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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 03 avril 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Modernisation du système de santé

Discussion des articles (suite)

Article 5 sexies (suite)

Amendements nos 27 , 423

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Amendements nos 28 , 476 , 2055 rectifié , 35 , 424 , 477

Après l’article 5 sexies

Amendement no 1684

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 1454 , 1194 , 2178 , 1650 , 1657

Article 5 septies

M. Nicolas Dhuicq

M. Élie Aboud

M. Olivier Marleix

Mme Michèle Delaunay

M. Joaquim Pueyo

Amendements nos 29 , 421 , 478 , 847 , 1768

Après l’article 5 septies

Amendement no 30

Article 5 octies

M. Élie Aboud

Amendements nos 2177 , 2468 (sous-amendement) , 1420

Article 5 nonies

Amendements nos 2068, 2064, 2065, 2066

Mme Marisol Touraine, ministre

Article 5 decies

M. Gilles Lurton

Mme Dominique Orliac

M. Nicolas Dhuicq

M. Bernard Accoyer

M. Élie Aboud

M. Olivier Marleix

M. Arnaud Robinet

Mme Michèle Delaunay

Rappels au règlement

M. Nicolas Dhuicq

M. Bruno Le Roux

M. Arnaud Robinet

Suspension et reprise de la séance

M. Jean-Pierre Door

M. Christian Hutin

Amendements nos 70 , 140 , 199 , 587 , 26 , 479 , 1193 , 215 , 1758 , 480 , 63 , 72 , 1413

Après l’article 5 decies

Amendement no 1673

Article 5 undecies

Amendements nos 2069 , 2070

Article 5 duodecies

Amendements nos 2071 , 1452 , 1421

Articles 5 terdecies à 5 quindecies

Article 5 sexdecies

Amendements nos 2072 , 31

Après l’article 5 sexdecies

Amendements nos 1491 , 1927 , 575 , 576 rectifié , 1825

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Amendements nos 1481 , 1416 , 1417 , 1418, 1419 , 2100 , 577 , 1914 , 1415 , 200 , 1595 , 578 , 579, 582 , 607 , 639 , 1753

Article 6

M. Gérard Sebaoun

M. Gilles Lurton

Amendement no 835

Après l’article 6

Amendement no 1458

Article 6 bis

Article 6 ter

Amendement no 2197

Après l’article 6 ter

Amendement no 1799

Avant l’article 7

Amendement no 1460

Article 7

Amendements nos 1223 , 1793 , 2290 , 1632 rectifié , 1221 , 705 rectifié , 1651 , 1120 , 1220

Après l’article 7

Amendements nos 1289 , 1911 , 1703 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Modernisation du système de santé

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (nos 2302, 2673).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n27 à l’article 5 sexies.

Article 5 sexies (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 27 et 423.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n27.

M. Philippe Vitel. Madame la ministre, le médecin que je suis fait confiance à la nature humaine. Nous pouvons avoir confiance dans les capacités de discernement des uns et des autres et, surtout, préserver le libre arbitre de chacun, notion qui nous est si chère.

J’ai été un fumeur dépendant pendant des années. Lorsque j’allais acheter mes cigarettes dans un bureau de tabac, je ne regardais pas s’il y avait des affichettes ou pas car une seule idée me préoccupait : pouvoir tenir le plus vite possible entre mes mains ce paquet de cigarettes pour lequel j’étais prêt à parcourir des kilomètres.

Nous devons avoir confiance dans l’humanité. Ce serait faire insulte aux hommes et aux femmes que de penser qu’ils sont totalement dépendants d’un système publicitaire, quel qu’il soit. Il pourrait en aller différemment, en revanche, des informations fournies sur ces produits ou de l’identification des lieux où ils se vendent, avec la bénédiction de l’État d’ailleurs qui s’enrichit fortement de ces ventes.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Philippe Vitel. Je pense que la publicité sur les lieux de vente est déjà fortement encadrée par la loi et que nous pouvons continuer ainsi.

Cet amendement tend par conséquent à supprimer l’alinéa 3.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n423.

M. Jean-Pierre Door. Cette mesure est totalement illusoire. À multiplier les amendements en ce sens, j’ai le sentiment que l’on cherche à agresser le métier de buraliste. Il faudrait revoir cette situation difficile plutôt que d’agir ainsi car ils ne font qu’exercer leur métier.

Monsieur le rapporteur, une meilleure solution serait de supprimer la carotte du bureau de tabac qui est présente dans les rues de toutes les villes et exerce un pouvoir d’attraction indéniable. Je pourrais vous proposer un amendement dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Pourquoi n’essaierions-nous pas de parier sur l’intelligence ? Vous ne comprenez pas que votre message, au travers de ce texte de loi, est extrêmement confus. Vous attaquez des produits licites et encadrés. Je le répète : que cela déplaise ou non, aucune société humaine ne s’est jamais passée de l’usage encadré de psychotropes, d’une manière ou d’une autre. Surtout, vous prenez des gens pour des imbéciles en voulant supprimer la publicité dans le lieu même de consommation. Est-ce à dire que, rue de Solférino – pour le moment, nous sommes immunisés contre la tentation de pénétrer au siège du parti socialiste mais sait-on jamais, il pourrait arriver que l’on développe une dépendance au socialisme – vous allez supprimer le logo du parti socialiste ? Supprimez la rose tant que vous y êtes. C’est totalement absurde !

Mme Chaynesse Khirouni. C’est une obsession, le parti socialiste !

M. Nicolas Dhuicq. C’est une grande perversion que le socialisme, en effet.

Vous ne vous rendez pas compte qu’à force de poser des interdits sur des éléments déjà encadrés, vous poussez les jeunes au désespoir et à la prise de risques toujours plus grande.

M. Xavier Breton. Tout à fait.

M. Nicolas Dhuicq. Nous y reviendrons avec le paquet blanc. Sur un plan psychologique, vous ne comprenez pas…

Mme Martine Pinville. Quel mépris !

M. Nicolas Dhuicq. …la force magique de l’interdit que vous êtes en train de porter là où, justement il faudrait faire preuve de souplesse. Et de l’autre côté, vous laissez les portes grandes ouvertes pour les conduites les plus dangereuses qui soient.

M. Xavier Breton. C’est vrai.

M. Nicolas Dhuicq. De grâce, il serait bien, une fois pour toutes, de considérer que les gens peuvent avoir une once d’intelligence et de commencer à les entendre surtout quand ils vous envoient, comme la semaine dernière, plus qu’un avertissement, qui concerne tout le monde dans cet hémicycle. Cela s’appelle le peuple et la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Je voudrais à mon tour souligner l’immense et incroyable décalage qui persiste entre cette somme d’interdits que l’on impose aux buralistes et l’inaction complète face à internet. Nous légiférons dans ce pays comme si nous vivions dans un monde clos, comme si rien n’existait autour de nous, ni pays étrangers, ni frontières, ni trafic avec les pays frontaliers – je vous renvoie à la perte de chiffres d’affaires des bureaux de tabac dans les régions frontalières. Au passage, tant pis pour l’évasion fiscale qui pénalise les caisses de l’État.

Aujourd’hui, la publicité fleurit sur internet autour de tous les produits possible, et pas seulement ceux fabriqués en France. Aucun contrôle n’est exercé sur la nature de ces publicités ni sur la qualité des produits concernés. Dans l’intérêt de la santé publique, madame la ministre, vous feriez mieux de vous intéresser à ce sujet plutôt que de vous préoccuper des petits bureaux de tabac dans nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il est dommage que l’on ne vous entende pas à ce propos car ce qu’il se passe sur internet mérite autant d’attention.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cette mesure est absurde et disproportionnée. Nul ne met en doute la détermination de chacun à lutter contre l’addiction au tabac. Nous avons tous, au cours de ce mandat ou de mandats précédents, travaillé autour de ces questions. Malheureusement, la mesure que vous proposez aujourd’hui n’est ni proportionnée, ni cohérente. Rien n’est fait pour lutter contre les trafics aux frontières ou la publicité via internet.

La France devrait agir au niveau européen pour que tous les pays de l’Union adoptent la même politique. Plutôt que d’œuvrer en ce sens, vous préférez déstabiliser le marché intérieur français. Vous laissez faire le trafic aux frontières et vous ne vous préoccupez pas d’internet. Nous restons dans cette situation paradoxale faute d’avoir fait le choix entre prévention et prohibition, sans parler de l’absence de proportionnalité dans les mesures proposées.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet article marque votre acharnement contre les petits bureaux de tabac qui sont parfois les seuls commerces de proximité dans nos campagnes. J’avais eu l’occasion de saisir la ministre du commerce et de l’artisanat en décembre 2013 de ce sujet, laquelle m’avait répondu le 18 décembre 2013 : « Certains buralistes doivent faire face à une situation économique complexe, la confédération des buralistes signale la disparition de 6 000 bureaux de tabac sur 33 000 depuis 2004. Mon objectif est de permettre aux buralistes d’atteindre l’équilibre économique pour qu’ils continuent à former le premier des réseaux de commerces de proximité ». J’ai l’impression que nous faisons tout le contraire aujourd’hui.

(Les amendements identiques nos 27 et 423 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 28 et 476.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n28.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n476.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 28 et 476, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n2055 rectifié de M. Richard Ferrand, rapporteur, est rédactionnel.

(L’amendement n2055 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 35, 424 et 477.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n35.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n424.

M. Jean-Pierre Door. Également défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n477.

Mme Valérie Boyer. Défendu.

(Les amendements identiques nos 35, 424 et 477, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 5 sexies, amendé, est adopté.)

Après l’article 5 sexies

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 5 sexies.

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n1684.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce matin, Mme Greff nous appelait à prendre des mesures importantes et non des mesurettes. Je réponds à ses vœux en vous proposant que la vente de tabac ne soit plus autorisée aux générations nées après janvier 2001. En effet, le tabac ne peut pas être vendu aujourd’hui à ces jeunes qui sont mineurs mais il me semblerait souhaitable que cette mesure perdure au-delà de leur majorité. L’hécatombe liée au tabac est encore plus grave que nous le pensions car les dernières données publiées dans la presse internationale scientifique de haut niveau font état de 90 000 morts liées au tabac par an en France, ce qui représente 1 million de Français tués par le tabac en onze ans. Nous ne pouvons rester indifférents.

Il est important de suivre les recommandations aussi bien du Gouvernement français, que de l’Organisation mondiale de la santé ou de la Ligue contre le cancer, qui nous demandent d’évoluer vers un monde sans tabac. Or, il est difficile d’interdire ou de limiter la consommation des personnes actuellement très dépendantes. Plutôt que de risquer les conséquences néfastes d’une prohibition ou d’une action liberticide, je vous propose de nous adresser à des gens qui ne sont pas encore victimes de cette addiction grave qu’est le tabagisme, à l’instar de ce qui se discute en ce moment même en Grande-Bretagne, en Tanzanie et dans beaucoup d’autres pays. Définissons les conditions dans lesquelles peu à peu notre pays pourra sortir du tabac.

La mesure permettra à terme de protéger des générations entières et sauvera 1 million de vies de Français tous les onze ans. L’enjeu est crucial.

À elle seule, vous le savez, la mortalité liée au tabac est plus importante que celle liée aux accidents de la route, aux drogues, à l’alcoolisme, aux suicides, au SIDA réunis. Pour cette première cause de mortalité évitable, nous devons prendre des décisions à la hauteur des enjeux.

Je propose que l’on adopte cette mesure qui ne prendra sa pleine effectivité que lorsque les enfants d’aujourd’hui seront devenus adultes, ce qui laissera quatre ou cinq ans aux buralistes et au Gouvernement français pour organiser cet avenir qui verra la vente du tabac se réduire et les profits qui en découlent s’amenuiser.

Je sais que certains jugeront ce projet utopique mais ils pensaient la même chose, il y a quatre ans, de ma proposition de loi relative aux paquets neutres qui est aujourd’hui adoptée en Australie, en Irlande, en Grande-Bretagne et qui le sera demain en France.

J’espère qu’il en ira de même de ma proposition d’aujourd’hui et qu’à l’avenir, il paraîtra beaucoup moins fou de sortir du tabagisme que de se résigner à une telle mortalité et une telle morbidité en restant les bras croisés.

M. Olivier Marleix. Et c’est vous qui êtes favorables à l’euthanasie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable que je dois réitérer aujourd’hui. Chacun reconnaît votre engagement dans la lutte contre le tabac, dont vous êtes un acteur majeur. Comme vous l’avez rappelé vous-même, vous avez été avant-gardiste en proposant le paquet neutre plusieurs années avant son adoption dans d’autres pays.

Il y a néanmoins plusieurs arguments à opposer à votre amendement. S’il fallait en retenir un, il serait d’ordre juridique : la constitutionnalité de votre proposition est très fragile. Vous proposez en effet qu’à partir de 2019, tous les enfants nés après 2000 ne soient pas autorisés à acheter du tabac. Pourquoi retenir 2001 comme première année de naissance, et non 2002 ou 2003 ? On imagine aisément ce que le Conseil constitutionnel répondra s’il est saisi de la question.

En outre, l’expérience qu’ont faite autrefois les États-Unis peut apporter un éclairage utile, même si je sais que vous réfutez toute intention prohibitionniste – et à juste titre, puisqu’il ne s’agit pas stricto sensu de prohibition. Est-on sûr, toutefois, qu’interdire à une génération entière de Français de consommer du tabac produirait l’effet escompté ?

Mme la ministre s’est engagée avec le plan tabac à ce que la génération qui naît aujourd’hui sera la première génération sans tabac. Certaines mesures contenues dans le présent projet de loi permettront d’atteindre cet objectif, de même que plusieurs mesures fiscales adoptées dans les textes budgétaires et sans doute d’autres mesures à venir.

En prenant ces mesures dont certaines sont prises ailleurs dans le monde, nous sommes déjà avant-gardistes et remportons une partie du combat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Compte tenu de la discussion que nous avons à votre initiative, monsieur Touraine, je vous propose de retirer votre amendement. Je tiens d’emblée à vous remercier de parler de santé publique, car tel est bien l’enjeu de notre débat. Au fond, notre préoccupation commune vise à éviter que les plus jeunes générations entrent dans le tabac. En effet, la meilleure manière de lutter contre les ravages du tabagisme consiste à permettre aux fumeurs déjà dépendants d’arrêter et, surtout, aux non-fumeurs de ne pas franchir le premier pas.

La mesure que vous proposez contribuerait-elle à atteindre cet objectif ? Sans doute partiellement, dans un monde idéal dépourvu de tout risque de contournement. En outre, l’argument juridique exposé par M. le rapporteur me semble très pertinent. Surtout, nous devons à mon sens mobiliser l’ensemble des parties prenantes et la société tout entière pour convaincre les jeunes que le tabac appartient aux générations passées.

Peut-être votre proposition s’imposera-t-elle d’elle-même avec le temps, comme c’est le cas du paquet neutre. À ce stade, pourtant, il ne me paraît pas possible de l’adopter.

Je voudrais profiter de cette intervention pour répondre à ceux qui imaginent qu’à côté des mesures que nous prenons pour empêcher l’entrée dans le tabac et dissuader d’en acheter, nous ne prendrions aucune mesure pour lutter contre les trafics et les achats frauduleux sur internet : c’est faux. Plusieurs dispositions ont été prises, dont les plus récentes ont été annoncées par le ministre des finances dans la loi de finances rectificative de décembre dernier – ce n’est donc pas si ancien. Nous avons prévu des sanctions en cas de détention frauduleuse de produits de tabac fabriqués à l’étranger, de vente à distance et d’introduction sur le territoire de tabac provenant de l’étranger et acheté sur internet. En effet, l’achat sur internet est interdit en France ; toute la difficulté consiste donc à empêcher les produits achetés par ce moyen à l’étranger d’entrer sur le territoire.

En clair, le Gouvernement lutte activement contre ces trafics et contre les achats illicites de tabac sur internet.

M. Olivier Marleix. Quatre cents tonnes de tabac ont été saisies à l’aéroport de Roissy cette année !

Mme Marisol Touraine, ministre. Parler de santé publique n’empêche pas d’être extrêmement rigoureux pour éviter tout contournement de la loi.

Je salue votre engagement, monsieur le député, mais je vous demande donc de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. À lire cet amendement, j’éprouve quelque peur à l’idée de la société que certains veulent nous préparer : un monde aseptisé, sans tabac, sans gros ni maigres, où tout le monde penserait la même chose. Ce monde fait peur !

Quant à l’amendement en discussion, au-delà de l’argument juridique qui a été exposé, je ne vois pas ce qui empêcherait une personne née après le 1er janvier 2001 de se fournir autrement qu’en se rendant chez un buraliste. Que ce soit à la sortie du collège ou, dans le meilleur des cas, par l’intermédiaire d’une personne majeure, elle pourra de toute façon en obtenir. Nous ne pourrons donc en aucun cas empêcher la génération née après cette date de fumer.

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

M. Arnaud Robinet. Je crois aussi qu’avec cet amendement, vous jouez « petit bras », monsieur Touraine : au fond, vous souhaitez l’interdiction pure et simple de la vente de tabac. Il aurait donc fallu rédiger votre amendement ainsi : « À partir du 1er janvier 2019, la vente de tabac est interdite en France ».

M. Arnaud Richard. C’est ce que souhaite Mme Delaunay !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous n’avez pas compris le sens de cet amendement, monsieur Robinet. Il ne s’agit pas d’être prohibitionniste, (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.) mais d’enclencher la sortie du tabac à partir du XXIe siècle en adoptant la stratégie formulée par Mme la ministre consistant à protéger les enfants d’aujourd’hui, qui ne sont pas encore victimes de cette addiction. Il n’est d’ailleurs pas question d’imposer la moindre pénalité aux fumeurs, mais seulement à ceux qui vendent du tabac à des mineurs. Notre société l’a bien accepté : la vente de tabac aux mineurs, autorisée hier, est aujourd’hui prohibée. De même, la vente de tabac aux personnes nées au XXIe siècle – raison pour laquelle la date du 1er janvier 2001 a été choisie – serait ainsi réprimée.

Cela étant dit, j’ai entendu la remarque de Mme la ministre et je la remercie pour son ferme engagement et les mesures qui sont prises afin de protéger les personnes encore trop jeunes pour avoir basculé dans cette addiction grave aux conséquences douloureuses, et de les inciter à refréner cette propension au tabagisme. Je comprends aussi l’argument légitime selon lequel notre société n’est pas encore tout à fait prête pour ce bond en avant, auquel on réfléchit également à la Chambre des communes et dans d’autres pays. Il n’est pas certain que la France sera la première à innover dans ce domaine, mais l’ouverture de cette réflexion lui permettra de progresser et, dans les années à venir, de lui donner corps par des mesures concrètes.

Quant à la notion d’inégalité entre les générations, elle méritera d’être explorée davantage. Je constate qu’il existe des inégalités entre les générations face aux retraites,…

M. Olivier Marleix. Vraiment ? N’avez-vous pas réglé le problème ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. …mais aussi en termes de longévité et de morbidité. Il ne me semble pas que les générations futures pâtiront d’être avantagées par rapport à leurs aînées en termes de santé publique. Bien au contraire : nous leur donnerons ainsi la chance de vivre de nombreuses années supplémentaires et d’éviter les souffrances qu’entraînent les maladies liées au tabac, qui sont souvent très douloureuses. À mon sens, un tel progrès sera bénéfique.

Quoi qu’il en soit, ayant entendu les arguments et surtout l’engagement de Mme la ministre, qui agit par plusieurs voies pour atteindre un objectif comparable, je retire l’amendement.

(L’amendement n1684 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1454.

M. Arnaud Richard. Je ne rappellerai pas quelle hécatombe provoque le tabac en France : 73 000 morts chaque année, soit environ 200 décès par jour.

M. Philippe Vitel. Et la drogue ?

M. Arnaud Richard. Face à cette hécatombe, nous ne pouvons que constater l’insuffisance des politiques publiques qui ont été menées jusqu’à présent. Pour autant, nous ne pouvons pas nous résoudre à accepter ce fléau, comme l’ont rappelé tous nos collègues ce matin. Comme l’a dit Mme la ministre, il nous semble impératif de protéger les jeunes en leur évitant d’entrer dans le tabagisme.

La loi de juillet 2009 avait interdit la vente et l’offre gratuite de tabac à des mineurs de moins de dix-huit ans. Il faut s’en féliciter, mais aussi constater que la législation en vigueur n’est qu’imparfaitement appliquée – c’est peu de le dire.

Sur ce sujet, il nous faut donc mobiliser l’ensemble des parties prenantes, y compris les vendeurs de tabac et de produits assimilés. C’est pourquoi nous vous proposons qu’ils soient tenus d’exiger un justificatif de l’âge de l’acheteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement dont l’objet est de sanctionner d’une amende de 450 euros les mineurs qui seraient surpris à fumer. L’interdiction de fumer existe déjà pour les mineurs ; l’instauration d’une amende paraît excessive et, surtout, difficile à appliquer. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Chers collègues, entendez le glissement sémantique qui se produit entre le tabac d’un côté, ce produit que les humains cultivent depuis des siècles, et le tabagisme de l’autre. Encore une fois, il existe des personnes qui consomment du tabac sans en être dépendantes.

Accessoirement, le président Barack Obama, que certains admirent, vient de renouer à juste titre avec un grand pays : Cuba, qui fabrique les meilleurs cigares du monde. Or, les pathologies liées à la surconsommation de cigares n’ont rien à voir avec celles que provoque la cigarette. Nombreux sont les fumeurs de havanes qui ne sont pas dépendants du tabac et dont la consommation ponctuelle est de nature culturelle et a produit de grandes œuvres littéraires. Faudra-t-il aussi censurer les photographies représentant une personne grâce à qui nous sommes présents ici, Winston Churchill, qui avait pour habitude de s’arrêter au purin, c’est-à-dire avant le dernier tiers de son cigare ?

Quel monde voulez-vous enfin proposer à la jeunesse de France ? Vous êtes incapables de lui offrir du travail et de veiller à ce qu’elle échappe aux paradis artificiels ! Et pour cause : vous lui dévoilez un monde violent et mauvais dans lequel il ne faut plus ni manger, ni boire, ni rouler trop vite – et j’en passe.

M. Arnaud Richard. Ni voter socialiste…

M. Nicolas Dhuicq. Quels risques ces adolescents seront-ils incités à prendre pour que nous les entendions et qu’ils puissent grandir ? J’ai l’impression que certains de nos collègues n’ont jamais été ni enfants ni adolescents ! Qui parmi vous n’a pas pendant son adolescence transgressé tel ou tel interdit parental ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pendant la vôtre, vous avez certainement tout transgressé ! Il a vraiment dû se passer quelque chose ! Qu’avez-vous pris ?

M. Nicolas Dhuicq. À force d’imposer des interdits parentaux si puissants, vous reste-t-il quelque instance surmoïque ? Vous devez vivre un cauchemar perpétuel et ne prendre aucun plaisir à la vie !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous vivons en communauté, vous savez… Être à gauche, c’est faire tomber les barrières ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. C’est toujours un plaisir d’entendre M. Dhuicq qui, à lui seul, me réjouit d’avoir déposé cet amendement.

J’ai confondu l’amendement n1454 avec le suivant, monsieur le président. Permettez-moi simplement de rappeler que, sauf erreur de ma part, le tabac rapporte 15 milliards d’euros par an à l’État, et qu’il en coûte 47 à la société.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Plutôt 45 milliards.

M. Arnaud Richard. Je vous le fais à 47 milliards. Autrement dit, le tabac coûte 32 milliards – en prise en charge sanitaire, en pertes de productivité, en pertes de fiscalité, en dépenses de prévention et bien d’autres dépenses encore. Il en coûte donc 772 euros par an à chaque contribuable. Le problème est réel !

Faut-il dès lors envisager cette question à l’aune de la santé publique, des intérêts des buralistes, des intérêts de l’État, de ceux des producteurs de tabac ou encore des intérêts de Cuba, qu’a évoqués M. Dhuicq ? Je l’ignore, mais je regrette simplement que nous ne puissions pas nous entendre sur des propositions communes concernant un tel sujet. Ce sera l’objet de l’amendement suivant, que je présenterai après avoir retiré celui-ci.

(L’amendement n1454 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1194 et 2178.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1194.

M. Arnaud Richard. Je rappelle donc brièvement que cet amendement vise à ce que les vendeurs de tabac et de produits assimilés soient tenus d’exiger un justificatif de l’âge de l’acheteur.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n2178.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à exiger de tout acheteur qu’il présente un titre d’identité attestant de sa majorité.

Permettez-moi de revenir sur les propos de M. Dhuicq qui a cité le cigare pour défendre l’idée selon laquelle le tabac n’est pas addictif : c’est faux.

M. Nicolas Dhuicq. Tous les fumeurs ne deviennent pas dépendants !

Mme Michèle Delaunay. Tout au contraire : le tabac est addictif, et nous avons les preuves scientifiques qu’il l’est dès la centième cigarette. Les mesures qui concernent les adultes fumeurs de cigares n’ont donc aucune pertinence pour les gens de tous âges qui entament une carrière de fumeur de cigarettes.

Je remercie M. Richard d’avoir rétabli les vrais chiffres relatifs au coût du tabac pour notre pays.

L’amendement de M. Touraine a le mérite de traduire une volonté très forte, inéluctablement partagée par tous. Il est important, en raison non seulement du nombre de morts dues au tabac mais aussi en raison de son coût sanitaire et social que bientôt plus aucun pays ne sera capable d’affronter. À terme, ce coût nous priverait de la possibilité de financer les thérapeutiques et les technologies innovantes dont dispose aujourd’hui la médecine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à ces amendements. Toutefois, en vous entendant les défendre, des deux côtés de l’hémicycle, et compte tenu du fait qu’exiger du client la preuve de sa majorité existe déjà pour la vente d’alcool, sauf erreur de ma part, je considère que cette disposition est applicable. Dans ces conditions, à titre personnel, j’émettrai un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis favorable à ces amendements car la démarche qu’ils proposent est intéressante. Aujourd’hui la vente de tabac aux mineurs est interdite, mais ceux qui le vendent ont parfois des difficultés à expliquer pourquoi ils ne peuvent pas le faire. La mesure que vous proposez devrait faciliter l’activité des buralistes et améliorer la santé publique. À ce titre, elle mérite un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je remercie le Gouvernement pour son écoute. La plupart de nos collègues présents dans l’hémicycle pensaient que cette disposition existait déjà. Nous faisons donc œuvre utile en appliquant au tabac une disposition qui existait pour l’alcool et qui va aider les buralistes dans l’exercice de leur profession.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je me félicite de la lutte menée contre le tabagisme dont malheureusement, en tant qu’élu frontalier, je mesure la gravité puisque des murs entiers d’alcool et de tabac sont en vente de l’autre côté de la frontière.

J’en profite pour indiquer qu’en tant qu’élu mosellan, je peux siéger le vendredi saint – j’ai cru comprendre qu’un élu alsacien s’était plaint qu’il y ait séance aujourd’hui. Nous avons le droit, nous, de siéger, à Paris, le jour du vendredi saint.

S’agissant des questions relatives à la santé, je voudrais dire à M. Dhuicq, qui laisse entendre que sur ces bancs nous ne savons pas prendre de plaisir, qu’on peut prendre du plaisir en dehors du tabac. Le tabac, heureusement, n’est pas une obligation. Quant à la notion de plaisir, elle est personnelle et non générale, et vous ne pouvez pas la définir à notre place.

Pour autant, je rejoins la préoccupation majeure exprimée par mes collègues, du groupe socialiste et sur d’autres bancs, que suscite la consommation de tabac. Nous avons interdit des médicaments au motif qu’ils étaient dangereux et des pesticides considérés comme étant cancérigènes. Pourquoi n’interdirions-nous pas le tabac ? Ce n’est pas un sujet tabou. Pour autant, il convient de procéder par étape, et celle que nous franchissons aujourd’hui est une excellente mesure puisqu’elle s’adresse en particulier aux plus jeunes, qui sont relativement fragiles et ne mesurent pas toujours les conséquences d’une consommation qui les entraînera vers une dépendance fort préjudiciable, pour eux et pour notre système de santé publique.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Nous sommes tous d’accord sur le fond, je n’y reviendrai donc pas, mais supposer qu’inscrire une interdiction dans la loi va empêcher les mineurs de fumer est une vue de l’esprit !

Monsieur Touraine, le chiffre de 45 ou 47 milliards n’a jamais été confirmé et la causalité entre consommation de tabac et mortalité ou telle ou telle morbidité n’est pas toujours établie. Même si nous sommes dans l’hémicycle entre gens responsables, faisons attention aux chiffres que nous avançons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Monsieur Aboud, je pourrais vous faire parvenir un article récent du New England Journal of Medicine, reconnu comme étant le meilleur des journaux médicaux, qui montre, preuves scientifiques à l’appui, l’incidence du tabac sur les cancers, notamment de la prostate et du sein, en se basant sur les différences de prévalence chez les fumeurs et les non-fumeurs.

Par ailleurs, il est bien connu que certains cancers – de la sphère ORL, pulmonaires et autres – sont en grande majorité liés au tabagisme. Les données scientifiques existent donc.

Monsieur Dhuicq, tous les experts qui étudient l’addiction au tabac le disent : le tabac est la seule des addictions qui ne procure aucun plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce qu’il y a d’étrange dans le tabagisme, c’est qu’il ne provoque pas de décharge d’endorphines ni de plaisir.

M. Nicolas Dhuicq. C’est faux !

M. Arnaud Robinet. C’est la nicotine qui fait effet !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce n’est pas moi qui parle, ce sont les experts de l’addiction ! En revanche, on ne peut nier le sentiment de manque ni la souffrance ressentie par la personne tabagique lorsqu’elle est privée de sa dose quotidienne de nicotine.

Enfin, j’espère que ces amendements seront votés à l’unanimité, y compris par les honorables membres de l’opposition.

La rédaction d’un récent rapport d’information, présenté par Denis Jacquat et moi-même, nous a permis de constater que la Grande-Bretagne avait adopté depuis plusieurs années le principe « No ID, no sale ! », c’est-à-dire pas de carte d’identité, pas de vente de tabac aux personnes qui ne font pas la preuve de leur majorité, et que cette décision avait eu un effet positif, qui a été analysé et démontré. La France devrait adopter le même principe afin d’obtenir un résultat aussi satisfaisant.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur Aboud, l’étude de Pierre Kopp, qui fait état d’un coût sanitaire et social de 47 milliards d’euros, soit trois fois le montant du déficit de la Sécurité sociale, est en cours d’actualisation. Je regrette que cet exercice n’ait pu être achevé avant le début de nos débats, mais je peux d’ores et déjà vous dire que les chiffres ne seront pas revus à la baisse.

Une autre étude, réalisée à partir de paramètres différents, de la Review of Economics, faisait état il y a quelques jours d’un coût de 33 milliards d’euros. Cette étude, davantage centrée sur le coût sanitaire, dégage la notion de prix responsable du paquet de cigarettes. Car nous ne pourrons continuer à demander aux non-fumeurs plus de 700 euros par an pour financer les dégâts du tabac !

(Les amendements identiques nos 1194 et 2178 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l’amendement n° 1650.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’exposition commerciale de produits contenant du tabac dans les bureaux de tabac a plusieurs objectifs : attirer de nouveaux fumeurs, assurer la promotion de certaines cigarettes ou autres produits contenant du tabac, et donner une image banalisée du tabac en faisant oublier sa dangerosité.

L’impact des présentoirs sur le tabagisme des jeunes a été démontré. Je propose de bannir la pratique néfaste qu’est l’exposition des différentes formes commerciales du tabac, complétant ainsi les mesures utiles que sont le paquet neutre et l’interdiction de la publicité dans les bureaux de tabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable, pour plusieurs raisons : nous venons d’interdire la publicité pour les produits du tabac, y compris dans l’enceinte des commerces ; par ailleurs, nous allons adopter tout à l’heure le paquet neutre, ce qui rendra les paquets anonymes ; ensuite la vente sous le comptoir n’a pas été discutée avec les professionnels du secteur ; enfin, j’émets une réserve quant à la conformité de cette disposition au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, qui a valeur constitutionnelle et qui me semble fragilisé dans la rédaction de l’amendement.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je le retire.

(L’amendement n1650 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l’amendement n° 1657.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement vise à ce que toutes les œuvres comportant une scène propre à valoriser le tabac diffusent avant leur présentation ou leur diffusion un message préventif anti-tabac. Il n’est naturellement pas question d’interférer avec la liberté de création : pas de film sur Churchill sans son cigare, ni de film sur Serge Gainsbourg sans ses gitanes. Cela dit, m’étant rendu compte que la plupart de ces œuvres ne sont pas visionnées par les services publics avant leur présentation au public, je vais retirer cet amendement. Pour autant, je pense qu’il serait utile de renforcer le contrôle des œuvres illégales, financées par l’industrie du tabac, destinées à assurer la promotion du tabagisme.

De la même façon, il sera nécessaire de sanctionner les pièces de théâtre dans lesquelles les acteurs fument car cela induit un risque de tabagisme passif pour les spectateurs assis au premier rang.

(L’amendement n1657 est retiré.)

Article 5 septies

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, premier orateur inscrit.

M. Nicolas Dhuicq. Il est incroyable d’entendre ce qui vient d’être dit à plusieurs reprises.

Tout d’abord, dès lors qu’il y a dépendance, il y a perte de plaisir. Puisque nous allons discuter des salles de shoot, le toxicomane n’est pas dans le plaisir mais dans le Thanatos – il joue en permanence avec la mort ; le fumeur compulsif ne prend pas de plaisir, et il en va de même pour tous les consommateurs de produits addictifs, ce n’est pas spécifique au tabac. Votre discours systématique à propos du tabac, alors qu’il est laxiste pour tout le reste, est relativement inquiétant.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En quoi sommes-nous laxistes ? Michèle Barzach était laxiste, elle aussi ?

M. Nicolas Dhuicq. Je suis désolé, mais j’ai du mal à imaginer un monde sans tabac… On va finir par vous interdire, mes chers collègues, de vous rendre dans certains pays civilisés, d’Amérique latine ou d’ailleurs…

Revenons à l’article 5 septies. Vous voulez renforcer les contrôles, mais il est des lieux où une partie de la population française, ainsi que quelques étrangers, sont privés de liberté : il s’agit des prisons. Madame la ministre, j’avais interpellé à plusieurs reprises le Premier ministre alors qu’il était ministre de l’intérieur. Dans beaucoup de centrales, le règlement pénitentiaire n’est pas appliqué : les portes des cellules sont ouvertes alors qu’elles devraient être fermées, et la loi Evin n’est pas appliquée dans les maisons d’arrêt et les centrales de France.

M. Arnaud Robinet. Il faut écrire à Mme Hazan !

M. Nicolas Dhuicq. Plutôt que de légiférer sur des interdictions de plus en plus étendues, vous devriez vous rapprocher de votre collègue garde des sceaux pour qu’elle fasse en sorte que les gardiens de prison soient défendus, que les produits toxiques n’entrent plus dans les prisons de France et que la loi Evin sur le tabac soit appliquée dans les prisons, ce qui n’est pas le cas. Cette mesure de salubrité publique serait nettement plus efficace que les propositions que vous faites ce soir. Car je me demande vraiment dans quel monde vous vivez et dans quel monde vous voulez vivre !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas le vôtre, c’est sûr !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Monsieur le rapporteur, le dispositif existant en matière de création de débits de tabac est efficace et en outre il responsabilise les préfets, qui sont les représentants de l’État.

En outre, cela pose un problème de concurrence, car le préfet ne pourra plus réunir les professionnels pour élaborer un maillage territorial. En tout cas, les buralistes installés depuis des années seront soumis à une sorte de numerus clausus, ce qui pose un vrai problème de principe en matière de concurrence sur lequel il faudra se pencher.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Mon intervention vise simplement à dénoncer l’espèce d’hystérie législative dans laquelle vous nous entraînez, madame la ministre. Des zones dites protégées, dans notre droit, il y en a déjà, en particulier en matière de vente d’alcool. Mais celle-ci, à ma connaissance, relève du niveau réglementaire et même de l’arrêté préfectoral. Ici au contraire, vous proposez carrément d’inscrire les dispositions dans la loi ! Tâchons, je vous en prie, d’être un tant soit peu sérieux et raisonnables au profit de la qualité du travail législatif !

De telles dispositions ne relèvent pas selon moi du domaine de la loi. L’échelon de l’arrêté préfectoral me semble plus approprié. Elles comportent en effet des phrases portant sur la manière de mesurer la distance, notamment en cas de dénivellation. Tout cela est absolument grotesque et n’a vraiment pas sa place dans la loi ! Je ne peux m’empêcher de penser, en lisant l’article 5 septies, aux grandes déclarations de M. François Hollande, Président de la République, au sujet du choc de simplification. C’était le 29 mars 2015, il y a tout juste deux ans. J’ai le sentiment, madame le ministre, que vous n’avez pas écouté cette émission de télévision avec beaucoup d’attention car le texte est tout l’inverse de la simplification à laquelle le Président de la République vous invitait.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. J’aimerais moi aussi que la loi Evin soit appliquée. Pour une fois, je tombe d’accord avec M. Dhuicq mais sur un point différent dont il n’a rien dit : les œuvres cinématographiques. La loi Evin est très claire. Elle interdit la diffusion de scènes de tabagisme dans les films, sauf en cas de valeur artistique ajoutée ou dans le cadre d’une biographie, de Churchill par exemple.

M. Arnaud Robinet. Et les films étrangers ?

Mme Michèle Delaunay. Nous constatons néanmoins que 80 % des films français comportent des scènes de tabagisme bien nettes. Je me demande bien pourquoi ! J’évoquerai tout à l’heure le mécénat et en particulier les mécénats cachés, si j’ose dire, au sujet desquels nous devons être plus vigilants que nous le sommes. L’industrie du cinéma dépasse les bornes et comme M. Dhuicq je demande à Mme la ministre de renforcer les contrôles.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je suis d’accord avec Mme Delaunay, il faut appliquer la loi Evin. Mais au sujet des prisons, je réponds à mon collègue qu’elle y est appliquée !

M. Nicolas Dhuicq. C’est faux !

M. Joaquim Pueyo. Il est interdit de fumer dans les salles collectives, dans les couloirs, dans les ateliers et dans les salles d’activités.

M. Nicolas Dhuicq. J’étais à Clairvaux hier encore !

M. Joaquim Pueyo. Si certains détenus fument, c’est que les personnels ne font pas leur travail.

M. Nicolas Dhuicq. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Joaquim Pueyo. En revanche, le problème, ce sont les cellules, je connais bien les prisons et j’en conviens. L’administration pénitentiaire s’efforce de regrouper les fumeurs par cellules et demande aux non-fumeurs de se signaler. Des efforts ont été réalisés. Le problème ne se pose pas dans les établissements pour peine car les détenus sont seuls en cellule, en revanche les maisons d’arrêt souffrent de surpopulation, ce qui complique les choses. Il s’agit, c’est vrai, d’un problème de santé publique. On pourrait imaginer un système interdisant de fumer à quiconque se trouve dans un établissement pénitentiaire mais il suffit d’en envisager les conséquences en matière de détention et d’ambiance générale pour constater qu’il s’agit d’un objectif impossible à atteindre.

Il faut en revanche mettre détenus et personnels non-fumeurs à l’abri des conséquences du tabagisme des autres. On y vient et des efforts sont réalisés, même si c’est difficile en maison d’arrêt compte tenu de la surpopulation qui y prévaut. On ne peut donc pas dire que la loi Evin n’est pas appliquée. Je puis certifier qu’il est strictement interdit de fumer dans les ateliers, pour des raisons de santé mais également de sécurité incendie. Nous avons rédigé des notes et des circulaires et apposé des affiches dans toutes les salles collectives.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 29, 421, 478 et 847.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n29.

M. Philippe Vitel. On atteint avec cet article le Graal de la stupidité. De telles propositions ridiculisent le Parlement. L’article 5 septies prévoit par exemple qu’un débit de tabac ne peut s’installer dans un périmètre donné autour d’un établissement pénitentiaire. J’ai rarement vu des détenus sortir pour aller acheter leur paquet de cigarettes ! Un buraliste, avant de s’installer, mène une étude de marché et constate sans doute que ce n’est pas autour de l’établissement pénitentiaire qu’il trouvera le plus de clients ! C’est pourtant ce qui est écrit ! C’est ridicule ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Deuxièmement, dans une commune de moins de 1 000 habitants, je n’aurai que vingt-cinq mètres à faire pour passer d’un tabac à un autre, mais dans une commune de plus de 20 000 habitants, je devrai en faire 150. C’est là tout simplement une remise en cause du principe constitutionnel d’égalité ! De grâce, supprimons cet article complètement ridicule !

M. Nicolas Dhuicq et M. Olivier Marleix. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n421.

M. Jean-Pierre Door. Je demande moi aussi la suppression de l’article qui comporte en effet quelques dispositions un peu curieuses, comme l’interdiction d’ouvrir un bureau de tabac près d’un édifice de culte. Avez-vous déjà vu, chers collègues, les gens sortir de la messe le dimanche et ne pas aller dans le bar-tabac le plus proche pour échanger et discuter ? Vous menez une politique agressive envers les buralistes, madame la ministre, en particulier ceux qui sont installés dans les petites communes. Adressez-vous plutôt à l’industrie du tabac et non aux buralistes !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n478.

Mme Valérie Boyer. C’est un amendement de bon sens proposant de supprimer l’article et portant sur le droit qui régit l’installation des débits de tabac. L’article porte atteinte à la liberté de concurrence. En outre, il donne de facto un avantage notable aux débits de tabac déjà installés en créant une sorte de numerus clausus. En effet, il empêche la création de nouveaux débits de tabac. Si le texte est voté, il sera malheureusement presque impossible d’en ouvrir un, ce qui fera considérablement augmenter la valeur des fonds actuellement en activité. Nous sommes donc dans une situation paradoxale, la politique menée produisant les effets inverses de ceux qu’elle prétend rechercher. Il en va du tabac comme du reste ! Un peu de cohérence !

M. Olivier Marleix. La baisse du chômage, par exemple !

Mme Valérie Boyer. En effet, au sujet du chômage, c’est pareil ! De même, vous affirmez combattre les lobbies, madame la ministre, mais en fait vous ne faites que les suivre ! Je ne comprends vraiment pas comment on peut créer une situation quasi monopolistique caractérisée par un incroyable manque de concurrence : comme il sera impossible d’ouvrir un débit de tabac, ceux qui en détiennent actuellement la licence verront leur chiffre d’affaires grandement augmenter. Je ne comprends pas du tout l’objet d’un tel comportement.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n847.

M. Gilles Lurton. En complément de tout ce qui vient d’être dit, j’aimerais savoir si on s’est interrogé sur les effets des mesures proposées et si une étude d’impact a été réalisée avant de proposer de telles mesures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. L’avis est défavorable. L’article 5 septies a été adopté en commission à l’initiative de Mme Michèle Delaunay. Il interdit l’ouverture ou le transfert de débits de tabac à proximité de certains lieux que l’on pourrait qualifier de protégés. Il s’inspire en fait de ce qui existe déjà pour les débits de boissons à l’exception des cimetières qui ne sont pas concernés par l’article 5 septies. L’article que nous avons adopté n’est pas parfait et Mme Delaunay en proposera dans quelques instants une rédaction différente, en particulier au sujet des prisons dont nous parlions tout à l’heure, afin de cibler l’interdiction sur les lieux fréquentés par les jeunes. Favorable à une telle démarche, la commission a logiquement repoussé les amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais répondre à mon camarade Joaquim Pueyo car nous commençons à fréquenter les mêmes établissements, dont pour l’instant on nous laisse sortir ! (Sourires.) Je livrerai d’abord à toutes et tous un élément de réflexion. En Suède, les prisonniers disposent d’un casier dans lequel ils déposent leur paquet de tabac et n’ont le droit de fumer qu’en un certain endroit. En outre, les récidives y sont très faibles, en particulier en matière d’agressions de gardiens, car un détenu ayant agressé un gardien est maintenu attaché à l’isolement pendant une semaine.

M. Gérard Sebaoun. On ne peut pas approuver cela !

M. Nicolas Dhuicq. Il s’agit de la Suède, pays protestant d’Europe du nord, puritain en matière de gestion de l’alcool et des alcoolisations aiguës et massives. Les Suédois se rendent en ferry au Danemark pour se saouler et c’est ce rapport à l’alcool, descendu d’Europe du nord vers l’Europe du sud, que vous dénoncez, chers collègues socialistes ! Vous pouvez rire, camarade Souslov président du groupe socialiste, même si ce grand monsieur est une excellente référence ! Quant à l’article 5 septies, de grâce ! J’ai cru comprendre tout à l’heure que la République est laïque en ce Vendredi saint. En quoi les églises, les temples ou les synagogues sont-ils des lieux à protéger de l’influence du tabac ? Existe-t-il une interdiction divine de consommer du tabac le jour du Seigneur, le Vendredi saint ou les jours de shabbat ? Vous êtes toujours en pleine contradiction !

Pourquoi faut-il protéger les lieux de culte et comment feront nos collègues maires dans les zones rurales ? Imaginez la complexité à laquelle sera confronté le maire d’un village de 300 ou 400 habitants où le bureau de tabac est le seul commerce restant, si le buraliste veut déménager dans le seul local libre qui se trouve situé à proximité du périmètre de protection ! C’est complètement aberrant ! L’article est surréaliste ! Demandez à votre collègue garde des sceaux, madame la ministre, de faire appliquer le règlement pénitentiaire et de construire de nouvelles places de prison pour régler le problème de la surpopulation carcérale en maison d’arrêt, faites en sorte que le règlement soit appliqué en maison centrale, défendez les gardiens de prison et cessez d’embêter les maires, pour ne pas dire autre chose !

Mme Valérie Boyer M. Yannick Moreau et M. Philippe Vitel. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Nos collègues de l’opposition ne connaissent pas la loi votée au cours des décennies précédentes. La liste que vous montrez du doigt, chers collègues, concerne les débits de boissons. L’idée est de faire un parallèle entre les débits de boissons et les débits de tabac, car le tabac tue près de deux fois plus que l’alcool. Cela dit, nous avons en effet retiré de la liste les excès que vous dénoncez à raison et nous en reviendrons à une rédaction qui montrera notre pondération. Il n’en faut pas moins une distance suffisante entre les établissements scolaires, seuls visés, et les débits de tabac. J’habite à côté d’un lycée dont le trottoir est jonché de mégots car il suffit de traverser la rue pour acheter du tabac !

M. Arnaud Robinet. Les dispositions que vous proposez n’y changeront rien !

M. Bernard Accoyer. Ce sont des mégots de cannabis !

M. Philippe Vitel. Qui est en vente tout autour !

(Les amendements identiques nos 29, 421, 478 et 847 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n1768.

Mme Michèle Delaunay. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Permettez-moi de solliciter une précision : sur quels critères le Conseil d’État fondera-t-il la fixation du seuil ? Et pourquoi laisser ce soin à un décret en Conseil d’État ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Je partage les interrogations de mon collègue. Je trouve l’amendement de Mme Delaunay très intéressant, mais je m’abstiendrai, car je ne vois pas au nom de quoi le Parlement devrait s’en remettre au Conseil d’État pour définir ce seuil : cela relève de nos prérogatives.

(L’amendement n1768 est adopté.)

(L’article 5 septies, amendé, est adopté.)

Après l’article 5 septies

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n30, qui vise à insérer un article additionnel après l’article 5 septies.

M. Philippe Vitel. Il manque étrangement au catalogue que vous dressez à l’article 5 septies les gares et aérogares, ainsi que le réseau de transport métropolitain parisien, lieux très fréquentés où l’on peut à loisir se procurer du tabac. Je propose donc de les ajouter à la liste – sur le ton de la plaisanterie. Et dans la foulée, je retire l’amendement.

(L’amendement n30 est retiré.)

Article 5 octies

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, inscrit sur l’article.

M. Élie Aboud. Le président le Roux a manifesté tout à l’heure une forme de tendresse à l’endroit des buralistes. Bien entendu, les tweets ont fusé. C’est très bien ; c’est d’ailleurs votre rôle de président que de faire la synthèse.

Il n’empêche que des groupes de l’industrie agroalimentaire font du mécénat, que ce soit avec la puissance publique ou avec des organisations privées – je pense par exemple au programme Ensemble prévenons l’obésité des enfants – EPODE. Je ne vois donc pas pourquoi on interdirait à ces commerçants, à ces artisans et à ces professionnels de participer avec nous à la pédagogie, à l’éducation et à la prévention du tabagisme, alors même qu’on leur demande d’être pleinement dans l’action avec nous pour lutter contre le tabagisme, notamment des jeunes : c’est complètement schizophrène !

Et puisque nous parlons du tabagisme chez les jeunes, vous savez comme moi que dans la vraie vie, la vente de tabac aux jeunes se fait malheureusement à la sortie des lycées, et non dans les bureaux de tabac. Priver non pas les fabricants de tabac, mais les distributeurs, les buralistes, les commerçants et les artisans de participer à ces actions de prévention me semble donc une faute.

M. le président. Nous en venons aux amendements. Je suis saisi d’un amendement n2177, qui fait l’objet d’un sous-amendement n2468 du Gouvernement.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement.

Mme Michèle Delaunay. Il vise à interdire le mécénat d’une manière générale, et non dans le seul domaine de la santé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n2468.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Vous proposez une interdiction générale du mécénat par l’industrie du tabac, madame Delaunay. Depuis maintenant plusieurs heures, nous débattons de la politique publique à mettre en œuvre pour lutter contre le fléau du tabagisme, limiter le nombre de morts et la dette sociale et sanitaire qu’entraîne le tabac. Dès lors que l’on empêche toute forme de communication et de publicité, y compris à l’intérieur des bureaux de tabac, il me paraît à titre personnel assez logique d’appliquer la même règle aux activités de mécénat et je suis donc favorable à cet amendement, tout comme au sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n2468 est adopté.)

(L’amendement n2177, sous-amendé, est adopté et l’amendement n2063 tombe.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n1420.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à interdire le mécénat en cas de financement public. S’il s’avère que ce mécénat existe, le financement public devient automatiquement caduc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Si je puis me permettre, cet amendement ne parle pas de mécénat, mais de financement de tout organisme bénéficiant d’un financement public par l’industrie du tabac. Le terme n’est pas le même, et il est important de le souligner puisque nous venons d’interdire le mécénat.

En outre, cet amendement pose plusieurs problèmes. Je l’ai dit, nous venons d’interdire le mécénat, et le « Sunshine Act » que nous avons adopté en commission semble suffisant. Ensuite, la rédaction même de l’amendement est fragile : en droit, un financement public devenant caduc n’a guère de signification. Compte tenu de l’avancée majeure que nous venons d’acter, je vous suggère donc de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je retire l’amendement, monsieur le Président.

(L’amendement n1420 est retiré.)

(L’article 5 octies, amendé, est adopté.)

Article 5 nonies

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 2068, 2064, 2065 et 2066, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour les soutenir.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ils sont rédactionnels, monsieur le Président.

(Les amendements nos 2068, 2064, 2065 et 2066, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 5 nonies, amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons passé beaucoup de temps à discuter des dispositions qui ont été ajoutées en commission. Il se trouve que celles qui viennent d’être adoptées faisaient partie du texte initial et constituent une avancée très importante, sans doute beaucoup plus que ce que certains peuvent imaginer. Il s’agit en effet d’établir la transparence sur les financements par l’industrie du tabac. De la même manière que nous avons institué un dispositif dit « Sunshine Act » pour l’industrie pharmaceutique, nous posons une obligation de transparence des financements versés par l’industrie du tabac à destination, notamment, de toute une série d’acteurs de la vie publique.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est donc un élément très important, et c’est la raison pour laquelle je voulais souligner la portée du vote qui vient d’intervenir – dont je me réjouis. Même si l’opposition a voté contre cet article, son absence d’intervention laisse entendre que la marche vers la transparence est inéluctable et qu’il faut en prendre acte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 5 decies

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet article concerne l’instauration du paquet neutre. Je suis parfaitement conscient des ravages que peut provoquer le tabac sur la santé publique et des coûts que sa consommation fait peser sur la sécurité sociale en provoquant – hélas trop souvent – des maladies graves telles que les cancers, l’hypertension, les accidents vasculaires cérébraux et bien d’autres.

Pour tenter de réduire la consommation excessive de tabac, vous proposez d’imposer par cet article le paquet de cigarettes neutre. Désormais, les buralistes devront remplir leur étal de paquets tous identiques, comportant des images à mon avis particulièrement violentes. Une telle mesure ne peut être efficace que si elle est accompagnée de mesures identiques dans tous les pays frontaliers. Aujourd’hui, 25 % du tabac consommé provient déjà du marché parallèle – achats frontaliers, contrebande et tous types de marchés parallèles. Il s’agit d’une concurrence déloyale, qui frappe directement les points de vente – c’est-à-dire tous ces petits commerces de proximité dont nous avons beaucoup parlé depuis ce matin et qui maillent notre territoire – mettant ainsi en péril leur existence.

Vous m’avez objecté en commission, ainsi qu’à l’occasion des auditions auxquelles j’ai participé sur le sujet, que le paquet neutre permettrait une lutte plus facile contre la contrebande, parce que les paquets venant de l’étranger seraient plus facilement identifiables. Je n’en crois pas un mot : vous ne disposerez pas des moyens nécessaires à ces actions et à ces contrôles – nous savons déjà ce qu’il en est actuellement.

Je vous demande donc de renoncer à ce paquet neutre et d’engager une concertation sur le sujet avec nos voisins européens. Encore une fois, nous ne pouvons pas tout faire tout seuls, sauf à mettre en péril une économie des buralistes déjà fortement fragilisée.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Nous sommes tous d’accord, madame la ministre, pour dire que le tabagisme est un fléau, et que la lutte contre le tabagisme doit être une priorité. Cependant, les membres du groupe RRDP ne sont pas unanimes quant à la pertinence du paquet neutre, d’autant plus que les images rebutantes de lésions que nous pouvons y voir ne peuvent être liées au seul tabagisme. Le paquet de cigarettes correspondant aux dispositions européennes semble donc préférable – tout au moins pour certains membres de notre groupe.

M. Bernard Accoyer. Elle a raison !

Mme Dominique Orliac. Nous souhaiterions surtout que les actions contre le trafic et les ventes illicites – en particulier dans les zones frontalières – soient renforcées.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Encore une fois cet après-midi, la dérive sémantique qui consiste à associer d’emblée tabac à tabagisme aura des effets délétères. Le summum est atteint avec l’affaire du paquet neutre.

Il existe en médecine un principe appelé l’anosognosie, méconnaissance de l’état clinique et des effets pervers d’un comportement qui s’observe en particulier chez les patients éthyliques chroniques, mais existe aussi pour le tabagisme. L’idée simpliste des somaticiens, qui consiste à dire que pour guérir quelqu’un de sa dépendance, il suffit de lui montrer les ravages de l’alcool ou du tabac, ne fonctionne pas. Ce serait tellement plus simple si l’esprit humain était moins compliqué ! Hélas, il est bien plus complexe.

Vous souhaitez à juste titre orienter la lutte contre le tabac vers les adolescents et les préadolescents. Mais avant de consommer du tabac, ces derniers commencent hélas souvent par consommer du cannabis – dont d’anciens ministres ont vanté les mérites il y a quelques années. Toute une génération a ainsi expliqué aux élèves infirmières et aux étudiants en médecine que le tabac était très mauvais et le cannabis très bon. Or les études montrent que le risque d’entrer dans un processus dissociatif est six fois plus important lorsqu’on consomme du cannabis que lorsque l’on n’en prend pas.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Nicolas Dhuicq. La nicotine n’a pas les mêmes effets psychotropiques que le delta 9-tétrahydrocannabinol. Celui-ci rend imbécile, touche la mémoire, alors que la nicotine est un psychostimulant.

Les tests psychologiques de mémoire des patients qui ont pris une dose de nicotine sont nettement meilleurs que ceux de ceux qui n’en ont pas pris. Certes, la nicotine à haute dose est un toxique pour les neurones, mais imaginer qu’avec un simple paquet neutre on va dissuader de consommer du tabac, c’est vraiment avoir une conception simpliste de l’esprit humain.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le vôtre est très complexe !

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes des êtres infiniment plus complexes que cela. Vous allez frapper à côté et, au contraire,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Nicolas Dhuicq. …pousser les jeunes à consommer encore plus d’autres produits. À force de faire l’ange, on fait la bête : vous allez les entraîner vers des conduites beaucoup plus dangereuses.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Votre cas est désespéré, monsieur Dhuicq !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Avec cet article 5 decies, nous en arrivons donc à la volonté du Gouvernement de mettre en place le paquet neutre. Une nouvelle fois, madame le ministre, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles nous ne nous conformons pas aux dispositions européennes, qui s’imposent à nous, d’autant que l’ensemble des pays frontaliers de la France – qui sont tous, à l’exception de la Suisse, membres de l’Union européenne – s’en tiennent, quant à eux, au calendrier et au contenu de la directive européenne applicable.

L’efficacité de cette mesure est pour le moins discutée ; de fait, elle est loin d’être évidente. Elle placerait la France dans une situation certaine d’isolement quant au respect d’un certain nombre de dispositions du droit international ou même, d’ailleurs, de notre droit national.

Par ailleurs, les trafics, notamment la contrebande ou les trafics illicites, vont évidemment exploser.

Enfin, je veux insister sur un dernier point qui me paraît important : à partir du moment où vous mettrez en place le paquet neutre, les cigarettiers n’auront plus qu’un outil pour faire jouer la concurrence, à savoir la guerre des prix, qui va s’exercer au détriment des tabaculteurs qui, vous le savez, sont encore nombreux en France.

Bref, madame le ministre, une nouvelle fois, nous nous plaçons en décalage par rapport aux autres pays européens. Compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays, compte tenu du fait que nous partageons avec tous nos partenaires européens la volonté de lutter contre le tabac, il nous faut mettre en pratique l’adage selon lequel « l’union fait la force ». Il faut éviter de susciter la division. Trop souvent, en France, des membres du gouvernement ou des personnalités diverses souhaitent donner des leçons au monde entier, ce qui est très coûteux pour notre pays.

Tenons-nous en donc aux dispositions européennes et conduisons une politique communautaire volontariste de lutte contre le tabac ; à défaut, il faut que nos compatriotes le sachent, on arrivera à la bouteille de vin ou de spiritueux neutre, au paquet de fromage neutre,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Bernard Accoyer. …au paquet de biscuit neutre.

M. Olivier Véran, rapporteur. À la clepsydre !

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, restons raisonnables !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, vous avez fait de cet article, de ce sujet, un vrai problème de santé publique. Je fais confiance à votre bonne foi. Toutefois, ce que l’on essaie de vous dire – je l’avais déjà affirmé hier – c’est que, lorsque l’on parle vrai sur une basse fausse, tout devient faux, hélas. Vous avez cité des comparaisons avec l’Australie, mais la France n’est pas l’Australie : elle n’est pas une île déconnectée, elle a des frontières. Aujourd’hui, un paquet neutre est facile à fabriquer, à imiter, à contrefaire.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Élie Aboud. Avec cette décision, nous allons mécaniquement encourager la vente illégale de ce que l’on appelle les « cigarettes de marque ».

M. Bernard Accoyer. Exactement !

M. Élie Aboud. Cela va entraîner de façon automatique ce que j’appelle les contrebandes et, ce qui est encore plus grave, les contrefaçons avec des produits toxiques qu’on ne connaît pas, donc qu’on ne maîtrise pas.

On veut aller très loin, beaucoup plus vite que la directive européenne et, malheureusement, on s’expose à des risques. On va pénaliser les buralistes dans leur quotidien et, surtout, les consommateurs, avec des produits qu’on ne maîtrise pas.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame le ministre, avec ce paquet neutre, on légifère véritablement comme si l’on était au XIXe siècle. Comme on l’a abondamment dit tout à l’heure, on fait totalement abstraction de ce qui se passe sur internet, de l’e-commerce. Une fois encore, vous préférez taper sur le petit buraliste plutôt que de vous attaquer à ce qui se passe sur internet : vous êtes totalement à côté de la plaque. Évidemment, vous allez faire exploser un peu plus les ventes hors bureaux de tabac. Une étude de KPMG…

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Commandée par Philip Morris !

M. Olivier Marleix. …a expliqué que les ventes hors bureaux de tabac avaient représenté 25 % des ventes en 2012, chiffre extrêmement important qui traduit une augmentation de plus de 10 % par an des ventes hors bureaux de tabac. Ce sont autant de recettes fiscales qui échappent à l’État. Les ventes transfrontalières ont déjà explosé – elles ont augmenté de 36 % au cours de l’année 2012 – et cela va continuer, sous l’effet d’approvisionnements frontaliers, notamment en provenance de la Belgique ou de l’Algérie. Les ventes en provenance d’Algérie ont augmenté, si je ne me trompe, de 85 % entre 2012 et 2013. Voilà des chiffres éloquents.

Selon les chiffres communiqués par la confédération des buralistes – ce sont à mes yeux des gens extrêmement respectables et j’espère que j’ai encore le droit de les citer dans cette assemblée sans être suspecté de quoi que ce soit – l’essor des marchés parallèles a privé l’État de trois milliards de recettes fiscales.

Surtout, cette mesure va entraîner la disparition de centaines de bureaux de tabac supplémentaires dans notre pays. Madame la ministre, je voudrais vous rappeler – mais je ne peux pas croire que vous ne l’ayez pas à l’esprit – que le bureau de tabac, le bar-tabac est souvent, dans beaucoup de nos communes rurales, le dernier commerce, sur lequel peuvent se greffer d’autres activités, comme le dépôt de pain. Monsieur le président du groupe socialiste, vous nous avez dit tout à l’heure que vous pensiez aux buralistes, mais que proposez-vous ? Pour l’instant, vous ne proposez rien, si ce n’est les condamner à la misère, à la fermeture, parce que vous les livrez à une concurrence sauvage et totalement déloyale.

Dans votre texte, il n’y a pas non plus de mesure contre la fraude et puis, une fois encore, madame la ministre, on aimerait constater la même énergie, le même génie, la même intelligence, la même détermination contre les produits stupéfiants, notamment le cannabis. Pardon de vous le rappeler, mais, comme l’a dit Nicolas Dhuicq, la consommation de cannabis fait des ravages dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est la santé mentale de ces jeunes qui est en cause et vous ne faites visiblement pas preuve, ici, de la même détermination.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Je répète que la volonté de lutter contre le tabagisme est partagée sur l’ensemble de ces bancs, mais la bien-pensance, la pensée unique, ne permettra pas d’engager une lutte efficace. Le paquet neutre est le symbole de cette pensée unique. On peut nous donner l’exemple de l’Australie, mais de nombreuses études, quoiqu’assez contradictoires entre elles, nous montrent que les résultats du paquet neutre ne sont pas à la hauteur des attentes. Je crois qu’il faut donc aller plus loin. Si vous voulez vraiment lutter contre le tabac et le tabagisme, ayez le courage d’aller jusqu’au bout, et, comme le proposait notre collègue Touraine de façon quelque peu insidieuse, interdisez la vente de tabac. Taxons un peu plus les industries du tabac, comme on le fait malheureusement pour les industries de santé.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Nous nous heurtons, sur les bancs de la droite, à une contradiction entre ceux qui disent que le paquet neutre ne sera pas efficace et ceux qui affirment qu’il faut faire attention à nos buralistes, qui vont voir leurs revenus plombés.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas contradictoire !

Mme Michèle Delaunay. Je me permets de signaler que l’Observatoire français contre les drogues et les toxicomanies a montré que les revenus des buralistes ont augmenté de 54 %.

M. Bernard Accoyer. Sur quelle période ?

Mme Michèle Delaunay. Quelle profession peut se prévaloir de ces chiffres ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Lurton. Ce que vous dites est scandaleux !

Mme Michèle Delaunay. Renseignez-vous ! Par ailleurs, je me permets de rappeler que nous donnons chaque année 400 millions aux buralistes. Je reconnais que la distribution de cette somme est certainement faite de manière très injuste et que les buralistes frontaliers devraient être les plus et les premiers servis. Mais la distribution appartient aux buralistes eux-mêmes. Vous les considérez quelque peu comme des agents électoraux, ce qui n’est pas acceptable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Élie Aboud. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Marleix. En zone rurale, c’est souvent le dernier commerce ! Tout le monde ne vit pas dans les beaux quartiers de Bordeaux !

Mme Michèle Delaunay. Je vous remercie de ne pas m’interrompre !

M. le président. Seule Mme Delaunay a la parole !

Mme Michèle Delaunay. Je soutiens comme vous le rôle social des buralistes mais je souhaite qu’ils soient accompagnés et que leurs compétences soient élargies, pour qu’ils puissent assumer une diminution des ventes, qui est notre objectif commun.

M. Michel Pouzol. Très bien !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour un rappel au règlement.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, nous ne pouvons laisser accroire à ceux qui nous écoutent que les élus de la nation que nous sommes, qui défendons une certaine idée de la responsabilité, de la confiance en l’homme…

M. le président. Monsieur Dhuicq, vous ne faites pas référence au règlement !

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1, et fait suite à la mise en cause de nos travaux et de notre groupe par les propos de Mme Delaunay, qui laisse entendre que nous serions les agents de personnes qui nous contrôleraient. Aussi je propose au responsable de notre groupe qu’il demande une suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur Dhuicq devrait être plus calme s’agissant des mises en cause : il en est que nous ne relevons pas pour laisser avancer le débat. Je sais que l’immunité fait certainement obstacle à toutes les procédures d’internement d’office mais il y a des moments où l’on se demande si l’on ne devrait pas aller plus loin. (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de tenue, s’il vous plaît !

M. Bruno Le Roux. Pour ceux qui sont arrivés en cours de séance, je veux dire que le fait de qualifier le président du groupe majoritaire de « camarade Souslov » est insupportable, au regard de ce que cela représente en termes de purges et de déportations. Je me suis pourtant abstenu de faire une remarque sur le moment, donc je souhaiterais que vous vous calmiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. Bruno Le Roux. En effet, les choses qui doivent arriver finissent toujours par arriver.

Pour dire les choses plus calmement, s’agissant du paquet neutre et des buralistes, je pense que l’on peut aller dans la même voie, d’une part celle de la protection et de la lutte contre le tabagisme, d’autre part celle de la lutte sans merci contre le commerce parallèle. D’où vient le commerce parallèle ? Non pas des buralistes, mais, pour une grande partie – presque 80 % – des cigarettiers. Il doit donc y avoir, aujourd’hui, des contreparties au paquet neutre, à savoir d’une part la lutte effrénée contre le commerce parallèle, d’autre part la traçabilité, qui permettra d’ailleurs d’établir le circuit des paquets de cigarettes et, en même temps, d’assurer la sécurité dans les officines mêmes de ceux qui les vendent.

Madame la ministre, nous vous suivrons bien entendu sur le paquet neutre, mais en pensant aussi à ceux qui les vendent. Nous souhaitons faire en sorte que l’on lutte sans merci contre le commerce parallèle, qui n’est pas organisé par les buralistes de notre pays mais à un autre niveau.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le président, jusqu’à cette heure, les débats étaient sereins mais j’ai le sentiment qu’à présent ils s’emballent. Nous demandons donc une suspension de séance pour que chacun puisse reprendre ses esprits.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous continuons d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 5 decies.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je doute que le paquet neutre donne les résultats merveilleux qu’on nous promet et soit l’alpha et l’oméga de la lutte contre le tabagisme, qui est notre objectif. Les résultats de ce dispositif – si tant est qu’ils soient fiables – en Australie, où il est en vigueur depuis deux ans, montrent qu’il ne permet de réduire que de 3 à 4 % le tabagisme, alors qu’on nous promet une diminution de 12 % à 15 %. Rapporté au nombre de fumeurs, c’est tout de même relativement faible.

Il est en revanche une mesure que les Australiens ont prise et que nous n’avons pas jugé utile de retenir : l’augmentation significative du prix du tabac.

Mme Michèle Delaunay. Bravo !

M. Jean-Pierre Door. En Australie, le paquet coûte en effet 19 dollars australiens, soit plus de 13 euros, alors qu’il est beaucoup moins cher en France.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Ce prix a probablement eu un effet considérablement dissuasif.

Par ailleurs, une directive européenne récente a instauré une mesure à peu près équivalente, même si le logo et la marque des cigarettes peuvent toujours figurer sur le paquet. La Belgique a refusé l’instauration du paquet neutre, et l’Italie vient il y a quelques jours de repousser cette solution. Tous ces éléments suscitent tout de même des interrogations.

Alors que vous voulez instaurer le paquet neutre, nous préférons nous référer au paquet « directive » – c’est ce que nous proposerons dans certains de nos amendements – et aller dans le sens de la Commission européenne et des États membres qui ont décidé d’appliquer cette disposition. La seule différence, c’est que le paquet neutre n’a ni couleur distinctive ni marque.

La conséquence sera que dans les bureaux de tabac, on ne trouvera plus que des paquets de la même couleur, sans marque ni aucun autre signe distinctif. Le risque est que le client ne sache même plus ce qu’il achète, car un fumeur est prêt à fumer n’importe quoi. Mais il est aussi probable que le buraliste inscrira la marque sur le rayonnage. On assistera sans doute à des dérives.

Pour notre part, donc, nous souhaitons que l’on s’oriente vers le paquet « directive ». Tant que nous ne connaissons pas l’impact du paquet neutre dans les pays qui l’ont instauré – et il ne pourra pas être évalué avant quelques années -–, nous n’avons pas le recul suffisant pour savoir s’il est bien l’alpha et l’oméga.

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Mon intervention contrastera un peu avec celles de mes collègues de la majorité, mais je suis sûr que notre excellent président de groupe, dans un esprit de tolérance et de perestroïka, n’y verra pas d’inconvénient.

Je soutiens Mme la ministre et son projet de loi, et j’ai beaucoup d’estime pour le combat de Mme Delaunay et de M. Touraine, mais, comme Mme Orliac, je dirai que tous les députés de gauche ne voteront pas en faveur du paquet neutre. Je crois beaucoup plus aux vertus de la pédagogie qu’à celles de la peur et des mesures coercitives, qui auraient tendance à m’inquiéter. Je pense que le jansénisme, lorsqu’il se veut trop vertueux, nous éloigne de la vérité.

M. Nicolas Dhuicq et M. Olivier Marleix. Bravo !

Mme Valérie Boyer. Qui veut faire l’ange fait la bête…

M. Christian Hutin. C’est ma philosophie personnelle, et je ne sais pas si elle est de gauche ou de droite.

Je suis aussi Dunkerquois. Environ 50 % du tabac qui y est consommé vient de Belgique et je pense que la proportion va encore augmenter. La seule politique qui vaille à mes yeux, c’est le réalisme, cher à Clemenceau, et c’est pourquoi je ne crois pas du tout au paquet neutre.

M. Bernard Accoyer. Écoutez votre majorité, madame la ministre !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 70, 140, 199 et 587.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n70.

M. Philippe Vitel. Cette mesure est le type même de la fausse bonne idée, comme mes collègues l’ont bien montré. Certes l’intention est louable, mais le paquet neutre n’aura, j’en suis convaincu, aucune influence sur la consommation globale de tabac. Par contre, cela va fragiliser une profession structurante dans nos territoires, en particulier dans les villages et les bourgs, celle des buralistes. Plus de mille d’entre eux ont mis la clé sous la porte en 2014. Soit dit en passant, s’ils réalisaient le chiffre d’affaires que vous prétendez, on serait bien en peine d’expliquer ce phénomène !

Aujourd’hui, dans notre pays, plus d’une cigarette sur quatre été achetée en dehors du réseau légal : 25,8 % pour l’année 2014. Cela représente un manque à gagner pour les caisses de l’État de trois milliards d’euros. En Australie, pays novateur en matière de paquet neutre, le marché parallèle représente aujourd’hui 14,1 % des ventes alors qu’il était quasi inexistant avant l’adoption de la mesure. La raison en est simple : ce paquet neutre est tellement facile à contrefaire que les malfaiteurs qui mettent ces produits sur le marché s’en donnent à cœur joie. Croyez bien qu’ils feront de même en France lorsque la possibilité leur en sera donnée !

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. L’amendement n140 est défendu.

L’amendement n199 l’est-il également, monsieur Door ?

M. Jean-Pierre Door. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n587.

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas une injure, monsieur Le Roux, que de citer les grands hommes d’un pays où la Seconde Guerre mondiale a fait vingt millions de morts.

Je voudrais vous mettre en garde contre les effets paradoxaux du paquet neutre, madame la ministre, car plus on érigera en totem absolu le paquet de cigarettes, plus on le rendra attractif pour des jeunes qui y verront l’occasion de transgresser un interdit. Les sessions d’information sur les substances toxiques organisées dans les collèges provoquent parfois une recrudescence de la consommation. Voilà ce qui arrive quand on ne cesse de décrire aux jeunes le monde comme dangereux, redoutable et de vouloir de la neutralité partout.

Récemment, le prince de Galles prenait la défense des fromages français contre la réglementation européenne. Il faut que ce soit un Anglais, un « Godon », comme on disait, qui nous exhorte à défendre notre exception alimentaire ! Bien sûr, le sujet est différent et il n’est pas douteux que des décès dus au tabagisme pourraient être évités. Mais affirmer que toute personne qui consommera un produit toxique en deviendra automatiquement dépendante est une erreur majeure. La suppression systématique des marques détruira les commerces de proximité et stimulera la contrebande. Vous allez enrichir les trafiquants !

Si les revenus des buralistes ont augmenté, comme l’affirme ma consœur Michèle Delaunay, cela est due à la concentration du capital à laquelle on assiste dans ce secteur : quand des bureaux disparaissent, d’autres – pas les frontaliers, évidemment – récupèrent le marché. Un établissement gagnera d’autant plus d’argent qu’il est éloigné des frontières, situé dans une grande ville, et qu’il est lui-même de taille importante. Un revenu moyen qui augmente, cela peut être aussi le signe qu’une profession est en train de disparaître. Pour les zones rurales, nous devons lutter contre la contrebande et pour le maintien des commerces de proximité.

Vous ne lutterez pas contre le tabagisme avec le paquet neutre, qui n’aura aucun effet positif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression, monsieur le rapporteur ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Si un jour vous publiez vos chroniques, mon cher collègue, je vous saurai gré de m’en offrir un volume. Ce sera un magnifique cadeau de départ ! (Sourires.)

M. Nicolas Dhuicq. Avec grand plaisir !

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout à l’heure, vous associiez le paquet neutre au terrorisme au Moyen-Orient, maintenant c’est le prince de Galles que vous mettez à contribution. Vraiment, je serai heureux de recevoir le recueil complet, et dédicacé !

La France compte quinze millions de fumeurs, qui consomment en moyenne treize cigarettes par jour. Cela signifie que 200 millions de fois par jour, à chaque fois qu’un fumeur sort son paquet pour y prendre une cigarette, fumeurs et non-fumeurs sont exposés à des marques de cigarettes. En faisant disparaître la marque et en assurant la diffusion de messages de prévention, le paquet neutre mettra fin à cette exposition quasi-permanente de notre société à la publicité. Cela seul sera déjà une victoire.

Vous indiquiez, monsieur Door, que la mesure se traduisait par 3 ou 4 % de fumeurs en moins en Australie. Sachant que le tabac fait plus de 70 000 morts par an en France, ces 3 à 4 % représentent tout de même 2 000 à 3 000 morts en moins. Rapportez ce chiffre à la mortalité routière et vous serez convaincu qu’il justifie pleinement le paquet neutre.

Mme la ministre indiquera sans doute le cheminement qui a conduit à cette proposition, et pourquoi la France pourra s’enorgueillir d’être, sinon le premier, du moins un des premiers pays au monde à innover en la matière. Cette mesure de protection sanitaire s’adresse aux plus fragiles, mais aussi aux fumeurs qui souhaitent ardemment arrêter et qui trouveront dans le paquet neutre un moyen supplémentaire d’y parvenir.

C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je n’ai pas pour habitude d’abuser de mon temps de parole, mais je voudrais m’exprimer un peu plus longuement au sujet du paquet neutre car c’est une des mesures emblématiques du projet de loi et du Programme national de réduction du tabagisme voulu par le Président de la République dans le cadre du plan cancer.

Le paquet neutre est un emballage débarrassé de tout signe de marketing. On sait que les fabricants élaborent certains types de packaging pour cibler certaines catégories, tels que les jeunes, auxquels je porte une attention particulière, ou les femmes – les hommes aussi sont sensibles à ce type de publicité. Ce n’est pas pour rien que sont inscrits sur certains paquets de cigarettes des mots comme ultra cool, plutôt attractifs pour des jeunes.

M. Yannick Moreau. Plutôt ringards, oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas pour rien que d’autres ont l’aspect d’un tube de rouge à lèvres.

M. Philippe Vitel. C’est excessif !

M. le président. S’il vous plaît ! Seule la ministre à la parole.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas excessif, monsieur le député : je me contente de rapporter des faits. Il existe des paquets de cigarettes qui empruntent l’aspect d’étui de rouge à lèvres ; d’autres sont phosphorescents, ou font référence à la minceur, d’autres encore vantent ce que d’aucuns appellent la cool attitude. Notre but est précisément de faire disparaître ces signes de marketing : le paquet devra être entièrement recouvert d’un avertissement sanitaire.

Sur celui que j’ai apporté ici, vous pouvez voir une image assez désagréable, celle d’un bébé sous couveuse parce que sa mère a fumé pendant sa grossesse – mais toutes sortes d’autres images peuvent être envisagées. Comme il s’agit d’un paquet australien, la forme est différente de celle des paquets commercialisés en France et la marque est banalisée.

L’Australie est certes une île, messieurs les députés de l’opposition, mais c’est aussi un grand pays et les résultats y sont encourageants. On observe tout d’abord une diminution de l’ordre de 3 % du nombre de fumeurs au bout d’un an.

M. Philippe Vitel. Et le marché parallèle ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous trouvez que ce n’est pas beaucoup, monsieur Door…

M. Jean-Pierre Door. Je n’ai pas dit cela : j’ai dit qu’il fallait attendre l’évaluation.

M. le président. Monsieur Door, s’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. …, mais je vous fais observer que la Grande-Bretagne a obtenu par d’autres mesures une baisse du nombre de fumeurs de 10 % en dix ans. Ces 3 % sont donc loin d’être négligeables. La France compte, je le rappelle, près de 30 % de fumeurs, contre moins de 20 % en Grande-Bretagne. Si vous voulez me faire dire que le paquet neutre ne nous permettra pas de passer de 30 % de fumeurs à 0 % en un an, je vous l’accorde bien volontiers ! Mais ces caricatures n’ont aucun sens : il s’agit d’engager un processus qui doit nous permettre, en quelques années, de faire reculer le tabagisme en agissant sur l’image du tabac, notamment chez les jeunes.

On constate aussi en Australie une très forte augmentation du nombre d’appels aux plateformes d’information et d’aide à l’arrêt du tabagisme. L’âge d’entrée dans la consommation de tabac a reculé, ce qui démontre l’efficacité de la mesure auprès des jeunes.

Enfin, le nombre d’Australiens favorables au paquet neutre a presque doublé depuis sa mise en place. La mesure a donc convaincu la population, y compris des personnes qui s’interrogeaient auparavant sur son impact.

Mais, je le répète, le paquet neutre n’est pas la panacée : cette mesure ne suffira pas à elle seule à faire reculer le tabagisme, empêcher les jeunes d’entrer dans le tabagisme et aider les fumeurs à arrêter. Il s’agit néanmoins d’une démarche forte qui structure un programme d’ensemble et qui envoie un signal clair quant au caractère décisif des enjeux de santé publique : on ne peut se résoudre à ce que le tabac tue 73 000 personnes par an en France. Ce chiffre, il faut le répéter sans cesse. On ne peut pas considérer d’un côté que les enjeux de santé publique sont majeurs et, de l’autre, ne pas s’engager avec volontarisme et détermination et prendre les mesures les plus fortes, comme le fait le Gouvernement en proposant l’adoption du paquet neutre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Je veux d’abord remercier mes collègues qui, ce matin, se sont manifestés en opposition à la réserve sur l’article 9 pour me laisser l’opportunité de participer au débat.

Vous avez raison, madame la ministre, de dire que le paquet neutre est une mesure emblématique du Gouvernement ! C’est même un symbole de votre projet de loi, puisqu’il s’agit d’une proposition cosmétique, en rien d’une proposition de santé publique. Nous sommes dans l’affichage, dans l’apparence, pas dans l’action concrète pour la santé publique des Français.

Son effet sera seulement de porter préjudice à une activité économique qui existe en France, quoi que vous en pensiez. Avec le paquet neutre, vous allez donner une bouffée d’oxygène aux réseaux parallèles et aux trafiquants, sans, d’aucune façon, résoudre un problème de santé publique.

M. Olivier Marleix. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Si on peut entendre certains des arguments avancés contre le paquet neutre, d’autres sont difficilement acceptables.

Il faut resituer le débat dans son contexte, qui est celui d’un regain de la consommation de tabac, notamment chez les jeunes et les femmes. Globalement, la consommation n’est plus en baisse et des publics fragiles, les jeunes en particulier, sont touchés. Il faut donc agir. Or ce que je comprends en écoutant les députés de l’opposition, c’est qu’ils ne veulent rien faire.

La consommation est repartie à la hausse à cause des stratégies adoptées par l’industrie pour contrer la réglementation qui interdit la promotion du tabac, et c’est contre cela que nous voulons lutter. Il ne s’agit pas d’aller vers la prohibition, mais de lutter contre les contournements de la loi. Les mesures proposées par le Gouvernement, et celles que le groupe de travail contre l’ingérence de l’industrie du tabac défend vont dans ce sens.

L’un des arguments contre le paquet neutre est que la France n’est pas une île. J’avoue ne pas voir en quoi cela peut remettre en cause la pertinence du paquet neutre. On pourrait même dire à l’inverse que le fait que le paquet neutre ne soit pas en vigueur dans les pays voisins rendra beaucoup plus visibles les paquets d’importation illégale.

M. Michel Pouzol. Bien sûr !

M. Jean-Louis Roumegas. Il faut savoir que la contrefaçon n’existe pratiquement pas dans ce domaine : il s’agit surtout de vente illégale de paquets achetés dans un pays voisin, parfois avec la complicité de l’industrie du tabac. En payant des arriérés fiscaux à l’ensemble des pays européens, les cigarettiers ont d’ailleurs reconnu qu’ils trouvaient avantage à la vente illégale et qu’ils ne la combattaient pas.

Vous doutez de l’utilité du paquet neutre. Pourtant, les sondages d’opinion montrent que 68 % des Français pensent qu’il s’agit d’une bonne mesure. Les personnes interrogées reconnaissent que le paquet de marque est très attractif pour les jeunes. C’est précisément l’objectif que l’industrie poursuit en développant un marketing ciblant cette catégorie.

M. Olivier Véran, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez ainsi de laisser la moindre chance au paquet neutre.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, en durcissant ainsi la législation, vous ne ferez malheureusement qu’encourager les hors-la-loi. Les buralistes se sentent d’autant plus trahis que François Hollande, quand il était candidat à la présidentielle, s’était prononcé contre cette mesure, dont il disait alors qu’elle n’avait pas donné de résultats ailleurs. Vous pourrez vérifier.

Surtout, je ne peux pas accepter que des députés disent des buralistes qu’ils s’enrichissent, quand, chaque semaine, partout en France, des centaines de commerçants ferment boutique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Pouzol. Et des dizaines de personnes meurent du cancer chaque jour !

M. Élie Aboud. Mais ils n’y sont pour rien ! Arrêtez de parler de ce que vous ne connaissez pas ! Entre le paquet neutre, qui encouragera la contrebande, la délinquance urbaine et la contrefaçon, et la dématérialisation du timbre fiscal, cette profession se sent trahie.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Effectivement, il y a une recrudescence de la consommation de tabac, en particulier chez les préadolescents et les adolescents. C’est bien la preuve que la pédagogie de la peur, que vous prônez, ne fonctionne pas ! Pour ma part, je préfère parier sur l’intelligence.

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous en reparlerons à l’article 9 !

M. Nicolas Dhuicq. Plus vous pratiquerez la pédagogie de la peur, plus vous engendrerez des comportements paradoxaux chez les adolescents. Mine de rien, vous les avez déjà érigés en juges des comportements alimentaires de leurs parents. Vous rendez-vous compte du renversement de valeurs que vous êtes en train d’opérer ? Nous allons entrer dans un monde totalement paranoïaque !

Je le redis : il faudra, à la tête du parti socialiste, des champions de l’idéologie et de la manœuvre intellectuelle ! Bon courage, monsieur Le Roux, pour faire l’exégèse des propos de l’ancien candidat, aujourd’hui chef de l’État. Il est vrai que vous êtes très doué en la matière – c’était un compliment que je vous faisais tout à l’heure.

Nous savons bien que ce paquet blanc favorisera l’économie parallèle et entraînera la disparition des buralistes, qui sont aussi des agents de l’État, puisqu’ils collectent de l’argent pour son compte. Que va-t-on leur proposer à la place ? Que va-t-on proposer à ces commerces qui sont en train de disparaître en zone rurale ? Quelle solution magique comptez-vous leur proposer, alors qu’ils se meurent ? Et aux familles qui dépendent de ces métiers ?

Vous voulez lutter contre le tabagisme ? Eh bien, de grâce, cessez d’associer alcool et alcoolisme, tabac et tabagisme, cessez de rêver d’un monde pur, net, sans tabac ! Du reste, ce sont toujours les convertis qui sont les plus fanatiques. J’aimerais bien que l’on réalise ici un sondage pour savoir lesquels, parmi les défenseurs de cette mesure, sont d’anciens fumeurs.

Mme Bernadette Laclais. C’est parce qu’ils savent combien il est difficile de s’arrêter qu’ils défendent cette mesure.

M. Nicolas Dhuicq. Pour ma part, je n’ai même pas commencé à fumer…

M. Olivier Véran, rapporteur. La moquette, un peu ?

M. Nicolas Dhuicq. Sinon un bon havane de temps en temps, ce qui m’amène à poser une question incidente. Madame la ministre, le paquet de Cohibas – si l’on peut citer une marque – deviendra-t-il également un paquet neutre ? Faudra-t-il que nous nous expatrions tous dans un pays civilisé comme Cuba ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le pays de votre camarade Castro ?

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je signale à mon excellent collègue Dhuicq que si le Gouvernement poursuit sa politique, la boîte de havanes deviendra effectivement neutre !

Il vaudrait mieux en effet s’inscrire dans une démarche collective au niveau européen, notamment pour harmoniser les taux de fiscalité. Vous vous inspirez d’expériences étrangères, mais je ne suis pas certain qu’on achète des cigarettes en Australie comme on le fait en France. Notre histoire n’est pas la même : nos cafés ont une fonction historique, ils nourrissent le lien social. En outre, quand nos buralistes vendent des cigarettes, c’est aussi pour le compte de l’État. Madame la ministre, chers collègues, il est un peu facile de leur taper dessus. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.), alors qu’ils sont, en l’espèce, des opérateurs publics. Je pense que Mme Delaunay me soutiendra sur ce point : on ne peut pas soutenir une politique qui rapporte à l’État en tapant sur les buralistes !

Si le groupe UDI n’a pas déposé d’amendement de suppression de l’article, nous pensons cependant qu’il faut se limiter à la directive. L’ennemi du paquet neutre, ce sera le « cache-paquet » neutre : toute une industrie du « cache-paquet neutre » va se développer et cette mesure sera, malheureusement, sans effet.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je voudrais, de façon très claire, m’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle voter cette mesure reviendrait à taper sur les buralistes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr que si !

M. Bruno Le Roux. Je n’ignore pas que le paquet neutre amènera un changement dans la façon dont ils ont l’habitude de travailler, mais cette mesure s’accompagnera d’autres initiatives. D’abord, la ratification du protocole de l’OMS par notre pays permettra une véritable traçabilité des produits du tabac, ce qui améliorera la situation des buralistes. Il faudra aussi aggraver les peines sanctionnant le commerce illicite, le vol et le recel de tabac, ce qui améliorera aussi leur situation. En outre le prochain projet de loi de finances devra comporter une modification de la rémunération des cigarettiers au profit de celle des buralistes, ce qui, là encore, améliorera leur situation. Enfin, il nous faudra mener une réflexion sur le rôle global des buralistes dans nos territoires, qui ne se limite pas à la vente de tabac.

Cessons de faire peur aux buralistes ! Nous sommes conscients que cette mesure de santé publique aura un impact sur la façon dont ils fonctionnent et que cela appelle des réponses, mais celles-ci doivent s’inscrire dans le cadre de la lutte contre le tabagisme.

M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay.

Mme Florence Delaunay. Monsieur Richard, vous avez raison, les buralistes vendent le tabac au nom de l’État. Notre responsabilité est d’autant plus grande, et je voudrais à ce propos vous rapporter une anecdote.

Une femme m’a interpellée dans une rue de Bordeaux, me demandant s’il était vrai que le tabac tuait un fumeur sur deux, ainsi que l’affirment les messages d’information. Et à ma réponse positive, elle a rétorqué : « Mais vous, les politiques, qu’avez-vous fait ? Que faites-vous ? »

Un jour on dira à l’État, et à nous qui d’une certaine façon le représentons : « Vous saviez, et vous n’avez rien fait ! », et notre responsabilité sera engagée.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Il est très regrettable qu’on oppose en permanence les vertueux défenseurs de la lutte contre le tabagisme et nous, qui ferions du clientélisme – ce doit être le mot qu’a employé Mme Delaunay – en défendant les buralistes. J’aurais aimé que votre texte nous permette de dépasser cette contradiction tout apparente.

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention. Vous ne pouvez pas nous dire que les consommateurs sont à la recherche de la marque, que le logo a un effet d’appel et ne pas reconnaître que ces mêmes consommateurs continueront à donner leur préférence à des paquets qui porteront cette marque et ce logo, en les achetant en contrebande. Mais vous préférez ignorer ce fait et vous contenter de taper sur une profession qui a déjà beaucoup souffert. Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir entendu dans votre bouche le mot de « buraliste », comme si c’était un gros mot.

M. Élie Aboud. Très bien !

M. Olivier Marleix. Ce sont pourtant des milliers de professionnels dont vous ne tenez aucun compte, alors que leur sort dépend de ce que nous allons voter.

On voit bien combien le président Le Roux, qui ne manque pas de sens politique, est embêté. Mais en dehors de ses bonnes paroles, vous ne leur proposez rien, alors qu’ils sont souvent, dans les territoires ruraux, le dernier commerce, la dernière activité. C’est une carence de votre texte. Pourtant, il y a quelques jours, le Premier ministre a évoqué dans cet hémicycle le sentiment d’abandon du monde rural – c’est une des leçons qu’il semble avoir tirées des élections cantonales. Je regrette qu’avec cette disposition, vous alimentiez ce qui n’est pas qu’un sentiment mais une réalité.

M. Élie Aboud. Le Gouvernement a fait une proposition : la dématérialisation du timbre fiscal !

(Les amendements de suppression nos 70, 140, 199 et 587 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 26, 479, 1193, 215 et 1758, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 26, 479 et 1193 sont identiques.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n26.

M. Philippe Vitel. Il est normal de s’alarmer du nombre très important de cancers dans notre pays, et on ne peut pas nier que le tabac joue un rôle, non exclusif toutefois, car souvent plusieurs intoxications s’additionnent, mais votre discours tend à faire croire aux vingt millions de fumeurs de notre pays qu’ils sont tous des cancéreux en puissance.

M. Gérard Bapt. C’est le cas !

M. Jean-Louis Touraine. Eh oui !

M. Philippe Vitel. Je crois qu’il faut raison garder. Mon papa a fumé jusqu’à l’âge de quatre-vingt-onze ans et il est mort d’une fracture du col du fémur qui n’avait rien à voir avec sa consommation de tabac ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Un médecin ne devrait pas parler comme vous le faites !

M. Philippe Vitel. Il faut relativiser : s’il faut se battre pour sauver ceux qui, comme j’en ai vu, sont arrivés à un stade d’addiction majeure, le fumeur occasionnel doit pouvoir continuer à profiter de la vie comme il le veut. On peut boire un verre de rouge ou de pastis de temps en temps sans être pour autant un ivrogne.

En défendant cet amendement n26, je défendrai aussi mon amendement n63 qui viendra plus tard en discussion.

La directive européenne du 29 avril 2014, qui impose qu’à compter du 20 mai 2016 65 % des deux côtés des paquets de cigarettes soient recouverts de messages ou de photos d’avertissement sanitaire est d’application obligatoire dans notre pays. Pourquoi, madame la ministre, voulez-vous aller au-delà en imposant ce paquet blanc, qui n’a rien à voir avec cet acte communautaire ?

C’est pourquoi nous demandons par cet amendement que les alinéas 2 et 3 de l’article soient remplacés par un alinéa calqué sur le texte de la directive européenne.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n479.

Mme Valérie Boyer. Je veux d’abord rappeler qu’en France la vente du tabac est un monopole et que le public n’est pas en contact direct avec le produit, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays européens, où le tabac est vendu en grandes surfaces.

S’agissant de l’amendement n479, je souscris à ce qui vient d’être dit, parce que je crois en l’Europe et en la nécessité d’une harmonisation européenne. Nous nous honorerions en faisant en sorte que tous les pays de l’Union aient la même réglementation sanitaire en ce qui concerne le tabac.

Je voudrais surtout, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous appeler à la cohérence. Je suis d’accord avec ce que vous avez dit tout à l’heure quant à la sensibilité des jeunes aux marques, mais pourquoi ce qui vaut pour le tabac ne vaudrait pas pour le reste ? Pourquoi avez-vous refusé les amendements qui visaient à protéger les enfants les plus jeunes, ceux qui n’ont même pas l’âge d’acheter des cigarettes, et qui sont les plus fragiles, de la publicité pour les produits trop gras, trop sucrés, trop salés ?

M. Michel Pouzol. Ce n’est pas la même chose !

Mme Valérie Boyer. Ignorez-vous que lorsqu’on souffre de surpoids très jeune, on en souffrira toute sa vie, alors qu’on commence rarement à fumer à six ans ?

Pourquoi avez-vous refusé de donner des moyens supplémentaires à l’INPES, qui a pour mission de diffuser des messages de santé publique, notamment dans le domaine de la lutte contre le tabagisme ?

C’est cette incohérence qui m’inquiète le plus. Je ne vois pas pourquoi votre raisonnement à propos du tabac ne vaudrait pas pour les autres produits dont la consommation, ou l’excès de consommation, est dangereuse pour la santé. Je fais certes la différence entre le tabac et les produits alimentaires, mais on sait parfaitement que les produits trop sucrés sont très dangereux pour la santé. Pourquoi autorise-t-on alors la publicité en leur faveur ? Pourquoi n’interdit-on pas sa diffusion sur les écrans jeunesse ? Aucune mesure n’a été prise dans ce sens, malgré les demandes que j’ai formulées, avec certains de mes collègues, parce que vous avez cédé au lobby de l’agroalimentaire.

Je trouve dommage que ce texte de santé publique, qui était attendu depuis des années, n’ait aucune cohérence globale.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1193.

M. Arnaud Richard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement n215.

Mme Catherine Quéré. Il est retiré.

(L’amendement n215 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement n1758.

Mme Catherine Quéré. Il est retiré également.

(L’amendement n1758 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. L’instauration du paquet neutre est conforme à la directive européenne, qui permet aux États membres de choisir entre des avertissements sanitaires sur 65 % du paquet ou le paquet neutre. Par ailleurs, l’instauration du paquet neutre est préconisée par l’Organisation mondiale de la santé.

Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement ne prend pas de mesures pour lutter contre les trafics illicites. Je vous ai rappelé que le projet de loi de finances rectificative pour 2014 comportait des dispositions visant à renforcer la lutte contre les importations illégales de tabac en interdisant la vente et l’achat à distance et il vous sera proposé tout à l’heure des amendements visant à renforcer les sanctions en cas de trafic.

Mais ce n’est pas parce qu’il y a des trafics que nous ne devons pas avancer. Je n’ai aucun problème pour reconnaître la place des buralistes dans notre pays, mais en matière de santé publique nous devons nous engager de manière résolue. Je rappelle d’ailleurs qu’il y a quelques mois, nous avons limité à trois le nombre de cartouches que les particuliers sont autorisés à rapporter des pays frontaliers pour leur consommation personnelle, alors qu’il était de dix. Là encore, le Gouvernement s’est fortement engagé pour réduire la consommation de tabac.

Enfin, la meilleure manière de lutter contre les lobbies, c’est d’imposer la transparence. Si vous vouliez lutter contre les lobbies de l’industrie agroalimentaire, qui ont l’air de vous préoccuper, madame la députée, il fallait voter l’amendement instaurant le logo nutritionnel. Je regrette que vous ne l’ayez pas fait.

M. Olivier Véran, rapporteur. Eh oui !

Mme Valérie Boyer. J’en ai proposé un, que vous avez refusé.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il y a quelque temps, nous avons débattu d’un texte tendant à harmoniser les taux de sucre autorisés dans les produits alimentaires en métropole et en outre-mer. De la même façon, la lutte contre le tabagisme doit aussi se déployer dans les territoires d’outre-mer. Or le paquet de cigarettes y est beaucoup moins cher qu’en métropole.

Mme Michèle Delaunay. Et la Corse ?

M. Arnaud Robinet. En outre, il est vendu dans les supermarchés, où on le trouve près des caisses, à côté des friandises pour enfants. Y a-t-il des dispositions pour que la lutte contre le tabagisme soit aussi résolue outre-mer qu’en métropole ?

(Les amendements identiques nos 26, 479 et 1193 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n480.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement déposé par M. Tian tend à exclure de la liste prévue à cet article le papier à cigarette et le papier à rouler : il est à craindre sinon que le marché parallèle se développe de façon importante. Par ailleurs, le papier vendu dans ces conditions sera de mauvaise qualité, ce qui aura nécessairement un impact sur la santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Vitel. Pourquoi ?

M. Arnaud Robinet. Nous n’avons pas non plus de réponse sur l’outre-mer !

(L’amendement n480 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n63.

M. Philippe Vitel. Je l’ai défendu tout à l’heure.

(L’amendement n63, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n72.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n72, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n1413.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n1413, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Sur l’article 5 decies, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Notre collègue Marleix a dit à Mme la ministre que le Gouvernement n’avait rien proposé à la profession. C’est faux : il lui a retiré la délivrance du timbre fiscal, revenant sur un contrat signé il y a des années avec l’État.

J’ai évoqué tout à l’heure la promesse faite par le Président de la République quand il était candidat. De la même façon, M. le Premier ministre s’était prononcé contre le paquet neutre en février 2014, alors qu’il assistait, en tant que ministre de l’intérieur, au séminaire des buralistes – je n’ai pas honte pour ma part d’employer ce mot.

M. Michel Pouzol. Nous non plus !

M. Élie Aboud. Alors que deux des plus hauts responsables de l’État s’étaient engagés à ne pas faire adopter le paquet neutre, nous voilà aujourd’hui en train de le voter !

M. le président. Je mets aux voix l’article 5 decies.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants31
Nombre de suffrages exprimés30
Majorité absolue16
Pour l’adoption19
contre11

(L’article 5 decies est adopté.)

Après l’article 5 decies

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1673 portant article additionnel après l’article 5 decies.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet amendement vise à répondre aux objectifs du Programme national de réduction du tabagisme, en particulier pour éviter que les jeunes n’entrent dans le tabagisme. Il prévoit l’interdiction de fumer aux abords des enceintes scolaires et sportives afin de préserver les enfants et les adolescents du tabac.

Vous m’avez cependant convaincu de la difficulté de faire respecter une telle interdiction dans un espace public où peuvent circuler des piétons étrangers à l’activité scolaire. Je retire donc cet amendement…

M. Olivier Véran, rapporteur. Parfait !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. …tout en demandant qu’on réfléchisse, en concertation avec l’Éducation nationale, à des mesures volontaires propres à dissuader élèves et professeurs de fumer à proximité des collèges et des lycées.

(L’amendement n1673 est retiré.)

Article 5 undecies

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2069.

M. Olivier Véran, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n2069, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2070.

M. Olivier Véran, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n2070, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5 undecies, amendé, est adopté.)

Article 5 duodecies

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2071.

M. Olivier Véran, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je souhaitais intervenir sur cet article afin que les personnes qui suivent nos débats sachent qu’il interdit de fumer aux occupants d’un véhicule où se trouve un mineur de moins de douze ans. Mais dans quel monde vivons-nous ?

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est reparti…

M. Nicolas Dhuicq. Faut-il une loi pour rappeler leur devoir aux parents ?

M. Michel Pouzol. Oui, il faut une loi ! Comme pour la ceinture de sécurité !

M. Nicolas Dhuicq. Quel est donc ce monde où on ne fait pas confiance aux parents, alors que vous n’avez à la bouche que le mot de « parentalité » ! Vous ne cessez de voter des lois coercitives qui bafouent l’intelligence ! Tout parent normalement constitué se soucie de la santé de son enfant et évite en conséquence de consommer des produits toxiques devant lui. Ces discours sont totalement paradoxaux : ils infantilisent la société et déresponsabilisent les adultes quand nous voudrions une société d’adultes responsables. Il existe certes des personnes inaptes, pour des raisons diverses, à comprendre le moindre interdit, mais nous disposons déjà d’un appareil légal pour sanctionner ces comportements. En outre, les interdictions prévues par le code de la route à cet égard sont suffisantes.

Allons-nous créer à terme une police politique qui pénétrerait dans les domiciles pour vérifier qu’aucune conduite à risque ne s’y pratique, y compris entre adultes responsables ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et pourquoi pas la Stasi ?

M. Nicolas Dhuicq. Avec ce texte, nous sommes en plein délire paranoïaque ! À quoi sert cet article ? Faut-il rappeler leur devoir aux parents ? Jusqu’où ira-t-on ? La vie est une conduite à risque qui, malheureusement, se termine par la mort.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. À titre personnel, j’ai toujours été choqué de voir certains papas ou certaines mamans fumer en voiture en présence d’un enfant en bas âge, mais, comme le rappelle notre collègue Dhuicq, le code de la route interdit déjà de fumer en conduisant, tout comme il interdit de téléphoner ou de manger dans la même situation.

Je m’interroge cependant en ce qui concerne le passager : cet article s’impose-t-il à ce dernier alors qu’il se trouve dans un lieu considéré comme privé et qu’en aucun cas on ne peut intervenir ou légiférer dans un tel espace ?

(L’amendement n2071 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1452.

M. Arnaud Richard. J’abonde dans le sens de notre collègue Robinet : la voiture étant un espace privé, l’article me semble discutable du point de vue des libertés publiques. De même notre collègue Dhuicq n’a pas tort en relevant que ce texte multiplie les interdits.

Avec cet amendement n1452, nous poussons cette logique jusqu’au bout : pourquoi s’arrêter à douze ans ? Pourquoi pas treize ou quatorze ? Quitte à aller en ce sens, nous proposons d’interdire de fumer dans un véhicule en présence d’un mineur, quel que soit son âge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Le but est de sanctionner le fait pour un adulte, conducteur ou non, de fumer dans un véhicule en présence d’un enfant de moins de douze ans. Jusqu’à cet âge, la sphère respiratoire et pulmonaire en développement est extrêmement fragile. La voiture, de surcroît, est un espace clos, ce qui multiplie la nocivité du tabagisme passif, contre quoi l’intérêt général commande de lutter par tous les moyens. Nous pensons que cet impératif l’emporte en droit sur toutes les objections que vous avez pu émettre.

Enfin, si nous avons retenu l’âge de douze ans, c’est qu’on considère que c’est l’âge à partir duquel un dialogue peut s’engager entre la personne mineure et ses parents.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Comme je vous l’ai expliqué en commission, monsieur Richard, la référence à l’âge de douze ans est indicative. J’entends que vous souhaitez aller au-delà mais l’essentiel est d’envoyer un signal aux parents et aux passagers d’un véhicule : ils ne doivent pas fumer en présence d’un enfant.

Par ailleurs, le tabagisme passif est d’autant plus dangereux qu’on est plus jeune. Enfin les risques liés au tabagisme passif sont onze fois supérieurs dans l’espace clos d’une voiture que dans un bar fermé.

M. Arnaud Robinet. Nous sommes d’accord.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces impératifs de santé publique prévalent sur le respect de l’espace privé que constitue une voiture. L’intérêt général justifie qu’on édicte, dans un objectif de santé publique, des règles dont le respect s’impose dans un espace privé.

C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement même si j’en comprends le sens. Comme je vous l’ai dit en commission, monsieur le député, on peut débattre de la pertinence de ce choix de douze ans, mais dix-huit ans me paraît excessif.

M. Arnaud Robinet. D’autant qu’à cet âge-là, c’est plutôt lui qui fume !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Personne ne conteste les effets néfastes du tabagisme passif, madame la ministre. Nous nous félicitons que les services ou les salles de soins ne soient plus enfumés dès le matin et qu’il soit désormais possible de profiter de la gastronomie française sans être envahi par les odeurs de tabac. Personne ne conteste que c’est un progrès. Seulement nous préférons, quant à nous, parier sur l’intelligence et sur le fait que la majorité des parents se soucie de la santé de leurs enfants sans qu’on ait besoin d’accumuler les lois et les interdictions.

L’amendement de mon collègue Richard est fort intelligent par son impertinence. Le dialogue s’instaure entre parents et enfants, nous dit-on, lorsque ces derniers ont douze ans : ce serait tout de même dramatique s’il ne commençait qu’à ce moment-là ! Depuis la naissance et même la dyade, madame la ministre, un dialogue existe, qu’il soit infra-verbal ou verbal, entre les parents et l’enfant.

Puisque l’on parle biologie, je rappelle que les conséquences de la consommation du cannabis ont été négligées pendant des années parce qu’on ignorait que les circuits neuronaux se développaient jusqu’à l’âge de vingt-cinq ou vingt-six ans. Il convient donc de sous-amender l’amendement de M. Richard en précisant qu’il est interdit de fumer dans un véhicule en présence d’un jeune de moins de vingt-cinq ou vingt-six ans ! Vous vous rendez compte de l’absurdité de vos propositions ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parole d’expert !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je remercie M. Dhuicq d’avoir compris que mon amendement était quelque peu impertinent. Il va encore plus loin dans l’impertinence avec ses vingt-six ans ! (Sourires)

En réalité, madame la ministre, vous avez retenu l’âge de douze ans parce que, exception faite du paquet neutre, les mesures que vous proposez sont puisées dans le catalogue de l’ensemble des mesures en vigueur de par le monde et que les pays qui ont adopté cette interdiction ont choisi cet âge. Puisque vous innovez avec le paquet neutre, qui va plus loin que l’obligation de recouvrement de 65 % du paquet par des messages sanitaires imposée par la directive européenne, pourquoi ne pas innover aussi en appliquant cette mesure d’interdiction d’une façon un peu plus intelligente ? On ne comprend pas pourquoi un enfant de douze à dix-huit ans devrait subir la tabagie de ses parents alors que c’est la  période où on risque de basculer dans le tabagisme.



Déjà que je trouvais la mesure que vous préconisiez d’un intérêt médiocre mais si, en plus, vous ne retenez pas l’âge de dix-huit ans, je suis encore moins convaincu de sa pertinence.

(L’amendement n1452 est adopté.)

(« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n1421.

Mme Michèle Delaunay. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je le retire.

(L’amendement n1421 est retiré.)

(L’article 5 duodecies, amendé, est adopté.)

Articles 5 terdecies à 5 quindecies

(Les articles 5 terdecies, 5 quaterdecies et 5 quindecies sont successivement adoptés.)

Article 5 sexdecies

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n2072.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il s’agit de la correction d’une référence.

(L’amendement n2072, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n31.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

(L’amendement n31, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 5 sexdecies, amendé, est adopté.)

Après l’article 5 sexdecies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1491 et 1927, pouvant être soumis à une discussion commune, portant article additionnel après l’article 5 sexdecies.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1491.

M. Arnaud Richard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n1927.

M. Frédéric Barbier. Madame la ministre, cet amendement et les amendements nos 1914 et 1753 que nous examinerons plus loin forment un tout : c’est une première réponse aux inquiétudes qui ont été exprimées par les buralistes et sur les bancs de cette assemblée.

Tout en soutenant la volonté du Gouvernement de lutter contre le tabagisme pour protéger notamment les mineurs et les femmes, cibles privilégiées des cigarettiers, nous mesurons aussi le désarroi des buralistes, dont le rôle dans la dynamisation de nos territoires n’est plus à démontrer.

M. Élie Aboud. Alors, il fallait voter comme nous !

M. Frédéric Barbier. Les buralistes ont trois attentes : la lutte contre le commerce parallèle, dont il a beaucoup été question cet après-midi, une plus grande sécurité pour leur commerce et pour leur rémunération. Nous proposons un plan global en faveur des buralistes, que nous avons présenté cette semaine à Pascal Montredon, président de la confédération des buralistes, et dont la presse s’est fait l’écho. Il se décline en deux temps : les trois amendements que nous présentons sur ce projet de loi santé, et des amendements sur la rémunération et la sécurité des bureaux de tabac, que nous présenterons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, et qui seront élaborés au sein d’un groupe de travail, en concertation avec les buralistes.

Il est à noter que ce plan global est cohérent et qu’il ne coûtera pas un centime à l’État. Il sera financé sur le milliard de profits annuels que réalisent les cigarettiers en France, et sur lequel ils ne paient ni impôt, ni taxe, grâce à un ingénieux système d’optimisation fiscale. La pierre angulaire de notre plan buraliste est la ratification du protocole de l’Organisation mondiale de la santé, objet de l’amendement n1753, qui sera examiné dans quelques instants, et la mise en œuvre de la traçabilité indépendante des produits du tabac. Celle-ci permettra de rendre chaque paquet de cigarettes et chaque contenant de tabac uniques. Ainsi tracés, ces paquets faciliteront les enquêtes des douanes, de la police, de la gendarmerie et de la justice.

Aujourd’hui, on l’a dit, les peines pour trafic de tabac ne sont pas suffisamment dissuasives pour les trafiquants : nous devons les aggraver. Tel est l’objet de l’amendement n1927. Nous visons aussi les cigarettiers qui, non seulement bénéficient du commerce parallèle de tabac, mais aussi l’organisent. Je vous invite à ce sujet à aller consulter le site du Comité national contre le tabagisme : vous y verrez démontrée la duplicité des cigarettiers dans ce domaine.

Pour l’heure, l’amendement n1927 vise à aggraver les peines encourues en cas de trafic ou de recel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements qui tendent à alourdir les peines en cas de contrebande. Néanmoins, je sais que des consultations supplémentaires sont en cours et je connais votre engagement sur cette question, monsieur Barbier. Il me semble, à la réflexion, que l’aggravation des peines que vous proposez – quinze ans de prison et une amende dix fois supérieure à la valeur de l’objet – est plus raisonnable que celle proposée par M. Richard – vingt ans de prison et une amende cinquante fois supérieure à la valeur de l’objet. À titre personnel, étant donné la situation que vous venez de décrire et la qualité du travail que vous menez sur ces questions importantes, je donnerai, monsieur Barbier, un avis favorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je donne un avis défavorable à l’amendement n1491 et un avis favorable à l’amendement n1927. L’enjeu, en ce domaine comme en d’autres, est de respecter le principe de la proportionnalité des peines et des sanctions au regard des délits. Le Gouvernement est favorable au principe de l’aggravation des sanctions, qui peut avoir un effet dissuasif important et qui aura un impact, non seulement sur l’activité des buralistes, mais aussi en termes de santé publique. En effet, c’est une manière d’éviter que les jeunes – et les moins jeunes – ne se dirigent vers le marché illicite, où sont vendus des produits dont on ignore souvent la composition.

Notre volonté de lutter contre les trafics ne nous dispense de respecter la hiérarchie des sanctions pénales. C’est pour cette raison que nous donnons un avis favorable à l’amendement n1927, les sanctions qu’il propose étant plus proportionnées que celles proposées par l’amendement n1491.

M. le président. Monsieur Richard, votre amendement est-il maintenu ?

M. Arnaud Richard. Je le retire.

(L’amendement n1491 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Les députés de l’UMP voteront l’amendement n1927, car tout ce qui consiste à taxer, et même à terroriser les contrebandiers nous convient, alors que tout ce qui consiste à agresser les buralistes nous semble être de mauvaise politique.

Je voudrais profiter de cette intervention pour vous poser une question, madame la ministre. Nous savons que si le prix des cigarettes n’est pas le même sur l’ensemble du continent européen – et c’est à dessein que je ne parle pas d’Union européenne – c’est parce que les majors américaines vendent les paquets de cigarettes à des prix différents selon les pays.

Sur ce sujet, l’administration bruxelloise pourrait servir à quelque chose, pour une fois, au lieu d’édicter des règles totalement inutiles. Et si le Gouvernement est encore le gouvernement de la nation, il devrait se préoccuper de cette question. Quand les parlementaires disposeront-ils enfin d’un tableau indiquant clairement, pays par pays, le prix auquel les majors vendent leurs paquets de cigarette ? Ce qui fait la grande différence de prix d’un pays à l’autre, ce ne sont pas les taxes, mais le prix de vente initial. Or nous n’avons jamais d’information sur le sujet. Si le Gouvernement est libre, s’il est vraiment le gouvernement de la nation, il aura à cœur de nous répondre.

(L’amendement n1927 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n575.

M. Jean-Louis Roumegas. L’amendement n575, comme l’amendement n576 rectifié, vise à lutter contre le commerce illicite du tabac. J’imagine que tous ceux qui défendent les buralistes vont soutenir ces amendements, puisque c’est en luttant contre le commerce illicite que l’on soutiendra la vente légale en France.

L’amendement n575 vise à ce que la traçabilité, qui est un élément essentiel de la lutte contre la vente illicite, soit intégralement assurée par un organisme indépendant. Il s’agit d’améliorer la traçabilité et l’enregistrement des données liées aux opérations d’importation et de commercialisation des produits du tabac, en en confiant le contrôle à un tiers indépendant, selon des modalités qui seront fixées par décret. Je précise que cette disposition est conforme au protocole ratifié le 12 novembre 2012 par la Conférence des parties à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à l’amendement n575. Celui-ci propose de renforcer la traçabilité et l’enregistrement des données liées aux opérations d’importation et de commercialisation des produits du tabac et d’en confier le contrôle à un tiers indépendant. En l’état du droit, le contrôle est assuré par l’administration des douanes, dont c’est le métier, et l’article 569 du code général des impôts prévoit déjà que les paquets sont assortis d’une marque permettant d’en assurer le suivi. Enfin, les données issues du suivi doivent être stockées chez un tiers indépendant, dont les activités sont contrôlées par un auditeur externe. Comme je vous l’expliquais en commission, la lecture que je fais du droit actuel me fait penser que votre amendement est satisfait.

J’en viens à l’amendement n576 rectifié, que vous avez évoqué et que vous présentez comme un outil de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. En réalité, il a une portée différente, puisqu’il instaure une obligation de reporting pays par pays, telle qu’elle existe pour les entreprises financières depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la régulation des activités bancaires. Il faudrait alors que les entreprises déclarent toute une série de données – implantation à l’étranger, chiffre d’affaires réalisé, effectifs employés, bénéfices enregistrés, subventions reçues ou encore impôts acquittés.

J’avoue, pour avoir déposé en commission un amendement qui proposait de lever une contribution sur le chiffre d’affaires de l’industrie du tabac, tel que déclaré en France, et pour avoir mesuré à cette occasion combien il était difficile de déterminer la part du chiffre d’affaires et des bénéfices réalisés par les industries du tabac en France même, que le sujet m’intéresse beaucoup et trouve en moi un écho particulier.

Cependant, ce qui me gêne beaucoup, monsieur Roumegas, c’est qu’il me semble qu’une telle mesure nous fait sortir du cadre général de la santé publique et qu’il me semble qu’elle mériterait d’être traitée dans un texte spécifique, d’où un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député Roumegas, la traçabilité paraît de prime abord s’imposer comme un objectif incontournable. Toute la question est de savoir dans quelles conditions elle doit être assurée. Le premier point sur lequel nous pouvons tomber d’accord, c’est que le dispositif doit être contrôlé par un tiers indépendant et ne pas dépendre des producteurs eux-mêmes. C’est une évidence, mais il faut la rappeler car tout le monde n’en est pas convaincu.

Une fois ce point établi, il faut se demander s’il existe un dispositif immédiatement opérationnel : la réponse est négative. La directive qui prévoit la mise en place d’une traçabilité par un tiers indépendant n’a pas encore défini les modalités de mise en œuvre de cette disposition. Or c’est la Commission européenne qui a le pouvoir réglementaire : c’est elle qui définira ces modalités. Si nous adoptons aujourd’hui le dispositif que vous proposez, nous risquons de mettre en place un système dont nous ne sommes absolument pas certains qu’il sera conforme aux textes européens.

En toute honnêteté, je vous avoue ma très grande perplexité. Je ne peux qu’être favorable à l’objectif que vous poursuivez, mais je suis très perplexe quant à la faisabilité concrète et au caractère juridiquement opposable des dispositions que nous serions amenés à adopter. Je ne sais donc pas très bien comment cheminer. Il y a là, me direz-vous, une sorte de vide juridique.

En droit pur, l’avis du Gouvernement doit être défavorable. Si notre débat peut suffire à vous convaincre de notre volonté d’avancer sur ce sujet, je vous invite à retirer votre amendement. Sinon, je m’en remettrai à la sagesse des parlementaires, car, je le répète, l’objectif poursuivi est incontestable. Le débat ne porte pas sur l’objectif, mais sur le caractère opérationnel des mesures qui découleraient de l’adoption de votre amendement.

M. Bruno Le Roux. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Notre groupe va voter cet amendement, car nous sommes favorables à tout ce qui va dans le sens du contrôle et de la répression dans ce domaine.

En disant, madame la ministre, que cet amendement va à l’encontre de ce que font nos collègues européens, vous faites preuve d’une sorte de schizophrénie, pardonnez-moi de vous le dire ! Notre assemblée vient de voter le paquet neutre alors que cette mesure dépasse les dispositions de la directive européenne. Il faut savoir ce que l’on veut ! Par ailleurs, vous mettez en avant le rôle de l’administration des douanes, mais vous savez comme moi que ses effectifs sont depuis quelques années en diminution constante. Et quand je vois le boulot que vont leur donner les mesures que notre assemblée est en train d’élaborer, je plains les douaniers et je leur tire mon chapeau !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous avez bien fait de donner un avis de sagesse, madame la ministre, car en réalité il n’y a aucune contradiction entre le raisonnement que vous venez de développer et l’amendement que je défends. Cet amendement, en effet, ne fait que préciser un principe, dont les modalités devront être définies par décret, lequel, par définition, devra s’inscrire dans le cadre fixé par la réglementation européenne, dans la mesure où elle est contraignante. Celle-ci, du reste, permet parfois d’aller plus loin.

Il s’agit simplement ici d’affirmer un principe, et j’entends tout à fait votre raisonnement : il conviendra par la suite, dans le décret d’application, de préciser les modalités de sa mise en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Tout en saluant la grande honnêteté juridique de Mme la ministre, je pense qu’il faut que nous avancions et que nous marquions clairement notre objectif : il me semble que nous pouvons, dans le cadre défini par le protocole de l’OMS, avancer sur cet objectif central de traçabilité. La navette parlementaire nous permettra de préciser les choses et, je l’espère, d’aboutir à un dispositif juridiquement pesé et affiné.

Pour cette raison, et tout en tenant compte de l’argumentation très honnête et très pointue sur le plan juridique de Mme la ministre, je souhaite que cet amendement soit voté, afin que nous puissions avancer sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Au vu des débats, de l’intervention de la ministre et du président Le Roux et des échanges avec Jean-Louis Roumegas, il me paraît licite de donner, à titre personnel, un avis favorable à cet amendement et de soutenir son adoption…

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Olivier Véran, rapporteur. …la traçabilité étant manifestement un sujet très consensuel.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je voudrais saluer la qualité des amendements que nos collègues – et voisins de banc – du groupe écologiste proposent, et qui méritent d’être adoptés. J’entends les arguments du président du groupe majoritaire sur la navette, pour autant, nous ferions œuvre utile en maintenant ces dispositions dans la loi.

M. Bruno Le Roux. J’espère bien !

(L’amendement n575 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n576 rectifié.

M. Jean-Louis Roumegas. Le rapporteur a résumé cet amendement en signalant qu’il s’agissait de reporting. Dans la lutte contre le trafic illicite de cigarettes, cette question est très importante.

Je pense que nous pouvons obtenir une réduction de la consommation de tabac et défendre les buralistes qui font de la vente légale, je suis tout à fait favorable à cette logique. D’ailleurs, il faudra réfléchir à des solutions afin que les revenus des buralistes soient assurés malgré la baisse de la consommation ; il faut en faire des alliés, et pas des ennemis.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. Mais nous devons lutter contre ce trafic illicite, et il est impossible de le faire sans prévoir des mesures de reporting à l’image de ce qui est fait en matière bancaire. Je sais qu’il existe des difficultés de mise en œuvre et que cela dépasse le ministère de la santé, mais tout est dans tout, il n’y a pas de mesure qui dépende d’un seul ministère.

Je comprends vos difficultés, mais ce n’est pas un argument pour refuser cette mesure qui me paraît indispensable. Au moins, peut-on avoir un engagement de la part de la ministre de travailler sur ces questions conjointement avec Bercy pour faire avancer cette transparence indispensable ? Si la ministre peut s’engager en ce sens, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je prends cet engagement, monsieur le député, car cela me paraît une bonne idée en soi. Mon avis défavorable sur cet amendement tenait à la nécessité de s’entendre sur les éléments qui figureront dans le rapport, compte tenu notamment du secret des affaires et du secret fiscal. Votre amendement me paraissait donc trop général, mais je suis tout à fait favorable à la proposition que vous faites et je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Je retire mon amendement.

(L’amendement n576 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n1825.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement obéit à la même logique, et je prévois que l’on m’opposera que nous dépassons un petit peu du cadre du ministère de la santé. Mais est-ce que les questions de prix, exclusivement fixées par Bercy aujourd’hui, ne relèvent pas aussi d’une politique de santé ? Après tout, chaque fois que l’on propose une hausse des prix du tabac, c’est bien au nom de l’argument sanitaire. C’est pour cela que je propose que les prix de vente au détail des produits du tabac soient fixés par un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé du budget.

Il me semble souhaitable de nous orienter vers une co-gouvernance de ces deux ministères sur les prix du tabac, car ces prix constituent notre arme principale pour lutter contre le tabagisme.

Je comprends bien que cela dépasse le cadre du rapport de M. Véran et des compétences de la commission, mais il me semble sain que le ministère de la santé soit associé à l’homologation des prix de vente de détail des produits du tabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Roumegas, c’est une question très importante, et nous avons vu l’émoi causé dans la population lorsque des décisions ont été prises sur le gel de l’augmentation des prix du tabac au cours d’un des derniers débats budgétaires. Est-ce qu’il en aurait été différemment si la ministre en charge des questions de santé avait été associée ?

En tout cas, nous sommes tous d’accord ici pour dire que le plan tabac qui est présenté dans le cadre de ce projet de loi de modernisation de la santé est l’un des textes – si ce n’est le texte – le plus ambitieux dans la lutte contre le tabagisme et les conséquences néfastes du tabagisme sur les populations, en dehors des mesures budgétaires. Les mesures d’augmentation des prix du tabac ont un impact fort. Sans nul doute, le paquet neutre aura un impact considérable, mais il est important de pouvoir discuter à l’avenir du prix du tabac sous l’angle de la santé publique.

Je pense que l’association de la ministre en charge des questions de santé au mode de détermination de la fiscalité et les prix du tabac est une bonne chose, sachant que l’on n’utilise pas cette fiscalité pour augmenter les rentrées fiscales, mais pour que les prix deviennent dissuasifs et qu’ainsi diminue la dette sociale du tabagisme, comme Mme Delaunay y a insisté lors du dernier PLFSS. Donc, à titre personnel, cela vous surprendra peut-être monsieur Roumegas, mais je donne un avis très favorable.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Un argument supplémentaire pour appuyer le fait que le ministère de la santé a son mot à dire sur la fixation des prix du tabac : la France n’est pas isolée dans le monde, il me semble que le ministère travaille avec l’Organisation mondiale de la santé, qui a d’ailleurs salué ce plan antitabac, il faut le répéter. Or la convention-cadre de l’OMS prévoit en son article 6 que l’augmentation des prix du tabac fait diminuer la consommation. C’est prouvé dans tous les pays, donc la proposition de M. Roumegas est plus que pertinente.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est extrêmement difficile pour une ministre de la santé de ne pas dire que le ministère de la santé doit être associé à l’élaboration des règles de prix. C’est donc avec beaucoup de difficulté que je donne un avis défavorable.

M. Bruno Le Roux. Nous allons vous mettre en minorité, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je voudrais saluer la rigueur de la ministre, tenue par l’avis qui a certainement été donné en réunion interministérielle. Ce n’est pas facile de s’opposer à un amendement qui lui propose d’avoir le pouvoir de donner un avis conjoint sur le prix du tabac.

Mes chers collègues, dans cette affaire, nous allons faire tomber un mur très important. Il ne s’agit pas d’imaginer que ceux qui fixaient le prix du tabac jusqu’à présent ne faisaient pas bien leur travail. Il s’agit juste de constater qu’enfin, le législateur va proposer que ce choix soit fait conjointement avec le ministère de la santé. Ne mettons pas à mal ceux qui conseillaient le Gouvernement sur le prix du tabac jusqu’à présent, mais félicitons-nous qu’enfin ce choix soit fait conjointement avec le ministère de la santé. Et je tiens à saluer encore le travail de nos collègues écologistes sur ce sujet.

(L’amendement n1825 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1481, 1416 et 1417, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1481.

M. Arnaud Richard. Il est retiré.

(L’amendement n1481 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n1416.

Mme Michèle Delaunay. Nous venons de dire – et je m’en réjouis – que l’augmentation du prix du tabac est une arme majeure dans la politique de santé et de prévention du tabagisme. C’est dans cette optique que je présente à nouveau les amendements que j’avais défendus lors du PLFSS. Nous avons tous beaucoup regretté le gel du prix du tabac, nous avons également regretté le jeu sur la fiscalité, qui a favorisé les cigarettiers alors que l’on pourrait envisager de favoriser les buralistes dans cette période, pour préparer cette sortie du tabac.

Je signale une magnifique tribune de Catherine Hill, chef du service d’épidémiologie à l’institut Gustave Roussy, qui signalait, preuves à l’appui, que sans une augmentation des prix, les plans globaux de lutte contre le tabagisme risquaient d’être sans effet. Je rappelle que l’Australie, qui obtient des résultats, a couplé au paquet neutre une augmentation des prix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Madame la députée, si nous avons expliqué combien nous étions sensibles à la question de la hausse de la fiscalité du tabac, purement dans un objectif de santé publique, nous discutons d’un projet de loi d’organisation de la santé, et pas d’un texte budgétaire. Vous aurez prochainement l’occasion d’examiner un PLFSS et un PLF qui permettront probablement d’aborder à nouveau la question de la fiscalité du tabac, ce fameux article 575 du code général des impôts qui sert à gager tant et tant de dépenses dans les PLFSS. Pour l’heure, il me semble prématuré d’envisager cette hausse dans le texte de modernisation du système de santé. Je donne donc un avis défavorable à regret à cet amendement, ainsi qu’aux autres amendements qui portent sur une hausse de la fiscalité du tabac.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, ce n’est pas le lieu pour procéder à ce type de décision.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je voulais juste dire que j’ai retiré mon amendement dans cette discussion commune : Je ne suis donc pas solidaire avec Mme Delaunay, parce que l’amendement de nos collègues écologistes que nous venons d’adopter me permet de penser que nous allons déjà dans le bon sens, et nous avons fait une grande avancée cet après-midi.

M. le président. Madame Delaunay, maintenez-vous l’amendement ?

Mme Michèle Delaunay. Oui, je le maintiens.

(L’amendement n1416 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement n1417.

Mme Michèle Delaunay. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Il faut tirer de ce texte tous le bénéfice possible. Je ne souhaite pas que nous laissions aller à des errements dans un texte qui ne concerne pas la fiscalité. Ce débat arrivera de toute façon, en son temps, et il faudra poser la question de l’augmentation du prix du tabac et celle de la rémunération des buralistes.

Je ne souhaite donc pas qu’il puisse se dire que l’Assemblée nationale n’a pas voulu adopter ces amendements. Simplement, au vu de ce qui a été voté auparavant, ce n’est pas le moment.

Sur cette question de la lutte contre le tabac, il ne faut pas restreindre les avancées qui ont été faites depuis plusieurs heures. C’est pour cela que je souhaite qu’il n’y ait pas de votes isolés. Je comprends totalement la logique de Michèle Delaunay, elle sera soutenue par le groupe le moment venu.

Mais je ne souhaite pas que cela apparaisse à cet instant comme un élément permettant de penser que nous reculons dans notre volonté. C’est pour cela que je souhaite que ces amendements de nature fiscale puissent être défendus, mais qu’ils soient ensuite retirés afin de ne pas donner lieu à des votes défavorables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il ne s’agit pas d’un texte budgétaire. Et comme ministre en charge de la Sécurité sociale, je suis attachée à ce que les décisions financières soient prises dans les textes budgétaires. Le débat sur le prix du tabac est soutenu, il a pu diviser, et une décision importante a été prise sur les modes d’élaboration des prix. Je dis donc clairement que ce texte présente un programme ; lorsque viendront les textes budgétaires, nous aurons l’occasion d’aborder les politiques de prix. Mais un texte sur la santé n’est pas le lieu pour les définir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Le groupe UMP ne participera pas au vote sur ces amendements parce qu’effectivement, ce sont des sujets qui relèvent du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous reverrons cela en temps utile au mois d’octobre. Mais je voudrais quand même dire à la majorité que l’an dernier, j’avais posé une question sur les taux proportionnels et les parts spécifiques au secrétaire d’État au budget. Je n’ai toujours pas eu sa réponse, alors qu’il s’était engagé à nous dire quelles étaient les différences entre les deux, et dans quel sens nous pouvions aller pour avoir des augmentations de finances de la part des entreprises du tabac.

Nous n’avons toujours pas la réponse, donc je réitérerai cette question sur le taux proportionnel et la part spécifique. Ce sont deux choses différentes, et on ne comprend plus rien à la complexe tuyauterie de la fiscalité du tabac, donc il faudrait qu’un jour ou l’autre, on puisse nous éclairer sur ce sujet. Nous poserons donc à nouveau la question au moment du PLFSS, monsieur Le Roux, je vous fais passer le message.

M. Bruno Le Roux. Et je l’entends !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. J’avoue être un peu circonspecte. Il y a quelques mois, j’avais présenté des amendements similaires ; sans doute n’était-ce déjà pas le moment, puisqu’un de ces amendements qui avait été adopté par l’Assemblée a été neutralisé par un sous-amendement du Gouvernement. C’est pourquoi je suis d’une extrême prudence – prudence qui n’est motivée que par mon souci de la santé et l’exigence que j’ai pour mon pays et notre Gouvernement de faire un véritable pas en avant en matière de lutte contre le tabac.

Je retirerai mes amendements, car je veux montrer que je prends en considération ce qui a été dit. Pourtant, des juristes m’ont assuré que si une disposition fiscale était un élément essentiel du plan, elle pouvait être introduite dans un projet de loi – sinon, je ne l’aurais pas fait. C’est donc un peu solennellement que je vous donne rendez-vous au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que nous fassions ensemble ce pas supplémentaire.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

(L’amendement n1417 est retiré.)

M. le président. Dois-je considérer, madame Delaunay, que vous retirez les deux amendements suivants, nos 1418 et 1419 ?

Mme Michèle Delaunay. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 1418 et 1419 sont successivement retirés.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n2100.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je présente de nouveau à la discussion cet amendement que j’avais retiré en commission. Il ne porte pas sur la fiscalité du tabac, il propose de mettre en musique une partie du plan antitabac présenté il y a plusieurs mois, qui prévoyait la création d’un fonds dédié à des campagnes de prévention collective de grande ampleur. Celles-ci font en effet défaut depuis plusieurs années dans notre pays, alors que l’on sait qu’elles ont un impact important sur le tabagisme.

Je comprends qu’il soit difficile d’instaurer un nouveau prélèvement dès lors que l’on ne souhaite toucher ni le portefeuille des fumeurs ni celui des buralistes. C’est pourquoi je propose un mécanisme calqué sur celui retenu dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale : il s’agit d’un pari sur l’évolution du chiffre d’affaires des cigarettiers à la suite du plan antitabac que nous venons d’adopter. Si ce chiffre d’affaires diminue de 3 %, l’objectif sera considéré comme atteint ; si, en revanche, la diminution est moindre, ou que le chiffre d’affaires augmente, vous seriez appelés à instaurer, dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, une contribution, prélevée sur le chiffre d’affaires des cigarettiers, d’une valeur d’environ 2 euros par fumeur – même si ce n’est pas le fumeur qui la paierait. Cela permettrait de lever jusqu’à 30 millions d’euros, qui serviraient à financer des campagnes de prévention.

Je précise que, contrairement aux bénéfices, le chiffre d’affaires des cigarettiers est réalisé et déclaré en France. Recueillir 30 millions d’euros pour financer des campagnes de prévention en matière de tabagisme ne me semble pas une ambition démesurée !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande au rapporteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Première raison, le parallélisme des formes : la question de la taxation sera examinée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous amorçons aujourd’hui un débat utile, qui pourra être repris à cette occasion.

Deuxième raison, de fond – que j’avais déjà évoquée en commission : il est rare que les cigarettiers déclarent leur chiffre d’affaires en France. Dans l’état actuel des choses, nous ne disposons d’aucune base qui nous permettrait de mettre en place une telle taxation de manière satisfaisante.

J’ai moi-même indiqué, en présentant le programme national de réduction du tabagisme, que nous devions créer un fonds dédié aux actions de prévention. Nous œuvrons actuellement pour mettre en place ce fonds au sein du budget de la sécurité sociale et identifier les possibilités de financement des actions de prévention.

Au bénéfice de ces explications, je souhaiterais, monsieur le rapporteur, que vous retiriez votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Nous aurons l’occasion de revenir sur la question de politique tarifaire au moment de l’examen du projet de loi de financement de sécurité sociale. Mais, puisqu’on évoque le prix des cigarettes, je veux rappeler à mes collègues un chiffre qui ne réjouira personne : 48 % des fumeurs en France sont des chômeurs.

Quant à l’Organisation mondiale de la santé, il ne faudrait pas que son implication soit à géométrie variable. Il serait bon qu’elle exerce des pressions sur d’autres États membres, notamment l’Espagne, pour qu’ils relèvent leurs prix, de façon qu’on arrive à niveau homogène dans l’ensemble de l’Union européenne.

(L’amendement n2100 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n577.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à mettre en lumière un phénomène étrange, qui vient contrecarrer les politiques tarifaires menées par le Gouvernement pour réduire la consommation de tabac. Les associations de lutte contre le tabagisme ont en effet observé qu’au lieu de répercuter directement l’augmentation du droit de perception, l’industrie du tabac opérait un lissage des prix, ce qui faisait planer un soupçon d’entente illicite. Évidemment, on ne peut pas le prouver, mais la coïncidence est curieuse.

J’ignore si la simple inscription dans la loi que je propose suffira à lutter contre ce phénomène, mais au moins cela permettra-t-il de le mettre en lumière. Sans doute faudrait-il aussi que les douanes et la répression des fraudes soient davantage mobilisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis tenté de vous demander de retirer votre amendement, monsieur Roumegas, tant le dispositif que vous proposez n’est pas clair et ne semble pas de nature à produire l’effet recherché.

Par exemple, la notion de « droit de perception » n’existe pas. Cela suffirait en soi à faire écarter l’amendement.

Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n577 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n1914.

M. Frédéric Barbier. Cet amendement est dans la droite ligne de l’amendement n1927.

Le tabac fait partout l’objet de trafics, à tous les stades de sa production, de son transport et de sa consommation.

L’Organisation mondiale de la santé estime que 12 % des 6 000 milliards de cigarettes commercialisées chaque année dans le monde font l’objet d’un commerce illicite. Les chiffres sont encore plus importants en France et en Europe, en raison des prix de vente élevés. On estime aujourd’hui que 25 % du tabac consommé en France est acheté en dehors du réseau de distribution légal. Si l’augmentation des prix du tabac donne d’excellents résultats en matière de lutte contre le tabagisme, cela contribue aussi à développer les réseaux parallèles de vente.

Lutter contre le commerce illicite du tabac est avant tout une mesure de santé publique. Il s’agit en effet d’empêcher que des consommateurs, avérés ou potentiels, notamment les mineurs, puissent disposer de cigarettes à très bas prix.

Lutter contre le commerce illicite du tabac, c’est aussi préserver les finances publiques des États. Pour la France, le manque à gagner est de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros par an, et cela depuis près de dix ans. Pour l’Europe, le manque à gagner est estimé par Bruxelles à 12 milliards d’euros par an.

Quant aux buralistes, ils s’inquiètent eux aussi de cette augmentation du trafic et de la contrebande.

Le présent amendement vise donc à renforcer la sanction prévue en cas de fabrication de tabacs, détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués, vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués, transport en fraude de tabacs fabriqués, acquisition à distance, introduction en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé acquis dans le cadre d’une vente à distance. La peine d’emprisonnement prévue par le code général des impôts serait portée d’un an à trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Comme tout à l’heure, la commission avait donné un avis défavorable, mais à la réflexion, après avoir écouté votre argumentaire très détaillé et devant le travail que vous avez réalisé, je donne à titre personnel un avis favorable à cet amendement.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(L’amendement n1914 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n1415.

Mme Bernadette Laclais. Cet amendement tend à autoriser la vente au public des produits destinés au sevrage tabagique pouvant être vendus sans ordonnance, comme les substituts nicotiniques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Madame Laclais, retirez-vous l’amendement ?

Mme Bernadette Laclais. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n1415 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n200.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement vise à renforcer l’efficacité de la lutte contre la vente parallèle de tabac et l’action du Gouvernement. Il faudrait que la douane se concentre sur la lutte contre les petits trafics – par exemple ceux concernant les cartouches de cigarettes –, plutôt que contre les trafics d’envergure. Nous proposons que la délégation nationale à la lutte contre la fraude coordonne les actions des différents services et fixe des objectifs plus importants à la lutte contre le trafic de cigarettes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Comme je l’ai dit en commission, l’équipe de la délégation nationale à la lutte contre la fraude est composée d’une douzaine de personnes, dont l’activité se concentre essentiellement sur les questions fiscales et sociales.

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai.

M. Olivier Véran, rapporteur. À moins de créer de nouveaux postes, votre objectif me paraît irréaliste. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n200 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n1595.

Mme Bernadette Laclais. Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 20 novembre 2017, un rapport présentant les améliorations de la situation sanitaire permises par les dispositions que nous venons d’adopter, ainsi que l’effet de ces dispositions sur l’activité des débitants de tabac.

J’insiste sur l’importance de cette demande. L’instauration du paquet neutre en Australie a eu des effets relativement rapidement. Au moment où certains ont émis des doutes, dans l’hémicycle et à l’extérieur, il importe de vérifier que les décisions que nous prenons produisent des effets, ce dont je suis convaincue, et de communiquer les résultats.

Je m’associe aux propos de notre collègue Frédéric Barbier dont je salue également le travail. Il s’agit par cet amendement de constater les effets des mesures que nous prenons sur le réseau des débitants de tabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je serais tenté de faire une réponse globale car dix-huit des amendements suivants proposent également une demande de rapport au Parlement sur des sujets concernant le tabac.

Il ne me revient pas de juger de l’opportunité de ces demandes, mais vous savez, mes chers collègues, que le Parlement en propose énormément.

S’agissant du paquet neutre par exemple, sujet innovant et ambitieux qui a fait l’objet d’une large concertation, il fera bien évidemment l’objet d’une évaluation et les pouvoirs publics auront à cœur de vérifier son impact en termes de tabagisme ainsi que sur le commerce du tabac et, de façon plus générale, son impact sociétal.

Aussi, je vous suggère, madame Laclais, de bien vouloir retirer votre amendement. Quant aux amendements suivants, j’émets par avance un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. En effet, il y a dix-huit demandes de rapport, ce qui n’est guère raisonnable. Ne pourrait-on pas n’en demander qu’un seul qui concernerait l’ensemble des sujets évoqués ? Ne peut-on considérer que le rapport demandé par Mme Laclais couvrira un champ plus large que celui prévu initialement ? Il comportera ainsi des éléments sur l’application du programme national de réduction du tabagisme de façon globale, la lutte contre les trafics. Cela nous permettra d’avoir un point d’appréciation global.

J’émets un avis favorable à cette demande de rapport à la condition que tout le monde s’y rallie et qu’il englobe l’ensemble des points évoqués dans les autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. La politique proposée par le Gouvernement est un tout. Je propose, au nom de mon groupe, que nous adoptions l’amendement de Mme Laclais. À nous d’y intégrer au cours de la navette parlementaire tous les sujets faisant débat, le paquet neutre, la lutte contre les commerces illicites, la traçabilité.

Évitons la profusion et la superposition de rapports.

(L’amendement n1595 est adopté.)

M. le président. Retirez-vous votre amendement n578, monsieur Roumegas ?

M. Jean-Louis Roumegas. Compte tenu des remarques de Mme la ministre et du président du groupe SRC, je le retire. Je rappelle que le renforcement des moyens d’information et de prévention en matière de tabagisme a été oublié, or il est le parent pauvre de nos politiques anti-tabac.

(L’amendement n578 est retiré.)

M. le président. Qu’en est-il des amendements, nos 579 et 582 ?

M. Jean-Louis Roumegas. Je les retire également, monsieur le président.

(Les amendements nos 579 et 582 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n607.

M. Nicolas Dhuicq. Le présent amendement vise à reposer une question qu’à au moins quatre reprises j’ai posée sur le prix auquel les grands fabricants de cigarettes américains vendent les cigarettes sur l’ensemble du continent européen.

Je le répète, nos buralistes subissent une concurrence déloyale. Le prix du tabac dépend davantage du prix auquel les grandes marques vendent les cigarettes dans les différents pays que de la fiscalité. C’est le prix de départ auquel les grandes compagnies américaines vendent le tabac dans les différents pays d’Europe qui crée une différence importante, d’où la concurrence déloyale.

Je souhaiterais que le Gouvernement de la France soit capable de répondre à cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis très défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Pourquoi le Gouvernement est-il défavorable à un amendement qui propose une simple étude comparative des prix de vente des cigarettes par les compagnies américaines sur l’ensemble du continent européen ? Serions-nous impuissants ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Dhuicq, je ne peux pas vous laisser sans réponse, cela me fend le cœur. La rédaction de votre amendement n’est pas suffisamment rigoureuse au plan législatif. Au surplus, vous ne visez que les entreprises américaines.

M. Nicolas Dhuicq. Parce que je suis français.

M. Olivier Véran, rapporteur. Enfin, nous avons dit tout ce qu’il y avait à dire sur la multiplicité des rapports. Voilà trois bonnes raisons de réitérer mon avis défavorable.

M. Nicolas Dhuicq. Vous n’avez pas répondu à ma question.

(L’amendement n607 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n639.

M. Gilles Lurton. Le présent amendement demande également la remise d’un rapport au Parlement sur les différences de fiscalité entre les pays frontaliers et notre pays et sur la possibilité de tendre à une harmonisation fiscale.

J’ai bien compris l’argumentation de Mme la ministre et du rapporteur. Si vous acceptiez d’intégrer cette question dans le cadre du rapport proposé par Mme Laclais, il est évident que je retirerais l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Pour ma part, le message est entendu !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même réponse.

(L’amendement n639 est retiré.)

M. le président. L’amendement n1753 est-il retiré, monsieur Barbier ?

M. Frédéric Barbier. Je vais le retirer, monsieur le président, car j’ai bien compris qu’un seul rapport était suffisant.

À l’origine, nous avions déposé un amendement visant à autoriser la ratification du protocole de l’OMS signé par la France le 10 janvier 2013 pour éliminer le commerce illicite de tabac. Les services de l’Assemblée ont déclaré cet amendement irrecevable alors que l’on avait autorisé par voie d’amendement au projet de loi de santé en 2014 la ratification de la convention-cadre de lutte anti-tabac.

Dès lors qu’il y a un engagement s’agissant de cette ratification, un projet de loi étant en cours, je retire la demande de rapport.

Au nom des buralistes que nous avons rencontrés, je tiens à vous remercier s’agissant des mesures que nous venons de décider sur l’augmentation de la pénalisation. Cela est de nature à les rassurer car ils souffrent, notamment dans les zones rurales où il s’agit de commerces de proximité. La vente de tabac ne représente en effet que 50 % de leur activité et beaucoup ont cherché d’autres pistes de diversification.

Il est important – au moment de l’adoption du paquet neutre qui va dans le bon sens – d’être aux côtés des buralistes. La pénalisation qui a été alourdie est de nature à les rassurer quant à notre volonté de lutter contre le recel, les trafics et la contrebande. La ratification du protocole de l’OMS qui permettra une réelle traçabilité est également de nature à les rassurer sur notre volonté d’être à leurs côtés dans les années qui viennent.

(L’amendement n1753 est retiré.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, inscrit sur l’article.

M. Gérard Sebaoun. Je veux dire tout le bien que je pense de cet article lequel permet aux services de santé au travail, aujourd’hui en difficulté, de recruter des collaborateurs de médecins du travail qui s’engagent dans un cursus universitaire afin de remédier au manque évident de ces services aujourd’hui. Ils sont environ cent cinquante à s’être engagés dans cette voie. C’est une excellente idée.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, également inscrit sur l’article.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, pour ce qui me concerne, je vois mal à quoi correspond le terme de « collaborateur médecin » qui figure à l’alinéa 2 de l’article 6. Vous recourez à ce terme pour désigner des personnes qui sont des médecins salariés de fait. Pour moi, ce sont des docteurs au même titre que les autres même s’ils n’ont pas encore achevé leur formation en vue de l’obtention de leur qualification de médecin du travail.

Je trouve ce terme particulièrement péjoratif et stigmatisant alors que nous avons grand besoin de ces professionnels qui viennent pallier de sérieuses carences dans notre médecine du travail. Leur mission est souvent compliquée à la fois en raison du manque de médecins du travail, mais aussi de pressions diverses dont ils peuvent faire l’objet dans leur métier.

En outre, j’ajoute que l’article prévoit que ces collaborateurs sont placés sous l’autorité du médecin du travail. Or rien n’est précisé quant aux modalités de cette autorité. On ne sait pas du tout comment celle-ci pourra s’exercer. Autant de questions auxquelles nous n’avons pas eu de réponse en commission.

M. le président. Je considère, monsieur Lurton, que vous avez défendu l’amendement n835.

M. Gilles Lurton. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. J’avais, en commission, déposé un amendement dont l’objet était identique, mais je l’avais retiré car le terme de collaborateur médecin n’est en aucun cas dévalorisant. Il existe déjà dans la partie réglementaire du code du travail. Aucune dénomination alternative consensuelle n’a émergé à ce jour.

On peut se demander si la dénomination est tout à fait satisfaisante. Mais le débat a été tranché en commission. De plus, il s’agit d’une dénomination temporaire, le temps d’obtenir la qualification de médecin du travail. Avant d’obtenir le Saint Graal – moi aussi j’ai employé le mot « saint » aujourd’hui (Sourires) – et d’obtenir le titre de médecin du travail, le parcours est complexe. Il faut beaucoup de motivation. Reste à savoir si le mot collaborateur enlève quelque chose à la pratique.

Je m’en remettrais volontiers à la sagesse de l’Assemblée, avec une tendance défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je donne un avis défavorable comme je l’ai fait en commission. Le terme de collaborateur médecin n’est en aucun cas un terme dévalorisant. Cette appellation existe déjà et elle est inscrite dans le code du travail. Je veux bien que l’on réfléchisse à une autre dénomination, mais il faudra alors qu’elle s’applique à l’ensemble du code sinon on aboutirait à un flou juridique. Une harmonisation des termes serait indispensable.

Avis défavorable donc. Il ne s’agit nullement de dévaloriser la pratique. De surcroît, le terme existe. C’est ainsi que l’on dénomme ces collaborateurs de transition avant qu’ils aient le statut définitif.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Même s’ils n’ont pas encore acquis leur qualification de médecin du travail, ce sont tout de même des médecins qui ont suivi un cursus d’études en médecine tout à fait normal et qui ont acquis cette qualification de médecin. Pour moi, ce sont des médecins.

(L’amendement n835 n’est pas adopté.)

(L’article 6 est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n1458, portant article additionnel après l’article 6.

M. Gérard Sebaoun. Il s’agit de donner aux organisations qui sont liées par une convention de branche ou par des accords professionnels la possibilité de se prononcer tous les trois ans sur les actions prioritaires en matière de prévention et de risques professionnels et de santé au travail. Cela permettrait que tous les salariés soient concertés sur ces sujets essentiels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Mon cher collègue, la commission a repoussé cet amendement. En matière de négociation collective, en effet, des échéances très importantes approchent et mieux vaut consulter au préalable les partenaires sociaux. De fait, vous bénéficierez à brève échéance d’un vecteur plus approprié que ce texte de loi. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Monsieur le député, pour instaurer une disposition ayant trait au dialogue social, il est souhaitable de consulter préalablement les partenaires sociaux dans le cadre d’une procédure sur le dialogue social. Étant donné qu’une loi abordant cette question doit prochainement venir en débat, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement allait dans le sens de l’article 6 bis que nous avons voté et qui donnait aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – les CHSCT – compétence en matière de prévention au sens large. Cependant, je veux bien me rendre aux arguments du rapporteur et de Mme la ministre et je le retire donc.

(L’amendement n1458 est retiré.)

Article 6 bis

(L’article 6 bis est adopté.)

Article 6 ter

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement rédactionnel n2197.

(L’amendement n2197, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 6 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 6 ter

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1799.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement vise à systématiser le recensement par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES – des travailleurs, agriculteurs et salariés, exposés régulièrement aux produits phytosanitaires. Notre système de santé doit accorder une attention plus forte à la prévention de ce type de maladies, d’autant que leur reconnaissance a posteriori est aujourd’hui un parcours du combattant pour les victimes, comme le montre par exemple, dans l’actualité, le procès des salariés de l’entreprise Triskalia-Nutréa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Madame Massonneau, la commission a donné un avis défavorable à votre amendement, car il est déjà satisfait et cette mission incombe déjà à l’ANSES. L’article L. 1313-1 du code de la santé publique prévoit en effet qu’elle doit assurer la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l’environnement et du travail, et la loi d’avenir pour l’agriculture lui a confié l’ensemble des missions en matière de produits phytosanitaires, c’est-à-dire à la fois l’activité d’évaluation et celle de gestion administrative. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

(L’amendement n1799 est retiré.)

Avant l’article 7

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n1460.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement de M. Denys Robiliard propose d’inscrire dans la loi l’obligation pour les organismes d’assurance maladie complémentaire de consacrer 2 % au moins des cotisations versées au titre des contrats collectifs de prévoyance et de complémentaire santé à des actions de prévention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je partage votre souci d’encourager la contribution des organismes de couverture maladie complémentaire, mais la modification que vous proposez me semble devoir plutôt s’insérer dans la réforme générale des contrats collectifs et doit être précédée d’une négociation avec les partenaires sociaux. Je renouvelle donc l’avis défavorable de la commission, à moins que vous n’acceptiez de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je le retire donc.

(L’amendement n1460 est retiré.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement de précision n1223.

(L’amendement n1223, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1793.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement de Mme Brigitte Allain vise à encourager le dépistage des allergies au gluten ou d’autres maladies auto-immunes. L’intolérance au gluten toucherait en effet une personne sur 100, en France comme en Europe. Aujourd’hui, face au surcoût engendré par le régime sans gluten et aux difficultés de son suivi au quotidien, 50 % seulement des malades adultes suivent correctement leur régime et 50 % ont donc un risque accru de complications.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Madame Massonneau, aussi intéressant soit-il de disposer de modes de dépistage rapide, notamment par des prélèvements, de maladies auto-immunes telles que la maladie cœliaque ou l’intolérance au gluten, le concept même de test rapide d’orientation diagnostique – ou TROD – convient mieux au sens que lui donne la Haute Autorité de santé, à des pathologies infectieuses potentiellement transmissibles. Le recours à ces TROD doit être orienté vers les populations les plus à risque de présenter ces pathologies infectieuses. Je vous demande donc de retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement n1793 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement n2290.

Mme Dominique Orliac. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’article 2 bis. En effet, le 4alinéa de l’article 7 prévoit que le recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est pas requis pour la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique sur un mineur, dans le cadre des conditions définies par l’arrêté prévu à l’article L. 6211-3 du code de la santé publique.

L’article 2 bis du projet de loi élargit les situations dans lesquelles un médecin, mais aussi une sage-femme ou un infirmier sous la responsabilité d’un médecin, pourront s’exonérer de l’information et du recueil du consentement parental. À cet effet, l’article a voulu encadrer au niveau législatif cette dérogation faite à l’article 371-1 du code civil, à savoir que ces professionnels de santé doivent au préalable s’efforcer de convaincre la personne mineure d’informer ses parents et peuvent prodiguer les actes en question si le mineur s’oppose expressément à cette information ou consultation. Dans ce cas, le mineur est accompagné par une personne majeure de son choix.

Par parallélisme des formes, il apparaît nécessaire que les conditions de la dérogation accordée au personnel ayant reçu une formation adaptée et relevant de structures de prévention ou associatives soient calées sur celles qui sont posées pour les infirmiers agissant sous la responsabilité de médecins.

L’objet du présent amendement est donc de préciser que le personnel des structures de prévention et associatives est autorisé à réaliser des dépistages par TROD seulement auprès de personnes mineures de 15 ans ou plus et dans les départements dont la situation le justifie sur le plan de la santé publique, en raison d’une forte prévalence de maladies infectieuses, de la précocité de la vie sexuelle et reproductive ou de difficultés d’accès à une offre médicalisée de dépistage dans des zones enclavées. La liste des départements concernés par cette dérogation sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis du Haut Conseil de santé publique.

(L’amendement n2290, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement de précision n1632 rectifié.

(L’amendement n1632 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1221.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les premiers autotests de détection des maladies transmissibles seront disponibles courant 2015 en pharmacie, et tout d’abord les autotests de détection du VIH.

L’utilisation des autotests de dépistage par voie sanguine générera inéluctablement des déchets d’activités de soins à risque infectieux – DASRI –, notamment la lancette incluse dans le kit, et il conviendra donc d’éviter qu’ils ne rejoignent les déchets ménagers. Cet amendement vise ainsi à orienter l’utilisation d’autotests vers une filière sécurisée, aujourd’hui réservée aux patients en auto-traitement.

(L’amendement n1221, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n705 rectifié.

M. Jean-Pierre Door. Certains alinéas de cet article nous gênent. Vous instaurez en effet un dispositif de secret absolu vis-à-vis des parents dont les enfants mineurs sont atteints d’une maladie qui peut être grave, voire mortelle. Face à la maladie, l’intérêt des enfants est de bénéficier de tout le soutien affectif, matériel et financier que représentent les familles ou leur entourage proche, qu’il s’agisse de la famille directe ou indirecte, ou encore des tuteurs. Il existe un risque de non-mobilisation du lien familial lorsque précisément ces enfants en auraient le plus grand besoin. Ce secret que l’on veut instaurer pour les mineurs est donc regrettable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Les amendements introduits en commission correspondent à une réalité. Le Centre national du sida et les acteurs associatifs nous le disent : il y a en France des mineurs et des jeunes majeurs qui,  – car il existe encore dans certaines familles une stigmatisation trop forte de l’infection au VIH –, préfèrent ne pas recourir aux soins plutôt que de révéler la nature de leur maladie à leurs parents.

Nous mettons en place un dispositif qui permettra à toutes ces personnes de bénéficier anonymement des traitements sans que les parents soient nécessairement au courant. Cela ne remet aucunement en question la cohésion familiale, ni le rôle des aidants familiaux dans l’accompagnement et la prise en charge des personnes mineures ou des jeunes majeurs malades, mais simplement d’éviter de créer des obstacles inutiles et de provoquer des retards dans la mise en œuvre du traitement, dont on connaît l’impact en termes d’espérance de survie et de qualité de vie des personnes souffrant de maladies infectieuses graves. Avis défavorable de la commission, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Il s’agit là d’un sujet important. L’article que nous examinons a pour objet de favoriser les dépistages en multipliant les dispositifs disponibles et accessibles et en répondant à des situations concrètes. On observe en effet des situations différentes et, si certaines personnes vont se faire dépister à l’hôpital ou dans des centres classiques, d’autres se tournent vers des associations et d’autres enfin ont besoin d’autotests. L’article propose donc d’une part de sécuriser l’utilisation des TROD par les associations et, d’autre part, de mettre à disposition des autotests. Il est normal de faciliter l’accès des mineurs à ces dispositifs. C’est une réalité concrète.

Il ne s’agit donc pas de porter des jugements, ni d’éviter le dialogue intrafamilial, mais de prendre en compte des situations réelles et concrètes que nous connaissons – celles de mineurs qui ne souhaitent pas parler à leurs parents ou ne savent pas le faire et qui ont besoin de pouvoir accéder à ces dispositifs de dépistage. Avis défavorable, donc.

(L’amendement n705 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement de conséquence n1651.

(L’amendement n1651, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n1120.

M. Jean-Pierre Door. Il est défendu.

(L’amendement n1120, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement de cohérence n1220.

(L’amendement n1220, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1289 et 1911, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1289.

M. Arnaud Richard. Cet amendement traite d’un sujet important, bien connu de tous dans cet hémicycle. Depuis 1983, en effet, les hommes déclarant avoir eu au cours de leur existence des rapports sexuels avec un autre homme sont frappés d’une contre-indication permanente du don de sang, fondée sur le questionnaire que doit remplir chaque donneur potentiel et qui permet aujourd’hui d’écarter une personne du don de sang en raison de son orientation sexuelle.

Mes chers collègues, la question de la transfusion sanguine est au carrefour de deux enjeux essentiels : recueillir des produits sanguins en quantité suffisante tout en réduisant au maximum les risques de contamination des receveurs. Il est par conséquent essentiel que cette question ne soit pas instrumentalisée – elle ne l’a été que trop. Comment fermer les yeux plus longtemps sur les discriminations que subissent les homosexuels et les bisexuels masculins en raison même de leur orientation sexuelle ?

Pour des raisons d’égalité devant la loi mais également pour répondre à des impératifs de santé publique, ce sont les pratiques sexuelles du donneur et non son orientation sexuelle qui doivent être analysées. Le Président de la République lui-même disait qu’aucune justification scientifique ne permettait de faire continuer cette discrimination.

Nous proposons par conséquent que les contre-indications se basent sur les éventuels comportements à risque et non sur l’orientation sexuelle ou l’appartenance à un « groupe d’individus ». Tel est l’objet de cet amendement, qui affirme le principe selon lequel nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle.

Madame la ministre nous a demandé de retirer cet amendement en commission, ce que j’ai eu la délicatesse de faire – je l’ai regretté ensuite –, en nous indiquant qu’un certain nombre de réponses seraient apportées par le Comité consultatif national d’éthique : elles ont été apportées il y a quelques jours et ne m’ont pas convaincu. Au-delà de ce que nous répondra la ministre, qui nous dira que tout cela est réglementaire, nous ferions belle œuvre en inscrivant cela dans la loi. Je ne peux pas imaginer que le rapporteur qui, tout comme le groupe socialiste, est très attentif à ces sujets, ne puisse pas suivre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n1911.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement vise à instaurer un principe de non-discrimination pour le don de sang à raison de l’origine, du sexe, de son orientation ou identité sexuelle, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race.

Cela vise notamment à mettre fin, ainsi que M. Arnaud Richard vient de le dire, à l’interdiction pour les hommes homosexuels de donner leur sang pour cette seule raison. Cette interdiction instaurée en 1983 n’a plus de raison d’être, les transfusions étant sûres aujourd’hui et le risque résiduel étant devenu extrêmement faible. La Grande-Bretagne et le Canada sont d’ailleurs revenus sur cette interdiction : ils autorisent désormais le don de sang par des homosexuels n’ayant pas eu de relations sexuelles depuis un an au moins.

M. le rapporteur Olivier Véran, dans son rapport sur la filière sang en France remis en 2013, préconisait de renforcer la sécurité du don en faisant évoluer le questionnaire de l’orientation sexuelle vers le niveau de risque individuel du donneur, comme la multiplication de partenaires, les rapports non protégés, les pratiques à risque, etc. Certes, le Comité consultatif national d’éthique a donné un avis défavorable ; mais ce n’est qu’un comité consultatif !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce sujet, qui touche manifestement sur tous les bancs de cet hémicycle, a été abordé à de nombreuses reprises au cours des dernières années, par des ministres de droite comme de gauche. Il fait également débat dans un certain nombre de pays : la Russie qui, jusqu’ici, autorisait le don de sang de personnes ayant des rapports avec des personnes de même sexe, envisageait de revenir sur cette autorisation non pas pour des raisons de sécurité sanitaire, mais bien pour des raisons discriminatoires.

Une démarche a été entamée auprès de la Cour de justice de l’Union européenne par une personne souhaitant donner son sang, qui a été exclue en raison de son orientation sexuelle et non pas de ses pratiques sexuelles. L’avocat général à la Cour de justice de l’Union européenne a fait un réquisitoire sans appel – c’est du moins la lecture que j’en fais. Une décision de ladite Cour de justice est attendue dans quelques semaines.

De quoi s’agit-il ? Nous parlons de critères d’éviction qui ne relèvent pas de la loi mais d’un arrêté ; de critères d’éviction qui, comme M. Richard l’a expliqué, datent des années 1980, lorsque des mesures de sécurité sanitaire ont été prises pendant l’épidémie de VIH, ce qui peut tout à fait s’entendre dans le contexte de l’époque.

Aujourd’hui, c’est en tant que scientifique que je me permets de parler – pour une fois, et pour une de mes dernières interventions dans l’hémicycle. Il y a quelque chose que je ne comprends pas : une personne ayant eu un rapport sexuel non protégé avec une personne du sexe opposé contaminée par le VIH, pourra donner son sang au-delà de quatre mois parce qu’il s’agit d’un rapport hétérosexuel, alors que cette même personne, si elle a eu un rapport sexuel avec une personne du même sexe dix ans, quinze ans, vingt ans, trente ans en amont, ne pourra pas le donner !

Mme Véronique Massonneau M. Arnaud Richard et M. Arnaud Robinet. Très bien !

M. Olivier Véran, rapporteur. Je ne suis pas un expert de la question, mais il ne faut pas être expert pour se poser des questions ! Vous avez un rapport avec une personne du sexe opposé contaminée par le VIH, et quatre mois plus tard vous pouvez donner votre sang ; mais si elle est du même sexe, qu’elle n’est pas contaminée par le VIH et que le rapport a eu lieu il y a quinze ans, vous ne pouvez pas donner votre sang ! Avec une telle lecture, l’aspect discriminatoire saute aux yeux !

Toutefois, chers collègues, est-ce qu’il revient à la loi d’inscrire dans un article qu’on ne peut pas être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ?

M. Arnaud Richard. Oui !

M. Olivier Véran, rapporteur. J’en appelle aux juristes de cet hémicycle, mais il me semble que ce n’est pas de nature législative que d’inscrire cela.

Force est de constater qu’année après année, ce débat est très difficile à trancher parce qu’il est complexe : il fait appel à une part de notre histoire récente, qui provoque la mobilisation d’un certain nombre d’associations, d’un côté comme de l’autre.

Cette question ne trouve pas de réponse définitive et satisfaisante, même si l’on se rend compte qu’en modifiant le questionnaire et en passant plus de temps avec les donneurs potentiels, on arriverait probablement et même certainement – j’en suis convaincu : je ne vais pas me déjuger puisque je l’ai écrit dans un rapport remis au Premier ministre et à la ministre de la santé il y a de cela un an et demi – à éviter les situations objectivement discriminatoires. Ce sujet est donc complexe.

Madame Massonneau, la rédaction de votre amendement me donne moins d’états d’âme pour vous demander de le retirer puisqu’il est beaucoup trop général : en effet, il n’aborde pas seulement la question de la discrimination en fonction des pratiques sexuelles, mais également la discrimination en fonction des ethnies, etc., qui entre moins en ligne de compte.

Voilà ce que je voulais vous dire. Il ne revient pas à la représentation nationale de déterminer les conditions de modification de l’arrêté ni de déterminer les questions qui sont à poser aux donneurs potentiels. Je ne peux pas me déjuger : je pense que le questionnaire doit évoluer car, en l’état, il n’est pas tenable. Je m’en remets donc à la sagesse du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons commencé le débat en commission et je vous avais annoncé à cette occasion que j’attendais des rapports pour les jours qui suivaient. Comme vous avez pu le constater, le Comité consultatif national d’éthique a rendu un rapport.

Dans quelle situation nous trouvons-nous ? La discrimination sur la base de l’orientation sexuelle n’est clairement pas acceptable.

Les seules limitations au don qui peuvent être apportées résultent d’exigences liées à la sécurité des receveurs.

Les questionnaires qui sont aujourd’hui remis aux donneurs peuvent donner le sentiment, même si certains juristes estiment que ce n’est pas le cas, d’une discrimination sur la base de la seule orientation sexuelle, ce qui n’est pas acceptable : ce qu’il faut regarder, ce sont les comportements sexuels – terme considéré comme approprié, davantage que le terme de « pratiques sexuelles ».

Je m’y suis engagée : le questionnaire va évoluer. Or la définition du questionnaire est de nature réglementaire : de ce point de vue, vos amendements fixent un principe, lequel principe peut figurer dans la loi – mais il n’a aucune raison de figurer dans la loi.

M. Arnaud Robinet. C’est tellement plus rassurant s’il figure dans la loi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela ne rassure pas parce que, s’il n’y a pas ensuite la déclinaison précise des questions, nous n’irons pas plus loin !

Venons-en à ce qu’a dit le Comité consultatif national d’éthique – je précise que son rapport est public et consultable par tout un chacun. Il a indiqué que le point important était l’information apportée au donneur en amont du don, quel que soit le donneur, et non simplement le donneur homme ayant eu des relations sexuelles avec un ou plusieurs hommes : toute personne donnant son sang doit être mieux informée des conséquences de son acte que cela n’est le cas aujourd’hui.

Par ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique s’en est remis, pour ce qui est de l’analyse épidémiologique et des risques épidémiologiques, à un groupe d’experts : les agences sanitaires, l’Institut de veille sanitaire, le Haut conseil de la santé publique, l’Agence nationale de sécurité du médicament et l’Établissement français du sang.

Ces experts se sont réunis et ont remis des préconisations que je vais rendre publiques car elles ne le sont pas encore. Ces préconisations portent sur la manière de faire évoluer le questionnaire, puisqu’il est entendu que le questionnaire va évoluer ; mais une fois qu’on a dit cela, la question est de savoir dans quel sens le faire évoluer.

Ces experts font des recommandations : la première est d’engager une vaste communication afin de sensibiliser et de responsabiliser nos concitoyens au don du sang. La deuxième est de réserver un temps médical plus long aux candidats ayant déclaré avoir pris des risques.

Ces experts constatent ensuite que plusieurs pays ont levé l’ajournement permanent des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et l’ont remplacé par un ajournement à douze mois – et non pas à quatre ou huit mois, comme certains ont pu le demander. Je précise donc que les experts recommandent que soit examinée la possibilité de remplacer l’ajournement permanent par un ajournement à douze mois.

C’est cette position qui sera rendue publique dans les jours qui viennent et sur laquelle je vais être amenée à me prononcer ; le débat aura donc lieu. Voilà la position que je voulais exprimer.

Si je comprends parfaitement l’objectif et la position exprimés dans les amendements qui sont présentés. Ces amendements par eux-mêmes n’apportent rien au droit, tel qu’il peut se décliner : aucune sécurité juridique, je veux le dire, car tout relève du domaine réglementaire.

J’entends la position du Parlement ; j’ai pris des engagements ; j’ai indiqué que je rendais public les rapports qui m’étaient remis et que les décisions d’évolution du questionnaire seraient prises sur cette base. Je comprends bien l’insatisfaction qui peut exister puisque, d’une certaine façon, il n’y a pas de différence entre nous sur l’objectif, et je ne voudrais pas donner le sentiment d’opposer une démarche strictement juridique à ce qui serait une démarche strictement déclaratoire, puisque ces amendements n’ont pas vocation à transformer par eux-mêmes les questionnaires.

Je souhaite, en toute sincérité, que ces amendements soient retirés, parce que je ne veux pas leur donner un avis défavorable, compte tenu de l’objectif que nous partageons.

Je me suis exprimée en commission dès l’automne 2012 sur cette question, et je m’exprime devant vous. L’enjeu essentiel, vous le savez, c’est que le questionnaire évolue : s’il n’évolue pas ou s’il est simplement indiqué une déclaration de principe, certains seront satisfaits mais, au fond, les choses n’auront pas changé.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce qui compte, c’est que les choses évoluent concrètement, et cela commence avec les rapports qui ont été remis. Je demande donc le retrait de ces amendements au bénéfice de ces explications.

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Je souhaite une suspension de séance de deux minutes pour réunir mon groupe.

M. le président. La suspension est de droit.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. Sur l’amendement n1289, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je reprends la parole pour vous indiquer clairement la position du Gouvernement qui est bien évidemment favorable à ce que soient levées toutes les discriminations relatives à l’orientation sexuelle. C’est dans cet esprit qu’ont été engagées des concertations avec les différentes agences. Il s’agit de poser un critère de comportement sexuel qui ne concerne pas uniquement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes mais qui s’applique par définition à l’ensemble des donneurs potentiels.

Ma demande de retrait était de nature juridique. Dès lors que ces amendements ne sont pas retirés et qu’ils définissent une position de principe sans entrer dans le détail réglementaire du questionnaire, lequel relève du débat avec les agences sanitaires, je rends un avis favorable.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Merci, madame la ministre, de votre position qui nous satisfait. Nous sommes tous déterminés à lutter contre les discriminations, en particulier celles qui concernent le don du sang. Il n’y a pas d’antinomie entre l’évolution du questionnaire, que recommandent les différentes agences, et l’inscription du principe dans la loi.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement n1911 au profit de celui de M. Richard, qui est plus précis.

(L’amendement n1911 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Les députés du groupe UDI ont eu, depuis le début des débats, la volonté d’aborder l’examen de ce texte dans un esprit constructif. Je suis heureux, madame la ministre, que vous ayez compris qu’il n’y avait rien qui ne puisse être voté dans le rappel du refus d’une discrimination patente. Notre pays a été profondément marqué par le scandale du sang contaminé et nous pouvons comprendre les réticences à modifier cette réglementation.

Il était temps que l’on remplisse cet engagement et je suis heureux de la position des uns et des autres. J’espère que cet amendement sera voté à l’unanimité.

J’en profite pour rendre hommage à notre rapporteur Olivier Véran, à l’homme, à l’élu, et le remercier pour son travail, son écoute, son sens du dialogue. Je crois, cher collègue, cher Olivier, que vous allez manquer à la représentation nationale. J’ai été heureux de partager avec vous ce combat qui va certainement aboutir ce soir. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1289.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants19
Nombre de suffrages exprimés19
Majorité absolue10
Pour l’adoption19
contre0

(L’amendement n1289 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1703 rectifié.

M. Arnaud Richard. Cet amendement concerne le risque de cancer du col de l’utérus. La prévention de ce cancer manque encore d’efficacité en raison du nombre insuffisant de dépistages réalisés, les frottis. Cette insuffisance tient au nombre réduit de professionnels habilités à réaliser les prélèvements. Exception faite des gynécologues, les biologistes médicaux sont les professionnels de santé dont la compétence est la plus élevée pour réaliser ces frottis en raison de leur expérience dans le prélèvement cervical bactérien.

Or, en l’état du droit applicable, ils ne sont pas autorisés à réaliser de tels actes. Cet amendement tend par conséquent à autoriser les pharmaciens biologistes à pratiquer les frottis afin que le cancer du col de l’utérus recule en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Arnaud Richard, pour les paroles sympathiques que vous avez prononcées à mon égard. Plus généralement, je vous remercie tous pour les très bons moments que j’ai passés avec vous.

S’agissant de cet amendement, je regrette de devoir y donner un avis défavorable. Les conditions d’accès au frottis cervico-utérins semblent suffisantes chez les spécialistes. Aucune difficulté particulière n’ayant été constatée, il n’y a pas lieu de créer dans la loi une modalité supplémentaire même si l’objectif que vous poursuivez est très louable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je comprends l’idée mais cette mesure pourrait s’apparenter à une sorte d’auto-prescription par les pharmaciens biologistes. Dans certains cabinets, des pharmaciens biologistes peuvent même être associés avec des anatomo-pathologistes, ce qui présenterait une difficulté.

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Je ne suis pas du même avis et l’amendement de M. Richard me semble particulièrement pertinent, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sa mise en œuvre ne se heurterait à aucun problème médical de technicité ou de qualité de prélèvement. Ensuite, il correspond à une forme d’économie dans la santé. Par ailleurs, il serait plus simple pour les femmes, obligées de se soumettre deux fois de suite à un examen qui n’est pas forcément évident, de pouvoir s’adresser à pharmacien biologiste, qui a les capacités techniques de le réaliser. Je pense que la présidente de la délégation aux droits des femmes pourrait être d’accord avec moi sur ce point. Enfin, il est faux de croire que l’on peut réaliser facilement cet examen partout sur notre territoire. Il faut parfois attendre très longtemps par manque d’anatomo-pathologistes.

Pour toutes ces raisons, l’adoption de cet amendement représenterait une belle avancée pour les femmes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je ne suis pas non plus d’accord avec M. Richard. Cette forme de délégation de tâche – ou de transfert de tâche – doit se faire au sein du monde médical entre les pharmaciens biologistes, les anatomo-pathologistes, les sages-femmes et les gynécologues. Il n’appartient pas à la loi de régler cette question.

Je voudrais à mon tour remercier Olivier Véran pour la qualité de notre collaboration depuis plusieurs mois. Nous nous sommes vus ici mais aussi en dehors et tout s’est toujours bien passé. Je lui souhaite bonne chance et un bel avenir - politique peut-être, qui sait ?

J’en profite pour vous signaler un autre sujet de satisfaction : je viens d’apprendre que la doyenne des Français vivait dans ma communauté de communes. Olympe Amaury, 113 ans, a pris ce matin le titre de doyenne de France. J’en suis très heureux. J’irai la voir dans les prochains jours et lui offrir peut-être un œuf de Pâques. (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je comprends cet objectif parfaitement louable qui est de permettre aux femmes d’accéder à un dépistage suffisamment régulier. Néanmoins, cet amendement me gêne dans la mesure où la discipline de gynécologie médicale est en grande difficulté, presqu’en voie de disparition. Or, au risque de choquer mes confrères généralistes, j’ai toujours plaidé pour que les patientes puissent consulter un spécialiste en ce domaine. Certains gestes requièrent une expérience clinique et seul un spécialiste est à même de pouvoir juger de la finesse des choses.

De surcroît, les sages-femmes, ce que l’on ne sait pas suffisamment, peuvent pratiquer des gestes de gynécologie médicale. Plutôt que d’établir un lien direct entre celui qui va pratiquer l’analyse anatomo-pathologique et celui qui fera le prélèvement, je préférerais que l’on soutienne en priorité les professions dont le métier est de réaliser ces prélèvements. Le prélèvement ne s’opère pas séparément du reste de l’examen clinique. Faisons attention à cette médecine qui est coupée de la réalité clinique. Nous le constatons dans toutes les spécialités.

Cher confrère Olivier Véran, bonne route à vous, bonne continuation dans votre belle discipline même si l’on manque de moyens pour soigner les gens. Bon courage!

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je remercie les députés qui soutiennent cet amendement. Les sages-femmes, au-delà des généralistes et des gynécologues, peuvent en effet pratiquer ce prélèvement, mais il est dommage de ne pouvoir augmenter les possibilités de réalisation de cet examen. Bien évidemment, ces pharmaciens biologistes seraient appelés à suivre des formations adaptées. Ce serait un moyen de mieux lutter contre le cancer.

(L’amendement n1703 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Au terme de cette première semaine de débat sur le projet de loi relatif à la santé, je tiens, au nom du groupe UMP, à remercier sincèrement notre rapporteur, M. Olivier Véran, pour le travail qu’il a accompli tout au long de son mandat parlementaire. Nous avons été très heureux de pouvoir le côtoyer aussi bien dans l’hémicycle qu’en commission des affaires sociales. Malgré nos divergences politiques, qui sont bien normales en démocratie, nous avons toujours mené un travail constructif et passé de bons moments ensemble. J’espère donc, Olivier, qu’il ne s’agit pas d’un adieu, mais d’un au revoir ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au nom de la commission des affaires sociales, je me tourne vers Olivier Véran pour lui dire que même si la vie législative est ainsi faite qu’un suppléant de député est toujours prêt à partir, votre arrivée en juin 2012 a été une révélation pour nous – je crois pouvoir parler en toute sincérité au nom de l’ensemble des membres de la commission. Vous vous êtes lancé d’emblée dans le travail parlementaire, sans passer par la phase d’observation que certains de nos collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, se ménagent parfois en début de mandat. Au contraire, vous avez immédiatement entrepris vos travaux et effectué de nombreuses missions – dont ce texte se fait l’écho.

Votre départ est une étape. Certes, lorsque nous reprendrons le débat mardi prochain, vous nous manquerez – vous me manquerez. Comme M. Robinet, j’espère qu’il ne s’agit que d’un au revoir.

Vous allez retrouver votre vie de neurologue. Il se trouve que le directeur de l’hôpital de Grenoble m’a confié qu’il attendait votre retour avec bonheur : vous manquez donc partout ! Je vous remercie pour tout le travail accompli en espérant vous revoir prochainement et sans doute, un jour, sur ces bancs ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à mon tour à remercier Olivier Véran pour tout le travail que nous avons accompli depuis près de trois ans. Il s’est impliqué sur tous les sujets ayant trait à la santé. J’ajoute que ma tristesse de le voir quitter l’Assemblée est d’autant plus profonde qu’il part en raison des problèmes de santé qui ont contraint Mme Geneviève Fioraso à quitter le Gouvernement.

Cela étant dit, je n’ai aucun doute, monsieur Véran, que vous poursuivrez en dehors du cadre parlementaire votre travail sur les enjeux de santé, et je vous souhaite de retrouver très vite un lieu d’expression publique ; vous connaissant, je suis certaine que ce sera le cas ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. Je me joins aux derniers intervenants pour adresser mon salut le plus sincère à M. Olivier Véran et pour vous souhaiter de joyeuses Pâques !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 7 avril, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Fixation de l’ordre du jour ;

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la santé.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly