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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 06 octobre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Hommage aux victimes des intempéries dans les Alpes-Maritimes

M. le président

M. Manuel Valls, Premier ministre

2. Questions au Gouvernement

Intempéries dans les Alpes-Maritimes

M. Jean Leonetti

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Solidarité avec les Alpes-Maritimes

M. Christophe Castaner

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Économie en outre-mer

M. Ary Chalus

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Réforme du code du travail

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Politique pénale

M. Georges Fenech

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Lutte contre le terrorisme

M. Pascal Popelin

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Air France

M. Alain Chrétien

M. Manuel Valls, Premier ministre

Air France

M. Bertrand Pancher

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Position de la France dans le conflit syrien

M. Pierre Lellouche

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Accord international contre l’optimisation fiscale

M. Jean-Claude Buisine

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Intempéries et urbanisation

Mme Cécile Duflot

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Sécurité sociale

Mme Valérie Boyer

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie

Projet de loi numérique

M. Luc Belot

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique

Régime social des indépendants

M. Julien Aubert

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Lutte contre le terrorisme

M. Meyer Habib

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Création, architecture et patrimoine

Explications de vote

Mme Marie-George Buffet

M. Michel Pouzol

M. François de Mazières

M. Michel Piron

Mme Isabelle Attard

M. Ary Chalus

Vote sur l’ensemble

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

4. Nouveaux droits des personnes en fin de vie

Discussion des articles (suite)

Article 9

M. Michel Liebgott

Amendements nos 378 , 388

M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Amendements nos 260 , 312

M. Alain Claeys, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 214 , 409 , 414 , 215 , 410 , 415 , 411 , 416 , 212 , 413 , 418 , 320 , 396 , 379 rectifié

Article 10

Amendements nos 255 , 313 , 43 , 275

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 251 , 314 , 237

Articles 11 à 13

Article 14

Amendements nos 211 , 242

Titre

Amendements nos 254 , 6 , 146 , 202

Explications de vote

Mme Michèle Delaunay

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Mme Isabelle Le Callennec

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

5. Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public

Présentation

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification

M. Luc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Patrice Martin-Lalande

M. Bertrand Pancher

M. Paul Molac

M. Jacques Moignard

M. René Dosière

M. Lionel Tardy

Discussion des articles

Article 1er A

Article 1er B

Amendements nos 32 , 38 , 19 , 33, 34 (sous-amendements) , 1

Article 1er

Article 2

Amendements nos 29 , 15 , 35, 36, 37 (sous-amendements)

Article 3

Amendements nos 31 rectifié , 39 (sous-amendement) , 4 , 21 , 5 , 22 , 41 rectifié , 6 , 7 , 8 , 27 , 9 , 10

Article 4

Amendement no 11

Article 5

Amendements nos 16 , 12

Articles 6 et 7

Article 8

Amendements nos 40 , 28 rectifié , 14 , 13

Après l’article 8

Amendement no 23

Article 9

Vote sur l’ensemble

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux victimes des intempéries dans les Alpes-Maritimes

M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), des intempéries d’une violence exceptionnelle ont frappé samedi le sud-est de la France, provoquant des inondations meurtrières dans les Alpes-Maritimes, qui ont coûté la vie à vingt de nos concitoyens.

En votre nom à tous, j’exprime notre extrême émotion face aux conséquences tragiques de cette catastrophe climatique. Nos pensées accompagnent les familles des victimes.

Je tiens également à saluer la mobilisation exceptionnelle des services sur le terrain et le travail exemplaire des équipes de secours.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous venez de le dire, monsieur le président, la nation est dans la douleur. Des vies ont été emportées, des familles font face à la terrible disparition de leurs proches et, à ce drame humain, s’ajoute, une nouvelle fois, la désolation face à des lieux dévastés par la force des éléments.

En ce moment de souffrance, de tristesse, je tiens bien sûr à associer le Gouvernement à votre hommage, à la compassion, à la solidarité vis-à-vis des victimes, de leurs familles et de leurs proches. Je veux une nouvelle fois, comme l’a fait dimanche le Président de la République, qui était dans les Alpes-Maritimes avec Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, dire la solidarité de la nation dans ces moments d’épreuve.

Enfin, comme vous, je veux rendre un hommage sincère, car c’est là aussi où la France est grande, avec l’État, les services publics, les collectivités territoriales, et exprimer la reconnaissance du Gouvernement à tous ceux et à toutes celles qui sont intervenus dans ces circonstances avec courage. Je pense bien sûr aux sapeurs-pompiers, aux policiers, aux gendarmes, aux agents de l’État et des collectivités territoriales, aux associations, aux élus et citoyens, aux maires qui les représentent et qui étaient tous sur le terrain avec les parlementaires.

C’est dans ces épreuves, dans de tels moments, que nous pouvons nous rassembler en pensant aux disparus.

M. le président. Mesdames, messieurs, je vous demande d’observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.

Intempéries dans les Alpes-Maritimes

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, et j’y associe l’ensemble des maires des Alpes-Maritimes et Éric Ciotti, président du conseil départemental.

Notre département, vous l’avez dit, a été gravement touché par des intempéries d’une violence sans précédent dans la nuit de samedi à dimanche. En moins d’une heure, alors que nous étions seulement en alerte orange, des pluies torrentielles se sont abattues sur notre département, plus particulièrement sur les villes de Cannes, de Mandelieu, d’Antibes, de Biot, de Vallauris et de Villeneuve-Loubet.

Il s’agit tout d’abord – nous venons d’observer une minute de silence – d’un drame humain, avec à ce jour vingt et une victimes, et nos pensées premières vont aux familles endeuillées. Les dégâts matériels subis par les villes, les particuliers et les entreprises sont considérables.

Je tiens à saluer la qualité des interventions sur le terrain des sapeurs-pompiers, des forces de l’ordre, de l’État, des collectivités territoriales, des villes et du département, qui ont porté rapidement secours à la population. (Applaudissements sur tous les bancs.) Je remercie également tous ceux qui ont participé depuis, et vous êtes nombreux, sur tous les bancs, à ce formidable élan de solidarité.

Dimanche, le Président de la République est venu sur place témoigner de la solidarité nationale.

Cet événement climatique, de l’avis de tous les spécialistes, est à la fois exceptionnel et imprévisible dans sa violence et sa rapidité. Les communes concernées ont fait ces dernières années de très gros travaux pour lutter contre les inondations dans un territoire exposé. Ces phénomènes se reproduisent pourtant et s’amplifient. Plutôt que de rechercher un bouc émissaire,…

M. le président. Merci, monsieur le député. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. C’est scandaleux !

M. Patrick Ollier. Inacceptable !

M. Bernard Accoyer. Rendez-lui le micro !

M. le président. Terminez rapidement, monsieur Leonetti.

M. Jean Leonetti. …nous devons améliorer nos systèmes de prévention et réfléchir au dérèglement climatique.

Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, quelles mesures l’État et le Gouvernement vont mettre en place pour remédier à ces problèmes et éviter de telles catastrophes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous étiez présent dimanche avec le Président de la République et de nombreux élus – Éric Ciotti, Christian Estrosi, l’ensemble des maires concernés – lorsque nous nous sommes rendus sur place pour témoigner de la solidarité de la nation et mobiliser l’ensemble des services de l’État, qui sont intervenus pour que les secours soient apportés dans les meilleurs délais.

Nous avons décidé très rapidement de déléguer l’ensemble des moyens nécessaires à la mise en œuvre des secours. C’est ainsi que 563 sapeurs-pompiers accompagnés des marins pompiers de Marseille et des militaires de la FORMISC, 300 policiers et gendarmes sont intervenus aux côtés des pompiers des SDIS, dont vous avez eu raison de signaler qu’ils avaient fait un travail remarquable.

Il y a eu près de 1 200 interventions, plus d’une centaine d’opérations d’hélitreuillage ; trois hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie ont été mobilisés et, comme vous, j’ai constaté la solidarité de toutes les collectivités locales, la solidarité nationale, mais aussi l’efficacité des services publics dans leurs interventions.

Je veux, en réponse à votre question, donner des éléments extrêmement précis. L’arrêté de catastrophe naturelle sera présenté en conseil des ministres demain, publié jeudi. Il permettra l’indemnisation des victimes par les compagnies d’assurance dans les meilleurs délais. Je rencontrerai, après les questions d’actualité, la Fédération française des sociétés d’assurances – FFSA – ainsi que l’ensemble des administrations concernées afin qu’il puisse être procédé le plus rapidement possible à l’indemnisation. J’ai demandé à la FFSA de raccourcir au maximum les délais. Par ailleurs, nous avons décidé de mobiliser le fonds calamités nationales pour que les collectivités locales soient mobilisées le plus rapidement possible dans le cadre de la rénovation des ouvrages d’art.

Pour les dispositifs de prévention, nous ferons des propositions dans quelques jours au regard du retour d’expérience du drame qui s’est produit dans les Alpes-Maritimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Solidarité avec les Alpes-Maritimes

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Castaner. Monsieur le ministre de l’intérieur, permettez-moi d’évoquer à mon tour les inondations qui ont frappé les Alpes-Maritimes.

Si le bilan matériel est lourd, le bilan humain est, lui, dramatique. Au moins vingt personnes ont perdu la vie et je tiens ici, au nom de toute la représentation nationale, à témoigner notre soutien et notre solidarité à leurs proches, à leurs familles. Ce terrible décompte endeuille la France.

Pour y faire face, les habitants se sont mobilisés, parant au plus urgent. Notre rôle d’élus est de faire converger toutes les forces solidaires et tous les moyens disponibles pour assister les personnes si durement touchées par la perte d’un commerce, d’une maison ou d’un proche.

Immédiatement, le Président de la République et vous-même êtes allés rencontrer les populations sinistrées pour leur témoigner le soutien de toute la nation. Avec le président du conseil départemental, Éric Ciotti, et le député-maire de Nice, Christian Estrosi, nous étions à vos côtés. Je tiens ici à associer tous mes collègues parlementaires et le président de la région Michel Vauzelle, présent lui aussi, qui ont témoigné leur soutien. C’est notre devoir, dicté par les valeurs de la République, que de nous mobiliser face à pareille situation.

C’est pourquoi, comme vous l’avez indiqué, le Président de la République devrait déclarer l’état de catastrophe naturelle demain, à l’issue du Conseil des ministres. Un fonds de soutien est d’ores et déjà mis en place. La région et le département débloqueront un fonds d’urgence, à hauteur de 9 millions d’euros. Il va falloir du temps pour que la situation s’apaise. Mais c’est par notre action que nous ramènerons l’espoir.

Monsieur le ministre de l’intérieur, il faut agir. Pour pallier l’urgence, certes, mais aussi pour que demain, face à la multiplication des risques naturels, conséquence évidente du dysfonctionnement climatique, nous puissions améliorer la sécurité des femmes et des hommes qui payent aujourd’hui quarante ans de bétonisation accélérée.

En 1970, il y avait 10 000 agriculteurs dans les Alpes-Maritimes ; ils ne sont plus aujourd’hui que 770.

N’est-il pas temps d’avoir une approche globale, au-delà des communes et des départements, pour protéger nos populations, comme nous l’avons fait pour le Rhône après les inondations de 2003 ?

Monsieur le ministre de l’intérieur, pouvez-vous nous dire ce que l’État met en œuvre pour venir en aide à ce territoire et à ses habitants, et pour préparer l’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous étiez vous-même présent, monsieur Castaner, avec les élus de la région, aux côtés du Président de la République de la République dimanche dernier pour apporter le témoignage de votre solidarité à tous ceux que le drame qui s’est produit dans les Alpes-Maritimes avait endeuillés et frappés.

Je veux de nouveau rendre hommage aux services de l’État qui sont intervenus, aux services départementaux d’incendie et de secours, dont les sapeurs-pompiers ont accompli un travail absolument remarquable avec beaucoup de courage et une grande promptitude.

Vous me demandez quelle est l’action de l’État. Permettez-moi de la résumer en quelques mots : elle est forte, elle est lisible et elle a vocation à se déployer dans le temps.

Premièrement, nous avons été très rapidement sur site, avec des moyens très conséquents en appui de ceux des collectivités locales. Vous avez pu vous-même constater l’efficacité de l’intervention de l’État dans ces moments particuliers. La secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, Laurence Rossignol, était hier dans la maison de retraite de Biot pour continuer l’accompagnement de l’État et témoigner de sa solidarité à l’égard de ceux que l’événement avait durement frappés.

Deuxièmement, l’objectif est de procéder rapidement à l’indemnisation des victimes de ce drame. C’est la raison pour laquelle, dès demain, l’arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle sera pris. Je demande aux compagnies d’assurance de procéder au versement des avances le plus rapidement possible. En outre, nous mettons en place le fonds « Calamités nationales » dans les meilleurs délais pour indemniser les collectivités locales.

Enfin, comme vous le soulignez à juste titre, nous sommes confrontés à des événements climatiques de plus en plus nombreux, de plus en plus violents et pas toujours prévisibles. Cela suppose, en termes de mobilisation des moyens de l’État et des collectivités locales, des procédures d’alerte mais aussi des retours d’expérience. Il faut tirer toutes les conclusions de ces événements. C’est ce que nous ferons avec la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et l’ensemble des ministres concernés. Nous indiquerons dans les jours qui viennent les dispositions que nous entendons prendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Économie en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre de l’économie, l’épuisement de notre modèle économique met en péril notre modèle social, vous le savez. Je crois fermement que notre avenir repose sur notre capacité à encourager la création de valeur et d’emploi. Sans emploi, il n’y a pas de société dont on puisse garantir la cohésion.

En outre-mer, le modèle économique actuel exclut la majorité de notre jeunesse : le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans dépasse les 50 %.

On constate les limites de ce modèle, qui est précaire car fondé sur un enchevêtrement de dispositifs multipliant les dérogations et adaptations du droit national ou communautaire.

Cette incertitude, on la retrouve dans la concrétisation des grands projets structurants, à l’instar de la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre, du palais de justice ou de la prison de Basse-Terre et de Baie-Mahault…. Nous devrons, j’y insiste, veiller à ce que les retombées de ces chantiers en termes d’emploi local soient optimisées.

Les acteurs économiques manquent cruellement de visibilité et ne parviennent pas à sortir de l’urgence et de la précarité économique. Cela n’aide pas à favoriser l’emploi : les entreprises ont besoin de cohérence sur le long terme pour investir et embaucher.

Alors que les entreprises des DOM subissent de plein fouet la crise économique, les évolutions du dispositif d’exonération des charges entrevu lors de la présentation du budget de l’outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 inquiète. Comment donner de l’espoir aux entreprises des DOM, sachant que ce coup de rabot semble contradictoire avec l’objectif souhaité par le Président de la République, qui rappelait, à la mi-septembre, son attachement à la compensation en outre-mer des handicaps structurels ?

Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à l’inquiétude de la majorité des entreprises en outre-mer, notamment les très petites entreprises, qui constituent notre principal levier en termes de création d’emplois ? En 2015, on a assisté à la liquidation de 750 entreprises ainsi qu’à des fermetures de restaurants et à des licenciements consécutifs à l’invasion des algues sargasses en Guadeloupe et en Martinique, où nous attendons encore la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Les agriculteurs attendent eux aussi d’être indemnisés après la sécheresse et la maladie des agrumes. Bref, nous attendons des mesures concrètes et ciblées !

Je tiens à indiquer pour finir que l’outre-mer apporte son soutien aux familles des Alpes-Maritimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le député, quand vous affirmez que les entreprises manquent de visibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Les budgets que nous présentons depuis trois ans montrent bien, me semble-t-il, que ce gouvernement tient ses engagements à l’égard des outre-mer et continue à les considérer comme une priorité.

Vous savez bien que nous avons fait beaucoup pour les entreprises : allégement des cotisations d’allocations familiales, CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – bientôt porté à 9 %, exonérations de charges renforcées pour les entreprises soumises à la concurrence… Cette année, les entreprises bénéficieront ainsi de 200 millions d’euros de plus.

M. Sylvain Berrios. Baratin !

Mme George Pau-Langevin, ministre. Je m’étonne que vous invoquiez un manque de visibilité alors que nous avons voté la prolongation de l’octroi de mer et celle du dispositif de défiscalisation. Vous n’avez pas manqué de relever également que nous allons préserver cette année la LBU – ligne budgétaire unique –, ce qui signifie que nous soutenons le logement social. Cette année aussi, la priorité à la jeunesse que nous avons définie est maintenue.

Comme vous, néanmoins, nous sommes préoccupés de voir que tous ces efforts n’ont pas la traduction qu’ils devraient avoir en matière d’emploi, notamment d’emploi des jeunes. C’est pourquoi j’ai lancé un plan jeunesse outre-mer. Mais je dois dire que, depuis trois ans, nous faisons beaucoup d’efforts en direction des entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Aujourd’hui, nous serions fondés à attendre que quelque chose se passe en termes d’embauche des jeunes et d’investissement et que, véritablement, la vie s’en trouve changée. Nous devons tous utiliser les outils qui sont en place, de manière à améliorer la vie des gens dans les outre-mer.

Réforme du code du travail

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, vous envisagez de modifier le code du travail.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Bravo !

Mme Jacqueline Fraysse. Pourquoi pas ? Il peut en effet être revisité, au regard des évolutions de l’organisation des entreprises et de notre société tout entière, à condition toutefois que l’on n’oublie pas l’essence même de ce code qui, je le rappelle, vise à protéger le salarié dans le rapport inégalitaire existant entre lui et son employeur.

Nous avons en effet quelques raisons de nous inquiéter, car depuis le début de cette législature, toutes les dispositions prises dans le but annoncé de créer des emplois pour résorber le chômage l’ont été au détriment des salariés.

Qu’il s’agisse de la loi dite de sécurisation de l’emploi, qui d’ailleurs serait mieux nommée « de facilitation des licenciements », de celle sur la croissance et l’activité, visant notamment à généraliser le travail du dimanche et de nuit, ou encore de celle sur le dialogue social,…

Un député du groupe Les Républicains. Les promesses de François Hollande !

Mme Jacqueline Fraysse. …toutes ont en commun de réduire les droits des salariés pour répondre aux demandes patronales et d’être parfaitement inefficaces pour enrayer l’inexorable montée des chiffres du chômage.

M. Guy Geoffroy. Il ne fallait pas faire confiance à M. Hollande !

Mme Jacqueline Fraysse. Évidemment, le contenu du rapport Combrexelle ne nous rassure pas. D’ailleurs, suite au tollé qu’il a provoqué, vous avez dû vous engager à préserver le SMIC et les 35 heures.

Mais vous vous apprêtez à faire primer l’accord d’entreprise sur la loi, donc à mettre en place un droit du travail à la carte, différent dans chaque entreprise, et de plus négocié sous la menace des suppressions d’emploi.

Si ce projet aboutissait, il fragiliserait encore davantage les salariés face au patronat et complexifierait un peu plus le code du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, tout d’abord quelle est notre méthode ? C’est celle que met en œuvre depuis le début le Gouvernement : elle repose sur le respect de l’ensemble des partenaires sociaux qui ont été associés dès le lancement des travaux de la commission confiée à Jean-Denis Combrexelle.

Oui, le Gouvernement partage les orientations du rapport. Le Premier ministre a clairement indiqué les lignes rouges : le CDI, le SMIC et les 35 heures.

Ma méthode, c’est d’abord celle de la concertation. J’ai invité l’ensemble des organisations syndicales et patronales pour discuter des conclusions de la commission Combrexelle. Je leur ai demandé une contribution écrite dont je présenterai le bilan d’ici à la fin du mois. Puis je poursuivrai la concertation tout au long de l’élaboration du projet de loi qui sera présenté début 2016 afin d’être voté avant l’été.

Ce sera donc une réforme sous le signe du dialogue social. Et en dépit des images déplorables d’hier, je crois toujours que la culture du dialogue a plus de force que celle de l’affrontement.

Ce sera une réforme de progrès social. Les garanties des salariés seront préservées, tout en offrant d’avantage de souplesse aux entreprises pour s’adapter aux situations locales.

À l’inverse de ce que propose l’opposition, nous faisons confiance aux partenaires sociaux dans les entreprises, dans les branches et au niveau national. Chacun de ces niveaux doit apporter de la régulation.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Baratin !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit aussi de rendre notre droit du travail beaucoup plus lisible non seulement pour les salariés, mais également pour les chefs de très petites entreprises. Le compte personnel d’activité sera accru dans ce projet de loi, ce qui nous permettra d’offrir de nouvelles protections et de nouveaux droits aux salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Politique pénale

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe Les Républicains.

M. Georges Fenech. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, un policier de trente-six ans, père de famille, est entre la vie et la mort après avoir été grièvement blessé par deux malfaiteurs lors d’une course poursuite. Le groupe Les Républicains tient à rendre hommage aux forces de l’ordre qui paient un lourd tribu à la lutte contre la délinquance. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Madame la ministre, nous apprenons avec stupéfaction que l’un des deux malfaiteurs, qui a succombé à ses blessures, avait bénéficié d’une permission de sortie en mai dernier, puis qu’il avait été fiché « S » – en voie de radicalisation – et qu’il était en fuite.

La colère des forces de police et l’incompréhension des Français est d’autant plus grande que ce permissionnaire affichait à son casier judiciaire pas moins d’une trentaine de condamnations, notamment pour des faits de vol à main armée, violences volontaires, association de malfaiteurs.

Madame la ministre, c’est le crédit de la justice qui est en jeu aujourd’hui. Vous ne pouvez éternellement esquiver votre responsabilité en vous abritant derrière l’indépendance des juges. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) La politique pénale est de votre responsabilité. Les juges, en l’espèce, ne font qu’appliquer les lois. Or, force est de constater que depuis votre arrivée place Vendôme, vous n’avez eu de cesse que de déconstruire le système répressif (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) et de favoriser les sorties prématurées de prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cerise sur le gâteau, si vous me permettez l’expression, vous nous promettez maintenant la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et l’abrogation de la rétention de sûreté pour les criminels dangereux.

Le résultat de votre politique, nous le connaissons depuis hier puisque le ministre de l’intérieur a publié les chiffres de la délinquance, qui sont en hausse.

Ma question est simple : quand allez-vous vous remettre en cause, madame la ministre, et écouter les Français, déboussolés et exaspérés par votre laxisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, ce policier de la BAC, père d’un jeune enfant, se bat encore pour rester parmi nous et nous pouvons tous, ici et ailleurs, imaginer la détresse de sa famille et l’espoir qui résiste encore. Nous pouvons aussi comprendre l’angoisse de ses collègues et même entendre la colère qui peut les saisir.

Ce drame nous rappelle douloureusement que l’exécution des missions d’exercice du maintien de l’ordre comporte toujours des risques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Le tireur était effectivement considéré en état d’évasion depuis la fin mai 2015 parce qu’il n’avait pas réintégré la détention à la suite d’une permission qui lui avait été octroyée par un juge d’application des peines pour exécuter des formalités administratives suite au récent décès de son père.

L’administration pénitentiaire a immédiatement informé le parquet de Melun, qui a aussitôt décidé de saisir la police judiciaire – et non pas seulement de prévenir le commissariat local – et d’émettre un mandat d’arrêt.

Monsieur le député, la circonstance ne permet pas une polémique indue (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.– Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) parce qu’il n’est pas question ici d’aménagement de peine : ce détenu aurait dû sortir de prison en janvier 2018.

Mais je comprends les interrogations qui se sont exprimées et c’est pourquoi, dès hier, j’ai commandé un rapport précis…

M. Jacques Myard. Encore un !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur ce qui a pu se passer depuis que le procureur de la République a ouvert cette enquête en mai 2015 sur la recherche de ce détenu.

Par ailleurs, monsieur le député, les textes sur lesquels est fondée la décision d’octroi de permission de sortie n’ont pas été modifiés depuis 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Nous étudions la possibilité de les améliorer, notamment en imposant une escorte à certains détenus pour ce type de motif de sortie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Monsieur le ministre de l’intérieur, la lutte contre le terrorisme est un combat difficile, qui nous mobilise tous, dans la diversité politique qui est la nôtre, au-delà des postures auxquelles celle-ci conduit parfois.

Votre détermination, nous la connaissons. Dans ce combat, vous avez sollicité à plusieurs reprises le soutien du Parlement, qui a toujours répondu présent, et qui continuera de le faire – j’en suis convaincu –, par-delà les clivages partisans et, en tout état de cause, avec l’engagement total de la majorité.

Face à la menace du terrorisme, nous devons être d’une fermeté absolue, en demeurant fermement dans l’État de droit.

Le Gouvernement a démontré qu’il savait user des moyens juridiques que nous lui avons accordés en prononçant des interdictions de sortie du territoire pour les candidats au djihad, en interdisant l’accès au territoire de personnes radicalisées, en expulsant les ressortissants étrangers qui contribuent à la propagation de la pensée terroriste et en démantelant les filières terroristes.

Je veux évoquer aujourd’hui la question de la déchéance de la nationalité. Contrairement à une idée reçue, cette possibilité juridique existe, de manière encadrée, même si elle n’a jamais été mise en œuvre au cours du précédent quinquennat.

Vous l’avez déjà utilisée, et le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, en a confirmé la validité.

Pouvez-vous informer la représentation nationale des intentions du Gouvernement, s’agissant du recours à cette procédure exceptionnelle, qui figure dans notre code civil ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez raison d’affirmer l’absolue détermination du Gouvernement dans la lutte antiterroriste. Elle s’est traduite par l’adoption par la représentation nationale de trois lois : celles du 21 décembre 2012, du 13 novembre 2014 et du 25 juillet 2015.

Ces textes ont doté notre pays de tous les moyens juridiques nécessaires à la lutte contre le terrorisme : blocage administratif des sites, interdiction de sortie du territoire national ou de retour sur celui-ci, et mise en place d’un processus d’expulsion efficace de ceux qui prêchent la haine sur le territoire.

La loi sur le renseignement a doté notre pays d’outils dont il ne disposait pas, afin de mieux prévenir la commission d’actes terroristes par ceux qui, pour agir, utilisent internet et la cryptologie.

Notre volonté est d’utiliser l’ensemble de ces outils et des moyens décidés par le Président de la République et le Premier ministre – notamment les 1 500 postes supplémentaires – pour protéger les Français.

Vous évoquez plus particulièrement la déchéance de la nationalité. Je vous confirme que celle-ci est prévue par l’article 25 du code civil.

Celui-ci autorise une administration ou le Gouvernement à y procéder, dès lors qu’une personne a été condamnée pour des actes de terrorisme extrêmement graves et intervenus quinze ans après l’acquisition de la nationalité.

Aucune mesure de ce type n’est intervenue entre 2007 et mai 2014. À cette date, j’ai proposé une déchéance de la nationalité pour un individu, après son expulsion, le 22 septembre, au terme de l’épuisement de tous les recours.

Désireux d’appliquer avec fermeté ces dispositions, j’ai présenté au Premier ministre cinq décisions de déchéance de nationalité concernant des terroristes.

Je poursuivrai cette politique avec la plus grande détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Air France

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Chrétien. Monsieur le Premier ministre, insupportables sont ces images de dirigeants d’Air France molestés, lynchés par de soi-disant syndicalistes, qui tournent en boucle sur toutes les télévisions du monde ! En outre, elles sont désastreuses pour l’image de la compagnie engagée dans une concurrence féroce.

Voilà plusieurs semaines qu’un bras de fer sans issue s’est engagé entre certains personnels intransigeants et une direction acculée à prendre des mesures drastiques.

Où êtes-vous, monsieur le Premier ministre ? Où est l’État actionnaire, qui doit taper du poing sur la table pour faire cesser cette chienlit portant atteinte à l’un des fleurons de notre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Avez-vous pensé aux effets catastrophiques de cette situation sur les investissements étrangers ? Air France n’est pas une entreprise comme les autres : elle porte l’image de tout un pays, d’un savoir-faire, de valeurs d’excellence et d’accueil.

Que doivent penser les entreprises internationales qui souhaitent investir chez nous ? Vont-elles retrouver leurs dirigeants dans le même état que ceux d’Air France ?

Vous avez une responsabilité directe dans un fiasco qui montre l’incapacité de mener un réel dialogue social en France, où le patron est toujours montré du doigt.

La violence et l’intimidation sont-elles les nouveaux marqueurs des syndicats qui ont appelé à voter pour vous en 2012 ? Qu’attend le PS pour les dénoncer ?

Vous n’avez pas le droit de mettre en péril notre compagnie nationale. C’est trop grave, car Air France, c’est la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je vous remercie du caractère modéré et nullement caricatural de votre question ! (Sourires et applaudissement sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) La situation d’Air France est suffisamment grave pour qu’on l’envisage avec le sérieux nécessaire.

Depuis plus d’un an, avec M. Vidalies, je soutiens la direction d’Air France.

M. Guy Geoffroy. Comme la corde soutient le pendu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La compagnie nationale, confrontée à des défis majeurs, dont la concurrence, n’a pas d’autre possibilité que de procéder à des réformes nécessaires, partagées par tous.

Ce matin même, je suis allé dans les locaux d’Air France, à Roissy, pour rendre hommage et exprimer mon soutien, ma solidarité, mon affection – et, je pense, celle de tous – aux deux cadres et à tous ceux qui ont été humiliés, frappés, molestés. Cet acte est évidemment intolérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Il devra faire l’objet de sanctions exemplaires. La justice a été saisie. La police mène une enquête indispensable, car dans notre pays – et pas seulement pour des raisons d’image, même si celles-ci sont essentielles –, la violence est intolérable, et doit être condamnée avec la plus grande force. (Mêmes mouvements.)

J’en appelle une nouvelle fois à la responsabilité de chacun en vous mettant en garde contre toute confusion. Monsieur le député, soyez sérieux : je ne sache pas que le Syndicat national des Pilotes de ligne ait appelé à voter en 2012 pour François Hollande.

Alors que cette organisation se refuse à toute discussion sérieuse sur l’avenir de la compagnie, il appartient aux pilotes d’Air France de faire preuve de lucidité.

Eux qui accomplissent un métier admiré et s’acquittent d’une mission essentielle – transporter des millions de passagers par an – doivent s’asseoir autour de la table, discuter et participer à la recherche de la solution pour l’avenir d’Air France.

Enfin, vous avez prononcé le mot de « chienlit », que nous avons déjà entendu en fin de matinée. La remise en cause permanente des corps intermédiaires, des syndicats, de l’indépendance de la justice et de ce qui fonde la démocratie, par ce mot de « chienlit », qu’a employé également Nicolas Sarkozy, est dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Puisqu’il existe un débat dans notre pays sur une certaine conception de la démocratie et sur une certaine vision de la France, affrontons-le.

Vous voulez abattre les corps intermédiaires, remettre en cause les syndicats, politiser. Non, la négociation, le dialogue social, le respect des corps intermédiaires, de la démocratie, des syndicats, des élus et des associations, et plus largement des Français, ainsi que d’une certaine idée de la France, nous les défendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Air France

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, peut-être allez-vous répondre de façon plus apaisée à la question paisible que je vais vous poser sur le même sujet, ce qui vous permettra de compléter la réponse que vous ne nous avez pas donnée en totalité.

Je veux d’abord, évidemment, être aux côtés de tous pour apporter un soutien sans faille à la direction d’Air France à la suite du drame et des agressions dont ses représentants ont été victimes. Vous avez bien fait, monsieur le Premier ministre, de vous rendre sur place ; c’est d’ailleurs votre rôle, comme représentant de l’État actionnaire.

Je regrette, cela va sans dire, l’image catastrophique que l’on donne dans le monde, l’image d’une France ou d’entreprises qui ne savent pas se réformer, ou qui ne se réforment que dans la violence.

Je veux vous questionner – car c’est là l’essentiel – sur la stratégie précise de l’État dans ce domaine. Monsieur le Premier ministre, vous venez, à l’instant, dans votre réponse à la question précédente, d’apporter un soutien sans faille à la direction d’Air France, dont acte. On comprend donc que vous soutiendrez Air France jusqu’au bout dans ces négociations ou dans les actions que la compagnie mettra en place. Mais, par-delà ce soutien sans faille, quelle est, in fine, la stratégie du Gouvernement ? Est-ce le plan A, qui avait été un moment proposé par Air France et qui se caractérisait par la réalisation de 18 % d’économies en contrepartie d’un développement de la société, de façon à lui permettre d’atteindre la même taille ou de bénéficier des mêmes conditions que les entreprises qui l’entourent ? Si ce n’est pas le cas, est-ce le plan B, qui a été repoussé, notamment par un recours à la violence, ce week-end, et qui consisterait à suspendre l’achat d’avions et supprimer du personnel et des lignes ? Monsieur le Premier ministre, quel est le plan du Gouvernement ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Il n’en a pas !

M. Bertrand Pancher. Il est important que l’État actionnaire se prononce précisément. Les propos de votre secrétaire d’État aux transports, ce matin – « négociations, négociations » – ne nous ont pas rassurés.

Enfin, quel accompagnement l’État entend-il mettre en œuvre ? Air France dit qu’il y a beaucoup d’efforts à accomplir et met en avant le fait qu’elle est entourée par Aéroports de Paris, qui gagne de l’argent, et qu’elle paie beaucoup d’impôts, ce qui rend les choses difficiles. Air France dit avoir besoin de l’État pour l’accompagner. Comment allez-vous l’accompagner dans cette situation difficile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, s’agissant du début de votre question, je vous renverrai naturellement aux propos du Premier ministre, qui a condamné ces actes et indiqué que la seule réponse possible était la mise en œuvre de poursuites pénales, car nous nous situons totalement en dehors du champ de l’action syndicale.

En ce qui concerne l’avenir, je crois important de relever les réactions qui sont intervenues ce matin, tant du côté de la direction que de l’ensemble des organisations syndicales représentatives. J’ai observé que chacun appelait à la reprise du dialogue, et tel est bien le message que l’on doit adresser, car c’est la meilleure façon de répondre à ceux qui caricaturent la France. Pour quel objectif ? Le Premier ministre vient de le dire : il n’y a qu’un seul objectif, c’est celui qui a été fixé par la direction ; de fait, il s’agit non pas d’une idée en l’air mais d’un passage obligé, compte tenu de la situation. On en connaît les raisons, qui tiennent à la fois à l’émergence du low cost depuis tant d’années et à la concurrence des compagnies du Golfe.

Pour atteindre cet objectif unique, il existe deux chemins, comme la compagnie l’a indiqué : soit la négociation – c’est ce que vous appelez le plan A –, soit le plan B, mais celui-ci implique que la négociation n’ait pas échoué. Le plan A répond au même objectif, mais implique le partage de l’effort entre tous, tandis que le plan B prévoit de faire porter l’effort par quelques-uns, à savoir ceux qui seront licenciés.

Naturellement, si l’on peut atteindre l’objectif de la direction, que nous soutenons, par la négociation, alors faisons-le. Tout le monde, ce matin, a appelé à la négociation. Qu’elle reprenne, mais l’objectif reste le même : permettre à Air France de regagner de la compétitivité pour, demain, retrouver de la croissance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Position de la France dans le conflit syrien

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, la guerre en Syrie dure depuis quatre ans. Outre des centaines de milliers de morts, on dénombre au moins quatre millions de réfugiés, dont deux en Turquie, qui vivent dans des conditions épouvantables ; des centaines de milliers d’entre eux s’apprêtent à venir en Europe, via la Turquie.

Dans ce contexte, nos concitoyens espéraient beaucoup des rencontres de New York la semaine dernière, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, entre le président de la République française et, en particulier, les principaux responsables américains, russes et iraniens. Ces rencontres ont bien eu lieu mais quel en est le résultat ? Comme à son habitude, François Hollande a choisi de coller à Barack Obama (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen)…

M. Jacques Myard et M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Jean Glavany. Vous souhaiteriez qu’il colle à Poutine ?

M. Pierre Lellouche. …et continue d’exiger le départ du président syrien Bachar Al Assad comme préalable à quelque négociation que ce soit, ce qui condamne naturellement toute perspective de règlement diplomatique.

Mieux – c’est un fait sans précédent – le Quai d’Orsay vient de saisir la justice française en accusant explicitement le dirigeant syrien de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ce qui ferme définitivement la porte à toute négociation avec le régime. Pendant ce temps, les Russes bombardent et, comme on pouvait s’y attendre, les premiers incidents aériens ont commencé, hier, avec la Turquie, alliée de l’OTAN dont, néanmoins, la politique en Syrie est des plus troubles. Dans ces conditions, la guerre ne peut que continuer et s’étendre. L’État islamique, lui, se renforce chaque jour davantage et étend son influence en direction de l’Irak et du Golfe.

Face à cette poudrière, la politique de la France est devenue – pardonnez-moi – parfaitement illisible. Tout semble se passer entre Russes et Américains, tandis que nous paraissons totalement alignés, et sur Washington, et sur Riyad, alors que la diplomatie française devrait au contraire s’efforcer de rassembler tous les grands acteurs pour trouver une solution. D’où cette question que je vous pose solennellement au nom des Républicains : pouvez-vous nous expliquer ce que vous êtes en train de faire et où vous essayez de conduire notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Lellouche, la France est indépendante, j’insiste sur ce mot. Nous sommes indépendants des États-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), nous sommes indépendants de la Russie, mais nous ne sommes pas indépendants de l’intérêt de la France et des Français : telle est notre ligne directrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Notre objectif est, premièrement, de frapper le groupe terroriste Daech. Nous l’avons fait en Irak, depuis maintenant un an, nous le faisons depuis quelques semaines en Syrie, dans le cadre de la légitime défense.

Deuxièmement, nous voulons obtenir l’arrêt des bombardements à la dynamite de Bachar Al Assad à l’encontre de la population civile ; une résolution sera déposée en ce sens.

Troisièmement, comme il n’y a pas seulement une action militaire à mener mais, évidemment, une action politique, nous entendons plaider pour la transition politique et, oui, monsieur Lellouche, pour faire en sorte qu’in fine, M. Bachar Al Assad ne soit plus aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cela pas seulement pour une raison morale, parce qu’il est responsable de 80 % des 250 000 morts de Syrie, ce dont il faut tout de même se rappeler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants), mais aussi pour des raisons d’efficacité. En effet, si l’on prétend comprendre la situation en Syrie – comme vous vous y employez, à juste titre –, il faut bien avoir conscience que le meilleur aliment du terrorisme, ce sont les exactions menées depuis quatre ans par M. Bachar Al Assad, et qu’il n’est pas possible que le bourreau d’un peuple soit proposé comme étant l’avenir de ce peuple. (Mêmes mouvements.)

C’est de cela, monsieur Lellouche, que nous discutons avec l’Iran dont nous avons rencontré les représentants à New York, avec les États-Unis d’Amérique que j’ai rencontrés par l’intermédiaire de M. Kerry, avec le président Poutine qui était en France, avec les Arabes, avec les Turcs, avec l’ensemble des parties prenantes car nous croyons, nous, envers et contre tout, à la nécessité de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Accord international contre l’optimisation fiscale

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Claude Buisine. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État au budget.

Depuis 2012, la France œuvre dans toutes les instances économiques internationales pour promouvoir la régulation économique et financière. Patiemment, méthodiquement, elle le fait en concertation avec les instances internationales. Avec nos partenaires, notre détermination porte peu à peu ses fruits et les résultats sont là : la politique monétaire de la BCE enfin au service de la croissance, l’union bancaire au sein de l’Union européenne, le plan Juncker de plus de 300 milliards d’euros, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale des plus fortunés qui représente pour le budget de la France 60 à 80 milliards d’euros par an.

Cependant, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas en rester là. À cet égard, l’accord finalisé par l’OCDE et signé par soixante-deux pays pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales est une étape majeure du chantier de régulation lancé en 2012. Dans ce combat, la France a été à la pointe pour convaincre les autres nations. Cet accord devrait être adopté lors du G 20 de Lima cette semaine et il sera effectif dès 2016. Les grands groupes, notamment les géants du web, qui se jouaient des législations nationales, devraient avoir les mêmes obligations fiscales que nos entreprises. Et c’est bien normal.

Les conséquences financières de ces décisions pour les budgets des États vont être importantes. Elles le seront également pour les contribuables et assujettis à l’impôt. On tourne la page de l’évasion fiscale. C’est une excellente nouvelle.

Monsieur le secrétaire d’État, oui, pour les multinationales, la récréation fiscale est bien finie ! Pouvez-vous nous rappeler l’engagement de la France sur cette question majeure ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député Jean-Claude Buisine, Michel Sapin aurait aimé répondre à votre question, mais il était à Luxembourg ce matin – il doit être à présent sur le chemin du retour – et se prépare à s’envoler pour le G 20 de Lima, auquel vous avez fait allusion.

Pourquoi tous ces déplacements, mesdames, messieurs les députés ? Parce que la France agit à trois niveaux.

Elle agit tout d’abord au niveau national, et vous l’avez rappelé, monsieur le député : des mesures ont été prises en loi de finances dès 2012 puis en 2013, avec par exemple l’obligation pour les grands groupes de fournir une description générale de leur politique de prix de transfert, qui sont l’un des principaux vecteurs de l’optimisation fiscale.

La France agit ensuite au niveau européen, comme le montre le déplacement de ce matin au Conseil ECOFIN, au cours duquel les ministres des finances européens se sont accordés sur la mise en œuvre d’une directive relative à la transparence du ruling. Je veux à cet égard rappeler le rôle de la France, de Michel Sapin qui, avec ses homologues italien et allemand, avait saisi la Commission européenne il y a quelques mois seulement pour déboucher sur l’accord qui a été finalisé ce matin.

La France agit enfin au niveau international, sur la base des propositions de l’OCDE, qui font maintenant consensus, et s’engagera à adopter au futur G 20 de Lima l’essentiel de celles-ci.

Nous proposerons dans le projet de loi de finances pour 2016 quelques dispositions sur la transparence du ruling, mais si les accords sont signés au niveau international, comme le laissent à penser les discussions actuelles, la France mettra en œuvre avant la fin de cette année, dans le projet de loi de finances rectificative, les dispositions qui font aujourd’hui consensus pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

Intempéries et urbanisation

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Duflot. Monsieur le Premier ministre, les intempéries d’une rare violence qui ont touché le littoral des Alpes-Maritimes samedi soir dernier étaient prévues et les risques d’inondation connus.

M. Philippe Meunier. Verre à moitié vide ou à moitié plein ?

Mme Cécile Duflot. Leur ampleur, les très nombreuses victimes nous peinent tous et notre assemblée a exprimé sa compassion.

Nous voulons croire que la reproduction de ce drame n’est pas une fatalité, car si la nature est une force qui ne peut être jugulée, l’activité humaine ne doit pas aggraver les conséquences des intempéries en créant les conditions de la catastrophe. Je sais que le souci de la vie de nos concitoyennes et concitoyens est partagé sur tous les bancs de cet hémicycle. Aussi, sur ce sujet, j’en appelle au consensus républicain autour de l’idée de la réparation écologique de notre territoire pour prévenir les catastrophes à venir.

M. Sylvain Berrios. Essayez d’abord de vous mettre d’accord entre vous !

Mme Cécile Duflot. Nous le savons : ce genre de phénomènes météorologiques extrêmes est amené à se répéter et peut-être à s’intensifier du fait du dérèglement climatique contre lequel nous devons agir ; c’est tout l’enjeu de la COP 21 qui se tiendra au Bourget dans maintenant quelques semaines. Renaturer la ville est donc une ardente priorité pour réparer les erreurs de l’urbanisation des années 1970 à 1990 et protéger ainsi les habitantes et les habitants de notre pays. Cela signifie que des moyens conséquents doivent être consacrés à cet objectif.

Pour éviter que la densification ne se fasse aux dépens des espaces naturels en ville, la loi ALUR (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) a d’ailleurs introduit un coefficient de biotope. Cette mesure visait à favoriser le maintien ou le renforcement de la biodiversité et de la nature en ville en préservant, lors d’opérations de constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables. L’effectivité de cette mesure est essentielle.

Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : quelle politique de réparation des dégâts de l’urbanisme incontrôlé comptez-vous mettre en œuvre dans les semaines et les mois qui viennent pour faire que la France, en prenant le chemin de l’écologie, garantisse au mieux la sécurité de ses habitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Mesdames, messieurs les députés, madame la députée, la catastrophe aux conséquences dramatiques qui a frappé les Alpes-Maritimes est le résultat d’événements climatiques particulièrement violents et géographiquement concentrés. Ce département avait déjà payé un lourd tribut lors des phénomènes climatiques extrêmes de 2010.

Vous m’interrogez sur la façon dont on peut prévenir de tels événements. Je voudrais saisir cette occasion pour rendre hommage aux maires, aux présidents de communauté de communes et aux collectivités territoriales pour leur travail.

M. Sylvain Berrios. Ah, on se rappelle des maires, dans ces moments-là !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je rappelle que, depuis 2007, 107 plans de prévention des inondations ont été mis en place partout sur les territoires vulnérables. J’en sais quelque chose puisque les élus de Poitou-Charentes ici présents et moi-même avons fait face à l’événement dramatique de 2010, la tempête Xynthia, qui avait fait plus de quarante-sept victimes. Je connais donc la nature des traumatismes subis par les territoires, par les familles ; au demeurant, à l’heure où je vous parle, ces traumatismes ne sont toujours pas réparés.

Nous devons donc mettre l’accent sur la prévention, et aider les élus locaux. C’est tout le sens du travail du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie dans le cadre de la prévention des risques : aider les élus locaux à mettre en place les plans de prévention des risques.

Je voudrais là aussi saluer l’engagement des maires de toutes les communes qui sont exposées aux inondations, puisque la carte que j’ai rendue publique voilà quelques mois montre que 17 millions de Français habitent des zones exposées au risque d’inondation. Cela montre le travail qu’il reste à accomplir, notamment en matière d’amélioration des systèmes d’alerte, de réduction de la vulnérabilité des bâtiments, de construction des ouvrages de protection, ainsi que d’application des coefficients de biotope, c’est-à-dire de désartificialisation des sols, afin que la force de ruissellement des eaux puisse être atténuée par la perméabilité des sols.

Je réunirai dans les prochains jours les élus des Alpes-Maritimes pour voir comment nous pouvons améliorer le dispositif.

Sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le Premier ministre, c’est aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, cette Sécurité sociale si appréciée des Français, mais qu’ils considèrent comme un système devenu complexe, opaque et même inégalitaire, alors qu’ils ont dépensé 715 milliards d’euros en 2013 pour assurer leur politique familiale, leur retraite et se soigner.

Le 24 septembre, votre ministre de la santé a présenté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. En 1945, l’heure était à la solidarité : qu’en est-il aujourd’hui ? Vous avez fait le choix de vous en prendre aux familles et aux professionnels de santé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Pour mémoire, vous n’avez pas eu le courage de vous attaquer à la fraude sociale, qui s’élevait en 2013 à plus de 636 millions d’euros, soit l’équivalent de ce que vous prenez aux familles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Depuis, c’est « silence, on taxe » !

Votre projet de loi devait rassembler les professionnels de santé, mais votre ministre, aveuglée par son idéologie, a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre elle. Les cliniques souffrent, les laboratoires s’externalisent, les pharmacies font faillite, les infirmières sont épuisées et les médecins font grève. En minimisant le mouvement de grève des médecins qui se révoltent contre l’étatisation de la médecine libérale, vous les méprisez. Par idéologie, vous avez fait de la généralisation du tiers payant un étendard ; c’était inutile puisque les populations qui en ont besoin en bénéficiaient déjà.

De plus, avec la réforme menée après l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, vous organisez le désengagement de l’assurance maladie obligatoire en faisant peser le poids financier sur des entreprises déjà exsangues, et en oubliant les plus fragiles, à savoir ceux qui ne sont ni salariés ni bénéficiaires des minima sociaux. Peut-être ces Français-là ne vous intéressent-ils pas !

Crise économique, vieillissement de la population, déficit record : vous étouffez la Sécurité sociale, qui a du mal à souffler ses bougies. Commémorer, c’est bien, mais comme l’a rappelé le président du parti Les Républicains, une véritable refondation du modèle social et économique s’impose. Alors, soyez courageux : pour son anniversaire, réconciliez les Français et la Sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la députée, en cette journée du soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, vous auriez pu avoir des mots plus heureux à son égard ! Votre intervention n’a été que critique ; votre attachement à cette institution n’est pas crédible, tant vous en parlez mal et tant vous cherchez à en éloigner les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Eux y sont particulièrement attachés !

Je vous prie d’excuser l’absence de Marisol Touraine qui, précisément, célèbre en ce moment cet anniversaire.

Vous nous parlez de la Sécurité sociale, et de son état actuel. Permettez-moi de vous dire, madame, que ce Gouvernement fait vivre la Sécurité sociale d’abord en redressant ses comptes. Le déficit a été réduit de 20 % depuis 2012 ; le régime des retraites sera à l’équilibre : cela n’était pas arrivé depuis dix ans ! Les chiffres sont là, les résultats sont visibles. Contrairement à vous, quand vous dirigiez ce pays, nous n’avons procédé à aucun déremboursement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous protégeons le niveau de soins de tous les Français, et nous assurons l’accès le plus large à la santé. Nous modernisons la Sécurité sociale, nous la protégeons, nous la défendons, y compris contre vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Projet de loi numérique

M. le président. La parole est à M. Luc Belot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Luc Belot. Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, ce matin, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé de suspendre l’accord d’utilisation, par les géants américains du web, des données des internautes européens. (« Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

La question des données personnelles est aujourd’hui omniprésente. Est-ce que les fabricants de nos téléphones peuvent utiliser les informations qui y circulent ? Est-ce les applications des réseaux sociaux scannent nos courriels ? Comment les moteurs de recherche utilisent-ils nos activités sur internet à des fins commerciales ? Autant de questions que se posent légitimement nos concitoyens.

Il est vrai que la France, comme de nombreux autres pays, légifère difficilement quand il s’agit de numérique. Amazon contourne sans difficulté la loi interdisant de cumuler réduction de 5 % sur le livre et gratuité de livraison. La réglementation des activités des VTC – les véhicules de tourisme avec chauffeur – est à reprendre, car les limites et les contraintes qu’elle pose la rendent difficilement applicable. Alors, plutôt que d’essayer vainement d’interdire, de limiter, d’encadrer ce qui ne peut pas l’être, nous devons apprendre à légiférer dans ce monde numérique ouvert et connecté.

Nous avons dorénavant tous une identité numérique, faite des informations circulant sur internet, de nos comptes d’utilisateur et de nos réseaux sociaux. Elle doit être associée à de nouveaux droits : savoir quelles données sont collectées, utilisées et pourquoi ; y avoir accès et pouvoir les rectifier ; avoir un réel droit à l’oubli numérique et au déréférencement.

Voilà les défis qui se posent à nous. Après la loi pour la confiance dans l’économie numérique, il nous faut une loi pour la confiance dans la société numérique. Alors, madame la ministre, comment votre projet de loi, dont la procédure participative est une innovation citoyenne indéniable, (« Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) répondra-t-il à cet objectif, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Monsieur le député, le projet de loi pour une République numérique vise à actualiser notre logiciel républicain pour le moderniser et lui faire embrasser tout le potentiel du numérique. Il est plus que jamais nécessaire de porter sur la place publique et dans cet hémicycle les questions fondamentales que pose le numérique dans nos vies.

La dernière loi sur ce sujet a été votée à une époque où Facebook n’était encore qu’un projet étudiant, et où Google n’existait qu’à peine. Liberté, égalité, fraternité : notre devise se décline dans ce projet de loi, par la liberté d’innover dans l’économie de la donnée, et la liberté d’accéder au savoir ; par l’égalité qui doit permettre la création de nouveaux droits pour les citoyens numériques ; par la fraternité dans l’accès de tous aux outils numériques.

Ce texte pose des briques, des principes, un socle ; il anticipe l’avenir pour le construire, notamment en créant un environnement favorable à la circulation des données : la data, ce capital du XXIe siècle qui prend de la valeur économique et permet l’innovation quand on la diffuse, quand on l’ouvre, quand elle se démultiplie. C’est un actif inépuisable ; c’est, finalement, tout le contraire du pétrole. C’est là un nouveau paradigme qui doit nous obliger à repenser nos modèles.

Ouverture des données publiques par l’État par défaut, nouvelles missions de service public, données d’intérêt général, nouveaux droits pour les citoyens, principe de neutralité de l’internet, loyauté des grandes plates-formes numériques vis-à-vis des consommateurs, et respect de la vie privée et des données personnelles, notamment grâce au droit à l’oubli et grâce à la confidentialité des courriels : tout cela, pour que le numérique soit pour tous, y compris pour tous les territoires, y compris pour les personnes en situation de handicap, pour les foyers les plus fragilisés financièrement.

Le numérique partout, par tous, et pour tous : voilà notre devise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe Les Républicains.

M. Julien Aubert. Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger sur la réforme du Régime social des indépendants – RSI.

M. Jean Glavany. Que vous avez créé !

M. Julien Aubert. Depuis plusieurs mois, l’opposition – les Républicains, mais aussi l’UDI – travaille sur ce sujet, qui concerne des dizaines de milliers de personnes. Écrasées de charges, elles se plaignent de ce régime qui fait l’effet d’une forteresse sans ouvertures, brutal, recourant de façon massive aux huissiers, et inconséquent dans le calcul des cotisations.

Après plusieurs mois de travail, Bruno Le Maire et moi-même (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) ainsi que 150 parlementaires, avons décidé de soumettre au débat public un certain nombre de propositions. Nous regrettons, d’ailleurs, de ne pas avoir été associés à la mission de Sylviane Bulteau et de Fabrice Verdier, qui a rendu son rapport il y a quelques semaines.

Nous proposons de limiter le recours aux huissiers, presque systématique désormais. Un fonds d’indemnisation des cotisants pourrait être créé, en direction notamment des naufragés du RSI, compte tenu de la responsabilité des acteurs publics dans ce qu’il est convenu d’appeler une catastrophe industrielle.

Il faut aussi permettre la liberté d’affiliation, afin que les indépendants puissent rejoindre le régime général notamment, sans modification de leur statut juridique. Ils doivent pouvoir auto-liquider et auto-déclarer les cotisations et contributions sociales, afin que la charge de la preuve revienne au RSI en cas de différentiel de cotisations. Un étalement de droit du règlement des cotisations sur 36 mois permettrait de lisser l’activité économique.

Enfin, monsieur le Premier ministre, il faut créer un bouclier social pour les indépendants, qui empêcherait le RSI de prélever au-delà d’un certain seuil, afin de respecter le travail et de donner un reste à vivre. La question est importante et des milliers d’indépendants attendent votre réponse. Il est temps de faire l’union sacrée sur ce sujet et de faire avancer, enfin, ce dossier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Julien Aubert, merci d’inviter les primaires des Républicains au sein de l’hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Guy Geoffroy. C’est nul !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette question, pour laquelle vous en appelez à l’unité nationale, mérite toujours un petit rappel historique sur la responsabilité d’un régime que la Cour des comptes a qualifié de « catastrophe industrielle ». C’est vous – la majorité de l’époque – qui avez créé ce dispositif, dans une précipitation que tous les acteurs avaient signalée.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour autant, et vous avez raison de le dire, il faut résoudre les problèmes qui subsistent. Le rapport que Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont rendu au Premier ministre contient un certain nombre de propositions, mais nous avions déjà pris un certain nombre de dispositions. Ainsi, les cotisations ne sont plus calculées sur l’année n – 2, ce qui provoquait des décalages qui pénalisaient l’activité des cotisants, mais sur l’année n – 1.

Pour autant, il faut aller plus loin. Avec les ministres concernées, Marisol Touraine et Martine Pinville, nous avons rencontré les acteurs qui gèrent le RSI. En matière de médiation, des éléments ont été mis en place pour éviter le recours parfois précipité et abusif, que vous avez dénoncé, à un certain nombre de moyens de recouvrement.

Il faut laisser un peu de temps pour que ce régime mis en place dans la précipitation trouve son équilibre en matière de fonctionnement.

M. Sylvain Berrios. Alors on ne fait plus rien ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’équilibre financier est loin d’être atteint, puisque les prestations des indépendants sont les mêmes que celle du régime général et tout rattachement au régime général entraînerait une augmentation des cotisations.

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Monsieur le président, madame la garde des Sceaux, monsieur le ministre de l’intérieur, en ce moment même, un policier de 36 ans, père de famille, est entre la vie et la mort, parce qu’il accomplissait sa mission courageusement en poursuivant les auteurs d’un braquage. À mon tour, et au nom du groupe UDI, je tiens à exprimer reconnaissance et sympathie à sa famille et à ses collègues, et à lui adresser nos vœux de rétablissement.

Cette triste affaire soulève trois questions. La première concerne la fiche S. Comme Merah, Kouachi, Coulibaly, mais aussi Ghlam ou Sahli – dans l’Isère –, le braqueur faisait l’objet de cette mystérieuse fiche S ! Les Français n’en peuvent plus ! Ils se demandent à quoi sert cette fiche, sinon à constater a posteriori que la menace était connue, mais ne faisait l’objet d’aucune mesure concrète. La fiche S est devenue une catégorie fourre-tout, sans aucune portée préventive et opérationnelle ! Elle concerne près de 400 000 individus, aux profils aussi variés qu’aspirant terroriste, militant antinucléaire ou hooligan !

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour assurer un suivi opérationnel effectif, et surtout préventif, des individus fichés S menaçant la sécurité nationale ?

La deuxième question porte sur un sujet plus grave encore, me semble-t-il, et intéresse la justice : comment un juge d’application des peines peut-il accorder une permission à un individu dangereux, radicalisé en prison, ayant 29 condamnations à son actif et fiché S ?

Madame la ministre, n’y a-t-il pas, pour le moins, des dysfonctionnements au niveau de notre système judiciaire ?

Enfin, monsieur le ministre de l’intérieur, à l’heure où notre pays est menacé et que les djihadistes nous ont déclaré la guerre, quels moyens supplémentaires comptez-vous donner aux policiers pour leur permettre accomplir leur mission avec efficacité et un maximum de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Meyer Habib, vous nous invitez à revenir sur ce drame qui nous tient en suspens : nous espérons tous que ce policier s’en sortira, pour le bonheur de sa famille, mais aussi pour la beauté de cette mission, qui ne doit pas s’accomplir systématiquement au prix de la vie.

Vous êtes parfaitement fondé à avoir des interrogations sur la fiche S et je ne doute pas que le ministre de l’intérieur vous apportera les précisions nécessaires.

Le tireur qui a mis en danger la vie de ce policier n’a pas 30 condamnations à son actif, comme l’a dit Georges Fenech, ou 29, comme vous l’affirmez, mais 9 – ce qui est déjà beaucoup trop.

Le juge d’application des peines a pris cette décision sur la base d’un texte de 2004 (Protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains), qui prévoit qu’une permission de sortir peut être octroyée en cas de maladie grave ou de décès d’un proche.

L’inscription sur la fiche S est postérieure à l’octroi de la permission de sortir. Le parquet, alerté par l’administration pénitentiaire, a choisi de ne pas se contenter de signaler la non-réintégration au commissariat local, mais de saisir la police judiciaire. C’est à la suite de ces éléments qu’il est apparu que la radicalisation de cet individu, qui avait soulevé des problèmes au sein de sa propre famille, nécessitait ce suivi particulier.

Telles sont les informations que je peux vous livrer, monsieur le député. Comme le ministre de l’intérieur, je me tiens à la disposition des parlementaires pour leur apporter davantage de précisions, et nourrir le débat par des faits précis et le rappel des règles en vigueur.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Création, architecture et patrimoine

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (nos 2954, 3068).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la première lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Permettez-moi d’exprimer ma satisfaction d’avoir enfin pu débattre d’un projet de loi très attendu par les acteurs et actrices des arts et de la culture, et d’avoir participé à un riche travail parlementaire, sous l’impulsion de notre rapporteur que je veux ici remercier.

Je veux indiquer d’emblée que les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi, compte tenu de la qualité de ce travail, mais aussi de l’article 1er qui dispose : « La création artistique est libre. »

Certains ont suggéré qu’il y avait d’autres priorités que cet article. D’autres nous ont expliqué que cela allait de soi au XXIsiècle. Des événements récents témoignent, hélas, du contraire. Dimanche, l’arc de triomphe de Palmyre a été réduit en poussière par Daech. Un film primé est interdit dans le pays de son réalisateur. Ici, en France, des troupes ont vu leurs subventions attaquées, des spectacles ont été déprogrammés et des œuvres dégradées par ceux qui pensent dicter aux populations ce qui est bien pour elles en matière culturelle.

Face à tous ces reculs de la pensée, il n’est pas anodin d’inscrire la liberté de création dans la loi de notre République et de donner à cette liberté les moyens de résister à toute tentative de la cadrer. La République ne peut souffrir de censure. Pour garantir le plein respect des principes d’égalité et de fraternité, elle a besoin de liberté. Sans liberté de création, l’humanité ne peut s’émanciper ni laisser d’empreinte dans l’histoire.

La création artistique est et doit rester une dimension essentielle « de l’émancipation individuelle et de la citoyenneté », comme l’affirme à juste titre l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis. Cette affirmation laissait espérer que le projet de loi porte de grandes ambitions, mais le texte initial a soulevé plus d’interrogations, voire de déceptions, que d’enthousiasme dans le monde des arts et de la culture. Nous étions loin de la grande loi d’orientation espérée. Heureusement, en commission et en séance, nous avons pu assurer une meilleure prise en compte des attentes exprimées lors des auditions.

C’est ainsi que des secteurs entiers de l’activité culturelle ont été réintroduits ou développés dans le projet de loi soumis aujourd’hui à notre vote, tels que la pratique amateur, les archives ou l’architecture.

Nous sommes aussi satisfaits que certains de nos amendements aient été intégrés à ce projet de loi. Je veux parler, par exemple, de l’équité territoriale en matière culturelle, et surtout de la notion de service public de la culture, également applicable aux services déconcentrés.

D’autres propositions sur les pratiques amateurs, les droits des auteurs et des artistes interprètes, l’enseignement artistique ou l’affirmation du rôle du service public dans l’archéologie préventive ont fait évoluer le projet de loi dans le bon sens.

Enfin, je me réjouis que notre assemblée ait choisi d’empêcher des entreprises privées de bénéficier du crédit d’impôt recherche pour faire baisser leurs tarifs plutôt que pour développer la recherche. Il était temps de mettre un terme à cette concurrence déloyale contre le service public, notamment contre l’Institut national de recherches archéologiques – INRAP.

Toutefois, ce projet de loi peut être encore considérablement amélioré.

M. André Chassaigne. C’est sûr !

Mme Marie-George Buffet. L’exemple de l’exception culturelle est frappant. Nous adoptions en juin 2013 une résolution réaffirmant que la culture n’est pas une marchandise comme les autres, mais la loi ne nous donne pas, en l’état, les moyens de protéger les établissements publics de la culture contre la concurrence libre et non faussée prônée par l’Union européenne.

De même, les avancées sont insuffisantes concernant les professionnels du spectacle. Certes, la loi dite « Rebsamen » a enfin reconnu la spécificité du régime des intermittents, mais ce projet de loi pouvait leur ouvrir des droits nouveaux pour faire reculer la précarité récurrente des métiers d’artistes et de techniciens du spectacle. J’espère que la deuxième lecture, en lien avec les mobilisations et la négociation, permettra d’acter de nouvelles garanties.

Je regrette enfin que l’audiovisuel ne trouve pas sa pleine place dans ce projet de loi. Comment admettre que notre audiovisuel public, ce véritable outil permettant d’encourager la création et de favoriser l’accès aux œuvres, ne mérite qu’une mention ? Je souhaite vivement qu’il y soit remédié lors de notre second débat.

C’est avec la volonté de poursuivre, dans un débat constructif, l’amélioration de ce texte en deuxième lecture que les députés du Front de gauche, prenant acte du travail déjà accompli par notre assemblée, voteront ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Pouzol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Pouzol. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec une joie non dissimulée que je m’exprime aujourd’hui devant notre assemblée, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen,…

M. Jean Glavany. C’est une joie partagée ! (Sourires.)

M. Michel Pouzol. …à propos de ce qui va devenir dans quelques minutes la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Il s’agit d’un projet de loi marquant de ce quinquennat, qui replace judicieusement au cœur de nos débats la culture comme élément central de nos préoccupations.

M. Yannick Favennec. Ça, il fallait le dire !

M. Michel Pouzol. Ce projet de loi a été patiemment élaboré, au fil des rapports et consultations qui n’ont cessé de l’enrichir tout au long de nos débats. L’une de nos fiertés, et non la moindre, tient dans ce processus d’élaboration qui a su prendre en compte l’ensemble des acteurs du secteur, mais aussi l’ensemble des groupes parlementaires qui ont eu l’opportunité d’amender le texte initial pour en faire un texte fondamental pour la création, l’architecture et le patrimoine.

L’article 1er, qui dispose : « La création artistique est libre », résume à lui seul, dans sa simplicité et sa clarté, l’ambition de ce projet de loi, à savoir affirmer ce que la création, dans toute sa richesse et sa diversité, peut avoir de particulier et de fondamental pour chacune et chacun d’entre nous, mais aussi pour la société dans son ensemble, sans la réduire à un simple chapitre de la liberté d’expression.

L’acte créatif est à la fois plus que cela et tout autre chose : une somme d’univers et de volontés, d’idées et de vagabondages, qui trouve sa définition uniquement dans les multiples facettes et les véhicules nombreux et variés qui lui permettent d’exister. Oui, la création artistique est par essence liberté, dans toute sa force, dans toute sa diversité, dans toute son impertinence.

L’article 2 de ce projet de loi adosse par ailleurs à cette liberté première un ensemble complet d’objectifs, qui constituent la base de ce que devrait englober une politique culturelle telle que nous la concevons, telle que nous l’avons de tout temps défendue.

Permettez que je m’attarde ici sur deux éléments issus directement des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation – deux éléments parmi d’autres, qui sont venus enrichir et densifier ce projet de loi.

Je veux d’abord évoquer la notion de pratiques amateurs. Oui, sans remettre en cause la présomption de salariat si importante pour les artistes et créateurs de notre pays, il nous faut prendre en compte le fait que l’acte créatif n’est pas réservé aux seuls artistes professionnels – statut parfois difficile à définir pour les talents en devenir –, mais qu’il renvoie aussi à un ensemble plus vaste de pratiques. Quel que soit l’endroit où ces pratiques sont exercées, quel que soit l’endroit où elles naissent, là aussi se trouve la création. Là aussi, au cœur de ces pratiques, naît cette culture que nous défendons et que nous partageons au quotidien.

Nos débats, en commission comme dans cet hémicycle, ont permis, grâce à l’apport du Gouvernement, de trouver ensemble un point d’équilibre et d’inscrire dans la loi cette diversité de nos pratiques qui concourt à la richesse de notre exception culturelle.

De même, la référence à la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles inscrit ce projet de loi dans un champ plus vaste encore, dépassant nos frontières. En cela, nous sommes fidèles à ce que notre nation a toujours été en matière de culture et de création : une référence, un sanctuaire, et parfois une terre d’avant-garde.

La création est par essence révolutionnaire car elle bouscule les idées reçues, réinvente les possibles et trace de nouvelles perspectives. Ceux qui préfèrent l’obscurité à la lumière ne s’y trompent pas en faisant de la création, mais aussi de notre patrimoine, un de leurs ennemis prioritaires, comme nous pouvons le constater malheureusement jour après jour en ces temps troublés.

L’ambition de ce projet de loi est aussi de protéger les formes d’expression de l’art et les artistes des influences intérieures, mais aussi des menaces extérieures, et ce jusque dans les modes de rémunérations issus du monde numérique, ce qui n’est pas un moindre sujet. C’est pourquoi la liberté de création est adossée à un volet sur le patrimoine culturel.

L’un des articles de ce projet de loi prévoit notamment que le patrimoine mis en danger au hasard des conflits pourra bénéficier de notre protection, à la demande des États concernés, le temps que le danger s’efface. Cette solidarité prend en compte le caractère universel du patrimoine et ce qu’il apporte, où qu’il se trouve, à notre humanité particulière.

La deuxième grande partie de ce projet de loi est donc consacrée à l’architecture, à l’archéologie et à la modernisation de la protection du patrimoine. Elle réforme notamment le code de l’urbanisme, afin d’associer la préservation de nos richesses patrimoniales et la nécessaire évolution de l’aménagement du territoire, naturellement induite par l’évolution des normes environnementales et sociales, la démographie ou encore les nouvelles règles d’urbanisme.

Ce projet de loi prévoit de simplifier et de mieux protéger nos sites et cités remarquables, qui deviendront désormais « historiques » pour permettre aux collectivités locales de renforcer leurs prérogatives dans ce domaine, sans pour autant que les aides financières liées à ce besoin de conservation ne soient remises en cause.

C’est pour toutes ces raisons – et toutes celles que je n’ai plus le temps de développer ici – que l’ensemble des députés du groupe SRC voteront avec enthousiasme ce projet de loi, qui marque à l’évidence une avancée majeure dans le domaine de la création, de l’architecture et du patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.

M. François de Mazières. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le Gouvernement avait promis deux textes de loi : l’un sur la création, l’autre sur le patrimoine. Au final, nous avons eu un seul texte, inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres le 8 juillet, des auditions organisées pendant les vacances, et un examen du texte en séance systématiquement repoussé en toute fin de journée.

Qu’aviez-vous donc à cacher ? Aviez-vous peur de votre propre texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) ou, plus inquiétant encore, considérez-vous la culture comme un sujet tellement secondaire qu’il passerait après tous les autres ?

Quelle éclatante démonstration du manque d’intérêt réel que portent ce gouvernement et cette majorité pour les questions culturelles !

Mme Marie-Odile Bouillé. Cela vous va bien de dire ça !

M. François de Mazières. Quel gouffre entre les déclarations d’amour de cet été, destinées sans doute à calmer la fièvre des intermittents, et ce texte sans âme : un projet de loi technocratique, décousu, traitant de tout, mêlant le secondaire – qui n’aurait même jamais dû figurer dans un projet de loi – à des dispositions lourdes de menaces, notamment en matière de patrimoine. (« Excellent ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

L’examen de chacun des articles de ce texte attendu depuis des mois a révélé des oublis et des imprécisions nécessitant dans l’urgence des modifications et des ajustements.

Parce que la culture n’appartient ni à la droite ni à la gauche,…

M. Marcel Rogemont. Surtout pas à la droite !

M. Éric Straumann. Il ne reste rien de la gauche !

M. François de Mazières. …nous avons, en commission et en séance publique, œuvré à l’amélioration de ce texte, dans un esprit constructif. La qualité de ce travail en commun a été réelle. En dépit de ce calendrier impossible, le groupe LR, qui aime aussi la culture, s’est mobilisé, en particulier Christian Kert, Michel Herbillon, Annie Genevard, Dominique Nachury, Virginie Duby-Muller et Franck Riester.

M. Jean-Luc Laurent. C’est la distribution des prix !

M. François de Mazières. De ce grand fourre-tout, nous retiendrons bien sûr l’article 1er, qui énonce le beau principe de la liberté de la création, et ses déclinaisons à l’article 2. Ensemble, nous les avons enrichis, précisés, rappelant, à la veille de l’examen du projet de loi sur le numérique, que la liberté de création commence par la défense du droit de propriété intellectuelle.

Nous ne voudrions pas cependant que cette belle déclaration soit le paravent de votre désintérêt d’État. Comment ne pas être choqué, au moment même où nous examinions ce projet de loi important, par ce reportage où le Président de la République exprime à sa nouvelle ministre de la culture son manque profond de sincérité à l’égard des artistes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean Glavany. Quel talent !

M. François de Mazières. Non, les artistes n’attendent pas qu’on les utilise en faire-valoir de la politique. Ils attendent qu’on leur permette de vivre de leurs créations. Ils attendent que la France demeure le pays de l’exception culturelle. Les Français attendent que notre pays reste à la pointe de la protection du patrimoine.

Nous aurions préféré à ce projet verbeux un maintien, en 2013 et 2014, des crédits du ministère de la culture et de la communication, alors que vous les avez amputés de 110 millions d’euros (« Eh oui !» sur les bancs du groupe Les Républicains). Et nous ne dites pas, comme nous l’avons entendu en séance publique, que le budget pour 2016 augmente de 2,7 %,…

M. Michel Herbillon. En réalité, la baisse est historique !

M. François de Mazières. …car tout cela n’est qu’un habillage dû à la budgétisation des 118 millions du produit de la redevance d’archéologie préventive.

Ce qui nous choque, c’est que, d’une manière systématique, vous utilisez la technique de l’esquive, du rideau de fumée. Le secteur musical s’inquiète ? Vous inventez un médiateur de la musique aux compétences tellement larges que jamais une seule personne n’y pourra faire face.

M. Michel Pouzol. Mais si ! Nous vous expliquerons !

M. François de Mazières. Nous vous alertons sur les conséquences du désengagement de l’État dans le financement des conservatoires : vous rajoutez un article 17 sans traiter le problème au fond de la clarification des financements entre l’État et les différents niveaux de collectivités.

Alors que nous vous demandions de reconnaître la place des amateurs à l’article 2, vous avez sorti en commission un nouvel article 11 A, dont personne n’a vraiment mesuré la portée, ni sur le monde des professionnels, ni sur celui des amateurs.

Votre technique est en réalité tristement transparente : il faut calmer les angoisses, renvoyer à l’avenir la résolution des problèmes. 2017 n’est pas loin !

Mais la principale erreur de votre texte, celle dont les conséquences seront les plus lourdes conséquences, est la création de la « cité historique ». En prétendant simplifier, c’est, en définitive, un pan entier du système de protection des monuments historiques qui est remis en cause, une construction mise en place par André Malraux et Jack Lang, certes complexe mais répondant à la diversité des situations.

Le groupe Les Républicains votera sans ambiguïté contre ce projet de loi et nous vous invitons à en faire de même. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Hervé Féron. C’est une posture !

M. François de Mazières. Aujourd’hui, nous devons voter pour la culture et contre ce projet, pour ne pas nous entendre dire dans quelques années : « France, qu’as-tu fait de ta culture ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Le scrutin sur l’ensemble du projet de loi est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Marcel Rogemont. Le débat va changer de nature !

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, parce qu’il veut couvrir tous les secteurs de la culture, ce projet de loi a, reconnaissons-le, pris une allure d’inventaire qui nous inspire une certaine perplexité.

Il traite à la fois du cinéma, de la littérature, du patrimoine, de l’architecture, de l’éducation artistique, de la musique, des marionnettistes, des éditeurs, des producteurs, des archivistes – et cette liste n’est pas exhaustive.

M. Jean Glavany. C’est dire son ambition !

M. Michel Piron. Le projet de loi que nous votons aujourd’hui regorgeait – et regorge encore davantage après son passage à l’Assemblée – de dispositions diverses et tente, sans doute en vain, de satisfaire tous les secteurs de la culture.

Les débats en commission et en séance publique, dont je regrette les interruptions qui leur ont conféré un caractère décousu,…

M. Michel Herbillon et M. Franck Riester. Haché !

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Michel Piron. …ont témoigné du relatif consensus de notre assemblée autour de grands principes comme la liberté de création, les pratiques amateurs, ou encore la protection des œuvres. Nous pouvons nous féliciter aujourd’hui de poursuivre d’une certaine façon le travail de Prosper Mérimée, lequel arpentait la France du XIXsiècle pour recenser les monuments historiques.

La liberté de diffusion, l’égal accès des citoyens à la création artistique, mais aussi le soutien aux artistes sont autant de mesures chères au groupe UDI – et à d’autres groupes.

Nous tenons également à saluer l’adoption à l’unanimité de l’amendement du Gouvernement visant à la création de « refuges » pour les biens culturels étrangers menacés par la guerre ou les catastrophes naturelles. Notre révolte devant les pillages et destructions auxquels se livrent les soldats de Daech a été unanime et nous nous devons de réagir face à cette atteinte à notre patrimoine commun. En Mésopotamie, l’un des berceaux de l’humanité, les musées sont désormais transformés en tribunaux, voire en prisons, et il ne reste désormais plus rien du temple de Bel et du musée archéologique de Palmyre, dans une barbarie où s’anéantissent les vivants et jusqu’au souvenir des morts.

Nous nous réjouissons de l’adoption de plusieurs amendements soutenus par le groupe UDI. D’abord, la possibilité pour les associations ayant pour objet la protection du patrimoine culturel de se constituer partie civile.

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Excellente initiative !

M. Michel Piron. À bien des égards, l’adoption de cette disposition, avec votre soutien, monsieur le rapporteur, permettra de lutter plus efficacement contre les vols et trafics de biens culturels en élargissant les possibilités de recourir à la justice.

Ensuite, l’établissement pour les musées de France d’un projet scientifique et culturel, qui permettra de nouer un dialogue constructif entre l’État et les propriétaires, mérite lui aussi d’être salué.

Malheureusement, si votre texte comporte ces mesures bienvenues, il manque d’une perspective qui rendrait la politique culturelle plus lisible. Plusieurs interrogations majeures restent en suspens : la question du financement du spectacle vivant ; le coût croissant de l’entretien du patrimoine face à la baisse des dotations des collectivités qui n’en peuvent mais, ou bien encore l’articulation entre État et collectivités territoriales en matière notamment de décentralisation des enseignements artistiques.

En outre, nous restons très circonspects quant à la disposition sur les quotas de chansons françaises à la radio. Alors que l’article 11 bis prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – rende compte du respect de l’actuelle règle des quotas dans son rapport, vous tranchez a priori et faites le choix d’imposer aux radios une nouvelle disposition, sans étude d’impact et sans même attendre les conclusions du CSA. Au groupe UDI, nous ne remettons nullement en cause les règles de diffusion qui s’appliquent aux radios et nous sommes fortement attachés au rayonnement de la chanson française. Pour autant, la précipitation dont la majorité et le Gouvernement ont fait preuve pour légiférer est, plus qu’étrange, hautement critiquable.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, certaines dispositions nous satisfont, d’autres nous laissent circonspects. Nous sommes donc face à une somme de mesures, assez éloignées du texte ambitieux que François Hollande avait promis lors de sa campagne et des premiers mois de son quinquennat en faveur de la « démocratisation de la culture ».

Je vous le redis, madame la ministre, dans ce domaine plus qu’en d’autres sans doute, le débat entre les moyens de la politique et la politique des moyens demeure essentiel. Je crains que, dans ce débat, vous ne vous soyez résignée à la seconde option. C’est la raison pour laquelle la majorité des membres du groupe UDI fera le choix de s’abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean Glavany. C’est courageux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, après quatre jours de débat, l’examen du texte relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine s’est achevé vendredi dernier. Cette loi, malgré certaines avancées notables, laisse malheureusement de très nombreux outils de la politique culturelle inadaptés au XXIsiècle.

Avant tout, et outre le manque d’ambition de ce texte, je déplore, tout comme de nombreux parlementaires, l’organisation de notre travail. On aurait voulu signifier le mépris pour la chose culturelle, on ne s’y serait pas pris autrement : des auditions programmées hors ouverture de l’Assemblée, un examen du texte haché, entrecoupé par de nombreux autres débats – M. Piron l’a rappelé à l’instant. Nous réclamons un temps de travail et de préparation pour la deuxième lecture plus important et surtout plus posé. Notre ambition culturelle mérite bien cela.

Outre cette précision, je signale que l’instauration de la « cité historique » m’inquiète, pour le patrimoine et pour les maires. Cette nouveauté place les maires face à deux difficultés. Elle leur fait porter une nouvelle charge juridique et morale, et elle les confronte trop directement aux desiderata des administrés. De plus, le régime de la cité historique crée un déséquilibre dans la protection du patrimoine. Les biens des Français ne bénéficieront plus du même régime partout sur le territoire.

Pour l’archéologie, tout en soutenant les revendications de l’Institut national de recherches archéologiques préventives – l’INRAP –, j’avais clairement demandé que les services archéologiques des collectivités soient considérés à la juste mesure de la qualité du travail et du service rendus. Mon souhait de mesurer l’impact du projet de loi sur les relations entre archéologues amateurs et professionnels visait l’objectif d’une meilleure protection des trésors. Je n’ai pas été suivie ; j’y reviendrai donc en deuxième lecture.

Pourtant, cette loi laisse passer la plus belle occasion du quinquennat de construire un cadre adapté à nos nouvelles façons de créer, à nos espoirs et à nos attentes pour les années à venir. Nous aurions dû garantir le libre accès aux œuvres qui sont notre patrimoine commun. Avec l’amendement n351, je souhaitais l’inscription dans la loi d’une définition positive du domaine public. Malgré le soutien de députés de tous bords, il a été rejeté. C’est dommageable pour les créateurs d’aujourd’hui et de demain, autant que pour nos artistes du passé, dont l’héritage est bien trop souvent confisqué par quelques rentiers opportunistes.

Je profite de cette tribune, madame la ministre, pour vous inciter à vous intéresser au Rijksmuseum d’Amsterdam. Ses dirigeants ont fait le choix de respecter le domaine public en mettant en ligne toutes les œuvres en très haute définition, gratuitement, sans aucune licence restreignant l’usage. Chacun d’entre nous peut se réjouir d’avoir ainsi accès aux Rembrandt, aux Vermeer et à tous les artistes qui font partie de notre patrimoine européen. Au bout de trois ans, les enseignements sont clairs : le Rijksmuseum a plus de visites, plus de renommée et, cerise sur le gâteau, plus de recettes grâce à l’ouverture de ses œuvres.

Je cite Martijn Pronk, responsable numérique du Rijksmuseum, qui s’exprimait au musée Guimet le 22 septembre dernier à l’invitation de vos services : « Le Rijksmuseum a très à cœur d’être ouvert. Nous sommes là pour tout le monde. Nous pensons que la collection n’est pas notre propriété personnelle. Elle appartient à tous les Néerlandais, et donc au monde entier. La collection doit par conséquent aussi être accessible au monde entier. Nous devons être ouverts. Pas sous le coup d’une motivation passagère, mais par véritable choix. »

Madame la ministre, l’ouverture des données culturelles, à commencer par les reproductions d’œuvres, ce n’est ni une perte de contrôle ni une perte financière. C’est la concrétisation de l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ».

Vous nous avez renvoyés vers le projet de loi relatif au numérique de la secrétaire d’État Axelle Lemaire. Nous espérons sincèrement que le Gouvernement ne reculera pas sur ce sujet, et que votre ministère sera en pointe pour protéger notre patrimoine commun contre les prédateurs qui tentent d’en interdire l’accès.

Toutefois, madame la ministre, le groupe écologiste est satisfait de l’adoption en séance de certains de ses amendements, comme l’inclusion des publics dans les concertations concernant la création et la reconnaissance des pratiques amateurs. Il salue le geste du Gouvernement de reprendre notre demande d’élargir la rémunération équitable des artistes interprètes aux web radios.

Je suis heureuse, ainsi que mes collègues Michel Piron, Marcel Rogemont et Michel Herbillon, que ma demande de rapport sur la restitution des œuvres spoliées, les œuvres dites « MNR » – Musées nationaux récupération – ait été acceptée. Cela reprend l’une des préconisations de notre mission parlementaire sur ces milliers d’œuvres d’art volées par les nazis. Mais à qui doit-on restituer ces œuvres conservées encore aujourd’hui dans les musées français ?

L’amendement vise à la remise d’un rapport au Parlement, avant le 15 octobre de chaque année, établissant la liste des ayants droit. Il précise qu’il faudra effectuer une recherche de provenance approfondie : l’origine de l’œuvre est-elle douteuse ou non ? Si la réponse est négative, l’œuvre intégrera officiellement les collections nationales.

Pour ces raisons, madame la ministre, parce qu’il y a finalement plus d’inertie que de mauvaises choses, le groupe écologiste votera ce texte en l’état, mais espère qu’il sera amélioré en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Ce texte embrasse trois grands thèmes relatifs à la culture, trois thèmes qui auraient mérité autant de textes distincts, tant ces trois sujets – le statut des artistes, le patrimoine et l’architecture – sont complexes et exigeants.

Cela étant, ce texte a le mérite d’exister, car il importe d’offrir à la culture toutes les possibilités de sa préservation, de son épanouissement et de son rayonnement.

La culture n’est-elle pas ce qui définit l’évolution des sociétés au cours des siècles ? La malmener, l’ignorer, c’est enfermer, c’est entraîner vers l’oubli, c’est compromettre l’avenir, c’est asservir.

Il suffit pour cela de se référer à cette volonté macabre et obstinée de certains d’enfermer les hommes dans la peur en leur ôtant leur culture afin de les soumettre, de les bâillonner. Je pense ainsi à la destruction de mausolées à Tombouctou, au Mali, à celle de la cité antique de Hatra, en Irak, et bien sûr à celle du temple de Bel et de l’arc de triomphe de Palmyre en Syrie.

Un texte sur la culture est donc soumis aujourd’hui à notre approbation et je m’en réjouis car, comme le rappelle très justement l’exposé des motifs du projet de loi, la culture « rend possible l’émancipation individuelle et la citoyenneté. Facteur de cohésion sociale, de transmission, de partage et d’innovation, la culture contribue au projet de notre République ».

La relation intime entre liberté et création est d’emblée affirmée dans l’article 1er du présent projet de loi. La création et la liberté sont en effet interdépendantes, indissociables. « La liberté, c’est l’indépendance de la pensée », écrivait Épictète.

L’article 2 du projet de loi, par les différents points qu’il énonce, porte la volonté de protéger la liberté de création dans la production artistique. Il vise également à garantir la formation des artistes, la transmission des savoirs, l’éducation à la culture dès l’école.

Concernant toujours cet article 2, je tiens à saluer ici l’ajout, par un amendement adopté en commission, de la notion d’implication des artistes dans les actions d’éducation artistique et culturelle « à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes ».

Par ailleurs, le projet de loi clarifie les conditions d’emploi et de rémunération des artistes, règles essentielles pour leur permettre de créer, et aux entreprises qui les produisent de subsister. L’équilibre doit absolument se faire dans le respect des uns et des autres. C’est ce à quoi tend ce texte.

Concernant les pratiques amateurs, le groupe RRDP ne peut que se satisfaire de la place que vous avez souhaité leur donner, madame la ministre. Cette reconnaissance leur était due.

Le projet de loi traite enfin de la question du patrimoine et de l’archéologie préventive. Je souhaiterais rappeler ici que le patrimoine n’est pas fondé sur la notion du passé seul. Il permet d’observer notre temps contemporain, de se projeter dans l’avenir.

Concernant l’archéologie préventive, c’est avec grande satisfaction que ma collègue Gilda Hobert et notre groupe ont été écoutés sur le rôle de son opérateur public, l’INRAP. Ainsi, un amendement que nous avions déposé à l’article 20 en commission, puis en séance publique et repris par notre collègue Marie-George Buffet, a été adopté. Il dispose que les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles archéologiques prévus à l’article L. 523-9 du code du patrimoine n’ouvriront pas droit à un crédit d’impôt.

Il nous paraissait essentiel de protéger le travail de l’opérateur public d’archéologie préventive, eu égard à la mission de service public dont il est investi. La question était d’autant plus importante que les opérateurs privés pouvaient bénéficier du crédit d’impôt recherche, ce qui leur donnait les moyens de tirer les prix vers le bas et de placer l’opérateur public de recherches archéologiques préventives face à un véritable dumping social et scientifique.

Enfin, et puisque « l’essentiel est invisible pour les yeux », comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince, son œuvre universelle, un amendement du rapporteur, analogue à celui que nous avions proposé, permet la reconnaissance du patrimoine culturel immatériel au sens de l’article 2 de la Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. C’est là un point essentiel auquel nous étions particulièrement attachés.

Voilà, madame la ministre, l’essentiel de ce que je voulais vous dire sur ce projet de loi que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste approuvera d’une manière des plus matérielles – par un vote positif, donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants521
Nombre de suffrages exprimés492
Majorité absolue247
Pour l’adoption297
contre195

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Je souhaite adresser mes chaleureux remerciements au rapporteur pour le travail qu’il a accompli tant lors de la préparation de la loi, qu’en commission et dans l’hémicycle. Il a contribué à ce que nous produisions un texte de qualité. Il nous a fait partager sa conviction sur la nécessité de légiférer en faveur de la culture, pour les Français.

J’associe à ces remerciements Martine Faure pour son travail en matière d’archéologie préventive. Ses nombreux amendements ont permis de faire avancer la cause de cette belle politique publique et du service public de l’archéologie préventive. Je remercie également Michel Pouzol ainsi que l’ensemble des députés du groupe SRC.

Je tenais également à remercier Marie-George Buffet qui a présenté d’excellents amendements, dont beaucoup ont été adoptés. Je suis persuadée qu’elle continuera à enrichir les débats en deuxième lecture.

Un mot aussi pour les députés de l’opposition.

M. Michel Herbillon. Tout de même !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je souhaite les remercier car ils ont effectué un vrai travail sur le fond du texte. Or l’explication de vote de M. de Mazières ne s’inscrivait pas tout à fait dans cette optique. Pourtant, nous avions eu des discussions extrêmement approfondies sur la politique culturelle, le patrimoine et la liberté de création.

Merci beaucoup à l’Assemblée nationale d’avoir adopté un texte important qui marquera l’histoire de ce quinquennat en faveur de la politique culturelle, des Français, et de la liberté de création. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Nouveaux droits des personnes en fin de vie

Deuxième lecture (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (nos 2887, 3091).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’article 9.

Article 9

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, inscrit sur l’article.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, messieurs les rapporteurs de la commission des affaires sociales, l’article 9 est l’un des éléments importants de cette loi car, si la désignation d’une personne de confiance susceptible d’accompagner les personnes malades était déjà prévue, le cadre en était différent de celui que nous examinons aujourd’hui. Comme je l’ai dit hier, il est important que les personnes qui craignent d’être un jour seules, isolées et désespérées, dans une situation qui ne le leur permet pas d’échanger avec quiconque puissent désigner une personne de confiance lorsqu’elles sont hospitalisées ou désigner de façon définitive une personne qui pourra les accompagner durant cette période particulièrement délicate.

Cette mesure est également propre à rassurer la société, car elle instaure un garde-fou supplémentaire. En effet, dans les moments que nous évoquons, la douleur physique et les troubles psychologiques peuvent empêcher le patient de prendre de la distance vis-à-vis de son vécu.

Cet article me semble donc très important et complémentaire des mesures essentielles de cette proposition de loi, relatives à la sédation et aux directives anticipées.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 378 et 388.

La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n378.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement tend à introduire dans l’article 9 les concepts de personne de confiance titulaire et suppléante, en précisant bien que l’une ne va pas avec l’autre : c’est lorsque la personne de confiance titulaire est dans l’incapacité d’être présente – parce qu’on ne la trouve pas, qu’elle est en situation d’invalidité ou qu’elle est inaccessible –, et alors seulement, qu’elle pourrait être relayée.

Il ne s’agit donc pas de mettre en conflit deux personnes, mais bien de garantir le respect de la volonté préalablement exprimée du patient qui entre dans une situation difficile et douloureuse. Pour la personne qui est sur le point d’entrer dans un processus de fin de vie, il serait en effet rassurant d’avoir la certitude que ce processus se déroulera bien selon sa volonté.

La vie étant ce qu’elle est, la désignation d’un titulaire et d’un suppléant – qui ne sont pas concurrents, je le répète – permettrait de s’assurer que, quoi qu’il advienne entre le moment où, pleinement valide, vous écrivez que vous faites confiance à telle personne et la fin de votre vie, il y aura bien toujours quelqu’un pour défendre vos intérêts et votre volonté, votre vision du monde et de votre propre vie. Tel est l’enjeu de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l’amendement n388.

M. Jean-Louis Touraine. Cet amendement tend à prévoir le cas où la personne de confiance serait empêchée, indisponible, impossible à contacter dans les délais relativement brefs qui s’imposent ou, par exemple, victime d’un accident. À cette fin, nous proposons que soit désignée une personne de confiance suppléante, qui ne serait pas contactée si la personne de confiance est disponible, mais seulement dans l’éventualité où celle-ci ne le serait pas. Ce suppléant devrait alors donner son avis, c’est-à-dire traduire l’opinion de la personne malade. Il s’agit ainsi de prévoir une circonstance inhabituelle, afin d’étayer le dispositif.

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Le texte de la proposition de loi permet déjà de changer la personne de confiance, dont la désignation est en effet révocable, révisable à tout moment. Le choix de cette personne de confiance étant très important, il est possible, si nécessaire, de la changer.

Dès lors que l’on commencerait à désigner plusieurs personnes de confiance, une mise en concurrence de ces personnes serait possible,…

M. Jean-Louis Touraine. Mais non, au contraire !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. …ce qui va à l’encontre de l’esprit du dispositif qui a été construit. Avis défavorable, donc.

(Les amendements identiques nos 378 et 388 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 260 et 312.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n260.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n312.

M. Gilles Lurton. L’alinéa 2 de l’article 9 modifie l’article L. 1111-6 du code de la santé publique, en ce qu’il assigne à la personne de confiance le rôle de témoigner de « l’expression de la volonté de la personne » et dispose que son « témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».

L’amendement tend à supprimer ces deux phrases et à définir le processus de désignation de la personne de confiance uniquement tel que le fait l’article L. 1111-6 du code de la santé. En effet, si la personne de confiance est importante pour accompagner le patient dans son parcours de soins, elle est aussi assujettie à une subjectivité qui peut parfois déformer les souhaits de la personne malade, laquelle peut d’ailleurs changer d’avis.

La personne de confiance a vocation, non pas à livrer un témoignage, mais à rendre compte de la volonté du patient. D’où cette demande de suppression des deux phrases de l’alinéa 2 relatives au témoignage de la personne de confiance.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Alain Claeys, rapporteur de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Dans l’article 10, qui suit, figure la hiérarchisation des consultations à opérer lorsque le patient est hors d’état de s’exprimer. Viennent d’abord les directives anticipées puis, à défaut, le témoignage de la personne de confiance et, à défaut encore, tout autre témoignage de la famille ou des proches.

Il est donc clair que la personne de confiance n’exprime pas son opinion personnelle, mais qu’elle se fait l’écho de la volonté du patient et que, si son témoignage prévaut donc sur tout autre témoignage, il ne prévaut pas sur les directives anticipées. Tel est le sens actuel du texte. Je donne donc un avis défavorable à cet amendement.

(Les amendements identiques nos 260 et 312 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n214.

M. Gérard Sebaoun. Il s’agit d’un amendement quasi rédactionnel. Il tend en effet à supprimer une phrase qui, dans un texte déjà précis, me semble redondante.

En effet, la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 9 confie à la personne de confiance le soin d’exprimer la volonté de celle qui lui confie cette responsabilité, afin que l’on puisse disposer de l’information nécessaire. La deuxième phrase, qui ajoute que cette personne de confiance « témoigne de l’expression de la volonté de la personne » semble ainsi particulièrement redondante et je propose donc, pour la clarté du texte, sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Claeys, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Il est, au contraire, très important de préciser le rôle de principe de la personne confiance, afin d’éviter les confusions. Il doit en effet être très clair que la personne de confiance n’exprime pas son opinion personnelle ou son avis sur ce que le patient aurait souhaité, mais qu’elle doit se faire l’écho de sa volonté. Je vous demande donc de retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la secrétaire d’État, je n’ai pas la même lecture que vous de la première phrase, qui me semble au contraire très claire et ne nécessite pas l’ajout de la deuxième. J’entends votre explication, mais je ne retire pas mon amendement.

(L’amendement n214 est adopté et l’amendement n30 tombe.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 409, 414 et 215, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 414 et 215 sont identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n409.

M. Xavier Breton. Cet amendement tend à préciser que la désignation de la personne de confiance requiert également l’accord de cette personne. En effet, si les textes prévoient actuellement une désignation, celle-ci est unilatérale et il est donc possible que la personne de confiance désignée n’en ait pas été préalablement informée, ou même qu’elle n’ait pas donné son accord.

Avec cet amendement, nous proposons donc que la désignation d’une personne de confiance soit cosignée par la personne désignée.

Le présent amendement fait partie des apports de la commission des affaires sociales du Sénat sur ce texte : il offre ainsi l’occasion de reprendre le travail de nos collègues sénateurs.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n414.

M. Gilles Lurton. Le présent amendement vise à ajouter à la désignation par écrit de la personne de confiance la cosignature de cette dernière sur la désignation et de modifier en conséquence l’alinéa 4 en remplaçant les mots : « au premier alinéa » par les mots : « au présent article ».

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n215.

M. Gérard Sebaoun. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Favorable aux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Sagesse.

(Les amendements identiques nos 409 et 414 sont adoptés et l’amendement n215 tombe.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 410 et 415.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n410.

M. Xavier Breton. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n415.

M. Gilles Lurton. Chacun d’entre nous peut très bien désigner une personne de confiance alors qu’il n’est pas malade, en prévision d’une éventuelle maladie, que je ne souhaite à personne. Il vous est proposé en conséquence de remplacer, à la dernière phrase de l’alinéa 2, le mot : « malade » par le mot : « patient ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. En réalité, cette partie du texte traite de la personne malade pour une raison simple : la situation considérée est l’accompagnement lors des consultations médicales et l’aide à la décision apportée par la personne de confiance. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 410 et 415 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 411 et 416.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n411.

M. Xavier Breton. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n416.

M. Gilles Lurton. Défendu.

(Les amendements identiques nos 411 et 416, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n212.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement a pour objet la suppression de l’alinéa 3 de l’article 9. Introduit en première lecture, cet alinéa me pose difficulté : il précise que la personne de confiance peut demander les informations du dossier médical nécessaires pour vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les directives anticipées.

Cela ne semble pas pertinent car la notion de vérification implique de contrôler l’exactitude des informations fournies, voire de se documenter davantage encore. Or la personne de confiance n’a pas pour rôle d’analyser une situation médicale car elle n’en a a priori pas les compétences : celles-ci restent du domaine des praticiens.

M. Élie Aboud. Bien sûr !

M. Gérard Sebaoun. Par ailleurs, si l’interprétation de la personne qui vérifie les informations est différente de celle de l’équipe médicale, on s’acheminerait vers un risque de contentieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Favorable, à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Sagesse.

M. Élie Aboud. C’est pourtant logique, madame la secrétaire d’État !

(L’amendement n212 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 413 et 418.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n413.

M. Xavier Breton. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n418.

M. Gilles Lurton. Défendu.

(Les amendements identiques nos 413 et 418, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 320 et 396.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n320.

M. Gilles Lurton. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n396.

M. Xavier Breton. La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a posé le principe qu’il devait être systématiquement tenu compte de l’avis de la personne protégée et ce, même lorsqu’elle fait l’objet d’une mesure de tutelle.

À cet effet, la loi reconnaît pleinement le droit civique aux personnes handicapées faisant l’objet d’une mesure de tutelle, en maintenant par principe leur droit de vote. Le retrait de ce droit doit être expressément motivé par le juge des tutelles.

L’article 12 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées réaffirme quant à elle le droit de ces personnes à la reconnaissance de leur personnalité juridique et dispose qu’elles jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.

Dès lors, il paraît indispensable de permettre à la personne protégée, même en tutelle, de désigner une personne de confiance, sauf décision spécialement motivée par le juge des tutelles. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Sur le fond, vous avez parfaitement raison, monsieur le député : il convient en effet d’adapter la loi sur la question de la désignation de la personne de confiance pour les majeurs protégés.

Le texte de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement doit également adapter cette mesure, dans un cadre médico-social et non pas sanitaire, comme dans le présent texte. Je vous propose donc de rédiger une disposition commune aux deux textes afin d’éviter toute discordance entre le médico-social et le sanitaire.

Il serait ainsi préférable que vous retiriez votre amendement afin que nous puissions y travailler, nous permettant d’établir une disposition commune aux deux futures lois ; cela peut se faire au cours de la navette parlementaire. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’ai bien entendu votre proposition de travail et de clarification dans le travail parlementaire : j’y souscris, mais j’aurais souhaité que le même ton soit adopté hier soir lors de nos débats avec Mme la ministre de la santé. Je retire cet amendement.

(L’amendement n396 est retiré.)

M. le président. Monsieur Lurton, retirez-vous également votre amendement ?

M. Gilles Lurton. Je le retire.

(L’amendement n320 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n379 rectifié.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il s’agit, avec cet amendement, de tenir compte de l’évolution de la population. Le vieillissement de la population est un fait, et nous nous réjouissons tous que l’espérance de vie augmente, mais il se trouve également, de ce fait, que le nombre de majeurs protégés sous tutelle est en perpétuelle augmentation sur notre territoire. Cette population vulnérable est estimée, en France métropolitaine et dans les DOM, à 741 825 personnes – soit pratiquement 750 000 personnes –, c’est-à-dire plus de 1,5 % de la population française majeure.

Les majeurs protégés sous tutelle peuvent être pris en charge soit par un tuteur familial, soit par des mandataires judiciaires à la protection des majeurs – les fameux MJPM –, avec des statuts très divers, associés à des lieux d’intervention spécifiques. Au 31 décembre 2012, les MJPM prenaient en charge 415 000 mesures de protection.

Le présent amendement a donc pour objet de substituer à la deuxième phrase de l’alinéa 5 les phrases suivantes : « Toutefois, le juge des tutelles a, dans cette hypothèse, l’obligation de s’enquérir de l’existence ou non d’une personne de confiance pour la personne sous tutelle avant l’ouverture de sa mise sous tutelle. Il peut alors soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci. Il importe également de laisser, dans la mesure du possible, la personne sous tutelle désigner une personne de confiance parmi les membres de sa famille ou ses proches lorsque le tuteur est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. »

C’est faire preuve de respect à l’égard de ces personnes placées sous tutelle, et donc en situation de défaillance, que de faire confiance à l’esprit, à l’intelligence et au talent dont elles étaient capables lorsqu’elles étaient vaillantes et aptes à se prendre charge. Cet amendement vise donc à constater que nos aînés, allant plus loin dans la vie, ont besoin que la loi protège les espoirs et les souhaits qui étaient les leurs avant le placement sous tutelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Compte tenu du retrait de l’amendement précédent, qui traitait des personnes sous tutelle, et de la coordination souhaitée par le Gouvernement, il semble plus sage de retirer également le présent amendement pour pouvoir effectuer, d’ici à la commission mixte paritaire, la coordination nécessaire entre les deux textes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je remercie M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État pour leur réponse, et je retire mon amendement.

(L’amendement n379 rectifié est retiré.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 255 et 313.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n255.

M. Xavier Breton. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n313.

M. Gilles Lurton. Le présent amendement a pour objet de préciser que le médecin a l’obligation de rechercher la volonté du patient pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement. Il vise à ajouter au texte, tel qu’il a été rédigé par les rapporteurs, que la personne de confiance rend compte de la volonté du patient ; sa mission s’apparente à celle d’un mandataire plutôt que d’un témoin.

(Les amendements identiques nos 255 et 313, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n43.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Défendu.

(L’amendement n43, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n275.

Mme Barbara Pompili. Comme Véronique Massonneau l’a souligné lors de la discussion générale, le présent amendement a pour objectif la mise en place d’une médiation lorsque les témoignages de la famille et des proches ne permettent pas de faire émerger de façon unanime la volonté propre d’une personne inconsciente et en fin de vie ; le cas de Vincent Lambert en est une triste illustration.

Cette loi est l’occasion d’apporter une aide à cette famille et à toutes les familles qui pourraient être confrontées à un drame similaire : tel est l’objectif de notre amendement. Je souligne en outre qu’il s’agit d’une préconisation du Comité consultatif national d’éthique, exprimée dans son rapport au Conseil d’État du 5 mai 2014 dans le cadre de l’affaire Vincent Lambert.

Cet amendement devrait faire consensus, même auprès de vous, chers collègues de l’opposition qui vous opposez à ce texte ; même auprès de vous, chers collègues qui souhaitez conserver ce texte en l’état. Si vous émettiez un avis défavorable sur cet amendement, madame la secrétaire d’État et messieurs les rapporteurs, j’aimerais que vous donniez les raisons précises de ce rejet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Vous avez raison sur le fait que cette question a été évoquée par le Comité consultatif national d’éthique, dans une situation qui, il faut bien le constater, est exceptionnelle. En effet, comme vous le savez, on arrête des traitements de survie environ 20 000 fois par an ; or il n’y a eu qu’une affaire Lambert en dix ans.

Au-delà même du caractère exceptionnel de cette situation, posons-nous la question : une médiation aurait-elle permis un rapprochement des parties, voire un consensus au sein de cette famille déchirée au sujet d’une personne extrêmement malade ? La réponse est évidemment non : la preuve en est que ni la décision du tribunal de Châlons-en-Champagne, ni la décision du Conseil d’État, ni la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, ni même la décision de changer d’équipe médicale n’ont permis de trouver un consensus.

Je vous invite également à réfléchir à la question suivante, dont j’ai débattu avec le Comité consultatif national d’éthique : comment la décision se prend-elle ? Le médiateur ne peut prendre une décision qu’à l’unanimité ou sur la base d’un consensus. Autrement dit, il n’y a pas de décision en l’absence de consensus.

J’appelle votre attention sur l’extrême danger qu’il y aurait à prendre une décision dans un cadre non plus collégial, mais collectif. On propose souvent que l’ensemble de l’équipe médicale, puis l’ensemble de la famille – voyez comme ces notions sont floues – prennent la décision. Une main ne risque-t-elle pas de se lever à l’intérieur de cette vaste famille ou de cette vaste équipe pour manifester un désaccord ?

Le problème est de savoir ce que l’on fait en cas de désaccord, or en cas de médiation, on ne prend la décision que quand tout le monde est d’accord. Autrement dit, cette solution marche très bien quand tout le monde est d’accord et qu’on n’en a pas besoin !

Il me semble donc qu’il vaut mieux en rester à la solution d’une décision collégiale, qui permet à la fois de déterminer la responsabilité de ceux qui prennent la décision et de ne pas abandonner ce qui fonctionne dans cent mille cas sous prétexte que cela ne va pas fonctionner dans un cas. L’objectif n’est pas qu’un camp l’emporte sur l’autre ; c’est que tout le monde converge vers une solution qui apparaît comme une évidence, soit qu’il s’agisse de poursuivre les traitements, soit qu’il s’agisse de les arrêter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je comprends parfaitement votre souhait, que votre amendement tente de satisfaire, de chercher à résoudre les conflits familiaux que ces questions d’arrêt de traitement d’un patient en fin de vie peuvent générer.

La question est de savoir si la médiation peut être une solution. Si cette solution a effectivement été évoquée par le Comité consultatif national d’éthique, force est de constater que les expériences, en France, en matière de médiation, ne portent pas sur des questions aussi intimes.

En tout état de cause, si la médiation doit être instituée, ce sera dans le cadre de la procédure collégiale, dont les détails d’organisation relèvent du niveau réglementaire et non pas législatif.

Pour cette raison, et sans vouloir fermer complètement la porte à la médiation, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je demande une suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je m’étais déjà inquiété de ce type d’amendement en première lecture, me référant à la question des maladies psychiques et des hospitalisations sous contrainte, où apparaissait un objet indéterminé appelé le conseil de famille.

Il en va exactement de même avec l’amendement de notre collègue. On nous propose un objet qui n’est pas défini, dont on ne connaît pas la décision, et dans le même temps notre société conteste de plus en plus le savoir et l’autorité fondée sur une connaissance.

C’est le même débat qui a eu lieu sur les amendements précédents. À mon avis, il faudra un jour reconnaître que seuls les professionnels sont capables de comprendre certaines choses, ils ont été formés pour cela.

À force de vouloir faire l’ange on fait la bête : je trouve que cet amendement est dangereux parce qu’il va occasionner des désillusions. In fine, il exprime la volonté d’un monde parfait, ce qui n’existe pas. Il n’y a pas forcément une réponse à tous les problèmes et ceux qui ont été évoqués sont inhérents à la condition humaine. Notre grandeur d’être humain est parfois de ne pas pouvoir trancher certains conflits au sein des familles – c’est le sens même de la tragédie. Il faut que nous retrouvions ce sens de la tragédie. À l’inverse, ce type de proposition me semble extrêmement dangereux.

(L’amendement n275 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 251 et 314.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n251.

M. Xavier Breton. À deux reprises, la proposition de loi prévoit que l’arrêt des soins ne peut être décidé pour les personnes hors d’état d’exprimer leur volonté, telles que les personnes présentant des handicaps complexes de grande dépendance, qu’à l’issue d’une procédure collégiale impliquant dans la plupart des cas un médecin hospitalier et en recueillant, à défaut de directives anticipées, le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, d’un membre de la famille ou de l’entourage proche.

Cette disposition n’est pas protectrice pour les personnes en situation de handicaps complexes de grande dépendance. Par ailleurs, un médecin hospitalier qui ne connaît pas leur parcours, les séquelles graves de lésions cérébrales congénitales ou acquises dont elles souffrent ni la suite d’éventuelles phases de décompensation antérieures est incapable d’apprécier si elles sont ou non en fin de vie.

L’opinion des familles risque d’être de peu de poids compte tenu de la complexité des handicaps de ces personnes. Or ces dernières font nécessairement l’objet de soins courants dispensés par un médecin attaché à des institutions médico-sociales. Seul le médecin référent de l’établissement ou du service qui les suit est à même de poser un diagnostic averti sur leur situation réelle.

C’est pourquoi cet amendement vise à ajouter le médecin référent à la liste des personnes devant être consultées lors de la procédure collégiale.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n314.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Je voudrais attirer votre attention sur le fait essentiel qu’il est malheureusement de plus en plus fréquent, dans les services de réanimation, d’arrêter les traitements de survie pour des personnes qui n’ont plus la capacité d’exprimer leur volonté. Dans ce contexte, on a besoin d’une procédure à la fois collégiale – c’est ce que le texte prévoit – pour que cette décision ne soit pas prise à l’emporte-pièce et de manière solitaire.

En même temps, il ne faut pas qu’elle se complexifie. Si on est obligé de désigner un référent extérieur qui soit le médecin traitant et que ce médecin n’est pas là, on va entraver la procédure en y ajoutant beaucoup de difficultés.

Les textes imposent déjà depuis 2005 de faire appel à un médecin indépendant de celui qui va prendre la décision. La collégialité apporte justement cet éclairage extérieur, garant de neutralité, de celui qui n’a pas pris en charge le patient.

On a avancé le chiffre de 20 000 arrêts de traitement de survie par an – certains parlent du double, voire plus. Aujourd’hui, 50 % des décès dans les hôpitaux surviennent dans un contexte d’arrêt ou de limitation des traitements. Si nous compliquons les procédures, je vous laisse imaginer les difficultés dans lesquelles nous allons nous trouver.

Je pense qu’avec cette procédure on a à la fois la sécurité de la sérénité d’une décision prise collégialement et la simplicité. Songez que cette décision ne sera pas forcément prise en milieu hospitalier ; elle peut intervenir au domicile, de nuit, et cela peut poser des problèmes d’organisation de la collégialité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Le rapporteur a très bien expliqué ma position ; avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 251 et 314 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n237.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le débat est toujours le même : comment recueillir au mieux l’avis d’un patient en fin de vie lorsqu’il ne peut plus exprimer sa volonté et qu’il n’a pas laissé de directives anticipées ni désigné par écrit une personne de confiance ?

Pour faciliter le recueil de la volonté de la personne et éviter les conflits familiaux, l’amendement que j’ai déposé vise à préciser la façon dont les avis sont recueillis et quel est celui qui prime.

Évidemment, nous avons toujours en tête le cas dramatique de Vincent Lambert mais, en l’occurrence, il s’agit d’aller au-delà et de fixer des règles pour tous, de façon pérenne, afin d’éviter un certain nombre de drames.

Cet amendement s’inspire de la procédure qui existe depuis plusieurs années déjà dans la législation belge et qui a fait ses preuves. Les témoignages des membres de la famille sont recueillis et interviennent par ordre de primauté suivant : le partenaire de vie cohabitant ou, à défaut, les enfants majeurs ou, à défaut, le père et la mère ou, à défaut, les frères et sœurs.

Il s’agit non pas de dénier les liens affectifs pouvant exister entre les personnes et le patient en fin de vie, mais simplement de trouver un moyen de recueillir l’avis le plus proche du sien. Je crois que cela permettrait d’éviter des situations de conflit et de souffrance.

Je crois également qu’une règle connue en amont favoriserait le développement systématique des directives anticipées et de la désignation de la personne de confiance, idéal à promouvoir à mon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Je pense, madame la députée, que c’est une fausse bonne idée – si je puis m’exprimer ainsi. Simplifierait-elle la procédure ? Oui, sur le papier, mais dans la réalité ?

Nous souhaitons qu’un consensus se fasse jour sur l’état du patient, sur le pronostic, sur l’utilité ou non de poursuivre une réanimation et il ne faut pas que l’épouse l’emporte sur la mère ou la mère sur les enfants ou tel enfant sur tel autre. Nous souhaitons – et, fort heureusement, c’est ce qui se produit dans la plupart des cas – qu’un dialogue existe autour du patient dont la dignité est pleinement respectée mais qui ne peut plus s’exprimer. Un « sachant » apporte quant à lui un pronostic et la famille adhère ensuite à l’idée selon laquelle il convient de poursuivre ou non un traitement selon qu’il paraît raisonnable ou déraisonnable.

La hiérarchisation que vous proposez peut sembler simplifier les choses mais, en fait, fera primer l’avis des uns sur celui des autres et suscitera peut-être des fractures au sein des familles alors que, dans ces moments-là, elles ont besoin d’être rassemblées.

C’est pourquoi, même si je comprends très bien l’objectif de cet amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer afin que nous réfléchissions ensemble à la question de savoir si c’est à la famille ou aux proches de se prononcer et quelle doit être la procédure à utiliser.

Le texte initial se référait à la famille et aux proches parce qu’au fond, une personne qui vit avec une autre depuis cinq ans sans qu’elles soient concubines, pacsées et encore moins mariées ne porte-t-elle pas le témoignage de celle avec qui elle a vécu les derniers instants précédant le moment du basculement dans l’antichambre de la mort ? Elle pourrait témoigner d’une manière peut-être plus sincère ou plus fidèle qu’un parent figurant sur la liste et qui n’aurait pas vu son père ou son frère, par exemple, depuis quatre ou cinq ans. Nous avons réfléchi à cette idée avec Alain Claeys, mais elle n’a pas finalement été retenue tant elle pourrait, au contraire, complexifier plus encore la situation.

M. Guillaume Larrivé. Très sage !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je complète simplement les propos du rapporteur en ajoutant ceci : on peut tout de même imaginer qu’il existe à peu près autant de schémas familiaux que de familles et qu’il est donc extrêmement difficile de décider de la proximité avec la personne qui ne peut plus s’exprimer en fonction du lien de parenté.

Nous comprenons bien votre louable intention, madame la députée, mais il est en effet très difficile de créer une telle hiérarchie qui, de toute façon, sera forcément contestée et contestable, quelle qu’elle soit.

Il me paraît raisonnable, en effet, de vous inviter à retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je le retire car, de surcroît, il conviendrait d’en retravailler certains aspects sur le plan juridique.

Il me paraît néanmoins important de susciter ce débat, que nous n’avons pas eu en première lecture. Nos échanges sont nécessaires parce que, encore une fois, les expériences internationales dans ce domaine sont très instructives. La façon dont les choses se passent en Belgique, en particulier, doit être regardée de près. À mon sens, cela implique de se pencher à nouveau sur la proposition que j’ai faite, peut-être en l’approfondissant et en regardant les choses d’une manière un peu plus précise juridiquement.

Par ailleurs, l’organisation d’une primauté parmi les avis familiaux ne signifie pas absence de dialogue. Une telle méthode, à mon sens, permettrait, dans la grande majorité des cas, de recueillir l’avis le plus proche de celui de la personne en fin de vie.

(L’amendement n237 est retiré.)

(L’article 10 est adopté.)

Articles 11 à 13

(Les articles 11, 12 et 13 sont successivement adoptés.)

Article 14

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n211.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement ne vise évidemment pas à priver le Parlement d’une information sur ce sujet majeur et essentiel qu’est celui des soins palliatifs. Je le défends simplement parce que le nombre de rapports demandé au Parlement est très élevé et que j’ai été sensible à l’argumentation de la commission des affaires sociales du Sénat, dont j’ai repris les éléments dans l’exposé sommaire.

(L’amendement n211, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n242.

M. Xavier Breton. Cet amendement déposé par notre collègue Darmanin et que j’ai cosigné vise à compléter l’article 14, nouveau, prévoyant que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d’application de la présente loi ainsi que de la politique de développement des soins palliatifs. Ce rapport pourrait faire l’objet d’un débat en séance publique devant chaque chambre du Parlement.

Le Président de la République a annoncé qu’un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs sera lancé en 2015. Nous attendons maintenant les moyens qui lui seront affectés, notamment à l’occasion de la discussion du PLFSS. Il est donc essentiel que le Parlement, en toute transparence, puisse s’assurer de la mise en œuvre effective des moyens annoncés. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. J’espère que ces avis défavorables à l’adoption de cet amendement ne signifient pas que vous ne tenez pas compte de ce qui vous a été répété depuis hier : nous attendons avec impatience ce plan de développement des soins palliatifs et, surtout, sa traduction dans le PLFSS ou tout autre texte qui pourrait répondre aux besoins en la matière.

(L’amendement n242 n’est pas adopté.)

(L’article 14 est adopté.)

Titre

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 254, 6, 146 et 202, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 146 et 202 sont identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n254.

M. Xavier Breton. Cet amendement reprend une proposition du Sénat visant à modifier le titre de cette proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en remplaçant les mots : « en faveur » par le mot : « pour ».

La formule « en faveur » est un peu maladroite compte tenu de l’état de santé des patients. Le mot « pour » est plus neutre. Par ailleurs, il convient d’indiquer clairement qu’il s’agit des malades en fin de vie : il n’y a pas d’un côté les malade et, de l’autre, les personnes en fin de vie. Cette nouvelle rédaction du titre de la proposition de loi – « créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie » – correspondrait mieux, me semble-t-il, à l’esprit du texte. En tout cas, c’est ce que nos collègues sénateurs ont proposé, et nous reprenons l’idée à travers cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cet amendement tend à supprimer les mots : « et des personnes en fin de vie ». Cette expression est ambiguë puisqu’elle peut autant désigner les dernières heures d’une agonie que les dernières semaines d’un malade en phase terminale d’un cancer voire une durée imprévisible lors d’une maladie neurodégénérative.

Comme le rappellent les auteurs de la présente proposition de loi, il n’existe aucune définition médicale de la phase terminale. Les députés, en réalité, s’en remettent à la déclaration d’une lettre de mission du Premier ministre précisant que la phase terminale de la fin de vie est celle où « le pronostic vital est engagé à court terme ». Or je crois que le Premier ministre n’est ni habilité ni compétent pour définir médicalement la phase terminale.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est sûr !

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour soutenir l’amendement n146.

M. Yannick Moreau. Il s’agit d’un amendement de précision visant à circonscrire la loi aux malades en fin de vie et non à tous les malades, ce qui va évidemment sans dire mais peut-être encore mieux en le disant.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n202.

M. Nicolas Dhuicq. Finalement, trois écoles s’affrontent. D’abord, celle des rapporteurs, selon laquelle il n’est pas question d’aller plus loin par rapport à la première lecture du texte. Ensuite, celle dont les tenants ont déposé des amendements pour aller encore plus loin – je n’en suis pas mais elle est aussi cohérente. Enfin, celle – et c’est la nôtre – qui s’inquiète des dérives possibles. En effet, je ne crois pas que nous nous arrêterons là : nous irons de plus en plus loin, avec bonne conscience, vers une société de plus en plus déshumanisée. Elle fera de moins en moins confiance aux professionnels pour prendre les décisions, elle sera de plus en plus paranoïaque et compliquée.

Cet amendement vise à rappeler cela, en évitant une séparation trop importante entre les êtres humains, considérant que certains sont en fin de vie mais qu’il n’existe pas deux types d’êtres humains en fin de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Alain Claeys, rapporteur. Je crois, chers collègues, que vous avez trop simplifié nos débats en distinguant ceux qui ne veulent pas bouger – comme les rapporteurs –, ceux qui voudraient aller plus loin – des débats intéressants ont eu lieu hier soir à cet égard – et ceux qui craignent des dérives, laissant aux « sachants » le soin de décider.

C’est là tout le contraire de la proposition de loi dont nous débattons depuis hier : nous donnons de nouveaux droits aux patients, à la fois pour qu’ils puissent donner leur avis et pour qu’ils aient une fin de vie apaisée.

Je crois que le cadre que nous nous sommes fixé répond à votre préoccupation, à savoir permettre aux patients de s’exprimer s’agissant de la dernière partie de de leur vie et aux professionnels de faire correctement leur travail. La simplification dont vous avez parlé n’existe donc pas.

Vous évoquez des évolutions possibles. Je vous ai quant à moi expliqué ce à quoi nous sommes parvenus hier, en l’occurrence une convergence qui répond aux souhaits d’une large majorité de nos concitoyens.

Je crois que ce texte constitue un progrès par rapport à la loi de 2005 et qu’il fournit un certain nombre de garanties afin, précisément, d’éviter toute dérive.

J’ajoute que, sur un certain nombre de points abordés hier soir, nous n’avons pas fermé la porte. Nous considérons que des amendements intéressants ont été débattus et adoptés en commission des affaires sociales du Sénat et que la commission mixte paritaire sera le lieu idoine pour en discuter, en fonction de ce que le Sénat décidera en deuxième lecture. Notre commission des affaires sociales pourra donc, sous la responsabilité de sa présidente, travailler à la préparation de cette commission mixte paritaire, afin d’enrichir encore notre texte.

M. le président. La parole à M. Jean Leonetti, rapporteur.

M. Jean Leonetti, rapporteur. C’est parce que son titre traduit le fond du texte que des amendements tendent à le modifier. Il convient donc d’apporter des éclaircissements.

Dans les sociétés anciennes, il y a une règle, à laquelle les individus se plient. Dans les sociétés modernes, il y a des individus qui, tout en acceptant la règle commune, s’autonomisent et deviennent des personnes humaines, qu’il convient de prendre en compte à titre individuel. Il ne faut tomber ni dans la société des individus, que certains philosophes ont décrite et où chacun obéirait à sa propre loi…

M. Olivier Falorni. Il s’agit de pouvoir choisir ce qui est bon pour soi !

M. Jean Leonetti, rapporteur. …ni dans une société où les règles communes s’appliqueraient de manière brutale à chacun, car ce type de société serait contraire à la modernité et à la démocratie.

À chacun sa philosophie. Pour ma part, je crois à l’avenir de l’homme. Pour moi, la société démocratique n’est pas un système qui entraîne la décadence de l’humanité. La démocratie aboutie, c’est précisément le point d’équilibre entre l’acceptation des règles communes sur un projet commun et le respect de chaque opinion. Vivre dans une démocratie apaisée et moderne, ce n’est pas être d’accord sur tout ; c’est être capable de se rassembler sur tout, tout en pointant ses différences.

J’en viens à un autre point que vous avez soulevé : ce texte concerne-t-il tous les malades ou seulement les malades en fin de vie ? Et qu’est-ce que la fin de vie ? Voilà une question qui n’appelle qu’une réponse floue. D’une certaine façon, nous sommes tous en fin de vie, puisque nous sommes susceptibles de mourir dès l’instant où nous naissons. Il est vrai que nul ne connaît le jour et l’heure, mais la médecine dispose d’éléments objectifs pour formuler un pronostic à moyen terme. De surcroît, plus le terme approche, plus le pronostic est facile à déterminer. Il est bien difficile d’affirmer qu’un malade atteint d’une pathologie donnée a encore une année à vivre ; en revanche, il est très facile, lorsque son état s’est vraiment dégradé, de dire qu’il ne vivra pas plus de trois ou quatre jours.

La médecine technique d’aujourd’hui peut prolonger des vies comme jamais elle n’a été capable de le faire ; elle peut prolonger la vie de patients totalement inconscients, qui n’ont plus la possibilité de penser – ni de penser qu’ils existent, ni de penser une relation à l’autre. Et c’est cela qui crée un vrai dilemme : face à une personne humaine dont la dignité doit être respectée jusqu’à la fin, il faut se demander si ce que l’on fait pour la maintenir en vie ne va pas au-delà du raisonnable. Tout ce qui est techniquement possible est-il humainement souhaitable ? La réponse est non. Nous sommes donc confrontés à un conflit de valeurs entre une éthique de l’autonomie et de la liberté, d’une part, et une éthique de la vulnérabilité et de la solidarité, de l’autre.

Que se passerait-il dans un système qui accorderait un prix excessif à la liberté ? En caricaturant, on peut imaginer qu’une personne qui arriverait à l’hôpital après avoir tenté de se suicider ne serait pas réanimée, sous prétexte qu’elle a voulu mourir. C’est là un vrai danger. Mais, à l’inverse, estimer qu’une personne vulnérable n’a aucune autonomie et que l’on doit tout décider à sa place, cela revient aussi à nier une partie de sa dignité, car c’est nier une partie de son autonomie. Dans l’élaboration de ce texte, nous avons essayé de cheminer entre ces deux écueils. Il est facile d’aller dans un sens ou dans l’autre ; il est plus difficile de maintenir un cap, de faire preuve de mesure et de respecter la dignité de la personne humaine, à la fois dans son autonomie et dans sa vulnérabilité.

Par ailleurs, nous ne considérons pas seulement ici les malades en fin de vie, mais aussi les personnes qui, sans être en fin de vie, sont maintenues artificiellement en vie. La question de savoir si ces personnes doivent poursuivre une vie purement biologique se pose avec une acuité particulière.

Je sais qu’un certain nombre d’entre vous n’était pas ici en 2005, mais ces sujets ont été débattus à l’époque. Si nous définissons l’obstination déraisonnable comme le fait de poursuivre des traitements qui n’ont d’autre but que le maintien artificiel de la vie, c’est pour répondre à la fois aux problèmes que pose cette médecine technique, et aux questions touchant à la liberté et à la vulnérabilité de l’homme. C’est la raison pour laquelle l’intitulé du texte me paraît juste. Le modifier, c’est risque d’en modifier le sens, et donc d’avoir un texte dont le contenu ne correspond pas à son titre. Avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Si je comprends bien le sens de vos amendements, vous proposez de substituer à l’expression « des malades et des personnes en fin de vie », l’expression : « des malades et personnes en fin de vie », afin de préciser que ce texte ne concerne pas l’ensemble des malades, mais seulement les malades en fin de vie. Ce faisant, vous entendez restreindre la portée du texte aux malades en fin de vie et aux personnes en fin de vie.

Or le texte comprend de nombreuses dispositions qui concernent tous les malades – je songe au droit à un traitement apaisant les souffrances, mais aussi au dispositif relatif à la personne de confiance, qui fait l’objet de l’article 9. La désignation d’une personne de confiance vaut pour tous les malades, et pas seulement pour les malades en fin de vie.

Cette proposition de loi porte non seulement sur la fin de vie, mais sur le droit des malades en général. Par conséquent, si j’en ai bien compris le sens, mon avis sur vos amendements est défavorable.

M. Nicolas Dhuicq. Vous venez d’exprimer très précisément nos craintes, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je voudrais réagir aux propos de nos deux rapporteurs. Vous nous avez dit, monsieur Claeys, que la commission des affaires sociales restait ouverte au débat et que la commission mixte paritaire en serait l’occasion. Cela signifie bien – et nous l’avons constaté – que le débat était jusqu’ici fermé à nos propositions, aussi bien en commission qu’en séance. Nous le regrettons, même s’il faut reconnaître que le débat a été plus constructif aujourd’hui qu’hier.

Il est dommage qu’il ne l’ait pas été hier. Il est vrai que, sur certains amendements touchant aux principes, il était normal que chacun campe sur ses positions. En revanche, certains de nos amendements auraient vraiment pu améliorer le texte, et il est regrettable que tous aient été rejetés lors des deux séances qui se sont tenues hier.

S’agissant maintenant du dilemme que vous avez rappelé, monsieur Leonetti, entre l’éthique de l’autonomie et l’éthique de la vulnérabilité, c’est un dilemme que nous connaissons bien, puisqu’il se pose à propos de toutes les lois de bioéthique. Nous essayons à chaque fois, et autant que possible, de faire converger ces deux éthiques, mais un choix s’impose lorsqu’elles deviennent trop contradictoires.

Ce texte fait très clairement le choix de l’éthique de l’autonomie, comme le montrent, du reste, les mots prononcés hier par la ministre de la santé dans son propos liminaire : « Ce texte permettra de franchir une étape considérable. L’opposabilité des directives anticipées, couplée à la reconnaissance de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, renverse – et c’est bien là l’essentiel – la logique de décision : c’est le patient, et non plus le médecin, qui devient le maître de son destin. » Où est la vulnérabilité ? Nous sommes en plein dans l’éthique de l’autonomie : CQFD ! Ce n’est pas nous qui le disons : c’est la ministre elle-même qui l’affiche, sans doute pour rassurer les membres de sa majorité.

Je le répète : nous considérons que ce texte répond à la seule logique de l’autonomie et de la liberté et qu’il ne prend pas assez en compte celle la vulnérabilité.

(Les amendements nos 254 et 6, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 146 et 202 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, ce texte apporte véritablement de nouveaux droits, que nous percevons comme tels, à savoir la mise en avant de la volonté du patient, du malade ou de la personne, et de sa volonté seule, et la possibilité, qui sert de codicille, de désigner une personne de confiance à ses côtés, comme c’est déjà le cas dans la loi relative au vieillissement.

Cette loi donne la possibilité de mourir dans son sommeil, selon la formule consacrée. Et y a-t-il une plus belle mort que celle-ci ? Nous avons droit à une mort apaisée : ce sommeil apaisé peut permettre d’éviter les angoisses et les souffrances excessives.

Ce texte prévoit par ailleurs un développement large des soins palliatifs, ainsi qu’une amélioration de leur enseignement : toute personne qui en aura besoin devra désormais pouvoir en bénéficier.

Parce qu’aucun d’entre nous ne sait ce qu’il voudra le moment venu, et que le législateur ne peut décider en fonction de sondages ou d’avis formulés dans la période de bonne santé, nous devons légiférer avec notre conscience, et de manière à recueillir le plus grand nombre d’avis positifs. Le consensus total ne sera jamais possible, pour la raison que j’ai dite, mais la bonne démarche consiste à recueillir le maximum d’avis et de réflexions, et je me félicite que nous ayons procédé ainsi au cours de ces débats.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte, qui donne de nouveaux droits aux personnes en fin de vie.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Notre groupe s’était abstenu en première lecture sur ce texte très imparfait. Il n’a pas davantage été tenu compte de nos amendements en deuxième lecture. Par ailleurs, la conférence des présidents n’a pas organisé de scrutin public, ce qui aurait pourtant été conforme aux usages de la démocratie parlementaire sur un texte de cette importance. Vu le contenu et les conditions de ce débat, notre groupe refuse donc de prendre part à ce vote.

De la proposition de loi du sénateur Henri Caillavet en 1978 à celle déposée par notre groupe en septembre 2012, nous avons toujours défendu le droit de mourir dans la dignité pour les patients en phase terminale d’une maladie incurable. Or la proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti n’assure nullement ce droit. En effet, elle instaure une sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui risque de provoquer une agonie lente et pénible.

D’une part, la mort n’intervient souvent, en pareil cas, qu’au bout de plusieurs jours, voire d’une à deux semaines ; d’autre part, ce texte impose de cesser la nutrition et l’hydratation artificielles, qu’il considère désormais comme des traitements à arrêter, et non plus comme des soins à poursuivre, d’où le risque de conditions de décès longues et douloureuses. Enfin, cette sédation, dont M. Leonetti a reconnu qu’elle est en fait une anesthésie générale, provoque une perte de conscience maintenue jusqu’au décès, ce qui rend impossible les derniers contacts du patient avec sa famille, alors qu’il aspire à décéder entouré de celle-ci, pour avoir un dernier échange avec elle.

Il faut donc accepter d’autres pratiques, en particulier l’assistance médicalisée à décéder, bien sûr strictement encadrée, si telle est la volonté du patient. C’est d’ailleurs ce que préconisait une proposition de loi déposée et votée en 2009 par les députés du groupe SRC, dont dix sont devenus ministres du gouvernement actuel, qui soutient le texte de MM. Claeys et Leonetti pourtant très différent.

L’impératif est de respecter la décision du malade en fin de vie, ultime espace de dignité et de liberté. Dans un livre intitulé Changer la mort, un grand cancérologue, rebelle aux normes établies, écrivait : « Tout homme a le droit de mourir en paix et à son heure. Ceux qui éprouvent d’infinies souffrances, ceux qui subissent la douleur et la détresse, ceux qui sont arrivés au bout du chemin doivent avoir un dernier droit : décider eux-mêmes de leur destin. Choisir sa mort doit être la dernière liberté. » (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.

Mme Isabelle Le Callennec. La proposition de loi de nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Autant le rappeler, il s’agit d’un sujet sensible qui fait appel à nos consciences, que nous devons concilier avec notre responsabilité de législateurs. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à saluer l’esprit qui a présidé à l’examen de ce texte en séance et le respect qui a prévalu entre nous. Il est en grande partie dû à la qualité des réponses argumentées apportées par nos deux rapporteurs, singulièrement – permettez-moi de le souligner – par Jean Leonetti, auteur de la loi de 2005.

Avec ce texte est garantie une meilleure prise en compte par l’équipe médicale des directives anticipées, contraignantes sans toutefois être opposables. Avec ce texte est garanti un droit absolu à la prise en compte de la souffrance, via la sédation profonde et continue jusqu’à la mort lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. Avec ce texte, une majorité de députés Les Républicains estime avoir atteint un équilibre, certes fragile mais réel. Je rappelle que nous avons cette nuit repoussé les amendements qui visaient à légaliser une aide active à mourir…

M. Olivier Falorni. Hélas !

Mme Isabelle Le Callennec. … et ouvraient ainsi la voie à l’euthanasie à laquelle nous nous opposons avec force. En première lecture, nous comptions dans notre groupe 144 pour, 25 contre, dont certains sont présents ce soir, et 25 abstentions, dont certains sont également présents. Les rapporteurs ont fait le choix de nous représenter le même texte en deuxième lecture : même texte, donc probablement même vote, puisque le texte n’aura été amendé qu’à la marge. Nous resterons très attentifs aux amendements retenus au Sénat et prendrons nos responsabilités lors du vote en commission mixte paritaire.

Enfin, nous ne lâcherons pas le Gouvernement sur les moyens dévolus au plan de développement des soins palliatifs qui nous est annoncé. Dimanche prochain sera la journée mondiale des soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (nos 3037, 3090).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureuse de vous présenter ce projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, première étape législative consacrée à la politique d’open data du Gouvernement et qui pose le principe de gratuité.

C’est un domaine dans lequel la France est en pointe : cette politique fait l’objet d’un engagement fort du Gouvernement. Il s’agit de partager les données produites et détenues par les administrations ou les établissements publics à l’occasion de leur mission de service public pour les rendre disponibles et aisément appropriables par le plus grand nombre, et pour susciter le plus d’utilisations possible. Cette politique est pilotée, sous l’autorité du Premier ministre, par la mission Etalab, grâce à un portail interministériel – data.gouv.fr – destiné à rassembler et à mettre à disposition librement un nombre croissant de jeux de données publiques de l’État, de ses établissements publics administratifs et des collectivités territoriales.

À ce jour, la mission Etalab a mis en ligne plus de 20 000 jeux de données publiques, libres d’accès et de réutilisation par tous, et ce chiffre augmente fortement et régulièrement en ce moment.

L’ambition du Gouvernement dans ce domaine est forte. Celui-ci a très tôt affiché sa détermination. Dès mai 2012, le Président de la République a fait signer aux ministres une charte de déontologie rappelant notamment leur engagement à « mener une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d’un grand nombre de données publiques ». En octobre 2012, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a réaffirmé les principes d’ouverture et de partage des données publiques, notamment le droit pour tout citoyen de réutiliser librement et gratuitement les données publiques. Enfin, lors du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2013, le Gouvernement a décidé de la gratuité de la réutilisation des données publiques.

Pourquoi cet engagement ?

Tout d’abord, la mise à disposition de données est un levier de croissance, d’innovation et d’emplois. La donnée est un actif dont la valeur tient plus à la réutilisation et aux multiples problèmes qu’elle va permettre de résoudre qu’à son usage initial ou immédiat. En ouvrant les données publiques, c’est le dynamisme de l’économie que l’on soutient en créant de nouvelles ressources pour l’innovation, l’activité économique et la croissance, comme le montre le nombre de jeunes entreprises innovantes, de jeunes start-up qui se développent. L’open data permet ainsi la création de valeur, d’entreprises et d’emplois. C’est pour cette raison que le Gouvernement s’engage dans cette voie.

C’est aussi un formidable levier de modernisation de l’État et des services publics. Avec le numérique, l’État construit le service public du XXIe siècle, avec des services publics de très grande qualité, accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre à tous et partout sur le territoire. Ce service public acquiert, avec le numérique, une qualité particulière : il devient de plus personnalisé grâce, par exemple, à l’introduction de la géolocalisation, qui permet de disposer à travers une application de données liées au territoire où l’on se trouve, où l’on réside, d’où l’on s’adresse au service. C’est ainsi, par exemple, que le projet Handimap a permis de mettre en place, grâce aux données des villes de Rennes et de Montpellier, une application de calcul d’itinéraire pour handicapés moteurs.

Enfin, ouvrir les données, c’est un levier de rénovation de la démocratie. La France a pris des engagements internationaux, au sein du partenariat pour un gouvernement ouvert, organisation qui rassemble soixante-cinq pays, dont la France prendra la présidence l’année prochaine. Notre ambition est celle d’une démocratie plus transparente et plus collaborative. L’ouverture des données est un moyen de réinventer la démocratie, de la redynamiser, grâce à de nouveaux modes de dialogue, de débat et d’échange.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous sommes d’accord !

M. Lionel Tardy. Il faut aller plus loin !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le projet de loi favorise la mise à disposition gratuite des données. Il procède à la transposition de la directive européenne du 26 juin 2013 concernant la réutilisation des informations publiques.

Avant d’aborder l’examen du texte, je souhaite revenir sur un point important. Votre assemblée est, je le sais, sensible à la question de la surtransposition. Secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, je suis extrêmement attentive et engagée sur cette question, d’autant plus que je suis chargée de rappeler ce principe à mes collègues du Gouvernement : je vais donc me l’appliquer à moi-même. C’est pour cette raison que j’ai veillé à limiter les éléments de surtransposition. Je remercie la commission des lois, très engagée également sur ces questions, d’avoir bien voulu m’appuyer et m’aider dans cette démarche.

Je le fais d’autant plus que vous examinerez bientôt le projet de loi pour une République numérique porté par ma collègue Axelle Lemaire. Il y a une cohérence entre les deux textes. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui vise à transposer une directive européenne tandis que le texte de ma collègue développera les grands principes dont nous allons poser les bases.

La transposition de la directive du 26 juin 2013 appelle très peu de mesures législatives en France, dans la mesure où notre législation, qui s’appuie sur la loi CADA de 1978, satisfait déjà, pour la plupart des points, aux objectifs fixés par la directive aux États membres.

Elle impose néanmoins à la France de revoir ses dispositions législatives sur trois points : le champ d’application des données réutilisables, la révision périodique des accords d’exclusivité et les principes de tarification de la réutilisation des données publiques.

Elle retient sur certains points des exigences qui vont au-delà de celles imposées par la directive, notamment en posant le principe de la gratuité de la réutilisation des données, la directive posant le principe de la redevance, point qui n’avait pas été inscrit dans la loi jusqu’à présent.

Premier point, l’élargissement du champ d’application des obligations de rediffusion aux informations contenues dans les documents des établissements culturels : bibliothèques universitaires, bibliothèques, musées et archives.

Le projet de loi transpose la directive en supprimant le régime particulier antérieur qui figurait dans les documents produits ou reçus par les bibliothèques universitaires, bibliothèques, musées et archives. Ce retour au droit commun permet la diffusion et la réutilisation d’informations publiques concernant ces établissements, tout en conservant le cadre dérogatoire pour ce qui concerne les œuvres, qui bénéficient d’un régime particulier. Le ministère de la culture comme le ministère de l’éducation nationale ont depuis plusieurs années une politique d’ouverture des données, il était important de le signaler.

Deuxième point : l’encadrement des possibilités de recourir à des accords d’exclusivité, point sur lequel nous reviendrons dans le débat.

La directive de 2013 apporte plusieurs modifications au régime des accords d’exclusivité. Elle reconnaît la pratique, courante dans les États membres, qui consiste à confier à des partenaires privés la possibilité de procéder à la numérisation des ressources culturelles, en échange d’une période d’exclusivité permettant aux partenaires d’amortir leur investissement. Elle crée donc un régime particulier pour la numérisation des ressources culturelles.

Le projet de loi limite à dix ans la possibilité d’accorder un droit d’exclusivité. Il n’admet qu’une seule exception à ce principe, celle de la numérisation des ressources culturelles, pour lesquelles le droit d’exclusivité peut excéder dix ans et est réexaminé de manière régulière tous les trois ans. L’exclusivité porte non pas sur l’œuvre du domaine public, mais uniquement sur la copie numérisée. Dans tous les cas, une copie libre et gratuite des ressources numérisées est remise aux services qui ont accordé le droit d’exclusivité. Le projet de loi impose bien entendu la transparence et la publicité des accords d’exclusivité, comme c’est prévu par la directive.

Troisième point : l’instauration d’un principe de gratuité de la réutilisation des données – c’est l’article 3.

La directive vise à plafonner le montant des redevances aux coûts marginaux de reproduction, de mise à disposition et de diffusion. Le projet de loi va donc plus loin en fixant un principe de gratuité. Le Conseil d’État a estimé qu’aucun texte ni aucun principe ne s’oppose à ce que la législation prévoie des dispositions plus favorables pour la réutilisation de ces données, y compris la gratuité, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Ce principe comporte deux dérogations, l’une, générale et l’autre particulière, nous aurons l’occasion d’y revenir. La première concerne les organismes qui sont tenus de couvrir par des recettes propres les coûts liés au service public qui est assuré. La seconde autorise le prélèvement de redevances lorsque la réutilisation porte sur des documents issus des opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et archives. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission d’accès aux documents administratifs – CADA –, précisera les modalités de fixation de ces redevances et dressera la liste des catégories d’administrations autorisées à établir des redevances.

En conclusion, je salue le travail réalisé par le rapporteur, Luc Belot. Son expertise sur les enjeux numériques nous a permis d’enrichir le texte du Gouvernement et je l’en remercie.

J’ai aussi apprécié l’esprit de responsabilité des membres de la commission des lois, qui ont accepté de me suivre sur la question de la surtransposition. Je salue Paul Molac et Lionel Tardy, qui ont été particulièrement attentifs en dépit de leur envie de nourrir le texte. Je le répète, vous aurez l’occasion de débattre à nouveau de ce sujet dans quelques mois.

Enfin, je tiens à saluer le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, et les membres de cette commission, qui ont enrichi ce texte puis l’ont voté à l’unanimité. Je vous remercie pour la qualité des débats qui ont été les nôtres dans cette enceinte et je suis à votre disposition pour poursuivre le travail avec vous ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Luc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la révolution numérique a eu lieu, et la France est plutôt passée à côté de sa première vague, celle des Apps, des réseaux sociaux, de la création de valeur autour des données personnelles. La négociation, à la fin des années 90, du Safe Harbor, d’actualité tout particulièrement aujourd’hui, est la plus cinglante démonstration de l’incapacité de l’Europe à se projeter à cette époque dans ce nouveau monde économique.

Pour la deuxième révolution, autour du Big Data, des objets connectés, la France est plutôt en pointe, et nous devons faire preuve d’une vraie vigilance pour ne pas reproduire les mêmes erreurs d’analyse et de prospective. Au début des années 90, bien des gens se demandaient pourquoi ils ouvriraient un site internet. J’entends actuellement des personnes demander pourquoi elles devraient faire de l’open data.

Il y a trois enjeux.

C’est d’abord une réelle opportunité économique, prouvée par bien des exemples. J’en prendrai d’abord un européen. Lorsque le Danemark lance, en 2012, basic data for everyone, il se projette dans un schéma d’ouverture des données publiques, et il prévoit cette année que, dans les cinq ans qui viennent, il y aura un bénéfice net de plus de 34 millions d’euros pour l’État et de plus de 66 millions d’euros pour l’économie. Pour prendre un exemple beaucoup plus français, l’IGN, en 2011, décide d’ouvrir son référentiel à grande échelle – les cartes que la plupart d’entre nous connaissent. Cela rapportait avant 6 millions d’euros de redevance, qui ont été compensés par le budget de l’État, 6 millions qui ont disparu des caisses de l’IGN, mais l’on a constaté que ce référentiel était utilisé vingt fois plus. Le rapport Trojette, qui fait référence depuis 2013 sur l’ensemble de ces sujets, estime que le gain à la fois sociétal et économique est certainement supérieur à 100 millions d’euros.

Ensuite, évidemment, il y a un enjeu de transparence. La donnée publique c’est pour les associations citoyennes, pour les organismes citoyens qui veulent pouvoir contrôler l’activité de l’État – je sais que René Dosière est particulièrement sensible à ce sujet – un moyen de vérification, de contrôle, de comparaison, et c’est un enjeu démocratique.

Il y a enfin un enjeu d’amélioration du service public lui-même. Selon Henri Verdier, « Il faut peut-être que l’État réussisse sa révolution numérique pour que l’économie tout entière réussisse la sienne. » L’open data, c’est aussi un enjeu pour maintenir et améliorer la qualité des informations publiques, voire pour garantir la pérennité du service public comme il est indiqué dans le rapport Trojette.

Nous y reviendrons plus longuement lors de la discussion des articles, notamment à l’occasion de l’examen des amendements nos 21 et 31 rectifié à l’article 3, qui posent la question des redevances. Celles-ci représentaient en 2012 35 millions d’euros, dernier chiffre complet dont nous disposons. Depuis, on a constaté que la baisse de 20 % entre 2010 et 2012 avait tendance à se perpétuer, et que l’on devrait envisager l’avenir des données avec la perspective de telles baisses.

Nous devons garder à l’esprit la réalité de l’apport de la donnée ouverte, publique et gratuite. Certes, au moment où l’on supprime une redevance, on subit une perte de recettes. Pourtant, très rapidement, il y a un gain pour le service public. Le retour sur les usagers, sur les produits qu’ils peuvent mettre à disposition et sur les données permet déjà, en lui-même, d’améliorer non seulement la production de l’État, mais également l’analyse prospective de ce que l’État pourra produire. En outre, la création de valeur par des entreprises externes est à elle seule un gage de création de richesse dans notre pays, donc de gains. Toutes les études, qu’elles soient nationales ou internationales, montrent qu’il y a bien, à terme, un retour pour l’État.

Ce retour, bien entendu, n’est plus directement lié à l’organisme public qui ne touche plus la redevance, d’où le problème que nous traiterons lorsque nous aborderons l’article 3.

Comme vous l’avez souligné dans votre présentation, madame la secrétaire d’État, ce projet de transposition marque une étape importante. Je veux saluer votre engagement personnel dans la réflexion sur la manière dont nous pourrons continuer à avancer sur ces questions et outiller notre pays. Nous avons été classés troisièmes en matière d’open data par une association internationale indépendante, quatrièmes par l’ONU. La France est en pointe, et, pour qu’elle le reste, nous avons des armes à lui donner, y compris dans ce texte !

Vous l’avez dit, le principe de gratuité est l’élément essentiel. Il s’inscrit dans une histoire qui commence par la loi de 1978 instaurant, avec la CADA, le droit d’accès, qui se poursuit avec la transposition de la directive de 2003, traitant des enjeux de la réutilisation, pour en arriver à ce texte instaurant la gratuité. Accès, réutilisation, gratuité : tels sont bien les enjeux de la donnée publique aujourd’hui.

Bien qu’éminemment politique, le sujet n’a pas eu à subir le poids des alternances gouvernementales. Du discours de Lionel Jospin à Hourtin en 1997 à la création de la mission Etalab et du portail data.gouv.fr en 2011 par François Fillon, il existe une continuité de l’ambition de l’État quant à sa politique d’open data. Cette ambition mérite d’être saluée, et je la salue d’autant plus volontiers que la qualité de nos travaux en commission, soulignée par Mme la secrétaire d’État, nous donne à penser que ce consensus peut se poursuivre et que nous avons ici le moyen de doter notre pays d’une arme supplémentaire dans l’économie mondialisée.

Nous posons la première pierre de cette « République numérique » qu’Axelle Lemaire a évoquée lors des questions d’actualité. L’examen de ce texte sera en effet suivi par celui du projet de loi pour une République numérique, qui devrait venir en discussion d’ici à la fin de l’année, et par celui d’un texte « Macron II », qui traitera notamment des écosystèmes numériques et viendra clore les travaux que nous aurons consacrés aux sujets numériques dans l’espace de cette session. Nous compléterons ainsi utilement le dispositif, et je sais que plusieurs personnes ici présentes travaillent déjà à ces sujets.

Nous devons nous garder de toute surtransposition, avez-vous dit. Au-delà, il ne s’agit pas non plus de traiter de l’ensemble des sujets de l’open data. La décision du Conseil constitutionnel du 13 août dernier nous invite à nous en tenir à la seule transposition, ce qui nous a conduits à refuser quelques amendements en commission et à en refuser un autre avant la séance publique – nous aurons l’occasion d’en reparler –, au motif qu’ils étaient contraires à l’article 45 de la Constitution.

Le délai de transposition justifie l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée – nous avons dû nous conformer à un calendrier d’auditions assez serré. Nous avons néanmoins pu rencontrer non seulement l’ensemble des représentants des producteurs de données – INSEE, IGN, Météo France, pour ne citer que les plus importants, ainsi que la Réunion des musées nationaux et la Bibliothèque nationale de France –, mais aussi les utilisateurs, les réutilisateurs ou leurs représentants – je pense notamment à l’association « Regards citoyens » et au Conseil national du numérique.

J’appelle enfin votre attention sur plusieurs ajouts apportés en commission : un article 1er A pose clairement que la réutilisation des informations publiques constitue un véritable droit ; un article 1er B prévoit que les organismes publics doivent mettre leurs informations à disposition « sous forme électronique et, si possible, dans un format ouvert » – je sais la vigilance de certains de mes collègues à ce sujet – ; à l’article 3, c’est l’instauration d’un principe de révision régulière des catégories d’administrations autorisées à établir des redevances.

Mes chers collègues, la commission vous recommande donc d’adopter ce texte, sous réserve du vote de quelques amendements que nous examinerons après la discussion générale.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, ce projet de loi ne comporte que très peu de mesures législatives nécessitées par la transposition de la directive européenne. Nous ne pouvons que nous en réjouir : cela signifie que notre législation est déjà d’un très bon niveau par rapport aux objectifs de la directive, et cela sans avoir attendu le texte européen.

On peut néanmoins regretter que le Gouvernement n’ait pas respecté le délai de transposition, qui s’achevait le 18 juillet 2015. Pourquoi ce qui est devenu urgent dans le calendrier parlementaire ne l’a-t-il pas été dans le calendrier gouvernemental ? Je me refuse à imaginer que le Gouvernement considère le Parlement comme une variable d’ajustement, mais je déplore que nous ayons disposé d’aussi peu de temps et que l’on n’ait pu inclure ce texte dans le projet de loi relatif au numérique, de manière à consacrer un débat global à la politique numérique de notre pays.

Le retard à transposer les directives européennes me semble dommageable à deux égards.

D’abord, on sait bien que, dans le domaine du numérique, les textes sont rapidement obsolètes, « technodégradés », si je puis dire. Plus on les transposera tard, moins on aura de temps pour en profiter avant la révision suivante.

Ensuite, ce retard fragilise la crédibilité de la France au plan européen. Nous savons que nous ne sommes pas les meilleurs élèves en la matière ! En revanche, nous sommes tous convaincus ici que c’est bien l’Europe qui constitue la meilleure chance de faire avancer une régulation de l’internet au plan international fondée sur les valeurs que nous partageons et que nous voulons voir respectées.

Il y a de multiples raisons de pousser le plus loin possible l’ouverture des données publiques.

Une de ces raisons, essentielle, se résume par l’adage : « Avoir plus de données, c’est avoir de meilleures données. » C’est d’autant plus exact que, contrairement aux données que l’on choisit de poster sur Facebook, les données collectées par la puissance publique retracent notre vrai comportement.

Le Conseil national du numérique – CNN – a remis au Premier ministre, en juin dernier, un excellent rapport intitulé Ambition numérique – Pour une politique française et européenne de la transition numérique. Ce travail très approfondi, issu de la concertation la plus large, doit guider nos initiatives en faveur du numérique. C’est pourquoi il me semble difficilement compréhensible – même si vous affirmiez tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, qu’il fallait s’en tenir à la transposition et ne pas faire de surtransposition – que le présent projet de loi ne reprenne pas un certain nombre de ses propositions. J’espère que celles-ci seront prises en compte dans les prochains textes, voire, pour partie, dans les ordonnances prévues à l’article 9 du présent projet de loi.

Le CNN souligne par exemple la nécessité d’aller le plus loin possible dans l’application du principe d’ouverture aux collectivités territoriales, et d’étendre cette ouverture aux données collectées ou produites dans le cadre de l’exécution d’un marché public.

Il prône également la reconnaissance d’un droit à « l’autodétermination informationnelle » sur les données personnelles détenues ou collectées par l’administration, droit qui ne peut être un droit absolu de modification, suppression ou autorisation de réutilisation, mais qui emporterait plusieurs conséquences importantes : un droit d’accès et de visualisation des données ; un droit de demander, le cas échéant, la correction des données sous réserve de justification ; un droit d’autoriser certains flux de données entre les administrations ; un droit éventuel à demander l’effacement de certaines données dans le cadre d’une procédure spécifique ; à terme, une fonctionnalité permettant à chacun de suivre et de contrôler l’usage qui est fait de ces données personnelles.

Il faudra aller encore plus loin, comme le CNN nous y invite, pour assurer la qualité de la mise à disposition des informations publiques sous des formats libres et interopérables, et mettre en place de fortes garanties pour l’anonymisation des données publiques, notamment celles qui présentent un caractère « réidentifiant ».

Face à l’objectif général de gratuité des données publiques, la redevance doit vraiment rester l’exception. Il est clair que plus la redevance existe, moins l’accès aux données est utilisé : peut-être est-ce une lapalissade, mais il faut le rappeler. Paradoxalement, la redevance est un obstacle au rayonnement maximum du service public, voire un obstacle à l’accomplissement même de la mission de service public de certains organismes.

La redevance constitue aussi un obstacle à l’accès aux données permettant à tous les citoyens de contrôler, de critiquer ou de valider le fonctionnement des services publics. C’est une limitation de la démocratie participative, indéfendable au regard des recettes marginales qui pourraient justifier cette redevance. Le CNN propose de prévoir, au cas par cas, des contreparties non financières pour la réalisation des données publiques, moyennant un système de double licence.

Il ne faut pas s’occuper uniquement des « consommateurs » de données ouvertes, il faut aussi prendre en compte les « producteurs ». Le CNN souligne la nécessité de bâtir une infrastructure informationnelle nationale en se dotant, pour les bases de données pivots, de référentiels faisant autorité à l’échelle internationale. S’il s’agit de réduire les coûts et de supprimer les redondances, il s’agit aussi d’un enjeu de souveraineté, celui de la préservation, pour notre pays, de la capacité de donner une description numérique du réel et de produire une information d’autorité.

Je souhaite donc savoir si le Gouvernement s’engage à traduire dans notre législation ces propositions du CNN, ainsi que quelques autres que l’on connaît bien, soit sous forme d’amendements au présent projet de loi – mais j’ai bien compris que l’on n’irait pas plus loin –, soit dans le cadre du projet de loi sur le numérique, soit dans le cadre des ordonnances qu’il publiera après y avoir été habilité par l’article 9 ?

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi nous permet d’aborder la question centrale de l’ouverture des données publiques, à la fois enjeu de gouvernance et opportunité économique.

Enjeu de gouvernance, car l’open data peut contribuer à changer profondément le rapport entre citoyens et décideurs en assurant une meilleure information de tous et en instaurant un équilibre des savoirs entre tous les acteurs, à la condition, bien entendu, que le dispositif soit structuré. L’open data doit permettre d’alimenter le dialogue entre l’administration et les citoyens, de mieux comprendre l’action publique et de mettre en place des habitudes de coopération au niveau territorial. Il s’agit d’une étape centrale dans la perspective d’une gouvernance ouverte, facteur de confiance entre les citoyens et l’administration, entre les citoyens et les élus.

Opportunité économique, car, à l’ère du numérique, les données constituent une matière première pour développer de nouveaux services dans des domaines aussi variés que les transports, le logement et l’énergie. La réutilisation des données publiques est un levier de croissance et, potentiellement, de création d’emplois. C’est aussi un levier pour réaliser des économies. Lorsque l’on discute avec les représentants d’ERDF – Électricité Réseau Distribution France –, par exemple, on prend la mesure des horizons immenses ouverts par l’installation du compteur Linky, pour peu que l’on mette en place les services afférents.

Encourager les potentialités de l’open data implique nécessairement d’adapter notre législation, insuffisamment contraignante pour les détenteurs de données publiques et reposant essentiellement sur une logique de demande d’accès. Trop peu de collectivités locales et d’organismes publics ont adopté des politiques relatives à l’ouverture des données publiques. Nous devons insuffler une véritable stratégie dans ce domaine.

Pour autant, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui n’est, reconnaissons-le, qu’un pan de la réforme, puisqu’il s’agit d’une transposition, certes nécessaire, de la directive de 2013, dont l’essentiel des dispositions figure déjà dans la législation française actuelle.

Ainsi que je l’ai indiqué en commission, nous ne pouvons que regretter les conditions dans lesquelles nous abordons un sujet pourtant majeur, non pas parce que nous ne sommes pas certains de retrouver, après l’examen de ces textes, ce que nous en attendons, mais parce que celles et ceux qui ont été mis à contribution et ont donné leur avis seraient satisfaits d’apprendre ce qui en sortira.

Le sujet du numérique sera traité en trois étapes : le présent texte, le projet de loi pour une République numérique, dit « projet Lemaire », qui fait l’objet d’une consultation en ligne pendant trois semaines, et enfin le futur « projet de loi Macron 2 », consacré aux écosystèmes numériques. J’avoue ne pas comprendre pourquoi le Gouvernement n’a pas tout regroupé en un seul grand texte, mais peut-être a-t-il du mal à gérer les appétits de certains de vos collègues, madame la secrétaire d’État…

En ce qui concerne ce projet de loi, l’exercice est relativement limité puisque, si ce texte va plus loin sur certains points, nous devons suivre la route tracée par la directive du 26 juin 2013, laquelle modifie une autre directive qui se trouve être le texte fondateur de la réutilisation des informations du secteur public, dite « directive ISP ».

En outre, nous sommes une fois encore sous la menace d’une procédure européenne en manquement, contraints dans notre travail de législateur par les délais de transposition qui nous obligent à examiner ce texte selon la procédure accélérée – et nous le regrettons.

Ainsi que le groupe UDI l’a souligné à plusieurs reprises à l’occasion de l’examen de divers textes, la France a encore des progrès importants à faire pour réduire ce déficit de transposition.

Néanmoins, sur le fond, en posant comme principe celui de la gratuité de la réutilisation des informations prôné par le rapport Trojette de 2013, ce texte va indéniablement dans le bon sens.

Alors que le droit actuel prévoit que la réutilisation des informations publiques peut donner lieu au versement de redevances, le projet de loi va au-delà de ce qu’impose la directive en instituant ce principe de gratuité.

Pour autant, comme je l’ai dit en commission, ce texte est perfectible sur plusieurs points.

En premier lieu, certains termes devraient être mieux définis, notamment s’agissant du montant des redevances et des hypothèses selon lesquelles des redevances de réutilisation peuvent être maintenues. En matière de fixation des redevances, le projet de loi prévoit une fixation par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission d’accès aux documents administratifs.

La liste des catégories d’administration autorisées à établir des redevances sera, elle, aussi fixée par décret. C’est normal, mais nous avons souligné lors de l’examen du texte en commission que s’il est prévu une révision de cette liste tous les cinq ans, nous n’avons aucune connaissance du contenu de cette liste. Il en est de même de la liste des redevances.

Nous avons besoin d’éclaircissements sur ces différents points.

En outre, les accords d’exclusivité accordés à un tiers pour la réutilisation d’informations publiques et les redevances accordées aux administrations constituent des exceptions aux principes de gratuité et de mise à disposition publique énoncés par le texte. En ce sens, il convient de permettre aux citoyens l’accès libre à toutes les informations relatives à ces exceptions, ce qui correspond au principe de l’open data. Le citoyen ainsi mis au cœur du système devrait être en mesure de veiller à la bonne application de ces règles. Cela nous rassurerait. C’est la raison pour laquelle je proposerai, au cours de la séance, de préciser les contours de la publication des accords d’exclusivité.

S’il est d’ordre réglementaire de préciser le support sur lequel ces critères devront être publiés, le texte est imprécis quant à la nature des informations qui seront transparentes. Les détails précis des accords octroyés devraient donc être rendus publics dans un format numérique et mis à jour, comme pour l’ensemble des données hébergées, sur le site « data.gouv.fr ». C’est sans doute une bonne idée, mais il s’agit de savoir comment nous allons faire.

Par ailleurs, si le présent projet de loi prévoit que les critères retenus pour fixer le montant de ces redevances sont transparents et vérifiables, et que les bases de calcul sont rendues publiques, il ne prévoit pas la diffusion du montant total des redevances perçues par chaque administration. Je propose donc de préciser la nature des informations relatives aux redevances qui seront rendues publiques et dans un format ouvert. Les montants perçus par les administrations – de l’ordre de 10 millions d’euros pour l’INSEE et 5 000 euros pour la CADA en 2012 – sont très hétérogènes. Il convient de permettre à chacun d’appréhender ces montants ainsi que leur évolution dans le temps.

Enfin, la durée du droit d’exclusivité concernant la numérisation des ressources naturelles devrait être limitée. Selon l’article 2 du projet de loi, lorsqu’un droit d’exclusivité est accordé, la période d’exclusivité ne peut dépasser dix ans, avec un réexamen périodique au moins tous les trois ans.

En revanche, lorsqu’un droit d’exclusivité est accordé pour les besoins de la numérisation de ressources culturelles, la période d’exclusivité peut, par dérogation, être supérieure à dix ans. Dans ce cas, elle fera l’objet d’un réexamen au cours de la onzième année et ensuite, le cas échéant, tous les sept ans.

Sur ce point, le projet de loi va au-delà de la directive ISP révisée puisque cette dernière ne prévoit une limitation à dix ans que pour les droits d’exclusivité concernant la numérisation de ressources naturelles.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué en commission la possibilité d’apporter une modification sur ce point en séance. Nous espérons que votre proposition nous donnera satisfaction.

Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, en dépit de ces quelques réserves, d’une certaine maladresse dans la présentation, et dans l’attente du prochain projet de loi Lemaire, qui nous permettra d’aborder plus largement la question du numérique sous ses différents aspects, le groupe UDI votera ce projet de loi, surtout si le Gouvernement accepte quelques amendements de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui pour discuter du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Son objet devrait donc concerner en particulier l’open data – les « données ouvertes », si l’on préfère –, méthode qui consiste à rendre des données numériques accessibles à tous et à s’affranchir des restrictions sur le droit d’accès et de réutilisation les concernant. Ces restrictions peuvent être imposées par l’usage de formats propriétaires ou de licences restrictives, notamment les licences payantes parfois mises en place sur des données publiques. Le principe de gratuité de la réutilisation des données publiques représente justement le cœur de ce projet de loi.

Néanmoins, devant la crainte exprimée par le Gouvernement et le rapporteur s’agissant du passage sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel, nous regrettons que le texte soit davantage centré sur la question des redevances et ne parle que très peu de l’open data et de la libération des données. En effet, les modifications indispensables à la loi de 1978 instaurant la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, et traitant de la liberté d’accès aux documents administratifs et de la réutilisation des informations publiques, sont renvoyées au projet de loi sur le numérique qui, c’est vrai, fait l’objet d’une intense consultation depuis quelques jours. Nous comprenons les contraintes de calendrier ayant amené le Gouvernement à présenter ce texte avant celui sur le numérique : la date limite de transposition de la directive européenne à l’origine de ce projet de loi est fixée le 18 juillet – elle est donc dépassée depuis près de trois mois.

Néanmoins, comprenez notre frustration, car la dissociation de ces deux textes nous empêche de faire une œuvre législative de plus grande envergure. Le travail parlementaire aurait été facilité et les débats autour des enjeux de l’open data plus profonds, sortant de l’aspect purement technique dans lequel nous enferme la simple transposition d’une directive européenne.

Malgré ces limites, nous avions proposé en commission plusieurs amendements importants visant à élargir l’objet du texte et inspirés, pour certains d’entre eux, du rapport des sénateurs Corinne Bouchoux et Jean-Jacques Hyest. Ces amendements portaient notamment sur la définition d’un format ouvert et réutilisable, et sur la création d’un droit à une publication régulière des données d’intérêt général, dispositions fréquemment réclamées par les citoyens.

Face aux oppositions constitutionnelles, nous avons dû retirer nos amendements, que nous représenterons naturellement lors de l’examen du projet de loi sur le numérique.

Avec ma collègue Isabelle Attard, nous avons toutefois tenu à déposer un amendement tendant à supprimer le droit d’exploitation des œuvres créées par un fonctionnaire, cette disposition posant de nombreux problèmes pour l’accès à certaines bases de données. Vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur, il s’agira surtout, pour nous, de prendre date dès à présent sur cette question importante en vue de nos prochains débats.

L’open data est un défi pour notre société et plus encore pour nos administrations publiques. Vous l’avez dit en commission, monsieur le rapporteur, et réaffirmé au début de ce débat, selon une étude publiée par une association internationale spécialisée, la France se situe au troisième rang mondial pour l’ouverture et la réutilisation de ses données publiques. Ainsi, la législation française satisfait déjà, sur la plupart des points, à la directive de l’Union européenne du 26 juin 2013 qui encadre la réutilisation des informations ainsi que la mise en place de redevances ou la conclusion d’accords d’exclusivité. Le projet de loi va même au-delà de la directive en inscrivant dans la loi de 1978 les principes de l’open data, notamment la gratuité.

Néanmoins, plutôt que de garantir l’abandon progressif des redevances, comme le permettait la directive, le Gouvernement choisit d’entériner celles-ci en y consacrant la moitié de son projet de loi. En compensation, le texte affirme bien un principe de gratuité, mais en lui associant de nombreuses exceptions.

Le projet de loi prévoit également des durées de redevance supérieures à dix ans dans plusieurs cas. Or, le rapport Trojette de novembre 2013 sur les exceptions au principe de gratuité des données publiques montre que les redevances handicapent le bon fonctionnement des services publics producteurs de données.

Le travail de la commission, sous l’impulsion du rapporteur, dont nous saluons le travail et la volonté, a néanmoins permis d’améliorer le texte en matière de redevances : pour les administrations de l’État, l’obligation d’un décret pour chaque nouvelle redevance est réaffirmée dans la loi et bénéficiera désormais de l’avis de la CADA. Ce progrès ne concerne toutefois pas les autres personnes morales de droit public – collectivités territoriales, autorités administratives indépendantes – ni les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, qui peuvent toujours fixer leurs redevances sans contrôle.

Si ce texte est timide, il est néanmoins nécessaire et nous souhaitons encore l’améliorer sur plusieurs points.

Premièrement, nous saluons l’adoption en commission d’un article additionnel 1er B qui prévoit un principe de publication des documents administratifs, sous format ouvert si possible. Nous proposerons un amendement à ce nouvel article, visant à définir précisément ce qu’est un format réutilisable librement.

Quant à l’article 2, qui porte sur les accords d’exclusivité, il exclut de l’exception générale à l’interdiction des droits d’exclusivité les cas de numérisation des ressources culturelles. Toutefois, la période d’exclusivité pourra dépasser dix ans.

Je dois vous avouer que nous sommes gênés par cette dérogation. En effet, même si la directive permet une dérogation supérieure à dix ans, son considérant n31 indique : « Cette période devrait toutefois être limitée dans le temps et être aussi courte que possible afin de respecter le principe selon lequel le matériel relevant du domaine public doit rester dans le domaine public une fois numérisé. La durée du droit d’exclusivité pour la numérisation de ressources culturelles ne devrait, en général, pas dépasser dix ans ». C’est pourquoi nous proposerons la suppression de cette dérogation ou, à défaut, que ces accords d’exclusivité puissent être prolongés pour une durée maximale de quinze ans.

L’article 3, qui porte sur les redevances, fixe un principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques, principe assorti de deux dérogations.

Une première dérogation pour les organismes qui sont tenus de couvrir, par des recettes propres, une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. Le montant de la redevance ne doit alors pas dépasser les coûts de collecte, de production, de mise à disposition et de diffusion.

Une seconde dérogation lorsque la réutilisation porte sur des documents issus des opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et archives, dont ces établissements supportent le coût.

Nous avons là aussi plusieurs améliorations substantielles à apporter au texte, car nous estimons que les services publics chargés de créer de la donnée ne devraient pas établir de redevances sur ces données. Le citoyen se retrouve alors à payer deux fois, pour la production puis pour l’accès aux données.

Il s’agit d’une barrière très lourde pour l’accès à ces informations d’intérêt général, alors que ces redevances ne représentent qu’une part très faible des recettes de ces services publics. Cette part est de 3 % pour l’INSEE et de 5 % pour l’IGN.

De nombreux rapports ont montré l’inconvénient de ces redevances. Une part importante des acheteurs sont des acheteurs publics. Ceux-ci apportent le tiers des revenus que l’IGN tire de ses redevances. La libération des données et leur diffusion peut cependant être source d’externalités bien plus positives que leur maintien sous redevance.

C’est pourquoi nous proposerons qu’il ne puisse pas y avoir de redevances de la part d’administration telles que l’INSEE ou l’IGN. Je note que le rapporteur partage notre volonté.

De même, nous proposerons un amendement visant à rendre impossible les redevances pour des données qui ont préalablement fait l’objet d’un accord d’exclusivité. Leur production ayant déjà été financée, l’établissement d’une redevance ne devrait pas être possible, notamment pour des données produites par un acteur privé.

Telles sont les raisons qui nous amènent à soutenir ce texte de loi, tout en espérant pouvoir effectuer un travail d’amélioration constructive lors de ces débats, et surtout lors de ceux qui accompagneront l’examen du projet de loi sur le numérique, dont nous sommes impatients de nous saisir.

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner le projet relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Vaste programme ! Parce que nous devons nous mettre en conformité avec nos obligations européennes et que la transposition aurait dû intervenir au plus tard le 18 juillet 2015, le texte qui nous est présenté vise à transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, modifiant la directive du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public dite « directive ISP ».

Par le biais de la directive de 2003, la France s’était dotée d’un véritable droit à la réutilisation des informations publiques, ce qui lui permettait d’être en pointe dans le domaine du numérique par rapport à nombre des autres États de l’Union européenne.

Déjà, la France, par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, ainsi que diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, reconnaissait à toute personne le droit d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration, quels que soient leur forme ou leur support. Dès son titre Ier, les principes de la liberté d’accès aux documents administratifs et de la réutilisation des informations publiques étaient posés.

Cette loi a aussi mis en place la Commission d’accès aux documents administratifs – la fameuse CADA – en ses articles 20 et suivants. Cette commission publie chaque année un rapport sur l’évolution de l’accès aux documents publics détenus par l’administration.

Le rapport d’activité de la CADA pour 2013 fait état d’une augmentation d’activité de plus de 15%, ce qui porte à 5 486 le nombre de dossiers de demande d’accès à un document instruit. Aussi, l’activité de conseil auprès des administrations s’est accrue. La CADA réalise 2 600 réponses écrites et plus de 4 000 consultations téléphoniques pour les administrations.

En vertu de ce mouvement d’ouverture des données publiques, il faut permettre la mise à disposition d’office des documents au public, en dehors même de toute demande d’information formulée à l’administration.

La CADA, prenant acte de ce mouvement, précise en effet que l’« exigence de démocratie participative, d’efficacité administrative et de développement économique se conjugue pour justifier que soient prises au profit de tout un chacun les mesures propres à restituer aux informations publiques, au-delà de leur statut juridique, les usages effectifs d’un bien commun qui est la conséquence de leur essence. »

L’ouverture des données publiques est une chance pour l’administration, dans le contexte de la recherche d’efficacité, d’effectivité et de rentabilité. Ouvrir les données ne comportant pas d’informations à caractère personnel ou protégées en application de la loi de 1978 permet de les offrir à tous, avant même qu’une demande ne soit formulée, ce qui permettra à l’administration de s’épargner la répétition des opérations de communication individuelle et par là même limitera leur coût pour le contribuable.

Ainsi, le Gouvernement, souhaitant changer la législation française en matière numérique, nous présente un texte qui constitue le premier acte d’un ensemble cohérent de trois textes sur l’open data, les deux suivants étant le projet de loi sur la République numérique, qui sera présenté par la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire, puis le projet de loi sur l’écosystème numérique, qui sera présenté par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique Emmanuel Macron.

Ces trois textes permettront de mettre en place une réutilisation automatisée des données publiques, dès le recueil et la production des informations, afin de permettre la fluidité de la circulation de l’information entre son collecteur, son producteur et son réutilisateur.

Dans ce cadre, la Commission d’accès aux documents administratifs devra jouer un rôle déterminant et central de contrôle et de facilitateur d’accès aux informations.

Par ces textes, le Gouvernement vise trois buts : ouvrir le champ des dérogations afin de recourir en majorité aux données ouvertes ; encadrer la possibilité de signature d’accord d’exclusivité de la diffusion de données, limitée à cinq ans avec un réexamen tous les trois ans ; introduire la gratuité de diffusion des données, alors que la directive invite seulement, dans le cadre de la réutilisation de documents soumise à redevances prélevées par des organismes du secteur public, à limiter ces redevances aux coûts marginaux.

Mais revenons à l’objet du texte, qui s’intéresse à toutes les données issues, détenues et produites par l’administration, ce qui relève d’un champ très large. Il s’agit de tous les documents produits ou reçus par l’État, les collectivités territoriales, ainsi que les autres personnes de droit public ou de droit privé dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public administratif.

Ne sont donc pas concernés les informations ou documents produits ou reçus par l’administration dans le cadre de l’exercice d’une mission de service public industriel et commercial, les documents sur lesquels des droits de propriété intellectuelle sont détenus, les documents sur lesquels un droit d’exclusivité a été attribué, les documents qui ne font pas l’objet d’une autorisation de communication en application de la loi du 17 juillet 1978, soit notamment toutes les informations à caractère personnel et individuel.

Le projet de loi vise à permettre la réutilisation de ces informations du secteur public, cette réutilisation s’entendant comme l’utilisation à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle elles ont été produites ou perçues. Il en va ainsi de la rediffusion de documents produits par l’administration ou de l’utilisation d’informations en vue d’élaborer d’autres produits pour le développement d’une activité économique.

Cette vague de diffusion des données de l’administration a été de plus en plus utilisée, avec notamment l’ouverture de toutes les données relatives aux listes électorales, à la cartographie et à la géolocalisation avec le service Etalab, ou encore l’ouverture des données publiques en matière de géographie pour les handicapés moteurs avec le service Handimap à Lille ou à Montpellier.

Mais la pierre angulaire du texte est l’inscription dans la loi du principe de la gratuité de l’accès aux données numériques publiques. Ce principe se justifie d’autant plus qu’en réalité, la redevance n’est pas forcément rentable, compte tenu de ses modalités de perception et des conséquences qui en résultent.

Les documents conservés dans les bibliothèques, musées ou archives font parties de ces informations, et leur rediffusion doit être gratuite, en application de la loi de 1978, afin de permettre au plus grand nombre d’accéder à l’information.

Enfin, certains ont pu considérer que ce texte n’était pas nécessaire, alors même que la secrétaire d’État chargée du numérique vient de lancer un chantier d’auditions et d’appels à contribution sur internet, dans le cadre de la République numérique. Mais, les délais de transposition de la directive de juin 2013 étant dépassés, ce qui expose la France au paiement d’indemnités pour défaut de transposition, le Gouvernement a souhaité examiner ce texte au plus vite, en recourant d’ailleurs à la procédure accélérée.

Nous pouvons déplorer l’absence d’un projet global sur le numérique, pourtant prévu de longue date. Cependant, nous savons que le Conseil constitutionnel dans sa décision n2015-719 DC du 13 août 2015 a censuré, dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, toutes les dispositions introduites par le Gouvernement qui n’avaient pas de lien direct avec l’objet des dispositions à transposer.

Le Conseil constitutionnel a ainsi précisé qu’un texte de transposition devait se contenter de transposer les dispositions européennes concernées ou les mesures en lien direct avec celles-ci, et ne pouvait servir de prétexte pour adopter d’autres mesures.

Cette décision a sensiblement réduit la marge de manœuvre des parlementaires qui souhaiteraient insérer des dispositions nouvelles dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de transposition.

Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’idée que l’activité de l’administration doit être connue du public n’est pas nouvelle, puisque l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Il faudra cependant attendre le septennat de Valéry Giscard d’Estaing pour que ce principe se concrétise. Plusieurs lois concomitantes assurent une transparence accrue de l’action publique, en particulier la loi du 17 juillet 1978 qui reconnaît aux citoyens « la liberté d’accès aux documents administratifs » et créé une autorité indépendante chargée de sa mise en œuvre : la CADA.

Désigné membre de la CADA par le président de l’Assemblée nationale, je tiens à souligner l’importance du travail accompli par cette autorité indépendante qui examine 5 000 affaires par an, avec le souci constant de veiller au respect du droit d’accès aux documents administratifs.

Ainsi, la CADA a permis que soient communiqués à une association citoyenne les sondages réalisés par la présidence de la République durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Le fait que certains d’entre eux n’aient pas de rapport évident avec les prérogatives de la présidence et les modalités des contrats afférents a abouti à l’ouverture d’une procédure judiciaire, qui est en cours.

La CADA a également rendu possible la communication des factures des candidats lors de la dernière campagne présidentielle.

Mais, si certains connaissent parfaitement les possibilités offertes par les textes sur le libre accès aux documents administratifs, je dois constater qu’il subsiste encore de multiples réticences à répondre favorablement aux demandes des citoyens, en particulier parmi les collectivités territoriales.

C’est pourquoi je crois utile de rappeler que sont communicables au public tous les documents produits ou reçus par les administrations et les collectivités locales – communes, communautés de communes, syndicats, conseils départementaux et régionaux –, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, et qu’ils se présentent sous forme écrite, visuelle, sonore, numérique ou informatique.

Constituent de tels documents communicables, les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, correspondances, avis, décisions, factures, etc.

Notons toutefois que les actes et documents produits et reçus par les assemblées parlementaires, ainsi que les documents des juridictions liés à la fonction de juger sont exclus du droit d’accès, en vertu de la séparation des pouvoirs.

Pour autant, l’Assemblée nationale n’hésite pas à rendre publics certains de ses documents. Ainsi, depuis trois ans, les comptes financiers intégraux de l’Assemblée sont disponibles sur son site internet. La présidence de la République pourrait heureusement imiter cet exemple.

Cependant, la transparence ne doit pas porter atteinte au respect de la vie privée dont le Conseil constitutionnel est un gardien vigilant. Ainsi, ne sont communicables qu’aux seuls intéressés les documents dont la publication porterait atteinte à la vie privée ou au secret médical, ou ferait apparaître un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à la personne concernée.

Pour respecter cette disposition, les documents administratifs communicables occultent les données personnelles. De fait, notre législation reconnaît que la transparence ne saurait être absolue et se voit limitée par le respect de la vie privée, ce qui est la marque d’un régime démocratique.

C’est pour ce motif que le Conseil constitutionnel a refusé la publicité sur les déclarations de patrimoine des élus locaux et des fonctionnaires concernés.

D’autres limites, plus administratives celles-là, sont prévues, en particulier le fait que, pour être communicable, le document doit exister. De même, pour préserver la sérénité de l’action administrative, ne sont pas communicables les documents inachevés, c’est-à-dire en cours d’élaboration, et préparatoires à une décision tant que celle-ci n’est pas prise.

Je rappelle ces données en quelque sorte élémentaires, car je constate parmi les maires et conseillers municipaux, une méconnaissance trop fréquente des dispositions législatives concernant le libre accès aux documents administratifs détenus dans leur mairie.

L’accès s’exerce, au choix du demandeur, par consultation gratuite sur place sauf si la préservation du document ne le permet pas, par la délivrance d’une copie à un tarif faible fixé par décret ou par courrier électronique sans frais si le document est disponible sous forme électronique.

En cas de refus, il importe de saisir la CADA, gardienne vigilante de la liberté de communication, dont les avis sont suivis dans la proportion de 85% par les administrations concernées.

En 2005, une nouvelle étape a été franchie avec le principe nouveau de la libre réutilisation des informations publiques disponibles.

Autrement dit, toute personne physique ou morale peut utiliser les données publiques à des fins commerciales ou non commerciales. Ainsi a-t-on vu se multiplier les palmarès scolaires ou médicaux mis en forme par des sociétés privées à partir des données disponibles auprès des administrations concernées et publiés dans les magazines d’information.

Le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui précise les conditions économiques de cette réutilisation, en application d’une directive européenne de 2013, adoptée par le Parlement européen puis par le Conseil européen. Le projet de loi présenté par le Gouvernement a pour objet de transcrire dans notre droit les dispositions de cette directive ; comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le projet de loi est donc limité dans son format, compte tenu de l’état plus favorable de notre législation. Alors que l’objectif de la directive consiste à limiter, à plafonner, à rendre plus transparent le montant des redevances que certaines administrations peuvent instituer en cas de réutilisation de leurs données afin de prendre en compte le coût de production, de reproduction et de mise à disposition de celles-ci, en particulier pour les rendre anonymes, le projet de loi affiche clairement dans son titre le principe de gratuité, ce qui va au-delà du champ de la directive.

Ce faisant, le Gouvernement confirme l’engagement qu’il avait pris dès le premier Conseil des ministres du 17 mai 2012, puisque, dans la charte de déontologie signée par chaque ministre figure – je cite –, l’engagement à « mener une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d’un grand nombre de données publiques ». On constate d’ailleurs – le rapporteur l’a souligné – que la gratuité multiplie le nombre de consultations, ce qui est bénéfique pour le développement économique et l’emploi. L’étude d’impact, jointe au projet de loi, démontre que la gratuité est bénéfique à la collectivité car les utilisateurs créent de nouveaux produits et services. L’exemple du global positioning system – le GPS – illustre bien le fait que la réutilisation démultiplie les effets bénéfiques de la donnée première. Conçu initialement pour les seuls besoins militaires des États-Unis, le GPS sera ensuite étendu aux usages civils par le Président Clinton. Aujourd’hui, il est essentiel au fonctionnement de nombre d’industries, de l’aviation à l’agriculture en passant par les transports. Alors que le coût de sa mise en place par l’armée américaine était estimé à 14 milliards de dollars, la valeur engendrée par son utilisation est estimée, en 2012, à 70 milliards pour le seul territoire américain et trois millions d’emplois, aux États-Unis, dépendent du GPS.

Toutefois, le principe de gratuité comporte deux dérogations, l’une en faveur des établissements culturels, l’autre au profit des administrations qui ont besoin de recettes propres pour accomplir leur mission de service public, comme l’Institut national de la statistique et des études économiques – l’INSEE – ou l’Institut national de l’information géographique et forestière – l’IGN. Notre rapporteur souligne qu’il conviendrait de mettre un terme à ces pratiques en compensant la perte de recettes par une augmentation des dotations budgétaires. C’est un souhait pertinent qui n’en reste pas moins osé, monsieur le rapporteur, en période d’économies budgétaires. Toutefois, si elles sont maintenues, ces redevances verront leur montant plafonné et leurs modalités de calcul seront fixées en fonction de critères transparents. Enfin, la liste des administrations concernées sera revue régulièrement.

Le texte comporte une autre avancée en matière de réutilisation, puisque les données détenues par les bibliothèques universitaires, les musées et les archives seront désormais soumises à la réglementation commune, alors qu’une réglementation spécifique et plus restrictive s’appliquait à elles jusqu’alors.

Ce projet de loi a fait l’objet d’un accord unanime en commission des lois. Toutefois, de nombreux regrets ont été formulés, y compris à l’extérieur de notre assemblée, de la part d’associations citoyennes qui souhaitent aller plus loin en matière d’ouverture des données publiques, ce qui, en bon français, désigne l’open data. Nous n’avons pu satisfaire ces demandes pour deux motifs. En premier lieu, monsieur Molac, lorsque nous transposons dans notre droit une directive européenne, nous ne pouvons pas ajouter des dispositions qui s’éloignent du contenu de la directive au risque de voir celles-ci censurées par le Conseil constitutionnel. En second lieu, l’Assemblée sera amenée à discuter prochainement d’un texte sur l’économie numérique, qui vient d’être rendu public et ouvert à la consultation des citoyens. Ce texte modifiera sensiblement les conditions d’accès aux données publiques ; il est donc préférable d’attendre son prochain examen pour avancer de manière cohérente en ce domaine.

Comme en commission, le groupe socialiste votera ce texte en approuvant les améliorations apportées par notre rapporteur qui, dans des délais brefs, a su mener plusieurs consultations, qui ont inspiré son excellent rapport. On y lit que « la France mène, depuis plusieurs années, une politique volontariste d’ouverture et de partage des données publiques, qui s’est traduite par un cadre législatif […] ambitieux, allant souvent au-delà des exigences du droit de l’Union européenne ». En matière d’ouverture des données, l’action de la France est saluée internationalement puisque notre pays a été classé, en décembre 2014, à la troisième place mondiale. En juillet 2014, la France a été classée par l’ONU quatrième pays au monde – et premier en Europe – en matière d’administration numérique.

L’ouverture des données publiques associée au développement du numérique constitue une révolution, au sens que lui donnait Charles Péguy : « Une révolution est un appel d’une tradition moins parfaite à une tradition plus parfaite, un appel d’une tradition moins profonde à une tradition plus profonde. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2011, le Premier ministre, François Fillon, a lancé Etalab, le portail d’accès aux données publiques ouvertes. À compter de cette date, l’open data a pris son envol en France. Petit à petit, le mouvement s’est développé, entraînant toujours plus d’administrations dans son sillage. Tout est allé très vite et, comme vous aimez à le rappeler, monsieur le rapporteur, a permis à la France de se classer parmi les pays les plus avancés en la matière. Le gouvernement socialiste s’est inscrit depuis 2012 dans cette même ligne, ce qui est heureux, car ce sujet doit mobiliser toutes les forces politiques. Il faut dire que les opportunités offertes par la libération des données publiques en termes d’innovation, d’économie et d’efficacité ne sont plus à prouver. On ne compte plus les développeurs, seuls ou au sein de start-up, qui ont pu développer des applications spécifiques et faciliter ainsi la vie des usagers.

Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, j’en profite pour ouvrir une petite parenthèse : l’article 4 de la loi Macron sur l’ouverture des données de transports mériterait sans doute d’être revu pour coller à cet objectif. Issu d’une initiative parlementaire, cet article a malheureusement vu sa portée atténuée par le Gouvernement, et me semble dès lors contradictoire avec ce projet de loi. Je clos la parenthèse.

Avant tout cela, la France avait posé de premières bases par la loi du 17 juillet 1978, socle de nos travaux actuels, qui affirmait la liberté d’accès aux documents administratifs. Puis l’Europe nous a permis d’avancer avec la directive Public Sector Information – PSI –, qui consacrait en 2003 le droit de réutilisation des informations publiques. C’est cette directive que nous sommes appelés à modifier aujourd’hui en y ajoutant des précisions et en l’encadrant, notamment en ce qui concerne la mise en place de redevances.

Mes chers collègues, nous voilà donc à la croisée des chemins. La libération des données est un train à grande vitesse auquel nous avons su accrocher des wagons depuis 2011. Deux choix s’offrent maintenant à nous : nous en tenir à la transposition de cette directive modificative de 2013 ou faire accélérer la locomotive. Chez les Républicains, nous préférons la seconde solution, car c’est le bon moment pour finir de lancer le mouvement et faire tomber les barrières ; en effet, si on les maintenait, elles risqueraient de se pérenniser.

Le Gouvernement semblait sur la même ligne. Le projet de loi numérique, dans l’une de ses versions de travail, qui a fuité pendant l’été, prévoyait une réforme importante de la loi de 1978, avec l’ouverture des données par défaut. Le projet de loi, en consultation depuis une dizaine de jours, contient toujours une partie entière sur l’ouverture des données publiques mais, entre-temps, ce projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public nous a été présenté. Il faut dire que nous avons été surpris de le voir débarquer sur le bureau de l’Assemblée en plein été. Ce choix est surprenant car, encore une fois, il déshabille le projet de loi numérique et ne se concentre que sur la transposition de la directive ; on a bien compris que vous ne souhaitiez pas aller au-delà. Nous aurions pourtant eu tout à gagner à transposer la directive en même temps que de réviser notre politique globale sur ce sujet. En l’occurrence, même si on l’attend depuis maintenant plus de deux ans, le projet de loi numérique ne devrait pas tarder à arriver, et il aurait sans doute été possible de recouper les agendas.

Vous avez même eu le culot d’appliquer la procédure accélérée, alors que le délai de transposition de la directive – qui, je le rappelle, expirait le 18 juillet – était déjà dépassé au moment du dépôt du texte. J’ai lu, comme tout un chacun, dans la presse – vous l’avez d’ailleurs dit en commission – que c’était une manière de rassurer Bruxelles. Je crois que ce débat méritait mieux. Comme je l’ai dit en commission, cela laisse songeur quant à l’organisation du temps de travail parlementaire par le Gouvernement ; nous avons tous, quel que soit le banc que nous occupons à l’Assemblée, beaucoup de mal à nous y faire.

Au milieu de tout cela, il y a tout de même un point positif, que j’ai relevé en commission et sur lequel je souhaite à nouveau insister : je veux parler de l’esprit d’ouverture du rapporteur, y compris à l’égard des membres de l’opposition, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Il aurait été encore plus appréciable de travailler en amont – on l’a tous souhaité –, en prenant le temps nécessaire, mais l’urgence, là encore, a contraint la phase de dialogue et la qualité de nos travaux.

Bref, en choisissant cette voie, vous avez opté pour une solution minimaliste : transposer la directive, sans aller trop au-delà. Résultat, ce projet de loi ne contient, à l’évidence, aucun bouleversement. En effet, affirmer la gratuité de l’utilisation des données publiques est une chose, mais il faut savoir que, dans le droit actuel, l’usage de redevances fait déjà figure d’exception. Rappelons en effet que le principe selon lequel la gratuité est la règle, la redevance l’exception, était déjà affirmé dans la circulaire du 26 mai 2011, qui a donné naissance à Etalab.

Par ailleurs, ce projet de loi continue de définir des exceptions particulièrement larges – trop larges, à mon avis – en ce qui concerne la numérisation des ressources culturelles. Les administrations culturelles faisaient jusqu’ici exception, et ce projet de loi les fait bien entrer dans le droit commun, où la redevance doit être l’exception. En revanche, lorsque la réutilisation des données concerne des documents issus des opérations de numérisation de données culturelles, des accords d’exclusivité potentiellement très larges pourront être signés – nous y reviendrons. Surtout, les redevances pourront être plus élevées que dans les autres cas, puisqu’elles prendront en compte les coûts de conservation et d’acquisition des droits de propriété intellectuelle. J’en profite pour dire qu’il faudra absolument s’assurer, dans le cadre de l’application de cette loi, que de tels suppléments de redevances ne soient pas appliqués à des œuvres non soumises au droit d’auteur, ce qui serait bien évidemment très douteux et contraire à l’esprit de ce projet de loi. J’appelle donc votre attention sur ce point, madame la secrétaire d’État.

Pour revenir à l’architecture générale de ce projet de loi, on a l’impression, à la lecture du texte, qu’il est tourné tout entier vers la fixation des redevances, ce qui est précisément l’inverse de ce qu’il conviendrait de faire. Cette drôle d’impression s’est quelque peu estompée, il est vrai, grâce aux amendements que le rapporteur a fait adopter en commission des lois, la semaine dernière. Ils ont permis de faire avancer les choses, mais il reste encore du chemin à parcourir.

À nos yeux, les marges de manœuvre laissées aux administrations sont encore trop importantes. À l’image des taxes à faible rendement, il y a toujours une bonne raison de maintenir une redevance. Les administrations peuvent se montrer très convaincantes à cet égard, surtout en ces temps de réductions budgétaires. Mais, à partir du moment où l’on considère ces redevances comme une rente, un flux financier permanent, il existe un véritable risque de freiner la libération des données et les conséquences positives dont elle est porteuse.

Le rapport Trojette sur l’ouverture des données publiques, publié en 2013, ne dit pas autre chose. C’est un rapport majeur dont il faut tenir compte, un document très important qui mérite de ne pas finir dans un tiroir, d’abord parce qu’il recommandait très tôt d’inscrire le principe de gratuité dans la loi du 17 juillet 1978 qui a institué la commission d’accès aux documents administratifs – la CADA –, ce que nous allons précisément faire aujourd’hui. Par ailleurs, ce rapport remet en cause l’utilité des redevances en posant cette question : « Les exceptions au principe de gratuité sont-elles toutes légitimes ? » Le rapport ajoute que « la transition vers de nouveaux modèles économiques […] revêt un caractère d’urgence, pour maintenir et améliorer la qualité des informations publiques, voire pour garantir la pérennité du service public ». Vous l’avez compris, ce rapport est très sévère à l’égard des redevances et met en doute leur pertinence économique en s’employant à contrer un par un les arguments avancés, que vous avez forcément dû entendre.

Voilà un exemple qui doit nous faire réfléchir : en 2012, la direction générale des collectivités locales – la DGCL – a déclaré environ 2 000 euros de coût de collecte et de mise à disposition pour une redevance qui lui a rapporté 24 000 euros.

Oui, en limitant les redevances à la couverture de ces coûts marginaux, la nouvelle directive répond à cette problématique et on ne devrait plus connaître de telles situations. Cependant, est-il encore pertinent de maintenir une redevance à des niveaux si faibles ? On peut fortement en douter. Certains veulent préserver un écosystème existant, mais M. Trojette rappelle que la politique d’ouverture et de gratuité des données publiques a de multiples incidences positives, puisqu’elle vise à « accroître la transparence du fonctionnement de l’administration et, partant, à apaiser les relations entre les autorités publiques et les citoyens ». Cela ne devrait-il pas être notre priorité ? La réponse est bien sûr positive.

Notre crainte, vous l’aurez compris, c’est que votre stratégie, étonnante sur la forme, soit contre-productive quant au fond. Si l’on met de côté le projet de loi pour une République numérique, ce texte ne doit pas nous faire manquer des étapes-clés sous prétexte qu’il s’agit d’une transposition de directive. C’est pourquoi les dix-sept amendements que je présenterai vous inviteront à aller plus loin sans pour autant s’éloigner de cette directive.

L’un d’entre eux est rédactionnel mais particulièrement symbolique de la position que Les Républicains défendent : après le principe de gratuité des données, il propose de rappeler que les administrations ne peuvent établir de redevances que sous certaines conditions. Cette négation permettra peut-être – c’est vous qui en déciderez – de contrebalancer l’impression globale que j’ai évoquée et de rappeler inlassablement un principe – la gratuité est la règle, la redevance l’exception – qui doit absolument s’appliquer dans les faits.

De la même manière, il faut saluer l’idée du rapporteur qui consiste à examiner tous les cinq ans la liste des administrations autorisées à mettre en place des redevances. Mais pourquoi ne pas aller au bout de la logique et faire en sorte que le montant même des redevances soit révisé tous les cinq ans ? Par ailleurs, nous aimerions avoir dès à présent une idée du contenu de cette liste. Notre ambition est de recadrer les choses le plus possible pour que la réutilisation libre sans barrière ait effectivement lieu partout où c’est possible. Je suis sûr que vous partagerez cette vision.

Là où il aurait fallu une révolution nous n’avons aujourd’hui qu’une transposition. Le fait de sauter le pas est-il remis à plus tard ? Nous l’espérons. Dans tous les cas, le mouvement de libération des données est un impératif auquel nous souscrirons. Chaque fois que vous irez dans ce sens, nous vous soutiendrons, sans esprit partisan, mais avec l’exigence qu’il convient d’avoir pour éviter de faire les choses à moitié. Sous réserve de quelques avancées qu’il serait opportun de réaliser, le groupe Les Républicains votera donc ce projet de loi.

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er A

(L’article 1er A est adopté.)

Article 1er B

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 1er B. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n32.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à substituer au mot « communiquées » les mots « mises à disposition ». Dans la mesure où l’article 1er B modifie l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 dite « loi CADA », il relève non pas du chapitre relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et au droit à la communication mais du chapitre relatif à la réutilisation des informations publiques. Dans ce contexte, la mise à disposition apparaît donc plus appropriée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. En termes rédactionnels, il est plus approprié de parler de mise à disposition et d’un droit de réutilisation plutôt que d’un droit d’accès. L’avis de la commission est donc favorable.

(L’amendement n32 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n38.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Il s’agit de substituer au mot « format » le mot « standard ». Ce terme est utilisé à l’article 1er du projet de loi pour une République numérique, qui viendra prochainement en discussion et que nous avons évoqué. Cette substitution répond donc à un souci de cohérence.

Par ailleurs, les termes « standard ouvert » sont consacrés dans le référentiel général d’interopérabilité qui s’applique aux autorités administratives. Il est donc important d’adopter le même cadre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. L’avis de la commission est favorable tant en raison de la nécessaire harmonisation évoquée à l’instant par Mme la secrétaire d’État que pour le choix de la terminologie. Il faut en effet tenir compte des termes employés dans le futur texte, dont la version initiale est aujourd’hui connue, et être vigilant, dans notre travail d’écriture du droit, aux mots utilisés ; les mots « standard » et « format » ne sont pas strictement équivalents dans le monde numérique. Je sais que Lionel Tardy est sensible aussi à ces questions-là.

(L’amendement n38 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 19 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement n19 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 33 et 34.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n19.

M. Paul Molac. Cet amendement prévoit que dans la limite des possibilités techniques de l’administration, les fichiers peuvent être transmis par un fichier informatique au format ouvert et réutilisable librement.

Si les formats ouverts sont définis à l’article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il n’existe pas de définition de ce qu’est un fichier réutilisable librement. Nous proposons donc de nous inspirer de la directive, dans laquelle il est fait référence à un fichier lisible par une machine. Je suis favorable aux sous-amendements du Gouvernement sur le présent amendement.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux sous-amendements, nos 33 et 34, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour les soutenir.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. L’amendement n19 a vocation à traiter des conditions techniques de réutilisation, ainsi que Paul Molac l’a expliqué à l’instant. Or l’emploi du terme « librement » renvoie plutôt à des conditions juridiques de réutilisation. C’est la raison pour laquelle nous proposons au sous-amendement n33 d’employer le terme « aisément » : le registre est plus technique que juridique.

Par le sous-amendement n34, nous proposons de supprimer la fin de l’alinéa 2 après le mot « machine ». Dès lors qu’on indique qu’il s’agit d’une machine, il est en effet inutile de préciser ensuite que le système est automatisé.

M. le président. Dans la discussion commune, la parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n1.

M. Lionel Tardy. Je serai bref, car l’adoption des sous-amendements fera tomber cet amendement.

Ainsi que je l’avais souligné en commission, il convient de compléter l’article 1er B. Il est bien précisé dans la directive de 2013 que les informations du secteur public sont communiquées sous forme électronique et si possible dans un format ouvert, mais elles le sont aussi dans un format lisible par une machine. Ces termes ne sont pas présents dans le droit actuel mais ils sont équivalents à ceux de « librement réutilisable ». C’est cette réutilisation libre qu’il faut absolument favoriser ici pour toutes les raisons que j’ai évoquées en discussion générale ; il faut donc l’inscrire explicitement dans l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune et sur les deux sous-amendements du Gouvernement ?

M. Luc Belot, rapporteur. J’ai été particulièrement sensible à cet amendement de Paul Molac : retenir les notions de « réutilisable librement » et « lisible par une machine » correspond parfaitement à l’esprit du texte et à ce que nous préconisons depuis longtemps sur les questions relatives aux données publiques.

Je souscris au point de vue de Mme la secrétaire d’État et la remercie de sa vigilance sur les termes « format » et « standard », qu’il convient de distinguer. Le mot « libre » ayant dans le monde numérique une autre connotation, il me paraît préférable de retenir le mot « aisément ». La suppression de l’expression redondante avec la lisibilité par une machine paraît également pertinente et permet d’aboutir à ce que vous souhaitiez, monsieur Molac. Ainsi modifié, l’amendement n19 est pleinement satisfaisant sur la forme et sur le fond, et je vous propose de vous en tenir à celui-ci dans la rédaction proposée par les deux sous-amendements du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n1 ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Je reprends à mon compte les arguments développés par le rapporteur : l’amendement n19 sous-amendé par le Gouvernement satisfait la demande de M. Tardy. Je souhaite donc que son amendement soit retiré ; à défaut, l’avis sera défavorable.

(L’amendement n1 est retiré.)

(Les sous-amendements nos 33 et 34, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n19, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 1er B, amendé, est adopté.)

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Luc Belot, rapporteur, pour soutenir l’amendement n29.

M. Luc Belot, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je me référerai dès à présent aux amendements nos 18, 24, 20 rectifié et 3, qui viennent ensuite en discussion, car ils portent sur le même sujet que l’amendement n29 : l’alinéa 2 de l’article 2, c’est-à-dire le plafonnement de la durée des accords d’exclusivité, que Lionel Tardy évoquait en discussion générale. La rédaction que je propose me paraît en effet satisfaire tous ces amendements.

L’enjeu est important. Je rappelle que le projet de loi et le droit en vigueur posent pour principe que les accords d’exclusivité sont interdits sauf s’ils sont nécessaires à l’exercice d’une mission de service public. Dans ce cas, ils ne doivent pas dépasser les dix ans et doivent être réexaminés tous les trois ans. Leur durée n’est pas plafonnée. Le projet de loi prévoit simplement qu’ils doivent faire l’objet d’un réexamen la onzième année puis tous les sept ans.

Aux amendements nos 3 et 24, monsieur Tardy, vous proposez que la durée des accords d’exclusivité conclus pour la numérisation de ressources culturelles soit plafonnée à quinze ans, et modifiez en conséquence la périodicité de leur réexamen, qui devrait selon vous intervenir tous les trois ans ; il y aurait donc un réexamen la onzième année et la quatrième année. Quant à M. Molac, il propose à titre principal à l’amendement n18 de supprimer purement et simplement la dérogation applicable aux accords relatifs à la numérisation culturelle, sujet que nous avons longuement abordé en commission la semaine dernière.

Au lieu de l’amendement de compromis n20 rectifié que vous avez déposé, monsieur Molac, je vous propose d’adopter l’amendement n29, qui opère une synthèse des propositions avancées dans les quatre amendements auxquels j’ai fait référence : d’abord, il plafonne la durée des accords de numérisation culturelle à quinze ans ; il prévoit ensuite la même exception que l’amendement n20 rectifié de M. Molac pour les accords conclus entre les personnes publiques ; enfin, il modifie la périodicité du réexamen desdits accords, comme le propose l’amendement n3 de M. Tardy.

Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement n29, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Je suis favorable à la proposition du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Dans le texte initial, la période d’exclusivité pour la numérisation de données culturelles peut dépasser les dix ans et donc être très longue, atteindre vingt, trente ou quarante ans. Certes, un réexamen régulier est prévu, mais si la directive donne une telle possibilité, elle sous-entend aussi qu’il faut l’éviter autant que possible.

J’ai été attentif aux arguments avancés en commission, monsieur le rapporteur. Vous avez indiqué que certaines bibliothèques municipales étaient liées par des accords pouvant aller jusqu’à quinze ans. Pour prendre en compte le droit existant, j’avais donc proposé dans l’amendement n24 que la durée puisse être supérieure à dix ans tout en ne dépassant pas quinze ans. Je constate que vous avez retenu le même compromis dans une nouvelle rédaction. Je m’en réjouis, et nous sommes donc favorables à la rédaction que vous proposez.

Cependant, pouvez-vous nous donner des exemples précis quant à l’exception prévue, qui concerne les « accords conclus entre personnes publiques dans le cadre de leur mission de service public sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires dans le respect du droit de la concurrence » ? Il faut s’assurer que cette exception est complètement justifiée. L’amendement que j’ai déposé et qui va tomber ne prévoyait aucune exception.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Luc Belot, rapporteur. Il s’agit concrètement du lien entre les musées et l’établissement public à caractère industriel et commercial de la Réunion des musées nationaux et des liens des musées entre eux. Aujourd’hui, l’exclusivité de numérisation est accordée à la RMN, ce qui explique pourquoi celle-ci est aujourd’hui plutôt importante. Les musées, individuellement, ne pourraient pas mener à bien de manière aussi rapide de telles opérations. Cela devrait permettre de numériser l’ensemble des données. À cette fin, on s’appuie sur un accord d’exclusivité conclu non pas avec une entreprise privée, comme ProQuest pour la Bibliothèque nationale de France, mais avec un EPIC, la RMN, dont le statut sera traité dans le titre I du projet de loi pour une République numérique.

(L’amendement n29 est adopté et les amendements nos 18, 24, 20 rectifié et 3 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n15, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

M. Bertrand Pancher. J’ai déjà défendu un amendement à ce sujet lors des débats en commission. J’y reviens avec cet amendement n15 : il s’agit des accords d’exclusivité, de leurs conditions de négociation, et des critères retenus pour l’octroi d’un tel droit. Tout cela, évidemment, doit être transparent, et rendu public dans un format numérique et mis à jour : ce serait l’idéal.

Cet amendement vise à préciser les contours de la publication des accords d’exclusivité. Certes, préciser le support sur lequel ces critères seront publiés relèverait du domaine réglementaire. On peut cependant regretter que cet alinéa soit imprécis quant à la nature des informations qui seront rendues transparentes. Nous proposons donc, comme c’est le cas pour l’ensemble des données hébergées par le site data.gouv.fr, que les détails précis et mis à jours des accords octroyés soient publiés.

Cela me paraît facile, ou à tout le moins peu compliqué à mettre en place. Cela rassurerait celles et ceux qui veulent savoir jusqu’où on va dans ce domaine.

M. le président. Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 35, 36 et 37, à l’amendement n15, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour les soutenir.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Nous pensons qu’il est important de reformuler et de compléter l’amendement n15 de M. Pancher, afin d’obtenir la rédaction suivante : « Les accords d’exclusivité et leurs avenants, leurs conditions de négociation et les critères retenus pour l’octroi d’un droit d’exclusivité sont transparents et rendus publics dans un format électronique. »

Le sous-amendement n35 vise à ajouter : « et leurs avenants ». Le sous-amendement n37 vise quant à lui à remplacer les mots « numérique et mis à jour » par le mot « électronique ». Il s’agit d’inclure les avenants pour expliquer la notion de transparence, et de mentionner le « format électronique » afin d’homogénéiser le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Grâce à vos sous-amendements, mon amendement sera beaucoup mieux rédigé. Je les accepte donc bien volontiers.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’adoption de cet amendement fera tomber deux amendements que j’ai déposés : je me permettrai donc de dire deux mots sur cet amendement et ces deux sous-amendements.

Comme je l’ai dit en commission, la phrase « les accords d’exclusivité sont transparents et rendus publics » me surprend. Sauf erreur, dans les textes de loi dont il est question ici, il n’y a pas de différence entre transparence et publicité : ces deux notions sont confondues. C’est notamment le cas des lois relatives à la transparence de la vie publique.

Il faudrait donc expliciter, ici, cette distinction. D’après ce que j’ai pu lire, le terme « transparent » fait référence à la phase de négociation des accords. Cette négociation, sans pour autant se faire sur la place publique, doit être transparente, et les documents la concernant pourront être communiqués sur demande conformément aux règles en vigueur.

La publicité, elle, concerne les accords finaux. L’amendement de mon collègue Bertrand Pancher et les sous-amendements du Gouvernement confirment cette analyse. Il est clair que cet amendement apporte une précision et renforce la transparence : on ne peut donc qu’y être favorable.

Je pense cependant qu’il subsiste un petit problème dans la rédaction de cet amendement. Que les accords et leurs avenants soient publics, pas de souci ; que leurs critères le soient, pas de souci non plus ; en revanche, rendre publiques les conditions de négociations, qu’est-ce que cela signifie ? Cela me paraît compliqué à mettre en œuvre dans les faits.

L’un des amendements que j’ai déposés, et qui tombera du fait de l’adoption de l’amendement n15 de M. Pancher, visait à préciser que le contenu des accords devait être rendu public. Cela ne serait plus vraiment adapté à la nouvelle rédaction de l’article 2 qui découlerait de l’adoption de l’amendement n15. Je pense néanmoins, madame la secrétaire d’État, qu’il faudra préciser cet alinéa au cours de la navette parlementaire en dressant une liste précise des documents qu’il faudra rendre publics. Je conviens que ce n’est pas là le point central de ce projet de loi, mais je me réjouis que l’amendement que j’avais défendu en commission ait contribué à soulever cette difficulté.

(Les sous-amendements nos 35, 36 et 37, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n15, accepté par la commission, sous-amendé, est adopté, et les amendements nos 25 et 26 tombent.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements en discussion commune : l’amendement n31 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement n39, et l’amendement n4.

La parole est à M. Luc Belot, rapporteur, pour soutenir l’amendement n31 rectifié.

M. Luc Belot, rapporteur. Je me permettrai de prendre un peu plus de temps qu’à l’ordinaire pour défendre cet amendement. Nous sommes là au cœur du débat qui a eu lieu non seulement en commission, mais qui a aussi traversé l’ensemble des auditions que nous avons conduites pour préparer le rapport sur ce projet de loi.

Cet amendement propose d’étendre l’application du principe de gratuité de la réutilisation d’informations publiques. Depuis 1988, le Conseil d’État a admis que certains services publics aspirent à se procurer des ressources propres. Déjà, à l’époque, il appelait l’attention du Gouvernement : si la tendance à instituer des ressources annexes, en faisant payer les usagers en contrepartie de la mission naturelle des services, se développait, alors la notion de service public risquerait d’être altérée. Nous sommes au cœur de ce débat sur la mission de service public – que j’ai fait figurer de manière expresse dans cet amendement.

Pour défendre cet amendement, je m’appuierai sur une décision du CIMAP – le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique – datée du 18 décembre 2013. C’est le dernier document de référence concernant l’ouverture des données publiques et le principe de gratuité et de redevance. La décision n26 de ce CIMAP est ainsi rédigée : « Le Gouvernement précise sa doctrine en matière d’exceptions au principe de gratuité. Aucune redevance ne saurait être exigée sur des données résultant des missions de service public des administrations générales. » Voilà l’esprit de l’open data, auquel nous avons fait référence au cours de la discussion générale.

J’ai particulièrement conscience – comme je l’ai dit tout à l’heure, cela a été l’objet de la plupart des échanges que nous avons eus au cours des auditions – du risque que cela fait peser sur un certain nombre d’organismes. J’en profite pour aborder tout de suite l’amendement n21 de notre collègue Paul Molac, qui évoque de manière spécifique deux organismes : l’INSEE et l’IGN qui sont concernés par la rédaction de l’amendement n31 rectifié.

C’est vraiment une question de cohérence vis-à-vis de l’esprit de l’open data. Certes, cet amendement prévoit que les dispositions concernées n’entreront en application que douze mois après la promulgation de la loi ; mais manifestement, son application n’en reste pas moins compliquée pour les services publics et les organismes concernés, voire pour certains services liés aux ministères – je pense à l’INSEE. C’est pourtant bien l’esprit de l’open data.

J’aurais aimé, aujourd’hui, aller au-delà ; j’aurais aimé que nous nous engagions fortement en faveur de la gratuité de la mise à disposition des données, en particulier pour les organismes dont la mission de service public est de produire ou de collecter ces données – car c’est bien eux que je vise par cet amendement. Cela étant, bien que je sois très favorable à l’open data et à la gratuité, je comprends tout à fait qu’il faille mettre à part certains services, dans d’autres ministères, dont la collecte de données n’est pas la mission principale de service public, et qui supportent des coûts élevés liés à l’anonymisation, à la mise à disposition et à la numérisation des données.

J’évoque dès à présent un amendement de repli que je défendrai, au nom de la commission des lois, plus tard au cours de notre discussion : l’amendement n41 rectifié. Il existe un concept issu du monde numérique, qu’il n’est pas simple à transposer dans la loi : le freemium. Il s’agit d’un usage spécifique qui permet de s’adapter à la réalité de la réutilisation des données – je m’efforce de le décrire dans le français le plus correct possible, car je sais, monsieur le président, que vous y êtes vigilant !

Pour inscrire le freemium dans la loi, il faut tenir compte de la capacité de réutilisation des données par tous les types d’utilisateurs. Je pense, évidemment, à toutes nos jeunes pousses, à nos start-up, que MM. Pancher, Tardy et Molac ont citées : toutes ces sociétés qui sont en cours de création et pour lesquelles le paiement d’une redevance est d’une grande complexité, non seulement du point de vue financier, mais aussi du point de vue administratif. Les délais, notamment, sont difficilement acceptables dans un monde qui va vite, très vite.

Par l’amendement n41 rectifié, je propose une solution pour l’ensemble des administrations concernées – pour citer les plus importantes et les plus connues d’entre elles : Météo France, l’IGN, l’INSEE et le SHOM, c’est-à-dire le Service hydrographique et océanographique de la marine. Deux fois par an, ces organismes devraient ainsi publier l’intégralité de leur base de données, à titre gratuit. Pour s’assurer que ces organismes puissent appliquer cette solution, l’amendement prévoit de leur laisser un délai de douze mois avant son entrée en vigueur. De la sorte, nous pourrions réellement ouvrir ces bases de données. Il serait possible de conserver un système de redevance pour ceux qui auraient besoin de données actualisées chaque jour ou chaque semaine. Tel est l’esprit de ce que l’on appelle le freemium.

Aucun système de ce type n’existe, à l’heure actuelle, dans notre droit. L’amendement n41 rectifié propose une telle innovation. Il a été déposé tardivement, mais c’est l’objet principal de nos discussions depuis quinze jours. Nous n’avons pas réussi à aboutir, en commission, à une rédaction satisfaisante à la fois pour ceux de nos collègues qui défendent cette option et pour la réalité de la vie et de l’équilibre économique de ces structures, alors que nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de finances pour 2016.

Je souhaite donc, madame la secrétaire d’État, que vous portiez un regard bienveillant sur l’amendement n41 rectifié, car il permettrait de satisfaire à la fois l’obligation d’open data rappelée par le CIMAP et défendue par le Gouvernement – particulièrement vous-même – et les enjeux économiques, c’est-à-dire de création de valeur, que nous avons largement évoqués dans la discussion générale. J’aimerais que nous discutions de ce problème de façon approfondie, et je suis prêt à retirer l’amendement n31 rectifié sous réserve d’un avis bienveillant sur l’amendement n41 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n39, à l’amendement n31 rectifié.

M. Lionel Tardy. Ce débat est intéressant et nécessaire, notamment pour les administrations dont le but principal est de fournir des données. Autant le dire clairement : cela concerne essentiellement l’INSEE et l’IGN. Le principe est défendable, mais il faut rappeler que ces deux administrations ne sont pas les plus réticentes. Elles ont su libérer un certain nombre de données, et mettre en place des modèles freemium – dont M. le rapporteur a parlé – qui mélangent gratuit et payant.

Mais de toutes façons, nous allons très vite nous heurter à un gros problème d’ordre budgétaire. Je crois que le Gouvernement ne manquera pas de nous le rappeler ! L’INSEE et l’IGN sont en effet les deux plus gros collecteurs de redevances : 10 millions d’euros en 2012 chacun d’après le rapport de Mohammed Adnène Trojette. Le sous-amendement n39 a le même objectif que l’amendement n4, qui est l’amendement rédactionnel dont j’ai parlé en discussion générale. Tous deux portent sur une question qui peut paraître annexe, mais qui ne l’est pas forcément.

Parfois, mes chers collègues, une simple négation suffit à changer la tournure que l’on veut donner à un principe. C’est le cas ici : il suffirait d’affirmer que « les administrations mentionnées à l’article 1er ne peuvent établir une redevance de réutilisation que sous certaines conditions ». Cela doit en effet devenir ou rester une exception : autant le marteler, sans quoi tout le travail que nous accomplissons aujourd’hui sera inutile.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. M. le rapporteur demande l’indulgence de Mme la secrétaire d’État pour son amendement de repli ; pour ma part, je demande aussi l’indulgence de Mme la secrétaire d’État pour son amendement n31 rectifié ! C’est en effet un amendement excellent ; du reste, nous défendons un amendement quasiment identique.

Nous parlons de redevance, mais il faut garder à l’esprit qu’aujourd’hui, nos concitoyens se retrouvent à payer deux fois…

M. Lionel Tardy. Eh oui !

Mme Isabelle Attard. …une fois pour la production de ces données, et une deuxième fois pour y accéder.

M. Bertrand Pancher. C’est vrai !

Mme Isabelle Attard. C’est une barrière considérable pour accéder à des informations d’intérêt général ! M. Tardy parlait de l’importance financière de ces redevances, mais elles ne représentent qu’une part très faible des recettes de ces organismes : 3 % pour l’INSEE et 5 % pour l’IGN.

Madame la ministre, pour compléter les arguments de M. le rapporteur, laissez-moi faire une comparaison historique.

Pour compléter les arguments du rapporteur, je donnerai l’exemple du Rijksmuseum, qui a libéré ses données en haute définition, tout en appliquant un droit sur la marque « Rijksmuseum ». Il est ressorti gagnant de cette opération au plan fiscal.

Autre exemple, historique cette fois : au Moyen Âge, les seigneurs, pour financer les travaux sur les routes, taxaient les voyageurs en leur faisant acquitter un péage. Un jour, un seigneur plus malin que les autres a réalisé qu’en supprimant le péage, il engrangerait davantage d’argent, grâce à la taxe sur le commerce.

Vous avez expliqué, madame la secrétaire d’État, qu’une donnée libérée générait bien plus de valeur qu’une donnée confinée. Je vous encourage donc à être plus indulgente encore à l’égard de l’amendement n31 rectifié du rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Je souhaite m’exprimer sur l’équilibre général du texte et répondre à Isabelle Attard et Lionel Tardy.

Le rapporteur a été très clair et précis et l’on ne peut nier que son raisonnement soit cohérent avec l’esprit de l’open data. Il a été fait référence au CIMAP et au choix fondamental de la gratuité qu’a fait notre pays. Il nous a été opposé le fait que nous nous appuyions sur la directive, dont le principe est la redevance, pour démontrer que nous n’allions pas assez loin.

Je crains pourtant que l’adoption de l’amendement du rapporteur ne nous entraîne trop loin. En effet, les exceptions que prévoit le projet de loi au principe de gratuité sont liées au fait que le manque – ou la disparition – de ces recettes pourrait porter atteinte à la qualité du service public.

Comme l’ont dit le rapporteur et M. Tardy, la somme des redevances liées à des services publics atteint plusieurs dizaines de millions d’euros. Vous le savez, la situation budgétaire conduit le Gouvernement à tout faire et à prendre de nouvelles initiatives chaque année pour redresser les finances publiques. Il me semble difficile d’accéder à la demande du rapporteur, et de faire disparaître ainsi d’un coup, de surcroît à la veille de l’examen de la loi de finances – période sensible s’il en est – plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes ! Certes, et comme cela a été pointé, des administrations acquittent ces redevances ; mais il reste que la mise en œuvre de l’amendement n31 rectifié priverait l’État de plusieurs dizaines de millions, dont les services publics ne peuvent se passer.

Monsieur le rapporteur, vous avez accompli un travail considérable, poursuivant un objectif cohérent et proposant des positions de repli, notamment avec l’amendement n41 rectifié.

On peut souscrire au raisonnement qu’a développé Isabelle Attard en prenant l’exemple du Rijksmuseum – oui, les recettes peuvent excéder les redevances perdues – et lui donner acte qu’en libérant les données, on libère aussi de l’activité et de la valeur. Tout cela est difficilement contestable dans un débat de qualité tel que celui-ci.

Mais, monsieur le rapporteur, vous placez le Gouvernement dans une position délicate avec l’amendement de repli n41 rectifié. Certes, les montants en jeu, cette fois-ci, n’atteignent pas plusieurs dizaines de millions d’euros. Pour autant, nous ne sommes pas en capacité de mesurer l’impact budgétaire d’une telle proposition ni d’évaluer l’évolution qui résulterait du changement de modèle économique qu’elle implique.

Je m’engage, au nom du Gouvernement, à demander d’évaluer les conséquences qu’aurait cette mesure pour les administrations percevant aujourd’hui des redevances et qui s’en verraient privées au cours des prochains mois. Vous avez tous souligné la qualité des données qu’elles produisent et mettent à disposition de tous. Il ne faudrait pas que la qualité du service public pâtisse d’un tel changement de modèle.

Je veux encore une fois remercier le rapporteur pour le travail qu’il a fourni et le féliciter de sa persévérance. Je souhaite poursuivre ce travail dans les semaines qui viennent, en tenant compte des arguments de qualité qui ont été soumis au débat, pour répondre de façon satisfaisante aux parlementaires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Luc Belot, rapporteur. Je suis gêné de voir opposé à un principe politique un principe budgétaire, car enfin, le budget est au service d’un projet politique ! Évidemment, la perte des recettes ne va pas sans questionnements pour une administration. Mais lorsque l’IGN a libéré en 2011 son référentiel à grande échelle, les 6 millions d’euros de recettes perdues ont été compensés par l’État, et les utilisations ont été multipliées par 20 !

J’ai été marqué par l’incohérence des arguments avancés lors des auditions. Je veux rappeler ici qu’il ne revient pas aux pouvoirs publics de déterminer les usages de la donnée ! Ils sont de toutes sortes. Lors de la discussion générale, madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué les exemples de Rennes, Nantes ou Montpellier où des données ouvertes ont permis la création d’applicatifs, qui rendent des services à la société ou des services économiques.

Le rapport Fouilleron sur la vente de données entre administrations sera remis à la fin du mois d’octobre. Il devrait nous éclairer sur la réalité des montants payés et sur la façon dont certains ministères font vivre leurs services sur des prestations qu’ils vendent aux autres. L’on pourrait là aussi gagner largement en termes de mission de service public, d’efficacité de l’État et de ses services.

Quant à l’argument selon lequel les organismes ont besoin de ces ressources, il est bien naturel de l’utiliser au moment où nous sommes attentifs à la manière dont les budgets sont attribués. Pour autant, j’ai cru comprendre que, y compris dans le cadre de la loi de finances pour 2016, certains ministères, loin de l’esprit que vous défendez, demandaient à leurs organismes d’augmenter le montant de la redevance pour faire vivre leurs services – je pense notamment au SHOM. Cela ne laisse pas de nous inquiéter, car tout retard pris dans ce domaine nous entraîne à l’exact opposé de ce que nous souhaitons.

Mme Isabelle Attard. Exact !

M. Luc Belot, rapporteur. Mohammed Adnène Trojette, dans son rapport de 2013, a prouvé que ces redevances étaient appelées à baisser – elles ont diminué de 20 % entre 2010 et 2012. Les chiffres dont j’ai pu disposer et que j’ai inclus dans mon rapport montrent eux aussi une baisse significative. Il arrive qu’un organisme perçoive des sommes spécifiques, comme l’IGN lorsqu’il a vendu l’ensemble de son référentiel à Google, mais cela demeure ponctuel – désormais, Google fait évoluer seul ses cartes et n’a plus besoin d’acheter chaque année les données à l’IGN.

L’amendement n41 rectifié a fait l’objet de très nombreux allers-retours pour aboutir à une solution d’équilibre, ce qui explique qu’il ait été déposé tardivement. Je crois, madame la secrétaire d’État, qu’il est possible de l’adopter tout en demeurant dans l’esprit qui est le vôtre.

Comme il est prévu en son alinéa 4, la disposition entrera en vigueur douze mois après la promulgation de la loi. La loi de finances pour 2016 ne devra donc pas en tenir compte. Par ailleurs, le projet de loi Lemaire, dont le calendrier nous a été précisé lors des questions au Gouvernement, devrait être soumis à notre examen en décembre. L’engagement du Gouvernement sera d’autant mieux tenu si cet amendement est adopté aujourd’hui, car le cadre général sera ainsi fixé. Si ce cadre n’était pas assez précis, la lecture du projet de loi Lemaire permettrait de le préciser, et ce, avant les douze mois suivant la promulgation de la présente loi. En tout état de cause, cette disposition concernerait uniquement l’exercice budgétaire de 2017. Je vous remercie d’avoir pris cet engagement, madame la secrétaire d’État, qui nous permet de travailler au mieux, dans le cadre du projet de loi Lemaire.

Je retire l’amendement n31 rectifié, mais je souhaite voir adopter l’amendement n41 rectifié.

(L’amendement n31 rectifié est retiré.)

M. le président. Mes chers collègues, nous prolongeons cette séance car vous avez souhaité, les uns et les autres, que nous n’interrompions pas nos travaux, ce qui est tout à fait légitime. Dans le même temps, on me demande d’accélérer le rythme. Je vous invite donc à adapter votre temps de parole afin de ne pas terminer trop tard, tout en respectant notre règlement.

Monsieur Tardy, puis-je considérer que vous avez défendu votre amendement n4 ?

M. Lionel Tardy. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n21.

Mme Isabelle Attard. Nous retirerons cet amendement si l’amendement n41 rectifié présenté par le rapporteur est accepté.

Comme l’a précisé Luc Belot, nous parlons de modèles économiques : il est temps de revoir les financements de nos instituts publics. Concernant l’IGN et l’INSEE, le rapport Trojette a expliqué que la libération des données allait rapporter nettement plus d’argent à l’État que les redevances de 3 % ou 5 % qui s’appliquent aujourd’hui.

D’ailleurs, ce petit jeu des redevances, qui consiste à faire payer le contribuable deux fois – je ne me répéterai pas – dessert des instituts comme l’IGN. Aujourd’hui, les utilisateurs se tournent vers OpenStreetMap plutôt que vers l’IGN pour accéder à ces données, qui sont en ligne. L’utilisateur a donc déjà contourné les redevances, qui s’appliquent aujourd’hui mais qui ne servent plus à rien. Les start-up, dont nous parlions tout à l’heure, savent très bien utiliser OpenStreetMap plutôt que de recourir aux données de l’IGN. Qui y perd, dans cette histoire ? C’est l’IGN. Qui va y perdre encore ? C’est l’INSEE.

Voilà pourquoi nous maintenons notre amendement n21, à moins que Mme la secrétaire d’État ne donne un avis favorable à l’amendement n41 rectifié du rapporteur, qui va dans le bon sens, même s’il s’agit d’une solution de compromis, par nature insatisfaisante. Nous tenons à ce qu’il y ait une avancée dans ce domaine, et c’est pour cette raison que nous sommes réunis ce soir. J’attends une réponse favorable du Gouvernement à l’amendement n41 rectifié du rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles qui ont justifié le retrait de mon amendement n31 rectifié, qui prévoyait l’accélération du mouvement et la gratuité totale, et le maintien de mon amendement n41 rectifié, je souhaite que l’amendement n21 soit retiré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement.

(L’amendement n21 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n5.

M. Lionel Tardy. Il s’agit de rétablir le critère de l’actuel article 15 de la loi du 17 juillet 1978, qui précise que « l’administration doit s’assurer que les redevances sont fixées de manière non discriminatoire et que leur produit total, évalué sur une période comptable appropriée en fonction de l’amortissement des investissements, ne dépasse pas le total formé, d’une part, des coûts de collecte, de production et de mise à disposition des informations et, d’autre part, le cas échéant, de la rémunération » prévue sous forme de redevance.

La mention de l’amortissement des investissements est nécessaire, car il ne faudrait pas que les redevances servent à couvrir les coûts déjà amortis – pour l’instant, rien ne l’empêche –, encore une fois au détriment des réutilisateurs. Je vous propose donc de réinsérer cette précision, en reprenant soit la formule de la loi de 1978, comme le propose mon amendement n5, soit une formule plus courte évoquant des coûts « résiduels », comme le propose mon amendement n6, que je défends dès à présent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n5 ?

M. Luc Belot, rapporteur. Défavorable. Ce n’est plus le choix retenu pour le présent projet de loi, dont l’objectif est moins ambitieux : aujourd’hui, la possibilité de recourir aux redevances est limitée à des montants qui ne tiennent plus compte de l’amortissement des investissements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Défavorable, même si je comprends bien l’intention de Lionel Tardy. La rédaction proposée est celle de la loi portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, dite « loi CADA » : elle ne tient donc pas compte de la modernisation de la législation à laquelle nous procédons.

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n22.

M. Paul Molac. Défendu.

(L’amendement n22, modifié par la suppression du gage, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n41 rectifié.

M. Luc Belot, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Je réitère la position que j’ai exprimée tout à l’heure : le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement ne discute pas le principe de l’ouverture des données : comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est le sens de notre action, et notre engagement est fort en la matière. Depuis longtemps, le principe de gratuité fait partie des intentions des gouvernements successifs. Le gouvernement actuel l’inscrit maintenant dans la loi : c’est un moment important, qu’il convient de souligner.

Les services publics dont il est question dans cet amendement ont besoin de ces recettes. Surtout, nous ne disposons aujourd’hui d’aucune étude d’impact, d’aucune évaluation de cette mesure. C’est un vrai problème : on ne peut pas adopter une telle mesure sans avoir réalisé ce travail ! C’est pourquoi je propose au rapporteur de retirer son amendement, afin de permettre aux administrations compétentes de mener un travail sérieux pour savoir où nous allons en matière budgétaire.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Pour la majorité, les situations dans lesquelles les positions du Gouvernement et du rapporteur ne coïncident pas sont toujours difficiles. Certes, il n’y a pas de divergence de vues sur la gratuité, puisque ce principe figure dans le projet de loi. Cependant, comme le rapporteur l’a lui-même souligné dans son rapport, que j’ai cité tout à l’heure à la tribune, on ne peut pas envisager de supprimer les redevances sans les compenser par une dotation budgétaire. J’ai d’ailleurs fait remarquer que cette observation était tout à fait judicieuse, mais qu’il n’était sans doute pas très facile d’augmenter les dotations budgétaires aujourd’hui.

C’est, au fond, le seul problème que pose cet amendement : ses conséquences financières ne sont pas appréciées, on ne connaît pas précisément le périmètre concerné, on ne sait pas exactement quels seront les montants en jeu. Cela s’explique sans doute par le dépôt très tardif de cet amendement, puisque nous ne l’avons pas examiné lors de la réunion de la commission – ce qui est bien dommage, car nous aurions alors pu mener ce travail d’approfondissement –, mais lors de la réunion organisée dans le cadre de l’article 88 du règlement, il y a deux heures, juste avant la séance.

Face à une telle situation, mon point de vue est celui d’un député qui a une certaine expérience parlementaire et qui a vu, à de multiples reprises, des amendements aux conséquences financières importantes adoptés sans connaître leur impact et se révélant donc, à l’usage, tout à fait détestables. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen suivra le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Prenons garde de ne pas voter des dispositions trop complexes. Sur cette question, je rejoins l’avis de Mme la secrétaire d’État.

Si une administration ne veut pas ou ne peut pas faire quelque chose, alors elle ne le fera pas. Si l’on n’a pas remporté les arbitrages nous donnant les moyens de faire quelque chose, alors on ne le fera pas, même si la loi que nous adoptons est la plus généreuse possible. De deux choses l’une : ou bien la mesure est facile à mettre en œuvre pour l’administration, qui y a intérêt et qui en a les moyens, alors elle sera appliquée ; ou bien le coût de la mesure est trop important et les services n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre, alors elle ne sera pas appliquée.

Nous serions bien inspirés de garder de la souplesse et d’observer, au fur et à mesure, comment tout cela va avancer. Ce n’est pas tout de dire qu’une mesure est gratuite, qu’elle est géniale et qu’elle sera appliquée partout : on voit bien, dans les collectivités, que les coûts sont parfois énormes. S’il y a de la volonté et de la demande, alors allons-y, mais faisons quand même un peu attention ! Il faut garder de la souplesse. L’argument de Mme la secrétaire d’État me séduit.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Luc Belot, rapporteur. Ce texte doit nous permettre d’avancer et de réaliser nos ambitions communes en matière d’open data. Notre collègue Dosière faisait remarquer que les positions de la commission et du Gouvernement ne coïncidaient pas, mais notre état d’esprit est exactement le même.

Comment ce débat est-il organisé ? Vous avez évoqué, monsieur Dosière, le dépôt tardif de mon amendement.

M. Bertrand Pancher. En effet !

M. Luc Belot, rapporteur. Moi aussi, je le déplore. Mais j’ai abordé ce sujet en commission la semaine dernière, et j’avais alors clairement identifié cette difficulté. J’avais déjà proposé des amendements, avec plusieurs rédactions possibles, plus proches d’ailleurs de l’amendement n31 rectifié que de l’amendement n41 rectifié. J’aurais aimé que l’on puisse trouver des solutions. Nous avons essayé de mettre à profit la semaine qui s’est écoulée depuis la réunion de la commission pour trouver un point d’équilibre sur ce texte, mais nous ne l’avons pas trouvé.

Madame la secrétaire d’État, mon amendement ne modifie pas l’équilibre global du texte et ne met pas à mal les budgets des administrations concernées. Il permet de répondre, de manière générale, à l’ensemble des objections que vous avez soulevées.

Vous avez déploré l’absence d’étude d’impact et d’évaluation des conséquences budgétaires. Or le rapport Trojette nous donne tous les éléments, et les chiffres sont d’ailleurs plutôt à la baisse : on sait que le volume financier en jeu était exactement de 35 millions d’euros en 2013, et qu’il est aujourd’hui un peu inférieur à 30 millions – les comptes de l’État devraient même nous permettre de disposer d’un chiffre assez précis.

Il s’agit d’ailleurs de la somme maximale, qui correspond à l’impact financier de l’amendement n31 rectifié. Le présent amendement, n41 rectifié, a un impact inférieur, car il ne supprime pas les redevances de manière générale : il prévoit seulement la publication, deux fois par an, de l’intégralité d’une base de données. Cela n’empêchera pas de nombreux acteurs, qui paient aujourd’hui des redevances et dont les besoins sont beaucoup plus larges, de continuer à demander des mises à jour quotidiennes, s’agissant des données de l’INSEE, ou hebdomadaires ou mensuelles, s’agissant de celles de l’IGN. Ainsi, l’amendement n41 rectifié ne met pas à mal la redevance, qui perdurera car une publication biannuelle ne suffira pas pour utiliser les données de l’INSEE. Par ailleurs, les travaux à façon, les commandes spécifiques et les prestations de services ne sont pas concernés par ce texte : ils n’entrent pas dans le cadre de la redevance, mais d’une facturation de prestation.

S’agissant des délais, je salue votre engagement, madame la secrétaire d’État, de traiter cette question dans le cadre de la loi Lemaire. À partir du moment où nous aurons adopté ce principe, qui ne s’appliquera ni à l’exercice budgétaire en cours, ni à la loi de finances pour 2016, c’est-à-dire ni dans les trois prochains mois, ni l’année prochaine, la situation sera très ouverte et nous permettra de travailler, de trouver une solution de fond et d’améliorer nos propositions.

Je vous le dis très sincèrement : cet amendement de repli correspond pour moi à un repli important. Ce à quoi je crois, c’est l’amendement n31 rectifié…

Mme Isabelle Attard. Nous aussi !

M. Luc Belot, rapporteur. …que j’ai retiré parce que j’ai compris vos arguments, madame la secrétaire d’État, et que j’ai entendu la réalité que vous m’avez présentée. L’amendement n41 rectifié tient compte de tout ce que vous avez dit.

Mes chers collègues, en cohérence avec l’ambition que nous partageons et avec les propos que j’ai tenus sur ces questions, je vous invite à adopter l’amendement n41 rectifié.

(L’amendement n41 rectifié n’est pas adopté.)

M. Lionel Tardy. Je proteste, monsieur le président ! L’amendement est adopté, à cinq voix contre quatre !

M. le président. Non, monsieur Tardy. Même à vous, il arrive de commettre une erreur.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n6.

M. Lionel Tardy. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Le débat a eu lieu en commission. Comme cela est rendu possible par la directive, je vous suggère de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis défavorable. Les coûts résiduels ne sont pas définis précisément, monsieur le député.

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n7.

M. Lionel Tardy. Je ne suis pas d’accord avec ce qui s’est passé au moment du vote sur l’amendement n41 rectifié. Nous étions 5 contre 4 en faveur de l’amendement, la vidéo permettrait d’arbitrer, mais la séance vérifiera.

Outre le plafond global avec les coûts résiduels, mon amendement vise à créer un plafond par utilisateur. En effet, il y a un risque d’inégalité entre les réutilisateurs, ainsi qu’un risque d’insécurité juridique.

Si, pour une raison ou pour une autre, dans une même période comptable, la redevance payée par le premier utilisateur couvre l’ensemble des coûts, alors le plafond sera atteint et les réutilisateurs suivants n’auront plus rien à payer. Je schématise, mais c’est l’inconvénient de n’avoir qu’un plafond général. Il convient de l’accompagner d’un plafond particulier qui pourrait être fixé pour chaque redevance annuelle.

Au total, le montant annuel de la redevance supportée par chaque réutilisateur ne doit pas excéder le total des coûts marginaux supportés pour répondre à la demande de réutilisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Il ne faudrait pas que le plafond général soit atteint dès le premier utilisateur, au bénéfice des suivants, dites-vous. Le principe est la gratuité de la réutilisation, des dérogations permettent d’aller au-delà des coûts marginaux. Je vous suggère de retirer votre amendement.

(L’amendement n7, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n8.

M. Lionel Tardy. L’avis de la commission d’accès aux documents administratifs, la fameuse CADA, est prévu quelques alinéas plus loin sur la liste des informations soumises à redevance, mais uniquement pour l’État, nous y reviendrons.

En revanche, pour le montant des redevances, il serait utile de prévoir l’expertise de la CADA en amont. Cela resterait une possibilité offerte, par exemple, aux collectivités territoriales et permettrait d’éviter des litiges en aval.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement pour les raisons déjà exprimées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis défavorable car l’amendement est satisfait.

(L’amendement n8 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n27.

M. Lionel Tardy. En commission, j’ai proposé de réviser les critères permettant de fixer une redevance à échéance régulière. En écho, le rapporteur avait lui-même fait en sorte que la liste des administrations pouvant établir des redevances soit révisée tous les cinq ans.

Je vous propose donc d’aller au bout de la logique et de prévoir que chaque administration révise ses propres redevances tous les cinq ans. Les coûts pour couvrir une redevance peuvent baisser au fil du temps – ce qui sera vraisemblablement le cas – au fur et à mesure de l’évolution des techniques. Il ne faudrait pas que des redevances soient maintenues à un niveau plus élevé qu’elles ne le doivent. Tel est le sens de mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Avis favorable, même si, à strictement parler, ce ne sont pas les critères de fixation ou les montants qui doivent être réexaminés de manière régulière, mais la liste des catégories d’administration. Le débat a eu lieu en commission et vous en avez tenu compte dans votre amendement. Au demeurant, c’est prévu à l’alinéa 6. Mais je concède qu’il faut réviser les montants si c’est utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. J’émets également un avis favorable. En commission, Lionel Tardy a bien voulu retenir nos arguments. À la suite du travail qui a été effectué, nous sommes parvenus à une rédaction satisfaisante.

(L’amendement n27 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n9.

M. Lionel Tardy. La nature des activités et les conditions de financement d’une administration sont des critères inadaptés pour considérer si une administration peut fixer une redevance.

De mon point de vue, ils sont soit trop larges – car ils concernent de nombreuses administrations –, soit trop restrictifs. D’autres critères sont à prendre en compte, notamment l’intérêt des données.

Par ailleurs, l’article 2 mentionne déjà des critères. Il n’est donc pas nécessaire d’en mentionner d’autres explicitement en vue du décret d’application.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. L’intention est louable, monsieur Tardy. Pour autant, la précision que nous proposons s’avère utile. À l’alinéa 2, on parle des administrations mentionnées à l’article 1er. Or le décret devra déterminer la liste des catégories d’administrations au sein des administrations qui sont autorisées à établir une redevance.

Je souhaite que nous maintenions cette précision. Je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Bien évidemment.

(L’amendement n9 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n10.

M. Lionel Tardy. Un décret fixant la liste des informations soumises à redevance doit être pris après avis de la CADA lorsqu’il s’agit d’administrations centrales de l’État ou d’établissements publics à caractère administratif.

Par rapport à la liste des administrations de l’article 1er de la loi CADA de 1978, il y a deux oubliés : les collectivités territoriales et les autres personnes de droit public chargées d’une mission de service public.

S’agissant des collectivités, je le comprends, car on se heurte au principe constitutionnel de libre administration, me semble-t-il. En revanche, l’exclusion des personnes de droit public n’est pas justifiée. Le présent amendement propose de réintégrer ces administrations dans cette procédure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, votre amendement ne répond pas à vos objectifs. Je vous suggère de le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable dans la mesure où la précision que vous souhaitez apporter est inutile car les autorités administratives indépendantes, par exemple, sont considérées comme des institutions de l’État.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n11.

M. Lionel Tardy. Il peut y avoir autant de licences de réutilisation que d’administrations. Une harmonisation en la matière serait judicieuse. Cela correspondrait du reste à la recommandation du Conseil national du numérique dans son rapport « Ambition numérique » publié au mois de juin dernier.

Le Conseil national du numérique précise que cela réduirait des risques d’insécurité juridique évidents. On pourrait, par exemple, fonctionner avec deux licences standards ; la licence ouverte conçue par Etalab semble bien fonctionner. C’est elle qui régit aujourd’hui la réutilisation des données présentes sur la plate-forme www.data.gouv.fr. Elle s’inscrit dans un contexte international en étant compatible avec les standards des licences open data développées à l’étranger ainsi que les autres standards internationaux.

Elle autorise la reproduction, la redistribution, l’adaptation et l’exploitation commerciale des données sous réserve de l’obligation de faire expressément mention de la paternité de la donnée.

Afin de mettre en application la recommandation du Conseil national du numérique, le présent amendement propose de passer par un décret en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. L’alinéa 3 de l’article 16 de la loi CADA prévoit que : « Les administrations qui élaborent ou détiennent des documents contenant des informations publiques pouvant être réutilisées dans les conditions prévues au présent article sont tenues de mettre préalablement des licences types, le cas échéant par voie électronique, à la disposition des personnes intéressées par la réutilisation de ces informations. »

Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis défavorable. Nous pensons qu’il faut laisser la possibilité de recourir à des licences négociées ou adaptées à certaines situations spécifiques. Or l’amendement de Lionel Tardy ne le permet pas.

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n16.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à préciser la nature des informations relatives aux redevances qui seront rendues publiques et dans un format ouvert. En effet, si la présente loi prévoit bien que les critères retenus pour fixer le montant de ces redevances sont transparents et vérifiables – article 3, alinéa 5 – et que les bases de calculs sont rendues publiques, elle ne prévoit pas la diffusion du montant total des redevances perçues par chaque administration citée à l’article 1er.

Compte tenu de la complexité, nous souhaitons que les informations soient rendues publiques pour assurer la transparence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Il s’agit d’une vraie mesure de transparence que nous propose M. Pancher. Nous ne pouvons qu’y être favorables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également favorable. Il est important de mentionner les redevances parmi les éléments à rendre publics.

(L’amendement n16 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n12.

M. Lionel Tardy. Pour ce qui concerne la publicité des redevances, je demande la centralisation des bases de calcul retenues pour fixer les redevances. On peut parler de registre, mais l’idée est simple : centraliser les redevances à un même endroit, par exemple sur le portail www.data.gouv.fr, du moins pour les administrations centrales.

Pour les collectivités territoriales, le rapporteur a indiqué que cela paraissait difficilement réalisable. Mon amendement en tient compte car il précise que le décret indique les conditions de centralisation, laquelle est susceptible de prendre plusieurs formes sans pour autant fermer la porte aux collectivités territoriales.

En ce qui concerne les administrations de l’État, la centralisation de cette base de données me paraît être un impératif pour éviter un éparpillement contre-productif.

M. René Dosière. Pourquoi, « notamment » ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Votre amendement est satisfait. S’agissant des administrations de l’État, les informations figureront forcément sur www.data.gouv.fr.

Il n’existe, heureusement, à l’heure actuelle aucun espace open data concurrent. La précision que vous vous proposez d’apporter aurait été compliquée à mettre en œuvre pour des collectivités locales, vous l’avez vous-même reconnu. Pour ce qui concerne les services de l’État, elle ne paraît pas utile. On nous reproche souvent de faire des lois trop bavardes. Évitons de tomber dans ce travers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis défavorable. Je confirme que c’est la vocation de www.data.gouv.fr. de donner ces informations. Nul besoin de décret.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Articles 6 et 7

(Les articles 6 et 7 sont successivement adoptés.)

Article 8

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n40.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L’amendement n40, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 28 rectifié et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Luc Belot, rapporteur, pour soutenir l’amendement n28 rectifié.

M. Luc Belot, rapporteur. Mon amendement en discussion commune avec le n14 de M. Tardy propose une formule plus englobante qui ne se limite pas au seul règlement de réutilisation des informations publiques, mais inclut tout acte réglementaire ou contractuel fixant les conditions de réutilisation des informations publiques.

Je suggère à M. Tardy de retirer son amendement.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n14.

M. Lionel Tardy. Mon amendement est en effet satisfait par celui du rapporteur

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement n28 rectifié.

(L’amendement n28 rectifié est adopté et l’amendement n14 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n13.

M. Lionel Tardy. J’ai redéposé cet amendement afin que la mise en conformité des licences existantes ait lieu le plus rapidement possible, à savoir dans un délai de six mois plutôt que douze.

Comme toujours, monsieur le rapporteur, je vous ai écouté avec attention, mais ni le principe de mise en conformité, ni le délai de six mois ne me semblent heurter aucune règle ni aucun principe. En particulier, ils ne contrarient en rien le principe de la liberté contractuelle, l’obligation de mise en conformité des clauses contractuelles en cours d’exécution trouvant son fondement dans l’impératif de réalisation des finalités d’ordre public économique poursuivi par le présent projet de loi.

En d’autres termes, je ne vois pas en quoi une mise en conformité dans les six mois serait contraire à la liberté contractuelle, dès lors que celle que vous prévoyez dans un délai de douze mois ne l’est pas. La redynamisation prévue par la libération des données doit en effet intervenir sans tarder.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable la semaine dernière et fait de même aujourd’hui. D’abord, le délai de six mois me semble court. Au-delà de ce point de vue, qui peut donner lieu à discussion, le fait de rendre une règle nouvelle applicable à des contrats en cours porte atteint à la liberté contractuelle, laquelle est constitutionnelle. Tels étaient les arguments que je vous ai opposés la semaine dernière en commission.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a considéré que cette atteinte était justifiée et proportionnée. Je ne suis pas certain qu’il en serait de même si, au lieu de douze mois, le délai avait été de six mois. Il me semble donc plus prudent de ne pas prendre un risque inutile en réduisant cette durée à six mois – mesure dont les avantages me semblent du reste très limités.

Je vous demande donc le retrait de cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Avis défavorable également, avec les mêmes arguments que ceux que vient d’exposer le rapporteur.

(L’amendement n13 n’est pas adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n23, portant article additionnel après l’article 8.

La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le soutenir.

Mme Isabelle Attard. Le concept de droit d’auteur des fonctionnaires a été introduit dans la loi en 2006 et, neuf ans plus tard, le décret en Conseil d’État prévu par le texte n’a toujours pas été publié. Cette disposition, qui n’a pas trouvé à s’appliquer effectivement, soulève cependant de nombreuses inquiétudes en termes de sécurité juridique pour la réutilisation des données. Ainsi, la base Mérimée, qui recense le patrimoine architectural français, a dû être expurgée de nombreux éléments, du fait des craintes liées au droit d’auteur.

Le droit d’auteur des agents publics s’oppose ici au droit d’accès à l’information publique. On peut aussi s’interroger sur le fait que les fonctionnaires puissent toucher des droits pour un travail qui relève de leurs fonctions.

Cet amendement tend donc à supprimer le droit d’exploitation des œuvres créées par un fonctionnaire. Ainsi, toute œuvre réalisée par un agent public dans l’exercice de ses fonctions sera immédiatement disponible pour quiconque le souhaitera, dans le respect du droit moral de l’auteur. Encore une fois, il est normal que les œuvres réalisées et financées sur ordre de la puissance publique soient ainsi disponibles pour la communauté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Luc Belot, rapporteur. Vaste sujet que celui du droit d’auteur des fonctionnaires, en particulier lorsqu’il est question des métadonnées et données associées, notamment dans le cadre de la BNF et de la RMN.

Cependant, comme je l’ai évoqué tout à l’heure en discussion générale, nous ne pouvons, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 13 août dernier, traiter de cette question dans le cadre d’un texte consacré à la transposition d’une directive européenne, même si cette question touche au sujet du texte que nous examinons – dont, du reste, vous vous éloignez un peu.

Toujours est-il qu’on ne peut rattacher cet amendement à un article de la directive de 2003 modifiée en 2013. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. Je ne veux pas me prononcer sur le fond et, bien que vos arguments, madame Attard, permettent de mesurer l’intérêt de votre proposition, je suis au regret de vous dire que votre amendement, qui n’entre pas dans le champ de la directive et de sa transposition, est bien un cavalier législatif, dont le Conseil constitutionnel ne manquera pas de se débarrasser. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

Je partage, à titre personnel, l’avis de Mme Attard. Le droit d’auteur des fonctionnaires soulève en effet un problème, car il semble trop large. La rédaction actuelle doit être remise en cause, car elle peut empêcher la réutilisation d’informations publiques et la diffusion d’œuvres culturelles, ce qui ne devrait pas être le cas.

M. Lionel Tardy. L’article L. 131-3-3 du code de la propriété intellectuelle évoque en effet un décret d’application qui, bien qu’il n’ait pas été pris, demeure, selon le rapport Trojette, source d’inquiétude « au regard des risques que fait peser une acception large du droit d’auteur des agents publics sur la qualification juridique d’information publique de l’article 10 de la loi CADA ».

Bref, il faut voir comment régler ces questionnements et penser notamment à l’égalité de traitement entre le public et le privé.

Bien que cette remarque n’engage que moi, je ne suis pas certain que le projet de loi que nous examinons soit le meilleur véhicule législatif – c’est du reste ce qu’a relevé aussi Mme la secrétaire d’État. Pour ma part, j’ai déposé deux amendements à ce sujet dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les droits et obligations des fonctionnaires – qui, si nos travaux avancent, sera examiné à partir de demain soir –, afin d’apporter une contribution à un débat nécessaire.

(L’amendement n23 n’est pas adopté.)

Article 9

(L’article 9 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement;

Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly