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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 19 octobre 2015

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110, 3112, 3116).

Nous en venons, dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents, à l’article 22 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Article 22 et débat sur le prélèvement européen

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est particulièrement important. D’abord parce qu’il concerne l’un des montants les plus importants en discussion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Ensuite parce qu’il permet d’effectuer un large examen des politiques communes de l’Union européenne, d’en vérifier la pertinence, d’en suivre les évolutions et les constantes. Il permet ainsi au Parlement d’analyser les relations financières entre la France et l’Union européenne, l’utilisation des fonds européens dans notre pays et l’efficacité des politiques européennes.

Cette année, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’établit dans le projet de loi de finances pour 2016 à 21,509 milliards d’euros. Le calcul de la contribution française au financement du budget de l’Union européenne tient à deux facteurs : d’une part, une estimation du besoin de financement de l’Union ; d’autre part, une estimation du niveau des ressources, notamment de la part de la France dans le revenu national brut – RNB – de l’Union européenne. La hausse de notre contribution au financement du budget de l’Union européenne tient essentiellement à la prise en compte de l’entrée en vigueur prévisionnelle de la nouvelle décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne, sur laquelle votre assemblée va être prochainement appelée à se prononcer.

En 2016, la France devra s’acquitter de façon rétroactive des corrections et rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015. Cet impact est estimé à 900 millions d’euros sur le prélèvement sur recettes de cette année. Cet effet rétroactif est analogue à celui du précédent cadre financier 2007-2013, pour lequel la décision sur le système des ressources propres était entrée en vigueur en 2009. Lors de la présentation de la nouvelle décision sur les ressources propres, j’aurai d’ailleurs l’opportunité de revenir plus longuement sur les modalités de financement du budget de l’Union européenne et sur la volonté du Gouvernement de les réformer en profondeur pour les rendre plus lisibles, plus transparentes et plus équitables. Cela implique en particulier de revenir sur tous les mécanismes de correction qui se sont multipliés et sédimentés au fil du temps. C’est le sens des travaux du groupe à haut niveau que préside l’ancien président du Conseil italien et ancien commissaire européen Mario Monti, que j’ai eu l’occasion de recevoir. Nous soutenons sa démarche et souhaitons qu’il fasse des préconisations ambitieuses.

La France demeure le deuxième contributeur net en volume au budget de l’Union européenne, après l’Allemagne et devant le Royaume-Uni. En retour, la France est aussi le deuxième bénéficiaire en volume des dépenses de l’Union européenne en 2014, derrière la Pologne et devant l’Espagne. Elle a ainsi reçu 13,5 milliards d’euros en 2014. Cependant, nous ne pouvons – et nous ne devons pas – nous contenter d’une lecture comptable consistant à analyser des flux entre le budget de l’Union européenne et le budget national. Les avantages et les bénéfices de notre appartenance à l’Union européenne ne peuvent être réduits à cette seule donnée. Parler du budget de l’Union européenne, c’est parler des politiques européennes qui irriguent nos territoires, de notre participation à l’espace européen de la recherche, de la politique agricole commune, du financement des grandes infrastructures régionales ou transfrontalières, du soutien des fonds européens à notre tissu économique.

En définitive, c’est parler de l’orientation de ces politiques au service de la croissance et de l’emploi – je pense en particulier au Fonds social européen ou à la Garantie pour la jeunesse. C’est parler de ce que nous estimons être mieux à même de faire ensemble que chacun séparément, au risque de l’inefficacité. Je pense à l’Europe de l’énergie, au numérique ou à la politique spatiale européenne. Parler du budget, c’est finalement parler du projet pour l’Europe, de notre vision de l’avenir de l’Europe et des ambitions que nous voulons voir assignées à l’Union européenne dans son ensemble. Il ne s’agit donc pas d’esquiver les chiffres, mais de les éclairer.

Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2016 s’élève, pour l’ensemble de l’Union européenne, à 153,8 milliards d’euros en crédits d’engagement et 143,6 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce budget 2016 a ceci de particulier qu’au-delà de la mise en œuvre de nos grandes priorités stratégiques, définies dans le cadre financier pluriannuel, il tient compte des nouveaux défis que doit relever l’Union européenne, avec par exemple la mise en œuvre du plan d’investissements Juncker, la réponse à la crise des filières d’élevage et, bien sûr, l’ajustement de nos politiques communes pour faire face à la crise des réfugiés.

En premier lieu, ce budget traduit les grandes priorités de la programmation budgétaire 2014-2020, notamment la réorientation des politiques européennes en faveur de l’investissement, de la croissance et de l’emploi. Le budget de l’Union européenne pour 2016 se caractérise ainsi par la montée en charge des nouveaux programmes de la période de programmation financière 2014-2020, en particulier le programme Horizon 2020 pour la recherche, les universités et l’innovation, le programme Erasmus + pour la mobilité des jeunes, l’éducation et la formation tout au long de la vie, le Mécanisme pour l’interconnexion pour l’Europe, consacré aux investissements dans les infrastructures énergétiques, de transport et numériques. Sur toutes ces politiques, l’enjeu pour la France est de permettre à nos projets de bénéficier de financements européens. Il faut à cet égard se réjouir de l’augmentation de nos retours en 2014, dernière année de référence connue. En 2014, la France a ainsi perçu 570 millions d’euros au titre du programme Horizon 2020 et 182 millions pour Erasmus +. Elle est désormais, en volume, le premier bénéficiaire de ces programmes. Plusieurs projets français ont également été retenus par le comité de coordination du Mécanisme d’interconnexion pour l’Europe, en particulier le canal Seine-Escaut et la ligne ferroviaire Lyon-Turin, projets sur lesquels le Gouvernement s’est beaucoup mobilisé.

Le projet de budget de l’Union européenne pour 2016 prévoit également des crédits pour la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques dans le cadre du Plan Juncker, afin de réaliser un total de 315 milliards d’euros d’investissement publics et privés au cours des trois prochaines années. En France, plus de 140 projets éligibles ont d’ores et déjà été identifiés. Plusieurs d’entre eux ont déjà reçu de premiers financements relais. Dans le même temps, les grandes politiques de l’Union européenne, en particulier la politique de cohésion, avec le Fonds européen de développement régional – FEDER – et le Fonds social européen – FSE –, doivent continuer à favoriser la croissance et l’emploi dans nos territoires. En France, le rôle des acteurs territoriaux sera accru, puisque les conseils régionaux sont devenus autorités de gestion de ces crédits européens pour maximiser leur effet de levier sur le développement local.

En second lieu, ce budget doit aussi nous permettre de répondre collectivement aux grandes crises auxquelles l’Union européenne est aujourd’hui confrontée. En effet, le projet de budget européen pour 2016, que le prélèvement sur recettes permet de financer, est aussi un budget de réponse aux urgences et aux crises. Je mentionnerai d’abord, dans le domaine de l’agriculture, la crise que connaît l’élevage depuis cet été. Les secteurs des produits laitiers et de la viande porcine, en particulier, souffrent de la faiblesse des prix du marché. Les facteurs de cette crise sont connus : excès d’offre sur les marchés lié notamment à la fin des quotas laitiers, embargos russes et demande chinoise moins importante que prévue sur les produits laitiers.

Le ministre de l’agriculture et l’ensemble du Gouvernement se sont mobilisés pour trouver des solutions à l’échelle européenne. La France a obtenu en septembre la réunion d’un Conseil des ministres de l’agriculture exceptionnel. À cette occasion, la Commission a annoncé un paquet de 500 millions d’euros d’aides, notamment pour le lait en poudre et la viande porcine, qui sera pris en compte dans le budget 2016. Ce paquet budgétaire doit aussi permettre de répondre aux difficultés de trésorerie des agriculteurs. La France va ainsi recevoir une enveloppe de 62,9 millions d’euros d’aides supplémentaires. Les paiements aux agriculteurs seront effectués avant le 31 décembre. Le plan européen prévoit également des actions de stabilisation des marchés, avec de nouvelles mesures de stockage privé pour les produits laitiers, le fromage et le porc.

Sur la crise migratoire, les défis pour l’Europe sont colossaux ; ils ont été présentés par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale. Je ne reviens pas sur les positions que nous avons défendues en Europe, qui traduisent un équilibre entre la solidarité et la responsabilité. Mais cette crise a aussi une dimension budgétaire. L’accueil des réfugiés, leur enregistrement dans les fameux centres d’enregistrement et d’accueil, les hot spots, la gestion de nos frontières extérieures communes, le renforcement de la lutte contre les passeurs, notamment l’opération maritime Sophia, au large des côtes libyennes, contre les trafiquants d’êtres humains en Méditerranée, le raccompagnement dans leur pays d’origine de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale, l’appui à des projets de développement dans ces pays, tout cela a un coût qu’il faut supporter. Il nous faut également aider les pays tiers de transit, en particulier les pays voisins de la Syrie confrontés à un afflux de réfugiés syriens – Liban, Jordanie, Turquie –, afin que ceux-ci puissent y être accueillis au mieux plutôt que de tenter à tout prix de rejoindre l’Europe.

Tous ces sujets ont été au cœur des débats des dernières réunions du Conseil européen. La Commission évalue l’effort budgétaire global pour répondre à la crise des réfugiés, en 2015 et en 2016, à 9,2 milliards d’euros. Ceci inclut certains montants déjà budgétés, mais également les nouvelles mesures annoncées lors du Conseil européen extraordinaire du 23 septembre, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Ces moyens budgétaires permettront notamment d’apporter des financements supplémentaires aux agences de l’ONU, comme le Haut Commissariat pour les réfugiés ou le Programme alimentaire mondial. Ils permettront également de renforcer le Fonds asile, migration, intégration – FAMI – et le Fonds pour la sécurité intérieure – FSI –, de financer les augmentations d’effectifs annoncées dans les agences européennes sollicitées – Frontex, le Bureau européen d’appui en matière d’asile et Europol – ainsi que, en appui des États membres, la relocalisation de 160 000 personnes, laquelle résulte des décisions prises en juillet et en septembre derniers.

Mesdames, messieurs les députés, tels sont les grands enjeux du budget de l’Union européenne pour 2016. Financer l’Europe, c’est se donner les moyens de notre ambition européenne dans les grands domaines d’avenir comme face aux urgences et aux crises. C’est refuser de céder à la tentation du repli. C’est servir l’intérêt de l’Europe, donc l’intérêt de la France. Tel est l’enjeu de l’examen du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne sur lequel l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer et que le Gouvernement vous demande de soutenir.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, comme l’an dernier, l’examen du projet de loi de finances donne lieu à un débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Bien sûr, ce débat est d’abord l’occasion d’aborder le sujet des relations financières entre le budget de la France et celui de l’Union européenne, mais c’est aussi l’occasion de discuter du contexte économique européen et des politiques européennes en faveur de la croissance économique.

Avant d’en venir à l’économie européenne, je voudrais rappeler quelques points sur le plan budgétaire, et d’abord sur le montant du prélèvement sur recettes.

Depuis 2007 et à périmètre constant, le prélèvement sur recettes a progressé : 15,4 milliards en 2007, 16,6 en 2008, 18,3 en 2009, 22,5 en 2013, 20,3 en 2014 et 20 milliards en 2015 selon la prévision actualisée du Gouvernement.

Ainsi, le prélèvement sur recettes représente environ 8 % des dépenses de l’État hors charge de la dette et des pensions. Ce montant n’intègre pas les ressources propres traditionnelles de l’Europe, les fameux RPT, telles que les droits de douane, pour lesquelles les administrations nationales agissent comme de simples intermédiaires. Pour la France, ces ressources sont de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est désormais de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros chaque année, c’est-à-dire environ 1 % de notre richesse nationale, soit un taux équivalent à ce qu’on observe dans la plupart des pays européens. Ces montants incluent les rabais qui ont pu être négociés par certains pays auprès de l’Union européenne.

L’article 22 du projet de loi de finances évalue ainsi à 21,5 milliards d’euros le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour 2016, soit 1,5 milliard de plus que ce qui est prévu pour 2015.

Cette hausse s’explique en grande partie par le fait que la France devra s’acquitter de façon rétroactive d’environ neuf cents millions d’euros correspondant aux corrections et rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015. Il s’agit d’une forme de rattrapage.

Mon deuxième point sera la portée de notre vote.

L’article 22 du projet de loi de finances pour 2016 portant sur le prélèvement sur recettes est évaluatif et non pas limitatif, puisqu’il ne s’agit pas budgétairement d’une dépense. Budgétairement, les dépenses sont juridiquement plafonnées : il s’agit d’autorisations à ne pas dépasser. En revanche, les prélèvements sur recettes peuvent être, en exécution, d’un montant supérieur à celui qui a été voté.

Autrement dit, contrairement aux autres charges, dont nous voterons le plafond global à l’article d’équilibre – l’article 23, qui suit immédiatement notre discussion sur le prélèvement sur recettes –, le montant voté au titre du prélèvement sur recettes peut être dépassé en exécution. Il est d’ailleurs fréquent de constater des écarts significatifs, à la hausse ou à la baisse, entre les montants votés et les montants exécutés. Ainsi en 2014, l’exécution a été supérieure de 123 millions d’euros au montant inscrit en loi de finances initiale.

La question se pose alors aux parlementaires que nous sommes de savoir si les institutions européennes ne pourraient pas faire l’effort de fixer de manière plus précise, voire sincère, le montant du prélèvement sur recettes. Cela permettrait un débat plus transparent sur notre contribution au budget de l’Union européenne.

Mon troisième point portera sur la nature du prélèvement sur recettes. En comptabilité nationale, le prélèvement sur recettes est bien traité comme une dépense, et non comme une moindre recette. Or, étant donné l’écart que nous observons entre ce que nous votons et ce qui est exécuté, il y aurait un effort à demander à la Commission européenne pour que son montant soit le plus précis possible.

Cette réflexion rejoint la préoccupation qui a motivé l’amendement présenté la semaine dernière par notre collègue Pascal Cherki, qui visait à exclure ce prélèvement sur recettes du calcul du déficit nominal. Intellectuellement, cette proposition est largement défendable, eu notamment égard aux écarts que je viens d’indiquer. Pratiquement cependant, elle se heurte au principe de réalité, puisque le déficit nominal n’est que le reflet chiffré de ce que la France devra emprunter en plus en année N + l, sans avoir à tenir compte de la nature de la dépense.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Quatrièmement, ce prélèvement sur recettes est à envisager du point de vue du budget européen. Il représente 15 % de ce budget, dont les recettes globales sont de l’ordre de 145 milliards d’euros.

La France est le deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne. Elle verse en effet environ 21 milliards et reçoit environ 14 milliards, soit une contribution nette de 7 milliards d’euros.

On observe cependant que le coût des mécanismes de rabais est croissant pour la France. Sur la période 2010-2016, la France finance la compensation en faveur du Royaume-Uni à hauteur de 27 % en moyenne. Ainsi, en 2013, le rabais britannique a été de 4,3 milliards d’euros et la France en a financé 1,2 milliard d’euros.

Il existe d’autres rabais forfaitaires annuels sur la période 2014-2020 – 695 millions d’euros en faveur des Pays-Bas, une dizaine de millions d’euros en faveur d’autres pays. Je crois que c’est là une question qui ne doit pas être exclue du champ du débat démocratique.

Je voudrais maintenant aborder des questions plus conjoncturelles, en lien avec la discussion de cet été sur la crise grecque, celle sur la crise agricole et enfin la crise des réfugiés.

Je voudrais d’abord rassurer certains membres de la commission des finances, en précisant que le plan voté cet été en soutien à la Grèce ne coûte rien de plus à la France. En effet, les engagements au titre du troisième prêt accordé à ce pays proviennent du Mécanisme européen de stabilité, le MES, dont la capitalisation a déjà été autorisée par le Parlement. Aujourd’hui, le MES dispose de l’argent nécessaire à la levée des fonds qui seront ensuite prêtés à la Grèce.

Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, la crise agricole, qui a suscité un certain nombre de soutiens.

Je voudrais en venir à la crise des réfugiés. Au moment où nous parlons, le mouvement allemand Pegida manifeste de nouveau à Dresde pour célébrer le premier anniversaire de sa création. Nous Français, nous Européens, ne pouvons nous exclure de la marche de l’histoire. L’Europe ne peut se restreindre à une histoire de chiffres : elle est avant tout une histoire humaine, elle doit assumer sa part de solidarité et de responsabilité. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir apporté de nouvelles précisions sur cette solidarité nécessaire.

Parce que l’Europe est avant tout une histoire humaine, elle doit se projeter dans l’avenir : à court terme, comme je viens de le dire, mais aussi à moyen terme. Se projeter dans l’avenir à moyen terme, c’est investir maintenant.

Le Gouvernement a pris des mesures très fortes dans ce domaine, telles que le suramortissement ou le CICE, mais l’Europe aussi a pris des mesures, au travers notamment du Plan Juncker.

Là aussi, on peut regretter la complexité du dispositif : les porteurs de projets doivent s’adresser directement à la Banque européenne d’investissement, mais au niveau national le Commissariat général à l’investissement, le CGI, joue un rôle de filtre, sans doute nécessaire. Il reste que depuis juillet, seule une petite dizaine de projets ont été acceptés.

Cette discussion budgétaire est pour nous l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de formuler une demande : il faut accélérer la mise en œuvre du Plan Juncker, car bloquer l’investissement, c’est bloquer des perspectives pour notre pays et pour l’Union européenne.

Pour conclure, je me félicite que le semestre européen ait permis un dialogue constructif entre la France et les institutions européennes,…

M. Pierre Lequiller. Nous n’avons pas été consultés !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …à tel point que l’on ne parle plus du tout de sanctions aujourd’hui et que l’on se projette désormais dans une démarche beaucoup plus constructive. Cela démontre que la France a pleinement retrouvé sa crédibilité sous cette législature.

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, chers collègues, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 22 du projet de loi de finances, qui détermine la contribution française au budget communautaire. Pour la seconde année, nous examinons cet article en séance, à défaut d’en débattre.

Je veux commencer mon propos en soulignant que les constats, parfois durs, les analyses, partagées, les propositions – ambitieuses –, monsieur le secrétaire d’État, nous les formulons de manière constante et régulière depuis 2012 ; mais l’écho rencontré jusqu’alors est assez faible. Je compte donc sur votre détermination pour faire bouger les lignes et pour qu’enfin un projet européen ambitieux soit financé.

La négociation sur la proposition de budget de l’Union européenne pour 2016 est engagée. Elle s’inscrit dans un cadre financier pluriannuel que nous sommes nombreux à juger insuffisant, dans un contexte d’augmentation du nombre des États membres, d’élargissement par les traités du périmètre des compétences communautaires, de besoins importants en investissements structurants, de défis stratégiques immenses, avec une multiplication des conflits dans son voisinage, dont la crise migratoire – à laquelle l’Europe peine encore à faire face – est le dramatique symptôme – le symptôme d’une impuissance politique, que les citoyens européens perçoivent et rejettent et à laquelle il est urgent de remédier.

Le budget 2016 est le premier budget élaboré par la nouvelle Commission européenne, qui a indiqué qu’elle présentait un projet à la hauteur des ambitions fixées par le Conseil, ambitions rappelées par l’appel conjoint lancé par François Hollande et Angela Merkel, côte à côte devant le Parlement européen début octobre, un appel à plus d’Europe face aux crises. Il est impossible, pour ceux qui pensent, comme beaucoup d’entre nous, que l’Europe est une solution, de ne pas souscrire à un tel objectif. Malheureusement, les moyens pour y parvenir ne sont pas là.

En effet, ils s’établissent à 143,5 milliards d’euros en paiements, soit 0,98 % du revenu national brut, le RNB, en progression de 1,6 % – soit une quasi-stabilisation en volume – et à 153,8 milliards d’euros en engagements, soit 1,05 % du RNB, en diminution de 5 %. Cette baisse doit cependant être relativisée, car une fois neutralisée la reprogrammation des crédits de 2014, qui se fait à titre principal sur 2015, les engagements progressent de 2,4 % entre 2015 et 2016.

La Commission indique qu’elle souhaite porter l’accent sur la croissance et l’emploi, la sécurité, la politique migratoire et la politique extérieure, et affiche également sa volonté de maîtriser les dépenses administratives, qui augmentent néanmoins de 2,9 %, et de réduire les effectifs des institutions européennes.

Comme toujours, la proposition du Conseil est en retrait. Il a, en effet, souhaité restaurer des marges sous plafonds significatives, a fixé le niveau des crédits d’engagement à 153,269 milliards d’euros, soit une diminution de 5,4 % par rapport au budget voté pour 2015, et a limité la hausse des crédits de paiement à 0,6 %. Ainsi, par rapport au projet de la Commission, le Conseil a décidé de réduire de 564 millions d’euros les crédits d’engagement et de 1,4 milliard d’euros les crédits de paiement. Les instruments spéciaux sont maintenus au niveau proposé par la Commission, hormis l’instrument de flexibilité, qui n’est plus mobilisé en crédits de paiement et qui pèse 389 millions d’euros.

Dans un jeu de rôle maintenant bien rodé, le Parlement européen a proposé de supprimer les propositions de baisse de crédits du Conseil, d’augmenter les moyens des agences en charge de la gestion de la crise migratoire ainsi que des programmes en faveur de l’entrepreneuriat et des PME, de revenir sur les redéploiements des crédits du programme de recherche d’Horizon 2020 au bénéfice du Fonds européen d’investissement et enfin de faire un plein usage des instruments de flexibilité.

La commission des affaires étrangères, pour sa part, estime que les arbitrages budgétaires, qui devront intervenir avant le 25 novembre 2015, doivent tendre vers le projet de la Commission, qui est l’institution européenne la plus capable d’apprécier les besoins de financement. J’ajoute que la position du Conseil est en contradiction avec les priorités affichées dans le cadre financier pluriannuel et les objectifs que fixe celui-ci. Elle est aussi en contradiction avec les objectifs politiques que fixe le Conseil lui-même.

Premier exemple, l’investissement en faveur de la croissance. L’initiative de la Commission européenne de créer un Fonds européen pour les investissements stratégiques est à saluer. Toutefois, les effets de levier de 1 à 15 qui ont été annoncés pour les dépenses de ce fonds sont peu réalistes. En outre, les sommes proposées ne couvrent qu’une partie des besoins de l’Europe en infrastructures. Enfin, le fonds mobilise surtout des redéploiements de crédits.

Deuxième exemple, la politique étrangère de l’Union européenne. En 2016, les crédits qui doivent permettre d’assurer la poursuite des opérations en cours au Sahel, dans la Corne de l’Afrique, en Libye, en République démocratique du Congo et en Ukraine s’élèvent à 327 millions d’euros en engagements et à 299 millions d’euros en paiements. Ils sont certes en légère hausse, mais limités en valeur absolue. Et il est nécessaire aussi de renforcer les dotations en faveur de l’instrument européen de voisinage, notamment au sud de l’Europe, dont l’importance stratégique est trop souvent minimisée par certains de nos partenaires européens, alors que les crises s’y multiplient, en Libye, au Proche-Orient, en Syrie, que la stabilité du Liban ou encore de l’Égypte est fragile et que la crise migratoire trouve sa réponse au sud.

Je note au passage que c’est principalement par redéploiements et usage des instruments de flexibilité que l’Europe a fait face aux dépenses liées à cette crise.

Enfin, troisième exemple, on peut vraiment regretter, messieurs les secrétaires d’État, que l’Initiative pour l’emploi des jeunes ne bénéficie d’aucun nouveau crédit en 2016.

Lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel, une clause de revoyure en 2016 a été obtenue de haute lutte par les parlementaires européens, clause à laquelle les Parlements nationaux seront associés au cours d’une conférence institutionnelle.

La France doit y jouer un rôle de premier plan, d’abord parce que notre pays est l’un des grands bénéficiaires et premiers contributeurs du budget européen. Le dynamisme de sa contribution ne se dément pas. En 2016, l’article 22 du projet de loi de finances, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure générale, évalue à 21,5 milliards d’euros le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne, évaluation sur laquelle pèsent encore de nombreuses incertitudes puisqu’on sait qu’il y a une mauvaise estimation chronique et structurelle des droits de douane par la Commission européenne. Je ne rappelle pas les enjeux, évoqués par Mme la rapporteure générale, de ce prélèvement sur recettes qui s’effectue dans une enveloppe normée.

La France participe toujours davantage à l’effort de solidarité européen, comme le montre la dégradation de son solde net, qui approchait les 8 milliards en 2014.

Je rappelle ici que nous avons voté, à l’initiative du groupe socialiste, une résolution européenne favorable à l’exclusion de ce solde du calcul du déficit. La France œuvre à un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi. Le pacte de croissance en témoigne, de même que nos efforts pour concrétiser l’union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques, soutenir l’investissement dans l’énergie, les transports ou encore la santé, anticiper comme nous l’avons fait avec le cadre financier pluriannuel la mise en œuvre de l’Initiative européenne pour la jeunesse.

Messieurs les secrétaires d’État, dans cette perspective et celle de la clause de revoyure de 2016, pourriez-vous éclairer les membres de la commission des affaires étrangères sur la position de la France sur trois sujets ?

En premier lieu, les nouvelles modalités de souplesse de gestion définies avec le Parlement européen. Leur portée doit encore être précisée, notamment pour ce qui concerne la possibilité de mobiliser au-delà du plafond des crédits de paiement les instruments spéciaux, point qui oppose le Conseil à la Commission et au Parlement. J’estime pour ma part que dans un cadre pluriannuel restreint – et les membres de la commission des affaires étrangères se sont ralliés à cette analyse –, ces instruments de flexibilité doivent être utilisés à plein pour faire face aux dépenses imprévues. C’était d’ailleurs une des contreparties au vote du cadre financier pluriannuel par les députés européens.

Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention, au risque de me répéter, est celui de la persistance des « reste à liquider », qui sont évalués à 200 milliards d’euros : sujet désormais récurrent. Nous sommes nombreux ici à considérer leur accumulation inquiétante.

Vous le savez, des délégations de parlementaires européens sont venues à la rencontre des parlementaires nationaux pour les mettre en garde sur ce point.

Enfin et surtout, je souhaite évoquer la réforme des ressources propres de l’Union européenne, réforme avortée en 2014, puisque la dernière décision adoptée par le Conseil, non seulement n’a rien changé, mais a ajouté des rabais aux rabais et se soldera par un surcoût proche de 900 millions d’euros pour la France en 2016. Le budget européen ne peut pas continuer à être l’agrégation des contributions des différents États membres, ou bien, inlassablement, ressurgira chaque année le clivage entre les pays de la cohésion – qui dénoncent les engagements non tenus – et les contributeurs nets expliquant que subissant des contraintes budgétaires fortes, ils souhaitent limiter leur contribution. On aboutit à une situation absurde, pour ne pas dire préoccupante, dans laquelle chaque État essaie de reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Il faut aussi poser les questions institutionnelles. Le Parlement européen ne joue qu’un rôle consultatif pour les recettes, l’adoption du cadre financier pluriannuel est déconnecté des élections – comment défendre un projet devant les électeurs sans maîtrise du cadre budgétaire ? – et la règle de l’unanimité qui s’applique aux décisions relatives aux ressources propres est une des raisons pour lesquelles le système n’a jamais été réformé : tout cela laisse craindre un grand manque d’ambition pour l’après 2020.

Tels sont donc, messieurs les secrétaires d’État, sur cette question essentielle qu’est la contribution française au financement des politiques européennes, les points sur lesquels, au nom de la commission des affaires étrangères, nous souhaitons obtenir des réponses.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, monsieur le secrétaire d’État au budget, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, nous en avons encore la confirmation cette année avec le projet de budget pour 2016 et les budgets rectificatifs pour 2015 : le budget européen est insuffisant pour faire face aux défis auxquels l’Union est confrontée.

Trop étriqué, ce budget craque de toutes parts. Alors comment va-t-il pouvoir financer la nécessaire solidarité que représente l’accueil des réfugiés qui fuient les guerres et frappent légitimement à nos portes ?

Pour financer le plan d’investissement pour l’Europe, qui est doté de seulement 8 milliards d’euros de garanties provenant du budget européen, il faut prendre, en 2016 et ce jusqu’en 2018, des crédits sur les lignes budgétaires destinées au programme de recherche Horizon 2020, pour 2,7 milliards d’euros, et au Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour 3,3 milliards d’euros. Autrement dit, on déshabille Pierre pour habiller Paul et on prive de moyens conséquents des programmes phares pour la croissance et l’emploi, y compris l’emploi des jeunes.

Plus grave encore : le financement des mesures en faveur des réfugiés, qui a été annoncé cet été et cet automne, est assuré en partie par redéploiement, et non uniquement à partir de moyens nouveaux. Ainsi, les 78 millions d’euros de paiements prévus dans le cinquième budget rectificatif pour 2015 sont pris à 90 % sur le programme Galileo. De même, le septième budget rectificatif pour 2015 prévoit, sur un montant total annoncé de 400 millions d’euros en engagements et de 57 millions d’euros en paiements, de financer 10 % des engagements et la totalité des paiements à partir des lignes budgétaires destinées au Fonds de solidarité de l’Union européenne, à la politique agricole et à la pêche. Est-ce bien raisonnable en période de crise agricole ? Est-ce cohérent ?

Nous avons ainsi la confirmation que la mise en garde à laquelle avait procédé la commission des affaires européennes lors des négociations relatives au cadre financier pluriannuel, était pleinement justifiée. Ce cadre est nettement insuffisant. On le voit : l’Union, désargentée, n’apparaît pas en mesure de relever les défis auxquels elle est confrontée, ce qui entame encore davantage la confiance de nos concitoyens dans le projet européen.

Il faut que nous tirions pleinement profit du réexamen du budget de l’Union qui doit avoir lieu en 2016, afin de remédier enfin à cette situation de crise.

Nous devons faire en sorte que la conférence inter-institutionnelle relative aux ressources propres prévue l’an prochain impose une remise à plat du système de financement du budget européen et dote celui-ci de véritables ressources propres.

Nous bénéficierons certainement, dans notre projet, d’un soutien précieux en la personne de Mario Monti. Ce dernier, qui préside le groupe à haut niveau chargé de procéder à un réexamen général du système des ressources propres, a en effet mis en évidence, lors de son audition par notre commission et par celle des finances le 31 mars dernier, une « évaluation unanimement très négative » du système actuel.

Afin de pallier cette situation, je considère qu’il est indispensable de réviser en profondeur le système des ressources propres, avec un double objectif de simplification et d’autonomisation.

Il faut notamment supprimer les rabais et autres ristournes, dont on constate pleinement les effets négatifs sur le prélèvement sur recettes inscrit dans le projet de loi de finances pour 2016. Celui-ci, compte tenu de l’entrée en vigueur rétroactive de ces mécanismes, est supérieur de 900 millions d’euros à son niveau attendu.

Afin de mettre un terme à la logique du « juste retour » qui domine les négociations sur le cadre financier pluriannuel et de doter correctement le budget européen, il est impératif de mettre en place de véritables ressources propres. Mario Monti avait évoqué, lors de son audition, l’impôt sur les sociétés. Pour ma part, je plaide plutôt pour la taxe sur les transactions financières. Quelle est votre position, monsieur le secrétaire d’État, sur ce sujet des ressources propres du budget européen ? Quel impôt privilégieriez-vous ? Et où en sont les négociations sur la taxe sur les transactions financières, Arlésienne du budget européen ?

Et pourtant, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, nous faisons vous et moi partie des gens attachés à cette taxe sur les transactions financières !

Je pense par ailleurs que nous devons tirer pleinement parti de la conférence inter-institutionnelle prévue en 2016, en élargissant son mandat à la question des dépenses du budget européen.

Il convient en effet, à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, de tirer les enseignements des trois premières années de sa mise en œuvre, qui montrent d’ailleurs l’insuffisance criante des moyens mobilisés au niveau européen.

À cet effet, il faut revoir les plafonds de crédits arrêtés en 2013. On voit aujourd’hui qu’ils ne sont absolument pas à la hauteur des défis auxquels l’Europe est confrontée.

Il nous faut aussi trouver, ensemble, une réponse à la progression continue des « reste à liquider », que le projet de budget européen pour 2016 ne semble, pas plus que les précédents, devoir contribuer à résoudre – sujet cher à Estelle Grelier. Quelles sont, à cet égard, les pistes que vous privilégiez, messieurs les secrétaires d’État, pour endiguer ce « reste à liquider », qui a progressé de plus de 40 % sur les cinq dernières années ?

Il convient également de préciser l’ampleur de la portée des instruments de flexibilité, afin de sortir de la controverse stérile qui oppose le Conseil au Parlement européen sur la possibilité de mobiliser ces instruments au-delà du plafond des paiements. Au vu de la situation actuelle, la réponse me semble évidente : oui, il doit être possible d’aller au-delà de ces plafonds.

Pour sortir de la logique égoïste qui guide les discussions budgétaires européennes et redonner tout son sens au budget européen, il convient par ailleurs d’adopter une approche plus logique dans le suivi des finances publiques mené dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Ainsi, pour que la participation financière aux politiques européennes ne soit plus considérée comme un fardeau pour les finances publiques nationales, il faut exclure du mode de calcul du solde public la contribution des États membres au budget de l’Union.

Pensez-vous, messieurs les secrétaires d’État, défendre cette proposition que notre Assemblée a adoptée dans une résolution européenne le 8 juin dernier ?

Nous sommes par ailleurs bien conscients que la prise en compte de la contribution de la France au budget européen dans la norme de dépense a pour conséquence de contraindre le financement des politiques au niveau européen, alors même que le budget européen est un budget d’investissement, c’est-à-dire un budget qui doit construire l’avenir.

Cette inclusion du prélèvement européen dans la norme de dépense a également, et surtout, pour conséquence de contraindre les moyens des différents ministères, dès lors que tous sont inscrits dans la même enveloppe.

Il faut que nous nous libérions de ces logiques comptables, et simplement comptables, totalement déconnectées de la réalité et des choix politiques, qui se révèlent la plupart du temps absurdes et contre-productives. Nous devons éviter que notre action se retrouve uniquement guidée par des règles et non par des projets.

Revenons donc à la définition même d’un budget, et tout particulièrement du budget européen : c’est un outil au service de politiques ambitieuses et non, je le répète, un instrument comptable.

À cet effet, il convient sans doute d’exclure le prélèvement européen de la norme de dépense alors que, je le rappelle, il a été introduit dans cette enveloppe normée en 2008 suite à une décision d’opportunité du gouvernement d’alors. Le Gouvernement, vous-mêmes, messieurs les secrétaires d’État, êtes-vous prêts à faire cet effort ?

Voilà les quelques réflexions que la commission des affaires européennes tenait à faire valoir au moment où nous discutons de ce sujet éminemment européen.

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, madame, monsieur les présidents de commission, mesdames les rapporteures, l’Union européenne est au plus mal et nous savons tous sur ces bancs que le budget proposé dans le cadre financier pluriannuel ne suffira pas à résoudre la crise économique, sociale et morale que nous traversons.

Les députés du Front de gauche partagent le rêve européen, celui d’une union des peuples dans la coopération et la solidarité. Or ce bel idéal n’existe plus, il faut avoir le courage de le dire : il est miné par l’explosion des inégalités et de la misère sur notre continent autant que par l’emprise du lobby financier sur la construction européenne.

Vous me permettrez tout d’abord quelques mots sur les citoyens européens, eux qui sont si souvent les oubliés de l’Europe technocratique de Bruxelles.

Aujourd’hui, 110 millions d’Européens sont menacés de pauvreté ou d’exclusion, soit un Européen sur quatre.

Pour les pays de l’Est, le rattrapage n’aura pas eu lieu faute d’une véritable solidarité – leurs salaires restent misérables et nous en payons aujourd’hui le prix à travers la problématique des travailleurs détachés.

Néanmoins, paradoxalement, si l’ambition de l’Union visant à faire diminuer de 20 millions le nombre de pauvres risque d’échouer, c’est avant tout à cause de la hausse de la pauvreté dans les pays les plus riches.

Depuis 2005, le nombre d’Allemands tombant dans la pauvreté a été dix fois plus important qu’en France, ce qui devrait nous vacciner contre toute tentation d’imitation.

Notre Europe est aussi celle du chômage de masse et d’une jeunesse sacrifiée. Le nombre de jeunes Espagnols ou Grecs qui fuient leur pays a bondi depuis 2010. Pour cette jeunesse, l’Europe n’est plus un espace d’avenir.

Comment ne pas comprendre ce désarroi lorsque, dans ces pays, le taux de chômage des jeunes frôle les 50 % ou lorsque les politiques de flexibilité les plongent dans une précarité insoutenable ?

Les politiques d’austérité menées par Bruxelles et la Troïka ont placé notre continent au bord du précipice.

Pour en venir à l’examen proprement dit de notre contribution au budget européen, je note que la Commission européenne et les États membres ont affiché à juste titre leurs priorités : croissance, emploi, sécurité, politique migratoire et politique extérieure. Qu’en est-il réellement ?

Comme chaque année, le Conseil a réduit la proposition de budget et par là même les ambitions déjà limitées de la Commission européenne et du Parlement.

La présidente de notre commission et la rapporteure ont parfaitement souligné l’insuffisance de ce budget qui, depuis trop d’années, stagne autour de 1 % du revenu national brut européen.

L’une des rares bonnes nouvelles vient du renflouement du Fonds d’aide aux plus démunis à hauteur de plus d’1 milliard d’euros.

La hausse louable du budget pour la croissance et l’emploi, notamment avec une augmentation de 73 % du programme Erasmus +, va de pair avec une chute sensible des crédits d’engagement dédiés à la cohésion sociale, économique et territoriale.

Les besoins européens en matière d’infrastructures, évalués à 1 000 milliards d’euros, sont mis en péril par les politiques d’austérité. Alors que notre continent souffre d’une faiblesse historique d’investissement dans les secteurs d’avenir, par exemple dans la transition énergétique, le compte n’y est pas.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques est quant à lui essentiellement constitué de redéploiements de crédits et mise sur des effets de levier irréalistes.

Quant au Fonds d’ajustement à la mondialisation soutenant les salariés victimes de plans de licenciement, il reste toujours aussi bas – pire, il n’augmentera pas d’ici 2020.

Comment admettre que moins de la moitié de ce Fonds ait été mobilisée en 2014 alors que les plans sociaux se multiplient dans toute l’Europe, et singulièrement en Grèce ?

La politique agricole commune continue d’engloutir l’essentiel du budget européen, mais pour quel modèle agricole et pour quels résultats ? Malgré les 9 milliards d’aides pour la France, nos petits producteurs n’ont jamais connu autant de difficultés.

L’Union européenne et son budget sont aujourd’hui incapables d’impulser une relance économique ou de lancer des programmes phares d’investissement, comme Airbus a pu l’être en son temps.

S’agissant du volet de la solidarité, la crise des réfugiés a démontré que le cadre financier pluriannuel était déjà hors sujet.

En effet, 300 millions supplémentaires ont dû être budgétés en urgence en 2016, alors que le drame syrien n’a rien de nouveau. Je m’étonne que pour l’année 2014, seulement 13 millions d’euros aient été décaissés pour la Syrie.

Nous regrettons par ailleurs que les crédits dont dispose le programme sécuritaire demeurent plus élevés que ceux de la lutte contre les causes de ces crises et l’aide aux réfugiés.

Ces dernières années, Frontex a ainsi empoché 20 % supplémentaires, au point de conforter l’image d’une Europe forteresse.

Concernant le montant du prélèvement européen, nous ne pouvons que nous inquiéter de la hausse continue de la contribution nette de la France depuis 2008 jusqu’à atteindre 8,2 % de nos recettes fiscales.

Cela soulève d’autant plus de problèmes qu’elle grève nos marges de manœuvre dans le cadre de l’orthodoxie financière budgétaire aveugle de Bruxelles.

Je partage totalement l’avis de notre rapporteure décrivant le système de ressources propres comme « un mode de financement obsolète, opaque et inefficace ». La France a échoué à le réformer.

Est-il normal que nous continuions à financer le rabais britannique alors que la City pille nos recettes publiques par l’évasion fiscale ?

Est-il normal que le Luxembourg soit le premier bénéficiaire net des retours européens, avec 3 118 euros par habitant contre 205 pour la France, alors que le Grand-Duché s’est fait le spécialiste du dumping fiscal sous la conduite de M. Jean-Claude Juncker ?

Tout le monde s’accorde à dénoncer l’absurdité de ce système où les État membres négocient des rabais, tels des marchands de tapis, mais nous sommes hélas bien seuls lorsque nous proposons de revisiter de fond en comble les traités européens pour mettre les institutions au service d’une véritable ambition européenne.

Nous sommes tout aussi seuls lorsque nous plaidons pour l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe, ou encore pour une véritable taxation des transactions financières afin de placer notre continent sur la voie de l’emploi et de la transition énergétique.

Au-delà de l’examen du budget, je tiens à dire que le problème européen est moins financier que politique, avec l’absence totale d’un cap commun.

La crise des réfugiés a démontré l’incapacité de l’Europe à anticiper les défis pour notre continent, mais aussi à parler d’une même voix.

En matière de politique étrangère, l’Europe n’existe pas, et les dernières réformes institutionnelles créant un service diplomatique européen n’ont rien changé.

Du Royaume-Uni atlantiste à l’Allemagne non-interventionniste, en passant par une Europe centrale paralysée par les fantômes du passé, où est l’idéal commun de cette Europe ?

Nous restons confondus devant l’autisme des élites européistes, qui entendent poursuivre leur projet néolibéral sans voir les lourds nuages qui pointent à l’horizon.

La tentation du Brexit tout d’abord. Ce référendum sur la sortie de l’UE ne surprend pas de la part d’un Royaume-Uni foncièrement hostile à l’émergence d’une Europe forte, mais il symbolise la perte d’attractivité du projet européen.

Ensuite, le repli xénophobe menace l’Europe d’une implosion sociale. Nous vivons aujourd’hui dans une Europe de la concurrence exacerbée entre les peuples et entre les travailleurs. Le risque d’une guerre de tous contre tous existe bel et bien.

Enfin, l’Union européenne est devenue une tête sans corps, puisque de plus en plus de citoyens européens la rejettent avec force.

Une technocratie hors sol bafoue toujours un peu plus la souveraineté populaire…

M. Patrick Mennucci. Oh là là…

M. François Asensi. …en s’asseyant sur le vote des électeurs européens, comme ce fut le cas lors des référendums en France et en Irlande.

Un point de non-retour a été atteint cet été avec ce qui s’apparente à un coup d’État financier contre le peuple grec.

L’euro s’est converti en une arme terrible contre les peuples, qui les prive de choisir leur destin et empêche toute possibilité d’alternative.

Les dettes publiques sont l’instrument d’un chantage politique et l’on ne sera pas surpris, dès lors, de l’absence de toute volonté de les effacer.

Bruxelles a subrepticement remplacé la légitimité démocratique par la légitimité ploutocratique en devenant le fondé de pouvoir des lobbies de la finance…

M. Patrick Mennucci. Oh là là…

M. François Asensi. …cette finance qui a fait de la construction européenne une coquille vide en siphonnant méthodiquement toute velléité de régulation, toute ambition d’harmonisation. Au final, ne reste plus qu’une zone de libre-échange, dont le funeste traité transatlantique marquera sans doute la dilution.

M. Patrick Mennucci. Incroyable…

M. François Asensi. L’Union européenne fonctionne comme une anomalie démocratique, pour ne pas dire « post-démocratique », comme le constate Habermas.

L’examen même de ce budget relève d’une parodie de démocratie, puisqu’il s’appliquera quel que soit le vote du Parlement, malgré l’importance des volumes en jeu, et alors que notre budget national, quant à lui, devra passer sous les fourches caudines du Pacte de stabilité et du semestre européen, au risque de s’exposer aux lourdes sanctions du « Six Pack ».

Parce que nous refusons ce dessaisissement démocratique, parce que nous ne partageons pas les orientations libérales de ce budget, les députés du Front de gauche voteront contre l’article 22 du projet de loi de finances.

Nous continuerons à nous mobiliser pour refonder l’Europe sur de nouvelles bases, sociales et écologiques, avec un salaire minimum dans toute l’Europe, avec un même impôt pour les sociétés, avec un même socle de droits pour tous.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaiterais saluer le retour dans notre hémicycle du traditionnel débat sur le prélèvement européen – sans toutefois qu’il s’accompagne d’un vote formel à son issue.

Les budgets européens ont ceci de particulier qu’ils sont déterminés par des plafonds en dépenses définis dans un cadre pluriannuel conclu, concernant la période 2014-2020, par le Conseil européen des 7 et 8 février 2013.

À l’intérieur de chaque budget, un difficile équilibre entre la limitation inévitable de la charge sur les finances publiques nationales et un nécessaire soutien aux investissements sur le plan européen doit être trouvé. C’est cet exercice que nous devons évaluer chaque année.

On met souvent en avant le fait que les budgets nationaux étant soumis à des politiques de réduction des déficits – parfois drastiques –, le budget européen devrait suivre la même évolution.

Or, il convient tout d’abord de souligner que contrairement aux budgets nationaux, le budget européen est obligatoirement en équilibre, selon les dispositions des traités. L’Union européenne n’a pas de capacité d’emprunt.

Ensuite, depuis 1988, les budgets nationaux ont augmenté bien plus rapidement que le budget de l’UE.

Enfin, tandis que les budgets nationaux sont utilisés principalement pour des dépenses de redistribution relevant de l’État providence, le budget européen est essentiellement un budget d’investissement destiné au développement à long terme de l’économie.

Conclusion : il faut préserver des capacités budgétaires sur le plan européen. Non seulement elles sont utiles, mais elles n’entrent pas en concurrence avec les budgets nationaux.

En l’état actuel des propositions de la Commission, la contribution française connaîtrait un ressaut très important pour atteindre 25 milliards d’euros en 2020 et 21,51 milliards d’euros pour 2016. Il s’agit là d’une perspective importante, l’augmentation étant conséquente ces dernières années. Loin d’être négligeable, la contribution de la France est même très significative.

Une telle perspective est peu compatible avec la stratégie de retour à l’équilibre, car ces besoins nouveaux se traduiraient immédiatement par des économies supplémentaires à réaliser par chacun des ministères.

L’augmentation de la contribution française au budget de l’Union s’inscrit dans une tendance de long terme – je viens de le dire – qui nous impose en réalité de redéfinir la structure même des recettes et de repenser un système qui n’est pas satisfaisant, cela a été dit avant moi.

Tout d’abord, l’esprit des traités est dévoyé.

Alors que le budget ne devrait être abondé que par des ressources propres, le financement de l’Union dépend désormais en priorité de transferts intergouvernementaux.

Par ailleurs, il n’existe aucun lien entre les sources de financement et les politiques de l’Union, ce qui ne facilite ni la transparence ni l’adhésion citoyenne.

Ensuite, la notion de « juste retour » matérialisée par le calcul du solde net apparaît largement inopérante, si ce n’est pour la correction de déséquilibres flagrants. Qui peut sérieusement estimer le bénéfice financier global d’une politique européenne sur un budget national ?

En outre, quelle serait l’utilité d’un budget européen où chaque État recevrait l’exact équivalent de ce qu’il donne ? Ce ne serait en effet qu’un système de redistribution. Il convient bien plutôt de mettre en exergue la « valeur ajoutée européenne » du budget de l’Union.

L’idée centrale est que les fonds doivent être seulement dépensés au niveau auquel ils sont les plus efficaces. L’Union doit mettre en œuvre uniquement des projets qui ont une valeur ajoutée européenne.

Chaque fois que les États membres transfèrent des compétences à l’Union, cela doit être une opportunité non pas d’accroître, mais de réduire les dépenses afférentes au niveau national.

Manque également une véritable synergie entre les budgets nationaux et le budget européen, qui doivent être envisagés comme complémentaires, notamment du point de vue des investissements de long terme à effectuer – sinon nous courrons le risque, collectivement, que ni le budget européen, trop faible, ni les budgets nationaux, en proie à leur lutte contre les déficits, ne soient en mesure de soutenir le développement d’investissements nécessaires au retour de la croissance.

Et j’ai bien le sentiment que c’est dans cette situation que nous sommes aujourd’hui.

Pour pallier l’ensemble de ces difficultés, il conviendrait de créer enfin un véritable système de ressources propres à l’Union. C’est une revendication ancienne, partagée par de nombreux parlementaires, de droite comme de gauche, qui devrait être une source d’inspiration en vue d’une réelle réforme du budget européen.

Ce serait un instrument de lisibilité, qui permettrait de simplifier la structure actuelle du budget, divisée entre les ressources propres traditionnelles – droits de douane et prélèvements agricoles –, la ressource TVA et la ressource basée sur le revenu national brut des États membres. Cela permettrait en outre de régler le problème du coût du chèque britannique.

Ce serait un instrument de citoyenneté, qui permettrait de tisser un lien plus direct entre les citoyens et l’Union européenne. La mise en œuvre d’un prélèvement au titre du financement des politiques communes européennes permettrait en effet aux citoyens de s’identifier davantage à l’Union européenne et de s’approprier le budget communautaire.

Ce serait, enfin, un instrument d’efficacité : ces nouvelles ressources pourraient en effet être un moyen d’inciter à remplir les objectifs des diverses politiques communes. L’efficacité du financement communautaire s’en trouverait ainsi améliorée. Vous l’avez compris : je plaide très vivement pour une réforme du budget européen, qui fasse beaucoup plus de place à des ressources propres, et qui lui permette d’exercer la mission qui devrait être la sienne.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe Les Républicains.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la participation française au budget communautaire prend la forme d’un prélèvement annuel sur les recettes de l’État, autorisé en loi de finances. Ce prélèvement, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, est estimé à 21,5 milliards d’euros pour 2016. Cette estimation induit une hausse de 767 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2015, soit une augmentation de 3,7 %. La France demeure donc le deuxième pays contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne, mais devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne, avec une contribution de près de 17 % des recettes de l’Union européenne – contre 21 % pour l’Allemagne.

La « correction des déséquilibres budgétaires », dont le Royaume-Uni bénéficie en application de l’accord de Fontainebleau de 1984 représente 1,5 milliard d’euros. Notre pays reste le premier financeur du chèque britannique, après l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède. Ces pays bénéficient toutefois, depuis 2000, d’un « rabais sur le rabais », si bien que leur contribution réelle est réduite à 25 % du montant qu’ils devraient théoriquement acquitter. La légitimité de ces nombreux rabais, qui ont été accordés au fil du temps, suscite aujourd’hui des interrogations en Europe, comme l’a très justement rappelé Mme Danielle Auroi. Dans ce contexte, nous devons réfléchir à un compromis pour clarifier les contributions de chaque État et essayer de mettre à plat ce système de rabais, qui perturbe l’atmosphère au sein de l’Union européenne. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les démarches entreprises en ce sens ?

Mais revenons à la contribution française au budget européen. Cette contribution donne certes des droits à la France sur le plan européen, mais certains oublient un peu trop facilement qu’en tant que bénéficiaire des fonds européens sur de très nombreux plans, et notamment agricole, la France a aussi des devoirs. Ce dernier projet de loi de finances devait marquer un cap, proposer une stratégie. Or nos attentes sont à nouveau déçues. Rien ne sera fait qui puisse donner des résultats tangibles, et la France restera, comme l’a dit la Cour des comptes, le mauvais élève de l’Europe. Notre déficit public restera nettement supérieur à la moyenne de la zone euro – qui était de 2,4 % en 2014, contre 2,9 % en 2013 – et même de l’Union européenne – 2,9 %. Il en est de même en matière de dépenses publiques, de croissance, ou de chômage : la France est évidemment dans une situation beaucoup plus grave que tous ses partenaires.

L’étude comparative conduite par la Cour des comptes indique que la France est à l’écart de la décrue européenne en matière de chômage. Alors que le chômage continue d’augmenter inexorablement en France, la situation chez nos voisins européens s’améliore. En un an, le taux de chômage a baissé dans vingt-deux États membres de l’Union européenne, y compris en Grèce. La Cour ajoute que le redressement sur le front de l’emploi a été relativement important dans les pays qui, comme l’Espagne, et, plus récemment, l’Italie ou le Portugal, ont procédé à une réforme de leur marché du travail. Pour ces pays, l’inversion de la courbe du chômage est aujourd’hui une réalité ; ils affichent par ailleurs un âge légal de départ à la retraite compris entre 65 et 67 ans. Malheureusement, rien ne sera fait dans notre pays pour obtenir des résultats tangibles, comparables à ceux des pays que la Cour des comptes prend en exemple.

Comment voulez-vous que la France soit crédible et qu’elle pèse sur la scène européenne, alors qu’elle est loin d’être exemplaire sur le plan économique ? Par trois fois, François Hollande a négocié un délai en promettant des réformes, que nous n’avons jamais vues. Dans le même temps, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, grâce à de véritables réformes ambitieuses, s’engageaient sur la voie du redressement. Mais en 2016, le contexte économique mondial sera peut-être plus préoccupant que cette année. La remontée des taux d’intérêt américains, annoncée pour la fin de l’année, qui s’accompagnera d’un durcissement de la politique monétaire américaine, va freiner la croissance mondiale et réduire les débouchés pour l’Europe.

Les nouveaux enjeux capitaux que sont la crise des migrants et celle de la zone euro vont certainement accroître notre participation au budget européen, car nous devons apporter une réponse européenne unie à ces défis. Ces enjeux posent donc la question de l’exécution budgétaire, qui entraîne fréquemment des réévaluations de la contribution des États membres.

Dans le cadre de la solidarité envers la Grèce, nous avons déjà contribué, avec les autres démocraties européennes, à un effort de solidarité sans précédent, à hauteur de 320 milliards d’euros, même si Mme Rabault a eu raison de dire qu’il n’entraîne pas de nouvelles capitalisations. Nous devons tirer des leçons de cette crise pour la zone euro et la protéger, au-delà du cas de la Grèce. Il faut, monsieur le secrétaire d’État, que la France fasse des propositions fortes sur la gouvernance de la zone euro. Il est grand temps que les lignes bougent sur ce sujet, car nous ne pouvons pas continuer à avoir une Europe qui fonctionne à 28. Il faut que nous ayons une Europe « en avance », celle de la zone euro, qui soit capable d’instaurer une politique énergétique et industrielle ambitieuse, et qui ait – cela a déjà été proposé – la possibilité de favoriser la convergence fiscale et sociale, de protéger la stabilité de la zone euro, d’éviter que les marchés n’attaquent un prochain maillon faible. Pour cela, il faut un président stable, et à temps plein, de la zone euro, qui se consacre pleinement à sa tâche. Il faut aussi transformer le Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen, car il est un peu désolant que l’Europe soit à la traîne du Fonds monétaire international.

Pour faire face aux migrations, il nous faut aussi refonder Schengen. En guise de préalable, il faut adopter rapidement une politique d’asile commune. Il faut que le statut de réfugié soit le même partout en Europe, et que les réfugiés ne profitent pas du fait qu’un pays pose des conditions plus souples pour pouvoir circuler partout en Europe. Il faut une même politique stricte de reconduite dans leur pays d’origine des migrants économiques en situation irrégulière. En matière de retour, les taux varient, de 70 % dans certains pays à 20 %, voire moins, dans un pays comme le nôtre. Il faut mener rapidement une politique solidaire de contrôle des frontières extérieures de l’Europe, avec des gardes-frontières européens, en renforçant le rôle et les moyens de Frontex, et cela passera forcément par une contribution supplémentaire.

Monsieur le secrétaire d’État, je crois que nous sommes à un tournant. La situation de l’Europe, confrontée à une succession de crises de nature différente, est extrêmement grave. Il est grand temps que la France fasse des propositions de long terme en vue d’une refonte de l’Union : nous ne pouvons plus nous contenter de réactions à court terme aux événements. Je regrette, comme Mme Estelle Grelier, que les crédits pour le chômage des jeunes n’aient pas été augmentés.

Je voudrais, pour finir, évoquer la perspective du Brexit. David Cameron et son gouvernement sont en train de formuler un certain nombre de demandes vis-à-vis de l’Europe, de façon à défendre le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, avant le référendum qui pourrait avoir lieu en 2016 ou 2017. Je voudrais savoir où en sont les discussions du Gouvernement avec son homologue britannique. Je crois que nous sommes tous convaincus que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne entraînerait une nouvelle crise très grave pour celle-ci.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, les quelques questions que je souhaitais vous poser. Je crois que, dans cette Europe en crise, le temps est venu d’agir sur le long terme : la réforme de l’Europe et de Schengen est plus nécessaire que jamais.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, la faiblesse politique de l’Union européenne tient en partie à l’insuffisance de son budget, contraint par des logiques nationales, et à son incapacité à peser réellement sur les grands défis internationaux et planétaires auxquels elle est confrontée : un budget resserré et totalement stérilisé par la montée des nationalismes et l’obsession du rabais.

Je crains que, dans cette période de replis de différentes natures, peu d’États soient enclins à majorer leur contribution au budget de l’Union européenne, ce qui ne laisse pas entrevoir une issue favorable. D’autant que les discours antieuropéens gagnent du terrain, au-delà de l’extrême droite, à l’extrême gauche et parfois même dans les partis de gouvernement. Bref, la logique nationale gagne malheureusement du terrain.

Dans ce contexte, quelles solutions réalistes se présentent à nous ?

Il y a tant de besoins et de problèmes à surmonter, qu’il serait nécessaire, plus que jamais, de hiérarchiser les politiques et de faire des choix. Bref, il me semble que le temps n’est plus à la dispersion, mais à la concentration sur des politiques prioritaires. Une meilleure allocation des ressources nécessite néanmoins de remettre en cause certaines dépenses, et ce sujet est explosif, car chaque baisse sera analysée à l’aune nationale.

Il en sera de même pour toutes les tentatives de mettre fin à tout ou partie des rabais qui se sont accumulés au cours du temps, et que la raison devrait nous conduire à revisiter. D’autant que certains de ces rabais – je pense au rabais de plus de 4 milliards d’euros dont bénéficient les Anglais, ou à celui de 700 millions d’euros pour les Pays-Bas – sont largement contestables, compte tenu de l’optimisation fiscale pratiquée directement par le second et, via ses territoires offshore, pour le premier.

Ces pratiques fiscales sont fortement préjudiciables à l’économie et donc aux recettes fiscales – qui nourrissent le budget européen – des autres pays de l’Union européenne et de la France.

Pouvons-nous compter sur de nouvelles recettes ? On parle beaucoup de l’affectation de la nouvelle taxe sur les transactions financières – Mme Auroi l’a évoquée dans son intervention –, qui pourrait voir le jour en 2017, puisque nous en avons voté le principe il y a quelques jours dans cet hémicycle. Un débat sur son affectation s’est instauré entre le financement du développement, celui de la transition énergétique, de la lutte contre les grandes pandémies ou encore de l’apport au budget de l’Union européenne.

La perspective de la COP 21 et la nécessité d’assurer son financement ainsi que les déclarations du Président de la République plaident pour les premières affectations évoquées, sachant que les questions du climat et du développement sont intimement liées, comme le démontre le rapport de MM. Canfin et Grandjean. Il existe toutefois une autre recette potentielle qui serait sans doute plus adaptée pour renforcer les moyens de l’Union et lui donner une orientation claire en faveur de la transition écologique de l’économie, en soutenant précisément les investissements dans la transition énergétique : c’est la taxe carbone aux frontières, laquelle pourrait être dédiée au budget de l’Union européenne.

Cet outil aurait un double mérite : faire en sorte que les produits importés reflètent leur juste coût carbone tout en rééquilibrant les échanges mondiaux au regard du dumping environnemental. L’instauration d’une nouvelle taxe n’est jamais une affaire facile, mais on peut se rappeler les difficultés à faire adopter la réglementation européenne Reach en 2007 sur les produits chimiques : les entreprises s’y sont finalement adaptées.

Bien sûr, il faudrait débattre de la nature des investissements à développer grâce à ces éventuelles nouvelles recettes, car tout investissement n’est pas pertinent par nature. L’investissement oui, mais pas n’importe lequel ! En période d’argent rare, il faut privilégier ceux qui ont le meilleur retour, qui permettent de réaliser des économies de fonctionnement – alors que c’est souvent le contraire : des dépenses de fonctionnement sont générées par les investissements –, ou qui, en tout cas ne les augmentent pas. Il faut privilégier des investissements qui diminuent les coûts externes et améliorent la balance du commerce extérieur. C’est là qu’apparaît la supériorité des investissements visant à économiser l’énergie ou à développer les énergies renouvelables.

La rencontre entre la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et le financement des infrastructures de transition énergétique paraît donc assez naturelle. Ma première question, monsieur le secrétaire d’État, porte donc à la fois sur l’affectation de la taxe sur les transactions financières et sur la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union.

Mais les investissements ne reposent pas que sur l’argent public, et il est urgent de déployer le Plan Juncker – lequel soulève toutefois des questions. Quelle est la réalité de l’effet de levier de 20 du plan ? Une activation de fonds publics de 15 milliards pour une dépense potentielle de 315 milliards est-elle bien réaliste ?

Quelle est également la capacité de l’Union européenne à ne pas se laisser tenter par une conception en partie datée des grands travaux ? Quelle est sa capacité à comprendre que des millions de rénovations de bâtiments publics ou privés valent bien, à travers des fonds de fonds, quelques dizaines d’autoroutes ou de ligne TGV ? Cette réflexion est d’autant plus pertinente que le Président de la République lui-même a souligné que seuls deux éléments manquent à la relance de la croissance : le bâtiment et les travaux publics.

L’Union européenne et les États doivent innover en faveur d’outils financiers adaptés aux financements pour la transition énergétique – infrastructures énergétiques, énergies renouvelables –, ce qui suppose, tout d’abord, la mise en place d’instruments financiers pouvant prendre en compte les aléas et les incertitudes sur la première phase de développement, comme le préconise M. Villeroy de Galhau dans son rapport sur le financement de l’investissement des entreprises. Un tel objectif suppose ensuite la généralisation de la taxe carbone grâce au « corridor de prix », pour le carbone, situé entre 15 et 20 dollars la tonne de C02 en 2020, puis entre 60 et 80 dollars en 2030-2035, une certaine latitude étant laissée à chacun des pays – je parle ici non de la taxe carbone aux frontières, mais bien de la taxe carbone mise en place dans chaque État. Cet objectif suppose enfin une convergence dans l’Union européenne des politiques en faveur de la transition énergétique.

Je résume : il faut prévoir une révision des rabais, de nouvelles recettes issues de la taxe sur les transactions financières et de la taxe carbone aux frontières de l’Europe, l’activation du Plan Juncker, avec les réponses aux questions que j’ai soulevées – notamment la capacité à mettre en place des fonds de fonds et à financer une multitude de petits projets, qui équivaudront à de grands travaux –, enfin, la hiérarchisation des investissements au profit de la transition énergétique.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, chers collègues, la France est un contributeur important du budget de l’Union européenne. Pour 2016, sa contribution est évaluée à 21,5 milliards d’euros, sous la forme d’un prélèvement sur recettes. De plus, la France devra s’acquitter de manière rétroactive de rabais forfaitaires accordés à des États membres tiers au titre des années 2014 et 2015, pour 900 millions d’euros. La contribution française au budget de l’Union atteint donc en 2016 un total de 22,4 milliards d’euros, soit près de 7 % de plus que l’année dernière. Le débat se justifiait l’an passé ; il se justifie encore plus cette année.

Le contexte européen est marqué par ce qu’il est communément admis d’appeler la « crise des migrants » et des demandeurs d’asile, qui fuient leurs pays d’origine pour des motivations légitimes au péril de leur vie – une crise sur laquelle ose surfer sans complexe l’extrême droite, avec une complaisance déconcertante. J’en veux pour preuve l’amendement déposé par notre collègue M. Bompard, qui ne semble pas dans les starting-blocks pour le défendre, amendement qui propose la suppression pure et simple de l’article 22 dont nous discutons ici, c’est-à-dire celle de la participation de la France au budget de l’Union européenne, sous le motif que celle-ci « soutient l’invasion du territoire français par l’immigration massive ». Rien de moins ! À l’inverse, le groupe RRDP estime que le montant total du budget de l’Union européenne n’est pas suffisant, malgré les augmentations de crédits des rubriques « Europe dans le monde » et « Sécurité et citoyenneté », pour faire face aux enjeux du Proche-Orient et de la Méditerranée, dans lesquels la France doit prendre toute sa part.

Toutefois, ne balayons pas d’un revers de main le sujet du montant élevé, il est vrai, prélevé sur les recettes de la France. Car si ce débat est légitime, il est bien plus complexe que ne le prétendent d’aucuns. En effet, je tiens à rappeler ici que notre assemblée a adopté le 8 juin dernier une proposition de résolution européenne soutenue par le Gouvernement et le Président de la République, relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics. Cette proposition rappelle plusieurs des objectifs de l’Union européenne énoncés à l’article 3 du traité qui l’instaure, selon lequel l’Europe « contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la Charte des Nations unies ».

Ce cadre général engage l’ensemble des pays de l’Union européenne. Néanmoins, les États membres présentent des niveaux d’engagement et donc des efforts budgétaires très variables. Depuis l’élection de François Hollande, la France s’est engagée, sous mandat des Nations unies, dans de vastes opérations extérieures de maintien de la paix visant à lutter contre le terrorisme au bénéfice de l’ensemble du territoire européen. Or cette donnée essentielle n’est pas prise en compte dans le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – au sein de l’Union, signé en mars 2012 par les États membres, à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque.

Cet accord intergouvernemental, régi par le droit international, comporte des engagements des États contractants en vue de « renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire » et de « renforcer la coordination de leurs politiques économiques et améliorer la gouvernance de la zone euro ».

Le TSCG a été transposé en droit français par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, qui a donné lieu, ici même, à des débats très nourris au sein de la majorité sur l’opportunité de tels carcans normatifs en l’absence durable de dynamisme économique. Le renforcement de la discipline budgétaire fait toutefois l’objet d’exceptions, en cas de « faits inhabituels » ou de « grave récession économique ». Ces dispositions permettent ainsi aux gouvernements de l’Union qui maintiennent leurs efforts structurels de déroger, avec l’accord de la Commission, au carcan du traité et d’éviter les sanctions économiques associées en demandant des reports de leurs objectifs de déficit nominal de moyen terme.

Toutefois, rien dans ce traité ne se rapporte aux efforts réalisés par les États membres en matière de défense afin de contribuer à la réalisation des objectifs généraux du traité sur l’Union européenne, notamment ceux visant le maintien de la paix et la lutte contre le terrorisme. Or ce n’est pas un mince sujet, tant les surcoûts annuels des opérations militaires extérieures françaises – les OPEX – atteignent des montants importants : 873 millions d’euros en 2012, affectés principalement au maintien des opérations en Afghanistan, 1,25 milliard d’euros en 2013, année de l’opération Serval au Sahel et au Mali, et encore 1,12 milliard d’euros en 2014, avec, entre autres, l’opération Sangaris en République centrafricaine. Ces opérations non budgétées font l’objet d’un financement interministériel et ne pèsent pas sur le seul budget de la défense.

Sur l’ensemble du produit intérieur brut national, l’effort budgétaire de la France en matière de défense est considérable, puisque, depuis plusieurs années, il est légèrement supérieur à 1,5 % ; il n’est par exemple que de la moitié en Italie et des deux tiers en Allemagne. Ainsi, ces opérations conduites sous mandat de l’ONU créent une inégalité de situation entre les partenaires européens. En effet, ces disparités, stables dans le temps, peuvent être considérées comme structurelles et légitiment donc la demande d’une révision de la définition de l’assiette du déficit public structurel, qui figure à l’article 2 du protocole n12 du Traité sur l’Union, afin que cette définition repose également sur une juste appréciation des efforts consentis au titre des OPEX.

Comme aucune décision n’a encore été prise sur le sujet par la Commission ou par le Conseil, qui devaient pourtant avancer sur ce point en juin dernier, et bien que nous ne pouvions nier la forme d’ « indulgence » qui nous est consentie dans le temps par les instances de Bruxelles pour réduire notre déficit nominal, il n’est pas incongru de considérer qu’en l’espèce la note pour la France est un peu salée.

Une fois faite cette remarque de fond sur le montant prélevé sur les recettes de la France, contenu à l’article 22 du PLF, j’en viens au budget de l’Union lui-même. Pris globalement, et bien que considérable en volume, il n’est peut-être pas assez ambitieux, compte tenu des défis qui attendent l’Union l’année prochaine et des priorités qu’elle se donne, à savoir la croissance, l’emploi et la question des réfugiés.

En effet, la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique ne sont pas citées comme priorités par l’Union européenne, alors que ce sont des secteurs d’avenir qui nécessitent des investissements publics forts. De plus, l’initiative pour l’emploi des jeunes mérite plus de moyens, bien que le taux de préfinancement de ce projet soit porté à 30 %. La question est toujours brûlante d’actualité avec une jeunesse paupérisée, qui se tourne en conséquence vers l’abstention ou les extrêmes. La situation est en effet pour le moins dramatique : sur l’ensemble de l’Union des vingt-huit, l’écrasante majorité des jeunes de moins de trente ans sont des outsiders : ils sont au chômage, voire sans aucune activité, en termes non seulement d’emploi mais également d’études ou même de formation.

Sur la totalité de ces jeunes Européens, un peu plus de 13 % seulement occupent un emploi salarié à durée indéterminée, quand 10 % occupent un emploi salarié à durée déterminée. Le constat de cet échec qui est, il ne faut pas s’en cacher, un échec de la construction européenne, doit nous pousser à réagir, d’autant plus que ces jeunes sans activité et disposant de peu de perspectives ont moins de chance de devenir des adultes pleinement citoyens et équilibrés, désireux de construire l’Europe de demain. Cette situation fragilise le contrat social intergénérationnel et engendre de surcroît un coût économique et financier non négligeable.

En effet, le coût du non-emploi des jeunes adultes représentait 150 milliards d’euros en 2011 pour l’Union des vingt-huit, soit 1,2% de son produit intérieur brut, auxquels il faut ajouter une perte nette de gain de croissance, plus difficilement chiffrable, que ces jeunes auraient pu apporter à l’économie européenne. C’est pourquoi, si nous nous félicitons des moyens supplémentaires mobilisés en faveur du programme Erasmus +, nous redoutons malheureusement qu’ils ne suffisent pas l’année prochaine à endiguer le mouvement de paupérisation de toute une génération et toutes les conséquences politiques qui vont avec.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de vos interventions. Vous avez surtout insisté sur la nécessité d’avoir un budget suffisamment ambitieux au regard des politiques communes que nous souhaitons voir mener en Europe. Vous voulez également des politiques plus transparentes, plus équitables et plus prévisibles dans leurs mécanismes – souhait que le Gouvernement partage totalement.

Madame la rapporteure générale, vous avez raison de souligner que la prévisibilité de l’évolution de la contribution française au budget de l’Union serait souhaitable. C’est d’ailleurs en ce sens que nous menons des discussions avec la Commission européenne. Ce n’est toutefois pas facile, car le calcul de la contribution dépend de multiples facteurs, en particulier du niveau des crédits de paiement, qui est susceptible d’évoluer en fonction du niveau d’exécution des politiques communes dans les États membres, et de la variation des ressources propres qui dépendent de la part du revenu national brut de la France dans le revenu national brut de l’Union. Il est possible toutefois de faire plus simple.

Vous avez également insisté, comme Mme la rapporteure Estelle Grelier, sur la nécessité d’accélérer le Plan Juncker. Le retard d’investissement de l’Europe, notamment par rapport aux États-Unis, reste en effet un obstacle à la croissance et à une reprise plus forte. Le problème concerne les investissements tant privés que publics. C’est précisément ce qui a motivé la décision, que nous avons pleinement soutenue, de lancer ce plan de soutien aux investissements, dont le nom porte celui du président de la Commission, M. Juncker.

Il faut quand même noter que le règlement relatif au Fonds européen pour les investissements stratégiques, l’instrument juridique qui va permettre de disposer d’environ 21 milliards d’euros pour servir de garantie ou de prise de participation dans des projets et aider à lever 315 milliards d’euros d’investissements, a été adopté au mois de juin de cette année, c’est-à-dire en un temps record, même si l’on peut toujours trouver que c’est trop long. Cela a d’ores et déjà permis de mettre en place les organes de fonctionnement de ce fonds : son directeur et sa directrice adjointe ont été recrutés, et le comité d’investissement va désormais pouvoir se réunir pour sélectionner les projets.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, la Banque européenne d’investissement a déjà commencé, par anticipation, à sélectionner des projets, dont trois en France. Certains de ces projets portent d’ailleurs sur des domaines que vous avez considérés comme absolument prioritaires, en particulier le financement de la transition énergétique – recherche dans le domaine des énergies renouvelables, isolation de plusieurs dizaines de milliers de logements…

Je l’ai dit dans mon propos introductif : environ 140 projets que nous jugeons éligibles ont été identifiés par le Commissariat général aux investissements – CGI –, la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement. Ces organismes, en particulier le CGI et la Caisse des dépôts, aident les porteurs de projets à présenter ces derniers devant le comité d’investissement et la Banque européenne d’investissement. Cependant, permettez-moi d’insister sur le fait que le CGI ne joue pas un rôle de filtre, mais constitue au contraire un appui et une aide.

Madame Grelier, vous avez voulu évoquer le problème de la flexibilité. Vous avez très bien présenté le sujet des instruments spéciaux et de l’opposition qui existe entre le Conseil et le Parlement européen sur la possibilité de les mobiliser au-delà du plafond des crédits prévus. La position du Conseil s’explique bien sûr par l’impact qu’une budgétisation supérieure au plafond aurait sur le niveau des contributions nationales au financement de l’Union. D’ailleurs, cela pourrait entraîner une hausse du prélèvement sur recettes, et c’est une raison supplémentaire de défendre une refonte du système des ressources propres – j’y reviendrai, puisque plusieurs orateurs ont insisté sur ce point.

Vous avez également voulu mentionner le problème des restes à liquider. Leur augmentation est en grande partie liée à la politique de cohésion et au décalage entre les engagements, qui sont automatiques, et les paiements, qui dépendent de la mise en œuvre opérationnelle des projets.

S’agissant des ressources propres, nous voulons, comme vous, une réforme en profondeur du système.

Comme Mme Auroi, vous avez également insisté sur la position du Conseil sur le budget 2016. Si le Conseil souhaite opérer des coupes par rapport à la proposition de la Commission européenne, celles-ci restent cependant modestes. Ainsi, le Conseil a opéré une coupe d’un peu plus de 500 millions d’euros par rapport à la proposition de la Commission, mais il a souhaité préserver les lignes dédiées à un certain nombre de crises, d’urgences, en particulier à la réponse à la crise des réfugiés. Depuis, la Commission a présenté une lettre rectificative à son projet de budget, qui permettra, comme je l’ai dit tout à l’heure, de mettre en œuvre les dernières décisions prises en réponse à la crise migratoire.

S’agissant des marges sous plafond, il faut les conserver, car il s’agit d’un principe de bonne gestion en début de programmation qui nous permettra de conserver des marges de manœuvre pour faire face à de nouveaux défis. Le recours à des redéploiements de crédits de paiement vise simplement à tenir compte du rythme d’exécution des différentes politiques. À aucun moment, le niveau des engagements, qui correspond à notre capacité réelle à agir, n’a été diminué. Nous dégageons bien de nouveaux moyens pour faire face, en particulier, à la crise des réfugiés.

Monsieur Asensi, vous avez fait porter votre propos sur le budget, mais aussi sur les politiques générales de l’Union européenne. Je ne veux pas revenir sur l’ensemble des politiques de l’Union européenne – c’est un débat que nous devrons rouvrir –, mais sur le budget lui-même. Je veux appeler toute votre attention sur ce point : il n’est pas juste de le qualifier de libéral.

Ce budget permettra par exemple à la France de bénéficier, sur l’ensemble de la période de la programmation 2014-2020 – les montants annuels dépendent de l’exécution, comme je viens de l’expliquer –, de 26 milliards d’euros au titre des fonds structurels et d’investissement. Dans chacune de nos régions, nous voyons très bien à quoi ces fonds sont utilisés.

Je pense notamment au soutien à des universités – avec Mme Barbara Romagnan, j’étais récemment à Besançon, où nous avons visité un certain nombre d’équipements de recherche ou d’accueil des étudiants, qui sont financés grâce aux fonds européens. Financer l’université, ce n’est pas une politique libérale !

Ces fonds servent aussi à financer des infrastructures, souvent de transport, qui contribuent au désenclavement de nos régions et à la mise en œuvre de grands projets ferroviaires – j’ai parlé de la ligne Lyon-Turin – ou fluviaux – j’ai aussi parlé du canal Seine-Nord-Europe.

Ce sont aussi des fonds pour l’agriculture – environ 9 milliards d’euros par an –, des fonds pour les dépenses de cohésion, ou encore l’Initiative européenne pour la jeunesse, qui permet un financement conjoint avec le FSE de la « garantie jeunes » destinée à ceux qui sont en recherche d’emploi et ont besoin d’être aidés dans leur formation au retour à l’emploi.

Tous ces dispositifs ne constituent en rien les éléments d’un budget libéral ! C’est, au contraire, un budget qui apporte de la justice sociale, qui soutient les investissements et qui prépare l’avenir.

Il est paradoxal, monsieur Asensi, que vous évoquiez la campagne des anti-européens britanniques pour critiquer le budget. Eux reprochent au budget européen d’être trop important et à l’Europe d’être trop régulatrice – c’est sur cette idée que sont fondées leurs critiques de l’Europe et du budget européen.

Quant aux remarques de Christophe Caresche, elles soulignent, comme celles d’autres intervenants avant et après lui, la nécessité d’un nouveau système de ressources propres. La France a porté ce sujet d’une remise à plat du système de financement de l’Union européenne tout au long des négociations sur les perspectives financières 2014-2020. Les autorités françaises ont d’ailleurs présenté une contribution aux travaux du groupe de haut niveau présidé par Mario Monti sur les ressources propres ; nous avons notamment soutenu la création de nouvelles ressources propres qui assureraient au budget européen un financement plus autonome que ne le permet aujourd’hui le rôle prédominant des contributions basées sur le revenu national brut.

La France souhaite donc une réflexion large, qui examine un éventail de ressources potentielles à l’aune de plusieurs critères, au premier rang desquels le rendement, qui doit être suffisamment important. Certes, nous sommes favorables, par exemple, à l’utilisation d’une part de la taxe sur les transactions financières, dont on débat actuellement et qui serait mise en place dans le cadre d’une coopération renforcée entre onze États de l’Union européenne, mais nous avons tous déjà souhaité aussi qu’une part de cette taxe soit affectée à l’aide au développement ou à la lutte contre le changement climatique, entre autres. Ainsi, on voit bien que cette option ne serait pas suffisante, même si elle peut constituer une piste.

Il faut que le rendement des nouvelles ressources propres soit stable, afin d’éviter les aléas sur les contributions basées sur le RNB des États membres, et que les charges administratives liées à leur recouvrement ne soient pas trop lourdes. Il faut aussi que l’impact économique des nouvelles ressources soit cohérent avec les politiques de l’Union européenne.

On pense parfois à une forme de taxation qui soit écologique et qui puisse s’appuyer, par exemple, sur l’empreinte carbone. Cependant, il faut évidemment ajuster à chaque fois l’instrument que l’on envisage aux effets économiques qu’il pourrait entraîner.

Un projet de création de nouvelles ressources a davantage de chances d’aboutir si le dossier est suffisamment mûr – par exemple, si l’assiette fiscale est harmonisée et proche de la ressource RNB, afin d’éviter que l’introduction de cette nouvelle ressource produise des effets redistributifs entre États membres.

Nous sommes totalement engagés dans cette réflexion. La France demande également la remise à plat de l’ensemble des rabais et insiste sur l’importance d’une meilleure prévisibilité des contributions nationales, comme je l’ai dit tout à l’heure.

Monsieur Lequiller, vous avez d’abord évoqué la question des rabais. Je viens de le dire : nous pensons qu’il faut effectivement sortir de ce mécanisme.

Vous avez ensuite souligné la nécessité, pour la France, de faire des propositions ambitieuses, tant sur l’approfondissement de la zone euro que sur la convergence, la stabilité de la présidence de l’Eurogroupe et d’autres sujets comme la politique des migrations ou Schengen. Sur tout cela, non seulement nous sommes d’accord, puisque je pense comme vous que la France doit faire des propositions ambitieuses en la matière, mais c’est ce que nous faisons ! Si le Conseil européen extrêmement difficile de juillet dernier a pu aboutir à un accord sur la Grèce, c’est parce que la France voulait que la Grèce ne sorte pas de la zone euro et qu’elle a porté, avec l’Allemagne, une solution allant dans ce sens. C’est le Président de la République qui a lancé le débat, en Europe, sur la nécessité d’une nouvelle étape dans l’intégration de la zone euro, avec un gouvernement économique de la zone euro, un budget de la zone euro et un Parlement de la zone euro. Actuellement, nous sommes évidemment en train de travailler, de débattre et de mettre en place, avec nos partenaires, cette nouvelle étape de l’intégration de la zone euro que vous avez vous-même appelée de vos vœux.

Quant à la réponse à la crise migratoire, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont eu à plusieurs reprises l’occasion de s’exprimer devant votre assemblée. Ce sont également les positions de responsabilité et de solidarité défendues par la France qui ont permis de dessiner la réponse européenne qui doit maintenant être mise en œuvre.

Mais quand vous affirmez, monsieur Lequiller, que la France n’aurait pas la crédibilité nécessaire pour porter ses propositions, je trouve que votre propos est excessivement et inutilement polémique. Ne sous-estimez pas le poids de la France, ne dévalorisez pas le rôle que notre pays peut jouer dans le débat européen !

Pour illustrer vos propos, vous avez évoqué les déficits et le respect du Pacte de stabilité et de croissance. Or, contrairement à ce que vous affirmez, la situation est marquée par l’amélioration de notre capacité à respecter nos engagements européens – c’est cela qui est noté par nos partenaires et par la Commission européenne. Juste pour mémoire, je vous rappelle qu’en 2011, le déficit public était de 5,1 %. En 2012, nous l’avions déjà ramené à 4,8 %, notamment par le biais d’un projet de loi de finances rectificative soumis à votre assemblée au mois de juillet, qui a permis de réduire le déficit de 7 milliards d’euros. En 2013, il est passé à 4,1 %, puis, en 2014, à 3,9 %. En 2015, il sera de 3,8 %. Dans le projet de loi de finances que vous examinez actuellement, il sera ramené à 3,3 %. Nous respecterons donc le retour aux 3 % d’ici à 2017, ce qui est notre engagement vis-à-vis de nos partenaires européens.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas cela, notre engagement ! Nous devions revenir aux 3 % en 2013 !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Ne sous-estimez pas le fait que la France retrouve, au contraire, sa crédibilité, parce qu’elle mène des réformes, parce qu’elle renforce sa compétitivité et parce qu’elle réduit ses déficits, ce qui donne de la force à sa voix dans le débat européen.

Monsieur Alauzet, vous avez souligné le fait que le budget était resserré et contraint par la montée des égoïsmes et des nationalismes. Vous avez, vous aussi, évoqué la question du rabais. Mais ce budget nous permet tout de même de mener de nombreuses politiques communes. J’ai déjà cité beaucoup de chiffres, concernant notamment la contribution de la France, et j’ai rappelé ce qu’ils représentent en 2016 à l’échelle de l’Union. Je veux le redire : 153 milliards d’euros en crédits d’engagement, c’est tout de même un budget qui permet une augmentation dans de nombreux domaines, en particulier ceux de la compétitivité, du Mécanisme d’interconnexion pour l’Europe, de l’agenda sur les migrations et des financements européens au service de nos ambitions.

Enfin, monsieur Giraud, vous avez également souligné la nécessité d’une très grande ambition européenne face aux crises et aux défis que nous voulons relever. Vous vous êtes félicité, par exemple, de l’augmentation du budget Erasmus+, qui favorise la mobilité des jeunes.

Vous avez aussi souligné, à juste titre, qu’il restait des domaines dans lesquels l’Europe doit être capable de financer des actions communes, en particulier en matière de politique extérieure et de défense. Il est vrai qu’aujourd’hui, le mécanisme Althéa permet uniquement de financer environ 10 % de la logistique des opérations extérieures que nous sommes amenés à conduire dans des pays comme le Mali, où nous agissons pourtant sous mandat de la communauté internationale et dans l’intérêt de la sécurité de l’Europe. En effet, c’est un domaine où il y a encore des efforts à faire.

Dans le cadre de réunions du Conseil des ministres, le ministre de la défense comme moi-même avons eu l’occasion d’engager, avec d’autres collègues, un débat sur la façon dont les dépenses militaires doivent être prises ou non en compte dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Sortir ces dépenses du Pacte pourrait inciter les États membres à s’engager davantage sur ce terrain.

L’Europe est aujourd’hui entourée de régions qui subissent probablement les crises internationales les plus importantes. À l’est, c’est la crise en Ukraine, même si, grâce aux accords de Minsk, nous travaillons à un accord de paix. Au sud-est, ce sont les crises du Moyen-Orient. Au sud, de l’autre côté de la Méditerranée, nous sommes préoccupés par la situation en Libye et au Sahel. L’Europe devra s’engager davantage en matière de politique extérieure et de défense, en matière de coopération et de développement avec certains pays de son voisinage. À l’avenir, effectivement, son budget devra aussi être capable de porter cette ambition.

En conclusion, je souhaite, mesdames, messieurs les députés, vous remercier pour la qualité du débat qui vient d’avoir lieu. Je me réjouis que l’immense majorité d’entre vous, et même la totalité des présents, aient la volonté de voir l’Europe dotée de la capacité d’agir. Je vous remercie donc d’avance pour le soutien que l’Assemblée nationale apportera à ce prélèvement sur recettes, donc au financement des politiques européennes.

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 22. Il n’y a pas d’amendement, je le mets donc aux voix.

(L’article 22 est adopté.)

Après l’article 15 (suite)

M. le président. Nous en revenons à la suite de l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

Vendredi, l’Assemblée s’est arrêtée à l’amendement n214, portant article additionnel après l’article 15.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n214.

Mme Laurence Abeille. Le présent amendement vise à doubler la redevance aux pollutions diffuses appliquée aux produits phytosanitaires répandus par des agriculteurs situés sur des aires de captage d’eau potable.

La redevance sur les pollutions diffuses a notamment pour objectif d’éviter les pollutions des eaux par les phytosanitaires utilisés en agriculture. Son niveau est très faible et peu dissuasif.

Le doublement de son montant pour ces agriculteurs vise à rendre cette redevance dissuasive, afin de réellement faire diminuer le nombre de pesticides, en accord avec le programme Écophyto 2018. En parallèle, il s’agit d’inciter les agriculteurs bio à s’installer sur les aires de captage pour préserver le bon état de nos ressources en eau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. L’assiette de la redevance pour pollutions diffuses a été élargie à la fin de 2014, ce qui doit rapporter 30 millions d’euros supplémentaires au regard des 110 millions d’euros perçus en 2014. Ces nouveaux moyens permettront aux agences de l’eau de financer les actions locales du plan Écophyto 2 afin de réduire la consommation des pesticides.

Augmenter localement son taux est en pratique très difficile et coûteux à mettre en œuvre, la redevance étant perçue auprès des distributeurs et non des usagers, pour un effet incitatif non démontré au regard des actions de prévention des pollutions des captages, financées d’ailleurs par les agences de l’eau et des collectivités.

Le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

(L’amendement n214 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite revenir sur l’amendement qui vient d’être adopté, car mon propos n’a peut-être pas été suffisamment explicite. Je veux donc vous redire qu’il est impossible d’appliquer votre amendement. Pourquoi ?

Vous proposez de doubler la redevance pour pollutions diffuses lorsque les produits phytosanitaires sont utilisés sur une aire de captage. Cette redevance est perçue lorsque le pesticide est vendu, donc auprès du distributeur.

Vous proposez un taux différencié, double sur les aires de captage et simple lorsque ces produits sont utilisés ailleurs. Le vendeur devrait donc demander au client, souvent un agriculteur, un professionnel, s’il utilisera son produit dans une aire de captage ou à côté !

M. Dominique Potier. C’est impossible !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Imaginons qu’il achète un bidon de cinquante litres : il devrait donc dire si la totalité de ces cinquante litres sera utilisée dans l’aire de captage ou en dehors d’une telle aire ! Selon notre analyse, cet amendement est donc proprement inopérant. Le Gouvernement indique d’ores et déjà qu’il reviendra en seconde délibération sur le vote de cet amendement et demandera à l’Assemblée de le rejeter.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien l’argument technique que vous opposez à l’amendement présenté par Mme Abeille. Mais cet amendement soulève un problème bien plus important. Aujourd’hui, nous finançons le traitement des eaux, notamment celles issues des zones de captage, pour qu’elles puissent être d’une qualité suffisante pour l’alimentation humaine.

Ce qui contribue à la pollution de ces eaux et qui nécessite leur traitement, c’est en grande partie l’usage des produits phytosanitaires. Je tiens à dire en cet instant que la position des écologistes est très claire. Il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des activités humaines, notamment des activités agricoles dans les trois périmètres de protection des zones de captage, relèvent de procédés agricoles qui ne requièrent aucun intrant afin de ne pas polluer les zones dites de captage.

Nous avons déjà posé cette question dans plusieurs débats relatifs tant aux questions de protection de l’environnement qu’aux questions agricoles, et nous n’avons pas pu avancer sur le sujet.

Comment concevoir une redevance sur l’usage de ces produits phytosanitaires, qui ont des coûts induits significatifs, dans le traitement des eaux ? J’entends bien, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous disiez que, tel qu’il est rédigé, l’amendement est complexe parce qu’il obligerait les utilisateurs à justifier l’usage de leurs produits. Mais quelle solution préconisez-vous pour qu’une partie de cette pollution soit financée par les pollueurs, selon le principe pollueur-payeur, et que l’usage des produits phytosanitaires en zone de captage fasse l’objet d’une taxation différente des autres zones, puisque leur usage conduit à des dépenses spécifiques ?

M. le président. M. le secrétaire d’État a demandé le réexamen de l’amendement en seconde délibération. Nous aurons alors l’occasion d’avoir une discussion argumentée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces sujets ne sont pas complètement inconnus de votre serviteur – j’ai et effet été à la fois président d’un important syndicat d’alimentation en eau potable et membre du conseil d’administration de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, et j’ai travaillé sur ces questions, y compris sur la pollution diffuse. En fonction de la nature des périmètres de captage – immédiats, rapprochés ou éloignés –, s’appliquent des réglementations connues, qui prévoient tantôt des interdictions, tantôt des limitations, tantôt la possibilité de l’utilisation.

Est-ce à la fiscalité de régler de tels problèmes, par le biais d’un amendement qui est non pas techniquement difficile à appliquer, mais tout simplement inopérant ? De fait, si le Gouvernement devait mettre en œuvre un amendement de cette nature, il s’en révélerait incapable, à moins de changer le mode de taxation : au lieu de taxer le distributeur, nous serions obligés de taxer l’agriculteur et d’envoyer des agents pour vérifier à quel endroit a été utilisé le produit. Reconnaissez avec moi que c’est tout à fait impossible.

Poser le principe pollueur-payeur et s’interroger sur la contribution financière des usagers domestiques, des agriculteurs et des industriels aux agences de l’eau est un autre sujet.

L’amendement adopté par l’Assemblée nationale est, je le répète, inopérant et le Gouvernement vous proposera d’y revenir lors d’une deuxième délibération.

M. le président. Nous examinerons donc à nouveau cet amendement sur le fond. Je propose maintenant de poursuivre, conformément à notre règlement, l’examen des articles.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n182.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement porte sur le même sujet et peut-être son adoption répondra-t-elle aux préoccupations exprimées par M. le secrétaire d’État.

En préambule, je rappellerai que le coût total de la dépollution des flux annuels de pesticides véhiculés par nos ressources aquatiques est estimé à près de 20 milliards d’euros et que, actuellement, la taxe sur les pollutions diffuses rapporte seulement près de 60 millions d’euros, dont une moitié est affectée aux agences de l’eau, et l’autre au plan Écophyto.

L’amendement qui vous est soumis tend à créer une redevance pour pollutions diffuses azotées – il n’est plus question ici des zones de captage. Cette redevance, qui pourrait permettre de lutter contre les pollutions aux nitrates – sachant que 70 % des nitrates proviennent de l’épandage des lisiers et de l’utilisation massive d’engrais azotés par les agriculteurs – aurait plusieurs avantages.

Elle permettrait ainsi de mettre effectivement en place le principe pollueur-payeur que vous évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, et de faire payer les externalités négatives de certaines pratiques agricoles, car il est anormal que les consommateurs paient pour dépolluer l’eau potable que d’autres ont polluée. Je rappelle à cet égard qu’en quinze ans, deux mille points de captage d’eau potable ont dû être fermés, l’eau étant devenue impropre à la consommation.

Elle permettrait également de lutter contre l’érosion de la biodiversité – le principe d’une telle taxe a notamment été exposé, je le rappelle, en 2012 par M. Guillaume Sainteny dans son rapport sur les aides publiques dommageables à la biodiversité.

Enfin, bien sûr, cette taxe serait une recette non négligeable pour l’État, en vue de la préservation de la biodiversité et de la transformation écologique de notre agriculture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la députée, vous envisagez un dispositif très complexe, prévoyant une taxe nouvelle et supplémentaire, qui s’appliquerait à une exploitation agricole à condition que le solde annuel de son bilan azoté soit supérieur à 75 kilogrammes de nitrates par hectare, ce bilan devant être calculé sur une moyenne glissante de trois années consécutives. La tenue d’une telle comptabilité sur trois années est lourde et complexe. Ce premier argument me conduit déjà à demander à l’Assemblée de repousser l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je reviendrai sur l’idée d’une taxation spécifique sur l’azote et les pesticides dans les zones de captage. Pour avoir travaillé plusieurs mois sur cette question dans le cadre d’une mission confiée par le Premier ministre, je partage l’avis de M. le secrétaire d’État : si nous souscrivons largement aux objectifs et aux principes d’une responsabilité et d’un changement systémique sur les zones de captage, la voie que vous proposez, tant pour l’azote que pour les pesticides, n’est pas opérante – du moins ne paraît-elle pas la plus efficace, ne serait-ce que du point de vue promotionnel et de ses attendus.

Nous avons en effet adopté un principe de taxation globale et non discriminante de la profession, dans l’ensemble des pratiques, et des aides de l’agence de l’eau, notamment au titre de la redevance pollutions diffuses – RPD – sont prévues et reversées dans ces zones pour accompagner les mutations des pratiques. Ce principe d’une taxation généralisée, non discriminante, et d’une aide focalisée sur des espaces très sensibles est celui qui a été retenu et il doit être amplifié.

Pour ce qui me concerne, je ne fais pas preuve de mollesse en la matière : j’avais en effet recommandé, dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre, d’élever le montant de la RPD de 40 à 100, voire à 150 millions d’euros. L’amendement que j’ai porté l’année dernière dans le projet de loi de finances rectificative a permis de porter ce montant à 70 millions d’euros : nous disposons donc de 30 millions d’euros supplémentaires pour agir. C’est trop peu, mais cela va dans le bon sens.

Nous pouvons en tout cas parvenir par d’autres voies au résultat que nous recherchons et j’espère pouvoir poser demain au ministre de l’agriculture une question en ce sens. Il nous répondra que, sur ces sujets, il ne faut pas cliver, fragmenter, mais créer un mouvement de conversion de l’ensemble des agricultures, qui bénéficiera aux zones de captage.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Je rappelle tout de même que, malgré de nombreuses alertes, la France est condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la directive sur les nitrates. D’autres pays nous ont du reste précédés dans la voie proposée, tels le Danemark et les Pays-Bas, qui ont respectivement instauré une taxe d’un montant de 70 et de 35 centimes d’euros. Puisque cela se fait ailleurs, nous pouvons le faire. Ce n’est pas très compliqué.

La notion de pollueur-payeur doit s’appliquer aujourd’hui, ce qui sera une manière très incitative d’engager cette transition. À défaut, je crains que nous n’arrivions à rien.

(L’amendement n182 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 435, 485 et 546.

La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n435.

M. Pascal Cherki. Cet amendement tend à affecter à l’Agence française de développement, l’AFD, une fraction de 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières, la TFF, dont nous avons heureusement décidé d’élargir l’assiette à compter du 31 décembre 2016 en y intégrant dorénavant les transactions intra-day.

Sur cette question importante, je serai bref, car d’autres collègues voudront certainement prendre part eux aussi à ce débat. Des interrogations très fortes s’expriment aujourd’hui sur la volonté réelle de la France de tenir les engagements qu’elle a pris depuis des années face à la communauté internationale. Je rappelle en effet que l’objectif fixé est de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide au développement, et que nous en sommes loin, alors que nos cousins britanniques – qui, comme nous, siègent au Conseil de sécurité des Nations unies –, ont déjà atteint ce niveau.

La question posée est donc désormais de savoir si nous sommes prêts à accélérer le mouvement et à nous donner réellement les moyens d’atteindre cet objectif.

L’une des manières de le faire est aussi d’augmenter les crédits de l’AFD, instance qui remplit un rôle considérable. La fusion – ou, du moins, le rapprochement – envisagée avec la Caisse des dépôts et consignations ne réglera pas structurellement le problème. La mesure prévue sera donc un signal politique fort.

Lorsque nous avons créé la taxe sur les transactions financières, nous ne l’avons pas fait pour augmenter les recettes de l’État, mais pour affecter progressivement le produit à la lutte en faveur du développement. Voter l’affectation de 25 % de cette taxe à l’Agence française pour le développement sera donc un signe très important en cette année où la France accueillera en grande pompe la COP 21. Il serait bon que l’éclat diplomatique et protocolaire entourant cette réunion s’accompagne de résultats tangibles en espèces sonnantes et trébuchantes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel, pour soutenir l’amendement n485.

M. Philippe Baumel. Cet amendement vient en cohérence avec l’avancée que nous avons enregistrée vendredi dernier avec le vote de la taxation des transactions financières intra-day,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah !

M. Philippe Baumel. …qui permettra de faire considérablement progresser les moyens mis à disposition de notre politique de développement.

Ce dispositif ne sera toutefois effectif qu’en 2017 et, si nous n’y prenons pas garde, il n’y aura pas un euro de plus pour cette politique en 2016. Il nous faut donc renforcer ce dispositif et je me fais l’écho de l’argument avancé par Monsieur Cherki : il faut flécher une partie de ces crédits – 25 % – pour les dédier particulièrement au développement.

Il faut en outre renforcer tout particulièrement la politique des dons. Si, en effet, nous voulons être efficaces, il nous faut rééquilibrer notre politique entre dons et prêts, ces derniers étant aujourd’hui trop importants et n’aidant pas assez les pays en grande difficulté. Il faut absolument faire un effort en ce sens, afin d’aider les pays les plus faibles, ceux qui en ont le plus besoin. Telle est la logique qui sous-tend cet amendement – qui est, monsieur le secrétaire d’État, un amendement d’appel…

M. Pascal Cherki. Ah non !

M. Philippe Baumel. …pour obtenir des engagements concrets. Nous serons particulièrement sensibles à votre réponse.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n546.

M. Sergio Coronado. Les écologistes sont favorables aux amendements que viennent de présenter MM. Cherki et Baumel, qui sont identiques à notre amendement n546.

L’Agence française de développement est le bras armé de la France dans plus de 70 pays et travaille aujourd’hui sur trois grands axes : la croissance, la protection de l’environnement et l’inclusion sociale. Il s’agit à la fois d’un établissement public et d’une institution financière et elle sera, après la COP21 qui se réunira à Paris, l’un des principaux outils permettant de mettre en place et de concrétiser les engagements qui seront pris.

L’une des difficultés que nous rencontrons à la suite des engagements pris par le Président de la République à la tribune des Nations unies de dégager 4 milliards d’euros dans le cadre du rapprochement de l’AFD et de la Caisse des dépôts et consignations, tient à la nécessité d’aller vite et de montrer que, dès le lendemain de la conférence sur le climat, la France est prête à accompagner les engagements qui seront pris par les pays, les institutions internationales, le monde de l’entreprise et les organisations non gouvernementales. Il est en effet nécessaire de flécher ces crédits et de montrer, dès le budget pour 2016, que nous sommes prêts à faire cet effort financier.

Le terme de 2020 choisi par le Président de la République pour dégager ces 4 milliards d’euros est assez éloigné et certaines perturbations peuvent se produire d’ici là, compte tenu rendez-vous électoraux prévus pour 2017, qui pourraient changer la donne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci, monsieur Baumel, d’avoir rappelé que, vendredi, le Gouvernement a accepté, par l’intermédiaire des amendements qui ont été votés, le principe de l’augmentation de la contribution à l’aide publique au développement, dont le montant est porté à 260 millions d’euros. Si nous votions maintenant ce nouvel amendement, un montant de 230 millions d’euros viendrait s’ajouter à cette contribution, car les deux montants s’additionneraient.

Je propose donc que nous en restions au montant de 260 millions d’euros voté vendredi dernier, qui représente déjà une augmentation substantielle par rapport au niveau précédent, et je vous invite donc à retirer ces amendements identiques, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la rapporteure générale indique à juste titre que le Gouvernement souhaite modifier les montants attribués à l’aide publique au développement, et cela de deux façons. Tout d’abord, par un premier relèvement, de 100 millions d’euros, du plafond de la taxe sur les transactions financières. Ce plafond étant « mordant », cette augmentation se traduira automatiquement par une augmentation de 100 millions d’euros au profit de l’aide publique au développement. Le Gouvernement proposera en outre un amendement majorant de 50 millions d’euros supplémentaires les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Nous aurons ainsi au total 100 millions d’euros de plus prélevés sur la TTF et 50 millions d’euros de plus de crédits budgétaires. Cet effort supplémentaire répond aux engagements qu’a pris le Président de la République dans ses derniers propos.

J’ajoute, même si nous aurons l’occasion d’en reparler, que l’AFD est pour l’instant le gestionnaire du Fonds social de développement – le FSD – pour le compte de l’État. Nous travaillons actuellement, dans le cadre d’une mission confiée à Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères en charge des affaires économiques, à une évolution institutionnelle de la gestion des fonds d’aide publique au développement. Il n’a échappé à personne que nous envisageons un rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations pour constituer une force de frappe encore plus musclée que celle qui existe déjà.

Pour nous résumer, les engagements pris par le Président dans son récent discours à New York sont tenus puisque, avec un relèvement du plafond de 100 millions d’euros et 50 millions d’euros de crédits budgétaires, nous disposerons de 150 millions d’euros supplémentaires.

Au bénéfice de ces explications, je pense que ces amendements pourraient être retirés. À défaut, le Gouvernement souhaite leur rejet pour éviter de financer deux fois – et même plus ! – l’opération.

M. le président. Sur ces amendements, j’ai six demandes de parole qui vont a priori tous dans le même sens : ce n’est pas ce que prévoit notre règlement. Je vais néanmoins donner la parole à ceux qui l’ont demandée, en leur souhaitant qu’ils soient le plus synthétique possible.

La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Vous lisez dans mes pensées, monsieur le président, puisque vous savez ce que je vais dire avant même que je n’aie pris la parole ! J’ai en effet cosigné cet amendement avec mon collègue Baumel et d’autres membres de la commission des affaires étrangères, que nous associons à ce débat, car il est important que l’aide publique au développement augmente substantiellement – c’est un engagement du Président de la République.

Deuxième idée à laquelle nous sommes très attachés et dont nous avons déjà débattu vendredi dernier : la taxe sur les transactions financières doit abonder directement le budget de l’aide publique au développement via l’Agence française de développement. Nous traitons en effet de la réduction des inégalités : il faut donc tout à la fois prélever là où les inégalités se créent, notamment dans la finance – d’où la taxe sur les transactions financières – et affecter ces fonds à l’aide publique au développement.

Nous devons mettre en place ce mécanisme structurel qui permettra, de manière pérenne, d’affecter 25 % de cette taxe, donc les augmentations et les élargissements, et ce dès 2016.

M. le président. La parole est à M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon. Permettez-moi de rappeler les déclarations du Président de la République française le 27 septembre devant l’assemblée générale des Nations unies : augmenter l’aide au développement de 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2020, soit 800 millions d’euros par an dès 2016 si nous voulons atteindre cet objectif.

Le Président de la République a fait la bonne analyse : dans les pays victimes du sous-développement et de la pauvreté, de nouvelles difficultés se sont ajoutées à celles existant déjà – l’épidémie d’Ebola, la guerre en Syrie, le réchauffement climatique –, qui supposent de hisser l’aide au développement à des niveaux sans doute jamais atteints pour ce qui concerne la France.

En conséquence, il faut trouver de nouvelles recettes. Or, trois jours après cette déclaration à l’assemblée générale des Nations unies, le projet de budget présenté pour l’aide publique au développement était en recul de 177 millions d’euros. Je me réjouis des initiatives du Gouvernement visant à affecter 100 millions d’euros en plus provenant de la TTF et encore 50 millions d’euros supplémentaires, mais il reste toujours, à ma connaissance, un effort à accomplir si nous voulons atteindre les objectifs fixés par le Président de la République lui-même.

L’amendement proposé, qui vise à prélever une fraction de 25 % de la TTF pour financer l’augmentation de la contribution à l’AFD, va dans le sens de ces objectifs. Cela étant, même s’il était adopté, nous serions encore très en deçà des objectifs qu’il a lui-même assignés au Gouvernement et à la France. Je soutiendrai donc cet amendement parce qu’il s’inscrit dans la perspective affichée par le Président de la République à l’assemblée générale des Nations unies.

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Personnellement, je n’ai pas signé ces amendements pour des raisons matérielles mais je veux, à la suite de mes collègues, leur apporter mon soutien. Pour cela, je voudrais revenir aux fondamentaux : l’aide publique au développement est née après la guerre, alors que les États-Unis avaient pris conscience de leur hégémonie. Aujourd’hui, nous devons prendre conscience que nous sommes, malgré tout ce que l’on entend, un pays riche, un pays qui éduque, qui soigne et qui a une responsabilité tout à fait particulière.

Soyons positifs : nous avons été très fiers d’entendre le Président de la République en septembre à l’ONU, tout comme nous sommes fiers de la décision d’adosser les prêts de l’aide au développement à la CDC. Nous sommes fiers également de l’amendement adopté vendredi sur la taxe, mais je crois sincèrement que c’est insuffisant dans le contexte actuel de guerres et de pandémies en tous genres. Si nous voulons des pays apaisés, où les gens soient heureux de vivre et ne montent pas dans des bateaux pour rejoindre notre pays, il faut mener une vraie politique de solidarité internationale. À la veille de la COP 21, ce serait formidable que la France fasse un geste, compte tenu de ses responsabilités en termes de droits humains.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Encore une dépense financée par nos petits-enfants !

M. Jean-Marc Germain. Mais non !

Mme Monique Rabin. Nos petits-enfants nous en seront reconnaissants !

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Je n’ai rien d’original à ajouter à ce que viennent de dire mes collègues. Étant cosignataire de l’amendement n435, je souhaite, comme d’autres, que les actes succèdent aux discours. Pendant de longues semaines, nous avons répété que nous souhaitions que les migrants soient moins nombreux à venir, poussés par la faim, la soif et la guerre : cela suppose que nous nous en donnions les moyens.

Cela étant dit, j’aimerais interroger le Gouvernement avant de faire éventuellement une proposition : je souhaite que le secrétaire d’État nous dise ce qu’il compte faire si cet amendement venait à être adopté. Compte tenu de la composition de l’Assemblée à cette heure-ci, il va en effet presque sans dire que celles et ceux qui sont présents sont très majoritairement acquis à cette élévation de la part de l’APD dans la TTF.

Je souhaite donc savoir si le secrétaire d’État demandera ou non une seconde délibération. En fonction de sa réponse, j’aimerais reprendre la parole quelques instants.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Quand Eugène Pottier a rédigé les paroles de L’Internationale, il disait que « le droit du pauvre est un mot creux ». Il ne faudrait pas que le droit du pauvre en développement soit lui aussi un mot creux, le mot creux du XXIsiècle.

Je souhaite apporter un argument à la réflexion de celles et ceux qui hésitent encore à voter cet amendement. Nous célébrons cette année, avec raison, les quarante ans de la loi Veil, celle qui a ouvert une brèche heureuse en faveur de la légalisation du droit à l’avortement. Une agence des Nations unies, le Fonds des Nations unies pour la population, s’occupe justement de la promotion de la santé sexuelle et du droit pour chaque femme à disposer de son corps. La contribution de la France à ce Fonds est de 5 millions d’euros ; celle du Sierra Leone est de 11 millions d’euros...

Mes chers collègues, je pense que nous pouvons faire beaucoup en la matière et que ces sommes que nous pourrions voter aujourd’hui par l’affectation de 25 % du produit de la TTF permettraient de prolonger dans le monde entier des combats que nous avons menés avec beaucoup de courage en France, quand la gauche était dans l’opposition.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez été interrogé : souhaitez-vous répondre ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien que certains se réclament de la parole du Président de la République, le secrétaire d’État vous répond qu’il n’est lui-même pas le plus mal placé pour porter ici la parole du Président de la République, défendant un projet de loi de finances qui a été adopté en conseil des ministres !

Pour le reste, je n’ai pas à répondre aux demandes portant sur la suite de la procédure : j’y répondrai quand j’en aurai l’envie et l’occasion !

M. le président. Les demandes de parole viennent de partout – du même groupe ! J’ai déjà donné la parole à six orateurs sur ces amendements.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voyez l’image que vous donnez : un seul député de l’opposition est présent, mais vous y passez une heure trente !

M. le président. Puisque M. Faure a souhaité, dans son propos, pouvoir intervenir à nouveau, je vais lui donner très brièvement la parole.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Allez-y ! Continuez !

M. le président. Nous procéderons ensuite au vote : je ne donnerai pas la parole à d’autres orateurs, sinon le débat sur cet amendement sera sans fin !

La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Je vois que M. le secrétaire d’État le prend mal, mais mon intention n’était pas maligne : je souhaitais simplement savoir si le Gouvernement entendait revenir sur l’adoption éventuelle de cet amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’en sait rien, le Gouvernement !

M. Olivier Faure. Monsieur le secrétaire d’État, ne vous énervez pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne m’énerve pas, mais vous êtes suffisamment édifié pour savoir que je ne déciderai pas seul !

M. Olivier Faure. Je vous ai interrogé sur ce point parce que nous souhaitons vraiment avancer sur cette question. Si nous avions l’assurance que cet amendement pourrait être adopté sans être ensuite remis en cause, il serait adopté. Si une seconde délibération était demandée, ce que je soupçonne, je souhaiterais alors pouvoir sous-amender non pas l’amendement n435 dont je suis cosignataire, mais l’amendement n485 de M. Baumel que je n’ai pas signé,…

M. Jean-Marc Germain. Vous ne pouvez pas sous-amender un amendement que vous n’avez pas signé !

M. Olivier Faure. …afin de proposer de décaler son entrée en vigueur au 31 décembre 2016, comme nous l’avons fait pour la taxe sur les transactions financières intra-day. Cela permettrait d’intégrer les ressources de la TTF intra-day, auquel cas vous ne pourriez plus vous y opposer. Telle est la question que je souhaitais poser.

M. le président. Monsieur Faure, il n’est pas possible de sous-amender un amendement que vous n’avez pas signé.

M. Olivier Faure. Si !

M. le président. Par ailleurs, nous nous sommes largement exprimés sur ce sujet et je crois que vous avez obtenu dans le propos de M. le secrétaire d’État un début de réponse, pour ne pas dire une fin...

La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, au titre de l’article 58, alinéa 2, de notre règlement, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons procéder au vote sur les trois amendements identiques, nos 435, 485 et 546, qui ont été largement défendus. Je rappelle qu’ils ont reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(Les amendements identiques nos 435, 485 et 546 sont adoptés.)

Article 16

(L’article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, inscrit sur l’article.

M. Hervé Mariton. Cet article modifie le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Pendant longtemps, comme rapporteur du budget des transports, et actuellement, comme président du groupe d’études sur la sécurité routière, j’ai appelé l’attention sur l’importance d’avoir un compte d’affection spéciale, qui soit réellement et spécial et affecté. C’était la logique de sa création au milieu des années 2000. Progressivement, ce compte s’est dilué et a contribué à financer des actions qui avaient peu à voir avec la sécurité routière, alors même que l’affectation du produit des amendes de radar automatique à la sécurité routière est un élément important de la pédagogie.

Alors que les résultats de la sécurité routière sont particulièrement médiocres depuis quelques mois, j’appelle l’attention du Gouvernement sur l’importance de ce point. L’évolution qui nous est proposée dans l’article 17 fait apparaître un léger progrès. L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – ACSé – étant supprimée, les radars automatiques ne contribueront plus à son financement. Cela est assez cohérent et nous rapproche du principe d’un compte d’affectation spéciale. Malheureusement, si celui-ci continuera de financer des actions liées à la sécurité routière, il financera également le désendettement de l’État, cause certes indispensable mais sans rapport immédiat avec la sécurité routière.

Politiquement, je regrette que l’on reporte de nouveau la capacité des communes à définir elles-mêmes le montant de leurs amendes et à les percevoir, même si je comprends cette facilité de calendrier, renvoyant la question à 2018. Techniquement, je ne comprends pas très bien, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi les communes pourront percevoir directement le montant des amendes ainsi qu’une dotation de compensation que décrit très bien la rapporteure générale, à la page 370 de son rapport. Je comprends qu’il y ait une compensation pour les départements, mais je comprends moins qu’il y en ait également une pour les communes.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n449.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je profite de cet amendement rédactionnel auquel je suis favorable pour apporter quelques éléments de réponse à M. Mariton. Je regrette également que nous soyons contraints de reporter la mise en œuvre de la dépénalisation des amendes de stationnement. Elles seront désormais à la diligence des communes et modulables, ce qui n’était jusqu’alors pas possible.

J’ai participé à plusieurs réunions de travail avec l’ensemble des services concernés. Ce dispositif pose des questions techniques assez complexes, relatives aussi bien au recouvrement qu’à la nécessité pour l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions – ANTAI – de passer des marchés publics afin de modifier certains de ses systèmes informatiques. Mme Lebranchu avait sollicité un premier report dans un texte antérieur. Je ne me réjouis pas particulièrement de celui-ci.

Par ailleurs, j’ai bien noté vos questions, monsieur le député. Les compensations au département sont légitimes dans la mesure où ils touchent aujourd’hui une partie des amendes de police. Une fois la dépénalisation en vigueur, il est logique qu’ils continuent à en toucher une certaine part.

(L’amendement n449 est adopté.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Article 18

(L’article 18 est adopté.)

Article 19

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n797.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un amendement de coordination. Le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » est dissous. Nous vous proposons une mesure de coordination de sorte que, dans la liste des recettes qui lui ont été affectées, soient supprimées celles qui n’ont plus lieu d’être.

(L’amendement n797, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 20

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 822, 377 et 376, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, pour soutenir l’amendement n822.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Cet amendement vise tout d’abord à renforcer l’indépendance financière de France Télévisions en anticipant d’une année l’extinction de sa dotation budgétaire, initialement prévue en 2017. Il rejoint en cela les amendements nos 376 et n377. En conséquence, je demande à M. Beffara de bien vouloir les retirer.

Vous savez, mesdames, messieurs les députés, que le renforcement de l’indépendance des organismes de l’audiovisuel public est un objectif fort du Gouvernement depuis 2012. Ainsi, nous avons déjà restitué le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme au Conseil supérieur de l’audiovisuel. De même, le Gouvernement a modifié la structure du financement de ces entreprises, notamment de France Télévisions puisque, depuis la loi de finances initiale pour 2013, il a choisi de diminuer progressivement la part de la subvention budgétaire directement attribuée par l’État, avec l’objectif de la supprimer intégralement en 2017. Cette subvention, instituée par la précédente majorité, soumettait en effet France Télévisions au pouvoir politique et à l’instabilité budgétaire. L’amendement vise à accélérer l’extinction des crédits budgétaires, qui sera effective dès 2016.

Assurer l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est aussi proposer un financement solide et sécurisé pour les entreprises de ce secteur. C’est pourquoi ce projet de loi de finances propose d’affecter directement à France Télévisions une part de la taxe prélevée sur les opérateurs de communication électronique.

Cet amendement s’inscrit également dans le cadre des conclusions du rapport de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel créée à l’initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale. La mission préconisait de consolider et de clarifier les ressources de France Télévisions pour sécuriser l’ensemble du financement de l’audiovisuel public.

L’indépendance financière passe aussi par le rétablissement de l’équilibre des comptes de France Télévisions. À cet égard, un rapport établi à la demande du Gouvernement avant la désignation de la nouvelle présidente du groupe a montré que celui-ci risque de faire face à un déficit tendanciel de plusieurs dizaines de millions d’euros dès 2016. Dans ce contexte, un supplément de dotations publiques permettrait non seulement de rétablir plus rapidement sa situation financière mais aussi de porter les ambitions fortes qui doivent être les nôtres pour France Télévisions. Ce soutien financier doit ainsi lui permettre de renforcer en valeur absolue ses investissements dans la création audiovisuelle et cinématographique, et de relever les défis de l’ère numérique. Il doit aussi permettre d’assurer que le service public continuera de proposer une information libre, pluraliste et indépendante, y compris des intérêts économiques. L’État sera particulièrement vigilant à ce que le futur contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 traduise bien ces attentes.

Avec cet amendement, nous faisons notre part du chemin pour restaurer la situation de France Télévisions. Il permettra d’accompagner la poursuite de l’effort important d’économies et de modernisation demandé à France Télévisions, à ses salariés et à ses partenaires.

En conséquence, il vous est proposé d’accroître de 65,5 millions d’euros l’affectation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique – TOCE – à France Télévisions et de diminuer à hauteur de 40,5 millions d’euros sa dotation budgétaire. À cette fin, en seconde partie du projet de loi de finances, je présenterai au nom du Gouvernement un amendement de cohérence pour diminuer de 40,5 millions d’euros la dotation budgétaire de France Télévisions. L’Assemblée pourra en prendre connaissance dès la réunion de la commission élargie consacrée au budget de mon ministère. Pour que cette affectation de crédits supplémentaires soit neutre sur le solde budgétaire, l’amendement no 822 prévoit une hausse de la TOCE de 0,1 point, qui devrait dégager un rendement additionnel de 25 millions d’euros.

Enfin, l’amendement vise à actualiser le montant de prise en charge par l’État des dégrèvements pour motifs sociaux de la contribution à l’audiovisuel public.

M. le président. Monsieur Beffara, maintenez-vous les amendements nos 377 et 376 ?

M. Jean-Marie Beffara. Bien évidemment, je vais retirer ces deux amendements au profit de celui du Gouvernement. Je me réjouis que les préoccupations que nous avions ainsi exprimées aient été prises en compte. Je pense d’abord à celle visant à consolider l’indépendance de France Télévisions à travers la suppression de la dotation budgétaire. Celle-ci n’était pas seulement une source d’insécurité pour le groupe mais aussi pour l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public parce que les régulations infra-annuelles touchaient, par effet de vases communicants, les autres opérateurs. Et puis l’augmentation de 25 millions d’euros des recettes de la taxe permettra à France Télévisions de poursuivre sa démarche d’économies car s’il faut reconnaître que celle-ci a déjà été entreprise, que des économies ont déjà été faites, le chemin reste difficile. Ces 25 millions permettront au groupe d’accomplir la moitié du chemin, à charge pour lui de réaliser 25 millions d’euros d’économies complémentaires pour le retour à l’équilibre.

(Les amendements nos 377 et 376 sont retirés.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement soulève plusieurs questions car nous venons juste d’en prendre connaissance et n’avons par conséquent pas eu le temps de l’examiner – même si ce constat n’est en rien nouveau !

Première question : si je comprends bien, madame la ministre, vous proposez d’augmenter encore le taux, l’article prévoyant déjà qu’il passe de 0,9 % à 1,2 %, ce qui représentait 75 millions supplémentaires. S’il est fixé à 1,3 %, le montant total devrait atteindre 140,5 millions d’euros à affecter. En parallèle de cette mesure, l’amendement prévoit une augmentation du dégrèvement, le montant prévisionnel de la redevance audiovisuelle devant alors baisser de 14,6 millions d’euros. Est-ce lié à des dégrèvements, notamment ceux consécutifs à l’adoption, vendredi dernier, de l’amendement de Mme Christine Pires Beaune rehaussant le revenu fiscal de référence ? Il semble que ce soit le cas puisqu’il y aura ainsi plus de Français exonérés de redevance.

Seconde question : le produit de la taxe augmentant, je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend mettre fin au financement budgétaire de France Télévisions. Si c’est le cas, cela peut laisser supposer qu’un amendement sera déposé en seconde partie, dans le cadre de la mission « Médias ». Pouvez-vous déjà nous en dire plus, madame la ministre ? Ou bien alors peut-être prévoyez-vous à la fois d’augmenter cette taxe et de conserver une subvention budgétaire à hauteur de 40,5 millions d’euros, ce qui ferait bénéficier France Télévisions d’un montant double.

J’ai bien compris que les dégrèvements augmentaient du fait de la hausse du revenu fiscal de référence, que nous avons adoptée par le biais d’un amendement la semaine dernière. Mais je souhaiterais que vous précisiez, madame la ministre, si la fin du financement par le budget de l’État que vous avez annoncée figurera dans un amendement que vous déposerez en seconde partie du projet de loi de finances pour la mission « Médias ». Sous réserve de cette précision, j’émettrai un avis favorable à cet amendement – à titre personnel, puisque la commission ne s’est pas réunie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les questions que je me pose rejoignent pour partie le propos de Mme la rapporteure générale. Vous avez indiqué à plusieurs reprises, madame la ministre, que cette taxe serait affectée à France Télévisions. Cela m’a rappelé de vieux souvenirs, lorsque, il y a quelques années, notre collègue Patrick Bloche avait utilisé dans un recours auprès du Conseil constitutionnel, si ma mémoire est bonne, du moins en séance, l’argument selon lequel on ne pouvait pas affecter directement une telle taxe à France Télévisions. Comme vous le savez certainement, une taxe doit avoir un quelconque lien avec la nature de l’activité. Est-ce que je me trompe, cher Patrick Bloche, en rappelant cela ?

M. Patrick Bloche. Non.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je pense donc, madame la ministre, que vous avez voulu parler d’une affectation non pas directe, à France Télévisions, mais par le biais du compte d’affectation spéciale. Dans le cas contraire, un problème juridique se posera, qu’il convient de souligner.

S’agissant par ailleurs du résidu de subvention budgétaire, Patrick Bloche et moi-même, je le répète inlassablement, étions les deux seuls députés de la commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé, à mettre en garde, en vain d’ailleurs, contre la disparition de la subvention budgétaire. On peut être rapporteur général du budget et ne pas être écouté, chère Valérie Rabault !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je le sais bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’État, à l’époque, était déjà impécunieux. La recette publicitaire jouait au demeurant aussi un rôle de stimulation : il est sain que la recette soit proportionnelle à l’audience.

Patrick Bloche et moi-même étions conscients que cette subvention budgétaire aurait vocation à disparaître. Je poserai donc la même question que la rapporteure générale : madame la ministre, comptez-vous, en 2016, mettre fin à ce résidu de subvention ?

S’agissant de la contribution à l’audiovisuel public, elle augmente d’un euro – soit pas davantage que l’inflation. Elle posera toutefois de plus en plus de problèmes à l’avenir. Comment envisagez-vous son évolution ?

En ce qui concerne les dégrèvements, la mesure adoptée à l’initiative de Christine Pires Beaune vendredi conduit à majorer le système de dégrèvement. Bien qu’ayant suivi cette question durant plusieurs années, je continue à ne pas envisager clairement la manière dont sont calculés les dégrèvements et la garantie de dégrèvement par rapport à la contribution à l’audiovisuel public. Au regard de cette fragilité, je souhaiterais que vous précisiez comment vous envisager l’avenir de cette contribution.

Enfin, France Télévisions devrait probablement enregistrer en 2016 un déficit de l’ordre de 50 millions d’euros. Vous devez être consciente, madame la ministre, au moment où se déroulent les négociations sur le futur contrat d’objectifs et de moyens, de la nécessité absolue de maîtriser la dépense publique.

On ne peut pas mener une politique de maîtrise de la dépense, comme le fait courageusement le secrétaire d’État, et en exonérer tous les organismes, au motif qu’ils appartiennent à la sphère culturelle. La semaine dernière, j’ai très mal vécu que mon amendement visant à réintégrer le Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC – soit rejeté. Il faut être tenace, madame la rapporteure générale…

Le CNC est la seule exception parmi tous les opérateurs français, alors qu’il avait constitué, du moins dans le passé, les réserves les plus importantes. J’appelle donc votre attention sur ce point. Nous avons constamment ce débat – je l’ai eu pendant des années avec le ministère de la culture. Madame la ministre, vous devez également prendre votre lot dans la politique générale de maîtrise de la dépense publique : nous n’en pouvons plus des augmentations de taxe tout azimut, y compris sur les opérateurs de téléphonie mobile. Aussi, pouvez-vous nous donner des engagements sur votre détermination à maîtriser la dépense publique, y compris à France Télévisions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je tiens à rassurer la rapporteure générale sur la question de l’extinction de la dotation budgétaire. Comme je l’ai dit en le présentant, cet amendement vise bien à permettre, par une suraffectation du rendement de la taxe sur les opérateurs de communication électronique, d’éteindre complètement la subvention budgétaire allouée à l’audiovisuel public en 2016, non en 2017 comme le Gouvernement l’avait initialement prévu. C’était aussi le sens des amendements de M. Bloche et M. Beffara

Dès 2016 il n’y aura donc plus aucune subvention budgétaire allouée à l’audiovisuel public. Cela correspond bien à cette volonté que le Gouvernement porte de restaurer l’indépendance de l’audiovisuel public, à la fois par le biais des nominations, mais aussi par celui du financement, donc en donnant à l’audiovisuel public des ressources stables, affectées directement et qui ne transitent plus par le budget de l’État. Les 40,5 millions d’euros feront donc bien l’objet d’une présentation en commission élargie, la semaine prochaine, dans le cadre de l’examen du budget de l’audiovisuel public.

L’amendement vise à tenir compte de l’amendement adopté l’année dernière, qui exonère 107 000 foyers supplémentaires. C’est la conséquence mécanique de cet amendement.

En droit interne – nous avons beaucoup étudié cette question –, il n’y aucune raison d’avoir une crainte juridique sur notre capacité à affecter une partie de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques – TOCE. Cela ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, dont l’article 2 autorise l’affectation des impositions de toute nature à un tiers à raison des missions de service public confiées à lui, à condition que cette disposition soit inscrite dans une loi de finances. Nous sommes bien dans ce cadre.

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait d’accord pour estimer qu’il n’y a pas de lien entre la taxe et le bénéficiaire. En effet, les opérateurs de communications électroniques bénéficient bien aussi de la circulation et de la diffusion des œuvres audiovisuelles, dont celles de l’audiovisuel public. C’est bien le sens du concours financier, qui vient financer la création audiovisuelle et cinématographique en France.

Il y a donc un véritable lien au regard des usages de nos concitoyens, qui accèdent aujourd’hui aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques de plus en plus à travers l’internet mobile et fixe. Cette révolution des usages – vous évoquiez à raison la contribution à l’audiovisuel public, monsieur le président – modifie profondément la façon dont nous devons envisager le financement de l’audiovisuel public dans son ensemble.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, une réflexion sur la modernisation de l’audiovisuel public est en cours. Cette année, il était difficile de mettre en œuvre des réformes tenant à l’assiette ou à la modernisation de cette contribution à l’audiovisuel public parce qu’il y a un engagement fort du Gouvernement et du Président de la République de ne pas alourdir la charge fiscale qui pèse sur les foyers français. Cette réflexion est pourtant toujours en cours. Elle est conforme à l’évolution des usages que nous constatons aujourd’hui dans les accès à la culture de manière générale. Nous continuons donc à y travailler.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Gilles Carrez évoquait de manière opportune le passé, non seulement pour dire que nous avions prévu ce qui est arrivé les années suivantes et jusqu’à la situation actuelle, mais également pour dire que nous payons aujourd’hui, dans le cadre de cette discussion budgétaire, le prix politique et financier de la décision brutale, sans étude d’impact, que Nicolas Sarkozy avait prise en 2008, de supprimer d’un trait de crayon 450 millions d’euros de recettes publicitaires en soirée.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Absolument !

M. Patrick Bloche. Tel était en effet le produit de ces recettes au moment où le Président de la République a décidé de supprimer la publicité sur France Télévisions après 20 heures.

Revenons à la situation de 2015, puisque c’est celle qui nous intéresse aujourd’hui. Je voudrais me féliciter de l’initiative qu’a prise le Gouvernement, à travers ce que j’appellerai un amendement vertueux, qui rejoint l’objectif que nous poursuivions, Jean-Marie Beffara et moi-même, avec nos deux amendements, d’assurer – cela est très important sur le plan politique – l’indépendance budgétaire de France Télévisions à l’égard du budget de l’État.

Que cette subvention budgétaire mise en place en 2009 soit supprimée dès 2016, sans attendre 2017, est donc une très bonne nouvelle pour France Télévisions. C’est l’objectif que Jean-Marie Beffara et moi-même poursuivions. De ce fait, les ressources publiques de France Télévisions ne proviendront plus de trois sources – la redevance, ressource affectée ; le reversement d’une partie de la TOCE ou« taxe Copé » ; la subvention du budget de l’État – mais de deux. Le budget de France Télévisions sera ainsi indépendant de celui de l’État.

En outre, le second objectif visé par l’amendement du Gouvernement, par un autre moyen que celui que Jean-Marie Beffara et moi-même avions choisi, est d’assurer 25 millions d’euros supplémentaires au budget de France Télévisions pour 2016. C’est la contribution de la tutelle afin de réduire de moitié le déficit prévisionnel, qui s’élève à 50 millions d’euros.

Enfin, pour répondre à Gilles Carrez, je peux témoigner, en tant que représentant de notre assemblée au conseil d’administration de France Télévisions, qui s’est réuni jeudi dernier, que Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, a pris des engagements pour qu’à travers des maîtrises de coûts, voire d’économies de structure, France Télévisions fasse l’autre moitié du chemin et retrouve des comptes équilibrés l’année prochaine. C’est une très bonne nouvelle pour France Télévisions, mais aussi pour l’État.

(L’amendement n822 est adopté.)

(L’article 20, amendé, est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n711.

M. Bruno Le Roux. Sans m’attarder sur les difficultés que connaît aujourd’hui le transport aérien français et sur les mesures que le Gouvernement pourrait prendre pour y remédier, je voudrais souligner deux éléments s’agissant du présent amendement et du suivant.

Tout d’abord, la taxe de l’aviation civile est pour partie reversée au budget général de l’État : son écrêtement conduit à lui reverser un peu plus de 20 millions d’euros – 60 millions d’euros autrefois.

Compte tenu des investissements très lourds que le secteur de la sécurité aérienne aéroportuaire doit réaliser dans les prochaines années, il est proposé de réorienter le surplus alimentant aujourd’hui le budget général de l’État vers le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » – BACEA –, afin qu’il puisse notamment servir à financer les investissements représentant un coût très important pour les compagnies. Je rappelle qu’à la différence de toutes les autres missions régaliennes dans ce pays, la sûreté des aéroports n’est pas assurée par l’État, mais entièrement par les aéroports et une taxe versée par les compagnies. Le Gouvernement pourrait donner ce signe afin que la taxe de l’aviation civile ne finance pas le budget général de l’État, comme c’est le cas aujourd’hui, pour une faible partie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cette disposition avait été discutée l’an dernier lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2015. Comme vous le savez, monsieur le président Le Roux, une autre solution a été adoptée, qui, d’ailleurs, fonctionne. En effet, l’Assemblée nationale avait voté un amendement qui permettait à la direction générale de l’aviation civile de prendre en charge une disposition visant à exonérer de taxe d’aviation civile les passagers en transit.

Il avait été envisagé de supprimer toute affectation de cette taxe, ce qui revenait à surcompenser de 20 millions d’euros le budget de la direction générale de l’aviation civile.

Du coup, ce que l’on avait fait, c’est que l’on avait ajusté les fractions qui revenaient respectivement au budget annexe relatif au contrôle et à l’exploitation aériens et à l’État, de manière de s’assurer que la compensation proposée ne se fasse pas au détriment de l’État.

En conséquence, si l’intérêt de votre amendement est évident, notre commission l’a repoussé, jugeant que l’équilibre trouvé l’an dernier était satisfaisant. Ce dernier étant appliqué depuis maintenant plusieurs mois, il serait toutefois intéressant que le secrétaire d’État nous donne son point de vue sur la question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Le Roux, vous avez rédigé un rapport sur le sujet ; nous nous en sommes déjà entretenus et ce rapport a été évoqué à plusieurs reprises dans l’hémicycle. Comme le rappelait Mme la rapporteure générale, une première disposition a été adoptée, qui fait qu’en 2015, quelque 25 millions d’euros ont été, si j’ose dire, « économisés » par les transporteurs sur la taxe des passagers en transit ; selon nos calculs, cette somme devrait atteindre 60 millions d’euros en 2016. J’insiste sur ce point : il s’agit d’un effort loin d’être anodin dans le contexte budgétaire actuel !

Comme le reste de l’État, l’aviation civile doit continuer de maîtriser ses dépenses. Pour ce faire, son pilotage budgétaire est assuré, comme toutes les autres missions du budget général, par la fixation d’autorisations de dépenses, et non en fonction du niveau de recettes – ce qui serait la conséquence de votre amendement. Octroyer au budget de l’aviation civile la part écrêtée de la taxe de solidarité sur les billets d’avions ou de la taxe de l’aviation civile n’aurait de ce fait que peu d’intérêt, surtout s’agissant de recettes par construction assez volatiles. Il faut veiller à disposer au sein des recettes du budget annexe de l’aviation civile d’une proportion de redevances suffisantes par rapport au produit des taxes ; votre amendement comporte un risque de ce point de vue.

En matière de sécurité, la France a opté pour un modèle qui repose sur le financement direct des aéroports via la taxe d’aéroport. Ajouter un nouveau mode de financement au travers du budget annexe de l’aviation civile me semble un facteur de complexité.

À la lumière de ces explications, le Gouvernement demande, à ce stade de nos travaux, le retrait de cet amendement, ainsi que celui de l’amendement n712, que nous allons examiner prochainement. À défaut, il y serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le secrétaire d’État, je vais retirer mon amendement, car ce n’est pas dans une situation d’urgence que l’on règle les problèmes, surtout à coup d’amendements.

En revanche, je souhaite affirmer ici que nous souffrons de l’absence de réflexion globale sur ce secteur et sur la façon dont nous voulons redonner à notre pays un avantage compétitif dans un contexte très concurrentiel. Il n’apparaît pas normal qu’une entreprise qui, comme toutes les autres, participe à l’effort budgétaire par l’intermédiaire des impôts et des taxes diverses qu’elle a à payer, ait en plus à collecter une taxe sur les billets d’avion qui vient abonder le budget de l’État, alors qu’elle est déjà en difficulté et qu’elle va devoir procéder à des investissements très lourds. Certes, l’abondement est faible, mais il existe ; et les symboles sont importants, en particulier pour un secteur à qui l’on demande, notamment à ses salariés, de faire de grands efforts dans les mois à venir.

C’est pourquoi, si je vais bien entendu retirer un amendement qui ne pourra à lui seul remédier à la situation d’urgence dans laquelle se trouve le secteur, j’en appelle à une réflexion globale sur celui-ci, de la part non seulement de la compagnie, mais aussi de l’État.

(L’amendement n711 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n791.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objectif de régler définitivement un problème qui empoisonne les relations entre la France et la Suisse, à savoir l’imposition des entreprises installées dans le périmètre de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, certaines se trouvant sur la partie française, d’autres sur la partie suisse. Il s’agit de prévoir une dérogation au champ d’application territorial de la taxe de l’aviation civile dès lors que l’embarquement des passagers, bien que localisé sur le territoire français, est effectué par des transporteurs aériens exerçant sous l’autorisation exclusive d’un État tiers limitrophe, conformément aux stipulations d’un accord international entre cet État et la France.

Cette dérogation ne se fera pas sans compensation : les transporteurs qui exploitent les services aériens seront soumis à une contribution financière à finalité budgétaire, destinée à couvrir les missions de service public à caractère régalien assurées par la France – dont, à l’évidence, ces transporteurs bénéficient.

En pratique, la présente disposition a vocation à ne s’appliquer qu’à la situation singulière de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, dont l’organisation, la gestion et le régime juridique spécifique relèvent des stipulations de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 – voilà qui ne nous rajeunit pas ! (Sourires.)

Pour résumer, il s’agit de transcrire un accord intervenu au plus haut niveau entre les autorités françaises et les autorités suisses, afin de régler ce problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement. La taxe sur le transport aérien n’est effectivement pas appliquée sur l’aéroport de Bâle-Mulhouse au titre de conventions signées en 1949 entre la France et la Suisse.

D’un petit calcul sur un coin de table, comme nous aimons à en faire à la commission des finances, il ressort que, rapporté au volume de passagers et au produit moyen des taxes, cela représenterait quelque 22 millions d’euros. Le Gouvernement propose que la France puisse tout de même bénéficier d’une petite compensation, à hauteur de 6 millions d’euros, au titre des prestations qu’elle assure.

Une question avait toutefois surgi lors des débats : de plus larges négociations étant en cours depuis 2010, les dispositions incluses dans l’amendement en sont-elles issues ? Mais je crois qui vous y avez répondu.

Avis favorable, donc.

(L’amendement n791 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n712.

M. Bruno Le Roux. Le présent amendement peut être relié au débat que nous avons eu tout à l’heure sur l’aide au développement, puisqu’il porte sur la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

C’est l’honneur de la France que d’être parmi les pays qui ont mis en œuvre cette taxe. Celle-ci est nécessaire, elle permet d’alimenter un fonds particulièrement utile pour les pays qui sont le plus dans le besoin – je pense notamment à la lutte contre le SIDA. Toutefois, certaines questions pourraient être soulevées, et je souhaite souligner, monsieur le secrétaire d’État, que j’attends depuis maintenant plusieurs mois les résultats d’une évaluation que j’ai commandée à votre ministère sur l’élaboration d’une nouvelle assiette dans un cadre qui permettrait de faire consensus.

Pour en revenir à l’amendement, les compagnies collectent chaque année plus de 210 millions d’euros sur les billets d’avion via cette taxe de solidarité, dite taxe « Chirac ». Là encore, les recettes sont écrêtées, et le surplus de la taxe va au budget général de l’État. Comme pour l’amendement précédent, je souhaiterais que le surplus de la taxe de solidarité collectée par les compagnies vienne abonder le budget de l’aviation civile, notamment pour alimenter un fonds qui permettrait de financer d’une autre manière les investissements de sécurité qu’auront à faire les aéroports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est exact que le plafond de la taxe n’a jamais été modifié. En 2014, le rendement de celle-ci était de 204 millions d’euros ; en 2016, on en attend 230 millions. Le plafond n’ayant pas été modifié, le surplus augmente donc.

Cette taxe est très prisée – on l’a observé à l’occasion de l’examen d’un précédent amendement. Mon rapport répertorie les plafonds et les écrêtements qui existaient sur les taxes affectées. Depuis l’année dernière, le Gouvernement a fait passer de soixante-sept à quatre-vingt le nombre de taxes affectées plafonnées. Si l’on donnait un avis favorable à votre amendement, monsieur Le Roux, on irait donc à l’encontre de la démarche engagée par le Gouvernement et que nous soutenons !

Au vu de ce constat, la commission a repoussé votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La rapporteure générale a parfaitement expliqué la situation : le produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion est actuellement plafonné à 210 millions d’euros ; pour la première fois, il va atteindre ce plafond.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le dépasser.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voire le dépasser légèrement, ce qui n’avait encore jamais été le cas.

Nous nous trouvons là, monsieur Le Roux, dans une configuration et avec une problématique qui ressemblent à celles de l’amendement n711 ; il s’agit d’affecter la part écrêtée, qui devrait tourner, selon nos calculs, autour de 10 ou 15 millions d’euros – la rapporteure a évoqué un produit de 230 millions, je pencherais plutôt pour 225 millions, mais c’est bien de cet ordre de grandeur –, au budget de l’aviation civile, lui-même abondé par les crédits budgétaires. Il s’agit donc de la même argumentation que celle développée tout à l’heure.

Votre rapport évoquait toutefois d’autres types d’assiettes pour obtenir le même montant que le produit de la taxe sur les billets d’avion, et des travaux ont été engagés sur le sujet en liaison avec les autres ministères concernés – de telles opérations modifiant les arbitrages économiques, elles ne concernent pas que le ministère du budget : comme vous le savez, Bercy comporte plusieurs étages… Pour l’instant, ces travaux n’ont pas fait preuve de leur fécondité – c’est un euphémisme ! –, mais je m’engage à relayer votre demande afin que la question soit approfondie.

Néanmoins, à ce stade, je demanderais à l’Assemblée de rejeter votre amendement s’il n’était pas retiré.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Comme pour l’amendement précédent, je vais retirer celui-ci au bénéfice d’une réflexion globale, en me félicitant que le secrétaire d’État ait fait cette ouverture afin que, tout en préservant l’intégralité de la taxe de solidarité – ce qui est, je le répète, la position de la majorité –, on engage une réflexion plus fine sur son assiette.

(L’amendement n712 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n792.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement qui autorise le Gouvernement à affecter les avoirs bloqués figurant sur les comptes provisoires pour les opérateurs agréés de jeux en ligne et sur les comptes joueur pour La Française des jeux au titre de ses activités de loterie en ligne.

Tout est indiqué dans l’exposé des motifs ; cela découle du fait que les opérateurs agréés de jeux en ligne et la Française des jeux sont tenus de mettre en réserve pour un délai de six ans les avoirs bloqués figurant au crédit d’un compte clôturé – il faut clôturer les comptes au bout d’un certain temps. Il s’agit là de ce que l’on pourrait qualifier de « recette de poche » (Sourires), mais ce n’est tout de même pas négligeable, puisque cela représente environ 4 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

(L’amendement n792 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n821.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On pourrait le qualifier d’amendement de « nettoyage ». Il clôture un compte de commerce intitulé « Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses » ayant reçu zéro euro en 2012, 3 000 euros en 2013, 2 000 euros en 2014 et attendant environ 4 600 euros en 2015. Sa très faible utilisation ne justifie plus le maintien du support budgétaire. Il est donc proposé de le clôturer.

(L’amendement n821, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n815.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vise à lever l’un des deux verrous empêchant de mettre en œuvre une évolution assez largement attendue dont l’objet est de concentrer le trafic de poids lourds traversant les Vosges sur le tunnel Maurice-Lemaire. Pour ce faire, le Gouvernement souhaite que les deux contrats passés avec la société concessionnaire d’autoroutes, celui relatif au tunnel et celui relatif à l’autoroute, soient fusionnés afin de faire baisser les tarifs d’utilisation du tunnel et de financer les mesures complémentaires d’aménagement de l’itinéraire sur lequel se trouve le tunnel. Il en résultera des recettes nouvelles pour l’État provenant de la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, l’APRR, ce qui justifie la présentation de cet amendement en loi de finances. Il est attendu au profit de la bonne gestion, de la qualité de l’air dans les vallées et de la sécurité.

J’ajoute que le tunnel, qui relie actuellement la Lorraine à l’Alsace, se trouvera à l’avenir dans une seule région. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a reçu tardivement cet amendement et n’a donc pas eu la possibilité de l’examiner. Je remercie néanmoins les services des ministères du budget et des transports d’avoir bien voulu nous faire parvenir des études complémentaires dont voici les conclusions.

Nous sommes en présence de deux concessions, une concession autoroutière et une concession de tunnel. La première court jusqu’en 2035, la seconde jusqu’en 2068. L’amendement propose de les fusionner en une seule jusqu’en 2035. Il s’agit de faire baisser les tarifs, qui ont augmenté assez significativement après l’incendie du tunnel du Mont-Blanc afin de financer les travaux. Or, cela a détourné les poids lourds du tunnel, ce qui n’est pas optimal en termes écologiques.

La baisse des tarifs de péage concerne notamment les voitures de classe 1 et 2 dont le tarif passerait respectivement de huit à six euros et de 17,2 à 9,40 euros. Quant aux poids lourds, leur tarif baisserait de 57 %. En contrepartie, l’exploitant verra la durée de la concession augmentée de dix mois.

L’amendement est examiné dans le cadre du projet de loi de finances car la compensation envisagée prend une forme dérogatoire. Elle ne porte pas sur le contrat de concession de tunnel mais sur le contrat de concession d’autoroute après fusion des deux. Elle nécessite donc de prévoir dans la loi la fusion des deux contrats de concession initiaux afin d’être mise en œuvre.

Les documents que j’ai obtenus visent à s’assurer que le montant perçu par la société concessionnaire grâce à l’allongement de la durée de la concession est bien celui résultant de la baisse des tarifs, autrement dit que la disposition proposée ne provoque pas son enrichissement. Les hypothèses retenues comportent des actualisations de flux qui nous semblent tout à fait convenables et vérifient tous les points qui doivent l’être. Il s’agit d’une évaluation indépendante des services du ministère des transports dont le résultat est mentionné dans l’exposé des motifs de l’amendement. Des discussions avec la société concessionnaire ont eu lieu sur ce point. Vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole, chers collègues, mais telle est bien la démarche qui a été suivie depuis que nous avons reçu l’amendement vendredi. Notre assemblée dispose ainsi des éléments nécessaires pour se prononcer sur l’amendement sur lequel j’émets à titre personnel un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le montage me semble intéressant. Je remercie Mme la rapporteure générale de l’avoir vérifié avec sa sensibilité d’ingénieur des ponts ! (Sourires.) Vous vous souvenez, monsieur le secrétaire d’État au budget, que nous avons jadis saisi tous deux l’autorité de la concurrence, bien conscients que le rêve des dirigeants d’une société concessionnaire d’autoroutes, c’est la prolongation de la durée de concession. Il faut donc être très vigilant sur ce point et analyser rigoureusement l’équilibre retenu avec toute l’expertise nécessaire. Selon Mme la rapporteure générale, la contrepartie est ici une prolongation de dix mois.

Je voudrais poser une question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre d’emblée. Il s’agit de faire en sorte que les véhicules, en particulier les poids lourds, empruntent le tunnel dont le péage est en effet d’un coût exorbitant. Des tests de sensibilité sous forme de questionnaires ont-ils été menés afin de vérifier qu’une baisse des tarifs de presque 50 % incitera les chauffeurs de poids lourds à modifier effectivement leur itinéraire ? Le montage me semble intéressant et nous devons mettre toutes les chances de notre côté pour qu’il réussisse.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les études que j’ai obtenues présentent des modélisations prenant en compte une courbe d’élasticité. Il faut en effet que la baisse des tarifs incite les poids lourds à emprunter à nouveau le tunnel. La courbe d’élasticité qui m’a été fournie relie le trafic en ordonnées au tarif en abscisse et se fonde sur les résultats observés entre la fermeture du tunnel et sa réouverture en 2008 à des tarifs plus élevés. Avant l’augmentation des tarifs, un certain flux de véhicules, notamment de poids lourds, était constaté. Lorsque les tarifs ont augmenté pour financer des travaux, il a diminué. Il s’agit donc à la fois de données réelles et de modèles de trafic, qui sont les estimations les plus difficiles à réaliser. La courbe proposée est assez cohérente. Elle se fonde sur les données de 2008, c’est-à-dire avant l’augmentation des tarifs, et a été retenue pour la calibration des nouveaux tarifs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il en va des péages autoroutiers ou en l’occurrence de tunnels comme des impôts : on ne peut être certain de l’absence d’effet d’éviction dissuasif. Je ne peux donc pas répondre complètement à votre question, monsieur le président de la commission des finances. Ce dont je peux témoigner, moi qui suis élu lorrain ayant exercé, même si je ne suis pas vosgien, quelques fonctions au conseil régional de Lorraine, c’est que les montants retenus font l’objet d’un consensus local entre tous les acteurs, notamment le président du conseil régional de Lorraine, celui du conseil régional d’Alsace et les parlementaires, vosgiens en particulier. Tous estiment qu’ils sont attractifs au contraire des montants actuels qui sont dissuasifs.

(L’amendement n815 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 21

(L’article 21 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite que la séance soit levée et que les travaux reprennent à 21 h 30.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly