SOMMAIRE
Présidence de Mme Laurence Dumont
1. Ouverture de la session extraordinaire
4. Liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État
Amendement no 8
Amendements nos 2 , 4 , 7 , 9 rectifié , 5
Suspension et reprise de la séance
5. Sécurité de l’usage des drones civils
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Amendements nos 13 , 14 , 3 , 34 , 36
Présidence de M. François de Rugy
Amendements nos 37 , 35 , 38 , 27 , 1
Amendements nos 31 , 17 , 5 , 21 , 40 , 28 , 41 , 18 , 32 , 19 , 42 , 29 , 43 , 20 , 7 , 25 , 26 , 6 , 33 , 30 , 8 , 10 , 22 , 9 , 23 rectifié
Amendement no 2
Amendement no 12
Amendement no 24
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mme la présidente. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décret du Président de la République en date du 29 juillet 2016.
Mme la présidente. J’informe l’Assemblée que le président a pris acte, au Journal Officiel du 18 août 2016, de la démission de M. François Sauvadet, député de la quatrième circonscription de la Côte-d’Or.
Mme la présidente. Le président du groupe socialiste, écologiste et républicain a fait savoir au président de l’Assemblée nationale qu’à la suite de la démission de M. Bernard Roman, M. Jean Launay était désigné pour occuper les fonctions de questeur.
Cette nomination prend effet à compter d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Lucien Degauchy. Bravo !
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle (nos 3926, 4041).
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est une étape importante dans la réalisation du projet Charles-de-Gaulle Express – CDG Express – ainsi que l’a souhaité le Gouvernement. CDG Express est un service indispensable pour améliorer le lien entre Paris et son principal aéroport au profit du dynamisme de l’agglomération parisienne. Il permettra, fin 2023, de relier directement, en vingt minutes, l’aéroport Charles-de-Gaulle et la gare de l’Est.
Le projet répond à deux enjeux principaux : l’attractivité économique et touristique de l’Île-de-France et le développement durable. Concernant l’attractivité économique et touristique, il n’est nul besoin de rappeler que l’agglomération parisienne est la deuxième métropole européenne, ouverte sur le monde. Son activité économique est en grande partie tournée vers l’international et l’activité touristique y est essentielle. Paris est en effet la première destination touristique au monde, avec 15 millions de visiteurs étrangers chaque année, et doit consolider cette place. L’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, le deuxième d’Europe par sa taille et le neuvième à l’échelle mondiale par son trafic, est la principale porte d’entrée pour rejoindre Paris.
L’amélioration de la liaison par un service rapide, direct et efficace vise donc à mieux satisfaire les voyageurs arrivant à Paris et à donner une image plus moderne de notre pays. Une telle liaison existe déjà dans de nombreux aéroports internationaux tels que ceux de Londres, Stockholm, Rome ou Hong Kong. La mise en service de cette liaison, prévue pour fin 2023, s’intègre par ailleurs dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, pour l’organisation desquels Paris est candidat, et de l’Exposition universelle de 2025. Le projet CDG Express est clairement un atout pour ces candidatures.
Le nombre de passagers aériens de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle connaît une croissance d’environ 3 % par an depuis 1995 et les perspectives de croissance sont du même ordre. En revanche, les accès à l’aéroport par les autoroutes Al et A3 ou par le RER B sont déjà très largement congestionnés. Alors que la durée nominale du trajet actuel entre Paris et l’aéroport est supérieure à trente minutes, elle peut atteindre une heure trente par l’autoroute aux heures de pointe selon les aléas. Sur le RER B, la cohabitation entre voyageurs du quotidien et voyageurs aériens souffre déjà de la congestion aux heures de pointe, des nombreux arrêts et du manque d’espace pour les bagages.
Créer la liaison CDG Express, c’est proposer aux voyageurs aériens arrivant à Paris une solution alternative attractive qui favorisera l’usage des transports en commun face à la route tout en soulageant le RER B. Les études de trafic confirment l’intérêt d’une telle liaison s’inscrivant dans une logique de report modal et avancent une prévision de 6 à 7 millions de voyageurs par an sur le nouveau service dès la première année d’exploitation, alors que la part de la route pour la desserte de l’aéroport passera de 56 % à 40 %. Pour autant, cette nouvelle liaison s’inscrit en complémentarité avec l’ensemble des autres projets de transports en commun dans le cadre du Nouveau Grand Paris. CDG Express, pensé pour les voyageurs aériens qui profiteront d’emplacements pour les bagages et d’informations multilingues, permet aux autres lignes, notamment le RER B et la nouvelle ligne 17 du Grand Paris Express, de bénéficier pleinement aux voyageurs du quotidien.
Le coût des travaux sur les 32 kilomètres d’infrastructure, dont 24 sur le réseau existant, est évalué à 1,4 milliard d’euros hors taxes aux conditions économiques de 2014. Ce coût intègre notamment un véritable engagement, à hauteur de près de 130 millions d’euros, pour les transports du quotidien correspondant notamment à des travaux substantiels sur le réseau existant visant à assurer la robustesse et la régularité du RER B, de la ligne K du Transilien et des TER Picardie. Ces travaux viennent s’ajouter au considérable effort d’investissement réalisé il y a seulement quelques années sur le RER B Nord+ et au nouveau schéma directeur du RER B qui lui succède et qui est en cours de mise en œuvre.
Rappelons à ce titre que le RER B possède ses voies dédiées et n’utilise pas nominalement les voies qui accueilleront CDG Express. Les investissements prévus permettent de limiter la coexistence des deux services sur les mêmes voies aux seules situations exceptionnelles. Je salue ici le travail de partenariat mené avec le Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF – pour s’assurer que le projet CDG Express permettra le maintien de la qualité de service du RER B en particulier.
Les études seront poursuivies en concertation avec le STIF et les exploitants du RER et du Transilien afin d’affiner les investissements de robustesse inclus dans ce projet dans le cadre de la délibération menée par le STIF. La concertation avec les acteurs du territoire mérite d’être poursuivie afin de les rassurer sur ce point. Par ailleurs, l’insertion architecturale et urbaine du projet fait l’objet d’une attention particulière afin de préserver et d’améliorer le cadre de vie des riverains. Les élus et populations concernés sont et seront étroitement associés à la définition des aménagements.
Concernant plus spécifiquement le secteur de la Porte de la Chapelle, je salue l’important travail réalisé avec la Ville de Paris pour définir les travaux d’accompagnement du projet, qui ont été inscrits dans l’enveloppe globale. Je peux vous garantir ici que, grâce à ce travail, le projet CDG Express est cohérent avec l’ensemble des projets d’aménagement de la ville dans le secteur. La concertation avec les acteurs locaux mérite également d’être poursuivie.
Le projet a bénéficié d’une déclaration d’utilité publique en 2008. Depuis, ni son tracé, ni ses emprises, ni ses fonctionnalités n’ont connu de modification, même si le travail continue, notamment sur les aspects que je viens d’évoquer. Par ailleurs, compte tenu des évolutions du montage, du coût et du financement du projet, une enquête publique modificative a eu lieu entre le 8 juin et le 12 juillet derniers. L’avis de la commission d’enquête est attendu pour la fin du mois et la déclaration d’utilité publique modificative pour début 2017.
Au sujet de la maîtrise des impacts sur l’environnement, je tiens à préciser que la société de projet devra déposer un dossier afin d’obtenir une autorisation environnementale unique. Ce dossier comprendra une nouvelle étude d’impact sur l’environnement qui inclura notamment une étude acoustique complémentaire, un bilan faune-flore complémentaire et de nouvelles cartes prenant en compte la ligne 17. Elle sera soumise à l’appréciation du public au cours d’une enquête publique, actuellement prévue pour 2018, après avis de l’Autorité environnementale. Il résulte de ce qui précède que le public a disposé et disposera encore de l’ensemble des informations nécessaires à l’exacte appréhension du projet et de l’évolution de certaines de ses composantes et que le dossier d’enquête publique a été actualisé en cohérence avec la position du Conseil d’État.
S’agissant du montage économique, la nouvelle approche, prenant acte de l’échec de la concession privée survenu en 2011, repose désormais sur la séparation des missions de construction de l’infrastructure et d’exploitation du service de transport ferroviaire. D’une part, c’est à une société de projet, filiale à créer entre SNCF Réseau et Aéroports de Paris – ADP –, que sera confiée l’attribution de la mission de conception, de construction, de financement et d’entretien de l’infrastructure. La mobilisation et l’engagement de deux acteurs ont semblé incontournables pour la réussite du projet, en particulier le gestionnaire de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, pour qui ce projet est une condition fondamentale de développement. D’autre part, la mission d’exploitation du service de transport ferroviaire sera confiée à un opérateur ferroviaire.
Le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les députés, vise à créer les fondements législatifs qui rendront possible ce projet. L’article 1er ratifie l’ordonnance du 18 février 2016 suite à l’avis favorable de la Commission européenne sur ce montage. Celle-ci permet principalement à l’État de signer en gré à gré un contrat de concession de travaux avec la société de projet à créer, associant SNCF Réseau et ADP, et le cas échéant un tiers investisseur. Elle encadre les obligations des parties et s’assure que la société s’appuie sur les compétences des gestionnaires que sont SNCF Réseau, Aéroports de Paris et la branche Gares et Connexions de SNCF Mobilités.
L’article 2 permet à l’État de désigner l’exploitant par voie d’appel d’offres selon les mêmes modalités que celles retenues pour le réseau de transport du Grand Paris Express qui sera progressivement mis en service au même horizon que CDG Express. De fait, les spécificités du nouveau service CDG Express en font une liaison qui n’est pas comparable aux services de transport ferroviaire de personnes actuellement assurés par SNCF Mobilités sur le réseau ferré national.
Enfin, je dirai un mot du modèle économique de ce projet, même s’il n’est pas directement visé par le texte de loi. Je confirme tout d’abord que ce projet sera financé sans subvention publique. Un financement dans le cadre du plan Juncker a par ailleurs été sollicité. Le plan de financement repose essentiellement sur la billetterie qui financera les coûts d’exploitation du service et les péages ferroviaires confiés aux gestionnaires d’infrastructure. Toutefois, les résultats de la modélisation indiquent que les ressources financières tirées de la billetterie pourraient ne pas être suffisantes. C’est pourquoi il est envisagé d’affecter à la société de projet le produit d’une taxe dédiée prélevée sur les voyageurs aériens. Cette taxe ne s’appliquerait ni aux passagers de l’aéroport Paris-Orly ni aux passagers en correspondance à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
Cette piste reste à l’étude, et n’a pas fait l’objet de décision définitive à ce jour, sachant qu’elle devra, le moment venu, être préalablement autorisée par la Commission européenne. J’ai entendu les réactions à cette hypothèse, en particulier celles des compagnies aériennes. Le travail se poursuit afin de trouver une solution acceptable par tous.
S’agissant de la possibilité pour SNCF Réseau d’investir dans cette société de projet, la loi portant réforme ferroviaire impose désormais l’application d’une règle d’or au financement par SNCF Réseau des projets de développement. Afin d’éviter tout risque juridique, et comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de l’examen de ce texte en commission, le Gouvernement a déposé un amendement, que je soutiendrai, visant à explicitement faire en sorte que la règle d’or ne s’applique pas à ce projet, compte tenu de sa spécificité.
En effet, ce projet comprend une part importante d’investissements de renouvellement et d’amélioration de la performance du réseau existant, tant sur les voies empruntées par le CDG Express que sur d’autres voies. Par ailleurs, la participation de SNCF Réseau prend la forme de fonds propres à une société de projet, avec un montant et des risques très réduits par rapport à ce qui aurait été le cas si l’EPIC SNCF Réseau avait dû assumer lui-même l’investissement.
Au cours des derniers mois, des étapes importantes de ce projet ont pu être franchies, avec la mobilisation des acteurs concernés. Mais cette loi donne le véritable top départ pour préparer et réussir la mise en œuvre de cette liaison dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Si nous manquons cette occasion, l’amélioration de la liaison entre l’agglomération parisienne et son plus grand aéroport international ne pourra être envisagée avant de nombreuses années.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j’espère vous avoir convaincus de l’importance de voter ce texte, pour la réussite de ce projet majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Philippe Duron, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, chers collègues, qui d’entre nous n’a pas déjà ressenti l’appréhension, voire l’anxiété de se retrouver ralenti, bloqué dans les transports entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle ? Que l’on prenne le RER B ou que l’on emprunte l’autoroute A1, nous n’avons jamais de certitude sur notre temps de parcours, et donc sur les risques de manquer un avion ou un rendez-vous important. Or ce que nous avons appris à subir avec résignation est souvent perçu par les voyageurs internationaux comme insupportable au regard de ce qu’ils connaissent dans d’autres capitales.
Nous sommes en présence d’une anomalie française : Paris demeure l’une des dernières capitales de taille mondiale à ne pas disposer d’une liaison ferroviaire directe entre son centre et sa principale plate-forme aéroportuaire, pourtant la deuxième en Europe par son trafic.
Cela amène le Gouvernement à relever deux défis. Celui de l’attractivité, d’abord : Paris, première destination touristique au monde, aspire à renforcer cette vocation mais aussi à attirer des événements ou des activités liés à son rôle de métropole mondiale. Le défi de l’environnement, ensuite : un tiers du trafic sur les autoroutes A1 et A3 est lié à l’activité de la plate-forme aéroportuaire, ce qui contribue à accroître très fortement la pollution, déjà préoccupante dans la région francilienne.
Ces raisons ont amené le Gouvernement à relancer, en octobre 2014, le projet de liaison ferroviaire directe entre Paris et Charles-de-Gaulle, appelé « CDG Express ». Cette ligne vise à relier le terminal 2 de Roissy à la gare de l’Est en vingt minutes, sans arrêt, et ce toute l’année. « Relancer », car une première version du projet avait échoué en 2011, faute de robustesse du plan de financement prévu pour assurer l’équilibre de l’opération. Ce projet avait notamment pâti gravement de la crise financière puis économique de notre pays.
« Relancer », donc, avec une nouvelle construction juridique et économique, qui permettra de mettre CDG Express en service en décembre 2023, peu de temps avant la tenue espérée des Jeux Olympiques et Paralympiques sur notre territoire, en 2024, et celle de l’Exposition universelle, en 2025.
C’est bien le montage juridique et financier qui est modifié dans cette seconde version, non le tracé. Celui-ci reste identique : d’une longueur de 32 kilomètres, il présente l’avantage incontestable d’utiliser en grande majorité des voies existantes, sur 24 kilomètres, et de longer, pour les 8 kilomètres restants, le tracé de la LGV vers Lille, limitant ainsi fortement le besoin d’emprises foncières. C’est d’ailleurs au nom de cette constance du tracé que le Gouvernement n’a pas estimé nécessaire de réaliser une nouvelle étude d’impact, ce que le Conseil d’État a validé.
Avec le texte de loi qui nous est présenté aujourd’hui, il s’agit donc d’examiner la faisabilité technique et juridique de ce nouveau projet. Il s’agit bien, je tiens à le souligner, de discuter des modalités de réalisation de ce projet et non de sa légitimité, qui a déjà été validée à trois reprises par votre assemblée, en 2006, en 2010 et en 2015, et qui a fait l’objet d’une concertation publique.
Mes chers collègues, ce texte est court – deux articles seulement –, mais il est indispensable pour la réalisation de cette infrastructure. Après l’échec du précédent projet qui prévoyait une concession globale associant l’infrastructure et l’exploitation, le Gouvernement a conçu ici un montage innovant et inhabituel, séparant la mission de gestionnaire d’infrastructure de celle d’opérateur de transport.
L’article 1er porte ainsi sur l’infrastructure. Il vise à ratifier l’ordonnance du 18 février 2016, qui permet à l’État de signer de gré à gré un contrat de concession avec une société de projet, composée de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris, pour la mission de conception, le financement, la réalisation et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire du CDG Express. Il n’est pas exclu que la Caisse des dépôts et consignations figure également parmi les actionnaires de la société. Il n’y aura donc pas de mise en concurrence pour l’attribution de cette concession. C’était là l’une des conditions nécessaires pour ne pas retomber dans les difficultés de procédure du premier projet.
L’article 2 porte, quant à lui, sur le choix de l’exploitant du service de transport. Il vise à permettre, compte tenu des spécificités du projet, sa désignation par voie d’appel d’offres selon les mêmes modalités que celles retenues pour les exploitants du Grand Paris Express. Cette procédure de mise en concurrence devrait être lancée dès 2017 et aboutir en 2019.
La rédaction de cet article laisse une grande latitude à l’État dans le choix du type de mise en concurrence qui sera utilisé pour désigner l’exploitant, ce qui a été validé par le Conseil d’État. L’article dispose simplement que le processus devra respecter les principes généraux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Il est ainsi acquis que d’autres entreprises que SNCF Mobilités pourront faire acte de candidature et se voir attribuer l’exploitation du service.
Si le choix de la procédure de désignation ne pose aucun problème juridique, il convient en revanche d’être vigilant sur l’éventualité d’une rupture d’égalité de traitement des candidats, en raison du régime juridique des gares ferroviaires : en effet, un « avantage comparatif » pourrait être donné de facto à SNCF Mobilités, si elle se porte candidate, en raison de la branche « Gares et Connexions » dont elle a la tutelle et qui gère la gare de l’Est et une partie de la future gare « CDG Express » de l’aéroport. Il semble donc important que le Gouvernement, qui doit se prononcer prochainement sur la gestion des gares de voyageurs, puisse analyser et résoudre cette question juridique avant l’engagement de la procédure de mise en concurrence sur le CDG Express.
Ce montage juridique infrastructure-exploitation, bien qu’inhabituel, a été jugé compatible avec la politique européenne de la concurrence. Il n’est d’ailleurs pas inédit et a recueilli l’assentiment des trois directions générales concernées de la Commission européenne, au motif que l’équilibre global est conforme aux exigences de transparence et de libre concurrence.
Le financement de l’investissement nécessitera, en plus de l’apport en fonds propres des partenaires, un emprunt contracté auprès de prêteurs privés et publics. Son équilibre global a nécessité d’introduire une taxe perçue sur les passagers de l’aéroport de Roissy, à l’exclusion des passagers en correspondance. La mise en place de cette taxe n’est pas examinée dans le cadre de ce projet de loi mais devrait l’être en loi de finances rectificative, à la fin de cette année. Fixée a priori à 1 euro par billet, cette taxe serait instaurée, si le Parlement y consent, dès le 1er avril 2017, c’est-à-dire dès les phases de travaux, et serait perçue au profit unique du gestionnaire d’infrastructure, afin de lui assurer la viabilité de son emprunt.
Les discussions lors de l’examen du texte par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ont montré une quasi-unanimité en faveur de ce projet. Pour autant, des points d’attention ont été soulevés. Nos collègues franciliens – notamment Jean-Pierre Blazy, Yves Albarello et Patrice Carvalho – ont rappelé l’importance de protéger et d’améliorer les conditions de transport des 900 000 voyageurs qui, chaque jour, empruntent le RER B, la deuxième ligne ferroviaire de notre pays. Ils ont également souligné l’importance du Grand Paris Express et notamment de la ligne 17, qui devrait voir le jour au début des années 2020.
Je ne peux que rejoindre ces positions et appeler les porteurs du projet à bien s’assurer que la création du CDG Express soit compatible avec la modernisation du RER B et qu’elle ne perturbe pas son fonctionnement. À cet égard, je me réjouis que le projet prévoie de consacrer une enveloppe de 125 millions d’euros à l’amélioration de la résilience du RER B.
J’ajouterai que, contrairement à ce que pensent certains, CDG Express ne concurrence pas ces deux services ferroviaires que sont le RER B et la ligne 17 ; il les complète, en ajoutant capacité et qualité sur le cadran nord-est francilien du réseau, amené à connaître une augmentation continue de flux dans les années à venir. Pour autant, il est apparu que la démarche d’information et de concertation avec les habitants et les territoires mériterait d’être renforcée, afin que ceux-ci puissent saisir tous les enjeux du projet.
Par ailleurs, ce projet aura des conséquences très importantes sur le 18éme arrondissement de Paris. Les élus ont souligné la nécessité de prendre en compte les problèmes urbains de ce territoire, notamment autour de la Porte de la Chapelle. Je pense aussi au projet de parc urbain Chapelle-Charbon ainsi qu’au parc d’activité CAP 18.
Les travaux en commission ont également porté sur le plan de financement prévu. De nombreux collègues ont souligné l’intérêt qu’il y aurait à élargir l’assiette de la taxe à d’autres recettes d’Aéroports de Paris, comme celles provenant des boutiques et des parkings.
Enfin, l’apport en capital de SNCF Réseau a fait débat : est-il compatible avec la règle d’or ? Mais cela n’est pas l’objet de notre débat. Le Gouvernement a déposé un amendement, qui n’a pu être examiné par la commission.
La discussion générale montrera, j’en suis sûr, votre soutien à ce projet essentiel pour la place de Paris et la plate-forme de Roissy, dans un environnement concurrentiel très important. Le calendrier de candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025 explique l’urgence qui a été décrétée sur ce texte de loi. Nous devons adopter celui-ci sans tarder non seulement pour répondre aux enjeux économiques de l’Île-de-France, mais aussi pour améliorer la qualité et la capacité du transport de voyageurs entre la capitale et la première plate-forme aéroportuaire française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Patrick Ollier et M. Jean-Christophe Fromantin. Très bien !
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gilles Savary.
M. Gilles Savary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de transports publics, notre pays est un peu paradoxal. Alors que, de l’ingénierie à l’exploitation, il est un leader mondial avec les succès que l’on sait sur les marchés extérieurs, alors que ses atouts sont immenses dans un environnement mondialisé, aussi bien sur le plan économique qu’en termes de mobilité, il présente aussi de sérieux retards qui ne tiennent qu’à lui. Ainsi, il ne s’est ouvert que très récemment à l’intermodalité par rapport à de nombreux pays d’Europe et du monde.
C’est le cas pour le fret ferroviaire qui pâtit d’une très faible desserte des ports, mais c’est vrai aussi du fret passager avec une très mauvaise desserte des aéroports, en particuliers les grands aéroports de la région parisienne. Ces derniers font le prestige de la France mais ils ne sont pas reliés directement à la capitale, qui est la première destination touristique mondiale, contrairement à ceux de nombreuses autres grandes villes du monde – Hong Kong, Rome, Athènes, Vienne, Londres, sont directement reliées à leurs aéroports, ce qui facilite l’accès au centre-ville.
Notre pays a longtemps mené des politiques modales cloisonnées, jamais véritablement intégrées, qu’elles soient ferroviaires, maritimes, aériennes ou maritimes, mais nous savons aujourd’hui, après une prévention longtemps entretenue, que l’intermodalité a un effet multiplicateur de trafics pour tous et qu’il ne restreint les déplacements de personne. Plus nous sommes organisés de façon intermodale, plus le trafic est facilité.
Ce projet de loi emblématique est très important. Il est l’un des premiers grands projets intermodaux de notre pays et vise à relier les aéroports de la région parisienne, qui sont parmi les tout premiers d’Europe, en particulier celui de Paris-Charles-de-Gaulle, deuxième d’Europe, après celui de Londres-Heathrow, au centre de Paris en une vingtaine de minutes.
L’objectif est non seulement d’améliorer le confort des usagers de l’avion, des Parisiens qui partent vers des destinations lointaines, mais aussi de respecter nos engagements en faveur du climat. Ceux qui empruntent régulièrement l’A1 et l’A3 me comprendront.
Ce projet n’est pas nouveau, et ce qu’enseignent les vicissitudes et les débats qui l’ont accompagné, c’est que le temps qui passe ajoute des obstacles aux obstacles, au sein d’une zone urbaine dense, qui en renchérit les coûts et en complexifie les conditions d’insertion.
Évalué à 600 millions d’euros aux conditions économiques de janvier 2006, son coût total est estimé à 1,4 milliard d’euros aujourd’hui. Le temps qui passe n’est pas simplement du temps perdu ; c’est aussi de l’argent perdu. Il s’agit de libérer une infrastructure ferroviaire dédiée de 32 kilomètres, dont l’aménagement de 24 kilomètres de ligne existante et 8 kilomètres de lignes nouvelles dont la création de deux sections pour raccorder la gare du Nord à la gare de l’Est ainsi que la construction de deux nouvelles voies entre Mitry-Mory et Roissy-CDG2.
Il est tout à fait légitime que ce projet ait suscité des interrogations et des débats, en regard de la dégradation croissante des conditions de transport infligées à de très nombreux usagers quotidiens, captifs d’un RER B qui a longtemps incarné à lui seul l’abandon injustifiable du réseau ferré d’Île-de-France par l’État depuis de trop nombreuses années.
Mais, précisément, il s’agit non pas d’une liaison de service public, mais d’une liaison commerciale, indissociable du service offert par l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, deuxième plus grand aéroport d’Europe.
Elle sera mieux adaptée que le RER au transport de familles avec bagages, tout en libérant celui-ci de ces publics, au profit des usagers quotidiens.
Surtout, Charles-de-Gaulle Express ne bénéficiera pas de financements publics, et ne compromettra pas la modernisation du RER B qui constitue désormais une priorité conjointe de l’État et du STIF avec la perspective d’ores et déjà arrêtée de 500 millions de travaux, visant à garantir aux Franciliens du nord-est de l’agglomération, la qualité de service irréprochable qu’ils sont en droit d’exiger.
Charles-de-Gaulle Express, qui ne sera pas un train de banlieue, c’est-à-dire un train de cabotage de gare en gare, vise trois objectifs. Le premier, qui explique que nous ne pouvons nous opposer à ce projet, est d’être prêts pour les Jeux Olympiques de 2024. Le second est d’en faire un levier supplémentaire de développement touristique de la capitale.
Enfin, le troisième vise à répondre aux ambitions écologiques de la France et à son engagement exemplaire dans la COP 21 de réduire l’émission de gaz à effets de serre, en encourageant les Franciliens à abandonner l’automobile pour se rendre à l’aéroport.
Ne confondons pas les échéances, et tenons-nous en à ce que ce projet de loi nous demande : permettre juridiquement la création de la société de projet. C’est l’objet de son article 1er qui autorise la ratification de l’ordonnance du 18 février 2016.
L’ordonnance prévoit la création d’une société de projet ad hoc, dont les deux principaux actionnaires seront SNCF Réseau et Aéroports de Paris, dans l’attente que des tiers s’y associent.
Par ailleurs, l’article 2 du projet de loi a pour objet de modifier l’article L. 2111-3-1 du code des transports pour permettre une mise en concurrence du futur exploitant de cette ligne ferroviaire, de façon synchrone avec la date limite d’ouverture du trafic national passagers que Bruxelles a fixée à 2023.
Il n’y a donc pas d’obstacle pour le groupe socialiste, si ce n’était de vouloir à toute force atermoyer et perdre encore du temps et de l’argent, à ce qu’il vote cette loi !
Un autre débat sera celui des conditions de financement du projet. Il apparaît notamment qu’en arrêtant le prix du titre de transport à 24 euros, soit pour une personne seule, un tarif inférieur au forfait taxi – entre 50 et 55 euros selon que l’on parte de la rive droite ou de la rive gauche – mais toujours supérieur pour une famille, le plan de financement envisagé nécessite une recette complémentaire, dont on nous dit qu’elle pourrait consister en une taxe d’un euro sur le prix du billet d’avion pour les seuls passagers aériens en partance ou à destination de Paris, c’est-à-dire à l’exclusion des passagers en correspondance.
Nous sommes un certain nombre ici à considérer que l’extrême fragilité financière des compagnies aériennes, et en particulier d’Air France, mérite une certaine circonspection à l’égard de cette nouvelle perspective de taxation. Elle s’ajouterait pour Air France à la taxe « Chirac » visant à financer la lutte contre le virus du Sida, que notre compagnie nationale est la seule au monde à acquitter, et qu’il ne saurait être question de supprimer.
Je dois vous avouer, monsieur le secrétaire d’État, que, dans les rangs mêmes du groupe socialiste, d’aucuns considèrent qu’il n’y a pas de fatalité à ce que les compagnies aériennes soient les seules à supporter cette contribution.
Il nous semble que ce reste à financer devrait être réparti plus équitablement entre les compagnies et Aéroports de Paris. Il ne faut pas nous faire croire que ce sont les Parisiens qui vont faire leurs courses matin et soir dans les galeries commerciales de l’aéroport ! S’il n’y avait pas de compagnie aérienne pour amener des clients, ADP ne pourrait disposer d’une double caisse et des profits commerciaux que l’on connaît, à hauteur de 900 millions d’euros de chiffre d’affaires par an ! Une contribution serait la moindre des choses. À défaut de la faire peser sur les commerces, on pourrait la faire supporter par les parkings d’aéroport, au titre d’une politique bien comprise d’incitation au transfert modal visant à dissuader de prendre sa voiture.
Car rien ne nous garantit, monsieur le secrétaire d’État, qu’une telle taxe ne soit pas irrésistiblement inflationniste à la faveur soit d’une sous-estimation du trafic, soit plus prosaïquement d’un dépassement du coût d’objectifs des travaux ! En tout cas, d’illustres précédents nous en préviennent ! Il ne fait nul doute que ce débat sera vif, ici au Parlement, le moment venu.
Afin de permettre à SNCF Réseau d’investir sa part dans CDG Express, le Gouvernement, par voie d’amendement, nous propose que ce projet déroge à la « règle d’or » introduite par la loi de réforme ferroviaire censée limiter l’endettement de SNCF Réseau, et dont le décret d’application est par ailleurs impatiemment attendu.
On peut certes comprendre que l’on ne compromette pas un projet d’une telle importance, sous prétexte que SNCF Réseau porte une dette considérable et sans équivalent en Europe – de l’ordre de 50 milliards si l’on ajoute les deux EPIC.
Mais je me permets, très personnellement, en ma qualité de rapporteur de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, et sans prétendre engager le groupe socialiste, de vous rappeler que cette règle d’or a été introduite dans la loi afin de stabiliser la dette de SNCF Réseau à échéance de 2025, qui est l’objectif majeur assigné à cette réforme ferroviaire.
Il est tout de même préoccupant pour la représentation nationale qu’une disposition phare, dont nul ne conteste l’utilité et dont elle est à l’origine, tombe au premier grand projet venu.
Et je ne vous cacherai pas ma crainte que cette méthode dérogatoire, qui consisterait alors à « balkaniser » une nouvelle envolée de la dette ferroviaire en sollicitant systématiquement des dérogations à la règle d’or, projet après projet, devienne l’habitude. Alors, je vous le dis, notre système ferroviaire, déjà très mal en point, se trouverait confronté à des injonctions contradictoires de nature à compromettre la relance du rail, attendue par la réforme ferroviaire.
Comment ne pas voir que s’il en était ainsi, il deviendrait très difficile d’exiger du corps social de la SNCF, dont on connaît les résistances à la réforme et à la productivité, de produire des efforts anéantis par ailleurs par l’État ?
Je souhaite qu’il s’agisse là d’une exception « exceptionnelle », que l’on n’en fasse pas une nouvelle règle de financement des grandes infrastructures qui conduirait à la fuite en avant de la dette. D’habitude, on la mettait sous le tapis de SNCF Réseau, là on pourrait la mettre sous le tapis de différentes sociétés de projets.
Vous avez toute notre confiance, monsieur le secrétaire d’État, et nos encouragements pour que la liaison ferrée Charles-de-Gaulle Express ne prenne pas de retard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello.
M. Yves Albarello. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsque nous avons voté en 2010 le projet de loi relatif au réseau de transport du Grand Paris dit « Grand Paris Express », nous savions qu’il conviendrait de compléter ce réseau par la création d’une desserte spécifique directe de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle depuis Paris.
En effet, cette liaison spécifique directe n’avait pas été réalisée lors de la mise en service de l’aéroport il y a quarante-deux ans. Le succès croissant de celui-ci, l’augmentation régulière de son trafic – il est deuxième en nombre de passagers, premier en nombre de mouvements, et lorsque les Anglais auront quitté définitivement l’espace européen, il deviendra le premier aéroport européen –, l’ouverture de nouvelles aérogares, sa desserte par le TGV Nord-Sud, ont rendu indispensable et urgente la réalisation de cet équipement.
D’autres grands aéroports internationaux, concurrents de Paris, se trouvent ainsi équipés. Paris attend toujours. Paris est en retard.
Or, nous savons qu’il serait vain d’espérer obtenir l’accueil des Jeux Olympiques en 2024, ainsi que celui de l’Exposition Universelle en 2025, si cette liaison directe indispensable entre la capitale et son principal aéroport ne voyait pas le jour avant ces échéances.
Le Gouvernement nous propose donc un projet, le « Charles-de-Gaulle Express » ou « CDG Express », qui « vise à réaliser une liaison ferroviaire rapide, directe et à haut niveau de service entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. La mise en service est prévue à la fin 2023 ».
Sur le principe, nous ne pouvons qu’approuver ce texte, le Gouvernement reprenant à son compte un projet que nous avions déjà présenté avant 2012, car il relève du bon sens et de l’intérêt général bien compris.
Nous regrettons toutefois qu’il ait fallu quatre années à l’actuel Gouvernement pour se convaincre du bien-fondé de cette idée que nous avions exprimée à l’occasion de la loi sur le Grand Paris.
Mais mieux vaut tard que jamais et nous n’allons pas reprocher au Gouvernement d’avoir, pour une fois, fait sienne une bonne idée qui ne venait pas de lui.
Cela étant, si nous sommes effectivement favorables au projet CDG Express dans son principe, nous ne sommes pas, pour autant, pleinement satisfaits du texte gouvernemental. En effet, celui-ci comporte, à mes yeux, trois insuffisances.
La première concerne les garanties qu’il convient d’apporter à l’exploitation du RER B existant ainsi qu’à la ligne K de la SNCF.
Depuis quatre décennies maintenant, cette ligne RER et cette ligne SNCF irriguent de façon importante le nord de la Seine-et-Marne ainsi que l’Oise toute proche par-delà l’aéroport lui-même et une partie du Val d’Oise. Ces deux lignes ont besoin d’être correctement entretenues et de bénéficier d’améliorations techniques qui ont déjà été définies. En aucun cas, la création du CDG Express ne doit remettre en cause ces améliorations indispensables qui sont indépendantes de la réalisation du CDG Express.
En outre, l’exploitation du CDG Express, sur des voies spécifiques qui lui seront dédiées, ne doit avoir aucune incidence sur le bon fonctionnement des deux lignes RER B et Transilien K. Les lignes doivent être indépendantes, sans qu’il soit possible, pour une raison ou pour une autre, de basculer les trains du CDG Express sur les voies du RER B ou de la ligne K. Cette indépendance entre les deux catégories de lignes doit être solennellement rappelée dans les textes et respectée dans les faits. Si tel n’était pas le cas, la desserte de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle serait fortement dégradée et la crédibilité du nouvel équipement remise en cause.
Le projet de loi est muet à cet égard. C’est pourquoi, le groupe Les Républicains au nom duquel je m’exprime, demande solennellement au Gouvernement de fournir toutes assurances à ce sujet : le CDG Express ne doit en aucun cas impacter la ligne B du RER et la ligne K du Transilien.
Le CDG Express devant être mis en service fin 2023, nous aurons d’ici à cette date la possibilité de contrôler si le programme de modernisation et d’amélioration des lignes B et K est normalement respecté. Nous ne manquerons pas d’être vigilants et de signaler tout manquement à cet égard.
La seconde insuffisance concerne le financement du projet. Le texte ne contient aucune disposition précise à ce sujet. Faut-il en déduire que ce sera la société détenue majoritairement par SNCF Réseau et Aéroports de Paris qui devra assurer la totalité du financement de l’opération ? Certes, l’article 1er de votre projet, monsieur le secrétaire d’État, indique que cette société a, parmi ses objets, le financement de cette « infrastructure ferroviaire destinée à l’exploitation d’un service de transport de personnes entre Paris et l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle ». Soit, mais la nature de ce financement n’est pas précisée.
Nous savons qu’Aéroports de Paris dispose de ressources financières importantes et il est normal qu’il en consacre une partie significative à la réalisation de cette liaison ferroviaire dont il est directement bénéficiaire à travers les passagers qui l’emprunteront. D’ailleurs, il y a une quarantaine d’années, Aéroports de Paris avait contribué au financement d’infrastructures de desserte, la RN2 notamment. En revanche, nous savons dans quel état se trouve aujourd’hui SNCF Réseau, ployant sous les dettes alors que son réseau général, négligé pendant des années au profit du « tout TGV », a besoin d’un effort d’investissement sans précédent. Dans ces conditions, comment la SNCF trouvera-t-elle les ressources pour financer la part du CDG Express qui lui revient ?
Il se dit également qu’une taxe, d’un montant proche de 1 euro, serait créée pour apporter une partie du financement nécessaire au CDG Express. Perçue sur les passagers, au départ ou à l’arrivée de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, elle pourrait rapporter entre 35 et 40 millions d’euros par an en année pleine. Si elle était perçue dès 2017, moyennant une création dans la loi de finances rectificative de fin d’année, elle pourrait ainsi rapporter d’ici à fin 2023 entre 245 et 280 millions d’euros. Nous sommes loin du montant des besoins, qui a été chiffré à plus de 1 milliard d’euros pour les infrastructures, auquel il faut ajouter environ 300 millions d’euros pour le matériel roulant. Cette taxe devrait donc continuer d’être perçue au-delà de 2023. Pendant combien de temps ? Mystère !
Pour notre part, nous estimons que la création d’une nouvelle taxe sur les passagers serait une fausse bonne idée. D’abord, parce qu’il s’agirait d’une nouvelle mesure fiscale venant en contradiction avec la pause fiscale annoncée solennellement par le Président de la République et le Premier ministre. Ensuite, parce que, dans les faits, c’est la compagnie Air France, notre compagnie nationale, qui serait pénalisée plus que toute autre compagnie aérienne. Or, nous le savons aussi, comme la situation financière de la SNCF, la situation financière d’Air France n’est pas bonne. Air France souffre déjà de la « taxe Chirac » pour l’environnement, à laquelle ses concurrents ne participent que très faiblement. Elle est donc déjà pénalisée par rapport à ces derniers. Veut-on maintenant lui infliger une double peine avec cette taxe sur les billets s’ajoutant à la « taxe Chirac » ? Nous préférerions une réforme, un aménagement de la « taxe Chirac » dont une partie du produit pourrait servir à financer la réalisation du Charles-de-Gaulle Express. Naturellement, cette solution ne ferme pas la porte à d’autres possibilités, sous réserve que l’on accepte de ne pas augmenter la masse fiscale générale.
Pour terminer, je voudrais apporter une proposition constructive qui ne se trouve pas dans le présent projet de loi. Il s’agit de donner aux personnels travaillant sur la plateforme de Roissy-Charles-de-Gaulle la possibilité d’utiliser régulièrement le Charles-de-Gaulle Express à un prix abordable. En effet, il n’y a pas de raison de réserver cette ligne aux seuls passagers des avions alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes travaillent sur la plateforme aéroportuaire et peuvent avoir besoin de ce transport rapide et sûr. S’il est évident qu’elles ne peuvent payer, à chaque trajet, la somme de 24 euros aujourd’hui donnée en référence, ne pourrait-on pas en revanche, sur le modèle du « Pass Navigo » utilisé dans toute l’Île-de-France, créer un « Pass CDG Express » d’un prix mensuel ou annuel raisonnable que les milliers de salariés travaillant sur la plate-forme aéroportuaire pourraient se procurer, laissant ainsi leur voiture au garage pour le plus grand bénéfice de la fluidité de la circulation et de l’amélioration de l’environnement ? Je sais qu’une telle mesure ne peut trouver place dans la loi, mais il importe qu’elle soit envisagée dès maintenant afin que le dispositif soit complet et opérationnel dès l’achèvement des travaux d’infrastructures.
Telles sont les observations que le groupe Les Républicains entend apporter au projet de loi qui nous est soumis. Sous réserve de leur prise en considération, nous voterons ce texte car, par-delà les divergences politiques qui nous séparent, il traduit un réel progrès en faveur du rayonnement de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, qui n’est pas seulement le premier des aéroports parisiens, mais aussi celui de la France tout entière, et notre pays bénéficie de ses retombées bien au-delà de l’Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à voter pour ratifier une ordonnance relative au projet de liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. Il s’agit de valider les modalités choisies par le Gouvernement pour la construction puis l’exploitation de cette ligne.
À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous mets solennellement en garde s’agissant des modalités de mise en œuvre de ce projet, qui sont pour nous totalement effrayantes. Nous ne comprenons pas ce qui a pu conduire à aggraver la dette de plus en plus monstrueuse du groupe ferroviaire avec des infrastructures financées, dans leur majorité, par notre société nationale. Pensant que la leçon avait été comprise, nous avons voté à la quasi-unanimité une « règle d’or » qui devait mettre un terme à cette dérive. Or le premier projet arrivant en discussion la transgresse avant même qu’elle ne commence à être mise en œuvre !
Certes, le législateur s’est déjà prononcé à plusieurs reprises en faveur du projet. Il est évident que nous avons besoin de cette infrastructure. Dans une logique de compétitivité, il faut doter l’aéroport Charles-de-Gaulle de cette liaison fournissant un service de transport fiable, et il est également nécessaire de désengorger les axes routiers A1 et A3 qui le desservent. Ce point ne soulève aucune controverse.
En outre, d’un point de vue écologique, les avantages sont indéniables. Certains des usagers du RER B pensent qu’il conviendrait de remettre à niveau cette ligne en priorité. Il faut le faire, évidemment, et nous serons comme vous attentifs à l’amélioration d’une qualité de service qui reste, à bien des égards, déplorable. Mais cette ligne seule, avec déjà 900 000 usagers par jour, n’est pas en mesure d’absorber à la fois la fréquentation en hausse des voyageurs du quotidien et celle, prévue également à la hausse, des passagers aériens.
Disons-le clairement : nous ne remettons aucunement en question le bien-fondé du projet, malgré tout des écueils de taille qui d’ores et déjà se font jour.
Sur le fond, permettez-moi une première observation : ce projet s’appuie sur une étude d’impact de 2007 qui, hélas, n’a pas été actualisée faute d’une véritable enquête publique, comme l’a souligné l’Autorité environnementale.
Par ailleurs, si la durabilité du projet est louable et salutaire, force est de constater que sa soutenabilité financière est loin d’être au rendez-vous. Puisque l’on parle d’analyse d’impact, pensez à la ligne Perpignan-Figueras, monsieur le secrétaire d’État. Cet exemple devrait être inscrit en grandes lettres chaque fois que l’on vote un projet d’infrastructures : avec 90 % de fréquentation en moins, ce sont les exploitants qui payent alors que cette belle ligne devait être en équilibre ! Quid, demain, des exploitants du Charles-de-Gaulle Express ?
Nous sommes invités à voter ce projet de loi alors que le Gouvernement vient de remettre au Parlement un rapport aussi insipide qu’affligeant sur la dette de SNCF Réseau – lisez-le, ce n’est pas difficile ! Affligeant par son manque total de propositions. Affligeant parce qu’il acte le fait que le Gouvernement fait totalement fi de son engagement moral pris ici même lors de la réforme ferroviaire, à savoir reprendre tout ou partie de la dette de notre groupe ferroviaire, évaluée à près de 40 milliards d’euros, en contrepartie de réformes structurelles liées au regroupement des activités ferroviaires publiques. En l’absence de ces réformes, on pourrait objecter que cela ne sert à rien, mais tout de même ! Affligeant enfin parce qu’il se permet de minorer les perspectives d’évolution de la dette en fixant un plafond à 50 milliards d’euros là où beaucoup d’observateurs avertis estiment qu’elle dépassera les 70 milliards d’euros au cours des prochaines années. C’est dire, encore une fois, le peu de visibilité et de stratégie auquel se heurte encore et toujours le dossier ferroviaire !
Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur cette nouvelle infrastructure alors que son plan de financement n’est pas encore finalisé et demeure totalement aléatoire. Puisqu’on n’a pas indiqué le montant, il s’agit bel et bien d’un chèque en blanc !
À l’heure actuelle, le plan de conception et de construction est estimé à 1,41 milliard d’euros hors taxes aux conditions économiques de janvier 2014, sans prendre en compte le matériel roulant. Ce dernier, ainsi que divers autres investissements nécessaires à la mise en exploitation du service, est estimé à 285 millions d’euros aux conditions économiques de 2024. Il sera, on le sait, à la charge du groupe qui remportera l’appel d’offres prévu à l’article 2 du texte pour l’exploitation du service de transport de personnes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé avec détermination que ce projet ne donnerait lieu à aucune subvention de l’État, conformément à une disposition de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Dont acte. Cependant, en raison du dispositif retenu par le Gouvernement qui prévoit d’attribuer la construction de l’infrastructure à une société de projet codétenue majoritairement par le groupe Aéroports de Paris et une filiale de SNCF Réseau, c’est un montant pouvant dépasser 900 millions d’euros que cette société de projet va devoir trouver auprès de plusieurs prêteurs – lesquels, du reste, attendent que l’on présente un équilibre avant de prêter. Pour que la société de projet puisse contracter une telle dette, il va falloir qu’elle injecte des fonds propres à hauteur de 30 % du besoin de financement global de 1,4 milliard d’euros, soit entre 200 et 250 millions d’euros respectivement pour Aéroports de Paris et SNCF Réseau.
Cela se traduira par 200 ou 250 millions d’euros de dettes en plus pour la filiale de SNCF Réseau. On n’est plus à cela près, me direz-vous. Mais on fait surtout peser le risque du manque d’équilibre futur de cette opération sur notre opérateur national, et ce risque est évident. Bref, on continue de marcher sur la tête ! Vous bafouez la règle d’or actée par la réforme ferroviaire d’août 2014 avec une tranquillité déconcertante, monsieur le secrétaire d’État. Est-il nécessaire de rappeler le soutien de l’UDI à ce texte qui devait permettre de maîtriser l’endettement du groupe SNCF ? Que n’avons-nous entendu, à l’époque, sur la nécessité d’un accord sur tous les bancs !
En commission, il m’a été répondu que le Parlement avait le pouvoir de défaire ce qu’il avait fait. Soit ! Mais quand nous avons émis l’idée que l’État puisse intervenir directement dans le financement de ce projet d’importance nationale, il nous a été rétorqué que ce n’était pas possible en raison de la loi sur le Grand Paris. Si ce projet met en contradiction deux dispositions législatives adoptées par le Parlement, l’une en 2010, l’autre en 2014, pourquoi ne pas privilégier la disposition la plus sensée et faire prévaloir la loi postérieure sur la antérieure ? Vous avez préféré annoncer que vous auriez recours à un tour de passe-passe juridique, un arrêté signé de votre main devant permettre de ne pas tenir compte de la participation de SCNF Réseau dans la société de projet comme une charge supplémentaire sur la dette consolidée de la SNCF, dette qui s’élève, je le répète, à 40 milliards d’euros, qui dépassera les 50 milliards et qui atteindra 70 milliards si nous continuons comme cela – et il n’y a pas de raison que l’on s’arrête.
En attendant, selon les services de la Direction générale de l’aviation civile, aucune des liaisons ferroviaires analogues au CDG Express dans les autres pays n’atteint l’équilibre financier par les seules recettes de billetterie. Celles-ci sont toujours complétées par des subventions publiques et une contribution versée par l’exploitant de l’aéroport. Sage stratégie, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas faire de même ici ? Eh bien non, le Gouvernement a trouvé la solution : une taxe de 1 euro sur les passagers de l’aéroport qui serait affectée intégralement à la société de projet. On n’est plus à un déficit près ! Comme si Air France, déjà en difficulté, n’avait pas déjà assez à faire face à la concurrence des compagnies low cost…
Pour combler les lacunes de l’État stratège, on fait toujours payer les mêmes, et de préférence nos compagnies nationales déjà dans la tourmente. J’estime que le Gouvernement doit envisager d’autres pistes de financement en vue de garantir le lancement du projet. Le dispositif devait être emblématique, je me rends compte que tel n’est pas le cas !
Dans ces conditions, il serait au minimum souhaitable que l’ARAFER soit saisie du montage financier du projet dès lors que celui-ci sera finalisé. Mais je ne doute pas de la position très claire de l’Autorité sur ce sujet. Elle devra en effet rendre un avis conforme sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation de cette partie du réseau ferré national.
J’espère que toutes ces remarques seront entendues, mais je n’y crois plus. Je dirais même que ce projet en appellera d’autres : la prochaine fois, on fera pareil, on invoquera la jurisprudence du Charles-de-Gaulle Express et on ajoutera du déficit au déficit !
J’ai envisagé de voter contre ce texte, mais au groupe UDI, nous tenons à ce projet. Nous nous abstiendrons donc. Mais je vous le dis solennellement, monsieur le secrétaire d’État, nous considérons que ce projet de loi est lamentable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.
M. Jacques Krabal. Nous sommes donc réunis cet après-midi dans l’hémicycle, en ce jour de rentrée, pour examiner le projet de loi dit « Charles-de-Gaulle Express » ou « Roissy-Express » visant à réaliser une liaison ferroviaire rapide, directe et à haut niveau de service entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
Ce service est censé offrir une liaison de qualité, fréquente et rapide entre la gare de l’Est et le terminal 2 de l’aéroport, soit un trajet de vingt minutes avec un départ toutes les quinze minutes. Dit comme cela, on croit rêver !
La mise en service de cette liaison est prévue à la fin 2023. Ce n’est pas demain, mais c’est tout de même urgent car il s’agit d’un chantier lourd dont le lancement nécessite d’adopter des dispositions législatives. Par ailleurs, le top départ législatif pourrait être un atout supplémentaire pour les dossiers de candidature de la France en vue de l’accueil des Jeux olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025 – candidature que nous soutenons.
Premier élément de débat : fallait-il légiférer par ordonnance ? Question qui passionne nos constitutionnalistes.
Au début des années 2000, Prosper Weil, l’un de nos plus éminents professeurs de droit public, se réjouissait de constater que le nombre d’ordonnances était en baisse constante depuis la Seconde guerre mondiale, se limitant désormais à un nombre de sujets très réduits et uniquement pour des questions techniques complexes ne comportant pas de dimensions politiques particulières.
Malheureusement, depuis ces analyses rassurantes de Prosper Weil, les tendances se sont inversées. Les ordonnances ne sont plus réservées aux sujets techniques et le Gouvernement ne s’en prive pas.
Certains pensent que ce sujet est un bon exemple qui démontre que le Gouvernement se permet de plus en plus de légiférer par ordonnance sur des sujets sur lesquels les parlementaires sont pleinement légitimes pour exercer leur mission de contrôle et de participation au processus législatif.
Je comprends ces arguments, qui peuvent être valables, et je suis attaché au respect des parlementaires, mais en ce qui concerne ce texte, d’autres arguments l’emportent : la complexité des enjeux, la technicité du sujet, l’urgence de lancer les travaux plaident pour une ordonnance.
Ensuite, vous me pardonnerez de ne pas être un élu francilien, directement concerné et au fait de tous les débats et développements qui ont lieu sur le sujet depuis plus de dix ans, au Conseil de Paris et ailleurs. Mais je suis naturellement attaché à ce que notre capitale rayonne dans le monde et je soutiens ce projet.
Cela dit, Paris seul n’est pas la France et je suis aussi très attaché à l’ensemble du territoire français, notamment à ces territoires que nous laissons presque systématiquement sur le bord de la route. Nos territoires ruraux souffrent aujourd’hui de carences immenses en matière de transports ferroviaires. Ils souffrent de la vétusté du matériel roulant ; ils souffrent de la fermeture de lignes, de la fermeture de gares, de la fermeture de sillons ; ils souffrent d’un maillage territorial injuste ; ils souffrent de retards chroniques, croissants et quotidiens ; ils souffrent de la surcharge des wagons de voyageurs, de pannes et d’incidents d’exploitation ; ils souffrent d’abandon, du manque d’entretien et de modernisation du réseau.
Tout cela pénalise fortement la vie privée et professionnelle de millions de voyageurs pendulaires ainsi que l’attractivité et le développement de nos territoires.
Dans le sud de l’Aisne, territoire que je connais bien et que je porte dans mon cœur, aucune intervention de modernisation et d’entretien n’est prévue dans la carte qui a été récemment présentée dans le Journal du dimanche par le président de la SNCF. Pourtant, en coopération avec les associations d’usagers, les élus et les acteurs concernés, nous avons écrit, nous avons organisé des réunions… Je suis moi-même intervenu dans cet hémicycle à ce sujet.
La dernière réunion en date est la table ronde qui s’est tenue le mercredi 20 juillet dernier avec votre soutien, monsieur le secrétaire d’État, et qui a réuni Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, et des représentants des régions Grand-Est et Hauts-de-France ainsi que des usagers. Nous avions alors planifié des axes d’action en matière d’entretien et de modernisation, de politique tarifaire et d’information aux consommateurs. Or qu’en reste-t-il dans la carte sur les projets de la SNCF et de ses partenaires ? Rien ! Rien pour le sud de l’Aisne ! Vous comprenez ma colère.
La ligne TER Vallée de la Marne en est absente, la ligne Fismes-La Ferté-Milon est rayée de la carte alors qu’elle est un axe structurant pour cinq entreprises dans nos territoires ruraux. Ces oublis sont insupportables quand on connaît les besoins criants qui pénalisent les habitants de ces territoires et alors même que la pérennisation de cette voie avait été annoncée pour le transport de marchandises. C’est la même chose pour l’accessibilité de la gare de Château-Thierry : elle est passée à la trappe !
Ces exemples sont symptomatiques, et nous pourrions en trouver bien d’autres. Ils témoignent d’une volonté de privilégier les grandes métropoles, les grands axes, et d’abandonner ceux qui sont peut-être les moins rentables.
Vous me permettrez de m’éloigner du contenu du projet de loi et de profiter de ce débat pour poser quelques questions fondamentales si nous voulons soutenir le développement économique de ces territoires qui doivent bénéficier d’une offre de transport de qualité.
Fernand Braudel, dans son livre référence « L’identité de la France » – qui est une identité rurale ; le sujet est majeur, et tristement caricaturé en ce moment – insiste sur l’armature urbaine française, le maillage Paris-villages-bourgs-territoires ruraux et les services que se rendent mutuellement tous les échelons de ce maillage. Avec les progrès techniques, ce maillage territorial a évolué. Ainsi, en matière d’accessibilité, il faut désormais réfléchir en temps d’accès plus qu’en kilomètres.
Mais permettez-moi un petit rappel, car nous devons être vigilants et veiller à ce que l’Histoire ne se répète pas – elle n’a que trop bégayé depuis vingt ans. Ce qui s’est passé pour le développement des réseaux en France, eau, électricité, gaz, réseau cuivre, téléphone mobile, 3G, 4G, TNT, internet, ADSL, fibre optique… se reproduit pour le ferroviaire. À chaque déploiement, les territoires ruraux sont délaissés !
Voilà les véritables raisons du déclassement, du désespoir, de la colère de la ruralité. Depuis trente ans, à chaque saut technologique, à chaque modernisation du réseau, les territoires ruraux sont systématiquement pénalisés.
Nous sommes nombreux, au groupe RRDP et dans cet hémicycle, toutes sensibilités confondues, à penser que la modernisation et l’adaptation des réseaux de télécoms ou de transports ne doivent pas coûter un centime de plus aux habitants des régions rurales et de montagne, qui sont déjà en souffrance.
Les députés du groupe RRDP ont une conception rigoureuse de la péréquation. Nous n’accepterons jamais d’abandonner les territoires ruraux. Or à chaque modernisation, les mêmes questions sont posées, de belles promesses sont faites, mais les mêmes oublis se répètent.
Ce qui caractérise la fracture territoriale, c’est sa permanence et sa récurrence. Pour tout ce qui touche la ruralité, on entend continuellement dire que c’est impossible, qu’il n’y a pas de financement, que ce sera déficitaire, qu’on n’a pas les crédits, que la rentabilité n’existe pas. Ce sont les refrains qu’on nous assène. Mais pour financer le Roissy-Express, on va trouver les moyens ! C’est tant mieux, nous nous en réjouissons pour Paris et l’Île-de-France, mais ce qu’on fait pour la capitale, pour l’Île-de-France, il faut aussi le faire pour la ruralité.
S’agissant du financement du Roissy-Express, le Gouvernement et le rapporteur, dont je salue la compétence et le travail remarquable, nous donnent des gages et se veulent rassurants. Mais l’ARAFER s’inquiète. Le régulateur du secteur a émis des critiques fortes et des doutes sérieux, notamment sur les millions de passagers qui devraient permettre à la ligne d’être viable. Selon l’ARAFER, ce projet se fera difficilement sans financements publics si l’on ne veut pas accroître la dette de SNCF Réseau, dont le ratio dépasse déjà le seuil autorisé par la loi.
M. Bertrand Pancher. Excellent !
M. Jacques Krabal. Si l’on sait lire entre les lignes, ce n’est pas rassurant. Le plan de financement n’est pas finalisé. Le coût est évalué entre 1,4 et 1,9 milliard d’euros hors taxes, et l’on sait pertinemment que la facture pourrait grimper.
D’ailleurs, Augustin de Romanet, le PDG d’ADP, a d’ores et déjà annoncé lors de son audition en commission la nécessité de créer une taxe de 1 euro en 2023 sur les billets d’avion des passagers aériens au départ et à l’arrivée de l’aéroport Paris-CDG, hors correspondances, c’est-à-dire qui pèse sur les bénéficiaires directs de la future infrastructure pour les passagers.
Concernant la rentabilité, l’exemple du déficit de Londres-Heathrow, qui gère un trafic plus important que Roissy, est aussi inquiétant.
Bref, l’annonce est belle, mais on a du mal y croire. Permettez-moi de m’interroger sur ces montants quand on connaît la dette de 50 milliards de la SNCF, qui ne cesse de se creuser, et l’incapacité de trouver des sommes très modestes pour améliorer les trains du quotidien dans nos territoires. C’est le cas pour le TER Vallée de la Marne et la ligne P du Transilien. On ne trouve même pas les crédits pour l’élagage des arbres qui obstruent les voies, entraînant des arrêts ! Ces écarts suscitent une incompréhension et des mécontentements.
Ensuite, des inquiétudes légitimes existent sur le point de chargement de la gare de l’Est, déjà considérée comme trop chargée. Elle l’est certes beaucoup moins que la gare du Nord, qui, elle, est saturée, mais nous avons besoin de réponses sur l’organisation des flux de voyageurs et l’assurance que l’occupation de voies par cette nouvelle ligne ne pénalisera pas les dessertes existantes.
Je suis également préoccupé, concernant l’accès à cette ligne, par la situation des salariés qui travaillent à Roissy ou des habitants de Roissy qui travaillent à Paris. Ces usagers du quotidien ne pourront pas se permettre de payer deux fois 24 euros par jour. Il serait inconcevable qu’ils ne puissent pas utiliser cette ligne. Il est hors de question qu’elle soit réservée aux touristes et aux hommes d’affaires. Il faut trouver une solution pour ces usagers, que ce soit par le biais du passe Navigo ou d’un autre abonnement : c’est une question de justice sociale.
Pour conclure, n’ayez crainte : nous voterons ce projet de loi. Mais comme le disait Jean de la Fontaine dans la fable « Le lion et le rat », « Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde ». C’est pourquoi nous souhaitons que les soutiens financiers qui pourraient être trouvés pour Paris et l’Île-de-France puissent l’être aussi pour les territoires ruraux et les transports du quotidien. Leurs usagers méritent aussi d’être entendus. Je tenais, aujourd’hui, à être leur porte-parole.
M. Bertrand Pancher. Bravo !
M. Olivier Falorni. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Nous avons à examiner, en procédure accélérée, un projet de loi gouvernemental visant à ratifier l’ordonnance du 18 février 2016 relative à la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle et à compléter le code des transports, permettant à l’État de désigner l’exploitant du service de transport de personnes.
Ce projet vise à créer une liaison ferroviaire commerciale directe et dédiée entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et la gare de l’Est à Paris. L’objectif de cette réalisation serait, nous dit-on, de faciliter les trajets des utilisateurs de l’aéroport et de désengorger les autoroutes Al et A3 ainsi que la ligne B du RER.
Dans votre exposé des motifs, vous précisez la date de mise en service, 2023, et le fait que la ratification de l’ordonnance en question permettra d’attribuer à une société détenue majoritairement par SNCF Réseau et Aéroports de Paris une concession de travaux ayant pour objet la conception, le financement, la réalisation ou l’aménagement, l’exploitation ainsi que la maintenance, comprenant l’entretien et le renouvellement, de cette infrastructure ferroviaire.
Permettez-moi de me faire ici l’écho des inquiétudes que suscite un tel projet parmi les habitants, les salariés et les élus des communes de mon département. En effet, plusieurs associations d’usagers empruntant les lignes B et K du RER et le TER Picardie se mobilisent depuis cette annonce, considérant que loin d’améliorer les conditions de transport des usagers de ces lignes, la création de cette voie express risque au contraire de les mettre en danger.
Cette liaison devrait en effet emprunter les voies du réseau ferré national qu’utilisent déjà la ligne K et les trafics fret. Or, il s’agit des voies de report du RER B en cas de situation perturbée – ce qui, nous le savons, se produit fréquemment. Un rapport du STIF évoque une perte éventuelle de 1,5 milliard d’euros liée à une dégradation de la ponctualité pour la seule ligne B !
J’ai déjà évoqué dans cet hémicycle les difficultés vécues par les centaines de milliers de voyageurs quotidiens de ces lignes, des hommes et des femmes qui empruntent ce moyen de transport pour se rendre chaque jour sur leur lieu de travail. Et si des améliorations ont pu être apportées à leurs conditions de transport grâce à de nombreuses actions des associations, des syndicats, des élus, nous sommes encore loin de satisfaire les besoins criants qui existent en la matière et faire en sorte que le trajet domicile-travail ne soit pas synonyme de galère.
Les pistes d’amélioration sont connues. Le doublement du tunnel entre Châtelet et gare du Nord permettrait aux RER B et D d’absorber deux fois plus de trafic. La réalisation de travaux d’infrastructures, au sud de la ligne B, autoriserait la circulation de rames à deux étages. Tous les orateurs que j’ai entendus s’exprimer depuis le début du débat reconnaissent qu’il faut réaliser en urgence les travaux nécessaires sur la ligne B. Mais les changements sont bien longs à venir et souvent, on nous oppose le problème des moyens financiers.
Si j’émets des doutes sur les bienfaits de la voie express pour les usagers actuels des RER et TER, permettez-moi également de m’interroger sur sa viabilité et son utilité, et tout d’abord à cause du coût du trajet. Le prix de 24 euros par billet aller pour les utilisateurs, ce service n’étant pas accessible aux tarifications du STIF et notamment au passe Navigo, sera décourageant pour les familles de voyageurs – or le voyage aérien se démocratise – et pour les salariés de l’aéroport.
On peut aussi s’interroger sur la validité de ce projet au regard de ceux, d’une grande cohérence, retenus par la Société du Grand Paris sur le réseau du Grand Paris Express. Cette ligne doublerait en effet la ligne 17 du Grand Paris Express, qui sera, elle aussi, opérationnelle en 2023 et proposera une liaison directe entre l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et celui du Bourget, en pleine expansion, avant de rejoindre Saint-Denis-Pleyel, plate-forme multimodale permettant de communiquer avec les lignes 16 et 14. La ligne 17, elle, sera accessible à la tarification du STIF. Je rappelle en outre que la ligne 14 traverse Paris en son centre : ce n’est pas la gare de l’Est !
Par ailleurs, le dossier d’enquête publique reste très évasif sur l’impact du projet sur l’environnement : en juin, l’Autorité environnementale l’a jugé très incomplet.
Enfin, on évoque un coût de 1,4 milliard, probablement sous-estimé, et une viabilité supposant un trafic de 6 millions de passagers par an, chiffre qui n’est pas assuré aujourd’hui. On connaît la situation de SNCF Réseau, fragilisée par un fort endettement de 4 milliards. Comment pourra-t-elle faire face, si la viabilité n’est pas avérée ? Faudra-t-il que l’État, qui détient des parts dans ADP et SNCF Réseau, mette lui aussi la main à la poche ?
Le compte rendu du Conseil des ministres du 6 juillet souligne que la réalisation d’une ligne dédiée constituerait un élément important de la candidature de la France à l’organisation des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques de 2024, ainsi que de l’Exposition universelle de 2025. Vous connaissez mon engagement pour les Jeux de Paris en 2024. Pour aboutir, notre candidature, très performante au plan des infrastructures et des conditions d’accueil des athlètes, des journalistes, des officiels et bien sûr du public, a besoin d’un large soutien populaire.
Pour avoir participé à de nombreux débats sur ce sujet, j’ai constaté que le soutien de nos compatriotes est motivé aussi, au-delà de l’envie de partager un grand moment sportif, par l’héritage laissé par la tenue des Jeux aux populations des territoires concernés. Or, motiver Charles-de-Gaulle Express par les JO, c’est admettre que leur héritage ne bénéficiera pas aux habitants des communes qui vivront ces Jeux.
J’ajoute que, pour accéder aux sites des Jeux olympiques, la ligne 17 est beaucoup plus performante que le projet Charles-de-Gaulle Express. Le village des médias sera près de la station du Bourget. Le grand stade, le village olympique, le bassin olympique pourront être desservis par Saint-Denis-Pleyel. En somme, l’argument des Jeux olympiques plaide plutôt pour la réalisation de la ligne 17 avant 2023 que pour celle de Charles-de-Gaulle Express.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, j’attends des réponses aux nombreuses questions que se posent usagers, salariés et élus. Ces réponses décideront de l’attitude des députés du Front de gauche, qui ne voteront pas le projet en l’état.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Vaillant.
M. Daniel Vaillant. Nous sommes réunis pour débattre d’un texte qui est finalement une sorte de laissez-passer juridique permettant de relancer la suite du projet de liaison ferroviaire CDG Express reliant Paris à l’aéroport Charles-de-Gaulle.
Mon intervention ne sera pas de portée générale. Gilles Savary s’est exprimé sur ce plan, ainsi que notre rapporteur. D’autres orateurs interviendront après moi. La portée de mon propos sera purement locale, même si cet aspect a déjà été évoqué par le rapporteur.
Avant tout, il me paraît important de réaffirmer l’intérêt du projet, notamment au regard des moyens de transport qui permettent aujourd’hui de se rendre de Paris à l’aéroport Charles-de-Gaulle, tous particulièrement saturés et générateurs d’une pollution que personne ne peut ignorer.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée, et de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, pour m’exprimer sur ce projet important, qui aura sans nul doute un impact significatif sur une partie du territoire dont je suis le député, et sur la vie quotidienne de ses habitants.
En effet, le tracé prévu pour cette nouvelle ligne traversera le nord du XVIIIe arrondissement, de part et d’autre de la Porte de la Chapelle, secteur où les nuisances sont déjà nombreuses et par ailleurs concerné par d’importants projets urbains qu’il ne faut ni compromettre ni retarder. Entre la circulation intense de la rue de la Chapelle, l’échangeur tentaculaire de la porte de la Chapelle et le périphérique, les habitants sont exposés quotidiennement non seulement à la pollution, mais aussi aux nuisances sonores et visuelles que constituent ces véritables obstacles urbains.
Le grand projet d’urbanisme conduit par la Ville de Paris pour le secteur a évidemment pour objectif de donner à ce territoire et à ses habitants dans les années à venir un cadre de vie plus agréable, valorisant et apaisé.
Je vous le dis en toute sincérité et en toute transparence : pour que le projet définitif de CDG Express soit acceptable, il est indispensable qu’il ne nuise pas, de quelque manière que ce soit, à l’amélioration du cadre de vie des habitants actuels, mais aussi des futurs habitants du quartier. Il doit même contribuer à améliorer sensiblement leur cadre de vie et l’aspect du secteur.
Le 3 février 2015, je vous ai interrogé, monsieur le secrétaire d’État, sur le tracé de CDG Express tout en vous alertant, comme je viens de le faire, sur les nuisances que pourrait constituer une nouvelle liaison ferroviaire. Depuis, si je dois reconnaître le travail efficace et sérieux effectué par le coordinateur interministériel chargé du projet, j’ai le sentiment que la concertation souhaitée tant par le Premier ministre que par vous-même n’a pas réellement eu lieu.
Aujourd’hui, les informations restent floues quant aux dispositions qui seraient prises pour que l’insertion urbaine de cette portion du tracé ne soit pas génératrice de nuisance. En premier lieu, des aménagements et travaux doivent être engagés sur les ponts ferroviaires afin que le passage de la navette n’ait pas d’incidence négative sur le bruit, les vibrations et l’aspect visuel des ouvrages. En second lieu, le tracé de CDG Express doit être compatible avec l’aménagement du secteur de Chapelle Charbon, qui a vocation à accueillir dans les prochaines années le plus grand parc vert et ludique du nord-est parisien.
En troisième lieu, il faut veiller à ce que le tracé ne s’avère pas incompatible avec le commencement en janvier 2018 des travaux du campus Condorcet, dans le secteur dit de la gare Dubois. Quatrièmement, la zone d’activité CAP 18 doit impérativement être sauvegardée – à moins que l’on n’envisage de la déplacer ?
Enfin, il faut que la construction de l’ensemble des infrastructures nécessaires au remisage et à l’entretien du matériel roulant soit sans incidence sur les quartiers environnants du XVIIIe, et qu’elle ne mette pas à mal les récents aménagements tels que la Halle Pajol. Il a fallu que nous nous mobilisions un peu – beaucoup ! – pour que ce projet de remisage soit déplacé du lieu envisagé, qui se trouvait devant la Halle Pajol, derrière les jardins d’Éole. Dès lors que quelqu’un est capable d’envisager une telle implantation, on peut légitimement s’inquiéter du reste des projets !
Je continue à penser que le CDG Express sera utile, mais je souhaite que vous preniez ici, monsieur le secrétaire d’État, l’engagement que son passage soit un élément positif pour le quartier de la porte de la Chapelle et pour ses habitants actuels ou à venir – pour qu’il soit un plus pour tous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Le projet CDG Express représente un enjeu économique majeur pour Paris, pour la Métropole du Grand Paris et pour l’Île-de-France toute entière.
C’est vrai : il renforce l’attractivité de la métropole dans le domaine du tourisme et du tourisme d’affaires, ainsi que la qualité d’accueil des passagers utilisant la plate-forme aérienne CDG. Première porte d’entrée en France, l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle a accueilli plus de 65 millions de passagers en 2015.
CDG Express contribuera à accompagner la croissance attendue du trafic aérien, dont je n’ai pas beaucoup entendu parler aujourd’hui. Cette croissance est une opportunité majeure pour toute l’Île-de-France car elle crée de la valeur ajoutée et des emplois. En effet, on estime qu’un million de passagers supplémentaires transportés représente 400 millions de valeur ajoutée et 4 500 emplois créés, dont 1 400 emplois directs. Cela vaut la peine d’y réfléchir !
Parce qu’il contribuera directement à diminuer l’empreinte carbone des déplacements entre Roissy-Charles-de-Gaulle et Paris, le projet est un symbole du développement durable dans une métropole résiliente : loin de freiner le développement économique, il le favorisera au contraire, et renforcera l’attractivité du territoire.
Ce projet CDG Express relève de l’urgence logistique. C’est aussi un facteur de désenclavement. Les accès routiers que sont les autoroutes A1 et A3 sont régulièrement embouteillés et saturés. Les déplacements sont de plus en plus compliqués entre l’aéroport et la capitale, et durent entre trente minutes et une heure trente. Cette desserte routière crée pour les touristes des complexités que chacun peut mesurer.
De même, les transports collectifs, notamment le RER B, sont déjà saturés aux heures de pointe et ne sont pas adaptés à des voyageurs chargés de bagages. Je suis convaincu que, contrairement à ce qui a été dit, le Charles-de-Gaulle Express allégera le trafic sur la ligne B. Celle-ci servira en effet à la desserte quotidienne, normale et classique, alors que la nouvelle ligne se consacrera aux passagers du transport aérien.
Enfin, la concrétisation de ce projet est une des conditions du succès de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025 – n’est-ce pas, monsieur Fromantin ? La Métropole du Grand Paris, dont je suis le président, a reçu de la loi la compétence pour ces deux événements. À ce titre, je suis tout à fait favorable à un projet qui renforcera la crédibilité de notre candidature.
CDG Express contribuera également au développement de la qualité d’accueil des visiteurs. Complémentaire des autres modes de transport, il redonnera aux autres modes de transport collectif une légitimité pour la desserte quotidienne.
Bien que je ne sois pas membre de la commission du développement durable, j’ai tenu à assister à ses travaux car, en tant que président de la Métropole du Grand Paris, je suis concerné par ce sujet. Nous attendons ce projet depuis longtemps. Tout à l’heure, M. Albarello, porte-parole de notre groupe, a rappelé que sa réalisation était déjà envisagée dans le cadre de la loi sur le Grand Paris, déposée à l’initiative de Nicolas Sarkozy.
À mon tour, je me réjouis que le projet soit enfin mis en place. J’ai posé des questions, ainsi que d’autres, sur le financement. Des doutes subsistent à cet égard. Je ne suis pas un partisan acharné des taxes sur les billets d’avion : en voulant régler un problème, on en crée un autre ! Je vous ai déjà interrogé en commission sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. J’espère que vous nous apporterez des clarifications et des précisions sur les modalités de financement de Charles-de-Gaulle Express.
En tout cas, le projet doit être lancé le plus rapidement possible. La Métropole du Grand Paris s’associera au mieux aux souhaits du Gouvernement et de l’Assemblée nationale. Président de la MGP, je suis favorable à ce projet ; député, je voterai ce texte.
M. Yves Albarello et M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.
M. Jean-Christophe Fromantin. Je commencerai en insistant sur un point qui a été évoqué à plusieurs reprises, y compris par M. le président de la Métropole du Grand Paris, à savoir l’importance de cette infrastructure pour la candidature de la France à l’organisation de l’Exposition universelle de 2025. On ne peut prétendre organiser un tel rassemblement, un tel moment de rencontre avec le monde sans avoir optimisé une infrastructure de base, qui met en relation la principale porte d’entrée de la France – l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle – avec le centre de Paris.
Je rappellerai quelques éléments concernant la fréquentation de cette exposition universelle. Tout d’abord, le nombre de visiteurs envisagé par les projections est d’environ 50 millions sur une période de six mois, selon une hypothèse plutôt restrictive. Et il faut savoir que l’impact ira bien au-delà de l’exposition universelle elle-même, et pourra également commencer plus tôt. On ne peut donc imaginer que la France donne ce rendez-vous au monde sans se doter d’une infrastructure comme celle-là : cela n’aurait tout simplement pas de sens !
Au-delà même de l’exposition universelle, la métropole accueille chaque année plus de 1 000 congrès, soit environ 90 par mois. Tous ces rendez-vous avec le monde, tout ce tourisme d’affaires, et le tourisme en général, représentent un élément essentiel pour notre dynamisme économique. Il est donc temps que notre métropole se dote du CDG Express.
Je rappelle également que c’est à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 que la ligne 1 du métro a été inaugurée et que les gares d’Orsay et de Lyon ont été ouvertes. On voit que ces projets sont intimement liés à un effort, une volonté, un consensus politique.
Enfin, un tel moyen de transport, un tel vecteur de mobilité, c’est aussi une vitrine, un objet d’innovation. La manière dont se fait le transfert à la sortie de l’avion, c’est le premier regard que l’on a sur un pays lorsque l’on voyage. Par la manière dont il accueille ses visiteurs, un pays leur montre tout de suite là où il en est. Il leur montre le sens qu’il donne au mot « bienvenue ». C’est dire à quel point tout cela est lié à l’attractivité d’un pays.
L’évolution de la logique des transports dans le Grand Paris me semble encourageante. Certains d’entre vous ont rappelé ces évolutions : au-delà du CDG Express, il y a le Grand Paris Express, la ligne Eole, la modernisation de la ligne 14… Il est logique, cohérent, de rassembler dans un même calendrier l’ensemble de ces projets de moyens de transport qui irrigueront la capitale. Nous devons défendre, collectivement, cette ambition.
Je suis d’accord avec ce qu’a dit Jacques Krabal tout à l’heure : la métropole n’a pas vocation à vivre repliée sur elle-même, pour elle-même ; elle n’a de sens que si elle permet de connecter, de lier les différents territoires. C’est aussi cela, le rôle d’une métropole. Nous devons donc être très attentifs, dans ces projets d’infrastructures de transports, aux interconnexions, aux gares, aux correspondances avec les trains régionaux et les TGV. De cette manière, l’effort en matière de transports ne sera pas ressenti comme un effort au seul bénéfice de la métropole parisienne. Il s’agit de faire de Paris un hub, un carrefour pour connecter l’ensemble de nos métropoles avec le reste du monde – puisque la capitale est la principale porte de la France vers le monde. Nous devons donc garder cette ambition, et la partager.
Le modèle économique ne me pose pas de problème particulier. J’ai bien entendu les critiques qui ont été formulées d’un côté comme de l’autre, mais il s’agit d’un investissement d’avenir ! Parfois, on parle d’investissement « d’avenir » juste pour dissimuler une dérive budgétaire, ou pour satisfaire l’envie de tel ou tel de se doter d’un équipement. Ce n’est pas le cas pour ce projet : c’est un véritable investissement d’avenir. Certes, il faut l’optimiser ; certes, il faut veiller aux effets collatéraux ; certes, il faut veiller à l’équilibre budgétaire, financier, des opérateurs de transport ; mais quoi qu’il en soit, cette nouvelle liaison aurait un effet de levier économique tout à fait considérable.
J’apporte donc, monsieur le secrétaire d’État, mon soutien plein et entier à ce projet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy. Le projet que nous examinons aujourd’hui est une sorte d’Arlésienne, puisqu’il en est question depuis l’organisation d’un débat public en 2001 !
Depuis quarante ans, l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle s’est développé en tournant le dos à son territoire d’implantation, dont je suis le député. Les emplois de la plateforme, par exemple, sont toujours difficilement accessibles, pour des raisons de transports et de formation. Depuis l’extension de l’aéroport, décidée il y a bientôt vingt ans, j’ai entendu de belles promesses concernant le territoire aéroportuaire de Roissy, mais les projets ont du mal à sortir de terre. C’est aussi le cas du « barreau de Gonesse », projet de liaison ferroviaire entre le RER B et le RER D.
Nous examinons donc aujourd’hui un projet utile, non tant parce qu’il permettra d’accentuer le développement de l’aéroport, dont il faudra bientôt s’interroger sur les limites, mais parce qu’il améliorera la liaison entre l’aéroport et le centre de Paris. Malgré l’utilité de ce projet, j’observe que sur le terrain, certains en contestent le bien-fondé. L’enquête publique, qui s’est achevée le 12 juillet dernier, laisse subsister de légitimes interrogations quant à l’insertion urbaine de l’infrastructure et quant à ses effets environnementaux, tant sur le territoire de la nouvelle communauté d’agglomération Roissy Pays de France que sur une partie du territoire de la Métropole du Grand Paris – certains ont insisté sur ce point.
Je voudrais insister sur un autre point central, que d’autres ont évoqué à cette tribune : les inconnues qui persistent pour le financement de ce projet, dont le coût est estimé à 1,4 milliard d’euros, auxquels il faudra ajouter 280 millions d’euros pour le matériel roulant. En réalité, il faut en convenir : à l’heure actuelle, le financement n’est pas encore assuré.
À l’occasion de l’examen de ce texte, je voudrais souligner une nouvelle fois, comme je l’ai fait en commission, monsieur le secrétaire d’État, une incohérence, voire une contradiction dans la position de l’État, qui propose de créer dès le 1er avril prochain une nouvelle taxe sur les billets d’avion. D’un montant de 1 euro, cette taxe sera perçue sur les passagers au départ ou à l’arrivée de l’aéroport et rapportera de 35 à 40 millions d’euros par an. Cette taxe est proposée car les seules recettes d’exploitation ne suffiront bien évidemment pas à rentabiliser le projet, avec un prix du billet fixé à 24 euros.
Puisque je n’ai pas obtenu de réponse, je vous pose la question à nouveau, monsieur le secrétaire d’État : a-t-on évalué le nombre d’années pendant lesquelles il faudra percevoir cette taxe ? Je sais que nous aborderons ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, mais je tenais à poser la question car le Gouvernement a décidé, en loi de finances, de plafonner une autre taxe : la taxe sur les nuisances sonores aériennes – TNSA – qui est destinée à financer, comme on le sait, l’aide à l’insonorisation des logements.
Le Gouvernement considérait à l’époque – autrement dit il y a tout juste deux ans ! – qu’il fallait alléger le fardeau des compagnies aériennes, notamment pour soutenir la compétitivité d’Air France. Cette décision fut prise à la suite de la remise du rapport Le Roux sur la compétitivité du transport aérien français.
Je tiens à dire que si le niveau de taxation des compagnies aériennes est élevé, ce n’est pas le fait de la TNSA, et ce ne sera pas davantage le cas avec la taxe sur les billets d’avion que le Gouvernement envisage. Je répète, à cette occasion, ce que d’autres que moi ont déjà dit : il faudrait plutôt regarder les coûts liés à la sécurité et à la sûreté – nous y reviendrons lors de la discussion du budget des transports – et le niveau de redevances imposé par Paris Aéroport dans le cadre du dernier contrat de régulation économique pour les années 2016 à 2020. Enfin, il faudra également regarder de très près la question de la double caisse de Paris Aéroport, inédite en Europe et qui fait polémique au sein des acteurs du transport aérien.
En tout cas, la TNSA, petite taxe environnementale nécessaire, est plafonnée cette année à 47 millions d’euros, alors qu’il y a d’énormes besoins à satisfaire : cela suscite en moi une véritable incompréhension. Nous en reparlerons. Pire, le plafond de la TNSA sera dépassé d’environ 1,5 million d’euros en 2016, selon les prévisions de la direction générale de l’aviation civile, montant qui sera reversé au budget de l’État. C’est inacceptable ! Avec le budget actuel, il faudrait au moins une vingtaine d’années encore pour insonoriser les 60 000 logements concernés, autour des aéroports franciliens.
Enfin, les élus du territoire de Roissy, que je représente, ne voudraient pas que l’État et la région oublient d’autres projets à cause du CDG Express. Ces autres projets sont importants, et attendus depuis longtemps – j’ai déjà évoqué le barreau de Gonesse, qui erre de contrat de plan en contrat de plan. Mais a contrario, notre territoire ne veut pas d’un projet que l’État entend lui imposer, à savoir la liaison Roissy-Creil !
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que l’État clarifie enfin sa position. Nous disons oui, avec vous, au CDG Express. Mais alors, il faut dire oui aussi au barreau de Gonesse, qui est nécessaire aux transports quotidiens sur ce territoire, comme vous avez dit oui à la ligne 17 du métro du Grand Paris !
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Hanotin.
M. Mathieu Hanotin. L’histoire du projet de liaison ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport de Roissy, dit CDG Express, est longue et tumultueuse. Le projet initial, présenté au début des années 2000, avait été massivement rejeté par les élus de Seine-Saint-Denis. Il aurait en effet été inacceptable de réaliser un projet élitiste, ignorant les graves insuffisances de la branche nord de la ligne B du RER, à ce moment-là.
Ce rejet a nourri, à cette époque, une mobilisation suite à laquelle le STIF a entrepris, sous la présidence de Jean-Paul Huchon, le programme « RER B Nord + ». Ce programme, lancé en 2007, a permis de rénover les rames, de moderniser les gares et les infrastructures. Le STIF et SNCF Réseau doivent, certes, poursuivre et amplifier leurs investissements en faveur de cette ligne, mais les progrès enregistrés permettent maintenant d’envisager qu’une ligne express complémentaire au RER B puisse circuler sur des voies parallèles.
Je regrette que certains aient choisi de caricaturer le CDG Express comme un train pour privilégiés, au prétexte que le prix du ticket sera d’environ 24 euros. Ce tarif est en effet assez proche de celui des navettes de bus reliant Paris à Roissy et inférieur de moitié au coût d’une course en taxi.
S’il peut intéresser une partie des voyageurs aéroportuaires qui ne trouvent pas dans le RER B un transport adapté à leurs attentes, le CDG Express pourra surtout délester opportunément l’autoroute A1 d’une partie des véhicules qui l’encombrent. Cela sera particulièrement bienvenu pour diminuer la grave pollution sonore et les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que nous nous y sommes engagés en accueillant la COP 21. Député d’une circonscription traversée par cette autoroute, j’estime que ce projet est de nature à améliorer les conditions de vie des habitants riverains de cette autoroute, notamment à Saint-Denis.
Toutefois, je souhaite rappeler que je soutiens les investissements destinés au CDG Express à la condition qu’ils ne se fassent pas au détriment de ceux destinés au RER B ou aux nouvelles lignes du Grand Paris Express – en résumé, si ce projet est réellement conçu et financé en complément à l’offre déjà existante ou déjà prévue pour les trajets quotidiens des Franciliens et des Franciliennes. Il me semble que le CDG Express devra respecter les exigences exprimées par le Conseil du STIF, avec lesquelles je suis d’accord : il est impératif que le RER B garde une priorité de passage sur les voies dites directes quand les voies dédiées seront perturbées par un grave incident d’exploitation.
Tout cela est donc très positif. Je ferai néanmoins quelques commentaires, monsieur le secrétaire d’État, car il y a eu du nouveau. L’enquête publique date des années 2000.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. De 2001.
M. Mathieu Hanotin. Pardon pour cette approximation, monsieur le secrétaire d’État… Quoi qu’il en soit, on ne pouvait, à cette époque, tenir compte des nouveautés que représentent le Grand Paris Express, et plus spécifiquement le nouveau hub qui se constitue au nord de Paris, à Pleyel. Il serait paradoxal de ne pas examiner – pas nécessairement avec une enquête publique, mais au moins par des études – s’il ne serait pas plus rapide, pour les voyageurs aériens se rendant dans le centre de Paris, de s’arrêter à la gare de Saint-Denis-Pleyel pour prendre les lignes du Grand Paris Express, plutôt que de s’arrêter dans le XVIIIe arrondissement pour emprunter le réseau du métro.
Je ne dis pas que l’une et l’autre possibilités s’opposent, mais il faudrait étudier les complémentarités entre le XVIIIe arrondissement et le nouveau hub de Pleyel pour, une fois encore, répondre au besoin d’une liaison directe avec Paris et, pourquoi pas, avec le quartier de la Défense et d’autres sites.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, en respectant mon temps de parole, je souhaite appeler votre attention sur un aspect particulier du projet CDG Express : le bruit généré par la circulation ferroviaire. Il n’y a pas aujourd’hui d’étude sérieuse sur l’impact de la mise en place du CDG Express en termes de pollution sonore. Pourtant, le passage de soixante-seize rames supplémentaires renforcera forcément les nuisances sonores pour les riverains, ainsi que l’ont mentionné plusieurs contributions déposées dans le cadre de l’enquête publique précédemment évoquée. Je souhaiterais donc qu’une partie des fonds prévus soit affectée à la modernisation de la partie dite du pont de Soissons – le pont qui traverse l’avenue Wilson à Saint-Denis – où de plus en plus de logements se construisent et qui est aujourd’hui un point noir majeur du bruit ferroviaire en Île-de-France. Il me semble indispensable d’entreprendre des travaux pour réduire son empreinte sonore.
J’espère pouvoir compter sur votre soutien, monsieur le secrétaire d’État, sur ce dernier point qui est important pour le cadre de vie des habitants de La Plaine Saint-Denis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Contrairement à beaucoup de collègues qui se sont exprimés avant moi dans ce débat, je ne suis pas directement concerné par ce projet. Mais je tiens à rappeler à cette occasion que l’Île-de-France est sans doute la région où les investissements en matière d’infrastructures de transports, en particulier de transports ferroviaires, sont les plus nombreux, et ce depuis très longtemps. C’est normal au vu du nombre de Franciliens. Il ne serait toutefois pas inintéressant de comparer le soutien public national aux infrastructures et à l’exploitation des transports rapporté à la population de la région Île-de-France avec celui des autres régions.
En tout état de cause, je considère que nous sommes tous concernés par la desserte du seul aéroport véritablement international, du seul hub international qu’est Roissy. Il est tout à fait logique que nous débattions de ce sujet à l’Assemblée nationale, bien qu’il soit rare, et vous pourrez le confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que nous discutions ici d’une infrastructure de transports, quels que soient sa localisation, son type ou son importance. Contrairement à certains collègues qui critiquent la méthode, le recours aux ordonnances, je vois donc dans ce texte un motif de satisfaction, dans la mesure où il nous permet d’en discuter alors que les autres infrastructures ne font jamais l’objet d’un débat parlementaire.
J’aimerais rappeler les objectifs des écologistes en matière de transports. Notre premier objectif est que la France dispose d’infrastructures ferroviaires performantes, ce qui nécessite de veiller au bon fonctionnement des infrastructures existantes et d’en construire de nouvelles lorsque c’est nécessaire. Il faut par ailleurs favoriser l’intermodalité, c’est-à-dire la complémentarité entre les modes de transports. Cela peut paraître évident, mais il est bon de rappeler que pour les transports très grande distance, l’international, voire l’intercontinental, s’agissant de Roissy, la voie aérienne est la plus pertinente ; pour l’échelle nationale, régionale ou locale, c’est le ferroviaire.
Si nous voulons favoriser l’usage du train, ce n’est pas par fétichisme : c’est parce que tous les bilans écologiques montrent que c’est le mode de transport qui a l’impact écologique le plus faible par rapport aux autres, en particulier en termes d’empreinte carbone, une donnée dont on parle beaucoup aujourd’hui dans le cadre de la lutte contre l’effet de serre.
Cependant, pour que le transport ferroviaire soit une solution crédible – en tant qu’adjoint au maire de Nantes en charge des transports et des déplacements pendant sept ans, j’ai pu le vérifier quelle que soit l’échelle – il faut qu’il soit rapide et fiable. Il est important à la base qu’il soit ponctuel : les transports, notamment en Île-de-France, ont parfois quelques problèmes de ponctualité, et il est important d’y faire face concrètement. Il faut cependant surtout qu’il soit rapide, et j’y insiste : pour que le transport ferroviaire soit compétitif par rapport à la voiture, qui est son principal concurrent, y compris sur un axe comme celui-là, il faut que le temps de parcours garanti soit nettement inférieur. Par ses caractéristiques, le projet CDG Express répond selon nous à ces objectifs que nous voulons favoriser.
Examinons la desserte des aéroports, en France et à l’étranger. À Brême, par exemple, certes une ville de taille plus modeste que Paris et son agglomération, on trouve à la sortie de l’aéroport d’un côté les taxis, et de l’autre le tramway qui mène directement au centre-ville. Plus près de nous, à Lyon, la métropole, le département et la région ont investi voilà quelques années dans une liaison express directe de type tram-train, dénommée Rhônexpress, qui permet de relier l’aéroport Saint-Exupéry à la gare de la Part-Dieu, dans le centre-ville, en trente minutes.
A contrario, l’aéroport de Nantes – je parle de l’aéroport existant, et non pas du projet que l’on traîne comme un boulet depuis des années ! – dispose certes d’une double desserte ferroviaire, mais qui n’est malheureusement pas activée : il n’y a pas de gare permettant de le relier au centre-ville. Je suis le premier à le regretter, monsieur le secrétaire d’État : ce serait simple, efficace, et cela permettrait d’éviter de construire un autre aéroport ailleurs, selon une proposition qui n’est assortie d’aucun projet de desserte, si vous voyez de quoi je veux parler.
Concernant l’aéroport de Roissy, nous partageons l’objectif, évoqué par d’autres collègues avant moi, de faire baisser le trafic automobile, ou du moins d’en contenir la croissance, sur l’autoroute A1, une nécessité qui saute aux yeux.
Se pose toutefois la question du financement, sur laquelle je terminerai, car il faut être concret quand on parle des projets d’investissement et se demander qui les finance et comment.
Il est prévu une part d’autofinancement. Le tarif du billet, de 24 euros, est considéré par certains comme élevé, mais si on le compare à celui d’une course en taxi ou d’autres navettes, il est tout à fait compétitif. En tout état de cause, il est moins cher que le taxi, et c’est très bien.
Toutefois, nous savons que cette source de financement ne suffira pas, et il faut clairement répondre à la question des autres sources, monsieur le secrétaire d’État. Mes collègues écologistes et moi-même plaidons pour que ce soient les utilisateurs de Roissy, les passagers des avions, qui paient – c’est-à-dire pour que la taxe sur les billets d’avion soit la contribution pérenne au financement de cet investissement et couvre l’éventuel déficit d’exploitation.
En effet, disons-le : la SNCF ne pourra pas financer ce projet sur ses fonds propres, pas plus qu’Aéroports de Paris ou les collectivités locales. Il ne doit pas non plus y avoir d’effet d’éviction par rapport à d’autres investissements dans le transport ferroviaire de voyageurs dans ce secteur de l’agglomération parisienne ou dans la région dans son ensemble. Je soutiens donc ce projet sous réserve qu’il y ait des assurances claires quant à son financement.
M. Bertrand Pancher. Cela va être laborieux !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de ce débat très riche. Il n’est pas surprenant en soi qu’un projet de cette nature soit l’occasion d’évoquer les préoccupations en matière de mobilité dans d’autres champs. M. Krabal a évoqué le transport ferroviaire en milieu rural, d’autres ont soulevé des questions spécifiques à telle ou telle région, ainsi que le problème du choix entre le transport quotidien et une telle initiative, pour le formuler ainsi. Tout cela est naturel.
Pour respecter l’ordre de l’offensive, je commencerai par vous, monsieur Pancher. Vous vous êtes posé en défenseur intransigeant de la rigueur budgétaire et en chevalier blanc de la réduction de la dette ferroviaire. C’est votre droit, mais nous aurons l’occasion d’en reparler car au sujet de la dette ferroviaire, on peut se mettre d’accord sur une chose : elle n’est pas tombée du ciel.
M. Bertrand Pancher. C’est vrai.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Réseau ferré de France !
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. On connaît l’origine de cette dette : au moment du vote de la loi de 1997, elle s’élevait à 20 milliards d’euros. Alors comment est-elle passée à 40 milliards, et quand ? J’ai examiné cela de très près, et j’ai quelque difficulté à souffrir votre intransigeance alors que, sous la responsabilité de M. Borloo et d’autres, de grandes décisions ont été prises pour construire simultanément quatre lignes à grande vitesse. Voilà qui pose problème ! Et la concomitance entre ces décisions et l’augmentation de la dette de Réseau ferré de France, puis SNCF Réseau, est une réalité à laquelle personne ne pourra échapper.
Que vous vous soyez nouvellement converti à la rigueur, très bien, mais ne nous agressez pas en affirmant que nous nous sommes mis dans une situation inextricable ! La réalité est là et nous ne pouvons nous en défaire. Je veux bien en revanche, compte tenu des éléments que je viens d’évoquer et que je détaillerai à l’occasion d’autres débats, que vous partagiez avec nous non seulement le fardeau de la dette, mais aussi les solutions avancées.
Nous discuterons du rapport que nous avons été amenés à établir et du choix que nous avons fait. Il s’agit d’une analyse financière, elle n’est pas définitive. Comme cela est indiqué au dernier paragraphe, dans les conditions actuelles, le choix est de ne pas reprendre la dette – je n’entrerai pas dans le détail, il s’agit d’arbitrages liés au taux d’intérêt. La question pourrait donc se poser différemment si les conditions devaient être modifiées à l’avenir.
Autant donc j’accepte de vous répondre s’agissant du débat sur la règle d’or, autant, s’agissant de la dette, il faut tenir compte de la réalité des faits.
Je tiens à vous remercier, monsieur Albarello, de votre intervention et de votre soutien. Au nom du groupe Les Républicains, vous avez fait une proposition importante : si j’ai bien entendu, vous suggérez de remplacer la taxe sur les passagers par une modification de l’assiette de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac ». Ce n’est pas le choix du Gouvernement aujourd’hui, mais je vous remercie d’avoir formulé cette proposition. Si vous la confirmez, elle fera partie des solutions alternatives que nous examinerons, le moment venu, lors du débat sur le projet de loi de finances rectificatives, et nous la ferons expertiser.
À mon sens, le fond du problème réside dans la question de la spécificité de l’infrastructure dont nous parlons aujourd’hui. Donner la priorité au maillage avec le reste du territoire, et certains y ont réfléchi, reviendrait à abandonner cette spécificité. La question est assez simple, au fond : compte tenu du poids de l’aéroport Charles-de-Gaulle aujourd’hui et des enjeux touristiques et économiques, avons-nous besoin d’une infrastructure qui permette de relier rapidement et sans arrêt l’aéroport au centre-ville, comme c’est le cas dans toutes les autres métropoles françaises ?
On peut répondre à cette question par la négative : on se prononce alors contre le projet. Mais quelle est l’attente des voyageurs ? La rapidité, l’absence d’arrêts, la séparation avec les trains du quotidien. D’ailleurs, l’un des problèmes dans le RER B aujourd’hui, chacun en est bien conscient, c’est qu’on fait voyager dans le même train des personnes aux objectifs différents. La question des bagages encombrants est une vraie difficulté, de même que la question des informations multilingues. Ce projet est donc adapté aux besoins des usagers de l’aéroport, comme cela se fait ailleurs : nous n’inventons rien, nous sommes même plutôt en retard, cela a été dit ! Il faut donc en accepter le principe, précisément du fait de sa spécificité.
Une autre question est celle du rendez-vous des Jeux olympiques, qui impose une contrainte de calendrier. Pour autant, l’infrastructure n’est pas conçue pour ce seul événement – et advienne que pourra pour la suite ! Je ne voudrais pas que la position du Gouvernement soit caricaturée. Les Jeux olympiques et paralympiques ne sont évoqués qu’aux fins, le cas échéant, de réaliser ce projet selon un calendrier qui permettra d’améliorer le dossier de la France. Il convient à la fois de respecter la spécificité du projet et de saisir cette opportunité.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Pour ce qui est du financement, nous avons choisi de constituer une société de projet, dont on connaît aujourd’hui les actionnaires – du moins pour l’essentiel, à savoir SNCF Réseau et ADP –, avec la possibilité de leur adjoindre un tiers, ce qui est même souhaitable et qui est du reste le sens du texte qui vous est soumis. Certains – c’est, je crois, le cas de M. le rapporteur – ont évoqué à ce propos la Caisse des dépôts et consignations. Une chose est certaine, en tout cas, c’est que SNCF Réseau et ADP feront partie de ceux qui construiront l’infrastructure et devront – c’est tout le problème ! – se tourner vers le système bancaire pour compléter par l’emprunt les fonds propres qu’ils apporteront, du fait de la décision que nous avons prise de ne pas apporter de financement public.
J’ajoute, sans trop y insister, que ce projet a une histoire et que, si nous reprenons un projet ancien qui était certes une bonne idée, les travaux pratiques avaient échoué : nous reprenons un travail qui avait abouti à l’échec du précédent projet. Il va donc falloir se tourner vers le marché pour emprunter les sommes nécessaires. Tout le débat porte donc – le terme est affreux, mais il résume bien la question – sur la « bancabilité » du projet, c’est-à-dire sur la manière dont les banquiers approchés s’engageront à financer une opération de ce genre.
Les modèles montrent qu’il faut de toute évidence assurer des recettes en complément des recettes commerciales. Soutenir le contraire serait ignorer la réalité. Comme je l’ai dit, le Gouvernement a travaillé sur l’idée d’une taxe sur les voyageurs qui s’appliquerait au seul aéroport Charles-de-Gaulle, mais aucune décision n’a été arrêtée à ce jour et il peut y avoir d’autres solutions – dont une a été évoquée aujourd’hui dans cette enceinte.
Cette liaison sera ensuite confiée par appel d’offres à un exploitant. Cette exploitation se fera-t-elle au détriment du transport du quotidien ou du RER B ?
Permettez-moi un rapide retour en arrière sur le cours de nos débats, pour revenir sur la proposition évoquée par M. Gilles Savary d’établir l’assiette des recettes sur les parkings plutôt que sur les voyageurs. Il se trouve en effet que les parkings figurent déjà dans le contrat de régulation et qu’avec une telle assiette, ce seraient en réalité les compagnies qui paieraient. D’autres modifications d’assiette que vous avez évoquées et que je ne reprends pas à mon compte feront également partie du débat, mais je tenais à souligner que celle-ci était une mauvaise solution.
Se pose ensuite la question de la cohabitation ou de la comparaison – comme s’il s’agissait d’un choix que nous aurions à faire – entre la ligne B du RER et cette initiative. Je rappelle à ce propos qu’il s’agit ici d’un investissement de 1,4 milliard d’euros, alors que le nouveau Grand Paris représente quant à lui 32,5 milliards d’euros d’investissements et prévoit la modernisation et le prolongement des lignes existantes. Avec le contrat de plan pour la période 2015-2020, signé en juillet 2015, ce sont 7,5 milliards d’euros qui sont consacrés à l’amélioration du réseau existant dans le cadre du Grand Paris. La RATP et la SNCF ont en outre, comme vous le savez, inscrit parmi leurs priorités l’amélioration des transports du quotidien, prévoyant 20 milliards d’euros pour couvrir le fonctionnement des réseaux sur la durée des contrats et plus de 12 milliards d’euros d’investissements.
Pour le RER B, 900 000 voyageurs du quotidien circulent désormais, vous l’avez dit, en mode nominal sur des voies dédiées, distinctes de celles du Charles-de-Gaulle Express. Le RER B a déjà bénéficié et bénéficiera encore d’efforts importants au titre du projet « RER B Nord », nouvelle offre mise en place à l’été 2013 qui assure une meilleure desserte de la proche banlieue, notamment entre le Stade de France et Aulnay-sous-Bois, et une meilleure ponctualité – avec aujourd’hui cinq points de plus, à cet égard, dès la mise en service – et comporte des investissements importants : 250 millions d’euros pour les infrastructures et 300 millions pour la rénovation des matériels roulants.
Le nouveau schéma directeur du RER B approuvé par le STIF en juillet 2013 vise à aller au-delà et à améliorer le quotidien des voyageurs à court et moyen terme, avec un investissement total de 1 milliard d’euros pour les infrastructures, qui figure en partie au contrat de plan État-région que j’ai cité et auquel l’État apporte son financement.
Des aménagements sont également apportés dans le cadre de ce projet, avec des investissements supplémentaires pour le RER B à hauteur de 125 à 130 millions d’euros en vue exclusivement d’augmenter en vue de la résilience du RER B aux situations dégradées, en particulier au moyen d’installations de retournement. Des aiguillages supplémentaires sont également prévus. Des études se poursuivent, en concertation avec le STIF et les exploitants et en cohérence avec la délibération du STIF du 1er juin 2016, qui portent exclusivement sur les règles de priorité et de circulation en cas de difficultés – il s’agit là en effet du seul point en débat, d’une ampleur limitée, mais d’une grande importance compte tenu de du nombre de voyageurs.
Comme je l’ai dit en commission, ce travail qui suppose des décisions techniques importantes pour savoir comment les choses se passent, mais le Gouvernement, dans ces décisions qui résulteront de la concertation menée notamment avec le STIF, est bien engagé sur la feuille de route visant à donner la priorité, y compris dans ces situations exceptionnelles, aux trains du quotidien. Ce sera le marqueur du travail que nous voulons faire. Les situations exceptionnelles que nous évoquons et pour lesquelles il nous faut élaborer une réponse construite sont en effet le seul moment où les deux réseaux pourront être en coexistence. La feuille de route que je viens de rappeler répond ainsi à votre préoccupation. Le Gouvernement ne peut être plus clair sur ses engagements.
Monsieur Vaillant, vous m’avez déjà interrogé sur la compatibilité avec les projets urbains et, tout simplement, avec la vie des habitants de la circonscription que vous représentez. Sur le plan de la méthode, je nuancerai vos propos en rappelant que de nombreuses réunions sont organisées avec les hauts responsables de l’administration de mon ministère et avec les élus de la Ville de Paris.
Pour ce qui concerne le secteur de la Porte de la Chapelle, je répondrai avec précision à votre question. Les études relatives aux ouvrages de franchissement ont été conduites en relation étroite avec la Ville de Paris afin d’en assurer la compatibilité avec le projet d’aménagement et de préciser les conditions dans lesquelles les travaux pourront être réalisés, notamment vis-à-vis des circulations routières et de la ligne du tramway T3. L’enjeu du bruit est également pris en compte : les ouvrages métalliques actuels seront remplacés par des ouvrages de génie civil neufs équipés de dispositifs destinés à réduire la diffusion du bruit. Les choix architecturaux et d’aménagement concernant ces ponts restent à préciser et seront définis en concertation étroite avec la Ville de Paris et les acteurs locaux.
Pour le site Condorcet, la réalisation d’ici à 2021 d’un campus de 4 000 étudiants tient déjà compte du projet. Des réunions ont été conduites avec la Ville de Paris et le maître d’ouvrage du futur campus. La création de transparences sous les voies du Charles-de-Gaulle Express au droit des deux mails piétons prévus permettra de faciliter la circulation piétonne dans le secteur.
Dans le secteur de Chapelle Charbon, le projet est compatible avec celui de la Ville de Paris qui prévoit d’ouvrir un parc urbain sur des emprises ferroviaires non exploitées. Une démarche de concertation préalable a été lancée par la Ville de Paris en vue de créer une zone d’aménagement concerté – ZAC. La concertation avec la Ville se poursuivra afin de préciser les modalités d’insertion urbaine du projet, en portant une attention particulière aux circulations des piétons.
Pour ce qui est du secteur de la Halle Pajol, je vous confirme que les concertations menées avec la Ville de Paris permettent de localiser le futur site de maintenance des rames sur des emprises qui ne font pas directement face à la Halle Pajol. Je me suis efforcé d’être précis, car je connais vos préoccupations en la matière.
Je serai plus court, mais tout aussi précis, pour répondre à M. Hanotin à propos du bruit, sur lequel il a appelé notre attention. Une étude complémentaire est planifiée en 2017 pour préciser ces éléments, compte tenu de l’ancienneté des études existantes. Pour intervenir sur ces situations, le maître d’ouvrage a prévu une enveloppe de 15 millions d’euros permettant de traiter les « points noirs bruit » engendrés par la mise en circulation du Charles-de-Gaulle Express. Cette enveloppe permettra également de participer au traitement des « points noirs bruit » préexistants.
À Saint-Denis, l’ouvrage franchissant le boulevard Wilson que vous avez évoqué, dit « Pont de Soissons », ouvrage métallique propageant fortement le bruit, sera remplacé dans le cadre du programme de modernisation du réseau Île-de-France. Ce remplacement est programmé par SNCF Réseau à l’horizon du projet et permettra de réduire le niveau sonore au droit de cet ouvrage. Plus globalement, des protections acoustiques complémentaires pourront être intégrées au projet de régénération du Pont de Soissons.
Je me suis efforcé d’être précis dans ma réponse, mais j’ai déjà été beaucoup trop long. Je tiens à remercier tous ceux qui ont soutenu ce projet. Il me semble assez logique que nous ayons débattu d’autres questions. Comme j’aurai l’occasion de le dire lors de l’examen du budget des transports, je ne souhaite pas que nous nous enfermions dans une opposition entre les modes de transport ou entre de telles initiatives, nécessaires pour notre économie et pour Paris, et les transports du quotidien. Une bonne politique des transports – celle du moins que, comme d’autres sur tous les bancs de cette assemblée, je m’efforce de défendre – est une politique équilibrée, qui retient aussi les exigences de la transition énergétique pour le report de la route sur le rail. C’est également l’une des qualités de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, premier orateur inscrit sur l’article.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le secrétaire d’État, le projet d’une ligne ferroviaire directe qui doit relier l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle à la gare de l’Est avec un train tous les quarts d’heure est un projet structurant et intéressant, tant les offres actuelles – entre un RER bondé et des autoroutes A1 et A3 souvent saturées – sont peu engageantes.
Cependant, lorsqu’on aborde les montages financiers, les choses se compliquent. Le coût du projet est en effet évalué à 1,4 milliard d’euros, auxquels il faudrait ajouter 280 millions d’euros pour le matériel roulant. Étant donné qu’il n’a pas été prévu de financement public, un montage a été trouvé, qui associe Aéroports de Paris et SNCF Réseau au sein d’une société ad hoc chargée de gérer les travaux et la future ligne. Ce montage complexe se révèle bancal dès le départ, compte tenu de l’endettement important de SNCF Réseau, souligné du reste par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ARAFER. Ce coût important entraîne le mécontentement de ceux qui voudraient privilégier l’amélioration des lignes existantes, laquelle aurait un impact direct sur le quotidien de tant de Franciliens.
Autre sujet de réflexion : le prix du billet, qu’il est envisagé de fixer à 24 euros et qui n’est pas inclus dans le passe Navigo. Les seuls passagers seront donc les personnes prenant l’avion – mais, entre ce prix et le fait que ces passagers arriveront Gare de l’Est, et donc pas forcément à destination, cette formule sera-t-elle assez attractive ? La question est posée. Les recettes tirées des billets seront de toute façon insuffisantes pour boucler le projet. Une taxe sur les passagers aériens est donc prévue dès 2017, provoquant le mécontentement des compagnies aériennes alors même que le rendement de cette taxe sera lui aussi insuffisant.
En conclusion, je dirai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, qu’il s’agit d’un projet d’intérêt général, mais qu’il se heurte encore à des questions économiques non résolues.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.
M. Yannick Favennec. Les conditions actuelles pour se rendre à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle sont, nous le savons tous, inacceptables pour notre capitale et risquent, à terme, de freiner le développement de cet aéroport et de ses environs.
L’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle est en effet devenu un véritable hub et ses infrastructures actuelles pourraient lui permettre d’accueillir 20 millions de passagers de plus par an. En outre, Paris-Charles-de-Gaulle étant relié au réseau ferré national avec sa gare TGV, l’aéroport constitue à ce jour une exceptionnelle plateforme multimodale conservant un fort potentiel de développement. Il s’agit d’un véritable atout dans la compétition internationale engagée entre les principaux aéroports européens pour attirer le maximum de passagers. Malheureusement, l’absence d’une liaison ferroviaire directe entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et Paris se révèle être un véritable manque dans cette compétition acharnée où l’amélioration de la qualité de service est l’un des principaux éléments de différenciation.
Il est, à ce titre, remarquable que le Groupe ADP, gestionnaire de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, ait souhaité s’engager aux côtés de SNCF Réseau en vue d’établir une infrastructure moderne qui devrait permettre de rehausser la qualité de service rendu aux voyageurs souhaitant se rendre à Paris ou à l’aéroport. Ce projet apparaît donc comme un facteur déterminant pour la compétitivité économique et l’attractivité touristique de la région capitale et constitue un atout dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025.
J’émets cependant deux réserves quant aux modalités de financement de cette liaison ferroviaire.
En premier lieu, l’affectation au projet du produit d’une taxe dédiée prélevée sur les voyageurs aériens hors correspondance de Paris-Charles-de-Gaulle ne me paraît pas opportune, alors qu’il existe déjà de nombreuses taxes pesant sur le secteur aérien.
En second lieu, le prix du billet pour un trajet sur la ligne Paris-Charles-de-Gaulle, évalué à 24 euros, me paraît trop élevé et risque de pénaliser nombre d’usagers. C’est notamment pour ces raisons financières, du reste excellemment développées par mon collègue Bertrand Pancher, que je m’abstiendrai sur ce texte.
M. Bertrand Pancher. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le secrétaire d’État, je ne m’étendrai pas sur le bien-fondé d’un projet déjà ancien qui, à l’évidence, est utile, voire indispensable, non seulement au rayonnement de notre pays – beaucoup l’ont dit aujourd’hui, et je les approuve –, mais aussi – on l’a moins dit – à la commodité de l’ensemble des usagers franciliens de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Le transport aérien, qui a profondément changé de nature avec les lignes low cost, attire en effet de plus en plus de touristes français qui, quelle que soit leur origine sociale, veulent diminuer leurs dépenses. En ce sens, il y a une transitivité du projet. L’attractivité de Paris et de la grande métropole a donc un double visage : permettre d’y arriver mais aussi, pour le dire de manière raccourcie, permettre d’en sortir.
Je souhaite cependant appeler votre attention sur un point : il ne s’agit pas vraiment de la coupure entre la ruralité et les territoires urbains, développée avec talent par notre collègue Krabal, mais de quelque chose de beaucoup plus précis : le rapport entre la grande métropole et les territoires directement connexes. Il faut savoir si ces territoires les plus proches de l’Île-de-France ne risquent pas de souffrir à l’excès, qu’ils soient ruraux, urbains, semi-ruraux ou semi-urbains, de la circulation cadencée à quinze minutes de la future liaison Paris-Charles-de-Gaulle Express.
Il serait paradoxal que la liaison ferroviaire Paris-Laon, puisque c’est d’elle que je parle, pour laquelle la ligne K est vitale, soit affectée dans son fonctionnement, voire dans sa survie même. La population soissonnaise, sur la ligne Paris-Laon, gravement touchée par la baisse d’attractivité économique de son territoire depuis bientôt vingt ans, a un besoin impérieux de cette ligne. Or celle-ci, que ce soit par le Transilien ou par les TER, fonctionne déjà dans des conditions qui deviennent acrobatiques. Des efforts ont été faits, mais ils ne suffisent pas encore à permettre aux travailleurs du petit matin de rejoindre dans de bonnes conditions un lieu d’activité qu’ils n’ont choisi que faute d’offre suffisante en emplois dans leur territoire du Soissonnais.
Trains surchargés, parfois en retard : qu’arrivera-t-il demain avec le cadencement à quinze minutes du futur Charles-de-Gaulle Express sur une ligne déjà surchargée ? Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, confirmé l’engagement de l’État dans les transports du quotidien ; vous venez encore de le faire en disant que ce n’était pas contradictoire avec le très grand projet que vous présentez ici.
Mme la présidente. Merci, madame la députée.
Mme Marie-Françoise Bechtel. J’aimerais que vous nous donniez les précisions nécessaires pour nous assurer que le territoire dont je viens de vous parler ne sera pas pénalisé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann. Je souhaite témoigner ici de l’importance de ce projet pour accroître la compétitivité de nos aéroports parisiens. Je suis élu d’un département, les Ardennes, où les personnes se rendent majoritairement dans les aéroports belges et luxembourgeois pour voyager. Pourtant, le TGV Est amène la population directement à la gare de l’Est, à Paris : cette liaison est donc extrêmement importante.
J’ai bien compris qu’il y avait encore des débats sur les financements et que tout n’était pas arrêté, mais l’intérêt général incite vraiment à voter ce projet et à lancer cet investissement. Celui-ci est utile non seulement pour Paris mais aussi, plus largement, pour la compétitivité de notre pays.
M. Yves Albarello et M. Patrick Ollier. Très bien !
M. Bertrand Pancher. C’est le département des Ardennes qui paiera ?
M. Jean-Luc Warsmann. On n’a plus un sou !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu de l’utilité et de la pertinence de ce projet. Lorsque nous avons élaboré et mis en place, voilà plusieurs années, le développement d’un réseau de transports en commun dénommé le Grand Paris Express, nous avons prévu comme axe central la liaison de Paris avec les deux aéroports, Orly et Roissy.
C’est dans ce cadre qu’ont été décidés tout à la fois le prolongement de la ligne 14 du métro vers le sud, jusqu’à Orly, et la réalisation, dans le cadre du projet du Grand Paris Express, de la ligne 17, qui doit créer une offre supplémentaire d’accès à Roissy et de Roissy à Paris, en plus de la ligne B du RER, laquelle doit être modernisée et rénovée.
Je suis d’autant moins convaincu que, selon un dicton, on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Nous avons le Grand Paris Express à réaliser, investissement majeur très important dont il convient de respecter le calendrier et les financements et pour lequel nous devons mobiliser toutes les énergies nécessaires.
Par ailleurs, nous avons décidé, pour la grande banlieue et les territoires aux franges de l’Île-de-France, de développer, par un plan de mobilisation des transports rassemblant toutes les collectivités publiques et l’État et faisant appel à la participation des citoyens, l’amélioration du réseau de transports existant.
Je défendrai par conséquent des amendements visant à supprimer l’article 1er et l’article 2 de ce projet de loi de ratification de l’ordonnance car je crois vraiment, mes chers collègues, que nous prenons les choses à l’envers. Si l’on peut considérer qu’il faudra un jour une autre ligne de transports, il ne faudra la réaliser qu’ultérieurement, lorsque les décisions déjà prises auront produit des effets et que nous disposerons d’un retour d’expérience.
Mme Marie-George Buffet et Mme Isabelle Attard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Étant également élue francilienne, je partage l’avis de mon collègue Jean-Luc Laurent. Il a rappelé les débats qui avaient eu lieu au moment de l’examen des deux projets qui s’opposaient, le Grand Paris Express et Arc Express.
Nous sommes aujourd’hui dans la même situation, avec un projet qui me fait penser à celui du Grand Paris Express, destiné aux touristes aisés et aux hommes d’affaires pressés. Arc Express, qui était le projet de la région, avait été longuement et finement négocié, en incluant les lignes 14 et 17, de façon à répondre non seulement aux besoins des usagers se rendant dans les aéroports mais aussi aux besoins urgents des usagers du quotidien.
Je suis extrêmement inquiète quand je vois qu’une telle somme sera consacrée à un projet qui concernera relativement peu de gens au vu du nombre de passagers transportés quotidiennement en Île-de-France. En revanche, il ne concernera pas les personnes qui travaillent sur ce site, lesquelles ne pourront pas payer 24 euros – au moins ! – pour se rendre sur leur lieu de travail.
Il peut paraître paradoxal que des écologistes s’opposent à un projet ferroviaire – nous y sommes en général favorables –, mais nous ne pouvons que nous opposer à ce projet. Nous préférerions que les sommes qui y sont consacrées soient plutôt investies dans les transports du quotidien, en Île-de-France bien sûr mais également dans les autres territoires où il existe également des besoins extrêmement urgents, comme cela a été rappelé par M. Krabal. Nous aimerions aussi d’ailleurs que le budget de l’État soit beaucoup plus massivement mobilisé en faveur de ces transports-là.
M. Bertrand Pancher. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite indiquer l’exigence dans laquelle nous nous trouvons d’apporter des réponses cohérentes à une diversité de problèmes. Quelle a été la difficulté devant laquelle se sont trouvés les responsables publics successifs ? On a construit le métro, que l’on a d’ailleurs fini de payer il y a quelques années seulement, puis on a créé un réseau de bus, puis le RER – et ensuite, tout s’est arrêté.
La nouvelle démarche, initiée sous la précédente législature et poursuivie sous celle-ci, consiste en un programme cohérent : ce que l’on appelle le « Grand Paris des transports ». Celui-ci comporte trois paramètres. Le premier consiste en un plan de mobilisation des transports, dans lequel se sont investis les collectivités locales et l’État, visant à rehausser le plus vite possible le confort, la sécurité, la fiabilité et la pérennité du transport de nos concitoyens : tel est le plan de mobilisation auquel s’est attelé le STIF, sous l’autorité de la région, dont c’est la compétence.
Il y a ensuite le Grand Paris Express, dont la vocation est d’assurer enfin la circulation des gens qui, en banlieue, ne peuvent aller de part et d’autre de ce territoire sans traverser Paris : cela plombe leur quotidien d’une manière inacceptable, et c’est un élu de banlieue – il y en a d’autres ici – qui le dit, et rend impossible tant la circulation que l’appropriation par les Franciliens du Grand Paris.
Enfin, un autre objectif du Grand Paris Express a été retardé, justement parce que l’on a voulu visiter tous les territoires : la possibilité de disposer de connexions intelligentes et fiables. Quand vous êtes à l’aéroport de Vienne, vous mettez exactement quinze minutes pour vous rendre au cœur de la ville : le problème, c’est que ce n’est pas avec le RER B, même réhabilité et renforcé, que nous pourrons faire cela. Or nous en avons besoin, de la même manière que la ligne 14 permettra de régler l’autre problème, celui de la liaison d’Orly au cœur de Paris. Cette stratégie est donc bien évidemment pertinente.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, vous me demandez la parole. Comme nous allons examiner trois amendements de suppression, je vous suggère de prendre la parole sur ces amendements car le débat sera le même.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Non, je souhaiterais dire un mot maintenant.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je ne répondrai pas sur les amendements de suppression ni sur le débat de fond car j’ai tout dit sur le fond et je n’entends pas d’arguments nouveaux : il n’est donc pas nécessaire que je m’exprime à nouveau.
Je veux cependant répondre à Mme Bechtel car nous n’avons pas abordé le sujet de la compatibilité entre le projet Charles-de-Gaulle Express et les lignes qui fonctionnent déjà pour partie puisque seront utilisées des infrastructures existantes : il s’agit des lignes Transilien K, sous l’autorité du STIF, et des TER Paris-Laon, sous l’autorité de la région des Hauts-de-France.
Sur ces deux lignes, des efforts de modernisation importants sont en cours : renouvellement complet du matériel roulant depuis 2014 pour les TER, en septembre 2016 pour la ligne K, qui ont déjà des effets positifs sur la régularité, en plus des effets bénéfiques du « RER B Nord + ».
En matière de cadencement, ces lignes sont totalement compatibles avec le service du Charles-de-Gaulle Express compte tenu des fréquences des circulations sur ces voies : quatre trains TER par heure pour la ligne K, quatre trains Charles-de-Gaulle Express par heure, contre vingt trains par heure aujourd’hui pour le RER B sur les voies adjacentes. La démonstration est faite que la compatibilité est possible.
En matière de robustesse et de fiabilité, le projet comprend 125 millions d’euros d’investissements sur une partie de ces voies pour renforcer la robustesse de l’ensemble des quatre voies. Je voulais répondre très précisément à votre questionnement.
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 1, 3 et 6, tendant à la suppression de l’article 1er.
La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Isabelle Attard. Comme vous, chers collègues, il m’arrive d’avoir honte quand je rentre dans le RER B après avoir utilisé les métros des grandes métropoles. J’aimerais être fière de nos services de transport en commun : oui, comme vous tous, j’aimerais accueillir les visiteurs du monde entier dans des infrastructures dignes de ce nom. Mais le RER B peut être rénové, embelli : c’est urgent, c’est demandé. Vous parlez d’un train express, mais le RER B a déjà des trains quasi directs.
La vraie raison de ces travaux, de ces infrastructures nouvelles, n’est donc pas vraiment là : aux Franciliens et aux travailleurs de Roissy les tacots, et aux touristes une belle vitrine qui cachera la misère – sans même être rentable puisqu’une famille aisée gagnera largement à prendre un seul et même taxi ! Plutôt que de rénover le RER B, plus du tout adapté, vous avez décidé d’empirer sa circulation en mettant sur les mêmes rails ce train express.
Savez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que vous pouvez avoir le fromage et le dessert ? Mes collègues l’ont indiqué à propos de la ligne 14 et de la future ligne 17 prévue par la région et par le Grand Paris : vous pouvez tout à la fois accueillir dignement des touristes et des sportifs – dans l’optique de 2024… peut-être – du monde entier, et offrir aux millions de Franciliens qui commencent à s’impatienter le transport moderne et ergonomique auquel ils ont droit. Comment ? Tout simplement en abandonnant ce projet coûteux et inutile et en misant sur l’amélioration du transport pour tous et non pour quelques milliers de privilégiés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 3.
Mme Laurence Abeille. Je me suis déjà exprimée sur l’article et je partage les propos de ma collègue Isabelle Attard. Je répète que je suis inquiète pour l’avenir des transports en commun en Île-de-France. Effectivement, monsieur Le Bouillonnec, pendant quarante ans, rien n’a été fait ou presque, hormis la ligne 14, dans les transports franciliens. C’est l’impulsion de la région Île-de-France, sous la présidence de Jean-Paul Huchon, qui a permis de donner la priorité aux transports en commun sur la route. Ce formidable changement a nécessité et nécessite encore, en termes d’investissements, des sommes absolument colossales.
Cela étant, cela reste fragile : les Franciliens le savent, qui constatent tous les jours que leurs transports sont dégradés. Améliorer la ligne B est une priorité ; le Grand Paris Express est une priorité, avec la ligne 17. Il faut sans doute aller plus vite, prévoir des investissements plus importants, mais certainement pas une ligne dédiée qui écartera de fait de nombreux Franciliens et Franciliennes de ce mode de transport vers l’aéroport. Nous créons des inégalités en permettant la réalisation de cette infrastructure.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 6.
M. Jean-Luc Laurent. Par cet amendement de suppression, je veux prolonger ce que j’ai indiqué dans la discussion générale. Le projet qui nous est proposé est un véritable serpent de mer puisque, déjà plusieurs fois abandonné, il ressurgit régulièrement sous une nouvelle forme, poussé à chaque fois par des acteurs différents, la SNCF et ADP aujourd’hui, la RATP et Vinci hier.
L’Île-de-France mène actuellement un projet de rénovation et d’extension historique de son réseau de transport pour améliorer la mobilité des Franciliens et de ceux qui viennent en Île-de-France, et à Paris tout particulièrement.
La future ligne 17 prévue dans le cadre du Grand Paris Express assurera une liaison nouvelle entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et Paris qui doublera la liaison actuelle, assurée par le RER B. Le Charles-de-Gaulle Express constituera donc une troisième liaison à mes yeux superflue, pour un trafic et une clientèle dont on mesure mal l’importance, alors que dans les années à venir, les crédits et l’ingénierie devraient être concentrés sur la modernisation du réseau existant. La réalisation du Charles-de-Gaulle Express par la SNCF et ADP va constituer une inutile et coûteuse distraction mais aussi un risque et je considère que le 1,4 milliard prévu par SNCF Réseau et par ADP devrait plutôt être investi dans l’amélioration du plan de transport et la réalisation du Grand Paris Express.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Duron, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je pourrais pour ma part entendre les auteurs de ces amendements quand ils regrettent les lacunes que dénonce l’autorité environnementale si le Gouvernement ne reconnaissait pas lui-même que les études doivent se poursuivre, notamment en ce qui concerne les nuisances sonores.
Je note pour m’en étonner que les auteurs des amendements ne font pas mention du report de la route vers le rail que la réalisation du Charles-de-Gaulle Express va entraîner, report modal très important puisqu’il devrait être de 56 à 40 % de parts de trafic et permettre de réduire les émissions de CO2 d’ environ 6,5 millions de tonnes chaque année.
Le coût de construction, estimé à 1,4 milliard d’euros, n’est pas faramineux. Il est certes important mais construire une infrastructure ou l’aménager dans un milieu urbain dense est une entreprise complexe. La combiner avec les infrastructures existantes en assurant, monsieur Laurent, la robustesse de cette combinaison nécessite aussi des investissements et beaucoup de soin, ce qui se traduit par un coût qui n’est pas négligeable.
En outre cet investissement ne pourrait pas se reporter sur le RER B puisque ce ne sont pas des fonds publics, mais des fonds dédiés en provenance des deux composantes de la société de projet, qui y ont intérêt : ADP a intérêt à améliorer la liaison avec Paris et l’attractivité de la plate-forme de Paris, fortement concurrencée par Heathrow mais aussi par Schiphol qui, pour gagner des parts de marché, a réduit deux années de suite les taxes d’aéroport. C’est tout à fait préoccupant pour ADP.
Et puis, comme l’a rappelé très justement M. le secrétaire d’État, c’est aussi l’intérêt de SNCF Réseau d’investir dans cette infrastructure pour assurer la robustesse de ses liaisons, celle du RER B et celle de la ligne K du Transilien, celle également du fret qui circule une partie de la nuit sur cette ligne.
Enfin il ne suffirait pas de rénover le RER B – c’est fait d’ailleurs : c’est le projet RER B Nord + – pour régler le problème de la liaison vers le centre de Paris. Le nombre d’arrêts intermédiaires continuerait de dissuader les usagers d’emprunter cette ligne puisque le temps de parcours est bien plus élevé.
Voilà toutes les raisons qui amènent à penser que cette infrastructure est utile, qu’elle n’est pas redondante avec la ligne 17…
Mme Marie-George Buffet. Si !
M. Philippe Duron, rapporteur. …puisque celle-ci n’assure pas le même service sur le même trajet et surtout qu’elle marque un certain nombre d’arrêts. Je crois donc que le projet Charles-de-Gaulle Express est complémentaire. Il ajoutera de la capacité au secteur nord de l’Île-de-France et répond à des exigences spécifiques de transport qui sont différentes selon qu’il s’agit des usagers du quotidien ou des voyageurs exceptionnels du transport aérien.
C’est pourquoi je donnerai un avis défavorable à ces trois amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur : défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Je pourrais partager la première partie de l’argumentation des auteurs de ces amendements selon laquelle il conviendrait de rénover l’équipement existant avant de s’engager dans la construction d’une infrastructure aussi lourde. C’est un vrai débat et je comprends cet argument.
Là où je ne vous suis plus c’est quand vous dites qu’on devrait consacrer les moyens financiers prévus pour ce projet à l’entretien de l’existant. J’appelle votre attention sur le fait que le financement du Charles-de-Gaulle Express est assuré par de la monnaie de singe : on gonfle l’endettement de SNCF Réseau et on « planque » le tout dans la dette abyssale du système ferroviaire français, qui s’élève à 40 milliards d’euros.
Quand, avec notre collègue Gilles Savary, nous sommes allés rencontrer la direction générale Mobilité et transports de la Commission européenne, on nous a dit que nous avions la chance que cette dette ne soit pas encore considérée comme devant respecter les critères de Maastricht mais cela va arriver.
J’appelle donc votre attention sur la nécessité de ne pas tout mélanger : le fonctionnement et l’entretien courant relèvent de SNCF Réseau mais il faut stopper son engagement dans des financements nouveaux qui ne font que grossir la dette monstrueuse du réseau ferroviaire français.
(Les amendements identiques nos 1, 3 et 6 ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 8, portant article additionnel après l’article 1er.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il s’agit de l’amendement qui précise la situation du projet du Charles-de-Gaulle Express vis-à-vis de l’application de la « règle d’or ». Nous avions la conviction que celait pouvait relever du domaine réglementaire.
J’en profite pour vous donner des informations sur le décret le plus important, qui va nous réconcilier, qui est l’application effective de la règle d’or. Le Conseil d’État a considéré qu’avant de se prononcer, il devait saisir l’ARAFER pour avis. Les débats au Conseil d’État sur la règle d’or ont montré que, même en cas d’avis favorable, on pouvait aboutir à une disjonction, en considérant que cette précision était du domaine législatif puisqu’il s’agissait d’interpréter la loi. On peut discuter à l’infini mais je pense qu’il vaut mieux sécuriser le projet de loi et c’est l’objet de l’amendement qui vous est proposé.
Cet amendement va permettre à SNCF Réseau de devenir actionnaire en fonds propres de la société de projet à hauteur de 100 à 300 millions d’euros, en fonction de ce qui sera décidé et de l’appel à l’emprunt, comparé à la dette dont on a parlé aujourd’hui.
Cela n’a rien à voir avec des décisions qu’on ne veut plus voir, c’est-à-dire avec une aggravation de la dette, laquelle s’élève déjà à 40 milliards, parce que l’EPIC est amené en tant que tel à financer des infrastructures. Ici ce sont des fonds propres. Il y a un actif en face et des actionnaires à côté, ADP mais aussi les banques car celles qui vont financer ce projet auront aussi des exigences qui devront être partagées avec SNCF Réseau et ADP. Le niveau des risques dans ce cas est évidemment extrêmement réduit dès lors qu’il s’agit uniquement pour cette société de projet de réaliser l’infrastructure, que son équilibre sera assuré, d’une part par les recettes de ceux qui assureront l’exploitation – ce ne sera évidemment pas SNCF Réseau – et d’autre part par une redevance ou une recette fiscale complémentaire.
La part de risque est donc extrêmement limitée. Il y aura d’autres partenaires qui seront tout aussi rigoureux. En outre la présence de SNCF Réseau au capital de cette société de projet est largement justifiée par le fait que sera utilisée une partie du réseau existant. SNCF Réseau, de par ses compétences, notamment en matière d’ingénierie, est un partenaire nécessaire auprès d’ADP.
Comme il s’agit d’un préalable indispensable à la réalisation de ce projet, le Gouvernement vous propose de voter cet amendement compte tenu de la singularité de la décision à prendre, des volumes concernés, et du caractère extrêmement limité du risque. C’est, je le dis clairement, une des conditions de réussite du projet que l’on vous propose aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Duron, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez également la charge de Voies navigables de France, vous me permettrez de dire qu’on rame ! Il faut voir cette façon dont vous nous expliquez comment on s’assoit sur la « règle d’or » sans que cela risque d’augmenter l’endettement
On a un problème pour financer une infrastructure ? Ce n’est pas grave puisque, comme dans le sketch de Roger Pierre, il y a une recette magique : vous créez une société dédiée et vous y associez SNCF Réseau. Mais l’argent que SNCF Réseau apporte au capital, c’est de l’argent qu’elle n’emploiera pas pour financer l’entretien obligatoire.
Vous nous dites qu’il y a un actif en face : certes mais il y en avait aussi un dans le projet de ligne Perpignan-Figueras, et pourtant la société s’est « plantée » – 90 % de recettes en moins ! Vous faites prendre ce risque à SNCF Réseau en la contraignant de financer ce projet. Évidemment elle ne va pas protester publiquement mais c’est contraire à tous les principes affichés lors de la réforme ferroviaire. Vous-même, lorsque nous avons déposé l’amendement créant une règle d’or pour qu’enfin cette spirale s’arrête, vous étiez le premier à nous soutenir.
Je veux bien que les responsabilités des déficits actuels soient partagées mais il faut quand même avoir en tête qu’il est grand temps d’y mettre fin. Or vous ouvrez là une brèche dans laquelle tout le monde va s’engouffrer. Il est normal de voir ici des parlementaires franciliens exprimer leur souhait que cette ligne soit créée mais demain il y aura un autre projet de ligne soutenu par d’autres parlementaires et les déficits continueront à exploser.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Je m’exprimerai pour soutenir l’amendement du Gouvernement : monsieur le secrétaire d’État, tout arrive… (Sourires.)
J’entends bien les arguments qui viennent d’être développés, mais en cette affaire, il y a urgence. Et s’il y a certainement un problème de financement, les recettes futures sont néanmoins certaines. L’augmentation du volume de passagers, qui sera de plusieurs millions dans les années à venir, sécurise largement ces recettes. Compte tenu des actifs de la société en question, je ne suis pas très inquiet, monsieur Pancher, sur l’avenir de cette opération du point de vue financier.
Je trouve que le Gouvernement a bien fait de choisir cette solution, puisqu’il en fallait une. On ne peut pas dire qu’il faut créer le Charles-de-Gaulle-Express et ne pas trouver de financement. Cela vaut la peine que le Parlement soutienne cette opération : il faut aller jusqu’au bout de cette logique, monsieur le secrétaire d’État, et le groupe Les Républicains votera votre amendement.
(L’amendement no 8 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements de suppression, nos 2, 4 et 7.
La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Isabelle Attard. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’il faut de la place pour les bagages : j’entre dans le concret du projet Charles-de-Gaulle-Express. Parfait ! Et en effet, dans le RER B, il faut de la place pour les bagages, comme il en faut pour les fauteuils roulants des personnes handicapées, pour les vélos et pour les poussettes, dont les propriétaires se sentiront enfin accueillis normalement dans un transport en commun. Nous n’aurons plus, ainsi, trente ans de retard par rapport aux pays scandinaves, entre autres.
Vous voulez, monsieur le rapporteur, favoriser un transfert modal. Excusez-moi, mais je ne comprends pas du tout et je ne crois pas être la seule dans cet hémicycle : comment allez-vous susciter un report modal avec un ticket à 24 euros l’aller ? Lorsqu’une collectivité souhaite favoriser l’utilisation d’un transport en commun pour éviter le tout-voiture, elle mise en général sur un tarif très bas. Je peux citer le département de l’Isère qui, pour éviter l’engorgement des routes lors des départs en sports d’hiver, mise sur un tarif du transport en bus extrêmement bas.
Vous nous dites aussi que pas un centime d’argent public n’ira à ce projet, mais nous parlons bien, comme l’observait mon collègue Pancher, d’une filiale de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris : c’est bizarre, mais je trouve là une ressemblance avec cette filiale de la Bibliothèque nationale de France qui devient tout à coup, avec de l’argent public, une filiale privée capable de passer des contrats avec n’importe quelle entreprise privée sans que personne ne lui demande quoi que ce soit, et ce par un petit tour de passe-passe.
J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez pourquoi ce projet-miracle que vous nous demandez de voter a contre lui un si grand nombre d’élus locaux.
Je considère, comme beaucoup d’autres collègues, que nous n’avons pas un seul centime à mettre dans un projet totalement superflu. Je m’interroge donc : s’agit-il d’un projet vraiment destiné à améliorer le transport des touristes, voire des Franciliens ? Ne sommes-nous pas dans le cadre plus futuriste d’EuropaCity, le temple de la consommation de la famille Mulliez ? J’aimerais savoir si ce Charles-de-Gaulle Express n’est pas juste un prétexte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Laurence Abeille. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Jean-Luc Laurent. Il est en cohérence avec mon amendement de suppression de l’article 1er. Je considère en effet que l’ordonnance prévue n’a pas lieu d’être.
On nous expose que cet investissement est nécessaire pour relier l’aéroport Charles-de-Gaulle à Paris, de même qu’est nécessaire pour ce faire la création d’une société, et qu’il est logique que les deux opérateurs, SNCF Réseau et ADP, investissent dans ce projet. Mais le raisonnement pourrait être similaire, mes chers collègues, pour la liaison entre Orly et Paris. Pourquoi ce qui est vrai d’un côté ne l’est-il pas de l’autre ?
La logique voudrait que si le choix est fait de réaliser cette liaison, au lieu d’une société de projet, ce soit la société du Grand Paris qui s’en charge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?
M. Philippe Duron, rapporteur. Je répondrai d’abord à Bertrand Pancher en lui disant que nous aurions pu choisir une autre formule : celle d’amener de l’argent public dans ce projet.
M. Bertrand Pancher. Oui.
M. Philippe Duron, rapporteur. Mais je vous rappelle que c’est le Parlement qui, lors de l’examen de loi relative au Grand Paris en 2010, s’est censuré en la matière. Nous ne pouvons pas aujourd’hui regretter une solution que nous nous sommes nous-mêmes interdite.
Vous dites que nous nous engageons dans une voie dangereuse en aggravant encore l’endettement de SNCF Réseau. Mais examinons les proportions.
D’un côté, en une dizaine d’années, l’endettement de Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, a doublé sous l’effet des projets que nous avons approuvés dans la loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle. Souvenons-nous des dix lignes à grande vitesse que prévoyait l’un de ses articles. Heureusement, on n’en a engagé que quatre – et c’est déjà beaucoup ! C’est ce qui met en danger le financement de SNCF Réseau et qui pose actuellement tant de problèmes à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Il s’agit d’investissements lourds, structurants, débouchant sur une situation préoccupante.
De l’autre côté, nous parlons d’un apport de 200 à 250 millions de SNCF Réseau, pour la modernisation d’une infrastructure.
Je crois que les deux ne sont pas comparables : on ne peut pas refuser le projet de Charles-de-Gaulle-Express au motif qu’on a commis un certain nombre d’erreurs dans la loi Grenelle.
Enfin, s’agissant des passagers du transport aérien et des usagers du RER, on a rappelé les projets de modernisation du RER et les efforts consentis par le STIF, avec l’État, pour faire en sorte qu’il accueille plus dignement ses usagers. Les passagers du transport aérien ont besoin d’aller vite, parce qu’il ne faut pas perdre sur terre le temps qu’on a gagné dans les airs : c’est important, je crois. Ce projet enfin permet un très fort report modal.
Je ne peux donc donner qu’un avis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Cela m’ennuie de porter le fer contre mon collègue et ami Philippe Duron, qui connaît très bien le sujet. Ce qui nous gêne, c’est qu’on pose le principe d’une règle d’or et qu’à peine le pain est-il cuit qu’on le jette. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Ce n’est pas à cause de la loi sur le Grand Paris de 2010 ; normalement, la règle d’or devrait s’imposer. On en fait fi parce qu’il n’y a plus un sou dans les caisses, et cela parce qu’on a renoncé à l’écotaxe, si bien qu’il n’y a plus d’argent dans le budget de l’AFITF.
On aurait pu augmenter de quelques centimes d’euros la fiscalité sur le gazole. Une augmentation d’un centime par litre, alors même que jamais la fiscalité sur le gazole n’a été aussi faible, aurait rapporté 300 millions d’euros par an. On pouvait trouver les moyens nécessaires.
On ne l’a pas fait et maintenant on assume ces choix en prenant un engagement nouveau qui, à l’ancienne, consiste à faire prendre les risques par une filiale de la SNCF.
D’accord, cela ne va pas faire exploser le déficit de la SNCF, mais on ouvre quand même une brèche béante dans le dispositif qui avait été mis en place.
M. Philippe Duron, rapporteur. Un trou de souris !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Madame la présidente, ce sujet vous concerne aussi puisque, comme Philippe Duron, comme Stéphane Travert et Philippe Gosselin qui ne sont pas dans l’hémicycle aujourd’hui, nous prenons le Cherbourg-Paris régulièrement. Chaque semaine, il a une heure de retard, en raison de sa vétusté et du nœud ferroviaire de Mantes-la-Jolie dont les problèmes ne sont toujours pas résolus. Ils le seront peut-être dans dix ou quinze ans. En tout cas, cela concerne des centaines de milliers de passagers, prisonniers d’un moyen de transport vétuste.
Je prends cet exemple parce qu’il vous concerne, monsieur le rapporteur, madame la présidente, comme d’autres collègues ici présents peut-être. Nous n’avons pas un centime à mettre dans un réseau qui n’apportera rien à la majorité de nos concitoyens. Certes, il faut penser aux touristes : je le comprends. Vous voulez une belle vitrine, vous voulez un transport rapide. Moi aussi je veux un transport rapide, mais je le veux aussi pour les usagers du quotidien, ceux qui prennent le RER B, les Intercités, les trains régionaux : ils ont droit, eux aussi, à un transport de qualité et ce n’est pas avec ce genre de choix que nous allons répondre à leurs interrogations.
Nous serions totalement dans l’erreur en choisissant de privilégier quelques milliers de passagers.
M. Patrick Ollier. Plusieurs millions !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur.
M. Philippe Duron, rapporteur. Madame Attard, vous m’interpellez sur un sujet que je connais un peu, par expérience vécue, comme Mme la présidente, mais aussi pour avoir travaillé dessus dans le cadre d’une mission sur les trains d’équilibre du territoire, les TET.
Cette mission a formulé un certain nombre de recommandations au Gouvernement, qui a largement repris ses conclusions. La question du matériel, que vous évoquiez, va être réglée dans des temps qui ne sont pas ceux de l’usager mais ceux de l’industrie ferroviaire, c’est-à-dire dans les trois ans qui viennent : l’État va engager 720 millions d’euros dans le remplacement des TET de la seule Normandie, soit cinq lignes. Et je pourrais citer les autres régions.
Vous évoquez la liaison nouvelle Paris-Normandie : elle est indispensable pour améliorer la desserte ferroviaire de Paris, pour les provinciaux que nous sommes, mais vous l’avez dit, c’est un projet de long terme. Il faut y intéresser les deux conseils régionaux concernés, celui de Normandie mais aussi celui d’Île-de-France. Pour l’instant, on a l’impression que les nouvelles équipes ne se sont pas complètement approprié le sujet.
Pour le reste, les sommes prévues pour le projet Charles-de-Gaulle-Express ne sont pas transférables sur d’autres. Patrick Ollier l’a très bien rappelé, l’enjeu n’est pas seulement de se donner une vitrine, comme vous l’avez dit, mais de renforcer l’attractivité de l’Île-de-France tout entière : l’économie touristique est devenue de première importance dans notre pays et l’activité drainée par les grands aéroports est facteur de croissance et d’emploi. Nous avons besoin d’emplois, en Île-de-France et ailleurs.
Comme l’ont rappelé Jacques Krabal et d’autres, ce n’est pas seulement l’affaire de l’Île-de-France. L’aéroport de la première ville de France a un effet d’entraînement sur les autres territoires. Pour ces raisons, ce projet de liaison me semble nécessaire.
(Les amendements identiques nos 2, 4 et 7 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 9 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Philippe Duron, rapporteur. Il est rédactionnel également.
(L’amendement no 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils (nos 3750 rectifié, 4042).
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, nous assistons en France et dans le monde à l’essor de l’usage à la fois professionnel et de loisir des drones civils.
Le développement de la filière professionnelle, notamment, a été très dynamique : à la fin de 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs ; à la fin de 2015, plus de 2 300 opérateurs de drones sont déclarés dans notre pays, lesquels exploitent plus de 4 200 drones et représentent plus de 5 000 emplois.
L’usage des drones de loisir est également en plein essor puisque plusieurs centaines de milliers de drones ont été vendus en France pour la seule année 2015. Les lancements récents de nouveaux modèles par les grands noms du secteur laissent entrevoir une nouvelle année de ventes record en 2016.
Je l’ai souvent dit : le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamiques et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante.
Cette filière est à la croisée des chemins – entre aéronautique et numérique, entre innovations technologiques et innovations pour les usages, entre PME et grands groupes – et elle nous demande de nous adapter en permanence à ces nouvelles technologies et pratiques dont la plupart nous sont certainement encore inconnues.
Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont ainsi développées dans différents domaines, permettant l’émergence de multiples activités dont certaines, d’ailleurs, étaient difficilement imaginables avant l’essor des drones.
L’année dernière, j’ai pu constater moi-même les perspectives offertes par les drones tant du côté des donneurs d’ordre – c’était au mois de septembre 2015, sur le site du « triangle LGV de Coubert » – que du côté des constructeurs et opérateurs lors de ma rencontre avec plusieurs d’entre eux à Pau, au mois de mars 2016.
Le cadre stable offert par la réglementation française – deux arrêtés de décembre 2015 modifiant des textes de 2012 sans en changer les principes – permet une grande variété d’usages des drones.
Les activités les plus connues sont les prises de vue pour les médias, le cinéma et la publicité mais les drones sont aussi utilisés pour de nombreuses autres activités professionnelles comme les inspections de bâtiments et d’infrastructures, la supervision des cultures, le suivi de chantiers, le ravitaillement des navires en mer, les missions de surveillance et de sécurité civile – le recours aux drones dans les opérations de secours, en particulier, tend à se généraliser. Après la surveillance des feux de forêts, nous avons pu découvrir cet été dans les Landes l’expérience menée par les maîtres-nageurs sauveteurs afin de lutter contre les risques de noyade – nous reviendrons certainement sur cette question. Le drone, ainsi, se révèle être un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de la sécurité de nos concitoyens et de l’environnement.
Si ces développements prometteurs nous ont conduits à définir un cadre d’usages dès 2012, l’avenir de cette filière nécessite néanmoins de prendre également en compte les nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté qu’elle suscite. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles. Ces derniers mois, les signalements de drones par des pilotes de ligne ont fait naître des inquiétudes quant à la sécurité du trafic aérien. Indépendamment des questions de réglementation, l’État doit bien entendu se doter des moyens de détecter et de faire cesser des survols indésirables. Des essais ont déjà eu lieu et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont en cours – ils portent d’ailleurs leurs fruits puisque des solutions techniquement viables ont pu être mises en évidence.
Cela me permet également de répondre à certaines interrogations qui avaient été soulevées lors de l’examen de ce texte au Sénat et qui portent sur le cas particulier de la protection du secteur nucléaire : l’analyse des capacités actuelles des drones civils menée en 2014 ne faisait pas apparaître de menace qui ne serait pas prise en compte par la directive nationale de sécurité actuellement en vigueur mais les progrès technologiques étant très rapides, il est nécessaire d’anticiper les menaces futures que pourraient présenter les drones. Des réflexions ont donc été conduites sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Elles ont porté sur plusieurs axes : les moyens techniques de détection, d’identification et de neutralisation ; l’articulation avec les missions de protection de l’espace aérien mises en œuvre par l’armée de l’air ; la chaîne opérationnelle de commandement allant de la détection à la neutralisation en passant par la levée de doute. Les services de l’État travaillent ainsi actuellement à la préservation d’une chaîne opérationnelle robuste allant de la détection à la neutralisation qui soit également adaptée aux drones.
Parallèlement, nous sommes aussi en contact très étroit avec nos voisins européens les plus impliqués sur le sujet afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants.
Il est également nécessaire que des règles adaptées accompagnent l’essor de cette industrie nouvelle. Elles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois, sans remettre en cause les pratiques historiques des aéromodélistes en club.
L’ensemble du Gouvernement est très soucieux de maintenir cet équilibre, car c’est la condition pour que le secteur français du drone civil reste, comme c’est le cas aujourd’hui, le plus dynamique d’Europe, aussi bien en matière de construction que d’exploitation. Des campagnes de communication continueront par ailleurs d’être menées pour sensibiliser les utilisateurs de loisirs aux « dix principes essentiels » de l’usage d’un drone de loisir.
Le Conseil pour les drones civils, installé en 2015, rassemble par ailleurs, aux côtés des services de l’État, les acteurs de la filière. Il permet, sur la base d’objectifs partagés, de progresser dans la recherche des voies réglementaires, technologiques et économiques susceptibles de contribuer à cet équilibre. Le cadre réglementaire national de 2012, déjà évoqué, a doté la France d’une réglementation spécifique pour les usages professionnels des drones civils. La mise en place de ce cadre juridique novateur, qui a permis d’accompagner et de promouvoir l’émergence de ces activités, a été saluée par la profession et par nos voisins européens.
Ce choix ambitieux nous confère une véritable avance par rapport à d’autres grands pays industriels – et il est essentiel de la conserver. Cette réglementation se voulait délibérément évolutive. Elle a, de fait, été améliorée à la fin de l’année 2015, en tenant compte du retour d’expérience des premières années, et elle est désormais mieux adaptée aux usages professionnels actuels. La France participe également activement aux réflexions sur la mise en place de règles partagées relatives aux drones civils au niveau européen et international, dans le cadre des travaux de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, ainsi que de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Le rapport du Gouvernement au Parlement intitulé « L’essor des drones aériens en France : enjeux et réponses possibles de l’État », remis en octobre 2015, avait mis en évidence la nécessité d’adopter des règles de nature législative et formulé certaines propositions. C’est sur la base de ces propositions qu’ont réfléchi les deux auteurs de la proposition de loi dont vous débattez aujourd’hui. Celle-ci pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone. Leur immatriculation et leur enregistrement assureront une meilleure traçabilité des appareils, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.
La définition de la fonction de télépilote consolidera par ailleurs la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière, qui ont conduit à la signature d’un avenant à la convention collective nationale des personnels au sol du transport aérien, pour l’élargir à ces nouveaux métiers. Ce texte inclut aussi de nouvelles dispositions relatives à l’obligation de formation pour la pratique des activités de loisir. Il ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités professionnelles les plus complexes, comme celles opérées hors vue du télépilote.
En outre, le texte prévoit, pour certains drones, une obligation d’emport d’un dispositif de limitation des performances, que votre commission a souhaité renommer « limitation de capacités ». Ce dispositif, qui vise notamment à assurer la sécurité des vols habités, est en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Le texte qui vous est présenté permettra la prise en compte des progrès de la technologie lorsqu’ils seront devenus opérationnels.
Enfin, cette proposition sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, la réponse pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribueront, en complément des actuelles actions menées par l’État.
Les travaux en commission du développement durable ont précisé que cette obligation s’appliquerait également à la vente de drones d’occasion. Ces travaux ont également permis de clarifier deux points tout à fait essentiels. Premièrement, une période transitoire a été prévue pour l’applicabilité de l’obligation d’emport des dispositifs de signalement électronique et lumineux et de limitation de capacités. Ceci permettra notamment de ne pas pénaliser les utilisateurs professionnels de drones qui auraient acheté leur outil avant que ces dispositifs ne soient disponibles, en prévoyant un délai de mise en conformité. Le deuxième point est relatif à l’applicabilité du texte dans les territoires et collectivités d’outre-mer.
Cette proposition repose sur un équilibre entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre technique, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires. S’agissant des seuils de masse, en dessous des plafonds prévus maintenant par la loi, ils seront choisis de sorte que la contrainte qui pèsera sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité. Le Gouvernement avait soutenu devant le Sénat une démarche renvoyant la détermination de tous les seuils aux décrets. Nous estimions en effet que cela permettait une adaptation rapide aux évolutions de ces aéronefs sans pilote. Votre commission a souhaité introduire un seuil plafond à 800 grammes. Le Gouvernement est prêt à accepter cette démarche qui, par le choix d’un seuil plafond, maintient la possibilité d’adaptation rapide et souple.
La proposition de loi qui est vous est soumise aujourd’hui apporte une réponse législative aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone. Je tiens à remercier Mme la députée Marie Le Vern, rapporteure du texte, d’avoir permis, en concertation avec les professionnels, les fédérations et les administrations concernées, d’apporter des améliorations au dispositif qui vous est proposé. Cette proposition de loi permet à la France de continuer à montrer la voie dans un secteur d’activité où elle compte de nombreuses réussites économiques. Son objectif majeur est clair : conjuguer les exigences de la sécurité et l’essor économique de la filière drone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Le Vern, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Mme Marie Le Vern, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous examinons, en cette première séance de la dernière session extraordinaire de notre législature, un texte relatif au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Si le sujet peut paraître un peu exotique ou divertissant aux yeux de certains, il est en réalité plein d’enjeux fondamentaux, qui touchent à notre sécurité, mais aussi à notre avenir commun.
Les drones se sont développés, à l’origine, dans un but militaire. Ils ont commencé à faire l’objet d’usages civils à partir de la fin des années 1980 et, depuis les années 2000, ils sont devenus des objets de loisir de grande consommation. Oui, les drones sont entrés dans notre quotidien. Ils font partie de la famille des objets connectés qui pénètrent nos foyers et modifient nos habitudes de vie. Chaque utilisateur peut y trouver un usage innovant, que ce soit à des fins professionnelles, dans l’agriculture et le secteur du bâtiment et des travaux publics par exemple, dans l’assistance aux personnes en danger et pour faire face aux situations d’urgence – en mer, en altitude ou lors d’incendies – ou tout simplement dans un but récréatif.
En 2015, ce sont environ 300 000 drones qui ont été vendus en France. Le secteur représente 5 000 emplois dans le pays, majoritairement des emplois d’ingénierie et de développement, mais aussi de commerce. C’est une filière innovante, constituée majoritairement de start-up – principalement des opérateurs –, mais qui compte aussi un poids lourd français, numéro 2 de la construction sur le marché mondial. Si la miniaturisation croissante des composants dynamise toujours davantage ce secteur en permettant de créer des drones de plus en plus légers et de plus en plus abordables, les risques pour la sécurité se développent aussi.
Aux risques pour la sécurité aérienne, qui sont les plus immédiats et les plus fréquents, s’ajoutent des risques pour la sûreté nationale et, disons-le clairement, des risques liés à la menace terroriste. L’origine même de ce texte est à rechercher dans la série de survols de sites sensibles qui ont eu lieu en 2014 et 2015. Ces épisodes ont ému l’opinion, et le contexte de menace que nous connaissons justifie que des mesures nouvelles soient prises.
Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a remis à la fin de l’année 2015 un rapport qui complète cette cartographie des risques liés aux drones. Y sont définis : le risque de l’accidentologie et de la collision ; celui de la captation indue d’informations sur la vie privée d’individus ou sur des sites d’intérêts stratégiques et sensibles ; celui de l’utilisation du drone comme arme par destination, par impact direct ou pour transporter des charges létales explosives, radiologiques, bactériologiques ou chimiques – ce qui est déjà le cas sur certains théâtres de guerre dans le monde ; le risque, enfin, de la décrédibilisation de l’action de l’État ou de certains opérateurs lorsque les drones survolent des sites sensibles.
Les sénateurs Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché ont travaillé, à partir de ce rapport, à une proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat au mois de mai. Cette proposition de loi repose sur quatre piliers : l’obligation d’informer les acheteurs de drones, au moyen d’une notice relative aux règles applicables à leur utilisation, présente dans les emballages ; une obligation de formation pour les télépilotes de drones susceptibles de représenter un risque réel ; l’installation de dispositifs de sécurité permettant, d’une part, la discrimination entre les drones coopératifs et les drones malveillants – c’est tout l’enjeu du signalement lumineux et électronique ou numérique – et, d’autre part, la limitation des capacités de l’appareil, non pour le brider, mais pour s’assurer qu’il évolue dans des conditions conformes à la réglementation aérienne à laquelle il reste évidemment soumis.
Le quatrième pilier, enfin, est celui de la mise en œuvre d’un système d’enregistrement, qui servira de support à la formation et au signalement des aéronefs. Ce système, qui permettra par exemple de signaler aux télépilotes enregistrés que leur drone survole une zone interdite, de manière à ce qu’ils modifient sa trajectoire, sera mis en œuvre à partir de 2018.
Cet ensemble de mesures représentera une contrainte très légère pour les utilisateurs, mais une aide précieuse pour les autorités chargées de la sûreté et de la sécurité, qui devront néanmoins développer et perfectionner des moyens capacitaires adaptés pour répondre aux menaces venues des drones, dont la neutralisation est encore mal maîtrisée.
Cette proposition de loi a aussi une dimension pédagogique, puisqu’elle entend rappeler à tous les utilisateurs de drones, et notamment à ceux qui en font un loisir et ne pratiquent pas régulièrement l’aéromodélisme que le drone n’est pas un jouet comme les autres. L’application de la loi sera en effet garantie par la mise en place de sanctions à l’article 5, lequel introduit une gradation entre l’acte de négligence et l’acte volontaire et malveillant. Il permettra, le cas échéant, la confiscation du drone incriminé.
Malgré ses qualités, il m’a semblé que cette proposition de loi souffrait d’un défaut majeur, en ce qu’elle était une loi « normande » – même si cela n’est pas un défaut en soi, madame la présidente ! J’entends par là qu’elle ne tranchait pas réellement, puisque les éléments les plus structurants, notamment la question des seuils de masse, étaient renvoyés au pouvoir réglementaire. Il faut certes faire preuve d’une certaine souplesse, compte tenu des évolutions rapides de ces technologies, mais pas au prix d’un manque de clarté et de lisibilité pour les acteurs.
Ce renvoi systématique au pouvoir réglementaire pose la question du rôle du Parlement. Pour ma part, j’ai considéré que la loi devait tracer un chemin qui permette de visualiser dès aujourd’hui les effets de la proposition de loi. C’est pourquoi j’ai souhaité que le travail en commission pose des principes lisibles : tous les télépilotes doivent être informés des bonnes pratiques et des règles de base par une notice fournie avec le drone, et tous sont responsables de leur appareil, y compris pénalement.
Pour les télépilotes de drones pesant plus de 800 grammes – soit à peu près 10 % du parc – une obligation d’enregistrement en ligne, de formation élémentaire et d’équipement du drone de dispositifs de signalement et de limitation de capacité devra être observée.
Pour les drones de plus de 25 cinq kilos, une obligation d’immatriculation s’applique. Le seuil de 800 grammes pourra être abaissé par décret, si cela est rendu nécessaire par les évolutions technologiques et les progrès de la miniaturisation. Je considère qu’un seuil unique pour toute la loi est un gage de lisibilité. Des exceptions sont aménagées pour respecter certains usages spécifiques : l’expérimentation, les usages professionnels complexes, ou encore l’aéromodélisme. Durant les travaux de la commission, nous avons pu débattre de l’opportunité de fixer dans la loi un seuil évolutif de masse pour le déclenchement des différentes obligations du texte. Le débat est légitime et nous aurons l’occasion de le poursuivre tout à l’heure. Je considère, quant à moi, que cela permet de tracer une ligne claire pour les acteurs concernés.
Nos travaux ont également porté sur l’adaptation du parc de drones en circulation aux nouvelles obligations nées de la proposition de loi. Il est évident qu’un retour en usine généralisé serait parfaitement irréalisable. Je tiens à rassurer l’ensemble de mes collègues : ce n’est pas le scénario que nous envisageons. Là encore, je serai heureuse de répondre à ces interrogations lors du débat sur les amendements. Malgré ces quelques points de discussion, je veux saluer l’esprit constructif dans lequel se sont déroulés les travaux de notre commission, et l’adoption du texte à l’unanimité.
Je terminerai mon propos en vous présentant succinctement les amendements que je souhaite soumettre au débat. Ils visent essentiellement à asseoir le principe des dérogations pour les pratiquants de l’aéromodélisme traditionnel : en reconnaissant notamment leurs formations par équivalence ; en explicitant les mesures dérogatoires à leur avantage lorsqu’ils pratiquent dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet ; en réservant l’obligation d’équipement d’un dispositif de signalement sonore en cas de perte de contrôle uniquement aux aéronefs mis en circulation à partir de juillet 2018 – sans obligation de retrofit, par conséquent. Je proposerai également d’introduire la notion de signalement numérique. La question avait été posée en commission. Elle était pertinente et nous avions choisi de nous laisser le temps de vérifier son applicabilité. Ce sera chose faite.
Encore un mot pour vous dire que ce texte positionne la France parmi les pionniers de la législation sur les drones civils de loisir en Europe. Nous pouvons en être fiers mais surtout en profiter pour avoir un rôle proactif dans l’élaboration de la réglementation que l’Union européenne va prochainement mettre en place. Les questions que nous nous posons aujourd’hui et les réponses que nous apporterons seront écoutées.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, le rôle que vous aurez à remplir en rédigeant les textes d’application réglementaires sera particulièrement important. De nombreux acteurs sont suspendus à ces précisions par décret. Ils ont besoin de signaux bienveillants et de visibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, il y a quelques années encore, le drone était un outil technologique réservé aux professionnels. Puis, ces « aéronefs circulant sans personne à bord » ont connu un essor fulgurant. Le drone est devenu un cadeau de Noël comme un autre. Cet essor des drones de loisirs, nous devons nous en réjouir car, d’une part, les technologies se démocratisent de plus en plus rapidement et, d’autre part, un constructeur français fait partie des leaders du marché.
Plus largement, la France compte aujourd’hui environ 200 000 drones de loisir, ainsi que 2 300 opérateurs professionnels de services, qui utilisent 4 200 drones. Cette filière occupe la première place en Europe. J’insiste sur cette situation : nous devons à tout prix, dans toute réglementation, faire en sorte de ne pas entraver le développement d’un secteur. Il ne suffit pas de vanter les louanges de la French tech et du made in France, si c’est pour ensuite plomber les industriels français en leur imposant toujours plus de contraintes. Je sais que cela part d’une bonne intention, mais veillons aux conséquences de la loi et des normes réglementaires.
Les possibilités offertes par les drones sont multiples et sources d’innovations. Demain, peut-être, les drones livreront nos articles achetés sur Internet, notre courrier et nos pizzas, dans des lieux difficilement accessibles notamment. Des radars-drones ont même été expérimentés par la gendarmerie. Mais n’oublions jamais que les drones sont des smartphones volants et qu’ils peuvent poser des problèmes de sécurité. Parmi ces nouveaux risques figurent celui de l’accident par collision avec d’autres aéronefs ou de chute du drone, de la captation indue d’informations, de l’utilisation du drone comme une arme ou à d’autres fins délictuelles ou criminelles.
Ce sont notamment les survols de centrales nucléaires qui nous ont conduits à demander un rapport au Gouvernement dans la loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, issue d’une proposition de loi défendue par notre collègue Claude de Ganay. Notons que, pour une fois, ce rapport a été remis, et presque dans les temps ! Il a été rédigé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. La quasi-totalité des propositions qui y sont faites se retrouvent dans la proposition de loi initiale, d’origine sénatoriale, que nous examinons aujourd’hui.
Jusqu’à présent, la réglementation passait avant tout par des textes réglementaires. La France était ainsi en avance sur l’encadrement des drones professionnels : deux arrêtés pris en 2012 et revus en décembre 2015 encadraient ce secteur de manière stricte et précise. Pour les drones civils, une loi était certes nécessaire, mais j’appelle votre attention sur ce qui a fait la force des interdictions et obligations dans le domaine professionnel : être en avance, ou du moins pas trop en retard, sur les usages ; s’appuyer sur des textes réglementaires, facilement modifiables, et vecteurs de souplesse, car la technologie évolue bien plus vite que la loi.
Le texte initial avait, je crois, cette force. Comme nous l’avons dit en commission, renvoyer à des décrets donne une latitude et laisse des marges de manœuvre indispensables qui, en plus de l’adaptation aux évolutions technologiques, doivent aussi permettre de ne pas brider des usages, qui sont déjà encadrés dans le domaine du loisir. Je pense notamment à l’aéromodélisme, auquel le texte pourrait s’appliquer. Pourtant, l’exercice de cette passion a des spécificités qui diffèrent des drones de loisirs classiques – pilotage exclusivement à vue, techniques de pilotage plus poussées, etc. La distinction entre les utilisateurs de drones et les personnes qui pratiquent l’aéromodélisme, qui est une véritable pratique sportive, encadrée par une fédération nationale, sur laquelle ne peuvent pas peser les mêmes contraintes, est nécessaire. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Cette proposition de loi a le mérite d’insérer dans la législation les dispositions juridiques nécessaires au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Ces dispositions sont souvent de bon sens, comme l’insertion d’une notice standardisée, l’instauration d’une formation en ligne ou l’immatriculation, qui est même déjà en vigueur mais très peu appliquée, et mérite donc d’être remplacée par un enregistrement en ligne. Tout l’enjeu de ce texte est d’offrir un cadre solide, sans pour autant freiner le développement d’un secteur économique particulièrement dynamique en France. J’insiste sur ce point car c’est vraiment indispensable. Le risque est, comme dans la version initiale du projet de loi pour une République numérique, d’oublier que nous légiférons dans un cadre franco-français et que les obligations s’appliqueront avant tout aux constructeurs français. C’est pourquoi il faut que les règles de fabrication des drones fassent l’objet d’une harmonisation, a minima au niveau européen. Un règlement est en cours de préparation et la présidence slovaque a manifesté son intention de faire avancer le dossier rapidement.
J’ai malheureusement l’impression que certaines mesures introduites en commission l’ont été de façon totalement déconnectée de ce que pourrait être la réglementation européenne – je pense notamment aux seuils ou au signalement sonore. La loi n’est pas un tract ou un message envoyé à Bruxelles. Si la France a des positions à défendre, elle doit le faire au niveau européen. Ici, au Parlement français, il n’est pas raisonnable, par exemple, de vouloir imposer des mesures applicables au 1er janvier 2019, si un règlement européen applicable au 1er juillet 2018 en prévoit d’autres, moins strictes, ou tout simplement différentes.
Le rapport du SGDSN insiste fortement sur ce point en indiquant que « le travail mené doit l’être en concertation avec nos partenaires et les instances internationales dont la France est membre ». Cela concerne non seulement la Commission européenne et le Parlement européen, mais aussi l’Organisation de l’aviation civile internationale ou l’Agence européenne de sécurité aérienne. Monsieur le secrétaire d’État, la rédaction de la proposition de loi issue des travaux en commission tient-elle compte de cette préconisation ?
En plus d’émettre une réserve sur l’insuffisante souplesse du texte actuel, qui fixe des seuils dans la loi – ce à quoi je m’oppose –, et sur la prise en compte de l’aéromodélisme, notre groupe s’étonne de la disposition de l’article 4 prévoyant que certaines obligations s’appliquent de façon rétroactive au parc d’aéronefs déjà sur le marché, ce qui impliquerait concrètement de rappeler à l’usine 40 000 drones – environ 20 % du parc existant –, afin que le constructeur puisse les adapter à la nouvelle réglementation. Nous ne sommes pas certains que l’impact de cette mesure sur les utilisateurs et les constructeurs, en termes de coût notamment, ait été suffisamment évalué. Mieux aurait-il valu appliquer cette mesure uniquement aux nouveaux drones.
Notre dernière réserve concerne le besoin d’exempter de certaines obligations réglementaires et administratives les drones dédiés au secours de personnes, notamment en mer et en haute montagne, qui devraient pouvoir disposer d’un statut particulier. C’est l’objet d’un amendement de notre collègue Martial Saddier, cosigné par Virginie Duby-Muller et moi-même. De façon générale, il nous semble nécessaire de ne pas se contenter de poser des règles mais également de sensibiliser tant les usagers que les forces de l’ordre à l’utilisation des drones. La réglementation que nous mettons en place ne peut être envisagée que comme une démarche préventive, dans la mesure où les moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones malveillants sont limités ou encore en phase expérimentale.
Je me permets, enfin, d’appeler votre attention sur un point qui me tient à cœur : le respect de la vie privée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés – CNIL – s’intéresse depuis plusieurs années aux drones. Comme je l’ai dit, ce sont des smartphones volants, avec tout ce que cela implique : la prise de vue dans les lieux privés est rendue beaucoup plus facile. Cet aspect n’est pas présent dans la proposition de loi. Je ne dis pas ce que c’est un tort, mais je voudrais simplement m’assurer que les textes existants – article 226-1 du code pénal et article 9 du code civil – sont suffisants et applicables aux drones.
Pour résumer, le groupe Les Républicains salue le travail constructif du Sénat sur ce texte. Les ajouts faits en commission ne nous paraissent pas tous pertinents et nous font préférer la version du Sénat. Sous réserve des remarques que j’ai énumérées, et de la recherche d’un bon équilibre entre encadrement et développement économique, nous soutiendrons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, en l’espace de deux ans, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a recensé plusieurs dizaines de survols par des drones de sites sensibles, tels que des centrales nucléaires ou des aéroports – vous l’avez rappelé il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d’État. De tels survols, même s’ils résultent le plus souvent d’une méconnaissance de la réglementation, ne sont pas anodins. Le simple survol d’un aéroport peut perturber voire interrompre le trafic aérien. Cela fut le cas pendant une heure, le 11 juin dernier, à l’aéroport de Dubaï, le troisième plus important au monde en termes de fréquentation, et cela pourrait évidemment arriver chez nous. Le 19 février dernier, un drone est passé à cinq mètres seulement d’un Airbus A320 en phase d’atterrissage à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Le risque d’accident est réel, avec potentiellement des conséquences humaines et, dans le meilleur des cas, des pertes économiques loin d’être négligeables.
Une telle situation est-elle acceptable ? Bien sûr que non ! Outre ces risques, il existe un véritable danger de voir des drones civils employés à des fins malveillantes. Tout d’abord, les drones constituent des dispositifs d’enregistrement très mobiles pouvant porter atteinte à la vie privée. Le code pénal est clair sur la protection de la vie privée et il faut sensibiliser les utilisateurs de drones au droit en vigueur, qui les concerne aussi.
Ensuite, les drones sont des petites merveilles technologiques, qui peuvent, à l’heure actuelle, transporter 20 à 30 % de leur poids, ce qui est loin d’être négligeable. Je vous laisse imaginer l’inventivité dont pourraient faire preuve les terroristes qui menacent la France, avec de tels engins. Il est donc indispensable de pouvoir identifier puis neutraliser rapidement un drone qui ne respecterait pas la réglementation, afin d’écarter au maximum le risque d’une attaque par ce type d’engin.
Au regard de ces dangers, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est plus que bienvenue, car le renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils est bel et bien une impérieuse nécessité.
Toutefois, s’il est vrai que l’intervention du législateur est nécessaire, elle doit être adaptée aux enjeux économiques du marché des drones et des services associés. Ce secteur s’est considérablement développé en France au cours des dernières années dans le cadre d’initiatives privées couronnées de succès. Aujourd’hui, si les drones professionnels sont majoritairement utilisés dans le secteur audiovisuel, ils peuvent également servir à réaliser des inspections techniques de bâtiments et d’ouvrages d’art ou à détecter des situations de stress hydrique et de manque d’engrais dans l’agriculture. Certains envisagent déjà de leur confier des missions de sécurité aérienne et de sécurité civile. En clair, il s’agit d’un secteur d’avenir aux potentialités importantes pour notre pays.
Faut-il rappeler que le deuxième constructeur au monde de drones civils est français et qu’il vend des drones partout dans le monde ? Il s’agit là d’une réussite dont nous devons être fiers ! Jusqu’à présent, la réglementation adoptée dans notre pays a été pionnière, tout en sachant tenir compte des intérêts de nos constructeurs. Elle comporte toutefois des zones d’ombre et des insuffisances qui constituent de grandes vulnérabilités.
Fort heureusement, la présente proposition de loi vient les combler. Veillons à ce qu’elle le fasse tout en maintenant un juste équilibre entre l’encadrement de l’usage des drones et une certaine flexibilité afin de ne pas freiner le développement de cette filière. Le texte, tel qu’il a été amendé en commission, conserve l’approche souple que lui avait donnée le Sénat : il nous paraît donc adéquat. Il fait entrer dans le droit le télépilote et prévoit un dispositif d’enregistrement électronique spécifique aux drones. De plus, les renvois prévus au pouvoir réglementaire permettront la concomitance entre l’encadrement de l’usage des drones civils et les évolutions technologiques, en concertation avec les professionnels concernés.
L’examen en commission et les amendements de Mme la rapporteure ont permis d’enrichir le texte de certaines dispositions qui nous paraissent bienvenues, telles que l’obligation de doter les drones d’une masse supérieure à 800 grammes d’un dispositif de signalement sonore en cas de chute, afin d’alerter les personnes se trouvant à proximité. Même si la masse de 800 grammes est un seuil minimal, lequel pourrait être abaissé par le pouvoir réglementaire, nous aurions souhaité connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet. En effet, 800 grammes, cela peut paraître léger : toutefois, en cas de chute de plusieurs mètres, les conséquences sur une personne qui viendrait à être percutée pourraient être tragiques.
De même, le texte prévoit l’installation de dispositifs de signalement lumineux et électronique sur les drones d’une masse supérieure à 800 grammes. Des voix se sont élevées pour remplacer le dispositif électronique par un dispositif numérique, lequel serait moins contraignant pour les constructeurs. Si nous ne sommes pas défavorables à la mesure prévue pour le moment à l’article 4, nous souhaiterions savoir, là aussi, si le Gouvernement s’est mis d’accord avec les constructeurs afin d’abaisser, progressivement, ce seuil.
En outre, il serait souhaitable que notre législation puisse aiguiller la réglementation européenne à venir, afin que les acteurs français du drone ne soient pas confrontés à des règles divergentes sur le marché européen. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de l’état d’avancement des travaux de l’Union européenne, si vous le connaissez, ou nous transmettre les informations ultérieurement ?
Il nous semble par ailleurs utile de rappeler qu’il ne faut pas uniquement se contenter d’édicter des règles. Il revient aux autorités et aux fabricants de drones de faire preuve de pédagogie auprès des usagers et de mener des campagnes de sensibilisation ou de communication en ce sens. Ainsi la campagne, engagée sur YouTube par le ministère de l’environnement et intitulée « Usage d’un drone de loisir : les dix commandements », va dans le bon sens. Elle doit cependant être intensifiée pour toucher tous les utilisateurs actuels et futurs de drones dans notre pays. Il y aurait aujourd’hui près de 200 000 drones dits de loisir en circulation dans notre pays : or la vidéo diffusée par le ministère n’a, à ce jour, enregistré que 18 500 vues.
La mise en place d’une procédure d’enregistrement en ligne, prévue à l’article 1er, devrait être aussi l’occasion d’étendre l’information des utilisateurs des drones sur la réglementation autour des usages des drones.
Enfin, nous considérons que cette proposition de loi ne représente qu’un premier volet, indispensable certes, mais insuffisant, en vue de garantir la sécurité de nos concitoyens. L’encadrement juridique des drones ne saurait être effectif que s’il est complété par le déploiement de moyens permettant leur détection, leur identification et leur neutralisation, en particulier sur les sites sensibles et à risques.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit de ces quelques interrogations, le groupe UDI votera bien entendu cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, avec le constructeur français Parrot, la France est aujourd’hui le deuxième constructeur mondial de drones. Ces petits aéronefs télépilotés sont essentiellement tournés vers des activités de loisir, alors que leur première appréhension se plaçait sur le terrain militaire, ce qui est souvent le cas lorsque des innovations techniques voient le jour en matière de communication.
La présente proposition de loi d’origine sénatoriale vise d’ailleurs à mettre en œuvre une partie des préconisations d’un rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d’octobre 2015, lequel, pointant la difficulté à détecter les drones, relevait l’importance qu’il y a à diminuer les comportements à risque, souvent dus à une méconnaissance de la réglementation en matière d’utilisation de l’espace aérien.
Le rapport insistait toutefois sur la nécessité d’« éviter d’entraver le développement d’un secteur économiquement dynamique » et de « ne pas saturer inutilement les services de l’État ». Le texte qui nous est soumis aujourd’hui tend à ce double objectif.
Un exemple de cette problématique, cité dans le rapport de notre collègue Marie Le Vern, illustre la difficulté du sujet : un adolescent nancéien, qui avait fait survoler la cité des Ducs de Lorraine par un drone muni d’un appareil photographique et avait diffusé sur internet les images prises à cette occasion, avait été condamné en correctionnelle le 20 mai 2014. Cependant, ces images étaient tellement stupéfiantes de beauté et mettaient si bien en valeur la ville que l’adolescent n’a pas tardé à être contacté par la direction des affaires culturelles de la ville de Nancy afin qu’il puisse, avec une autorisation expresse, partager ses indéniables talents.
Il faut donc tenir les deux bouts de la chaîne. C’est ce que cette proposition de loi tend à faire, à la fois par la mise en œuvre d’obligations d’information et de formation à destination des télépilotes et en facilitant le suivi des drones coopératifs par la mise en place d’une obligation d’enregistrement et l’installation d’un dispositif de signalement électronique et lumineux des drones.
Le texte sénatorial a été très sensiblement retouché par la commission lors de son examen au fond. Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions de ce texte court, clair et intelligible que vous avez bien voulu nous rappeler et qui nous satisfont. L’obligation d’enregistrement s’effectuera pour les drones pesant au moins 800 grammes, et le seuil déclenchant l’obligation d’immatriculation des drones est fixé à 25 kilogrammes. Le télépilote fait l’objet d’un statut positif, qui couvre l’ensemble des cas de figure qui peuvent se présenter. L’obligation de formation du télépilote concerne aussi bien les professionnels que les utilisateurs plus occasionnels, adeptes d’aéromodélisme. L’articulation des dispositions des différents codes concernés – le code des postes et des communications électroniques, le code des transports et le code de la consommation – est assurée.
D’un point de vue général, la structuration et le développement de la filière professionnelle sont assurés par le Conseil pour les drones civils, créé en 2015 par la Direction générale de l’aviation civile et qui rassemble l’ensemble des acteurs de la filière. Cet ensemble forme un tout cohérent, à même de permettre à ce secteur de continuer à se développer.
Cette proposition de loi est de bonne législation. Nous nous félicitons de son inscription rapide à l’ordre du jour puisqu’elle a été adoptée par le Sénat le 17 mai 2016, ce qui permet d’augurer une adoption conforme par la Haute assemblée lorsqu’elle y retournera en deuxième lecture. Pour toutes ces raisons, les membres du groupe RRDP approuveront ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes conviés à nous pencher aujourd’hui sur le texte d’une proposition de loi sénatoriale, qui s’inspire du travail conduit l’an passé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Le rapport des services de l’État remis au Parlement, en octobre dernier, faisait clairement apparaître l’inadaptation et le caractère très lacunaire du droit applicable en matière d’usage des drones civils, soulignant également l’insuffisante information des utilisateurs. Il suggérait en conséquence d’adapter et de compléter le corpus juridique existant, en instaurant de nouvelles obligations dans les domaines de l’information, de la formation, de l’immatriculation et de l’identification.
Tel est l’enjeu du texte qui nous est aujourd’hui proposé : fixer un cadre législatif plus clair à l’essor des drones aériens civils en complétant le cadre réglementaire actuel.
Ce texte repose sur quatre piliers. L’article 1er met tout d’abord en place un régime d’enregistrement par voie électronique des drones télépilotés dont la masse est supérieure ou égale à un seuil de 800 grammes. Le rapport que nous avons évoqué préconisait quant à lui un seuil d’un kilogramme. Nous pensons pour notre part que l’obligation d’enregistrement devrait s’appliquer à tous les drones quelle que soit leur masse. L’usage de drones, y compris à des fins récréatives, ne peut être totalement banalisé et la procédure d’enregistrement permettrait, selon nous, de responsabiliser davantage les utilisateurs.
Si nous voulons que la réglementation soit d’application large et donc plus efficace, il est important que le seuil retenu par le pouvoir réglementaire soit assez bas, d’autant que l’enregistrement n’est pas une modalité trop contraignante. Les États-Unis ont mis en place, en ce qui les concerne, une procédure d’enregistrement en ligne des drones d’une masse supérieure à 250 grammes. Ce seuil pourrait faire consensus entre nous.
L’article 2 crée, de son côté, un nouveau chapitre IV dans le code des transports intitulé : « Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord ». Il précise la définition du télépilote dans les différents cas : drone piloté, drone automatique, drone autonome.
S’agissant du lexique utilisé, il convient d’aller plus loin en distinguant les drones, aéronefs au vol automatique programmé, des « modèles réduits radiocommandés » qui sont pilotés en permanence à vue du télépilote tout au long de leur évolution dans l’espace aérien, sans aucune automatisation des trajectoires ou de leur parcours. Les survols de sites sensibles n’ont jamais mis en cause des modèles réduits d’avion : ces incidents n’ont jamais concerné que des drones guidés par des individus malveillants. Il ne faut pas confondre les aéromodélistes responsables, qui ont prouvé depuis soixante ans leur respect des bonnes pratiques aériennes, et les acquéreurs en magasin de machines volantes au pilotage simplifié.
L’article prévoit également l’obligation de formation du télépilote utilisant des drones. Le texte confie au décret le soin de préciser les objectifs et les modalités de la formation ainsi que les modalités de vérification de son assimilation.
Nous ne pouvons bien sûr qu’approuver ces orientations. Nous aimerions toutefois que le Gouvernement nous précise les hypothèses sur lesquelles il travaille.
S’agissant du seuil de 800 grammes, retenu en cohérence avec les dispositions sur l’enregistrement, il nous semble là aussi un peu élevé. La chute d’un engin de 800 grammes représente en effet un risque de blessures important.
Les articles 3 et 4 concernent les obligations d’information et de signalement électronique et lumineux, ainsi que le dispositif de limitation de performances. Ces dispositions vont dans le bon sens.
Vous avez proposé avec justesse, madame la rapporteure, d’étendre au marché de l’occasion l’obligation de fournir une notice d’information rappelant les principes et les règles à respecter pour utiliser ces appareils en conformité avec la législation et la réglementation applicables. Cette disposition bienvenue m’invite cependant à formuler une remarque.
On peut aujourd’hui se procurer des drones n’importe comment, soit sous forme de kits prêts à monter, soit sur le marché de l’occasion. Sans l’existence de contrôles, nous risquons de vider de leur portée les dispositifs de prévention des usages malveillants, comme l’obligation d’enregistrement. Puisqu’il existe des menaces liées aux actes malveillants et que nous constatons que les drones peuvent être des armes par destination, nous pensons, pour notre part, que la vente de ces matériels devrait obéir à des règles plus strictes. Pourquoi ne pas concevoir des plateformes de vente agréées permettant de contrôler l’identité des acheteurs et des vendeurs ? Pourquoi ne pas contrôler aussi l’identité des acquéreurs lors de rachats de drones sur le marché de seconde main ?
En ce qui concerne les moyens de détection, d’identification et de neutralisation, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et l’armée de l’air avaient procédé à des expérimentations montrant que des progrès restaient à réaliser dans ce domaine. Peut-être pourrions-nous connaître aujourd’hui l’état d’avancement du programme de recherche et de protection des zones sensibles conduit par l’Agence nationale de la recherche ? Ces éléments d’informations nous seraient utiles. Nous ne pouvons en effet fermer les yeux sur les difficultés auxquelles se heurtent les forces de police et de gendarmerie, ainsi que l’autorité judiciaire, pour constater les infractions et identifier et sanctionner leurs auteurs.
À travers cette proposition de loi se pose la question des moyens donnés à tous les corps d’État missionnés pour surveiller, voire sanctionner ces nouveaux utilisateurs de l’espace aérien en cas d’infraction. Cette interrogation n’est pas secondaire, tant on a pu constater le fort sentiment d’impuissance de nos services lors du survol de différents sites à risques, notamment de centrales nucléaires, par des drones ou lors du survol de la capitale l’hiver dernier.
Veillons à ne voter une proposition de loi qui ne se donnerait pas les moyens d’être respectée ! Nos forces de police et de gendarmerie ainsi que la douane sont démunies pour procéder à la mise à terre d’un drone suspect. Ces engins peuvent être guidés avec l’intention délibérée de nuire, ou tout du moins de décrédibiliser l’action de l’État.
Pour conclure, nous voudrions souligner que le texte proposé répond de manière satisfaisante à de nombreux enjeux : la meilleure connaissance par les utilisateurs des règles qu’ils doivent respecter, la formation des utilisateurs de loisir, l’immatriculation et l’enregistrement, le signalement électronique et lumineux. Ce sont là des avancées qui nous permettent de nous prononcer en faveur de l’adoption de ce texte.
Beaucoup de chemin reste cependant à parcourir quant aux moyens de détection des infractions, de neutralisation et de sanction. En l’état, le texte ne permettra pas non plus de véritablement mieux prévenir les actes malveillants de nature terroriste ou les atteintes au respect de la vie privée – je pense notamment à la collecte à distance de données personnelles. En la matière, nous estimons qu’il est indispensable de prolonger le travail de concertation avec nos partenaires européens, comme le suggère le rapport du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Ainsi, nous pourrons mutualiser les bonnes pratiques, les coûts de recherche et de développement, afin de doter le plus rapidement possible les services chargés de la police du ciel, de la sécurité publique ou de la protection des sites sensibles des outils adaptés aux nouvelles menaces.
Nous soutiendrons donc cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon.
M. Christophe Bouillon. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Ce texte nous arrive dans le contexte bien particulier que nous connaissons : il y va bien sûr de la sécurité nationale face à une menace terroriste toujours présente et pressante, alors que les incidents impliquant des drones civils autour de sites sensibles se sont multipliés au cours des derniers mois.
Le développement de la technologie et la démocratisation de cette pratique exigent que les représentants de la nation que nous sommes prennent les dispositions nécessaires pour l’encadrer. À cet égard, je veux saluer ici le travail remarquable de la rapporteure du texte, Marie Le Vern, qui a su faire émerger les équilibres nécessaires pour garantir la sécurité nationale, donner à notre industrie technologique les outils pour se développer et encadrer le mieux possible la pratique du pilotage des drones comme loisir.
Ce texte suscite des attentes. Il comporte des avancées qui, loin d’être anodines, montreront dans les années à venir toute leur utilité. Ce texte suscite aussi des interrogations bien légitimes.
Dans sa rédaction actuelle, cette proposition de loi, que nous destinons à l’usage des drones, s’appliquerait notamment aux avions de modélisme. Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été interpellé à ce sujet par des associations d’aéromodélisme. Il en existe dans tous les territoires, notamment dans le département que je représente, la Seine-Maritime.
Loin de constituer un lobby, ces femmes et ces hommes pratiquent un hobby. Ce sont des passionnés, aux histoires diverses, qui se retrouvent autour d’un intérêt commun. Je me souviens de ma jeunesse, bercée par les récits d’Antoine de Saint-Exupéry, ce formidable écrivain et aviateur hors pair qui disait que « l’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle ». Les aéromodélistes sont de ces gens-là. De la construction des modèles à la pratique du vol, ils repoussent des obstacles, en font leur objectif, la raison même de leur passion.
La Fédération française d’aéromodélisme, qui compte à ce jour 28 000 licenciés, s’inscrit dans la tradition française des fédérations sportives. D’ailleurs, elle fête cette année ses 50 ans. Je souhaite ici saluer ses membres et porter au débat certaines de leurs retenues sur le texte que nous examinons.
Les aéromodélistes sont, à ce jour, soumis à une réglementation très forte. Ils organisent déjà, sous le contrôle de la direction générale de l’aviation civile, la pratique de leur passion. En l’état actuel du droit, ils sont soumis à de nombreuses obligations. L’arrêté du 17 décembre 2015 définit la pratique de l’aéromodélisme comme un loisir et encadre l’usage des aéronefs pilotés. Les limites d’altitude, la détermination par la DGAC de couloirs de pratique dédiés et l’obligation de rester à vue de l’aéromodèle constituent les fondements incontournables de leur pratique. Au-delà de certaines limites d’altitude, les aéromodélistes sont même soumis à des obligations d’information envers la DGAC, et leur pratique doit impérativement être exercée à deux, l’une des personnes devant contrôler l’environnement aérien et la trajectoire de l’aéronef pour éviter tout accident avec des avions.
Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils s’appliquerait aux aéromodélistes. Ils seraient assujettis aux limites de poids s’appliquant aux drones et au-delà desquelles s’imposent de nouvelles obligations, alors que tous m’ont informé que, par nature, les aéronefs utilisés pèsent plus de 800 grammes.
J’ai bien évidemment suivi avec attention l’évolution du présent texte, et notamment le travail de distinction auquel s’est livrée la rapporteure Marie Le Vern. Nous avons collectivement, je pense, des inflexions à intégrer dans ce texte : il s’agit de bien distinguer ce qui relève de notre sécurité nationale, qui est une exigence absolue, et ce qui relève de l’engagement de passionnés pratiquant un sport.
C’est pourquoi je soutiendrai, lors de la discussion des articles, les amendements déposés par notre collègue Jean-Marc Fournel. Il s’agit d’abord d’exonérer de l’obligation de formation les aéromodélistes qui pratiquent leur passion dans le cadre d’une fédération sportive, car leur sport est déjà encadré par un certain nombre de dispositions contraignantes qui les soumettent à des contrôles très rigoureux. Ensuite, je défends l’idée selon laquelle la pratique du vol sans pilote, comme c’est le cas pour l’aéromodélisme, doit s’exercer dans des zones dédiées, agréées par la direction générale de l’aviation civile. Ces propositions ont vocation à enrichir ce texte, à renforcer son objectif d’encadrement et de protection de la pratique du vol de drones, dans le respect des exigences relatives à notre sécurité nationale.
Mes chers collègues, loin des a priori, ce texte porte une ambition que nous devons rappeler, à la croisée d’en enjeu économique, d’une préoccupation sécuritaire et d’une pratique sociale. Il doit concilier le soutien à notre industrie, qui fabrique des drones, avec l’exigence de sécurité qui s’impose à tous. Nous devons soutenir ce texte, tout en conciliant l’ensemble de ces enjeux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.
L’augmentation du nombre de drones civils met en lumière l’absence de législation adaptée à ce nouvel usage. L’espace aérien est jusqu’ici réglementé pour les appareils immatriculés, conduits par des pilotes formés à l’aéronautique et aux dispositifs applicables tant à leur appareil qu’à l’espace survolé. Les exemples médiatisés de survol d’établissements sensibles, comme les centrales nucléaires, ont conduit le législateur à s’interroger sur le cadre adapté à la protection de l’espace aérien. L’utilisation de drones doit effectivement être encadrée par la législation française et européenne pour éviter des opérations délictuelles ou criminelles.
Néanmoins, si les risques éventuels obligent à construire un cadre d’intervention, le législateur ne devra pas pour autant brider les possibilités d’évolution. En effet, les domaines dans lesquels l’utilisation de drones représente une avancée majeure ne sont pas encore totalement définis et vont évoluer dans les prochaines années, compte tenu des innovations technologiques permises par la recherche et l’expérimentation.
Les entreprises du secteur sont déjà passées à l’utilisation industrielle des drones. Elles s’organisent et conjuguent l’aéronautique, les systèmes électroniques embarqués, les logiciels de traitement d’images, la modélisation 3D et l’application sur des cartes géoréférencées. Le regroupement et la structuration des compétences permettent d’intervenir très efficacement dans les domaines divers, notamment dans trois secteurs que je souhaite évoquer ici.
Dans le secteur de l’agriculture et de l’environnement, l’utilisation des drones permet de suivre l’évolution de la végétation, d’évaluer les plans d’eaux, de calculer des rendements agricoles, de surveiller la maturation de la vigne.
Dans le secteur de l’exploitation minière, ces engins permettent la surveillance, la cartographie et l’évaluation des impacts de l’extraction, ainsi que la détection rapide de fuites.
Le drone est un auxiliaire qui s’avère aussi précieux pour le sauvetage des personnes. Cet été, en effet, une expérimentation d’utilisation de drones dans l’aide au sauvetage des baigneurs en perdition a été menée sur les plages de Biscarrosse, dans les Landes, par des maîtres-nageurs sauveteurs titulaires du brevet théorique ULM et ayant reçu des formations supplémentaires. Le drone a été utilisé pour lever les doutes et vérifier que le baigneur était en difficulté, pour secourir les nageurs par largage de bouées, pour communiquer et signaler la position du nageur en vue de faciliter le sauvetage. Le fait de gagner du temps pour rejoindre le nageur et de le rassurer pendant l’attente est primordial : cela permettra de sauver des vies. Permettez-moi de féliciter les développeurs de ce système, lauréats du concours Lépine de Strasbourg en septembre 2016, qui continuent à travailler sur les développements de cet usage en montagne ou en agglomération, lorsqu’il s’agit par exemple de transporter et de livrer un défibrillateur à une personne en détresse.
Les deux arrêtés du 17 décembre 2015, entrés en vigueur le 1er janvier 2016, prévoient les dispositions relatives à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord et fixent les conditions de leur emploi en fonction de l’utilisation qui en est faite.
La simplification des procédures administratives et l’assouplissement des contraintes pour les usages expérimentaux doivent guider nos travaux afin de ne pas gâcher l’opportunité de créer de nouvelles activités pour la croissance future du pays. Dans le domaine du sauvetage, certaines dispositions réglementaires sont un frein à une utilisation performante et efficace. Il faudra lever ce frein : c’est le sens de l’amendement que je défendrai à l’article 2.
Permettre une utilisation efficace et évolutive des drones civils en fonction des innovations technologiques tout en assurant la sécurité des biens et des personnes : voici le défi que nous devons relever !
M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et Mme Marie Le Vern, rapporteure. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, inscrit sur l’article 1er.
M. Yannick Favennec. Le secteur des drones à usage professionnel et de loisir a connu une forte croissance en France, principalement grâce à des initiatives privées. Nos entreprises sont du reste reconnues à l’international dans ce domaine. C’est pourquoi la réglementation ne doit pas freiner cette dynamique dans un secteur aux débouchés potentiels nombreux dans les domaines de la surveillance, de la sécurité ou de l’agriculture par exemple.
Cependant, il ne faut pas uniquement se contenter de poser des règles. Il revient aussi aux autorités et fabricants de drones de faire preuve de pédagogie à l’endroit des usagers, de mener des campagnes de sensibilisation ou de communication.
Cette proposition de loi ne représente donc qu’un premier volet, certes indispensable, mais néanmoins insuffisant en vue de garantir la sécurité de nos concitoyens. En effet, les moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones demeurent malheureusement limités. Plusieurs solutions innovantes sont en phase d’expérimentation ou de déploiement. Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts de recherche et de développement afin de mettre au point les équipements nécessaires à la neutralisation des drones malveillants.
Je souhaite dire quelques mots sur les aéromodélistes, que je veux saluer à l’occasion de ce débat. Les modèles réduits radiocommandés que nous connaissons depuis soixante ans sont télépilotés manuellement à vue tout au long de leur vol, ce qui signifie que le télépilote intervient en temps réel sur les trajectoires du modèle volant. Il est ainsi à même d’éviter les obstacles éventuels : 30 000 aéromodélistes licenciés auprès des fédérations sportives et des dizaines de milliers d’autres, non affiliés – j’en connais beaucoup dans mon département de la Mayenne – pratiquent ce loisir en respectant l’arrêté du 17 décembre 2015 qui interdit le survol de certaines zones.
Ils bénéficient en outre d’une culture aéronautique que l’on ne peut comparer à celle des utilisateurs de drones grand public. À ce jour dans notre pays, on ne déplore d’ailleurs aucun accident provoqué par un modèle réduit radiocommandé ayant des conséquences sur le trafic aérien, civil ou militaire. La notion de pilotage manuel à vue permanent implique un contrôle constant du télépilote à proximité de l’aéronef, ce qui constitue une différence essentielle avec les drones.
Par conséquent, il conviendrait de différencier les aéromodélistes, télépilotes qualifiés maîtrisant les règlements de la circulation aérienne et pouvant faire évoluer leurs aéronefs en sécurité dans l’espace aérien, des télépilotes non qualifiés. Il ne faudrait pas en effet que ce texte pénalise les pratiquants d’un loisir technique de plein air qui a initié et formé des milliers de pilotes et techniciens de l’aviation civile et militaire depuis soixante ans.
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements. La parole est à Mme Marie Le Vern, rapporteure de la commission, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.
(L’amendement no 13 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 14.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Également rédactionnel.
(L’amendement no 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 3 et 34, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Lionel Tardy. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Pascal Thévenot. Le présent amendement augmente le seuil de masse fixé dans la loi : il propose de passer de 800 grammes à 1 kilogramme, ce qui correspond mieux à l’usage des aéronefs et permet surtout une harmonisation avec les règles européennes. Il répond également à la demande des constructeurs. Le seuil de 1 kilogramme est conforme aux préconisations du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – SGDSN – dans son rapport de 2015. Ce seuil est également prévu par l’Agence européenne de la sécurité aérienne ainsi que par la Commission européenne dans le cadre du futur projet européen.
Un tel amendement permet de répondre aux besoins des constructeurs ainsi qu’à la réglementation future.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Retenir une fourchette située entre 800 grammes et 1 kilogramme correspond à la frontière entre les drones à vocation principalement récréative et les drones professionnels. Nous avons choisi la borne basse d’abord en raison d’une tendance à la miniaturisation, et ensuite car si le seuil était fixé à 1 kilogramme, seuls 6 % des drones seraient concernés, ce qui reviendrait à vider la loi de sa substance.
Se posent également des questions de sûreté et de sécurité nationales – c’est toute la difficulté de ce texte de les concilier avec l’objectif est de ne pas bloquer une filière dynamique. Du point de vue de la sûreté donc, il faut bien garder en tête qu’un drone peut avoir une capacité d’emport d’un tiers de son poids.
Je pense par ailleurs que vous ne pouvez pas utiliser l’argument de la cohérence du droit français avec le droit européen, qui est en cours d’élaboration. Il en est même à son tout début. Le texte trace les grandes lignes, mais ne précise aucunement les détails, notamment les seuils.
À ce stade, alors qu’aucune règle européenne n’est définie, la législation française doit être proactive. Avis défavorable aux deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. S’agissant de l’amendement no 3 de M. Tardy, j’ai indiqué dans mon propos liminaire que la rédaction initiale retenue par le Sénat avait reçu l’assentiment du Gouvernement, qui renvoie la fixation des seuils aux textes réglementaires.
J’ai entendu vos arguments, le souhait de Mme la rapporteure, le vote de votre commission. La rédaction issue du choix de Mme la rapporteure, suivi par votre commission, d’un plafond avec des possibilités d’adaptation me paraît être une bonne solution de compromis, une solution équilibrée.
Le plus souvent, le législateur ne souhaite pas renvoyer la décision au pouvoir réglementaire. Mais dans ce cas, la solution retenue est équilibrée. Si l’amendement de M. Tardy était maintenu, j’émettrais un avis défavorable.
Quant à l’amendement no 34, il propose de modifier l’alinéa 5 ainsi rédigé : « Les aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote au sens du même article L. 6214-1 sont soumis à un régime d’enregistrement par voie électronique si leur masse est supérieure ou égale à un seuil défini par décret en Conseil d’État, qui ne peut être supérieur à 800 grammes. »
Or votre amendement utilise la formule « inférieur à 1 kilogramme ». S’il était voté, on créerait un plancher plutôt qu’un seuil, c’est-à-dire l’inverse de ce que vous souhaitez ! Dans ces conditions, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Votre position est quelque peu paradoxale, monsieur le secrétaire d’État. D’un côté, vous précisez qu’il faut renvoyer à un décret la fixation du seuil de dérogation pour tenir compte des évolutions technologiques – Dieu sait s’il y en a dans ce domaine – et de l’autre, vous fixez un seuil maximum dans la loi.
Je le répète, il ne faut pas selon moi fixer ce seuil par la loi, mais par décret. Quant à la fameuse limite des 800 grammes, les discussions au niveau européen s’orientent-elles vers ce seuil ? Je ne vois pas pourquoi la Commission européenne ne préférerait pas un chiffre rond, comme 1 kilogramme. Nous risquons encore de nous retrouver avec une législation à part… Pourquoi 800 grammes et pas 900 ? Retenir un seuil d’1 kilogramme me paraît beaucoup plus simple.
Mais quelle que soit la réponse à ces questions, je souhaite pour ma part que l’on en passe par le décret. Dans ce domaine où les évolutions technologiques sont très rapides ; n’inscrivons pas des seuils dans la loi : le décret est plus simple à modifier.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Thévenot.
M. Pascal Thévenot. Je partage l’avis de M. Tardy sur la nécessité d’en passer par le décret, le législateur n’ayant pas forcément la connaissance technique que suppose ce niveau de précision.
En parlant de la législation européenne tout à l’heure, je n’évoquais pas de futures propositions, mais je faisais référence aux préconisations de l’Agence européenne de sécurité aérienne. Et l’AESA comme le SGDSN ont étudié le sujet, et sont favorables à la formule « inférieur à 1 kilogramme ».
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 34 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Julien Dive. Avec l’article 1er, il s’agit de définir le champ d’application de l’immatriculation des drones dits standard et d’intégrer un régime d’enregistrement en ligne. Or un vide législatif subsiste pour ce qui concerne les appareils fabriqués par le particulier amateur, à la maison, dans son garage, à partir de pièces détachées d’équipements et de matériels qu’il aurait pu se procurer sur des sites de vente en ligne par exemple ou par tout autre canal de distribution non traditionnel. Il ne m’a pas fallu dix secondes pour trouver sur un blog, à partir de mon smartphone, les explications toutes simples et le mode d’emploi pour fabriquer son propre drone !
En conséquence, cet amendement prévoit que les drones construits par des amateurs grâce à l’achat de pièces détachées, qui sortent des circuits traditionnels de distribution, doivent respecter la même réglementation en vol que les drones vendus prêts à l’utilisation.
(M. François de Rugy remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Votre amendement, monsieur Dive, est satisfait par l’alinéa 5, qui commence par « Les aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote… » L’emploi de l’article défini « les » implique qu’il s’agit de tous les aéronefs, quel que soit leur mode de construction. Je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis que la commission. Le débat est certes utile, mais la rédaction actuelle répond à votre préoccupation. Dans ces conditions, je suggère le retrait de votre amendement. À défaut l’avis du Gouvernement sera défavorable car il est inutile de complexifier la loi ou de la rendre bavarde dès lors que vos aspirations, qui sont légitimes, ont été satisfaites.
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 49 de la commission.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 49, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole reste à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 15.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Également rédactionnel.
(L’amendement no 15, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Julien Dive. Dans cet article, il s’agit de proposer une nouvelle définition du télépilote. L’amendement vise à créer une catégorie de télépilotes aéromodélistes qui peut être exclue de certaines obligations. Il s’agit ainsi de différencier un public averti, expérimenté, ayant une longue expérience en pilotage et en aéromodélisme. La prolifération exponentielle d’objets volants aux mains d’usagers ignorant les règles de circulation aérienne a été possible par la simplification et l’autorisation du pilotage automatique.
En 2015, un peu moins de 300 000 drones ont été commercialisés en France, en regard de quoi 30 000 aéromodélistes et licenciés auprès de fédérations sportives telles que l’UFOLEP et la FFAM pratiquent ce loisir en respectant les arrêtés du 7 décembre 2015 interdisant le survol entre autres des agglomérations, des espaces publics, des rassemblements publics et des installations industrielles. L’objectif est donc bien de distinguer les aéromodélistes et les pilotes qualifiés, responsables et autonomes, maîtrisant la réglementation de la circulation aérienne et capables de faire évoluer en sécurité leurs aéronefs dans l’espace aérien, des télépilotes non qualifiés qui pourront, eux, faire évoluer leurs aéronefs à l’intérieur d’espaces de vol autorisés et déclarés. De même, il s’agit de distinguer les aéronefs au vol automatique programmé des modèles réduits radiocommandés entièrement pilotés à vue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Je comprends bien que les aéromodélistes ne souhaitent pas être amalgamés avec l’ensemble des utilisateurs de drones. L’aéromodélisme est une pratique ancienne très encadrée qui doit faire l’objet d’une reconnaissance par les pouvoirs publics. Toutefois, je ne suis pas favorable à l’insertion dans la loi d’une définition du télépilote aéromodéliste, qui serait selon moi une source de complexité juridique.
La définition du télépilote est déjà très complexe, comme en témoignent les longues discussions qui ont eu lieu à ce sujet au Sénat. Je ne souhaite pas remettre en cause l’équilibre auquel nos collègues sénateurs ont abouti sur ce point. Par ailleurs, l’insertion dans la loi d’une définition du télépilote aéromodéliste ne résoudra pas les problèmes que la proposition de loi est susceptible de poser concrètement à cette activité. Pour répondre aux inquiétudes dont leurs représentants ont fait part lors des auditions, j’ai déposé plusieurs amendements, notamment à l’article 4, auquel je vous invite à vous rallier, cher collègue. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet amendement définit une nouvelle catégorie de télépilotes, le télépilote aéromodéliste, et introduit la notion de modèle réduit dont on comprend qu’il désigne l’aéronef télépiloté par un aéromodéliste. Vous avez recours au droit et à des sanctions pénales, monsieur le député, dans vos amendements nos 41 et 43, afin de dispenser ces aéronefs d’équipements de signalement lumineux et électronique et de dispositifs de limitation de performance. Le Gouvernement partage naturellement le souci des parlementaires de tenir compte des particularités de la pratique historique de l’aéromodélisme et y attachera une importance toute particulière, notamment dans la rédaction des décrets.
La réglementation en vigueur définit d’ores et déjà l’aéromodélisme comme l’utilisation à des fins de loisir d’aéronefs sans personne à bord, ce qui inclut l’usage récréatif des drones vendus dans le commerce. Je note d’ailleurs que l’article 4 comporte déjà des dispositions visant à exempter des obligations qu’il introduit les aéronefs circulant sans personne à bord dès lors qu’ils sont opérés dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet. Ces dispositions recouvrent notamment les usages de l’aéromodélisme en club. Votre amendement, monsieur le député, définit quant à lui une catégorie de pilote pour en induire indirectement le concept d’une catégorie d’aéronefs et de modèles réduits dont la définition n’est pas formulée dans le texte, ce qui nous semble juridiquement inopérant. Je souhaite donc que cet amendement soit retiré et émets à défaut un avis défavorable.
(L’amendement no 37 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Pascal Thévenot. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Cet amendement porte lui aussi sur les seuils. Avis donc défavorable.
(L’amendement no 35, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Julien Dive. Il est défendu.
(L’amendement no 38, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 27.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il s’agit du premier amendement consacré aux aéromodélistes. Il vise à éviter de les soumettre à une double obligation de formation dès lors qu’ils sont déjà formés dans le cadre de leur club.
Je précise que ce sujet de l’aéromodélisme est arrivé un peu à rebours de l’élaboration de cette proposition de loi. En effet, il ne figure ni dans le rapport du SGDSN ni dans les débats du Sénat. Nous l’avons donc pris au vol. Chacun ici convient que les aéromodélistes sont des passionnés qui pratiquent leur activité avec compétence et éthique. Aussi leur demande d’être clairement distingués des dronistes est-elle légitime. Cette proposition de loi ouvre plusieurs fenêtres, dont celle-ci.
(L’amendement no 27, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Florence Delaunay. Cet amendement vise à reconnaître d’intérêt public l’usage consacré au secours aux personnes d’aéronefs circulant sans personne à bord. Cette reconnaissance devrait ouvrir le droit à des dérogations à la réglementation en vigueur pour faciliter l’utilisation de drones dans le cadre de missions de sauvetage. En matière de sauvetage, certaines dispositions réglementaires constituent un frein à une utilisation performante et efficace des drones, notamment celles relatives aux longueurs d’intervention, aux vols de recherche effectués de nuit avec une caméra thermique, à l’autorisation préalable au survol d’une agglomération ou d’une plage très fréquentée et à la formation spécifique au secours, notamment la gestion du stress. La reconnaissance d’intérêt public doit permettre de bénéficier des dérogations réglementaires que l’article 8 du décret restreint aux drones utilisés pour le compte de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Vous soulevez un vrai problème, chère collègue, et je vous en remercie. Je souscris pleinement à votre objectif. Toutefois, les règles de circulation des aéronefs étant fixées par des textes de nature réglementaire, il convient que les dérogations soient également précisées par des textes réglementaires et non par la loi. Je laisse M. le secrétaire d’État en dire plus et demande le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je souhaite tout d’abord vous dire que je partage tout l’intérêt que vous portez à l’expérience qui s’est déroulée sur certaines plages du littoral des Landes que nous connaissons bien tous les deux, madame la députée. L’usage du drone y est venu compléter les moyens existants et faciliter le travail des maîtres-nageurs sauveteurs. La réglementation relative à l’usage des drones, dont le caractère précurseur a déjà été souligné lors de nos débats, a pris en compte dès l’origine les activités de sauvetage. Leur particularisme se trouve à nouveau consacré par les arrêtés de décembre 2015.
Vous appelez notre attention, madame la députée, sur certaines contraintes de la réglementation en vigueur qui constituent selon vous un frein à l’usage du drone en matière de sauvetage. Je suis tout à fait disposé à ce que ce sujet fasse l’objet d’une analyse par les services de l’État compétents afin d’identifier dans quelle mesure une adaptation de certaines dispositions de la réglementation serait effectivement nécessaire pour prendre en compte les besoins du service public de sauvetage aux personnes tout en assurant l’exploitation des drones affectés à ce service en toute sécurité. Dans la mesure où ces dispositions sont par définition de nature réglementaire, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, je vous propose de retirer votre amendement. Le Gouvernement, pour sa part, s’engage à prendre les dispositions réglementaires nécessaires pour atteindre l’objectif que vous défendez.
M. le président. La parole est à Mme Florence Delaunay.
Mme Florence Delaunay. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez au secours aux personnes par les drones, monsieur le secrétaire d’État, et retire cet amendement.
(L’amendement no 1 est retiré.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Lionel Tardy. Le groupe Les Républicains est sceptique, comme il l’était lors de l’examen de la loi consommation, sur les obligations pesant sur les revendeurs. L’obligation de fournir une notice d’information peut légitimement peser sur le fabricant, en revanche la faire peser sur les vendeurs d’occasion, qui sont souvent des petits commerçants, est disproportionnée. Il me semble qu’un décret en Conseil d’État pourra d’ailleurs prévoir une mise en ligne de cette notice, ce qui évite de créer une nouvelle charge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Nous avons introduit en commission cet acte de responsabilisation. Il est léger, dès lors que la notice est accessible sur internet. Il n’y a pas de raison que l’acheteur d’un drone d’occasion soit privé d’information alors que l’acheteur d’un drone neuf en a une. Nul n’est censé ignorer la loi. Il me semble qu’il nous incombe de faire en sorte qu’elle soit applicable pour tous. L’avis est défavorable.
(L’amendement no 4, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Julien Dive. Je le retire.
(L’amendement no 39 est retiré.)
(L’article 3 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Pascal Thévenot. Il est défendu.
(L’amendement no 31, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 17, 5 et 21, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 17.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Nous avons évoqué en commission, à l’initiative de M. Tardy me semble-t-il, la possibilité de prévoir un signalement numérique plutôt qu’électronique, afin de laisser aux constructeurs toutes les possibilités. Nous nous sommes rapprochés d’eux : il s’avère qu’il est plus opportun de procéder ainsi. D’autre part, nous remplaçons « emportent » par « sont équipés » afin que la rédaction de l’alinéa soit plus ouverte.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Lionel Tardy. Toutes les obligations qui suivent, il faut y songer, pèseront sur des constructeurs français et nécessiteront des aménagements importants. C’est le cas du signalement électronique. Je crois que vous y êtes sensible, madame la rapporteure, comme vous venez de le montrer. Le signalement électronique peut facilement être remplacé par un signalement numérique. Ce n’est pas du tout la même chose. Le signalement numérique présente l’avantage de passer par le réseau, par les smartphones par exemple, et non par une balise supplémentaire. Dans les deux cas, le même objectif de sécurité est atteint.
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Pascal Thévenot. Il va dans le même sens que celui de Mme le rapporteur, à ceci près qu’il considère qu’il n’y aura de toute façon pas de dispositif de signalement électronique, car cela surcharge l’aéronef et augmente donc sa consommation. Par conséquent, prévoir un signalement numérique suffit. Il aurait du reste été plus sage et plus simple de faire confiance aux constructeurs et de se contenter d’exiger que tout aéronef puisse être identifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il me semble que nous sommes d’accord, chers collègues. Je souscris pleinement aux objectifs que vous poursuivez et vous demande de retirer vos amendements au profit du mien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 17 de Mme la rapporteure. Il me semble que les objectifs sont largement partagés et qu’il serait cohérent que les auteurs des amendements nos 5 et 21 estiment que leur démarche est ainsi satisfaite. S’ils étaient maintenus, j’émettrais naturellement un avis défavorable.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?
M. Lionel Tardy. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Maintenez-vous le vôtre, monsieur Thévenot ?
M. Pascal Thévenot. Je le retire, monsieur le président.
(L’amendement no 21 est retiré.)
(L’amendement no 17 est adopté et l’amendement no 5 tombe, ainsi que l’amendement no 16.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Julien Dive. Il est défendu.
(L’amendement no 40, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 28.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Cet amendement vise à exonérer les aéromodélistes de l’obligation d’utiliser des appareils équipés de dispositifs de signalement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Avec cet amendement, l’exonération de cette obligation n’est plus une possibilité, elle est de droit. C’est conforme aux attentes des aéromodélistes. Avis favorable.
(L’amendement no 28 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 41.
M. Julien Dive. La responsabilité du télépilote aéromodéliste est entière car il s’assure que son modèle réduit demeure, en toutes circonstances, dans son champ de vision. Son appareil peut donc être exempt de signalement électronique et lumineux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. L’amendement est satisfait puisque les termes de l’alinéa 3 permettent de viser les aéromodélistes. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 18, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Pascal Thévenot. Il est défendu.
(L’amendement no 32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Rédactionnel.
(L’amendement no 19, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 42.
M. Julien Dive. Il est défendu.
(L’amendement no 42, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 29.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Cet amendement vise à exonérer les aéromodélistes de l’obligation d’utiliser des appareils équipés d’un dispositif de limitation de capacités.
(L’amendement no 29, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 43.
M. Julien Dive. Je le retire, car il est satisfait par l’amendement précédent.
(L’amendement no 43 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 20, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 25.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Lionel Tardy. Prévoir un système de signalement sonore nécessitera des aménagements pour les constructeurs de drones. J’ai dit en commission que cette proposition ne figurait pas dans le rapport du SGDSN. Le législateur, s’il est entièrement libre, doit se rappeler que nous appartenons à l’espace économique européen. J’aimerais donc savoir si le signalement sonore est sur la table des discussions au niveau européen. Je ne le crois pas et c’est pourquoi je propose de supprimer cette nouvelle obligation, dont, faute d’éléments, nous ne pouvons juger ni de l’utilité, ni de la faisabilité, ni de l’impact.
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement identique no 25.
M. Pascal Thévenot. Je ne pense pas que le signalement sonore soit utile – ou alors il faudrait légiférer sur tout objet susceptible de chuter ! De surcroît, ce dispositif handicape les aéronefs et les constructeurs. Il convient donc de supprimer cette obligation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Lors des auditions, les constructeurs ne nous ont pas dit qu’ils trouvaient cette mesure superficielle et non nécessaire. Les hélices d’un drone tournent à 1 000 tours par minute, ce qui le rend très dangereux en cas de chute. Par ailleurs, pour prendre en compte la problématique du retour en usine que vous avez soulevée, j’ai déposé l’amendement no 23, qui prévoit que l’obligation de mise en place d’un système de signalement sonore ne s’appliquera pas aux drones enregistrés avant le 1er juillet 2018, date d’entrée en vigueur de l’article 4. Je vous invite donc à retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 7 et 25 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Pascal Thévenot. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Retrait, ou avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Défavorable.
(L’amendement no 26 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 6 et 33, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Lionel Tardy. Il s’agit d’un amendement de repli. Comme l’amendement no 3, il propose de renvoyer la fixation du seuil, dans sa globalité, à un décret.
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Pascal Thévenot. Il est défendu.
(Les amendements nos 6 et 33, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 30 et 8, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Cet amendement vise à exonérer les aéromodélistes de l’obligation d’utiliser des appareils équipés d’un dispositif de signalement sonore quand ils pratiquent leur activité dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Lionel Tardy. Dans la discussion générale, j’ai évoqué le cas de l’aéromodélisme. Je crois que vous avez pris conscience de la nécessité de bien distinguer les choses. Mais si le texte prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles certains aéronefs circulant sans personne à bord sont exemptés de l’obligation d’être équipés d’un dispositif de signalement électronique et lumineux et d’un dispositif de limitation de capacité, une telle disposition n’existe pas pour l’obligation de signalement sonore. Il ne peut s’agir que d’un simple oubli, ce à quoi cet amendement se propose de remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 8 ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Avis favorable. Il prendrait donc place dans le texte après la rédaction que je propose.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Ces deux amendements se complètent parfaitement et le Gouvernement y est favorable.
(Les amendements nos 30 et 8 sont successivement adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 10 et 22.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Lionel Tardy. Cet amendement de repli repousse d’un an la date d’entrée en vigueur de l’article 4 afin de laisser le temps aux constructeurs de trouver des solutions.
M. le président. La parole est à M. Pascal Thévenot, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Pascal Thévenot. Il est identique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. L’article 4 ne serait applicable que dans deux ans et demi. Autant le supprimer ! Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.
(Les amendements identiques nos 10 et 22 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Lionel Tardy. Comme l’a signalé Martial Saddier, retenu en commission par l’examen du projet de loi « montagne », la disposition que vous avez introduite à l’alinéa 10 est surprenante puisque vous prévoyez que les drones déjà en circulation avant le 1er juillet 2018 seront soumis aux obligations prévues par l’article 4, ce qui revient à imposer une rétroactivité.
Contrairement à ce que vous avez affirmé en commission, la signalisation sonore, lumineuse ou électronique, ainsi que la limitation de performances, ne sont pas simples à mettre en œuvre. Il y a de fortes chances que cela se traduise par l’ajout d’un module supplémentaire et par une modification de la carte mère. Tous les possesseurs de drones ne sont pas en mesure de réaliser ces modifications – cela pourrait même se révéler dangereux !
Au mieux, ces obligations ne seront pas respectées, au pire elles conduiront à mettre au rebut des appareils quasiment neufs. Bref, c’est un non-sens sur le plan industriel et environnemental et c’est irréaliste du point de vue du consommateur. Comme toutes les obligations législatives, celles-ci doivent s’appliquer progressivement, aux nouveaux drones mis sur le marché et pas à ceux déjà en circulation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Monsieur le député, vous aboutissez au contraire de ce que vous entendiez faire, puisque votre amendement ne supprime pas la date d’entrée en vigueur, mais le délai de grâce prévu par la deuxième phrase de l’alinéa 10 ! Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cette erreur de réaction aboutit, effectivement, au résultat inverse. Avis défavorable.
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 23 rectifié.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Cet amendement vise à éviter que l’obligation d’installer un dispositif de signalement sonore ne s’applique aux drones enregistrés avant le 1erjuillet 2018.
(L’amendement no 23 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Lionel Tardy. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui a pour objet de permettre, à titre expérimental, aux drones participant aux opérations de secours à personnes en zone de montagne et en zone littorale de bénéficier de mesures particulières adaptées. En effet, les drones seront un outil indispensable dans le secteur du secours à la personne. Ce sera le cas, par exemple, dans le déclenchement des avalanches en zone de montagne ou encore lors de sauvetage de personnes en difficulté en mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Je partage vos préoccupations, monsieur le député : les drones peuvent s’avérer d’une grande utilité pour la réalisation d’opérations de secours. Toutefois, je vous demanderai de retirer votre amendement. En effet, l’article 37-1 de la Constitution prévoit que la loi peut comporter des dispositions à caractère expérimental, pour un objet et une durée limités. Or cet amendement ne définit pas assez précisément l’objet des dérogations. Par ailleurs, des dispositions dérogatoires sont déjà prévues par un arrêté du 17 décembre 2015. S’il est nécessaire de les faire évoluer, cela relève d’une modification des textes réglementaires et non de la loi. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement entend votre « appel », monsieur Tardy, puisque vous avez ainsi labellisé votre amendement. Je vous apporterai la même réponse qu’à Mme Delaunay, qui évoquait la question des drones utilisés lors d’opérations de secours en zone littorale, car la problématique est exactement la même. Le Gouvernement est attentif à l’évolution de l’utilisation des drones et il me semble, même si je connais mieux la mer que la montagne (Sourires), que votre préoccupation relève de la même réflexion.
Pour cette raison, je vous propose, comme je l’ai fait à Mme Delaunay, que le Gouvernement s’engage à réfléchir, notamment avec vous, aux questions réglementaires. Des détails restent à régler. Les textes actuels n’évoquent pas tous les aspects, notamment le cas des personnes publiques amenées à intervenir ou la capacité des communes. Nous souhaitons y travailler car nous partageons vos préoccupations aussi bien pour la zone littorale que pour la montagne.
Votre appel a été entendu et je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 2 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Lionel Tardy. Autant le survol volontaire de zones sensibles doit être sévèrement puni, nous en sommes tous conscients, autant, lorsque la maladresse est caractérisée, n’est-il pas nécessaire de prévoir une peine d’emprisonnement. Mieux vaut s’en tenir alors à une amende et une confiscation du drone, comme l’avait proposé Mme la rapporteure en commission avant de changer d’avis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Je partage votre préoccupation, monsieur le député, mais le paiement de l’amende forfaitaire rend impossible la mise en œuvre de la procédure de confiscation du drone, qui est souvent la peine la plus efficace. Par ailleurs, les montants prévus par l’alinéa 4 sont des maximums. Le plus souvent, le juge procède à un rappel à la loi ou inflige une amende de quelques centaines d’euros, et non de 15 000 euros. Surtout, dans la majeure partie des cas, le drone est confisqué, ce qui est, à mon avis, la sanction la plus efficace.
Je vous invite à retirer votre amendement, sinon avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet amendement tend à substituer à la peine délictuelle prévue dans le texte une peine contraventionnelle. Nous n’avons pas forcément le souci d’être plus répressifs, mais chacun doit mesurer les conséquences de cette démarche, qui soulève plusieurs difficultés.
La première est que le passage du délit à la contravention présente l’inconvénient de restreindre les possibilités de conduite de l’enquête pénale. Ni ouverture d’une enquête de flagrance, ni placement en garde à vue de l’auteur de l’infraction ne seront possibles. Or, au vu des circonstances dans lesquelles on peut être amené à intervenir, je ne pense pas que quiconque ici veuille se priver de telles possibilités.
C’est la question de fond, à laquelle j’ajouterai un élément de droit : il n’appartient pas au législateur d’instituer des contraventions puisque l’article 529 du code de procédure pénale renvoie au Conseil d’État le soin de fixer par décret la liste des contraventions soumises à forfaitisation, et que l’article R 48-1 du même code ne liste que les contraventions des quatre premières classes.
Je vous invite à retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable. Je comprends votre souci de modération et d’efficacité, mais votre proposition pourrait justement aboutir à priver l’action pénale de son efficacité. Il vaut mieux laisser au juge la possibilité, même s’il se contente d’un simple rappel à la loi la plupart du temps, de prononcer une sanction importante et en tout état de cause de mener l’enquête comme il le juge nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 11 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Julien Dive. Je le retire.
(L’amendement no 44 est retiré.)
(L’article 5 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Lionel Tardy. Depuis plusieurs années, la CNIL signale que les textes relatifs à la vidéoprotection ne sont pas adaptés à la surveillance mobile, qui peut être effectuée par drone, mais ne traitent que de la surveillance fixe.
Cette lacune a été en partie comblée par la loi Urvoas du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Elle ouvre la possibilité à la police et à la gendarmerie nationale de recourir à des dispositifs de caméra mobile dans ces cas très précis, mais le cas des drones échappe encore à tout encadrement alors qu’ils peuvent en pratique être utilisés pour de telles opérations.
Mon amendement d’appel tend à ce que l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure, qui encadre la vidéoprotection et la soumet à l’autorisation de la CNIL, prenne en compte la surveillance mobile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’un amendement d’appel. Il a le mérite de soulever de bonnes questions, mais il excède le champ de cette proposition de loi, qui vise essentiellement à encadrer l’utilisation des drones de loisir. La mise en place d’une telle mesure imposerait de redéfinir, entre autres, les règles de survol de villes actuellement en vigueur. Avis défavorable.
(L’amendement no 12, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Marie Le Vern, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 24, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant sur les offres de marché transitoires de gaz et d’électricité.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly