SOMMAIRE
Présidence de Mme Sandrine Mazetier
1. Souhaits de bienvenue à M. le Premier ministre de la République d’Islande
Violences place de la République à Paris
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
M. Manuel Valls, Premier ministre
État d’urgence et contrôle parlementaire
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
Engagements de la COP21 pour l’Afrique
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
État d’urgence et mouvements sociaux
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
Hausse de la fiscalité sur le diesel
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Lutte contre le décrochage scolaire
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
3. Modernisation du système de santé
Suspension et reprise de la séance
4. Projet de loi de finances rectificative pour 2015 (suite)
Amendements nos 458 rectifié , 106 , 62 , 95 , 532
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Amendements nos 107 , 311 , 195 , 380, 384 , 50 , 383 , 472 rectifié , 194 , 61 , 96 , 17 , 457 , 561
Amendements nos 463 , 646 , 85 , 647 , 681 , 108 , 312
Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
Amendements nos 45 , 193 , 684 , 450 , 530 , 464 , 682 , 683 , 471 , 385 , 386 , 387 , 466 , 475
Amendements nos 169 , 30 , 172 , 55 , 109, 110, 111 , 231 , 208 , 674 , 709 rectifié (sous-amendement) , 724 (sous-amendement) , 710 rectifié (sous-amendement) , 725 (sous-amendement) , 144
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 531 , 367 , 350 , 508 , 509 , 149 , 369 , 535 , 3 , 313 , 28
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mme la présidente. Je suis heureuse de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à M. Sigmundur David Gunnlaugsson, Premier ministre de la République d’Islande. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous informe que nous procèderons au vote solennel sur le projet de loi relatif à la santé immédiatement après les questions au Gouvernement. Je ne suspendrai donc pas la séance.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Cochet. Monsieur le Premier ministre, notre pays est en guerre. Nos assemblées ont voté l’état d’urgence dans un esprit de concorde nationale. Dans ce contexte, la préfecture de police de Paris a interdit, dimanche 29 novembre, une manifestation.
Vos discours martiaux et ceux du Président de la République se succèdent, mais que constatons-nous ? La manifestation interdite a eu lieu.
M. Jacques Myard. Eh oui !
M. Philippe Cochet. Des voyous d’extrême gauche,…
M. Franck Gilard. Pléonasme !
M. Philippe Cochet. …cagoulés ou masqués, ont pu se réunir et infiltrer cette manifestation interdite alors que nous sommes en plein état d’urgence.
Ces voyous, ces ennemis de la République, ont saccagé le mémorial improvisé situé en plein cœur de Paris, place de la République, alors que les obsèques des victimes des attentats ne sont pas encore terminées.
L’abject a eu lieu. C’est un affront insupportable fait aux victimes et au peuple de France, qui ne peuvent plus accepter que l’État soit défaillant.
J’ai honte de ce qui s’est passé. J’ai honte en pensant aux victimes, en pensant à nos compatriotes profondément choqués par les attentats des 7 et 9 janvier, du 26 juin et du 13 novembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
À ce jour, 317 interpellations ont eu lieu et 174 gardes à vue, dont 9 prolongées, ont été décidées. Une fois de plus, la réaction a eu lieu, mais après.
Gouverner, c’est prévoir. L’autorité ne se paye pas de mots mais d’actes. Quand on est en guerre, on doit d’abord et surtout s’occuper de la protection des Français.
Monsieur le Premier ministre, dans le contexte où nous sommes, comment pouvez-vous justifier cette faute grave de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, l’autorité, l’outrance et l’énervement ne sont pas des notions qui se superposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
L’autorité, c’est de prendre des décisions claires et de les assumer, ce que nous avons fait dans le cadre de l’état d’urgence. Ces décisions, je veux les rappeler ici.
Nous avons interdit les manifestations, et j’ai donné instruction aux préfets, dans le contexte de cette grande conférence internationale qui mobilise la société civile depuis des mois, que puissent se tenir, dans le cadre d’un dialogue avec les organisations non gouvernementales et les associations pacifiques, non des manifestations ou des déambulations, mais des rassemblements pacifiques ; il y en a eu soixante pendant le week-end, auxquels ont participé des militants d’organisations non gouvernementales et des militants écologistes pacifiques. Ils se sont bien passés, tout comme le rassemblement et la chaîne humaine pacifiques place de la République à Paris, jusqu’à ce qu’un groupe de casseurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains),…
M. Guy Teissier. Des anarchistes !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. …totalement irrespectueux de la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans les attentats, se livrent, avec une extrême violence, à un jeu qui doit être condamné avec la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ces actes, je les ai donc condamnés avec la plus grande fermeté, et, contrairement à ce que vous dites, ils ont conduit les forces de l’ordre à intervenir courageusement pour mettre hors d’état de nuire ces individus qui ont été, sous l’autorité du procureur de la République, placés en garde à vue.
M. Christian Jacob. Il fallait anticiper !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’autorité de l’État c’est, dans le respect du droit et sous l’autorité des procureurs de la République, de faire valoir le droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), ce n’est pas l’énervement ni l’outrance, ce ne sont pas les accusations sans fondement qui ont présidé à votre question. Aussi fallait-il rappeler ce qui s’est exactement passé. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Préalablement à cette manifestation, j’avais d’ailleurs décidé vingt-six assignations à résidence, non pour des militants écologistes, mais pour des casseurs. (Mêmes mouvements.) Nous avions donc pris toutes les précautions, nous avons été fermes, et nous le demeurerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Christophe Bouillon. Monsieur le Premier ministre, la COP21 a commencé. C’est un rendez-vous international dont la planète est tout à la fois le sujet, l’objet et le projet. On peut résumer ainsi le constat partagé par ses participants : le changement climatique, c’est maintenant.
Les derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, nous montrent que ce constat est désormais irréfutable et sans équivoque. Chacun connaît les impacts du dérèglement climatique en cours : inondations, phénomènes climatiques extrêmes, hausse du niveau de la mer, perte de biodiversité et déplacements de populations.
Face à ce constat accablant, nous ne pouvons demeurer les bras ballants ou croisés : il y a un combat à mener – c’est même le combat du siècle. On peut le traduire par l’impératif de limiter l’augmentation de la température moyenne de la Terre à 2 degrés Celsius. Cela passe par une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce combat, la France est mobilisée comme jamais : l’équipe France est sur le pont. Il faut saluer le rôle du Président de la République, le vôtre, monsieur le Premier ministre, ainsi que le formidable déploiement diplomatique de Laurent Fabius, président de la COP21, et l’action de Ségolène Royal, qui conduit la délégation française et qui assure la mobilisation autour de l’agenda des solutions.
Cette mobilisation vise à obtenir un accord que nous voulons universel, ambitieux, contraignant, c’est-à-dire vérifiable, différencié et financé.
La voix de la France porte, car nous sommes exemplaires. Dans l’avant-garde que constitue l’Union européenne, la France est reconnue et saluée comme exemplaire depuis le vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Cette loi est une formidable boîte à outils qui doit permettre à la France de tenir ses engagements européens – et même d’aller au-delà – tout en définissant une stratégie bas carbone tout à la fois riche en emplois et bonne pour l’environnement.
Le plaidoyer pour le climat est tout sauf le procès de l’énergie.
On ne part donc pas de rien, mais, bien évidemment, rien n’est gagné. La négociation est engagée ; elle mérite que nous poursuivions nos efforts jusqu’au bout.
Monsieur le Premier ministre, quels sont le message et la feuille de route de la France pour la justice climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous venez de le rappeler, la conférence pour le climat vient de s’ouvrir à Paris, au Bourget. Comme vous l’avez également rappelé, notre ambition est de réussir ce rendez-vous et d’être à la hauteur de ce défi historique.
Bien sûr, nous sommes tous mobilisés : le Président de la République, Laurent Fabius et Ségolène Royal, tout le Gouvernement, mais également beaucoup de parlementaires, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les citoyens. En effet, l’enjeu est colossal car ce qui est en cause c’est, bien sûr, l’avenir de l’humanité. Lutter contre le dérèglement climatique, c’est en effet agir pour la survie de notre planète.
Chacun le voit et le sait : ce dérèglement n’est pas un fantasme mais une réalité – en France, en Europe et dans le monde. C’est particulièrement vrai en Europe, car l’automne sur ce continent n’a jamais été aussi clément. En outre, les sept premiers mois de 2015 ont été les plus chauds jamais enregistrés à la surface du globe.
Comme cela a été rappelé hier par de nombreux chefs d’État et de gouvernement, les premières victimes du dérèglement climatique et de ses manifestations que sont les inondations et les sécheresses sont, bien sûr, les populations les plus fragiles.
La France devra convaincre 195 pays de mettre de côté leurs préoccupations de court terme afin que nous protégions ensemble, car c’est notre bien commun, le climat.
D’ores et déjà, 184 pays, représentant près de 95 % des émissions mondiales, ont déposé leur programme de mesures unilatérales en faveur du climat.
L’accord de Paris ne peut pas être une simple déclaration politique. Le Président de la République l’a dit hier avec force : cet accord doit être universel, différencié – notamment entre le Nord et le Sud – et contraignant.
Nous avons donc besoin d’un accord ambitieux, qui prenne en compte les spécificités de chaque pays afin que chacun s’engage pour le climat. L’objectif est clair : limiter le réchauffement climatique à 2 degrés – voire à 1,5 degré, comme le réclament par exemple les pays du Pacifique, qui pourraient être submergés.
Les engagements actuels ne permettent pas d’atteindre cet objectif : l’accord doit donc prévoir une mécanique qui permette de renforcer les engagements pris. La première journée de la COP21 a été l’occasion de donner, me semble-t-il, grâce à l’expression des chefs d’État et de gouvernement, l’impulsion politique nécessaire.
Mesdames et messieurs les députés, réussir ce rendez-vous suppose de répondre à l’enjeu du financement, qui est majeur. La journée d’hier a également permis d’avancer sur ce thème du financement de la transition énergétique, avec l’augmentation significative des investissements publics et privés dans les énergies propres. Dix-neuf États se sont ainsi engagés à doubler, en cinq ans, le budget alloué à la recherche et développement dans le domaine de la transition énergétique.
Enfin, nous le savons, les pays du Sud ne s’engageront que si les financements sont réunis, et c’est un des enjeux majeurs des jours prochains. Le concert des nations a rendez-vous avec l’histoire, et ce rendez-vous a lieu en France, dont le rôle, aux côtés d’autres pays comme des Nations unies, sera décisif.
Nous sommes l’hôte de ce grand événement. Notre voix porte dans le monde, et nous devons être à la hauteur de notre responsabilité : une espérance s’est levée, et vous pouvez naturellement croire, monsieur le député, en l’engagement absolu et total de la France pour la réussite de ce rendez-vous majeur pour l’avenir de la planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.
M. Paul Molac. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a voté il y a quinze jours, ici même et à la quasi-unanimité, la prolongation et la modification des règles applicables à l’état d’urgence.
Les attentats, comme la menace permanente qui pèse sur notre pays, le justifient pleinement afin d’arrêter les terroristes qui se trouvent encore en liberté et de démanteler les filières. Parmi les dispositions adoptées figurent des mesures destinées à protéger et à garantir les libertés publiques : suppression des dispositions qui touchaient à la liberté de la presse ainsi que de celles relatives à la justice militaire, mais également instauration du principe d’un contrôle parlementaire régulier.
L’état d’urgence n’est, en aucun cas, l’absence de l’État de droit. Cependant, des informations font état d’une application trop large de certaines mesures. Le ministre de l’intérieur a d’ailleurs éprouvé le besoin d’envoyer une circulaire à tous les préfets afin de préciser les conditions d’application des perquisitions administratives et des assignations à résidence.
Nous nous interrogeons fortement sur certains cas précis qui touchent notamment des militants, sans aucun lien a priori avec le djihadisme,…
M. Bernard Accoyer. A priori !
M. Paul Molac. …qui, en Dordogne comme à Rennes, ont été perquisitionnés ou assignés à résidence.
Par ailleurs, comment comprendre le refus du tribunal administratif de Rennes de juger en référé des mesures d’assignation à résidence prises à l’encontre de militants anarchistes ?
Il nous semble donc important d’aller plus loin et de concrétiser le principe du contrôle parlementaire adopté sur l’initiative du président de la commission des lois de notre assemblée.
Monsieur le Premier ministre, comment envisagez-vous ce contrôle parlementaire, au niveau national – il pourrait éventuellement s’opérer au moyen d’une commission spéciale – mais également au niveau local ? Les préfets accepteraient-ils de réunir régulièrement les parlementaires de leur département afin de les informer des mesures qu’ils ont été amenés à prononcer ?
Ce contrôle est nécessaire pour préserver aussi bien l’efficacité des forces de sécurité que la confiance des Français dans le maintien des libertés individuelles et collectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je vous remercie beaucoup de cette question. Y répondre me permettra de donner des éléments extrêmement précis sur la manière dont l’état d’urgence est mis en œuvre et contrôlé.
Tout d’abord, nous nous trouvons face à un niveau de menace très élevé, qui appelle, sur tous les bancs de cet hémicycle, une responsabilité collective. Il implique également que les forces de sécurité qui sont placées sous ma responsabilité soient, en cas de manifestation, mobilisées exclusivement par la lutte antiterroriste.
Je ne veux ni ne peux accepter que ces forces puissent aujourd’hui prendre en charge, dans l’espace public, des casseurs, parce que ceux-ci ont décidé, dans l’irrespect complet – y compris de la mémoire de ceux qui sont tombés –, de leur jeter des projectiles et de s’en prendre à l’État ainsi qu’à ceux qui l’incarnent en raison de l’uniforme qu’ils portent. Je ne l’accepterai jamais.
M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et tous ceux qui l’acceptent sur ces bancs, dont M. Mamère qui s’agite,…
M. Noël Mamère. Je n’ai rien dit de tel !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. …sont dans l’irresponsabilité totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Je tiens à le dire très clairement ici.
Je tiens également à préciser que toutes les dispositions ont été prises par mes soins pour que l’état d’urgence soit respecté dans ses principes. J’ai effectivement adressé des circulaires aux préfets, et les personnes qui font l’objet de ces mesures peuvent saisir le juge administratif en référé. Chaque fois que celui-ci l’a été, qu’il s’agisse de mesures concernant l’interdiction des manifestations, les assignations à résidence ou les perquisitions, il s’est prononcé en indiquant que l’État avait respecté le droit de la façon la plus absolue.
M. Sylvain Berrios. Arrêtez votre bla-bla !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par conséquent, quiconque prétend autre chose est dans la contre-vérité. Il y aura un contrôle parlementaire : j’ai indiqué au président Urvoas que nous donnerions tous les éléments nécessaires pour que ce contrôle puisse aller à son terme.
Concernant les militants écologistes, aucun n’a fait l’objet d’une assignation à résidence : les mesures d’assignation à résidence qui ont été prononcées l’ont été à l’égard d’individus violents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le Président de la République a engagé, il y a une dizaine de jours, une tournée diplomatique auprès de nombreux pays étrangers, alliés ou non, dont on peut dire que les fruits sont hélas maigres. Il a reçu hier 150 chefs d’État, ayant des entretiens bilatéraux avec certains d’entre eux, précisant que la crise que nous vivons serait également abordée, et pas seulement les enjeux climatiques.
Pourtant, je n’ai vu nulle part dans la presse relater un échange, soit lors d’un déplacement, soit lors d’un entretien bilatéral à Paris, avec le président turc, M. Erdogan. C’est étonnant parce que la participation de la Turquie à la lutte contre Daech est absolument indispensable si l’on veut avoir quelques chances de succès.
Or la Turquie, membre de l’OTAN, est à ce titre censée être notre alliée. Elle est membre, depuis 1996, d’une union douanière qui lui donne facilité de commerce avec l’Union européenne. Elle aspire à devenir membre de l’Union européenne et un accord, que l’on peut discuter, vient d’être conclu, semble-t-il, entre l’Union européenne et la Turquie ce week-end.
Mais force est de constater l’ambiguïté de la position turque. Le président Erdogan a largement ouvert les frontières turques, créant la crise migratoire la plus importante que nous connaissons depuis la Seconde guerre mondiale, mais les a tenues fermées aux Kurdes qui souhaitaient combattre Daech – nous nous souvenons tous des images de la lutte devant Kobané. Il maintient ces frontières très ouvertes, en revanche, lorsqu’il s’agit des combattants ou des volontaires qui viennent d’Europe pour rejoindre Daech, et laisse également passer, dans l’autre sens, à la fois des terroristes et du pétrole.
Monsieur le Premier ministre, il nous semble impératif qu’il y ait une clarification avec M. Erdogan de la part de la France ; vous l’appeliez vous-même de vos vœux il y a quelques jours. Les Turcs sont-ils encore nos alliés ? Sont-ils vraiment nos alliés dans ce combat contre Daech ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, la Turquie est depuis longtemps – en tout cas nous la voyons ainsi – un partenaire stratégique de la France et de l’Union européenne.
M. Jacques Myard. Je sens qu’on va avoir droit à de la langue de bois !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre relation s’inscrit, depuis de nombreuses années – je pense notamment au rôle du président Jacques Chirac –, dans une logique de partenariat et de coopération. Si nous voulons apporter une solution à la crise syrienne, nous avons besoin de discuter avec tous. Chacun doit participer à cette coalition, à cette coordination, et se joindre dans la plus grande clarté à tous les efforts nécessaires dans la lutte contre l’État islamique, contre Daech.
C’est donc vrai en matière de lutte contre le terrorisme, alors que nos deux capitales ont été frappées à quelques semaines d’intervalle par des attentats sans précédent. Ce point – faire de la lutte contre Daech une priorité – doit être clair pour l’ensemble des partenaires avec lesquels nous discutons : cela vaut pour la Turquie comme pour l’ensemble de nos partenaires.
L’afflux massif de réfugiés constitue un autre défi conjoint. Nous devons épauler la Turquie, comme nous le faisons avec tous les autres pays voisins de la Syrie – en particulier le Liban et la Jordanie –, dans l’effort incontestable que ces pays fournissent en matière d’accueil des réfugiés.
C’est le sens de l’aide européenne, d’un montant de 3 milliards d’euros, qui sera versée au fur et à mesure des engagements pris par la Turquie pour garantir des conditions de vie dignes et humaines aux réfugiés qui sont accueillis sur le sol turc et pour lutter contre les réseaux de passeurs. C’est aussi le sens du plan d’action sur les migrations qui a été adopté à l’occasion du sommet Union européenne-Turquie ce dimanche et auquel vous faisiez référence.
Je veux être précis car il s’agit d’engagements précis : lutte contre l’immigration irrégulière, application stricte de l’accord de réadmission, renvoi des migrants économiques vers leur pays d’origine, renforcement de la lutte contre les réseaux de trafiquants. Ce plan doit être mis en œuvre au plus vite, et nous y veillerons tout particulièrement.
Cette coopération est indispensable. Il faut lever les ambiguïtés afin que les choses soient claires ; mais s’il n’y a pas de coopération, nous ne réglerons aucun des problèmes qui sont des défis considérables pour la Syrie d’abord, mais aussi pour l’Europe. Il ne peut pas y avoir de chantage à l’adhésion. Comment peut-on penser qu’il existe un tel troc sur des sujets aussi lourds et sensibles ?
M. Claude Goasguen. Ce n’est pas clair !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Jamais la France n’aurait accepté une telle chose. Les conditions de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne n’ont pas été modifiées, je me permets de le rappeler. Le processus est engagé depuis plusieurs années, vous ne l’ignorez pas. Comme vous le savez, quatorze chapitres sur trente-cinq ont été ouverts, et un a été fermé. Je vous rappelle à nouveau, car j’ai déjà eu l’occasion de le faire ici-même, que onze chapitres ont été ouverts sous la législature précédente,…
M. Claude Goasguen. C’est vrai et c’est bien triste !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …et un seul depuis 2012. Il n’y a pas de raison d’accélérer ce processus, ni de le ralentir ; le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé très clairement dimanche. L’issue de ces négociations est incertaine, mais l’adhésion turque sera de toute façon soumise à l’approbation par référendum du peuple français le moment venu.
Sur ces sujets, monsieur le député, nous sommes face à des dossiers particulièrement sensibles : chacun doit participer à la lutte contre le terrorisme et à la lutte contre Daech. Le rôle de la France, et c’est sa force, c’est de parler à tous, de ne pas créer des divisions – elles existent déjà dans le monde arabo-musulman entre chiites et sunnites – afin que chaque pays, notamment les voisins, assume pleinement ses responsabilités.
M. Claude Goasguen. Ils ne le feront pas !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La voix de la France est forte : elle se fait entendre, monsieur le député, et vous devriez le souligner aussi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre de l’intérieur, quand un État de droit est confronté à des menaces mettant en cause directement la vie de ses populations et les activités du pays, que ces menaces visent le modèle de société que les citoyens se sont librement donné, cet État ne peut pas ne pas se défendre, et il doit se défendre !
Nous nous félicitons tous de la capacité des services de l’État à assumer, en pleine responsabilité, cette exigence, tout en ayant, à l’occasion de l’ouverture de la COP21, organisé et sécurisé remarquablement l’accueil de 150 chefs d’État : ils doivent en être chaleureusement félicités.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pour un État de droit, faire face aux menaces qui veulent le détruire est un défi extrêmement complexe. Les Français approuvent massivement les mesures que rend possible l’état d’urgence. Ils savent que le Président de la République, le Gouvernement comme toutes les institutions de notre République – dont notre Parlement ! – sont garants et protecteurs de cet État de droit.
Mais nous savons que ces mesures sont, par nature, exorbitantes du droit commun. Comment prenez-vous en compte cette difficulté, monsieur le ministre ? De quelle manière le Gouvernement entend-il disposer des moyens que lui donne, exceptionnellement et pour un temps déterminé, la loi prolongeant l’état d’urgence, sans compromettre les fondements mêmes de notre démocratie ?
Pourriez-vous nous éclairer sur les objectifs que vous fixez à l’utilisation des procédures administratives, notamment l’assignation à résidence et les perquisitions, sur les circonstances et les éléments susceptibles de les justifier, ainsi que sur leurs conséquences ?
Nous partageons avec le Gouvernement la volonté – et nous affirmons cette volonté ! – que, pour défendre notre pays et notre peuple, les armes de la République n’entament ni l’État de droit ni la démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison d’indiquer que c’est pour défendre l’État de droit que l’état d’urgence, prévu par le dispositif juridique français, a été mobilisé. Cet état d’urgence permet ainsi de prendre des mesures de police administrative, lesquelles permettent de démanteler des réseaux et de mettre hors d’état de nuire des individus.
Il s’agit essentiellement de deux types de mesures : les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Ces mesures ont été prises sous le contrôle du juge administratif, lequel est, dans le temps long de l’histoire de la République, le juge des libertés publiques, comme en témoignent de grands arrêts de la jurisprudence administrative tel l’arrêt Benjamin ou l’arrêt Canal, qui ont montré la capacité du juge administratif à contrôler le respect des libertés publiques dans des contextes où celles-ci pouvaient être remises en cause.
C’est ainsi que l’ensemble des citoyens peut saisir en référé le juge administratif pour contrôler les conditions dans lesquelles les mesures de police administrative sont mises en œuvre. Le juge administratif a été saisi à plusieurs reprises en référé et, à chaque fois qu’il l’a été, il a considéré que les conditions dans lesquelles les mesures avaient été mobilisées par le Gouvernement étaient tout à fait conformes au droit.
Par ailleurs, j’ai indiqué aux préfets que je n’accepterai pas que les conditions dans lesquelles les perquisitions et les assignations à résidence sont mobilisées contreviennent à l’esprit de l’état d’urgence, au respect des règles de droit – j’y veille personnellement.
Enfin, il y a un contrôle parlementaire puissant, souhaité comme tel par le président de la commission des lois et accepté par le Gouvernement qui s’est engagé et s’est organisé pour fournir en continu au président Urvoas et aux parlementaires qui exercent ce contrôle l’ensemble des éléments témoignant de la motivation des décisions prises. Ainsi, nous serons garantis que nous protégeons les Français dans le respect rigoureux des grands principes généraux du droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe Les Républicains.
M. Dominique Tian. Monsieur le Premier ministre, les chiffres du chômage d’octobre viennent de tomber comme un couperet : 42 000 chômeurs en plus. C’est la pire hausse depuis deux ans. La France compte désormais 3 800 000 chômeurs. Aujourd’hui même, l’Allemagne vient de publier son plus faible taux de chômage depuis la réunification, à 6,3 % de chômeurs. L’Italie a annoncé avoir créé 260 000 emplois, et l’Espagne 550 000. En France, depuis le début du quinquennat, ce sont 700 000 chômeurs de plus.
Les raisons de cette situation sont connues, et votre politique ne marche pas. La formation professionnelle est en panne. Notre droit du travail, qui compte 10 600 articles, est complexe et vous peinez à le réformer. De fait, ce dossier, que vous qualifiez pourtant d’urgent, n’avance pas. Votre politique sur le terrain est assez incohérente puisque, d’un côté, vous demandez aux collectivités locales d’être vos partenaires mais, de l’autre, vous ne financez plus les maisons de l’emploi et vous multipliez les procédures administratives et les retards de paiement pour les acteurs de terrain.
Ainsi, l’équilibre financier des missions locales est en jeu. À titre d’exemple, la mission locale de Marseille, l’une des plus grandes avec celle de Seine-Saint-Denis, qui expérimente avec vous la garantie jeunes, n’arrive même pas à se faire payer par l’État pour les travaux effectués il y a déjà quelques années. Pour les sommes dues au titre du Fonds social européen, le retard est également de plusieurs années. Cela représente des sommes énormes pour les collectivités locales qui ont joué le jeu, notamment s’agissant de la garantie jeunes. Nous voilà obligés à Marseille de saisir le tribunal administratif, comme vingt et une autres missions locales.
On nous annonce désormais que l’on va compléter le mille-feuille actuel, comme le dit le Conseil économique et social, avec la création des territoires dits « zéro chômage de longue durée ».
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand comptez-vous mettre un peu d’ordre dans ces politiques et passer à l’action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Guy Geoffroy. Et du chômage !
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous le savez, pour faire baisser durablement le chômage, il faut deux préalables. Le premier, c’est la croissance. (« Eh oui ! sur les bancs du groupe Les Républicains.) Sur les trois premiers trimestres 2015, cette croissance est à 1,1 %. Le second, c’est que l’économie crée de l’emploi. En un an, il y a eu 50 000 créations nettes d’emploi. Cela montre que la confiance repart,…
M. Christian Jacob. Expliquez-le aux chômeurs !
Mme Myriam El Khomri, ministre. …mais que les chefs d’entreprise sont aujourd’hui prudents, puisque ces embauches se font majoritairement en CDD ou en intérim. C’est ce qui explique les variations extrêmement fortes d’un mois à un autre. Vous le savez, conforter cette confiance en direction des entreprises, c’est tout le sens du projet de loi relatif au travail que je présenterai au premier semestre 2016 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), lequel vise précisément à permettre de renforcer l’adaptation des entreprises au plus près et à faire que la confiance, concrètement, soit moins timide.
Le pacte de responsabilité, le CICE et cette réforme du droit du travail nous permettront de la restaurer. Nous y parviendrons. Depuis le début de l’année, le chômage des jeunes a diminué, avec 20 000 inscrits en moins.
M. Philippe Meunier. Mensonge !
Mme Myriam El Khomri, ministre. La garantie jeunes, que vous citiez, y est pour beaucoup. C’est un dispositif auquel nous tenons – j’y tiens, les collectivités locales, les entreprises et les missions locales y tiennent. Il y a eu 35 000 jeunes suivis dans le cadre de la garantie jeunes ; il y en aura 60 000 en plus l’an prochain. S’agissant du problème que vous soulevez, notamment du Fonds social européen, je vous rappelle que, dans le cas des Bouches-du-Rhône, la Commission européenne a prononcé la levée de la suspension et que mon ministère a réagi en permettant la réalisation de différents objectifs.
Restaurer la confiance des entreprises, cibler les formations vers le public qui en a le plus besoin et travailler en direction des jeunes sortis du système scolaire, telles sont nos priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
M. Marc Francina. Baratin !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Mme Jeanine Dubié. Madame la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, la Conférence de Paris sur le climat, la COP21, a officiellement débuté hier ; elle accueillera près de 150 chefs d’État et 45 000 personnes. La France s’affiche ainsi à la tête de la plus grande alliance pour le climat. Outre l’objectif clé, qui est d’aboutir, pour la première fois, à un accord universel et contraignant, qui permettrait de contenir le réchauffement climatique à 2 degrés, la COP21 sera l’occasion de favoriser la solidarité et la coopération internationale, notamment en direction des pays du continent africain.
L’Afrique subit effectivement un triple paradoxe. D’abord, en termes de responsabilité, c’est le continent qui émet le moins de gaz à effet de serre, avec moins de 3 % des émissions mondiales. Ensuite, en termes de vulnérabilité, si le continent africain est le moins pollueur, il est pourtant la première victime du changement climatique, dont les effets sont dévastateurs pour l’avenir de ses jeunes, quand les moins de 20 ans représentent 50 % de sa population. Enfin, en termes d’accès à l’énergie, si l’Afrique possède le plus grand potentiel de développement d’énergies renouvelables, ce sont les trois quarts de sa population qui sont privés d’électricité.
Pour donner l’exemple, le Président de la République s’est engagé, en septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, à renforcer notre aide au développement de 4 milliards d’euros supplémentaires, afin de parvenir aux 100 milliards de dollars par an, à l’horizon 2020, promis par les pays riches.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure la COP21 permettra de mobiliser des financements en faveur de projets concrets en agriculture, sur les technologies vertes ou les énergies renouvelables, qui bénéficieront aux pays pauvres et vulnérables, notamment du continent africain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Madame la députée, vous avez raison, la question des financements sera au cœur de la négociation de la COP21. C’est d’ailleurs pour cela que, dès l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, en septembre dernier, le Président de la République avait annoncé que nos contributions en faveur du climat, entre 2014 et 2020, passeraient de 3 à 5 milliards d’euros. Il est évident qu’une part substantielle de ces contributions ira à l’Afrique, qui est le continent le plus vulnérable.
Au-delà des questions financières, il s’agit d’apporter des réponses concrètes, dès l’an prochain. C’est pour cela que ce matin, à la suite des réunions qui se sont tenues à Malte, nous avons rencontré, avec le Président de la République, quinze chefs d’État africains pour soutenir des projets concrets. Le Président a annoncé ce matin que l’une des priorités serait de soutenir le projet destiné à développer les énergies renouvelables en Afrique. La France y investira 2 milliards d’euros, d’ici à 2020, pour financer plus de 10 gigawatts supplémentaires par année.
Il y a d’autres projets concrets, comme celui de la Grande muraille verte, dont nous parlons souvent, celui du lac Tchad ou du fleuve Niger, qui ont pour objectif de lutter contre la désertification et la déforestation.
M. Marc Francina. Vous rêvez !
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Le Président a également annoncé ce matin le triplement des financements en faveur de l’adaptation, laquelle est au cœur du sujet, car il est question, avec la COP21, non seulement d’atténuation, mais aussi d’adaptation.
M. Philippe Meunier. Ce sont des impôts en plus !
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. J’aurai le plaisir de lancer ce soir, avec d’autres pays européens, un système d’alerte précoce. C’est une initiative que la France a annoncée lors de la conférence de Sendai. Il s’agit de permettre à plus de 1 milliard de personnes d’être sauvées demain par des systèmes d’alerte. Nous réunirons pour cela 100 millions d’euros.
M. Philippe Meunier. Et pour les chômeurs, que faites-vous ?
Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Plus de 80 pays seront concernés. La France est donc mobilisée ; la France s’engage ; la France est responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Menuel, pour le groupe Les Républicains.
M. Gérard Menuel. Monsieur le Premier ministre, ces dernières semaines ont été chargées en matière de politique étrangère, tellement chargées que nous avons assisté à de nombreux revirements : le plus marquant est le nouveau rapprochement avec la Russie. Le Président de la République et votre gouvernement refusaient en effet jusqu’ici toute coopération avec ce pays sur le plan international. Votre intransigeance a ainsi notamment coûté à notre pays plusieurs centaines de millions d’euros rien que dans l’affaire des frégates Mistral. Mais la donne a changé : dorénavant, touchés par le terrorisme, nos deux pays ouvrent un nouveau chapitre dans leur relation bilatérale. La guerre déclarée contre l’ennemi absolu, l’État Islamique, nous oblige à revoir notre politique internationale.
Pourtant, monsieur le Premier ministre, cela fait des mois que nous vous demandions d’apaiser les relations avec la Russie. Aujourd’hui, le Président de la République l’a dit, et vous aussi : nous sommes en guerre. Celle-ci ne peut être gagnée sans une grande coalition regroupant des pays occidentaux, la Russie, l’Iran et des pays du Moyen-Orient.
Mais la politique que vous avez menée jusqu’ici n’a pas eu des conséquences qu’au niveau de la vente des Mistral, elle en a eues aussi sur nos agriculteurs. En effet, la Russie, en réponse à votre politique intransigeante, a imposé un embargo sur nos produits agricoles. Nos agriculteurs, plus que tous les autres agriculteurs européens, en souffrent. Ils ont été touchés de plein fouet par ces décisions.
La semaine dernière, mon collègue Axel Poniatowski vous avait déjà posé une question similaire, à laquelle vous n’aviez pas répondu. Maintenant que nos deux pays se rapprochent enfin, allez-vous être cohérent en levant les sanctions économiques à l’égard de la Russie et permettre ainsi à nos agriculteurs de restaurer leurs échanges commerciaux avec ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, il faut suivre de près la politique étrangère de la France (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),…
Un député du groupe Les Républicains. On essaye !
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. … et en faisant donc une analyse honnête, on constate que nous échangeons avec la Russie depuis de longs mois et même depuis de longues années : c’est vrai sur le nucléaire iranien, où nous avons négocié en permanence avec la Russie ; c’est vrai sur la question de la crise ukrainienne, où le Président de la République, avec d’autres, a été à l’initiative du « format Normandie » qui inclut la Russie dans les négociations ; c’est vrai aussi pour la Syrie puisque nous sommes depuis longtemps demandeurs d’une coordination de notre action militaire contre Daech, mais à condition que ce soit bien cette organisation qui soit effectivement visée, ce qui n’est pas encore le cas dans la politique de la Russie.
Nous pensons que les événements récents peuvent conduire à un changement à Moscou. Mais, vous le voyez, monsieur le député, contrairement à ce que vous laissez entendre, les sanctions ne tombent pas du ciel ; elles s’inscrivent dans un contexte politique très particulier : le processus de Minsk et la coordination avec nos vingt-sept partenaires de l’Union européenne sur le sujet. Ce n’est que dans ce cadre que les sanctions pourront être levées.
Nous savons par ailleurs parfaitement que ces sanctions ont un impact très fort sur certains secteurs industriels et agricoles, ainsi que sur des régions. En matière agricole, même dans les temps les plus favorables, la Russie ne représentait qu’un peu plus de 1 % des exportations de notre pays. Mais ces exportations n’en ont pas moins une grande importance pour ceux qui sont concernés. C’est pourquoi je mène, avec Stéphane Le Foll, une diplomatie des terroirs pour ouvrir de nouveaux marchés, obtenir des agréments et trouver ensuite d’autres débouchés. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Diplomatie des terroirs, diplomatie économique et diplomatie politique vont ensemble. C’est la seule manière dont un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU peut travailler sur ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Christophe Sirugue. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, nous allons nous prononcer dans quelques instants sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Celui-ci a fait l’objet de très nombreuses rencontres, de très nombreux échanges, de très nombreuses auditions à votre initiative et à celle des parlementaires au cours de son cheminement, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, pour enfin revenir ici même. Nous avons apprécié l’évolution qu’il a été possible d’imprimer tout au long de nos échanges et, surtout, nous tenons aux trois piliers sur lesquels s’appuie le texte.
Le premier pilier, c’est la prévention : prévention pour la santé des jeunes ; prévention du tabagisme ; prévention à l’encontre des addictions fortes, autre élément extrêmement important.
Ce texte, nous l’avons voulu fort également sur la proximité, avec des mesures importantes pour le service public hospitalier, la création des communautés professionnelles territoriales de santé et aussi bien sûr le tiers payant, souhaité par sept Français sur dix.
Enfin, nous avons souhaité renforcer les droits des patients avec la reconnaissance des associations de patients, l’action de groupe et le droit à l’oubli.
Madame la ministre, vous avez dit au cours de vos échanges avec les députés que vous entendiez traduire avec ce texte une volonté de réforme, d’action. Nous en sommes évidemment partisans. Quelles conséquences cette réforme aura-t-elle sur le quotidien de nos concitoyens et quelles déclinaisons concrètes pouvons-nous attendre de cet important texte ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, l’excellence de notre système de santé n’est plus à démontrer. Mais notre responsabilité collective, c’est qu’elle se maintienne face aux défis que nous avons à relever. Nous le devons aux professionnels de santé. Nous le devons aussi aux Français, qui attendent plus de prévention. Vous avez à juste titre insisté sur les mesures de ce texte de loi qui vont dans le sens de la prévention pour garantir une meilleure égalité face à la santé : je pense à la mise en place d’un parcours éducatif en santé, à la possibilité pour les enfants d’avoir désormais un médecin traitant de l’enfant, aux mesures de lutte contre le tabagisme, à la mise en place d’un étiquetage nutritionnel pour lutter contre l’obésité. Voilà des mesures qui vont permettre très concrètement à nos concitoyens, dans la vie quotidienne, de bénéficier de repères et d’accompagnement pour leur santé.
Il s’agit aussi de moderniser notre système de santé en ouvrant l’accès à des soins de proximité. Ainsi, dès que la loi sera votée, un numéro de téléphone unique au niveau national (« Ah , on est sauvé ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)…
Un député du groupe Les Républicains. Un numéro de téléphone de plus !
Mme Marisol Touraine, ministre. … permettra d’accéder à un médecin de garde lorsque les cabinets sont fermés.
Pour lutter contre les barrières financières, nous allons mettre en place progressivement le tiers payant qui permettra à tous nos concitoyens de bénéficier de l’accès aux soins dans de bonnes conditions.
Nous allons aussi mettre en œuvre des mesures pour faciliter l’installation de jeunes professionnels dans les territoires ruraux.
Et puis, monsieur le député, vous avez à juste titre insisté sur les nouveaux droits en faveur de nos concitoyens. L’action de groupe leur permettra de mieux se défendre dans certaines situations. Quant au droit à l’oubli pour certains anciens malades, notamment de cancer, il représente une première à l’échelle internationale et constitue un grand progrès.
Nous travaillons pour les Français, pour l’égalité d’accès aux soins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Le 19 novembre dernier, dans les circonstances dramatiques et inédites que chacun connaît, les députés du Front de gauche ont estimé que la prorogation de l’état d’urgence que vous avez demandée, monsieur le Premier ministre, était justifiée pour une durée limitée, dans un cadre strictement défini.
M. Jacques Krabal. Bravo !
Mme Jacqueline Fraysse. Conscients que l’état d’urgence porte atteinte aux libertés, cette décision n’a pas été simple à prendre tant l’équilibre entre l’exigence de liberté et celle de sécurité est extrêmement précaire.
C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, une particulière vigilance de votre part s’impose. C’est aussi ce qui nous a conduits à exiger la mise en place d’un contrôle parlementaire hebdomadaire.
Pourtant, plusieurs événements vécus comme des excès nous sont d’ores et déjà signalés. En aucun cas l’état d’urgence ne peut signifier l’interpellation brutale et les gardes à vue sans fondement de citoyens n’ayant rien à se reprocher, ce qui cultive un climat de peur, d’insécurité et de division contre lequel, monsieur le Premier ministre, vous dites, à juste titre, vouloir lutter.
L’entrave constatée à certaines expressions citoyennes et syndicales nous inquiète également. En effet, comment comprendre que les marchés de Noël, très fréquentés, soient autorisés, alors que des rassemblements sociaux pacifiques peuvent faire l’objet d’une interdiction ?
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Pacifiques ?
Mme Jacqueline Fraysse. Face à cette situation, nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, de rappeler quelles mesures vous comptez prendre pour empêcher certains excès constatés sans pour autant que soient entravées les légitimes interventions militantes et citoyennes inhérentes à l’exercice démocratique le plus élémentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, je veux vous confirmer que l’état d’urgence n’a pas du tout pour vocation d’empêcher des formes d’expression citoyenne ou militante. Ce n’est ni son esprit ni la manière dont je souhaite qu’il soit mis en œuvre par les préfets de la République. Je vous le dis très clairement.
Certaines manifestations, du fait de la présence d’individus violents, ont fait l’objet d’interventions des forces de l’ordre, dans les conditions que nous savons, et de l’enclenchement de l’action publique, sous l’autorité du procureur de la République. C’est aussi cela, l’État de droit.
Mais j’ai donné des instructions aux préfets pour que chaque rassemblement pacifique permettant l’expression de revendications ou d’attentes citoyennes puisse être autorisé, dès lors que toutes les conditions sont réunies. Les préfets ont mission d’organiser les relations avec les acteurs concernés, pour que cela soit possible. Ce week-end, soixante rassemblements pacifiques ont eu lieu, parce que des militants responsables et sincères les ont organisés, en étroite liaison avec les préfets.
Les rassemblements organisés par des organisations syndicales pourront avoir lieu dans le même esprit. L’interdiction de manifester, qui prévalait, a été levée hier soir, à minuit. Elle n’est reconduite que sur des territoires particuliers où des risques précis existent. Il n’y a donc pas d’interdiction de manifester à portée générale – contrairement à ce que j’ai pu lire dans certains textes ou manifestes fort mal informés.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que le contrôle parlementaire s’exerce. Comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer, madame la députée, ainsi qu’à votre groupe – ces propos s’adressent à l’ensemble des parlementaires de tous les groupes – lorsque des manquements et des difficultés existent, ils doivent être signalés. Le Premier ministre réunira, à dix-sept heures, l’ensemble des groupes politiques de la représentation nationale, pour que ces règles soient définies en bonne intelligence avec elle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe Les Républicains.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement vient d’annoncer une augmentation supplémentaire des taxes sur le gazole de 3,5 centimes d’euro par litre, et de 2 centimes pour les taxes sur le super sans plomb 95. Ces mesures sont en totale contradiction avec les engagements qui avaient été pris.
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Eh oui !
Mme Marie-Jo Zimmermann. En effet, début octobre, le Gouvernement promettait une baisse de la fiscalité d’1 centime par litre pour l’essence et une hausse limitée à 1 centime pour le diesel.
Cette augmentation de la fiscalité va une nouvelle fois peser sur les ménages et amputer leur pouvoir d’achat. De plus, elle ne prend pas en compte une hausse probable du prix du pétrole, compte tenu de l’instabilité de la conjoncture géopolitique. Enfin, cette hausse va à l’encontre des investissements massifs en recherche et en développement des grands groupes automobiles français. Or c’est en accord avec les pouvoirs publics que ceux-ci ont fait le choix d’un diesel propre répondant parfaitement aux normes de pollution.
Cette annonce, de plus, survient sans aucune concertation. En effet, la mission parlementaire d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, dont je suis membre, aurait pu apporter au Gouvernement son expertise sur ce dossier.
Monsieur le Premier ministre, la plus grande usine de moteurs diesel au monde se trouve dans ma circonscription, à Trémery.
M. Jacques Myard. Pollueurs ! (Sourires.)
Mme Marie-Jo Zimmermann. Des milliers de salariés sont inquiets pour leur emploi. Je les comprends d’autant plus que les décisions gouvernementales ne font pas la différence entre les anciens moteurs diesel, effectivement très polluants, et la nouvelle génération, qui rejette moins de gaz à effet de serre que les moteurs à essence.
Monsieur le Premier ministre, en plus du fait qu’il s’agit là d’une nouvelle fiscalité sur les ménages, ne pensez-vous pas que cette croisade anti-diesel risque de porter un coup très grave à l’industrie automobile française, avec un impact très lourd sur l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, le signal d’une évolution de nos pratiques en matière de carburant est donné, pour trois raisons.
La première, c’est qu’il nous faut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) C’est la raison pour laquelle cette majorité a instauré une contribution climat-énergie. Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous avez échoué à mettre en place la fixation d’un prix du carbone. Chacun se réjouit, au Bourget, qu’on le fasse. La France l’a fait ; la France l’assume. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.) Vous saviez que la contribution climat-énergie augmenterait : son évolution était fixée depuis deux ans.
La deuxième raison, c’est la protection de la qualité de l’air. Certaines études – même s’il faut toujours garder envers les différentes études une certaine humilité – montrent que les moteurs diesel émettent des microparticules et que nous devons avancer vers la convergence entre le prix du gazole et celui de l’essence.
M. Éric Alauzet. Bravo !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La troisième raison, c’est la nécessité d’utiliser au mieux les biocarburants. C’est un autre mouvement, certes modeste, s’agissant de fiscalité. Votre attachement, madame la députée, à l’usine de Trémery, comme à celle de Metz, que je partage, pour bien connaître cette région, n’interdit pas de donner un signal à l’ensemble de nos industriels, lesquels ont toujours su s’adapter.
Nous prenons un virage, mais ce n’est pas forcément un virage serré. C’est une convergence de la fiscalité qui est étalée dans le temps : plus 1 centime sur le diesel, moins 1 centime sur l’essence – cette année et l’an prochain –,...
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Mais non !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …comme l’a annoncé le Premier ministre. Cela donne à notre industrie, performante en matière de moteurs, le temps de s’adapter ; elle a toujours su le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Louis Touraine. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, nous célébrons aujourd’hui la journée mondiale de lutte contre le sida. La France a toujours été aux avant-postes de la mobilisation contre cette maladie. Or, dans notre pays, le nombre de nouveaux patients contaminés par le VIH reste stationnaire : 6 000 à 7 000 par an. Certes, ces chiffres sont inférieurs à ceux des années 1990 ou 2000, mais c’est encore beaucoup trop. Cela nous oblige à de nouveaux efforts, telle l’introduction d’innovations permettant une prophylaxie plus largement efficace. Si l’on veut se rapprocher de l’objectif d’éradication du virus, il importe de promouvoir le dépistage, de traiter tous les porteurs du virus et de convaincre les Français de l’importance de la prévention, car si le sida n’est plus mortel chez nous, il reste grave et nécessite un traitement à vie.
Récemment, deux essais cliniques ont démontré l’efficacité d’un traitement préventif pris peu avant ou tout de suite après une relation sexuelle à risque. Cette prophylaxie pré-exposition, ou PREP, recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, permet de réduire de 86 % les risques de contamination. Elle n’a aucunement vocation à se substituer au préservatif, qui demeure le moyen privilégié de prévention du sida et des autres maladies sexuellement transmissibles. Elle s’ajoute à l’arsenal de prévention, en particulier pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas recourir au préservatif.
Votre engagement, madame la ministre, de délivrer une autorisation temporaire d’utilisation de la PREP est une excellente nouvelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.) Nous pouvons aussi nous réjouir de l’annonce de sa prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale. Il s’agit d’une décision majeure, car ce traitement quelque peu onéreux risquerait de n’être utilisé que par une minorité des personnes concernées s’il n’était pas offert gratuitement à tous. Cet effort de nos autorités place à nouveau la France en position de premier pays au monde pour ce qui est de l’innovation en matière de lutte contre le sida.
Madame la ministre, vous avez fait preuve d’une grande détermination. Cette mesure aura des effets significatifs sur le contrôle de l’épidémie. Pouvez-vous nous préciser les modalités de mise en œuvre du dispositif, afin qu’il soit rapidement disponible et efficace sur le terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, en cette journée mondiale de lutte contre le sida, la France entend montrer qu’elle reste aux avant-postes dans cette bataille, qui n’est pas encore gagnée. Nous le faisons en déployant trois actions : mieux informer, mieux dépister et mieux prévenir.
Mieux informer, d’abord : nous lançons aujourd’hui une nouvelle campagne à destination du grand public. Chaque année, on compte en effet plus de 6 000 nouvelles contaminations par le VIH dans notre pays.
Mieux dépister, ensuite : en France, 30 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir. Nous avons généralisé les dépistages par test rapide et j’ai autorisé, il y a deux mois, la distribution des autotests en pharmacie. À partir d’aujourd’hui, ces autotests seront mis gratuitement à disposition dans les associations et les structures de prévention engagées dans la lutte contre le sida.
Mme Valérie Corre et M. Marcel Rogemont. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous devons enfin mieux prévenir. Cela suppose bien entendu de rappeler que la meilleure prévention est l’utilisation du préservatif. Néanmoins, il y a des populations qui, pour diverses raisons, ne sont pas sensibles à ces pratiques de prévention. Nous devons donc faire en sorte de leur proposer le nouveau traitement préventif, le Truvada, qui sera mis à disposition dans les hôpitaux ou les centres dédiés et sera pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
M. Bernard Accoyer. Pourquoi à 100 % ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Aujourd’hui même sont publiées les règles d’encadrement et de suivi de délivrance de ce médicament. La prise en charge interviendra à partir du mois de janvier prochain.
Vous le voyez, monsieur le député : la France reste aux avant-postes. Elle est la première en Europe à mettre en place ce nouveau traitement préventif. De nombreux pays attendaient de savoir ce que nous allions faire avant de s’engager à leur tour dans cette politique de prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe Les Républicains.
M. Denis Jacquat. Ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre. J’y associe Jean-Pierre Door et mes collègues du groupe Les Républicains membres de la commission des affaires sociales.
Monsieur le Premier ministre, nous avons achevé dans la nuit de vendredi à samedi l’examen du projet de loi de santé. Malgré la demande répétée de l’ensemble de l’opposition et d’une partie de votre majorité de reporter l’examen de ce texte polémique, vous avez imposé son maintien à l’ordre du jour en dépit du bon sens.
À tel point que la généralisation du tiers payant, point dur qui cristallise l’opposition de l’ensemble des professionnels de santé contre votre texte, a été discutée vendredi, jour de l’hommage national rendu aux victimes, alors que, par respect, les médecins et tous ceux qui s’opposaient au texte avaient arrêté toute action ou manifestation. Vous le savez, de nombreux parlementaires, que ce soit dans l’opposition ou dans la majorité, étaient retenus dans leur circonscription pour des hommages qu’ils avaient organisés.
Dans quelques minutes, nous allons voter sur ce texte. Au groupe les Républicains, nous avons dénoncé maintes et maintes fois un texte dangereux, et nous continuerons à le faire aux côtés des professionnels de santé. Ce projet de loi n’engage pas la réforme indispensable à la pérennisation de notre système de santé ; pire, il contient surtout de très mauvaises mesures.
Nous sommes contre la généralisation du tiers payant (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants), qui aura des conséquences inflationnistes sur des comptes sociaux déjà étranglés et transformera les médecins libéraux en fonctionnaires de la santé ; ils devront gérer encore plus de paperasse, au détriment de leur temps médical, donc des patients.
Mme Marie-Louise Fort. Ça, c’est sûr !
M. Denis Jacquat. Nous sommes contre le paquet neutre (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains) qui, loin d’être une mesure efficace pour lutter contre le tabagisme, va faire exploser la contrebande et les ventes parallèles.
Nous sommes contre la restauration d’un bloc de service public hospitalier (Mêmes mouvements), qui rigidifiera le système et dressera le public contre le privé.
Monsieur le Premier ministre, la discussion de ce texte a mis le monde de la santé en colère et dans l’incompréhension. Cela laissera des séquelles.
Un député du groupe Les Républicains. Aux régionales !
M. Denis Jacquat. L’application de ce texte s’annonce très difficile. Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de revenir en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, je vous remercie pour votre participation personnelle constante à l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Vous annoncez que vous-même et votre groupe ne voterez pas ce texte. Vous allez ainsi voter contre la création d’un parcours éducatif de santé pour les enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous allez voter contre la mise en place du médecin traitant pour l’enfant. (Mêmes mouvements.) Vous allez voter contre l’amélioration des conditions d’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse. Vous allez voter contre l’ouverture des actions de groupe aux victimes d’accidents médicaux. Et vous allez voter contre l’instauration d’un droit à l’oubli, qui bénéficiera à d’anciens malades, notamment ceux qui souffraient d’un cancer.
Au-delà, monsieur le député, nous avons sans doute une manière différente d’appréhender la situation et de concevoir les choses. Lorsque vous étiez aux responsabilités, vous aviez instauré les franchises médicales ; nous, nous faisons le choix de faciliter l’accès aux soins de tous nos concitoyens grâce au tiers payant généralisé, qui se mettra en place progressivement.
M. Philippe Meunier. Et qui paiera ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez fait le choix, il y a quelques années, de supprimer la reconnaissance du service public hospitalier ; nous, nous faisons le choix contraire d’inscrire cette reconnaissance dans la loi.
Et nous faisons le choix, monsieur le député, de favoriser l’installation de professionnels partout sur le territoire national, afin de répondre aux besoins de nos concitoyens.
Vous le voyez, monsieur le député : au vu de certaines mesures dont je m’étonne que vous ne leur apportiez pas votre soutien, il apparaît que nous avons une approche différente en matière d’accès aux soins, de prévention et de droit à la santé pour tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Isabelle Attard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Régine Povéda, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Régine Povéda. Madame la ministre de l’éducation nationale, à notre arrivée, en 2012, 136 000 jeunes sortaient chaque année du système scolaire sans le moindre diplôme. En novembre 2014, vous lanciez le dispositif « Tous mobilisés pour vaincre le décrochage scolaire ». Aujourd’hui, les résultats annoncés sur le front de la lutte contre le décrochage scolaire sont très encourageants : nous ne pouvons que vous en féliciter.
Grâce à notre action, 26 000 jeunes ont pu sortir de l’engrenage du décrochage et bénéficier d’une formation scolaire ou professionnelle. Il est important de poursuivre cette démarche : c’est pourquoi la majorité et le Gouvernement restent déterminés et mobilisés pour notre jeunesse. Lutter contre le décrochage scolaire est une priorité pour redonner aux jeunes l’envie de construire leur avenir et l’espoir d’une vie meilleure.
Ce dispositif, qui implique la mobilisation des équipes éducatives, le lien avec les familles, le droit au retour en formation et la création de dispositifs d’accueil spécialisés, contribue concrètement à la baisse du nombre de décrocheurs. Les équipes enseignantes ont un rôle majeur dans la détection et la prévention du décrochage ; la mise en place de référents dans le secondaire est une des actions importantes de ce plan ambitieux.
Dans mon département, le Lot-et-Garonne, le premier micro-lycée professionnel, lié au lycée Antoine Lomet, donne à des jeunes de 18 à 25 ans une deuxième chance. Ce dispositif, auquel nous avons travaillé avec les missions locales – dont je salue au passage l’action – est soutenu par la région Aquitaine. C’est un exemple à suivre et à développer.
Avec la loi pour la refondation de l’école de la République, la création de 60 000 postes sur le quinquennat, la réforme des rythmes scolaires, la réforme du collège et la lutte contre le décrochage, nous mettons l’école au cœur du pacte républicain. Dans les heures troubles que vit notre nation, nous savons que l’éducation doit être notre priorité. Pouvez-vous nous apporter, madame la ministre, des précisions sur ce dispositif et ses résultats ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Brigitte Allain. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, en matière de décrochage scolaire, il est vrai que les chiffres sont rarement réjouissants. Pourtant, l’année passée, 110 000 jeunes sont sortis du système scolaire, alors que nous étions habitués à un chiffre de 140 000.
M. Philippe Meunier. Et le chômage ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il faut saluer ce résultat que nous avons réussi à obtenir, ainsi que celui-ci : il y a aujourd’hui moins de 500 000 jeunes de 18 à 24 ans qui n’ont ni formation ni emploi, alors que nous étions habitués à un chiffre de 620 000. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
C’est un progrès. Bien sûr, nous n’avons pas fait tout le chemin : chaque décrocheur est un décrocheur de trop. Mais ce que l’on peut constater, c’est qu’il n’y a pas de fatalité. Pendant de nombreuses années, on a considéré les chiffres du décrochage scolaire comme une fatalité. Mais lorsque tous les pouvoirs publics se mobilisent, non seulement le ministère de l’éducation nationale, mais aussi le ministère du travail et de l’emploi, le ministère de la ville et les régions – qui sont en première ligne, à proximité de ces jeunes –, lorsqu’il y a un pilotage national, comme c’est enfin le cas depuis un an, lorsqu’il y a des moyens dédiés – je rappelle que, désormais, 50 millions d’euros, qui proviennent notamment de fonds européens, sont consacrés chaque année à la lutte contre le décrochage scolaire – et lorsqu’une priorité nationale est clairement affirmée, eh bien, l’on obtient des résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Meunier. Et la lutte contre le chômage ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ces résultats sont dus, en premier lieu, à un travail de remédiation, c’est-à-dire de raccrochage des jeunes ayant décroché. Il s’agit de leur offrir d’autres solutions, telles que la garantie jeunes, qu’évoquait Myriam El Khomri, ou le droit au retour en formation, que nous avons inscrit dans la loi. Ils sont dus, en second lieu, à un travail de prévention visant à éviter que ces jeunes sortent du système scolaire. Pour cela, les personnels de l’éducation nationale sont mieux formés à détecter les signes avant-coureurs du décrochage et à y remédier : ils savent mieux quelles sont leurs missions, chaque établissement dispose d’un référent décrochage, et les parents sont mieux associés.
Nous sommes aujourd’hui sur la bonne voie. Nous allons poursuivre ce travail afin d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République : diviser par deux le nombre de décrocheurs d’ici à 2017. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.
Mme Véronique Louwagie. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée vient de débuter l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015. La transmission des entreprises est un sujet majeur qui mérite une attention particulière. Ainsi, si 185 000 entreprises devraient être transmises chaque année dans notre pays, seulement 60 000 sont mises en vente et 30 000 d’entre elles trouvent preneur. Il existe donc une insécurité juridique et financière qui fragilise nos entreprises, alors qu’il faut encourager, sur le long terme, une montée en gamme de nos PME et entreprises de taille intermédiaire.
Des amendements visant à créer un statut d’investisseur à long terme ont été déposés en commission. L’un d’eux a donné lieu à un vote à égalité, ne permettant pas son adoption. Ces amendements seront à nouveau discutés en séance à partir de cet après-midi. Alors que l’investissement est à l’arrêt, la création de ce statut d’investisseur de long terme, peu coûteux pour les finances publiques, enverrait un signal fort de confiance aux investisseurs qui prennent des risques pour développer les entreprises de taille intermédiaire.
Monsieur le Premier ministre, il est plus que temps de recréer dans notre pays un environnement favorable à l’entreprise, de redonner l’envie d’investir, avec un système fiscal incitatif et non dissuasif, l’entreprise étant par ailleurs créatrice d’emplois. Alors que les chiffres du chômage atteignent des sommets, une telle mesure serait plus qu’opportune.
Même si le projet de loi de finances rectificative prévoit de favoriser la réorientation de l’épargne des ménages au bénéfice du financement des entreprises, il convient de regretter l’absence d’initiative gouvernementale sur l’investisseur à long terme, alors que la transmission et le développement des entreprises offrent de vraies pistes. Quelles mesures concrètes et pragmatiques pouvez-vous annoncer concernant la transmission des entreprises ? Enverrez-vous enfin un signal fort aux chefs d’entreprise désireux d’associer leurs cadres et leurs salariés à l’actionnariat ou aux jeunes entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement a été insensible au financement des PME. Qui a créé le dispositif PEA-PME, c’est-à-dire les plans d’épargne en actions pour investir dans les petites et moyennes entreprises ? Qui va mettre en conformité le dispositif ISF-PME avec le droit européen, afin de sécuriser l’investissement dans nos entreprises ? De plus, tout à l’heure, dans cet hémicycle, je donnerai un avis favorable à des amendements visant à aligner le dispositif Madelin sur le dispositif ISF-PME – je suis désolé de la technicité de ces détails.
Vous appelez notre attention sur une question précise : les investisseurs à long terme. Laissons le débat parlementaire se développer. Le Gouvernement a déjà fait preuve de sa volonté de favoriser l’investissement dans les PME, de les soutenir pour qu’elles puissent se transformer en ETI. Nous avons d’ailleurs – ce que vous n’avez jamais fait – prévu des dispositifs d’investissement pour diriger les sommes considérables placées en assurance vie vers des fonds plus directement liés à ce que l’on appelle l’économie réelle. Nous reprendrons tout à l’heure ce débat, sur toutes ces questions.
Je rappelle aussi que la C3S a été supprimée pour les petites entreprises – cette contribution pesait sur leur trésorerie et sur leur capacité d’investissement. Nul n’a le monopole du soutien aux PME, mais ce Gouvernement a déjà pris des mesures législatives pour cela, et en prendra encore – je pense – ce soir à l’Assemblée nationale. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé (nos 3103, 3215).
Explications de vote
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.
Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, en cette journée mondiale de la lutte contre le sida, notre assemblée est appelée à se prononcer sur l’ensemble du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Il s’agit d’un symbole fort. Je commencerai donc par souligner les différentes dispositions de ce texte en faveur de la lutte contre le sida et de la prévention.
Votre annonce, madame la ministre, concernant le remboursement du traitement pré-exposition est un très bon signal : l’épidémie de sida a encore touché 6 600 de nos concitoyens l’an dernier, ce qui établit à 150 000 le nombre de Français porteurs du VIH, dont 30 000 ne le sauraient pas. Le remboursement à 100 % du Truvada pour un usage préventif par les populations à risque est une disposition à saluer, qui place la France parmi les pays les plus en pointe dans la lutte contre le sida.
Dans le même temps, les campagnes de prévention doivent encore s’accentuer ; les associations, qui font un travail remarquable sur le terrain, sont plus que jamais indispensables pour sensibiliser nos concitoyens, notamment les jeunes – qui n’ont pas connu les « années sida » – à la protection par le préservatif.
Les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer dans les campagnes de prévention et d’éducation à la santé, volets encore largement abordés par ce texte.
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – INPES – mènera une nouvelle campagne de sensibilisation. Cet institut saura gagner en efficacité par son déploiement dans un grand service public d’information en santé.
Il faut encore souligner que cette loi prévoit l’usage des tests rapides d’orientation diagnostique – TROD – par les associations et centres de dépistage. Mettre les moyens sur la prévention est la réponse essentielle en matière de santé publique. L’adage « il vaut mieux prévenir que guérir » est aussi vrai du point de vue médical que sur le plan économique.
J’aurais pu également mentionner le déploiement des salles de consommation à moindre risque, qui seront aussi un moyen de lutter contre l’épidémie. On sait que les toxicomanes représentent une des populations les plus exposées.
La multiplication des maladies chroniques et des affections de longue durée est bien sûr liée au vieillissement de la population et aux nombreux progrès de la médecine, particulièrement en matière de diagnostic – mais pas seulement. À l’heure où la France accueille les pays du monde pour trouver un accord historique afin de lutter contre le dérèglement climatique, nous ne pouvons nier l’impact de notre environnement sur la santé.
Nous avons constaté avec satisfaction qu’à notre initiative, le concept d’exposome était introduit dans le projet de loi. Toutefois, nous regrettons qu’il ne soit davantage décliné dans le reste du texte. On aurait aussi pu aller plus loin et interdire totalement le bisphénol A dans les jouets pour enfants.
Plus globalement, la santé environnementale n’est que trop partiellement abordée dans le texte. Nous appelons de nos vœux un deuxième volet consacré à cet enjeu majeur de santé publique. De même, si nous nous félicitons que la lutte contre le tabagisme soit renforcée, je regrette l’assouplissement de la loi Évin par une majorité de nos collègues du Sénat et de l’Assemblée.
Figure aussi, bien sûr, au cœur de ce texte, la généralisation du tiers payant, véritable mesure de justice sociale et de santé publique. Des étudiants, des jeunes travailleurs, des retraités renoncent encore à se faire soigner ou repoussent les consultations dont l’avance financière est parfois trop coûteuse. Quand on parle de santé, on ne peut pas attendre. Une prise en charge en amont est toujours plus efficace. Cette mesure est donc une grande avancée, dont la mise en place devra être menée de manière à la rendre la moins contraignante possible pour les médecins.
Des efforts notables ont été faits également en faveur des personnes en situation de handicap. Le plan d’accompagnement global institué par le texte poursuit un objectif tout à fait louable. L’article 21 bis en question a pourtant été longtemps sujet de craintes légitimes pour les associations et les familles. Une nouvelle rédaction a permis de dégager un consensus. Je veillerai à ce que les personnes concernées conservent une certaine liberté quant au choix de l’établissement qui leur sera proposé.
Mentionnons enfin les grandes avancées que sont le droit à l’oubli, les actions de groupe élargies à la politique de santé, les autorisations d’absence pour les couples ayant recours à l’aide médicale à la procréation, l’ouverture du don du sang aux homosexuels, le renforcement de l’ambulatoire et des agences régionales de santé, la création des groupements hospitaliers territoriaux, la prise en compte de la douleur. Autant de mesures que nous sommes heureux de soutenir et qui justifient largement notre vote en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Stéphane Claireaux. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, après plusieurs heures de débat, tant en commission qu’en séance, nous voici réunis pour voter en nouvelle lecture ce projet de loi de modernisation de notre système de santé. Disons-le d’emblée, il a nourri des espoirs et suscité des craintes, alors que la santé devrait faire l’objet d’un consensus national.
Nous l’avons répété à maintes reprises, nous ne sommes pas opposés au tiers payant généralisé, mais nous contestons la méthode. L’introduction généralisée du tiers payant, promesse de campagne du président Hollande pour lutter contre les renonciations aux soins, est refusée par les médecins – syndicats et Ordre – qui sont opposés à cette mesure et l’ont fait savoir lors de plusieurs jours de grève et de manifestations. Ils affirment que derrière ce tiers payant généralisé se profilent la fin programmée et la privatisation de la Sécurité sociale par un transfert progressif de la protection sociale vers l’assurance privée, et donc la fin de la possibilité offerte à tous les Français d’accéder à des soins de proximité de qualité, notamment pour les médecins exerçant dans des territoires ruraux ou de montagne qui ne disposent pas d’accès haut-débit – ADSL ou fibre.
Par ailleurs, les médecins soutiennent que cela va augmenter la part non médicale de leur charge de travail et contestent donc l’efficacité du dispositif annoncé. Madame la ministre, un essai sur un territoire restreint aurait été préférable avant l’extension du dispositif à tout le territoire national.
Une grande majorité de notre groupe déplore également le maintien du paquet neutre. Nous aurions préféré nous en tenir aux directives de l’Union européenne, car il nous semble important que des actions soient entreprises au niveau de nos voisins européens afin de lutter efficacement contre ce fléau pour la santé qu’est le tabagisme.
Nous sommes en revanche satisfaits en ce qui concerne l’article 4 ter. Nos collègues Jacques Krabal et Dominique Orliac ont pu longuement expliquer en discussion générale que nous approuvions les mesures de lutte contre l’alcoolisme chez nos jeunes, tout en clarifiant, pour nos territoires viti-vinicoles, des dispositions qui permettront dorénavant de promouvoir non pas l’alcoolisme, mais le produit culturel qu’est le vin.
En outre, nous nous réjouissons de l’adoption de mesures de politique de santé en faveur de nos concitoyens qui permettent un meilleur accès aux soins et mettent un terme à plusieurs discriminations intolérables, telles que l’interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang, fondée sur le critère de leur orientation sexuelle et non d’un comportement à risque.
Nous nous félicitons également d’avoir été entendus sur la question des soins funéraires pratiqués sur les personnes séropositives. C’est un pas important pour permettre aux familles de vivre dignement leur deuil.
En outre, suite à l’introduction de l’article 20 ter au Sénat par notre collègue radicale de gauche Françoise Laborde, nous sommes satisfaits – encore – que les couples en protocole d’aide médicale à la procréation puissent obtenir des congés afin de se rendre aux examens et entretiens médicaux.
Nous saluons par ailleurs la réintroduction de l’Ordre national des infirmiers dans la loi. Les ordres restent des organes d’autorégulation et de respect de la déontologie dans les diverses professions, et il est important de reconnaître et de garantir leur indépendance pour la sécurité des patients.
Les mesures de lutte contre la toxicomanie et de prise en charge des toxicomanes, ainsi que les mesures concernant les salles de consommation à moindre risque, lieux dédiés soutenus de longue date par le Parti radical de gauche, permettront pour leur part de réduire l’insécurité liée à la toxicomanie. Il est en effet préférable d’avoir des lieux propres et sous surveillance pour les toxicomanes, plutôt que de les voir s’injecter de la drogue dans la rue.
M. Bernard Accoyer. Il n’a rien contre le cannabis !
M. Stéphane Claireaux. Ces salles joueront un double rôle de sécurisation de l’espace public, pour les toxicomanes et pour les riverains.
Je souhaiterais aussi souligner les mesures de lutte contre l’alcoolisme des adolescents, ou encore l’adoption d’un droit à l’oubli pour toutes les personnes frappées par le cancer.
Madame la ministre, je pourrais encore citer beaucoup d’autres mesures très positives qui se trouvent dans ce texte et qui amélioreront jour après jour la santé de tous les Français. Une large majorité du groupe RRDP votera donc ce texte, qui est un pas important vers la modernisation de notre système de santé sur tout le territoire national, en métropole comme dans les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si nous adhérons unanimement à l’ambition que se fixe ce texte « de réduire les inégalités d’accès aux soins, développer la prévention, l’éducation, l’innovation et les droits des patients », nous restons partagés entre les dispositions positives que nous avons soutenues et les moyens disponibles pour les mettre en œuvre.
En effet, ce projet de loi comporte plusieurs avancées, parmi lesquelles la généralisation du tiers payant, la réintégration de la notion de service public hospitalier dans le code de la santé publique, la reconnaissance des professionnels des centres de santé dans les parcours de soins, l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque ou encore l’affirmation du droit à l’oubli, notamment pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer.
J’ajoute que nous apprécions les engagements que vous avez pris, madame la ministre, pour poursuivre la réforme de la tarification à l’activité, trop souvent inadaptée, notamment aux exigences du service public hospitalier. C’est donc une affaire à suivre.
Néanmoins, d’importantes réserves demeurent, qui empêchent notre pleine adhésion.
La première d’entre elles est la question des moyens. En effet, les discussions budgétaires ont confirmé vos choix d’austérité, conséquence des milliards d’euros de cadeaux fiscaux faits aux entreprises alors que le chômage atteint un niveau record. Cet argent va bien évidemment manquer ailleurs. Concernant la santé, cela se traduit par 10 milliards d’économies en trois ans, dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux, pourtant déjà au bord de l’asphyxie financière pour beaucoup d’entre eux.
De surcroît, la baisse du budget de la prévention constatée depuis plusieurs années se poursuivra en 2016.
Je note par ailleurs que nous avons passé près de trois heures à débattre de l’opportunité d’instaurer ou non le paquet neutre, alors que pour prévenir efficacement le tabagisme, c’est d’un faisceau de mesures ciblées et financées dont nous avons besoin. Or elles manquent cruellement.
Comment, de même, prévenir l’explosion des pathologies chroniques, telles que le diabète ou les maladies liées à la pollution de l’environnement ? Ce sont pourtant là de grands enjeux de santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)
Pour les affronter, il faut certes une volonté politique, que vous affirmez, mais il faut aussi, et c’est indissociable, des moyens financiers. Nous ne les avons pas.
Concernant la prévention, je tiens à ajouter que je trouve scandaleux – et je pèse mes mots – qu’un assouplissement de la loi Évin ait été voté par des députés de droite comme de gauche, et ceci malgré votre opposition, madame la ministre, et celle du rapporteur…
M. Arnaud Robinet. C’est la démocratie !
Mme Jacqueline Fraysse. …et dans le cadre d’une loi de santé publique, au nom des intérêts économiques de quelques distributeurs, mais surtout au détriment de la santé de nos concitoyens ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Notre seconde grande réserve sur ce texte est le renforcement de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, qui s’opère notamment en rendant obligatoires les groupements hospitaliers de territoire. À ce sujet, madame la ministre, vous avez affirmé que « les groupements hospitaliers de territoire seront fondés sur un projet médical » et que « l’hôpital de demain sera territorialisé, ce qui veut dire que les différents établissements d’un même territoire doivent pouvoir coopérer ».
Des coopérations existent déjà depuis longtemps afin de mutualiser les moyens et de rationaliser les pratiques. Nous pouvons donc partager cette approche, mais à condition que les coopérations reposent effectivement sur un projet médical partagé et équilibré entre les établissements concernés, et non pas seulement sur un objectif d’économies à réaliser quelles qu’en soient les conséquences.
L’expérience montre hélas que dans les faits, les coopérations se font trop souvent à marche forcée, sur injonction des ARS, qui décident autoritairement de créer ou de supprimer tel ou tel poste de praticien, tel ou tel service. C’est ce qui se passe dans ma circonscription, à Nanterre, pour l’hôpital Max-Fourestier, sans tenir aucun compte de la spécificité de cet établissement, qui accueille des centaines de personnes démunies venues de toute la région, ni des efforts accomplis pour réduire de moitié le déficit, conduisant à supprimer plus de 400 emplois, ni de la nécessité de maintenir des activités hospitalières publiques dans un département où les cliniques privées prospèrent, notamment en chirurgie.
Une fois de plus, l’ARS n’apporte pas un appui concerté sur un projet cohérent et équilibré : c’est un diktat autoritaire fondé sur les seuls arguments financiers. En l’espèce, dans une ville préfecture de plus de 90 000 habitants, il ne restera bientôt pour se soigner que le secteur privé, pour ceux qui pourront se l’offrir !
Voilà pourquoi je maintiendrai mon abstention, et les membres de mon groupe leur vote contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mme la présidente. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Christophe Sirugue. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, vous avez dit, madame la ministre, que nous avions la chance de disposer d’un système de santé de qualité, qui nous est envié. C’est un propos que je fais mien, tant l’actualité récente en a montré le bien-fondé. Je voudrais redire ici, au nom du groupe socialiste, notre reconnaissance aux professionnels de santé pour la part qu’ils ont prise à la mobilisation lors des attentats.
Mme Valérie Fourneyron. Très bien !
M. Christophe Sirugue. Mais cette reconnaissance vaut aussi pour le quotidien : 365 jours par an, nos personnels de santé sont à la disposition des patients sur l’ensemble de notre territoire.
Si nous avons un système de santé de qualité, c’est parce qu’il a su régulièrement s’adapter, se réformer ; c’est parce qu’il a intégré le fait que les besoins et les attentes évoluent sans cesse et doivent pouvoir être suivis de près. Nous le devons à ces professionnels de santé comme à l’ensemble de nos concitoyens.
Nous avons aujourd’hui à relever des défis liés au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques, à des pathologies nouvelles et à des inégalités de santé que nous avons évoquées tout au long de nos débats.
Ce projet de loi est là pour y répondre. Il a donné lieu – et je tiens à le redire, car j’ai lu ou entendu que nous avions traité cela à la va-vite – à de très longs échanges, à des débats nécessaires et importants avec les professionnels de santé, les représentants des patients et, bien sûr, la représentation nationale. Il a été examiné à l’Assemblée nationale, au Sénat, puis de nouveau à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, le législateur prend ses responsabilités, non sans ignorer les questions posées et les interrogations qui subsistent, notamment parmi les médecins. La grande conférence de santé permettra d’aboutir sur ces différents sujets.
Ce texte se veut une réponse à la hauteur des enjeux. Les enjeux de prévention tout d’abord, car les politiques de prévention sont essentielles dans un système de santé. Elles doivent tenir compte des problématiques auxquelles nous sommes confrontés, principalement celle des addictions – addiction au tabac, toxicomanie, dont on constate les ravages. Nous devons nous montrer ambitieux. La proposition d’expérimentation que nous avons autorisée sur les salles de shoot en est une illustration intéressante.
La prévention est tout aussi essentielle pour la santé des jeunes. Nous savons combien ces éléments peuvent être handicapants pour la suite du parcours des jeunes concernés et combien il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques de prévention le plus tôt possible auprès de cette population particulière.
Les enjeux de proximité ensuite. Nous sommes tous interrogés sur cette proximité et sur l’accès aux soins ; nous rencontrons tous dans nos permanences des interlocuteurs venus nous confier leurs inquiétudes et leurs angoisses. Ainsi le tiers payant – qui sert me semble-t-il de catalyseur à une autre problématique qu’il ne faut pas sous-estimer – est revendiqué par sept Français sur dix. Sa mise en place participe de cette politique de proximité et d’accès aux soins.
Nous avons également voulu renforcer le secteur hospitalier public, non par défiance à l’égard du secteur privé, mais parce que nous considérons qu’il remplit des missions de service public qui exigent que nous lui donnions les moyens de travailler dans le cadre de coopérations que je juge essentielles.
Les enjeux liés aux droits des patients enfin. Il fallait reconnaître que le système était un peu fermé et qu’il était nécessaire de laisser une place aux patients, à leurs associations et, bien sûr, à l’action de groupe. C’est ce que nous proposons au travers de ce texte.
Bref, ce texte participe de cette évolution régulière, nécessaire du système de santé, pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Pour ces raisons, madame la ministre, vous pouvez bien sûr compter sur le vote favorable du groupe socialiste sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jacques Moignard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe Les Républicains.
M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, quelle bien triste fin que celle du texte que votre Gouvernement porte depuis quasiment un an ! Évidemment, votre projet de loi va être adopté par une majorité encore docile et frileuse à l’idée de remettre en cause l’exécutif, à quelques jours du premier tour des élections régionales. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Évidemment, votre projet va susciter quelques vivats, jusqu’alors assez rares, il faut bien le dire, au sein de la gauche la plus conservatrice et la plus frondeuse, au sein de cette clientèle électorale que vous vous sentez obligés de rassurer après le vote de la loi Macron. Évidemment, vous aurez enfin, madame la ministre, accolé votre nom à un texte de loi qui correspond au cœur des charges ministérielles que vous assumez, et vous aurez probablement le sentiment du devoir accompli. Mais, je regrette de devoir vous le dire, vous serez bien seule. Oui, vous serez bien seule à croire que votre projet est à la hauteur de l’enjeu et qu’il répond aux attentes des acteurs du système.
En effet, plus le temps passe, plus je me demande, très franchement, qui peut se satisfaire de votre texte. Je pense d’abord aux médecins, et aux professionnels de santé dans leur ensemble. Vous mécontentez ceux qui refusent le principe de la généralisation du tiers payant car ils considèrent, à juste titre, que nous allons transformer les Français en consommateurs de santé alors qu’ils devraient être davantage des patients responsables. Vous suscitez aussi des doutes parmi les professionnels qui ne sont pas forcément hostiles à cette mesure, mais qui voient bien que, techniquement, elle va transformer leur cabinet en secrétariat administratif et financier, alors que leur mission est de soigner nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Au-delà du tiers payant généralisé, les médecins ne peuvent se retrouver dans une série de mesures qui, au lieu, par exemple, de revoir la base de leur rémunération, nient leur liberté de prescrire comme leur diversité : en effet, l’organisation des soins demeure, dans votre texte, beaucoup trop centralisée et verticale.
Je pense aussi aux patients. Vous voudriez nous faire croire que leur demande prioritaire est la généralisation du tiers payant et la désignation d’un médecin traitant pour les jeunes de moins de 16 ans : c’est totalement faux. Ce que les patients auraient voulu voir dans votre texte, ce sont des mesures pour réduire le montant des « reste à charge », ou encore des mesures leur conférant les moyens d’être acteur de leur santé, notamment grâce aux outils numériques. Ce que les patients auraient voulu voir, c’est aussi une rupture positive en faveur des droits du malade, avec un droit à l’oubli plus clairement inscrit dans la loi, notamment pour les maladies de bon pronostic.
Je pense enfin aux acteurs de l’hôpital, dont le premier souhait n’est pas d’être cloisonnés, comme le dispose votre texte, mais plutôt d’être mieux intégrés et coordonnés, en bénéficiant de plus de souplesse. Je pense à tous les acteurs des hôpitaux et des cliniques, aux professionnels comme aux patients, qui sont déconcertés par votre approche idéologique et stérile du service public hospitalier : ainsi, les groupements hospitaliers de territoire excluront-ils les acteurs privés, tels les établissements privés à but non lucratif.
Oui, madame la ministre, votre projet de loi est probablement le rendez-vous manqué de ce quinquennat. Vous nous annonciez, en 2012, une grande stratégie nationale de santé, une refondation pour répondre aux inégalités et aux échecs de notre système. Or, on se retrouve en 2016 avec un texte fourre-tout, qui comprend in fine 227 articles…
M. Bernard Accoyer. Rien de moins !
M. Arnaud Robinet. …alors qu’il n’en proposait, initialement, que 57, un texte marqué des travers que l’on reproche, du reste, aux autres projets du Gouvernement auquel vous appartenez.
Il s’agit, d’une part, d’un texte idéologique : avec le tiers payant généralisé – que nous supprimerons le jour où nous reviendrons aux responsabilités – et le service public hospitalier que je viens d’évoquer, ou avec la suppression bien hasardeuse du délai de réflexion précédant les interruptions volontaires de grossesse, vous multipliez l’affichage idéologique, les marqueurs clivants. Vous répondez ainsi à des réflexes politiciens. Or, les vrais enjeux de la santé, qui relèvent du bon sens, concernent des sujets tels que l’open data santé ou la modernisation du dossier médical personnel.
Il s’agit, d’autre part, d’un texte improvisé. Comment, en effet, donner du crédit au projet de loi santé, alors que le Premier ministre, votre patron, va convoquer une grande conférence nationale sur la santé en février prochain ? Comment donner du crédit à ce texte que vous avez déposé il y a plus d’un an à l’Assemblée, tout en poursuivant dans le même temps de vaines discussions avec les professionnels ? Comment donner du crédit à ce texte, quand on regarde vos hésitations sur les avertissements nutritionnels, l’élargissement des transfusions sanguines ou le rattachement des salles de consommation de drogue aux hôpitaux ?
Oui, madame la ministre, les députés du groupe Les Républicains rejetteront ce texte, sur lequel nous reviendrons si les Français nous font confiance lors des prochaines échéances ; je pense en particulier au tiers payant généralisé, que nous supprimerons purement et simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
Notre modèle social, notre modèle de santé a besoin de pragmatisme : il subit votre idéologie. Notre modèle de santé a besoin de coopération entre ses acteurs : vous les opposez les uns aux autres.
M. Jean-Luc Laurent. On vous a compris !
M. Arnaud Robinet. Notre modèle de santé a besoin de lisibilité : vous le rendez encore plus complexe. Notre modèle de santé a besoin d’une ambition nouvelle : vous l’enfermez dans la petite semaine. Voilà pourquoi nous voterons contre votre projet de loi. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Arnaud Richard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, à de multiples égards, ce projet de loi constitue, pour le groupe UDI, une immense déception. Les événements tragiques que nous avons connus récemment ont mis en lumière la valeur et le professionnalisme des hommes et des femmes qui font vivre notre système de santé ; nous regrettons que leur adhésion à ce texte fasse défaut. La concertation est l’éclaireur complémentaire des modes de gouvernance traditionnels. Elle permet de mettre en adéquation, lorsque, du moins, elle est présente, la volonté manifestée par le politique et la connaissance des réalités qui caractérisent les professionnels. Au groupe UDI, nous y sommes profondément attachés, comme nous sommes attachés au dialogue, outil essentiel de la réforme et de la modernisation. Aussi ne pouvons-nous adhérer à ce projet de loi imposé aux professionnels de santé sans consensus, quoi qu’ait dit notre collègue Christophe Sirugue.
Madame la ministre, cette loi, en généralisant à la hussarde le tiers payant obligatoire, va s’immiscer dans le rapport singulier, toujours unique, qui unit le médecin à son patient. Ce rapport fondé sur la confiance conduit de nombreux médecins à pratiquer, de manière spontanée, quotidiennement, le tiers payant pour leurs patients, en fonction de leur situation personnelle. En imposant cette généralisation, vous privez le médecin de sa liberté et vous prenez le risque de dévaloriser les actes médicaux.
Depuis trois ans, le groupe UDI formule des propositions pour apporter une réponse aux carences de notre système de soins. À chaque fois, le Gouvernement et sa majorité nous indiquaient que les mesures nécessaires figureraient dans une « grande loi » de santé publique. Il n’en a malheureusement rien été, madame la ministre. Ce projet de loi ne permet de répondre à aucun des grands défis que doit relever notre système de santé, malgré quelques avancées fragiles, auxquelles notre groupe est très attaché.
Notre groupe a largement alerté le Gouvernement sur le risque juridique entraîné par l’insertion dans la loi d’une partie de la convention « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » – AERAS. De fait, madame la ministre, comme je vous l’ai dit au cours des débats, vous fragilisez, par cette mesure, le droit à l’oubli pour les anciens malades, auquel nous sommes tous très attachés. Par ailleurs, face à une majorité divisée, nous avons pu sauver l’Ordre national des infirmiers, ce dont il faut se féliciter.
Madame la ministre, nous vous l’avons dit, nous ferons preuve d’une grande vigilance dans la mise en œuvre de l’article 21 bis, qui ouvre la possibilité aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, de proposer des solutions complémentaires quand l’orientation initiale pose problème. Si nous reconnaissons, avec Bérengère Poletti, le travail effectué pour arriver à une meilleure rédaction de cet article, nous resterons attentifs aux améliorations que vous pourrez apporter au fonctionnement des MDPH.
Au groupe UDI, avec le président Vigier, nous avons été fidèles à notre ambition d’incarner une opposition déterminée mais constructive aux propositions qui nous sont faites. Aussi regrettons-nous sincèrement la façon dont le Gouvernement a pris acte de l’ouverture du don du sang sans discrimination, votée à l’unanimité de cette assemblée.
Madame la ministre, vous avez ciblé les débats relatifs au tabac sur une mesure unique : le vote du paquet neutre. Cela empêche toute proposition visant à lutter efficacement contre le tabagisme. Sur ce sujet important pour notre pays, plusieurs de nos propositions demeurent sans réponse : quelles mesures prendrez-vous pour lutter contre la contrebande ? Ne serait-il pas plus utile d’harmoniser les taux de fiscalité appliqués au tabac au sein de l’Union européenne ?
Madame la ministre, mes chers collègues, je veux vous dire combien ce texte manque d’ambition s’agissant de la prévention, de l’anticipation de ce que sera la situation de la santé, demain, dans notre pays et, comme cela a été dit par nos collègues, du décloisonnement entre les secteurs privé et public. La somme de ces longs regrets et de ces nombreuses interrogations restées sans réponse conduira le groupe UDI à voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 555 |
Nombre de suffrages exprimés | 539 |
Majorité absolue | 270 |
Pour l’adoption | 296 |
contre | 243 |
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. David Habib.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015 (nos 3217, 3282, 3247 et 3252).
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 11.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.
M. Lionel Tardy. Si nous sommes d’accord sur le principe de l’instauration d’une fiscalité écologique, il nous paraît nécessaire de considérer quelques réalités.
Couplée à une hausse du prix du pétrole, cette série de mesures risque d’aboutir à une addition douloureuse. Par ailleurs, on touche ici à la fiscalité des ménages, lesquels ne roulent pas tous en 4x4 et n’ont pas forcément d’autre solution de déplacement que la voiture, notamment en zone rurale. Je pense également au fioul domestique, qui concerne les agriculteurs.
Enfin, ces augmentations rapides et successives du taux semblent montrer que, malheureusement, cette taxe a vocation non pas à rendre les comportements plus vertueux sur le plan écologique mais plutôt à combler des trous budgétaires. Ce seront d’ailleurs essentiellement les petites et moyennes industries qui en subiront les effets : exposées à la concurrence internationale, elles ne sont pas exonérées de la taxe parce que leurs sites ne sont pas couverts par le système ETS, système européen d’échange de quotas d’émission de CO2.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Le groupe UDI, qui est profondément attaché à une approche européenne de ces questions, a soulevé à plusieurs reprises le problème de la coordination européenne d’une telle politique. Celle-ci n’aurait de sens que si nous persuadions la grande majorité de nos partenaires européens d’initier la même démarche afin de prévoir une augmentation progressive et homogène des taxes, pour ne pas perturber les relations intracommunautaires.
Le grand risque de cette affaire est de pénaliser les entreprises qui ne bénéficient pas des exonérations prévues par le texte, c’est-à-dire celles qui sont très consommatrices d’énergies autres qu’électrique. D’ailleurs, mes chers collègues, vous avez certainement reçu des représentants de ces entreprises, qui déplorent l’effet néfaste que ces mesures auront sur la compétitivité. On nous dit que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – compense ces effets, mais c’est faux : il s’agit d’un problème de compétitivité relative, c’est-à-dire non pas à l’intérieur de notre territoire, mais entre nos entreprises et des entreprises concurrentes en Europe.
Nous souhaitions connaître l’impact de ces mesures pour les entreprises, car il s’agit d’un tiers de la somme, c’est-à-dire 3,5 milliards d’euros à échéance de cinq ans. En particulier, nous avons demandé une analyse fine afin de savoir notamment si les exonérations prévues pour les industries électro-intensives sont suffisantes ; nous l’attendons toujours. Nous avons également demandé une étude fine des conséquences sociales d’une telle hausse pour les ménages, sur lesquels pèsent les deux tiers de la somme, en particulier pour certaines catégories, telles que les ruraux, qui ont le sentiment une nouvelle fois d’être les sacrifiés.
Nous ne serons donc pas favorables à un tel article tant qu’il n’y aura pas de coordination européenne et que ne seront pas prévues des mesures d’adaptation permettant d’éviter, à la fois aux entreprises et aux ménages, des surcoûts pénalisants en termes de compétitivité ou de pouvoir d’achat.
M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 11.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 458 rectifié, 106, 62, 95 et 532, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 62, 95 et 532 sont identiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 458 rectifié.
M. Charles de Courson. Ce petit amendement vise à supprimer l’exemption qui concernait les gaz de pétrole liquéfiés. Le prix de l’énergie étant bas, cette hausse serait très supportable. Une famille de quatre personnes consomme pour la cuisine uniquement trois bouteilles de 13 kilogrammes de GPL.
Cet amendement a un caractère social, car il vise à protéger celles des familles qui consomment du GPL en bouteille, tout le monde n’ayant pas le gaz de ville, notamment en zone rurale. Il est proposé d’élargir le signal fiscal au propane et au butane. Les recettes attendues sont estimées, d’après les études d’impact, respectivement à 140 millions d’euros et à 200 millions d’euros en 2016, soit 340 millions d’euros au total.
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 106.
Mme Eva Sas. J’ai évoqué cet amendement hier en discussion générale ; il est très important. Il vise à inscrire dans la loi de finances la trajectoire qui avait été dessinée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Aux termes de l’article 1er de ce texte, « le Gouvernement se fixe pour objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques […], d’atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030 ».
Nous demandons simplement que cette trajectoire soit transcrite dans la loi de finances, non pas parce qu’il s’agirait d’une lubie ou d’une obsession d’écologiste, mais pour une raison économique très simple. Donner un prix au carbone au travers de la contribution climat-énergie vise à encourager l’investissement dans les économies d’énergie. Or, les acteurs économiques, ménages ou entreprises, ne peuvent calculer la rentabilité de leur investissement futur que s’ils connaissent le prix de la tonne de carbone à venir. L’inscription de la trajectoire de la contribution climat-énergie dans la loi de finances est donc essentielle à nos yeux pour sécuriser les investissements dans les économies d’énergie afin de le rendre plus attractifs.
M. Denis Baupin. Très bien !
M. le président. Dans la discussion commune, nous en venons à une série de trois amendements identiques, nos 62, 95 et 532.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement no 62.
M. Hervé Mariton. L’objet de cet amendement est de rappeler à la majorité l’engagement qui avait été pris d’une fiscalité écologique à niveau de prélèvements obligatoires constant. Notre collègue Eva Sas, par l’amendement qu’elle vient de défendre, nous a rappelé les déclarations sur la trajectoire de la contribution climat-énergie. À en croire les déclarations que le Gouvernement a faites au fil du temps, l’augmentation potentielle de la fiscalité des carburants est de 10 centimes à l’horizon 2020 et de 20 centimes à l’horizon 2030. Que devient dès lors l’engagement du Gouvernement de stabiliser la fiscalité ? La question, en réalité, se pose dès ce débat de loi de finances.
Lorsqu’elle présente une catégorie nouvelle d’impôts ou une nouvelle trajectoire, la majorité nous assure de sa volonté d’agir à niveau de fiscalité constant, mais quand il s’agit de déterminer le réglage fin du dispositif, cet engagement disparaît. De même, on a pu constater l’évolution de la position du Gouvernement sur la fiscalité de l’essence par rapport au gazole qui, à l’occasion du collectif budgétaire, se traduit par une aggravation de la fiscalité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 95.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaite rappeler en présentant cet amendement que l’alourdissement constant et régulier de la contribution climat-énergie, instaurée par la loi de finances initiale pour 2014, va constituer une dépense considérable pour les ménages dans les années à venir.
La rapporteure générale nous indiquait que cette contribution représenterait annuellement 4,7 milliards d’euros. Je constate qu’elle sera plafonnée à 22 euros la tonne de carbone en 2016, pour augmenter à nouveau de 8,50 euros en 2017, passant donc ainsi alors à 30,50 euros. Il est vrai que, en 2014, cette taxe avait été plutôt indolore pour les ménages. Imaginons cependant que le prix du gazole vienne à augmenter : ce ne serait alors pas supportable. Tel est le risque évident que vous faites porter aux Français.
Ensuite, monsieur le secrétaire d’État, la part de la contribution climat-énergie pèsera lourdement dans les charges de copropriété. Et ce sont bien les ménages modestes, voire à faibles revenus qui seront ainsi affectés par vos mesures.
Par conséquent, nous proposons dans le présent amendement de maintenir simplement en 2017 un niveau de contribution climat-énergie équivalent à celui de 2016, soit 22 euros, et de ne pas anticiper dès aujourd’hui une progression pour 2017. En effet, nul ne peut connaître le prix d’achat du baril de pétrole fin 2016. Anticiper, c’est bien, mais ce n’est pas responsable lorsqu’il s’agit de faire courir un risque comme celui que j’ai évoqué.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 532.
M. Charles de Courson. Nous demandons le gel de la situation pour l’année prochaine. Je lis toujours les études d’impact. Est-il raisonnable, monsieur le secrétaire d’État, d’y écrire en guise de commentaire de la rubrique « Incidences sociales » que « les dispositions proposées sont sans incidences » ? C’est incroyable de lire des choses pareilles ! Les incidences sont tout à fait considérables, tant pour les ménages que pour les entreprises ! Nous demandons donc une vraie étude d’impact afin d’en discuter l’année prochaine et proposons de geler la situation en attendant.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Certains de ces amendements soulèvent des questions très intéressantes. L’article 11 arrête un principe selon lequel il n’y a pas de raison que l’électricité, qui émet peu de CO2, soit seule contributrice à hauteur de trois euros par mégawattheure et par an.
M. Hervé Mariton. C’est bien de le découvrir !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nul ne l’ignore, monsieur Mariton !
M. Hervé Mariton. Ce n’était pas le cas de la CSPE jusqu’à présent !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je poursuis. Un ménage de quatre personnes se chauffant à l’électricité consomme en moyenne 8,5 MWh soit une taxe supplémentaire de 25 euros par an à raison de trois euros par MWh et par an. Du point de vue de la transition énergétique, il est logique de faire payer les énergies fossiles qui émettent du CO2. J’entends bien qu’il en résulte une augmentation des taxes. Mais les prix TTC du fioul comme du gasoil à la pompe sont en baisse, ce qui a absorbé…
M. Hervé Mariton. Ce n’est pas écrit jusqu’à la fin des temps !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai rien dit de tel, monsieur Mariton. Je dis qu’à l’instant t la baisse des prix a absorbé l’évolution des taxes. Quant aux amendements proposés, l’amendement no 458 rectifié de M. de Courson soulève une bonne question, celle de la concurrence entre gaz naturel liquéfié et gaz de pétrole liquéfié. L’amendement que vous proposez rapporte 340 millions d’euros, cher collègue. Il faut donc que quelqu’un paie. Il s’agit donc bien d’une augmentation nette de taxe. Vous invitez toujours à les diminuer en tribune mais vos amendements ont parfois tendance à les augmenter !
M. Charles de Courson. C’est un amendement d’appel !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cette augmentation de taxe de 340 millions d’euros pèse en grande partie sur les particuliers car elle porte sur la bouteille de gaz. Vous qui connaissez bien les territoires ruraux, vous savez très bien que c’est là que les bouteilles de gaz sont vendues pour l’essentiel. Certes, une hausse de quatre euros par an et par foyer reste limitée, mais il s’agit tout de même d’une hausse de la taxe pesant sur les bouteilles de gaz. L’avis de la commission est donc défavorable.
À propos de l’amendement no 106 de Mme Sas, l’avis de la commission est également défavorable. D’abord, vous proposez une augmentation après 2017, chère collègue. Je propose qu’on s’en tienne à l’horizon de 2017 qui donne déjà des perspectives. En outre, votre amendement n’est pas opérationnel car il ne maintient pas les exonérations applicables à certains carburants dérivés du gaz sans pour autant prévoir de nouveaux tarifs. Enfin, les amendements nos 62, 95 et 532 sont contraires à ce que propose l’article. Je crois qu’une large majorité d’entre nous assume l’arrêt de l’augmentation des taxes pesant sur l’électricité et le basculement de l’augmentation des taxes sur les énergies fossiles.
M. Hervé Mariton. Et l’isofiscalité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. J’ai suivi de loin les débats de la COP21, comme vous, mesdames et messieurs les députés. Nous n’allons pas brandir l’argument de la COP21 toutes les trois minutes mais je viens de lire un résumé de l’intervention du président Obama insistant sur la nécessité de fixer un prix du carbone.
M. Olivier Carré. Oui, au niveau mondial !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est ce que nous faisons, contrairement à la taxe carbone que vous avez mise en place, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, et qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il est bon de fixer un prix du carbone et d’introduire la notion de coût carboné dans le coût des énergies.
M. Hervé Mariton. Nous sommes d’accord !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Deuxièmement, il sera nécessaire de mener une discussion au niveau européen voire mondial, comme l’a suggéré M. de Courson. Au niveau mondial, cela a lieu. Nous ne parviendrons pas forcément à un accord unanime fixant tout de suite un prix et une évolution de la tonne de carbone mais il me semble que les choses progressent rapidement. Pierre Moscovici a déclaré à l’instant qu’il faut travailler sur la fiscalité environnementale et notamment carbonée au niveau européen. Il me semble que les choses progressent.
Pour autant, nous devons assumer nos choix. Ne jouons pas à ceux qui auraient découvert la Lune ! Lorsque nous avons arrêté la contribution climat-énergie en 2012, j’étais à la place de votre rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés. J’ai rédigé un rapport sur l’évolution du produit de la contribution climat-énergie présentant les mêmes chiffres que ceux avancés par Valérie Rabault, soit environ 4,5 milliards d’euros au terme de la montée en charge, fixé à l’époque à 2016. Nous savions en 2012 qu’elle était destinée à financer à peu près 25 % du CICE et nous avons dit pourquoi. Nous l’avons assumé et avons même eu le débat, que nous aurons probablement encore, sur l’utilisation du produit de la contribution climat-énergie. Certains voulaient en faire une dépense ou des prestations en direction de la transition énergétique ou des ménages, mais nous avons assumé et continuons à assumer sa destination jusqu’au niveau prévu.
Quant à l’isofiscalité que vous avez raison d’évoquer, monsieur le député Mariton, nous nous y conformons exactement. Les produits supplémentaires, tels que celui obtenu avec le mécanisme « plus un moins un », nous les affectons à une baisse des impôts des ménages. Si vous adoptez l’article tel qu’il vous est proposé, le produit de la contribution climat-énergie augmentera, ce qui nous permettra d’effacer l’augmentation prévisible de la contribution au service public de l’électricité.
M. Hervé Mariton. Pourquoi ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parce que la CSPE est inscrite, monsieur le député Mariton ! Ce n’est pas nous qui l’avons inventée !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elle date de 2003, si mes informations sont bonnes.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Non, de 2000 !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais son indexation automatique, de 2011. Qu’avez-vous décidé en 2011, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ? Que la Commission de régulation de l’énergie estimerait tous les ans le coût du soutien aux énergies renouvelables, du tarif social de l’électricité et de la desserte des territoires isolés. Ces trois composantes ont un coût. Vous avez inscrit dans la loi en 2011 le mécanisme selon lequel la CRE fixe le coût de la CSPE nécessaire pour couvrir ces coûts. Si le Gouvernement ne le fait pas, l’augmentation lors de l’année considérée sera de trois euros. Nous avons comme chacun sait une dette cumulée vis-à-vis d’EDF car il faut financer les tarifs de rachat des énergies renouvelables.
Il s’agit donc bien d’isofiscalité. Typiquement, nous avons réalisé des transferts afin que le financement des énergies renouvelables ne pèse plus seulement sur l’énergie électrique alors même qu’il semble naturel de le faire peser sur les énergies fossiles, ce que vous-même trouviez anormal. Tel est le schéma proposé par l’article. Très honnêtement, il me semble tout à fait vertueux en termes de répartition des contributions. Il s’agit bien d’isofiscalité.
M. Hervé Mariton. Non !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, monsieur le député ! D’ailleurs, les prélèvements obligatoires baissent. Nous n’avons pas eu l’honneur de débattre hier sur ce sujet mais les prélèvements obligatoires baissent.
M. Hervé Mariton. Il faut une loupe !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non ! Ils baissent de 0,6 %, soit 12 milliards d’euros ! Si vous pensez que ce n’est rien ! Le premier amendement présenté par M. de Courson propose d’alourdir la fiscalité pesant sur l’une des formes d’énergie, ce à quoi je dis immédiatement que le Gouvernement est défavorable. Le dispositif que nous proposons est bon. Il est légitime de se demander si nous devons fixer le prix du carbone jusqu’en 2020. Cela me semble prématuré. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements présentés à l’instant consistant à graver dans le marbre sa trajectoire jusqu’à un horizon trop lointain.
Nous devons assurer la lisibilité du signal. Nous agissons pour deux ans, 2016 comme prévu antérieurement et 2017 afin de dresser un constat selon l’évolution des prix de l’énergie qui semble vous angoisser. Si les prix des carburants fossiles évoluent très sensiblement à la hausse, peut-être le Parlement devra-t-il en tenir compte afin de maintenir l’acceptabilité du poids de la fiscalité. S’ils demeurent relativement stables, nous verrons si une marche supplémentaire peut être franchie.
Telle est la solution équilibrée que propose le Gouvernement : ne pas fixer l’échéance trop loin mais la fixer suffisamment loin afin d’alimenter la fiscalité. J’ai répondu ici tout à l’heure à une question de votre collègue Marie-Jo Zimmermann évoquant le signal catastrophique que nous enverrions. À un moment donné, il faut se mettre d’accord ! Il faut émettre des signaux et favoriser des évolutions. Nous le faisons sur une durée suffisamment longue pour assurer la lisibilité et induire des changements de comportement mais pas trop longue sinon aucune prévisibilité n’est possible. Le Gouvernement est donc défavorable à tous les amendements dont certains sont d’ailleurs contradictoires, certains proposant d’aller plus loin et plus fort, d’autres proposant de figer les choses, en particulier M. de Courson qui est en parfaite contradiction avec ce qu’il prône d’habitude au sujet des mouvements qu’il souhaite imprimer à la fiscalité !
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Je m’adresserai à nos collègues de l’opposition. À propos de la stabilité du prélèvement, l’observation selon laquelle il s’agit d’une augmentation de 2 milliards d’euros tous les ans est légitime, chers collègues. Mais immédiatement, une deuxième question se pose : comment réduire éventuellement les prélèvements ailleurs ? Différentes formes sont possibles : un crédit d’impôt à destination des ménages à entrée environnementale ou sociale, comme le fameux chèque vert proposé lors du précédent mandat, ou bien une restitution à des entreprises, ce qui est le principe du CICE mis en place en même temps que la contribution climat-énergie. Cette question mérite en effet d’être traitée.
Ce qui m’inquiète davantage, et j’ai déjà eu l’occasion de m’adresser à Marie-Christine Dalloz hier sur ce point, c’est votre obsession à contester cette augmentation, chers collègues de l’opposition. Est-ce une habitude générale de l’opposition d’annoncer le mécontentement des gens afin de surfer dessus en suscitant la crainte que le Gouvernement augmente les contributions de deux centimes par an ? Ou sont-ce les restes d’un dogme répété depuis des années consistant à s’opposer à cette augmentation sous prétexte de protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens ?
M. Olivier Carré. Nous ne sommes pas les plus dogmatiques !
M. Éric Alauzet. Car c’est exactement le contraire que vous préparez, à force de ne rien faire depuis tant d’années et de tant tarder à émettre des signaux afin qu’on s’organise pour se dégager de l’énergie fossile ! Elle va nous exploser en pleine figure en raison de son prix car ne nous y fions pas, sa baisse n’est que passagère et il remontera dans deux ou trois ans, et fortement ! Vous proposez une augmentation importante du coût de l’énergie d’ici deux ou trois ans qui pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages ! Il faut donc tout faire pour nous en dégager. Je vous signale d’ailleurs qu’à l’heure actuelle, selon une déclaration de la COP21, une taxe carbone existe ou est prévue dans des pays représentant 89 % du PIB du G 20, soit 75 % de l’économie mondiale ! Il ne s’agit donc pas d’attendre les autres ! Nous sommes en retard ! Il faut y aller maintenant !
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Le véritable objectif de l’amendement no 458 rectifié, monsieur le secrétaire d’État, était de vous amener à expliquer pourquoi le gaz de pétrole liquéfié est placé à part des autres gaz. D’ailleurs, Mme la rapporteure générale a adopté une attitude ouverte, reconnaissant qu’il existe un vrai problème. Mon amendement visait à appeler votre attention sur ce point et j’espérais une réponse plus ouverte. Pourquoi cette distinction ? Sur quoi est-elle fondée ? Augmenter les recettes de près de 400 millions d’euros n’est pas du tout notre objectif ! Je retire donc cet amendement mais je reste sur ma faim quant à votre position sur le fond, monsieur le secrétaire d’État. Pourquoi cette différence de traitement entre le gaz de pétrole liquéfié et les autres gaz ? Telle est la question !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez usé d’arguments qui vont dans le sens de l’amendement no 532, qui tend à maintenir pour 2017 un niveau équivalent à celui de 2016. En effet, il faut, au minimum, un accord au sein de l’Union européenne et vous avez rappelé fort à propos la déclaration du commissaire européen en charge de ce domaine, notre ancien collègue. Vous reconnaissez donc vous-même que ces décisions que la France prend de manière unilatérale mettront en péril certaines de nos entreprises – sans parler des incidences sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Programmer une augmentation annuelle continue de 2 milliards, sans concertation avec nos partenaires européens, est très français. Je ne vous donne pas deux ans avant que nous ne nous réveillions et que nous n’appelions à une coordination européenne. Je retire l’amendement no 458 rectifié, mais je maintiens l’amendement no 532.
(L’amendement no 458 rectifié est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Nos collègues écologistes ont raison de demander une meilleure visibilité dans la durée. Au demeurant, l’incertitude sur le prix du brut ne doit pas effacer toute détermination à fixer le prix du carbone.
M. Éric Alauzet. Tout à fait.
M. Hervé Mariton. L’orientation de l’amendement no 106 est donc la bonne.
Reste la question de l’isofiscalité. Le secrétaire d’État a expliqué que l’augmentation de la taxe carbone pouvait permettre d’éviter une augmentation de la CSPE, sous son régime actuel. C’est peut-être un travers d’hier et d’avant-hier, mais ce n’est pas de l’isofiscalité pour autant. Il vous sera difficile, monsieur le secrétaire d’État, de convaincre les Français que ne pas augmenter les impôts, c’est, en réalité, ne pas augmenter les impôts qui auraient pu augmenter !
M. Charles de Courson. C’est du Coluche !
M. Hervé Mariton. Certes, le dispositif que vous proposez permettra de mieux financer les énergies renouvelables. Mais, et c’est là où nous ne serons pas d’accord avec les écologistes, il convient de ne pas confondre la stratégie décarbonée – l’enjeu de la COP21 – et les décisions publiques zélées, qui encouragent des programmes d’investissement dans les énergies renouvelables parfois extravagants et excessivement dépendants de subventions publiques, qui viendront charger considérablement la contribution climat-énergie. Je pense notamment aux programmes relatifs à l’éolien en mer, pour lesquels des engagements considérables ont été pris.
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Je n’avais pas prévu de parler des énergies renouvelables, mais M. Mariton me tend une telle perche que je me vois contraint de l’inviter à regarder les chiffres publiés, non pas par les écologistes, mais par des groupes financiers comme Bloomberg, sur le prix des énergies renouvelables. Il réalisera que ses fantasmes quant à l’explosion des coûts sont plutôt à ranger du côté d’une énergie qui lui est chère – et est beaucoup plus chère pour nos concitoyens –, l’énergie nucléaire.
Monsieur le secrétaire d’État, la confirmation en 2017 de la trajectoire de l’augmentation de la contribution climat-énergie est une bonne nouvelle, et nous nous en réjouissons.
Même si j’ai peu d’espoirs, je me permets d’insister à nouveau sur l’amendement no 106, qui vise à inscrire la trajectoire dans la durée. J’ai compris que vous n’aviez pas d’arguments contre, mais que vous pouviez vous trouver contraint à rester dans le cadre de cette législature, ce qui est légitime. Pourtant, cela a des conséquences négatives pour tous les acteurs, y compris les entreprises, qui expliquaient encore ce matin à la COP21 le besoin de visibilité concernant le prix du carbone.
M. Hervé Mariton. Ce n’est pas moi qui le dis !
M. Denis Baupin. Pour investir à 15 ou 30 ans, il faut savoir ce que sera alors le prix du carbone. Ne pas prendre de décision, c’est ôter une partie de cette lisibilité. C’est bien la raison pour laquelle l’article 1er de la loi relative à la transition énergétique prévoit que le Gouvernement se fixe pour objectif d’atteindre une valeur de la tonne de carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030. La tonne de carbone coûte aujourd’hui plus de 100 euros en Suède : l’objectif n’est donc pas extravagant et nous sommes même très en retard par rapport à d’autres. Par ailleurs, la commission Rocard, sous la législature précédente, avait fixé des objectifs dans la durée. Certes, il convient de confirmer les tarifs étape après étape. Pour autant, une visibilité sur trois ans ne paraît pas excessive ; au contraire, elle est nécessaire.
(L’amendement no 106 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 62, 95 et 532 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 311 et 107, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 107.
M. Éric Alauzet. Dans le cadre de la convergence des fiscalités sur l’essence et le gazole, le sort de certains carburants a été omis : ainsi, le GPL pourrait se trouver pénalisé par rapport à l’essence, alors qu’il remplit les mêmes objectifs au regard de la santé et qu’il est même plus performant pour ce qui est des rejets de particules et d’oxyde d’azote. Cet amendement vise donc à ajuster le dispositif afin que le GPL demeure au même étiage que l’essence.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 311 et donner son avis sur l’amendement no 107.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a adopté l’amendement no 311, qui nous paraît plus complet. J’invite donc M. Alauzet à retirer l’amendement no 107 et à soutenir l’amendement de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La question méritait d’être posée. L’impact financier d’un tel amendement, de l’ordre de 1 million d’euros, est si faible que le Gouvernement ne se trouverait pas scandalisé si, d’aventure, l’Assemblée exprimait cette volonté. Il s’en remet donc à sa sagesse.
M. le président. Monsieur Alauzet, retirez-vous votre amendement ?
M. Éric Alauzet. Je le retire.
(L’amendement no 107 est retiré.)
(L’amendement no 311 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 195.
Mme Bernadette Laclais. Cet amendement, également déposé par MM. Blein et Goua, vise à donner au dispositif visé à l’article 11 une solidité juridique. En effet, les fabricants de produits énergétiques, pour des raisons d’efficacité économique et environnementale, peuvent être amenés à externaliser la fabrication de produits intermédiaires, comme les gaz industriels.
Si la consommation de gaz naturel pour la fabrication de ces produits intermédiaires ne bénéficie pas des mêmes taux que dans le cas où leur production est internalisée, il peut y avoir distorsion de concurrence. La Commission européenne a d’ailleurs rappelé ce principe d’égalité de traitement dans une directive de 2009.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous proposez de supprimer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ou TICPE, lorsqu’une entreprise utilise une énergie pour fabriquer de l’électricité. Certes, la hausse progressive de la TICPE peut justifier un tel amendement, mais la commission, qui a examiné celui-ci dans le cadre de l’article 88, n’a aucune idée du coût, potentiellement élevé, de cette exonération, qui serait d’ailleurs une nouveauté.
Par ailleurs, vous évoquez le principe de neutralité fiscale au regard de la directive de 2009 sur le marché des quotas de CO2, et non l’encadrement européen de la taxation de l’énergie. Or c’est bien de fiscalité énergétique qu’il s’agit ici. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous n’avons pas la même lecture des directives ou des recommandations de la Commission, madame la députée. La directive de 2003, dans son article 21, reprenait ce qui existait dans la loi française. La recommandation de 2009 ne portait pas sur les niveaux de TICPE, mais se rapportait à la répartition des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Nous ne traitons donc pas du même sujet. Nous maintenons notre position, qui est de considérer qu’il y a là une contradiction par rapport aux règles européennes. Il serait plus sage de retirer cet amendement, à défaut de quoi je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.
M. le président. Madame Laclais, retirez-vous cet amendement ?
Mme Bernadette Laclais. Je le retire.
(L’amendement no 195 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 380 et 384, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont rédactionnels.
(Les amendements nos 380 et 384, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Éric Alauzet. À l’heure de la COP21, il est important de mener une évaluation sur l’ensemble des avantages fiscaux défavorables à l’environnement, dont vous savez qu’ils se chiffrent en milliards d’euros. Le charbon est tout particulièrement concerné. Alors que plusieurs entreprises se sont engagées à ne plus financer ou à ne plus utiliser le charbon, nous devons veiller à ce que l’État n’incite pas à utiliser cette énergie très polluante.
Or les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d’électricité représentent 3 % de leur chiffre d’affaires sont aujourd’hui exonérées de la TIPCE sur le charbon. Cette exonération va de pair avec des achats, organisés par la CRE, en faveur des entreprises qui valorisent la biomasse par l’usage du charbon. Ce double avantage constitue une distorsion de concurrence pour les entreprises qui valorisent la biomasse sans utiliser de charbon et qui, par conséquent, obtiennent un rendement moindre.
En outre, cet avantage est contre-incitatif, puisqu’il empêche d’utiliser des modes de combustion pourtant plus respectueux de l’environnement. Il convient de supprimer cet avantage fiscal injustifié, aussi bien du point de vue environnemental que de celui des finances publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement risquerait de fragiliser les entreprises qui valorisent la biomasse, une activité, vous me l’accorderez, favorable à la transition énergétique. Par ailleurs, une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2016 exposerait ces entreprises à un risque de délocalisation. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certes, l’adoption d’un tel amendement pourrait fragiliser ce secteur, mais ce n’est pas là le seul argument. Pour bénéficier de cette exonération, les entreprises sont tenues d’appliquer les quotas d’émission de gaz à effet de serre ou de produire des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre. Cela permet à ce secteur de réduire la part des énergies fossiles qu’il utilise ou de mettre en œuvre des technologies visant à améliorer les performances énergétiques. Autant de garanties qui justifient cette exonération. Il y a donc tout lieu de ne pas retenir cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je voudrais ajouter un argument supplémentaire à ceux du secrétaire d’État. L’industrie de la déshydratation de la luzerne est la principale visée en l’espèce. Or, la luzerne, quand vous allez du puits à la roue, comme on dit, est une sorte d’aménité en termes environnementaux, puisque c’est un piège à nitrates et, dès lors, un élément de la protection de l’eau. Sinon, c’est très simple, fermons les usines et les agriculteurs cultiveront autre chose à la place, du blé par exemple.
Le maintien de l’industrie de la luzerne présente un véritable intérêt pour l’environnement. De surcroît, des investissements considérables ont été consentis dans ce secteur afin de favoriser le recours aux meilleures technologies en termes environnementaux.
Si nous votions l’amendement de M. Alauzet, nous n’aurions plus qu’à fermer toutes les unités en France et à importer encore un peu plus de nourriture pour l’élevage français.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un peu exagéré.
M. Charles de Courson. Lorsque l’on connaît le problème, on comprend vraiment pourquoi il ne faut pas voter l’amendement no 50.
(L’amendement no 50 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 383.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 383, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 472 rectifié.
M. Charles de Courson. Le paragraphe 13 de la circulaire du 23 juin 2015 relative à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité – TICFE – précise la notion de « livraison de l’électricité » en indiquant qu’elle se définit par le « transfert de propriété au point de livraison de l’électricité ».
Cet amendement tend à sécuriser la mise en œuvre de la réforme de la TICFE en précisant à l’article 266 quinquies du code des douanes que le fait générateur intervient lors de la livraison, qui elle-même se matérialise lors de la facturation des volumes livrés au consommateur par son fournisseur.
L’assiette relevant du domaine législatif, il s’agit simplement d’inscrire dans la loi une pratique administrative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. de Courson fait du zèle législatif car aucune taxe n’est définie dans la loi. Elles le sont toutes par des circulaires.
M. Charles de Courson. Pas le fait générateur ! C’est un élément de l’assiette.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 472 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 194.
Mme Bernadette Laclais. Cet amendement est similaire à un précédent auquel il a été répondu. Je le retire par conséquent.
(L’amendement no 194 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 61, 96, 17, 457 et 561, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 61 et 96 sont identiques ainsi que les amendements nos 17, 457 et 561.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 61.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.
M. le président. Vous pouvez garder la parole, madame, pour soutenir l’amendement no 96.
Mme Marie-Christine Dalloz. Nous vous proposons, par cet amendement, de maintenir la TICFE à son niveau actuel de 2015, soit 19,50 euros le mégawattheure.
Nous le savons, une nouvelle augmentation de trois euros par mégawatt-heure est prévue en 2016 et en 2017. Or, la TICFE a augmenté de 550 % depuis 2002. Ce n’est pas acceptable pour les ménages. Cette taxe pose de surcroît un problème de fond. Aujourd’hui, l’énergie électrique est, à hauteur de 80 %, décarbonée. Votre fiscalité écologique repose uniquement sur un élément décarboné à 80 %.
Vous avez prévu de réorienter dès 2017 la fiscalité écologique vers la TICFE et la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel – TICGN. C’est très bien d’augmenter ainsi les taxes sur les énergies fossiles, mais ne pourrions-nous imaginer de ne pas augmenter la TICFE en 2015 et d’en rester à 19,50 euros le mégawattheure ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 17.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement n’a pas du tout le même sens. Il tend à harmoniser le coût de la fiscalité écologique sur l’ensemble des énergies, qu’elles soient fossiles ou non.
M. le président. On m’indique qu’il est alternatif.
Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, il l’est, dans sa fonction première.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 457.
M. Charles de Courson. Cet amendement tend à interroger le Gouvernement qui prévoit, dans l’article 11, de maintenir la TICFE en 2017 à son niveau de 2016. Le prix du carbone différerait alors de celui des autres énergies sur le plan national.
Nous proposons de maintenir un prix du carbone identique, quel que soit le type d’énergie consommée. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous expliquer les raisons d’un tel choix ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l’amendement no 561.
M. Olivier Faure. Cet amendement a le même objet que l’amendement no 457 de M. de Courson.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut faire preuve d’un minimum de sens des responsabilités en la matière. Il serait ainsi irresponsable de fixer un niveau de CSPE qui en ferait baisser les recettes de 1 milliard d’euros.
La CSPE a été créée en 2003.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. En 2000 !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, c’est son ancêtre qui a été créé en 2000, le fonds du service public de la production d’électricité.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons tous les deux raison.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2011 a été mis en place un mécanisme de réévaluation, que j’ai décrit tout à l’heure. La CSPE est un dispositif très complexe. Avez-vous déjà étudié les documents de la CRE qui tentent d’exposer le mode de calcul pour déterminer le niveau de CSPE nécessaire à la couverture des charges ? Celles-ci sont de trois ordres : une part relativement faible pour desservir les territoires isolés comme les îles, en particulier en outre-mer, une deuxième part pour couvrir le tarif social de l’électricité, que personne ne conteste, et le reste, soit les deux tiers, pour couvrir les tarifs de rachat de l’électricité. Toutes majorités confondues, nous y avons tous contribué.
Lorsqu’il s’est agi de développer les énergies renouvelables – M. Borloo s’y est beaucoup investi –, il a été nécessaire, pour assurer l’équilibre financier, de fixer un tarif qui s’étale sur de longues années. En effet, les particuliers qui ont installé des panneaux solaires ou des éoliennes avaient besoin d’une lisibilité sur la durée d’amortissement de leurs installations, souvent très coûteuses. Prenez l’exemple des unités de méthanisation, qui se développent. Aujourd’hui, ces tarifs de rachat augmentent, pas forcément suite à la multiplication des installations, mais parce qu’elles s’ajoutent à celles qui existent et dont les tarifs de rachat courent encore.
L’État, aujourd’hui, a une dette envers EDF. Vous pouvez affirmer avec démagogie qu’il ne faut pas augmenter la CSPE mais dites aussi que cela revient, mécaniquement, à augmenter la dette de l’État à l’endroit d’EDF.
Nous avons mis en place un plan d’apurement de la dette de l’État sur cinq ans afin de l’éteindre à cette échéance. Nous en sommes, si je ne me trompe pas, à la deuxième année. Je ne dirais pas qu’EDF s’en trouve fragilisée mais ses commissaires aux comptes ont fini par nous poser des questions légitimes.
Une telle décision serait irresponsable. Je veux bien que l’on tourne les choses en dérision en rappelant qu’il avait été acté de ne pas augmenter. C’est oublier que la CSPE a toujours été destinée à couvrir les charges que j’ai rappelées et qui, mécaniquement, augmentent.
Comment pouvez-vous soutenir, dans vos circonscriptions, le développement de l’éolien…
M. Hervé Mariton. Ah non ! Surtout pas !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …des unités de méthanisation ou la couverture de certains hangars agricoles de panneaux photovoltaïques, et tenir à l’Assemblée de tels propos ? C’est purement démagogique et irresponsable.
Nous ne sommes pas souvent d’accord, monsieur Mariton, mais je suis très heureux que vous ayez donné un accord de principe à l’inflexion donnée sur l’assiette de la CSPE pour les énergies fossiles, même si vous n’approuvez pas les montants.
M. Hervé Mariton. Je n’approuve pas le caractère mécanique de la dépense !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les montants résultent de nos engagements antérieurs, les vôtres comme les nôtres, en matière de tarifs de rachat.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Une hausse de la taxe carbone est donc prévue pour financer le prochain gel de la CSPE, qui n’a cessé d’augmenter depuis 2010, de près de 330 %. Pour les députés du Front de gauche, la priorité doit être accordée au développement d’une vraie filière publique industrielle des énergies nouvelles, au lieu de faire payer aux consommateurs la rente privée de l’éolien. Comme si ces hausses incessantes ne suffisaient pas, il est prévu que la CSPE augmentera tout de même à nouveau au 1er janvier 2016 de trois euros le mégawattheure. Il s’agit visiblement de faire financer par les ménages la compensation de la baisse de la taxe carbone en faveur des entreprises électro-intensives.
La facture des grandes entreprises en sera réduite d’autant mais cette mesure, souhaitée par les grands industriels, sera payée par les ménages. Ces nouveaux cadeaux nous semblent excessifs et nous ne pouvons que regretter cet énième transfert de charges, opéré discrètement des entreprises vers les ménages. Cet article nous laisse dubitatifs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. M. le secrétaire d’État a présenté le sujet de manière très générale. Je voudrais, de mon côté, préciser deux points. Tout d’abord, les amendements présentés, tout comme l’intervention de M. Charroux, sont inspirés par la crainte de voir s’alourdir encore la fiscalité des ménages. Hervé Mariton l’a dit, nous devons faire bien attention à raisonner en termes d’isofiscalité, afin de vérifier que l’extension de l’assiette au gaz, au charbon, aux énergies fossiles, ne se traduise pas, même si elle est légitime, par des transferts excessifs sur les ménages.
Compte tenu du prix actuel du pétrole, toutes ces modifications de la fiscalité se situent dans des marges très réduites par rapport à l’enjeu général que représente l’évolution des prix mondiaux. Nous sommes dans une phase favorable mais, dès que la conjoncture se retournera, la fiscalité sera perçue très différemment.
Pour le reste, j’approuve totalement l’architecture nouvelle qui résulte de cette réforme. Préfigurée en 2000, la CSPE a été introduite en 2003. Elle représente aujourd’hui un flux annuel de 7 milliards d’euros. Or nous n’en avons jamais discuté ici. Le Conseil constitutionnel ayant admis qu’il s’agissait d’une imposition de toute nature, il serait légitime que le Parlement en fixe désormais l’assiette, la quotité et les modalités de recouvrement.
Les recettes de la CSPE ont en effet dérivé avec les dépenses auxquelles elles correspondaient. Si nous avions été davantage associés à la décision, on aurait fait plus attention à certains phénomènes. Je le dis à mes collègues écologistes : si, parmi les dépenses, figuraient des dépenses traditionnelles que nous connaissons bien – péréquation territoriale, financements en faveur de l’outre-mer et des îles, tarifs sociaux – et qui ont évolué de façon très raisonnable, s’y sont ajoutées les dépenses liées aux tarifs de rachat des énergies renouvelables. Lorsque l’on a permis de cumuler, dans le cadre de dispositions soutenues par M. Borloo, l’avantage fiscal sur le photovoltaïque, notamment outre-mer, et les tarifs de rachat, le système s’est proprement emballé, les dérives atteignant des centaines de millions, voire des milliards d’euros.
Dans l’architecture qui nous est proposée, un compte d’affectation spéciale recevra l’essentiel de la taxe, en sorte que c’est nous, ici, qui la voterons. En face, nous pourrons identifier de façon beaucoup plus simple et transparente les dépenses qui relèvent de l’aide aux énergies renouvelables, étant entendu que les dépenses traditionnelles de solidarité territoriale ou sociale figureront dans un programme ad hoc.
Je le répète, j’approuve totalement cette architecture. Je vous invite cependant à faire attention, monsieur le secrétaire d’État : le prix actuel du pétrole masque les effets de la fiscalité sur le pouvoir d’achat des ménages.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Comme vous l’avez relevé, monsieur le secrétaire d’État, j’approuve moi aussi l’architecture globale du dispositif. Ce que je n’approuve pas, c’est votre emploi de l’adjectif « automatique ». Le président de la commission des finances vient de montrer que les dépenses peuvent exploser. On ne saurait considérer que leur financement doit être automatique, à moins de renoncer à maîtriser l’évolution du système.
Il ne suffit pas qu’un mode de production d’énergie soit alternatif – je le dis sans dogmatisme énergétique, mais par simple sagesse quant à l’usage des finances publiques – pour être raisonnable. La réalité est que votre majorité, tout comme la majorité d’hier – je ne considère pas que le système ait été extraordinaire avant 2012 –, a laissé filer des engagements qui lestent aujourd’hui la CSPE. Il est donc important pour l’avenir que la stratégie qui conditionne les dépenses n’ait rien d’automatique.
Je vous ai interrogé en commission des finances sur la dette de l’État afférente au dispositif de la CSPE. Votre réponse allait dans le sens des lettres envoyées par l’État à EDF pour reconnaître cette dette. Mais je ne crois pas que vous m’ayez répondu à propos d’une dette dont le statut juridique est probablement différent, celle qui correspond à la totalité des engagements pris au titre des politiques énergétiques successives et en vertu desquels des acteurs lancent des programmes, préemptant à certains égards des dépenses du type de celles que permet la CSPE et que nous devrons financer demain. Or ce stock de dette est bien plus élevé. Je considère donc qu’il faut tenir la barre d’une manière qui ne doit être en rien automatique. Il ne suffit pas d’exciper du caractère renouvelable – parfois et même souvent vertueux, mais pas toujours – d’un mode production d’énergie pour alourdir la charge de ce qui correspond aujourd’hui à la CSPE !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne comprends pas ce que vous entendez par « isofiscalité », monsieur Mariton. Que 100 soit égal à 100, nous en sommes d’accord. L’important, c’est de savoir qui paie à la fin !
M. Hervé Mariton. Le contribuable !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est toujours le contribuable en effet, mais qui ? Et dans quel objectif ?
Pour une consommation moyenne, un ménage de deux parents et deux enfants paie en moyenne 120 euros de taxes sur l’électricité. S’il se chauffe au fioul, les taxes atteignent 168 euros, mais elles ne sont que de 50 euros s’il se chauffe au gaz. On le voit, le système porte en lui une distorsion qu’il est indispensable de corriger au regard des objectifs que l’on se fixe.
M. Hervé Mariton. Il ne faudrait pas en profiter pour augmenter la masse globale des taxes !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il ne s’agit pas d’augmenter la masse globale. La question qui se pose est celle des transferts entre les ménages et les entreprises et, pour les seuls ménages, entre ceux qui se chauffent au gaz, ceux qui se chauffent au fioul et ceux qui se chauffent à l’électricité. Même dans la perspective d’une « isofiscalité », c’est-à-dire d’un même montant global, il faut tenir compte de la réalité de l’ensemble des ménages.
M. Hervé Mariton. J’entends bien !
(Les amendements identiques nos 61 et 96, ainsi que les amendements identiques nos 17, 457 et 561, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 463, 646, 85 et 647, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 463 et 646 sont identiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 463.
M. Charles de Courson. Je veux appeler votre attention sur un vrai problème.
Le texte gouvernemental prévoit un dispositif d’exonération particulier pour les électro-intensifs. C’est indispensable : ne pas le faire condamnerait ces entreprises. Cependant, l’article prévoit un seuil de 7 GWh par an, au-dessus duquel on bénéficie du dispositif et au-dessous duquel on en est exclu.
Je propose de supprimer ce seuil, car il existe des petites et moyennes entreprises électro-intensives qui ne l’atteignent pas. L’objectif est de protéger l’ensemble des électro-intensifs, grands ou petits.
M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l’amendement identique no 646.
M. Bernard Gérard. Mon intervention rejoindra celle de M. de Courson. En ma qualité de président du groupe d’études Textile et industries de main-d’œuvre, j’ai visité récemment une entreprise installée dans les Flandres. Avec 50 salariés et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, elle paie 68 000 euros au titre de la CSPE, montant auquel il faut ajouter 38 000 euros de taxe sur le gaz naturel. Ces taxes représentent plus de 4,5 % de sa valeur ajoutée.
Il s’agit là de petites entreprises parfois essentielles à la préservation d’une filière et qui animent souvent des bassins de vie situés en zone rurale. L’effet de seuil créera une disparité, concourant à aider les très grandes entreprises et pénalisant les petites. Nous devons nous pencher sur cette distorsion de concurrence entre entreprises d’une même branche. Les conséquences peuvent en être dramatiques.
Je propose donc, comme M. de Courson, la suppression de ce seuil.
M. le président. Vous avez de nouveau la parole pour soutenir l’amendement no 85, mon cher collègue.
M. Bernard Gérard. C’est un amendement de repli visant à abaisser le seuil au cas où l’on ne ferait pas droit à notre demande de suppression. En Allemagne, les entreprises bénéficient d’allègements à partir de 1 GWh par an.
M. le président. Vous conservez la parole pour présenter le dernier amendement de cette discussion commune, le no 647.
M. Bernard Gérard. Il est défendu. Il s’agit également d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les amendements nos 463 et 646 posent une question très pertinente. Pour ce qui est du seuil, il faut d’abord déterminer combien il faut de kilowattheures pour produire un euro de valeur ajoutée, que l’on soit dans une grande ou dans une petite entreprise. Mais la conséquence de l’établissement d’un seuil de consommation est en effet que de petites entreprises électro-intensives ne bénéficieront pas du tarif prévu pour les plus grandes. Le problème principal, car nous ne disposons d’aucune estimation, est le coût de la suppression de ce seuil, ou d’ailleurs d’une modification du rapport défini entre consommation d’électricité et valeur ajoutée.
C’est donc en raison de leur coût pour les finances publiques que la commission a émis un avis défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est l’occasion pour moi de rappeler un aspect que nous n’avons pas encore évoqué : l’objet de cette réforme, on l’a peut-être un peu oublié, est également de nous mettre en conformité avec le droit européen, ce qui n’est pas le cas de la CSPE telle qu’elle existe aujourd’hui. Par ailleurs, nous devons veiller à ce que les tarifs spécifiques que nous établissons pour certaines entreprises soient compatibles avec le droit européen.
La tâche n’était pas facile. C’est pour cela, je vous le dis en confidence, que la réforme n’arrive que dans le projet de loi de finances rectificative. Il nous a fallu travailler, consulter. Vous avez rencontré des entreprises, monsieur Gérard, et c’est bien normal. Nous l’avons fait aussi : nous avons rencontré les syndicats d’entreprises, les électro-intensifs, les hyper-électro-intensifs, les grands consommateurs d’électricité… Ce que nous avons recherché, c’est que les nouveaux tarifs correspondent au mieux à ce qui préexistait en matière de tarification, afin qu’il y ait le moins de perdants possible. Vous dire qu’il n’y en aura pas du tout serait présomptueux de ma part. Mais nous n’en avons identifié que quelques-uns, et pour de faibles volumes. Les secteurs fortement électro-intensifs, comme l’aluminium, ne sont pas perdants. En nombre, il y a même plus d’entreprises gagnantes que d’entreprises perdantes.
Cela m’amène à un sujet évoqué à plusieurs reprises, celui de la répartition de cette fiscalité entre les ménages et les entreprises – vous me pardonnerez d’être un peu long, monsieur le président, mais le débat est important et intéressant, même s’il existe des différences d’appréciation.
Les ménages comme les entreprises sont soumis à la fiscalité environnementale. Certains sont plus sensibles au coût de l’électricité, d’autres à celui des énergies fossiles. D’une façon générale et indépendamment de considérations géographiques – milieu rural, urbain, etc. –, les ménages sont plus sensibles à la fiscalité sur les carburants qu’à la fiscalité sur l’électricité.
Les entreprises, elles, sont plus sensibles au prix de l’électricité pour une autre raison. Les agriculteurs, dont M. Tian a parlé dans sa première intervention sur ce texte, les taxis, les professionnels du bâtiment, bénéficient pour leur part soit de tarifs particuliers, par exemple pour le GNR – gazole non routier –, soit d’une compensation de leur fiscalité. Ils ne sont donc pas concernés par ces questions. Leur fiscalité n’est pas indexée : elle est fixée en euros.
Bref, avec ces seuils de 7 GWh et de 0,5 % de la valeur ajoutée, nous avons cherché un modèle qui soit le plus proche possible de ce qui existait déjà, afin de ne pas bouleverser les équilibres et d’assurer sa compatibilité avec le droit européen. Nous avons mené, je le répète, une large consultation auprès des secteurs concernés.
Quant au coût de votre amendement, monsieur de Courson, il est au bas mot de 200 millions d’euros, ce qui rend la mesure à peu près hors de portée. Vous comprendrez donc que le Gouvernement soit défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. François Vannson.
M. François Vannson. Nous venons d’assister à un débat sur la fiscalité à la fois très intéressant et très complexe. Je voudrais lui associer une démarche de fond portant sur la problématique des énergies renouvelables.
Aujourd’hui, nous avons en effet souvent, en même temps, du vent sur les dispositifs qui produisent de l’électricité éolienne et beaucoup soleil sur ceux qui génèrent de l’énergie photovoltaïque. Il en résulte une surtension sur le réseau et nous avons du mal à gérer cette production électrique.
Je ne suis pas hostile aux énergies renouvelables, mais j’aimerais qu’un jour nous ayons un débat pragmatique sur l’engagement financier que nécessite ce type de dispositif et sur son efficience réelle en matière de consommation d’électricité.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Certes, monsieur le secrétaire d’État, il faut rendre le dispositif euro-compatible, mais je vous rappelle qu’en Allemagne le seuil pour les industriels électro-intensifs est de 1 gigawattheure par an, contre 7 gigawattheures en France. Les entreprises françaises dont la consommation se situe entre 1 et 7 gigawattheure sont en concurrence avec les entreprises allemandes. Nous avons donc bien un problème de coordination avec nos partenaires européens. Je comprends que vous ne souhaitiez pas aller jusqu’à zéro, c’est pourquoi nous avons déposé des amendements de repli.
Par ailleurs, les hyper électro-intensifs, eux, ne sont pas soumis à un seuil de ce type mais à un calcul de leur composante énergétique par euro de valeur ajoutée. Je trouve ce critère techniquement mieux adapté. Pourquoi les entreprises électro-intensives sont-elles soumises à un calcul dépendant de leur consommation, avec tous les effets de seuil que cela induit ?
Seriez-vous prêt, monsieur le secrétaire d’État, à trouver une solution pour abaisser le seuil de 7 gigawattheures par an, à coût nul pour les finances publiques ? J’ai en effet reçu des courriers de la part d’industriels dont la consommation se situe autour de 4 ou 5 gigawattheures par an et qui craignent de se retrouver en grande difficulté par rapport à leurs concurrents.
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Nous avons plusieurs débats en même temps : l’un sur les électro-intensifs et l’autre sur les énergies renouvelables, sujet sur lequel nous avons entendu quelques idées reçues. Dire, comme notre collègue Vannson, que le réseau français connaît des problèmes de surtension à cause des énergies renouvelables variables, à savoir l’éolien et le solaire, c’est avoir peu confiance dans l’expertise supposée internationalement reconnue des électriciens français !
M. Charles de Courson. C’est vrai !
M. Denis Baupin. Les responsables de RTE disent qu’ils savent gérer jusqu’à 30 % à 40 % d’énergies renouvelables variables – je parle du solaire et de l’éolien, pas de l’énergie hydraulique. Au Danemark, durant certaines périodes, c’est 100 % de l’électricité produite qui vient de l’éolien et du solaire. Nous savons gérer cela aujourd’hui, alors évitons de raconter n’importe quoi. Certes, on a le droit de ne pas aimer les énergies renouvelables et de préférer le nucléaire, mais évitons de recourir à des arguments qui sont très largement dépassés. Les ingénieurs, aujourd’hui, savent parfaitement gérer la variabilité, en tout cas en France.
M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Je voudrais insister sur ce sujet parce que nous sommes là pour trouver des solutions et préserver l’emploi. Il s’agit de préserver des filières qui ont su se régénérer. Dans le domaine du textile technique, par exemple, si on perd l’ennoblisseur, on perd la filière.
L’observation de M. de Courson est très importante. Vous dites ne pas pouvoir faire droit à notre amendement principal, monsieur le secrétaire d’État. Soit. Mais présentez-nous une perspective et étudions ensemble la possibilité d’abaisser le seuil jusqu’à 1 gigawattheure par an, pour nous aligner sur les Allemands. Sinon, à terme, nous perdrons un élément essentiel de la filière, donc beaucoup d’emplois disparaîtront. Ce n’est certainement pas ce que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État. Travaillons donc ensemble sur ce point.
(Les amendements identiques nos 463 et 646 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 85 et 647, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de l’amendement rédactionnel, no 681, du Gouvernement.
(L’amendement no 681, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 108.
M. Denis Baupin. Nous avons déposé cet amendement en coordination avec la loi relative à la transition énergétique. Vous pouvez imaginer qu’accorder des tarifs réduits à ceux qui consomment le plus d’énergie n’est pas du goût des écologistes. Mais nous avons accepté, lors des discussions que nous avons eues à l’occasion de l’examen du projet de loi, de considérer que ces entreprises risquaient d’être délocalisées dans des pays où le mix énergétique n’est pas beaucoup plus favorable. Et dans ce cas, en termes de pollution, nous n’aurions rien gagné.
Pour autant, nous pensons que ce type de dispositif ne doit pas « désinciter » les entreprises à tendre vers l’efficacité énergétique. En effet, dès lors que le prix de l’énergie baisse, le rendement des dispositifs d’efficacité énergétique baisse aussi. Nous proposons donc de calquer, au mot près, le dispositif sur celui prévu dans la loi relative à la transition énergétique, y compris s’agissant de la CSPE. Un décret, qui est passé devant le Conseil supérieur de l’énergie, décrit d’ailleurs un mécanisme relativement souple de nature à permettre aux entreprises de remplir leurs engagements, de faire du reporting et, éventuellement, de déroger au dispositif si elles ont de bonnes raisons pour cela.
Voilà ce que nous proposons dans cet amendement, dont j’ai simplifié le texte à la demande de la rapporteure générale qui, en commission, a souhaité supprimer certaines dispositions pouvant paraître rétroactives.
Il serait logique de mettre en place ce dispositif. Faute de quoi il est à craindre qu’une partie des aides ne soit accordée aux électro-intensifs sans être conditionnée à des efforts en matière d’efficacité énergétique. Ce serait paradoxal d’un point de vue juridique et générerait des effets pervers qui pourraient être pénalisants pour ces entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappelle ce que j’ai dit en commission des finances. Effectivement, la loi de transition énergétique définit des objectifs. Mais, mon cher collègue, vous évoquez un décret qui n’est pas encore publié. Or, pour écrire la loi fiscale et définir ce qu’est la bonne gestion, nous avons besoin de critères précis.
La commission, dans le cadre de la réunion qu’elle a tenue au titre de l’article 88, a donc rejeté votre amendement pour ne pas risquer d’être accusée d’incompétence négative au regard de la précision de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale a parfaitement raison sur ce point, même si le débat peut avoir lieu. Sur le fond, j’entends bien votre demande, monsieur le député, mais j’opposerai un argument lié à la complexification de la démarche.
Certains s’inquiètent des effets des dispositions que nous nous apprêtons à voter quand d’autres souhaiteraient que l’on aille plus loin. Je pense qu’un tel amendement complexifierait la charge administrative des entreprises. Reconnaissons qu’elles le supportent de moins en moins, à tort ou à raison.
M. Charles de Courson. À raison !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il serait donc plus sage de ne pas retenir cet amendement. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. D’autres arguments plaident contre cet amendement. En effet, sa thèse implicite repose sur l’idée que les industriels gâchent l’énergie. Mais vous devriez parler de « la meilleure technologie existante », car il n’y a pas toujours de substituabilité entre les technologies pour certaines productions. Si vous voulez inventer une nouvelle technologie pour produire de l’aluminium, je vous invite à vous engager en tant qu’ingénieur de recherche.
Et je passe sur l’extrême imprécision de l’amendement. En effet, vous remettez le sort des entreprises sur le plan fiscal entre les mains du Gouvernement alors que c’est à nous, parlementaires, que la Constitution confie le soin de définir l’assiette et le taux de l’impôt. L’amendement stipule ainsi : « À défaut, l’autorité administrative peut retirer le bénéfice des conditions particulières d’application de cette taxe » et évoque « des objectifs de performance énergétique définis par voie réglementaire ». Vous transférez le pouvoir de fixer l’impôt à l’exécutif, ce qui n’est pas conforme à la tradition démocratique française !
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. J’ai beaucoup de mal avec les arguments de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État, comme avec ceux de M. de Courson, qui nous fait la leçon sur les technologies en la matière. Chacun peut comprendre que le rapport coût/avantages pour investir dans une nouvelle technologie est plus ou moins important selon le prix de l’énergie. Il s’agit non pas de faire de la morale, mais d’envoyer des signaux économiques pertinents.
Et si c’est un mécanisme complexe, alors il faut supprimer ce que nous avons voté dans la loi de transition énergétique ! Nous avons mis en place un dispositif qui a été validé par nos assemblées et dont le décret est quasiment pris. Celui-ci porte sur les mécanismes mis en place pour vérifier que l’entreprise s’est réellement dotée d’un plan dans un objectif d’efficacité énergétique. C’est une contrainte légère. Étant membre du Conseil supérieur de l’énergie, je suis intervenu à plusieurs reprises pour tenter de la renforcer. Ce ne sera pas l’option retenue par le Gouvernement, dont on peut comprendre la logique, mais cette contrainte est incitative et pourrait amener les entreprises à veiller à l’efficacité énergétique.
J’ai du mal à croire que nous ne serions pas capables aujourd’hui, s’agissant de la CSPE, de voter un dispositif que nous avons voté pour le TURPE – tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité – avec la même méconnaissance du décret. Je ne comprends pas cette logique. Mais il se peut que quelque chose m’échappe, et dans ce cas je préférerais que l’on nous dise clairement que le texte doit prévoir des dispositions préférentielles pour certaines entreprises. Franchement, je ne comprends pas pourquoi ce qui était valable il y a deux mois pour certaines aides ne le serait plus aujourd’hui alors que les mêmes entreprises sont concernées et auront à constituer leurs dossiers. Cette logique m’échappe !
(L’amendement no 108 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 312 et 45.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 312.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je laisse à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques le soin de présenter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement, adopté en commission des affaires économiques puis en commission des finances, concerne un sujet que M. Giraud connaît bien, même si l’exposé sommaire de son propre amendement n’est peut-être pas tout à fait juste : le taux réduit que nous souhaitons voir appliqué au transport par câble se rapporte non pas à la TICPE mais à la TICFE. Ce mode de transport représente en effet un enjeu important en termes de développement durable, non seulement en montagne, mais aussi partout ailleurs en France, tout particulièrement en milieu urbain, où son développement peut être très intéressant.
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Joël Giraud. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le projet de loi reprend mot pour mot le contenu de la directive européenne, où le mot « câble » ne figure pas. Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Je veux apporter quelques précisions. Le transport par câble, qu’il soit aérien ou au sol, est un transport guidé. Il est actuellement utilisé dans le transport urbain : on peut notamment penser aux deux « ficelles » lyonnaises, mais aussi au futur téléphérique qui, dans le cadre du plan de déplacements urbains – PDU – de l’agglomération de Lyon, reliera Décines-Charpieu au parc de Miribel-Jonage. Le PDU de Grenoble prévoit lui aussi l’utilisation du transport par câble. Ce système fonctionne ou fonctionnera, ainsi que le Poma 2000 de Laon, qui dessert la vieille ville.
Le fait d’exclure du dispositif le transport par câble alors que Mme la ministre de l’écologie vient de publier une ordonnance qui prévoit de lui attribuer les mêmes servitudes publiques qu’à n’importe quel autre mode de transport – train ou tramway, par exemple –, urbain ou non, pose un gros problème.
On ne peut exclure certaines typologies de transport. Notre pays, à travers le groupe Leitner-Poma, développe le transport par câble partout dans le monde, mais c’est sur son propre territoire que ce développement soulève le plus de difficultés car la technologie du câble n’y est pas considérée de la même façon que dans tous les autres pays d’Europe et du monde. Le métro de Medellín, par exemple, est réalisé par cette entreprise.
M. Denis Baupin. C’est un téléphérique, en l’occurrence !
M. Joël Giraud. Un métro-câble, monsieur Baupin.
Ces nouveautés sont mises en œuvre dans toutes les villes d’Europe et, si l’amendement n’est pas voté, le seul pays où elles ne le seront pas sera la France. Ce serait, reconnaissons-le, une forme très particulière de l’exception française, surtout vis-à-vis de notre propre industrie.
(Les amendements identiques nos 312 et 45 sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir l’amendement no 193.
M. Yves Blein. L’amendement concerne un sujet récurrent, la fiscalité appliquée à la fourniture d’utilités, notamment dans les industries de la chimie ou de la pétrochimie, domaines qui me sont familiers.
Les industriels peuvent être amenés à externaliser la fourniture de l’énergie nécessaire à certaines fonctionnalités ; or cette externalisation induit une fiscalité différente de celle à laquelle ils peuvent prétendre si la production d’énergie reste internalisée.
Nous avons souvent évoqué ce problème, qu’il est d’usage de résoudre par un amendement ; j’espère donc que celui que je propose sera pris en compte puisqu’il s’inscrit dans cette logique même, en visant à faire bénéficier les industriels concernés et leurs externalités de l’exonération de taxe intérieure de consommation applicable aux consommations finales d’électricité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure. Défavorable, car l’amendement risque fort d’entrer en contradiction avec le droit communautaire, et plus particulièrement avec la directive relative aux accises. Dans le cas d’espèce, rien ne garantit en effet que le sous-traitant est lui-même un hyper électro-intensif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme sur l’amendement précédent, le Gouvernement fait exactement la même analyse que Mme la rapporteure générale.
J’ajoute que cet amendement produirait sans doute un effet d’aubaine massif. Pour être considéré comme un électro-intensif, le sous-traitant doit bien entendu être soumis aux mêmes contraintes – à moins de renoncer à toute distinction en la matière. Bref, l’amendement est totalement contraire au droit européen : il serait plus sage de le retirer.
M. le président. Le retirez-vous, monsieur Blein ?
M. Yves Blein. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 193 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 684, 450, 530 et 464, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 450 et 530 sont identiques.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 684.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vise à instaurer des taux réduits de la nouvelle TICFE pour les installations électro-intensives grandes consommatrices d’électricité afin de préserver la compétitivité du secteur industriel français.
Pour assurer la neutralité de cette réforme, le présent amendement ajoute des taux « super-réduits » pour les installations vérifiant en outre un critère d’exposition à un risque important de fuite de carbone.
Cette mesure, qui s’appuie sur l’annexe II de la communication 158/04 de la Commission européenne du 5 juin 2012, vise les secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque de « fuite carbone ». Face à la concurrence internationale, ces entreprises ne sont pas en mesure de répercuter sur le prix de leurs produits le coût lié au CO2.
M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir l’amendement no 450.
M. Yves Blein. Défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 530.
M. Charles de Courson. Cet amendement, très proche de celui du Gouvernement, s’apparente à la voiture-balai ; il concerne les entreprises qui ne sont ni hyper électro-intensives ni électro-intensives. Nous ne parvenons pas à savoir, toutefois, s’il résout pour partie le problème évoqué tout à l’heure au sujet des entreprises dont la consommation annuelle se situe en deçà du seuil de 7 gigawattheures, et qui n’en sont pas moins électro-intensives. Avez-vous des données sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ? Le barème est au point ; ne demeure donc qu’un problème de rédaction.
Dans ma circonscription, de grands industriels cimentiers me demandent si les parlementaires et le Gouvernement sont conscients que l’on commence à délocaliser. Si l’on réduit les émissions en France, on importe désormais de 10 à 15 % du ciment d’Égypte et du Maroc, où les normes ne sont pas du tout les mêmes, si bien que les entreprises réduisent ou ferment leurs unités sur notre territoire. Bref, c’est aujourd’hui 15 % du ciment français qui est importé, notamment le clinker : nous retrouvons ici l’effet « fuite de carbone » ; d’où l’intérêt de l’amendement du Gouvernement, qui s’inscrit dans le même esprit que les autres. Pourriez-vous donc nous éclairer un peu sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État ?
M. le président. Je vous laisse la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement no 464.
M. Charles de Courson. Cet amendement participe du même esprit. La directive communautaire permet de résoudre les problèmes de compétitivité des entreprises qui ne sont ni hyper électro-intensives ni électro-intensives.
Le présent amendement, plus vaste, apporte une réponse aux problèmes non résolus par les deux premières exceptions, afin d’éviter l’effondrement d’un certain nombre d’activités industrielles en France.
Il ne s’agit pas, en l’occurrence, des fuites de carbone – d’où mon étonnement de voir cet amendement en discussion commune avec ceux qui viennent d’être présentés. Même une fois ces fuites éliminées, il restera des entreprises dont la composante énergétique, importante, ne relève toujours d’aucune des deux – et maintenant trois – catégories qui bénéficient d’un tarif beaucoup plus bas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils soulèvent plusieurs questions. En premier lieu, avec le changement de taxe on est passé d’un mécanisme de plafonnement à un système de réduction tarifaire. Certains électro-intensifs y sont gagnants et d’autres perdants mais, à ce stade, nous avons du mal à identifier qui sont les uns et qui les autres. Il est à craindre, par exemple, que l’industrie du papier figure parmi les perdants, même si je n’ai pas de précisions concrètes sur ce point.
Deuxièmement, le Gouvernement propose avec son amendement de diviser les tarifs par deux, ce qui est important. J’aimerais donc avoir quelques précisions sur l’évaluation du montant en jeu, 22 millions d’euros, qui me paraît basse – mais peut-être ai-je tort.
En troisième lieu, je veux rappeler que, à chaque loi de finances, nous votons un avantage fiscal en faveur des électro-intensifs,…
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Exact !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …toujours par voie d’amendement – parlementaire ou gouvernemental.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et cela fait dix ans que ça dure !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas un tel recul, monsieur le président de la commission ; mais je citerai par exemple, parmi les mesures dédiées aux électro-intensifs, la déduction des frais financiers – laquelle implique une certaine facture – ou, il y a trois semaines, les 93 millions d’euros octroyés au titre de la compensation carbone ; et aujourd’hui le Gouvernement nous invite, à travers un nouvel amendement, à accorder aux mêmes électro-intensifs une diminution par deux du tarif préférentiel.
M. Charles de Courson. Il a raison de le faire !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. J’ai donc consulté quelques rapports, notamment celui de M. Gallois, pour savoir, moyennant des calculs de coin de table, ce que représentent les industries électro-intensives dans la valeur ajoutée de notre pays. Il nous faut en effet additionner les montants des mesures que je rappelais – 22 millions, plus 10 millions, plus 93 millions. Selon une annexe dudit rapport, ces industries représentent 5 % de la valeur ajoutée en France, de sorte que l’on obtient, en appliquant une simple règle de trois, un chiffre d’affaires qui avoisine les 200 milliards d’euros ; sur la base d’une oscillation de 1 à 3 – voire plus, je l’espère –, les résultats nets s’établissent donc entre 2 et 5 milliards d’euros environ.
Nous avons voté, en faveur de ces industries, un soutien de 93 millions d’euros dans le projet de loi de finances initial pour 2016, somme à laquelle il convient d’ajouter la vingtaine de millions ici proposée et, l’an dernier, les 10 à 30 millions au titre de la déduction des frais financiers.
J’aimerais donc, monsieur le secrétaire d’État, avoir des précisions sur ce sujet que la Commission européenne, j’imagine, examinera de près dans le cadre de la directive : si l’on fait l’addition de toutes les aides d’État, elles atteignent en effet un certain montant.
Pour ces différentes raisons, et faute de précisions sur l’impact financier de ces amendements, la commission a émis un avis défavorable.
M. Charles de Courson. Hélas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune avec le sien ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous procédons à une réforme du niveau de la CSPE. La comparaison doit donc tenir compte de la situation avant et après la réforme. Il y a d’autres dispositions que celles dont vous avez parlé, et je crois qu’il vous a été communiqué, madame la rapporteure générale, par l’intermédiaire des administrateurs de l’Assemblée, des informations sur un certain nombre d’entreprises. Nous avons mené de nombreuses concertations avec les professions concernées, j’en ai pris quelques exemples.
Tout à l’heure, monsieur de Courson, vous évoquiez les cimentiers : ils sont exonérés, le problème ne se pose donc plus.
C’est à juste titre, madame la rapporteure générale, que vous avez, pour votre part, évoqué les secteurs de la papeterie, de la plasturgie et du carton. C’est justement pour ces secteurs-là que nous instaurons la tarification visée, laquelle diminuera leur contribution, je vous le confirme, de 20 millions d’euros, mais pour un surcoût, par rapport à la situation antérieure, de 36 millions. Cette somme a été jugée acceptable au regard des volumes que vous évoquiez à l’instant.
Le but de l’amendement du Gouvernement est donc de traiter des questions soulevées sur la compétitivité de nos industries dans les secteurs que je rappelais, évidemment très sensibles au prix de l’électricité.
Voilà le dispositif gouvernemental : je ne dis pas qu’il est parfait, mais c’est le meilleur équilibre que nous ayons trouvé.
Vous avez eu raison de soulever la question de la compatibilité européenne, car nous sommes engagés dans le processus de notification à la Commission. Nos services tiennent des réunions avec les directions compétentes à Bruxelles et, pour l’instant, le dispositif que le Gouvernement vous propose d’adopter ne lui a pas valu de feu rouge. Bien évidemment, le risque zéro n’existe en la matière pas plus qu’ailleurs, mais nous avons, quoi qu’il en soit, accompli un travail rigoureux et sérieux afin de trouver ce qui se rapproche de l’existant.
Monsieur de Courson, vous avez évoqué à plusieurs reprises le seuil de 7 gigawattheures par an : il existait déjà, ce qui explique que nous l’ayons repris. Là encore, nous souhaitions coller à la situation préexistante. Toutefois, nous travaillons non seulement avec les services fiscaux, mais également avec le ministère de l’industrie et avec celui de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui compte d’ailleurs ici, ce soir, des représentants. Le ministère du budget ne peut en effet pas réaliser seul une étude économique sans bénéficier d’indications provenant des autres ministères.
M. le président. La parole est à M. Yves Blein.
M. Yves Blein. Madame la rapporteure générale, s’agissant du coût de l’énergie pour les industries électro-intensives, il est important de bien apprécier l’ensemble de la chaîne de valeur dans laquelle s’inscrivent ces entreprises. Il est vrai que le poste de charge que représente l’énergie est particulièrement important pour elles, donc, de fait, les dégrèvements ou facilités qui leur sont accordés en la matière peuvent compter.
Dans le même temps, ces entreprises emploient des personnels qualifiés aux rémunérations élevées, souvent supérieures à 2,5 SMIC. C’est pourquoi, d’ailleurs, elles profitent peu du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.
Oui, c’est un effort important qui nous est proposé, mais il faut analyser la situation dans son ensemble pour en trouver l’explication. L’amendement du Gouvernement se justifie pleinement.
(L’amendement no 684 est adopté et les amendements nos 450, 530 et 464 tombent.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 682.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 682, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 683.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Rédactionnel !
(L’amendement no 683, accepté par la commission, est adopté et l’amendement no 473 tombe.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 471.
M. Charles de Courson. Il s’agit d’une petite précision technique.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.
M. Charles de Courson. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 471 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 385.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un amendement de clarification rédactionnelle.
(L’amendement no 385, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 386.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y aurait lieu de féminiser le mot « porté ». Sous réserve de cette rectification purement rédactionnelle, le Gouvernement est favorable à l’amendement.
M. le président. Madame la rapporteure générale, êtes-vous d’accord avec cette modification rédactionnelle ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui.
(L’amendement no 386, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 387.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.
(L’amendement no 387, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 466.
M. Charles de Courson. À l’alinéa 68 de l’article 11, le Gouvernement conditionne l’application du tarif allégé à l’accord de la Commission européenne. Entre parenthèses, cet accord serait de toute façon nécessaire, même en l’absence d’une telle précision. Je propose que nous soyons un peu plus larges en supprimant les mots : « et du c du 4° du E ». Il faut en effet un accord global de la Commission européenne sur l’ensemble de la réforme, et non un accord ne portant que sur une partie de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, votre amendement aurait un effet inverse à celui que vous expliquez vouloir rechercher dans l’exposé sommaire. Concrètement en effet, il rendrait applicables, dès le 1er janvier 2016, sans attendre l’accord de la Commission européenne, non seulement le remplacement de la CSPE par la TICFE, mais également les tarifs réduits. Donc avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il y a en effet une erreur de plume : l’amendement portait sur l’alinéa 69, et non sur l’alinéa 68. J’aurais néanmoins souhaité connaître la position du secrétaire d’État : pourquoi est-ce qu’aux alinéas 68 et 69 on ne conditionne à l’accord communautaire qu’une partie de la mise en œuvre de la réforme ? Il me semble que c’est bien l’ensemble qui devrait être subordonné à cet accord de la Commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.
M. Charles de Courson. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 466 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 475.
M. Charles de Courson. Il est défendu.
(L’amendement no 475, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 11, amendé, est adopté.)
M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 11.
La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir l’amendement no 169.
M. Yves Blein. Il s’agit d’abaisser la TICPE applicable, au 1er janvier 2016, au GTL afin que le coût pour les collectivités locales de ce carburant synthétique issu de gaz naturel ne soit pas supérieur à celui du diesel.
Le GTL est en effet utilisé par les flottes de transport en commun en Allemagne et en Belgique, mais il ne peut l’être en France en raison d’un surcoût lié à la logistique d’acheminement. Or il présente l’avantage de n’émettre qu’une faible quantité de NOx et de particules fines : il convient donc d’encourager son utilisation en le faisant bénéficier des mêmes conditions de transport que les autres carburants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si l’on prévoit une exonération chaque fois qu’un carburant d’un nouveau type devient disponible, cela risque de brouiller le message que l’on souhaite faire passer – je pense notamment aux annonces de M. le secrétaire d’État.
L’impact d’une telle mesure sur les recettes n’est par ailleurs pas chiffré : je rappelle qu’une variation de 1 centime d’euros sur le prix du gazole représente 150 millions d’euros. De telles dispositions peuvent donc avoir d’importantes répercussions sur les finances publiques.
En outre, une telle exonération pourrait pousser à l’achat de moteurs diesel, ce qui ne correspond pas au souhait du Gouvernement.
Telles sont les trois raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Blein, la question peut se discuter. Cependant, la mesure que vous proposez ne serait pas spécialement incitative, car l’impact financier serait très faible dans la mesure où les volumes considérés sont eux-mêmes très faibles.
Avec de très faibles volumes et un signal prix également très faible, l’adoption de votre amendement aurait pour effet, en définitive, d’introduire finalement plus de complexité qu’autre chose. Je le dis modestement.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement, quand bien même il ne remettrait pas en cause la trajectoire des finances publiques – je le concède bien volontiers. Un tel dispositif serait trop complexe et la question mériterait d’être approfondie.
(L’amendement no 169 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 30 et 172.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Eva Sas. Cet amendement vise à soumettre le kérosène à la TICPE. En effet, comme je le rappelle désormais chaque année, ce carburant est malheureusement le seul en France à n’être soumis à aucune taxe, ce qui paraît aberrant compte tenu de la pollution qu’il génère par kilomètre parcouru et par passager.
À plusieurs reprises, certains d’entre vous, et en premier lieu M. de Courson, ont raillé la faisabilité d’une telle mesure.
M. Charles de Courson. Pas sa faisabilité technique : ses conséquences économiques !
Mme Eva Sas. Mais, monsieur de Courson, vous n’ignorez sans doute pas le référé de la Cour des comptes du 17 décembre 2012 qui rappelle non pas, comme vous l’avez dit, que l’application de la TICPE aux vols intérieurs n’est en vigueur qu’aux Pays-Bas, mais bien que « la taxation des vols intérieurs est d’ailleurs pratiquée dans des pays aussi divers que les États-Unis, le Brésil, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas ou la Suisse ». L’argument que vous aviez opposé à la faisabilité d’une telle taxation du kérosène ne tient donc pas.
Je rappelle qu’il s’agit d’une proposition importante, notamment car elle va dans le sens d’une meilleure justice sociale. Il est en effet aujourd’hui très difficile d’expliquer à nos concitoyens que, à la différence du diesel ou des autres carburants à la pompe, on ne taxe pas le kérosène.
Il s’agit par ailleurs d’une contribution aux objectifs environnementaux puisque c’est encore le mode de transport le plus polluant par kilomètre parcouru et par passager. Je remercie donc la commission des affaires économique d’avoir adopté cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement no 172.
Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis. S’agissant d’un amendement identique, j’emploierai les mêmes arguments. Je rappelle que cette détaxation totale du kérosène remonte à soixante-dix ans. Or le contexte a aujourd’hui beaucoup changé et, surtout, une directive européenne nous permet de taxer les vols intérieurs, ce qu’ont fait de nombreux pays.
La commission des affaires économiques a retenu l’intérêt environnemental d’une telle mesure : par voyageur, le kérosène est en effet le carburant le plus polluant.
M. Denis Baupin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La commission des affaires économiques est, je pense, soucieuse de l’avenir de certaines filières. La situation des compagnies aériennes, y compris s’agissant des vols intérieurs, est assez préoccupante, pour ne pas dire plus. Alors même que nous avons baissé un certain nombre de contributions liées aux taxes d’aéroport, par exemple pour les passagers en transit, une telle disposition risquerait de déstabiliser la filière.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est de l’inconscience !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En outre, la concurrence avec les compagnie low cost dans des pays très proches pourrait amplifier encore le phénomène. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Comme le dirait M. le secrétaire d’État, c’est un vieux marronnier ! Madame Sas, je n’ai jamais dit que techniquement une telle mesure n’était pas possible. J’ai dit qu’économiquement, si vous voulez détruire le transport aérien, il faut adopter votre amendement. Soit la mesure est mise en œuvre dans un cadre européen, et à ce moment-là elle a un sens : encore faut-il se mettre d’accord sur un taux coordonné pour toute l’Europe. Mais agir dans le cadre national serait un non-sens contraire aux intérêts de la France et des consommateurs.
En effet, quand vous êtes à Lyon, vous pouvez aller prendre un avion en Suisse. Et si vous êtes à Mulhouse, vous pouvez aller à Bâle pour venir à Paris. Vous voyez donc tout de suite quelle discrimination il y aura.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est sûr !
M. Charles de Courson. En plus, il y a du cabotage. Il y a des lignes entre la France et l’Allemagne mais qui, après Orly, descendent à Nice ou je ne sais où. Les avions feront le plein dans le pays d’origine, où le fioul est exonéré, et il y aura un différentiel de compétitivité pour des raisons fiscales. C’est la raison pour laquelle je suis hostile à une telle proposition. Soit on le fait dans un cadre européen, soit on ne le fait pas.
Dernier point, les accords de Chicago ne sont pas un problème si vous agissez dans un cadre national, mais le seul État de l’Union qui l’a fait, c’est le Danemark. C’est à peu près comme si le Luxembourg faisait de même pour ses lignes aériennes intérieures. Le Danemark, c’est minuscule.
Mme Eva Sas. Et les États-Unis ?
M. Charles de Courson. Ils ne sont pas dans l’Union européenne. Nos lignes intérieures ne sont pas en concurrence avec celles des États-Unis. Nous sommes en concurrence à l’intérieur de l’Union. Par conséquent, je le répète : soit on le fait dans le cadre de l’Union, et cela a un sens, soit on ne le fait pas.
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Monsieur de Courson, cela fait trente et un ans que les écologistes existent. Nous avons donc recensé toutes les raisons de ne pas agir que l’on nous oppose depuis trente et un ans. La première qui revient à chaque fois, et vous venez de l’évoquer à nouveau, c’est qu’il faut que ce soit dans un cadre européen.
M. Charles de Courson. Bien sûr !
Mme Eva Sas. C’est la énième fois qu’on nous fait cette réponse. C’est simplement une façon de reculer, une fois de plus, sur un sujet qui devrait vous tenir à cœur, la fiscalité écologique. Je me souviens d’un temps où les centristes étaient les premiers sur cette question. Je regrette ce temps-là, je le dis très clairement.
En l’occurrence, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement concerne essentiellement les low cost et les business class.
M. Christophe Caresche. Pourquoi ?
Mme Eva Sas. Il exclut les liaisons soumises aux obligations de service public, essentiellement assurées par les compagnies nationales qui, globalement, sont donc protégées. Le cadre a été adapté de façon à ne pas nuire à ces compagnies dont on connaît la situation économique.
Cela dit, il y a d’autres façons de soutenir nos compagnies que de détaxer le kérosène. Cela me semble d’un autre temps. Il est temps maintenant d’évoluer sur cette question.
(Les amendements identiques nos 30 et 172 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Jean-Jacques Cottel. Les carburants maritimes utilisés par les croisiéristes sont émetteurs de dioxyde de soufre, de dioxyde d’azote et de particules fines. Or, en dépit de leurs impacts négatifs, ils ne sont pas taxés. Cet amendement tend donc à supprimer l’exonération de TICPE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission n’est pas favorable à cet amendement car la suppression de l’exonération alourdirait nécessairement les charges supportées par les croisiéristes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est contraire à la directive qui nous oblige à accorder une exonération pour les bateaux de commerce. Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Cottel ?
M. Jean-Jacques Cottel. Je le retire.
(L’amendement no 55 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 109, 110, 111 et 231, pouvant être soumis à une discussion commune.
Je vous suggère, madame Sas, de soutenir en même temps les amendements nos 109, 110 et 111.
Mme Eva Sas. Ces amendements tendent à régler une question qui mérite toute l’attention de l’hémicycle.
Les poids lourds sont aujourd’hui remboursés sur la base d’un tarif fixe et non d’un remboursement fixe. Ils sont ainsi, de fait, exonérés de l’augmentation de la contribution climat-énergie. Chaque fois que l’on augmente cette contribution, comme chaque année maintenant, cela touche les ménages, mais pas les poids lourds. Or ceux-ci sont à l’origine de 25 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, qui est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre. Je parle non pas de l’ensemble du transport routier de marchandises, mais bien des poids lourds, en excluant les véhicules utilitaires légers.
L’amendement no 109 fixe le remboursement, et non le tarif, à 3,63 euros par hectolitre, donc au même niveau qu’en 2015. Les amendements nos 110 et 111 sont des amendements de repli, qui laissent les poids lourds bénéficier de ce qu’ils ont déjà acquis en 2015, le premier ramenant la réduction à 5,62 euros par hectolitre et le second à 6,62 euros.
Il s’agit de faire peser la contribution climat-énergie sur les poids lourds comme sur les ménages.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 231.
M. Éric Alauzet. L’année dernière, avec l’abandon de l’écotaxe en deux phases, nous avons perdu environ 800 millions d’euros si j’enlève la contribution à Ecomouv’. Pour se rapprocher de la taxation de l’essence, on a commencé par taxer de 2 centimes le gazole des véhicules légers. On a ensuite appliqué aux poids lourds cette taxation de 2 centimes, on les a fait payer la contribution climat-énergie, ce qui faisait 4 centimes. Cela a rapporté environ 360 millions pour les poids lourds et à peu près autant pour les véhicules. Le manque à gagner dû à l’abandon officiel et médiatique de l’écotaxe a donc été d’une certaine façon compensé.
Nous sommes d’accord pour ne pas augmenter la contribution des poids lourds au-delà de ce qui a été décidé l’année dernière mais nous voulons au moins qu’elle ne soit pas réduite, ce qui n’est pas, je pense, l’intention du Gouvernement. Or, vu l’augmentation de la fiscalité pour les véhicules légers, le remboursement aux poids lourds augmente. La perte pour l’État peut représenter entre 80 et 160 millions. Par cet amendement, nous faisons simplement en sorte que la recette en 2016 soit la même qu’en 2015, sans augmentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tous ces amendements fixent pour les avantages une valeur absolue. Comme je l’ai souligné en commission, il faut commencer à réfléchir à l’évolution de ces avantages, mais envisager peut-être une proportionnalité plutôt qu’un maintien en valeur absolue. À ce stade, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La question est légitime, nous l’avons déjà évoquée dans l’hémicycle, et elle peut interpeller.
Les conditions économiques auxquelles sont soumis les secteurs principalement concernés – les transporteurs routiers ne sont pas les seuls, on pourrait avoir le même type de disposition pour les agriculteurs – ne permettent pas une évolution de ce type. En tout cas, le Gouvernement ne le souhaite pas.
Lorsque les conditions seront un peu plus favorables, il faudra peut-être étudier une espèce de parallélisme entre la situation des particuliers et celle d’un certain nombre de professionnels mais, pour le moment, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.
M. Éric Straumann. Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer encore la difficulté de la situation en Alsace. Ce sont 500 000 poids lourds qui traversent notre région du nord au sud. Si on les taxait davantage, cela ne changerait rien parce qu’ils ne font pas le plein chez nous, ils le font en Belgique, en Allemagne ou ailleurs.
J’espère que l’écotaxe reste tout de même d’actualité, au moins au niveau régional. L’ensemble de la classe politique locale y est favorable, au moins pour l’est de la France et en tout cas en Alsace.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Voulez-vous faire exploser le chômage, mes chers collègues ?
M. Éric Alauzet. Nous ne sommes pas à ce point irresponsables !
M. Charles de Courson. Le taux de marge de la branche consolidée du transport routier, c’est 0,3 % du chiffre d’affaires. Vous voulez encore augmenter la fiscalité de 100 ou 150 millions alors que un quart des entreprises de transport sont en déficit. Depuis deux ou trois ans, pour la première fois depuis 1945, les effectifs sont en baisse. Dans le transport international, exportations et importations, la part du transport routier français, qui était de 60 % il y a quinze ans, est tombée à moins de 30 %, et ce transport perd 2 à 3 points de parts de marché par an.
Moi, je suis profondément européen, mon groupe également. La solution, et tous les syndicats de transports routiers d’Europe en sont conscients, ce serait d’avoir une fiscalité harmonisée européenne.
M. Éric Straumann. Très juste !
M. Charles de Courson. Il y a depuis des années des travaux sur l’idée d’une caisse de péréquation qui permettrait d’avoir le même taux pour tous les transporteurs routiers en Europe. Ceux qui sont au-dessus bénéficieraient du différentiel et ceux qui sont en dessous rembourseraient aux autres dans une caisse européenne. Une telle solution serait efficace économiquement et ne perturberait pas les relations intracommunautaires en matière de transport routier, mais voter vos amendements serait une pure folie.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet. Il faut être un peu sérieux et conséquent. Il me semble, monsieur de Courson, que vous et bien d’autres ici souteniez l’écotaxe, qui devait ponctionner 1,1 milliard sur les transporteurs.
L’année dernière, nous avons prélevé 360 millions d’euros. Avec le dispositif prévu cette année, monsieur le secrétaire d’État, la contribution des poids lourds sera-t-elle moins élevée en 2016 qu’en 2015 ?
(Les amendements nos 109, 110, 111 et 231, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 208.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à attribuer au biométhane le même statut que celui du biogaz, à savoir l’exonération de la contribution climat-énergie.
Le biogaz vient des exploitations agricoles et est souvent réinjecté directement dans les véhicules agricoles. Il est exonéré de la contribution climat-énergie puisqu’il vient du carbone végétal et rentre dans un cycle court qui l’assimile à une neutralité carbone.
Pour le biométhane, c’est exactement la même chose, sauf qu’il n’est pas utilisé directement sur une exploitation agricole mais qu’il est réinjecté dans le réseau après épuration. Aujourd’hui, il est soumis à la contribution climat-énergie.
L’argument qui est opposé régulièrement, c’est qu’on ne saurait pas comptabiliser les quantités de biométhane entrant dans le réseau, ce que je conteste puisqu’un registre permet de les mesurer précisément.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur Alauzet, la mesure que vous proposez a été examinée à plusieurs reprises. Nous vous avons déjà signalé un problème de traçabilité de ce gaz, par rapport au méthane notamment. Lors de la réunion de la commission des finances de la semaine dernière, nous vous avons proposé, avec les administrateurs, de demander à des experts si ce gaz est traçable ou non. Il n’y a pas eu de contact en ce sens. Par conséquent, j’en reste à l’avis défavorable émis par la commission.
(L’amendement no 208, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement, no 674, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 709 rectifié et 724, qui sont identiques, et nos 710 rectifié et 725, également identiques.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous connaissez tous l’indemnité kilométrique vélo qui a été incluse dans nos dispositions fiscales, à hauteur de 25 centimes par kilomètre. Je vous propose de la limiter, comme c’est le cas pour les indemnités kilométriques voiture, à un montant égal à 200 euros par an et par salarié. Nous incluons également cette indemnité dans le plafond d’exonération sociale et fiscale prévue pour les frais de carburant pris en charge par l’employeur.
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir le sous-amendement no 709 rectifié.
M. Denis Baupin. Monsieur le secrétaire d’État, vous transmettrez mes félicitations à vos services ! Au concours Lépine de qui trouvera les meilleurs dispositifs pour casser les mesures favorables au vélo, que nous avions introduites dans la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte, ils font preuve d’une obstination et d’une imagination à nulles autres pareilles ! Loi de finances après loi de finances, nous entendons des propositions visant à supprimer ou à rogner, comme c’est le cas aujourd’hui, des dispositions pourtant adoptées par les deux chambres, il y a quelques mois.
On nous propose aujourd’hui un dispositif rétroactif, puisqu’il s’agit de modifier les modalités d’un dispositif en vigueur depuis le 1er juillet, qui attend son décret d’application. Sur le site du ministère de l’écologie, à cet égard, nous ne sommes pas loin de la publicité mensongère ! En pleine COP21, à l’adresse votreenergiepourlafrance.fr, voici ce que l’on peut lire : « Sur quelle base est calculée l’indemnité kilométrique vélo ? L’indemnité est calculée sur la base de la distance parcourue à vélo entre le lieu de résidence habituelle du salarié et son lieu de travail multipliée par le nombre de jours effectivement travaillés. En moyenne, cela représente 7 kilomètres par jour pour son trajet domicile-travail (aller et retour), soit un montant de 35 euros par mois. »
Mme Véronique Louwagie. Cela tombe mal !
M. Denis Baupin. Comment est-il possible que, d’un côté, le ministère de l’écologie – et tous les ministres s’en vantent, y compris le premier d’entre eux, dans un certain nombre de conférences – affiche la création d’une indemnité kilométrique vélo de 35 euros par mois et que, de l’autre côté, on nous fasse voter, pendant cette COP21, en loi de finances, un amendement plafonnant l’indemnité à 200 euros ? À moins d’avoir réduit le nombre de mois de l’année, je ne vois pas comment on arrive à ce chiffre de 35 euros par mois à partir de 200 euros sur une année !
M. Éric Straumann. Ce n’est pas la COP21, c’est la COM21 !
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir le sous-amendement no 724.
M. Philippe Goujon. Comme l’a excellemment dit notre collègue Denis Baupin, le Gouvernement essaie de vider de leur substance toutes les dispositions adoptées ces derniers mois pour avantager le vélo, mode de déplacement écologique par excellence, par rapport à la voiture. Nos sous-amendements, qui sont identiques, visent à créer un plafond évidemment plus avantageux pour les indemnités kilométriques vélo que pour les indemnités carburant, pour que les salariés soient incités à adopter un mode de déplacement écologique. Nous sommes de surcroît en pleine COP21.
L’indemnité kilométrique vélo est entrée en vigueur depuis la promulgation de la loi relative à la transition énergétique, qui gageait d’ailleurs son coût sur l’évolution des taxes sur le tabac et l’alcool. C’est donc une mesure neutre pour les finances publiques. La nouvelle rédaction du Gouvernement insère l’indemnité kilométrique dans un autre dispositif – il faut le savoir – qui l’aligne sur un montant maximum sans rapport avec celui qui serait nécessaire pour avantager le vélo par rapport à la voiture.
En outre, le plafond de 200 euros contredit complètement les annonces gouvernementales, et celles de la ministre de l’écologie plus particulièrement, qui en ouverture même de la COP21 s’était réjouie que l’indemnité kilométrique vélo permette aux salariés cyclistes de recevoir 35 euros par mois. Nous attendons toujours, d’ailleurs, le décret fixant le montant de l’indemnité que le ministre des transports nous avait promis lors de l’étude du plan d’action mobilités actives – PAMA – pour la fin de l’automne, qui approche pourtant à grands pas.
Le sous-amendement vise donc à distinguer les deux plafonds de frais, en laissant celui de 200 euros pour le carburant et en créant un second plafond de 385 euros pour l’indemnité kilométrique vélo, somme qui correspond à onze mois de trajet domicile-travail pour une distance moyenne de 7 kilomètres par jour.
M. le président. Monsieur Baupin, puis-je considérer que vous avez défendu également le sous-amendement no 710 rectifié ?
M. Denis Baupin. Non, monsieur le président !
Pour commencer, je voudrais expliquer ce chiffre de 385 euros. Il s’agit des 35 euros, soit de la somme affichée par le ministère, multipliés par onze – nous avons retenu le mois des congés payés. Ce sous-amendement concerne l’aspect rétroactif de la mesure. On modifie la rédaction même du dispositif, alors qu’il est en vigueur depuis près de six mois. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 9 de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir le sous-amendement no 725.
M. Philippe Goujon. Il est identique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les quatre sous-amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement no 674 a été examiné en commission des finances au titre de l’article 88, soit assez rapidement. Le plafonnement à 200 euros correspond à ce qui existe aujourd’hui pour l’indemnité carburant.
Mme Marie-Christine Dalloz. Principe d’équité !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est donc une mesure d’égalité. J’entends bien le calcul que vous faites sur les 35 euros, mais aujourd’hui ce plafonnement existe déjà pour les salariés qui prennent leur voiture.
M. Denis Baupin. Et qui polluent !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je n’ai pas dit qu’ils ne polluaient pas… Je dis seulement que le Gouvernement a repris le plafond qui s’applique pour les salariés se rendant en voiture à leur travail. En revanche, le deuxième point figurant dans l’amendement gouvernemental, et qui pose question, c’est que cette disposition est entrée en vigueur le 1er juillet 2015, après avoir été adoptée par voie d’amendement lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, contre l’avis du Gouvernement.
M. Philippe Goujon. À l’unanimité !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Par ailleurs, au premier alinéa de l’article L. 3261-3-1 du code du travail, le mot : « prend » serait remplacé par les mots : « peut prendre ». Cette disposition, dont le législateur avait fait une obligation dans la loi relative à la transition énergétique, serait donc rendue facultative.
Pour résumer, l’amendement du Gouvernement permet de rendre un dispositif obligatoire facultatif et définit un plafond d’indemnisation équivalent à celui qui existe déjà lorsque l’on prend sa voiture pour aller à son travail.
M. Philippe Goujon. C’est bien cela qui est regrettable !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Baupin, ce ne sont pas les services qui décident, c’est le ministre qui assume. Il n’y a pas des services qui travailleraient à Bercy, dans des souterrains ou dans des caves,…
M. Christophe Caresche. On se pose quand même la question !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et des ministres qui viendraient faire le beau en séance. Que les choses soient claires entre nous. J’essaie de conduire les débats, d’être précis et de répondre à toutes les interpellations. Je ne connais pas tout par cœur et j’ai besoin de me nourrir de la connaissance de mon cabinet, en particulier, ou des services. Mais il me semble désagréable, y compris pour les services qui fournissent un énorme travail – nous avions 667 amendements à examiner : chacun a fait l’objet d’un argumentaire et souvent d’une évaluation – d’opposer le ministre et les services. J’assume complètement ce que je fais. On n’est pas en train d’essayer de défaire ce qui aurait été voté dans une autre loi.
Par ailleurs, j’ai toujours dit, et je le maintiens, que les dispositions fiscales doivent être votées dans les lois de finances. Quand elles ne le sont pas, on sait ce que cela donne. J’avais cru comprendre que le président de la commission des finances était d’accord avec moi sur ce point. Certes, des entorses ont été faites, mais ce n’est pas uniquement la faute des parlementaires.
Enfin, le ministre qui est devant vous défend les arbitrages rendus au niveau du Premier ministre. Certains ministres le font avec plus ou moins de vigueur. (Sourires.) Des observateurs attentifs remarqueront d’ailleurs que, de temps en temps, je donne l’avis du secrétaire d’État et non pas celui du Gouvernement.
M. Charles de Courson. Oh ! Shocking !
M. Philippe Goujon. Encore un petit effort, monsieur le secrétaire d’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur certains points, on peut disposer d’une certaine marge de manœuvre, et je ne vais pas le reprocher à certains de mes collègues. Mais il avait été convenu, compte tenu du nombre de dispositifs concernant les vélos, qu’ils ne seraient pas tous mis en œuvre.
M. Denis Baupin et M. Philippe Goujon. Convenu ? Par qui ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je viens de parler des arbitrages du Premier ministre ; ne jouez pas les naïfs ! Il avait été précisé, à un moment donné, au sein du Gouvernement, que ses positions consisteraient à défendre l’exonération fiscale sur les vélos, mais pas forcément l’indemnité kilométrique et, en aucun cas, les deux en même temps.
Ce n’est pas une tentative de rétropédalage – c’est le cas de le dire. Le plafond des frais kilométriques essence est fixé à 200 euros. À 25 centimes du kilomètre, 200 euros, cela fait 800 kilomètres. Si l’on travaille 200 jours, cela fait 4 kilomètres par jour.
M. Philippe Goujon. Pour le vélo, la ministre de l’écologie a dit 7 kilomètres !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous pouvons demander une suspension de séance et aller la chercher ! (Sourires.)
Mme Véronique Louwagie. Si elle vient à vélo, cela va prendre du temps !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous pouvons tout de même être d’accord sur ce calcul.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable sur les sous-amendements.
M. le président. Sur ces sous-amendements importants, j’ai plusieurs demandes de parole.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Eh bien…
M. le président. Excusez-moi, monsieur de Courson ! Tout le monde veut la parole mais, dans le même temps, vous êtes nombreux à me faire passer des petits mots pour me demander si votre amendement, qui est inscrit sur la feuille jaune, sera examiné avant vingt heures ! (Sourires.) Soyez donc cohérents entre vous.
Je propose de donner la parole à trois intervenants : M. de Courson, M. Baupin et M. Caresche, qui avaient demandé la parole.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je l’ai demandée en premier !
M. le président. Effectivement, Mme Dalloz l’avait demandée la première. Vous essaierez, les uns et les autres, de vous auto-discipliner, de sorte que nous puissions aller le plus loin possible dans l’examen des articles. Cela vaut aussi pour vous, monsieur de Courson !
M. Charles de Courson. Cela vaut pour tout le monde, monsieur le président !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Surtout pour M. de Courson !
M. Charles de Courson. Nous sommes favorables à l’amendement du Gouvernement.
Il n’y a en effet aucune raison de faire une discrimination entre les modes de transport, et pour une raison très simple, mes chers collègues : j’habite, en ce qui me concerne, un village situé à 20 kilomètres de la première zone industrielle… Si c’était votre cas, imagineriez-vous prendre votre vélo pour aller au boulot ?
M. Michel Vergnier. Oui !
M. Charles de Courson. Peut-être dans les années cinquante, mais on a changé d’époque, mon cher collègue. (Sourires.) Il est donc normal que tous les modes de transport soient traités de la même façon, sans discrimination aucune.
M. Philippe Goujon. Mais il y en a qui polluent et d’autres non !
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Monsieur le secrétaire d’État, vous assumez la responsabilité de vos amendements plutôt que de la rejeter sur vos services. Dont acte. Eh bien nous, nous devons, en tant que parlementaires, assumer les votes que nous avons émis,…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien sûr !
M. Denis Baupin. …que cela plaise ou non au Gouvernement. En l’occurrence, dans une Ve République qui ne donne pas beaucoup de pouvoir au Parlement, c’est tout de même lui qui vote les lois. C’est la raison pour laquelle je pense que nous devons nous en tenir à ce que nous avons voté lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique et à la croissance verte.
Je trouve très regrettable que le Gouvernement et ses services reviennent systématiquement à la charge pour découdre ce que nous avons cousu plutôt que de sortir les décrets d’application qui nous ont été promis par les ministres compétents, alors même que d’autres membres du Gouvernement se rendent à différents colloques, à différents sommets, pour vanter les mesures qui ont été votées contre l’avis du Gouvernement et se féliciter que la France soit particulièrement en avance.
M. Philippe Goujon. Eh oui ! C’est vraiment la COM21 !
M. Denis Baupin. Je trouve particulièrement désagréable qu’il faille encore venir se battre pour défendre ce dispositif.
Monsieur de Courson, il n’est pas illégitime qu’en tant que parlementaires, nous décidions de favoriser certains modes de transport plutôt que d’autres dès lors qu’ils sont meilleurs à la fois pour les finances, pour la qualité de l’air et pour la santé publiques. Il y a des raisons objectives qui justifient de favoriser tel dispositif par rapport à tel autre. J’ai même entendu tout à l’heure qu’il y avait des raisons d’avantager fiscalement l’avion, comme c’est déjà le cas aujourd’hui – alors que j’ai du mal à percevoir son avantage en termes de santé publique ou de lutte contre le réchauffement climatique. Mais quand il s’agit de comparer les modes de transport selon leur intérêt pour la collectivité, on nous répond qu’il faut s’aligner sur la voiture… Si l’on faisait bénéficier le vélo de toutes les aides existant pour la voiture, pourquoi pas ? Je pourrais faire la longue liste des avantages octroyés aujourd’hui aux automobilistes par rapport à ceux concédés aux cyclistes. C’est la raison pour laquelle nous maintenons nos sous-amendements, et nous voterons contre l’amendement s’ils ne sont pas adoptés.
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Je rejoins M. le secrétaire d’État sur le fait qu’il est problématique d’avoir des dispositions fiscales qui ont été débattues et votés dans le cadre de textes n’ayant pas un caractère fiscal. Il est encore plus problématique – ce fut ma situation – d’avoir des amendements déclarés irrecevables alors même qu’ils revenaient sur ces dispositions.
La rapporteure générale a eu une position très claire sur la question du montant : la somme de 200 euros me paraît, à moi aussi, tout à fait convenable et elle n’est pas particulièrement discriminante. Mais le point essentiel, c’est le caractère obligatoire ou non de la mesure. L’exposé sommaire de l’amendement explique que « les débats parlementaires sur le projet de loi TECV ont porté sur un dispositif entendu comme facultatif pour l’employeur ». Soyons clairs : soit c’est le cas, soit ce n’est pas le cas.
M. Denis Baupin. Trouvez où c’est écrit dans le compte rendu !
M. Christophe Caresche. Si ce n’est pas le cas, il faut respecter ce qu’a voulu le législateur, c’est-à-dire le caractère obligatoire de la prise en charge par l’employeur.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Premier élément : on a le sentiment d’avoir un débat « Paris contre le reste de la France ».
M. Jean-Louis Dumont. Bien sûr !
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est vrai que le vélo est essentiellement utilisé dans les grandes agglomérations et à Paris intra-muros. Il faut bien l’admettre.
M. Claude Goasguen. Évidemment !
M. Éric Alauzet. Et dans le Jura ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le Jura, ce n’est pas possible étant donné la neige. Il faut tout de même que les conditions se prêtent à ce mode de transport.
M. Christophe Caresche. On ne fait pas la loi pour le Jura !
Mme Marie-Christine Dalloz. Le deuxième élément me semble essentiel : l’amendement rappelle que c’était facultatif. Il est bon de l’avoir précisé car ce n’est pas totalement anodin de ne pas encore imposer une disposition de plus aux entreprises.
Troisième élément : en matière de frais professionnels, les avantages fiscaux doivent reposer sur la prise en compte de dépenses réellement supportées, le droit fiscal est très clair sur ce point. On ne peut pas justifier de frais réels du simple fait de s’être déplacé à vélo.
Enfin, la prise en charge sera exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 200 euros. Vous devriez dès lors faire le calcul, mes chers collègues : vous n’arriverez pas très loin du montant que vous proposiez sans prise en compte de ces exonérations.
M. Jean-Yves Caullet. Ça, c’est juste !
Mme Marie-Christine Dalloz. De plus, le dispositif étant applicable au 1er juillet, cela ferait, à raison de 35 euros par mois, un total de 210 euros, pas loin des 200 euros. Il n’y a pas là matière à crier au scandale.
(Les sous-amendements identiques nos 709 rectifié et 724 ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements identiques nos 710 rectifié et 725 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 674 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 144.
M. Jean-Yves Caullet. Cet amendement a été déposé par Jean-Pierre Chanteguet, notre président de la commission du développement durable, et j’ai plaisir à le défendre. Le législateur a fixé le montant de la part carbone dans la taxation des produits énergétiques et de l’électricité en 2016, avec à l’horizon l’année 2020. En cette période où nous parlons allégrement d’horizon 2050, de planète, de siècles à venir et de générations futures, il nous semble que prévoir un pont entre 2016 et 2020 n’est pas hors de portée, étant entendu que la part carbone ne constitue pas l’intégralité de ces taxes et que les prochaines lois de finances à venir pourront toujours en ajuster les autres composantes. Mais ce serait un signal de confiance dans notre propre discours que nous vous proposons, mes chers collègues, d’adresser à nos concitoyens.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! Convaincant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est le seul amendement qu’a déposé la commission du développement durable de notre assemblée. Je pense que donner une perspective sur les objectifs en termes de tarifs est intéressant et notre commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons déjà eu un débat similaire sur la durée de fixation du prix du carbone, avec des amendements allant jusqu’en 2020, d’autres supprimant l’échelon 2017. Le Gouvernement a donné alors sa position : il était favorable à ce que nous fixions le tarif pour 2016 et 2017, mais pas au-delà. Or, cet amendement vise à fixer le prix du carbone également pour les années 2018 et 2019. Le Gouvernement y est donc défavorable.
(L’amendement no 144 est adopté.)
M. le président. Avant que nous abordions l’examen de l’article 12, je donner la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président, je vous demande de suspendre la séance quelques minutes.
M. le président. La suspension est de droit.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour soutenir l’amendement no 409, qui tend à supprimer l’article 12.
M. Jean-Pierre Maggi. Cet amendement vise effectivement à supprimer cet article qui diminue d’1 centime d’euro la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – sur le super sans plomb 95-E10, contenant 5 % à 10 % de bioéthanol et, dans le même temps, augmente d’1 centime d’euro cette même taxe pour le SP95-E5, qui comprend jusqu’à 5 % de bioéthanol. L’opération a pour but d’inciter les automobilistes à consommer du SP95-E10, ce que je comprends.
Le SP95-E5 compte toutefois pour la moitié du marché des essences, alors que le SP95-E10 en représente 30 % et le SP98, les derniers 20 %. Modifier les taxes dans le sens de l’article 12 ne fera que créer un effet de vases communicants. De plus, en raison du coût relativement élevé de l’éthanol en France, cette mesure pourrait conduire certains distributeurs à s’approvisionner dans d’autres pays de l’Union européenne, en particulier la Belgique et l’Allemagne.
En dépénalisant le carburant le moins utilisé, elle lèse la majorité des consommateurs, notamment les moins aisés, dont les véhicules, les plus anciens, consomment du SP95-E5. À titre de comparaison, le Royaume-Uni a renoncé à une telle différenciation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Le SP95-E10, qui représente déjà un tiers de la consommation totale d’essence, serait disponible dans 60 % des stations-service.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La suspension de séance que j’ai demandée m’a permis de m’assurer du contenu de l’amendement précédent. Il était en effet demandé à votre assemblée de modifier la trajectoire figurant dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’amendement adopté n’a aucune incidence budgétaire, aucune capacité normative, pas davantage que ce qui est inscrit dans la loi de transition énergétique elle-même.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est ce que je disais !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, j’aurais dû vous écouter plus attentivement, madame la rapporteure générale. J’aurais alors été un peu moins opposé à cet amendement – quoique. (Rires.) J’aurais ajouté qu’à mon sens, c’était un cavalier budgétaire.
M. Christophe Caresche. C’est effectivement un cavalier budgétaire ! On a liquidé d’autres amendements pour moins que ça…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Maggi, vous proposez de supprimer les dispositions de l’article 12. Dans cet article, le Gouvernement soutient l’introduction des biocarburants, pour plusieurs raisons : d’une part, leur consommation émet peu de carbone ; d’autre part, ils contribuent, certes modestement – trop modestement – à notre indépendance et à répondre aux besoins de carburants fossiles. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.
(L’amendement no 409 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 720.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement récapitule l’ensemble des dispositions prévues depuis le projet de loi de finances initiale, en ce qui concerne la hausse d’1 centime d’euro du gazole et de baisse d’1 centime d’euro de l’essence. Il fournit un tableau unifié et cohérent pour les deux textes actuellement en discussion au Parlement. Il s’agit donc plutôt d’un amendement technique, de présentation formelle, qui vise à simplifier le texte et à en renforcer la cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances s’était demandé où fixer le point de départ de la hausse d’1 centime d’euro, sachant que des dispositions avaient déjà été introduites dans le projet de loi de finances pour 2016. Nous avions supposé que ces mesures s’additionneraient. Votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, le confirme. Je donnerai donc pour ma part un avis favorable sur cet amendement, que la commission n’a pas pu examiner.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement, s’il est adopté, fera tomber celui que j’avais présenté, lequel visait à souligner combien l’adoption, voici à peine un mois, à la demande du Gouvernement, d’un dispositif majorant le gazole d’1 centime d’euro et minorant en contrepartie l’essence d’1 centime manquait de lisibilité. En vertu du principe d’isofiscalité, le surplus ainsi généré devait financer le dispositif introduit par l’amendement de Mme Pires Beaune.
À présent, le Gouvernement veut baisser d’1 centime d’euro, non plus la taxe sur l’essence, mais celle sur l’essence contenant au moins 10 % de bioéthanol. Tout cela, monsieur le secrétaire d’État, était effectivement peu lisible. Votre amendement redonne au dispositif sa lisibilité – voire, selon vos propres termes, sa « cohérence ».
Une question se pose pourtant : du point de vue de l’isofiscalité, le fait d’annuler, un mois après, la baisse d’1 centime d’euro sur l’essence et de la reporter sur le SP95-E10 rapporte à l’État 46 millions d’euros.
M. Jean-Pierre Maggi et M. Charles de Courson. C’est exact !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Que deviennent-ils ? Mme Pires Beaune prépare-t-elle un nouvel amendement pour les recycler ? (Sourires.)
M. Charles de Courson. Mme Pires Beaune n’est pas là pour répondre !
(L’amendement no 720 est adopté. En conséquence, les amendements nos 174 et 513 tombent et l’article 12 est ainsi rédigé.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 531.
M. Charles de Courson. Il est défendu.
(L’amendement no 531, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement no 367.
Mme Pascale Got. Cet amendement vise à répondre aux difficultés que rencontrent les travailleurs saisonniers pour trouver des loyers modérés et se loger au tarif estival de location. Il s’agit d’inciter les particuliers à louer ou sous-louer aux saisonniers leur résidence principale, en leur proposant une exonération identique à celle dont bénéficient les personnes qui louent ou sous-louent une ou plusieurs pièces de leur habitation principale. Ces locataires saisonniers devront, naturellement, justifier d’un contrat saisonnier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à développer l’offre de logements à destination des travailleurs saisonniers qui rencontrent des difficultés à se loger, notamment dans certains territoires. Nous ne disposons pas d’évaluation du coût de cette mesure mais nous supposons qu’il ne devrait pas être très élevé pour les finances de l’État. La commission donnera donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette problématique, vous l’avez souligné, madame la députée, a été soulevée dans plusieurs rapports. Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. En tant que président du Conseil national de la montagne, je suis très favorable à cet amendement qui permettrait, même très partiellement, de résoudre quelques problèmes dans ces zones à forte pression.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got. Cet amendement va dans le sens du rapport rédigé par François Nogué – nous sommes nombreux à y avoir participé –, visant à faciliter les logements saisonniers.
(L’amendement no 367, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 350.
Mme Annie Genevard. Cet amendement, dont la première signataire est Mme Kosciusko-Morizet, vise à retirer les sommes versées au titre de l’obligation alimentaire du calcul des ressources des majeurs dépendants sous tutelle.
Actuellement, lorsque l’obligation alimentaire est payée directement à un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – par les descendants, elle n’est pas considérée comme une ressource de l’ascendant. En revanche, lorsque la personne âgée est placée sous la tutelle d’une association habilitée, le montant versé au titre de l’obligation alimentaire est considéré comme une ressource de la personne âgée dépendante. Ces deux systèmes coexistent donc pour une même réalité humaine et économique. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, une uniformisation du mode de calcul des ressources des personnes âgées dépendantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission s’est longuement interrogée sur cet amendement, qui semblait moins relever de la loi que de la doctrine administrative, laquelle, dans l’interprétation que nous en faisons, ne va pas le sens que vous souhaitez, madame Genevard. C’est pourquoi je me permets, sur ce point, de me tourner vers M. le secrétaire d’État.
Le principe de l’imposition des pensions alimentaires ne comporte en effet aucune dérogation, hormis deux cas. La doctrine administrative ne semble donc pas aller dans le sens de la proposition que vous faites.
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, en attendant l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Genevard, vous proposez d’exonérer d’impôt les pensions alimentaires versées aux ascendants placés sous la tutelle d’une association habilitée. Vous estimez en effet que l’imposition de ces pensions entraîne le plus souvent la perte du bénéfice des prestations sociales auxquelles ces ascendants peuvent prétendre. Je ne suis pas favorable à cette disposition.
D’abord, je tiens à rappeler que le législateur a posé le principe d’une imposition des pensions alimentaires versées aux ascendants. Certes, comme vous le rappelez, les pensions directement versées à l’établissement d’accueil d’un ascendant disposant de faibles ressources ne sont pas imposables, mais il s’agit là d’une tolérance administrative…
M. Charles de Courson. Anormale !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …particulièrement dérogatoire, qui ne me semble pas devoir être étendue à la situation que vous évoquez. En effet, les associations de tutelle habilitées n’assurent pas directement l’hébergement des ascendants concernés. La pension est bien perçue par la personne dépendante et la tutelle gère cette somme pour elle. La pension n’est donc pas nécessairement ou exclusivement affectée à l’hébergement, de sorte qu’une exonération ne paraît pas justifiée.
Le corollaire de l’exonération proposée serait d’ailleurs d’exclure la déduction des pensions alimentaires pour le calcul de l’impôt de la personne qui les verse.
M. Jean-Yves Caullet. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne pense pas que ce soit votre souhait.
Pour toutes ces raisons, ainsi que d’autres qu’il serait trop long d’exposer, le Gouvernement vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, il en préconiserait le rejet.
M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.
M. Éric Straumann. Il s’agit en effet d’une première difficulté : la pension ne serait plus déductible par la personne qui la verse.
Par ailleurs, si l’on diminue les seuils, qui paiera ? Les départements, lesquels connaissent déjà, aujourd’hui, de très grandes difficultés financières. Si l’on ne trouvait pas de solutions de financement, cela ferait problème…
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’amendement. Même si à gauche, il y eut par le passé des hésitations et quelques divisions, tout le reconnaît aujourd’hui que la cellule familiale est le cœur de notre société.
M. Jean-Yves Caullet. Absolument !
M. Charles de Courson. L’obligation alimentaire, aucun des groupes politiques ici présents ne veut la supprimer, puisque c’est la traduction d’une solidarité entre ascendants et descendants. Ce qui n’est pas normal, monsieur le secrétaire d’État, c’est qu’on ne la considère pas comme une ressource – car il s’agit bien de cela, lorsque vous aidez votre grand-mère ou que vous y êtes contraint par une décision de justice. Les petits-enfants peuvent en effet devoir aider la grand-mère : l’obligation est montante et descendante en lien direct.
Moi, je crois en la famille. Je pense qu’il s’agit d’un des derniers remparts de la solidarité ; c’est en tout cas là où on l’apprend. Je le répète : je ne suis pas du tout d’accord avec l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Même si l’on peut comprendre certains des arguments avancés, il reste que la question de l’inégalité de traitement n’a pas été abordée. Il existe en effet deux situations fiscalement différentes pour une même réalité. Personne n’a répondu à cette objection, sauf Mme la rapporteure, qui semble estimer que si cela relève de la doctrine administrative, on aura plutôt tendance à s’aligner sur le dispositif le moins intéressant – du moins, j’imagine que c’est ce qu’elle a voulu dire.
M. Jean-Louis Gagnaire. Mieux vaut ne pas insister sur ce point !
(L’amendement no 350 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 508.
M. Charles de Courson. Il s’agit d’un marronnier ! (Sourires.)
(L’amendement no 508, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 509.
M. Charles de Courson. C’est un autre marronnier…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Il s’agit d’un amendement que nous avons l’habitude de voir présenté – un « marronnier », comme dit M. de Courson. Nous le soutenons totalement, de même que le no 508 ; nous pensons en effet que le rétablissement de la demi-part des veufs et des veuves, ajoutée à cette disposition, pourrait faciliter la vie de nombre de retraités.
(L’amendement no 509 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 149.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de l’application de l’article 150 ter du code général des impôts.
En cas de cession d’instruments financiers à terme, les IFT, il existe actuellement une différence de traitement fiscal suivant que les opérations sont réalisées en France ou à l’étranger.
Les règles d’imposition actuelles ne sont pas conformes au droit communautaire dans la mesure où elles constituent une restriction à la libre circulation des capitaux et à la libre prestation des services.
Ces règles d’imposition sont aujourd’hui source d’insécurité juridique pour les particuliers vu l’évolution des produits financiers offerts.
Aussi cet amendement vise-t-il de mettre en conformité le dispositif avec le droit de l’Union européenne en appliquant un seul régime d’imposition, celui prévu pour l’ensemble des profits nets réalisés en France et hors de France par les résidents fiscaux français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Lorsqu’un instrument financier est logé dans un pays à fiscalité privilégiée, il avait été prévu de taxer la plus-value qui pouvait s’en dégager à hauteur de 75 %, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Ce que vous proposez, au travers de cet amendement, c’est de faire rentrer le dispositif dans le droit commun : la plus-value dégagée sur un instrument financier logé dans un pays à fiscalité privilégiée serait taxée au même titre que l’ensemble des plus-values mobilières en France. C’est le grand écart !
Mme Marie-Christine Dalloz. Cela peut être en France aussi…
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais en France, le droit commun s’applique !
Vous refusez toute conséquence au fait que cet instrument financier est logé dans un pays à fiscalité privilégié. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Parlement avait voté une mise en conformité avec le droit de l’Union dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013.
Mme Marie-Christine Dalloz. Ah !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Toutefois, le Conseil constitutionnel ayant censuré partiellement cette loi, sa décision avait emporté ladite mise en conformité. Votre amendement, madame la députée, vise à réparer les effets de cette mesure constitutionnelle. Vous souhaitez que soient imposées de la même façon les plus-values sur les IFT, que celles-ci soient réalisées dans un État ou territoire non coopératif – ETNC –, dans un autre pays étranger ou en France. Vous voulez que l’on ne fasse plus de distinction.
Il s’agit d’une mise en conformité avec le droit de l’Union européenne et le Gouvernement y est favorable.
M. Éric Straumann. Bravo !
(L’amendement no 149 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 369.
Mme Bernadette Laclais. Conformément à ce que j’ai annoncé hier lors de mon intervention à la tribune, je propose un amendement qui vise à drainer plus de capitaux vers l’investissement dans les PME.
En complément de la mesure prévue par l’article 14 du présent projet de loi de finances rectificative pour 2015, il vous est proposé d’instaurer une exonération conditionnelle d’impôt sur le revenu des plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de titres de certains organismes de placement collectif monétaires, du type SICAV ou fonds communs de placement, qui représentent une épargne dormante estimée à plus de 8 milliards d’euros. Cela se ferait sous condition du versement du produit de la cession, net des prélèvements sociaux qui restent dus, dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des PME – un PEA-PME.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Madame Laclais, vous proposez que, lorsqu’une plus-value est réalisée dans le cadre d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM – monétaire, cet argent serve à financer des PME, par l’intermédiaire du dispositif du PEA-PME. L’avantage fiscal que vous proposez serait borné dans le temps, puisqu’il ne concernerait que les opérations réalisées entre avril 2016 et avril 2017, ce qui en limiterait le coût. Pour cette raison, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai indiqué, cet après-midi encore, que le Gouvernement se montrerait ouvert à un certain nombre de mesures favorisant l’investissement dans les secteurs les plus directement liés à l’économie dite « réelle », notamment les petites entreprises. La disposition que vous proposez, madame la députée, comprend un encadrement adéquat – à savoir la nécessité de conserver les sommes concernées pendant cinq ans à l’intérieur du plan – et nous paraît de bon aloi. Le Gouvernement y est par conséquent favorable.
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Il s’agit d’un amendement important – quoique je ne comprenne pas pourquoi il intervient à ce stade du texte, alors que le dispositif du PEA-PME fait l’objet de l’article 14. Cette disposition donnerait un vrai coup de fouet à un dispositif qui a bien du mal à décoller.
(L’amendement no 369 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 535.
M. Dominique Lefebvre. Cet amendement, déposé par mes collègues Philip Cordery et Arnaud Leroy, vise à revenir sur les dispositions relatives à l’imposition forfaitaire de certains contribuables domiciliés fiscalement hors de France, qui disposent, sur notre territoire, d’une ou de plusieurs habitations.
Le principe veut que les contribuables domiciliés fiscalement hors de France soient assujettis à l’impôt sur le revenu lorsqu’ils disposent de revenus de source française. La disposition actuelle qui consiste, dans le cas contraire, à les imposer sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle des habitations dont ils disposent en France a fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 17 octobre 2013, puis de deux arrêts du Conseil d’État du 26 décembre 2013, cette disposition étant jugée contraire au principe de liberté de circulation des capitaux. Il est donc proposé de revenir sur l’article 164 C du code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Notre commission avait d’ores et déjà émis un avis favorable sur cet amendement, mais il se trouve qu’en plus, les services du ministère des finances – que je remercie – nous indiquent que cette disposition concernerait 114 personnes, pour une recette fiscale de 86 000 euros. Je pense que l’État peut se priver de cette somme !
Avis encore plus favorable, donc.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 535 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Pouzol, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Michel Pouzol. Cet amendement concerne le nouveau statut d’entreprise solidaire de presse créé par la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. Il s’agit de mettre en application les recommandations faites par Michel Françaix – qui en est le premier signataire – dans son rapport spécial sur les crédits en faveur de la presse dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Notre collègue préconisait de renforcer et d’étendre la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse.
Aujourd’hui, le taux de la réduction d’impôt est fixé à 50 %, dans la limite d’un plafond de versement de 1 000 euros par an pour les contribuables célibataires veufs ou divorcés, et 2 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune. Vous comprendrez aisément que ces montants ne correspondent pas vraiment à la réalité économique de ces nouvelles structures, qui sont très importantes pour notre démocratie. Pour ne pas être seulement symboliques, ils doivent être augmentés.
C’est ce que je propose par cet amendement qui tend à porter ces montants à 5 000 euros par an pour les contribuables célibataires et à 10 000 euros par an pour les couples.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je suis d’accord avec ce qu’a dit M. le secrétaire d’État tout à l’heure : lorsque nous adoptons des dispositions fiscales dans d’autres textes que des lois de finances, des difficultés peuvent apparaître. La disposition que cet amendement tend à modifier a été adoptée dans la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. Vous voulez à présent, monsieur Pouzol, quintupler les montants prévus dans cette loi. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je ne comprends pas pourquoi l’on n’appliquerait pas, tout simplement, le système s’appliquant aux PME – dont le taux, de mémoire, est de 18 %. Ce serait pourtant plus simple ! Pourquoi un dispositif particulier ? Pourquoi toujours des mesures dérogatoires ?
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 313 et 28.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 313 de la commission des finances.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je laisse Mme Dalloz, qui est cosignataire de cet amendement, le présenter.
M. le président. La parole est donc à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement a été approuvé par la commission des finances. Il s’agit du passage au régime juridique de l’autorisation prévu par l’article 32 bis du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui supprimera, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, le bénéfice des avantages fiscaux attachés aux activités de services à la personne.
Les réductions ou crédits d’impôts dont peuvent bénéficier les contribuables en application des dispositions de l’article 199 sexdecies du code général des impôts ne concernent aujourd’hui que les prestations et les activités relevant du champ des services à la personne déclarés ou agréés.
Cet amendement n’aura aucune conséquence sur les finances publiques. Il vise uniquement à adapter un dispositif fiscal existant au changement de statut juridique des services à la personne introduit par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le début de l’année 2016. Au titre d’une circulaire fiscale, les personnes qui font appel à des services autorisés bénéficient aussi, et de manière dérogatoire, de ces déductions ou crédits d’impôt sur la base de l’agrément.
C’est tout simple ; la commission des finances a approuvé à l’unanimité cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Éric Alauzet. Je n’ai pas présenté cet amendement lors de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative en commission ; je l’ai présenté initialement au cours de l’examen du projet de loi de finances. Il y a eu un peu de flottement quant à l’application de la future loi d’adaptation de la société au vieillissement.
Dans un premier temps, il m’a été indiqué que cet amendement n’était pas d’actualité car l’application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement était reportée. Finalement, ce sera au 1er janvier ; il serait donc bon d’adopter cet amendement dès maintenant.
M. Charles de Courson. C’est en quelque sorte un amendement de coordination !
M. le président. La commission est naturellement favorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vient et revient ; il a été présenté ici, à l’Assemblée nationale, et au Sénat. J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il est assez curieux de se caler sur un dispositif qui n’est pas encore définitivement adopté ! Votre amendement renvoie à des articles qui n’existent pas encore. Deuxièmement, je me suis engagé solennellement à ce qu’il n’y ait pas de rupture en ce qui concerne l’application de cette disposition. Je sais qu’il y a des inquiétudes, mais enfin, franchement…
M. Charles de Courson. Franchement, vous vous dites : pourquoi pas ? (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je suis toujours défavorable à cet amendement. Certes, il n’a aucune importance, aucune incidence. Je sais que certaines personnes ont peur ; c’est un sentiment assez présent dans cet hémicycle : on peut même dire que ce projet de loi de finances rectificative est placé sous le signe de la peur. Mais comme je l’ai dit, cet amendement ne sert à rien…
M. Charles de Courson. Ça ne sert à rien, mais ça fait plaisir !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …car il renvoie à un texte qui n’est pas encore adopté. Il n’est pas dangereux non plus, remarquez. (Sourires.) Je vous rappelle néanmoins que j’ai toujours dit qu’il n’y aurait pas de rupture. J’y reste donc défavorable.
(Les amendements identiques nos 313 et 28 sont adoptés.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly