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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 14 octobre 2015

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Première partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112 et 3116).

Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 2, précédemment réservé.

Article 2 (précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Lionel Tardy. Avec cet article j’ai une pensée pour les contribuables qui, l’an prochain, recevront une belle lettre de MM. les ministres leur indiquant que le Gouvernement, dans sa grande sagesse, leur a octroyé une baisse d’impôt. Ils ont de la chance, et c’est un peu le moins de ce que l’on pouvait attendre après trois ans de renforcement de la pression fiscale. Mais je pense aussi à ceux qui ne recevront pas cette lettre, en particulier les classes moyennes, qui se souviendront du présent quinquennat, elles qui ont été complètement ignorées par le Gouvernement.

Comme l’a très bien démontré le président Carrez, la baisse dont nous parlons générera une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu. Est-ce une bonne chose ? Je ne le pense pas, et vos amis de la majorité sont de plus en plus nombreux, semble-t-il, à ne pas le penser non plus.

En attendant, les contribuables des classes moyennes, qui ont supporté les trois quarts des hausses d’impôt, ne verront pas, une fois de plus, la couleur des baisses. Un chiffre est particulièrement éloquent. En 2010, 45,9 % des Français payaient l’impôt sur le revenu ; avec ce projet de loi de finances – PLF –, on restera dans les mêmes proportions mais, entre-temps, le produit de cet impôt est passé de 55 à 75 milliards d’euros, soit plus 20 milliards à la charge des classes moyennes.

Une telle hyperconcentration se passe de commentaires. En regardant ces chiffres et en constant que vous refusez de considérer toute une partie de nos concitoyens qui pourtant ne roulent pas sur l’or, on a bien du mal à considérer ces baisses d’impôt comme un coup de génie.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. En tant que député socialiste je ne puis qu’applaudir aux baisses d’impôt en direction des couches populaires et moyennes ; mais puisque nous vivons les dernières semaines utiles du quinquennat en matière fiscale, et avons à faire des choix qui peuvent affecter la vie de nos concitoyens, je veux aussi exprimer deux regrets.

Le premier est que les baisses consenties cette année comme l’année dernière sont, dans leur ampleur, insuffisantes pour compenser le ressenti – sinon le ressentiment – lié, dans une bonne partie de l’opinion, à des hausses parfois justifiées mais souvent malencontreuses au début du quinquennat.

Cette compensation, monsieur le secrétaire d’État, appelait davantage de moyens et une politique de hausse du pouvoir d’achat beaucoup plus ambitieuse ; il aurait fallu, d’une certaine manière, entendre la demande qui vous était adressée par notre formation politique commune de consacrer 8 milliards d’euros à la hausse du pouvoir d’achat des couches populaires et moyennes. Sans doute cela nécessitait-il la remise en cause d’une partie des dépenses fiscales consenties aux entreprises ; mais, en un mot comme en mille, il aurait fallu rompre avec l’illusion que le déversement de milliards d’euros vers des entreprises qui n’en ont pas forcément besoin ou n’en font pas forcément bon usage puisse tenir lieu de cap.

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Laurent Baumel. Le deuxième regret, madame la présidente, est que ces hausses et ces baisses ne constituent pas, à l’évidence, ce que l’on peut appeler une réforme fiscale : si le quinquennat devait s’arrêter aujourd’hui, c’est un brouillon que nous rendrions en ce domaine.

Bien sûr, nous aurons des débats importants sur la seconde partie. Quoi qu’il en soit je forme le vœu que la majorité parlementaire se souvienne du pouvoir qui est le sien, et que les portes ne resteront fermées que si elle ne veut pas les ouvrir ; je forme le vœu, en un mot, qu’elle se saisisse de l’opportunité qui lui est donnée, à travers quelques amendements d’importance, d’offrir à la France l’impôt progressif qu’elle attend.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Avec cet article, le Gouvernement sort son arme de démagogie massive. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Romain Colas. C’est un spécialiste qui parle !

Mme Monique Rabin. La défiscalisation des heures supplémentaires, ce n’était pas démagogique, peut-être ?

M. Alain Chrétien. Selon l’esquisse du quinquennat imaginée par le Président Hollande, il s’agissait de serrer les boulons pendant trois ans en attendant le retour de la croissance, avant de distribuer les fruits de celle-ci. Vous avez serré les boulons, la croissance n’est pas revenue mais vous entendez quand même redistribuer – on ne sait trop quoi. Vous avez augmenté les impôts de 20 milliards d’euros pour les ménages, mais sans le faire là où il l’aurait fallu.

Le pire est que les 2 milliards de baisses d’impôt ne se traduisent pas par une baisse du taux de prélèvement obligatoire, lequel passera de 44,6 % en 2015 à 44,5 % en 2016, autant dire l’épaisseur du trait. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) On verra si cette baisse de 0,1 % se confirme ou non ; reste qu’elle n’est pas significative à vos yeux.

Au reste, comment ces 2 milliards seront-ils financés ? Par l’emprunt. En d’autres termes, vous continuerez à faire des cadeaux fiscaux en empruntant, donc en transférant la charge sur les générations futures.

Le Président Hollande avait promis qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôt cette année ; mais force est de constater que n’est pas le cas, au vu de la stagnation du taux de prélèvements obligatoires. Avez-vous calculé, par ailleurs, les hausses d’impôts locaux auxquelles les élus se verront astreints pour compenser la baisse des dotations ?

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est faux !

M. Alain Fauré. Les élus de droite, vous voulez dire !

M. Alain Chrétien. Ces hausses d’impôts locaux ont commencé l’an dernier et se poursuivront cette année ; et je puis vous dire que les élus de droite qui les décideront le feront la mort dans l’âme.

M. Alain Fauré. C’est parce qu’ils ne savent pas gérer un budget !

M. Alain Chrétien. Ces impôts, chers collègues de la majorité, ce seront vos impôts, les impôts destinés à compenser la baisse des dotations que vous avez décidée ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Michel Vergnier. C’est un peu facile !

M. Alain Fauré. Démagogue !

M. Alain Chrétien. Il est donc faux de dire, comme le prétend le slogan préélectoral, qu’il n’y a pas d’augmentation d’impôt. N’oubliez pas que toutes les augmentations d’impôts locaux qui interviendront dans les mois qui viennent sont, je le répète, de votre fait.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est faux ! Tous les maires n’ont pas augmenté les impôts !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La baisse d’impôt de 2 milliards d’euros est une mesure qu’il faut saluer, d’autant qu’elle s’ajoute à la baisse de 3 milliards décidée l’an dernier, soit 5 milliards au total. Les premiers concernés furent les plus modestes puis, cette année, les classes moyennes puisque le plafond de revenus est de 3 500 euros par mois. Au total, cela redonnera de 300 à 700 euros de pouvoir d’achat à chacun des ménages concernés, ce qui effacera tout ou partie des augmentations d’impôt ou des avantages fiscaux dont les familles nombreuses, les heures supplémentaires ou la part patronale complémentaire avaient pu bénéficier. Je rappelle aussi que nous avions dû encaisser, à la fin du mandat précédent, les décisions de gel du barème et de suppression de la demi-part des veuves.

M. Chrétien a évoqué un financement par l’emprunt. Pas du tout, mon cher collègue : il vous a visiblement échappé que la loi contre la fraude et l’évasion fiscale a rapporté à la France 2,5 milliards par an depuis deux ans : c’est de là que proviendra, pour l’essentiel, le financement de la baisse d’impôt dont nous parlons.

M. Alain Chrétien. C’est une dépense !

M. Éric Alauzet. Bref, la mesure a le mérite d’être financée par la lutte contre l’évasion fiscale ; en d’autres termes, par de l’argent récupéré auprès de ceux des plus favorisés qui ont triché en cherchant à échapper à l’impôt. C’est avec cet argent-là que nous aiderons les plus modestes ! S’il est une mesure de gauche, c’est bien celle-là.

Cet après-midi, monsieur Abad, vous faisiez, à travers la défiscalisation des heures supplémentaires, l’apologie de la valeur travail. Figurez-vous que la baisse d’impôt dont nous parlons est, elle aussi, destinée aux gens qui travaillent ainsi qu’aux retraités, puisqu’elle concerne ceux qui gagnent entre 1 500 et 3 000 euros par mois : en somme, nous partageons les mêmes valeurs et nous disons la même chose. Inutile par conséquent d’en faire des louches, si vous me passez l’expression.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’article 2, traditionnellement dévolu au barème de l’impôt sur le revenu, comporte cette année quelques nouveautés. Comme l’an passé, il prévoit la sortie ou la baisse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour près de 7 millions de nos concitoyens.

Bien sûr, cela offrira un peu d’oxygène aux plus modestes d’entre eux ainsi qu’aux classes moyennes, mais n’oublions jamais, chers collègues de l’opposition, que tous les foyers paient l’impôt à travers la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, la contribution sociale généralisée, la CSG, voire l’impôt local.

Il est très préoccupant de voir combien, en l’absence d’une réforme fiscale globale, le consentement à l’impôt a été abîmé. La cristallisation du débat sur une baisse d’impôt de 2 milliards a tout de même de quoi surprendre, pour employer un euphémisme : cette mesure, certes utile aux intéressés, ne représente en effet que 0,1 % du produit intérieur brut – PIB –, alors que, dans le même temps, l’augmentation de la TVA de 4 milliards, elle, ne suscite pour ainsi dire aucun débat. Rappelons d’ailleurs que la TVA est l’impôt le plus injuste ; et rappelons-nous les débats que nous avions eus dans cet hémicycle en juillet 2012 – période qui semble remonter à la préhistoire – sur l’injustice de la TVA : c’est ce qui nous avait conduits, chers collègues du groupe SRC, à supprimer la « TVA anti-sociale ».

M. Alain Chrétien. La TVA a augmenté ensuite !

M. Nicolas Sansu. Enfin, on ne peut analyser les prélèvements et l’impôt sur le revenu indépendamment des niches fiscales, que le Président de la République s’était engagé à diminuer de 50 milliards d’euros. Or ces niches, qui représentaient de 70 à 75 milliards en 2012, atteignent aujourd’hui 89 milliards. Cela pose un problème au regard de l’impôt progressif et direct.

Nous soutiendrons donc l’article 2, tout en rappelant que l’enterrement de la réforme fiscale aura pesé lourd. Non, monsieur Alauzet, cette baisse ne compense pas toutes les hausses d’impôt précédentes : selon un excellent journal satirique paraissant le mercredi, un contribuable qui aurait payé 756 euros n’en paiera que 543 euros cette année, mais le même contribuable ne payait pas d’impôt en 2013.

M. Éric Alauzet. C’est bien ce que j’ai dit : elle les compense en partie.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. L’article 2, à l’évidence un des plus importants de ce projet de loi de finances, a pour objet d’abaisser l’impôt des ménages,…

M. Nicolas Sansu. Nous parlons seulement de l’impôt sur le revenu !

M. Dominique Lefebvre. …tout comme nous abaissons les charges sociales qui pèsent sur les entreprises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. De plus, nous le faisons en réduisant le déficit.

M. Alain Chrétien. Le déficit ne baisse pas !

M. Dominique Lefebvre. Autrement dit, la disposition est financée par les mesures de maîtrise de la dépense publique. Tel était l’engagement pris par le président Hollande dans le pacte de responsabilité et de solidarité, afin de permettre aux Français qui ont fait des efforts d’en bénéficier le plus rapidement possible, à hauteur de 5 milliards d’euros.

Je me félicite que cette disposition s’inscrive dans la suite des conclusions du rapport que j’avais rendu au nom du groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas vraiment le cas !

M. Dominique Lefebvre. Ce rapport, je le rappelle, comportait trois préconisations.

Premièrement, notre système socio-fiscal est un des plus redistributifs au monde et le problème de la France est celui des inégalités de revenu primaire, qui dépendent d’abord du chômage. C’est là, monsieur Sansu, que notre action en faveur de la compétitivité des entreprises trouve sa justification, puisqu’elle permettra de déclencher l’emploi.

Deuxièmement, le prélèvement à la source est un choix politique parfaitement réalisable et il appartient au Gouvernement de le proposer. De fait, nous débattrons de ce sujet lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.

Troisièmement, s’il y a lieu de discuter d’une réforme en profondeur de notre système fiscal, qui est extrêmement complexe, le problème que pose aujourd’hui ce système est le bas du barème, l’entrée dans l’impôt sur le revenu et les effets de seuil. En l’occurrence, de qui parlons-nous ? Des Français qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu et en 2011 et qui ont dû le payer en raison des mesures prises en 2012 et 2013. Sont en cause le gel du barème pendant deux ans et la suppression de la « demi-part des veuves » par la droite, mais aussi la refiscalisation des heures supplémentaires et l’intégration de la majoration de pension de 10 % dans l’assiette de l’impôt.

Ce que nous faisons, nous l’assumons. Comme je l’ai dit hier dans la discussion générale, nous menons une politique de justice fiscale. Après les mesures prises en début de quinquennat, nous restituons du pouvoir d’achat à ceux des Français qui en ont le plus besoin, sachant que ce pouvoir d’achat soutiendra les entreprises, l’économie, la croissance et donc l’emploi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 2 prévoit une baisse de 2,1 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, qui concernera 8 millions de foyers fiscaux via une réforme du mode de calcul de la décote. Ajoutons à cela que 500 000 foyers sortiront du champ de l’impôt et que 500 000 autres foyers n’y rentreront pas.

S’agissant de la réduction de la pression fiscale, nous sommes tous d’accord : c’est un impératif pour redresser le pays. Toutefois, il faut prendre en compte un souci de justice fiscale. L’effort ne doit pas reposer toujours sur les mêmes. Je rappelle que, depuis 2012, aucun allégement n’a été accordé aux classes moyennes.

M. Dominique Lefebvre. C’est quoi, pour vous, les classes moyennes ?

Mme Véronique Louwagie. En 2012, 52,5 % des foyers fiscaux payaient l’impôt, alors que l’on prévoit une proportion de 46 % en 2016.

À cette observation, il est répondu que le Gouvernement revient somme toute au niveau de 2010, année où, en effet, seuls 45,9 % des Français payaient l’impôt sur le revenu. C’est omettre le grand changement qui est intervenu entretemps, à savoir l’augmentation de ce prélèvement de 20 milliards d’euros,…

M. Damien Abad. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. …20 milliards prélevés dans la poche de 46 % des foyers fiscaux français !

M. Damien Abad. Il y a donc eu concentration de l’impôt.

Mme Véronique Louwagie. En 1973, le Conseil constitutionnel reconnaissait la valeur constitutionnelle du principe d’égalité devant l’impôt. Il est important que nous gardions à l’esprit cette égalité, qui repose sur la progressivité et la proportionnalité. Dans ce texte, je crois que nous la mettons à mal.

Un chiffre pour terminer : 10 % des Français gagnent 34 % des revenus mais paient 70 % de l’impôt sur le revenu.

M. Nicolas Sansu. C’est encore trop peu !

Mme Véronique Louwagie. Ces trois pourcentages doivent nous alerter quant à votre dispositif, qui ne répond pas à l’exigence d’équité fiscale.

M. Michel Vergnier. Cela n’a aucun rapport !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il faut tout d’abord mettre fin à une forme de mystification, à vrai dire habituelle depuis vingt-deux ans que je fréquente cette assemblée. Va-t-on, comme on nous l’affirme, abaisser l’impôt sur le revenu de 2 milliards ? Pas du tout ! Je vous renvoie au chiffre : le produit estimé de l’impôt sur le revenu pour 2015 s’élève à 69,6 milliards, celui de l’impôt sur le revenu pour 2016 – en y intégrant ces 2 milliards – à 72,3 milliards. Ce qui signifie que, globalement, l’impôt sur le revenu progresse de 2,7 milliards !

On peut toujours objecter qu’il aurait progressé de 4,7 milliards sans ces mesures et que celles-ci permettent de rendre, en masse, entre 40 et 45 % d’augmentation, mais arrêtons de parler de baisse de l’impôt sur les ménages ! L’aggravation est bien de 2,7 milliards, soit beaucoup plus que la différence – quelques centaines de millions de plus – entre le produit 2014 et celui 2015. Bref, l’impôt sur le revenu est en forte hausse.

J’en viens à une question qui traverse chacun des courants politiques ici représentés : est-ce une bonne chose de réduire le nombre de foyers fiscaux qui paient l’impôt sur le revenu ? Nous sommes, de ce point de vue, une anomalie. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs ont toujours suivi le même schéma : le nombre de foyers imposés augmente en début de mandat, puis, en fin de mandat, on prend des mesures pour faire à nouveau basculer dans la non-imposition une part importante de foyers.

C’est d’ailleurs ce que vous avez fait, monsieur le secrétaire d’État, puisque ce nombre a augmenté jusqu’à 53 % avant de revenir, en fin de mandat, à peu près à la situation qui existait en début de mandat. Est-ce une bonne chose ? Plusieurs collègues, notamment socialistes, ont posé la question et ont répondu par la négative, estimant que tous les citoyens devaient avoir le sentiment…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. On peut considérer que nous avons, avec la CSG, un deuxième impôt sur le revenu. Mais tout le monde ne paie pas la CSG,…

M. Razzy Hammadi. C’est vrai !

M. Charles de Courson. …contrairement à ce que certains voudraient faire croire : elle ne concerne que 80 % des Français.

M. Alain Fauré. Ce n’est déjà pas mal !

M. Charles de Courson. En outre, il y a des taux de CSG différenciés.

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé.

M. Alain Fauré. Coupez-lui le micro, madame la présidente !

M. Charles de Courson. Un dernier mot sur la progressivité et la décote. Avec la suppression de la tranche à 5,5 %, qui était selon moi une erreur, on se retrouve avec une progressivité très forte. Celle-ci sera atténuée par les mesures proposées par le Gouvernement, certes, mais elle restera très supérieure au taux de 5,5 %.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Charles de Courson. On a donc une progressivité, puis une dégressivité, puis une nouvelle progressivité…

Mme la présidente. Nous en resterons là, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Provisoirement, madame la présidente ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes.

La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. L’article 2 reflète bien les allers et retours incessants de cette majorité. En début de mandat, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes livré à un détricotage fiscal en démontant une à une les mesures de l’ancienne majorité.

M. Michel Vergnier. Bien sûr ! À commencer par le bouclier fiscal !

M. Razzy Hammadi. Vous nous reprochez de pas l’avoir fait pour la « demi-part des veuves » !

M. Damien Abad. En milieu de mandat, vous êtes passé au matraquage fiscal. Et voilà qu’aujourd’hui, vous nous faites le coup du mea culpa fiscal !

M. Razzy Hammadi. Quel sens de la formule !

M. Damien Abad. « Nous nous sommes trompés, nous dites-vous, nous avons augmenté massivement les impôts, tous les Français sont mécontents et, pour éviter les jacqueries fiscales, nous allons corriger les erreurs que nous avons commises. » En matière de politiques publiques, il y a tout de même mieux que ces incohérences permanentes !

De plus, ce mea culpa fiscal se transforme en illusionnisme fiscal. Comme l’a souligné M. de Courson, ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Mais arrêtez donc !

M. Damien Abad. Vous prétendez baisser l’impôt de 2 milliards, mais le taux de prélèvements obligatoires ne diminue pas, ou quasiment pas. C’est bien la preuve que le niveau d’imposition reste stable. Vous savez très bien que la contribution climat énergie augmente, de même que les taxes sur l’électricité.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous croyez peut-être que ce n’est pas pris en compte dans les prélèvements obligatoires ? Vos propos sont malhonnêtes !

M. Damien Abad. La vérité, c’est que vous opérez un tour de passe-passe dont les Français ne seront évidemment pas dupes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’avais pas l’intention de parler, mais j’entends tellement de choses qu’il me semble bon de rappeler certaines évidences.

M. Razzy Hammadi. Après M. Abad, cela s’impose !

Mme Marie-Christine Dalloz. À ceux qui affirment, comme le fait la rapporteure générale dans son rapport, que la réforme de la décote adoucit la pente d’imposition à l’entrée du barème, je rappelle donc que les premiers revenus imposables dépassant le plafond de la décote et les revenus « moyens bas » imposables entrent directement aux taux de 14 %, ce qui est tout de même assez incroyable !

Alors que notre système était connu pour sa progressivité, avec des taux s’étageant entre 5,5 et 45 %, il ne nous reste plus aujourd’hui que quatre taux : 14, 30, 41 et 45 %. Le graphique figurant à la page 52 premier volume du deuxième tome du rapport général est à cet égard édifiant : on n’a rien adouci du tout, on a au contraire précipité l’entrée dans une fiscalité plus dure pour des ménages qui perçoivent 3 400 euros par mois.

M. Damien Abad. Exactement !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la réalité, et il faudra que vous l’admettiez un jour !

Toujours dans cet excellent rapport, on trouve une allusion aux effets de l’évolution de l’inflation sur la CSG. J’aimerais que l’on m’explique précisément l’effet de cette mesure sur le budget de la sécurité sociale. De même, on n’a pas mesuré l’impact de la révision du revenu fiscal de référence sur les recettes des collectivités territoriales. Ces dernières seront-elles encore mises à contribution alors qu’elles ne peuvent déjà plus boucler leur budget aujourd’hui ?

M. Damien Abad. La majorité les a étranglées !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Il y aurait tant de choses à dire, madame la présidente !

Commençons par essayer de nous mettre d’accord sur les chiffres. Ceux que vous produisez, madame Louwagie, ne sont pas justes.

M. Alain Fauré. Eh oui ! Elle ment !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2015, les 10 % des Français les plus riches percevaient bien 34 % des revenus, mais il est faux de dire qu’ils payaient 70 % de l’impôt sur le revenu. Cette part est en réalité de 67,8 %. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Chrétien. Ça change tout, en effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et savez-vous à combien elle s’élevait en 2011, vous qui trouvez le chiffre de 2015 excessif ? À 72,4 %, soit cinq points de plus, madame Louwagie !

M. Charles de Courson. Le montant était cependant plus faible !

Mme Véronique Louwagie. De 20 milliards !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors arrêtez de dire que nous avons concentré l’impôt sur les plus aisés car c’est faux ! La concentration était plus élevée de cinq points en 2011, alors que nous n’étions pas au Gouvernement.

M. Charles de Courson. Mais l’impôt sur le revenu est aujourd’hui de 20 milliards plus élevé !

M. Hervé Mariton. Je ne pense pas que vous puissiez étendre la démonstration aux classes moyennes supérieures, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les classes moyennes, je vais y venir si on m’en laisse le temps, monsieur Mariton, mais je crains d’être interrompu. J’ai trop de choses à dire, parce que je ne supporte pas le mensonge !

Quand vous affirmez que les prélèvements obligatoires ne baissent pas, monsieur Chrétien, c’est un mensonge.

M. Alain Chrétien. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2014, le taux de prélèvements obligatoires était de 44,9 % ; en 2015, il était de 44,6 %, c’est-à-dire qu’il a baissé ;…

M. Alain Chrétien. J’ai dit qu’il restait stable entre 2015 et 2016 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en 2016, il sera de 44,5 %, soit une nouvelle baisse.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. De 0,1 % !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors arrêtez de dire que les prélèvements obligatoires ne baissent pas : ils baissent, et ce pour la troisième année consécutive ! (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Mariton. Pourquoi vous faut-il vous énerver pour essayer de nous convaincre ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Venons-en aux 20 milliards d’impôt sur le revenu en plus entre 2011 et 2015… (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Pourrions-nous nous écouter les uns les autres, mes chers collègues. Il n’est que dix heures du soir !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh bien, ce n’est pas 20, mais 18 milliards, madame Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas loin !

M. Christophe Caresche. Bravo pour ce mea culpa, madame Louwagie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous l’accorde. Et permettez-moi de vous donner le détail de cette hausse de 18 milliards entre 2011 en 2015. De 2011 à 2012, l’impôt sur le revenu a augmenté de 8 milliards. Oui, vous avez bien entendu : de 2011 à 2012 !

M. Razzy Hammadi et M. Dominique Lefebvre. Eh oui, c’est le budget que vous avez voté !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il a ensuite augmenté de 5 milliards du fait du prolongement des mesures que vous aviez prises, tels la suppression de la demi-part, dont nous avons beaucoup parlé, et le gel du barème.

M. Razzy Hammadi. Cela aussi, il a fallu qu’on le corrige !

M. Alain Chrétien. Êtes-vous capable d’autre chose que de regarder en permanence dans le rétroviseur !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puis il a augmenté de 3 milliards en raison d’une mesure que vous connaissez bien – je ne sais si c’était la révolution et M. Baumel n’est plus dans l’hémicycle pour nous le dire –, l’alignement de l’impôt sur les revenus du capital, que nous avons mis au barème, et de l’impôt sur le revenu.

Il faut ajouter à cela 2 milliards d’euros d’augmentation « spontanée » due à la hausse de la masse salariale. Convenez au moins que ce chiffre est plausible pour la période 2011-2015.

Il est également vrai que notre gouvernement a relevé l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros, essentiellement par deux mesures, la nouvelle tranche à 45 % et l’abaissement du plafond des effets du quotient familial, sans compter le plafonnement de différentes niches.

M. Dominique Lefebvre. Considérez-vous que la tranche à 45 %, ce sont les classes moyennes, mes chers collègues de l’opposition ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or, en deux ans, nous venons de diminuer l’impôt sur le revenu du même montant de 5 milliards.

M. Hervé Mariton. Pas pour les mêmes ménages !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, monsieur Mariton, et j’ai bien dit, lors de la discussion générale à laquelle vous assistiez, que je l’assumais. En effet, il y a des impôts qui ont augmenté pour certains – notamment dans la tranche à 45 % – plus que pour d’autres.

Ensuite, professeur de Courson (Sourires), vous nous dites qu’entre 2015 et 2016, l’impôt sur le revenu est passé de 69,6 à 72,3 milliards.

M. Charles de Courson. Ce sont les chiffres qui figurent dans votre document !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne conteste pas vos chiffres, sauf que vous savez comme moi qu’entre-temps la prime pour l’emploi a disparu. La réduction d’impôt de 2 milliards, qui était appliquée en 2015, doit donc être défalquée de la différence.

M. Charles de Courson. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, monsieur de Courson ! À mesures égales, nous passons de 69,6 à 72,3 milliards, soit une augmentation de 2,7 milliards, moins les 2 milliards liés à la réintégration de la prime pour l’emploi. Il s’agit donc d’une augmentation de 700 millions d’euros, sur un total qui avoisine les 70 milliards. Convenez avec moi que, là encore, nous le devons à l’augmentation spontanée et naturelle de la masse salariale.

Je m’en tiendrai là pour l’instant, en attendant de faire quelques commentaires complémentaires. Tous ces chiffres figureront au compte rendu de la séance, mesdames et messieurs les députés. Je les assume et vous invite à les consulter car nous ne devons pas tordre le cou aux chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 79 rectifié, 536 rectifié et 176, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n79 rectifié.

M. Damien Abad. Cet amendement vise à suivre la logique inverse de celle qui est proposée dans l’article 2, qui prévoit que 500 000 personnes vont sortir de l’impôt. Il s’agit de défendre, au nom de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe de l’universalité de l’impôt sur le revenu.

L’impôt sur le revenu pose des problèmes en termes de lisibilité, du fait notamment des nombreuses niches fiscales, en termes d’équité, puisque moins de la moitié des Français le paient, et en termes d’efficacité.

Cet amendement, qui tend à renforcer le principe d’universalité, contient deux parties : la première établit un impôt sur le revenu minimum obligatoire au taux de 2 %, et la deuxième rétablit le seuil, que vous avez abaissé dans la précédente loi de finances, de la deuxième tranche, afin d’éviter la concentration de l’impôt sur les classes moyennes.

L’amendement va dans le sens de celui que présentera tout à l’heure l’un de vos collègues, mais il va plus loin puisqu’il ne se contente pas de proposer une contribution citoyenne mais pose le principe d’une flat tax. Dans la mesure où, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes dans un état de mea culpa fiscal, je vous propose d’aller jusqu’au bout en adoptant cet amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas du tout dans un état de mea culpa fiscal ! Ai-je une tête de repenti ?

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n536 rectifié.

M. Razzy Hammadi. Il y a dans notre pays un certain nombre de principes et de symboles auxquels les Françaises et les Français sont attachés. Or si nous savons le temps, l’énergie et les combats qu’il a fallu pour les conquérir, nous n’avons pas toujours conscience de la rapidité avec laquelle ils peuvent être remis en cause.

J’ai choisi de présenter cet amendement dans l’hémicycle pour que, dans un premier temps, nous puissions en débattre, et pour entendre ce que disent, qu’on le veuille ou non, une majorité de Français qui considèrent qu’il y a un sens à poser à nouveau la question de l’universalité de l’impôt sur le revenu.

M. Damien Abad. Très bien !

M. Lionel Tardy. Il a raison !

M. Razzy Hammadi. Je soutiens, je le souligne, cette politique historique de réduction de l’impôt, rendue possible par la responsabilité et le sérieux dont le Gouvernement a fait preuve, et ce en dépit de nombreuses contraintes, dont le bilan qui nous a été transmis. Mais il y a une différence entre baisse de l’impôt et suppression de l’impôt.

M. Damien Abad. Exactement !

M. Razzy Hammadi. Je présenterai rapidement quatre arguments que nous reprendrons au cours du débat.

En ce qui concerne la CSG, comme M. de Courson l’a justement rappelé, elle n’est pas payée par tous. En outre, tout ne se vaut pas : la CSG n’a ni les mêmes déterminants ni les mêmes objectifs que l’impôt sur le revenu.

La TVA, elle, est due par tous, me dira-t-on. Mais elle peut être aussi payée par des étrangers – des touristes, par exemple –, qui ne sont ni citoyens ni résidents, de la même manière que la CSG peut être payée par des travailleurs étrangers saisonniers.

Quant au coût du prélèvement de l’impôt, c’est bien le seul argument qu’entendent, depuis de nombreuses années, ceux qui se sont engagés dans un combat en faveur de l’universalité – lequel trouve des soutiens à droite comme à gauche, c’est-à-dire chez tous les républicains.

Je terminerai sur un point essentiel : les Français veulent vivre ensemble. Pour cela, il faut de la volonté, mais il y a des principes et des symboles qu’il faut savoir nourrir car ils ont du sens.

M. Charles de Courson. C’est beau comme l’antique !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n176.

M. Damien Abad. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous avez vous-même, cher collègue, avancé l’argument : chaque Français s’acquitte de la TVA et de la CSG. Même s’il existe quelques exceptions à ce principe, été rappelées par M. de Courson, on ne peut accréditer dans le débat public l’idée selon laquelle certains Français ne paieraient pas d’impôt. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable à ces trois amendements.

Monsieur Abad, en fixant le seuil à 11 991 euros, vous faites supporter par les ménages les moins aisés le coût de votre proposition. L’avis est donc doublement défavorable sur l’amendement n79 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le débat est intéressant. Quel est le taux moyen d’imposition des Français sur l’ensemble de leurs revenus ? Ils paient en moyenne 7 % au titre de l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Si vous intégrez ceux qui ne sont pas imposables !

Mme Véronique Louwagie. Cela ne veut rien dire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Chaque contribuable peut ainsi comparer à cette moyenne le taux moyen d’imposition qui figurer sur son avis d’imposition.

Quant au taux de la CSG et de la CRDS – payées par 80 % des Français –, il est de 8 %. Cela veut dire qu’en moyenne, les Français paient plus de CSG que d’impôt sur le revenu. Vous êtes en train de nous expliquer qu’il ne serait pas juste que certains ne paient pas d’impôt sur le revenu, alors que tout le monde, à partir du premier euro, paie la CSG au taux de 8 % ?

M. Hervé Mariton. Pas tout le monde !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas tout le monde, certes. Mais quels sont ceux qui sont exonérés, monsieur Mariton ?

M. Charles de Courson. Les minimas de solidarité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sont exonérés de CSG les retraités pauvres, ceux justement dont le revenu fiscal de référence est faible. Ce sont eux que vous voulez assujettir à l’impôt sur le revenu ?

Mme Sandrine Mazetier. Eh oui ! Ce sont toujours les mêmes que la droite veut faire payer !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sont exonérés ceux qui perçoivent des revenus de remplacement, tels que les indemnités journalières…

M. Charles de Courson. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …– c’est à vérifier –, ou le RSA. Ce sont ces contribuables-là que vous voulez imposer au premier euro ? Il faut le dire !

Je crois encore un peu en la vertu de la pédagogie, tandis que vous, monsieur Hammadi, vous voulez croire aux symboles – c’est le mot que vous avez employé.

Si nous expliquons aux Français qu’ils paient tous 8 % d’impôt sur l’ensemble de leurs revenus, ils peuvent comprendre que les plus modestes – soit un peu plus de la moitié d’entre eux – ne paient pas d’impôt sur le revenu.

Naturellement, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. Pierre-Alain Muet et M. Romain Colas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Mes chers collègues, je trouve ce débat très intéressant. Razzy Hammadi a eu le courage de déposer cet amendement dans le cadre de cette discussion budgétaire. Il est peut-être isolé, mais il a eu le courage de le faire. C’est un débat qui nous intéresse, même si M. le secrétaire d’État semble le rejeter d’un revers de main au motif qu’il n’est pas à l’ordre du jour.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai commencé par dire qu’il était légitime !

M. Alain Chrétien. Nous avons le droit, ici, de réfléchir à la possibilité pour chaque citoyen de contribuer au financement des services publics de base de la République française.

M. Nicolas Sansu. Il le fait déjà !

M. Alain Chrétien. La grande différence entre l’impôt sur le revenu et la CSG, c’est en effet que celle-ci finance des prestations sociales, tandis que celui-là finance les services publics de base…

M. Nicolas Sansu. Et la TVA ?

M. Alain Chrétien. …notre sécurité, les communications, tout ce qui fait que la France fonctionne –sans oublier l’école.

Je considère que c’est un débat sain, qu’il convient de mener sans passion. De toute façon, la question reviendra dans cet hémicycle au cours des prochaines années : on ne peut pas continuer ainsi, avec une moitié de Français qui, certes, paient des contributions sociales, la redevance audiovisuelle, la taxe d’habitation, mais sont totalement déconnectés de la problématique de l’impôt sur le revenu. Quand, à la télévision, on leur dit que leurs impôts vont baisser, ils ne savent pas ce que cela veut dire parce qu’ils n’en paient pas.

C’est un débat sain que nous devons engager tranquillement, et qui de toute façon sera récurrent. Soit vous le subissez, soit vous le prenez à bras-le-corps. Le grand courage du député Hammadi est de l’avoir suscité dans son propre parti – un parti au sein duquel beaucoup de tabous sont en train de sauter.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En commission des finances, j’avais qualifié de sympathique l’idée de notre collègue, tout en ajoutant que c’était une fausse bonne idée. C’est pourquoi je n’avais pas voté l’amendement.

Faire croire qu’il n’y a que l’impôt sur le revenu dans le système de prélèvements obligatoires, avouez que c’est un peu réducteur : il ne représente que 72 milliards, contre plus de 90 milliards pour la CSG, 140 milliards pour la TVA, et j’en passe…

M. Nicolas Sansu. Vous oubliez les cotisations sociales !

M. Charles de Courson. Il y a quelque chose de presque schizophrénique, au sens psychiatrique du terme, à vouloir faire payer un petit impôt sur le revenu à ceux qui n’en sont aujourd’hui pas redevables tout en réduisant, simultanément, le nombre de ceux qui n’en paieront plus. Il y a là une contradiction interne que j’ai du mal à expliquer.

Moins de 50 % des Français paient aujourd’hui l’impôt sur le revenu, alors que nous étions parvenus il y a un peu plus de dix ans à un taux de 56 %. La seule politique sérieuse, mes chers collègues, consisterait donc à reprendre, progressivement, l’intégration des couches moyennes dans le barème. Mais à chaque fin de mandature, patatras ! on prend des mesures contraires et chacun trouve cela formidable.

Je vous rassure, ce n’est pas cela qui vous permettra d’être réélus : vous serez battus, comme toutes les majorités l’ont été, sauf une.

M. Marcel Rogemont. Le pire n’est jamais sûr !

M. Charles de Courson. Non, mais il est fort probable…

Ce que vous proposez n’est pas raisonnable, et de plus cela ne sert à rien.

Monsieur le secrétaire d’État, quand vous dites que l’impôt sur le revenu représente 7 % des revenus des Français, c’est vrai si vous prenez l’assiette, non pas de l’impôt sur le revenu mais de la CSG, qui s’élève à 1 100 milliards. Mais si vous ramenez les 72 milliards à l’assiette de l’impôt sur le revenu – de mémoire, 440 milliards – cela fait 16 %. Ce n’est pas tout à fait la même chose ! Cela correspond en moyenne à deux mois pour ceux qui sont imposables. Quoi qu’il en soit, l’assiette n’est pas réduite de 300 milliards.

Mme la présidente. Votre temps de parole, lui, est réduit à deux minutes !

M. Charles de Courson. Il faut donc relativiser les choses.

M. Dominique Lefebvre. Nous allons vous donner les vrais chiffres !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il est important que nous ayons un débat sur cette fiction choquante selon laquelle la moitié seulement des Français paierait l’impôt sur le revenu.

Mme Véronique Louwagie. C’est le cas !

M. Pierre-Alain Muet. Non ! Nous avons en France une particularité : il existe deux impôts sur le revenu.

Comment, en effet, définir un impôt sur le revenu ? Il s’agit d’un impôt qui pèse sur le revenu et qui finance soit des prestations universelles, soit des dépenses qui sont, par nature, universelles, c’est-à-dire des dépenses publiques. Ces critères s’appliquent à la CSG, selon la conception du Conseil constitutionnel, ainsi qu’à l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Venons-en aux comparaisons internationales. Quel est le poids de l’impôt sur le revenu dans les grands pays ? En général, il représente 8 à 10 % du PIB. Chez nous, l’IR stricto sensu se monte à 3,5 % et la CSG à un peu moins de 5 %. Leur somme, qui figure dans toutes les comparaisons internationales, s’établit à 8,3 %.

Ce taux est comparable à celui de 9,5 %, qui s’applique en Allemagne, à celui de 9 %, qu’on rencontre au Royaume-Uni, à celui de 10 %, qui prévaut aux États-Unis, et à celui de la plupart des autres pays, généralement compris entre 8 % et 10 %.

Le vrai problème de la France est non que la moitié des Français ne paieraient pas l’impôt sur le revenu, mais que nous avons, pour utiliser un mot que vous avez vous-même prononcé, monsieur Abad, une flat tax, à savoir la CSG, au taux de 8%, que tout le monde paie ou presque.

M. Charles de Courson. Et les cotisations sociales ?

M. Pierre-Alain Muet. C’est ce qui donne une structure particulière à notre impôt sur le revenu. Non seulement celui-ci est plus faible que la CSG, mais, quand on examine la situation par décile de revenu, on s’aperçoit que le taux de la CSG est plus élevé que celui de l’IR. Seuls les 10 % les plus riches paient plus d’IR que de CSG.

Dans aucun pays, le taux de l’impôt sur le revenu ne commence à 8 %. Le taux de la première tranche du barème est toujours plus faible. L’IR est très lourd pour les Français les plus modestes et progressif pour les autres.

La réforme qui s’impose et qui nous remettrait dans le lot commun de tous les pays serait de rendre la CSG progressive en l’abaissant sur les revenus les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Eva Sas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Il est tout de même très surprenant – M. de Courson n’a pas tort de parler de schizophrénie – d’entendre certains expliquer qu’il n’est pas grave que tous les Français n’acquittent pas l’impôt le plus proportionnel et le plus progressif, l’impôt sur le revenu, du moment que les plus pauvres paient les impôts les plus injustes, comme la TVA et la CSG.

Ils considèrent en somme que l’impôt auquel nous sommes le plus attachés ne devrait pas être supporté par le plus grand nombre, parce que celui-ci contribue déjà par le biais des impôts les plus injustes. Voilà un argument pour le moins surprenant !

Le débat que je veux ouvrir ne porte pas seulement sur le fait de savoir qui paie ou non. Le véhicule de la contribution a autant de sens que la contribution elle-même. Nous remontons à l’origine des discussions qui ont installé l’IR dans notre pays.

Par ailleurs, je trouve incroyable d’entendre dire qu’une cotisation symbolique, civique, minimum et obligatoire…

M. Pierre-Alain Muet. Cette cotisation existe et elle n’a rien de symbolique : c’est la CSG !

M. Razzy Hammadi. …serait une somme prise aux plus pauvres, alors qu’aucune protestation ne s’est jamais élevée dans cet hémicycle contre la redevance audiovisuelle de 136 euros, que paient les plus modestes.

Mme Monique Rabin. Non, ils ne la paient pas.

M. Razzy Hammadi. Cette taxe est en effet reliée au rôle de la taxe d’habitation. C’est un point sur lequel nous projetons de légiférer.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. M. Hammadi est courageux d’ouvrir ce débat dans l’hémicycle. Je le rejoins sur un point : il est contre-intuitif que l’impôt qui devrait être le moins universel soit le plus progressif. En toute logique, il faudrait au contraire que le plus progressif, c’est-à-dire l’impôt sur le revenu, soit le plus universel.

J’entends l’argument de M. Muet, mais je ne suis pas favorable à une CSG progressive. À mon sens, le bon système consisterait à élargir la base de l’impôt.

M. Muet le sait bien, d’ailleurs, puisqu’il est professeur d’économie : un bon impôt est un impôt à assiette large et à taux bas. Force est de constater que l’IR est tout le contraire.

M. Hammadi propose plus une contribution citoyenne qu’une flat tax, si l’on s’en tient au niveau d’imposition. Pour ma part, compte tenu du coût de recouvrement, qui est un des problèmes de l’impôt, je suis plutôt favorable à une flat tax.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas échapper à ce débat. Encore faut-il se poser la bonne question. Coller des rustines sur un ballon crevé ne permet pas d’obtenir un ballon neuf.

Force est de constater que si nous avons autant de niches fiscales, c’est aussi parce que l’impôt sur le revenu dysfonctionne, ce qui mérite une vraie réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je remercie M. Hammadi d’avoir, par sa proposition, ouvert un débat qui nous permet de prendre du recul. Remontons encore plus loin dans le temps. Sous l’Ancien Régime, tout le monde payait la gabelle, qui était un impôt sur le sel, mais, pour le reste, seuls les pauvres payaient des impôts,…

M. Michel Vergnier. C’était le bouclier fiscal !

M. Jacques Lamblin. …dont les riches étaient exemptés.

Mme Cécile Untermaier. Depuis, il y a tout de même eu la Révolution !

M. Jacques Lamblin. Lorsque les Révolutionnaires ont rédigé la Déclaration des droits de l’homme, afin de supprimer des inégalités, ils auraient pu disposer que seuls les riches devaient payer l’impôt. Le peuple l’aurait compris. Or, résistant à cette tentation, ils ont introduit la notion d’universalité de la contribution au fonctionnement de la nation.

La proposition de M. Hammadi est très importante sur le plan symbolique parce que la mesure qu’il préconise participerait à l’unité nationale. Ne faut-il pas mettre en place des mesures qui vont dans ce sens ?

Le but n’est pas nécessairement de faire payer plus d’argent aux plus pauvres. Pourquoi ne pas organiser des transferts d’une taxe vers un impôt ? Sur le plan du symbole, c’est un élément qu’il serait intéressant de mettre en œuvre.

In cauda venenum. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes de mauvaise foi, quand vous citez un pourcentage moyen qui ne veut rien dire. Je ne retiens qu’un chiffre : 53 % des Français ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire que leur taux d’imposition sur le revenu est de 0 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Le débat révèle qu’il existe un vrai problème dans l’architecture fiscale. On ne peut pas aborder la question de l’impôt et des prélèvements uniquement sous l’angle de l’IRPP, d’autant que cet impôt représente trois points et demi de PIB.

De même, l’impôt sur les sociétés, qui fait pousser des cris d’orfraie aux chefs d’entreprise, ne représente qu’un point et demi de PIB. Au reste, c’est un impôt qui se délite, parce que son taux est trop élevé et qu’il donne lieu aux niches fiscales les plus fortes.

Le problème est que l’on n’assoit le consentement à l’impôt que sur l’IRPP, qui ne résume pas tous les prélèvements obligatoires. Nous devons débattre de la fusion de l’IR et de la CSG, sur laquelle nous ne sommes pas tous d’accord.

En juillet 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous avons discuté de la TVA, et M. Muet nous avait montré, en s’appuyant sur un opuscule réalisé par la fondation Jean-Jaurès, que l’augmentation de la TVA nuit à la consommation, qui est un moteur de la croissance.

M. Jacques Lamblin. Augmentation que vous avez décidée !

M. Nicolas Sansu. Il faut que nous débattions de la part des impôts progressifs, de celle des impôts proportionnels et de celle des impôts indirects, sans quoi nous raconterons des histoires. La proposition de M. Hammadi peut être séduisante, si l’on pose le problème du consentement à l’impôt.

M. Razzy Hammadi. Bien sûr !

M. Nicolas Sansu. On ne peut s’appuyer sur 72 ou 75 milliards pour décréter un ras-le-bol fiscal, alors que le sujet dépasse de beaucoup la question de l’impôt sur le revenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Collectivement, nous devons remercier les auteurs des amendements, qui ont permis une double clarification. Je vais tenter de résumer le débat dans des termes qui ne soient pas accessibles aux seuls spécialistes de technique fiscale et budgétaire.

En premier lieu, le poncif qui consiste à répéter que tous les Français ne paient pas l’impôt est faux. Le secrétaire d’État a cité des chiffres. J’ajoute que la TVA payée par huit ménages sur dix est proportionnelle à leur revenu. Elle est légèrement moindre pour les premiers déciles, qui ont des taux minorés, et dégressive pour le dernier décile.

Cela signifie que même un allocataire du RSA qui n’acquitte ni la CSG ni l’IR paie de l’impôt. En outre, il paie la taxe sur les produits pétroliers s’il possède une voiture.

Enfin, neuf foyers fiscaux français sur dix ont un taux d’imposition inférieur à 9 % – le chiffre émane du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. La moitié d’entre eux sont à zéro, et dans les 40 % restant, un tiers se situe entre zéro et trois, un tiers entre trois et six, et un tiers entre six et neuf. Seuls 3 % des foyers fiscaux ont un taux moyen d’imposition supérieur à 15 %.

Seconde clarification : les amendements montrent le vrai visage de la droite. Que veulent nos collègues ? Supprimer l’ISF et la tranche à 45 %. Ils veulent donc renouveler ce qu’ils ont fait dans le sillage de la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat : après avoir adopté ce texte qui conduisait à alléger l’impôt des plus riches, ils ont supprimé la demi-part des veuves. En d’autres termes, ils préfèrent prélever l’impôt sur les plus pauvres que sur les plus riches.

M. Michel Vergnier. Eh oui !

Mme Sandrine Mazetier. C’est un grand classique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. À partir d’un article qui traite de l’impôt sur le revenu, notre discussion s’est étendue à d’autres impôts, comme la CSG. Il faut donc nous poser la question : est-il encore pertinent de distinguer le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ?

Ne faut-il pas tenter de fusionner les recettes des deux budgets, sachant que les dépenses doivent être examinées par des commissions différentes, car chaque domaine a ses particularités et ses orientations ?

Certains l’ont rappelé en évoquant les prélèvements sociaux : si l’on veut établir justice et équité fiscale, il faut prendre tous les éléments et les mettre à plat.

(L’amendement n79 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je retire l’amendement n536 rectifié. Mon objectif était d’ouvrir un débat. Celui-ci n’est pas clos. Je souhaite qu’il se poursuive sans caricature. Poser la question du sens symbolique de l’impôt sur le revenu ne consiste pas à vouloir faire payer les plus pauvres. Évitons de détourner le débat de son objet.

M. Thierry Benoit. Ce n’était que de la communication !

(L’amendement n536 rectifié est retiré.)

(L’amendement n176 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Sur l’article 2, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisie de deux amendements, nos 255 et 676, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n255.

M. Charles de Courson. L’assiette de l’impôt qui sera versé en 2016 sera constituée par les revenus perçus en 2015. Or, en 2015, il n’y a pratiquement pas eu d’inflation ; elle s’est élevée à environ 0,1 %. Pour 2016, le Gouvernement anticipe une inflation de 1 %. Mais, dans la mesure où l’on paie les impôts sur les revenus de l’année N-1 avec les revenus de l’année N, ne faudrait-il pas caler purement et simplement le barème sur l’inflation prévisionnelle de l’année N, au lieu de faire ce qui a été fait durant des années, à savoir indexer le barème sur l’inflation de l’année N-1 ? Telle est la question soulevée par l’amendement n255. Je suis impatient de connaître la position du Gouvernement sur le système d’indexation du barème.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n676.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement que vous connaissez bien vise simplement à redonner à l’impôt sur le revenu une plus grande progressivité. En dépit du sort qui lui est réservé, année après année, son examen est l’occasion de souligner deux choses. Premièrement, il est nécessaire d’améliorer la progressivité car, comme l’a dit notre collègue de Courson, la pente de l’imposition est parfois excessive. Deuxièmement, notre proposition, qui prévoit de un nouveau barème et de nouvelles tranches pour les revenus les plus élevés, s’inscrit dans le cadre d’une architecture fiscale revisitée, qui ne vise pas que l’impôt sur le revenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable à l’amendement n255 de M. de Courson, puisqu’il propose d’appliquer l’inflation prévisible de 2016 à des revenus de 2015. Avis également défavorable de la commission à l’amendement n676 de M. Sansu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur de Courson, je ne sais pas si je dois compter cet amendement dans la liste, que je tiens à jour, des dépenses fiscales que vous nous proposez, dans la mesure où son adoption aurait un coût de 965 millions d’euros.

Je me demande par ailleurs si vous regrettez le gel du barème, mesure que vous avez pourtant votée à une époque, dans la mesure où ce que vous proposez va dans le sens contraire. Quand l’inflation était plutôt substantielle, vous souteniez le gel du barème ; maintenant qu’elle est très faible, vous nous proposez sa majoration. J’ai un peu de mal à comprendre ce raisonnement,…

M. Alain Fauré. Lui aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …surtout de votre part, vous qui êtes généralement assez cohérent.

M. Charles de Courson. Très cohérent !

M. Alain Fauré. Cela dépend de l’heure !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement, ainsi qu’à l’amendement n676.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, comme je vous l’ai expliqué, j’ai déposé cet amendement pour faire réagir le Gouvernement. Ne le comptez pas dans votre liste des dépenses fiscales, monsieur le secrétaire d’État, car je vais le retirer, comme j’ai retiré, par le passé, tous les amendements de cette nature. Il n’en est d’ailleurs pas un qui vous ait coûté le moindre sou – même celui qui ne vous coûtait pratiquement rien, vous l’avez refusé. Vos comptes sont donc mal tenus.

Le vrai problème réside dans le fait que l’on paie les impôts sur les revenus de l’année N-1, avec les revenus de l’année N.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous êtes donc pour la retenue à la source ?

M. Charles de Courson. Nous en discuterons tout à l’heure.

(L’amendement n255 est retiré.)

(L’amendement n676 n’est pas adopté.)

M. Nicolas Sansu. Cela rapporterait pourtant de l’argent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n17.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a pour objet de revenir sur les conséquences de la suppression, au bénéfice des ménages aux revenus modestes ou moyens, de la première tranche d’imposition au taux de 5,5 %. Il modifie le seuil d’entrée dans l’imposition, seuil dont l’abaissement s’était traduit par des hausses d’imposition pour les ménages de la classe moyenne dont le revenu imposable était auparavant situé dans la partie haute de l’ancienne première tranche.

Je note au passage que la réforme prévue par l’article 2 ne sera pas sans conséquence pour les collectivités territoriales et les organismes de Sécurité sociale, dans la mesure où la revalorisation des plafonds du revenu fiscal de référence affecte les conditions d’exonération et d’abattement au titre de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. Or ces pertes de recettes n’ont fait l’objet d’aucune évaluation préalable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Notre commission a émis un avis défavorable. Votre proposition conduirait en fait à faire bénéficier tous les contribuables de la suppression de la tranche à 5,5 %, ce qui n’était pas l’intention de la proposition adoptée l’an dernier. Cela aurait évidemment un impact budgétaire important. Je rappelle que la réforme de la loi de finances pour 2015 avait eu un effet neutre pour l’ensemble des contribuables qui relevaient de la tranche à 14 % et des tranches suivantes, tout en étant favorable à ceux qui relevaient jusqu’alors de la tranche à 5,5 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne sais pas comment vous comptez financer une telle mesure, madame Louwagie, car elle ferait perdre 10,5 milliards de recettes. L’amendement a en effet pour objet de faire reculer pour tout le monde le point d’entrée dans la tranche à 14 %. Tout le monde en profiterait, je vous l’accorde, mais pour un coût de 10,5 milliards. Un tel amendement est donc insensé. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le vrai problème que soulève cet amendement est celui de la décote et de sa progressivité. Le rapport de notre rapporteure générale explique très bien que la pente d’imposition à l’entrée du barème conduit à un taux marginal d’imposition de 24,5 %.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Moindre que l’an dernier !

M. Charles de Courson. Oui, il est en baisse par rapport à l’année dernière, où il atteignait 28 %. Il y a de fait une petite atténuation, qui n’est toutefois pas très élevée. La décote constitue en quelque sorte une tranche à 24 %, puis l’on chute à 14 % avant de remonter dans la troisième tranche. En termes de taux marginal d’imposition sur le revenu, notre impôt n’est pas complètement progressif : il est d’abord progressif, puis dégressif, puis à nouveau progressif. Cela s’explique par l’existence même de la décote. Monsieur le secrétaire d’État, j’avais lancé l’idée d’arrêter notre système par tranches et d’appliquer une formule mathématique susceptible d’éviter l’effet de tranches et celui de la décote, et de parvenir à une vraie progressivité du taux marginal au moyen d’un lissage. Nous n’aurions plus, ainsi, de taux marginaux qui baissent avant de remonter. Quand bien même je ne voterai pas l’amendement de nos collègues pour une question de coût, ils ont raison de poser la question. Nous n’arriverons jamais à avoir une décote dont la pente soit inférieure au taux de la première tranche, c’est-à-dire 14 %, à moins de l’étendre de façon considérable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement présentait en effet l’intérêt d’ouvrir un débat sur le mécanisme de la décote et ses conséquences en termes de seuils, d’effets de tranches ou de pente d’évolution des taux d’imposition. J’entends, au demeurant, les propos du secrétaire d’État sur l’impact qu’il aurait sur le plan budgétaire. Je le retire donc, étant entendu qu’un certain nombre de questions qu’il soulève mériteraient d’être approfondies dans le cadre d’une évaluation globale.

M. Alain Fauré. Il aura surtout servi à nous faire perdre du temps !

(L’amendement n17 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’année dernière, quand nous avons supprimé la tranche à 5,5 %, nous avons modifié la décote. Nous craignions alors que le taux marginal de l’impôt ne conduise le Conseil constitutionnel à nous censurer.

M. Charles de Courson. On n’a pas voulu le saisir sur ce point !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il ne l’aurait pas fait, toutefois, car nous nous étions assurés que le taux moyen d’imposition continuait à être progressif, bien que, comme vous le soulignez, monsieur de Courson, la pente, à un certain moment, devenait plus importante.

Cette année, quand nous avons calibré cette mesure fiscale, nous avons fait en sorte que la pente diminue : de 28 %, on est passé à 24,5 %. Je vous rappelle aussi que nous avons reculé le point d’entrée dans l’impôt, et donc dans la décote.

La rapporteure générale a d’ailleurs dressé un historique très précis de la décote. Reconnaissez avec nous que nous l’avons conjugalisée, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous avons progressivement réduit la pente, ce qui est plutôt une bonne chose et le taux moyen, je le répète, reste progressif, ce qui nous préserve, me semble-t-il, des critiques que vous apportez.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n675.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement est beaucoup moins ambitieux que celui de nos collègues du groupe SRC – nous sommes doublés sur notre gauche (Sourires) –, qui n’ont d’ailleurs pas pu le défendre. Il vise à appliquer un taux marginal de 50 % à la tranche de revenus supérieure à 300 000 euros. Pourquoi cette proposition, que vous connaissez déjà ? Elle s’appuie sur une note de l’Observatoire des inégalités parue le 24 septembre dernier. Cette note est très claire : si les revenus des plus riches ont un peu fléchi ces deux dernières années, sous l’effet des hausses d’impôts intervenues entre 2011 et 2013, le constat s’impose d’une hausse du niveau de vie moyen des plus riches depuis une décennie. De fait, entre 2003 et 2013, le niveau de vie des plus pauvres a baissé de 320 euros en valeur annuelle, alors que celui des 10 % les plus riches a augmenté de 4 300 euros. Globalement, l’écart entre riches et pauvres s’est creusé de 4 600 euros par an pendant dix ans. Cela signifie que les mesures prises ces dernières années par l’actuelle majorité, qui vont dans le sens de la justice, n’ont pas permis de compenser l’ampleur des diminutions d’impôts consenties par la droite au cours de la période précédente.

Parmi les mesures qui pourraient contribuer au rattrapage de ces inégalités figurent évidemment le rétablissement de l’ISF à son taux plein, la suppression de certaines niches mais également le relèvement du taux marginal de l’impôt sur le revenu, ce qui est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable de la commission, qui rappelle que l’on a créé une tranche à 45 % et que, parallèlement, il existe toujours la surtaxe dite « Fillon », applicable aux revenus les plus élevés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous pensons que le risque d’inconstitutionnalité de cet amendement est très élevé. En effet, parmi les revenus peuvent figurer des revenus issus de plus-values et de dividendes, qui sont taxés socialement à 17,5 %. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, citée par la rapporteure générale, s’élève pour sa part à 4 %. Avec la tranche d’imposition à 50 % que vous proposez, on arrive à un total de 69,5 %. Bien qu’il n’ait encore pris aucune décision précise en ce sens, nous pensons, avec le Conseil d’État, qu’au-delà de 66 %, le Conseil constitutionnel jugerait l’impôt confiscatoire et, donc, annulerait la disposition. Pour cette raison, entre autres, l’avis du Gouvernement y est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le secrétaire d’État, puisque nous sommes dans les premières heures de discussion du projet de loi de finances, je vous propose de réduire de 50 % à 47 % le taux de cette nouvelle tranche afin que le total n’atteigne pas 69 % mais se situe à un niveau auquel le Conseil constitutionnel ne trouverait rien à redire.

(L’amendement n675 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement n678.

Mme Christine Pires Beaune. Je présenterai cet amendement rapidement, car nous en avons beaucoup parlé au cours de la dernière séance. Il vise à alléger la fiscalité locale.

La mesure proposée n’est pas nouvelle. Des liens étroits existent aujourd’hui entre l’impôt sur le revenu et l’impôt foncier. Pour protéger les plus modestes, un article du code général des impôts exonère donc partiellement ou totalement de la taxe d’habitation les contribuables de plus de 60 ans. Les mêmes plafonds sont utilisés pour l’exonération de contribution à l’audiovisuel public et pour les mécanismes d’exonération au titre de la CSG et de la CRDS.

Cet amendement a pour objet de réviser les seuils et les plafonds prévus par le code général des impôts pour que les contribuables âgés de plus de 60 ans, les veufs et les veuves soient exonérés partiellement ou totalement des impôts locaux, ainsi que de la redevance audiovisuelle ou de la CSG.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement rejoint la discussion que nous avons eue tout à l’heure : la difficulté ne tient pas tant aux dispositions nouvelles qu’au niveau de déclenchement des impôts locaux sur la base du revenu fiscal de référence. La commission a donc émis un avis favorable à cet amendement qui permet de décaler le seuil à partir duquel un contribuable est assujetti à la taxe d’habitation ou à la taxe foncière. Nous serions évidemment preneurs, monsieur le secrétaire d’État, de simulations susceptibles de retracer l’évolution du nombre de Français assujettis à ces taxes en fonction de la progression du revenu fiscal de référence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a annoncé en fin d’après-midi une première modification de la fiscalité des carburants : en 2016, la taxation du gazole sera augmentée d’un centime par litre, tandis que celle de l’essence sera réduite du même montant. Nous envisageons d’appliquer la même mesure en 2017. Nous aurons l’occasion de nous expliquer sur les motivations d’une telle proposition. Elle pourrait paraître contradictoire pour certains au regard d’autres engagements : chacun sait que l’on consomme dans notre pays plus de gazole que d’essence. Au bout du compte, et si nos calculs sont exacts, cette mesure sollicitera donc les contribuables à hauteur de 245 millions d’euros.

Le Gouvernement souhaite réinjecter ce produit dans des baisses d’impôts.

M. Hervé Mariton. Eh bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, monsieur Mariton, nous souhaitons marquer le fait qu’il n’y aura pas de prélèvements supplémentaires. Nous ne profiterons donc pas de ce mouvement qui pourrait paraître neutre à un regard inattentif.

M. Hervé Mariton. Il ne faut pas nous prendre pour des niais !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement pas, monsieur Mariton.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est de la com’ !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, ce n’est pas de la com’, monsieur le président de la commission des finances : si vous avez lu le communiqué et les premiers articles de presse sur votre tablette, vous avez pu constater que notre annonce est claire. Nous profitons du produit supplémentaire ainsi dégagé pour baisser d’autant d’autres impôts sur les ménages. C’est précisément le choix que nous faisons en soutenant l’amendement de Christine Pires Beaune. Nous avons longuement évoqué les incidences du revenu fiscal de référence sur le déclenchement des exonérations d’impôts locaux.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement, mais il se réserve le droit de l’adapter. Le chiffrage d’une telle mesure est en effet un peu compliqué, dans la mesure où la fiscalité locale et la fiscalité nationale ne permettent pas d’obtenir rapidement des simulations. Nous estimons le coût de votre amendement à environ 100 millions d’euros. Nous calibrerons donc le dispositif afin que les personnes âgées modestes bénéficient d’une diminution des impôts locaux qui corresponde exactement au surplus de recettes de ce mouvement sur la fiscalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je voterai bien entendu cette disposition. Je reprendrai toutefois les propos de la rapporteure générale : il est important que nous disposions d’un certain nombre de simulations. Comme vous le savez, les exonérations de taxes locales ne sont pas compensées, à tout le moins pas dans leur totalité.

M. Nicolas Sansu. Eh oui !

M. Michel Vergnier. Il faut pouvoir évaluer la perte de recettes supplémentaire que cette mesure entraînera pour les collectivités, car même si le montant n’est pas très important, je rappelle que sur certains territoires, les personnes âgées à revenus modestes sont plus nombreuses qu’ailleurs. Les exonérations pourraient ainsi se trouver concentrées au sein de quelques collectivités, qui pâtiraient de pertes plus importantes. Si donc je consens à voter cette très bonne disposition, j’aimerais néanmoins savoir ce qu’elle représente financièrement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. J’ai tout d’abord une question technique : à la fin de l’exposé sommaire, il est indiqué que le gain de pouvoir d’achat pour les contribuables serait de près de 300 millions d’euros ; il faudrait que le secrétaire d’État nous explique comment il articule ce chiffre avec celui qu’il nous a livré voilà quelques instants.

Ensuite, sur le plan politique, vous suivez la logique des Shadoks, dont vous êtes prisonniers : on pompe d’un côté, on déverse de l’autre (Sourires). La fiscalité des carburants a bon dos. En tant que député rural, je souhaite que vous nous expliquiez – nous avons déjà eu quelques échanges sur le sujet hier soir – comment les ruraux vont supporter l’augmentation importante de la taxation du gazole que vous prévoyez. Vous avez au moins le mérite ce soir de reconnaître que l’État va encaisser davantage qu’il ne reversera par la baisse de la fiscalité de l’essence. Mais l’affaire ne semble pas bouclée avec l’amendement de notre collègue Pires Beaune.

Cet amendement, que vous soutenez, monsieur le secrétaire d’État, obéit à une logique d’aggravation de la concentration de l’impôt : il s’agit d’exonérer des catégories nouvelles de contribuables et d’alléger l’impôt d’autres catégories. Le débat a au moins le mérite d’être extrêmement clair : cette assemblée oppose deux visions différentes. La vôtre est celle de la concentration de l’impôt. Chaque fois qu’un motif peut légitimer une aggravation de cette concentration, vous vous précipitez. La nôtre est d’appliquer des taux faibles sur des bases larges ; j’y reviendrai tout à l’heure à l’occasion de la présentation d’un prochain amendement. C’est beaucoup plus efficace, mais ce n’est pas votre logique.

Les décisions que vous prenez sont graves, monsieur le secrétaire d’État. Or, elles ressemblent à des ajustements techniques : vous bricolez de la fiscalité écologique. D’ailleurs, l’écologie a vraiment bon dos, dans ce budget ! Je me demandais hier combien de mauvaises nouvelles seraient glissées sous ce pavillon, vous en annoncez une de plus ce soir. Ce faisant, vous déformez de manière extrêmement grave le système fiscal.

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Hervé Mariton. Si encore vous le faisiez au profit d’une réforme forte, mais ce n’est pas le cas : c’est un bricolage périlleux et malsain.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais m’exprimer non pas sur l’amendement, que je soutiens, et qui a le mérite de sortir de l’imposition un certain nombre de contribuables modestes, mais sur le gage que vous suggérez.

Il ne vous a pas échappé que j’ai déposé la semaine dernière un amendement proche de celui-ci, même s’il avait une vocation très différente. Il s’agissait au travers de cette fiscalité écologique de financer non pas des mesures d’exonération mais à la fois l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF…

M. Razzy Hammadi. Voilà !

M. Olivier Faure. …et le développement d’un parc automobile plus propre, ou à tout le moins l’achat de véhicules diesels dépollués par le biais de filtres à particules.

Vous avez indiqué que l’amendement de Mme Pires Beaune ne coûterait que 100 millions d’euros et que vous récupéreriez 250 millions. Je suggère que les 150 millions d’euros ainsi dégagés financent non pas des mesures d’exonération mais l’AFITF, à laquelle il manque 700 millions d’euros par an pour mener à bien le programme voulu par l’ensemble des députés de cet hémicycle à la suite de la publication du rapport Duron, lequel était venu mettre de l’ordre dans le schéma national des infrastructures de transport en début de législature.

Si je voulais aller plus loin, je dirais que la convergence entre le gazole et l’essence peut s’opérer de plusieurs façons différentes : soit vous augmentez la taxation du gazole d’un ou deux centimes et baissez celle de l’essence d’un centime, soit vous augmentez la première d’un centime sans modifier la seconde. En effet, à un moment où le prix de l’essence a cessé de baisser, ce mouvement sera invisible pour les personnes concernées, alors que le produit du centime par litre dans les caisses de l’État est absolument indispensable pour financer les transports collectifs et la conversion du parc automobile.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il y a en réalité deux sujets en un seul, et je me demande si nous ne faisons pas naître une histoire d’amour entre le diesel et les veuves ! (Sourires.)

Un tel montage est en effet assez exotique. Le mouvement relatif à la fiscalité du diesel était attendu ; vous l’annoncez en outre pour les années qui viennent. C’est une évolution importante et très symbolique du Gouvernement et de cette assemblée vers la réduction, dans la durée et à long terme, de la différence entre le prix du diesel et celui de l’essence. Rien ne justifie que les automobilistes achetant une voiture essence soient pénalisés par rapport aux autres. Il faut leur rendre justice et ramener ces deux taxations au même niveau. C’est par ailleurs une mesure de santé publique, je n’ai pas besoin d’y insister.

Certes, nous n’avons pas obtenu le double dividende, qui consiste à taxer le diesel et à financer avec le produit de cette taxe des activités favorisant la transaction écologique, comme les transports. Nous ne l’avons pas non plus obtenu pour la contribution climat énergie : le signal était lancé à l’entrée, mais à la sortie on a financé une baisse du coût du travail. Ce n’est peut-être pas la question essentielle, et je conçois que les avis puissent diverger sur le sujet.

L’amendement vise tout de même principalement à soutenir les contribuables les plus modestes. Cette mesure s’ajoute aux 2 milliards d’euros de compensation totale ou partielle des augmentations d’impôts subis par les uns et les autres ; je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure au sujet de la demi-part des veuves.

Globalement, il s’agit d’un signal important qu’il faut saluer.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. À l’instar de mon collègue Hervé Mariton, j’ai du mal à comprendre la cohérence de ces mesures en termes de justice sociale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On va vous expliquer, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Vous annoncez l’augmentation d’un centime de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gazole et la baisse d’un centime de la TIPP pour l’essence. Comme l’essence représente deux fois moins en volume de vente que le gazole, cela permettra de dégager 250 millions d’euros, qui serviront en quelque sorte de gage pour l’amendement de Mme Pires Beaune. Ce dernier coûte 270 millions d’euros, mais pas en 2016, monsieur le secrétaire d’État : d’après ce qu’écrit notre collègue dans son exposé sommaire, ce sont 160 millions d’euros en 2016 et 110 millions d’euros en 2017 sur la CSG du fait de la remontée des seuils d’exonération.

On conviendra que tout cela est bien compliqué ! D’autant que cette proposition va contre une thèse défendue par de nombreux membres de la commission des finances selon laquelle il faut réserver à l’AFITF, qui connaît une crise financière – elle dispose de 1,9 milliard d’euros alors qu’il lui en faudrait au minimum 2,3 milliards – le produit de l’augmentation de la fiscalité sur le gazole.

S’agit-il donc bien d’un amendement de justice sociale et fiscale ? Absolument pas ! Qui paiera le surcoût ? Ceux qui utilisent le diesel. Et qui utilise le diesel ? Tous ceux qui n’ont pas accès aux transports collectifs, c’est-à-dire tous les ruraux, les urbains qui n’ont pas de solution alternative ou encore les gens qui travaillent loin de chez eux. Dans ma circonscription à la densité très faible, les gens disent : « À chaque augmentation de la taxe sur le carburant, c’est nous qui payons ! » Et ce ne sont pas les mêmes qui bénéficieront de l’exonération de CSG et de la taxe d’habitation ! La grande masse sera frappée et pas dans le sens de la justice sociale !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’insiste pour ma part sur le mécanisme de l’amendement : il s’agit en fin de compte de modifier les effets du revenu fiscal de référence afin qu’un certain nombre de contribuables ne paient pas l’impôt local.

Or je reste persuadé qu’une augmentation de la fiscalité du gazole ne peut que financer la transition écologique et donc l’AFITF, dont c’est la vocation. Trouvons d’autres moyens de financer cette majoration des seuils, et surtout une compensation à l’euro près pour les collectivités locales !

M. Hervé Mariton. Détournement de fiscalité écologique !

M. Nicolas Sansu. Le revenu fiscal de référence a déjà été adapté il y a deux ans et les ressources fiscales nettes de nos collectivités territoriales s’en sont trouvées diminuées. J’insiste donc sur la compensation à l’euro près pour les collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Comme notre collègue Olivier Faure, je dirai simplement de l’amendement que je le soutiens. Quant au gage apporté par le Gouvernement, je me félicite du choix de la convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence à l’horizon 2020, soit exactement ce qu’ont demandé les écologistes. Nous en sommes ravis. Notre collègue Mariton semble oublier complètement que le diesel est une question de santé publique. Voilà qui semble complètement étranger à votre raisonnement, cher collègue ! Comme je l’ai déjà rappelé de nombreuses fois dans cet hémicycle – mais vous ne semblez pas l’avoir entendu –, le diesel a été reconnu en 2012 cancérigène certain par l’Organisation mondiale de la santé. Ce n’est donc pas récent : depuis le temps, l’information aurait pu vous parvenir !

M. Hervé Mariton. J’habite au fond de la campagne !

Mme Eva Sas. De très nombreuses personnes meurent de cancers et souffrent d’asthme à cause de ce cancérigène certain. Cela vous est peut-être complètement indifférent mais il me semble que c’est une source de préoccupation ! Au nom de la santé publique, il fallait évidemment faire un geste montrant que la France ne soutiendra plus par un avantage fiscal l’usage d’un produit reconnu cancérigène certain.

Cette décision doit s’accompagner de mesures destinées aux possesseurs de véhicule diesel. À cet égard, je me félicite que l’on envisage d’étendre la prime à la conversion versée à ceux d’entre eux qui achèteraient un véhicule hybride. En effet, nous ne sommes pas là pour sanctionner les gens mais pour leur offrir des solutions alternatives, notamment via un changement de véhicule. Cela consiste aussi à encourager les transports collectifs pour le plus grand nombre. J’entends bien que ce n’est pas possible partout mais ça l’est en de nombreux endroits. Tel est le rôle de l’AFITF.

Mme la présidente. Merci, chère collègue.

Mme Eva Sas. En ce sens, je pense comme notre collègue Olivier Faure que le financement de l’AFITF est insuffisant. Nous avons déposé des amendements visant à déplafonner la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques au profit de l’AFITF car il est très important de financer…

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, chère collègue.

La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il ne s’agit pas d’une mesure nouvelle, puisque nous avons déjà revalorisé le seuil du revenu fiscal de référence il y a deux ans. Dans la loi de finances pour 2015, la compensation accordée par l’État aux collectivités en raison du non-paiement de la taxe d’habitation par les personnes de condition modeste s’élevait à 1,451 milliard d’euros. En outre, cette compensation n’est pas soumise à minorations comme le sont celles qui entrent dans l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement – DGF. J’aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, si tel est bien le cadre de l’extension de l’actuelle compensation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. L’amendement proposé par Mme Pires Beaune, en augmentant le seuil de référence fiscal, tend à réduire le nombre de personnes redevables de la taxe d’habitation. Un de nos collègues a parlé d’opération « Shadok » : en annonçant que la partie excédentaire des recettes engendrées par la réforme de la fiscalité des carburants sera réinjectée afin que nos concitoyens ne paient pas plus d’impôts, vous montrez tous vos scrupules, monsieur le secrétaire d’État. Cela vous honore mais comme ces scrupules sont sélectifs, votre politique ne donne que l’illusion de la cohérence.

Nous parlerons bientôt de la DGF. Nous savons tous que sa réforme aura pour première conséquence un effondrement des investissements dans tous les communes, départements et régions de France, qui ont d’ores et déjà diminué de 50 % dans de nombreux endroits !

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Jacques Lamblin. Deuxièmement, la plupart des collectivités augmenteront leurs impôts locaux. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, et l’un de vos collègues ministre, qui, quand il était président du conseil général du Nord, n’avait financé que onze mois de versement du RSA sur douze, le sait encore mieux ! Vous connaissez la situation des collectivités locales et vous allez l’empirer par des mesures excessives ! Ces impôts dont vous dites vouloir la diminution pour les Français, vous faites tout ce qu’il faut pour que d’autres les augmentent à votre place et le solde final consistera en une augmentation majeure de la fiscalité en France !

M. Alain Chrétien. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je trouve pour ma part qu’établir un lien entre la fiscalité des carburants et l’amendement de notre collègue Pires Beaune relatif au revenu fiscal de référence est une simple opération de communication et un non-sens fiscal.

M. Hervé Mariton. Qui tue la fiscalité écologique !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cette opération de communication se retournera d’ailleurs contre le Gouvernement. Je suis tout à fait d’accord avec nos collègues Nicolas Sansu, Eva Sas et Olivier Faure : il me semble complètement artificiel de lier les deux sujets, dont le premier relève de préoccupations environnementales et le cas échéant de financement d’infrastructures.

S’agissant de l’amendement lui-même, j’insisterai sur deux points. D’abord, nous devons faire attention aux exonérations totales de taxe d’habitation. Je m’adresse là à tous nos collègues qui sont aussi maires. Je ne sais pas ce qu’il en est dans vos communes, chers collègues, mais pour ma part je constate que la relation de nos concitoyens à la dépense, et notamment aux services publics locaux, change dès lors qu’ils ne paient pas de taxe d’habitation, d’autant qu’en général ils ne paient pas non plus de taxe sur le foncier bâti.

Le problème n’est pas le même à l’échelon national. Comme l’a rappelé hier Pierre-Alain Muet non sans raison, plus de la moitié des citoyens ne paie pas l’impôt sur le revenu, mais tout le monde paie la CSG. À l’échelon local et des services de proximité dont la régulation est difficile, ne pas payer du tout d’impôt pose problème. Nous n’avons donc pas intérêt à prendre une mesure de ce genre.

La deuxième question, c’est de savoir qui paiera. Notre collègue Michel Vergnier a raison d’appeler à la prudence car une grande partie des compensations d’exonérations prend la forme de dégrèvements par lesquels la collectivité locale est pleinement compensée. Mais une partie d’entre elles prend la forme d’exonérations à taux historiques et sur la base du taux de 2000 elles ne sont pas complètement compensées.

M. Nicolas Sansu. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il faut donc absolument que le Gouvernement réalise des simulations précises afin de déterminer qui paiera quoi. J’espère vous convaincre aussi, chers collègues, qu’il existe un problème de principe auquel nous devons être très attentifs tandis qu’il va falloir maîtriser un peu les dépenses. Comment maîtriser les dépenses face à un habitant qui affirme ne pas se sentir concerné faute de payer l’impôt ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État. Au passage, je considère que l’avis favorable du Gouvernement vaut levée du gage.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce débat m’inspire deux ou trois réflexions. Vous affirmez que nous jouons les Shadoks, monsieur Mariton, et que nous pompons d’un côté pour verser de l’autre. Mais que voulez-vous que nous fassions ? Que nous prenions à des gens pour redonner exactement la même chose aux mêmes ? Cela ne sert à rien !

M. Hervé Mariton. Vous pouvez vous abstenir de prélever davantage !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Justement pas, j’y viens. La modification de certains paramètres de la fiscalité a bien pour but de réaliser des mouvements ou des transferts.

M. Hervé Mariton. C’est contraire à ce qu’affirme le Président de la République !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, monsieur Mariton ! Vous imaginez bien que le Président de la République a pris lui-même ce type de décision.

M. Hervé Mariton. Alors il se parjure !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Qu’a-t-on dit, monsieur Mariton ?

Nous n’avons pas dit que nous n’augmenterons aucun impôt mais que nous n’augmenterons pas les impôts des Français.

M. Hervé Mariton. Il a été dit « aucune catégorie » !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est pourquoi ce qu’affirment le président de la commission des finances, M. Faure et quelques autres ne tient pas, mesdames et messieurs les députés ! Nous ne souhaitons pas augmenter les prélèvements pour les transformer en dépenses. C’est ce que nous avons fait depuis trente ans et c’est pourquoi nous en sommes arrivés là, augmentant sans cesse les prélèvements et les dépenses tout en créant un peu de déficit ! Voilà pourquoi nous avons un taux de prélèvements obligatoires et un niveau de dépenses publiques élevés !

M. Charles de Courson. Très juste !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce que le Gouvernement cherche à faire en permanence, et il l’assume, c’est procéder à une baisse d’impôts équivalente à toute augmentation de prélèvement – ici de 245 millions d’euros. Cette baisse ne concerne pas nécessairement les mêmes personnes ni ne porte sur le même type de fiscalité, certes, mais si nous continuons à considérer que chaque augmentation de recettes doit entraîner une augmentation de dépenses équivalente, nous demeurerons dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui ! Nous assumons donc parfaitement ce que nous faisons.

Ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour les contribuables. Il s’agit simplement, tout en prenant en compte les objectifs environnemental ou de santé publique sur lesquels chacun a donné son avis, de recycler le produit supplémentaire dans une baisse d’impôts de même niveau.

J’en viens au coût de la mesure et à la compensation pour les collectivités locales. J’ai dit d’emblée que nous modifierions – probablement à la hausse – le taux de 2 % figurant au deuxième alinéa de l’amendement de Mme Pires Beaune, car le coût indiqué dans son exposé des motifs ne correspond pas à notre estimation – ce dont M. Mariton s’est d’ailleurs étonné.

M. Hervé Mariton. Merci de me donner raison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai fait tout à l’heure ! Nous avons donc besoin d’un peu de temps pour approfondir le sujet et calibrer le taux de façon à respecter la démarche consistant à rendre de l’autre ce qui sera perçu d’un côté – mais pas aux mêmes, sinon il est inutile de modifier la fiscalité.

Pour ce qui est de la compensation, le président de la commission des finances a raison de dire qu’elle s’appuie sur des taux historiques – non de 2000, mais de 1991. Lorsque des compensations ont été décidées, les gouvernements successifs ont expliqué qu’il n’y avait pas de raison que l’État se trouve contraint d’augmenter sa compensation parce que la collectivité avait décidé d’augmenter son taux. De fait, il m’est arrivé d’entendre des maires de communes où le nombre de personnes exonérées était très élevé se féliciter de pouvoir augmenter leurs taux, puisque c’était l’État qui compensait !

Nous respecterons les règles. Cela signifie qu’une partie – probablement marginale – de cet élément de solidarité envers les plus pauvres sera prise en charge par les collectivités. Nous préciserons cela.

(L’amendement n678, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 128.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement vise à demander un rapport au Gouvernement sur les modalités de calcul et l’incidence de la décote.

Qui, parmi nous, est capable d’expliquer le fonctionnement de ce mécanisme pourtant si important ? Dans le rapport d’application de la loi fiscale, je lis que plus des deux tiers de la baisse d’impôts de 3 milliards intervenue en 2015 sont liés non pas à la suppression de la tranche à 5,5 %, mais à la modification de la décote. Quant à la baisse d’impôts de 2 milliards d’euros prévue pour 2016, elle sera due uniquement à la modification de la décote.

Le système est pour le moins bizarre. On fixe ex nihilo un seuil – il sera de 1 165 euros cette année –, dont on retranche 75 % du montant théorique de l’impôt. On peine à saisir la logique. Il faudrait qu’un rapport explique pourquoi le seuil est fixé à 1 165 euros et non à 1 150 ou à 1 170 euros, et détaille plus précisément le mécanisme.

Ce rapport devrait également revenir sur la question du taux marginal d’imposition. Plus la décote est importante, plus l’euro qui fait sortir de la décote sera fiscalisé. Le rapport d’application de la loi fiscale pour 2015 montre que le taux marginal était de 28 %. Ainsi, un célibataire disposant d’un revenu mensuel de 1 300 euros, s’il est augmenté de 50 euros, paiera 28 % d’impôts sur ces 50 euros supplémentaires. En 2016, ce taux marginal d’imposition serait apparemment plus faible, de 24 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas une apparence, je le confirme.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’agrégé de mathématique que vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, peut comprendre ces mécanismes. Je demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur ce sujet important.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le président, vous avez vous-même commenté le rapport d’application de la loi fiscale pour 2015, qui contient un certain nombre d’informations, dont certaines nous ont été transmises par le Gouvernement Nous pourrons, bien entendu, traiter les questions que vous jugerez utiles dans les rapports suivants. Je ne suis pas certaine qu’il soit nécessaire de multiplier les rapports du Gouvernement. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le rapport de MM. Dominique Lefebvre et François Auvigne a fourni d’amples explications sur cette tranche de revenus et la rapporteure générale a détaillé ces questions dans les documents qu’elle a produits. En tant que président de la commission des finances, vous pouvez nous interroger ; nous nous efforçons toujours de répondre rapidement. Je ne suis pas certain qu’un rapport de plus vous éclaire davantage. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La manière de faire du Gouvernement contredit les conclusions intéressantes du rapport Lefebvre Auvigne. Le président de la commission des finances a raison d’appeler notre attention sur le fait qu’il est contradictoire que le Gouvernement ancre une modification fiscale importante sur un dispositif aussi incompréhensible que celui de la décote.

Le 6 novembre 2014, le Président de la République a pris un « engagement solennel » : « À partir de l’année prochaine, il n’y aura pas d’impôt supplémentaire sur qui que ce soit. » C’est un point sur lequel j’aimerais entendre un commentaire, monsieur le secrétaire d’État.

Par ailleurs, et je suis surpris que nos collègues écologistes ne réagissent pas davantage, la fiscalité écologique est-elle appelée à financer des mouvements qui n’ont rien à voir avec l’écologie ?

Mme la présidente. Ces propos n’ont rien à voir avec l’amendement examiné, monsieur le député.

M. Hervé Mariton. La présidence n’a pas à faire ce genre de commentaires !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le rapport Lefebvre Auvigne a montré que, dans la tranche concernée par la décote, pour des salariés qui passeraient de 0,5 à 1 SMIC, les taux marginaux pouvaient atteindre – tenez-vous bien – 77 % !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est confiscatoire !

M. Charles de Courson. Oui, ces taux marginaux sont supérieurs à ceux que connaissent les tranches les plus élevées.

Si j’ai bien compris le rapport de Valérie Rabault, ce taux sera réduit de 4 points et ramené à 73 %. Malgré cette petite amélioration, il reste considérable. Je nourris quelques doutes, monsieur le secrétaire d’État, et pense que c’est l’outil même de la décote qui nous met en grande difficulté. Ces modifications vont dans la bonne direction, mais ne changent pas fondamentalement la situation pour ces personnes dont les revenus se situent en dessous de 1,63 SMIC pour un célibataire et de trois SMIC pour un couple sans enfants. Je crains qu’en élargissant la base, on ne touche beaucoup plus de personnes.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur Mariton, ce n’est pas la première fois qu’une contribution écologique ne finance pas une action écologique. Dans les pays du nord de l’Europe, la fiscalité écologique a principalement été orientée, dans une démarche économique, vers la baisse du coût du travail. Trois cibles sont en effet possibles : l’économie, le social, l’environnemental. Il est vrai que nous, écologistes, préférons le double dividende : une contribution sur le carbone, dont les recettes financeraient des actions écologiques, sur les transports par exemple, ainsi que l’ont défendue Eva Sas et Olivier Faure. Mais la taxe peut être restituée aux contribuables, comme le chèque vert, une proposition de Nicolas Sarkozy. Il s’agit alors, comme pour la mesure dont nous discutons ce soir, d’une démarche sociale. Cela n’est pas forcément choquant.

(L’amendement n128 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n126.

M. Hervé Mariton. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur la base imposable de l’impôt sur le revenu. Les députés du groupe Les Républicains partagent la vision d’une réforme du système fiscal selon le modèle base large-taux faible.

Or, l’ensemble des initiatives prises par le Gouvernement consiste à restreindre la base, ce qui doit être considéré d’un point de vue politique et technique. J’ai évoqué hier l’intérêt d’une évolution du modèle base large-taux faible allant jusqu’à une sorte de flat tax. Les taux seraient les plus uniformes et les plus faibles possible, grâce notamment à une réduction courageuse des dépenses. Ce dispositif s’est révélé efficace dans d’autres pays car il améliore la rentrée de l’impôt.

Il s’agit d’autre part d’une réforme moderne. L’intérêt de ce type de dispositif est qu’il est adapté à la diversité des ressources et que des revenus comme ceux tirés d’Airbnb sont facilement assimilés aux revenus salariaux. Je vous invite à méditer cet argument. Au moment où la base fiscale devient évanescente, nous avons besoin d’une armature fiscale, avec des taux uniformes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Beaucoup d’informations ont été mises à la disposition des députés. Si vous avez besoin de renseignements complémentaires, vous pouvez les demander et nous assurerons le relais. Il est inutile de multiplier les rapports à l’infini.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n126 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants38
Nombre de suffrages exprimés38
Majorité absolue20
Pour l’adoption38
contre0

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Après l’article 2 (suite)

Mme la présidente. Nous en revenons aux amendements portant article additionnel après l’article 2.

Les amendements nos 283 rectifié, 336 rectifié et 520 sont identiques.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n283 rectifié.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui sera adopté prochainement. Le passage au régime juridique de l’autorisation aura pour conséquence de supprimer, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, le bénéfice des avantages fiscaux attachés aux activités de service à la personne.

En effet, les réductions ou crédits d’impôts dont peuvent bénéficier les contribuables ne concernent aujourd’hui que les activités relevant du champ des services à la personne déclarés ou agréés.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n336 rectifié.

M. Éric Alauzet. Monsieur le secrétaire d’État, j’aurais très bien pu ne pas déposer à nouveau cet amendement puisque les explications de Mme la rapporteure générale étaient convaincantes en commission, mais il me serait agréable de vous entendre tenir les mêmes propos, à savoir que la réforme n’entrerait en vigueur qu’en 2020. Il faut éviter tout incident et ne pas faire perdre d’avantage fiscal aux personnes concernées en passant du régime de l’agrément à celui de l’autorisation. Je pense que la situation sera bel et bien régularisée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n520.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tend à prendre en compte les modifications qui résultent du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. L’on sait bien que des modifications de cette nature emportent toujours un certain nombre de conséquences qui peuvent être dommageables, même lorsqu’elles sont collatérales.

En l’espèce, il s’agit d’éviter que des personnes, en particulier les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, soient privées du bénéfice de certains avantages fiscaux attachés aux activités de services à la personne.

La mesure que nous vous proposons n’aurait aucune conséquence sur les finances publiques car il s’agit uniquement d’adapter le dispositif fiscal existant en tenant compte des modifications apportées par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Nous devons d’autant plus corriger le dispositif que sont concernées des personnes que l’on peut qualifier de fragiles. L’année 2020 vient d’être évoquée mais il est prévu que le changement de statut juridique entre en vigueur début 2016. Aussi est-il important de résoudre ce problème dès maintenant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais décevoir M. Alauzet….

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas bien...

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est vrai, d’autant plus qu’en commission j’avais indiqué, sur la base des informations dont je disposais, que cette disposition entrerait en vigueur en 2021. Or, lors de la semaine où s’est réunie la commission, s’est tenu également la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, au cours de laquelle la date de mise en œuvre du dispositif a été avancée, comme vient de l’indiquer Mme Louwagie.

Par conséquent, l’argument que j’avais utilisé tombe, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser. En revanche, le texte est toujours en navette avec le Sénat et je vous propose, sous le contrôle du secrétaire d’État, de prendre les dispositions nécessaires en projet de loi de finances rectificative, une fois l’ensemble du texte stabilisé.

Je maintiens par conséquent l’avis défavorable même si je dois moduler mes arguments.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je remercie les parlementaires de vouloir coordonner ce projet de loi de finances avec un texte qui n’est pas encore voté puisqu’il est actuellement en deuxième lecture au Sénat.

M. Charles de Courson. Cela nous arrive souvent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale vient de nous en apporter la démonstration : cette coordination avec un texte susceptible d’évoluer n’est pas possible. Cette disposition pourrait être modifiée ou même disparaître !

Cela étant, pour être plus sérieux et moins provocateur, j’ai un peu de mal à comprendre que trois amendements identiques arrivent ainsi spontanément en débat à propos d’un sujet aussi pointu. Pour lever toutes les craintes, il est prévu dans le dernier texte actuellement en discussion, qu’une expérimentation ait lieu à partir du 1er janvier 2016 avant d’envisager une généralisation à partir du 1er janvier 2021.

Je m’engage – la parole d’un membre du Gouvernement a toujours une certaine valeur lorsqu’elle est prononcée dans cet hémicycle –, si l’expérimentation commençait dès le 1er janvier 2016, comme c’est probable, à ce que l’administration poursuive la mise en œuvre du crédit ou de la réduction d’impôt en faveur des services à la personne réalisés dans ce cadre. En revanche, nous n’allons pas modifier la loi sur la base d’un texte qui n’est pas encore finalisé.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. D’une certaine manière, monsieur le secrétaire d’État, vous nous reprochez d’anticiper. C’est vrai, nous n’en sommes qu’au stade du projet de loi mais il me semble important de prendre en compte les conséquences éventuelles d’un tel dispositif.

J’ai bien entendu les arguments que vous avez développés et les garanties que vous nous avez données quant au maintien des crédits ou réductions d’impôt. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à retirer le mien également, monsieur le secrétaire d’État, fort de votre déclaration, mais il me semble indispensable de prendre des mesures par voie législative, même pour la période expérimentale 2016-2017. Si un contentieux éclate, le juge relèvera à juste titre que la circulaire ne saurait remplacer la loi. Il serait plus prudent, comme le proposait Mme la rapporteure générale, de déposer à nouveau cet amendement en projet de loi de finances rectificative. Nous aurons alors une chance que la situation soit à peu près stabilisée ! Ou bien en décembre, une fois que nous en saurons davantage.

Je retire mon amendement si M. le secrétaire d’État, qui n’a pas été très clair, s’engage à suivre la position de Mme la rapporteure générale.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement visait à attirer la vigilance du Gouvernement. L’objectif étant atteint, je le retire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur de Courson, s’agissant d’un crédit d’impôt portant sur des services réalisés en 2016, il sera toujours temps de travailler proprement lorsque le texte définitif sera voté, dans le projet de loi de finances pour 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire mon amendement mais il sera trop tard. Il aurait fallu suivre les préconisations de Mme la rapporteure générale.

(Les amendements identiques nos 283 rectifié, 336 rectifié et 520 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 558, 563, 23, 91 et 407, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 23, 91 et 407 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir les amendements nos 558 et 563.

M. Jean-Louis Gagnaire. La question des emplois à domicile est essentielle pour les personnes retraitées puisqu’elles ne disposent pas des mêmes avantages que les actifs. Cette différence pouvait se justifier jusqu’à il y a quelques années, lorsque les retraités n’avaient pas le même alignement fiscal que les actifs. Or, aujourd’hui, la demi-part a été supprimée, tout comme l’avantage fiscal pour la majoration de retraite, d’où une certaine concordance entre les actifs et les retraités en matière de devoirs fiscaux.

Dès lors que de moins en moins de retraités sont soumis à l’impôt sur le revenu, de moins en moins de ménages peuvent financer les emplois à domicile en raison d’un coût devenu prohibitif, ce qui entre en contradiction avec l’idée d’apporter des aides pour maintenir les personnes âgées à domicile. Il convient de rétablir l’égalité et une mesure de soutien à l’emploi car, les associations et les entreprises de travailleurs à domicile sont unanimes, le travail à domicile recule en raison du manque de solvabilité des ménages.

Par ces amendements, nous vous proposons une mesure de bon sens et de justice pour solvabiliser ces emplois. Je sais par avance quelle objection on me fera, celle du coût de ces mesures. Un chiffrage à 2 milliards d’euros a été annoncé. Nous vous proposons dans un premier temps d’abaisser à 12 000 euros un plafond qui profite aux ménages les plus aisés : 12 000 euros représentent environ dix heures par semaine, chaque semaine de l’année. Cela peut sembler beaucoup. Un partage équitable entre ceux qui utilisent beaucoup ces services et ceux qui y ont moins recours me semble de bon aloi.

Le premier amendement tend à abaisser le plafond à 12 000 euros tandis que le second, de repli, vise à l’abaisser à 10 000 euros.

Bien évidemment, l’entrée dans le système serait progressive car le temps de diffusion de ce type d’information fiscale n’est pas évident. On pourrait aussi me répondre que l’allocation personnalisée d’autonomie répond à ces besoins mais l’APA est réservée aux personnes dépendantes. Or, il ne s’agit pas en l’espèce de couples ou de personnes âgées dépendantes, mais de quelques heures d’aide pour permettre à certains de mieux vivre chez eux sans intégrer des institutions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n23.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tend à encourager l’emploi de personnes au titre des aides à domicile par toutes les catégories de personnes, quels que soient leurs revenus. Il s’agit d’ouvrir le dispositif à davantage de personnes, en le finançant par l’abaissement du seuil de 12 000 à 10 000 euros. Seraient ainsi concernées les personnes retraitées qui, payant des impôts, pourraient bénéficier de cet abattement fiscal mais aussi certains couples qui en étaient exclus en raison de conditions liées à l’emploi de l’un des deux.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n91.

M. Damien Abad. Cet amendement tend à proposer une mesure d’équité et de justice pour les retraités ainsi que les couples mariés et pacsés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n407.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement tend à réparer une distorsion qui pourrait passer pour une injustice. En effet, les sommes versées par un particulier à un salarié ou à une association agréé dans le cadre des services à la personne donnent droit soit à un crédit d’impôt pour ceux qui ne paient pas d’impôt ou un abattement fiscal pour les contribuables redevables de l’imposition sur le revenu.

Or, au titre de l’alinéa 4 de ce dispositif, sont exclues de ce dispositif les personnes retraitées. Cette mesure discriminatoire est une grave erreur car les personnes retraitées ont, elles aussi, besoin d’employer des personnes à domicile.

Cette mesure a eu des conséquences sur les associations d’emplois à domicile. Or, s’il est un sujet sur lequel nous pourrions tous nous retrouver, c’est bien celui de l’emploi de proximité pour des gens généralement peu qualifiés à qui l’on pourrait garantir un travail. Ce sont souvent des femmes et, madame Coutelle, vous devriez être sensible à cette question car il s’agit de la condition des femmes.

Il apparaît donc nécessaire, dans un souci d’équité et de justice, de permettre aux retraités et aux couples mariés ou pacsés de bénéficier de ce dispositif de crédit d’impôt ; et de financer cette extension de l’article 199 sexdecies du code général des impôts par une baisse du plafond.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a rendu un avis défavorable sur l’amendement n558. Votre amendement, monsieur Gagnaire, coûterait 900 millions d’euros environ alors que l’abaissement du seuil rapporterait un peu moins de 200 millions. Vous voyez donc le gap qu’il y a entre le financement que vous proposez et la dépense que vous suggérez.

Nous sommes bien évidemment très sensibles à la situation que vous décrivez : il y a effectivement une injustice entre ceux qui peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt parce qu’ils sont imposables, et ceux qui n’en bénéficient pas parce qu’ils ne le sont pas.

Je rappelle que les personnes de plus de soixante-dix ans peuvent bénéficier d’une exonération totale de cotisations sociales, dans la limite d’un certain plafond d’heures.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et entre soixante-deux et soixante-dix ans, on fait comment ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’explique pour l’instant qu’un certain nombre de dispositifs existent : on ne peut pas dire, madame Dalloz, que rien n’est fait. Voilà donc pour le deuxième point.

S’agissant du troisième, la solution que vous défendez dans cet amendement concernerait toutes les aides, comme la garde d’enfants ou les « petits cours » à domicile. Tout serait englobé : le ciblage ne serait donc pas limité aux personnes qui ont besoin d’une aide à domicile. Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n23 qui a été défendu par Mme Louwagie coûte 2 milliards d’euros. L’abaissement du seuil – de 12 à 10 000 euros – qu’il propose rapporte 70 millions d’euros. Le gap est donc encore plus grand que celui induit par le précédent amendement. Il en va évidemment de même s’agissant de l’amendement n407 de Mme Dalloz. Leur adoption coûterait autour de 2 milliards d’euros, ce qui est relativement important.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme d’abord les chiffres de Mme la rapporteure générale : nous avons en la matière la même analyse. Nous parlons donc là d’amendements dont l’adoption coûterait entre 800 millions et 2 milliards d’euros : c’est gigantesque.

Ensuite, les deux dispositifs qui existent aujourd’hui – crédit ou réduction d’impôt – représentent une dépense fiscale de l’ordre de 3,5 milliards d’euros, et je ne parle même pas de la dépense sociale, car ils donnent également lieu à des exonérations de cotisations. Il s’agit donc de dispositifs extrêmement lourds : 50 % de réduction d’impôt en incluant les charges.

Je connais un peu le sujet, et on va me dire – et d’une certain façon, avec raison – qu’il existe un risque de voir se développer le travail au gris ou le travail au noir. Nous connaissons tous ce débat. Sauf que ce qui doit être expliqué aux gens est que, lorsqu’on est imposé ou que l’on a droit à un crédit d’impôt, on a tout intérêt à déclarer son personnel.

En effet, si on le paye 100 euros nets, que l’on règle 60 euros de charges et que l’on divise par deux, on voit bien que cela ne coûte que 80 euros, c’est-à-dire moins cher que ce que l’on paye en net. En outre, cette déclaration ouvre des droits sociaux – des droits à la retraite, notamment – pour les salariés concernés : ce n’est pas le cas si on ne la fait pas.

Il s’agit de dispositifs très puissants, qui trouvent leurs limites à un moment donné, étant donné notamment certaines difficultés sociales. Mais, compte tenu des coûts – et je connais le débat sur l’abattement de cotisations sur les deux mesures qui ont été prises, une fois par un gouvernement, une fois par un autre, et pas forcément de façon pertinente –, le Gouvernement est vraiment défavorable à ces amendements même s’il en comprend la volonté sous-jacente.

Mais sur des dispositifs qui occasionnent déjà des dépenses fiscales aussi massives, dépenser un milliard d’euros supplémentaire, ou plus, serait complètement insupportable compte tenu de la trajectoire que nous nous sommes fixée. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(Les amendements nos 558 et 563, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 23, 91 et 407 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. À la demande du Gouvernement, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 2 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l’amendement n560.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je ne vais pas refaire l’explication de tout à l’heure. Il existe des solutions pour solvabiliser cet avantage fiscal que je propose : il suffit de dégrader le taux de crédit d’impôt, que je propose de porter à 48 %.

Même si je ne vais pas m’accrocher indéfiniment à ces amendements, que je suis prêt à retirer, je souhaite néanmoins qu’on en étudie sérieusement le principe. Le ministre a dit lui-même, s’agissant de l’avantage fiscal, qu’il rendait le coût réel pour les usagers des emplois familiaux inférieur au salaire net versé. Il faudrait donc regarder sérieusement cette question, en combinant le seuil et le taux de remboursement. Pour répondre aux objections qui m’ont été faites tout à l’heure, l’exonération de charges patronales ne rentrerait évidemment pas dans la partie qui serait comptabilisée pour avoir droit au crédit d’impôt.

À la suite du rapport qui a été déposé sur ce sujet par Mmes Martine Pinville et Bérengère Poletti, je souhaite qu’on regarde ce dossier sérieusement : la rupture d’égalité induite fera peut-être qu’un jour le juge constitutionnel aura à l’examiner.

Mme la présidente. Pardonnez-moi si j’ai mal compris : l’amendement n560 est-il retiré ou maintenu ?

M. Jean-Louis Gagnaire. J’ai fait quelques propositions et je souhaiterais que, dans le cadre du budget pour 2017, on puisse étudier des solutions qui permettent de solvabiliser les emplois à domicile un peu mieux qu’ils ne le sont aujourd’hui. Sous cette réserve, je retirerai mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est également défavorable. Monsieur le député, deux de vos collègues ont effectivement rédigé un rapport sur les services à la personne. Disons que pour aller au-delà de ce qui existe actuellement, il faut attendre une période au cours de laquelle l’étau de la contrainte budgétaire pourra être desserré.

Vous parlez de solvabiliser, mais c’est déjà le cas puisque justement, l’avantage consenti va au-delà du salaire net qui est alloué aux salariés. On pourra envisager une évolution que je crois souhaitable et qui peut prendre la forme de la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt : c’est un peu ce que proposaient les amendements précédents.

Il serait également possible – je l’avais suggéré et l’Assemblée avait, en son temps, adopté cette disposition – de majorer la réduction de charges de 75 centimes. Cependant, à ce stade, compte tenu de la contrainte budgétaire, il ne nous paraît pas souhaitable d’aller au-delà. Peut-être qu’en 2017 le contexte sera plus détendu et qu’il sera possible de réexaminer cette question.

(L’amendement n560 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 217 de la commission des finances.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a été adopté par la commission des affaires économiques puis par la commission des finances.

Il existe un dispositif qui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt sur certains investissements dans le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, vingt-cinq sites ayant été retenus.

Ce dispositif s’arrête au 31 décembre 2015. Or le programme national continue au-delà de 2015. Pour être cohérent, il est donc proposé de proroger ce dispositif de réduction d’impôt, qui est l’équivalent du Malraux dans ces quartiers, jusqu’en 2017.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Contrairement à ce que proposait un amendement précédent, celui-ci ne change pas le champ. Il donne un peu plus de temps et de visibilité à ceux qui investissent. Le Gouvernement y est favorable.

(L’amendement n217, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n707.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. C’est un peu la même logique.

Le PNRQAD s’occupait de vingt-cinq quartiers anciens dégradés et c’est maintenant le nouveau programme de rénovation urbaine, le NPNRU, qui va s’en occuper. Il est donc proposé que le dispositif que nous venons de voter puisse s’appliquer aussi dans le NPNRU.

Cela peut être apparenté à un amendement d’appel, monsieur le secrétaire d’État, parce que le nouveau programme, dans ces quartiers, commencera vraiment à être mis en œuvre à partir de 2017. Il n’y aura donc pas forcément de conséquences en 2016, mais la logique est la même. On l’a fait pour les quartiers anciens dans le PNRQAD ; les quartiers sont maintenant concernés par le nouveau programme de rénovation urbaine. Il paraîtrait donc logique, pour le parallélisme des formes, que le même dispositif s’applique dans ce nouveau programme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’appel est entendu mais, à partir du moment où le programme ne démarrera que dans un an, il sera toujours temps de prendre ce type de décisions. Contrairement à l’amendement précédent, vous changez le champ. Le Gouvernement, à ce stade, est donc encore défavorable à cet amendement.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Je le retire.

(L’amendement n707 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n452.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement vise à corriger à la marge un dispositif d’investissement locatif qui, nous en avons déjà débattu, permet de louer le logement acquis à ses ascendants et à ses descendants, sans aucune restriction.

Le propriétaire peut recevoir une aide maximale de l’État à hauteur de 63 000 euros en échange d’un engagement à louer sous conditions de ressources et sous condition de loyer. Or, lorsque le logement est loué à l’un de ses descendants, un enfant, voire un petit-enfant ou un arrière-petit-enfant, on peut penser que l’engagement à louer sous condition de loyer sera de fait respecté puisque, de toute façon, le loyer sera sans doute excessivement faible, y compris si les locataires ne font pas partie du même foyer fiscal.

Ce que propose donc cet amendement, et qui est moins contraignant que ne l’étaient de ce point de vue les dispositifs Besson et Borloo, c’est que cet engagement à louer sous condition de ressources et sous condition de loyer pendant une durée minimale ne prenne pas en compte le moment où on loue à l’un de ses proches, à l’un de ses descendants, parce que, là, l’avantage conféré par l’État semble très loin des intentions du législateur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce que vous proposez, monsieur le député, c’est d’exclure le temps de location à ses enfants de la période d’engagement de six ans du dispositif Pinel, qui continuerait à courir normalement, alors qu’aujourd’hui, il en fait partie, comme si vous aviez un locataire normal.

Le découpage du temps de location à descendant soulève quelques difficultés techniques, notamment le découpage de l’avantage fiscal pendant la durée de location. Cela pose quelques questions juridiques. À ce stade, nous avons émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a cet inconvénient, Mme la rapporteure générale a raison, parce que cela complique le suivi et éventuellement le contrôle du respect de la période d’engagement dans une fourchette de loyer imposé. En plus, cela peut paraître désincitatif alors que c’est un dispositif qui fonctionne. À cette heure, je ne vous rappelle pas les chiffres.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je veux appuyer les propos de la rapporteure générale et du secrétaire d’État.

Vous le savez, monsieur Goldberg, il faut absolument faire repartir la construction et votre amendement, que je peux comprendre au plan moral, allais-je dire, sera contre-productif. Là, on a un système simple, qui est éprouvé, et le fait de pouvoir louer, en tout cas dans un premier temps, aux ascendants ou aux descendants, est essentiel pour l’incitation.

Il faut d’abord penser à l’efficacité et l’objectif est d’arriver à redresser la construction. Je vous comprends mais ce n’est pas une bonne idée.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président de la commission des finances, il n’est pas interdit de lier morale et politique de temps en temps, pour vous répondre sur le même ton sympathique et amical avec lequel nous discutons habituellement.

J’entends ce qui est dit, il faut redresser la construction mais, aujourd’hui, le principal problème n’est pas l’investissement locatif, c’est la primo-accession. C’est évidemment un signe symboliquement important de pouvoir louer à ses descendants, sans restriction, et mon amendement n’introduit aucune restriction. Simplement, le temps que l’on loue à ses descendants ne serait pas pris en compte dans la période d’engagement à louer sous condition de ressources et sous condition de loyer que demande l’État. Je ne parle pas des ascendants puisqu’ils libéreront, eux, un logement.

Je pense qu’aller en ce sens marquerait un engagement fort de l’État. Encore une fois, cela représente 63 000 euros par logement. Pour continuer à lier morale et politique, si l’ensemble des jeunes décohabitant, c’est-à-dire qui quittent le domicile de leurs parents pour se loger, disposaient d’un pactole de 63 000 euros accordé par l’État, il y aurait égalité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et c’est aussi par souci d’égalité, donc de morale, que je maintiens cet amendement.

(L’amendement n452 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n215 de la commission des finances.

M. Christophe Caresche. Il s’agit tout simplement de faire sauter une condition de mixité – non pas dans le logement social mais dans le logement libre – relative au dispositif Pinel, qui n’a d’ailleurs jamais été appliquée puisque le décret n’a jamais été publié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le confirme, cette disposition n’a jamais été appliquée puisque le ministère du logement n’a jamais produit le décret nécessaire. En plus, cela peut paraître là aussi désincitatif.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et lève le gage.

(L’amendement n215, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n191.

M. Éric Alauzet. Au même titre que pour des fondations ou associations reconnues d’utilité publique, d’organismes d’intérêt général ou encore de partis politiques, une réduction d’impôt sur le revenu est accordée pour les dons faits aux collectivités locales par des contribuables domiciliés en France, à hauteur de 66 % de leur montant dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Toutefois, cette possibilité n’est ouverte aux collectivités locales qu’à la condition qu’elle soit affectée au profit d’œuvres poursuivant un objet à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue ou des connaissances scientifiques françaises.

Pour éviter d’être dans l’erreur, il convient que les potentiels donateurs s’assurent que la collectivité prenne bien soin de vérifier qu’elle peut effectivement percevoir un don ouvrant à une réduction d’impôt.

Face à ces complications et au risque de ne pas pouvoir obtenir de réduction d’impôt induit par la condition d’affectation du don, les potentiels donateurs sont freinés à la perspective d’effectuer ce geste à destination d’une collectivité locale.

Cet amendement propose donc de lever toute condition d’affectation aux dons en espèces effectués aux collectivités locales et leurs groupements par les contribuables pour obtenir une réduction d’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Quand il y a un avantage fiscal, il faut qu’il soit fléché sur un objectif, nous l’avons beaucoup dit ce soir au cours de cette discussion budgétaire. Vouloir supprimer la condition que vous évoquez serait contraire à l’idée que tout avantage fiscal doit viser un objectif précis.

(L’amendement n191, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement n130.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement vise à aligner le traitement fiscal de l’investissement Madelin dans les entreprises, qui est de l’investissement de long terme en fonds propres, sur le dispositif des SOFICA, parce que je n’arrive pas à comprendre comment on peut avoir un certain régime quand on investit en fonds propres dans une société qui fabrique un film et ne pas avoir le même quand on investit dans une société qui fabrique des brioches. Il y a là une inégalité qui me heurte profondément.

La seconde raison, c’est que cela fait partie de tout un ensemble de propositions que je trouve très intéressantes du rapport Carré-Caresche.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est le seul amendement élargissant un tout petit peu – il ne coûte vraiment pas cher – les niches fiscales que je me sois permis de signer sur toute cette loi de finances. Je demande donc de faire preuve de mansuétude.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable, notamment monsieur le président de la commission, et vous le savez, parce que l’aménagement a été fait pour que les investissements qui excéderaient le plafond de 10 000 euros soient reportables. Cela n’a donc pas de caractère limitatif et le Gouvernement ne voit donc pas la nécessité de retenir cet amendement.

(L’amendement n130 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n273.

M. Charles de Courson. Quand on regarde les statistiques de l’URSSAF sur l’évolution du travail à domicile, on voit que l’abaissement du plafond et, surtout, la réduction des exonérations de charges sociales – la suppression du forfait pour faire simple – ont abouti à une forte réduction au moins du travail déclaré.

L’objet de cet amendement, c’est de replacer cette niche fiscale sous le plafond de 18 000 euros au lieu de 10 000 euros.

M. Christophe Caresche. Vous êtes pris la main dans le sac, monsieur de Courson !

Mme Catherine Coutelle. C’est pour les plus riches !

M. Charles de Courson. À 18 000 euros ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Effectivement, l’enveloppe globale des 10 000 euros dont vous pouvez bénéficier est à allouer comme vous le souhaitez, que ce soit pour un salarié à domicile ou pour d’autres dépenses. Vous voudriez bénéficier des 7 500 euros correspondant à un emploi à domicile ainsi que du reste !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un peu irresponsable !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Je rappelle qu’avec 7 500 euros d’avantage fiscal, vous pouvez embaucher quelqu’un pendant une année pour deux tiers de temps rémunérés au SMIC.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un plafond de niche à 10 000 euros, c’est déjà considérable ! Il faut déjà payer ces 10 000 euros d’impôts. Je ne connais pas le chiffre exact, mais des contribuables qui pourraient utiliser pleinement une niche à 10 000 euros, ce n’est pas n’importe qui !

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même en choisissant un taux d’imposition par la queue de l’impôt sur le revenu, à 15 % par exemple, et il n’y a pas beaucoup de contribuables imposables à plus de 15 %, cela correspondrait à des revenus de 60 000 euros par an. On rêve !

M. Charles de Courson. Quand vous travaillez tous les deux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même dans ce cas, il ne s’agit plus de classes moyennes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour un centriste, vous êtes un peu extrême !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il existe des plafonds sur chacun des dispositifs, notamment sur les gardes d’enfants, plafonnées à 7 500 euros. Le Gouvernement est défavorable à un plafonnement à 18 000 euros !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce type d’amendement s’adresse à des ménages dont les deux membres travaillent, gagnent correctement leur vie et qui sont très investis professionnellement et donc obligés de prendre un employé à domicile s’ils ont des enfants.

M. Daniel Goldberg. Et alors ?

M. Charles de Courson. On peut dire que de telles catégories ne nous intéressent pas, mais ce sont tout de même des éléments moteurs de la société, à tous points de vue.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Les explications de Charles de Courson me permettent de revenir sur mes précédents propos. Avant d’augmenter les défiscalisations pour les ménages les plus aisés, commençons par faire entrer dans la défiscalisation les ménages de retraités qui en sont exclus. C’était le sens de nos amendements tout à l’heure. J’ai senti chez le secrétaire d’État au budget une volonté de réfléchir à cette question.

Votre amendement, monsieur de Courson, est complètement déplacé dans un tel contexte. Commençons par solvabiliser les emplois à domicile de tous, avant d’augmenter à des niveaux assez exceptionnels une telle niche, alors que les besoins sont déjà satisfaits – 12 000 euros représentent 10 heures de travail par semaine, avec les charges.

M. Charles de Courson. Mais quand vous avez des enfants ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Mais pour de nombreux ménages, aucune aide n’existe. Avant de satisfaire votre amendement, regardons les cas de plus en plus nombreux des ménages qui ne bénéficient pas d’avantages, à cause du relèvement du seuil d’imposition.

(L’amendement n273 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n633.

M. Christophe Caresche. Je le retire.

(L’amendement n633 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n516.

M. Charles de Courson. Cet amendement n’a rien à voir avec ce dont nous avons discuté jusqu’à présent. Les tensions sur le marché français du bois depuis 2014 sont vécues assez durement par les scieurs, qui ont mis en lumière la nécessité de sécuriser l’approvisionnement des scieries françaises à partir des massifs forestiers français. Les professionnels, à travers le contrat stratégique de filière signé avec les pouvoirs publics en décembre 2014, proposent de pallier cette insécurité par le développement de contrats d’approvisionnement entre les détenteurs de la ressource en bois et la première transformation industrielle.

Dans une forêt privée française morcelée, la reconnaissance d’organisation de producteurs, prévue par le code rural et de la pêche maritime, permet d’orienter les forestiers dans la direction du contrat d’approvisionnement et de structurer la filière. En effet, environ 50 % des volumes de bois commercialisés par ces organisations doivent l’être sous forme de contrat d’approvisionnement. C’est pourquoi cet amendement propose de fixer un taux d’aides maximum à 33 % au crédit d’impôt DEFI Forêt, qui existe déjà. Il est également proposé de fixer à 25 % le taux d’aide pour les propriétaires qui se regroupent, notamment dans le cadre d’un groupement d’intérêt économique et environnemental forestier – système qui a été créé par la dernière loi agricole – qui sera sensibilisé à ce mode de commercialisation.

Le coût est tout à fait minime au regard du plafonnement de la mesure, de l’activité nouvelle générée dans la forêt et du développement de la sécurité d’approvisionnement des scieries.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’avais émis un avis de sagesse lors de réunion de la commission, laquelle a souhaité accepter l’amendement. Il lui semble en effet intéressant d’encourager la gestion groupée des forêts privées. Par ailleurs, le coût ne dépasserait pas 3 ou 4 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce n’est pas parce qu’un amendement paraît peu coûteux qu’il est forcément pertinent.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’était pas mon principal argument !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le dispositif date de 2013. Il faut donc lui laisser un peu de temps. Il existe déjà une réduction de 25 %. Même s’il ne s’agit que de quelques millions d’euros, quelques millions d’euros ajoutés à quelques millions d’euros, cela finit par faire beaucoup. Toute augmentation des dépenses fiscales devrait être compensée. Je tiens les comptes : nous en sommes déjà à 44 millions d’euros ! Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Dans la mesure où Mme la rapporteure avait émis un avis de sagesse, vous ne pouvez comptabiliser cet amendement, monsieur le secrétaire d’État ! La filière bois est actuellement en danger, plus particulièrement le feuillu. L’une des mesures permettant aux scieries d’avoir l’approvisionnement dont elles ont besoin serait de favoriser le regroupement des producteurs ainsi que la contractualisation entre producteurs et premiers transformateurs. Actuellement, le marché du feuillu est complètement biaisé par les acheteurs chinois. En Lorraine, les scieries disparaissent les unes après les autres.

Il faut avoir cela en tête. Aussi toute mesure favorisant la contractualisation dans la filière est une bonne mesure. C’est pourquoi je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que vous, qui êtes lorrain, ne soyez pas sensible à cet argument.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nous rencontrons le même problème en Franche-Comté pour les résineux. Malheureusement, parce que les prix sont plus avantageux en Chine, toute la valeur ajoutée part à l’extérieur. C’est pour cela que notre filière bois est extrêmement déficitaire. La mission agriculture et forêt aborde souvent ce problème, afin de savoir comment capter la valeur ajoutée sur notre territoire. L’un des moyens serait, en effet, ces contrats d’approvisionnement qui peuvent aussi concerner les communes, afin de garder les différentes étapes de transformation sur notre territoire. Je sais bien, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes contraint par des éléments financiers que je partage, mais cette question économique est bien réelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Ce matin, nous avons présenté avec Pascale Got, un rapport de la mission d’information sur la filière forêt-bois. Je pense que cet amendement va dans le bon sens, parce qu’il vise à favoriser le regroupement. La forêt française est morcelée, ce qui pose un problème structurel et fait que nous n’avons pas une gestion suffisamment efficace. Par ailleurs, nos scieries sont sous-industrialisées, contrairement aux scieries allemandes ou à d’autres.

Il y a un moyen de financer cet amendement au coût limité, ce serait de limiter l’abattement d’ISF pour les propriétaires qui ont une réelle gestion productive de la forêt. La combinaison de ces deux mesures permettrait d’améliorer la gestion productive sans toucher aux finances publiques et de proposer des mesures qui iraient dans le bon sens. Nous devrons avoir ce débat au cours de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Nous avons intérêt à favoriser et à renforcer le potentiel de nos forêts.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout le monde est d’accord pour dire que nous avons intérêt à renforcer et à valoriser le potentiel des forêts françaises. Monsieur le député Lamblin, vous êtes comme moi meurthe-et-mosellan, mais ici vous êtes député de la nation, tandis que je représente le gouvernement de la France, et non pas les intérêts de la Lorraine.

M. Jacques Lamblin. Bien sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme vous, alors que j’étais encore député, j’ai reçu les producteurs de bois ou les dirigeants de scieries. Pensez-vous raisonnablement qu’un tel amendement aura un effet significatif sur les différentiels de prix existants ? En effet, l’une des causes de notre manque de compétitivité, c’est que les bateaux venant de Chine en Europe, pour ne pas repartir à vide, sont prêts à se charger de produits achetés à des prix anormaux sur le marché. C’est ce que j’ai retenu de mes rencontres avec les professionnels du secteur.

Agrandir une niche fiscale de quelques millions d’euros ne s’inscrit pas à la même échelle. Cela n’a rien à voir avec la problématique du secteur qui souffre de beaucoup d’autres handicaps. Vous avez raison, monsieur Abad, de dire que la structuration de la filière et le morcellement des exploitants représentent certainement une plus grande difficulté encore. Passer un abattement mis en œuvre il y a deux ans de 25 à 33 % me semble ridicule.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue ministre de l’agriculture avait répondu à une question de Germinal Peiro : « L’évolution des modes de commercialisation des bois y a été identifié comme un axe stratégique pouvant aider les scieries françaises dans leurs achats de matière première. La voie de la contractualisation, privilégiée sur des volumes importants par les coopératives forestières, reste cependant à développer plus largement s’agissant des ventes consenties par les sylviculteurs privés. » Mon amendement va tout à fait dans le sens de cette réponse.

(L’amendement n516 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin, pour soutenir l’amendement n654.

Mme Monique Rabin. Cet amendement ne coûte rien au budget. Il a trait au lien entre le surendettement et les créances fiscales. Ma réflexion part du fait que, pour les personnes surendettées, la Banque de France a calculé un montant de remboursement, en fonction du revenu annuel disponible, qui inclut revenus et charges. Mais quand l’impôt sur le revenu arrive, la personne est imposée sur le revenu disponible sans que soit prise en compte la charge de la dette incluse dans le budget mensuel.

Depuis une loi de 2003, les créances fiscales font l’objet d’une normalisation dans la masse des dettes non professionnelles concernées par le surendettement. Dans un souci de préservation des créances publiques, il n’est évidemment pas question d’exonérer les personnes concernées du paiement de l’impôt, mais il s’agit de maximiser les chances de désendettement. Dès lors, il faudrait que l’État fasse le point, comme l’application de ce texte l’y contraint depuis douze ans. Il serait alors peut-être possible d’aménager sur le plan réglementaire le dispositif.

Je ne suis pas fan des rapports demandés sur tous les tons par notre Assemblée au Gouvernement, mais ce serait une manière d’obtenir une réponse moins formelle et de montrer à la représentation nationale qu’il y a tout de même encore des choses à faire du côté du surendettement.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les créances fiscales représentent en moyenne 2 % dans les dossiers de surendettement. La Cour des comptes s’y est penchée en 2010 et en 2013, sans signaler de difficultés particulières. Je crois que l’administration fiscale traite ces créances avec toute la bienveillance nécessaire. Néanmoins, si l’Assemblée souhaite avoir un rapport un peu plus détaillé que ce qui lui est déjà fourni, le Gouvernement contribuera à la déforestation, même de façon très modeste. (Sourires.)Il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Mme Rabin a raison sur deux aspects. Tout d’abord, il est en effet assez insupportable de demander des rapports toutes les cinq minutes. Elle en convient et je partage son avis. Mais elle a raison en l’occurrence car il serait bien de pouvoir faire le point. Ce rapport sera utile. Il peut paraître bizarre que nous ayons créé le rétablissement personnel dans une loi sur la politique e la ville, mais c’est parce qu’on s’est battus avec Jean-Louis Borloo pour la mise en place de ce dispositif. Même si initialement, l’administration fiscale n’a pas trop joué le jeu, c’est le cas aujourd’hui, ce qu’il faut saluer, le secrétaire d’État a raison.

(L’amendement n654 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. L’article 3 abaisse le seuil de soumission à la TVA de 100 000 euros à 35 000 euros pour les ventes à distance. Dans un marché de e-commerce en pleine expansion, qui représente aujourd’hui 56,8 milliards d’euros, l’État ayant perçu 293 millions au titre de la TVA en 2014, cela a du sens. Une telle disposition permettrait en effet d’élargir l’assiette et d’augmenter les recettes de 5 millions d’euros – c’est toujours cela de pris pour le budget. De plus, elle limiterait les distorsions commerciales entre les entreprises de l’Union, l’alignement du seuil contribuant à l’harmonisation européenne en matière fiscale, ce qui facilitera la révision de la directive « TVA » qui aura lieu en 2016.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Cet article traitant de la TVA, je voudrais évoquer une piste possible. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que l’agriculture est en crise très grave actuellement et que le ministre Stéphane Le Foll a déjà pris des mesures de soutien. Il est certain, et l’idée a la faveur de tous les syndicats agricoles, qu’on peut aider, et rapidement surtout, les exploitants agricoles, en particulier les éleveurs, par le biais de la TVA, soit sous forme d’exonération, soit sous forme de non-remboursement de la TVA encaissée – ce dernier dispositif étant un peu plus compliqué, j’en conviens. On améliorerait ainsi dans de brefs délais la marge des exploitants.

M. Razzy Hammadi. Mais ce ne sont pas les mêmes règles fiscales !

M. Jacques Lamblin. Je rappelle que les difficultés des éleveurs tiennent exclusivement au fait que leurs produits sont vendus en dessous du prix de revient. Nous avons ainsi des hommes et des femmes qui travaillent soixante à quatre-vingts heures par semaine, dans bien des cas pour un revenu inférieur au RSA. Il y a urgence. Des amendements ont été déposés à ce sujet : je pense en particulier à ceux de M. Frédéric Lefebvre, mais il n’est pas là et ils ne sont pas soutenus.

Il faut explorer soigneusement cette piste pour une aide directe et rapide aux éleveurs.

M. Razzy Hammadi. Quel est le rapport avec l’article ?

M. Jacques Lamblin. Il y a un rapport puisqu’il s’agit de la TVA.

M. Razzy Hammadi. Ah, certes !

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n425.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement vise à combler une faille. En effet, l’article s’appliquerait aux opérateurs. Or nous avons vu lors de la loi Consommation, dont j’ai été le rapporteur, que cette référence pouvait s’avérer trop limitée. Je donne un exemple : il peut y avoir un seul opérateur, un site internet d’achats, mais derrière lequel se trouve une multiplicité de producteurs et de fournisseurs, je pense notamment aux coopératives étrangères. Si mon amendement n’est pas adopté, que va-t-il se passer ? Il y aura des groupements qui ne vendront pas sur le site internet pour un montant générant plus de 35 000 euros de recettes de TVA, mais qui démultiplieront ce plafond en fonction du nombre de distributeurs. D’où mon amendement, qui propose d’ajouter les mots suivants : « par un groupement d’opérateurs ou un distributeur ». Il s’agit d’éviter ce biais.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement parce que la notion de distributeur que vous proposez, monsieur le député, n’est pas très précise au regard de l’assujettissement à la TVA. De plus, le terme de « vendeur » employé dans l’article est plus large que celui de « distributeur » puisqu’il inclut aussi les prestations de distribution, tant la vente de biens que de services. Le périmètre que vous défendez n’est pas très clair.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Je précise que l’on entend ici par vendeur à distance tout assujetti à la TVA établi dans un autre État membre de l’Union européenne qui effectue des livraisons de biens. Aussi sont donc également placés dans le champ d’application du régime des ventes à distance les livraisons de biens réalisés par des groupements d’opérateurs et des distributeurs. Il apparaît donc que cet amendement est satisfait.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je persiste et signe, et en appelle à la clairvoyance des députés ici présents. Dans tous les pays de l’Union européenne qui ont légiféré sur le sujet, soit il a été indiqué d’emblée qu’il s’agissait d’opérateurs ou d’un groupement d’opérateurs, soit il y a eu des modifications législatives dans les six mois qui ont suivi pour le préciser. Je rappelle que, dans la loi Consommation, le mot : « opérateur » a toujours été remplacé, avec l’aval du Gouvernement, par les mots : « opérateur ou groupement d’opérateurs ». Ce que je dis est clair et peut être compris même à cette heure tardive : vous pouvez avoir derrière un opérateur de vente en ligne plusieurs fournisseurs et, par conséquent, l’effet recherché par le Gouvernement sera nul puisque même si le plafond est baissé de 100 000 euros à 35 000 euros, trois opérateurs derrière une enseigne unique de distribution pourront faire trois fois 35 000 euros et donc même remettre en cause le plafond actuel. Je l’avais déjà démontré lors du débat sur la loi Consommation. Je maintiens cet amendement et j’espère que la lucidité des uns et des autres permettra son adoption.

(L’amendement n425 est adopté.)

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Après l’article 3

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l’amendement n746.

Mme Catherine Coutelle. Cet amendement peut paraître amusant puisqu’il porte sur la TVA applicable aux produits de protection hygiénique féminine, mais cela concerne quinze millions de femmes aujourd’hui en France. Nous souhaitons que ces produits soient considérés comme de première nécessité parce que les femmes qui les utilisent chaque mois ne le font pas par choix. Nous demandons donc que le taux de TVA soit de 5,5 % alors qu’il est actuellement de 20 %. Je rappelle que depuis janvier 2014, Marisol Touraine a mis les préservatifs au taux de 5,5 % au nom de la lutte contre le SIDA.

J’avais, lors de l’examen du projet de loi Macron, souligné qu’un certain nombre de produits proposés aux femmes, alors qu’ils sont identiques ou semblables à ceux proposés aux hommes, sont plus chers. M. Macron nous avait dit que Bercy ferait une étude sur le sujet. Je sais qu’elle n’est pas simple à faire, mais elle est en cours. On appelle ce surcoût « la taxe rose » – parce que malheureusement les produits sont roses, sans qu’on ne nous ait rien demandé. En attendant les résultats de cette étude et les suites qui lui seront données, je demande cette modification. Je précise que nous avons été alertés par le collectif Georgette Sand, composé de femmes mais pas seulement.

M. Razzy Hammadi. En effet !

Mme Catherine Coutelle. Ce sont des veilleurs pour tout ce qui concerne l’inégalité entre les femmes et les hommes. Je leur rends hommage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a accepté cet amendement, considérant qu’il n’y avait pas de problème juridique puisque l’élargissement du taux réduit de TVA aux produits d’hygiène féminine serait tout à fait compatible avec le droit européen, notamment au regard de l’annexe III de la directive « TVA ».

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il n’y a pas non plus de problème de principe. Bien entendu, reste la question du coût budgétaire, que nous avons chiffré entre 70 millions et 85 millions d’euros.

M. Arnaud Richard. Tout de même !

M. Razzy Hammadi. C’est le prix de l’égalité hommes-femmes ! On peut y consacrer 80 millions d’euros quand on consacre 380 millions d’euros à la voirie au titre de la FCTVA !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappelle que je me suis engagée à tenter, lors de la discussion budgétaire, de préciser les amendements en termes d’impact budgétaire ou financier, et je continuerai. En l’occurrence, il s’agit d’un calcul effectué sur un coin de table, mais peut-être le secrétaire d’État a-t-il une évaluation plus précise.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement pour des raisons d’ordre général et pour des raisons particulières, mais je sais que le débat est vif, il suffit de regarder Twitter pour s’en convaincre. J’ai lu au moins vingt-cinq tweets sur la position du Gouvernement sur cet amendement, et c’est exceptionnel – on en reçoit beaucoup moins sur les propositions de Pierre-Alain Muet et Jean-Marc Ayrault...

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le poids du lobbying !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi le Gouvernement n’est-il pas favorable à cet amendement ? Pour une raison générale, tout d’abord. Je le dis et serai conduit à le redire, le Gouvernement a mené un long débat sur les taux de TVA ; il a pris certaines décisions sur ce sujet, qu’il ne souhaite pas modifier. Cela vaut pour cet amendement comme pour la kyrielle des amendements que nous examinerons dans les jours à venir. Nombreuses sont les bonnes raisons conduisant à considérer qu’une diminution du taux de TVA constitue un levier de justice pour promouvoir un produit ou une filière – les bois, les eaux, les parcs d’attractions, l’entrée des grottes, les transports scolaires. Ces débats reviennent à chaque loi de finances. Je sais qu’ils ressurgiront, même si cela peut vous irriter, ma chère collègue.

Je ne veux pas entrer dans le débat de l’égalité entre hommes et femmes. Le taux de TVA de nombreux produits d’hygiène concernant plutôt, mais pas exclusivement, les hommes…

Mme Marie-Christine Dalloz. Les rasoirs ! La mousse à raser !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …est fixé à 20 %. Les mousses à raser pour les hommes sont taxées à 20 %. Les rasoirs, malgré les différences de prix que vous évoquez – qui n’ont rien à voir avec les taux de TVA – sont taxés à 20 %.

Ce débat passionné n’est pas simple : personne ici – ni le Gouvernement ni, à l’évidence, de nombreux députés – ne veut discriminer les femmes et les hommes.

Cet amendement a un coût : s’il me manquait un autre argument, j’aurais pu utiliser celui-là. D’après le Gouvernement, 55 millions d’euros seraient perdus,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est moins que nous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …soit un peu moins que le montant annoncé par la rapporteure générale. Nous avons déjà donné 44 millions d’euros tout à l’heure. Si l’on en ajoute 55, l’on parvient à environ 100 millions d’euros. Il faudra les trouver.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On les trouvera !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Il assume son choix et explique ses raisons, parmi lesquelles figure aussi un argument de coût. Les taux réduits de TVA sont plus nombreux en France que dans aucun pays de l’Union européenne. La Commission européenne nous le rappelle assez souvent. Nous avons le droit de définir des taux réduits de TVA, si nous respectons la directive communautaire. Mais ce droit ne crée pas une obligation à définir des taux réduits : bien qu’autorisés à diminuer la TVA sur de nombreux produits, nous ne l’avons pas fait.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Ce sujet, difficile à évoquer pour un homme, mérite pourtant d’être débattu. Mme Coutelle l’a abordé sous l’angle d’un signal fort d’égalité entre les hommes et les femmes. Elle a raison. Mais une question essentielle se pose : ces produits sont-ils de première nécessité ou non ?

Mme Catherine Coutelle et M. Razzy Hammadi. Oui !

M. Arnaud Richard. C’est un vrai sujet, alors que je ne suis pas certain que cela soit le cas pour le bois.

Pour trouver une solution à la problématique tout à fait fondée que soulève Mme Coutelle sous l’angle du pouvoir d’achat et d’égalité, il faut aller plus loin et étudier les questions d’hygiène féminine en termes de santé publique. J’ignore si un autre parlementaire travaille sur cette question. Mais j’ai découvert récemment avec l’univers des dispositifs d’hygiène féminine une problématique assez lourde, qui est celle de toutes les femmes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme c’est intéressant !

M. Arnaud Richard. Mme Coutelle a eu raison de soulever le sujet. J’ai ainsi découvert le principe de la coupe menstruelle, qui mériterait d’être débattu. En termes de santé publique, elle plus profitable qu’une problématique fiscale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il faut en effet distinguer les produits de nécessité des produits de confort, ce qui est relativement difficile. L’amendement de Mme Coutelle a le mérite de prendre en compte cette situation, tout en portant une attention particulière aux femmes les plus précaires.

Mais à qui profiteront les 55 millions d’euros évoqués par M. le secrétaire d’État, qui représentent le coût de la mesure pour l’État ? Peut-on être certains, dans le cadre d’un changement de taux de TVA de 20 à 5,5 %, que ce sont bien les consommateurs…

Mme Marie-Christine Dalloz. Les consommatrices !

Mme Véronique Louwagie. …qui profiteront de cette différence. Une véritable inquiétude transparaît ici. Nous savons que ces produits sont essentiellement commercialisés par la grande distribution. Sommes-nous assurés que celle-ci répercutera la différence de taux de TVA ? Sans connaître par avance la réponse, j’émets des doutes sur la vertu des industriels à répercuter cette mesure, qui vous honore, madame Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Je vous remercie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Les dépenses contraintes ne sont pas des dépenses comme les autres.

Mme Catherine Coutelle. Oui !

Mme Isabelle Attard. Avons-nous le choix ? Non. Vous vous inquiétez de savoir où ira cet argent. Mais il servira tout simplement à faire d’autres achats. En tout cas, c’est une vraie dépense obligatoire, qui ne fait pas partie des fioritures, des choses qu’une femme peut ne pas acheter.

M. Razzy Hammadi. C’est vrai !

Mme Isabelle Attard. Ce ne sont pas un rasoir, de la mousse à raser ou des cotons-tiges. Vous avez évoqué, monsieur Eckert, les loisirs, notamment l’entrée dans des grottes, propos qui semblent un peu décalés par rapport à notre discussion. Car l’amendement de Mme Coutelle est tout à fait justifié. Nous discutons enfin – et cela n’est pas un sujet tabou – d’une dépense contrainte, obligatoire pour les femmes. Faire pour une fois quelque chose serait un minimum.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Il y a deux ans, le projet de loi de finances pour 2014 avait donné lieu à de très nombreux débats sur les taux de TVA, aujourd’hui classés en trois catégories. Sans reprendre la liste de Christian Eckert et en mettant de côté les parcs à thème, de nombreux sujets, qui seront défendus par la suite, présentent de bonnes raisons d’intérêt général pour bénéficier d’un taux modifié de TVA. Le problème est que cette modification s’effectue toujours dans le même sens.

De ce point de vue, au regard de ce que nous devons faire et de ce que je me suis engagé à faire en son nom, le groupe socialiste, républicain et citoyen émettra également un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements concernant les taux de TVA. Il ne faut pas aujourd’hui modifier les taux de TVA. S’ils sont modifiés, nous devrons récupérer des dizaines voire des centaines de millions d’euros par d’autres mesures d’économies. Cela n’est pas possible en ce moment.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaiterais éviter toute interprétation méprisante de mes propos sur ces sujets très complexes. Qu’en est-il d’autres produits ? Sans revenir sur les parcs à thèmes ou l’entrée des grottes, j’évoquerais le savon, taxé à 20 %. L’on peut prétendre que le savon n’est pas indispensable, qu’il peut être remplacé par d’autres techniques. De nos jours, il est pourtant devenu un produit de première nécessité.

De même, la TVA sur les couches-culottes des jeunes enfants s’élève à 20 %. Un taux réduit est cependant appliqué pour les personnes handicapées. Nous ouvrons là des débats où, de proche en proche, l’on trouvera chaque fois de bons arguments pour faire de la TVA une variable d’ajustement à des pratiques permettant de dissuader, d’inciter ou de couvrir parfois une dépense contrainte.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Sur ce sujet, j’ai apprécié les propos de notre collègue sur la possibilité d’utiliser d’autres leviers que le levier fiscal.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Que le Gouvernement se soit fait une doctrine sur la TVA est compréhensible. Marisol Touraine a cependant annoncé à la fin de 2013 une baisse de TVA sur les préservatifs au titre de la santé publique et de la lutte contre le sida, dès 2014. Ce motif était excellent : je ne peux que l’approuver. Le débat a posé des questions de santé et de dépenses obligatoires. Mon sujet, qui ressemble aux autres postes de TVA, est tout de même un peu spécifique.

(L’amendement n746 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n409.

Mme Isabelle Attard. Contrairement à ce qui vient d’être dit, tous les amendements proposés à présent ne visent pas à baisser la TVA, puisque le mien a pour objet d’en augmenter pour une grande partie.

Cet amendement sur les livres numériques vise à résoudre simultanément trois problèmes majeurs du marché du livre numérique, chacun d’entre eux étant suffisamment sérieux pour en justifier l’adoption.

Le marché du livre numérique en France est prisonnier d’opérateurs étrangers : Amazon avec Kindle, Apple avec iTunes, Google avec Google Play Books. Leurs clients croient acheter des livres numériques. Cela est faux : en réalité, ils souscrivent une licence de lecture extrêmement limitée, sans même en avoir conscience. S’ils changent de système de lecture, ils ne peuvent plus accéder aux livres qu’ils croient avoir achetés. Ils n’achètent donc pas un livre qu’ils pourront transmettre à leurs enfants ou garder pendant des années.

La solution s’appelle l’interopérabilité. L’achat d’un livre numérique doit permettre d’y accéder sur n’importe quel appareil, sans limitation. J’ai entendu de nombreux discours en faveur d’un tel principe. Il est temps aujourd’hui de passer aux actes. Je vous propose donc de restreindre la TVA réduite aux ventes de vrais livres numériques, c’est-à-dire aux fichiers fournis sans logiciel verrou ni mesure de protection technique pour la gestion numérique des droits– DRM, selon l’acronyme anglais pour digital rights management.

Nous réglerons ainsi trois problèmes. Tout d’abord, nous favoriserons les petits éditeurs et vendeurs, qui optent pour des systèmes ouverts, et nous leur donnerons enfin les moyens de lutter à armes égales contre le système fermé des multinationales. Si Hachette a tant souffert de son conflit avec Amazon, c’est que le groupe n’est pas en position de se retirer. L’interopérabilité constitue une condition importante de la limitation des monopoles. A ce titre, l’éditeur Bragelonne, leader français du livre numérique, qui n’applique aucun logiciel-verrou à ses fichiers n’a pas de problème.

Ensuite, nous inciterons au respect des lecteurs. Il n’est pas normal que l’on puisse priver des clients de l’usage des livres qu’ils ont achetés si, par exemple, ils souhaitent changer de matériel.

Enfin, nous offrirons un compromis acceptable dans la procédure engagée par la Commission européenne contre la France. Aujourd’hui, nous devons provisionner le montant des amendes que nous devons payer.

Cet amendement propose de limiter les dégâts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable de la commission. Le taux de TVA s’élève actuellement à 5,5 % pour les livres, qu’ils soient sous format papier ou numérique. Or cet amendement revient sur ce principe de neutralité, créant une forme de distorsion de concurrence au profit des livres non protégés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je sais que j’obtiens à peu près la même réponse chaque année. Mais laissez-moi répéter que des livres avec des verrous ne sont pas des livres. Il n’y a donc pas de distorsion, puisqu’il existe deux catégories différentes de produits, avec d’une part les livres que vous pouvez prêter indéfiniment, d’autre part les livres que vous ne lisez que sous certaines conditions.

Qu’est-ce qu’un livre ? Aujourd’hui, vous pouvez transmettre un livre papier. Vous le lisez n’importe où, dans tous vos voyages sur la planète. Le livre numérique avec un DRM, ne peut être ni emporté, ni prêté, ni donné. Ce n’est donc pas un livre, mais un service. Or les services sont taxés à 20 %.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Je découvre cet amendement et j’avoue être séduit par ce qui y est proposé. Si nous voulons favoriser l’industrie du livre papier, qui continue d’exister avec les vertus qu’on lui connaît, et ne pas nous laisser avaler par celles et ceux qui font des produits numériques qui ne sont pas interopérables et ne peuvent être transmis, bref si nous voulons favoriser à la fois ceux qui privilégient l’interopérabilité et le livre classique, il convient d’aller dans ce sens. Cet amendement me paraît de nature à favoriser ce que nous aimons chez les libraires, qu’ils soient virtuels ou réels.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je comprends moi aussi la philosophie de cet amendement et je suis pleinement d’accord avec ce qui est proposé, à une nuance près. Je pense que c’est l’identification et la définition de l’ouvrage à travers le verrou des DRM qui devrait être interrogées, au lieu que l’on privilégie la seule approche fiscale. J’estime, à titre personnel, que le présent amendement aurait davantage sa place dans le texte à venir sur la République numérique, de manière à identifier les produits de ce type non comme des biens culturels, mais comme des biens commerciaux, plutôt que dans un texte fiscal. Pourquoi ? Je ne donnerai qu’un seul argument : le livre n’est pas le seul bien culturel qui soit extrait du domaine de ce que l’on appelle les « communs », dont on donnera une définition dans le projet de loi pour la République numérique.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur Hammadi, permettez-moi de vous signaler qu’à chaque fois que, dans un texte de loi, quel qu’il soit, on rencontre un problème financier, on nous dit qu’il faudra le traiter dans le projet de loi de finances. Il est par conséquent clair que si cette question n’est pas réglée aujourd’hui, elle ne le sera pas dans un autre texte !

(L’amendement n409 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, aujourd’hui, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 15 octobre 2015, à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly