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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 26 novembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Nouvelle orientation du système de retraites

Présentation

M. Thierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie

Discussion générale

M. Arnaud Richard

M. Alain Tourret

Mme Françoise Dumas

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Alexis Bachelay

M. Christophe Sirugue

M. Michel Liebgott

M. Thierry Benoit, rapporteur

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Michel Issindou

M. Michel Issindou

M. Thierry Benoit, rapporteur

M. Alain Tourret

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Christophe Sirugue

M. Michel Piron

2. Retraite des responsables associatifs

Présentation

M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie

Discussion générale

M. Michel Zumkeller

M. Alain Tourret

Mme Françoise Dumas

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Alexis Bachelay

M. Christophe Sirugue

M. Yannick Favennec, rapporteur

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Motion de renvoi en commission

M. Michel Issindou

M. Yannick Favennec, rapporteur

M. Philippe Vigier

M. Alain Tourret

M. Christophe Sirugue

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Sergio Coronado

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Nouvelle orientation du système de retraites

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Thierry Benoit et plusieurs de ses collègues proposant une nouvelle orientation de notre système de retraites (nos 3144, 3226).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Thierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les députés, les journées d’initiative parlementaire sont pour les groupes politiques l’occasion de présenter des propositions de loi qui forgent et constituent leur corpus idéologique et le projet qu’ils portent pour le pays, pour les Françaises et les Français.

Alors que nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, nous devons nous engager, en tant que parlementaires, à tout mettre en œuvre pour préserver cet héritage. Faire en sorte que tous les Français, sans distinction, sans division, puissent bénéficier d’un système assurantiel juste et efficace, telle est notre responsabilité, tel est notre devoir.

La loi Ayrault du 20 janvier 2014 se fixait pour objectif de garantir « l’avenir et la justice du système de retraites » – un titre ambitieux, mais pour quels résultats ? Depuis cette loi, le Gouvernement et la majorité donnent l’impression que les retraites ne sont plus un sujet. J’en prends pour preuve la réponse de M. Michel Issindou qui, lors de l’examen de cette proposition de loi en commission, la semaine dernière, nous expliquait que ce n’était « ni le lieu, ni le moment de parler de ce sujet ».

M. Michel Issindou. Je le confirme.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je tiens, à ce propos, à saluer et remercier Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, pour la réponse bienveillante et lucide qu’elle nous a faite en commission, expliquant que c’était bien dans cette enceinte que nous devions débattre de ce sujet.

Madame la secrétaire d’État, la ministre de la santé Mme Marisol Touraine répète que, depuis la loi Ayrault, tout est sous contrôle : le système des retraites serait à l’équilibre.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Dès lors, il n’y aurait plus lieu de s’inquiéter, ni d’agir. En quelque sorte, tout va très bien, madame la marquise ! C’est oublier que la réforme de 2013 reste, en l’état, largement imparfaite. Certes, le régime général tend à s’équilibrer…

M. Michel Issindou. Ah !

M. Thierry Benoit, rapporteur. …et je saisis cette occasion pour rendre hommage à la réforme Fillon de 2008.

M. Michel Issindou. 2010 !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cependant, la pérennité de notre système est encore loin d’être garantie. Sans nouvelle réforme, l’accalmie ne sera que de courte durée et le réveil sûrement brutal.

M. Arnaud Richard. C’est vrai !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Le Fonds de solidarité vieillesse accuse, ne l’oublions pas, un déficit global qui dépasse les 3 milliards d’euros. Sur le plan démographique, le nombre d’actifs par retraité est passé de 3 à 1,3 entre 1975 et 2015. Sur le plan financier, notre pays affiche une dette de 2 200 milliards d’euros. Enfin, selon le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites – COR –, le besoin de financement des retraites s’établirait aujourd’hui à 0,4 % du PIB en 2020, soit près de 10 milliards d’euros.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’avenir de notre système de retraites demeure un sujet et il reste encore beaucoup à faire. Tel est précisément l’objectif de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, dont l’ambition est de susciter un débat, une prise de conscience et, je l’espère sincèrement, une invitation à agir. On ne peut, certes, modifier l’intégralité du code de la Sécurité sociale en une proposition de loi, mais on peut s’engager collectivement pour ouvrir de nouveaux chantiers.

Les centristes – UDF, puis Nouveau Centre et, aujourd’hui, UDI – ont toujours défendu une réforme systémique de notre régime de retraites. Je tiens à rendre hommage, à ce propos, au travail de MM. Jean-Luc Préel, Philippe Vigier, président du groupe UDI, Francis Vercamer et Charles de Courson, qui ont toujours été à la pointe de la réflexion sur le financement de nos retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Pour rendre notre système de retraite plus juste et plus efficace, il s’agit d’abord de corriger les iniquités qui subsistent encore aujourd’hui entre les différents régimes : plus d’une centaine sont en vigueur et certains régimes spéciaux remontent – c’est le cas de le dire – à l’Ancien Régime. Il ne s’agit pas de discriminer certaines professions, mais d’engager un mouvement de convergence et d’harmonisation.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Thierry Benoit, rapporteur. En 2013, les montants moyens des pensions de retraite étaient d’environ 23 000 euros par an pour la fonction publique d’État, contre 15 000 euros dans le privé, cadres et non-cadres confondus. En 2050, sans nouvelles réformes, ces écarts seraient encore criants : la pension annuelle moyenne des fonctionnaires d’État devrait atteindre 27 000 euros, contre 18 250 euros dans le privé. La différence est de taille !

Autre inégalité dans le calcul des retraites : les pensions de retraite des fonctionnaires sont calculées sur les six derniers mois de traitement et celles des salariés du secteur privé sur les salaires des vingt-cinq meilleures années de la vie professionnelle.

Plusieurs institutions internationales nous ont appelés à faire évoluer notre système de retraites pour plus de pragmatisme et plus d’équité. Dans sa recommandation du 13 mai dernier concernant le programme national de réforme de la France pour 2015, le Conseil de l’Union européenne a souligné que « le déficit du système de retraites pourrait continuer à se creuser et les réformes menées précédemment ne suffiront pas à le combler. En particulier, le déficit imputable aux régimes des agents de l’État et des salariés des entreprises publiques continue de peser sur le déficit global du système ». Ce constat est également partagé par l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE –, qui a souligné que les dépenses de retraites de la France comptent parmi les plus coûteuses des 34 États membres et a appelé à de nouvelles économies, notamment dans le régime des salariés des entreprises publiques.

Mes chers collègues, la proposition de loi du groupe UDI comporte cinq orientations nouvelles pour notre système de retraites. Premièrement, instaurer une règle de confiance en créant un montant minimum de pension de retraite, afin de protéger le pouvoir d’achat des retraités actuels et futurs. Deuxièmement, préserver la compétitivité des entreprises grâce à une limitation des taux de cotisation. Troisièmement, engager une mise en extinction des régimes spéciaux. Quatrièmement, garantir une convergence entre les régimes de retraite public et privé. Cinquièmement, instaurer un régime unique de retraite par points.

Cette séance étant publique, je tiens à indiquer à nos concitoyens que j’intègre naturellement dans ma réflexion le régime de retraite des parlementaires, qui est bien sûr un régime dérogatoire spécial, même s’il ne peut être réformé par un tel texte de loi, car seul le Bureau de l’Assemblée nationale peut faire évoluer le régime de retraite des députés.

M. Michel Issindou. Il l’a fait !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Nous devons militer collectivement pour plus de justice et d’équité, particulièrement lorsque les temps sont difficiles sur le plan financier. Il en va de la solidarité intergénérationnelle, notamment pour les petites retraites, qui représentent un véritable enjeu.

Pour ce qui concerne les plus démunis, faut-il rappeler que le revenu moyen à 60 ans tourne autour de 915 euros, que la pension de base des femmes atteint 932 euros et que le seuil de pauvreté est fixé à 993 euros ? (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Notre système de retraites actuel associe à la fois des régimes de base obligatoires et par répartition, des régimes complémentaires obligatoires, des régimes surcomplémentaires facultatifs et, enfin, les fameux régimes spéciaux.

Nous pourrions, au moyen d’un régime de retraite par points, connecter la durée de cotisation de nos concitoyens à celle de l’espérance de vie. L’OCDE a ainsi recommandé à la France de « rendre véritablement automatique le lien entre les gains d’espérance de vie et la durée de cotisation donnant droit à la retraite à taux plein, comme c’est déjà le cas en Lettonie, en Pologne, en Suède et en Norvège ».

La Suède est ainsi passée d’un système analogue au nôtre, structurellement déficitaire et incapable d’assurer l’avenir des retraites, à un système non seulement capable de dégager des excédents, mais aussi, et surtout, plus juste. Ce système repose sur un dispositif de « compte notionnel », compte individuel théorique dans lequel les cotisations alimentent un capital qui, à la date de liquidation de la pension, est divisé par l’espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l’assuré. Chaque assuré sait ainsi d’emblée que sa pension sera proportionnelle au travail qu’il aura fourni toute sa vie. Ce mécanisme permet une parfaite adéquation entre la croissance du pays et le montant des pensions : si la croissance baisse, le niveau des pensions diminue, et inversement.

Mes chers collègues, adopter un régime universel de retraite par points, c’est démontrer d’abord que la valeur travail est la même pour tous. C’est œuvrer aussi pour un système unifié, plus flexible, plus efficace. C’est agir, enfin, pour un meilleur pilotage de nos retraites et pour une plus grande transparence.

À défaut de le mettre en place directement, nous pouvons au moins, je l’espère, demander au Conseil d’orientation des retraites un rapport complet sur les bénéfices d’un régime de retraites par points.

M. Michel Issindou. Il existe !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cela a déjà été esquissé, mais doit être actualisé et il reste encore beaucoup à faire. Surtout, le projet d’accord sur les retraites complémentaires du 30 octobre dernier risque d’accentuer davantage encore les iniquités. Or nous ne pouvons accepter d’avoir une politique à deux vitesses – la réforme pour les uns, le statu quo pour les autres !

Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de l’UDI en matière de retraites est simple : un régime universel de retraite par points – donc une réforme systémique –, la convergence des régimes public et privé et la mise en extinction des régimes spéciaux de retraite, à commencer par celui des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner la proposition de loi du groupe de l’Union des démocrates et indépendants visant à proposer une nouvelle orientation de notre système de retraites.

Je veux d’abord excuser l’absence de Mme Marisol Touraine, qui se trouve actuellement au Sénat pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

Cette proposition de loi a pour objet de « proposer une nouvelle orientation »…

M. François Rochebloine. Nous aurions aimé que Mme Touraine soit présente !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Sans doute, mais elle ne peut pas être à la fois au Sénat et à l’Assemblée. Ayez donc la courtoisie de vous satisfaire de ma présence.

M. François Rochebloine. Je constate que vous êtes toujours aussi souriante !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Une nouvelle orientation, c’est ce que le Gouvernement a voulu avec la loi garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites, promulguée en 2014. Cette orientation, c’est celle de la justice et de la pérennité de notre système par répartition. Vous comprendrez dès lors qu’il nous est difficile d’appeler, après seulement deux ans, à une nouvelle orientation en ignorant la stabilité du régime de retraites qu’a apportée la réforme de Marisol Touraine.

En effet, les résultats sont là : le déficit du régime général a été divisé par dix, passant de 6 milliards d’euros en 2011 à 600 millions d’euros en 2015. Ce même régime général sera à l’équilibre dès l’an prochain. L’ensemble des régimes de base sera quant à lui à l’équilibre et ce, durablement, avant 2020. Les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO, ont trouvé un accord, il y a un mois, pour réformer en profondeur la retraite complémentaire.

Pour toutes ces raisons, parce que la réforme n’est pas une fin en soi mais doit être cohérente, parce que notre pays n’a pas besoin de grands chambardements de façade mais de réformes structurelles, qui se déploient dans la durée, et parce que les réformes qui ont été menées depuis trois ans portent leurs fruits, le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition de loi.

La réforme des retraites de 2014 produit déjà ses effets. Il ne s’agit pas d’en faire une victoire partisane, mais bien de nous réjouir collectivement du redressement de notre système de retraites, promesse que nous devons aux générations à venir.

M. Michel Issindou. Exactement !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. L’enjeu majeur de cette réforme a été de corriger les principales injustices de notre système, tout en l’adaptant à la réalité complexe du monde du travail d’aujourd’hui.

La prévention et la réparation de la pénibilité au travail, l’amélioration des droits à la retraite des femmes, la possibilité de cotiser un trimestre en travaillant à temps très partiel, la meilleure prise en compte de l’apprentissage, des stages, autant de droits nouveaux que nous avons souhaité mettre en place et que nous avons mis en place.

Il fallait également rétablir les équilibres financiers, et nous avons demandé des efforts à tous les Français et à tous les régimes de retraites. Il y avait urgence : en 2012, les projections formulées par des organismes indépendants annonçaient un déficit à court terme de 20 milliards d’euros par an du système de retraites.

Nous avions donc une obligation de résultat, et les résultats sont là : le régime général sera à l’équilibre en 2016, ce qui ne lui était pas arrivé depuis plus de dix ans. Songez aussi que, chaque année, plus de 150 000 personnes partent déjà à la retraite à partir de 60 ans, grâce à nos réformes. Le redressement dans la justice : c’était notre objectif politique, c’est devenu une réalité concrète pour les Français.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Les partenaires sociaux ont, de leur côté, pris leurs responsabilités en signant un accord permettant de répondre aux enjeux spécifiques des régimes complémentaires et de rétablir la pérennité financière de ces régimes. Leur accord propose notamment d’introduire des abattements temporaires, afin d’élargir le choix des salariés, autour de l’âge du taux plein au régime général.

Nos retraites reposent donc désormais sur un système équitable et équilibré. Notre priorité maintenant, c’est de rassurer les Français, de rassurer la jeunesse sur la pérennité de notre système de retraites. Ce n’est pas en réformant tous les deux ans nos retraites, sans que cela soit nécessaire, que nous restaurerons cette confiance.

Trois axes sont avancés par cette proposition de loi : le renforcement du pilotage, la disparition progressive des régimes spéciaux et la création d’un régime universel de retraites par points à horizon de l’année 2020, pour tous les salariés du public et du privé. Je tiens, monsieur le député, à y répondre point par point.

D’abord, le premier article de votre proposition de loi prévoit un dispositif de pilotage à moyen terme du système de retraites par répartition. Sur le fond, le dispositif que vous proposez existe déjà : c’est précisément l’objet du comité de suivi des retraites, le mécanisme de pilotage instauré par la loi du 20 janvier 2014. Ce comité indépendant suit le redressement du système de retraites en se fondant sur une série d’indicateurs précisée par décrets. Ces indicateurs incluent précisément les taux de remplacement, le niveau des pensions et les taux de cotisation.

Ensuite, votre deuxième proposition porte sur la disparition des régimes spéciaux, l’article 2 prévoyant d’aligner les règles de fonctionnement des régimes spéciaux sur celles régissant le régime général des salariés. La position du Gouvernement sur ce point est claire : remettre en cause l’architecture des régimes de retraites n’était pas la priorité, ni pour faire face aux problèmes financiers dont nous avions hérité, ni pour lutter contre les inégalités du système.

Le rapport de Mme Yannick Moreau l’a montré : à carrière comparable, les retraites des fonctionnaires se situent à des niveaux équivalents à celles des salariés du privé, quand on prend en compte l’ensemble de leurs pensions, base et complémentaire.

M. Michel Issindou. Eh oui ! Il faut l’entendre !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Nous avons donc fait le choix d’un système de retraites équitable, sans opposer les uns aux autres. De plus, je vous rappelle que la loi du 20 janvier 2014 a été transposée aux régimes spéciaux dès le mois de juin 2014.

Enfin, s’agissant d’une réforme systémique, elle ne constitue pas, selon nous, une réponse adaptée aux défis de l’assurance vieillesse. Le Conseil d’orientation des retraites a mis en évidence, dans son rapport consacré à la réforme systémique qu’il a rendu en janvier 2010, que la création d’un régime en points ou en comptes notionnels supposait une transition particulièrement longue et n’apportait en elle-même aucun financement supplémentaire. Elle n’était donc pas adaptée pour répondre à l’urgence du papy boom. Songez que la transition vers une réforme systémique, en Italie, dure depuis 30 ans !

Mesdames et messieurs les députés, les réformes que nous menons depuis 2012 permettent déjà de répondre de manière juste, efficace et équitable aux enjeux auxquels est confronté notre système de retraites. Votre proposition viendrait freiner la dynamique que nous avons lancée et qui, je vous l’ai montré, porte ses fruits.

Les Français ont besoin, maintenant, plus que jamais, d’une protection sociale stable et rassurante. Vous proposez de bouleverser toutes les retraites, vous proposez d’introduire de l’incertitude dans un système de retraites qui retrouve, enfin, l’équilibre financier : cela ne me semble pas souhaitable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne soutient pas votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Issindou. Il a bien raison !

M. François Rochebloine. C’est dommage !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur – chère Catherine, cher Thierry (Sourires) –, mes chers collègues, apporter une nouvelle orientation à notre système de retraites est une mesure ambitieuse, nous le reconnaissons volontiers, mais c’est surtout une mesure nécessaire, vous n’en doutez pas.

Il y a deux ans, nous examinions dans cet hémicycle la loi garantissant « l’avenir et la justice du système de retraites ». L’objectif principal était de signer un pacte de confiance pour les années à venir. En réalité, ce texte s’est transformé en un pacte de défiance, frappé du sceau de l’injustice.

Héritage du Conseil national de la Résistance, notre système de retraites par répartition repose sur un principe simple : permettre à chacun de reverser une partie de son salaire pour accéder demain à une retraite méritée. Au-delà de l’aspect technique, cette mesure est emblématique d’une des valeurs de notre République : l’égalité. Les travailleurs cotisent, tous auront droit à une retraite. Malheureusement, ce modèle est menacé par des déficits structurels importants et une inégalité de traitement entre les salariés.

Je vous le dis sans détour : la survie de nos retraites est compromise et l’adhésion des Françaises et des Français à l’effort nécessaire pour préserver notre système de retraites par répartition nécessite plus que jamais une nouvelle orientation.

Mes chers collègues, il nous faut poser des actes politiques forts. Plus le temps de tergiverser et de repousser les réformes à plus tard ! Depuis plus de vingt ans, les projets de loi se succèdent sans grand succès. Pour notre pays, le chantier d’une refonte globale des retraites représente un défi immense. On ne peut plus faire courir de risques aux générations futures.

En 2013, lors de l’examen de la loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites », nous attendions du Gouvernement et de sa majorité qu’ils fassent des choix clairs, et d’abord le choix de la responsabilité : ne pas baisser les pensions de retraites, trop basses, ni augmenter encore les impôts, trop élevés, mais repousser l’âge de départ à la retraite – le choix de la responsabilité.

Le choix de l’équité, ensuite : un système de régime universel égal pour tous, salariés du privé et du public.

Le choix d’une réforme ambitieuse : tenir compte des parcours professionnels, de la pénibilité au travail et de l’allongement de l’espérance de vie, et faire disparaître progressivement les régimes spéciaux.

Le choix de la solidarité nationale : corriger les injustices que subissent les travailleurs handicapés et les femmes, dont les carrières sont trop souvent incomplètes, et soutenir les retraités les plus modestes, frappés de plein fouet par la crise ; nous aurions aimé une réforme de solidarité nationale.

Hélas, nos vœux n’ont pas été satisfaits, madame la secrétaire d’État, et c’est pourquoi nous revenons aujourd’hui vers vous, que nous avons le plaisir de retrouver au banc du Gouvernement.

Cette proposition de loi n’a pas l’orgueil de réformer l’organisation de notre système de retraites : elle vise à instituer une règle de confiance intergénérationnelle, sur laquelle nous pourrions nous accorder sur tous les bancs, à permettre une réflexion sur l’extinction progressive des régimes spéciaux et à instaurer un régime universel de retraites par points. Au-delà du réflexe partisan, nous espérons, par cette proposition de loi rapportée par notre collègue Thierry Benoit…

M. François Rochebloine. L’excellent Thierry Benoit !

M. Arnaud Richard. …que l’ensemble des groupes de cette Assemblée répondra à cette main tendue par le groupe UDI.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Oui !

M. Arnaud Richard. Notre proposition de loi répond à trois constats très simples : le premier est que le sentiment de défiance envers les politiques et le système étatique en général gagne de plus en plus les Français. Au groupe UDI, nous sommes convaincus que ce rejet n’est pas une fatalité. Aussi notre devoir en tant que représentants de la nation est-il de proposer des mesures fortes pour redonner confiance aux Français.

La règle de confiance serait instituée après une concertation avec les partenaires du dialogue social, auquel je suis personnellement très attaché, et permettrait de graver trois éléments dans le marbre de la loi : un taux de cotisation maximal afin de protéger le pouvoir d’achat des salariés et la compétitivité de nos entreprises ; un taux de remplacement minimal afin que le travail de toute une vie soit reconnu ; un montant de pension de retraite minimal garantissant une retraite digne à chaque Française et à chaque Français.

Une telle règle permettrait de jeter les bases d’un consensus ambitieux autour duquel l’ensemble des responsables politiques se retrouveraient, à l’image de ce qui s’est passé dans de nombreux pays européens – je pense en particulier à l’Allemagne en 2004. Nous adresserions un message fort à ceux qui consentent aujourd’hui des sacrifices et qui ont trop souvent le sentiment qu’ils ne pourront demain bénéficier de la solidarité nationale.

Le deuxième constat est que la permanence de régimes spéciaux ne peut plus se justifier aujourd’hui. Comment justifier que deux assurés ayant deux carrières parfaitement comparables se retrouvent avec des droits à la retraite allant du simple au double, tout cela parce que les pensions sont fixées en fonction non pas de la carrière, mais du statut ?

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Arnaud Richard. L’éclatement du système en une myriade de régimes aux règles différentes ne se justifie plus et crée des injustices qui ne peuvent être acceptées de nos jours.

Les inégalités de traitement entre le public et le privé, entre les régimes spéciaux, rendent incompréhensible le système de retraites aux yeux de nos concitoyens. Pire, ce système clive la société en créant des tensions entre les différents corps sociaux.

Comment peut-on expliquer aujourd’hui que le calcul de la pension soit basé sur les six derniers mois d’une carrière pour certains, et sur les 25 meilleures années pour d’autres ? Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt certains salariés, mais d’établir une réelle justice sociale en alignant les différents régimes de retraites.

L’unification des différents régimes de retraites représenterait par ailleurs un gain d’efficacité avec une gestion facilitée en cas d’aléas économiques et une meilleure maîtrise des équilibres financiers, à laquelle nous sommes tous très attachés. Plus souple, plus flexible, ce système permettrait d’ajuster les pensions en fonction des différents paramètres que sont l’espérance de vie, l’évolution du produit intérieur brut, des salaires et des cotisations.

Enfin, le dernier constat qui s’impose à nous est la nécessité d’une réforme structurelle si nous voulons préserver notre modèle social. Ce que nous proposons modestement aujourd’hui est simple et a déjà été prouvé dans de nombreux pays. Il s’agit d’un nouveau régime universel de retraites par points afin de mettre fin aux inégalités et de restructurer le système des retraites en France. Sans réforme majeure, nous continuerons de repousser l’échéance sans résoudre les problèmes.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Tout à fait !

M. Arnaud Richard. Ce nouveau régime universel apparaîtrait d’abord comme un signe politique fort et symbolique, démontrant que la valeur travail est la même entre le secteur public et le secteur privé. Il permettrait aussi de mieux tenir compte des parcours professionnels, de la pénibilité du travail, des modes de vie plus ou moins linéaires et d’élever enfin le niveau global des retraites des Français.

Mes chers collègues, nul doute que ces réformes demanderont du courage et de la volonté. Elles nécessiteront que nous connaissions tous, de manière transparente, l’incidence des lois que nous avons votées ces dernières années, que nous connaissions spécifiquement la situation des régimes spéciaux comme celle des régimes complémentaires et que nous portions un regard très particulier sur un régime qui tient à cœur à François Rocheboine, celui des retraites agricoles. Mais à trop vouloir attendre et à ne pas vouloir saisir cette main qui vous est tendue ce matin par le groupe UDI, mes chers collègues, monsieur Issindou, on prend le risque de sacrifier l’avenir au présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Benoit, rapporteur. Eh oui !

Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons savoir nous écouter entre nous. Les radicaux, de droite ou de gauche, sont favorables aux majorités d’idées, ce qui impose d’évaluer le bout de chemin que l’on peut parcourir ensemble.

Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien !

M. Alain Tourret. Ce bout de chemin, c’est d’abord une méthode : prendre en considération ce qui existe et voir comment il est possible d’améliorer la situation.

Dire cela, c’est bien évidemment s’en tenir à des généralités mais, enfin, j’ai bien noté – et c’est curieux – que les centristes nous proposent une révolution, non une évolution. Désormais, les centristes sont donc des révolutionnaires et je leur en donne acte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Benoit, rapporteur. Nous sommes réformateurs et progressistes !

M. Alain Tourret. Entre réformateurs et révolutionnaires, il existe tout de même une différence, chacun l’aura compris – Jean-Jacques Servan-Schreiber n’était pas un marxiste !

En outre, dès lors que vous promouvez la révolution, il faut regarder son objet, examiner ce dont vous voulez faire table rase et pourquoi vous vous orientez vers un système plus révolutionnaire qu’évolutif.

Tout d’abord, les choses ont-elles ou non bougé depuis 2012 ? J’écoute le Gouvernement, selon lequel une réforme importante a été menée en 2014 qui a permis une amélioration incontestable des comptes publics afin de parvenir ainsi à l’équilibre dans les années à venir.

M. Michel Issindou. C’est indéniable.

M. Alain Tourret. Vous ne l’écoutez pas et vous avez tort. Dès lors, il n’est pas possible de vous suivre.

En revanche, nous devons je crois vous écouter lorsque vous posez un certain nombre de principes.

Premier principe : peut-on introduire une règle de confiance à l’égard de toutes les générations ? Je réponds par l’affirmative, bien évidemment !

Cette règle protégera le pouvoir d’achat des jeunes générations comme des retraités, vous avez raison.

Cette règle préservera la compétitivité de toutes les entreprises en limitant le taux de cotisation, ce qui va également dans le bon sens. De ce point de vue, un rapprochement entre nous est parfaitement possible.

Deuxième principe : le problème des systèmes spéciaux est très complexe et ne saurait être résolu par la simple affirmation de leur suppression dans les deux ou trois ans à venir.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Elle est pourtant crédible.

M. Alain Tourret. Ils concernent en effet tous ceux dont le contrat ou le statut s’inscrit dans ce cadre. L’évolution des régimes spéciaux ne pourrait donc toucher que les futures personnes qui seront embauchées.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Nous avons parlé de mise en extinction.

M. Alain Tourret. De ce point de vue-là, on ne voit pas quelles sont vos propositions alors que c’est pourtant là, à mon sens, un problème évident.

Autres problèmes : la durée de cotisation et l’âge de départ en retraite. Là encore, des évolutions doivent être prises en considération.

Chacun le comprend bien : les régimes spéciaux sont contraires au principe d’égalité auquel, à gauche, nous sommes favorables. Dès lors, qu’on le veuille ou non, il conviendra de s’orienter vers leur suppression.

M. Michel Piron. Eh bien ?

M. Thierry Benoit, rapporteur. Tout à fait. Une convergence est nécessaire.

M. Alain Tourret. Mais sur quelle base – entre ceux qui sont dans ce système et ceux qui y viendront – et avec quelles incidences ? Cela n’a pas été vraiment étudié.

Troisième principe : la différence entre la fonction publique et le système privé. D’un côté, pension calculée à partir des six derniers mois ; de l’autre, à partir des 25 meilleures années.

M. François Rochebloine. Avant, c’était 10 ans, et nous sommes passés à 25 ans !

M. Alain Tourret. La situation est plus complexe lorsque l’on s’intéresse aux effets induits : finalement, ce que perçoivent un fonctionnaire et un salarié du secteur privé dont les fonctions ont été à peu près égales après 40 ans de cotisation est très proche.

M. Michel Issindou. Exactement.

M. Alain Tourret. Cela est contraire à un raisonnement purement logique mais les résultats sont là. Faisons donc très attention !

À mon avis, il aurait été possible de concevoir un système plus évolutif.

Il existe trois fonctions publiques. Ne pourrait-on s’orienter dans un premier temps vers une fusion des fonctions publiques d’État et territoriale afin de parvenir à un même système, puis, envisager la même chose avec la fonction publique hospitalière ? Pourquoi existe-t-il trois fonctions publiques ? Il pourrait y en avoir une seule.

M. Thierry Benoit, rapporteur. En effet.

M. Alain Tourret. Ensuite, il serait possible de tendre à un rapprochement entre les salariés des secteurs public et privé.

M. Michel Issindou. À terme, c’est l’objectif.

M. Alain Tourret. En effet, c’est celui que nous devons viser.

C’est pourquoi nos collègues de l’UDI ont raison de soulever et de souligner ces problèmes dans cette proposition de loi « d’appel », en quelque sorte, mais ils ont tort de refuser ce qui a été obtenu depuis 2014. Vous avez tort !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Nous sommes remontés jusqu’à 2008 !

M. Alain Tourret. J’ai le sentiment que, sur ces premiers points, nous pouvons nous rapprocher mais vous allez beaucoup plus loin en vous dirigeant vers la mise en place d’un système de retraite par points.

M. François Rochebloine. Et alors ?

M. Alain Tourret. Or, je ne sais pas du tout ce qu’il peut produire. Le système par répartition serait-il abandonné ? Êtes-vous partisans de le maintenir et d’y associer un système par capitalisation ?

M. Michel Issindou. Sûrement !

M. Alain Tourret. Qu’est-ce donc que votre système par points ? Il est finalement beaucoup plus proche du système par capitalisation que par répartition, admettons-le ! Or, c’est là où, à mon avis, vous allez trop loin.

Si vous proposiez de faire cette politique des petits pas qui autorise la définition de majorité d’idées, qui le fait peu à peu, en travaillant ensemble et de concert, je vous retrouverais, je serais avec vous ! J’estime, en effet, que les hommes de bon sens peuvent se rapprocher sur ce plan-là en tenant compte de deux principes : celui d’égalité et celui d’équilibre.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Et le principe d’équité !

M. Alain Tourret. Qui pourrait être contre le principe d’égalité ? Personne ! Qui est opposé à ce qu’un équilibre soit trouvé ? Personne ! Nous pouvons nous retrouver en nous appuyant sur ces deux principes-là.

Alors, chers amis de l’UDI…

Plusieurs députés du groupe UDI. Ah !

M. Alain Tourret. …je suis à l’écoute de ce que vous dites parce que vous êtes des républicains…

M. Thierry Benoit, rapporteur. Et des démocrates.

M. Alain Tourret. …et que vous essayez, avec nous, de faire avancer la République – et vous avez raison de le faire !

Néanmoins, nous ne pouvons pas accepter la « révolution systémique » sur laquelle vous vous appuyez. Si le rejet de votre proposition est demandé, je ne participerai donc pas au vote.

M. Thierry Benoit, rapporteur. C’est un bon début !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi prétend donner une nouvelle orientation à notre système de retraites, intention bien évidemment tout à fait louable.

Notre système de retraites est en effet un pilier de la Sécurité sociale. Les Français, très attachés au système par répartition, s’y intéressent beaucoup et suivent avec une attention toute particulière les débats qui s’y rapportent.

Une réforme structurelle des retraites a bien été adoptée dans cette Assemblée même en janvier 2014. Cette réforme nécessaire, fort heureusement, a déjà répondu aux questions légitimes que se posaient nos concitoyens sur l’avenir de leurs retraites.

C’est pourquoi nous nous sommes attelés dès 2013 à ce grand chantier avec un objectif prioritaire : pérenniser les comptes de la branche pour revenir à l’équilibre en 2016, précisément afin d’éviter d’avoir à légiférer tous les ans, ce qui aurait pour effet d’accroître l’anxiété des Français.

À cet effet, un comité de suivi a été créé afin de piloter en temps réel les évolutions du système et de procéder, si nécessaire, à des ajustements.

En 2015, cet organisme a rendu son deuxième avis au Premier ministre, estimant que les objectifs prévus par la loi étaient tenus. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir.

En outre, ce même comité, présidé par Yannick Moreau, a souligné la bonne santé de notre système – tout de même – par rapport aux autres pays, ce dont nous devons nous féliciter.

J’ajouterais que cette réforme, à la différence de celle que vous nous proposez, a été précédée d’une large concertation avec les partenaires sociaux.

M. Arnaud Richard. Nous l’avons évoquée.

Mme Françoise Dumas. Les Français y ont majoritairement adhéré.

Notre réforme est donc responsable car elle intègre l’allongement de la durée de vie – réalité qui, bien que réjouissante à tous points de vue, pouvait mettre en péril le financement des retraites.

Nous avons remédié à ce problème en proposant un allongement progressif de la durée de cotisation et nous n’avons pas modifié l’âge légal de départ à la retraite.

Notre réforme est équilibrée. Les efforts sont répartis équitablement entre les Français – entre les ménages et les entreprises, entre les générations.

Notre réforme est efficace : je le répète, le régime général reviendra à l’équilibre en 2016 et l’ensemble des régimes de base, peut-être, avant 2020.

M. François Rochebloine. Vous ne serez plus là !

Mme Françoise Dumas. Notre réforme est juste. Pour la première fois, les droits à la retraite de plusieurs personnes jusqu’à présent oubliées par les précédentes réformes seront améliorés – je pense notamment aux femmes, aux jeunes, aux apprentis, aux étudiants en alternance, aux salariés précaires et à tous ceux qui, pour différentes raisons, ont connu des carrières hachées, heurtées, les personnes en situation de handicap, les chômeurs, les mères…

Tous bénéficieront de la réduction du nombre d’heures nécessaires pour valider un trimestre à 150 heures.

Notre système de retraites se caractérise par l’existence, au côté du régime général, de plusieurs régimes spéciaux de retraites dont, bien sûr, ceux des fonctionnaires.

La présente proposition de loi prévoit à ce sujet un alignement des régimes spéciaux sur le régime général à l’horizon 2020.

Le Conseil d’orientation des retraites a analysé les écarts entre les retraites des salariés du privé et des fonctionnaires sous différentes perspectives, en termes de financement, d’âge de départ à la retraite, de taux de remplacement…

Nous pouvons déduire de cette analyse que les différences entre le privé et le public ne doivent pas être systématiquement interprétées en termes d’équité car il n’est pas aussi simple qu’il y paraît d’apprécier les règles en la matière.

En effet, elles ne peuvent être uniformes dans la mesure où des règles différentes n’induisent pas nécessairement des inégalités au moment de la retraite…

M. Michel Issindou. Exact.

Mme Françoise Dumas. …tandis que des règles identiques appliquées à des publics différents peuvent conduire parfois à des situations inéquitables.

En remettant ainsi en cause l’architecture des régimes, vous niez l’importance de l’histoire dans leur construction.

Le Gouvernement et sa majorité ont fait le choix responsable de privilégier l’équité en donnant des gages aux plus vulnérables, du côté du privé comme du public.

La réforme de 2014, transposée aux régimes spéciaux, concerne en effet tous les régimes : l’ensemble des assurés et des retraités contribueront à l’effort demandé afin de garantir la pérennité financière et la soutenabilité de notre système.

Pensons aux jeunes générations ! Légiférons de manière responsable et réfléchie dans l’esprit qui a présidé à la création de la Sécurité sociale en 1945 ! Ne touchons pas à cet équilibre…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Surtout, ne faisons rien !

Mme Françoise Dumas. …dans cet esprit collectif qu’a rappelé Mme la secrétaire d’État, dont nous soutiendrons la démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre République est attachée aux principes d’égalité, de justice et de transparence.

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il n’est plus acceptable que notre système de retraites ne les reflète plus. Inégal et inéquitable, notre système actuel l’est dans la mesure où il n’accorde pas les mêmes droits aux salariés du secteur privé qu’à ceux du secteur public.

Ces disparités criantes concernent de nombreux domaines : durée d’assurance, salaires de référence, âge légal de l’ouverture des droits.

Prenons pour les illustrer l’exemple du salaire de référence : seuls sont pris en compte les six derniers mois – primes exclues – pour le calcul de la pension de retraite des agents publics alors que la pension des salariés du secteur privé est calculée par rapport à leurs 25 meilleures années de travail.

M. Yannick Favennec. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comment justifier cette différence ?

M. Michel Issindou. Elle ne change rien.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. La valeur du travail dans le secteur public ne serait donc pas la même que dans le secteur privé ?

Les conséquences d’une telle différence de traitement sur les finances publiques sont en tout cas désastreuses : selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, l’IFRAP, si l’on calculait les retraites des agents publics sur la même base que celle des salariés du secteur privé, à savoir sur les 25 meilleures années, on effectuerait une économie de 2,6 milliards à l’horizon 2030, rien que pour la fonction publique d’État.

Sachant que notre pays affiche une dette de 2 200 milliards d’euros, et le Fonds de solidarité vieillesse, un déficit de plus de 3 milliards d’euros, un rééquilibrage des pensions des agents publics n’apparaît pas superflu, surtout en cette période.

Concernant l’âge légal d’ouverture des droits, les agents publics bénéficient, là encore, d’un régime de faveur, puisque certaines catégories actives de la fonction publique peuvent partir à la retraite après 17 ans de service, et certaines catégories de personnels des régimes spéciaux dès l’âge de 52 ou 57 ans. Comment le justifier aujourd’hui ?

Outre ces iniquités infondées, notre système de retraites est également très complexe et manque de transparence. Il fait coexister près d’une trentaine de régimes généraux, ce qui est illisible et incompréhensible pour la plupart des Français. Malgré les réformes entreprises entre 2002 et 2012 en vue d’harmoniser les régimes, à savoir, en 2003, le rapprochement de certains paramètres des régimes de la fonction publique de ceux du régime général, en 2008, l’extension de cet alignement aux régimes spéciaux et, en 2010, l’alignement du taux de cotisation salariale des fonctionnaires sur celui du privé, le constat des défaillances de notre régime de retraites reste sans appel, et partagé, au-delà des frontières françaises, par divers organismes internationaux.

En mai dernier, le Conseil de l’Union européenne a souligné que le déficit imputable aux régimes des agents de l’État et des salariés des entreprises publiques continue de peser sur le déficit global du système de retraites. De même, l’OCDE a recommandé à la France de réformer son système de retraite en établissant un lien automatique entre les gains d’espérance de vie et la durée de cotisation donnant droit à la retraite à taux plein. Ce mécanisme, qui met en adéquation la croissance du pays avec le montant des pensions, permettrait d’enrailler le déficit structurel de notre régime actuel. Le système deviendrait ainsi plus juste, et il dégagerait même des excédents.

Il apparaît à ce propos nécessaire de rappeler à la majorité, qui se gargarise de présenter une branche vieillesse à l’équilibre dans le PLFSS pour 2016…

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est la réalité !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …que la pérennité financière du système est loin d’être acquise. Si la branche vieillesse devrait effectivement être à l’équilibre en 2016, après onze années de déficit, c’est uniquement grâce à la baisse du nombre de départs à la retraite du fait du relèvement de l’âge légal de 60 à 62 ans. En revanche, en incluant le Fonds de solidarité vieillesse, la branche vieillesse connaîtra un déficit de 3,6 milliards d’euros.

La proposition de loi déposée par Thierry Benoit et le groupe UDI ouvre le débat et invite à une prise de conscience. Ce texte propose de refonder notre système de retraites sur des bases plus saines pour l’équilibre financier du pays, mais aussi plus équitables, plus justes et plus transparentes. Il appelle à prendre un engagement pour la réalisation de trois chantiers nouveaux, sur le modèle de ce qu’ont fait de nombreux pays européens pour rééquilibrer leur système de retraites et y réintroduire de l’équité.

Il s’agit tout d’abord de rappeler et de réaffirmer le principe de solidarité intergénérationnelle, en introduisant une règle de confiance à l’égard de toutes les générations, qui protégera le pouvoir d’achat des jeunes générations, comme des retraités. Sachant que le nombre d’actifs par retraité est passé de 3 à 1,3 entre 1975 et 2015, ce principe apparaît d’autant plus essentiel.

Il s’agit ensuite d’assurer une meilleure application au système de retraites du principe d’égalité, qui fonde notre République, en alignant les 18 régimes spéciaux de retraite privés et publics sur le régime général, à l’horizon 2020. Ce n’est qu’à ce prix qu’une politique de retraites équitable pourra enfin voir le jour en France. J’insiste sur l’importance capitale de cette mesure qui, outre le gain évident d’efficacité et la gestion facilitée qu’elle impliquerait, permettrait également de renforcer la cohésion nationale.

Il s’agit, enfin, de poursuivre les efforts de convergence engagés depuis 2002 en vue de créer un régime universel par points à l’horizon 2020. Le nouveau régime universel serait non seulement un symbole fort permettant d’affirmer l’égalité de la valeur travail dans les secteurs privés et publics, mais il permettrait également de mieux tenir compte des parcours professionnels, de la pénibilité du travail et des modes de vie qui sont de moins en moins linéaires. En connectant la durée de cotisation de nos concitoyens à celle de l’espérance de vie, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens, le régime de retraite par points envisagé nous permettrait d’en finir avec le déficit structurel de la branche vieillesse, auquel nous ne nous sommes que trop habitués.

Parce qu’il est urgent de réformer durablement et en profondeur notre système de retraites, qui n’est plus viable, ni économiquement, ni sur le plan social ; parce qu’il est nécessaire d’avoir le courage et la volonté de faire réellement bouger les lignes, au risque de déplaire à ceux qui bénéficient de privilèges infondés ou surannés au sein de notre régime actuel, le groupe Les Républicains se prononce en faveur de cette proposition de loi.

M. Philippe Vigier et M. François Rochebloine. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Si l’époque actuelle nous pousse à nous focaliser sur le présent et le court terme, ayons le courage, mes chers collègues, de voir à plus longue échéance et de penser à la situation des générations futures, dont les retraites ne pourront être assurées que par une refonte complète du dispositif existant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay.

M. Alexis Bachelay. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin entend rouvrir le chantier de la réforme de notre système de retraite.

M. Philippe Vigier. Parce que nous sommes responsables !

M. Alexis Bachelay. À l’évidence, cette réforme a été menée, et elle l’a été très tôt au cours de ce quinquennat, puisque, dès 2013, nous avons décidé d’engager une réforme profonde.

M. Michel Issindou. Oui !

M. Alexis Bachelay. Il n’est donc pas temps, aujourd’hui, de remettre ce sujet sur le devant de la scène.

Permettez-moi de dire quelques mots de cette réforme ambitieuse et équilibrée, qui a été menée en 2013 et promulguée en janvier 2014. Cette réforme, que nous avons soutenue, que vous auriez dû soutenir, a permis de pérenniser financièrement notre système par répartition – car, au fond, c’est bien de cela dont il est question ce matin. Nous défendons le système de retraite par répartition, quand d’autres voudraient lui substituer un autre système. C’est en raison de ce désaccord philosophique fondamental que nous ne pouvons soutenir la proposition de loi qui nous est soumise ce matin.

La loi du 20 janvier 2014, outre la pérennité financière du système, a apporté des avancées considérables à certaines catégories de travailleurs, leur donnant des droits qui leur avaient toujours été refusés lors des précédentes réformes. Le compte pénibilité, d’abord, cette mesure emblématique de la loi de 2014…

M. François Rochebloine. C’est une usine à gaz !

M. Alexis Bachelay. Usine à gaz, dites-vous : ceux qui en bénéficient apprécieront !

Le compte pénibilité, disais-je, est entré en vigueur le 1er janvier 2015 pour les quatre premiers facteurs. En reconnaissant la pénibilité au travail, notre réforme a adapté le système de retraites à la diversité des parcours professionnels. Par ailleurs, les petites retraites, inférieures à 1 200 euros, ont pu bénéficier, à cette occasion, d’une prime exceptionnelle. Depuis le 1er  septembre 2015, le droit opposable à la retraite est entré en vigueur : désormais, les futurs retraités du régime général toucheront leur pension automatiquement et sans délai. Cette simplification du système était attendue : beaucoup de pensionnés se plaignaient en effet, au moment de la liquidation de leur retraite, de la complexité et de la lourdeur des procédures à engager. Nous devrions toutes et tous nous féliciter de ces avancées.

La réforme que nous avons menée en 2013 est efficace, car elle garantit la pérennité du système des retraites par répartition, sans pénaliser celles et ceux qui partiront à la retraite dans les années qui viennent. Cette réforme est structurelle, car elle remet le système à l’équilibre, le simplifie, et prévoit un comité de suivi chargé d’anticiper les évolutions du système. Cette réforme, enfin, est juste, car elle concerne tous les régimes. Les efforts sont équilibrés, entre les générations, entre les entreprises, ainsi qu’entre les actifs et les retraités. Par ailleurs, cette réforme corrige des inégalités, grâce à une meilleure prise en compte de la pénibilité et de la diversité des carrières, mais aussi en améliorant le droit à la retraite des personnes aux carrières heurtées.

La réforme de 2013 était ambitieuse et elle apporte des réponses concrètes aux grands enjeux de notre système de retraite. Elle est synonyme à la fois de justice, de responsabilité, de progrès et d’avancées nouvelles. C’est pour toutes ces raisons que nous ne souhaitons pas la voir remise en cause par le système de retraite par points qui nous est proposé ce matin.

Le Conseil d’orientation des retraites, dont les travaux ont guidé notre majorité, a montré que les prévisions alarmistes, voire catastrophistes, agitées par nos collègues de l’opposition, ne se sont finalement pas réalisées. Les projections du COR affirment même que le système de retraites pourrait redevenir bénéficiaire dans la seconde partie des années 2020, à condition, évidemment que l’économie française, qui est en cours de redressement, poursuive dans la voie de la croissance et que les grands agrégats de l’économie française continuent de s’améliorer. Le COR, qui a analysé les premiers effets de la réforme des retraites de 2013, estime que les mesures adoptées sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault – hausse des taux de cotisation et allongement maîtrisé et progressif de la durée de cotisation à 43 ans – devraient suffire.

Mes chers collègues, le Gouvernement a déjà présenté, au cours de cette législature, des réponses très concrètes pour sécuriser notre régime de retraites par répartition. Parce que nous avons confiance dans la réforme qui a été menée, et confiance dans l’avenir, nous en resterons là. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. Yannick Favennec. Surtout, ne rien faire : c’est très socialiste.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le rapporteur, vous avez raison. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.) Nous avons toujours besoin d’être attentifs à l’avenir de notre système de retraites. Nous avons besoin d’y être attentifs, parce que nous sommes nombreux à être extrêmement attachés au régime par répartition, et parce que l’avenir de notre système de retraites suscite des inquiétudes. J’imagine que, comme moi, vous entendez autour de vous des jeunes se demander s’ils auront droit à la retraite, lorsqu’ils en auront atteint l’âge. Nous nous devons d’être vigilants, parce que nous avons besoin de systèmes comme celui-ci pour maintenir l’égalité et la cohésion sociale. C’est d’ailleurs au nom de cette vigilance que nous sommes revenus sur la loi Fillon.

Vous avez mis en avant la loi Fillon, monsieur le rapporteur, mais si elle avait suffi à garantir la pérennité de notre système, nous n’aurions pas eu besoin de rouvrir ce chantier.

M. Michel Issindou. Exactement !

M. Christophe Sirugue. L’honnêteté impose de dire que la loi Fillon participe de l’équilibre ; mais elle n’est pas la seule à y contribuer et, sans la loi du 20 janvier 2014, nous ne constaterions pas aujourd’hui le redressement des comptes évoqué par Mme la secrétaire d’État et plusieurs des orateurs qui m’ont précédé.

Le déficit s’élevait à 6 milliards d’euros en 2011 ; il est de 600 millions aujourd’hui et nous atteindrons l’équilibre en 2016. Personne ne peut nier la réalité de ces chiffres.

M. Michel Issindou. En effet !

M. Christophe Sirugue. J’en viens donc à me demander pourquoi cette proposition de loi nous a été soumise. Serait-ce – mais connaissant le rapporteur, je n’imagine pas un instant que ce soit le cas – pour accroître l’angoisse qu’éprouvent certains de nos concitoyens ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Thierry Benoit, rapporteur. Pas du tout !

M. Philippe Vigier. Au contraire !

M. Christophe Sirugue. Certains de nos concitoyens, je l’ai dit, s’interrogent sur la pérennité de notre système de retraites. Or il est des hommes et des femmes politiques qui aiment entretenir cette inquiétude. Mais je ne peux imaginer que cette proposition de loi relève de ce type de discours.

M. François Rochebloine. Nous sommes pour la vérité, pour le parler-vrai, voilà tout !

M. Christophe Sirugue. Cette proposition de loi aurait-elle pour objet d’agiter des idées qui sont régulièrement exprimées, sans pour autant être vraies ? Par exemple, l’idée selon laquelle il y aurait un différentiel énorme entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public ?

M. François Rochebloine. C’est le cas !

M. Christophe Sirugue. Le rapport Moreau a montré – et j’imagine que vous l’avez lu !…

M. Thierry Benoit. Oui !

M. Christophe Sirugue. …que si nous tenons compte de l’ensemble des éléments, c’est-à-dire des bases et des complémentaires, ce différentiel n’existe pas.

Notre rapporteur a fait une analyse qu’il qualifie de systémique. Pour ma part, je mets en garde contre le système à points, dont la logique ressemble beaucoup au système par capitalisation. La philosophie qui le sous-tend, en tout cas, y ressemble beaucoup.

Je le dis du haut de cette tribune : nous ne sommes favorables ni au développement de l’anxiété que je viens d’évoquer, ni à l’agitation d’idées qui ne correspondent pas à la réalité. Nous sommes encore moins favorables à une mesure qui, d’une manière ou d’une autre, remettrait en cause le système de retraites par répartition.

M. Arnaud Richard. Nous non plus !

M. Christophe Sirugue. Aujourd’hui, nous avons besoin de stabilité.

M. Franck Reynier. Le changement, c’est maintenant !

M. Christophe Sirugue. Cette stabilité n’est pas contradictoire avec la nécessaire vigilance que j’évoquais au début de mon propos. Parce que nous avons mis en place un système qui permet de retrouver progressivement l’équilibre du régime de retraites, parce que nous y avons intégré des mesures de justice, il ne nous paraît pas nécessaire d’accompagner cette proposition de loi, que nous rejetterons bien évidemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Issindou. C’est parfait !

M. François Rochebloine. Les fonctionnaires sont plus souvent malades que les autres actifs !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Effectivement, comme vient de le dire Christophe Sirugue, on pourrait se demander s’il y a un loup dans cette proposition de loi.

M. François Rochebloine. Non !

M. Michel Liebgott. En réalité, si l’on compare notre système avec celui des pays voisins, en particulier avec le système allemand, on peut relever des points de comparaison et de convergence : un certain niveau de prestations publiques, que personne ne conteste, et une longue durée de cotisation – la réforme que nous avons mise en œuvre permet de travailler jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à un taux plein, même si elle est possible dès 62 ans. En revanche, on peut aussi constater des différences par rapport au système allemand et à beaucoup d’autres systèmes : effectivement, nous recourons peu à la capitalisation et nous agissons en faveur des plus démunis.

C’est sur ce dernier point que je veux insister particulièrement. La réforme que nous avons mise en œuvre, dont Michel Issindou a été le principal acteur dans cet hémicycle, visait un objectif de justice. Elle a voulu mettre en place un partage équitable entre tous – secteur public comme secteur privé, actifs comme retraités, tous régimes confondus, y compris d’ailleurs les régimes spéciaux – de l’augmentation progressive des cotisations de base et de l’allongement à 43 ans de la durée d’assurance.

Cette réforme juste s’est attaquée à un certain nombre d’inégalités structurelles de notre système de retraites. Elle a créé, entre autres, le compte pénibilité, qui bénéficiera à 3 millions de personnes en 2016. Elle a garanti dès 2012 le départ à la retraite dès 60 ans de ceux qui avaient commencé à travailler tôt : ainsi, 300 000 personnes sont parties à la retraite en deux ans, ce qui n’est pas rien, comparé aux 10 000 ou 20 000 départs permis par la réforme entreprise par la majorité précédente. Par ailleurs, elle a amélioré la prise en compte des salariés à temps partiel, qui pourront valider plus facilement leurs quatre trimestres annuels. Les minima vieillesse et contributif ont été revalorisés. Enfin, les pensions des retraités n’ont pas été baissées – dans cette période de difficultés, c’est un point fort si l’on se compare à un certain nombre de pays qui traversent une crise profonde.

Nous avons également voulu garantir une très grande lisibilité de cette réforme, qui passe en particulier par la mise en place d’un simulateur de retraites et la création d’un droit opposable à la retraite afin d’éviter tout retard dans le versement des premières pensions. C’est aussi important pour sécuriser nos concitoyens.

Cette réforme a bien sûr fait l’objet d’une concertation réelle avec les syndicats, avec la société civile. Cette concertation a permis de mettre en œuvre la réforme, mais également de susciter la confiance pour réformer les régimes complémentaires, lesquels sont sortis de la crise grâce à une mesure qui, sans être totalement consensuelle, a permis d’assurer leur pérennité.

Alors, y a-t-il un loup ? Pourquoi proposez-vous aujourd’hui un autre dispositif ? Plusieurs de mes collègues l’ont déjà dit : les calculs montrent que les salariés du public et du privé touchent le même niveau de pension. Il n’y a pas de réelle iniquité. On peut se demander si vous ne cherchez pas, quelque part, à instaurer une autre forme d’iniquité, à remettre en cause certains droits acquis, à altérer la justice sociale par une vision sans doute plus dogmatique et plus partisane.

Y a-t-il, derrière votre proposition de loi, une hausse de la TVA et de la CSG ? J’ai cru comprendre que c’est ainsi qu’elle était financée. Ces mesures fiscales, qui gagent quasiment toute proposition de réforme, pèseraient bien entendu sur le pouvoir d’achat des ménages, à un moment où nous devons justement soutenir la croissance renaissante et la consommation des ménages. Y a-t-il aussi une augmentation de la participation des entreprises ? Cela alourdirait évidemment le coût du travail et serait susceptible de remettre en cause la croissance.

C’est dire si nous considérons que cette réforme n’est pas bienvenue ! Elle est sans doute un peu précipitée. En tout cas, elle ne s’impose pas, notamment dans cette période de relance économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, pourquoi cette proposition de loi ? Elle ne vise pas à apeurer, monsieur Sirugue. Je suis membre d’une formation politique, l’UDI aujourd’hui, l’UDF hier, où le regretté Jean-Luc Préel, que j’ai cité tout à l’heure, évoquait déjà ce système de retraite par points. À titre personnel, j’y tiens absolument. C’est une proposition que j’ai formulée en présentant ma candidature aux élections législatives de 2007, et que j’ai renouvelée en 2012.

Madame la secrétaire d’État, j’ai été très attentif à votre discours à la tribune. En effet, on peut s’enorgueillir aujourd’hui d’avoir un système qui s’équilibrera financièrement grâce à la loi de 2014, mais il convient de rappeler nos débats de 2008. C’est bien la réforme Fillon de 2008 qui a modifié les bornes d’âge pour l’ouverture des droits à la retraite à taux plein et prévu la convergence des taux de cotisation. Les débats ont été difficiles ! Je me souviens qu’à l’époque, les membres de la majorité présidentielle actuelle expliquaient qu’ils rétabliraient la retraite à 60 ans. Bien sûr, ils ne l’ont pas fait, et chacun sait pourquoi : le nombre d’actifs pour un retraité diminue. Un mécanisme arithmétique nous conduit donc à revoir le financement des retraites, d’autant que l’espérance de vie de nos concitoyens augmente chaque année, ce qui est une bonne nouvelle.

Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué le retour à l’équilibre du système de retraites, mais il est précaire. Permettez-moi de citer mes sources : Michel Issindou est un parlementaire que chacun connaît et qui a de réelles compétences en matière de financement des retraites et de budget de la Sécurité sociale.

M. François Rochebloine. Comme M. Benoit !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, notre collègue Michel Issindou écrivait : « Avec des hypothèses de croissance plus faibles – moins de 1,5 % d’augmentation de la productivité –, l’équilibre ne serait pas atteint d’ici 2060 sans mesure complémentaire. »

M. Michel Issindou. Oui !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Nous y sommes ! Je rappelle au passage que le système de retraite par points, le compte notionnel, est un système de retraites par répartition…

M. Arnaud Richard. Eh oui !

M. Thierry Benoit, rapporteur. …contrairement à ce qu’a dit M. Bachelay tout à l’heure.

M. François Rochebloine. C’est un système plus juste !

M. Thierry Benoit, rapporteur. J’ai l’intime conviction que la France arrivera à ce système de retraites, parce que nos concitoyens demandent, dans de nombreux domaines, que ce soit en matière de fiscalité ou à propos du Régime social des indépendants dont on entend beaucoup parler actuellement, de la simplicité, de la transparence et des dispositifs qui soient compréhensibles au plus grand nombre. L’avantage du système de retraite par points, c’est qu’il est compréhensible. La valeur du point peut être calculée chaque année avec les partenaires sociaux. Comme nous le disions tout à l’heure, elle suit l’activité du pays : si le pays connaît une période de croissance, la valeur du point augmente et le montant des retraites s’accroît ; si le pays traverse une période de difficultés, la valeur du point stagne et le montant des retraites n’augmente pas.

M. Gérard Sebaoun. Il baisse !

M. Arnaud Richard. Le système est juste !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis convaincu qu’il s’agit d’une bonne proposition.

Notre collègue Alain Tourret, qui est précautionneux, puisqu’il a déclaré qu’il ne voterait pas contre une telle disposition, a dit que les centristes voudraient presque organiser un big-bang des régimes de retraite. Permettez-moi de rappeler ce qu’explique le Conseil d’orientation des retraites dans son rapport de 2010 : « Plus la période de transition est longue, plus le changement de technique nécessitera de gérer en parallèle deux systèmes. » En d’autres termes, le jour où nous réorganisons notre système de retraites, il faut le faire de manière très nette. Toujours dans son rapport de 2010, le Conseil d’orientation des retraites évoque une transition rapide, qui présenterait beaucoup d’avantages, notamment pour unifier les régimes de retraites, plus particulièrement les régimes spéciaux. Il ne s’agit pas d’un big-bang ! Notre proposition de loi évoque une mise en extinction des régimes spéciaux de retraite, une convergence entre le public et le privé, une réforme systémique qui nous achemine vers un régime de retraite par points.

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Thierry Benoit, rapporteur. Voilà les quelques éléments que je souhaitais souligner à ce stade de la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de même que mes collègues députés que je sens, sinon gênés, du moins ouverts à une perspective d’évolution de notre système de retraites. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Vous savez très bien que ce débat est légitime et qu’il n’est pas terminé. Je suis convaincu que, lors de la prochaine législature, après la prochaine élection présidentielle…

M. François Rochebloine. Ils ne seront plus là !

M. Thierry Benoit, rapporteur. …la question du financement des retraites se posera de nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de ce ton extrêmement posé que vous avez adopté pour défendre vos positions.

M. Laurent Degallaix. Toujours, à l’UDI !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas forcément toujours…

M. Arnaud Richard. C’est notre marque de fabrique !

M. Laurent Degallaix. C’est génétique !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En tout cas, M. Thierry Benoit a été on ne peut plus correct, si je puis dire. Je ne suis pas là pour donner des bons points, mais tout de même, il faut bien le dire ! Il en est de même pour M. Favennec, qui va bientôt présenter sa proposition de loi. Cela a été la même chose en commission.

Monsieur Richard, cher Arnaud (Rires et exclamations), je veux revenir sur vos propos relatifs aux inégalités de traitement entre la fonction publique et les salariés du privé. Parfois, je me demande si vous n’avez pas eu, dans votre parcours personnel, des problèmes avec les fonctionnaires.

M. Arnaud Richard. Absolument pas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Franchement, vous avez une dent contre eux !

M. Arnaud Richard. Pas du tout !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas pourquoi…

Permettez-moi de vous rappeler le contenu d’un récent rapport sur l’attractivité de notre pays. Les étrangers qui viennent travailler en France mettent en avant deux facteurs qui contribuent à notre attractivité. Le premier est notre système de santé, qui comporte évidemment des libéraux – ce n’est pas le sujet. Il faut saluer notre fonction publique hospitalière, dont nous avons pu remarquer la mobilisation il y a deux semaines. Le deuxième élément est l’éducation. Certes, notre système éducatif est à parfaire – rien n’est idéal –, mais il est un facteur d’attractivité pour les personnes venant travailler sur notre territoire.

M. Alain Tourret. Ils apprécient notre culture.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qui trouve-t-on dans ce système éducatif ? Des fonctionnaires. Vous plaidez toujours, monsieur Richard, pour une convergence entre le public et le privé : de toute façon, elle est mise en œuvre. Vous parlez aussi d’une défiance des Français par rapport à l’État. Je ne le crois pas ! Ils ont peut-être une défiance par rapport aux politiques, ce qui doit d’ailleurs interroger les partis républicains – au sens large, je ne parle pas du parti Les Républicains –, mais je ne pense pas que les Français aient quoi que ce soit contre l’État providence. Ils savent que les services publics sont organisés par l’État providence. Il n’est donc pas opportun d’opposer les salariés du privé à ceux du public.

M. Arnaud Richard. Ce n’est pas ce que nous proposons, madame la présidente !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est pourtant ce que vous êtes en train de faire, pour de mauvaises raisons. Je tiens à saluer les membres des trois fonctions publiques.

M. François Rochebloine. Nous aussi !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Une référence dans ce domaine !

M. Michel Issindou. Cher collègue Benoit, la proposition que vous venez de présenter a pour objet de réformer globalement les retraites. Vous avez la lucidité d’écrire que c’est « un défi immense » qui demandera « du courage et de la volonté ». Au vu de ces affirmations, on peut s’étonner du dépôt d’une telle proposition de loi qui, si elle était adoptée, bouleverserait toute l’architecture actuelle du système de retraites, sans la moindre consultation préalable des acteurs concernés.

On sait combien ce genre de réforme est sensible dans notre pays, on ne peut donc imaginer qu’une proposition de loi puisse aboutir à cette réforme que vous appelez de vos vœux.

De plus, une proposition de loi vise un sujet précis et d’ampleur modeste ; tel est l’esprit d’une proposition de loi. Là, vous y allez fort : réformer en cinq courts articles 70 ans d’histoire ! On peut aussi s’étonner de votre enthousiasme à vouloir ce bouleversement. Vous avez asséné tout au long de la réforme de 2014 que vous étiez les seuls à avoir fait des réformes majeures sur le sujet : 1993, 2003, 2008, 2010.

Dans ce cas, que d’occasions manquées alors même que vous étiez au pouvoir de mettre en place cette réforme…

M. Alexis Bachelay. Eh oui !

M. Michel Issindou. …que vous défendez avec autant de force dans l’opposition. On peut s’étonner, si elle est si géniale, que vous n’ayez pas été en mesure de convaincre vos partenaires de la majorité d’alors pour la mettre en place. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates.) Si elle est si évidente, si juste et si nécessaire, quel dommage que vous n’ayez pas eu, à ce moment-là, le courage et la volonté que vous avez aujourd’hui de la mettre en œuvre.

Au-delà de ces occasions manquées, je ferai remarquer que votre proposition de loi arrive à un très mauvais moment pour vous. Force est de constater, dites-vous, que la loi de 2014 a échoué. Mais deux lignes plus loin, vous avouez qu’il y a une amélioration, mais que vous qualifiez de temporaire pour 2016.

Je comprends que le retour à l’équilibre du régime général en 2016 nuise à votre démonstration du jour. Si l’on ajoute l’accord passé entre les partenaires sociaux sur les complémentaires AGIRC-ARRCO, il devient très difficile d’affirmer de manière aussi péremptoire que la loi de 2014 a échoué.

Pas le bon véhicule législatif, pas le bon moment : vous comprendrez qu’il va être difficile de donner une suite positive à votre proposition de loi. Vous êtes, monsieur Benoit, un parlementaire aguerri et bon connaisseur du sujet.

M. Philippe Folliot. C’est bien de le reconnaître.

M. Michel Issindou. Votre proposition de loi a donc sûrement pour but de débattre une nouvelle fois de l’injustice du système actuel et, au fond, de dénoncer une nouvelle fois « les incontestables inégalités entre les différents régimes professionnels ».

Et là, vous avancez deux arguments qui, livrés en pâture à l’opinion publique, peuvent faire mouche : les retraites sont calculées sur les 25 meilleures années dans le privé contre les six derniers mois dans le public. Vous avez l’honnêteté de dire que les primes ne sont pas prises en compte dans le public, mais – et là, c’est moins honnête – vous ne concluez pas, en vous appuyant sur les analyses du Conseil d’orientation des retraites, à une similitude du taux de remplacement, et donc à des retraites tout à fait comparables entre public et privé. Cela est écrit, cela est démontré.

Des cas types ont été présentés par le COR : le taux de remplacement qui subsiste par rapport au salaire d’activité se situe entre 73 et 75 %, que l’on soit dans le public ou dans le privé. Alors, on peut bien sûr effrayer et, en s’appuyant sur des modes de calcul tellement différents, s’étonner d’arriver au même résultat. Dans un cas, si on enlève les primes et dans l’autre, si on prend en compte toutes les rémunérations, notamment les retraites complémentaires, cela change tout. J’ai entendu certains de nos concitoyens se plaindre auprès de moi de leur retraite de base, ridiculement faible, mais ils oubliaient de me dire qu’ils touchaient, à chaque trimestre, une retraite complémentaire.

Dès lors, soyons honnêtes dans nos démonstrations. On peut contester le système, on peut en vouloir un autre, mais on ne peut pas prétendre que les retraites seraient différentes. Nous connaissons tous des exemples d’aides-soignants, de fonctionnaires de catégorie C qui ont des retraites tout à fait modestes et tout à fait comparables à celles des salariés du privé aujourd’hui, vous le savez pour l’avoir sûrement vérifié.

Le second argument, pas beaucoup plus honnête, c’est lorsque vous comparez la pension moyenne des cadres du public et du privé qui est liée à la structure même des emplois. Dans la fonction publique, il y a notamment les bataillons d’enseignants – pratiquement 1 million d’enseignants –, de catégorie A et qui ont des salaires et des retraites en rapport avec leur statut. Aussi, comparer les retraites moyennes des cadres du privé et celles des cadres du public revient à monter les uns contre les autres, inutilement.

M. Laurent Degallaix. Non.

M. Michel Issindou. Je demanderai, vous vous en doutez, à mes collègues de la majorité de rejeter votre proposition de loi pour plusieurs raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

La première est que le système actuel fonctionne bien : 280 milliards de pensions de retraite sont versés tous les ans et le système, avec ses 35 régimes du moment, est aujourd’hui à l’équilibre financier grâce aux mesures que nous avions prises en 2014. J’entends beaucoup dire que c’est grâce aux mesures de report de l’âge légal de 2010. N’oubliez pas que nous avons réajusté les équilibres financiers du système avec une cotisation demandée aux employeurs et aux salariés de 0,10 %. C’est cela qui produit des effets et les milliards nécessaires au retour à l’équilibre.



Notre réforme de 2014 a pris en compte le vieillissement de la population en portant à 43 annuités à l’horizon de 2035 la durée d’assurance pour une retraite à taux plein. Vous avez, monsieur Benoit, cité le rapport que j’ai produit il y a quelques semaines sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dans lequel j’indiquais que si la croissance retrouve un rythme que l’on peut espérer normal de 1,5 %– ce n’est pas ambitieux et on y est pratiquement cette année, on peut même espérer que notre pays le retrouvera très vite –, notre système fonctionnera pour les décennies à venir. On a allongé la durée d’assurance, on a remis de la croissance, je l’espère, dans l’économie de ce pays, il n’y a donc aucune raison d’alarmer, d’inquiéter les Français aujourd’hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates.) Certes, on peut toujours s’affoler par avance et affoler les Français, mais ce n’est pas très utile. (Mêmes mouvements.)



La deuxième raison qui me conduit à demander le rejet de votre proposition est que la transformation des 35 régimes en un régime unique par points est un chantier immense, périlleux et qui n’apporterait pas un centime d’euro supplémentaire au système. Vous prétendez qu’il permettrait « d’élever enfin le niveau global de la retraite des Français ». Je ne vois pas en quoi cela serait le cas. Cette proposition n’apporterait aucun financement supplémentaire, il s’agit seulement d’un nouveau mode de calcul, sans doute plus lisible – je vous le concède. La transformation n’est qu’un outil différent, mais en rien un moyen pour élever les pensions.

La troisième raison est qu’en dépit des nombreux régimes différents, il y a une volonté de convergence pour gommer les inégalités affirmées mais peu démontrées : convergence sur la durée d’assurance pour tous les régimes – 43 annuités pour le taux plein à l’horizon de 2035 – et convergence des taux de cotisations entre public et privé. Les régimes spéciaux sont de moins en moins spéciaux dans ce pays, vous l’avez vous-même reconnu, en citant la réforme de 2008. La convergence s’effectue tranquillement, en douceur, sans brusquer personne. Bref, la convergence que vous appelez de vos vœux est en route.

Je n’irai pas beaucoup plus loin dans les arguments qui nous conduiront à repousser votre proposition de loi. L’examen des articles sera peut-être l’occasion de nouveaux échanges et de démontrer que la réforme de 2014, absolument nécessaire pour compenser les insuffisances de celle de 2010, non financée, est en train de se mettre en place et de porter ses fruits.

Les mesures de justice envers les travailleurs qui exercent des métiers pénibles, les mesures à l’égard des femmes, des jeunes, des agriculteurs, des handicapés, des chômeurs en formation, des travailleurs précaires, vont sensiblement améliorer la situation de ces futurs retraités.

Il n’est pas raisonnable, monsieur Benoit, de fustiger ou de dénigrer un système qui fonctionne, un système qui a permis au cours des 30 dernières années d’améliorer très sensiblement la vie des retraités. Il y a encore trop de retraités modestes, trop modestes – conséquence d’un système par répartition, contributif. Mais au regard des chiffres de l’INSEE, le niveau de vie des retraités est légèrement supérieur à celui des actifs. On constate en effet une amélioration très sensible, de l’ordre de 30 % au cours des trente dernières années. On n’avait jamais assisté à un bond si considérable chez nos retraités, même si je ne conteste évidemment pas les difficultés de certains.

Notre but est de pérenniser le système, de le stabiliser financièrement, de donner confiance aux jeunes générations. Il n’y a aucune raison objective pour que notre système vieux de 70 ans, robuste, n’existe plus dans 30 ou 40 ans. Il subira sûrement des ajustements, des adaptations, mais il survivra pour peu que chacun ait la conviction et le courage de le faire vivre.

C’est ce que veut faire notre majorité aujourd’hui. Avec la réforme de 2014, nous avons consolidé ce régime par répartition auquel nous sommes très attachés. Il n’y a donc pas lieu d’inquiéter les Français en leur donnant le sentiment que tout reste à faire et que rien n’a été fait.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il y a du travail.

M. Michel Issindou. Nous sommes convaincus que cette réforme est une belle réforme qui produit ses effets financiers aujourd’hui. Les mesures de justice sont présentes pour la conforter. C’est pourquoi je vous invite, vous l’aurez compris, à rejeter la proposition de loi de mon cher collègue Thierry Benoit.

M. François Rochebloine. Dommage !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. L’objet des niches parlementaires est de permettre à un groupe d’exposer ses messages et ses projets pour les Français, il est donc dommage de ne pas passer à la discussion des articles. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Lionel Tardy. Il a raison.

M. Thierry Benoit, rapporteur. La tonalité de nos échanges a cependant été très positive et je comprends la position de la majorité présidentielle. La réforme systémique du financement des retraites ne faisait pas partie du projet présidentiel de François Hollande, que vous avez soutenu. Je conçois donc parfaitement que vous ne souteniez pas notre proposition.

M. Issindou a posé la question de savoir pourquoi nous ne l’avions pas mise en œuvre lorsque nous étions dans la majorité.

M. Michel Issindou. Oui, pourquoi ?

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je répondrai qu’il n’y a pas eu de Président de la République centriste depuis 1974 et de Premier ministre depuis un certain temps.

M. Yannick Favennec et M. Laurent Degallaix. Hélas !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ça viendra !

M. Yannick Favennec. Où est Giscard ?

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je précise que lors du débat sur les retraites et de l’examen de la loi de 2008, nous avions fait des propositions. S’agissant de l’instauration d’un régime universel de retraite par points, le sénateur Jean Arthuis avait réussi à introduire dans la loi de 2008 une demande de rapport sur ce thème.

J’indique que l’UDI n’a de comptes à régler avec personne. Cette discussion est aussi pour nous une façon de rappeler la qualité de l’organisation des services publics, de saluer les fonctionnaires, leur engagement, leur dévouement, notamment en cette période.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je pense au corps préfectoral qui fait preuve d’une présence magnifique sur l’ensemble du territoire, aux fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. Avant d’être parlementaire, j’ai exercé un mandat local pendant 25 ans, en tant que conseiller municipal et adjoint dans une commune rurale. Je suis bien placé pour savoir la chance que nous avons d’avoir, à tous les niveaux institutionnels de notre pays, des fonctionnaires d’une grande qualité. Cela vaut pour l’éducation nationale et la santé, sans oublier nos forces de sécurité, la gendarmerie, la police nationale, les armées et les pompiers.

Nous n’avons aucun compte à régler. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il fallait le dire.

M. Yannick Favennec. Il a raison.

M. Thierry Benoit, rapporteur. C’est précisément pour cette raison que nous sommes à l’aise pour aborder de face, avec lucidité ce sujet difficile. Il fait certes débat, mais dans le respect, ce dont je me félicite.

Monsieur Issindou, si le système général est en équilibre, c’est parce que la réforme de 2008 était fondamentale. Reconnaissons ensemble que l’accord sur les retraites complémentaires du 30 octobre dernier accentue les iniquités entre le public et le privé dans la mesure où il ne concerne que le privé.

M. Philippe Vigier. En effet.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Il s’agit pour nous, à l’UDI, d’aller vers plus de justice…

M. Arnaud Richard. Oui !

M. Thierry Benoit, rapporteur. …plus de transparence, de simplicité et de corriger les iniquités.

Les objectifs de cette proposition de loi sont la mise en extinction des régimes spéciaux, la convergence des régimes publics et privés, et l’instauration d’un système universel de retraite par points. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, je ne m’associerai pas à cette motion de rejet préalable pour les raisons suivantes. C’est en effet une mauvaise manière dans le cadre d’un débat d’idées. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Tout à fait.

M. Alain Tourret. Dans un débat, on doit aller jusqu’à la fin de la discussion.

M. Yannick Favennec. C’est cela la démocratie.

M. Alain Tourret. La majorité a tout loisir de s’exprimer et de rejeter les propositions sur lesquelles elle n’est pas d’accord. En revanche, s’il y avait un problème de légalité, de conformité à la Constitution, je comprendrais parfaitement que l’on vote une motion de rejet préalable. Mais en l’espèce, il s’agit d’une question d’opportunité dans le cadre d’un débat d’idées.

C’est une mauvaise manière faite à un groupe de l’Assemblée nationale qui, au demeurant, n’est pas celui qui exprime le plus d’opposition vis-à-vis de la politique de la majorité. Si on essaye de réfléchir un tant soit peu sur le devenir de notre société, ce n’est pas une bonne chose que de s’opposer ainsi à ses propositions.

Les petites formations sont victimes des motions de rejet préalable. Nous, nous avons un accord avec les socialistes pour qu’on ne l’applique pas à notre groupe, mais c’est parce que nous appartenons à la même majorité. Il ne serait pas stupide d’associer l’UDI à ce bon accord républicain. Mais je pense que l’UDI, et c’est un appel que je lui lance, aurait eu intérêt à déposer des propositions de loi plus ciblées plutôt que de proposer une révolution systémique. Des propositions de loi peuvent être adoptées après une discussion et un accord entre nous et le Gouvernement. Je suis intimement persuadé que nous avons un gouvernement d’ouverture qui est capable de comprendre cette possibilité de faire évoluer les choses, même lorsqu’une proposition de loi provient d’une partie de l’opposition. Voilà à quoi j’engage dès lors les responsables de l’UDI.

Quoi qu’il en soit, mon groupe ne votera pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Les Républicains.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la ministre, vous avez souhaité insister sur l’efficacité des fonctionnaires, mais je n’ai jamais critiqué la fonction publique. J’ai seulement dit, et vous l’avez reconnu, que la convergence des régimes de retraite était nécessaire.

Monsieur Issindou, vous avez noté qu’il s’agit d’une proposition de loi qui ouvre un débat… Or, vous le refermez immédiatement. C’est regrettable et c’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains ne pourra pas s’associer à la motion que vous avez défendue.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Je voudrais à mon tour saluer la qualité des échanges qui ont eu lieu depuis le début de cette matinée et dire au rapporteur qu’il est bien évidemment légitime qu’un groupe politique puisse exprimer la position qui est la sienne sur un sujet aussi important que celui du système des retraites. Mais il y a des divergences avec les auteurs de cette proposition de loi, et nous les avons rappelées au cours de nos interventions. Ce sont des divergences relativement lourdes sur cette proposition de loi qui, comme l’a qualifié lui-même le rapporteur, est « systémique ». Cela justifie très clairement que nous disions qu’il n’y a pas de solution commune possible dans ce cadre. Les membres du groupe SRC appellent donc bien évidemment à adopter la motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. J’avoue moi aussi mal comprendre cette motion de rejet préalable. Y a-t-il lieu à débattre ? Tout le monde, me semble-t-il, en convenait car c’est un vrai sujet. Or, le fait de rejeter ainsi l’objet même du débat ne me paraît pas ce qu’il y a forcément de mieux venu dans une discussion qui, par ailleurs, restait tout à fait courtoise et ouverte – je salue à cet égard l’intervention de M. Tourret.

Pourquoi aborder ce sujet aujourd’hui, à l’initiative de l’UDI ? Encore une fois, l’avenir des retraites est-il assuré ? De toute évidence non, contrairement à ce que j’ai entendu de la part de certains, à moins d’avoir des hypothèses au minimum optimistes, y compris en matière de taux de croissance. Reconnaissons que nous-mêmes n’avons pas assuré la pérennité du système, et vous non plus. C’est un défi collectif qui demeure devant nous tous.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier et M. Alain Marsaud. Bien sûr !

M. Michel Piron. Autre observation : il n’y a eu de notre part, et je pense que vous l’avez tout de même compris, chers collègues du groupe socialiste, ni dénigrement ni stigmatisation, bien entendu, de la fonction publique, ni recherche de division entre secteur public et secteur privé. Ce n’était pas du tout le sujet : il s’agissait de chercher à faire converger des systèmes qui donnent parfois lieu incontestablement à des inégalités. Même si j’ai bien entendu l’argument macroéconomique selon lequel la moyenne des retraites serait plus élevée que les salaires des actifs, quand on entre un peu dans le détail, l’on s’aperçoit que les inégalités perdurent réellement, d’où notamment la question des régimes spéciaux qui a été soulevée. La réforme des régimes spéciaux que nous proposons n’est pas une remise en cause du système par répartition. Nous sommes tous attachés, sur tous les bancs, à l’existence d’un système par répartition. Là encore, la convergence, au moins des idées, pourrait se faire jour.

Dès lors, si on considère que la situation actuelle n’est pas satisfaisante du point de vue de l’égalité et de l’assurance de pérennité de notre système de répartition, cela interdit-il de commencer à en débattre ? On peut respecter les droits acquis, mais envisager de revoir au moins ceux des nouveaux-venus serait particulièrement intéressant à approfondir. De ce point de vue, je salue là encore l’intervention de M. Tourret : il a parlé de majorité d’idées, et j’aurais souhaité que leur questionnement et leur éventuel partage ne fassent pas l’objet d’une motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs du groupe Les Républicains.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, est adoptée.)

M. le président. L’Assemblée ayant adopté la motion de rejet préalable, la proposition de loi est rejetée.

2

Retraite des responsables associatifs

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Yannick Favennec et plusieurs de ses collègues visant à accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite (nos 2753, 3227).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, Ernest Renan disait qu’une « nation est une grande solidarité ». Cette vérité se vérifie chaque jour dans notre pays. À cet égard, le rôle des associations est essentiel dans les domaines-clefs de la vie quotidienne des Français, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Je le mesure quotidiennement dans mon département de la Mayenne…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Et moi en Lozère !

M. Yannick Favennec, rapporteur. …et il en va sans doute de même dans chacune de vos circonscriptions.

La vitalité du monde associatif est un signe fort de la citoyenneté et, plus que jamais, dans le contexte des attentats du 13 novembre à Paris, la dimension civique et sociale des associations apparaît indispensable à la cohésion de notre pays. C’est une évidence : leur action est irremplaçable. Comme le disait notre collègue Pierre Morange, en 2008, dans un rapport d’information sur la gouvernance et le financement des structures associatives : « Les associations interviennent dans un champ de plus en plus vaste […]. Elles se voient confier des pans entiers de certaines politiques publiques. » Elles peuvent ainsi être amenées à suppléer l’État ou à compléter l’action de ce dernier dans l’exercice de certaines de ses missions…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très juste !

M. Yannick Favennec, rapporteur. …grâce à des bénévoles qui, au service de leurs concitoyens, corps et âme et toujours dans un esprit de civisme ardent, contribuent à l’animation de nos territoires ainsi qu’au développement et au renforcement du lien social.

De plus, le poids économique du monde associatif est incontestable. Il a été estimé à 85 milliards d’euros en 2012. Les associations ont ainsi contribué à hauteur de 3,2 % du PIB, soit un poids équivalent à celui de l’agriculture et des industries agroalimentaires.

Enfin, la vitalité du monde associatif est un indicateur rassurant du dynamisme de nos territoires.

Cependant, si 16 millions de Français donnent généreusement de leur temps, dont 12,7 millions au sein d’associations, le bénévolat connaît une forme de crise qui menace la pérennité même du monde associatif. En effet, si nos concitoyens manifestent toujours la volonté de s’engager et d’être utiles concrètement, celle-ci s’accompagne pourtant d’une réticence à prendre des responsabilités dans le pilotage des associations, notamment en raison des exigences croissantes en termes de disponibilité et de responsabilité. L’engagement bénévole se transforme en un investissement plus ponctuel et ciblé, notamment chez les jeunes et chez les actifs. Les associations sont donc aujourd’hui portées par le bénévolat des seniors. Or, le recul de l’âge de la retraite fait déjà ressentir ses effets de manière négative sur le monde associatif puisqu’il tend à limiter le vivier de responsables bénévoles, en particulier pour les associations sans salariés, majoritairement dirigées par des personnes retraitées. De plus, étant donné l’allongement de la durée d’activité requise pour obtenir la liquidation de la pension à taux plein, l’interruption volontaire de l’activité professionnelle pour exercer des fonctions dirigeantes risque de pénaliser lourdement les assurés.

Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’associations – je rappelle que le nombre d’associations en activité est évalué entre 950 000 et un million en France – accroît la tension sur le réservoir de dirigeants bénévoles. Il y a là un effet ciseaux : diminution du nombre de dirigeants bénévoles et augmentation des besoins. Ce sont donc majoritairement les seniors qui assument les fonctions dirigeantes et, pour certains, depuis de nombreuses années : 25 % des présidents le sont depuis plus de 10 ans. En outre, la complexification de la gestion associative et l’accroissement constant des compétences nécessaires à l’administration d’une association tendent à décourager les responsables potentiels…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Tout à fait !

M. Yannick Favennec, rapporteur. …freinant le renouvellement des équipes en place. Ainsi, 60 % des présidents d’association ont déjà envisagé de quitter leur fonction, notamment du fait de la charge très lourde que représente cette tâche et de l’impossibilité d’être secondé. Face à cette difficulté très prégnante de renouvellement des responsables associatifs, il apparaît donc urgent et nécessaire de valoriser l’exercice des fonctions dirigeantes au sein des associations. Si de nombreuses mesures ont été adoptées ces dernières années – je pense en particulier au congé individuel de formation, aux RTT utilisées pour une activité bénévole, au congé de représentation –, force est de constater, mes chers collègues, qu’elles n’ont pas produit les résultats escomptés et qu’elles demeurent insuffisantes.

C’est la raison pour laquelle, face aux mutations majeures que connaît le monde associatif, nous devons repenser nos politiques d’accompagnement et apporter un soutien à l’engagement bénévole plus conforme à la réalité quotidienne d’un secteur dont la plus-value pour notre société n’est plus à démontrer.

À cette fin, il me paraît donc indispensable de reconnaître l’engagement associatif. Depuis plusieurs années, l’idée de cette reconnaissance par le biais de l’attribution de trimestres de retraite supplémentaires est envisagée. Encore récemment, la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, sous la houlette du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a, dans son rapport, recommandé de valoriser l’engagement associatif en accordant aux dirigeants d’association des droits à pension supplémentaires. C’est une mesure de bon sens qui s’impose. Lorsque des bénévoles consacrent une part importante de leur temps à faire vivre une association d’utilité publique et à incarner cette valeur majeure du vivre ensemble alors que les conditions de réalisation de leurs missions sont de plus en plus difficiles, voire décourageantes, il est souhaitable que leur engagement altruiste soit reconnu par la société, comme notamment le service civique des jeunes. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agirait pas là d’une gratification, d’une rémunération ou d’une récompense, mais bien d’une reconnaissance qui pourrait inciter à l’exercice de responsabilités. La reconnaissance ne se traduit pas par l’octroi d’un avantage, elle constitue un encouragement…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Absolument !

M. Yannick Favennec, rapporteur. …et une preuve de la solidarité nationale à laquelle tout un chacun a droit afin de ne pas se sentir seul, de ne pas douter et de ne pas se décourager pour finalement abandonner.

Conserver l’apport essentiel des associations, conforter leur rôle incontournable dans notre société doit susciter un consensus politique. Ce dernier existe déjà, tant du côté du président de l’Assemblée nationale – j’ai évoqué le rapport de la mission qu’il a présidée – que chez certains de nos collègues qui œuvrent dans cette direction depuis plusieurs années, je pense à MM. Decool, Morel-A-l’Huissier, Paul Salen et à bien d’autres encore.

Je comprends bien les craintes de certains de nos collègues : ils redoutent que ce texte crée un effet d’aubaine, que les candidatures se multiplient pour les postes ouvrant droit à la mesure, voire que des associations soient créées à la seule fin de bénéficier de cet avantage.

M. Michel Issindou. C’est un risque !

M. Yannick Favennec, rapporteur. À ceux qui avancent cette idée un peu bizarre, je réponds qu’imaginer cela serait faire injure aux bénévoles, lesquels méritent notre confiance – et non notre défiance.

M. Michel Issindou. Là n’est pas la question !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je précise qu’il serait de toute façon aisé de parer à une telle éventualité, dans la mesure où chaque association doit tenir tous les ans une assemblée générale, qui témoigne de son activité, et donc de l’implication de ses responsables au quotidien. Je préconise également de réactiver le passeport bénévole, qui est un excellent outil permettant la traçabilité de l’engagement associatif d’un président ou d’un trésorier.

Cette proposition de loi permet donc de maintenir le caractère gratuit de l’engagement associatif tout en accordant aux dirigeants d’association une forme de reconnaissance légitime et concrète.

Elle propose d’attribuer des trimestres de cotisation d’assurance vieillesse aux dirigeants d’association qui se sont mobilisés pendant plusieurs années pour le dynamisme de leur association.

Je vais à présent vous exposer brièvement, et de manière plus précise, le mécanisme proposé. L’article 1er de la proposition de loi prévoit de valider, pour les dirigeants de toute association, un trimestre supplémentaire de cotisation d’assurance vieillesse par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées au sein du bureau de l’association, à savoir aux fonctions de président ou de trésorier.

Il permet ainsi de reconnaître l’implication personnelle des dirigeants associatifs dans le bon fonctionnement des associations. Sans remettre en cause le caractère bénévole de l’exercice de ces responsabilités, cette validation de trimestres représente un signe permettant de valoriser et d’encourager ce type d’engagement. D’après les informations communiquées par le ministère des affaires sociales, le coût annuel de la disposition envisagée varierait de 1,5 milliard d’euros par an – dans l’hypothèse d’un trimestre d’assurance vieillesse valant 3 000 euros, soit la valeur moyenne de rachat d’un trimestre en 2015 – à 410 millions d’euros – si les trimestres d’assurance étaient valorisés forfaitairement à 815 euros, comme c’est le cas pour le dispositif du service civique, pour lequel l’État prend en charge forfaitairement les cotisations non versées à la Sécurité sociale.

Certes, cela peut paraître important dans le contexte budgétaire actuel, mais ce qui semble être une dépense en 2015, mes chers collègues, est en réalité un véritable investissement pour l’avenir. Car je vous pose la question : qui remplacera les associations qui disparaîtront faute de dirigeants ?

M. Michel Issindou. Il s’en crée 70 000 par an !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Il est de notre responsabilité de légiférer pour l’avenir, d’avoir une vision politique à long terme.

Afin de mieux cibler les associations pour lesquelles la fonction de dirigeant représente un engagement significatif, je propose par ailleurs de limiter le bénéfice de la mesure aux associations dont le budget annuel est supérieur à 5 000 euros.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi soutenue par le groupe UDI. Cette mesure ne changera pas par elle-même la situation des dirigeants d’association, mais reconnaîtra leur dévouement.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Eh oui ! C’est bien cela l’objectif !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Bien d’autres incitations restent à mettre en place. Je m’interroge notamment sur le sort des propositions énoncées dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire présidée par notre collègue Alain Bocquet, et à laquelle j’ai participé, consacrée aux difficultés du monde associatif en période de crise.

M. le président. Il faut conclure…

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je termine, monsieur le président.

Les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour simplifier la gestion des associations et appuyer les équipes de dirigeants bénévoles, qui sont confrontées à un environnement juridique et financier de plus en plus complexe. C’est pourquoi il est important et urgent de faire porter parallèlement cette mobilisation sur les besoins en formation des bénévoles et sur la nécessité de favoriser l’engagement citoyen tout au long de la vie. J’avais d’ailleurs déposé, sur ce sujet, une autre proposition de loi visant à mener des actions de sensibilisation à l’engagement bénévole dans les collèges et dans les lycées. Il est également important de veiller à une plus grande sécurisation juridique des responsables associatifs, car c’est là aussi l’un des effets négatifs de la prise de responsabilités dans les associations.

Vous le voyez, mes chers collègues, si ma proposition de loi est destinée à apporter une véritable reconnaissance au dévouement des dirigeants associatifs, bien d’autres incitations restent à mettre en œuvre. Je sais que dans cet hémicycle, quel que soit le banc que vous occupez, vous êtes profondément attachés au bénévolat et au rayonnement de nos associations.

M. le président. Monsieur Favennec, il est vraiment temps de conclure !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Mais, mes chers collègues, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Que c’est beau !

M. Yannick Favennec, rapporteur. C’est pourquoi, puisque vous aimez comme moi ces hommes et ces femmes de bonne volonté que l’on appelle les bénévoles, je ne doute pas un seul instant que vous voterez cette proposition de loi. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je renouvelle les excuses de Marisol Touraine, qui est toujours retenue au Sénat par l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Avant d’en venir au détail de ce texte, je voudrais rappeler ce qui nous est commun : tout d’abord, la conviction que les associations sont une poutre maîtresse de la cohésion républicaine, et que l’activité bénévole doit être reconnue, valorisée et encouragée. C’est bien dans cette perspective que nous nous inscrivons depuis trois ans. Nous estimons néanmoins que cette proposition de loi ne constitue pas une réponse adaptée à cet objectif, car elle pose d’importants problèmes.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ça y est, ça commence ! Ce n’est pas bon signe !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ces problèmes concernent son principe même, mais aussi son périmètre et son financement.

Notre système de retraites repose sur un modèle bien défini : la constitution de droits à retraite est principalement contributive. À cela s’ajoutent plusieurs mécanismes complémentaires financés par la solidarité nationale pour couvrir des événements ou des aléas de la vie qui interrompent l’activité professionnelle, et par conséquent l’acquisition des droits à retraite – je pense en particulier aux situations de chômage ou de maladie.

À cet égard, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites défend la diversité des carrières professionnelles en accordant à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur avaient été refusés lors des réformes précédentes – je pense par exemple au compte de prévention de la pénibilité, entré en vigueur le 1er janvier 2015.

Le bénévolat entre dans une catégorie différente. Il s’agit d’un engagement personnel, indépendant de la carrière professionnelle ; aujourd’hui, une activité bénévole n’empêche pas d’exercer parallèlement une activité professionnelle à temps partiel,…

M. Michel Issindou. Et c’est heureux !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …même si l’engagement des retraités dans le monde associatif est particulièrement fort et mérite d’être salué, ce que je fais bien volontiers à cet instant.

En ce sens, nous considérons que l’intention de cette proposition de loi est satisfaite depuis la loi du 20 janvier 2014 : en facilitant la validation de quatre trimestres par an pour les salariés à temps très partiel, cette réforme des retraites permet déjà à un bénévole engagé dans une association,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Mais il doit être salarié !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …et qui serait amené à réduire de façon très importante son temps de travail en passant à un contrat à temps très partiel, de conserver ses droits à la retraite. Songez que, depuis 2014, un salarié à tiers temps rémunéré au SMIC validera ses quatre trimestres de retraite dans l’année.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce n’est pas le sujet !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. La proposition de loi prévoit d’attribuer un trimestre de retraite aux membres des bureaux des associations pour cinq années effectives de responsabilités assumées. Seules les fonctions indispensables au fonctionnement interne de l’association sont visées. Les autres bénévoles qui, au quotidien, consacrent également beaucoup de leur temps personnel à l’association, ne seraient pas pris en compte. Inversement, le périmètre des associations n’est pas précisé, si ce n’est de façon très large.

Or nous pensons que l’activité bénévole dépasse largement les seuls membres du bureau d’une association. Nous estimons aussi qu’il est difficile de déduire de sa position institutionnelle l’importance de l’engagement d’un bénévole. C’est pourquoi la proposition nous semble, sur ce point, peu satisfaisante au regard de l’objectif qu’elle se fixe.

Les associations ont d’abord besoin d’être soutenues afin de mieux accomplir leurs missions. Nous accompagnons ce mouvement de professionnalisation au quotidien grâce aux emplois d’avenir. Plus de 150 000 emplois d’avenir ont été signés depuis 2012, dont un tiers concerne le réseau associatif. Ces emplois d’avenir dans les associations, qui sont largement financés par l’État, facilitent l’insertion des jeunes – c’est leur objectif premier – et permettent dans le même temps aux associations de développer de nouvelles missions, au plus près de nos concitoyens. Ils allègent en outre toute la partie administrative et professionnelle de l’activité des bénévoles.

Aujourd’hui, 1,3 million d’associations sont en activité. Si l’on accordait un trimestre à chacun des membres des bureaux tous les cinq ans, plus d’1 million de trimestres de retraite serait attribué chaque année. J’ai entendu mettre en doute, dans le débat précédent, les excellents résultats que nous avons obtenus, depuis la réforme de 2014, concernant le retour à l’équilibre du régime de retraites. L’impact financier de cette proposition de loi sur ce régime serait extrêmement lourd, soit pour les régimes de retraites, soit pour l’État, qui serait amené à compenser les dépenses supplémentaires pour le régime général.

Par ailleurs, ces évaluations ne prennent pas en compte le coût induit pour les régimes complémentaires. Ce coût nous paraît aujourd’hui trop élevé au regard de la nécessité de redresser nos comptes publics, et mériterait à tout le moins d’être documenté et affiné.

Mesdames et messieurs les députés, le bénévolat est un élément essentiel du vivre ensemble. Alors que notre pays vit une période particulièrement éprouvante, les associations font vivre nos valeurs de fraternité et de solidarité et aident notre pays à aller de l’avant. L’utilité sociale du bénévolat n’est plus à démontrer, mais cette proposition de loi n’est pas adaptée à la valorisation de l’engagement des bénévoles. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est bien dommage !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Bertrand Pancher. Qui va faire changer d’avis Mme la secrétaire d’État !

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dévouement, compétence, disponibilité, patience, responsabilité : tels sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit pour décrire l’engagement sans faille des bénévoles.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

M. Michel Zumkeller. Le groupe UDI est particulièrement fier de célébrer, par cette proposition de loi, l’engagement bénévole. Nous nous félicitons que cette séance soit l’occasion de rendre un hommage au milieu associatif, qui est trop souvent oublié dans nos débats, alors que l’on compte, en France, 16 millions de bénévoles engagés dans plus d’1 million d’associations.

Les bénévoles apportent une contribution irremplaçable à la vie démocratique, à la cohésion sociale et à la richesse économique. En ces temps troublés, nous avons plus que jamais besoin de nous rassembler ; il me semble que l’altruisme est un des remèdes au traumatisme que connaît notre pays. Quand nos repères sont bouleversés, chacun a besoin de se sentir utile, d’accomplir une tâche noble au service des autres.

Chaque passion a son association, chaque cause ses bénévoles. Ces hommes et ces femmes s’engagent auprès des enfants, des personnes vulnérables, pour l’éducation, la culture, le sport, la santé, l’environnement ou les droits de l’homme. La liste est longue : j’oublie certainement de nombreux domaines. Ils méritent tous notre reconnaissance, collective et individuelle, pour leur générosité, leur solidarité, leur action auprès des autres dans leur vie quotidienne.

Madame la secrétaire d’État, la reconnaissance de l’engagement des associations est d’autant plus importante que leur capacité à produire du lien et à garantir la cohésion sociale a été fragilisée par la baisse des subventions qui leur sont allouées.

M. François Rochebloine. Les subventions au CNDS !

M. Michel Zumkeller. Loin de moi l’envie de polémiquer sur un sujet si noble, mais le Gouvernement a beau jeu de célébrer le bénévolat et d’augmenter, par le projet de loi de finances pour 2016, les crédits alloués au développement de la vie associative, alors qu’il est en grande partie responsable de la tourmente financière dans laquelle se trouvent de trop nombreuses associations.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Michel Zumkeller. Comme vous le savez, mes chers collègues, les associations françaises sont en moyenne subventionnées à 50 %. La baisse de la dotation globale de fonctionnement imposée par la majorité aux collectivités a conduit de nombreuses municipalités à faire des choix drastiques pour boucler leur budget. En 2015, les aides aux associations ont été réduites de 3 %, 5 %, voire 10 %. Depuis le début de l’année 2015, 240 associations ont été placées en redressement ou en liquidation judiciaire, soit 25 % de plus qu’à la même période en 2014, et 52 % de plus qu’au début 2013.

Mes chers collègues, la loi du 1er juillet 1901 fait partie des piliers de notre République. L’engagement associatif est une de nos libertés fondamentales ; elle a accompagné l’émancipation des individus depuis plus d’un siècle. Chacun reconnaît ici le rôle du mouvement associatif dans la transformation de notre société au même titre que les combats politiques et syndicaux.

Alors que la puissance publique est affaiblie par la crise économique qui frappe notre pays, les associations sont, elles, placées en première ligne. Le monde associatif est un monde de générosité, un monde de femmes et d’hommes qui se sont engagés, riches de leurs parcours, forts de leurs convictions et portés par des idéaux. Ces femmes et ces hommes ont tous en commun de donner leur temps et leur énergie sans compter, qu’ils soient responsables associatifs ou seulement bénévoles.

En mai 2014, le groupe UDI avait déjà soutenu la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle. Nous sommes convaincus que le monde associatif offre l’opportunité d’imaginer et de construire une France plus juste, plus solidaire et plus fraternelle.

Toutefois, afin de continuer à valoriser l’engagement bénévole, un certain nombre de mesures doivent être prises.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le processus de reconnaissance de l’engagement. Elle permet que l’engagement bénévole soit reconnu par la société, sous la forme d’une validation de trimestres de retraite, à l’instar de ce qui existe pour le service civique. Cette proposition était d’ailleurs inscrite dans le rapport – intitulé : Libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique. La République par tous et pour tous – que le Président de la République avait commandé au président de l’Assemblée après les attentats de janvier.

En tant que représentants de la nation, il est de notre devoir de favoriser l’engagement associatif et de prévenir la crise de responsabilité qui frappe les associations ; en effet, si l’engagement bénévole ne faiblit pas, force est de constater que les candidats aux responsabilités sont de plus en plus rares. Cette proposition de loi est une solution pour valoriser les responsables associatifs et inciter les bénévoles à prendre des responsabilités.

Être responsable associatif implique bien souvent de lourds sacrifices dans la vie personnelle et professionnelle. Or, à ce jour, et quelle que soit l’importance de ces sacrifices, cet engagement n’est pas suffisamment pris en considération par la société. Même si les bénévoles n’attendent aucune contrepartie directe, on ne peut pas passer leur contribution sous silence.

La proposition de loi défendue par notre collègue Yannick Favennec vise à reconnaître la tâche accomplie par les responsables associatifs.

L’attribution d’un trimestre supplémentaire par tranche de cinq années effectuées au sein du bureau d’une association souligne que, même si l’activité bénévole n’est pas rémunérée, elle demande le même investissement qu’une activité professionnelle.

Les responsabilités visées sont celles de membres du bureau : président, vice-président, trésorier, secrétaire, car ce sont ceux qui ont le plus de charges au quotidien et qui assument le plus de risques. Il nous paraît important de faire confiance aux associations. En commission, la majorité a tenu un discours témoignant d’une certaine défiance à l’égard des responsables associatifs, allant jusqu’à mettre en doute que certains responsables fassent réellement leur travail ; nous considérons pour notre part que ces faits sont trop marginaux pour être généralisés. La plupart des associations et leurs responsables effectuent un travail fantastique ; ils ont un rôle social difficilement quantifiable. Il importe de leur témoigner notre reconnaissance.

Mes chers collègues, le bénévolat est un engagement volontaire, gratuit, au service des autres, et cette proposition de loi ne vient pas remettre en cause la générosité des bénévoles. Elle propose seulement un juste équilibre entre l’investissement de ces hommes et de ces femmes et la reconnaissance de leurs actions. Le groupe UDI se réjouit de la soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, c’est une proposition généreuse qui nous est présentée. Elle est inspirée par les idéaux de la démocratie chrétienne (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants), qui furent à l’époque la marque du Mouvement républicain populaire – le MRP ; mais les radicaux, les laïques que je représente, peuvent se retrouver dans ces idéaux,…

M. Bertrand Pancher. Ça, c’est bien !

M. Alain Tourret. …qui furent ceux de l’UDSR, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, qui réunissait sur ses bancs François Mitterrand et René Pleven.

Plus de 14 millions de bénévoles sont aujourd’hui à l’œuvre dans notre pays ; parmi eux, des compatriotes, mais aussi des citoyens européens et des étrangers qui – soulignons-le – n’ont pas le droit de vote, mais qui chaque jour ou presque consacrent une partie de leur précieux temps à une cause qui leur tient à cœur, dans des domaines d’activité très divers : la culture, l’humanitaire, le sport, les loisirs, la santé, l’action sociale, la défense des droits ou encore l’éducation.

Nous le savons : les associations et le tissu qu’elles forment sur tout le territoire jouent, aujourd’hui encore plus qu’hier, un rôle très important dans la cité – là où vit le citoyen. Or c’est sur cette cité que repose notre socle républicain, c’est elle qui permet le vivre ensemble, la compréhension de l’autre, la rencontre avec autrui, et qui fait accepter nos différences – ce que refusent absolument ceux de l’extrême droite, qui ne sont d’ailleurs pas là aujourd’hui.

M. Philippe Vigier. Comme d’habitude !

M. Alain Tourret. Plus de 75 000 associations ont été créées entre août 2014 et août 2015 ; il s’agit de la troisième année de hausse consécutive. D’après le bilan dressé par l’association Recherches et Solidarités, l’emploi associatif serait en hausse globale, avec près de 1 827 000 salariés. Au-delà des simples statistiques, ces chiffres témoignent d’une dynamique intéressante, puisque la même publication annonçait qu’en 2014, pour la première fois, le nombre d’associations créées était supérieur à celui des disparitions.

La loi offre actuellement aux bénévoles travaillant avec des associations un certain nombre de garanties, tant sur le plan de la protection sociale que sur celui des congés et des autorisations d’absence, ainsi que des possibilités de remboursement des frais engagés pour la mise en œuvre des activités bénévoles.

La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui par nos collègues de l’UDI prévoit de valider, pour les dirigeants de toute association, un trimestre supplémentaire de cotisation d’assurance vieillesse par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées au sein du bureau de l’association.

Ainsi, les associations à but non lucratif, les associations d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine culturel, historique ou artistique, enfin, les associations déclarées ou reconnues d’utilité publique, pourraient être autorisées à attribuer à leurs présidents, vice-présidents, trésoriers et secrétaires un trimestre supplémentaire de cotisation d’assurance vieillesse par tranche de cinq années. Les articles 4 et 5 précisent que cette période de cinq années s’entend comme un cumul des années effectuées, indépendamment du fait qu’elles soient consécutives ou non ; seule la déclaration du bureau de l’association en préfecture fait foi et permet de valider l’exercice réel des fonctions.

Lors de l’examen du texte en commission, vous avez présenté, monsieur le rapporteur, un amendement tendant à réécrire l’article 1er, ainsi que quatre amendements visant à supprimer les articles 2 à 5.

L’amendement à l’article 1er prévoyait de créer un nouvel article L. 351-3-1 dans le code de la Sécurité sociale, au sein de la partie traitant des périodes dites « assimilées » pour l’assurance vieillesse, c’est-à-dire les périodes durant lesquelles l’assuré social n’a pas eu d’activité salariée, mais pour lesquelles des droits à pension ont néanmoins été offerts, par exemple en cas de chômage ou de congé maternité. L’article ainsi amendé aurait posé le principe de l’attribution d’un trimestre d’assurance vieillesse par tranche de cinq années d’exercice de responsabilités ; il aurait aussi permis de reconnaître l’implication personnelle des dirigeants associatifs dans le bon fonctionnement des associations. Afin de mieux cibler les associations pour lesquelles la fonction de dirigeant représente un engagement significatif, vous avez toutefois proposé, monsieur le rapporteur, de limiter le bénéfice de la mesure aux associations dont le budget annuel est supérieur à 5 000 euros.

Cette volonté d’encourager le développement du tissu associatif est louable et mérite d’être encouragée. Nous reconnaissons toutes et tous ici le rôle important qu’occupent les associations dans la société civile. Toutefois, pour notre groupe, cette proposition de loi semble difficilement réalisable, principalement sur le plan du financement des mesures envisagées.

En outre, elle ne tient pas compte des possibles abus.

M. Michel Issindou. C’est bien de le dire !

M. Alain Tourret. En effet, si le nombre d’associations est en constante hausse, il est difficile de savoir si toutes les associations existantes sont en activité ou si elles sont dormantes,…

M. Michel Issindou. Il y en a beaucoup !

M. Alain Tourret. …ou si des associations ne seront pas créées uniquement dans le but d’obtenir des trimestres complémentaires. Il existe un risque évident d’effet d’aubaine, reconnaissons-le !

M. Michel Issindou. Ah ça, c’est sûr !

M. Alain Tourret. Il conviendrait donc de veiller à le limiter.

Nous craignons également une possible inégalité de traitement : comment vérifier que les membres du bureau d’une association ont la même charge de travail que ceux qui appartiennent à une autre association ? Il y a là un problème complexe de cohérence et d’égalité entre les associations.

M. Michel Issindou. Un problème insurmontable !

M. Alain Tourret. Votre proposition de loi rejoint la mesure 2.13 proposée par le président Claude Bartolone dans le rapport sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine qu’il a remis au Président de la République le 15 avril 2015. C’est donc sur tous les bancs de l’Assemblée que nous nous intéressons à ce projet. Après les attentats perpétrés le 13 novembre dernier, il importe de rappeler ce qui nous rassemble et ce qui fait le socle républicain, à savoir la place essentielle des associations dans notre société.

Les associations constituent souvent le lien direct entre le citoyen et le politique. Si la politique n’arrive plus à atteindre certaines personnes, on écoute encore les représentants des associations ; or écoute-t-on les partis politiques ? En outre, les associations jouent un rôle important d’inclusion, notamment pour tous les membres de la cité qui ne jouissent pas de droits politiques tels que le droit de vote ; et j’espère que si votre proposition de loi est adoptée, vous nous rejoindrez pour faire en sorte que les étrangers bénéficient du droit de vote. L’engagement citoyen est vivant au-delà de la participation aux élections, et tout nous montre qu’il continuera de l’être dans les prochaines années. Force est de constater qu’aujourd’hui, les associations et la politique se complètent, lorsqu’elles ne se stimulent pas l’une l’autre.

Vous le voyez, notre groupe est ouvert à vos propositions. Toutefois, il considère qu’il y a un problème s’agissant des effets des mesures envisagées. C’est pourquoi il m’apparaît de bonne justice – c’est l’avocat qui parle ! (Sourires) – de veiller à ce que des précisions soient apportées. Je crois par conséquent qu’un renvoi en commission pourrait tous nous rassembler.

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas.

Mme Françoise Dumas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, plus que jamais, l’accélération des changements économiques, culturels et sociaux se traduit par une perte de repères et par la désaffection d’une partie de nos concitoyens pour les institutions publiques. Plus que jamais, nous avons le devoir de soutenir les associations qui aident les individus à faire face, dans le respect des libertés et le pluralisme, à la tentation du repli sur soi. Par leur capacité à mettre l’engagement à la portée de tous, à replacer l’individu en situation de jugement, d’initiative et d’action, à créer et entretenir le lien social entre les individus – adhérents ou public bénéficiaire –, le monde associatif favorise une citoyenneté active et concrète. Nous en sommes tous, ici, convaincus.

Ce lien forme l’ossature même de notre cohésion nationale et la source de l’engagement de chacun dans la vie de la cité, de sa « reconnaissance ». J’ai eu l’honneur, en novembre 2014, d’être rapporteure de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, qui était présidée par notre collègue Alain Bocquet.

Avec 70 000 nouvelles associations créées chaque année, 16 millions de bénévoles et 1,3 million d’associations en activité, nous devons nous réjouir du dynamisme associatif. Certes, la situation financière des associations est de plus en plus tendue ; la crise économique crée des incertitudes, ce qui limite les recrutements et freine les engagements. Mais au cours de ces travaux, auxquels vous avez participé, monsieur le rapporteur, nous avons constaté qu’en réalité, il n’existe pas de crise du bénévolat. Nous avons ainsi noté entre 2010 et 2013 une hausse de 13 % du bénévolat ; toutefois, l’on constate une augmentation considérable du nombre d’associations sans salariés, et surtout un accroissement des besoins du fait de la crise et de l’évolution démographique, qui donne souvent l’impression aux bénévoles d’être submergés.

Plutôt qu’une crise du bénévolat, j’évoquerais donc un changement de ses formes. Le bénévolat est souvent beaucoup plus ponctuel, pour une cause ou un temps donné, et les bénévoles sont plus fréquemment présents dans plusieurs associations ; le bénévolat est multiforme.

Doit-on pour autant promouvoir et valoriser le bénévolat en attribuant des trimestres supplémentaires aux dirigeants associatifs bénévoles ? Je ne le crois pas. Ce n’est pas, à mon sens, l’esprit qui doit animer le monde associatif. Une telle mesure dénaturerait l’engagement, qui, par définition, est désintéressé et repose avant tout sur le don de soi, l’intérêt général, l’esprit civique.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

Mme Françoise Dumas. L’adoption de cette proposition de loi amènerait à « marchandiser » le bénévolat…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Mais non !

Mme Françoise Dumas. …et serait source de lourdeur pour les associations – sans compter qu’elle susciterait une iniquité entre salariés et non-salariés au moment de la retraite.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Mais non ! Cela n’a rien à voir !

Mme Françoise Dumas. Encourager la formation des bénévoles me paraît une réponse plus adaptée aux attentes des associations.

À mon sens, les difficultés se situent ailleurs, dans la formation notamment, mais aussi dans la pérennité du financement des associations, les lourdeurs administratives ou encore l’ouverture de la vie associative aux jeunes.

Le Gouvernement a travaillé sur ces questions. Des outils ont été déployés pour permettre aux acteurs associatifs de poursuivre leurs missions dans les meilleures conditions et susciter des vocations dès le plus jeune âge.

Le parcours citoyen, mis en place à la rentrée 2015, permet aux jeunes de se familiariser avec les valeurs associatives. L’accès au bénévolat a été élargi grâce à la réserve citoyenne et au droit universel au service civique. De plus, à l’occasion du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, en mars 2015, le Premier ministre a annoncé un new deal associatif. Cette réunion, qui fait suite à la grande cause nationale 2014 et à la Charte des engagements réciproques, signée le 14 février 2014, vise notamment à sécuriser le financement des associations. Ainsi, 50 millions d’euros ont été alloués en 2015 aux associations de proximité de l’éducation populaire, du sport et de la politique de la ville.

Enfin, le choc de simplification engagé par l’ordonnance du 23 juillet 2015 allège les responsables associatifs de nombreuses contraintes administratives et bureaucratiques qui pèsent sur leur travail, leur permettant de se recentrer sur leur cœur de métier.

Quant à l’ordonnance du 23 juillet 2015, elle simplifie la démarche de création d’une association, mais aussi sa gestion courante. Un formulaire unique de demande de subvention à tous les financeurs publics est désormais prévu, une mesure qui a permis d’économiser environ 30 millions d’euros par an en temps de travail bénévole.

Ces mesures ciblées, en direction des plus jeunes notamment, visent à donner une nouvelle impulsion au mouvement associatif et satisfont certaines propositions que nous avions préconisées l’année dernière.

Avec la loi relative à l’économie sociale et solidaire ; la charte d’engagement réciproque ; le récent comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté sur le thème « La République en actes » – voulu par le Président de la République et constitué autour du Premier ministre –, qui a débouché sur 60 propositions concrètes qui sont en voie d’être appliquées, nous pouvons vraiment affirmer que notre détermination à valoriser ce qui fait la richesse de notre pays et son intelligence collective se traduit en action.

Enfin, monsieur le député, bien que je partage pleinement votre souci de valoriser l’implication des dirigeants associatifs,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Heureusement !

Mme Françoise Dumas. …je ne peux que constater que votre proposition a un coût important car, si nous l’appliquions à tous les membres des bureaux des associations, tous les cinq ans, nous devrions financer plus de 5 millions de trimestres de retraite.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il était plutôt question d’1 million de trimestres !

Mme Françoise Dumas. Alors que les politiques publiques font de la liberté et de l’égalité leur fondement, tout porte à croire que le monde associatif, dans sa diversité, assure à chacun d’entre nous l’effectivité du troisième pilier de notre République, qui est et demeure la fraternité. Ne la dénaturons pas ; accompagnons-la plutôt, avec responsabilité et civisme, dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur – cher Yannick –, mes chers collègues, 1,3 million d’associations en France : ce sont autant de preuves du dynamisme de nos territoires et de la vitalité de l’engagement citoyen et solidaire, et les 16 millions de bénévoles sont autant de personnes qui, par leur engagement, contribuent chaque jour, concrètement, à l’intérêt général, en éduquant à la sociabilité, en luttant contre la solitude, contre le repli sur soi et l’individualisme.

Incarnant la fraternité et la solidarité au quotidien, les associations sont l’expression concrète de notre pacte républicain. Vecteurs de progrès et de cohésion sociale, elles jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne des Français et dans le bien vivre ensemble. C’est en ce sens que l’engagement associatif a été déclaré grande cause nationale en 2014.

Mais, au-delà de leurs incontestables bénéfices sur le plan social, les associations jouent également un rôle non négligeable sur le plan économique, puisqu’elles contribuent à notre produit intérieur brut à hauteur de 3,2 %, soit environ 85 millions d’euros, un poids équivalent à celui du secteur de l’agriculture et des industries agricoles et alimentaires.

Le secteur associatif connaît donc une dynamique positive, et ce d’autant plus qu’il est très diversifié. Actions caritatives et humanitaires, actions sociales et médicales, défense des droits et des causes, éducation, formation, insertion, mais également sport, culture, loisirs, vie sociale, solidarité et développement local : les associations sont le reflet d’une société française solidaire, unie, vivante, et ce aussi bien dans les grandes villes que dans les territoires ruraux chers à Yannick Favennec.

Dans ces zones rurales tout particulièrement, les associations sont un élément essentiel du bien vivre ensemble, je le mesure chaque jour dans ma circonscription, en Lozère. Elles prennent même parfois le relais des infrastructures publiques manquantes, preuve s’il en est de leur forte contribution à l’intérêt général et de la formidable richesse qu’elles représentent pour nos territoires.

Si le secteur associatif fait plutôt preuve de vitalité, il rencontre néanmoins de sérieuses difficultés d’ordre financier et en termes de ressources humaines, comme l’a souligné en 2014 le rapport de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, présidée par notre collègue Alain Bocquet.

Ces difficultés ont trait non seulement à leur financement, conséquence de la raréfaction des ressources publiques, notamment étatiques, avec la baisse drastique des dotations, en particulier pour les communes rurales, mais également au recrutement des bénévoles. Ce point nous intéresse particulièrement aujourd’hui car il est susceptible de remettre en cause la pérennité du modèle associatif français.

Pourquoi les bénévoles sont-ils si essentiels à la pérennité des associations ? Tout simplement parce qu’ils constituent la majeure partie de leurs ressources humaines, 86 % d’entre elles n’employant aucun salarié et fonctionnant donc exclusivement grâce au bénévolat.

S’il est plutôt rassurant de constater que l’engagement bénévole est en progression constante, avec 3 % d’augmentation entre 2005 et 2011, l’engagement des dirigeants associatifs bénévoles est bien plus problématique et les associations peinent aujourd’hui à renouveler leurs équipes dirigeantes.

Il y a urgence à répondre au problème du renouvellement des responsables associatifs car, comme l’a indiqué Yannick Favennec, les équipes dirigeantes des associations sont aujourd’hui essentiellement composées de seniors. Ainsi, seuls 21 % des présidents d’associations ont moins de 46 ans, 48 % d’entre eux sont retraités, et les plus de 65 ans y sont surreprésentés.

La raison de ce déséquilibre est simple : l’exigence de forte disponibilité et les lourdes responsabilités de ces fonctions de dirigeants associatifs les rendent difficilement compatibles avec une vie professionnelle active. Le renouvellement des équipes dirigeantes vieillissantes a été rendu d’autant plus complexe que l’âge de départ à la retraite a été reculé, ce qui limite le vivier de jeunes retraités bénévoles disponibles. C’est pourquoi il est aujourd’hui impératif de prendre des mesures visant à rajeunir les bénévoles dirigeants et à encourager leur engagement.

À ce titre, la proposition de loi de notre collègue Yannick Favennec apporte une solution concrète et juste. Permettre à toute personne membre du bureau d’une association – présidents et vice-présidents, trésoriers et secrétaires – de bénéficier de l’attribution d’un trimestre supplémentaire pour le calcul de leur retraite par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées, c’est encourager des jeunes actifs à embrasser des responsabilités associatives. C’est également – cela est tout aussi important – une façon de remercier ces responsables bénévoles pour leur engagement et pour les sacrifices qu’ils ont nécessairement dû faire sur leurs vies professionnelles et personnelles.

Cette gratification envisagée au profit des responsables associatifs dans le calcul de leur retraite est d’autant plus légitime que l’on permet déjà aux contribuables qui font un don à des associations reconnues d’utilité publique de bénéficier d’avantages fiscaux. L’idée fait d’ailleurs consensus sur les bancs de notre assemblée, puisqu’à l’instar de notre collègue Yannick Favennec, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, l’a défendue dans son rapport sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, rappelant très justement que la validation de trimestres de retraite est déjà appliquée aux bénévoles effectuant un service civique. Elle a également été défendue par de nombreux collègues Les Républicains…

M. Michel Issindou. Très mobilisés aujourd’hui, d’ailleurs ! (Sourires.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …qui se sont associés à une proposition de loi visant à promouvoir le bénévolat associatif, proposition dont j’ai pris l’initiative en juillet 2015, et qui comprend une mesure identique à celle que nous examinons aujourd’hui.

Parce que les difficultés de recrutement ne se limitent pas aux seuls membres du bureau des associations mais qu’elles concernent tous les bénévoles en charge d’un poste d’administration, j’ai proposé dans ce texte d’étendre la mesure à l’ensemble des bénévoles en charge d’un poste d’administration de l’association, en leur accordant un trimestre d’allocation retraite.

De même, parce qu’il n’est plus à démontrer qu’engagement bénévole rime avec intérêt général et service rendu à la nation, j’ai également proposé de permettre aux bénévoles associatifs qui auront administré une association durant dix ans ou plus de passer les concours de la fonction publique par voie interne.

Il m’apparaît également nécessaire de reconnaître le bénévolat dans sa dimension professionnelle. À ce titre, j’ai proposé de créer un droit à la formation de tous les bénévoles associatifs après une année de bénévolat, et de leur permettre de valider leurs acquis en créant une commission nationale chargée de valoriser l’expérience bénévole.

Ces mesures sont justes et nécessaires : la nation se doit de reconnaître ces hommes et ces femmes qui donnent de leur temps et de leurs loisirs pour les autres. Tant sur le plan symbolique que sur le plan professionnel, les pouvoirs publics et les entreprises ont le devoir de reconnaître et de valoriser l’engagement associatif à sa juste valeur.

La mesure proposée par notre collègue Yannick Favennec, visant à accorder un trimestre complémentaire d’allocation retraite aux responsables associatifs, par tranche de cinq années d’engagement, constitue un premier signal fort pour la promotion et la gratification de l’engagement associatif. Le groupe Les Républicains y est largement favorable et votera cette proposition de loi.

D’autres mesures devront la compléter par la suite, afin de stabiliser et de pérenniser l’avenir de l’engagement associatif, qui est une réelle nécessité. Notre pays a plus que jamais besoin de la solidarité populaire et de l’unité citoyenne et démocratique pour lutter contre les fléaux externes et internes qui s’en prennent aux valeurs de notre République.

Je regrette, madame la secrétaire d’État, qu’avant même de débattre, vous ayez indiqué que cette proposition de loi constituait une réponse inadaptée, à l’impact financier trop lourd.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Liberté, égalité, fraternité – j’ajouterai solidarité – : réaffirmons notre attachement indéfectible et viscéral à ces principes en votant aujourd’hui cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Michel Issindou. Avec de l’argent que vous n’avez pas !

M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay.

M. Alexis Bachelay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je remercie tout d’abord notre collègue Yannick Favennec de nous donner l’occasion de nous exprimer sur le sujet important de l’avenir du monde associatif et, d’une manière plus générale, sur celui de l’engagement.

Dans une France que nous voulons toujours plus rassemblée autour de nos valeurs républicaines, nous nous devons de reconnaître que les associations, qui sont au nombre de 1,3 million, et les 13 à 14 millions de bénévoles investis dans le monde associatif jouent un rôle fondamental en faveur de la cohésion sociale. Nous sommes d’ailleurs nombreux sur ces bancs à avoir connu un premier engagement dans le monde associatif.

C’est pourquoi il convient de saluer leur rôle fondamental et de dire combien le monde associatif sait mobiliser les énergies des citoyens, combien il répond à des besoins nouveaux et constitue un lieu d’apprentissage de la citoyenneté et du vivre ensemble, combien la transformation du quotidien et la confiance en l’avenir peuvent se construire et s’acquérir en son sein.

Il faut aussi rappeler, comme vous l’avez fait, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement et la majorité ont accompagné l’engagement et l’investissement citoyen par des mesures de simplification ou d’aide à l’emploi ainsi que par des budgets renforcés. De nombreux rapports et travaux ont en outre montré non seulement l’intérêt mais la volonté du Gouvernement et des pouvoirs publics d’accompagner la contribution des associations à la vie en société, afin qu’elle soit valorisée, encouragée, notamment dans un domaine fondamental par les temps que nous connaissons, celui de la fraternité.

Dès lors, du point de vue philosophique, la proposition de loi que nous étudions ce matin présente un intérêt majeur. Il faut aussi rappeler que la validation de trimestres de retraite au titre d’un engagement associatif faisait partie des propositions du rapport du président Bartolone, intitulé : Libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique. La République par tous et pour tous. La préconisation était cependant plus précise et encadrée, puisque limitée aux associations dites d’utilité civique.

Nous examinons donc – sur tous les bancs, je l’imagine –avec un regard favorable cette proposition, qui vise à soutenir, à valoriser et à encourager le monde associatif. Ses dispositions ne vont pourtant pas sans poser plusieurs questions.

Doivent-elles, d’abord, concerner toutes les associations ? Comme nous le constatons au quotidien, la richesse du monde associatif réside aussi dans sa diversité. Les associations sont tantôt très importantes tantôt plus modestes ; beaucoup défendent l’intérêt général mais certaines, des intérêts plus particuliers ; elles ont parfois pour objet un loisir ; certaines se limitent à quelques membres – il suffit en effet de deux personnes pour fonder une association. Les dispositions de la proposition de loi doivent-elles donc concerner toutes les associations ? Doit-on au contraire, comme le préconisait le rapport de Claude Bartolone, chercher un cadre plus précis et réserver cette mesure à des associations dont nous voudrions plus particulièrement soutenir le développement et le travail ?

D’autres questions se posent. Si nous allons dans le sens du texte, le bénéfice des trimestres supplémentaires doit-il être exclusivement réservé aux membres du bureau ? S’il est sans doute vrai que ces derniers sont les plus investis administrativement, l’association vit aussi, au quotidien, grâce aux personnes chargées de son animation. Bref, il faut s’interroger sur cette limite un peu rigide qui consiste à réserver la rétribution dont nous parlons aux seuls membres du bureau.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi nous semble avoir des limites : champ trop large, modalités d’application imprécises et nombreuses difficultés de financement. Si nous en partageons la philosophie, et si nous serions disposés à poursuivre le travail engagé, il me paraît plus sain et plus logique, en l’état, de renvoyer le texte en commission, ce qui, je l’espère, ne sera pas un enterrement de première classe mais une façon de poursuivre le travail engagé par nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi est à l’évidence très attrayante, mais j’ai le sentiment qu’elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de solutions.

M. Michel Issindou. Aïe, aïe, aïe !

M. Christophe Sirugue. Au-delà de son attrait, elle traduit un attachement, que nous partageons tous, au monde associatif, et en permettrait même une reconnaissance tout à fait légitime.

M. Philippe Vigier. En effet ! Très bien !

M. Christophe Sirugue. En cette période, il n’est d’ailleurs pas inintéressant, tant s’en faut, de mettre en avant le bénévolat : je le dis car il est de bon ton, aujourd’hui, de relever l’individualisme et le désintérêt pour l’autre dans nos sociétés. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de souligner que l’engagement associatif exprime d’abord la volonté d’être avec les autres et de participer au vivre ensemble, auquel nous sommes attachés.

Reconnaissons-le aussi, bien des secteurs d’activité, quel que soit leur domaine – la culture, le sport ou les solidarités, entre de nombreux autres exemples –, n’existeraient pas, ou ne seraient pas aussi dynamiques sans le mouvement associatif.

La question de savoir comment la nation doit reconnaître celles et ceux qui font vivre le monde associatif me semble donc parfaitement légitime. Pour autant la proposition de loi, disais-je, soulève plusieurs questions, et non des moindres : quelques-uns de mes prédécesseurs à cette tribune les ont soulignées.

Tout d’abord, comment juger des mérites respectifs dans le fonctionnement d’une association ? Tous, nous sommes ou avons été, à un moment ou à un autre, membres d’associations : celles-ci, nous le savons, vivent grâce au bénévolat des membres de leur bureau, et parfois grâce à d’autres membres aussi. Nous devons donc veiller à éviter les divisions.

Vous évoquiez tout à l’heure, monsieur le rapporteur, dans une formule agréable pour l’esprit, des preuves d’amour : prenons garde que ces preuves, si nous les donnons aux responsables des associations, ne provoquent des divorces au sein de ces dernières.

M. Michel Issindou. Tout à fait ! Excellent argument !

M. Christophe Sirugue. On ne peut faire fi d’un tel risque. Pourquoi distinguer entre les responsables des associations et les autres membres, qui s’engagent et militent pour elles, même si votre texte suggère quelques pistes à cet égard ? Vos amendements tendent aussi à sérier ces problématiques.

Les associations, au nombre de 1,3 million en France, sont de nature très diverse : certaines sont reconnues d’utilité publique, mais l’on ignore si d’autres se réunissent encore ou non. Comme tout responsable, vous avez été amené, j’imagine, à examiner la liste des associations déclarées en préfecture : rares sont celles qui sont officiellement supprimées alors qu’elles n’existent plus dans les faits, parfois depuis fort longtemps. L’amendement que vous avez déposé relativement au minimum budgétaire permet d’estomper le problème, mais on peut quand même se demander si l’engagement dans une association qui se réunit une fois par an est aussi méritoire – même si tout engagement de cette nature est en lui-même méritoire – que l’engagement dans une association plus dynamique.

Troisième question, et non des moindres : le coût de la mesure. Chacun aura compris que notre opposition n’est nullement de principe ; mais comment faire se succéder deux propositions de loi, dont la première alerte sur la situation préoccupante des finances publiques et souligne que les mesures déjà adoptées n’assureront sans doute pas l’équilibre du système de retraites, et la seconde générerait un surcoût, même si l’on peut diverger sur son montant, en tout état de cause plus ou moins 1 milliard d’euros ? Comment envisager l’application d’un dispositif dont on ne connaît pas le coût exact, sans doute élevé ?

Sur le texte précédent, nous avions une opposition de principe ; sur celui-ci, nous faisons nôtre la question de savoir comment accompagner les associations. Le groupe SRC votera donc la motion de renvoi en commission, manifestant ainsi son souhait d’approfondir la réflexion et les propositions qui ont été formulées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je veux apporter quelques éléments de réponse. Vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, d’un périmètre trop large ; mais celui-ci, justement, est ciblé sur les présidents et les trésoriers des associations. De fait, les présidents assument la responsabilité juridique de ces structures : ils sont donc responsables en cas de problème, et en paient, le cas échéant, les conséquences.

Vous avez aussi évoqué les emplois d’avenir ; mais dans nos territoires, nos communes, nos quartiers, on trouve beaucoup de petites associations qui n’ont pas les moyens de recourir à ces contrats : elles sont donc exclues du champ dont vous parliez.

S’agissant de l’impact financier, il me semble que nous n’avons pas les mêmes chiffres. Selon le ministère des affaires sociales, votre ministère, le coût annuel avoisinerait 1,5 milliard d’euros – et non 5 milliards, comme j’ai pu l’entendre –, sur la base de la valeur de rachat moyenne d’un trimestre d’assurance vieillesse en 2015, soit 3 000 euros ; il tomberait même à 410 millions d’euros si les trimestres étaient validés sur la base d’une valeur forfaitaire de 815 euros, comme c’est le cas pour le service civique, pour lequel l’État prend en charge, de façon forfaitaire, les cotisations non versées à la Sécurité sociale. Si nous avons des divergences sur l’impact financier, celui-ci n’atteint donc pas les montants avancés par certains.

Les associations, monsieur Zumkeller, seront sensibles à vos propos. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette proposition de loi a été déposée par le groupe UDI, car elle est en quelque sorte dans son ADN : elle reflète ce que nous sommes, des humanistes, des personnes ouvertes aux autres.

M. François Rochebloine. Nos collègues socialistes devraient nous rejoindre sur ces valeurs !

M. Yannick Favennec, rapporteur. En somme, ce texte ne pouvait venir que du groupe UDI, et je pense qu’il nous vaudra la reconnaissance du monde associatif.

M. Zumkeller a raison aussi de souligner que les difficultés auxquelles les associations font face tiennent, pour une large part, à la baisse des dotations aux collectivités.

M. François Rochebloine. Et que dire du CNDS ? Il n’y a plus d’argent pour les associations sportives !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Les associations sont les premières victimes de cette baisse qui se traduit souvent par la diminution, sinon la suppression des subventions qui leur sont allouées par les collectivités : c’est notamment le cas, M. Morel-A-L’Huissier en parlait, dans les petites communes rurales, où les associations ont pourtant un rôle au quotidien.

Nos positions ne sont guère éloignées sur le fond, monsieur Tourret. L’existence d’une association peut se vérifier par la tenue d’assemblées générales, auxquelles il nous arrive au demeurant d’assister. Les procès-verbaux de ces réunions font foi du fonctionnement de l’association et de l’investissement des membres de son bureau, qu’il s’agisse du président ou du trésorier. Parler d’effet d’aubaine, comme on l’a fait à plusieurs reprises, c’est faire injure aux bénévoles, c’est leur témoigner une défiance qu’ils ne méritent pas, tant ils sont impliqués corps et âme dans leurs responsabilités quotidiennes. On ne peut donc leur faire ce type de procès.

Je ne parle ni de gratification, ni de rémunération, madame Dumas, mais de reconnaissance : ce n’est pas du tout la même chose. Nous le voyons sur le terrain, il est souvent difficile de trouver des remplaçants à celles et ceux qui ont assumé la responsabilité d’une association pendant des années ; la plupart du temps ils ne trouvent personne pour prendre leur suite. Il faut donc que nous ayons, à un moment ou à un autre, un geste de solidarité nationale à l’égard des responsables associatifs : c’est l’objet de la reconnaissance que je propose.

Je vous rejoins, d’ailleurs, sur la nécessité d’un meilleur accompagnement de la formation des bénévoles, qui, a priori, ne sont pas destinés aux activités associatives : ils exercent parallèlement une activité professionnelle, et ne sont donc pas formés à la gestion quotidienne d’une association et aux responsabilités qui en découlent. C’est pourquoi un effort tout particulier sur cet accompagnement s’impose.

Il nous faut également sensibiliser les jeunes à l’engagement associatif et bénévole. J’ai déposé une proposition de loi ayant pour objet l’organisation de stages en ce sens dans le cursus des collégiens ou des lycéens. Ceux-ci effectuent déjà des stages en entreprise, ce qui est une bonne chose : pourquoi ne pourraient-ils en faire de même, pendant une journée, au sein d’une association ?

Mme Françoise Dumas. Tout à fait !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Vous avez parlé, madame Dumas, de 5 millions de trimestres, alors que le nombre est estimé à 1 million.

M. Morel-A-L’Huissier et moi sommes à 3 000 % d’accord… (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Effet de notre vieille amitié ! (Sourires.)

M. Yannick Favennec, rapporteur. Chacun connaît ici, au-delà de notre amitié, l’intérêt et même l’attachement viscéral – au demeurant partagés par l’ensemble de nos collègues – que nous portons à nos territoires ruraux. Nous y vivons au quotidien, et nous y voyons l’importance de l’engagement associatif : sans ces comités des fêtes, sans ces comités d’animation, il n’y aurait pas de vie ni de lien social dans nos villages, dans territoires.

L’occasion nous est donnée ce matin de rendre hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui constituent une ressource et une richesse humaines pour nos territoires : je crois vraiment que nous devons nous montrer à leur égard beaucoup plus reconnaissants que nous l’avons été jusqu’à présent.

Monsieur Bachelay, encore un petit effort ! Nos positions ne sont pas très éloignées. Qu’est-ce qu’une association d’utilité civique ? J’aimerais bien qu’on m’en donne la définition.

M. Alexis Bachelay. Justement, c’est la question !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Les associations sont toutes, par essence et par définition, d’utilité civique. Je trouve donc qu’il s’agit d’une façon de restreindre le champ d’application du dispositif proposé, sans que cette démarche s’appuie sur une définition : c’est bien regrettable.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est regrettable et discriminatoire !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Pourquoi ma proposition de loi ne vise-t-elle que les membres du bureau ? Sur ce point, vos propos sont contradictoires : d’un côté vous me dites qu’elle va coûter trop cher, et de l’autre vous souhaitez que le bénéfice en soit étendu à tous les autres membres ! Si j’ai visé les seuls membres du bureau, c’est tout simplement parce que ce sont eux qui assument la responsabilité juridique et financière de l’association.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est évident : ils sont connus et déclarés en préfecture !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Bien sûr, l’idéal serait d’étendre le bénéfice du dispositif à l’ensemble des bénévoles, mais dans cette hypothèse vous arguez du fait qu’il ne serait pas possible de vérifier qu’une association fonctionne au quotidien. Mais, dans ces conditions, comment peut-on vérifier également qu’un bénévole s’engage au quotidien et qu’en définitive cet engagement lui permet de justifier justement de ces cinq années d’activité au sein d’une association ?

M. Michel Issindou. C’est bien pour cela que c’est compliqué !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Ce n’est véritablement qu’en se concentrant sur le bureau – avec le président et le trésorier – qu’il est possible de cibler au mieux le dispositif prévu par cette proposition de loi.

Nous avons tous, effectivement, chevillés au cœur cette volonté de reconnaître l’engagement bénévole dans notre pays. Nous devons énormément aux bénévoles et je souhaite vraiment que nous puissions aller au bout de la démarche que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a initiée en déposant cette proposition de loi.

Plusieurs députés du groupe UDI. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai bien entendu tous les arguments avancés. Comme nous tous, je salue le monde associatif. Votre proposition paraît séduisante au regard du travail accompli par nos concitoyens au sein des associations. Pour autant, il me semble qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Que vous dites !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comme l’a dit M. Sirugue, ce texte est en effet susceptible de créer plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions. Au demeurant, il ne répond pas à une demande pressante de nos associations. Comme vous, j’en ai auditionné, et, comme vous, j’ai fait partie d’une association.

Si l’on constate une désaffection dans le monde associatif, ses causes sont doute étrangères à la question de savoir si un engagement en son sein peut être ou non gratifié de trimestres de retraite supplémentaires. Nos concitoyens sont en effet englués dans des problèmes sociaux et économiques, sans oublier la garde d’enfants : il est sûr qu’après une journée passée à travailler ou à chercher un emploi, il est aujourd’hui très difficile de s’investir dans le monde associatif.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Effectivement, les responsables actuels d’associations souffrent d’épuisement.

Nous connaissons tous des associations dont la présidence est exercée depuis vingt-cinq ans par la même personne à qui, pour ne pas la décevoir ou par reconnaissance, on ne souhaite pas retirer son mandat, même si elle n’effectue plus aucun travail réel – il faut le dire, avec tout le respect que j’ai pour les associations. Ayant moi-même été présidente d’une association de commerçants… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce n’est pas la même chose !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …je sais parfaitement comment cela fonctionne.

Je le dis sans passion, mes chers collègues.

Certaines associations – cela a été dit mais j’y insiste car, là encore, je l’ai vécu – ont un bureau fantôme, et les membres actifs, ceux grâce à qui elle fonctionne, ne sont pas ceux qui appartiennent au bureau. Pourquoi ne pas gratifier aussi ces personnes de trimestres supplémentaires ?

Le trimestre acquis au titre de la retraite ne se comprend d’abord, par définition, qu’au regard du dialogue social. Quand on est dans le monde du travail, l’acquisition de trimestres correspond à des règles et à un contrat, dans le cadre du code travail. Or dans le monde associatif il n’y a pas de règles : c’est le principe même du bénévolat. Chacun y met ce qu’il veut et ce qu’il peut, entre et sort à sa guise.

M. François Rochebloine. Claude Bartolone a dit que c’était une excellente idée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Lorsque les salariés se voient gratifiés de trimestres de retraite, c’est en contrepartie d’un engagement contractuel fixé par loi, ainsi que par des accords de branche.

Je ferai le parallèle avec les stages, car il s’agit d’un argument que vous nous avez opposé lors de l’examen du projet de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. L’encadrement des stages constituait une demande du monde étudiant, mais aussi de certaines entreprises. Vous n’avez cessé, alors, de nous dire – à juste titre d’ailleurs – qu’il ne fallait pas octroyer aux stagiaires trop de droits car cela risquait de rapprocher leur statut de celui des salariés.

Dans le cas présent, je vous retourne l’argument : les trimestres de retraite constituent la contrepartie à un travail fourni toute une vie durant. Ne dénaturons donc pas le monde associatif et le bénévolat.

Enfin, ce qui me gêne le plus, c’est que les partenaires sociaux n’ont pas été associés à l’élaboration du dispositif.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Décidément, toujours le même !

M. François Rochebloine. M. Issindou va rendre sa sentence !

M. Michel Issindou. Je ne serai pas méchant ! (Sourires.)

Monsieur Favennec, vous venez de nous présenter une proposition de loi qui vise à accorder des trimestres complémentaires gratuits aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite, espérant marquer ainsi votre reconnaissance à l’engagement associatif.

S’il est un point que je partage avec vous, comme tous les orateurs qui se sont exprimés, c’est bien celui-là : la reconnaissance envers l’engagement associatif. La richesse de notre tissu associatif est remarquable : il existe 1,3 million d’associations, et 70 000 voient le jour chaque année. Des millions de bénévoles œuvrent au quotidien pour que vivent nos villes et nos villages et pour que chacun trouve son bonheur dans une activité sportive, culturelle, humanitaire, éducative, civique – j’en passe.

Les associations sont le ciment du vivre ensemble et nous ne pouvons que louer l’investissement, parfois sans limite, de tous les bénévoles qui les animent. Ils sont en tous points admirables. Sur ce point, le constat est donc partagé.

Les associations sont également créatrices d’emplois : 1,8 million d’emplois ont été créés par 165 000 associations, et beaucoup de jeunes y trouvent leur premier emploi. L’État fait également son travail, en versant plus de 2,1 milliards d’euros aux associations, et se privant de 2 milliards d’euros de recettes fiscales au travers de niches fiscales en faveur des dons et du mécénat. Ce sont là de belles marques de soutien et de reconnaissance envers le monde associatif.

Mais, au-delà de ce constat partagé, votre courte proposition de loi s’avère trop large et trop imprécise et ne peut donc être acceptée en l’état.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

M. Michel Issindou. C’est pourquoi je propose à l’Assemblée de la renvoyer en commission, ce qui constitue un geste tout à fait positif. L’article 1er – et je ne ferai pas d’observation sur le délai choisi, alors même que la proposition de loi, si elle était adoptée, devrait être transmise au Sénat et, le cas échéant, en revenir – dispose : « À compter du 1er janvier 2016, toute personne membre du bureau d’une association pourra bénéficier de l’attribution d’un trimestre supplémentaire par tranche de cinq années effectives de responsabilités assumées au sein du bureau de l’association. »

Un bureau d’association est un organe à géométrie très variable, et peut comporter plusieurs dizaines de personnes : comptez-vous les faire toutes bénéficier de votre dispositif ? Il semblerait que non, puisque vous avez évolué : vous proposez, dans un amendement à votre propre texte, de restreindre le bénéfice de la mesure au président et au trésorier. Si j’étais secrétaire d’une association, je serais très déçu de ne pas faire partie des bénéficiaires. Quoi qu’il en soit, il y a là une imprécision pour le moins troublante.

À l’article 2, vous ouvrez largement les vannes en faisant entrer dans le champ de votre proposition de loi tout type d’association « d’intérêt général », alors même que cette notion reste à définir. Vous citez celles « ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine culturel, historique ou artistique, aux associations déclarées ou reconnues d’utilité publique ». Bref, elles y figurent toutes.

Je vous rappelle que la notion d’intérêt général n’a pas, à ce jour, reçu de définition précise. En outre, vous connaissez comme moi les disparités énormes qui peuvent exister entre associations. Si tous les bénévoles sont remarquables, il paraît difficile de mettre sur le même plan une très grosse association reconnue d’utilité publique et une association plus modeste qui ne se réunit, elle, qu’une fois par an afin de respecter ses règles statutaires.

Deux exemples à titre d’illustration : les Restos du cœur, où les bénévoles non membres du bureau sont souvent très fortement impliqués, et la toute petite association de joueurs de boules de ma commune – j’espère que ses membres ne m’en voudront pas, même si, à l’heure qu’il est, ils doivent être en train de jouer plutôt que de m’écouter –, qui gère un budget de quelques milliers d’euros et ne se réunit guère plus qu’une fois par an.

Faudrait-il les traiter de la même façon si une attribution de trimestres gratuits était, comme vous le proposez, mise en place ? Il y aurait là une réelle injustice.

Dans l’exposé des motifs de votre proposition, vous abordez la crise du bénévolat. Effectivement, sur le terrain, on peut avoir l’impression qu’une telle crise existe, même si l’on finit toujours par trouver des personnes candidates à un poste au sein du bureau.

On sait également que les niveaux d’engagement sont très différents à l’intérieur d’une même association, comme l’a rappelé la présidente de la commission des affaires sociales. Faut-il ne pas prendre en compte cette disparité ?

Si votre texte était adopté en l’état, on pourrait également devoir faire face à un regain d’enthousiasme envers les fonctions éligibles à ces trimestres gratuits. La nature humaine est ainsi faite que, là où l’on connaît aujourd’hui des difficultés de recrutement, certains pourraient se battre pour devenir responsables, et donc éligibles à votre dispositif.

Autre effet pervers – je le maintiens, car vous l’avez évoqué tout à l’heure, sans me citer et sans l’analyser –, le texte pourrait conduire à la création de très nombreuses associations, car il aujourd’hui extrêmement simple de le faire. Ces trimestres gratuits pourraient, dès lors qu’ils constituent un avantage non négligeable, entraîner la prolifération d’associations plus ou moins sérieuses.

D’autres orateurs l’ont dit : ces fonctions doivent rester purement bénévoles et, en tous cas, ne pas être reconnues comme vous le proposez : il existe d’autres manières de reconnaître l’investissement. Sur le terrain, les bénévoles demandent de la reconnaissance, et nous leur en donnons, ainsi que des financements : nous essayons d’assurer la stabilité financière de leurs associations.

Il existe aussi – certains l’ont citée – la validation des acquis professionnels. Pourquoi pas ? Cela me semble être une piste à étudier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Bonne idée !

M. Michel Issindou. À mon avis, la fonction de président ou de responsable d’association ne peut pas se substituer à une activité professionnelle. La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a facilité l’acquisition de trimestres pour les travailleurs à temps partiel : il suffit de 150 heures au SMIC pour valider un trimestre. Elle permet donc déjà à ces travailleurs de s’investir fortement dans le milieu associatif : il est possible de concilier une activité salariée ou précaire partielle avec un engagement très fort.

Les autres travailleurs ont une activité professionnelle : ils cotisent donc déjà et n’ont pas besoin des trimestres supplémentaires envisagés. C’est le cas des jeunes qui sont souvent bénévoles. Enfin, les retraités ne sont vraiment pas concernés : ayant liquidé leur retraite, ils agissent en tant que bénévoles et ne demandent pas à valider de trimestres à ce moment-là : ce serait, d’ailleurs, complètement ingérable. Votre proposition pèche beaucoup sur ces aspects.

Le milieu associatif est aujourd’hui reconnu et financé : il ne demande d’ailleurs pas l’attribution de trimestres gratuits, car elle deviendrait une source de conflits à l’intérieur même des associations, entre le bénévole qui ne compte pas son temps sans faire partie du bureau et – sans mésestimer leur mérite – le président qui s’avère parfois fortement inactif ou le trésorier qui procède une fois par an à l’ajustement des comptes.

Un bénévole des Restos du cœur qui est tous les jours sur le terrain a, à mon sens, beaucoup plus de mérite que le président qui peut être beaucoup moins fortement impliqué.

Le récent rapport de Claude Bartolone, évoque, certes, la question, et vous en tirez argument, mais il est malgré tout circonscrit aux seules associations d’utilité civique, et non d’utilité publique ou d’intérêt général. Qui plus est, là encore, les contours du dispositif restent malgré tout à définir.

À l’article 5, vous renvoyez à la préfecture le soin de valider l’exercice réel des fonctions.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est la loi qui prévoit que seule la déclaration compte !

M. Michel Issindou. Je ne sais pas comment feront les préfets. Je ne me souviens pas d’avoir vu un préfet demander à une association si elle a bien rempli ses obligations statutaires annuelles. La préfecture enregistre les demandes de création d’association – la procédure est d’ailleurs très simple –, mais n’effectue pas le moindre contrôle sur l’effectivité de l’activité des associations existantes.

Il faudrait donc mettre en place un dispositif lourd ou considérer simplement qu’une fois l’association créée et représentée par un président et un trésorier, elle peut fonctionner ainsi pendant trente ans. C’est trop flou.

Enfin, l’article 6 est consacré au financement, car vous avez bien conscience du coût de ces trimestres qui, s’ils étaient attribués gratuitement, seraient à la charge des différentes caisses, notamment du régime général.

L’un des fondamentaux de la retraite par répartition, c’est l’aspect contributif. Aujourd’hui, l’on ne bénéficie d’une retraite que lorsque l’on a cotisé durant toute sa vie. Là, vous êtes dans un système purement gratuit, qui ne correspond à aucune cotisation liée à l’activité, ce qui est normal puisque les bénévoles sont par définition non rémunérés, et vous faites donc jouer la solidarité nationale. Elle joue déjà en partie dans le système des retraites, mais faut-il encore l’étendre, avec le coût que cela représente ? Vous avez une fourchette très basse à 400 millions, mais on peut arriver jusqu’à 3 milliards. Tout cela est relativement imprécis.

Vous connaissez les difficultés que nous avons pour équilibrer le régime général. Nous avons dit à l’occasion de la précédente proposition de loi combien nous étions satisfaits d’avoir retrouvé l’équilibre, après de nombreuses années d’errements, plus de onze années de déficit. Ce n’est pas le moment de tout remettre en question, même si, comme tous ceux qui proposent des dépenses d’ailleurs, vous faites appel pour trouver des recettes à l’article 575 du code général des impôts, qui concerne le prix du tabac, ce qui a fait l’objet d’un autre débat pas très ancien.

En conclusion, je propose à l’Assemblée de renvoyer en commission votre proposition, reconnaissant par là même qu’elle contient des éléments qui méritent d’être approfondis. Je la trouve en l’état trop imprécise,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Pas du tout !

M. Michel Issindou. …elle n’est pas financée, et le délai de mise en œuvre est impossible à tenir.

M. Philippe Folliot. Impossible n’est pas français !

M. Michel Issindou. Je ne veux pas y voir une quelconque intention malveillante. Je vous crois sincère et vous défendez vos arguments avec conviction, monsieur Favennec mais je ne voudrais pas que vous tiriez comme conclusion du renvoi en commission que l’UDI aime les associations et pas la majorité. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Nous avons beaucoup de respect et de reconnaissance pour ces millions de bénévoles qui animent nos cités, je l’ai dit et je le répète. Comme je l’ai souligné pour la proposition de loi précédente, que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez aux affaires au cours des deux mandats précédents ? Vous avez un regain d’idées généreuses et géniales maintenant que vous êtes dans l’opposition. Vous avez eu dix ans pour les mettre en place.

Ma conclusion sera donc positive, bien plus positive que pour la proposition de loi précédente : je propose au groupe majoritaire de renvoyer cette proposition de loi en commission pour un examen plus approfondi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur Issindou, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Dire que l’on aime le monde associatif, c’est bien ; le prouver, c’est mieux. Cette proposition de loi permet justement de concrétiser notre reconnaissance envers l’engagement bénévole.

Concernant l’aspect financier, il est de notre responsabilité de légiférer pour l’avenir.

M. Denys Robiliard. Et d’augmenter les dépenses !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Il faut arrêter d’avoir une vision à court terme des choses. Vous êtes-vous demandé les uns et les autres ce que serait notre société sans les associations, sans l’engagement bénévole ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce serait dramatique !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Qui pourrait prendre en charge cet engagement généreux, dévoué, qui fonctionne avec le cœur ?

M. Michel Issindou. Nous n’avons pas dit autre chose !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Aucune des collectivités, que ce soit la commune, le département ou la région, et je ne parle même pas de l’État, n’aurait les moyens de remplacer l’engagement bénévole.

Il y a quelque chose qui me touche toujours lorsque j’assiste à des assemblées générales, comme vous toutes et vous tous. Lorsque le trésorier fait le bilan financier de l’association, il y a un moment où il traduit en équivalents temps plein ce que représentent en emplois les heures de bénévolat.

M. Michel Issindou. Le bénévolat, c’est le bénévolat !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Sans reconnaissance, comment pourra-t-on assurer le fonctionnement des associations ? S’il y a des bénévoles mais qu’il n’y a pas de président et de trésorier, comment faites-vous ?

M. Philippe Vigier. C’est un bon argument !

M. Yannick Favennec, rapporteur. C’est vraiment un rendez-vous manqué, et je le regrette très sincèrement.

M. Philippe Vigier. C’est un abandon complet !

M. Yannick Favennec, rapporteur. Pourquoi voulez-vous qu’il y ait un divorce entre les bénévoles et les responsables associatifs ? Avec cette proposition de loi, au contraire, on va susciter des vocations,…

Plusieurs députés du groupe Union des démocrates et indépendants. Bien sûr !

M. Yannick Favennec, rapporteur. …et pas par effet d’aubaine, simplement parce que les femmes et les hommes qui s’engageraient, qui prendraient des responsabilités sauraient qu’il y a à l’arrivée une forme de reconnaissance.

Je trouve dommage qu’il faille renvoyer cette proposition de loi en commission.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Plus tard, toujours plus tard !

M. Yannick Favennec, rapporteur. On reporte toujours alors qu’il est nécessaire, urgent, de faire en sorte que l’engagement bénévole soit mieux reconnu dans notre pays. Nous allons ainsi, à terme, fragiliser l’ensemble du tissu associatif. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes présidents d’association, madame la présidente de la commission. Moi j’en rencontre tous les jours qui veulent passer la main et qui ne trouvent personne pour les remplacer.

M. le président. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Votre posture ce matin, monsieur Issindou, est un peu ennuyeuse.

Nous avons examiné une première proposition de loi, sur les retraites. Circulez, il n’y a rien à voir, on ne rentre pas dans le débat. Pas de dialogue, pas de co-construction parlementaire, ce qui honorerait notre assemblée.

Cette proposition de loi tend à aider le monde associatif, avec une notion de reconnaissance, très bien expliquée par Yannick Favennec et par Michel Zumkeller, qui est d’ailleurs partagée sur tous les bancs. Pensez à ces millions de bénévoles qui donnent un temps merveilleux pour la cohésion sociale, notion à laquelle vous vous référez sans cesse. Vous vous souvenez certainement que, lors de l’examen du texte sur l’économie sociale et solidaire défendu à l’époque par Benoît Hamon, nous avions apporté notre contribution et fait passer un certain nombre d’amendements tant nous pensons qu’au quotidien, le monde associatif joue un rôle fondamental.

La reconnaissance, je pense que les associations comprendront définitivement que le Gouvernement n’en a pas pour elles. Cela a été très bien dit : être président d’une association, être membre du bureau d’une association, c’est une très grande responsabilité, qui mérite reconnaissance.

Au moment où la cohésion sociale est menacée, au moment où la citoyenneté doit être plus forte, affirmée, confortée, circulez, il n’y a rien à voir, il est hors de question d’ouvrir le débat. C’est très dommageable.

Il ne faut pas nous opposer des questions financières ou budgétaires parce que la proposition de loi précédente, dans laquelle nous proposions de conforter le régime des retraites, permettait également d’apporter une solution pour ces bénévoles.

Plusieurs députés du groupe Union des démocrates et indépendants. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Nous regrettons votre position. Voyez l’image que vous donnez au moment où il faudrait travailler ensemble. Puisque vous ne voulez pas essayer d’emprunter ce chemin du travail partagé, les associations sauront dorénavant qui les aime et qui ne les aime pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Un renvoi en commission, c’est tout sauf un rejet. C’est au contraire retenir les principes mêmes de la proposition de loi telle qu’elle est proposée.

Je voterai le renvoi en commission pour avoir une certaine transparence des chiffres. Je voudrais savoir où nous allons.

Par ailleurs, le président et le trésorier ont une responsabilité en termes de gestion, pas les autres membres du bureau. Or vous nous dites, monsieur Favennec, que c’est ce qui fait la différence entre les membres du bureau et ceux qui n’y sont pas. Ce point, à lui seul, me pose un véritable problème.

Je dois appartenir à une vingtaine d’associations. Quand on est dans la vie publique, on est dans de multiples associations. Certaines sont très importantes, d’autres beaucoup plus légères. Vous auriez dû prévoir des plafonds.

Je pense donc qu’il faut renvoyer le texte en commission. C’est reconnaître le principe, mais on ne peut prendre de décision sans avoir la moindre indication sur le coût de la mesure.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Je ne comprends pas les termes que vous avez utilisés, monsieur Vigier. Depuis ce matin, nous avons tous souligné la qualité de nos échanges, et confondre une motion de rejet préalable et un renvoi en commission me semble préjudiciable. Si nous avons rejeté la première proposition de loi, c’est parce que nous divergeons sur des fondamentaux, et il n’y a pas de honte à cela en démocratie.

M. François Rochebloine. La rue de Solférino arrive pour le vote !

M. Christophe Sirugue. Nous avons souligné qu’il était intéressant de se préoccuper du monde associatif mais qu’il était également nécessaire de faire attention à ne pas prendre des mesures sans pouvoir en évaluer l’ensemble des conséquences. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion de renvoi en commission, que j’appelle les membres du groupe socialiste à voter.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Les Républicains.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comme pour la précédente proposition de loi, monsieur Issindou, vous refusez d’ouvrir le débat et, surtout, d’agir maintenant.

Plusieurs députés du groupe Union des démocrates et indépendants. Eh oui ! Dommage !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pourtant, cela concerne l’engagement associatif.

Vous dites que cette proposition va créer des inégalités entre salariés des associations et responsables. Non, elle concerne les bénévoles associatifs, lesquels manquent de reconnaissance.

Pour vous, semble-t-il, elle n’est pas suffisamment ciblée sur les bénévoles associatifs. Elle concerne les membres de bureau. Ceux-ci sont connus par déclaration en préfecture.

Elle coûterait cher. Les chiffres sont variables. Lorsque j’ai obtenu un vote unanime sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires en 2011, 200 000 volontaires au service de la nation, personne ne m’a parlé de coût.

Le signal que vous lancez aujourd’hui est dommageable pour les associations, qui souffrent de plein fouet de la baisse des dotations aux communes.

Le groupe Les Républicains ne votera pas la motion de renvoi, qui n’est pas un acte d’amour envers les associations.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Un renvoi en commission, ce n’est pas toujours – même si cela peut l’être – un enterrement de première classe. Certains textes présentés par le groupe écologiste dans le cadre d’une niche ont été renvoyés en commission. La loi Abeille, désormais votée et promulguée, avait d’abord été rejetée – en partie grâce aux voix du groupe UDI.

Cela avait aussi été le cas de la loi Sas sur les nouveaux indicateurs de croissance. Je n’ai d’ailleurs pas le souvenir que le groupe UDI ait apporté, à l’époque, un soutien massif à la proposition de loi écologiste. Après avoir été renvoyée en commission, elle fait aujourd’hui partie de notre dispositif et permet une meilleure appréhension et une meilleure prise en compte des outils mesurant l’activité et la croissance.

Mais j’ai un vrai problème désormais avec les niches. Hier, en commission des lois, une proposition de loi a été très opportunément présentée sur le génocide arménien. Mal rédigée, elle était à peine soutenue par le groupe qui la présentait. Quant à celle-ci, il n’y a pas de désaccord sur le fond, puisque le bénévolat associatif doit être reconnu. Mais il s’agirait là d’un changement d’ensemble pour l’économie du monde associatif. Or, il n’y a, dans votre proposition de loi, ni étude d’impact, ni dispositif solide. Je ne peux que souhaiter un travail plus approfondi, ce qui suppose un renvoi en commission.

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants45
Nombre de suffrages exprimés45
Majorité absolue23
Pour l’adoption23
contre22

(La motion de renvoi en commission est adoptée.)

(Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Quelle honte !

M. Philippe Vigier. À une voix près !

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion de la proposition de résolution tendant à amplifier la mobilisation collective en faveur de l’aide au développement ;

Discussion de la proposition de loi tendant à favoriser la baisse de la production de CO2 par le développement de l’effacement électrique diffus ;

Discussion de la proposition de loi organique tendant à faciliter la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly