s’agissait de protéger M. Le Drian en Bretagne et M. Ayrault en Pays de Loire. (Mouvements divers.)

M. Jean-Paul Bacquet. Qui pourrait penser cela ?

M. Philippe Le Ray. Malheureusement vous nous conduisez au pire. Vous organisez un beau gâchis dans le pays en rendant plus compliqué et moins efficace l’ensemble des structures régionales.

Mais il y aura un après car vous êtes en train de semer la révolte dans notre pays. Les peuples bretons, alsaciens réagiront.

Monsieur le ministre, vous dont nous connaissons le sérieux et la rigueur, je vous demande de ne pas négliger ce risque de révolte. Ne laissez pas passer cette occasion unique de reconstruire une Bretagne à cinq.

Je vous adjure de tirer les leçons de l’écotaxe : vous avez fini par reculer.

Un député du groupe SRC. C’est vous qui l’avez mise en place !

M. Philippe Le Ray. Samedi dernier de nombreux collectifs s’étaient mobilisés devant ma permanence, notamment les Bonnets rouges (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) ou l’association « Produit en Bretagne ». Ils vous demandent l’apaisement et la justice : une Bretagne retrouvée, une Bretagne à cinq. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne conteste le fait que notre pays a besoin d’une vraie réforme territoriale, non seulement pour faire évoluer ses structures institutionnelles mais également son économie.

Force est cependant de constater qu’il est pour le moins paradoxal sur le plan constitutionnel et politique de devoir débattre d’une carte, de découpage et de fusion de territoires avant d’examiner leurs compétences.

Je regrette vraiment, monsieur le ministre, le manque d’approche globale qui a prévalu à cette réforme. Quid des compétences, des relations entre les collectivités, de l’évolution des établissements publics de coopération intercommunale ? Finalement, après toutes ces heures de débat, votre projet n’aboutira qu’à un compromis sans ambition, qui ne sera qu’un non-choix aux résultats aléatoires.

Il y a tellement d’hésitations sur la relation entre départements et régions. Chacun se souvient que, dans cet hémicycle, nous avons entendu trois versions de l’évolution des départements. L’accroissement de la taille des régions finira par justifier leur maintien, sans jamais poser la question, pourtant si importante, de la métropolisation, et sans jamais réaliser la moindre économie.

En d’autres termes, nous n’aurons atteint aucun des objectifs fixés.

M. Patrick Hetzel. Très juste, bravo !

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

Mme Catherine Vautrin. Le grand absent de votre texte, monsieur le ministre, c’est le projet de réforme territoriale de l’État, qui n’est abordé que très partiellement, sous le prisme de la localisation des sièges de préfecture ou d’hôtels de région. Tout cela n’est, finalement, qu’un détail par rapport à l’enjeu qui est posé.

En effet, le problème auquel nous serons confrontés demain, c’est celui de l’attractivité des actuelles capitales de région. Certaines d’entre elles engagent leur survie, monsieur le ministre. Vous ne pouvez pas, un jour, radier certaines capitales de la carte militaire pour, le lendemain, les radier de la carte régionale. Que feront ces territoires ? Quid, demain, des rectorats, des universités, des agences régionales de santé, des cours administratives d’appel ? Autant d’éléments sur lesquels nous n’avons pas même le début d’une réponse. Nous ignorons notamment comment s’organisera demain l’ensemble des effectifs : hospitaliers, universitaires, préfectoraux.

Aussi, nous réclamons, bien évidemment, une approche équitable de la répartition des services de l’État, au service des territoires. Surtout, nous regrettons le peu de considération portée à la France des territoires et à ses élus.

Je prendrai un exemple assez simple, monsieur le ministre, celui de la région dont j’ai l’honneur d’être l’élue, la Champagne-Ardenne. Nous sommes ballottés, d’un découpage à un autre, sans aucune concertation, sans aucune discussion.

M. Patrick Hetzel. Très juste ! C’est une variable d’ajustement !

Mme Catherine Vautrin. Avant la première lecture, le texte du Gouvernement proposait que la Champagne-Ardenne rejoigne la Picardie. Après la réunion du groupe PS, elle devait être mariée avec l’Alsace-Lorraine. Après le vote du Sénat, elle était seule avec la Lorraine, l’Alsace restant de son côté. Enfin, à la suite de l’examen par la commission des lois, une autre approche s’impose. Il n’y a donc qu’une constante dans ce qui a été évoqué, celle de tourner systématiquement le dos à la région parisienne, alors que la métropole rémoise, par exemple, n’est qu’à 45 minutes de Paris. Aucun de ces scénarios n’a fait l’objet de la moindre étude d’impact, pourtant tellement demandée, tant en première lecture qu’au Sénat.

M. Patrick Hetzel. C’est regrettable !

Mme Catherine Vautrin. La fusion de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine dispose pourtant de puissants atouts, qui rendraient ce découpage assez naturel : leader de la production de matériel ferroviaire et premier pôle de métallurgie ; un arc nord-est qui constitue la troisième région française en termes de produit intérieur brut agricole et industriel ; un réseau de villes fort, un phénomène métropolitain qui progresse ; avec la seule Champagne-Ardenne, un pôle agro-industriel ; un pôle de chimie verte, de bioéconomie et un ensemble qui produit pas moins de 50 % de l’énergie éolienne française.

Une telle fusion – je vois mon collègue Jacques Krabal qui se manifeste – supposerait l’unification de l’appellation « champagne ». Le champagne, ce n’est rien dans la balance des paiements de notre pays… Chacun connaît pourtant, localement, l’importance de cet élément, tant en termes de commerce extérieur que de tourisme.

M. Thierry Benoit. Les bulles, ça pèse !

Mme Catherine Vautrin. Enfin, cette approche aurait le grand mérite de reprendre la notion de bassin de vie, que votre réforme oublie totalement.

Mais elle occulte également un autre élément, soulevé par Jean-Pierre Balligand et Michel Piron, selon lequel, aujourd’hui, la taille de l’Île-de-France ne correspond pas à son poids économique. Nos débats l’illustrent, le problème est toujours le même : comment envisager la Picardie, la Champagne-Ardenne et la région Centre ? Ce n’est plus tout à fait l’Île-de-France mais pas non plus entièrement la province, au sens de la Bretagne ou de l’Alsace.

M. Philippe Le Ray. Très juste !

Mme Catherine Vautrin. Autant de questions auxquelles nous n’avons aucune réponse à ce jour. Vient enfin le faux débat, celui de la taille critique. Nos amis allemands démontrent tous les jours que ce n’est pas la taille, mais la masse critique qui pose problème. Il nous faut donc définir quelle masse, quelle métropolisation est nécessaire, pour maintenir dans ces territoires emploi, recherche et innovation.

M. Thierry Benoit. Oui… même le président Le Fur acquiesce !

Mme Catherine Vautrin. Voilà ce que nous aurions dû faire ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un député SRC. C’est ce qu’on a fait !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire en préambule combien je regrette la suppression de l’article Ier A, introduit et voté à l’unanimité par le Sénat, car je crois profondément que nos citoyens sont attachés à la commune comme premier échelon de proximité. S’il doit ne rester qu’un échelon, pour moi, c’est bien la commune. Je sais que le sujet divise, mais telle est ma conviction, que je tiens à réaffirmer ici.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Gilles Lurton. L’échelon intercommunal est un outil de développement au service des communes et des entreprises de nos territoires. Il doit être consolidé en ce sens, plutôt que substitué à l’échelon communal.

La principale disposition de cet article Ier divise la France en treize régions. Sous prétexte de simplification administrative, votre Gouvernement a décidé, en catimini, sans consultation des populations et des acteurs locaux, une division purement arbitraire, ne reposant sur aucun fondement, ni économique, ni historique.

Sous prétexte de simplification administrative, votre Gouvernement a décidé de découper la France en treize régions, en reportant à une date ultérieure le débat sur les compétences qui leur seront attribuées, alors que c’est tout le contraire qu’il aurait fallu faire.

Sous prétexte de simplification administrative, votre Gouvernement a décidé de diviser la France en treize régions, sans se préoccuper ni des interactions économiques entre les principales villes de ces régions, ni des interactions avec les territoires ruraux. (« Tout à fait ! » sur les bancs sur groupe UMP.)

Ainsi, avec ce découpage, la Bretagne se retrouvera totalement isolée. Ce sera la seule région à ne pas bénéficier d’une ouverture sur d’autres départements. Cet après-midi, je veux défendre une autre solution, celle d’une Bretagne à cinq départements, d’une Bretagne rattachée à la Loire-Atlantique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Gilles Lurton. C’est tout le sens de son histoire. Séparée de la Bretagne par un simple décret du gouvernement de Vichy, le 30 juin 1941 – cette période est connue –, la Loire-Atlantique doit naturellement, historiquement, se retrouver en Bretagne.

La Loire-Atlantique, c’est la Bretagne des ducs de Bretagne, c’est la Bretagne de la Duchesse Anne.

Un député SRC. De Du Guesclin !

M. Gilles Lurton. Mais outre l’histoire et la culture que nous partageons avec la Loire-Atlantique et qui donnent tout son sens à l’identité bretonne, de nombreuses considérations économiques plaident pour que la Loire-Atlantique retrouve son ancrage en Bretagne.

Sur le plan économique, il existe une véritable logique à adopter le cadre d’une Bretagne à cinq départements. Le grand port breton est à l’évidence Nantes Saint-Nazaire, complété par les ports de Lorient, Brest et Saint-Malo. L’enseignement supérieur de Nantes et de Rennes, associé aux universités de Vannes, Brest et Saint-Brieuc cumule tous les potentiels intellectuels et de recherche scientifique de notre grande région.

Pourquoi, monsieur le ministre, vouloir opposer deux capitales, qui ont tous les atouts pour travailler ensemble ? L’axe stratégique créé entre la communauté urbaine de Nantes et la métropole rennaise doit pouvoir rayonner sur l’ensemble de notre grande région Bretagne. Le réseau des grandes villes de Bretagne, comme Saint-Malo, Saint-Brieuc, Brest, Lorient et Vannes, apporte une complémentarité à cet axe stratégique Rennes/Nantes : il ne faut pas le négliger.

Les Bretons ont toujours été précurseurs dans l’organisation administrative de leur territoire, en recherchant à chaque fois le meilleur échelon administratif, capable de répondre au mieux aux attentes de leurs concitoyens. Plutôt que d’opposer ces deux capitales, pourquoi ne pas inciter à une véritable complémentarité, et la confirmer ?

C’est cela la réussite économique, une réussite qui doit aussi s’appuyer sur la richesse des territoires ruraux qui les entourent, de Brest à Saint-Malo, de Saint-Malo à Nantes, en passant par Rennes. C’est cela, monsieur le ministre, que vous auriez dû comprendre si vous aviez fait preuve d’humilité, si vous aviez accepté de consulter les acteurs locaux plutôt que de vouloir tout décider, unilatéralement, en provoquant le mécontentement de tout le monde, et sans se préoccuper du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un député SRC. « Le droit des peules à disposer d’eux-mêmes » dans la République ? Quels peuples ?

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, à ce moment de nos échanges et sans préjuger de ce qui va suivre – vous avez compris que le Gouvernement souhaite écouter et comprendre les positions de chacun de manière à dégager un chemin –, je voudrais rappeler certains principes auxquels nous croyons.

Premièrement, il n’existe qu’un peuple, c’est le peuple français. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Le Ray. Nous souhaitions juste appeler votre attention !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’en existe aucun autre. Il peut exister des identités, des spécificités, mais nous sommes dans un pays qui a une constitution…

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …qui, depuis de très nombreuses décennies, pour ne pas dire de siècles, est attachée au principe de l’unité et de l’indivisibilité de la Nation. Ce n’est pas aux députés qui siègent sur ces bancs que je vais rappeler la profondeur et le sens de l’héritage que nous a laissé le général de Gaulle, avec les institutions de la Cinquième République.

M. Marc Le Fur. C’est le discours de Quimper !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Elles font de la République, « une et indivisible », une République capable, à chaque article de sa Constitution, d’affirmer ses principes dans le respect des identités et des singularités régionales. A chaque fois que j’entends évoquer dans ces discussions le « peuple alsacien »,…

Mme Sophie Rohfritsch. Le peuple d’Alsace !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …le « peuple breton » ou le « peuple normand », j’ai l’impression que nous tournons le dos à toute l’histoire séculaire de notre pays, dont la construction politique très singulière a conduit l’État à préexister à la Nation, la Nation à s’incarner dans l’État, et l’État et la Nation à se fondre dans l’unité et l’indivisibilité de l’État et de la Nation.

M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Deuxièmement, on peut être très attaché à l’identité de son territoire.

M. Philippe Le Ray. On n’a pas dit le contraire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le suis moi-même pour le territoire que j’ai représenté dans cet hémicycle durant de nombreuses années. Mais l’attachement à ce territoire ne s’oppose en rien à celui que j’éprouve pour l’unité et l’indivisibilité de la Nation, qui prévalent et s’imposent à toute autre considération.

Par ailleurs, je considère qu’il n’y a pas non plus d’antinomie entre l’attachement à son propre territoire et la volonté de donner à celui-ci des atouts, en le mettant dans des ensembles économiques, de développement et de croissance plus vastes.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour la Bretagne, il ne se passe rien avec cette réforme : c’est le statu quo !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne peut pas à la fois dire que l’Alsace, la Bretagne, la Normandie sont suffisamment fortes de leur identité et de leur histoire – tout cela est inscrit dans un mouvement séculaire, dans le temps long de l’histoire, pour reprendre une expression chère à Fernand Braudel – et considérer qu’une réforme institutionnelle qui permettrait à ces régions d’avoir accès à d’autres atouts, ceux du développement économique, …

Mme Isabelle Le Callennec. On n’en donne pas à la Bretagne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …gommerait ces identités. Si ces identités sont à ce point fortes qu’on ne peut pas les effacer, je ne vois pas comment une réforme destinée à donner davantage d’atouts à ces régions en les plaçant dans des espaces économiques plus vastes, à leur donner la possibilité de faire coopérer entre eux des pôles de compétitivité, des laboratoires de recherche, des plates-formes de transfert de technologies, pourrait constituer pour ces territoires un risque de perte d’identité.

Dernièrement, je ne me suis pas exprimé hier soir car j’écoutais, j’essayais d’analyser, de comprendre, mais pourquoi mettre autant de passion, dans un pays qui ne manque pas de tensions, et parfois même de violence, sur des sujets où nous avons tout intérêt à ce que la raison l’emporte ?

Mme Isabelle Le Callennec. Alors, pourquoi ce statu quo pour la Bretagne ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Pourquoi expliquer qu’une réforme destinée à donner de la force aux territoires, sans remettre en cause leur identité, conduirait des hordes de citoyens à s’ériger, parce qu’ils verraient leur identité remise en cause ? Pourtant, le projet du Gouvernement ne contient nulle part le début d’une violence, seulement la volonté de rassembler le pays autour de ses atouts.

Dans la plus grande compréhension des interrogations que vous pouvez formuler, dans le plus grand respect des considérations qui président à vos positions, je forme le vœu que ce débat ne soit pas l’occasion d’ajouter des tensions aux tensions, des passions aux passions : dans un pays qui a sa part de tension et de violence, quiconque est politiquement responsable doit faire en sorte de ne pas en ajouter. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Oui, il faut réformer l’organisation territoriale de l’État et des collectivités territoriales simultanément. Mais commencer par réformer la carte des régions constitue une erreur de méthode, car il fallait d’abord engager une concertation sur la bonne gestion des différents services publics locaux et sur la fixation des critères de découpage des territoires autour de grands pôles métropolitains.

Or, cela n’a pas été le cas. Des affrontements entre collègues, comme il s’en est produit cette nuit, sont la conséquence de cette erreur de méthode.

Mes chers collègues, quelle que soit la carte finale, il nous faudra bien vivre ensemble : un peu de modération s’impose donc.

Permettez-moi, étant le descendant d’une famille républicaine depuis la fin du dix-huitième siècle, de vous dire qu’il n’y a qu’un peuple.

M. Patrick Mennucci. Ah bon !

M. Charles de Courson. Oui, mes chers collègues : il n’y a qu’un peuple français. Et ce n’est pas une question de couleur de peau, ni de religion : c’est notre État qui a fait le peuple français, qu’on soit pour ou qu’on soit contre.

M. Patrick Mennucci. C’est la République !

M. Charles de Courson. Il n’y a pas de peuple alsacien, il n’y a pas de peuple breton, il n’y a pas de peuple champenois : il y a un peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et SRC.)

M. Marc Le Fur. Il y a des identités locales !

M. Charles de Courson. L’exposé des motifs du second texte, mais qui rétroagit sur celui qui est en discussion, prévoyait initialement la disparition des départements en 2021. Où en sommes-nous aujourd’hui, monsieur le ministre ?

M. Guy Geoffroy. Nous aimerions le savoir !

M. Charles de Courson. D’après les déclarations du Premier ministre, le nouveau schéma en matière de départements constituerait une France à trois vitesses.

Petite vitesse pour les petits départements ruraux : on maintient les départements, diminués de leurs compétences transférées aux régions, mais que restera-t-il de ces conseils généraux ? Comment seront-ils financés ? Ne deviendront-ils pas – ce qu’ils sont déjà à plus de 60 % – le bureau d’aide sociale de l’État ? Est-il sensé de maintenir des départements dont 80 à 90 % des dépenses consisteraient à distribuer des prestations définies par l’État et financée en majorité par des dotations de l’État ?

Que serait un tel département ?

Moyenne vitesse pour les départements moyens, comportant des intercommunalités fortes qui se regrouperaient dans un syndicat mixte des intercommunalités auquel seraient transférées les compétences du département non transférées aux régions.

En guise de simplification, monsieur le ministre, cela signifie que chacune des vingt-neuf intercommunalités de mon département désignerait des représentants au comité d’un syndicat mixte qui gérerait les prestations sociales du département.

Enfin, la grande vitesse serait réservée aux départements comportant l’une des onze ou douze grandes métropoles. Celles-ci récupéreront les compétences non transférées des départements : c’est d’ailleurs en cours dans la métropole de Lyon. Mais que vont devenir les périphéries ? Que vont devenir ces bouts de département qui ne sont pas dans la métropole ? Va-t-on les rattacher aux départements périphériques ? Que va-t-on faire ?

Plus généralement, monsieur le ministre, on peut avoir quelques doutes sur la constitutionnalité d’un tel schéma, au regard du principe d’unicité de la République et du peuple français. Il serait intéressant d’avoir quelques commentaires à ce sujet.

Pourquoi le Gouvernement, monsieur le ministre, n’a-t-il pas retenu un schéma bien plus simple et qui tenait en deux propositions ?

La première aurait consisté en la fusion des départements et des régions, ce qui évitait tout débat sur les compétences et achevait l’évolution amorcée par la précédente majorité, qui avait déjà fusionné les conseillers régionaux et les conseillers généraux dans les conseillers territoriaux ? Il suffisait d’aller jusqu’au bout.

Le système retenu était simple. C’était le modèle alsacien, appelons-le ainsi. Ensuite, nous aurions pu envisager la fusion de petites régions.

La seconde proposition aurait été de donner le statut de collectivité territoriale aux EPCI à fiscalité propre et d’intégrer les communes, comme l’ont fait la quasi-totalité des pays européens, dans ces EPCI, sous forme de sections communales, avec sectionnement électoral et maintien d’un maire, ainsi que d’un conseil municipal dont les effectifs auraient pu être réduits : ses compétences auraient été déléguées par l’organe délibérant de l’EPCI devenu collectivité territoriale.

C’était un schéma simple, inspiré d’un modèle très fréquent en Europe, qui aurait entraîné une véritable rationalisation.

Tels sont les deux grands axes de ce qu’aurait pu être une grande réforme territoriale, qui aurait entraîné une rationalisation et de véritables économies, entre les collèges et les lycées par exemple. Elle aurait accéléré la mutualisation. Celle-ci, d’ailleurs, peut-être réalisée dans le système actuel, monsieur le ministre. Certaines collectivités ont commencé à le faire. Mais dans le système que je propose, elle aurait été automatique et générale.

S’agissant de l’article premier sur la carte des régions, la bonne solution était d’élargir la région Île-de-France à tous les départements de la grande couronne parisienne et de redécouper les autres régions autour des grands pôles métropolitains.

Hélas, les élus d’Île-de-France ont refusé une telle évolution et le schéma proposé est le moins mauvais possible, à partir du moment où le Gouvernement a cédé à nos collègues franciliens de toutes tendances.

On a mis la Picardie – après quelques allers-retours – avec le Nord-Pas-de-Calais, on a mis la Champagne-Ardenne avec la Lorraine et l’Alsace, on a mis les deux Normandie ensemble, ce qui est sans doute le cas le moins problématique, car c’est logique.

Pour le reste, on a essayé de regrouper les régions, avec des allers-retours encore. On ne peut pas dire que ce soit très satisfaisant.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je ne m’opposerai pas au texte de la commission, qui ne fait que revenir à ce que nous avions voté en première lecture : je m’abstiendrai. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. La réforme territoriale, sur tous ces bancs nous l’appelons de nos vœux. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’éprouve un sentiment de gâchis.

Les territoires que nous représentons sont victimes de l’enchevêtrement des collectivités et nos concitoyens ne se reconnaissent plus dans celles-ci. Nous avons beaucoup travaillé, avec nos collègues sénateurs centristes, pour faire émerger un projet cohérent qui permette de transcender les clivages. Nous souhaitons avoir la meilleure architecture possible, pour que dans chacun des territoires, on puisse trouver les moyens de favoriser la croissance.

S’il y a un rendez-vous manqué, c’est pour les raisons que vient d’expliquer Charles de Courson, après Thierry Benoit hier soir. Hervé Gaymard a parlé de « sinusoïde » : on sait qu’il y a eu décisions et contre-décisions. Accordez-moi qu’en termes de lisibilité, annoncer un jour que les départements étaient supprimés pour les maintenir ensuite, annoncer treize régions, puis quatorze, quinze le lendemain et revenir à treize, ce n’est pas de bonne facture pour nos concitoyens.

Vous savez bien qu’ils ne comprennent rien aux enchevêtrements de structures. L’homme de la rue, quand on l’interroge, ne sait pas qui fait quoi. Au final, ce qui compte, c’est qu’on fasse quelque chose pour lui. Et la France de 2014 n’est pas celle des années 2000 et encore moins celle des années 1970.

C’est la raison pour laquelle il fallait réussir la réforme territoriale. Elle est attendue, elle est nécessaire. La montée en puissance des intercommunalités, l’émergence des métropoles, tout cela montre que ce mouvement des territoires existe et que nous devons l’accompagner.

Puisque le Gouvernement emploie souvent le mot de « cohérence », je regrette de constater que son chemin était jalonné d’incohérences ces derniers mois. Or, ces incohérences, ce sont des messages contradictoires qu’on envoie à l’opinion. Et derrière ces messages contradictoires, c’est l’absence de confiance qui se profile, ainsi que de grandes interrogations chez les élus en charge de ces collectivités territoriales.

En 2014, nous avons 40 % de nouveaux maires. On leur demande de faire mieux avec moins. Et ils agissent dans un paysage mal établi, dont on sait bien qu’il va être redessiné dans les prochaines années.

Après toutes les contradictions qu’on relève dans les débats, à l’Assemblée nationale et au Sénat, de quoi va accoucher cette réforme ? Je ne suis pas persuadé qu’on aboutisse à un système efficace.

S’agissant des économies, nous sommes tous attentifs à ce qu’il y en ait. Dans vos précédentes fonctions, au budget, monsieur le ministre, vous indiquiez que chacun doit prendre part à l’effort. Nous avons soutenu cette idée. Je ne suis pas là pour vous expliquer que ce sont les collectivités territoriales qui vont faire le plus gros effort dans le cadre du programme de stabilité, mais je ne suis pas persuadé qu’il y aura plus d’élus et je sais que beaucoup d’incertitudes pèseront sur leurs compétences.

J’apprenais hier que les conseils généraux pourraient conserver les routes et les collèges, mais peut-être le démentirez-vous.

Je ne reviens pas sur tout ce qui a été dit sur les conseils généraux, un jour supprimés, le lendemain restaurés et maintenant à trois vitesses. Nous allons même réussir cet exploit d’avoir un département de plus, puisque la métropole lyonnaise, à elle seule, constituera un nouveau département.

M. Bernard Accoyer. Et déjà en guerre avec la région !

M. Philippe Vigier. Les économies ne seront donc pas au rendez-vous. Et ce n’est pas parce qu’on fait une grande région qu’on obtiendra des économies d’échelle, vous le savez très bien. Cela a été dit par Catherine Vautrin tout à l’heure. J’ai regardé ce qui se passe en Allemagne : il y a de petits länder où l’activité économique est considérable et où les coûts de fonctionnement ont été parfaitement maîtrisés.

Le caractère illisible de cette réforme suscite l’incompréhension de nos compatriotes.

Un mot sur les compétences : c’est dans ce domaine qu’est attendue une simplification, une clarification. On sait très bien que, lorsqu’elles sont partagées, la complexité est au rendez-vous. Qui, ici, n’a pas un jour monté un dossier de développement économique, culturel, urbanistique ? Nous connaissons la difficulté à mobiliser les uns et les autres, chacun ayant sa procédure, chacun voulant mettre sa patte. Cela signifie beaucoup de temps perdu, ce qui coûte malheureusement beaucoup d’argent.

Les départements garderont-ils leurs compétences en matière de routes, ou concernant les collèges ? Allons-nous conserver cette gestion bicéphale des collèges et des lycées, alors que nous pourrions l’unifier ?

Sur la clarification des compétences, c’est encore l’incohérence qui a marqué l’action du Gouvernement depuis deux ans. Je rappelle que nous avions supprimé la clause de compétence générale. Elle a été rétablie, pas plus tard qu’en janvier 2014, puis supprimée de nouveau.

C’est d’autant plus grave que l’année 2015 verra se rencontrer l’incertitude sur les compétences et une baisse drastique des financements.

Comment un président de conseil régional peut-il lancer la construction d’un nouveau lycée s’il n’est même pas certain d’avoir encore cette compétence à la fin de l’année ? Comment un président de conseil général peut-il lancer la construction d’un nouveau collège ?

Mon quatrième regret tient à ce tout le monde a dit : sans réforme de l’État, il n’y a pas de réforme des collectivités territoriales. Je regrette cette occasion manquée, quand je vois comment les agences régionales de santé sont montées en puissance : le préfet sanitaire, c’est le deuxième préfet de la région. On le voit au quotidien, pour la construction d’une salle polyvalente ou la réalisation d’un schéma d’interconnexion d’eau potable : l’ARS est là et dit son mot. Quand on veut lutter contre la désertification médicale, il faut avoir le blanc-seing de l’ARS.

M. Jean-Pierre Vigier. J’aurais aimé que l’on profitât de cette réforme pour que l’on procède à une refonte générale de l’action publique car, derrière l’action de l’État et des collectivités territoriales, c’est elle qui est en jeu.

Qu’il s’agisse de la santé ou des aides sociales – de nombreux collègues l’ont dit – il aurait été nécessaire d’accompagner enfin cette réforme des collectivités territoriales d’une véritable réforme de l’État.

En effet, ce dernier ne peut plus tout faire, comme en témoigne la situation des finances publiques, le périmètre de son action n’étant plus de surcroît adapté à certaines missions.

On peut raconter tout ce que l’on voudra mais, en milieu rural, dans certaines banlieues et dans certaines agglomérations, l’État, malheureusement, a disparu en partie.

Je formule donc quatre regrets, monsieur le ministre.

Je suis décentralisateur, attaché à l’unicité de la République mais, aussi, aux particularismes locaux et je sais qu’il n’est pas possible de calquer partout en France un modèle d’organisation. Les acteurs des territoires doivent aussi participer, anticiper les situations à venir, imaginer l’organisation de ces derniers et décider. Je le répète, il n’est pas possible de plaquer partout les mêmes schémas.

Vous le savez, à l’UDI, nous sommes très décentralisateurs et très attachés à la notion d’expérimentation.

C’est ainsi, par exemple – Dominique Bussereau s’en souvient – que trois régions ont d’abord expérimenté le transfert de compétence de la gestion du ferroviaire, en 1995. On assurait, alors, que leurs responsables étaient dingues d’avoir accepté.

Or, aujourd’hui, qui voudrait revenir en arrière ? Les régions travaillent bien mieux que ne le ferait l’État, des lignes sont rouvertes, la satisfaction des clients est meilleure et, globalement, cela coûte moins cher.

M. Jean-Paul Bacquet. Cela coûte beaucoup plus cher et ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Jean-Pierre Vigier. Cette notion d’expérimentation est donc essentielle – y compris en ce qui concerne l’Auvergne, cher collègue – et c’est elle qui permet d’aller de l’avant.

Un mot sur la région Centre, que j’ai l’honneur de représenter avec d’autres collègues – j’aperçois mon ami Serge Grouard dans les premiers rangs.

Nous, nous avons eu droit à tout.

Les mariages, tout d’abord, étaient incertains.

Sur le bureau du Président de la République, nous étions mariés avec Poitou-Charentes et le Limousin, puis, il y a eu un retour en arrière…

M. Jean-Louis Gagnaire. Le mariage était déjà consommé ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Vigier. …et on a jugé bon de procéder à une petite amputation après que notre président de région était d’ailleurs allé lui-même faire une visite de courtoisie en Auvergne et en Limousin pour savoir s’il était ou non possible de trouver un terrain d’entente.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est le président de la région Auvergne qui est venu vous chercher !

M. Jean-Pierre Vigier. Imaginez ce que doivent ressentir les habitants d’une région si l’on décide de leur sort sur un bureau, fût-ce celui du Président de la République, sans que l’on réfléchisse à la moindre cohérence économique, sociologique, historique, géographique du projet ! Comment nos concitoyens peuvent-ils ressentir cela ?

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

M. Jean-Pierre Vigier. « Mais pour qui se prennent-ils ? », disent-ils. Il faut entendre la violence de ce message ! J’ai entendu les propos des amis alsaciens, des Bretons… Il faut entendre ce message !

Finalement, la région Centre a retrouvé son noyau originel avec ses six départements. La satisfaction est réelle même si les combats sont parfois longs et durent vingt ans.

C’est en effet en 1994 que Maurice Dousset, qui était député et président de région, avait souhaité faire en sorte que la région Centre s’appelle Centre Val de Loire. Il n’est plus là pour nous entendre mais il agissait au nom d’une véritable cohérence. Je suis donc heureux que les sénateurs, quelles que soient leurs sensibilités politiques – UMP, PS, centristes, bien sûr – aient bien voulu que cette région s’appelle ainsi. Sa capitale, de facto, est Orléans, que chacun connaît.

Le Val de Loire, patrimoine mondial de l’UNESCO, est au centre de l’axe ligérien qui nous structure et nous fédère.

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous allez remonter jusqu’où ?

M. Jean-Pierre Vigier. C’est là qu’habite 80 % de la population de la région. Que ce texte, au moins, la satisfasse et, de ce point de vue-là, c’est mon cas.

Je l’ai dit, je l’ai écrit, je l’ai répété – notamment, avec mon collègue ambassadeur (Sourires) Maurice Leroy – l’axe naturel de développement passe en l’occurrence par une ouverture vers les Pays de Loire.

Je le répète à nouveau : c’est l’axe ligérien qui nous structure. Une grande partie de la Loire, monsieur Piron, s’écoule à travers la région Centre – en Val de Loire, maintenant –…

M. Michel Piron. C’est vrai, du Mont Gerbier de Jonc à l’estuaire.

M. Serge Grouard. Et en Bourgogne !

M. Jean-Pierre Vigier. … jusqu’à cette ouverture vers le grand ouest notamment.

Les zones de développement économique très structurées sont là.

Je gage qu’Orléans pourrait donc être la capitale de cette grande région dont nous avons tant besoin.

Monsieur le ministre, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, pour la commission des finances, de la loi de 2010 portant création des conseillers territoriaux.

M. Guy Geoffroy. Quelle erreur !

M. Jean-Pierre Vigier. J’ai un peu regretté que, comme elle avait été pensée par l’ancienne majorité, on ait considéré qu’il n’y avait rien à en faire alors que nous aurions très bien pu élaborer un projet à partir d’elle.

Elle avait en effet l’avantage de faire en sorte que les régions et les départements se parlent, mutualisent leurs moyens, que le nombre d’élus diminue et que de véritables convergences puissent être trouvées.

Vous auriez pu faire le « territorial conseiller » (Sourires), nous ne vous en aurions pas voulu, et vous auriez ainsi institué de vrais couples : communes et communautés de communes ou communes et agglomérations, régions et départements, État et Europe.

Grâce à ces trois strates et à ces couples-là, je suis persuadé que l’efficacité économique aurait été accrue.

Au final, en effet, pour qui nous battons-nous ? Pour les territoires, pour aller chercher une croissance dont on sait qu’elle ne se décidera pas à Paris mais qu’ils créeront, eux.

Il faut faire en sorte que les hommes et les femmes qui agissent quotidiennement bénéficient de schémas lisibles et efficaces. C’est ainsi que les territoires iront de l’avant !

Je souhaite donc qu’un jour cette région Centre-Val de Loire rejoigne les Pays de Loire – n’est-ce pas, mon cher Michel Piron ? – afin que les complémentarités créent de l’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne referai pas à ce stade de notre discussion le débat qui a eu lieu en première lecture.

Je tiens à signaler que cette deuxième lecture commence dans un contexte un peu particulier, la réforme territoriale semblant devenir de moins en moins claire quant à l’attribution des compétences. Nous reviendrons sur cette question au début de l’année prochaine.

Au nom du groupe écologiste, je salue néanmoins le lancement de cette réforme. Il est bel et bon de réformer – enfin ! – l’organisation territoriale et politico-administrative de notre pays.

Beaucoup de collègues l’ont dit et M. le ministre souscrira sans doute à ces propos : ce n’est sans doute qu’un début et l’État devra, parallèlement, se réformer.

Je ne m’attarderai pas longuement sur le fond de ce qui, selon nous, constitue, un bon découpage mais je répète – je l’ai dit plus longuement lors de la première lecture – qu’il existe à notre avis deux approches en la matière.

Je qualifierais la première de plutôt technocratique. Je l’entends d’ailleurs parfois s’exprimer lors de certaines prises de position faisant principalement état de chiffres, de plans, de schémas, de contrats, d’établissements. J’ai envie de parler de « machins », comme jadis le général de Gaulle. (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Alors, on ne parle plus des citoyens, ni du peuple, ni du facteur humain, ce qui est dommage même si cette approche peut se défendre : après tout, elle se veut objective, rationnelle, que sais-je encore. La démonstration me paraît difficile à apporter, mais pourquoi pas ?

Nous défendons quant à nous la seconde approche, fondée sur le sentiment d’appartenance. C’est lui qui, selon nous, doit fonder un découpage…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François de Rugy. …en tout cas, partout où cela est possible – un tel sentiment est peut-être moins vif dans certaines régions.

A ce propos, des études ont été réalisées – c’est le mérite de cette réforme d’avoir suscité un débat dans le pays – et publiées dans la presse quotidienne régionale, partout en France, montrant ce qu’il en est du sentiment d’appartenance, région par région.

Je ne détaillerai pas tous les résultats, évidemment, mais je ne peux m’empêcher de souligner que la Bretagne manifeste le sentiment d’appartenance et d’attachement le plus fort et que les Pays improprement dits de la Loire, nés d’une approche technocratique et artificielle, suscitent le plus faible « taux d’attachement », si j’ose dire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Conclusion ?

M. François de Rugy. Oui, nous défendons l’idée qu’il existe des identités et des cultures régionales qui font la force de notre pays.

M. Thierry Benoit. Eh oui !

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. François de Rugy. C’est une force ! Nous ne devrions même pas avoir à nous justifier de nos appartenances multiples. De grâce, n’opposons pas le sentiment d’appartenance à une région ou un territoire à celui que nous avons pour la France ou l’Europe (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) ou même, pour nous autres écologistes, au monde et à la planète.

Alors oui, disons-le, nous n’avons jamais été emballés par la logique d’un découpage « méga-régional ».

Néanmoins – et c’est le mérite de la deuxième lecture – on constate que de tels regroupements, de telles fusions – certains ont parlé de mariages forcés – sont acceptés dans tels ou tels territoires.

Nos collègues de Poitou-Charentes et du Limousin par exemple, ont manifesté dans le cadre de cette réforme leur volonté de fusionner avec l’Aquitaine – je ne sais pas, d’ailleurs, si tous les élus de cette région sont d’accord. Mais, après tout, alors que cette carte est dessinée depuis plusieurs mois, si une telle situation est acceptée, nous n’allons pas la contester.

Conséquemment, nous ne déposerons plus un certain nombre d’amendements, comme nous l’avions fait en première lecture. Nous constatons, en effet, les différentes situations en présence.

Des débats peuvent encore exister sur le terrain mais, en ce qui concerne Auvergne et Rhône-Alpes, un certain consensus semble se faire jour.

M. Bernard Accoyer. Comment dit-on, déjà ? Godillots ? Godillots verts ?

M. François de Rugy. En revanche, monsieur Accoyer – écoutez-moi jusqu’au bout…

M. Bernard Accoyer. C’est bien pour cela que je réfléchis à haute voix !

M. François de Rugy. …pour les territoires où un tel consensus n’est pas au rendez-vous, nous continuerons à déposer des amendements.

Je me suis même rendu dans votre région il y a quelques semaines, monsieur Accoyer…

M. Bernard Accoyer. Vous auriez dû y rester plus longtemps afin d’être totalement éclairé !

M. François de Rugy. …afin d’y plaider en faveur d’une réforme originale pour la Savoie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le président. Nous écoutons M. de Rugy. Lui seul a la parole

M. François de Rugy. Je reviens aux objectifs tels que nous les portons à travers nos amendements en ce qui concerne le découpage et la carte.

Nous défendrons jusqu’au bout notre amendement afin que cette réforme reconnaisse l’existence de la Bretagne comme région à part entière avec ses cinq départements.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Ce doit être une région de plein exercice !

M. François de Rugy. Il s’agit là d’une revendication ancienne, que nous avons toujours soutenue – certains d’entre nous, avant d’être élus députés. Nous continuons à nous battre en ce sens.

Surtout, nous avons enfin une occasion pour qu’il en soit ainsi puisque nous discutons d’un texte visant à redécouper les régions.

Monsieur le ministre, je me souviens d’un grand rassemblement, à Nantes, place de Bretagne, au pied de la Tour de Bretagne…

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. François de Rugy. …prônant la réunification de cette région.

Lorsqu’il a été organisé, au début du mois d’avril, nous étions à mille lieues de penser que le Premier ministre aurait annoncé quelques jours plus tôt une réforme du découpage des régions.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela sert, monsieur le président de Rugy, d’être dans la majorité ! (Sourires)

M. François de Rugy. Vous imaginez quels furent notre joie et notre enthousiasme : enfin, nous tenions l’occasion de réaliser la réunification de la Bretagne dans le cadre de ce projet !

Quelle ne fut pas notre déception, in fine, de constater qu’à l’issue de la première lecture du texte à l’Assemblée nationale et, même, à l’issue de la lecture que nous venons de faire en commission, le redécoupage plus ou moins souhaité, disons-le, est effectif partout en France mais qu’une région n’en fera pas l’objet : la Bretagne.

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

M. François de Rugy. Cette région revendiquait pourtant un nouveau découpage depuis des décennies et il n’y en a pas !

Je note que la région artificielle des Pays de la Loire est maintenue.

M. Bernard Accoyer. Voterez-vous donc contre ce texte ?

M. François de Rugy. Je le dis, d’ailleurs, après avoir entendu des collègues de la « région » Centre-Val de Loire : l’identité régionale du Centre, en effet, n’est pas très facile à porter alors que celle du Val de Loire est extrêmement forte, que l’on y habite ou pas.

Nous soutiendrons donc un amendement déposé par des collègues socialistes et centristes visant à les faire fusionner afin de constituer, enfin, une grande région Centre-Val de Loire dont la Loire-Atlantique pourrait ensuite s’extraire, en quelque sorte, afin que la Bretagne soit réunifiée, (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP) conformément à la logique des choses.

Enfin, le groupe écologiste ne compte pas de député alsacien ni même lorrain ou de Champagne-Ardenne mais, je le dis à l’ensemble de la représentation nationale, nous soutenons la légitime revendication d’une région Alsace…

M. André Schneider. Ah ! C’est bien !

M. François de Rugy. …car son identité est forte.

L’Alsace travaille depuis des années à une réforme territoriale. La règle un peu absurde de la majorité qualifiée – comportant d’ailleurs un certain nombre d’autres verrous – fut un obstacle sans quoi, la collectivité unique d’Alsace serait déjà réalisée.

Nous soutiendrons donc les amendements qui vont en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, je tiens à saluer le discours que Mme Valérie Fourneyron a prononcé hier – ancienne ministre, il n’en a que plus de poids –, en particulier, les paroles très fortes et très justes qu’elles a dites concernant la Normandie.

Elle a eu des paroles très fortes et très justes au sujet de la Normandie, que je reprendrais volontiers à mon compte à propos de la Bretagne. Il est difficile d’admettre que ce texte va permettre à la Normandie de se réunifier et que ce ne sera pas le cas de la Bretagne. De nombreux journalistes ont pu gloser, à une époque, sur un soi-disant « breizh power », mais je me dis qu’il doit y avoir, au sein du Gouvernement, un « Normandy power » beaucoup plus puissant que celui-ci, puisque le projet de la région Normandie, qui est légitime, a pu triompher.

Ce découpage est fait par la loi, par en haut, et c’est, après tout, une méthode comme une autre : comme je l’ai rappelé en première lecture, c’est ainsi que les départements ont été créés sous la Révolution, et ils existent toujours deux cent vingt-cinq ans plus tard. Mais, dans la mesure où ce découpage a meurtri de nombreux territoires, et qu’il ne faut pas, en politique, laisser les plaies ouvertes, nous souhaitons qu’il y ait au minimum un processus simple, clair et démocratique, qui a reçu le nom étrange de droit d’option, et que nous appelons, quant à nous, le droit de choisir. Laissons aux territoires le droit de choisir et d’aménager par en bas ce qui aura été fait par en haut.

Tel est l’objet de certains des amendements que nous souhaitons voir adoptés au cours de cette deuxième lecture. Il est nécessaire que les redécoupages qui auront été imposés d’une manière absolument non consensuelle et qui, dans certains cas, sont très vivement contestés, puissent être aménagés. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologistes, UDI et UMP).

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, au moment d’examiner l’article 1er de ce projet de loi, je voudrais une nouvelle fois, comme je l’ai fait en commission des lois, déplorer le processus engagé par le Gouvernement.

Vouloir restructurer les régions sans réfléchir préalablement à la place des communes, des intercommunalités, des départements et des régions ; vouloir restructurer les régions sans réduire le nombre d’EPCI qui existent dans notre pays, qu’il s’agisse des syndicats intercommunaux à vocations multiples, les SIVOM, des syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU, des syndicats mixtes, des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomérations ou encore des métropoles ; vouloir restructurer les régions sans proposer un véritable débat sur le millefeuille institutionnel et les compétences de chaque collectivité, ce n’est pas acceptable.

Je déplore que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a été saisi par le Sénat, n’ait pas entendu les questionnements soulevés par celui-ci quant à la procédure engagée par le Gouvernement car, pour notre part, nous ne comprenons toujours pas ce que ce dernier veut réellement faire. Économies, simplification, mutualisation, optimisation ? On ne sait pas ! Rien ne permet de dire aujourd’hui quelle est la volonté réelle du Gouvernement.

Mme Isabelle Le Callennec. Il ne le sait pas lui-même !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Vous voulez réduire le nombre de régions en vous arc-boutant sur le chiffre 13. Pourquoi cela ? Rien, dans votre texte, ne permet de déceler les raisons profondes de ce choix. Vous dites vouloir moderniser notre pays, mais vous ne tenez aucun compte de l’histoire, de la géographie humaine, des réalités économiques : ce n’est pas sérieux. Renforcer les régions en imposant des fusions contre l’avis du Sénat, contre l’avis de cette assemblée qui représente les collectivités territoriales, ce n’est pas acceptable.

S’agissant du Languedoc-Roussillon, fort de ses cinq départements, je ne peux souscrire au plaidoyer de notre collègue Jacques Valax. La région Languedoc-Roussillon a son identité, qui est bien ancrée dans les consciences populaires, et le Sénat a très largement exprimé son choix en ce sens. Alors pourquoi vouloir aujourd’hui diluer cette région en l’associant à Midi-Pyrénées ? Je n’ai trouvé aucune explication tangible dans votre projet. Mon département, la Lozère, sera à environ quatre heures de Toulouse, puisqu’il y a près de trois cents kilomètres de distance. Si votre projet est voté en l’état, ce département devrait être représenté par deux élus régionaux : quel pouvoir auront-ils dans une assemblée de cent cinquante-huit élus ?

Le Languedoc-Roussillon est, enfin, une région protéiforme, avec son arrière-pays, ses mille cinq cent quarante-cinq communes, son littoral et son économie de la pêche, son pôle de recherche agronomique : autant de spécificités qu’il convient de préserver et de soutenir. Depuis 1986, nous n’avons pas cessé de promouvoir ses atouts, notamment sa richesse viticole. Je souhaite que ce travail que nous avons mené en profondeur ne soit pas mis à mal par une réforme irréfléchie et imposée.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre : si je ne suis pas fermé à toute évolution, je regrette qu’il n’y ait pas eu un vrai débat de fond, région par région. Vous n’avez pas choisi cette procédure, et votre carte a varié dans le temps. Acceptez que l’on soit en désaccord avec cette façon de faire, surtout s’agissant d’une réforme institutionnelle aussi profonde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Demarthe.

M. Pascal Demarthe. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la nouvelle architecture des institutions de notre République décentralisée, dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui, est souhaitable, guidée qu’elle est par le souci de simplifier l’organisation de notre pays, afin que celle-ci devienne plus lisible, plus compréhensible, et encore plus efficace.

M. Bernard Accoyer. Vous n’avez pas lu le texte pour dire une chose pareille !

M. Pascal Demarthe. Cette réforme des collectivités doit résolument s’inscrire dans la modernité et promouvoir les principes de solidarité et de proximité, qui sont plus indispensables encore dans nos territoires ruraux. Nous voulons une réforme territoriale cohérente, et au service de tous…

M. Guy Geoffroy. Eh bien ce n’est pas celle que vous proposez !

M. Pascal Demarthe. …pour libérer l’intelligence et les énergies locales et favoriser ainsi l’émergence de projets de développement locaux dans tous les domaines que sont l’économie et l’emploi, la vie associative et les services publics de proximité. Il nous faut donc répondre à cette question essentielle : qui, demain, exercera ces missions de service public dans la proximité…

M. Laurent Furst. Le Front national !

M. Pascal Demarthe. …et comme cela sera-t-il fait ? Cela signifie qu’il faut rendre plus fortes nos collectivités territoriales, en clarifiant leurs compétences et les moyens de leur autonomie financière et en approfondissant la démocratie locale. Nos intercommunalités doivent être renforcées et nous devrons être vigilants vis-à-vis de cette montée en puissance. En effet, tant sur le plan de la population concernée que du point des compétences, il nous faut préserver la proximité et la cohérence de leur action. L’échelon départemental est un maillon essentiel pour les solidarités sociales et territoriales de proximité, surtout en milieu rural, et il gardera un rôle important au sein des futures grandes régions. Le département reste donc pertinent entre région et intercommunalités.

S’agissant du redécoupage des régions, une première proposition relative au périmètre de notre région Picardie a été abandonnée au profit d’une proposition qui me paraît plus cohérente sur les plans historique, culturel, linguistique et économique. La fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie s’inscrit dans cette logique. La langue picarde, illustre parfaitement notre identité commune : elle est parlée par plus de 500 000 personnes sur un vaste territoire qui comprend nos cinq départements, ainsi que la province du Hainaut en Wallonie. D’ailleurs, le chtimi n’est que la déclinaison du picard dans le Nord-Pas-de-Calais.

Mme Barbara Pompili. Absolument !

M. Pascal Demarthe. Notre patrimoine commun dépasse largement ces considérations linguistiques et j’affirme, par exemple, que la question du littoral doit se traiter chez nous à un échelon conjoint, supra-régional. La question des infrastructures et l’aménagement du territoire plaident également pour ce rapprochement, qu’il s’agisse des aspects ferroviaires, comme du canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe, qui réunira nos territoires.

Cette région Picardie-Nord-Pas-de-Calais atteint enfin la taille européenne et le seuil adéquat en termes d’aménagement du territoire et de développement économique. En effet, avec la fusion, c’est une région de 6 millions d’habitants, avec un PIB de 149 milliards d’euros, que nous allons créer. Elle sera la quatrième des nouvelles régions, avec cinq départements, 137 EPCI, 3 836 communes et le troisième budget derrière l’Île-de-France et Rhône-Alpes-Auvergne.

Si notre passé industriel nous réunit déjà, avec une histoire commune forte autour du textile, de l’automobile ou de l’agroalimentaire, notre avenir commun est déjà une réalité. Le pôle de compétitivité mondiale autour d’I-Trans, ainsi que la troisième révolution industrielle, avec les éco-activités et la transition énergétique, témoignent de ce destin commun.

Et même s’il doit demeurer la possibilité d’envisager un droit d’option qui permette à certains départements de se construire une trajectoire particulière, notre région picarde doit demeurer unie et rassemblée pour être plus forte dans cette grande région d’avenir.

M. Jacques Krabal. Il faut savoir ce qu’on veut !

M. Pascal Demarthe. Pour stabiliser cet ensemble, il nous faudra effectivement un peu de temps et de travail, pour définir précisément notre organisation administrative et équilibrer nos territoires. La place et le rôle de l’agglomération d’Amiens devront notamment être renforcés…

Mme Barbara Pompili. Tout à fait !

M. Pascal Demarthe. …en écho et en complémentarité avec la métropole lilloise. Enfin, cette réforme territoriale doit s’accompagner d’une indispensable réforme de la place de l’État dans nos régions et nos départements.

M. Maurice Leroy. Vous ramez !

M. Pascal Demarthe. Il s’agit de mettre fin aux doublons entre les services de l’État et les services des collectivités territoriales et, ainsi, peut-être, de dégager des moyens nouveaux.

Pour illustrer cette nécessaire optimisation de nos énergies et de nos moyens, notamment à l’échelle picarde et chti, je rappellerai ce proverbe populaire picard : « Si tous chés gins i pourrottent s’arranger insann, i fodrot pon tant d’masons », qui signifie : « Si tous les gens pouvaient s’arranger ensemble, il ne faudrait pas tant de maisons ».

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au moment où nous entamons l’examen de l’article 1er, je voudrais à mon tour regretter que cette réforme soit menée d’une manière pour le moins hasardeuse. Il est surprenant, en effet, de définir des périmètres sans traiter des compétences. Je l’ai déjà noté en commission des lois : que dirait-on d’entreprises qui attendraient d’avoir fusionné pour déterminer le marché auquel elles vont s’attaquer et les produits qu’elles vont fabriquer ?

S’agissant de la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, en tant qu’élu lorrain né en Alsace, où j’ai vécu trente ans, j’ai entendu, comme nous tous, les angoisses des élus alsaciens, très mobilisés sur le sujet. Pour ma part, je dois dire que j’étais plutôt favorable, initialement, au premier texte qui nous a été présenté, qui prévoyait simplement une fusion entre l’Alsace et la Lorraine. Mais je dois reconnaître que les débats m’ont fait évoluer et qu’il m’apparaît désormais qu’une région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes suscitera certainement une nouvelle dynamique, à la fois économique, universitaire et touristique, ainsi qu’un renforcement des liens européens.

M. Éric Straumann. Pas pour l’Alsace !

M. Michel Heinrich. Ces trois régions forment une eurorégion, dans une configuration transfrontalière avec quatre pays : la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse. Les enjeux transfrontaliers seront essentiels. En effet, il est important de donner à ce nouvel espace territorial des moyens permettant d’organiser une offre de services quotidiens de dimension transfrontalière. Par ailleurs, les échanges entre les pôles métropolitains du sillon lorrain, d’Alsace et de Champagne-Ardenne ont montré la complémentarité de leur fonction, et leur articulation en réseaux est susceptible d’attirer et de fixer des flux européens Nord-Sud actuellement peu exploités sur le territoire français. Ainsi, les trois pôles métropolitains réunis pourront contribuer au développement économique et à la qualité de vie des habitants au sein de cette nouvelle région.

De même, la complémentarité des pôles de compétitivité Hydreos, Materalia, ainsi que des pôles Fibres et Alsace Énergivie, qui sont d’ailleurs en train de fusionner, participera au développement économique. Le potentiel de développement économique à l’échelle de ces trois régions fusionnées plaide en faveur de ce regroupement et, j’en suis persuadé, permettra néanmoins à chacune des anciennes régions de conserver son identité.

M. Laurent Furst. L’Alsace n’est pas une ancienne région ! C’est honteux de dire une chose pareille ! C’est une région !

M. Sébastien Denaja. C’est un futur département !

M. Laurent Furst. Et vous un futur battu !

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, au risque d’apparaître iconoclaste au regard des longs échanges intervenus hier soir dans cet hémicycle, je ne vais ni vous parler de la Bretagne, ni de l’Alsace, mais simplement de la Champagne-Ardenne.

Fondé sur une analyse et des concertations très poussées, le scénario du comité Balladur proposait en 2009 le rattachement de l’Aisne à la Champagne-Ardenne. Prolongeant cette réflexion, le Président de la République a souhaité élargir cette perspective à toute la Picardie. À ce stade de nos débats parlementaires, les arguments favorables à ce scénario restent d’actualité.

En effet, comment contester que la Picardie et la Champagne-Ardenne sont deux grandes régions agricoles et de sous-traitance industrielle ? Elles abritent des filières de formation, des écoles d’ingénieurs et des centres de recherche complémentaires. Elles se partagent le territoire de l’appellation « Champagne » et sont les deux premières régions productrices d’énergie éolienne en France.

Mais à l’évidence, le bon sens et l’efficacité imposent de s’ouvrir également à la Lorraine. L’arc nord-est Lorraine-Champagne-Ardenne-Picardie constitue un regroupement crédible, fort de 5,6 millions d’habitants, 208 500 entreprises, 1,830 million d’emplois salariés, 140 milliards d’euros de produit intérieur brut, cinq pôles de compétitivité et 150 000 étudiants.

L’arc nord-est Lorraine-Champagne-Ardenne-Picardie est un véritable projet de territoire pour éviter la tentation de l’hyper-métropolisation et construire, au contraire, une région multipolaire de coopération interurbaine entre Paris, l’Allemagne et le Benelux.

L’arc nord-est Lorraine-Champagne-Ardenne-Picardie est un projet économique structurant. Berceau des matériaux du futur avec trois pôles de compétitivité régionaux centrés sur les matériaux, troisième pôle français de production d’énergie nucléaire et premier pôle éolien, premier territoire européen de production agricole et de transformation agro-industriel, vecteur d’image et créateur de valeur ajoutée avec l’appellation « Champagne », l’arc Nord-Est est sans conteste un poids lourd de dimension européenne.

L’arc nord-est Lorraine-Champagne-Ardenne-Picardie, enfin, c’est une cohérence géographique et une destinée historique commune, porteuse d’un projet culturel et patrimonial fort, de pôles de compétence artistique complémentaires et d’un profil de développement culturel équivalent.

C’est pourquoi, conscient que la carte territoriale idéale n’existe pas mais qu’il est possible de s’en rapprocher, la perspective du rapprochement pragmatique de la Lorraine, de la Champagne-Ardenne et du département de l’Aine, vue depuis ma fenêtre champardennaise du département des Ardennes, m’apparaît digne d’intérêt et de raison.

Deux chemins sont alors possibles pour parvenir à cette volonté : soit le rapprochement de la Lorraine, de la Champagne-Ardenne et de la Picardie, suivi de l’exercice du droit d’option par les départements de l’Oise et de la Somme, soit le rapprochement de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne suivi de l’exercice du droit d’option du département de l’Aisne.

C’est donc animé de cet état d’esprit emprunt de réalisme que j’ai déposé cinq amendements au cours de cette deuxième lecture sur la base de ces deux options. Je les présente avec la volonté de fluidifier le droit d’option dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, et donc de la règle simple de la démocratie représentative qu’est la majorité absolue plutôt qu’une majorité des trois cinquièmes qui n’a pas grand sens dès lors que les assemblées délibérantes départementales et régionales auront été relégitimées par le peuple français en mars et juin 2015.

Qu’en sera-t-il du rapprochement avec la région Alsace, me demanderez-vous ? Le sens de l’État et le respect du principe constitutionnel d’organisation décentralisée de la République, de même que la prise en compte des aspirations de nos concitoyens et des débats parlementaires – qui en sont en quelque sorte le reflet – doivent nous imposer de raison garder, et par conséquent de savoir donner du temps au temps.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, je voudrais à mon tour me joindre au concert de protestations ambiant. Surtout pas pour me mêler du découpage, mais simplement pour protester contre la méthode que vous avez retenue.

De toute évidence, cette affaire de découpage est insoluble. Nous venons de l’entendre encore à l’instant, chacun a sa proposition. Nous pourrions en discuter encore pendant des heures sans jamais tomber d’accord, parce qu’au-delà de nous, nos concitoyens, les habitants des territoires, ne voient pas l’intérêt de cette réforme. Ils ne comprennent pas pourquoi il faudrait la faire.

En effet, il n’existe aucune corrélation entre la taille d’une région et sa prospérité. C’est même tout l’inverse.

M. Maurice Leroy. Il a raison !

M. Jacques Lamblin. Hors de France, nous pouvons trouver en Italie ou en Allemagne des exemples frappants comme le pays de Brême ou la Sarre en Allemagne, ou bien le Val d’Aoste en Italie : tous sont petits et prospères. Donc l’affirmation que la taille est gage de prospérité est fausse. Et si vous voulez des exemples inverses, d’autres régions fort peuplées et très vastes comme l’Andalousie sont en difficulté économique. Vous le voyez, ce présupposé sur lequel vous vous appuyez n’est en rien démontré, c’est une affirmation dangereuse.

Par ailleurs, le problème des compétences n’a pas été réglé. Je n’y reviendrai pas car cela a déjà très largement été évoqué.

Enfin, s’agissant des économies, il n’y a à ce jour aucune économie identifiée dans ce que vous proposez. C’est même l’inverse : il est très probable, lorsque vous aurez fait une grande région, que dans chaque ancienne région il faille un hôtel annexe au grand hôtel régional, et ainsi de suite. Il faut donc être extrêmement prudent avant d’affirmer que faire de grandes régions permettrait de réaliser des économies.

Au passage, je m’inscris en faux contre les propos de M. de Rugy qui disait : « Enfin une réforme ! » La réforme existait quand vous êtes arrivés : nous avons créé le conseiller territorial en 2010. Avec cette réforme, nous prenions le chemin de la fusion des départements et des régions, nous supprimions un échelon, et nous étions sûrs de faire des économies.

Cette réforme était en place, vous n’aviez qu’à la mettre en route sans avoir à l’assumer car c’étaient les autres qui l’avaient faite. Vous n’aviez donc même pas de responsabilité à assumer. Mais vous avez détruit cette réforme pour la remplacer par une autre qui divise les Français. Vous le voyez même dans cet hémicycle, il y a des divisions dans tous les sens.

M. Guy Geoffroy. Diviser pour régner !

M. Jacques Lamblin. Je ne sais pas si vous divisez pour régner, mais assurément, vous divisez, pour un résultat qui reste à démontrer. Je tenais à insister sur ce point parce que vous avez fait la même chose en supprimant la TVA sociale pour la remplacer par ce CICE qui vous divise en ce moment. Alors que si vous aviez mis en place la TVA sociale il y a deux ans, les entreprises auraient beaucoup moins de charges – pour le moment, elles en ont toujours plus – et il est probable que le chômage n’aurait pas atteint le niveau auquel il est aujourd’hui.

M. Patrick Hetzel. Il a raison !

M. Jacques Lamblin. Donc, avant de détruire ce que les autres ont fait, il faudrait un peu plus réfléchir. Cela étant dit, j’espère que vous n’aurez pas eu le temps de mettre en place ce que vous venez de proposer, et que nous aurons le courage de le revoir le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Mennucci. Vous allez l’abroger, comme le mariage pour tous ?

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le travail que nous avons engagé depuis plusieurs mois n’est pas anodin. On ne dessine pas une carte administrative des régions françaises pour un ou deux ans, on dessine cette carte pour cinquante ou cent ans, en tout cas pour des durées très longues.

M. Maurice Leroy. Il a raison !

M. Benoist Apparu. Autrement dit, c’est un travail dont la méthode d’élaboration doit être particulièrement pertinente. Or ce projet souffre d’un problème méthodologique. On se cache souvent derrière la méthode lorsque l’on n’est pas d’accord sur le fond. Mais en l’occurrence, le problème méthodologique va nous poser une difficulté majeure : la tentation de revenir sur la carte dans deux, trois ou quatre ans sera très forte parce que la carte dessinée suite au vote de ce projet de loi sera fragile du fait de la méthodologie utilisée.

M. Maurice Leroy. La preuve, c’est le droit d’option !

M. Benoist Apparu. Prenons l’exemple de la région Champagne-Ardenne, dont je suis un élu. Nous avons commencé cette réforme à 400 kilomètres à l’ouest de la ville que j’ai l’honneur de diriger. Nous finirons 400 kilomètres à l’est. Nous aurons fait un petit chemin de 800 kilomètres en passant d’une frontière maritime d’un côté pour arriver à une frontière fluviale avec le Rhin, certes dans la superbe région qu’est l’Alsace. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que cela soulève une question majeure de méthodologie – quelles études d’impact ont présidé à vos réflexions ? – pour une réforme supposée durer cinquante ou cent ans.

Bien évidemment, chacun dans cet hémicycle a sa propre carte idéale. Et il sera difficile de nous mettre d’accord sur une seule carte. C’est la raison pour laquelle il faut prendre de la hauteur et s’appuyer sur des travaux économiques et démographiques pertinents. L’exemple de la carte Balladur a été cité, on aurait très bien pu imaginer une autre méthodologie pour nous appuyer sur des études profondes et lourdes.

Monsieur le ministre, je voulais appeler votre attention sur un point particulier, qui me paraît fondamental. Si l’on regarde le développement européen et mondial, ce développement ne se fait pas autour des régions, mais toujours autour des métropoles. Nous aurions pu dessiner une carte autour des métropoles.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Benoist Apparu. Nous avons une dizaine de grandes métropoles en France. Nous aurions très bien pu envisager d’avoir une région métropolitaine autour de Lille, parce que c’est une métropole d’envergure européenne. Nous aurions pu dessiner autour de Strasbourg une région métropole et faire, à l’instar du Grand Lyon ou du Grand Paris, le Grand Lille et le Grand Strasbourg avec des régions très denses autour de ces territoires. Et quand il n’y a pas de métropole d’envergure européenne, comme dans les régions Picardie, Champagne-Ardenne ou Lorraine, nous aurions pu dessiner une région autour d’un réseau de villes intermédiaires. Je pense par exemple à Amiens, à Reims-Châlon et à Metz-Nancy. En bref, nous devons imaginer la future carte des régions en fonction des existences métropolitaines, c’est un axe intéressant.

M. Patrick Hetzel. Il a raison !

M. Benoist Apparu. Enfin, monsieur le ministre, je voudrais relever un risque particulier lié à l’ensemble des réformes territoriales que vous avez engagées. Nous avons tous vécu la mise en place de nouvelles intercommunalités ou des réorganisations d’administrations centrales ou locales. Nous savons tous que pendant un, deux ou trois ans, nos administrations passent tout leur temps – et c’est bien normal – à préparer les restructurations en question.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Benoist Apparu. Dans les trois années qui viennent, nous allons avoir de nouvelles intercommunalités, donc tous les services dans les intercommunalités seront mobilisés pour se réorganiser. Dans le même temps, les départements vont avoir de nouvelles compétences – donc tous les services seront mobilisés là-dessus pendant trois ans – et il en va de même pour les fusions de régions et pour l’ensemble des services de l’État. En bref, pendant trois ans, toute l’administration déconcentrée ou décentralisée française ne fera qu’une chose : préparer ces réorganisations. Autrement dit, ce ne sont pas ces forces vives de nos territoires qui prépareront la croissance de demain.

Enfin, au-delà de la carte, nous ne voyons pas pour l’instant la réorganisation de l’État sous-jacente à la réorganisation des collectivités locales. J’ai entendu que le Premier ministre envisageait que les préfectures de région abandonnent une partie de leurs compétences et de leur autorité aux préfectures de départements.

Autrement dit, en matière de compétences des collectivités locales, on renforce le niveau régional, tandis qu’en matière d’organisation de l’État, on renforce le niveau départemental. Je crains que cela ne soit pas cohérent.

M. Maurice Leroy. C’est la méthode Dagobert ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu. Enfin, qu’allez-vous faire des agences régionales de santé ? Qu’allez-vous faire des rectorats ? Qu’allez-vous faire des directions régionales des finances publiques, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, et des autres structures territoriales de l’État organisées au niveau régional ? Vont-elles suivre les nouveaux conseils régionaux et les nouvelles préfectures de région ou vont-elles s’organiser de façon différente dans le territoire ? Voilà toute une série de questions auxquelles vous devez répondre, monsieur le ministre, avant que nous puissions nous prononcer dans le cadre d’un vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Apparu, je vous remercie pour ces questions…

M. Maurice Leroy. Elles étaient très pertinentes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …auxquelles j’apporterai des réponses, bien que je l’aie déjà fait en réponse à la discussion générale de cette deuxième lecture, mais aussi en première lecture. Je profiterai de mon intervention pour répondre également à Catherine Vautrin.

Le Gouvernement est engagé dans une réforme très ambitieuse de l’administration territoriale de l’État, qui repose sur une méthode extrêmement précise arrêtée par le Premier ministre. Thierry Mandon et moi travaillons avec l’ensemble des secrétaires généraux des ministères et des préfets, en engageant dans les territoires des premières concertations auxquelles vous serez toutes et tous associés.

Nous essayons de déterminer quels sujets doivent demeurer de la compétence des administrations centrales de l’État et quels sujets doivent être délégués aux administrations territoriales de l’État, dans une perspective de déconcentration. C’est ce que le Premier ministre a appelé la « revue des missions ». Le ministère de l’intérieur, le secrétariat général du Gouvernement et le secrétariat d’État à la réforme de l’État sont en train de conduire cette revue, en liaison avec l’ensemble des secrétaires généraux des ministères, de manière à déterminer ce qui restera de la compétence des administrations centrales et ce qui sera transféré aux administrations déconcentrées. Cette revue des missions doit s’achever à la fin de l’année 2014 ou au début de l’année 2015 : elle donnera naissance à une charte de la déconcentration.

Une fois la revue des missions achevée et la charte de la déconcentration rédigée, un mandat de négociation sera donné à chaque préfet de région qui, en lien avec les préfets de département, les parlementaires et les grands élus des territoires, déterminera l’implantation des administrations de l’État. Il s’agira de répondre aux questions suivantes : où maintient-on des sous-préfectures ? Que fait-on des rectorats et des agences régionales de santé ? Où crée-t-on des maisons de l’État ? Nous devrons imaginer ensemble les préfectures et les sous-préfectures du XXIsiècle.

Ce travail, que nous avons déjà engagé, doit nous conduire à renforcer considérablement la présence de l’État dans les territoires, à faire monter en gamme les services publics et à dégager des économies d’échelle. La simplification et la dématérialisation du fonctionnement de l’administration permettent aussi de réaliser des gains d’efficience, donc d’investir dans des services publics de proximité afin d’accroître la présence du service public dans les territoires. J’ai déjà dit tout cela à plusieurs reprises devant votre assemblée, et je le répète encore en réponse aux questions qui m’ont été posées.

Pour ce qui concerne par exemple votre région, monsieur Apparu, dès lors que l’une des préfectures de région actuelles viendrait à être privée du siège de la préfecture de région, une répartition des administrations déconcentrées de l’État, notamment des plus grandes d’entre elles, devrait être prévue, dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire permettant un dialogue entre les villes et les métropoles d’une même région. La dématérialisation des procédures administratives doit permettre ce nouveau fonctionnement.

Il existe des chances extraordinaires de modernisation, de transformation des territoires et de montée en gamme des services publics. Ces opportunités de dialogue et de modernisation peuvent être des occasions de mobiliser beaucoup d’énergies dans les territoires. Il vaut mieux mobiliser ces énergies que de faire peur. Voilà quel est notre état d’esprit. Je voulais profiter de votre interpellation, monsieur Apparu, pour apporter toutes ces précisions.

M. Jean-Louis Bricout et Mme Valérie Fourneyron. Très bien !

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous arrivons au terme d’un débat difficile. Les débats sur le périmètre des régions traversent l’ensemble des groupes politiques. Nous pouvons tous admettre qu’il n’y a aucune évidence.

J’observe avec satisfaction qu’une certaine forme de décantation s’est opérée depuis le mois de juillet. Certaines régions ne sont plus évoquées : on ne parle plus que de l’Est et de l’Ouest, ce qui constitue tout de même un vrai progrès par rapport à nos débats de juillet.

Mme Sophie Rohfritsch. Encore un petit effort !

M. Jean-Louis Gagnaire. J’observe avec la même satisfaction que, même dans les rangs de ceux qui contestent le principe des fusions, certains se mettent déjà dans les starting-blocks dans la perspective des prochaines élections régionales, sans attendre les fusions.

Mme Sophie Rohfritsch et M. Thierry Benoit. Mais non !

M. Laurent Furst. Personne chez vous !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous, nous soutenons la fusion des régions Rhône-Alpes et Auvergne : nous n’avons donc aucune difficulté.

M. Laurent Furst. Les électeurs ne vous soutiendront pas !

M. Jean-Louis Gagnaire. Mais ceux qui contestent cette fusion sont dans les starting-blocks – en tout cas, ils essaient de l’être. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. On verra combien de régions vous gérerez en 2015 !

M. Jean-Louis Gagnaire. La question n’est pas là, mon cher collègue.

M. Patrick Mennucci. Pour l’instant, l’UMP n’en gère pas beaucoup !

M. André Schneider. La majorité veut casser la seule région que nous gérons !

M. Jean-Louis Gagnaire. De facto, tout le monde admet que ces fusions sont absolument nécessaires. (Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Madame la présidente, nos collègues de certaines régions sont très bruyants !

Pour ma part, je suis député d’un département tombé à la dernière minute dans le giron de la région Rhône-Alpes alors qu’il aurait dû intégrer l’Auvergne. C’est la seule volonté de Michel Durafour, à la fin du débat – mais je ne sais même pas s’il y avait des débats à l’époque –, qui a fait que le département de la Loire a basculé à l’est plutôt qu’à l’ouest. Il s’agit là d’un arbitrage très personnel, et je pense que Michel Durafour a eu raison. À l’époque se posaient les mêmes problèmes qu’aujourd’hui. Un département comme la Loire, qui était alors très industriel et dont la préfecture était plus importante que le chef-lieu actuel de la région Auvergne, devait-il aller du côté de Lyon, située à 55 kilomètres, ou du côté de l’Auvergne, une région peu peuplée qui connaissait de vrais problèmes ?

Michel Durafour a eu raison. S’il n’existe pas d’identité commune entre l’est et l’ouest, ni même entre le nord et le sud de la région Rhône-Alpes, il s’agit bien d’une vraie région, au sens européen du terme. C’est la sixième région européenne ! Lorsqu’on se porte candidats à un certain nombre de projets et qu’on se retrouve face à d’autres régions françaises et européennes, c’est ce standard-là qu’il faut avoir !

Notre organisation administrative doit être efficace et pertinente. Nous devons montrer qu’il est possible d’avancer sur les sujets de développement, d’efficacité et de croissance, parce que nous sommes dans une période qui en a bien besoin. Il ne s’agit absolument pas de répondre aux questions d’identité ou d’histoire qui ont été posées. Évidemment, nous sommes tous des Français : malgré nos histoires très différentes, nous constituons le peuple français. Je rappelle d’ailleurs que beaucoup d’entre nous ont des origines au-delà de nos frontières. Tout cela appelle à la modestie.

J’ai dit que nos débats étaient en train de s’apaiser. Il n’est jamais évident de définir des périmètres : nous verrons bien ce qu’ils seront une fois que les régions auront été créées.

D’ores et déjà, il se passe des choses. Sans attendre la promulgation de la loi, le président de la région Rhône-Alpes et le président du conseil général de l’Isère ont signé hier une convention afin de travailler ensemble sur un certain nombre de questions, qui ne rentrent d’ailleurs pas pour l’instant dans le champ du présent projet de loi. Dans les domaines du développement économique, de la science et de l’innovation, les deux collectivités veulent examiner comment les agences d’accompagnement à l’international et les agences de développement économique de l’Isère et de Rhône-Alpes pourraient trouver des convergences ou fusionner. Elles veulent aussi étudier comment elles pourraient mieux gérer ensemble les collèges et les lycées, ou si la compétence des routes doit être portée par la région ou le département. Il y a beaucoup de travail sur la table ! Le même travail a évidemment déjà été entrepris avec la région voisine, car la fusion que nous proposons ne consiste pas en une OPA hostile de Rhône-Alpes sur l’Auvergne.

Mes chers collègues, plutôt que de perdre du temps dans des débats totalement stériles, il faut avancer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Encore faut-il savoir où l’on va !

M. Jean-Louis Gagnaire. De toute façon, à l’issue de nos votes, la carte de France comprendra treize régions. (Mêmes mouvements.)

M. André Schneider. Où est la démocratie ? Nous avons le droit de nous exprimer, quand même !

M. Jean-Louis Gagnaire. L’Assemblée nationale, qui a voté une carte avec treize régions au mois de juillet, ne changera pas sa position. C’est comme cela ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux et M. Richard Ferrand. C’est la carte de la commission !

M. Éric Straumann. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. Jean-Louis Gagnaire. Cela suffit, les amis ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Un peu de silence, s’il vous plaît, mes chers collègues ! Seul M. Gagnaire a la parole.

M. Jean-Louis Gagnaire. Chers collègues d’Alsace, ne vous excitez pas ! Il est encore trop tôt pour vous énerver !

C’est la carte de la commission. Il faut mettre à profit le temps qui nous sépare des prochaines élections pour travailler efficacement à la mise en place des futures grandes régions, afin que ceux qui seront aux responsabilités à l’issue des élections régionales trouvent des situations claires.

M. André Schneider. Un peu de respect, quand même !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est incroyable !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous travaillons pour que les exécutifs régionaux issus du suffrage universel puissent bénéficier d’une situation claire et commencer à travailler. Les six années du mandat des prochains conseils régionaux devront être utilisées pour faire prospérer la loi que nous allons adopter.

Il y a des débats sur le droit d’option. Je suis de ceux qui souhaitent que l’on ne modifie pas les choses trop vite.

M. Sébastien Denaja et M. Patrick Mennucci. Très bien !

M. Patrick Hetzel. C’est du jacobinisme !

M. Jean-Louis Gagnaire. Il existe des règles et des majorités qualifiées pour les intercommunalités. À titre personnel, je n’apprécie pas beaucoup les OPA hostiles sur tel ou tel département en vue de constituer une région à cinq, par exemple. Il faut quand même se méfier : tout cela ressemble à un dépeçage des bons quartiers.

La carte qui sera appliquée est celle qui sortira de notre assemblée. Je tiens tout de même à souligner qu’en deuxième lecture, le Sénat a fait des progrès par rapport à la première lecture, puisqu’il a fourni une carte qui ne contredit finalement pas beaucoup le travail que nous avons accompli au mois de juillet.

M. Bernard Accoyer. La carte adoptée par le Sénat était bonne !

M. Jean-Louis Gagnaire. Dans un système bicaméral, il est normal qu’il y ait un dialogue entre les deux assemblées. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Vous piétinez le travail de la Haute Assemblée !

M. Jean-Louis Gagnaire. Mes chers collègues, à une certaine époque, vous avez dit suffisamment souvent que l’Assemblée nationale avait la prééminence dans certains débats.

Notre débat va se clore, puisque nous sommes en temps programmé.

M. Frédéric Reiss. Cela vous arrange bien !

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faut réellement avancer dans la mise en œuvre des futures régions, parce que ce travail prend du temps : il est complexe, même lorsque les parties prenantes sont volontaires. Même pour deux régions volontaires, dont plus personne ne conteste le bien-fondé de la fusion ou du mariage, le processus est complexe. Il n’y a donc plus de temps à perdre.

Notre pays a réellement besoin de régions fortes, dynamiques. Je rappelle que le standard européen est régional. Les régions sont désormais compétentes pour gérer les fonds européens. Cela peut paraître assez extraordinaire en France,…

M. Laurent Furst. Non !

M. Jean-Louis Gagnaire. …mais c’est ce qui se passait déjà en Alsace, dans le cadre d’une procédure dérogatoire que les autres régions réclamaient depuis longtemps.

Mme Sophie Rohfritsch. La procédure fonctionne très bien !

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est quelque chose que l’on connaît très bien en Europe.

Il faut mettre les moyens et déployer toute notre énergie pour le développement de nos régions. Le temps qui nous reste ne doit pas être perdu. Nous ne travaillons pas contre nous. Il n’y aura jamais de périmètres idéaux. Nous pourrions débattre jusqu’à l’épuisement des temps impartis : j’ai noté qu’il y avait des divergences dans tous les groupes. Ainsi, notre collègue député-maire d’Épinal n’a pas tout à fait le même point de vue que certains membres de son groupe ou du mien. Le débat s’est beaucoup décanté. Nous avançons. Une bonne fois pour toutes, il faut arrêter de croire qu’il existe un modèle idéal, et que nous devons réaliser ce modèle avant de commencer à marcher.

M. Patrick Hetzel. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Jean-Louis Gagnaire. Commençons par marcher ! Avançons !

M. Laurent Furst. Réfléchissons avant !

M. Patrick Hetzel. Vous allez trébucher !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nos successeurs avanceront sans doute aussi : ils feront évoluer cette carte, qui ne sera pas définitive.

M. Laurent Furst. Enfin une vérité !

M. Jean-Louis Gagnaire. Cessons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Culturellement, nous ne partageons pas les mêmes standards, mes chers collègues.

M. Laurent Furst et M. André Schneider. C’est vrai !

Mme la présidente. Seul, M. Gagnaire a la parole, pour conclure.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je conclus, madame la présidente.

Gardons notre calme, mes chers collègues, cela ne sera pas la fin du monde pour l’Alsace.

M. Laurent Furst. Non ! On en a connu d’autres !

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce ne sera pas la fin du monde non plus pour la Bretagne à quatre départements. On avancera ensemble et nos successeurs sauront faire fructifier ce que nous aurons décidé.

M. Claude Sturni. Vous verrez bien ce que feront vos successeurs !

Mme la présidente. Mes chers collègues, il reste un certain nombre d’orateurs inscrits. Je vous demande d’avoir la gentillesse de les écouter dans le calme. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cher collègue Gagnaire, nous ne pourrons hélas pas discuter jusqu’à la fin des temps, puisque nous sommes en temps législatif programmé.

Mme Sophie Rohfritsch. Malheureusement.

M. Lionel Tardy. Mon point de vue rejoint celui de nombreux collègues quant à votre logique de découpage à grands coups de ciseaux. Chacun va vouloir donner son avis, on le note à chaque intervention, et on sait à quel point les délimitations proposées sont imparfaites.

Votre logique m’échappe totalement. Vous brodez des solutions incohérentes parce que, par idéologie – c’est le péché originel – vous avez voulu abroger le conseiller territorial que nous avions voté.

M. André Schneider. En effet.

M. Lionel Tardy. Pour les élections départementales, vous aviez réussi l’exploit de diviser par deux le nombre de cantons sans diminuer le nombre d’élus. Aujourd’hui, vous êtes en passe de réussir une réforme de la décentralisation en éloignant les Français de leurs collectivités.

Nombreux à l’UMP ont pris position en faveur de la suppression des départements. Mais si l’on crée des hyperrégions, le département garde tout son sens.

M. André Schneider. Bien sûr.

M. Lionel Tardy. Prenons l’exemple de la Haute-Savoie : Lyon est à cent cinquante kilomètres et voilà que l’on va sans doute envoyer nos élus à Clermont-Ferrand. Pouvez-vous imaginer la teneur du lien qui unira les Haut-savoyards avec cette région ? Pour ma part, je n’y parviens pas.

Avec Hervé Gaymard et les députés de Haute-Savoie, nous avons proposé un grand département ; c’est vers ce type de compromis qu’il aurait fallu se diriger.

M. Michel Piron. Oui, c’est intelligent.

M. Lionel Tardy. Franchement, j’ai bien du mal à concevoir comment les projets de territoires seront soutenus et quel sera leur sort lorsque la péréquation va rebattre les cartes et prendre de plus en plus de place. J’ai aussi du mal à entrevoir les économies qu’engendrerait cette réforme, sans doute parce qu’elles sont très faibles et inférieures au coût de la fusion.

En réalité, cette réforme n’en est pas une et je déplore la tournure que prend notre discussion quant à l’avenir de nos collectivités auxquelles vous n’avez que très peu réfléchi. Vous avez mis en avant les périmètres alors qu’il aurait d’abord fallu parler des compétences et des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Lors de la présentation de la réforme territoriale, certains mots ont été prononcés qui sonnaient bien à nos oreilles : simplification, davantage de pouvoirs aux régions et aux intercommunalités. Bref, on devait enfin s’attaquer au millefeuille territorial.

Pour ce qui nous concerne, nous soutenons évidemment une telle ambition, essentielle afin que notre territoire ne soit plus gêné par des lourdeurs et des incompréhensions quant au rôle des différentes strates administratives. Malheureusement, le premier choix a consisté à agrandir les régions en les fusionnant. Nous ne nous attendions vraiment pas à cela.

M. Bernard Accoyer. Nous, non plus.

Mme Barbara Pompili. Agrandir les régions pose le problème des niveaux intermédiaires lesquels deviennent beaucoup plus difficiles à supprimer alors qu’on en a besoin. De plus, nous n’en voyons pas non plus l’intérêt économique, puisque cet argument est avancé. Si l’on se réfère à ce qui existe dans d’autres pays, on voit bien que la taille n’a pas grand-chose à voir avec la puissance économique ou culturelle de la région.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai.

Mme Barbara Pompili. Nous sommes, je l’avoue, un peu dubitatifs quant à la volonté de fusionner des régions. Au-delà de l’intérêt économique, qui peut être discutable, nous nous interrogeons également sur les critères qui ont présidé au découpage. Et ces critères nous inquiètent. J’en veux pour preuve le sort de la Picardie dont je suis une élue.

Au départ, cette région était liée à la Champagne-Ardenne pour ensuite être associée au Nord-Pas-de-Calais, ce qui me paraît du reste plus logique au regard de leur histoire culturelle et économique. Pourquoi avoir choisi la Champagne-Ardenne ? Sur quels critères ?

M. Patrick Hetzel. Très bonne question.

Mme Barbara Pompili. Qu’est-ce cela signifiait en termes de développement ? Et pourquoi, d’un seul coup, choisir de l’associer au Nord-Pas-de-Calais ? Bref, je m’interroge sur la pertinence des critères qui ont été retenus.

Par ailleurs, les territoires n’ont pas eu leur mot à dire. Ils ont à peine été consultés alors que le redécoupage aura des conséquences très importantes pour eux. C’est pourquoi nous défendons le droit d’option qui, d’une certaine manière, rend aux territoires leur pouvoir de décision. Moi, qui suis une ardente défenseure de l’unité de la Picardie, je défends néanmoins le droit d’option considérant que l’unité de la Picardie doit être décidée par les Picards eux-mêmes.

Nous avons le sentiment d’une certaine impréparation, et cela est préoccupant car cela aura des conséquences économiques et sociales dans les territoires. Certaines capitales régionales perdront leur statut. La question du choix de la nouvelle capitale régionale est essentielle. Du fait même de son statut de capitale régionale, celle-ci connaît un certain rayonnement, une attractivité, qu’elle risque de perdre. Il faut donc se préoccuper de savoir à quelle ville l’on retire ce statut. Une capitale régionale qui fonctionnait très bien et qui connaissait un fort développement économique sera moins touchée qu’une capitale régionale qui avait besoin de ce statut pour se développer.

En dépit d’aménagements qui sont prévus dans le texte, une capitale régionale qui perd son statut perdra dans le même temps des emplois publics, lesquels seront déplacés. Tout cela sera couplé avec la réforme de l’État qui contribuera elle aussi à redistribuer les cartes.

Les emplois publics dans certains territoires, notamment des territoires qui ont perdu des emplois privés – je pense à Amiens –, sont loin d’être négligeables dans l’équilibre économique. A-t-on mené cette réflexion, car les élus locaux auront ensuite à en gérer les conséquences ?

Depuis le début des débats, j’ai observé, et cela m’a choqué, une opposition stérile entre les tenants d’une identité régionale et les tenants de l’identité nationale.

M. Jean-Luc Laurent. L’identité nationale est la seule qui vaille.

Mme Barbara Pompili. Ceux qui défendent une identité régionale forte et qui défendent le droit à l’exprimer dans les langues régionales ou diverses manifestations seraient de dangereux séparatistes qui voudraient briser la cohésion nationale. C’est donner dans l’exagération, verser dans la caricature.

M. Laurent Furst. Bravo !

Mme Barbara Pompili. Et j’ai l’impression que l’on ne peut pas en débattre sereinement.

M. Patrick Hetzel. Très juste.

M. André Schneider. Elle a raison.

Mme Barbara Pompili. Nous sommes tous faits d’identités multiples. Pour ma part, je refuse de choisir entre mon identité de Française, de Picarde, d’Européenne ou de citoyenne du monde.

M. Jean-Luc Laurent. Alors, vous ne savez plus où vous habitez.

Mme Barbara Pompili. Je suis tout cela à la fois, je revendique ces identités et j’y tiens profondément. Cessons d’entretenir de faux débats et prenons en compte la richesse que représente la multiculturalité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. En matière de réforme territoriale, nous avons perdu plus de deux ans. En ce domaine comme dans tant d’autres, les gouvernements Ayrault et Valls, soutenus par leur majorité, n’ont eu depuis deux ans et demi qu’une seule ligne directrice, la déconstruction des réformes adoptées sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

M. André Schneider. Oui. Et c’est pour cela qu’il faut punir l’Alsace, la seule région encore à droite.

M. Bernard Accoyer. Par dogmatisme, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous avez abrogé la réforme du conseiller territorial qui permettait d’harmoniser intelligemment politiques régionales et politiques départementales. Dans un réflexe pavlovien,…

M. Richard Ferrand. Oh !

M. Bernard Accoyer. …vous avez aussi abrogé la suppression votée en 2010 de la clause de compétence générale, une abrogation sur laquelle vous êtes d’ailleurs déjà revenus. Par démagogie, vous avez démantelé toutes les mesures engagées par la révision générale des politiques publiques pour réformer le fonctionnement des services de l’État dans l’ensemble du territoire.

Toutes ces réformes étaient pourtant porteuses de clarification de compétences, de simplification et d’économies pour réduire le millefeuille territorial. À la place, vous proposez dans cette deuxième lecture une réforme improvisée, partisane et technocratique. J’ajouterai même que vous l’imposez.

La nouvelle carte des régions a été hâtivement redessinée sur un coin de table par le fait du prince et vous refusez aujourd’hui de prendre en compte le travail, pourtant particulièrement pertinent, effectué par le Sénat et que vous avez gommé en commission.

En fait, les intentions et les souhaits des barons locaux du parti socialiste… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Claude Sturni. Eh oui ! Comment les appeler autrement !

M. Patrick Hetzel. Cela les gêne !

M. Bernard Accoyer. …ont impressionné l’exécutif et prévalent aujourd’hui sur l’intérêt général et les souhaits des populations et des élus locaux. (Mêmes mouvements.)

Mais ce n’est pas sans risque que l’on viole ainsi la volonté des citoyens. Cette carte a été redessinée sans consultation, sans concertation.

M. Richard Ferrand. Les grands mots !

M. Bernard Accoyer. Dans quel pays imagine-t-on que l’on puisse redessiner la carte des régions sans consulter la population ?

M. Patrick Hetzel. En effet !

M. Laurent Furst. En « Socialie ».

M. Patrick Hetzel. C’est anticonstitutionnel.

M. Bernard Accoyer. Une telle manière de faire est surprenante et ne manque pas de surprendre dans les pays qui nous entourent, dans l’Union européenne et bien au-delà. Si certaines fusions annoncées peuvent être justifiées – je pense aux deux Normandie – il en est bien d’autres qui posent des problèmes particulièrement graves.

M. Patrick Hetzel. Très juste.

M. Bernard Accoyer. Ces fusions ne s’appuient en effet sur aucune logique économique, territoriale, culturelle ou même historique. En vérité, les fusions en cause semblent uniquement motivées par les préoccupations et les calculs électoraux de la rue de Solférino où il fallait rajouter de la gauche là où il y avait trop de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Et punir l’Alsace...

M. Bernard Accoyer. Tel est bien le cas de l’Alsace. Tel est bien le cas de la région Rhône-Alpes. Un certain nombre de collègues nous ont dit sans ambages qu’il fallait y adjoindre l’Auvergne, pour ramener quelques électeurs de gauche afin d’éviter que les résultats électoraux soient trop décevants pour eux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. Et faire le jeu du Front national.

M. Bernard Accoyer. Sans faire preuve de trop d’imagination, on peut aisément comprendre que s’agissant de l’Alsace, la même problématique a prévalu.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est décevant de votre part.

M. Bernard Accoyer. S’agissant de cette région dont l’histoire est si riche et en même temps si dramatique et douloureuse, la mesure que vous voulez imposer à ce territoire et à ceux et celles qui y vivent est tout simplement scandaleuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien.

M. Bernard Accoyer. En réalité, ce grand Mécano des régions ne semble malheureusement pas porter une véritable vision du développement territorial au service d’un renouveau économique et social de notre pays. Rien, vraiment rien n’étaie votre affirmation péremptoire que la taille des régions que vous redessinez serait à l’échelle de l’Europe et serait ultérieurement bénéfique à notre réussite économique collective.

M. André Schneider. Aucun rapport.

M. Bernard Accoyer. La réforme proposée manque d’ambition, elle est très en deçà des réformes institutionnelles impulsées par nos voisins italiens qui font face aux mêmes problématiques que nous. Ce remodelage administratif des régions ne répond pas à la seule question qui vaille : quelle est la bonne échelle pour le développement économique et l’emploi dans nos territoires dans le monde actuel ?

Cette réforme ne dégagera aucune économie. Vous auriez pu tirer les leçons d’une décentralisation largement inflationniste en matière de dépenses publiques locales. En trente ans, la part représentée par la dépense publique locale dans le PIB national a progressé de près de 25 %.

Les dépenses des collectivités locales sont passées de 41 milliards d’euros à 220 milliards d’euros et, dans le même temps, leurs effectifs sont passés de 1 million d’agents en 1980 à 1,9 million aujourd’hui. Ces recrutements et cet accroissement des dépenses ne sont pas liés en totalité, tant s’en faut, au mouvement de décentralisation engagé en 1982. La situation actuelle de nos finances publiques nous impose pourtant de réformer et d’opérer impérativement d’importantes économies d’échelle.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est vous-même qui avez annoncé voilà quelques semaines que la réforme territoriale proposée par le Gouvernement auquel vous appartenez déboucherait sur 12 à 15 milliards d’euros d’économies d’ici cinq à dix ans, mais vous avez été vite rappelé à l’ordre et vous-même avez fait un pas en arrière en reconnaissant que le texte discuté aujourd’hui ne générerait pas des économies considérables. Malgré l’estime que je vous porte personnellement, je retrouve dans cette imprécision, irresponsable au regard de l’économie et des finances de notre pays, la marque du gouvernement auquel vous appartenez. Nous vous en donnons acte. Ainsi, la future région Auvergne-Rhône-Alpes, se verra dotée de deux hôtels régionaux, dont le premier, à Lyon, qui vient d’être inauguré,aura coûté la bagatelle de 200 millions d’euros …

M. Hervé Gaymard. Quelle folie !

M. Bernard Accoyer. … et le deuxième, à Clermont-Ferrand, dont la peinture est encore fraîche, 80 millions d’euros.

M. Patrick Hetzel. M. Gagnaire est déjà parti !

M. Bernard Accoyer. Où sont les économies ? Où est la logique ? Je le confirme, ce ne sont que des critères politiques qui vous ont guidés.

La question est de savoir quel est le vrai but de ce texte. Si cette réforme ne porte pas de véritable mobilisation de nos territoires pour soutenir le développement économique de notre pays, si elle ne simplifie pas le millefeuille territorial, si elle ne débouche pas sur des économies importantes propres à soulager la situation de nos finances publiques, pourquoi voulez-vous faire passer ce texte au forceps contre l’avis d’une partie de vos propres partenaires, de vos propres amis politiques, de votre propre majorité ici même dans l’Hémicycle, des associations d’élus et des collectivités elles-mêmes ?

En fait, pour le Gouvernement, l’enjeu principal de ce texte ne réside pas dans une quelconque réforme territoriale, mais principalement dans un nouveau report annoncé des élections régionales et départementales, dans l’espérance – pourtant peu fondée – de limiter les déroutes électorales dont vous avez déjà connu le goût amer aux municipales.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est que l’apéritif !

M. Bernard Accoyer. Ce débat est donc un rendez-vous manqué. Une autre réforme territoriale était possible, qui aurait même pu faire consensus. Elle aurait dû être validée par la population par référendum. Ne pas prendre l’avis des populations est une faute très grave.

Ç’aurait dû être une réforme territoriale pour clarifier, simplifier et renforcer l’efficacité de la puissance publique et pour améliorer la qualité du service public, une réforme pour supprimer le millefeuille territorial en mettant fin à l’enchevêtrement et à la confusion des compétences, une réforme pour clarifier, sur le terrain, les compétences de l’État, garant de la cohésion nationale et de l’aménagement du territoire, mais qui n’a pas assez tiré les conséquences de la décentralisation pour réduire ses interventions et ses effectifs en région, une réforme qui prendrait davantage en compte le phénomène métropolitain et le maillage des villes moyennes, une réforme qui tiendrait compte de la situation des territoires spécifiques, comme les territoires de montagne – à propos desquels nous avons d’ailleurs déposé plusieurs amendements –, une réforme qui prendrait en compte des entités historiques constituant également de formidables vecteurs au service du développement local – je pense en particulier au regroupement des collectivités en pays de Savoie-Mont-Blanc, à propos desquels mes collègues et moi-même avons également déposé des amendements –, une réforme, enfin, bien éloignée de celle que vous nous proposez, monsieur le ministre. C’est pourquoi nous ne voterons pas l’article 1er. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Réformer la carte de nos collectivités territoriales est un objectif louable et nous partageons tous cet objectif. Le problème tient, comme toujours, à la mise en œuvre et, comme l’ont abondamment relevé mes collègues, on se trompe ici de méthode, et à plusieurs titres.

D’abord, il règne dans cette réforme un très grand flou.

M. Patrick Hetzel. Et quand il y a du flou, c’est qu’il y a un loup !

M. Éric Woerth. De fait, on ne connaît pas très les compétences des collectivités territoriales concernées. C’est le cas des départements, dont nous allons élire les représentants à la fin du mois de mars, mais dont, au fond, nous ne connaissons pas les compétences – on sait juste qu’ils prendraient des formes différentes selon qu’ils seraient ruraux, urbains ou métropolitains. Si on sait pour qui on va voter, on ne sait pas pourquoi ni comment. Il est assez étonnant de faire appel à la démocratie et de mobiliser les électeurs pour élire des conseillers territoriaux sans savoir quelles seront les compétences des départements dans lesquels ils siégeront, ni la durée de vie de ces départements.

M. Michel Piron. C’est shakespearien !

M. Éric Woerth. Tout cela très compliqué. Or, dans la démocratie, il peut y avoir des débats et des oppositions, mais pas de flou – et le flou est ici considérable.

En outre, il aurait fallu d’abord interroger les collectivités. Il n’aurait pas été stupide, en effet, de se demander si les régions avaient envie de travailler ensemble, département par département. Il y va de la vie de nos concitoyens. Des projets de réforme territoriale fondés uniquement sur des théories ou sur une approche politique très contestable ne peuvent pas fonctionner. Ce qui doit prédominer, c’est évidemment la notion de bassins de vie dans lesquels les gens ont envie de vivre, où ils travaillent et se déplacent et où leurs enfants font leurs études. C’est là que se situent les réalités géographiques et sociologiques de notre pays et ce n’est pas ce découpage très théorique et très rapide qui répondra à ces préoccupations. On l’observe d’ailleurs avec l’Alsace, aujourd’hui maltraitée. Si l’on a considéré que la Bretagne pouvait rester une région unique, …

M. Thierry Benoit. Mais non réunifiée !

M. Éric Woerth. … c’est parce qu’on lui a appliqué une lecture, un tamis purement politiques : M. Le Driant a dû expliquer au Président de la République que la Bretagne devait rester la Bretagne, voilà tout. Au fond, l’Alsace aurait pu obtenir le même traitement, car elle une même identité, une même culture et un même ancrage dans le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Excellent ! Il a raison !

M. Éric Woerth. Je ne comprends pas ce traitement différencié, qui ne s’explique que par une lecture politique.

M. André Schneider et M. Jean-Luc Reitzer. Et politicienne !

M. Éric Woerth. On peut donc se demander comment vous avez procédé pour les autres régions.

Il aurait fallu interroger les départements. Le bon découpage aurait supposé que l’on étudie des fractions plus petites que l’échelle régionale. Les départements disposeront d’un droit d’option qui leur permettra de dire à quelle région ils souhaitent être rattachés. Ce ne sera cependant le cas qu’après le vote de la loi et peut-être aurait-il mieux valu qu’ils en disposent avant.

La région dont je suis élu, la Picardie, aurait pu être traitée de deux autres façons. Tout d’abord, elle aurait pu rester une unique région, moyennant une fusion des quatre départements qui la composent. Cette démarche n’aurait peut-être pas été irrationnelle, compte tenu du positionnement géographique de cette région entre les grands ensembles que sont l’Île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais. La région aurait pu ainsi conserver son identité tout en fusionnant, compte tenu de sa faible taille, l’ensemble des collectivités qui la composent et devenir ainsi une grande collectivité régionale dans laquelle les Picards se seraient retrouvés.

Une autre logique aurait pu consister à tenir compte des bassins de vie des différentes populations, en faisant ainsi éclater la Picardie au motif que le bassin de vie des habitants de l’Oise est plutôt l’Île-de-France, où ils vont travailler et où ils ont des attaches, que la Somme est plutôt tournée vers le Nord-Pas-de-Calais et l’Aisne plutôt vers la région Champagne-Ardenne. On aurait pu poser cette question aux départements – qui, du reste, ont peut-être encore une autre vision des choses. Or, on n’interroge personnes et on marie tout le monde de façon autoritaire, sans connaître les conséquences de ces rapprochements ni les compétences de ces entités.

C’est une assez mauvaise méthode et c’est dommage. L’objectif était bon, mais l’occasion est ratée. Cette réforme mobilisera une énergie considérable de la part de l’administration et de l’ensemble notre pays, alors que toute cette énergie devrait être tournée vers un seul objectif : provoquer la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Sans répéter tout ce que j’ai dit lors de la discussion générale, je soulignerai au moins un élément de notre débat qui me préoccupe depuis le mois de juin. Sur tous les bancs, nous convenons tous ce qu’il n’y a pas de carte idéale, comme en témoignent les divers propos qui s’expriment ici. Cependant, ce n’est pas aujourd’hui que nous découvrons cette réalité.

La définition de cette carte est partie d’en haut. Cette méthode est peut-être critiquable, mais c’est celle qui a été mise en œuvre et il nous faut faire avec. Les évolutions de cette carte ont suscité des premières interrogations. Il est en effet troublant de voir le Président de la République remis en cause par sa propre majorité à propos de la carte qu’il a définie.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Jacques Krabal. On voit mal quelles sont les règles qui président à l’aménagement de la France qui prévaudra pour 50 ans au moins. Le processus part d’en haut. Si nous voulons régler les difficultés qui apparaissent, il ne s’agit pas d’appeler au consensus, mais d’exprimer sa volonté et de rencontrer, de débattre, de se rendre sur le terrain et d’écouter les élus locaux et la population.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jacques Krabal. Cela est d’autant plus vrai que des progrès ont été réalisés dans la définition de cette carte. Les difficultés ne sont pas insurmontables si nous voulons les surmonter. Or, on n’a pas voulu aller au bout des choses et on a limité ce plan d’action d’une manière qui suscite des interrogations. J’ai déjà dit à cet égard que le Président de la République avait fait preuve de courage et d’audace, mais qu’on avait limité cette audace en s’opposant au découpage des régions, notamment à celui de la région Île-de-France. Comment peut-on redéfinir une carte avec d’aussi fortes contraintes ? Ainsi, la région Picardie n’est picarde que sur la Somme.

M. Jean-Louis Bricout. Mais non !

M. Jacques Krabal. Bien sûr que si ! Du point de vue de l’identité, les trois sénateurs du département de l’Aisne, de quelque bord qu’ils soient, reconnaissent que 75 % des habitants de ce département connaissent l’attractivité de la Champagne, particulièrement de Reims. Puisqu’il y a des débats, posons la question au Conseil général de l’Aisne, et qu’il réponde. Cher collègue qui n’êtes pas de mon avis, demandons l’avis de la population – car c’est bien aux populations de décider.

M. Patrick Hetzel. C’est du bon sens !

M. Jacques Krabal. Autant je suis opposé à un référendum national, autant je suis convaincu que, quand il s’agit de la vie des gens, il faut leur demander leur avis.

Je suis donc opposé à cet article 1er, qui a limité la qualité de la carte des régions. Ce que nous voulons tous – et c’est là un point de vue transpartisan –, c’est améliorer la vie des gens. Nous voulons que nos territoires s’inscrivent dans un élan de dynamisme et créent de la valeur ajoutée. Or, ce n’est pas parce que nous aurons créé des mastodontes en termes de population ou d’espace que cela se fera. Il faut créer des synergies. Au Sénat, M. Michel Delebarre, qui connaît le Nord-Pas-de-Calais, a lui-même déclaré qu’il n’y avait pas de synergies ni de partenariats, malgré une frontière commune et une langue partagée, le ch’ti.

Nous avons réalisé, avec nos modestes moyens, une étude d’impact sur ce qui se fait entre l’Aisne et la région Champagne-Ardenne. Montrez-nous quelle sera la valeur ajoutée de ce rapprochement pour le département de l’Aisne.

M. Patrick Mennucci. Il s’agit de la République, pas d’un seul département !

M. Jacques Krabal. Ce raisonnement vaut dans tous les domaines. On ne peut pas redessiner la carte de France sans s’appuyer sur des éléments objectifs et concrets, exempts d’arbitraire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je prendrai juste deux minutes pour répondre à mes collègues Jacques Krabal et Éric Woerth : dans l’Aisne, tout le monde ne partage pas l’opinion que vous venez d’exprimer, monsieur Krabal !

M. Jacques Krabal. C’est ce que j’ai dit !

M. Jean-Louis Bricout. Le nord de l’Aisne est très favorable à une fusion entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Pas le sud !

M. Jean-Louis Bricout. Pas le sud, mais le nord, oui !

M. Patrick Mennucci. Et en haut à gauche ? (Sourires.)

Mme la présidente. Seul M. Bricout a la parole !

M. Jean-Louis Bricout. Quel que soit le découpage régional retenu, il y aura toujours un espace, un coin de territoire avec des habitudes de vie, un territoire proche d’une autre région qui prétendra être mieux dans cette autre région ! C’est une évidence, quel que soit le découpage que l’on puisse faire !

Je défends donc le rapprochement du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie…

M. Hugues Fourage. Très bien !

M. Jean-Louis Bricout. …pour plusieurs raisons : nous avons en effet des points communs, une culture commune, une langue commune, une habitude de vie commune.

M. Hugues Fourage. Ça, c’est un argumentaire !

M. Jean-Louis Bricout. Nous avons aussi beaucoup de complémentarités entre nous, telles que celles dont vous avez parlé : les pôles de compétitivité entre la Picardie et la Champagne-Ardenne avec le pôle « Industries et agro-ressources », dit pôle IAR, mais aussi entre le Nord et la Picardie avec les pôles de compétitivité UP-Tex ou I-Trans.

Nous avons de plus un projet d’envergure, important et essentiel, entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie : le canal Seine-Nord, pour lequel nous devrons demain parler d’une seule voix afin de mener ce projet à son terme ; c’est certainement le projet le plus important. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci.

M. Patrick Mennucci. Mes chers collègues, quand je suis arrivé à l’Assemblée nationale, je croyais qu’ici, on représentait la nation. Je dois dire que je suis extrêmement surpris par le déluge d’interventions…

M. Serge Grouard. C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

M. Patrick Mennucci. …qui vont maintenant jusqu’à nous expliquer que dans tel ou tel département, à droite, à gauche, au coin, dans la forêt à côté, on serait Picard ou on ne le serait pas. Mais enfin ! Ce découpage des régions n’est pas fait pour faire plaisir à X ou à Y ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il est fait pour transformer les régions françaises afin de leur permettre d’avoir une attractivité internationale.

M. Thierry Benoit. Il ne s’agit pas de les transformer, mais de les adapter !

M. Bernard Gérard. C’est complètement raté !

M. Patrick Mennucci. Heureusement que le temps de parole est limité dans ce débat, parce qu’il pourrait durer des jours et des mois !

M. Bernard Gérard. Il sera renvoyé aux calendes marseillaises !

M. Patrick Mennucci. Nous avons tous un « chez nous » que nous préférons à un « un peu plus loin » : mais est-ce une raison pour nous comporter dans ce débat, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, comme on peut se comporter dans un conseil municipal ou dans un conseil général ? J’en appelle à la réalité de ce qu’est la nation ! Heureusement que nous avons un Gouvernement qui fait des propositions permettant d’avancer sans attendre que vous vous mettiez d’accord ! Si nous sortions d’ici pour vous laisser délibérer de la carte des régions, je crois que nous devrions attendre un petit moment avant de revenir à l’Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. C’est n’importe quoi !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme. Avant d’aborder la discussion des amendements, je vous propose de faire un point sur le temps de parole de chacun des groupes. Il reste deux heures cinquante-cinq minutes pour le groupe SRC, deux heures quarante minutes pour le groupe UMP, quarante-six minutes pour le groupe UDI, trente-six minutes pour le groupe écologiste, trente-quatre minutes pour le groupe RRDP, trente et une minutes pour le groupe GDR et cinq minutes quarante secondes pour les non inscrits.

Sur l’article premier, je suis saisie de sept amendements de suppression, nos 15, 46, 75, 109, 118, 150 et 209.

La parole est à M. Hervé Gaymard, pour soutenir l’amendement n15.

M. Hervé Gaymard. Cet amendement se justifie par lui-même ; nos débats le montrent bien. En l’adoptant, l’Assemblée vous rendra service, monsieur le ministre, puisque cette affaire est très mal partie. On sait bien que la mythique question de la taille critique des régions, évoquée tout à l’heure par notre collègue Gagnaire, ne résiste pas à l’examen puisque la plupart des régions dans les autres pays d’Europe sont plus petites que la moyenne des régions françaises – beaucoup d’États européens sont même plus petits que beaucoup de régions françaises ! Tout cela ne résiste donc pas à l’examen. Nous n’abordons pas les compétences avant le redécoupage, nous tenons mal compte du fait métropolitain dans ce redécoupage : pour toutes ces raisons, il nous semble qu’il faut supprimer cet article !

Mme la présidente. Sur les amendements de suppression nos 15, 46, 75, 109, 118, 150 et 209, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n46.

M. Patrick Hetzel. Je m’inscris dans le droit fil de ce que vient de dire notre collègue Hervé Gaymard. Je voudrais simplement ajouter un argument supplémentaire à la motivation du présent amendement.

Il y a un sujet dont nous n’avons pas encore suffisamment parlé : celui de l’inconstitutionnalité même du texte que nous étudions. En effet, au vu des changements apportés par ce projet de loi à l’organisation territoriale de la France, l’absence de consultation des collectivités territoriales concernées apparaît déjà très grave politiquement ; mais, ce qui est plus déplorable encore et absolument injustifiable, c’est l’absence effective de toute étude d’impact, même sommaire, qui permettrait de montrer et de démontrer le bien-fondé des nouvelles limites et des regroupements – voire du statu quo que prévoit le projet de loi pour certaines régions. Cela laisse à penser que le résultat final de ces jeux de construction et de déconstruction dépend avant tout d’évanescentes considérations partisanes.

Or il est clair que lorsque l’on procède à des découpages, ceux-là ne doivent en aucun cas être fondés sur une base partisane. Le Conseil constitutionnel l’a affirmé avec beaucoup de constance.

Le principe de consultation préalable est par ailleurs amplement illustré dans un certain nombre d’articles du code général des collectivités territoriales, que je ne vais pas énumérer ici – et dont certains remontent au XIXsiècle. Il y a donc selon moi un problème de constitutionnalité mettant en jeu des grands principes de la Constitution de 1958, mais également des articles du code général des collectivités territoriales. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons mettre en garde le Gouvernement concernant ce texte. Nous ne manquerons évidemment pas de soulever la question de l’inconstitutionnalité si les débats devaient rester bloqués, tels qu’ils le sont aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n75.

M. Marc Dolez. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale au nom de notre groupe, nous sommes résolument opposés à la philosophie de ce projet de loi, résolument opposés à l’ensemble de la réforme territoriale en cours, à ces super-régions loin des besoins et des citoyens, à ces super-métropoles qui aspirent en quelque sorte les collectivités locales, à ces grandes intercommunalités d’au moins 20 000 habitants : tout cela nous fait craindre beaucoup pour l’avenir même de la République, car nous redoutons que cette organisation ne mette davantage encore les territoires en concurrence, accroissant tant la fracture entre ceux-ci que les inégalités.

Pour toutes les raisons de fond que j’ai indiquées, nous sommes bien sûr opposés à cet article premier, qui est l’article clef du projet de loi. C’est la raison pour laquelle nous invitons l’Assemblée nationale à le supprimer et, par conséquent, à supprimer aussi le projet de loi en question, un texte mortifère pour la République.

M. André Schneider et M. Jean-Luc Reitzer. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n109.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Quelques observations : cet amendement a pour objet la suppression de l’article 1er, ce qui me semble particulièrement fondé au regard de l’attitude très chaotique du Gouvernement sur le nombre de régions – douze, treize, quatorze, voire quinze : on ne sait plus ! Son abolition permettrait d’ouvrir enfin un vrai débat sur l’institution régionale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n118.

M. Jacques Krabal. Je l’ai défendu dans mon intervention précédente en disant que cette carte ne pouvait pas aboutir en raison des contraintes fixées par le Gouvernement, qui interdisent de réfléchir à la question de l’Île-de-France et ne favorisent pas le démembrement des régions qui n’ont pas de cohérence. C’est tout à fait le cas de la délimitation de la région Picardie : sans vouloir faire injure à quiconque, le département de l’Aisne ne se sent pas dans cette région Picardie car il a toujours ressenti l’attractivité de la Champagne ; ce sont des faits historiques que personne ne peut contester. Je souhaite donc la suppression de cet article.

Si nous voulons vraiment améliorer la qualité de cette carte, nous devons avoir un débat sur le droit d’option. Plusieurs départements en France attendent cette proposition – il n’y a pas que l’Aisne ! J’espère que, comme cela a été annoncé dans le cadre de la discussion générale, nous pourrons bénéficier en ce domaine d’un dispositif clair et respectueux de l’avis des élus locaux, …

M. Marc Le Fur. Hélas ! C’est mal parti !

M. Jacques Krabal. …même si j’ai bien entendu qu’ici, dans cette enceinte, certains ne manifestent pas beaucoup d’entrain aux côtés des élus locaux – or ce n’est pas facile de se faire élire !

M. Thierry Benoit. Dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n150.

M. Jean-Luc Laurent. Je voudrais prendre quelques instants pour présenter cet amendement qui me semble grandement justifié tant par les débats que nous avons eus en première lecture que par le début de nos travaux en deuxième lecture. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a beaucoup de confusion et d’idées contradictoires. La suppression de l’article 1er, telle que je la propose, permettrait de supprimer le redécoupage des régions et, par là même, de remettre de la rationalité dans notre discussion budgétaire et parlementaire.

Nous parlons en effet de finances, de compétences, d’objectifs à atteindre ; mais nous parlons aussi de carte sans indiquer pourquoi, avec quel statut, avec quelle compétence, avec quels objectifs. Il me semble en effet qu’il faut remettre la charrue derrière les bœufs, et non l’inverse ! Parler de périmètre avant de parler de compétences, c’est en effet mettre la charrue avant les bœufs !

M. Jean-Luc Reitzer. C’est une évidence !

M. Jean-Luc Laurent. Il faut se demander ce que l’on veut faire avant de déterminer un périmètre, quel qu’il soit ! Ce débat relève à nouveau, nous le voyons depuis le début de nos travaux et particulièrement depuis hier, d’un grand bingo des régions : en ouvrant la boîte de Pandore d’un nouveau découpage, le Gouvernement a suscité à l’Assemblée nationale 577 vocations de cartographes. Tout le monde joue à un nouveau jeu, celui du « Marions-les et divorçons-les » !

La discussion à l’Assemblée nationale et, auparavant, au Sénat, mais aussi dans les régions – contrairement à ce qui s’est dit ici même il y a encore quelques instants – témoigne d’un débat âpre, pas consensuel et pas constructif. Je pense en particulier aux discussions qui demeurent vives dans un certain nombre de régions : en Picardie – on vient de l’entendre –, en Nord-Pas-de-Calais, en Franche-Comté, en Bourgogne, en Rhône-Alpes, en Auvergne et dans d’autres régions.

M. Jean-Luc Reitzer. En Alsace !

M. Jean-Luc Laurent. L’article 1er ne propose pas en effet de redécoupage opportun et cohérent. On nous dit que la création des grandes régions permettrait de se mettre à l’échelle pertinente de l’Europe – sauf que nos régions actuelles, mes chers collègues, sont dans la moyenne européenne !

M. André Schneider. Absolument !

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit plutôt d’envoyer un message à Bruxelles, à tort selon moi, selon lequel nous serions les bons élèves d’une réforme structurelle. J’ajoute que ni le nombre d’habitants, ni la superficie ne sont des critères pour déterminer ce qui pourrait être la puissance d’un territoire ou d’une région. Ce sont les pouvoirs et les compétences qui sont l’enjeu véritable !

Conçue rapidement, avec de multiples écritures et réécritures, cette nouvelle carte des régions favorisera-t-elle les économies budgétaires ou l’efficacité publique qu’on nous a annoncées et répétées durant cette séance ? Rien n’est moins sûr, en dépit de ce qui a été dit !

En revanche, il y a trois certitudes. La première, c’est que le débat réveille des revendications identitaires régionales, voire régionalistes, particulièrement en Alsace et en Bretagne. La deuxième, c’est que la nouvelle carte va remettre en cause trente ans de travail commun accompli depuis le précédent découpage. Je rappelle que seul un travail patient peut apporter la solidité et le dynamisme nécessaires à toute réforme touchant les espaces publics territoriaux. La troisième certitude, c’est qu’en regroupant les régions, on les éloigne du citoyen.

Plusieurs députés du groupe UMP. Absolument !

M. Jean-Luc Laurent. En toute logique, il faudra que ces régions créent de nouvelles structures de gestion intermédiaires.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est la vérité !

M. Jean-Luc Laurent. La France n’étant ni une République fédérale comme l’Allemagne, ni une République régionalisée comme l’Italie, mais une République unitaire, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 1er pour aller enfin à l’essentiel, mettre de l’ordre dans les politiques territoriales et les rendre plus efficaces, plus spécialisées et plus compréhensibles pour les citoyens.

M. Philippe Bies. Bien !

M. Jean-Luc Laurent. Voilà ce qui devrait résulter, pour l’organisation territoriale de la République, de la carte des régions.

Au regard de toutes les discussions et des prises de positions, régionales et régionalistes, je voudrais rappeler que chaque nation a son histoire. Celle de la France est une construction. Depuis la Monarchie, notre pays s’identifie à un État central puissant. En 1982, François Mitterrand a instauré la décentralisation, mais il s’agit en réalité de la décentralisation de l’État et non de la fédéralisation de la France.

M. André Schneider. Très juste !

M. Jean-Luc Laurent. Ne construisons pas une administration territoriale qui amènerait à multiplier les statuts à la carte, les organisations particulières, les régions régionalistes, les identités territoriales, ce qui aboutirait au démantèlement de l’État-nation et à la déconstruction de la France républicaine. Tel est le sens de l’amendement de suppression de l’article 1er.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n209.

M. Xavier Breton. Tous ces échanges à propos de l’article 1er traduisent les crispations que suscite cette nouvelle carte des régions, et surtout ils mettent en avant les défauts de la méthode utilisée. Nous l’avions déjà signalé en première lecture, la carte proposée a été établie sur la base de l’improvisation et ne tient pas du tout compte des réalités du terrain. Il n’y a pas eu de consultation véritable, ni des collectivités concernées, ni de nos concitoyens, et aujourd’hui nous voyons surgir des crispations et des polémiques qui freinent le débat sur la réforme territoriale.

Il faut reprendre le travail, c’est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de supprimer l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les principaux arguments qui sont développés depuis hier soir, et qui ont conduit au dépôt de ces amendements, sont assez proches, quoique proférés avec un peu moins de virulence, de ceux qui avaient été présentés lors de la première lecture.

Il en est un que nous avons du mal à entendre, celui qui porte sur l’impréparation de la réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Elle est pourtant réelle !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je le rappelle une nouvelle fois : qu’il s’agisse du rapport que nos collègues Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas ont remis en 2008 en conclusion des travaux d’une mission d’information présidée par Jean-Luc Warsmann,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Vous ne l’avez pas lu !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …de celui du Comité pour la réforme des collectivités locales, dit « Comité Balladur », ou d’autres rapports rendus en 2009 et 2013, tous les travaux ont conclu à la nécessité de réduire le nombre de nos régions.

Un autre argument est difficile à entendre : celui consistant à dire que nous ne serions pas légitimes, nous, députés, pour établir cette nouvelle carte de France. Je vous affirme que nous le sommes, ni plus ni moins que les sénateurs, que par ailleurs un certain nombre d’entre vous ont célébrés pour leur sagesse. L’Assemblée nationale n’est pas moins sage que le Sénat : elle a fait son travail en se saisissant du projet du Gouvernement et en le transformant, en commission comme dans l’hémicycle. Et elle ne l’a pas fait à la seule initiative du rapporteur et du groupe majoritaire, mais en prenant en compte des amendements issus de tous les bancs.

M. Jean-Luc Reitzer. Si peu !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. À cet égard, je me dois de rappeler, même si cela peut ne pas plaire, que lorsqu’il a fallu voter l’article 1er en première lecture, il s’est trouvé des députés socialistes, radicaux de gauche, centristes, et quelques membres du groupe UMP pour voter ladite carte. Certes, elle ne recueille pas un consensus total, mais il est assez rare, depuis deux ans et demi, qu’une disposition recueille l’assentiment d’une partie aussi large de notre hémicycle.

Supprimer l’article 1er, ce serait nier le travail accompli depuis de nombreuses années par des collègues siégeant sur tous les bancs, ainsi que celui de sénateurs éminents comme M. Balladur et M. Raffarin, …

M. Jean-Luc Reitzer. Balladur n’était pas sénateur !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …sans parler du travail de la commission des lois ou de celui que nos amis sénateurs ont réalisé en première lecture. Car même si vous lui trouvez davantage de grâces, reconnaissez que la carte adoptée par la Haute assemblée réduit également le nombre de régions.

Pour ces raisons, il serait totalement contre-productif d’adopter ces amendements auxquels la commission émet naturellement un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Le Gouvernement s’oppose naturellement à ces amendements de suppression.

Je voudrais à mon tour répondre aux parlementaires qui nous ont interpellés sur la méthode. Comme vient de l’indiquer justement M. Da Silva, beaucoup de comités ont été créés et de nombreux rapports ont été rédigés sur la réforme des régions et la diminution de leur nombre.

M. Jean-Luc Reitzer. Il ne faut l’imposer à personne !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Franchement, pensez-vous qu’en prenant six mois, un an ou deux ans de plus, nous aurions abouti à quelque chose de très différent ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le rapport Balladur, comme d’autres avant et après lui, proposait quinze grandes régions. D’autres en préconisaient douze. Certains vont même plus loin : ainsi, hier, M. Fromantin évoquait une France à sept ou huit régions.

M. François de Rugy. Ce n’est pas sérieux !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Au Sénat, il y a quelques mois, MM. Raffarin et Krattinger en proposaient huit ou neuf. En limitant leur nombre à douze, treize ou quatorze, nous avons la maille qu’il convient pour faire des régions de France des collectivités compétitives et attractives.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne l’avez pas démontré, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Toutes ne seront pas agrandies, cependant. Et je vous rejoins sur un point, mesdames et messieurs de l’opposition : les compétences sont au moins aussi importantes que la taille des régions. Or les compétences, nous en débattrons dans un mois, lorsque le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République viendra en discussion devant le Sénat.

M. Olivier Carré. C’est ce qui est anormal !

M. Jean-Luc Reitzer. Il fallait le présenter en même temps !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Ce projet, vous le connaissez, puisqu’il a été adopté en Conseil des ministres le 18 juin – date historique –, en même temps que celui dont nous débattons aujourd’hui. Les deux textes sont donc sur la table. Celui consacré aux compétences des collectivités sera, n’en doutons pas, modifié par le Parlement, notamment au Sénat et peut-être également à l’Assemblée, mais en tout état de cause, vous connaissez d’ores et déjà les intentions du Gouvernement dans ce domaine.

Enfin, s’agissant de l’affirmation selon laquelle la carte a été imposée « d’en haut », j’ai noté, notamment chez M. Krabal, une contradiction. En effet, ce dernier, après avoir regretté que le Gouvernement cherche à imposer un découpage réalisé à l’Élysée en moins d’une soirée, reproche ensuite au Parlement et à la majorité de contester la décision du Président de la République ! Mais le Parlement joue son rôle, monsieur le député, et le Gouvernement respecte le Parlement.

Car vous l’avez noté, la carte adoptée par l’Assemblée nationale en juillet dernier n’est pas celle qu’avait proposée le Gouvernement. Encore une fois, la démocratie parlementaire est parfaitement respectée, de la même façon que les élus locaux sont consultés depuis six mois dans toutes les régions de France. Les élus régionaux et les parlementaires se sont emparés du débat, ainsi que la presse quotidienne régionale, les conseils municipaux, les conseils économiques et sociaux régionaux.

M. Jean-Luc Reitzer. On ne les entend pas !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le débat a lieu dans toute la France.

M. Antoine Herth. Écoutez l’Alsace !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Et depuis six mois, ce débat est riche, il est passionnant…

M. André Schneider. Mais 96 % des élus alsaciens sont contre votre projet !

M. André Vallini, secrétaire d’État. …notamment sur la question des identités. J’ai entendu Mme Pompili parler de la Picardie. Mais dans cette région, comme en Alsace, en Bretagne, dans le Sud ou dans le Nord, aucune carte ne fait, ni ne fera jamais l’unanimité ! Les identités régionales sont avant tout provinciales –j’entends par là qu’elles remontent aux provinces de l’Ancien Régime. Elles ont traversé la Révolution française, la Restauration, le premier Empire et le second Empire, cinq républiques, et elles sont toujours là ! Et vous pensez qu’une simple réforme administrative va gommer les identités, les bafouer ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mais pas du tout ! L’Alsace restera l’Alsace et le droit local alsacien restera le droit local alsacien ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Chaque région, chaque province conservera son identité et ses traditions, et ce qui fait sa richesse !

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement pense qu’il faut maintenant avancer. Le débat a eu lieu longuement, à l’Assemblée nationale, au Sénat et à nouveau à l’Assemblée. Il aura lieu pendant de longs mois encore. Mais il y a cinquante ans, lorsque les régions actuelles ont été délimitées, pensez-vous qu’elles ont fait l’unanimité ? Monsieur Gaymard, monsieur Accoyer, souvenez-vous de ce que l’on disait de la région Rhône-Alpes il y a une quarantaine d’années : que c’était une région artificielle, s’étirant des bords du lac Léman aux portes d’Avignon. Et pourtant, elle a sa cohérence et son dynamisme.

M. Hervé Gaymard. C’est faux ! Elle est artificielle !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour autant, vous êtes savoyards, je suis dauphinois, et rien n’a changé pour les identités de nos provinces respectives.

Il faut maintenant avancer et naturellement ne pas supprimer l’article 1er pour, enfin, réaliser cette nouvelle carte des régions, cette grande réforme territoriale que les Français attendent. Regardez les sondages d’opinion, mesdames et messieurs de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Oui, regardez-les bien : 96 % des Alsaciens sont contre !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Les Français attendent cette réforme territoriale et nous allons la faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. J’ai relevé, dans les propos des signataires de ces amendements, quelques affirmations truculentes. Tout d’abord, certains d’entre eux ont indiqué à moult reprises, au cours de la discussion générale, que la carte du Sénat était une bonne carte et qu’elle méritait d’être prise en compte. Leur premier réflexe est pourtant de déposer un amendement destiné à supprimer toute carte.

M. Éric Straumann. C’est pour mieux en discuter à nouveau !

M. Hugues Fourage. La cohérence aurait voulu qu’ils déposent un amendement tendant à rétablir la version du Sénat.

M. Jean-Luc Reitzer. Il faut la refaire !

M. Hugues Fourage. Cela montre, mes chers collègues, que vous ne voulez vraiment pas de réforme ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est faux !

M. Jean-Luc Reitzer. Nous n’avons pas de leçons à recevoir !

M. Michel Sordi. Vous avez annulé toutes celles que nous avons faites !

M. Hugues Fourage. Une telle attitude est pour le moins grave.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’étude d’impact, le débat a été tranché…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’y en a pas !

M. Hugues Fourage. …puisque le Conseil constitutionnel a validé cette étude. Votre litanie ne peut rien changer à ce fait.

De même, vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur la dimension partisane du projet, il n’en demeure pas moins que des députés siégeant sur tous les bancs de cette assemblée ont voté en faveur de la carte à treize régions. Cette disposition dépasse les clivages partisans. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.) Je refuse donc l’idée selon laquelle il s’agit d’une carte partisane. Vous pouvez prétendre qu’elle a été dessinée sur un coin de table, mais a fait l’objet d’un débat, d’une discussion et de nombreuses auditions. Elle représente donc un point d’équilibre.

En ce qui concerne la consultation, soyons un peu sérieux. Il y a quarante-deux ans, les régions ont été établies par décret !

M. Hervé Gaymard. Ce n’est pas du tout la même chose ! Je vais vous répondre sur ce point !

M. Hugues Fourage. Il y donc bien une avancée démocratique. Et puisque le Parlement en a été saisi, notre rôle est de rendre cette carte effective. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC s’oppose à la suppression de l’article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je laisse à Hervé Gaymard le soin d’indiquer la position de notre groupe sur la suppression de l’article 1er, mais dans la mesure où nous avons tous cosigné son amendement, il ne faut pas s’attendre à une surprise.

On peut s’interroger indéfiniment sur le contenu de cette carte, mais là n’est pas le fond du problème. Hier, notre collègue Hervé Gaymard a apporté de solides objections aux arguments et aux critères qui vous ont conduit, M. le ministre de l’intérieur et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à découper ou associer autrement ces régions.

M. Bernard Roman. Les moyens !

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai d’ailleurs déposé en première lecture un amendement assez semblable à celui de notre collègue Fromantin, car en l’état actuel, nous ne sommes pas dans une logique de critères, qui prendrait en compte les bassins de vie, l’évolution des territoires ou les attentes des populations. Aucun de ces éléments n’apparaît dans la méthode que vous avez essayé de défendre, tant en commission que devant les deux assemblées du Parlement. Et c’est bien le problème !

Quant à notre collègue Mennucci, il a visiblement a tiré toutes les conséquences de son intervention de ce matin en commission des lois. Bien sûr, mon cher collègue, que nous sommes tous des élus de la nation. Mais en l’absence d’une méthodologie claire et de raisons objectives permettant de justifier les regroupements proposés, certains de nos collègues ont nécessairement la tentation d’adopter une position de repli local. Faute de pouvoir comprendre ce qui se passe, ils en viennent à s’opposer à tout changement.

Il n’y a ni méthode claire, ni objectivité, ni affichage d’un travail méthodologique organisé et partagé ! Rien de tout cela n’existe ! Comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d’État, parvenir au consensus que vous appelez de vos vœux tout en déplorant qu’il n’existe pas – c’est le moins que l’on puisse dire ? Il est impossible d’en établir un dans de telles circonstances ! Vous vous demandiez tout à l’heure s’il fallait prendre six mois ou un an de plus, mais j’ai regretté à la tribune de l’Assemblée que vous ne l’ayez pas fait, car il le fallait évidemment !

Et personne ici, cher collègue Fourrage, ne s’oppose à une réforme territoriale ! Plusieurs orateurs ont rappelé tout à l’heure, dont M. le rapporteur avec un certain sourire, les différents rapports produits par l’actuelle opposition au cours des années précédentes. Nous ne sommes pas opposés au principe d’une réforme et nous avons le droit de débattre entre nous ! Cela étant dit, très franchement, l’opération consistant à s’interdire d’emblée de modifier les départements et les régions pour s’en tenir à un simple Meccano ne peut pas fonctionner ! Tel est le sens des amendements de suppression déposés par le groupe UMP que je voterai à titre personnel en attendant respectueusement la formulation par notre orateur de la position du groupe sur le sujet.

M. Antoine Herth. Parfaitement d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le secrétaire d’État, vous défendez avec talent un mauvais texte, dont nous contestons l’article 1er qui en constitue l’essentiel.

M. Alain Tourret. Il n’en a que plus de mérite !

M. Marc Le Fur. Du talent et du mérite, certes ! Pourquoi est-ce un mauvais texte ? Parce que la méthode qui a présidé à son élaboration, mélange d’improvisation et d’autoritarisme, est erronée. L’improvisation est patente dans tous les travaux qui ont précédé ou auraient dû précéder la rédaction du texte. Le rapport Balladur auquel on nous renvoie, c’était tout autre chose ! Étaient associés non seulement des gens de la majorité de l’époque mais aussi des gens de l’opposition, dont vous-même, monsieur le secrétaire d’État, et jusqu’à Pierre Mauroy. En outre, les conclusions du rapport étaient bien différentes ! J’en veux pour preuve que le rapprochement entre ma région, la Bretagne, et la Loire-Atlantique y était considéré comme très pertinent !

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Marc Le Fur. L’autoritarisme réside dans l’absence de consultation des régions comme des départements. La logique consistant à prendre nécessairement en compte les régions actuelles en s’interdisant de revoir la carte a prévalu. En outre, tout a été décidé un lundi soir dans le bureau du Président de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Schneider. Eh oui !

M. Sébastien Denaja. Un mardi matin, ça aurait changé quelque chose ?

M. Bernard Roman. Et Sarkozy, il ne décidait rien ? On marche sur la tête !

M. Marc Le Fur. Nous ne ferons que confirmer ce qui a été décidé sans modifier l’essentiel. J’ose encore dire qu’il s’agit d’un texte jacobin, car abstrait !

M. Xavier Breton. Très bien !

M. Marc Le Fur. La première dérive jacobine, c’est l’abstraction, l’ignorance des réalités, des territoires et des identités qui ne sont pas en contradiction avec l’identité française mais en sont le complément naturel ! On a célébré cette année le centenaire de la Grande guerre à laquelle ma région a donné plus que d’autres, car 250 000 Bretons y sont morts. Ils étaient à la fois parfaitement bretons et parfaitement français ! Ce qui vaut pour la Bretagne vaut aussi pour la Savoie, la Lozère, etc. Dès lors, cessons d’opposer les petites identités, les petites patries, les réalités régionales d’une part et d’autre part la réalité nationale qui doit nous fédérer au lieu d’être vécue comme une exclusion et non un complément. Nos débats en seraient d’autant plus apaisés !

Enfin, surprise finale, le nombre de régions est fixé à treize, si j’ai bien compris.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ça porte bonheur !

M. Marc Le Fur. Faire du nombre ou de la taille des régions un étalon n’a pas de sens ! L’efficacité n’est pas corrélée à la taille des régions, on en trouve de multiples exemples à l’étranger, en Allemagne, en Suisse ou ailleurs. Un découpage en régions de taille modeste peut parfaitement être très efficace pour peu qu’il existe un véritable sentiment d’appartenance régionale, condition de la solidarité et de l’action commune qui supposent que l’on ait le sentiment d’appartenir à la même région et que l’on estime avoir un avenir partagé. Le projet de loi procède donc selon moi d’une erreur initiale et nous devons dès l’article premier mettre un terme à ce funeste projet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je formulerai quelques remarques très brèves sans revenir sur les arguments qui à la fois nous réunissent et nous opposent, car notre collègue Poisson l’a excellemment fait à l’instant.

M. Antoine Herth. Tout à fait !

M. Hervé Gaymard. Tout d’abord, nous pouvons jouer longtemps au jeu de « plus réformateur que moi tu meurs » en convoquant l’histoire. Nous pouvons vous reprocher, chers collègues socialistes, d’avoir appelé à voter non au référendum de 1969, vous pouvez nous reprocher d’avoir voté non à la réforme de 1982 ici-même et nous pouvons vous reprocher de ne pas avoir voté la réforme Chirac-Raffarin sur l’acte II de la décentralisation. Ce débat est sans fin et complètement stérile, il ne sert donc à rien de l’engager.

J’en viens à la modification des périmètres territoriaux qui appelle deux observations. Avant 1982, la région n’est pas une collectivité territoriale.

M. André Schneider. Absolument !

M. Hervé Gaymard. Les régions étaient jusqu’à la création en 1972 d’un établissement public régional des circonscriptions administratives de l’État, il était donc normal qu’elles relèvent du décret et non de la loi, ce qui est strictement conforme au droit commun. La mise en place en 1960 des circonscriptions administratives régionales, échelon de planification de l’État, et en 1963 des commissions de développement économique régional, les CODER, associant représentants socioprofessionnels et élus de la région, a eu lieu par décret car il ne s’agissait pas à l’époque de collectivités territoriales.

M. Claude Sturni. Bien vu !

M. Hervé Gaymard. Il ne vous a pas échappé, chers collègues, que la configuration est complètement différente depuis 1982. Il s’agit dorénavant de modifier des collectivités territoriales. Lors de fusions de communes, qui sont très rares, et plus exceptionnellement encore de modifications de tracé des communes, il me semble qu’à tout le moins les conseils municipaux sont consultés et doivent même souvent rendre un avis conforme ! Certes, on ne demande pas forcément l’avis conforme des assemblées délibérantes, mais il faudrait au minimum les consulter, ce qui n’a pas été le cas avant la réforme dont nous débattons.

En outre, avant le vote de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, rien n’était prévu pour leur remodelage. Il y avait là un angle mort de notre législation. Cette loi a donc prévu une procédure afin que puissent se réunir les départements et les régions qui le souhaitent. Nous avions décidé en première lecture à l’Assemblée nationale que les assemblées délibérantes concernées se prononceraient sur la fusion de départements ou de régions. Lors de l’examen du texte au Sénat, celui-ci a adopté un amendement de Michel Charasse, qui vivait ses derniers jours de sénateur avant de rejoindre le Conseil constitutionnel, prévoyant l’obligation d’un référendum. Tel est donc le droit positif et c’est bien à nous, car vous avez voté contre, chers collègues socialistes, que l’on doit l’introduction en 2010 de cette possibilité démocratique.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. François de Rugy. Mais qu’elle est complexe !

M. Hervé Gaymard. Je constate que cette disposition, qui faisait partie de notre droit positif, a été supprimée par un amendement gouvernemental déposé en commission des lois lors de l’examen du projet de loi en première lecture au mois de juillet et que l’actuelle majorité a confirmé en séance publique fin juillet la décision de supprimer la possibilité ménagée aux collectivités territoriales de se regrouper librement. Telle est la raison des contestations qui proviennent de tous les bancs et tous les territoires de notre République : le Gouvernement a décidé que seule la loi peut redécouper les territoires. Souffrez donc, chers collègues socialistes, que les législateurs que nous sommes disent ici ce qu’ils ont à dire, car hors de cette enceinte les collectivités décentralisées ne sont pas en mesure de le faire !

M. Antoine Herth et M. André Schneider. Tout à fait !

M. Hervé Gaymard. Enfin, il s’agit évidemment d’un débat sans fin. Chacun sait bien que le découpage des territoires est extrêmement complexe et vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État. Une carte récente de la DATAR, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, d’ailleurs récemment publiée dans un hebdomadaire à grand tirage, matérialise les flux réels de trafic routier, téléphonique, universitaire etc. On y voit, et ce n’est pas sans intérêt, que la densité des échanges n’a en général rien à voir avec le découpage que l’on nous propose. Pour toutes ces raisons, nous pensons que celui-ci n’est pas le bon, tout simplement. Ce ne sont ni l’esprit de contradiction ni la volonté de faire durer les choses qui nous animent mais tout simplement le bon sens ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Avant de formuler notre position de vote, je salue très sincèrement votre arrivée au banc du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, car vous jouissez sur ce sujet d’une incontestable légitimité personnelle.

M. Alain Gest. Sur la justice aussi ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. Vous apportez à ce gouvernement une vraie vision et une vraie autorité qui découle de ce que vous avez fait au cours des dernières années. En effet, vous avez eu le courage, je m’en souviens très bien car vous étiez à l’époque député d’opposition comme moi dans un autre groupe, de participer au comité Balladur, tentative de réforme des collectivités locales qu’il faut bien qualifier d’avortée, chers collègues de l’opposition. Mon petit doigt me dit d’ailleurs que le comité avait voulu, parmi ses préconisations, mentionner la réunification de la Bretagne, mais que celle-ci, en raison de différentes pressions, a été expurgée de la version finale du rapport – mais c’est un autre sujet sur lequel se pencheront un jour les historiens.

Je salue, monsieur le secrétaire d’État, vos propos sur les identités et les cultures régionales qui tranchent, nous sommes plusieurs à l’avoir ressenti, sur d’autres propos entendus depuis le début du débat sur les bancs du Gouvernement. Cela fait plaisir de savoir qu’il se trouve au sein du Gouvernement des gens comme vous qui assument pleinement cette partie de l’histoire de France !

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. François de Rugy. Bien évidemment, les identités et les cultures régionales ne disparaîtront pas par le truchement d’un redécoupage car elles sont plus fortes que les volontés abstraites – comme disait tout à l’heure un collègue –, souvent administratives et technocratiques. Notre rôle, fondamentalement, et nous touchons là à l’essence même de la politique, consiste à essayer de faire coïncider le cadre institutionnel dans lequel on fait de la politique, dans lequel les gens votent et les élus se retrouvent pour faire des projets ensemble, parfois lever l’impôt et mettre en place des mécanismes de solidarité, et le sentiment d’appartenance découlant des identités et cultures régionales qui lui donne sens.

Je regrette donc profondément que l’on ne saisisse pas l’occasion de faire coïncider le découpage avec ce qui a survécu à travers les siècles en dépit de différentes tentatives autoritaires de le faire disparaître. Nous tenions là une belle occasion !

Quant aux amendements de suppression, nous ne les voterons pas car nous voulons avancer. Un certain nombre de points de redécoupage ne procèdent pas de notre vision mais s’ils sont approuvés dans les régions concernées, il n’y a pas de raison de s’y opposer. D’autres posent problème et nous y reviendrons par voie d’amendement, car c’est par les amendements et non par le refus global que nous avancerons sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la perfection n’est pas de ce monde, nous nous en rendons compte un peu plus ce soir ! (Rires.) Dès lors, tâchons de voir les aspects positifs de la loi et de son article 1er. Tout d’abord, cette réforme, il fallait la faire et personne jusqu’alors ne l’a faite ! C’est une réalité, personne n’y peut rien !

M. Jean-Louis Bricout. Très bien !

M. Alain Tourret. Une réforme a minima aurait pu être envisagée et une page de l’histoire aurait été écrite différemment si l’affaire alsacienne avait marché et s’il avait été démontré qu’une région peut fusionner avec deux départements. Mais on a cru qu’on pouvait changer les choses par des plébiscites, des référendums et des consultations et accorder ainsi le vote populaire et la réforme administrative, ce qui est impossible.

Dès lors, ce qui aurait pu servir de modèle pour la Bretagne, voire pour d’autres régions, a été abandonné.

Que fallait-il faire ? Soit nous restions dans la situation actuelle, et c’était insupportable, car que nous le voulions ou non, notre modèle administratif est fini, usé jusqu’à la corde. Un certain nombre de communes n’ont plus rien à faire ; nos régions sont trop petites ; l’aspect européen ne peut être revu. Voilà la réalité.

Il fallait donc changer. Ce n’était pas chose facile : quelle taille pour les intercommunalités ? Quels départements garder ou ne pas garder ? Le parti radical s’est toujours inscrit dans la ruralité ; son président a donc essayé d’obtenir le maintien de ces départements ruraux ; fort bien. Je ne sais pas jusqu’où cela ira… (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Mais ce soir, nous parlons des régions. Pour la Normandie, cette région que j’aime tellement…

Mme Estelle Grelier. Nous aussi !

M. Alain Tourret. …et que je représente, cela semblait si facile que j’attendais depuis dix ou même quinze ans ce qui avait été annoncé par plusieurs présidents de la République – la Normandie, on l’aime tellement qu’on aimerait en avoir une seule plutôt que deux, comme aurait dit M. Sarkozy. Nous ne sommes arrivés à rien. Et pour la première fois, nous arrivons enfin à quelque chose !

Je m’interroge donc. J’entends les arguments de nos amis alsaciens, et je dois dire que je n’y suis pas insensible. J’ai le sentiment qu’en 1919, nous étions tellement émus par le retour de l’Alsace dans notre si belle nation que nous les avons autorisés à garder leur originalité.

Faut-il pour autant remettre en cause ce qui nous est proposé aujourd’hui ? À l’évidence non. Ainsi que vous l’avez très justement observé, monsieur le secrétaire d’État, la plupart des régions qui sont créées s’enracinent dans l’histoire. Ma région en est la meilleure illustration. Cet enracinement dans l’histoire peut être source de progrès, François Loncle en sera d’accord avec moi, à condition qu’il y ait des forces économiques plus importantes.

C’est ce schéma européen que nous attendions. Dans une autre conception de l’Europe, nous aurions peut-être pu réfléchir à la possibilité, pour l’Alsace, de se rapprocher du Bade-Wurtemberg. Tout cela ne se peut concevoir aujourd’hui avec l’indivisibilité de la République.

Je le dis, cette carte respecte l’indivisibilité de la République et l’originalité des territoires. C’est pourquoi – et nous sommes divisés jusqu’au sein de mon propre groupe –, …

M. Jean-Luc Laurent. Aux abris !

M. Alain Tourret. … je voterai ce qui nous est proposé.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 46, 75, 109, 118, 150 et 209.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants86
Nombre de suffrages exprimés82
Majorité absolue42
Pour l’adoption31
contre51

(Les amendements identiques nos 15, 46, 75, 109, 118, 150 et 209 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 8 et 205, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n8.

M. Paul Molac. Cet amendement, qui a déjà été défendu par nos collègues écologistes au Sénat, vise à adopter une autre méthode pour élaborer la carte des régions. En effet, les périmètres des régions ne sauraient être définis selon des critères purement économiques ou technocratiques : cette carte ne peut être issue que des consultations locales et des consensus territoriaux ; une telle réforme ne peut se faire sans s’appuyer d’abord sur les régions prêtes à fusionner. C’est pourquoi cet amendement propose de construire en premier lieu la carte sur la base des volontés de fusion exprimées par les régions.

Le débat en région doit être plus large que ce qu’il a été ; un débat citoyen doit être organisé. L’amendement propose également que les conseils départementaux, ainsi que les conseillers économiques, sociaux et environnementaux régionaux, qui représentent la société civile, émettent un avis sur les projets de fusion.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n205.

M. Xavier Breton. Cet amendement que j’ai déjà défendu en première lecture vise à proposer une méthode qu’il eût mieux valu suivre plutôt que celle que vous avez choisie, faite – pour reprendre les termes de notre collègue Marc Le Fur – d’improvisation et d’autoritarisme.

Il serait bon que l’initiative appartienne aux conseils régionaux, qui sont les premiers concernés, et qu’ils puissent faire des propositions. Le projet de regroupement serait ensuite soumis pour avis aux conseils généraux et aux conseils économiques, sociaux et environnementaux des régions concernées. Les citoyens, qui ont été oubliés dans votre démarche, seraient eux aussi associés. À partir de ces propositions et des avis formulés, une carte serait enfin proposée, l’ensemble de la procédure étant inscrit dans un calendrier précisé par l’amendement. Cela permettrait d’élaborer cette carte appelée à vivre durant des décennies à partir de la réalité des territoires et des attentes des populations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Permettez-moi de répondre à un certain nombre d’arguments que nous avons entendus, à commencer par l’idée selon laquelle il appartiendrait aux élus territoriaux de se saisir pleinement d’une tentative de réforme ou de fusion des régions. Chacun doit pourtant savoir que la loi relative à l’administration territoriale de la République – dite loi ATR – de 1992 permettait aux conseils généraux et régionaux d’engager leur fusion, et que même là où la démarche paraissait évidente, rien n’a été entrepris. Par conséquent, il était normal que le législateur prenne ses responsabilités en engageant cette réforme. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Défavorable.

(Les amendements nos 8 et 205, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1, 2, 39, 132, 18, 153 et 188 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 39 et 132 et 18 et 153 sont identiques.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n1.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à revoir le découpage prévu dans l’ouest. Il est proposé de réintégrer le département de Loire-Atlantique à la Bretagne, et de fusionner le reste des Pays-de-la-Loire avec la région Centre.

Ces deux régions seraient ainsi plus cohérentes, et de trois régions, nous passerions à deux. Cet amendement répond également à l’aspiration d’une grande partie des populations concernées.

Ce redécoupage répondrait tout particulièrement à une demande maintes fois exprimée en Bretagne en faveur de l’intégration de la Loire-Atlantique dans sa région d’origine. Il répondrait aussi à une aspiration de la population et des élus du Centre, qui souhaitent constituer une région cohérente, historique et touristique, le Val-de-Loire, qui serait située sur l’axe ligérien.

Cette revendication permettrait de poursuivre l’objectif du Gouvernement de réduire le nombre des régions.

Mme la présidente. Pouvez-vous nous présenter aussi l’amendement n2, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. Cet amendement consiste lui aussi à faire une Bretagne à cinq départements, en laissant les autres départements de l’actuelle région Pays-de-la-Loire opter pour la possibilité d’intégrer soit une région Val-de-Loire, soit la région Bretagne.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n1, je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n39.

M. Marc Le Fur. Cet amendement va dans le même sens que ceux qui viennent d’être défendus : il s’agit de permettre aux Bretons des quatre départements de la Bretagne administrative, mais aussi aux Bretons de Loire-Atlantique, de constituer une seule et même région.

Nous aurions là un regroupement de taille assez conséquente, donc susceptible d’être efficace à l’échelle nationale et européenne, où existerait en outre un sentiment d’appartenance positif.

Il ne s’agit pas de cultiver une quelconque nostalgie, encore que l’histoire compte – et je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez bien voulu le reconnaître tout à l’heure.

M. Hugues Fourage. L’avenir aussi, ça compte !

M. Marc Le Fur. Il ne s’agit pas non plus de cultiver une quelconque fermeture. La région Bretagne à cinq départements aurait vocation à travailler avec la Normandie réunifiée, cher collègue Tourret, mais aussi avec la région Val-de-Loire, avec laquelle elle serait naturellement conduite à échanger. Nous aurions ainsi dans le grand Ouest une véritable organisation cohérente, qui susciterait l’adhésion populaire.

Celle-ci est depuis longtemps constante sur ce sujet. Les sondages l’on dit et redit de manière régulière, que l’on interroge les Bretons des quatre départements de la Bretagne administrative ou ceux de Loire-Atlantique. Ils confirment l’attachement des uns et des autres à la Bretagne, et le fait que la région Pays-de-la-Loire, qu’on le veuille ou non, est une construction technocratique qui n’a jamais suscité l’adhésion populaire.

M. Hugues Fourage. C’est totalement faux !

M. Marc Le Fur. Voilà donc le projet qui est le nôtre. Cette région Bretagne compterait trois belles métropoles, Rennes, Nantes et Brest, qui pourraient ainsi s’équilibrer, mais aussi d’autres territoires plus ruraux et des villes de taille moyenne ou intermédiaire. Nous aurions là une vraie cohérence, positive me semble-t-il.

Je vous le dis avec beaucoup de sincérité, monsieur le secrétaire d’État, les Bretons espéraient beaucoup au printemps, lorsque le débat a été lancé, et leur déception est aujourd’hui à la hauteur des espérances qu’ils nourrissaient. Je le dis aussi en termes plus politiques : votre majorité a raté là l’occasion de se réconcilier avec une région avec laquelle les contentieux sont nombreux depuis plusieurs mois, qu’il s’agisse de l’écotaxe, de la crise agroalimentaire ou des difficultés économiques qui se sont multipliées, alors que jusqu’à il y a encore deux ou trois ans, notre région était restée relativement épargnée.

Je le regrette pour notre cohésion nationale, car ce refus qui nous est opposé de constituer cette Bretagne à cinq, comme nous le disons, est vécu comme une violence.

M. Sébastien Denaja. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ne soyez pas excessif dans les termes !

M. Marc Le Fur. Elle est peut-être moindre que celle subie par les Alsaciens, qui sont fondus dans un ensemble qui leur semble – et je peux le comprendre – manquer quelque peu de personnalité, mais il s’agit bien d’une violence, puisque nous avions là une occasion réelle et concrète. Cela avait d’ailleurs été reconnu par de nombreux responsables politiques de votre sensibilité – je n’étais pas le seul à en parler ! Je constate qu’un certain nombre d’entre eux restent fidèles à leurs engagements, et je constate aussi, pour le déplorer, que d’autres – en particulier au Parti socialiste – aient renoncé aux leurs. Je dois dire que ce n’est pas du tout compris de l’opinion, d’autant que sans vouloir mettre en cause l’honnêteté des uns ou des autres, beaucoup étaient avec nous lorsque nous manifestions à Nantes pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Autant d’occasions manquées donc. Chacun sait qu’une carte ne se refait pas chaque année, et qu’il est difficile de la modifier pour un territoire précis. Vous comprenez donc que l’heure est grave. Si nous manquons cette marche, les occasions ne se représenteront pas.

La vraie raison de ces difficultés, c’est que vous redoutez des identités concurrentes. Or elles ne sont pas concurrentes, mais complémentaires. C’est peut-être parce que l’État est faible qu’il n’a pas le courage de lancer des défis. En 1969, le Général de Gaulle, fort de son autorité, de cette Cinquième République naissante et du développement économique qui était alors celui de notre pays, a su au contraire lui lancer des défis et dire que d’autres possibilités étaient ouvertes, et que le temps était venu d’en finir avec une pratique quelque peu jacobine pour faire confiance au peuple, aux territoires, à la société.

Notre pays ne peut s’organiser en fonction du seul État. Il existe aussi des structures intermédiaires entre l’individu et la nation – la famille, le territoire, la région. Nous avions là l’occasion de le réaffirmer. Ceci pouvait susciter une certaine adhésion de l’ensemble, mais je constate – pour le regretter – que l’occasion risque d’être manquée.

Je veux le dire avec solennité, et demander à nos collègues, en particulier ceux qui sont issus de ces territoires, de réfléchir une dernière fois avant de se prononcer définitivement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n132.

M. Thierry Benoit. Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement n132, qui est convergent avec les amendements de M. Molac et l’amendement de M. Le Fur, est, en quelque sorte une déclaration d’amour car, si je suis un député de la nation, je suis aussi un député breton. C’est une déclaration d’amour à ma région, la Bretagne.

Cet amendement a pour objet de corriger une injustice. On doit rappeler que la région Bretagne est, sans doute, dans l’histoire contemporaine, la seule région de France qui s’est vu amputée de l’un de ses départements – il s’agissait, à l’époque, de la Loire-Inférieure – par décision administrative, plus précisément par un décret de 1941, que l’on appelle le « décret de Vichy ».

M. Gilbert Le Bris. Un décret de Pétain !

M. Thierry Benoit. Monsieur Denaja, vous avez régulièrement répété dans cette enceinte que nous avions, à la faveur de nos débats, l’opportunité de redessiner la carte des régions de France. De fait, par cet amendement, nous souhaitons corriger un traumatisme ; en effet, les Bretons ont de la mémoire et bon nombre d’entre eux se souviennent de l’injustice qui leur a été faite et qui les a touchés. Certains, devenus militants de la cause de la réunification, se battent depuis plusieurs dizaines d’années.

Comme l’a rappelé tout à l’heure Marc Le Fur, ainsi que Paul Molac, nous saisissons l’occasion que vous nous offrez, monsieur le secrétaire d’État, de retravailler la carte des régions de France. Nous venons de vous dire, par l’amendement qu’Hervé Gaymard a présenté tout à l’heure, que la carte qui nous est présentée n’est pas satisfaisante. Aussi souhaitons-nous, nous autres élus de l’Ouest, élus de Bretagne, avec les populations des cinq départements bretons, à la fois respecter une volonté historique des Bretons et participer à la construction d’une eurorégion. En effet, nous pensons que le fait de constituer des régions fortes, disposant d’une identité, d’une histoire enracinée, d’une culture et d’une taille économique critique permet de préparer l’avenir.

Tel est, monsieur le secrétaire d’État, le sens de cet amendement.

M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n18.

M. Michel Piron. On a déjà entendu beaucoup de choses sur ce sujet, mais je voudrais essayer d’apporter ma contribution et, surtout, essayer de clarifier le débat sur un éventuel rapprochement entre la Bretagne et les Pays de la Loire. Je ferai trois sortes d’observations.

Première observation : je veux répondre à M. de Rugy – qui affirmait tout à l’heure que la seule région qui serait maintenue en l’état était la Bretagne – que les Pays de la Loire existent encore et toujours. On peut y ajouter la Corse. La Bretagne n’est donc pas seule concernée. Toutefois, si l’on ne devait déplorer que cette inexactitude, ce serait de peu d’importance.

S’agissant des Pays de la Loire et, en son sein, de la Loire-Atlantique, je veux rappeler que cette région constitue une réussite exceptionnelle des quarante dernières années. Cela a été une vraie construction sur l’avenir, qui s’est fondée, non sur les concurrences internes, mais sur les synergies et les complémentarités entre ces départements. C’est une région qui obtient des résultats formidables : cinquième région de France en termes de PIB, elle en est aussi la deuxième région industrielle, la deuxième région en matière d’agroalimentaire et la troisième région dans le domaine de la métallurgie. C’est une région qui progresse sur le plan démographique, mais également en termes d’emploi son taux de croissance en la matière atteignant 0,5 % par an depuis sept ou huit ans. C’est également une région qui a, actuellement, le meilleur taux d’apprentissage de France.

Voilà ce que sont les Pays de la Loire : une véritable réussite liée à la politique des élus de la région à l’égard des filières. J’ai évoqué notamment l’agroalimentaire, mais je pourrais parler également de la question universitaire et de la recherche : la totalité des universités et des centres de recherche des Pays de la Loire et de la Bretagne se sont mis en réseau ; j’ajoute que ces réseaux sont en cours d’achèvement.

Est-ce cela que certains voudraient démanteler ?

M. Paul Molac. Pas du tout !

M. Michel Piron. Excusez-moi, mais quand on retire la locomotive, il s’agit bien d’un démantèlement : il faut appeler un chat, un chat. J’entends que l’on nous donnerait une vocation pour ainsi dire très douce et très tendre avec le Val de Loire.

M. Gwendal Rouillard. C’est très bien, ça !

M. Michel Piron. Je vois bien quelle cour de récréation l’on nous prépare par le rapprochement avec la région Centre, mais il faut prendre en compte les réalités – je dis bien : les réalités, car je ne suis pas dans la fraction ; aujourd’hui, dans les Pays de la Loire, sur 47 contractualisations interrégionales, 43 sont signées avec la Bretagne. J’ai évoqué la recherche, mais j’aurais pu, tout aussi bien, parler des biotechnologies, du végétal ou de certains matériaux.

Les Pays de la Loire sont-ils une région artificielle ? C’est une région construite par la volonté des hommes ; or, c’est bien cela, d’abord, une région. C’est une histoire qui se fait, une histoire éminemment contemporaine, qui, sans renier le passé, est bien tournée vers l’avenir. Tel était le premier aspect que je voulais signaler : les Pays de la Loire, région qui dispose d’un véritable contenu, sont une réussite ; ce n’est certainement pas un édifice technocratique, mais bien une construction au sens le plus noble du terme, autrement dit politique.

À qui s’ouvrent les Pays de la Loire ? À la totalité de la Bretagne. Dans le cadre de nos contractualisations, nous n’avons pas fait de différences entre les Bretons et nous n’en établissons toujours pas dans notre souhait de voir plus loin, à l’échelle de l’Europe. C’est la raison pour laquelle les conseillers généraux de tous les départements des Pays de la Loire se sont prononcés à l’unanimité en faveur du rapprochement avec la totalité de la Bretagne, tandis que les conseillers régionaux se sont exprimés en ce sens à une écrasante majorité. J’insiste sur le fait qu’il y a bel et bien eu un vote.

À titre d’exemple, dans le Maine-et-Loire, département le plus proche de la région Centre, le conseil général a voté pour le rapprochement avec la Bretagne à l’unanimité de ses membres – je dis bien : à l’unanimité de ses membres, dont je fais d’ailleurs partie. Tel est, aujourd’hui, l’état des lieux.

Par ailleurs, on nous parle de l’opinion publique et du respect que l’on doit lui porter. Sans être un zélateur du gouvernement d’opinion, je peux faire état de sondages, puisque l’on évoque cette question. Oui, en effet, 77 % des Bretons sont favorables à un rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Mais ce que l’on oublie de dire, c’est que 63 % des Bretons sont favorables à un rattachement de la Bretagne aux Pays de la Loire, tandis que 67 % des habitants de cette région souhaitent un rapprochement avec la Bretagne.

Il ne s’agit pas du tout, de notre part, d’un rejet du Centre, mais seuls 18 % des habitants des Pays de la Loire sont partisans d’un rapprochement avec cette région. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, les collaborations y sont infiniment moins grandes et parce que les filières n’y existent que fort peu, en dehors du tourisme : c’est aussi simple que cela.

Pour conclure, je veux dire ici que l’on ne peut pas renier purement et simplement, biffer d’un trait plus de quarante ans de travail, depuis Olivier Guichard jusqu’à Jacques Auxiette, en passant par François Fillon.

Monsieur Le Fur, je vous entendais dire que vous subiriez une forme de violence : mais qui fait violence ici, et à qui est-elle destinée ? Nous avons dit oui à tous les départements bretons. Pour votre part, vous dites que vous ne voulez que la Loire-Atlantique au sein des Pays de la Loire, à l’exclusion des autres départements : en la circonstance, qui est à l’origine de la violence et qui la subit ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Personnellement, j’estime que nous avons encore la possibilité de nouer des collaborations beaucoup plus étroites entre les Pays de la Loire et la Bretagne. Essayez de regarder non seulement le présent, mais aussi l’avenir. Nous avons mieux à faire, encore une fois, que de tenir un débat sur le démantèlement des Pays de la Loire.

M. Hugues Fourage. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n153.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à proposer le regroupement des régions Bretagne et Pays de la Loire, au moyen d’un raisonnement qui n’est pas tout à fait le même de celui de Michel Piron. À mes yeux, le seul mérite de la création de régions de grande taille devrait être de se parer durablement contre un régionalisme identitaire résiduel, qui est profondément étranger à la tradition républicaine de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

De fait, le principe général de regroupement souffre quelques exceptions, laissant ainsi subsister plusieurs singletons : l’Île-de-France, le Centre, les Pays de la Loire et la Bretagne. Hormis pour l’Île-de-France, en raison de ses 12 millions d’habitants, l’existence de ces singletons n’est pas satisfaisante. Elle porte un risque centrifuge pour les régions périphériques où subsistent des revendications identitaires. Le législateur devrait se montrer prudent, en raison de ce que nous avons pu observer en Écosse et en Catalogne : la décentralisation dans des États pourtant unitaires peut mal tourner.

La nouvelle carte régionale devra résister aux trente prochaines années et doit donc veiller à bien intégrer les régions périphériques, où peuvent subsister des revendications identitaires. Il serait donc très avisé de ne pas laisser isolées la Bretagne, l’Alsace ou la Corse. Aucune objection historique ou culturelle n’est recevable. La commission des lois a d’ailleurs judicieusement agrégé l’Alsace à la grande région Est.

Il est donc proposé, par cet amendement, que les régions Bretagne et Pays de la Loire soient regroupées, car l’idée de maintenir des régions isolées en raison de leur taille et du risque de perte d’identité n’est pas de mise. Le principe doit être valable pour tous ou pour personne : je propose qu’il soit valable pour tous.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est incroyable !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Beffara, pour soutenir l’amendement n188 rectifié.

M. Jean-Marie Beffara. L’amendement que nous proposons est identique à celui que nous avions présenté en première lecture : il vise à regrouper les régions Centre et Pays de la Loire. Comme je l’avais expliqué, la région Centre a été composée à partir de territoires disparates, qui vont des franges franciliennes, au nord, jusqu’au Berry, en passant par la Touraine et l’Orléanais. C’est autour de l’axe ligérien que nous avons forgé la cohérence et la cohésion de notre territoire. C’est donc, tout naturellement, vers les Pays de la Loire, avec qui nous partageons le classement du Val de Loire au patrimoine mondial de l’UNESCO, que nous souhaitons construire notre avenir. Même si les deux tiers du territoire concerné par ce classement se trouvent en région Centre, même si 80 % des grands sites se trouvent dans cette même région, il nous semblait naturel de nous tourner vers la région Pays de la Loire.

Cela étant, je prends acte des positions de nos collègues des Pays de la Loire, plutôt attirés par leurs côtés atlantiques et bretons, et je ne fonde donc que peu d’espoir dans l’adoption de cet amendement. Mais je veux dire au passage à M. Piron que l’on peut défendre le territoire sur lequel on est investi sans nécessairement caricaturer ou stigmatiser les territoires voisins.

M. Michel Piron. Ce n’est pas ce que j’ai fait !

M. Jean-Marie Beffara. D’ailleurs, les propos de M. Le Fur auraient dû vous inspirer.

La région Centre n’est pas seulement un lieu de villégiature mais aussi la sixième région industrielle de France.

Cet amendement est une dernière main tendue vers nos collègues des Pays de la Loire et un appel au renforcement des coopérations que nous avons déjà entreprises.

M. Michel Piron. D’accord !

M. Jean-Marie Beffara. Nous continuerons à le faire demain.

Je me réjouis par ailleurs du nouveau nom de la région Centre, qui sera désormais dénommée « Centre-Val de Loire ». Puisque vous insistez sur notre identité ligérienne, nous serons fiers, demain, avec l’ensemble des habitants et les acteurs de tous les territoires, de porter ce beau nom. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Les débats que nous tenons depuis quelques minutes sur la Bretagne, les Pays de la Loire et le Centre illustrent toute la complexité du travail mené par l’Assemblée nationale et sont la meilleure réponse aux propos qu’ont tenus tout à l’heure nos collègues Gaymard et Poisson sur l’absence de méthodologie.

Au fond, on le voit bien, il n’existe pas de méthode unique pour dessiner la bonne carte. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on interroge les députés, chacun regarde évidemment son territoire, regarde la nation, puis propose une carte. Cela vaut aussi pour tous les géographes que nous avons consultés dans le cadre de nos travaux en commission : il y a autant de cartes que de géographes, et votre moue dubitative n’y changera rien, monsieur Laurent !

La Bretagne qui souhaite tant accueillir à nouveau la Loire-Atlantique et trépigne à cette idée, les Pays de la Loire, qui ne sont pas moins légitimes, et trépignent tout autant à l’idée d’un rattachement à l’ensemble de la Bretagne, nos collègues du Centre qui, tout au long des débats, ont cherché à trouver mariage et qui, compte tenu de l’équilibre issu de notre assemblée, ne l’ont pas pu, tout cela montre deux choses.

Premièrement, la carte à laquelle nous avons travaillé et que nous avons adoptée dans l’hémicycle en première lecture et en commission des lois en deuxième lecture est celle qu’il faut conserver jusqu’au terme de notre travail législatif, c’est-à-dire après la deuxième lecture, la commission mixte paritaire et les lectures qui suivront ; c’est ce qui doit devenir la carte de France.

M. André Schneider. Le parti socialiste en a décidé ainsi !

M. Jean-Luc Reitzer. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cette discussion indique également que nous devons offrir aux régions la possibilité d’évoluer selon les mariages possibles. C’est pourquoi nous conservons la disposition introduite au Sénat par voie d’amendement qui permet aux régions de fusionner au lendemain du travail que nous aurons fait dans cet hémicycle. Si cette carte doit introduire une certaine stabilité, et je remarque à cet égard que depuis le vote de notre assemblée en première lecture les Françaises et les Français s’y réfèrent déjà,…

M. Jean-Luc Reitzer. Vous vivez dans un autre monde ! C’est incroyable !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. … je suis convaincu qu’il faut permettre la poursuite du dialogue, l’engagement d’une discussion entre les conseillers régionaux actuels et ceux qui seront élus en décembre 2015, car d’autres rassemblements sont encore possibles.

En tout état de cause, à ce stade, compte tenu du niveau de maturité du débat politique, la commission a estimé qu’il fallait en rester là. C’est la raison pour laquelle son avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les députés, depuis le début de l’examen de ce texte, alternativement au Sénat et à l’Assemblée nationale, de nombreux débats ont porté sur le devenir des régions Bretagne, Centre et Pays de la Loire. Mais il faut constater qu’aucun consensus ne se dégage clairement pour un autre découpage régional que celui que nous connaissons aujourd’hui.

Ainsi que je l’ai précisé tout à l’heure, si l’objectif du Gouvernement n’est pas d’emprisonner la réforme dans des considérations locales, il n’est pas non plus de heurter les identités locales, de les gommer, et encore moins de les supprimer. Nous pensons que notre réforme ne pourra réussir à long terme si elle entre en collision avec les aspirations locales, auxquelles nous ne restons pas insensibles.

Nous avons donc recherché des regroupements possibles, susceptibles de rassembler largement, conditions qui ne nous semblent pas réunies ce soir, comme viennent de le démontrer à nouveau les débats, pour ce qui est du Grand Ouest.

M. Jean-Luc Reitzer. Pour le Grand Est non plus !

M. André Vallini, secrétaire d’État. À l’issue de tous ces mois de réflexions et de débats, qui ont été riches, intéressants, passionnants et passionnés, nous considérons que pour l’ouest de la France il faut s’en tenir au statu quo, un statu quo qui n’obère pas l’avenir et qui permettra, le moment venu, de nouvelles évolutions.

M. Laurent Furst. C’est un premier effort !

M. Claude Sturni et M. Sébastien Denaja. Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je veux dire à M. Michel Piron que je comprends et que je partage son agacement. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet en première lecture : la région Centre n’a pas vocation à être la variable d’ajustement des desiderata des uns et des autres et des fluctuations venant d’ici ou là.

Pour être très précis, l’immense majorité des élus de la région Centre n’a demandé aucune fusion avec aucune région.

M. Kléber Mesquida. Ce n’est pas vrai !

M. Serge Grouard. Voilà un fait précis. Et le conseil régional du Centre s’est prononcé sur cette question.

M. Jean-Marie Beffara. Vos collègues de Tours !

M. Serge Grouard. Je veux bien qu’on fasse parler les absents, mais permettez-moi dans ce cas de rétablir la vérité sur ce point.

J’aimerais revenir à l’amendement de M. Molac, qui propose, en conséquence de la réintégration du département de la Loire-Atlantique à la Bretagne, de rattacher – pour ne pas dire de fourguer – les autres départements de la région Pays de la Loire, dont on ne sait que faire, à la région Centre, parce que celle-ci se trouve à côté. Mais ce ne sont pas des méthodes, mes chers collègues ! Si l’on proposait cela pour vos territoires, comment réagiriez-vous, si ce n’est en étant offusqués comme je le suis en ce moment ? On ne peut pas dire égoïstement qu’on veut tel département et laisser les autres se débrouiller !

Dans ces conditions, je rejoins la proposition de M. Piron : si la logique est de constituer des régions plus grandes, et dès lors que tant les habitants des Pays de la Loire que ceux de la Bretagne se sont prononcés à une très grande majorité – par sondage, il est vrai, ce résultat doit donc être considéré avec prudence – pour le rapprochement des deux régions, …

M. Thierry Benoit. Chez nous, c’est l’inverse !

M. Serge Grouard. … alors fusionnons ces deux régions. Pour une fois, laissez les habitants du cœur de la France choisir l’évolution qu’il souhaite et ne décidez pas pour eux, chers collègues. J’en serais franchement très heureux.

Si l’on voulait d’ailleurs une plus grande région Centre, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’agrandir les régions, pourquoi ne pas regarder plutôt vers l’est que vers l’ouest, comme nous le faisons toujours ? Ce serait, certes, rouvrir la boîte de Pandore, mais je m’étonne que cette option n’ait jamais été mentionnée par d’autres que moi, qui l’avais évoqué en première lecture. L’Yonne et la Nièvre sont en effet deux départements jumeaux du Loiret et du Cher. Cependant, contrairement à vous, chers collègues, je ne le proposerai pas, car cela reviendrait à s’immiscer dans les affaires de la Bourgogne, dont les élus n’ont pas proposé cette option ; par respect pour ces derniers, je ne le ferai pas non plus, en dépit de la très grande cohérence d’un tel rapprochement.

Madame la présidente, mes chers collègues, les choses sont parfaitement claires : la région Centre, qui est déjà une très grande région géographique, l’une des plus grandes régions actuelles, ne souhaite pas, à ce stade de nos débats, être élargie, encore moins vers des parties de régions dont on ne saurait que faire, comme les départements des Pays de la Loire, cher Michel Piron. Nous ne le souhaitons pas et nous ne le demandons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Madame la présidente, le débat que nous vivons est absolument passionnant, car nous ne savons pas régler ces questions.

Notre collègue Marc Le Fur s’appuie sur une revendication historique de la Bretagne ; il a raison. Notre ami Michel Piron explique que la région a une certaine existence et que des solidarités territoriales se sont créées, que cela fonctionne ; il a en partie raison.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Laurent Furst. Et, entre les deux, un département fait l’objet de discussions,…

M. Carlos Da Silva. Ou pas !

M. Laurent Furst. … c’est la Loire-Atlantique.

M. Thierry Benoit. Réparation !

M. Laurent Furst. Je vais vous dire une chose : c’est parce qu’on ne demande pas aux habitants de ce département ce qu’ils veulent qu’on est dans cette situation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Laurent Furst. C’est parce qu’on ne pratique pas la démocratie qu’on est dans ce type de situation ! On traite et on traîne ce dossier depuis trente ans, quarante ans ou plus, mais demain il y en aura d’autres, parce qu’on impose des regroupements sans demander aux citoyens si c’est ce qu’ils souhaitent.

M. Jean-Luc Reitzer. Exactement !

M. Laurent Furst. Il y a un beau mot, dans ce pays, c’est celui de démocratie.

M. Jean-Luc Reitzer, M. Marc Le Fur et M. Jacques Krabal. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. J’aimerais vous expliquer pourquoi j’ai fait une telle proposition. Premièrement, il est question de fusionner la Bretagne et les Pays de Loire ; il est alors légitime de s’interroger sur le devenir du Centre, et comme on l’a dit, ma proposition a une certaine cohérence historique. Deuxièmement, des sondages ont été réalisés car, malheureusement, nous n’avons jamais pu faire de référendum sur la Loire-Atlantique. Un président du conseil général de Loire-Atlantique, Patrick Mareschal, avait pourtant souhaité qu’un tel référendum ait lieu.

M. Michel Piron. Oui !

M. Paul Molac. Il a même fait voter le département sur la réunification.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Paul Molac. Cependant, chaque fois qu’il demandait l’organisation d’une telle consultation à la préfecture, on lui répondait qu’il pouvait le faire pour son département mais pas sur les limites régionales.

Quant aux sondages, ils sont tous favorables : les habitants de Loire-Atlantique sont pour la réunification.

Mme Sylviane Bulteau. C’est faux !

M. Paul Molac. J’en détiens un certain nombre, nous pourrons voir cela. Pour savoir si les Bretons voulaient également de la fusion, on leur a posé la question. Il y avait trois réponses possibles : 6 % des sondés se sont prononcés pour la fusion, environ 20 % pour la Bretagne à quatre départements, et plus de 60 % pour la Bretagne historique à cinq départements. On voit donc très bien que, contrairement à ce que d’aucuns affirment, quand on interroge les Bretons sur la fusion, seuls 6 % sont pour.

J’ai cosigné une tribune qui a été publiée récemment dans les journaux avec un certain nombre de députés du Centre et de députés bretons. Il me semble bien que le président de la région Centre, M. Bonneau, a clairement exprimé sa volonté de voir fusionner les Pays de Loire et le Centre.

M. Hugues Fourage et Mme Sylviane Bulteau. Les Pays de la Loire !

M. Paul Molac. C’est pour cette raison que je reprends ici une telle proposition.

Par ailleurs, j’aimerais qu’on respecte le sens de l’histoire. La Loire-Atlantique se situe à l’intérieur des frontières de l’ancien duché de Bretagne, qui remontent au IXe siècle et ont perduré jusqu’au XXe siècle. La Loire-Atlantique est bretonne et l’a toujours été. Et moi qui suis breton, je n’aime pas qu’on me dise que je ne le suis pas. La Loire-Atlantique a donc vocation, si ses habitants le souhaitent – et je sais que c’est le cas –, à revenir en Bretagne.

Je tiens tout de même à rassurer mon collègue Michel Piron : j’ai moi aussi regardé les partenariats, et ils sont établis essentiellement entre Nantes, la Loire-Atlantique et le reste des départements.

M. Marcel Rogemont. Et Angers ?

M. Paul Molac. Vous faites bien de mentionner Angers, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. Et Brest ?

M. Paul Molac. J’ai constaté, par exemple, qu’il y avait autant de partenariats avec Lorient qu’avec Angers, alors que Lorient n’est pas dans la même région, est plus loin de Nantes qu’Angers. Il n’est donc pas nécessaire que deux villes soient situées dans la même région pour qu’elles nouent des partenariats. Et vous savez bien que la Bretagne, compte tenu de sa position géographique, nouera forcément des partenariats avec la région qui sera à côté, que ce soit les Pays de Loire ou le Val de Loire.

M. Jacques Krabal. Très bien ! C’est exactement le cas de l’Aisne !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, avec l’amendement n132, qui correspond à la proposition d’amendement qui vient d’être évoquée, je ne me borne pas à redécouper l’ouest de la France ; je demande réparation. Ce n’est pas un caprice. Il ne s’agit pas de faire un découpage approximatif, arbitraire, ou de déterminer s’il faut treize régions plutôt que quatorze. Pour ma part, je demande réparation d’un décret de Vichy de 1941 qui a détaché le département de la Loire-Atlantique de la région Bretagne.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Thierry Benoit. Je vous ai dit que c’était une déclaration d’amour !

M. Marcel Rogemont. Cela date de 1972, pas de 1941 !

M. Thierry Benoit. Jusqu’à une période récente, ce sont des décrets, donc des décisions administratives, qui ont façonné l’histoire des régions de France. Le décret de 1964 qui a créé vingt et unes régions et vingt et un préfets de région était l’un des derniers de ce type.

Hervé Gaymard l’a rappelé à juste titre tout à l’heure en rappelant que trente ans de décentralisation étaient passés par là. En effet, la grosse erreur que le Gouvernement a commise et que vous essayez de réparer aujourd’hui, c’est la suppression du conseiller territorial (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe SRC), l’élu du territoire qui avait pour mission d’organiser le schéma de compétences. Parce qu’après trente ans de décentralisation, nous devrions aujourd’hui procéder comme pour la carte de coopération intercommunale, que le Gouvernement, par la voix des préfets, demande aux élus des territoires d’organiser.

Pour la carte des régions, nous devrions procéder de même. Le Gouvernement devrait offrir un cadre souple, en définissant des critères, et autoriser un droit d’option simple. Car je le dis tout cru : le droit d’option tel qu’à cette heure, avec une majorité qualifiée des trois cinquièmes, est un piège à cons !

M. Paul Molac. Très bien !

M. Thierry Benoit. On veut faire croire aux élus des territoires et aux populations qu’ils auront la possibilité de décider, alors qu’on a pris la précaution, en première lecture, de verrouiller le système afin de bloquer tout mouvement de département.

Si nous avons été quelques-uns à demander réparation au travers d’amendements proposant le rattachement du département de Loire-Atlantique, c’est que l’expérience récente nous a appris à nous méfier de la parole gouvernementale.

Le même Premier ministre a pu annoncer à cette tribune la suppression des conseils généraux en 2020, avant de revenir sur ces propos quelques semaines plus tard, au terme de discussions avec un parti politique de sa majorité, en décrivant trois types de conseils généraux. Voilà aussi la raison pour laquelle nous défendons ces amendements. Nous demandons réparation ! Nous souhaitons travailler la carte car nous craignons les conditions qui seront émises par la suite, notamment sur le droit d’option, pour le moment verrouillé !

Mme la présidente. Monsieur le député, chacun peut comprendre la passion et l’émotion, mais j’invite les orateurs à modérer les propos qu’ils tiennent dans l’hémicycle.

La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Madame la présidente, je vous remercie pour cette remarque. Hier soir, des noms d’oiseaux, sinon des propos orduriers, si j’en juge la traduction qui nous en a été faite, nous ont été adressés en allemand.

Mme Sophie Rohfritsch. N’importe quoi !

M. Thierry Benoit. Mes propos étaient crus, mais ils étaient en français !

M. Sébastien Denaja. Notre collègue ne nous avait pas habitués à ce type d’emportements. Il serait bon que nous conservions à nos discussions la qualité et la dignité qui leur sont nécessaires. D’autant que ce débat appelle à l’humilité. Je le dis honnêtement : cette carte n’est pas idéale, mais elle me semble la plus équilibrée, la plus cohérente.

Avouons-le, elle souffre d’une faiblesse sur sa partie ouest. C’est la raison pour laquelle il me semble que les propos les plus sages ont été tenus par M. Vallini, qui a dit que nous étions dans un statu quo, dont nous pouvions nous satisfaire à ce stade, car des virtualités étaient ouvertes. Ces virtualités emprunteront – M. Furst nous invitait à repenser le beau mot de « démocratie » – les voies de la démocratie locale, notamment à travers le droit d’option, que nous évoquerons plus tard.

Je voudrais insister également sur le fait que cette carte, même faible sur sa partie ouest, est rationnelle. Nous avons été invités plusieurs fois à revenir sur les critères, mais ceux-ci apparaissent d’eux-mêmes : chacune des douze régions hexagonales comportera au moins quatre départements, une taille critique suffisante pour affronter l’avenir. Toutes comptent au moins une ville de taille métropolitaine, sauf la région Centre.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !

M. Sébastien Denaja. Mais l’identité de cette région est précisément d’être fondée sur un réseau de villes, plutôt que sur l’attraction centrale d’une ville capitale.

M. Denys Robiliard. Quel aveu !

M. Sébastien Denaja. Il y a toujours une exception pour vérifier les principes, chers collègues !

Je vous invite à penser la question de l’Ouest au prisme de la solidarité territoriale. Si vous fusionniez, comme vous le proposez, monsieur Molac, l’actuelle Bretagne avec le seul département de Loire-Atlantique, la région compterait trois villes de taille métropolitaine, tandis que ce qui resterait des Pays de la Loire et de la région Centre en serait privé. Cela interroge sur la capacité qu’auraient ces départements, regroupés dans une nouvelle grande région, à fonder un vivre ensemble, à organiser une péréquation et de la solidarité territoriale.

Je vous invite ce soir à ne pas trancher ce débat, à laisser justement cette question ouverte, à assumer cette faiblesse, en sachant que ce sont les collectivités qui auront à bâtir, avec davantage de temps, leur avenir commun. C’est la raison pour laquelle le groupe SRC rejettera ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. M. Molac nous a dit que Nantes avait autant de partenariats avec Lorient qu’avec Angers. On peut aussi bien inverser les termes de la phrase… vous voyez bien où je veux en venir. Les conclusions s’imposent d’elles-mêmes !

Quant au référendum, dont nous reparlerons lorsque nous examinerons le droit d’option, la question est celle de son périmètre : la consultation doit-elle être départementale ou régionale ? Pourquoi ne pas interroger la région dont le département fait partie ? Jusqu’où doit-on descendre ? À l’échelle communale ? Faut-il consulter Nantes ? En tout cas, j’ai beaucoup aimé l’argument de M. Molac, car il est assez réversible !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je souhaite saluer les propos modérés de M. le secrétaire d’État ainsi que ceux de M. Denaja. Je constate une petite évolution, en tout cas une prise de conscience : le statu quo est difficilement tenable, au regard d’une aspiration profonde, rappelée à de nombreuses reprises.

Ce débat a réactivé dans la presse locale des recherches documentaires. On y apprend que, depuis plusieurs décennies, cette partie de France est la seule région où existe une revendication de redécoupage. Je ne veux pas revenir sur l’histoire lointaine, mais la Loire-Atlantique a été séparée du reste de la Bretagne sans que la population et les élus n’aient été consultés, que ce soit en 1941, en 1972 ou en 1986.

La réalité est que cette séparation a sans doute été le souhait d’une alliance de l’État jacobin, qui voulait casser tout ce qui pouvait ressembler à une région forte, avec les élites locales de Nantes et Rennes. Je le dis très tranquillement, en tant qu’élu nantais : leur rivalité a poussé ces élites locales à préférer finalement se séparer, dans le dos des citoyens auxquels elles n’ont jamais demandé leur avis.

Mais aujourd’hui, la volonté de coopération entre Nantes et Rennes est très forte, il existe un axe Nantes-Rennes, des réseaux de ville. Beaucoup d’élus souhaitent tourner la page de ces rivalités idiotes et absurdes, qui nous ont fait tant de tort, pendant tant d’années. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La réunification de la Bretagne, c’est l’occasion de tourner la page, d’opter pour une pleine coopération à l’intérieur d’une seule et même entité. Nous avons les mêmes défis à relever : celui de la transformation du modèle agricole, celui de l’université, de l’enseignement supérieur, de la recherche, celui de l’industrie, celui de l’autonomie et de la transition énergétiques – domaine dans lequel nous sommes en pointe puisque c’est une des seules régions de France où il n’y a pas de nucléaire.

Nous avons intérêt à être une seule et même région, où prévaudra un sentiment d’appartenance fort. Je le dis peut-être plus encore à la gauche de cet hémicycle : le sentiment d’appartenance est un ferment de solidarité. De la même façon que le sentiment d’appartenance nationale – et je me reconnais pleinement dans la communauté nationale –…

M. Jean-Luc Reitzer. Heureusement !

M. François de Rugy. … est un facteur de solidarité, un sentiment d’appartenance régionale fort fait éprouver un sentiment de solidarité fort.

M. Paul Molac. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n1.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants68
Nombre de suffrages exprimés68
Majorité absolue35
Pour l’adoption21
contre47

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 39 et 132 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 18 et 153 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n188 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heure quarante-cinq :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly