SOMMAIRE
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Lutte contre la radicalisation
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
M. Manuel Valls, Premier ministre
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Filière industrielle de sécurité
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Agriculture et lutte contre le réchauffement
Incident aérien entre la Turquie et la Russie
Adaptation de la société au vieillissement
Suspension et reprise de la séance
Présidence de Mme Sandrine Mazetier
2. Projet de loi de finances rectificative pour 2015 (suite)
Amendement no 488
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Amendements nos 701 deuxième rectification , 731, 732, 733, 734 (sous-amendements) , 485 , 484 rectifié , 618 , 727 (sous-amendement) , 527 , 616 , 323 , 703 , 521, 524 , 234 , 296 rectifié, 293 rectifié , 324 , 619
Amendement no 19
Amendements nos 20 , 597, 598, 599, 600 , 621 rectifié , 104 , 628 , 571 , 626 , 601 , 40 , 82 rectifié , 632
Amendements nos 21 , 130 , 650, 649 , 630 , 651 , 146 , 633 , 327 , 652, 653, 654 , 636, 637
Amendements nos 614 , 520 , 342 , 306 , 233, 135, 136 rectifié , 184, 183 , 247, 245
Amendements nos 704 , 638 , 657 , 22
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 514
Amendements nos 469 , 534, 536, 542 , 132 , 133 , 191 , 533 , 328 , 192 , 551, 557, 560, 566, 570, 573, 577, 620
Amendements nos 382, 407
Amendements nos 406 , 329 rectifié , 72 , 423
Amendements nos 134 rectifié , 330 , 105 rectifié
Amendements nos 46 , 388, 389, 390, 391, 392
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Patrice Carvalho. Monsieur le Premier ministre, nous sommes au troisième jour de la COP21.
Lundi, la présence au Bourget de 150 chefs d’État et de gouvernement était destinée à donner l’impulsion politique nécessaire à une négociation dont l’issue est incertaine.
Il existe trois obstacles majeurs à surmonter.
D’abord, l’engagement des États à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre. Sur 195, 183 ont remis leur copie. Et cela nous conduit à un réchauffement climatique de trois degrés, au lieu des deux degrés attendus et du degré et demi souhaité.
Ensuite, le financement du Fonds vert, soit 100 milliards de dollars par an en 2020, minimum nécessaire pour aider les pays du Sud à affronter le changement climatique et à se développer par des énergies propres.
Les plus optimistes nous annoncent 62 milliards de dollars atteints en 2014. Mais dans cette somme, figurent des prêts, des financements privés, des fonds qui n’ont que peu à voir avec le climat. Les dons et les subventions s’élèvent au mieux à 20 milliards de dollars. Nous sommes donc loin du compte.
Troisième obstacle, enfin : le refus, dont celui des États-Unis et d’autres grands pays pollueurs, de se voir imposer des objectifs contraignants, ce qui risque de déboucher sur des catalogues de vœux pieux.
À Copenhague, en 2009, Hugo Chavez, alors président du Venezuela, déclarait : « Si le climat était une banque, les gouvernements des pays riches l’auraient déjà sauvé ».
Pour prendre des engagements communs, il nous faudrait un monde de coopération. Or nous sommes dans un monde de la compétition, de la concurrence et de la finance. Pour gagner des parts de marché et accroître les marges, les règles sont le moins-disant social et le moins-disant environnemental. Voilà ce sur quoi bute ce sommet sur le climat.
Au troisième jour de cette COP, pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, où nous en sommes, ce qui a bougé et si nous pouvons encore espérer un accord dont la planète et l’humanité ont besoin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, vous posez une question sur un sujet fondamental, qui, vous le savez, occupe depuis de longs mois la diplomatie française, le Président de la République et le président de la COP Laurent Fabius. Je vous demande d’ailleurs d’excuser son absence. En tant que président de la COP, il est en ce moment au Bourget avec la ministre de l’environnement, qui représente la France dans les négociations.
Un accord ambitieux à Paris est à portée de main. Il est essentiel. Le Président de la République a rappelé qu’il ne s’agissait de rien de moins que de la survie même de la planète. Ce n’est donc pas une mince affaire.
Plusieurs critères sont importants.
D’abord, nous souhaitons un accord contraignant. C’est indispensable, vous l’avez rappelé. Sans entrer dans le débat sur la nature juridique exacte de l’accord, nous souhaitons que le texte signé à Paris soit contraignant, qu’il comprenne des dispositifs efficaces, et qu’il se traduise donc dans la réalité.
Il faut poser ensuite la question des financements. Les 100 milliards d’euros nécessaires sont eux aussi à portée de main. D’après l’OCDE, 62 milliards d’euros ont été mobilisés dans le courant de l’année dernière. De nouvelles annonces sont attendues. En tout cas, nous espérons que la conférence qui se tient en ce moment donnera lieu à de nouvelles annonces de financement, venant notamment des pays riches.
La France est totalement engagée en ce sens. Nous sommes un des principaux financeurs de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Président de la République a eu l’occasion de préciser les chiffres. À l’horizon de 2020, les financements de la France consacrés à ce sujet atteindront 5 milliards d’euros.
En troisième lieu vient la question que vous posez : le développement du lien entre la lutte contre le réchauffement climatique et la construction d’un modèle de croissance plus durable et plus juste. Avec le secteur privé, avec la société civile, nous sommes engagés pour y travailler. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Joël Giraud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et a trait au financement du pacte de sécurité annoncé devant le Congrès par le Président de la République. Ce pacte prévoit de revenir au niveau d’effectifs de forces de sécurité – police, gendarmerie, renseignement, douanes – qui était celui de 2007, avant que des coupes sombres ne soient pratiquées dans les effectifs des corps correspondants. En outre, plus aucune diminution des effectifs du ministère de la défense n’est prévue d’ici à 2019, et cela au profit des unités opérationnelles, mais aussi de la cyberdéfense et du renseignement.
Il s’agit aujourd’hui de trouver les moyens de financer ce pacte sans dégrader les comptes de la nation, et donc nos engagements européens de stabilité, ni peser sur la fiscalité des ménages et des entreprises.
Dans son rapport du 11 septembre 2013 sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt recherche, le CIR, la Cour des comptes nous apporte une réponse. La France est en tête des dépenses des pays de l’OCDE pour l’avantage fiscal lié à la recherche et développement. Ce serait parfait si nous étions aussi le pays où l’efficience de la dépense est la meilleure.
Or que constate-t-on ? Les groupes intégrés fiscalement peuvent légalement faire entrer ou sortir des entreprises du périmètre de leur intégration afin de bénéficier plus largement du CIR. Sur la période observée, qui correspond à l’élargissement de l’assiette du CIR, l’accroissement, de 3 milliards d’euros, des dépenses déclarées est surtout le fait des très grandes entreprises, à hauteur de 2,4 milliards d’euros, alors que celles-ci n’ont pratiquement pas augmenté leurs dépenses de recherche et développement.
M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai !
M. Joël Giraud. Alors que le coût du CIR, déjà élevé, est amené à croître encore – 5,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, au lieu de 3,35 milliards d’euros en 2013 –, il est nécessaire de recentrer cette dépense fiscale.
Si le montant du CIR était calculé au niveau de chaque intégration, et non des filiales, il en résulterait selon la Cour des comptes une économie de 530 millions d’euros en 2013. Aujourd’hui, si nous appliquions simplement la progressivité du CIR, l’économie serait de 870 millions d’euros, soit le coût exact réévalué du pacte de sécurité.
Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : envisagez-vous de mettre un terme à une optimisation fiscale aussi inefficace qu’immorale pour reconstituer nos forces de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, l’outil du crédit d’impôt recherche remplit son objectif, à savoir exercer un effet de levier sur les dépenses de recherche des entreprises. Son coût en volume a augmenté de 800 millions d’euros entre 2008 et 2012. Parallèlement, les dépenses de recherche ont augmenté de 4,2 milliards d’euros dans notre pays, et la France se place au deuxième rang européen en matière de recherche et développement.
En 2013, au titre du CIR, 2,4 milliards d’euros étaient consacrés aux grandes entreprises, 1,4 milliard aux PME et 2,4 milliards aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Les PME et les ETI bénéficient donc du crédit d’impôt recherche, qui est un dispositif contrôlé. Le contrôle sécurise tout le monde, aussi bien les bénéficiaires que le Parlement et le Gouvernement, qui doivent veiller à la bonne gestion de l’argent public.
Dès lors, une solution généralisée de plafonnement au niveau du groupe ne me paraît pas pouvoir tenir lieu de réponse face à un risque qui n’est pas constitué et alors même que nous avons la capacité de sanctionner les abus éventuels.
Monsieur le député, vous avez commencé et conclu votre question sur la priorité à privilégier entre les dépenses nécessaires à notre sécurité et les arbitrages budgétaires que nous devons opérer. Dès 2012, nous avions donné la priorité à l’augmentation des budgets de l’intérieur et de la justice pour préserver la sécurité des Français. Aujourd’hui et demain, ce sera toujours le choix du Gouvernement. Si nous devions arbitrer entre les dépenses nécessaires à la sécurité du pays et des Français et notre trajectoire de finances publiques, la réponse serait simple et claire : la sécurité demeure une priorité budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe Les Républicains.
M. Patrick Ollier. Monsieur le Premier ministre, les Français ont montré leur unité face au drame des attentats qui ont frappé notre pays. Mais en démocratie, l’unité nationale autour de nos valeurs fondamentales n’exclut ni le débat, ni la prise de conscience des réalités quotidiennes. Or la réalité est que si les Français craignent pour leur sécurité, ils craignent aussi pour leur emploi.
En octobre dernier, le nombre des demandeurs d’emploi a atteint des records : 42 000 chômeurs supplémentaires en un mois, soit une augmentation de 3,7 % en un an.
M. Alain Chrétien. Continuons comme ça !
M. Patrick Ollier. Aujourd’hui 5 740 000 Français sont au chômage, soit 10,8 % de la population, sans compter les 42 800 personnes qui ont été radiées de Pôle emploi.
Pour la France, ces chiffres sont une véritable catastrophe humaine. Et ne vous réfugiez pas derrière l’argument de l’héritage, car contrairement aux promesses répétées de François Hollande, contrairement aux autres pays européens, qui profitent de la même conjoncture économique favorable, le chômage ne cesse d’augmenter en France, alors qu’en Allemagne, son taux est de 4,7 %, soit deux fois moindre que dans notre pays.
Ne pensez-vous pas que le coût du travail dans le secteur marchand, supérieur chez nous à celui de nos concurrents européens, en soit une des causes ? Ne pensez-vous pas que les contraintes qui pèsent sur les entreprises, ajoutées aux normes européennes que vous appliquez avec beaucoup de zèle, en soient aussi une des causes ? Ne pensez-vous pas que les errements de vos orientations politiques successives, voire contradictoires, en sont également une des causes et empêchent la confiance nécessaire aux investissements des chefs d’entreprise ?
M. Bernard Accoyer. C’est sûr !
M. Patrick Ollier. C’est donc bien votre politique qui est responsable des mauvais chiffres du chômage !
Alors, Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous revenir sur vos erreurs et faire preuve de moins d’idéologie et de plus de réalisme ? Quand allez-vous enfin changer de politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. C’est vrai, monsieur le député, les chiffres du chômage du mois d’octobre, après la baisse importante enregistrée en septembre, ne sont pas satisfaisants – je n’avais d’ailleurs fait preuve d’aucun triomphalisme en septembre.
M. Guénhaël Huet. Un peu quand même !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Quelle est la situation aujourd’hui dans notre pays ? La croissance est de 1,1 % : c’est un acquis. Pour réduire durablement le chômage, un deuxième préalable est nécessaire : il faut des créations nettes d’emplois. En un an, nous en avons enregistré 50 000.
Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas beaucoup !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Malgré la reprise de l’activité économique, ce n’est pas suffisant pour compenser les effets de la démographie. C’est pourquoi nous continuons à réformer.
Vous parlez du coût du travail. Le pacte de responsabilité, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ont permis de réduire le coût du travail en France. Dans l’industrie, le coût du travail est moindre dans notre pays qu’en Allemagne.
M. Claude Goasguen. Et alors ?
M. Patrick Ollier. Si tout va bien, pourquoi en sommes-nous là ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous comptons proposer une réforme du code du travail d’ici 2016, c’est justement pour permettre une meilleure adaptation aux réalités locales des entreprises par la négociation collective. Il y a en effet un besoin de clarification du code du travail. C’est tout le sens du projet de loi.
M. Yves Censi. Le ferez-vous vraiment ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. La confiance est là. Malheureusement, les chefs d’entreprise restent trop prudents, et les embauches se font à travers des contrats courts ou des contrats d’intérim. Tout l’enjeu de cette réforme du droit du travail et de la loi portée par Emmanuel Macron est de redonner confiance dans les entreprises.
Enfin, comparons ce qui est comparable. Vous savez bien que le défi n’est pas le même en Allemagne et en France : si le nombre annuel de départs à la retraite est sensiblement le même dans les deux pays, on enregistre 660 000 entrées sur le marché du travail en Allemagne pour 850 000 en France.
Il ne faut donc pas faiblir, et nous continuerons à réformer jusqu’au bout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Sébastien Pietrasanta. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous sommes en guerre contre le terrorisme, nous sommes en guerre contre des personnes qui, au nom d’une version absolument détournée d’une religion, frappent la République. Oui, nous pouvons le réaffirmer ici, avec force, Daech n’est pas l’islam. L’immense majorité des musulmans de France vivent leur culte, leur foi, dans le respect absolu des principes républicains. Ils souffrent de l’instrumentalisation qui est faite de leur religion par des terroristes sans scrupule.
Vous l’avez dit à de nombreuses reprises, la République doit accueillir tous ses enfants, quelle que soit leur croyance. C’est la raison pour laquelle nous devons mettre un terme à ce cycle mortifère ; de fait, les terroristes profitent d’un climat qu’ils ont eux-mêmes instillé, en diffusant une version totalement mensongère de l’islam pour accroître leur emprise et alimenter ce climat de haine sur lequel eux et les extrêmes prospèrent. Les conditions impératives pour briser ce cycle infernal consistent à fermer les lieux de culte, souvent clandestins, qui diffusent des messages de haine, à dissoudre les mosquées salafistes, qui constituent des repaires de terroristes et à expulser les prédicateurs de haine venus des pays étrangers. Je sais votre totale détermination, ainsi que celle du Premier ministre, sur ce sujet.
Ce matin, un ancien Président de la République a fait valoir qu’il avait fermé des lieux de culte, qu’il avait expulsé des prédicateurs de haine lorsqu’il était en responsabilité. Pourtant, je n’ai pas le souvenir qu’entre 2007 et 2012, des mosquées aient été fermées en raison de leur radicalisation.
M. Claude Goasguen. Daech n’existait pas !
M. Sébastien Pietrasanta. Je n’ai pas le souvenir qu’ait été prononcée la déchéance de la nationalité d’individus coupables de terrorisme. Pouvez-vous nous éclairer sur la réalité de ces affirmations ?
Monsieur le ministre, nous venons de voter l’état d’urgence ; vous êtes justement en train de conduire une opération d’envergure à Lagny, contre une mosquée radicale. Pouvez-vous nous en dire davantage et nous communiquer des éléments précis concernant votre action face à ces versions détournées de l’islam, qui minent notre République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, votre question traite de plusieurs sujets. D’abord, vous m’interrogez sur les fermetures de mosquées, sur les expulsions de prêcheurs de haine et sur les déchéances de la nationalité.
M. Bruno Le Roux. Et sur les propos de Sarkozy !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La réponse est factuelle. Combien y a-t-il eu de mosquées fermées pour motif de radicalisation au cours des dix dernières années ?
M. Jacques Myard. Trop peu !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Aucune. Cela peut être vérifié par les rapporteurs en charge de ces sujets au sein de l’Assemblée. Il n’y en a eu, j’y insiste, absolument aucune.
M. Claude Goasguen. Est-ce que Daech existait ?
M. Bernard Roman. Toi, tu n’as rien fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Combien en avons-nous fermé dans le cadre de l’état d’urgence et au cours des dernières semaines ? Quatre. Une à Gennevilliers, une à Nice, une à Lyon et, depuis ce matin, une en Seine-et-Marne, à Lagny. Combien de prêcheurs de haine, d’imams appelant à la haine ou au terrorisme ont-ils été expulsés au cours de la période 2007-2012 ? Dix-neuf. Combien y en a-t-il eu depuis le renouvellement de majorité ? Soixante-cinq, dont trente-quatre depuis le début de l’année 2015.
M. Claude Goasguen. Ce n’est pas assez !
M. Yves Fromion. C’est lamentable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je transmettrai l’ensemble des documents aux rapporteurs concernés, afin qu’ils puissent les vérifier. Combien de déchéances de nationalité ont-elles été prononcées au cours des quinze dernières années ? Une. Combien y en a-t-il eu depuis le début du quinquennat ? Six, pour terrorisme (Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains), et nous allons, bien entendu, poursuivre cette action de façon volontariste. Ce matin, une perquisition a été conduite à la mosquée de Lagny, qui a permis de découvrir des éléments informatiques, des armes et des documents suffisamment préoccupants pour qu’il soit procédé à la fermeture de cette mosquée.
M. Claude Goasguen. Tant mieux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Des interdictions de sortie du territoire et des assignations à résidence ont été décidées, et des armes ont été saisies. L’action publique est déclenchée. Nous ferons preuve d’une fermeté totale à l’encontre de tous ceux qui prêchent la haine en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Gaby Charroux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, dans le contexte des événements tragiques du 13 novembre, un fait, à mes yeux majeur, choque nos concitoyens et aggrave leur chagrin et leur colère : un certain nombre de terroristes étaient des Français. Pour nous, les Républicains, que les choses soient claires, aucune excuse, qu’elle soit culturelle ou sociale, n’est possible à l’égard de ceux qui ont commis des actes de barbarie et de ceux qui les approuvent. La France n’est pas coupable de discrimination religieuse, parce qu’elle est laïque, d’exclusion sociale, parce qu’elle est généreuse, d’apartheid, parce qu’elle n’est pas raciste. Elle n’a pas non plus à s’excuser auprès de quiconque de son passé ou de son histoire, qui a fait de nous ce que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Aujourd’hui, les drapeaux français sont à nos fenêtres, les parlementaires et le Gouvernement chantent, presque à l’unisson, la Marseillaise. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Qu’est-ce qu’être Français ? Ce n’est ni la croyance en une religion, ni le fait de partager une origine commune ou la même couleur de peau. C’est, comme le disait Renan, un héritage à partager et une communauté de destin. Pour réussir l’intégration, ces idées, ces valeurs doivent être défendues à l’école et dans nos familles, avec autorité. On n’a pas le droit d’interdire de caricaturer dans le pays de la liberté. On n’a pas le droit de voiler la face d’une femme dans le pays de l’égalité.
M. Jacques Myard. Bravo !
M. Jean Leonetti. On n’a pas le droit de prêcher la haine dans le pays de la fraternité. On n’a pas le droit de placer les lois religieuses au-dessus des lois de la République, à cause de la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt, avec détermination, au-delà des symboles et des paroles, à faire respecter avec intransigeance, dans la pratique et dans les faits, les principes républicains liés à notre identité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Marcel Rogemont. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jean Leonetti, vous avez raison, ce qu’on a voulu attaquer, en janvier, déjà, ce sont des hommes et des femmes, bien sûr, mais aussi des symboles : la liberté d’expression, la liberté de caricature, l’ordre républicain, à travers les forces de l’ordre et ces policiers qui sont tombés. Ce que l’on a voulu mettre en cause, c’est notre diversité, en s’en prenant à des Français juifs, parce qu’ils étaient juifs. Ce que l’on a voulu toucher, abattre, le 13 novembre dernier, c’est un art de vivre ; c’est hélas parfaitement dit dans les communiqués de Daech. C’est une manière de consommer, c’est l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est la culture, c’est l’art, c’est la musique.
Face à cela, il faut une réponse : il s’agit, bien sûr, comme cela a été dit plusieurs fois dans cet hémicycle, sur tous les bancs, de la manifestation de l’autorité de l’État, de la guerre dans laquelle nous sommes engagés, de la lutte contre les terrorismes. C’est aussi – vous l’avez dit avec vos mots, qui sont forts – la République dans tous ses aspects. Il ne s’agit pas seulement d’incantation, de la formulation de paroles nécessaires ; il s’agit de ce patriotisme qui est présent, que l’on sent partout dans le pays, dans toutes les catégories de la population, au sein de toutes les générations. C’est l’amour du drapeau, c’est l’amour de la France, que nous devons chérir, c’est l’amour de l’hymne national, que l’on a, d’ailleurs, trop laissé siffler dans nos stades et lors de manifestations. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Gaby Charroux et Mme Véronique Massonneau. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est l’apprentissage des valeurs, de la laïcité, et c’est tout l’engagement mené au sein de l’école, en particulier de la part des enseignants, qui sont formés depuis des mois à la transmission des valeurs et de la laïcité. Cela évitera qu’un gamin, dans l’un de nos quartiers populaires, puisse encore dire, à l’école, que son ennemi est le juif : malheureusement, vous le savez, nous avons trop entendu cela au cours de ces dernières années. C’est l’égalité entre les hommes et les femmes – vous l’avez rappelé –, et l’application stricte et absolue de la loi, qui interdit tous les signes religieux à l’école, dont la burqa, le voile intégral dans l’espace public.
M. Jacques Myard. Il faut en effet l’appliquer !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le ministre de l’intérieur a encore rappelé aux forces de l’ordre et aux préfets combien ces lois devaient être appliquées partout, sur l’ensemble du territoire, car on se trouve là face à un symbole majeur, qui doit être en permanence respecté. Oui, ce sont tous ces symboles, tous ces mots, tous ces actes que nous devons faire vivre au sein de la République.
On a voulu attaquer un modèle, un art de vivre, un pays et un peuple libres, qui parlent au monde entier. Notre réponse tient donc aussi à l’affirmation de ces valeurs, et je suis convaincu que nous pouvons tous nous retrouver autour de celles-ci.
Je voudrais évoquer deux autres sujets. Le premier, vous l’avez souligné, c’est la fraternité. La réponse à la barbarie, la réponse au terrorisme, c’est aussi un modèle de vivre ensemble, c’est le respect des autres, quels que soit sa religion, son lieu de naissance et sa couleur de peau. Vous l’avez parfaitement dit : la France, ce n’est pas une religion, ce n’est pas uniquement un héritage, c’est une manière de vivre et de regarder le monde. Si nous sommes français, c’est parce que nous partageons des valeurs qui nous sont communes.
M. Meyer Habib et M. Philippe Gomes. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le dernier élément, c’est notre propre comportement. Quand on a la chance d’avoir une belle démocratie comme la nôtre – même si elle doit évidemment relever des défis, résoudre ses problèmes et ses fractures –, il faut prendre ses responsabilités ; chacun de nous doit s’y employer, par son propre comportement, nous-mêmes – ceux qui gouvernent, ceux qui ont gouverné comme ceux qui aspirent à le faire – mais aussi chaque Français. Le premier rendez-vous, monsieur le député, c’est dimanche prochain. La meilleure manière de conforter la démocratie, c’est de voter, et de voter pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Gaby Charroux et Mme Véronique Massonneau. Très bien !
M. Laurent Furst. Et de voter pour Les Républicains !
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.
Mme Eva Sas. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Dès l’ouverture de la Conférence sur le climat, ou COP21, le financement est apparu comme un enjeu déterminant de la réussite de celle-ci. C’est un véritable Plan Marshall pour le climat qu’il faut engager, tout particulièrement en faveur des pays du Sud. Le Premier ministre indien a rappelé qu’il s’agissait avant tout d’une question de justice climatique. Le Fonds vert pour le climat gérant les financements de la transition énergétique est ainsi la clé d’un accord, et plus encore les 100 milliards de dollars annuels que doivent verser les pays développés aux pays du Sud, ce qu’on appelle le fast-start.
Or, aujourd’hui, force est de constater que les engagements des États ne sont pas à la hauteur des enjeux. Sur ces 100 milliards de dollars, l’OCDE a évalué que les États ne s’étaient engagés à verser que 62 milliards annuels. Pour la France, la taxe sur les transactions financières, qui alimente le Fonds vert via l’AFD, l’Agence française de développement, doit notamment prendre plus d’ampleur. L’Assemblée nationale avait voté un amendement dans ce sens, intégrant dans cette taxe les opérations les plus spéculatives de celles réalisées sur une seule et même journée. Le Sénat est malheureusement revenu sur cette disposition.
Je souhaiterais donc savoir quelle sera la position du Gouvernement sur ce sujet lors de la deuxième lecture de ce projet de loi de finances et comment vous justifiez les coupes opérées dans l’aide au développement au moment même où se tient la COP21.
Outre la question des financements publics, se pose celle de la réorientation des financements privés, via notamment la mise en place d’un prix positif au carbone évité. Un projet évitant des émissions de carbone pourrait ainsi donner droit à des certificats garantis par la Banque mondiale. Ce mécanisme fait-il aujourd’hui partie des solutions que soutient la France ? De façon plus globale, comment la COP21 va-t-elle garantir les financements de la transition et quelle sera la contribution de la France à l’aide aux pays du Sud pour que ces derniers construisent leur développement sur la transition énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Madame la députée, j’ai eu l’occasion d’apporter une première série d’éléments de réponse sur la COP21 voilà quelques instants. Vous interrogez le ministre des affaires étrangères plus précisément sur la question des financements. Je vous prie à nouveau d’excuser l’absence de ce dernier, qui préside en ce moment même la Conférence.
La réunion des chefs d’État et de gouvernement a d’abord permis de donner une impulsion politique très importante. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la présidence française de la Conférence avait souhaité que cette réunion ait lieu, non pas à la fin mais au début de celle-ci, de précédentes expériences ayant montré que, parfois, une réunion finale s’avérait trop tardive.
La question des financements est essentielle, et plusieurs avancées ont eu lieu. S’agissant tout d’abord du prix du carbone, un événement était organisé cette semaine, notamment par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, afin de mettre en place une tarification du carbone dans le plus grand nombre de pays possible pour créer un marché du carbone et ainsi lutter de manière économique, précise et efficace contre le réchauffement climatique. Cette initiative suit son cours.
Ensuite, vous avez évoqué la question des masses globales de financement à mobilise. Je l’ai dit, les 100 milliards d’euros sont à portée de main. Les États s’étaient engagés sur le versement de 62 milliards d’euros l’an dernier et de nouvelles contributions et annonces sont attendues cette semaine. La France y prend toute sa part, que ce soit au travers de sa contribution au Fonds vert, à hauteur de1 milliard d’euros, ou des contributions pour l’Afrique – le Président de la République a rencontré cette semaine des chefs d’État et de gouvernement africains – : 2 milliards d’euros seront mobilisés pour le développement des énergies renouvelables en Afrique au travers de projets concrets.
M. Bernard Accoyer. Où trouverez-vous l’argent ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Nous saluons l’engagement du Fonds vert, qui soutient d’ores et déjà huit projets à hauteur de 150 millions d’euros. Une trentaine de nouveaux projets sont à l’étude.
S’agissant de la taxe carbone, le Gouvernement y est favorable sur le principe. Les discussions techniques sont en cours. Nous sommes totalement investis aux niveaux tant national qu’européen sur ce sujet qui engage notre avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe Les Républicains.
M. Édouard Courtial. Monsieur le Premier ministre, je rappelle l’engagement 54 du candidat François Hollande : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. »
M. Jacques Myard. Ouh !
Mme Laure de La Raudière. Ben voyons !
M. Édouard Courtial. Voilà bien une énième promesse non tenue. Les départements se voient appliquer une double peine, pris en étau qu’ils sont entre, d’une part, la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et, d’autre part, l’explosion du coût du revenu de solidarité active, ou RSA. Ce sont ainsi 20 millions d’euros qui manqueront à l’Oise en 2016.
Incapables de maîtriser la dérive des comptes publics, vous laissez aux autres, tout particulièrement aux départements, le soin d’assumer les efforts budgétaires nécessaires dans tous les domaines : culture, éducation, sport, insertion, transports. Les départements n’ont d’autre choix que de demander des efforts considérables à leurs habitants, à leurs agents et à leurs partenaires, notamment les communes et les associations.
Face à une faillite annoncée, l’Assemblée des départements de France, présidée par notre collègue Dominique Bussereau, a exprimé le souhait, à l’unanimité des élus, de gauche comme de droite, de renationaliser le RSA ou a minima de compenser les hausses attendues l’an prochain. Si les départements ne peuvent pas mener à terme leurs projets, si les associations doivent mettre la clé sous la porte et si les agents ne sont pas remplacés, ce sera la responsabilité du Gouvernement, et non celle des départements.
Si vous persistez malgré tout dans ce cynisme mortifère, donnez au moins aux départements les moyens juridiques de contrôler les bénéficiaires du RSA et d’exiger d’eux un travail d’intérêt général comme le permettrait la proposition de loi que j’ai déposée.
Votre éternelle rengaine, qui commence par « sous le quinquennat précédent… » ne marche plus. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous prendre la mesure de l’urgence et assumer enfin vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député Édouard Courtial, s’il y a bien un rendez-vous au cours duquel le Premier ministre n’a pas manqué d’apporter des précisions, de prendre des engagements et de proposer une méthode de travail, c’est bien celui qui a réuni à Matignon le Premier ministre lui-même, les ministres et l’Assemblée des départements de France.
M. Éric Straumann. Sans résultat !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous nous dites de ne pas nous retourner vers le passé, mais je vous rappelle, car il faut toujours le garder à l’esprit, que 3,5 milliards d’euros étaient pris en charge par les départements lorsque le mécanisme actuel du RSA a été introduit. Certes, nous avons à faire face à une augmentation du nombre d’allocataires, mais le débat a été largement ouvert, et des choses simples ont été dites. Premièrement, il a été décidé de distribuer des fonds de secours et les départements les plus en difficulté en ont été avertis.
M. Éric Straumann. Lesquels ? Nous voulons des noms !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Deuxièmement, un groupe de travail a établi avec précision le reste à charge des départements, ce qui doit nous conduire, à la fin du mars 2016, à répondre à une question importante : doit-on rétablir la compétence du RSA au niveau national, avec tout ce que cela implique, y compris en termes de transfert de ressources ?
M. Christian Jacob. Ce que nous voulons, ce sont non pas des questions mais des réponses !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous rappelle que si ce débat a été ouvert, avec courage, par le Premier ministre et l’ensemble des ministres concernés, y compris la ministre des affaires sociales, c’est parce qu’il faudra trouver une source de financement. La vraie question est de savoir quel échelon doit prendre en charge les politiques de solidarité, qu’il s’agisse du revenu de solidarité active, bien évidemment, mais aussi de l’aide à nos anciens et aux personnes en situation de handicap. Si vous vouliez vraiment participer à ce débat républicain du financement de la solidarité, nous pourrions, au lieu de nous affronter, trouver ensemble les bonnes solutions pour que la République soit plus solidaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Marie-Lou Marcel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Le comité de filière industrielle de sécurité a été réuni hier. Il rassemble les industriels du secteur, les opérateurs publics et privés de sécurité, les donneurs d’ordres de la filière et le Gouvernement représenté par vous-même, monsieur le ministre, et M. le ministre de l’économie. Cette instance de structuration de filière et de prospective a été instaurée en 2013 par notre majorité. Une telle initiative était nécessaire dans le cadre de nos efforts en matière de compétitivité et de sécurité. Des secteurs essentiels y sont rassemblés : sécurité du citoyen, sécurité civile, cybersécurité, sécurité maritime, aérienne et aéroportuaire. La feuille de route approuvée par les acteurs améliore la coordination des initiatives économiques, intensifie les efforts d’innovation et adapte l’offre industrielle aux nouveaux enjeux.
Depuis 2013, grâce aux décisions du COFIS, nos entreprises ont réalisé des progrès industriels importants. Ainsi PME, grands groupes et laboratoires publics comme privés conjuguent leurs efforts au service de la sécurité des Français. La lutte contre le terrorisme nécessite une organisation précise supposant une excellence économique et industrielle. Les 300 000 salariés du secteur de la sécurité le savent bien. Tous souhaitent apporter leur contribution à la protection de notre pays. Le COFIS réuni hier amplifie les dynamiques engagées depuis 2013. Pouvez-vous en dresser un bilan et préciser quelles actions en découlent, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Vous avez raison de rappeler l’importance de cette filière industrielle, madame la députée Marie-Lou Marcel. C’est pourquoi Bernard Cazeneuve et moi-même avons en effet réuni hier au ministère de l’intérieur l’ensemble des acteurs de la filière dans le cadre du comité de la filière industrielle de sécurité installé en octobre 2013 par le Premier ministre alors ministre de l’intérieur. Cette filière compte 300 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de trente milliards d’euros, dont une part importante à l’export. Nous parlons là de la sécurité des citoyens, de la sécurité civile, de la cybersécurité, de la sécurité aérienne et aéroportuaire, soit un champ très important qui est essentiel tant à la sécurité du territoire qu’à nos industries.
Dans le cadre de ce travail, le ministre de l’intérieur et moi-même avons validé les quatre axes principaux retenus par les industriels et proposés par le comité. Il s’agit d’abord d’améliorer le travail entre les PME, les ETI et les grands groupes de la filière, ce qui a mené à l’établissement d’un catalogue de l’offre et à la signature d’une charte de solidarité entre les PME et les grands groupes. Il s’agit ensuite de développer une offre innovante et de renforcer les actions d’innovation de la filière. En l’espèce, le troisième volet du programme d’investissements d’avenir sera mobilisé afin de débloquer des financements adaptés à la filière.
Le troisième axe, c’est le développement d’une base industrielle de sécurité, essentielle à la production sur notre territoire des éléments critiques de la filière. Mentionnons enfin l’accès aux marchés nationaux et internationaux et toute l’offre export sur laquelle nous continuerons à travailler, en particulier avec Matthias Fekl. Plus largement, le ministre de l’intérieur a initié un travail prospectif en établissant un think tank et un groupe d’experts qui formulera des propositions concrètes afin de définir l’offre stratégique de la filière. En outre, des assises de ce secteur industriel seront réunies au premier semestre de l’année 2016. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Bertrand Pancher. N’allons-nous pas nous réveiller avec une immense gueule de bois à l’issue de la COP21 dans quelques jours, monsieur le Premier ministre ? C’est probable !
M. Éric Straumann. La COP, c’est de la com’ !
M. Bertrand Pancher. Les déclarations des chefs d’État et de gouvernement du monde entier en début de semaine sonnaient beau, juste et fort, comme à Copenhague en 2009 ! Les mots étaient les mêmes, seuls les visages différaient. Depuis 2009, si peu de choses ont changé, sauf la situation climatique et le désespoir de l’humanité ! Nous soutenons les efforts de la France et nous impliquons dans ce combat, mais le monde jugera le résultat de la COP21 à la réponse à trois questions précises.
L’accord qui nous sera présenté sera-t-il juridiquement contraignant ? Si oui, quelles contraintes ou menaces pèseront sur les pays s’éloignant de leurs engagements ? Tout le monde en doute ! Prenons garde aux vœux pieux ! Deuxièmement, les moyens directs pour l’adaptation et la transition énergétique des pays en développement seront-ils réunis ? Aucune de nos promesses n’a pour l’heure été tenue. Les chèques que l’on s’apprête à signer seront-ils enfin provisionnés ? Enfin, allons-nous fixer un prix du carbone et en faire un instrument de régulation au plan mondial ?
M. Pascal Popelin. C’est toute la question !
M. Bertrand Pancher. Allons-nous seulement oser mentionner le terme « OMC » ? Personne n’y croit ! La tâche est immense et la modestie de rigueur.
M. Jean-Claude Perez. Voilà qui vous va bien !
M. Bertrand Pancher. Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que nous allons nous accorder sur des actions vraiment nouvelles ? Si oui, lesquelles ? A défaut, oserons-nous commencer à changer notre modèle de consommation dans lequel tous les biens et services découlant du carbone sont une véritable drogue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je tiens à vous répondre, monsieur Pancher, car s’il faut bien sûr être lucide compte tenu de l’expérience passée, notamment à Copenhague, et des enjeux majeurs pour l’avenir de la planète, il faut aussi être volontariste, et je ne doute pas que vous l’êtes, tandis que la COP21 est réunie à Paris. Contrairement à ce que vous affirmez, beaucoup de choses ont changé depuis Copenhague. D’abord, les scientifiques spécialistes du sujet ont heureusement imposé leur point de vue sur le réchauffement climatique, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Les scientifiques ont joué là un rôle tout à fait essentiel. Le rôle des ONG et la mobilisation des citoyens n’ont cessé de croître après l’échec de Copenhague. Dans notre pays, malgré la situation d’état d’urgence que nous connaissons, nous sentons bien que cette prise de conscience a lieu partout dans le monde, en France bien sûr mais aussi en Europe et dans le monde.
Par conséquent, les chefs d’État et de gouvernement n’ont pas d’autre choix qu’entendre les peuples et les avis scientifiques et de constater que cette réalité s’impose. Il faut donc réussir ! Certes, des obstacles se dressent mais personne, ni le Président de la République ni Laurent Fabius qui préside la COP21, n’a dit que la tâche serait facile. Cela explique le travail entamé depuis plusieurs mois déjà ainsi que la décision de la France d’assumer l’accueil de la COP21. Cet engagement doit en effet se traduire dans les faits au moyen d’un accord contraignant. J’ai eu le sentiment lundi qu’il ne s’agissait pas uniquement de discours. Lorsque le Japon hausse son engagement financier, les choses vont dans le bon sens. Une déclaration commune a été signée il y a quelques mois par la Chine et les États-Unis, ce qui est encore un pas qui n’a pas été franchi lors du sommet de Copenhague.
Le dialogue entre les pays du Nord et ceux du Sud est nourri. La réunion hier matin autour du Président de la République d’un certain nombre de chefs d’État et de gouvernement africains va précisément dans le sens que vous souhaitez, monsieur le député. Je serai bref, la négociation est en cours. Nous devons aboutir à un accord contraignant comportant des engagements précis afin de ralentir le réchauffement climatique et souples en même temps grâce au soutien que les pays du Nord doivent aux pays du Sud. J’ignore s’il faut être pessimiste ou optimiste, en tout cas il faut être volontariste car chacun a bien conscience qu’il faut réussir à trouver un accord car il en va de l’avenir de l’humanité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Le Ray. Monsieur le Premier ministre, depuis plus de deux ans, nous vous interpellons régulièrement sur la situation catastrophique des agriculteurs. Un pan entier de notre économie s’écroule. En juin dernier, vous vous étiez engagés à soutenir nos éleveurs. Alors que leur situation n’a jamais été aussi catastrophique, ils ne connaissent toujours pas concrètement votre plan d’urgence.
En attendant, l’Assemblée examine le projet de loi de finances rectificative, et deux sujets nous interpellent. En premier lieu, il est prévu de ponctionner 255 millions d’euros sur les ressources du fonds national de gestion des risques en agriculture – FNGRA –, qui aide les agriculteurs à faire face aux aléas. Cette ponction s’effectue au détriment des agriculteurs. Ce fonds affiche une bonne gestion et vous le sanctionnez : c’est incroyable !
En second lieu, une taxe de 5 % serait appliquée aux abattoirs dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros.
M. Bernard Accoyer. De la folie !
M. Antoine Herth. C’est la mort des abattoirs !
M. Philippe Le Ray. Cette nouvelle taxe viendrait abonder un fonds de soutien aux éleveurs qui, lui, n’est pas encore créé. On croit rêver ! Cette mesure risque de fragiliser les filières de l’élevage en mettant en péril les entreprises du secteur, dont les marges sont extrêmement faibles ! Elle risque également d’aggraver la crise que traverse l’ensemble de ces filières. Ce sont des milliers d’emplois qui sont directement ou indirectement menacés, particulièrement en Bretagne.
Vous comprenez bien que prendre de l’argent sur un fonds destiné aux agriculteurs ou créer une nouvelle taxe ne fera qu’empirer la situation. Monsieur le Premier ministre, allez-vous vous opposer à ces deux mesures dangereuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, le plan de soutien à l’élevage, qui avait été présenté par le Premier ministre à la fin du mois de juin puis le 3 septembre, suite à la manifestation qui avait eu lieu à Paris, est mis en œuvre. Il permettra de mobiliser 180 millions d’euros pour diminuer le poids des cotisations à la mutualité sociale agricole, la MSA, 155 millions d’euros pour réduire les charges qui pèsent sur les exploitations agricoles et 46 millions d’euros pour l’aménagement des dettes et la mise en place d’une « année blanche », conformément au souhait des agriculteurs. Vingt-trois mille dossiers ont été étudiés dans tous les départements, et d’ici la fin de l’année, plus de dix mille dossiers seront traités, en particulier – cela vous concerne, monsieur le député – pour les élevages porcins.
Un député du groupe Les Républicains. Répondez à la question !
M. Stéphane Le Foll, ministre. La taxe sur les abattoirs n’a jamais été une proposition du Gouvernement et nous y sommes défavorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Le FNGRA, qui intervient lors des calamités, est abondé à hauteur de 300 millions d’euros environ. Depuis que nous sommes aux responsabilités, et même avant, ce sont entre 30 et 60 millions d’euros qui sont sollicités chaque année. Ce que payent les agriculteurs via leurs assurances dépasse donc les besoins annuels. La proposition est simple : il s’agit de faire en sorte que les agriculteurs payent moins cher et de réadapter ce fonds aux besoins constatés.
Mais je le répète, l’État assume à chaque fois sa responsabilité face aux calamités agricoles et finance les dépenses qui s’avèrent nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Perez. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Philippe Folliot. Madame la ministre du travail, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a bondi de 42 000 le mois dernier en France métropolitaine. Il s’agit de la plus forte augmentation depuis deux ans alors que, dans le même temps, le chômage recule dans la zone euro.
Pôle emploi enregistre hélas un nouveau seuil catastrophique, avec 3,59 millions de chômeurs inscrits en catégorie A au mois d’octobre – c’est un nouveau record, avec 644 000 personnes supplémentaires depuis 2012. Toutes catégories confondues, on compte 1,4 million de chômeurs supplémentaires.
Le sujet de l’emploi ne se résume pas au seul désastre mensuel des chiffres du chômage. Certes, il faut faire preuve d’humilité en la matière, tant la situation s’est dégradée depuis une décennie. Mais le sujet ne se résume pas aux promesses non tenues du Président de la République et de son gouvernement.
Derrière chaque fermeture d’usine, derrière chaque licenciement, ce sont des hommes et des femmes dont la vie professionnelle, voire familiale, est brisée. Le travail n’est pas qu’une source de revenus ; c’est aussi un lien social, le sentiment d’utilité, d’appartenance à la société.
M. Jean-Luc Laurent. Exact !
M. Philippe Folliot. Madame la ministre, en refusant aujourd’hui les propositions de l’UDI et toute discussion sur le temps de travail et la mise en place d’un contrat assoupli pour favoriser l’emploi dans les TPE et les PME, le Gouvernement commet une faute lourde. La multiplication des contrats aidés ne pourra, à elle seule, soutenir la croissance de notre économie et compenser la destruction de centaines de milliers d’emplois, due, en grande partie, à l’absence de décisions de votre majorité.
Ma question est simple : la hausse du chômage restera-t-elle jusqu’en 2017 l’un des marqueurs de ce quinquennat ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je partage ce que vous avez dit sur la désespérance sociale que nourrit le chômage de longue durée. Les expérimentations proposées par cette assemblée – je pense notamment à la proposition de loi d’expérimentation de « territoires zéro chômeur de longue durée » de Laurent Grandguillaume – doivent nous permettre d’explorer de nouvelles voies.
M. Philippe Briand. Il faut surtout baisser les charges et réformer le code du travail !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous critiquez les emplois aidés, mais je peux vous dire que, lorsqu’ils sont ciblés et accompagnés d’une véritable formation, ces emplois sont un outil très efficace pour cette catégorie de chômeurs, même s’ils ne conviennent pas à tous les demandeurs d’emploi.
Avant tout, notre économie doit créer de l’emploi. C’est le sens des réformes que nous menons, du texte que proposera Emmanuel Macron pour favoriser les nouvelles opportunités économiques, ou du projet de loi que je défendrai, qui vise à réformer le code du travail pour laisser plus de place à la négociation, aux accords d’entreprise et de branche, essentiels pour les TPE. Parce que ce sont en effet ces entreprises qui créent de l’emploi dans notre pays, il est essentiel que nous arrivions à simplifier la vie des TPE et des PME, et c’est le sens du projet de loi que je vais défendre.
Voici quelques mois, nous avons mis en place, pour les TPE, l’aide à l’embauche d’un premier salarié. Ce dispositif est encore insuffisamment connu. J’ai bien conscience que nous devons réussir, avec les chambres des métiers, à mieux communiquer dans les territoires et à donner une plus grande lisibilité à l’ensemble des dispositifs.
Nous réformerons jusqu’à la fin de cette législature. Il est essentiel de recréer un climat de confiance pour les entreprises. Nous y arriverons en faisant davantage confiance aux acteurs de terrain, à travers les accords d’entreprise, pour assurer de meilleures adaptations de notre droit du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe Les Républicains.
M. Yannick Moreau. À quelques jours des élections régionales, au cœur de la COP21, je vous invite, monsieur le Premier ministre, à regarder l’avenir de la France en bleu.
Ce bleu, c’est celui de notre planète, qui s’échauffe et se réchauffe. C’est le bleu de la mer, source inépuisable d’inspiration, d’énergies marines renouvelables et de biodiversité. Avenir de la terre, la mer recèle des trésors et des secrets qu’il nous faudra tout à la fois savoir préserver et percer.
C’est aussi le bleu du drapeau européen qui flottera sur le Conseil des ministres de la pêche qui se réunira dans quelques jours à Bruxelles. Comme tous les ans, la roulette bruxelloise décidera sans appel du droit de vie ou de mort de dizaines de ports, de centaines d’armements, et de milliers d’entreprises individuelles ou familiales françaises. Les marins pêcheurs, monsieur le Premier ministre, comptent sur vous non seulement pour les défendre, mais aussi pour leur assurer, enfin, une lisibilité pluriannuelle des TAC – les totaux admissibles de capture – et des quotas.
C’est encore le bleu du pavillon tricolore des armateurs de France, le bleu de notre économie littorale, portuaire, nautique et touristique, fleuron de l’économie vendéenne, hexagonale et ultramarine. C’est enfin le bleu, blanc et rouge du pavillon des navires régaliens de l’État français qui affirmeront, demain, notre souveraineté sur les cinq continents et les 11 millions de kilomètres carrés de notre espace maritime national.
Monsieur le Premier ministre, à l’heure où tout devient vert – sauf les feux de la croissance et de l’emploi –, osez le bleu ! Osez regarder l’avenir de la France en bleu ! Quels actes forts votre gouvernement fera-t-il enfin pour réaffirmer l’ambition maritime de la France et pour se saisir de l’énorme gisement de croissance et d’emplois que représente notre économie maritime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler, au moment où a lieu un grand débat au sein de la COP21, l’importance de la mer, l’importance de la croissance bleue pour notre pays. C’est ce que nous avons fait avec le Premier ministre il y a quelques semaines à Boulogne. Nous ne nous sommes pas bornés à faire des déclarations générales : nous avons annoncé des mesures importantes, qui ont été saluées quelques jours plus tard – vous le savez – lors des Assises de la mer à Marseille.
Nous avons essayé de répondre aux attentes des armateurs et de la filière industrielle, par des mesures très pratiques – notamment ce que l’on appelle la « COFACE inversée », par référence à la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur. Ce mécanisme permet de garantir les conditions d’emprunt pour toute la filière industrielle. Nous avons également essayé d’améliorer les conditions de compétitivité et de sécurité sur les navires.
Je partage la préoccupation que vous avez exprimée dans votre question, et dont vous nous avez fait part à plusieurs reprises cette année. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger à propos de la négociation sur les quotas de pêche. J’ai par ailleurs reçu il y a quelques jours le commissaire européen chargé de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche, auquel j’ai rappelé la position de la France. Je l’ai également sensibilisé – si c’était encore nécessaire – à la situation des économies littorales françaises.
La position de la France consiste à demander des quotas pluriannuels. Pour les pêcheurs, en effet, et pour leurs organisations, la situation actuelle est très difficile : il faut négocier en deux jours et en deux nuits pour l’ensemble des espèces ! Les propositions actuelles sont connues ; elles sont appuyées sur des avis scientifiques ; elles sont difficiles, certes, mais elles l’étaient déjà l’année précédente. Les résultats ont cependant été plus performants.
Le Gouvernement est donc tout à fait mobilisé pour défendre l’économie maritime, tout en respectant nos engagements au niveau européen. Les pêcheurs et les gouvernements précédents se sont engagés à respecter la politique commune de la pêche, qui vise le « rendement maximum durable » : il s’agit d’autoriser la pêche, chaque année, d’une quantité de poisson telle qu’elle ne met pas en cause la ressource halieutique elle-même.
Nous avançons vers cet objectif, mais il faut aussi que l’Europe comprenne que nous devons l’atteindre à l’horizon 2020, et qu’il nous faut prendre en compte les conséquences socio-économiques des quotas. Telle sera la position de la France dans cette négociation. Nous défendrons cette position avec le soutien des pêcheurs et – je l’espère – de toute la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, la lutte contre le réchauffement climatique est un défi mondial à relever.
L’année 2015 a été l’année de tous les records pour ce qui est des effets du dérèglement climatique : les victimes de ces phénomènes se comptent par millions – majoritairement des femmes dans les pays en développement. Le coût des dommages matériels s’élève à plusieurs milliards. Dans ce contexte de réchauffement climatique, la COP21, en présence de plus de 150 chefs d’État et de gouvernement, est un rendez-vous crucial avec notre avenir : nous donnerons-nous collectivement les moyens de préserver notre planète, oui ou non ?
C’est aussi l’occasion de démontrer que l’agriculture, parfois montrée du doigt, constitue l’un des principaux leviers pour lutter contre le réchauffement climatique. Qui mieux que le monde agricole peut saisir l’importance de ce combat ? L’agriculture nourrit la planète : nous devons préserver les sols, lutter contre le dérèglement climatique et assurer à chacun la sécurité alimentaire.
Avec la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, vous avez déjà encouragé l’agro-écologie, qui consiste à travailler avec la nature et non contre elle. La COP21 est également l’occasion de lancer officiellement l’initiative mondiale « 4 pour 1000 », qui fait de la question des sols vivants un enjeu central, que la France défend au cours des négociations. Le principe est simple : si l’on augmentait chaque année la matière organique des sols, on compenserait les émissions de gaz à effet de serre.
Pour cela, il est nécessaire de changer les pratiques agricoles. Comme vous l’avez souligné, sur un sujet aussi important, il faut organiser la concertation entre tous les acteurs : les agriculteurs, les scientifiques, les politiques, mais aussi les ONG. Plus de cent États et organisations soutiennent déjà votre initiative.
Monsieur le ministre, les enjeux de la COP21 sont colossaux. Notre génération est la première à constater le changement climatique ; elle est aussi la dernière à pouvoir nous sauver du pire. Pouvez-vous nous dire comment s’organise la mobilisation des États et du monde agricole sur cette question majeure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. André Chassaigne. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous avez évoqué la COP21 ; ce sujet a été évoqué par de nombreux autres députés aujourd’hui. C’est un enjeu majeur. Nous devons nous engager à la fois pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et pour nous adapter. Nous sommes contraints de modifier nos stratégies, nos modèles de production, voire les végétaux qui sont cultivés dans certains endroits de la planète qui connaissent le réchauffement climatique.
Vous avez évoqué l’initiative « 4 pour 1000 ». Je voudrais brièvement l’expliquer à la représentation nationale. Elle concerne les sols. Savez-vous combien de milliards de tonnes de carbone sont stockées dans les sols de la planète, notamment dans les sols agricoles ? 2 500 milliards de tonnes de carbone !
Le taux de 4 ‰, soit 0,4 %, cela consiste à faire une règle de trois qui aboutit à 9,6 milliards de tonnes de carbone. C’est le rapport entre la totalité du carbone stocké et le 0,4 %.
M. Bernard Accoyer. Il sait compter comme un socialiste !
M. Jean-Pierre Gorges. C’est n’importe quoi !
M. Stéphane Le Foll, ministre. 9,6 milliards de tonnes, c’est exactement la quantité de carbone que les activités humaines rejettent chaque année dans l’atmosphère. En augmentant dans une proportion limitée le stock de carbone des sols grâce à l’agriculture, on pourrait capturer une quantité de carbone équivalente à ce que l’humanité rejette chaque année dans l’atmosphère.
Le potentiel de cette technique est énorme. Pour le réaliser, il faut s’occuper des sols, il faut promouvoir des stratégies, des modèles agricoles permettant d’augmenter, dans une mesure limitée, la capacité des sols à séquestrer du carbone grâce à la photosynthèse. L’initiative « 4 pour 1000 », promue par la France et inscrite dans l’Agenda des solutions, a été soutenue hier par près de cent institutions et une quarantaine de pays. Elle va dans le sens de vos souhaits : atténuer les émissions de gaz à effet de serre et adapter l’agriculture de sorte qu’elle ne soit plus un problème mais une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Éric Alauzet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le Premier ministre, le 24 novembre dernier, un bombardier russe a été abattu par deux chasseurs turcs près de la frontière syrienne alors qu’il était en mission pour combattre contre l’État islamique. Deux militaires russes ont perdu la vie dans des conditions tout à fait dramatiques.
Les deux pilotes de l’avion ont réussi à s’éjecter. L’un est sain et sauf, mais l’autre a été abattu alors qu’il descendait en parachute.
Les circonstances dans lesquelles cet avion a été abattu restent floues et incertaines. La Russie conteste avoir violé l’espace aérien turc et avoir été avertie à plusieurs reprises avant que son avion ne soit abattu par les deux chasseurs turcs. La Turquie, pour sa part, s’est empressée de demander une réunion en urgence du Conseil de l’OTAN, comme pour se protéger et trouver quelque soutien au sein de l’Organisation. Le moins que l’on puisse dire est que l’on ne sait pas vraiment ce qui est ressorti de cette réunion !
La France a rejoint depuis quelque temps le commandement intégré de l’OTAN.
Une députée du groupe SRC. Hélas !
M. André Chassaigne. Ce n’est pas ce qu’elle a fait de mieux !
M. Jean-Claude Mignon. Pouvez-vous nous dire aujourd’hui avec précision non seulement quelle est la position de l’OTAN, mais aussi et surtout quelle est la position du gouvernement français et de la France vis-à-vis de cette agression dont a été victime, je le répète, un avion de nos alliés russes, et quant au fait que ces militaires ont perdu la vie dans des conditions tout à fait dramatiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. (« Et le Premier ministre ? Et le ministre de la défense ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Je vous demande une nouvelle fois, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir excuser le ministre des affaires étrangères pour son absence. Il préside en ce moment même la COP21.
Monsieur le député, vous avez rappelé avec beaucoup de gravité la situation complexe et tendue qui prévaut aujourd’hui. C’est vrai, les tensions sont fortes entre la Russie et la Turquie depuis la destruction en plein vol, le 24 novembre dernier, d’un chasseur bombardier russe par la Turquie à la frontière de la Syrie.
Une réunion des ministres des affaires étrangères s’est tenue hier à Bruxelles dans le cadre de l’OTAN. La situation que vous évoquez et les sollicitations de la Turquie y ont évidemment été évoquées. Les alliés, dans le cadre de l’OTAN, ont manifesté leur soutien à la Turquie et leur attachement profond à l’intégrité de son espace aérien.
Concernant la question de l’avion russe abattu, je veux rappeler la position de la France telles qu’elle a été présentée par la Président de la République dès le lendemain de ces faits, lorsqu’il était à Washington précisément pour construire la coordination dans la lutte contre Daech.
M. Philippe Briand. Et la question ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. D’abord un appel au calme et le besoin d’un diagnostic précis ; un appel, aussi, à la désescalade et au dialogue entre Ankara et Moscou sur cette affaire.
La France se félicite que, dans le cadre de la réunion qui s’est tenue hier, semble s’esquisser une discussion directe, y compris entre les deux ministres des affaires étrangères russe et turc. La France prendra toute sa part pour contribuer à la désescalade indispensable pour faire retomber les tensions et améliorer la situation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Xavier Breton. Ça ne veut rien dire !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Joëlle Huillier. Madame la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, ce matin, en commission mixte paritaire, les députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement que vous avez présenté au Parlement l’année dernière et toute cette année, après une large concertation engagée par votre prédécesseure Michèle Delaunay.
Quatorze ans après la création de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA – par le gouvernement de Lionel Jospin et conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2012, nous adoptons un nouveau texte destiné à améliorer la vie des personnes âgées et de leurs familles.
Son premier mérite est de donner la priorité à la prévention, au repérage des situations de fragilité – malnutrition, chutes, usage excessif de médicaments – et à la lutte contre l’isolement des âgés.
Son deuxième mérite est de prendre en compte les besoins de la personne âgée dans toutes les politiques publiques, qu’il s’agisse du logement, des transports, en ville comme en milieu rural.
Son troisième mérite est de renforcer la solidarité, puisque les personnes âgées en perte d’autonomie bénéficieront de davantage d’heures d’aide à domicile grâce à la réforme de l’APA et d’une aide au répit pour leurs millions de proches aidants. Son quatrième mérite est d’instaurer une gouvernance des politiques pour et avec les aînés, au niveau national avec le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et au niveau local avec la conférence des financeurs et les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie.
Sur tous les bancs de cet hémicycle, nous pouvons être fiers de l’adoption de cette grande et belle réforme de société !
Madame la secrétaire d’État, le vote de la loi est une chose, son délai d’application en est une autre. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour qu’elle entre en vigueur et soit appliquée dès le 1er janvier prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie. Vous avez raison d’être fière du travail réalisé par le Parlement, madame la députée car il va permettre qu’un des engagements répétés à plusieurs reprises par le Président de la République et par le Premier ministre soit respecté. Cette loi sera bien adoptée avant la fin de l’année 2015, promulguée et mise en œuvre dès le début de l’année 2016.
Mme Joëlle Huillier et Mme Anne-Yvonne Le Dain. Bravo !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. C’est une loi extrêmement importante puisque c’est une nouvelle loi sociale qui vise à accompagner les personnes âgées, lesquelles, dans leur très grande majorité, souhaitent vieillir chez elles et dans de bonnes conditions.
Elle crée des droits nouveaux. Le premier est l’augmentation des heures d’aide à domicile pour les personnes dépendantes : une heure de plus par jour pour les plus dépendantes, une heure de plus par semaine pour les moins dépendantes. Le reste à charge est diminué, ce qui signifie que les usagers paieront moins cher les heures d’aide à domicile.
Pour les 4,5 millions de personnes qui aident une personne âgée à domicile – conjoint, enfants, petits-enfants, frères, sœurs – et qui permettent au quotidien que la personne reste chez elle, nous créons un autre droit nouveau : le droit au répit.
D’abord, ces personnes sont reconnues dans le code de l’action sociale et des familles. Ensuite, ce droit au répit leur permettra chaque année, grâce à une allocation pouvant atteindre 500 euros, de bénéficier d’un accueil temporaire pour une semaine ou de davantage d’heures d’aide à domicile pour une durée adaptée à leurs besoins.
Mais cette loi ne vise pas seulement à maintenir les personnes âgées à domicile : elle vise surtout à leur permettre de bien vieillir à domicile, et surtout de ne pas s’isoler. C’est donc une loi qui mobilise l’ensemble des politiques publiques : transport, aménagement urbain, logement, culture, en sorte que les villes ou les villages soient amis des aînés et que ces derniers y vivent bien.
C’est donc une belle et grande loi sociale que nous adoptons l’année du soixante-dixième anniversaire de la Sécurité sociale, prouvant ainsi que nos protections sociales savent évoluer, s’adapter, se moderniser et être au plus près des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015 (nos 3217, 3282, 3247, 3252).
Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 488 portant article additionnel après l’article 16.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 488 portant article additionnel après l’article 16.
M. Charles de Courson. Je serai bref car nous avons déjà débattu du sujet hier soir. Il s’agit d’assouplir et d’aller un peu plus loin que ce que préconise l’amendement du Gouvernement, qui a été adopté hier soir, s’agissant de la condition de sortie pour utiliser la déduction fiscale pour aléas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement a été repoussé par la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. L’Assemblée a adopté hier un amendement qui va dans le même sens. Vous souhaitez, monsieur le député, aller un peu plus loin mais le Gouvernement souhaite en rester à la disposition qui a été adoptée hier. Si cet amendement était maintenu, avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur de Courson, acceptez-vous de retirer cet amendement ?
M. Charles de Courson. Je le retire, pour faire plaisir à M. le secrétaire d’État.
(L’amendement no 488 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. François André, pour soutenir l’amendement no 326.
M. François André. Il existe actuellement dans le droit fiscal un dispositif applicable aux agriculteurs dit de lissage des revenus exceptionnels. Lorsqu’un revenu exceptionnel est constaté dans une exploitation, la possibilité est donnée à l’exploitant d’en étaler l’imputation sur un total de sept exercices. Mais cette imputation doit se faire par fractions égales. L’amendement propose d’assouplir le dispositif et de laisser l’exploitant libre de choisir le montant de chaque fraction, tout en conservant une imputation sur sept exercices.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons bien compris votre intention, monsieur le député. Vous avez parfaitement décrit le dispositif existant et la modification que vous proposez. Le Gouvernement n’y est pas favorable, ayant déjà apporté un certain nombre d’assouplissements au dispositif de la déduction pour aléas – DPA –, qui n’est certes pas le même mais que nous venons d’évoquer.
D’autre part, le suivi d’une imputation dont les fractions varieraient dans le temps serait particulièrement complexe pour les services. Rien n’est insurmontable, certes, mais cette complexité est l’une des raisons qui nous conduisent à vous demander de retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur André, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. François André. Je le retire.
(L’amendement no 326 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 199.
M. Christophe Caresche. J’ai déposé cet amendement avec mon collègue Jean-Claude Buisine, qui souhaitera peut-être compléter mon propos.
Cet amendement vise à élargir le régime fiscal des sociétés mères. Ce régime est intéressant parce qu’il permet d’éviter la double imposition pesant sur les dividendes que leur verse la société dont elles sont actionnaires, ce qui favorise le développement d’un actionnariat stable, notamment familial, sur le long terme. Ce régime s’applique pour autant que les sociétés détiennent au moins 5 % du capital de la société émettrice.
Nous proposons d’élargir le champ d’application du régime mère-fille aux sociétés contrôlées par des organismes à but non lucratif qui détiendraient une participation de 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote d’une filiale, assorti d’un engagement de conserver les titres pendant au moins cinq ans. Ce sont des conditions plutôt contraignantes : il ne s’agit pas d’élargir ce régime de manière inconsidérée.
Je sais que des interrogations ont été formulées quant au coût de cet amendement. Elles sont tout à fait légitimes. Mme la rapporteure générale en particulier nous incite toujours, à juste titre, à préciser cet aspect des choses. Le coût de cet amendement, madame la rapporteure générale, est virtuellement nul car son objectif n’est pas d’accorder un avantage fiscal mais d’éviter la double imposition des dividendes pour une société fille et une société mère ayant été créées dans les conditions particulières décrites dans l’amendement.
L’amendement permettra à des actionnaires individuels de regrouper leur participation au sein d’une société afin de constituer un actionnariat stable. En bref, nous voulons éviter aux entreprises de payer deux fois la taxe sur les dividendes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement, que nous a très bien présenté M. Caresche, vise à éviter que ne soient imposés deux fois les mêmes dividendes. La question que nous nous sommes posée en commission des finances portait sur le périmètre du dispositif. En réalité, cela concerne des structures dont l’actionnariat est très éparpillé. Cet actionnariat familial, composé parfois de plusieurs centaines de personnes, peut faire obstacle à la remontée des dividendes en franchise d’impôt qui s’applique par ailleurs.
S’agissant d’un amendement plutôt complexe, notre commission, lorsqu’elle s’est réunie au titre de l’article 88, compte tenu du peu de temps dont elle disposait, a par prudence émis un avis défavorable à cet amendement dont nous n’avions idée ni du périmètre, ni du coût. Mais à titre personnel, j’y suis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Votre amendement, monsieur le député, d’une part assouplit le dispositif en portant le pourcentage de détention minimal à 2,5 % au lieu de 5 % tout en conservant l’obligation de détenir 5 % des droits de vote, mais il allonge la durée de détention à cinq ans au lieu des deux ans prévus dans le dispositif existant. C’est une proposition plutôt équilibrée.
D’autre part, et c’est le point principal, il ne prévoit d’utiliser ce moyen qu’à condition que la société mère soit contrôlée par un organisme à but non lucratif, ce qui permet d’éviter tous les abus auxquels des esprits pervers pourraient penser.
M. Charles de Courson. Et ils sont nombreux !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Compte tenu de l’équilibre entre les deux dispositifs et de la sécurité qu’apporte la condition exigée que la société mère soit nécessairement contrôlée par un organisme à but non lucratif, le Gouvernement émet un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais à mon tour, après Mme la rapporteure générale, vous dire que lorsque nous avons examiné cet amendement en commission des finances, au milieu de six cents autres, nous nous sommes interrogés sur son coût – ce qui, monsieur le secrétaire d’État, témoigne du sérieux du travail de la commission…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dont je ne doute pas !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme nous ne disposions d’aucune évaluation, nous nous demandions si son coût ne risquait pas d’être significatif. Mais en y regardant de plus près, je peux faire deux observations.
Tout d’abord, comme l’a très bien dit notre collègue Christophe Caresche, si cet amendement a pour objet d’éviter une double imposition des dividendes, ceux-ci restent imposés.
En outre, comme vient de l’indiquer M. le secrétaire d’État, l’amendement prévoit la détention majoritaire par une structure – un organisme à but non lucratif – qui permet de regrouper un actionnariat familial qui s’est multiplié et dispersé au fil des générations.
Dans ces conditions, il s’agit d’un amendement tout à fait intéressant, notamment pour les entreprises familiales de taille intermédiaire, puisque, sans entraîner de perte de recettes fiscales, il permettra d’assurer la stabilité de l’actionnariat familial à long terme.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-vous de lever le gage ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien volontiers.
(L’amendement no 199, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 701 deuxième rectification, 485 et 484 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 701 deuxième rectification fait l’objet de quatre sous-amendements, nos 731, 732, 733 et 734.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 701 deuxième rectification.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement répond point par point aux critiques de la Cour des comptes, qui a produit un rapport sur les OGA – organismes de gestion agréés. Nous proposons par cet amendement de renforcer les missions confiées aux OGA en étendant leurs compétences, en approfondissant les contrôles qu’ils réalisent et en assurant mieux qu’aujourd’hui leur indépendance et leur impartialité. Ces points avaient été soulevés tant par le rapport que par un certain nombre de parlementaires, ce débat sur les OGA ayant déjà eu lieu à l’Assemblée nationale.
En même temps que l’on confie un rôle accru aux OGA, il convient de rouvrir la question des avantages fiscaux qui ont été supprimés l’année dernière. Il serait en effet paradoxal de confier aux OGA des missions plus exigeantes tout en réduisant les incitations à y adhérer pour les entreprises individuelles. Pour cette raison, le Gouvernement propose de restaurer les modalités antérieures de déduction du salaire du conjoint ainsi que, sous une forme resserrée, la réduction d’impôt pour frais d’adhésion et de comptabilité.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre sous-amendements, nos 731, 732, 733 et 734, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Charles de Courson, pour les soutenir.
M. Charles de Courson. Tout d’abord, je veux féliciter le Gouvernement : il est rare que je ne sois pas d’accord avec le président de la commission des finances mais, sur certains points, je n’étais pas d’accord avec lui l’année dernière. Monsieur le secrétaire d’État, vous rectifiez cette année un certain nombre de points, et je vous en félicite.
J’ai déposé quatre sous-amendements qui sont assez simples. Si Mme la présidente m’autorise à présenter les quatre en même temps …
Mme la présidente. Je vous y invite !
M. Charles de Courson. Le sous-amendement no 731 est très simple : dans le texte existant, un décret en Conseil d’État prévoit un avis des organisations professionnelles. Dans l’alinéa 30 de votre amendement, vous faites disparaître cet avis : c’est dommage parce que ces organisations peuvent apporter à l’administration des éclaircissements avant qu’elle ne tranche ; il faut préciser qu’il s’agit d’un avis simple, et non d’un avis conforme. Ce sous-amendement no 731 vise donc à maintenir le texte existant que vous supprimez dans l’alinéa 30.
Pour ce qui est du sous-amendement no 732, dans le système actuel, les conseils d’administration des centres de gestion sont composés non pas paritairement mais par tiers avec trois collèges, premièrement les fondateurs, deuxièmement les adhérents, troisièmement les membres associés. Vous supprimez cela dans l’alinéa 49 : c’est dommage car ce système était assez équilibré et fonctionnait bien. Je propose donc de le rétablir : ce n’est pas contraire au texte gouvernemental, c’est une précision pour maintenir le système existant.
Le sous-amendement no 733 apporte une petite précision à l’alinéa 21 parce que le texte n’est pas très clair. Il s’agit de préciser que le contrôle de sincérité sur les dépenses des contribuables placés sous un régime réel d’imposition qui adhèrent à un centre de gestion agréé sera réservé aux adhérents qui ne font pas appel à un professionnel de l’expertise-comptable, y compris une association de gestion et de comptabilité. En effet, la signature d’un professionnel de l’expertise-comptable, soumis au respect de règles et de normes déontologiques et professionnelles fortes, devrait conduire à une présomption de régularité des dossiers traités par ses soins et à écarter ses clients du dispositif de contrôle. Cela me semblerait plus simple.
Enfin, le sous-amendement no 734 apporte lui aussi une précision, dans la droite ligne du sous-amendement no 733, mais à l’alinéa 39 ; on aurait d’ailleurs pu fusionner ces deux sous-amendements.
Mme la présidente. Vous conservez la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement no 485, qui est en discussion commune.
M. Charles de Courson. Si nous adoptons l’amendement no 701 deuxième rectification du Gouvernement, je retirerai l’amendement no 485 puisque le premier me donne largement satisfaction sur les thèses que je développe depuis des années.
Mme la présidente. Vous conservez encore la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l’amendement no 484 rectifié, lui aussi en discussion commune.
M. Charles de Courson. Le présent amendement traite d’un problème différent : celui de l’iniquité de traitement existant pour le conjoint salarié. Il me semble que cet amendement tombera si l’on adopte l’amendement no 701 deuxième rectification puisque ce dernier traite correctement ce problème – je ne sais pas si M. le secrétaire d’État a la même analyse. Je le retirerai donc si nous adoptons l’amendement no 701 deuxième rectification.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et sous-amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement no 701 deuxième rectification est arrivé après la réunion que la commission des finances a tenue au titre de l’article 88. Celle-ci n’a donc pas pu l’examiner.
Cet amendement, assez lourd de conséquences, vise à réformer de manière significative les organismes de gestion agréés et à leur confier de nouvelles missions. Je vais encore répéter, monsieur le secrétaire d’État, que je suis un peu étonnée qu’une réforme arrive par un amendement de cinq ou six pages ; c’est le premier point.
Deuxième point : l’an dernier, sur une proposition du président de la commission des finances, nous avons adopté les recommandations de la Cour des comptes. La Cour, tout en estimant justifié que les adhérents d’organismes de gestion agréés bénéficient d’avantages fiscaux, estimait qu’il n’était peut-être pas le plus pertinent ni le plus juste qui soit de multiplier ces avantages. C’est au regard de cette évaluation que nous avions supprimé quelques-uns d’entre eux, tout en gardant le bénéfice du principal, à savoir la non-majoration de 25 % du montant des revenus soumis à imposition.
Troisième constat : notre commission des finances avait rejeté les amendements de M. de Courson, qui sont assez proches de celui du Gouvernement, visant à réinstaurer les dispositifs fiscaux supprimés l’an dernier.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’amendement proposé ; je l’ai d’ailleurs indiqué à M. le secrétaire d’État. En effet, cela revient à rétablir des avantages que cette assemblée avait supprimés l’an dernier. Une société peut être imposée soit à l’impôt sur les sociétés, soit, si l’on est indépendant, à l’impôt sur le revenu avec, en ce cas, un certain nombre de déductions possibles de son revenu – indiquées sur la feuille d’impôt. De simples calculs sur un coin de table permettent de s’apercevoir qu’en dépit de ce qui a été supprimé l’an dernier, demeurent encore un certain nombre d’avantages.
J’ai entendu M. de Courson défendre une cause féministe à la commission des finances.
M. Charles de Courson. Absolument !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Selon lui, dès lors que l’on limite la déduction du salaire du conjoint – comme si le conjoint était forcément « madame » qui travaillait pour « monsieur, chef d’entreprise » : je ne suis pas sûre que ce soit le plus grand amendement féministe que nous ayons jamais examiné, mais admettons ! –,…
M. Charles de Courson. Si ! Il s’agit à 90 % de femmes !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rappelle que le plafond du montant déductible au titre de l’impôt sur le revenu a été relevé, passant de quelque 13 000 euros à 17 500 euros l’an dernier. Certes, on pourrait toujours décider d’une déduction intégrale mais les intéressés peuvent aussi très bien passer en régime de SARL, auquel cas ils sont alors imposés à l’impôt sur les sociétés : dans ce cas, tout est déductible mais, à la fin, l’impôt est de 33,3 % du résultat net. Il y a donc un arbitrage à faire, et j’imagine qu’il est fait par les intéressés en toute connaissance de cause.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable à cet amendement, ainsi qu’aux sous-amendements et aux amendements de M. de Courson.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements de M. de Courson ainsi que sur les amendements en discussion commune ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le sous-amendement no 731 serait quasiment sans effet, ou du moins n’aurait qu’un effet très mineur. Le Gouvernement y est plutôt défavorable puisqu’il prévoit de recueillir l’avis des organisations professionnelles, ce qui ne me semble pas être une notion très claire et pourrait créer une insécurité juridique.
M. Charles de Courson. C’est le texte existant !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, mais parfois les textes existants méritent d’être améliorés, monsieur le député !
M. Patrice Martin-Lalande. C’est même pour cela que nous sommes ici !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable sur le sous-amendement no 731.
Le sous-amendement no 732 « remonte » au niveau législatif certaines dispositions qui ne le nécessitent pas. Nous y sommes donc défavorables.
M. Charles de Courson. C’est l’état du droit !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’état du droit peut, lui aussi, évoluer dans le bon sens, monsieur le député ! Sinon, nous aurions vite terminé nos séances !
Avis défavorable également sur le sous-amendement no 733, et même très défavorable car vous proposez de supprimer tous les contrôles. Si nous sommes d’accord pour que la présence d’un expert-comptable doit être prise en compte, la suppression de tout contrôle n’est pas du tout envisageable.
M. Charles de Courson. Il ne s’agit pas de supprimer les contrôles !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce serait nier complètement l’intérêt des OGA. Avis très défavorable par conséquent sur le sous-amendement no 733. Quant au sous-amendement no 734, il est, je le crois, satisfait par l’amendement du Gouvernement ; il n’a donc plus lieu d’être.
Par ailleurs, nous sommes défavorables à l’amendement no 485 : ainsi que M. de Courson l’a dit lui-même, cet amendement sera satisfait par l’amendement du Gouvernement si ce dernier est adopté. Je souhaite donc le retrait de l’amendement no 485, sinon il tombera.
Enfin, c’est un peu la même chose concernant l’amendement no 484 rectifié : il devrait être retiré, ou, à défaut, rejeté. De toute façon, si l’amendement du Gouvernement est adopté, il tombera.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je retire le sous-amendement no 734 puisqu’il est satisfait, d’après la déclaration ministérielle.
(Le sous-amendement no 734 est retiré.)
M. Charles de Courson. Concernant les autres, le sous-amendement no 731 propose simplement de maintenir l’avis des organisations professionnelles, tel que prévu actuellement : je ne vois pas en quoi le texte existant ne serait pas clair et je suis favorable à son maintien.
Je pensais que vous alliez me répondre que vous l’indiqueriez dans le décret : si vous le précisez dans le décret, je retire cet amendement mais, actuellement, cette disposition est de niveau législatif. Il conviendrait donc de connaître les intentions du Gouvernement puisque vous la « déclassez » en la supprimant de la loi : la mettrez-vous dans le décret ?
Même question pour le sous-amendement no 732 : actuellement, la composition tripartite des conseils d’administration des centres de gestion, qui rendent un avis à l’administration avant que celle-ci ne décide, figure aussi au niveau législatif. C’est donc très clair.
Reste le sous-amendement no 733 : il n’a pas du tout pour objet la suppression des contrôles ! Je rappelle simplement à mes collègues qu’un expert-comptable est responsable personnellement des documents qu’il délivre. Il s’agit d’une présomption de régularité et non de la suppression de tout contrôle.
Naturellement, je confirme que je retirerai les autres amendements si nous adoptons l’amendement no 701 deuxième rectification. J’invite tous mes collègues à soutenir le Gouvernement sur ce point – c’est tellement rare que j’en sois là !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Justement, c’est suspect, monsieur de Courson !
M. Charles de Courson. À propos de mon sous-amendement satisfait par le Gouvernement, j’indique à nos collègues féminines que les conjoints salariés sont à 90 % des femmes : ce n’est pas 50-50 ! Si une femme vote contre cela, alors je ne comprends plus !
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais aborder trois points.
Le premier : j’ai bien compris que cet amendement a été proposé suite au rapport de la Cour des comptes sur les OGA ; d’après son exposé sommaire, une concertation a été menée avec les fédérations représentatives de ces organismes et les représentants du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables.
Compte tenu du moment où nous avons reçu cet amendement – hier soir – pouvons-nous être certains que cette concertation a été conduite jusqu’au bout ? Quels accords ont-ils été éventuellement conclus ou quels souhaits ont-ils été exprimés par ces deux organisations grandement concernées par les dispositifs proposés ? Cet amendement ayant été proposé lors de la réunion que la commission des finances a tenue au titre de l’article 88, nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter. Il me semble donc important de savoir ce qu’il en est vraiment.
Deuxième point : les nouvelles missions des OGA. Ces organismes pourront demander aux entreprises des renseignements et des documents utiles pour réaliser un examen périodique de sincérité et, ce, est-il ajouté dans l’exposé sommaire, plusieurs fois par an.
En l’occurrence, je m’inquiète quelque peu non des nouvelles obligations faites aux OGA, mais de leurs répercussions sur les entreprises, ces dernières pouvant être amenées à fournir plusieurs fois par an des renseignements ou des documents aux premiers, ce qui me paraît un peu contradictoire avec tous les dispositifs de simplification que l’on essaie de mettre en œuvre.
Troisième point : dans quel sens se fera la mise en cohérence dont fait état l’exposé sommaire entre les obligations des OGA et celles des professionnels de l’expertise comptable ? Les obligations des premiers se calqueront-elles sur celles des secondes ou inversement ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Bonne question.
Mme la présidente. Voulez-vous dire un mot, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je serai très rapide. Madame Louwagie, quinze fédérations ont été consultées, en sus du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables et nul n’a trouvé, je crois, à redire quant à ce projet. Peut-être voulez-vous une attestation, une lettre, un courrier, un certificat de bonne concertation ?
Mme Véronique Louwagie. Non, c’était une question, monsieur le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est donc ma réponse, madame la députée…
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est désagréable !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et je la crois de nature à vous satisfaire.
(Les sous-amendements nos 733, 731 et 732, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 701 deuxième rectification est adopté et les amendements nos 485 et 484 rectifié tombent.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 618, 527 et 616, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 527 et 616 sont identiques. L’amendement no 618 fait l’objet d’un sous-amendement no 727.
La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement no 618.
M. Romain Colas. Mes chers collègues, vous savez que les chambres consulaires sont amenées à gérer des écoles d’enseignement supérieur qui, à compter du 1er janvier prochain, sont appelées à devenir des établissements d’enseignement supérieur consulaires – EESC – aux termes de la loi Mandon relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives. Ces établissements seront dotés d’une personnalité morale de droit privé.
Par cet amendement, il s’agit de fixer le régime fiscal qui leur sera applicable et de faire valoir le principe de la neutralité fiscale s’agissant de leurs activités d’enseignement. Voilà ce qui en est au cœur.
Je sais que Mme Rabin va présenter un sous-amendement précisant ce cadre fiscal et j’annonce d’ores et déjà que j’y souscris.
Mme la présidente. La parole est précisément à Mme Monique Rabin, pour soutenir le sous-amendement no 727.
Mme Monique Rabin. Dans le même sens que l’amendement défendu par M. Colas, ce sous-amendement précise que les établissements d’enseignement supérieur consulaire doivent être exonérés de l’impôt sur les sociétés et de la cotisation foncière des entreprises.
Afin d’éviter toute dérive, je vous propose de repréciser et de redéfinir ce champ-là en disposant que les établissements d’enseignement supérieur consulaire délivrant des diplômes reconnus par l’État bénéficient des exonérations applicables sur leurs activités de recherche et sur celles liées à la formation professionnelle. Il s’agit donc d’un sous-amendement de précision et, me semble-t-il, de compromis.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 527.
M. Charles de Courson. Il s’agit de garantir la neutralité fiscale pour les chambres consulaires qui useraient de la faculté – puisqu’il n’y a pas d’obligation – de transformer ce service des écoles de commerce qui est le leur.
Mon amendement précise un point essentiel sur le financement de ces dernières en disposant que les EESC peuvent bénéficier de la taxe d’apprentissage. Faute que cela soit listé, le risque serait grand d’un désamorçage complet. Pour donner un ordre de grandeur, je rappelle que la taxe d’apprentissage représente parfois 20 %, 30 %, 40 %, 50 % du financement d’un certain nombre d’entre elles.
Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement identique no 616.
M. Romain Colas. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les deux amendements de M. Colas et le sous-amendement de Mme Rabin ne coûtent pas plus cher puisqu’il ne s’agit que de transférer un avantage fiscal.
La commission, madame la présidente, a émis un avis défavorable à l’adoption de l’amendement no 618 mais le sous-amendement no 727 répondant aux interrogations formulées, j’y suis à titre personnel favorable dès lors que le sous-amendement sera adopté. Avis défavorable, en revanche, à l’adoption des amendements identiques no 527 et 616.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a examiné l’amendement no 618 qui, finalement, vise à rétablir le droit qui existait avant la création des EESC. Il paraît donc plutôt logique.
Le sous-amendement de Mme Rabin précisant, quant à lui, le périmètre qui doit être intégré dans le dispositif, le Gouvernement y est favorable – son adoption conditionne même quasiment notre avis favorable à celle de l’amendement, vous l’avez compris.
Le Gouvernement est en revanche défavorable à l’adoption des amendements nos 527 et 616 puisqu’ils élargissent grandement le champ d’application. Ils seraient utilement retirés au profit de l’amendement no 618.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaite simplement poser une question. J’entends bien le recentrage du dispositif sur un champ particulier mais je souhaiterais savoir qui en est exclu par le sous-amendement de Mme Rabin. Qui sortira nécessairement de l’actuel dispositif compte tenu de la restriction des conditions et de ce recentrage ? Cela n’est pas tout à fait anodin pour ces établissements.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous ne sommes pas du genre à exclure quiconque, nous autres ! (Sourires)
Sont visées les écoles que j’ai évoquées, les EESC, dont vous savez qu’une part de leurs activités est très souvent lucrative, commerciale – elles vendent des services et des prestations. C’est uniquement ces activités-là qui sont exclues et non les écoles en tant que telles. Voilà, madame Dalloz, qui devrait vous rassurer.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous remercie.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cela signifie donc, monsieur le secrétaire d’État, qu’il conviendra d’opérer une sectorisation au sein de ces établissements publics.
Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !
M. Charles de Courson. C’est cela, votre thèse.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet.
M. Charles de Courson. Par exemple, des écoles de commerce réalisent des prestations de services pour entraîner leurs élèves – études marketing, recherche opérationnelle, que sais-je encore… Ces activités devront donc être isolées dans le cadre d’une sectorisation fiscale. Telle est votre thèse, si j’ai bien compris.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui.
M. Charles de Courson. Il s’agit d’ailleurs du droit commun.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet.
M. Charles de Courson. Entre nous, je ne vois pas en quoi le champ d’application de mon amendement était plus large que celui de notre collègue Colas et que le sous-amendement de Mme Rabin mais bon…
Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement no 527, comme le Gouvernement vous y a invité ?
M. Charles de Courson. Oui, mais je n’ai toujours pas compris en quoi son champ d’application est plus large dès lors qu’il repose sur la même idée.
(L’amendement no 527 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.
Mme Monique Rabin. Je pensais avoir été suffisamment claire : il y a un recentrage sur les fonctions d’enseignement et de recherche. Je n’ai aucun scrupule à l’affirmer : le champ de mon sous-amendement est en effet plus restreint car fondé vraiment sur la formation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur de Courson, ce sont les personnes qui effectuent les dons qui sont exclues du sous-amendement de Mme Rabin. Elles conservent néanmoins leurs avantages personnels s’agissant de l’impôt sur le revenu, seule la partie relative à l’impôt sur les sociétés étant concernée.
Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas.
M. Romain Colas. Je retire également l’amendement no 616.
(L’amendement no 616 est retiré.)
(Le sous-amendement no 727 est adopté.)
(L’amendement no 618, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. François André, pour soutenir l’amendement no 323.
M. François André. Nous en revenons à l’adaptation de la fiscalité agricole et, en particulier, aux dispositions fiscales applicables aux groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. La mission d’information que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer a retenu l’idée d’encourager l’agriculture de groupe, dont les GAEC sont la forme la plus aboutie.
Cet amendement concerne une disposition existant dans le droit fiscal actuel : le crédit d’impôt attribué aux exploitations pour les dépenses liées aux remplacements pour congés. Il propose d’étendre ce que l’on appelle le principe de transparence aux GAEC comprenant quatre associés, l’avantage individuel pouvant être multiplié par le nombre d’associés les constituant dans la limite de quatre. Il s’agit donc d’une mesure d’encouragement pour « faire grossir » les GAEC mais je précise que le coût de cette mesure serait très limité dès lors que le nombre de GAEC de quatre associés est infime par rapport à ceux qui en comptent jusqu’à trois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lors de travaux antérieurs, nous avions déjà indiqué que le Gouvernement se montrerait ouvert à cette proposition qui, en l’occurrence, est clairement rédigée et présentée. Avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Une petite observation sur la limitation à quatre associés. Nous nous sommes posé la question sur le nombre de GAEC en comptant davantage. Il y en a quelques centaines sur 34 000. On aurait donc pu faire sauter ce critère de nombre d’associés. Nous voterons en faveur de cet amendement mais il est dommage que l’on s’enquiquine avec des seuils.
(L’amendement no 323 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 703.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de mettre le régime des groupes fiscaux en conformité avec le droit européen, en tirant les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 septembre 2015, rendu dans l’affaire C-386/14 et plus connu sous le nom d’« arrêt Steria ». La Cour a jugé contraire à la liberté d’établissement le fait de réserver aux dividendes versés entre membres d’un même groupe fiscal l’exonération de la quote-part de frais et charges applicable aux dividendes relevant du régime mère-fille, aujourd’hui fixée à 5 % du montant des dividendes. Le respect de la liberté d’établissement impose en effet d’appliquer la même exonération aux dividendes provenant de filiales situées dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen qui, si elles avaient été résidentes en France, auraient pu être membres du groupe.
Toutefois, le Gouvernement a considéré qu’une mise en conformité par extension de l’exonération à ces filiales européennes risquait d’avoir un coût trop élevé – on évoque, je crois, un montant de 400 millions d’euros.
Il est donc proposé de procéder à cette mise en conformité en retenant une solution différente : l’exonération de la quote-part actuellement applicable au sein du groupe serait supprimée et le pourcentage de cette quote-part serait ramené à 1 % pour les distributions intragroupe, afin d’atténuer le coût de la suppression de l’exonération pour les groupes fiscaux.
Cette mise en conformité proprement dite repose sur le fait que le taux de la quote-part de frais et charges afférents aux dividendes éligibles au régime mère-fille sera abaissé à 1 %, non seulement lorsque les dividendes sont versés entre membres d’un même groupe, mais aussi lorsqu’ils sont perçus par une société membre d’un groupe à raison d’une participation d’une société établie dans un autre État de l’Union ou de l’Espace économique européen qui aurait rempli les conditions pour être membre du groupe fiscal français si elles avaient été établies en France.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu long et précis, mais il s’agit d’une affaire importante, lourde sur le plan financier, qui a des conséquences importantes pour les entreprises et qui a fait l’objet de nombreux et longs travaux.
Il s’agit, tout d’abord, que cette indispensable mise en conformité vis-à-vis du droit puisse être globalement neutre pour l’État sur le plan budgétaire – ce que permet le taux de 1 %. Deuxièmement, nous avons mené une importante concertation avec les entreprises – surtout avec les grandes, car il s’agit principalement ici d’intégration fiscale, mais aussi avec les très grandes et les moyennes – et nous nous sommes efforcés d’évaluer les conséquences de cette mesure car, comme vous l’avez dit hier à très juste titre, madame la rapporteure générale, il est rare que des réformes ne fassent aucun gagnant ni aucun perdant lorsqu’elles sont globalement neutres sur le plan budgétaire.
La profession, qui ne souhaitait pas forcément la remise en cause de ce dispositif, n’était pas enchantée de l’arrêt de la Cour de justice européenne et a même regretté qu’un contentieux ait été engagé par l’un de ses membres. Chacun a cependant convenu que cette solution était plutôt convenable et ne faisait pas trop de perdants, ou du moins que ceux-ci ne l’étaient pas trop lourdement, et qu’il y avait, à l’inverse, quelques gagnants. Toujours est-il que cette question délicate et qui a été très difficile à régler n’a pas suscité de levée de boucliers. C’est toutefois cette difficulté qui nous a fait différer son examen jusqu’à ce projet de loi de finances rectificative, car les discussions se sont poursuivies assez tard dans le calendrier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement est très compliqué car, dès qu’on bouge le curseur pour ce qui concerne les régimes mère-fille, les équilibres financiers des entreprises peuvent en être modifiés de manière assez significative.
Aujourd’hui, le droit français dispose effectivement que lorsqu’une société A possède une filiale B, la société B lui verse des dividendes au titre des participations que détient la société A, laquelle peut déduire de son résultat imposable à l’impôt sur les sociétés une partie de ce qu’elle reçoit de sa filiale, moyennant l’intégration d’une quote-part de 5 %. Si elle se trouve, en revanche, dans un régime d’intégration et qu’il s’agit d’une société française, elle n’a rien à déduire – soit 0 %. C’est précisément ce que la Cour de justice de l’Union européenne a reproché à la France dans un arrêt condamnant la discrimination entre les dispositions applicables aux sociétés mères et filles françaises et aux filiales situées à l’étranger.
La solution proposée par le Gouvernement consiste donc à réintégrer une quote-part de 1 % des bénéfices reçus, là où elle était de 0 % pour les sociétés intégrées, c’est-à-dire pour toutes les sociétés françaises. Cette mesure, monsieur le secrétaire d’État, se traduit donc par une augmentation d’impôts pour ces sociétés.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui : 1 %.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. De fait, 1 % de l’assiette des dividendes remontés des filiales françaises aux mères françaises, au lieu de 0 %, correspond bien à une augmentation d’impôts. Je n’ai, du reste, aucune idée du montant que cela représente.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. 400 millions d’euros.
M. Charles de Courson. Oui, en partant de 0 %.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On pourrait donc aboutir donc à un chiffre de 100 millions.
M. Charles de Courson. Il faut raisonner en moyenne pondérée.
Mme la présidente. Messieurs, merci d’éviter les dialogues inaudibles des autres interlocuteurs.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela représenterait donc une augmentation de 400 millions d’euros ?
Mme la présidente. Madame la rapporteure générale, si vous formulez clairement les questions, je suis certaine que M. le secrétaire d’État y répondra.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je demanderai donc à M. le secrétaire d’État de chiffrer exactement le montant d’imposition supplémentaire qu’entraînerait le fait de fixer la quote-part à 1 %.
Ayant eu moi aussi des échos des représentants des entreprises, j’entends bien que les très grandes entreprises n’y voient pas trop d’inconvénient, car elles ont des filiales à l’étranger et ne bénéficiaient pas du taux de 0 %, tandis que les entreprises qui se situent entre les deux se considéreront comme perdantes, car elles paieront un peu plus d’impôts. De toute façon, il fallait trouver une solution pour nous mettre en conformité avec le droit européen, car c’est une obligation qui ne souffre pas de discussion. La solution trouvée par le Gouvernement est, me semble-t-il, la moins mauvaise possible. Avis favorable, donc.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Étant donné que mon amendement no 117, qui doit être examiné un peu plus tard, vise précisément à traiter cette question et qu’il risque de tomber si cet amendement no 703 du Gouvernement est adopté, je m’exprimerai brièvement à ce sujet. Face à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, deux solutions se présentaient. La première était d’ouvrir le bénéfice de la neutralisation de la quote-part à toutes les filiales, ce qui est l’objet de mon amendement no 117. Celui-ci pose cependant un gros problème : il coûte 400 millions d’euros ! L’autre solution était de supprimer l’exonération de quote-part pour toutes les sociétés, mais cela se traduisait alors par plus d’un milliard d’euros de fiscalité supplémentaire pour les entreprises.
Le Gouvernement cherche donc un équilibre et je suppose que le fait de conserver pour tous, une quote-part à 1 % représente un enjeu de l’ordre de 400 millions d’euros. La rapporteure générale souligne à juste titre que les entreprises – a priori plutôt moyennes ou de taille intermédiaire – qui ont essentiellement des filiales dans le cadre de l’intégration fiscale en France, actuellement exonérées de quote-part, paieront 1 %, ce qui est un petit désavantage. En revanche, celles qui ont à la fois des filiales en France et en Europe devraient voir les effets de la mesure s’équilibrer.
Pour les filiales hors d’Europe, le taux de 5 % sera-t-il bien conservé ? En effet, si nous n’avons pas le choix lorsqu’il s’agit d’appliquer les décisions de justice européenne, du moins faut-il les appliquer uniquement là où c’est nécessaire. Ainsi, dans le cas des organismes de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM –, et sans même parler du précompte, je n’ai jamais compris, bien que j’aie posé plusieurs fois la question, pourquoi la suppression de la retenue à la source a été appliquée aussi aux entreprises non européennes. Je vous remercie donc de répondre à cette question.
En attendant, je me rallie bien volontiers à l’amendement du Gouvernement, qui permet de sauvegarder l’équilibre si difficile de nos finances publiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’insisterai d’abord sur deux points : la neutralité budgétaire de cette opération pour l’État, que j’ai déjà évoquée, et, surtout, la mise en conformité immédiate à la suite d’un arrêt de la Cour de justice européenne.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai oublié de demander si cette mesure prévoyait une rétroactivité. C’est un point important.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elle porte sur l’exercice 2016.
Monsieur le président de la commission des finances, pour les filiales non européennes, le taux de 5 % est en effet conservé pour la quote-part pour frais et charges car, à l’inverse des autres contentieux auxquels vous faisiez référence, c’est ici la liberté d’établissement qui est invoquée par la Cour de justice de l’Union européenne, et non pas la liberté de circulation des capitaux. C’est la raison pour laquelle notre position n’est pas la même ici qu’à l’occasion d’autres contentieux.
Pour ce qui est du coût, madame la rapporteure générale, j’ai indiqué que le passage de 5 % à 0 % pour toutes les entreprises se traduisait par un montant global de 400 millions d’euros. On peut donc penser que le coût du passage de 0 % à 1 % serait plutôt de l’ordre d’une centaine de millions d’euros. Les entreprises « franco-françaises » perdent et celles qui ont des filiales dans l’Union européenne gagnent. Étant donné qu’il s’agit de groupes de taille plutôt importante, il est probable que ces entreprises ont la plupart du temps des filiales dans des pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et gagnent donc d’un côté ce qu’elles perdent de l’autre.
Nous avons cherché des exemples et nous sommes efforcés de consulter – je dois d’ailleurs dire que nous avons eu beaucoup de mal et que tout le monde a beaucoup travaillé, qu’il s’agisse des services de mon ministère ou des associations que j’ai évoquées tout à l’heure – pour tenter de savoir quels montants cette mesure pouvait représenter, afin d’éviter les cas d’évolution trop brutale. Au bout du compte, la mesure a plutôt fait consensus.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je souscris pleinement à la proposition du Gouvernement : les entreprises intégrées, pour lesquelles le taux passe à de 0 % à 1 %, perdent 320 millions d’euros et les non-intégrées, pour lesquelles le taux descend de 5 % à 1 %, gagnent 320 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez certes répondu au président de la commission des finances, mais qu’en sera-t-il des filiales non-européennes ou des sous-filiales européennes détenues par des filiales non européennes ? Si par exemple une société qui a son siège en France a une filiale aux États-Unis, laquelle a une filiale non intégrée en Europe, que se passera-t-il ? Appliquera-t-on une quote-part de 5 % ou de 1 % ? Nous aurons un vrai problème à l’égard, non pas des institutions européennes, mais de nos engagements internationaux. On nous reprochera en effet une discrimination selon que la filiale est détenue directement ou indirectement par une filiale qui n’est pas située dans l’Espace économique européen – je ne sais pas si vous me suivez.
Nous ne pourrons pas tenir et sans doute faudra-t-il adopter à terme un taux moyen pondéré qui se situera entre le 5 % extra-européen et le 1 %, afin d’éviter les pertes de recettes. Nous aurons vraisemblablement de nouveaux contentieux dans le cadre de l’OCDE ou d’autres instances, car la situation ne me semble pas tenable. C’est, en tout cas, mieux que rien, et à chaque jour suffit sa peine, mais le problème est devant nous.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Cette discussion me donne l’occasion de faire deux observations : l’une de méthode et l’autre sur la proposition du Gouvernement.
Sur le plan de la méthode, tout cela montre, une fois encore, que nous avons avantage, avant d’adopter des amendements dans l’hémicycle, à vérifier à la fois leur constitutionnalité et leur conformité au droit européen. En effet, nous aurons de toute évidence à délibérer avant la fin de la journée sur des amendements inconstitutionnels, sachant que le Conseil constitutionnel, qui se transforme en troisième chambre, les annulera.
Pour ce qui concerne le droit européen, les choses sont beaucoup plus compliquées et entraînent, à terme, des conséquences parfois dommageables. J’en viens donc au fond : premièrement, nous avons tout intérêt à adopter une disposition assurant la mise en conformité de notre droit, sous peine de contentieux, avec tous les risques que cela entraîne. Deuxièmement, le président de la commission des finances pense comme moi qu’il est plus sage de traiter le problème en assurant la neutralité du dispositif pour les finances publiques, plutôt que d’une autre manière – j’y reviendrai, car nous examinerons d’autres amendements sur ce sujet.
La France a souscrit des engagements en matière de fiscalité des entreprises. Nous nous y tenons et nous nous y tiendrons, ni plus ni moins. Cet amendement, qui entraînera quelques transferts – parfaitement explicités – dans le monde des entreprises, est le seul moyen de nous mettre aujourd’hui en conformité avec le droit européen, dans le respect de nos engagements du pacte de responsabilité et, surtout, de l’équilibre des finances publiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai oublié d’évoquer un point très important : l’amendement du Gouvernement ne prévoit aucune rétroactivité. Il ne s’applique qu’à compter de 2016 et non des exercices clos au 31 décembre 2015.
(L’amendement no 703 est adopté et l’amendement no 117 tombe.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 521 et 524, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour les soutenir.
M. Philippe Gomes. Les deux amendements sont défendus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gomes, retirez-vous ces deux amendements ?
M. Philippe Gomes. Oui, madame la présidente.
(Les amendements nos 521 et 524 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l’amendement no 234.
M. Olivier Faure. Je souhaite appeler l’attention de M. le secrétaire d’État et de mes collègues sur cet amendement qui, je le sais, n’a pas la faveur du Gouvernement au moment où je vous parle. Je n’en souhaite pas moins avoir le débat qu’il suscite dans la situation très particulière qui est la nôtre depuis le 13 novembre dernier.
Cet amendement, que Guillaume Bachelay et moi-même avons déposé, vise, d’une part, à prolonger d’un an la contribution exceptionnelle qui est prélevée sur les grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros par an et que le Gouvernement prévoit d’abroger au 30 décembre 2016, tout en en réduisant le taux de plus de la moitié. Les recettes supplémentaires escomptées seraient de l’ordre d’1,2 milliard d’euros.
Lorsque cet amendement avait été déposé, le ministre m’avait répondu que le pacte de stabilité l’emportait sur toute autre considération. Or, le Président de la République a souligné qu’aujourd’hui, le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. Il convient donc de réfléchir à cette proposition, d’autant que le Gouvernement a annoncé que le montant du surcoût lié aux mesures de sécurité prises dans le cadre de l’état d’urgence s’élèvera à 815 millions d’euros. Cet amendement vise donc, dans le cadre du pacte de sécurité, à éviter de financer par la dette ou une hausse de la fiscalité des ménages une dépense qui peut être financée par une baisse moins rapide de la contribution exceptionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement, que nous connaissons, change de nature au gré des événements – ne voyez dans mes propos aucune nuance péjorative.
Aujourd’hui, pour justifier cet amendement, vous arguez de la nécessité de trouver de nouvelles recettes pour assumer les dépenses liées à la sécurité des Français. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner cet après-midi ici même, les priorités que le Gouvernement a toujours définies, qu’il s’agisse de l’intérieur, de la justice ou de l’éducation, ne l’ont pas empêché de tenir sa trajectoire de redressement des finances publiques – nous aurons l’occasion d’en reparler.
Nous sommes face, aujourd’hui, à de nouvelles dépenses, qui sont évaluées – si nous additionnons le coût des amendements en cours d’examen au Sénat – entre 750 et 800 millions d’euros, certains mouvements, s’agissant notamment des retraites, n’étant que des mouvements internes. Or le Gouvernement ne considère pas à ce stade et compte tenu d’autres éléments budgétaires qui surviennent toujours dans le cours d’une année, que ces nouvelles dépenses sont susceptibles de le faire dévier de sa trajectoire. Peut-être une petite augmentation du déficit sera-t-elle constatée à la fin de nos travaux : elle sera modeste et ce n’est pas, à ce stade, je le répète, complètement certain. Elle n’atteindra pas, en tout cas, les 750 ou 800 millions d’euros qu’il nous faut trouver.
La vente des fréquences hertziennes comme la baisse des charges d’intérêt de la dette ou celle du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne permettront de couvrir les dépassements, qu’il s’agisse de ceux qui sont liés à la sécurité ou d’autres.
Il n’en reste pas moins que le Président de la République et le Premier ministre ont bien affirmé que s’il était besoin, pour des questions de sécurité, de s’écarter sensiblement de la trajectoire des finances publiques – ce qui n’est pas aujourd’hui le cas –, alors la priorité serait évidemment donnée aux questions de sécurité, extérieure ou intérieure.
Avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur Faure, le pacte de sécurité doit s’appliquer au pacte de responsabilité. Nous avons tous intérêt – ces propos peuvent étonner dans ma bouche – à ce que le pacte de responsabilité réussisse. À cette fin, il faut sécuriser complètement les engagements que l’État a pris à l’égard des entreprises. Un simple coup de canif serait désastreux pour le retour de la confiance.
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si je reprends la préoccupation que notre rapporteure générale développe constamment et à juste titre, je rappellerai que, pour que l’investissement reparte, il faut préserver la confiance, ce qui implique, pour le Gouvernement, d’honorer les engagements qu’il a pris dans le cadre du pacte de responsabilité.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est très juste.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sécurité et responsabilité sont intimement liées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Patrice Martin-Lalande. Excellente intervention !
Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Je suis désolé, monsieur le président de la commission : mes propos iront à l’opposé des vôtres.
Certes, cet amendement n’est pas aussi audacieux qu’une suppression en bonne et due forme du CICE, laquelle aurait permis de redonner à la puissance publique les moyens dont elle a besoin et de ne pas l’obliger à tenter de reprendre d’une main ce qu’elle a largement donné de l’autre. Certes, cet amendement ne propose pas de garantir dans le temps la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés, puisque celle-ci ne s’appliquerait qu’une année de plus. Toutefois, son adoption serait une avancée car il contribuerait à maintenir encore un peu de sa vigueur à notre système d’imposition sur les sociétés, qui est bien mal en point. C’est la raison pour laquelle je le soutiens.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier Faure. Je tiens à remercier le président Carrez d’avoir fait applaudir par l’opposition un pacte de responsabilité auquel nous ignorions, jusqu’à présent, qu’elle avait adhéré.
Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons seulement applaudi les propos du président de la commission des finances.
M. Olivier Faure. Tout change et il s’agit là d’un progrès sensible. Il pourra être dit qu’à compter de ce jour, l’opposition soutient le pacte de responsabilité et même qu’elle le lie au pacte de sécurité. Je suis heureux que cet amendement ait, au moins, servi à cette évolution.
M. Patrice Martin-Lalande. C’est un peu facile.
M. Olivier Faure. J’entends ce que dit la droite et ce que dit la gauche de la majorité.
M. Charles de Courson. Et le centre ?
M. Olivier Faure. Le centre, monsieur de Courson, comme il n’a rien dit, je crois que c’est moi. En effet, la position la plus centrale est celle qui consiste non pas à contredire le pacte – l’amendement ne vise pas à remettre en cause l’engagement du Gouvernement –, mais à différer d’un an l’abrogation de la contribution exceptionnelle, et ce, tout en maintenant la trajectoire puisqu’il prévoit non pas de maintenir le taux actuel mais de le réduire de plus de la moitié.
Nous prenons ainsi toutes les garanties. En effet, rien ne serait pire que d’avoir à annoncer, en cours d’année, non seulement aux entreprises concernées par la contribution exceptionnelle, mais également à des entreprises plus fragiles, que, pour des raisons de sécurité, nous revenons sur des dispositions que nous avons prises dans le cadre du pacte de responsabilité.
Pour toutes ces raisons, je préférerais que nous fassions œuvre d’anticipation à l’égard d’entreprises qui en ont les moyens, d’autant que la manière de procéder est loin d’être déraisonnable, puisque cet amendement ne les envoie pas à l’abattoir mais, je le répète, ne fait que prolonger d’un an la contribution exceptionnelle tout en réduisant son taux de plus de la moitié. Cette mesure, de sagesse dans les temps que nous traversons, devrait nous permettre d’anticiper des dépenses que nous aurons malheureusement à engager sur le territoire national ou à l’extérieur.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Comme notre collègue Olivier Faure, je prends en considération la situation telle qu’elle se présente après les attentats du 13 novembre. Toutefois, si nous sommes effectivement en guerre contre le terrorisme et Daech, il ne faut pas oublier que nous avons à mener plusieurs guerres en même temps, dont une guerre économique, une guerre de compétitivité et une guerre sociale.
Or je crains que les attentats du 13 novembre ne génèrent, au-delà des vies perdues, de l’attentisme ou de l’incertitude chez les acteurs économiques. D’ailleurs, depuis les attentats, les commerces et les restaurants ne sont plus aussi fréquentés. Si un risque devait peser sur les équilibres budgétaires de 2016, il serait probablement davantage lié, et de manière plus importante, à une moindre activité et à de moindres recettes fiscales, qu’aux dépenses supplémentaires que nous nous apprêtons à inscrire dans le budget. C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai souligné dans ma précédente intervention, s’agissant du pacte de responsabilité et de solidarité, le groupe socialiste a toujours affirmé : « Tout le pacte, rien que le pacte, mais tout le pacte. »
Nous devons nous en tenir à cette attitude pour offrir sécurité et lisibilité aux entreprises. Sinon, nous gagnerions peut-être la guerre grâce aux mesures de sécurité, mais nous perdrions celle de la compétitivité économique. Je pense qu’il est d’autant moins opportun, cher Olivier Faure, de revenir à ce stade sur les engagements pris que, comme l’a souligné le secrétaire d’État, la trajectoire sera globalement maintenue : votre amendement n’est donc pas nécessaire. Nous devons strictement respecter nos objectifs en termes de normes de dépenses.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Notre collègue Dominique Lefebvre utilise le mot « guerre » pour nommer tous les défis et tous les enjeux qui se présentent à nous. Il ne s’agit peut-être là que d’une figure oratoire mais je crois qu’un tel emploi du mot est grave.
Je suis de ceux qui pensent – je concède que ce n’est pas le débat de cet après-midi – que le mot « guerre » n’est pas le plus approprié pour déterminer l’action nécessaire face au terrorisme criminel. Toutefois, évoquer, comme vous le faites, la guerre de compétitivité ou la guerre sociale conduit à une banalisation du mot, laquelle, je suppose, dépasse votre pensée. C’est pourquoi je me permets, mon cher collègue, d’appeler votre attention sur le vrai danger politique qu’il y a à présenter ainsi son raisonnement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je tiens, quant à moi, à appeler votre attention sur le fait que tous, nous souhaitions faire preuve de concision pour avancer rapidement. Désormais j’interromprai tout orateur dont les propos ne concerneront pas directement l’amendement en cours d’examen. Le travail de nos collègues, qui seront présents du début à la fin de nos travaux, doit être respecté. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Lionel Tardy. Très bien !
(L’amendement no 234 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 296 rectifié et 293 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour les soutenir.
Mme Bernadette Laclais. Ces deux amendements, qui peuvent être présentés ensemble puisqu’ils partagent le même exposé sommaire, tendent à reprendre une des recommandations de la mission de nos collègues Olivier Carré et Christophe Caresche, visant à adapter les dispositifs de mécénat pour structurer les réseaux de créateurs d’entreprises.
Lorsque j’ai présenté ces amendements en commission, il m’a été répondu qu’ils relèvent du domaine réglementaire. Je reste persuadée que la mesure qu’ils prévoient exige de modifier le code général des impôts : c’est pourquoi je les présente de nouveau. Si la même réponse devait m’être apportée, je souhaiterais savoir si le Gouvernement serait ouvert à la proposition que je fais d’élargir le nombre des associations susceptibles d’être reconnues d’utilité publique dans un prochain décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On dit quelquefois que les dispositions fiscales sont compliquées, mais l’imagination créative des acteurs de terrain eux-mêmes pour mettre en place des dispositifs compliqués rivalise parfois avec la complexité de notre droit fiscal.
Votre question est claire, madame Laclais. Le Gouvernement considère qu’il s’agit peut-être d’un sujet à étudier : il faudra prendre le temps de l’examiner pour en mesurer exactement les effets et trouver la rédaction appropriée. En effet, le dispositif que vous proposez à ce stade ne semble pas fonctionner. Je vous propose de prendre contact, d’ici quelque temps, avec mon cabinet ou mes services afin de bien mesurer le champ de votre amendement, qui me paraît assez difficile à cerner, et de trouver, si besoin était, la rédaction permettant de répondre à ce vrai problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.
Mme Bernadette Laclais. Je vous remercie très sincèrement, monsieur le secrétaire d’État. Je retire mes deux amendements.
(Les amendements nos 296 rectifié et 293 rectifié sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à M. François André, pour soutenir l’amendement no 324 adopté par la commission des finances.
M. François André. Il s’agit du dernier amendement issu des conclusions de la mission d’information sur la fiscalité agricole. On a parlé tout à l’heure de la fiscalité applicable aux GAEC et du principe de transparence en matière de crédit d’impôt pour le remplacement des agriculteurs en congés. L’amendement no 324 vise à étendre aux GAEC de quatre associés le bénéfice, déjà existant pour les GAEC de trois salariés, du principe de transparence intégrale pour le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique représente actuellement 20 millions d’euros. On peut faire une règle de trois : si on étend ce crédit d’impôt aux GAEC de quatre associés, le présent amendement coûte 5 millions d’euros, ce qui est tout à fait acceptable.
(L’amendement no 324, accepté par le Gouvernement et modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 619.
M. Jean-Luc Laurent. J’ai déjà présenté les grandes lignes de cet amendement dans le cadre de la discussion générale. Il s’agit de faire bénéficier l’État d’une recette nouvelle en abrogeant le régime d’exonération des organismes chargés de l’organisation d’une compétition sportive internationale. Ce régime général vise en particulier l’Union des associations européennes de football, l’UEFA, qui organisera l’Euro 2016.
Lors de l’examen du PLFR pour 2015, nous avons déjà discuté de cette question, qui a fait débat dans la mesure où elle entérine une certaine évolution : la France n’organise plus l’Euro, elle accueille l’UEFA et cette compétition.
Élément nouveau : après les attentats du 13 novembre dernier, le Gouvernement a décidé de maintenir la compétition. Cette décision est bonne et nécessaire, mais elle soulève évidemment des enjeux de sécurité. Elle entraîne donc des dépenses supplémentaires à la charge de l’État, ainsi que la nécessité pour les villes qui vont accueillir la compétition de contribuer à des actions complémentaires aux interventions des forces de sécurité de l’État.
Cette nouvelle donne sécuritaire fait apparaître encore plus clairement le côté décalé du modèle économique reposant sur une société anonyme défiscalisée, qui contractualise directement avec les villes et dont les charges sont, somme toute, modestes. L’UEFA évalue les coûts de location des stades et les contributions financières versées aux villes à 70 millions d’euros, au regard de recettes potentielles – droits de télévision, billetterie – supérieures à 2 milliards d’euros, d’autant que les ventes de billets connaissent d’ores et déjà un véritable succès.
Cet amendement vise donc à abroger ce régime dérogatoire, compte tenu des charges qui incombent à l’État. Ce n’est d’ailleurs que justice : un contributeur doit contribuer, et l’État doit faire son travail en matière de sécurité. Comme tout contributeur, une entreprise doit contribuer, et elle doit le faire là où elle produit de la richesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement vise à supprimer l’ensemble des exonérations adoptées l’an dernier. Pour que chacun les ait bien en tête, je vais les rappeler : les organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale sont exonérés de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts, de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux et des retenues à la source ; ils ne paient pas non plus la taxe sur les salaires, ni la taxe d’apprentissage, ni les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, ni les taxes annexes. Telle est la liste des exonérations accordées aux organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale.
M. Gaby Charroux. C’est énorme !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela représente effectivement beaucoup d’argent : l’an dernier, nous avions estimé ces exonérations entre 150 et 200 millions d’euros, rien que pour l’organisation de l’Euro 2016.
M. Jean-Luc Laurent. Tout à fait !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces montants sont payés par les contribuables.
La commission n’a pas donné d’avis favorable à cet amendement. À titre personnel, je le regrette, car je pense qu’il s’agit d’un bon amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le sujet est connu. Il a fait l’objet d’un long débat l’année dernière, et le Parlement a tranché. Comme le disent les commentateurs sportifs, « on refait le match » ! (Sourires.)
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Parfois, oui, il faut le refaire.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pardonnez-moi ce petit clin d’œil.
Vous estimez, monsieur Laurent, que les conditions ont changé, compte tenu des attentats et des conditions de sécurité dans notre pays.
M. Jean-Luc Laurent. Exactement.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je comprends cette argumentation. Pour autant, vous l’avez dit vous-même : les attentats nécessitent aussi que la France poursuive l’organisation de grandes rencontres internationales, qu’il s’agisse de la COP21 ou, prochainement, de l’Euro 2016 et des autres compétitions auxquelles la rapporteure générale a fait référence.
Le Gouvernement n’a pas l’intention de changer de position. L’année dernière, le débat avait été intense, et d’ailleurs correct : j’ai le souvenir d’un bon travail parlementaire. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Allossery.
M. Jean-Pierre Allossery. Mes chers collègues, je vous invite à rejeter cet amendement no 619, qui vise à revenir sur l’exonération d’impôt sur les sociétés accordée à l’UEFA dans le cadre de l’organisation de l’Euro 2016.
Cette question a déjà fait l’objet de nombreux débats parlementaires en 2014. Nous nous étions prononcés pour cette mesure. Aussi, elle a été intégrée dans le cahier des charges de l’UEFA pour l’organisation de l’Euro. Le bénéfice de cette compétition pour l’ensemble de l’économie est évalué à environ 1,2 milliard d’euros : le gain pour les caisses de l’État sera donc bien supérieur à la perte de recettes liée à cette exonération, dont le montant est compris entre 50 et 60 millions.
Je ne comprends pas pourquoi ce débat a été rouvert, d’autant que la candidature de la France ne fait plus aucun doute, y compris après les attentats. Le maintien de l’organisation de grands événements sportifs comme l’Euro 2016 en France est essentiel pour notre République. Ces compétitions sont des moments de convivialité et de partage autour de valeurs fortes comme la tolérance, le respect et le vivre-ensemble ; elles sont utiles au renforcement de la cohésion nationale.
Je ne comprends pas pourquoi on revient sur une promesse, sur un choix politique, sur un engagement fort du Gouvernement. Revenir sur l’exonération de l’UEFA serait revenir sur la parole que l’État a donnée l’an dernier.
Enfin, l’UEFA a d’ores et déjà accepté de participer au financement des surcoûts liés à la sécurisation des « fan zones » décidée au lendemain des attentats. Il s’agit d’une preuve de bonne volonté et de soutien de l’UEFA, qui permettra notamment aux collectivités locales de sécuriser ces « fan zones » dans des conditions optimales.
M. François André. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. À mes yeux, l’amendement no 619 est un amendement de bon sens, puisqu’il vise à supprimer du code général des impôts la disposition qui accorde de manière pérenne et générale un régime fiscal de faveur aux organismes chargés de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale.
Comment peut-on accepter que notre pays prenne en charge les dépenses – la construction de stades, la sécurité – et que tous les bénéfices reviennent à l’UEFA ? De mémoire, on parlait l’an dernier de 2 milliards d’euros de dépenses, à la charge de la France, pour la construction de stades et la rénovation des infrastructures de transport, et de 2 milliards d’euros de recettes pour l’UEFA, dont 1 milliard rien qu’en droits de retransmission télévisée.
Loin de nous l’idée de refuser que des compétitions sportives internationales soient organisées dans notre pays ou de nier les effets bénéfiques qu’elles peuvent générer, notamment en termes d’attractivité touristique ou d’engouement populaire. Le football, bien que particulièrement malmené par les forces de l’argent, reste un sport populaire, et tout le monde se souvient de l’immense succès de la Coupe du monde de 1998. Mais la puissance publique ne peut se laisser faire face à de tels agissements, voire à de tels chantages. Nous soutenons donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Je ne suis pas un zélateur du football : mon format m’a conduit à préférer le ballon ovale. (Sourires.) En revanche, je connais bien les fédérations sportives. Avec elles, vous décidez de signer ou de ne pas signer un cahier des charges : une fois qu’il est signé,…
Mme Marie-Christine Dalloz. Le match est fini !
M. Joël Giraud. …tout retour en arrière entraîne des difficultés pouvant aller jusqu’à l’annulation de la compétition. Mon voisin Gérard Charasse le sait bien : le non-respect, par la ville dont il est le député, du cahier des charges de la fédération internationale de canoë-kayak a conduit à l’annulation en France des championnats du monde de course en ligne, qui ont été transférés à Bratislava. Ce n’est pas très bon pour l’image de la France !
Mme Marie-Christine Dalloz. Quand vous êtes engagés, vous êtes engagés !
M. Joël Giraud. Cela a aussi des conséquences pour l’avenir : si nous adoptons un amendement comme celui-là, nous aurons tous bonne mine lorsque nous discuterons avec les fédérations internationales, quelles qu’elles soient, notamment dans le cadre de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2024 !
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Monsieur Laurent, nous ne pouvons pas voter votre amendement ! La seule question est la suivante : l’État français dispose-t-il de moyens de contrôle sur l’UEFA ? Ce qui vous choque, comme toutes les personnes de bon sens, c’est que le monde du sport est totalement corrompu.
M. Christophe Caresche. Quand on aura fait démissionner Platini, cela marchera mieux !
M. Charles de Courson. On voit ses dirigeants qui s’en mettent plein les poches… Or on accorde des avantages fiscaux à des gens qui reflètent exactement le contraire des valeurs du sport qu’ils prétendent incarner. Ce sont des schizophrènes !
M. Christophe Caresche. Des escrocs !
M. Charles de Courson. Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous les moyens de contrôler l’UEFA ? Les exonérations que nous avons votées iront-elles bien là où elles doivent aller ? Voilà quel est le problème ! Il ne faut pas voter l’amendement de M. Laurent.
M. Alain Fauré. Cet amendement est hors-jeu ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. On refait le match, mais la présidente va bientôt siffler la fin de la partie. (Sourires.)
M. Alain Fauré. Ce serait bien !
M. Dominique Lefebvre. Contrairement à ce qu’a dit notre collègue Gaby Charroux, nous n’avons pas voté une exonération générale et illimitée, applicable à l’organisation de toutes les compétitions sportives.
Mme Marie-Christine Dalloz. En effet, cette disposition concerne uniquement l’UEFA !
M. Dominique Lefebvre. Au terme d’un riche débat, nous avons voté des exonérations pour toutes les manifestations sportives internationales attribuées à la France, de mémoire, avant le 31 décembre 2017. L’amendement de notre collègue Jean-Luc Laurent me semblait davantage être un amendement d’appel visant à vérifier, comme l’a dit M. Allossery, que l’UEFA participerait bien au financement des surcoûts liés à la sécurité, ce qui serait tout à fait logique et que nous souhaitons. Or le vote de l’amendement no 619 remettrait en cause l’organisation en France d’autres manifestations internationales, comme le championnat du monde de hockey sur glace, et jusqu’à la candidature de Paris pour les jeux Olympiques de 2024, dont la ville organisatrice doit être désignée avant la fin de l’année 2017. C’est pourquoi l’adoption de l’amendement no 619 me paraît tout sauf opportune.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons déjà eu ce débat l’an dernier. J’avais alors reçu, avec la rapporteure générale, le délégué interministériel aux grands événements sportifs, chargé de l’organisation de l’Euro 2016.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tout à fait !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il ressortait des évaluations réalisées que l’exonération totale représenterait une petite centaine de millions d’euros – c’est le chiffre que j’avais en tête.
Toujours est-il que la France a pris un engagement et que cela a été intégré dans le cahier des charges – je ne reprends pas l’argumentaire de Joël Giraud à cet égard. Je ne vois pas au nom de quoi on rouvrirait cette discussion.
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je le redis, nos manières de raisonner ont quelque chose de stupéfiant : il y a à peine un mois, ici même, la majorité a voté de façon unanime le principe d’une défiscalisation à hauteur de 30 millions d’euros par film à grand spectacle.
M. Lionel Tardy. Tout à fait !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Trois films à grand spectacle représentent donc une défiscalisation de 90 millions d’euros. Et cela n’a posé aucun problème. Pour ma part, je souhaiterais qu’il y ait une attitude un peu cohérente s’agissant des mesures d’exonération qu’il s’agisse du domaine de la culture ou du sport.
M. Charles de Courson. Très bien !
Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’applaudis pas la mesure, mais le président de la commission des finances.
(L’amendement no 619 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, inscrit sur l’article.
M. Gaby Charroux. L’article 17 prévoit la mise en place d’un échange automatique d’informations à des fins fiscales pour tous les comptes détenus par les particuliers. La généralisation à l’international de dispositifs de transfert automatique d’informations est une nécessité urgente. C’est même l’un des éléments clés qui permettra de venir à bout de la fraude fiscale internationale et d’éradiquer le blanchiment frauduleux de capitaux qui gangrène les États.
On peut donc légitimement considérer que le présent article constitue une certaine avancée, du moins dans la lutte contre l’évasion fiscale des particuliers. Cet article est nécessaire, mais insuffisant à nos yeux. Le combat reste immense en ce qui concerne l’optimisation et la fraude des entreprises. Rappelons qu’elle constitue les deux tiers des sommes qui s’évaporent dans la nature contre un tiers pour les particuliers.
Je rappellerai à ce propos quelques chiffres qui permettent de mieux comprendre les enjeux. Le Parlement européen chiffre le coût de la fraude et de l’évasion fiscale à 1 000 milliards d’euros annuels quand le rapport Bocquet-Dupont-Aignan l’estime, lui, à 2 000 milliards d’euros par an et, pour la France, à environ 60 à 80 milliards d’euros.
Disons-le clairement, en la matière, les demi-mesures ne suffiront pas. La France doit être à la pointe de la lutte contre l’évasion fiscale et à cet égard, nous pouvons être inquiets. Autrefois leader, la France ferait aujourd’hui partie des pays passifs, car notre pays se placerait dans une position de refus d’entreprendre toute réforme en dehors du cadre des négociations au niveau de l’Union européenne ou de l’OCDE. Il faut, bien au contraire, une ambition maximale pour lutter contre l’évasion fiscale qui gangrène nos sociétés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes là dans le sillage des lois américaines dites FATCA 1 et 2, relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers. Aujourd’hui, les États-Unis ne communiquent pas sur les ressortissants français qui détiennent des comptes aux États-Unis, et ne respectent pas le principe de réciprocité.
Nous nous inscrivons également dans la continuité des accords bilatéraux, notamment l’accord de Berlin du 29 octobre 2014, ainsi que dans le cadre de la transposition de la directive 2014-107 de l’Union européenne.
Nous constatons, monsieur le secrétaire d’État, un faible taux de transposition des directives européennes dans notre droit. Chaque année, en tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’ai des échanges sur ce point avec le secrétaire général du Gouvernement en vue de l’élaboration du rapport dont je suis chargée.
Notre amendement est très simple. Il propose qu’un an après la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures mises en œuvre par la France dans le cadre du programme de lutte contre la fraude fiscale en matière d’échanges automatiques d’informations financières entre les administrations fiscales des États membres de l’Union européenne. Il est nécessaire que le Parlement puisse suivre ces mesures et apprécier notamment leur efficacité.
(L’amendement no 19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 17 est adopté.)
Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 18.
La parole est à M. Alain Calmette.
M. Alain Calmette. Il s’agit d’un article important pour les territoires ruraux dans la mesure où il fait évoluer le dispositif des zones de revitalisation rurale, les ZRR. Cela était attendu par les territoires ruraux et correspond à un engagement pris par le Gouvernement lors des derniers comités interministériels aux ruralités. Mais cette attente est doublée d’une crainte, notamment en matière d’exonérations sociales, lesquelles ont été assez systématiquement rabotées depuis un certain nombre d’années.
Pour ma part, je suis satisfait que les exonérations fiscales et sociales soient globalement préservées, notamment pour les organismes d’intérêt général – OIG –, nombreux dans les zones rurales et que le zonage des ZRR soit revu en fonction de principes nouveaux qui me semblent aller dans le bon sens : une entrée intercommunale et non plus communale, compte tenu des compétences économiques des intercommunalités ; un zonage fixé pour six ans au lieu d’un an, ce qui permet aux communes et aux partenaires économiques de voir plus loin ; deux critères seulement, plus lisibles que ceux qui s’étaient empilés au fil des ans depuis la création des ZRR, c’est-à-dire depuis vingt ans : d’une part la densité de la population, et d’autre part le revenu fiscal.
L’article 17 fait évoluer les ZRR dans le bon sens. Il constitue une bonne nouvelle pour les territoires ruraux et correspond à l’une des quelque soixante mesures décidées lors des comités interministériels aux ruralités que j’ai évoqués.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je suis beaucoup plus pessimiste que notre collègue Calmette sur l’avenir des ZRR. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen de l’article 10 du projet de loi de finances où le Gouvernement a été mis en minorité par l’opposition et certains députés de la majorité. Aujourd’hui, vous y revenez avec l’article 18 qui redéfinit le contour géographique des ZRR. Si l’on peut comprendre que les critères aient quelque peu évolué depuis 1995, il faudrait tout de même laisser aux communes bénéficiaires le temps d’une sortie en sifflet du dispositif d’exonération.
Puisque vous voulez réduire le champ d’application géographique des ZRR, le temps est peut-être venu de compléter le dispositif d’exonération fiscale et sociale en le renforçant à l’instar de ce qui existe pour les zones franches urbaines, notamment en accordant ces exonérations pour cinq ans et non pas un an.
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 18 modifie les critères de définition des zones de revitalisation rurale avec application au 1erjuillet 2017. Aujourd’hui, on compte 14 691 communes classées en zone de revitalisation rurale. L’article 18 réforme la définition de ces zones en la fondant sur deux nouveaux critères : la faible densité de population ; un revenu fiscal par unité de consommation inférieur à la moyenne. On peut entendre ce souhait, mais on sait que de nombreuses communes, actuellement dans le dispositif, en sortiront.
Je propose que soient prises en compte des données caractéristiques des zones rurales comme un nombre d’infrastructures routières inférieur à la densité moyenne nationale ; un nombre d’infrastructures ferroviaires inférieur à la densité moyenne nationale ; une quantité de services publics inférieure à la densité moyenne nationale. Si ces critères-là étaient pris en compte, on aurait la garantie qu’il s’agit bien de zones rurales à revitaliser, ce qui est bien l’objectif du dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable.
Mme Marie-Christine Dalloz. Dommage !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Non, madame la députée, car vous rajoutez des critères. Et ce faisant, vous diminuez le nombre de communes éligibles au dispositif ZRR.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale a raison. Vous exigez, madame la députée, qu’une condition supplémentaire soit satisfaite et de ce fait, restreignez le nombre de communes éligibles. Je ne sais pas si tel est le souhait de l’Assemblée. D’habitude, c’est plutôt le contraire.
Par ailleurs, la rédaction et les mots retenus dans votre amendement posent problème. Que signifie « quantité des services publics inférieure à la densité moyenne nationale » ? Je doute de l’applicabilité de tels critères. Qu’entendez-vous par « la quantité de services publics » ? S’agit-il du nombre d’agents, du nombre de mètres carrés de bureaux ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Je pense par exemple aux hôpitaux.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un hôpital comptera-t-il pour un, une infirmerie pour 0,23 ? C’est inapplicable, madame la députée.
Vous restreignez le champ avec des critères inapplicables. L’avis est donc défavorable.
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 597, 598, 599, 600, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’amendements rédactionnels.
(Les amendements nos 597, 598, 599 et 600, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette, pour soutenir l’amendement no 621 rectifié.
M. Alain Calmette. Il s’agit de faire coïncider le nouveau classement des communes en zone de revitalisation rurale avec la nouvelle carte intercommunale issue des schémas départementaux de coopération intercommunale, lesquels doivent être mis en place au 1er janvier 2017. Il est donc proposé que le nouveau dispositif prenne effet au 1er janvier 2017 plutôt qu’au 1er juillet 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrice Martin-Lalande. Logiquement, il devrait être favorable.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous proposez d’avancer l’entrée en vigueur du nouveau dispositif. Si nous avons fixé la date mi-2017, c’est afin d’être en mesure de tenir compte des nouvelles cartes de l’intercommunalité. Celles-ci ne seront connues qu’à la fin de l’année 2016, ce qui ne laisserait pas beaucoup de temps s’il devait entrer en vigueur le 1er janvier. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.
M. Alain Calmette. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 621 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 104, 628, 571 et 626, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 104 et 628 sont identiques.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 104.
M. François Pupponi. La création d’une commune nouvelle pose la question du maintien du zonage ZRR pour les anciennes communes. Afin d’éviter toute distorsion entre les communes fondatrices de la commune nouvelle, il est proposé que celles-ci puissent continuer d’être classées en ZRR jusqu’au 30 juin 2017.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette, pour soutenir l’amendement identique no 628.
M. Alain Calmette. Je l’ai déjà défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 571.
Mme Christine Pires Beaune. L’objectif est le même. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette, pour soutenir l’amendement no 626.
M. Alain Calmette. Je le retire.
(L’amendement no 626 est retiré.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable à l’ensemble des amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La disposition ne concernerait qu’un petit nombre de communes. Le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Je vous demanderai, madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, de faire un choix entre les amendements nos 104 et identique et l’amendement no 571. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ma préférence va aux amendements no 104 et identique.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. De même.
Mme la présidente. Madame Pires Beaune, maintenez-vous votre amendement no 571 ?
Mme Christine Pires Beaune. Je le retire.
(L’amendement no 571 est retiré.)
(Les amendements identiques nos 104 et 628 sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 601.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement no 601, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement tend à instaurer, pour les communes qui ne seront plus classées en zones de revitalisation rurale, une période transitoire de trois ans, afin qu’elles s’adaptent à cette nouvelle situation. Les élus locaux accepteront mieux, dans ces conditions, les conséquences de la sortie des leurs communes du dispositif ZRR. Cette mesure transitoire me paraît de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu. Lorsqu’une commune cesse d’être classée en zone de revitalisation rurale, les entreprises qui bénéficient d’une exonération d’impôt sur les sociétés ou d’autres exonérations continuent à en bénéficier, pendant huit ans pour la première, et pendant cinq ans pour les autres. Une entreprise installée en zone de revitalisation rurale continuera donc de bénéficier des mêmes avantages. En revanche, si une nouvelle entreprise s’installe dans une commune qui a cessé d’être classée en ZRR, elle n’en bénéficiera pas. Il est donc faux de dire qu’il n’y a pas de sortie en ciseaux : une sortie progressive est bien proposée. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement no 82 rectifié.
M. Arnaud Viala. Je voudrais justement rebondir sur ce que vient de dire Mme la rapporteure. À ce jour, toutes les stratégies mises en œuvre par les territoires classés en zone de revitalisation rurale pour attirer des entreprises reposent précisément sur les avantages liés à ce classement en ZRR. Les entreprises et les structures qui sont en train de s’installer sur ces territoires, et qui n’auront peut-être pas fini de le faire au moment où la commune sortira du classement en ZRR – car on sait que le processus d’installation est souvent long – auront été victimes d’une sorte de publicité mensongère. Il importe de dire clairement en quoi consistera ce changement de situation, au risque de perdre le prospect dans la procédure d’installation.
Cet amendement propose que le dispositif d’allégement de charges et de fiscalité soit prolongé jusqu’à 2020 pour toutes les entreprises, y compris celles qui ne seront pas encore installées sur le territoire des communes dont le classement va changer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous renvoie à ce qui a été dit au sujet de l’amendement précédent : la rapporteure générale a clairement expliqué que les entreprises qui sont là continuent à bénéficier des exonérations jusqu’à la fin de la durée prévue. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. J’aimerais que le Gouvernement confirme que toutes les entreprises qui vont s’installer jusqu’en 2017 sur les territoires actuellement en ZRR bénéficieront, jusqu’au terme du délai de huit ou cinq ans, de ces dispositions favorables.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est exact.
M. Patrice Martin-Lalande. Merci.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteure générale en matière fiscale, mais elle n’a pas évoqué l’impact du dispositif en matière sociale. Or il sera important, puisque les entreprises installées en ZRR bénéficient d’un dispositif particulier d’exonération de charges sociales. Ce dispositif-là, pour le coup, disparaîtra brutalement. S’il est vrai qu’il y a une sortie en ciseaux en matière fiscale, ce n’est pas le cas en matière sociale.
M. Hervé Mariton. Il serait important d’avoir une réponse sur ce sujet !
(L’amendement no 82 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette, pour soutenir l’amendement no 632.
M. Alain Calmette. J’ai réalisé l’année dernière, avec mon collègue Jean-Pierre Vigier, un rapport sur l’évaluation de ce dispositif. Or nous nous sommes aperçus que cette évaluation était très difficile à réaliser, car seules les exonérations fiscales sont bien connues. Les effets directs et indirects du classement en ZRR, eux, le sont beaucoup moins.
M. Patrice Martin-Lalande. Exactement !
M. Alain Calmette. C’est la raison pour laquelle, même si je ne suis pas partisan de la rédaction de rapports à tout va, il me semblerait important que, tous les six ans, avant la réactualisation du zonage, le Gouvernement présente au Parlement un rapport analysant l’effet général de ce dispositif sur le développement des territoires
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été repoussé par la commission, mais je crois comprendre que le Gouvernement devrait le soutenir.
M. Patrice Martin-Lalande. La transparence, ce n’est pas mal !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous l’avez dit, monsieur le député, nous ne sommes pas fanatiques de la multiplication des rapports. Mais, puisque l’échéance que vous proposez est assez longue, il pourrait effectivement être utile d’examiner l’efficacité de ces dispositifs. Le Gouvernement s’en remet donc, sur ce sujet, à la sagesse bienveillante de l’Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Avant tout cela, j’aimerais que M. le secrétaire d’État réponde à la question de notre collègue Véronique Louwagie relative aux charges sociales. Je souhaiterais également, si elle le veut bien, entendre sur ce sujet Mme la rapporteure générale.
Tous deux ont clairement fait le point, tout à l’heure, sur les charges fiscales, mais pas sur les charges sociales. Or nous avons besoin d’être éclairés et rassurés sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. J’avais cosigné presque tous les amendements de notre collègue Alain Calmette sur les ZRR et je me réjouis que cet article, avec les amendements qui le complètent, permette de territorialiser les ZRR.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.
M. Alain Calmette. Les exonérations fiscales et sociales dans les ZRR sont évaluées à 235 millions d’euros. Elles consistent, pour 80 % d’entre elles, en exonérations sociales, dont la très grande majorité relève des organismes d’intérêt général – OIG.
M. Charles de Courson. Oui !
M. Alain Calmette. Or les OIG ne sont pas touchés par un changement éventuel de zonage, puisque les exonérations de cotisations sociales perdurent jusqu’à la fin des contrats considérés – elles disparaissent en même temps que les contrats de travail.
M. Charles de Courson. Mais il y en a de moins en moins !
M. Alain Calmette. Les dispositions que nous votons cet après-midi n’auront donc aucune incidence sur les OIG.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.
M. Alain Fauré. J’ajouterai qu’une partie de ces exonérations profite aux bassins d’emploi à redynamiser – BER –, en Ariège et dans les Ardennes. Si bien que lorsqu’on fait la soustraction des avantages, avec le pacte de responsabilité, il n’y a pas d’inconvénients, même sur le plan des charges sociales.
(L’amendement no 632 est adopté.)
(L’article 18, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec votre permission, madame la présidente, j’aimerais, d’un mot, répondre aux questions qui m’ont été posées. Les exonérations de charges sociales, en dehors des OIG, ont une durée d’un an. Elles ne sont donc pas affectées par les dispositions de l’article que vous venez d’adopter.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 21 et 130, tendant à supprimer l’article 19.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 21.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 19 prévoit la création d’une nouvelle instance de conciliation, le comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation.
Chaque année, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, nous avons des débats fort longs sur le crédit d’impôt recherche, et l’on voit bien que celui-ci fait l’objet d’attaques en règle. Et cette nouvelle instance est une façon de le remettre en cause.
Vous indiquez, certes, que l’avis rendu par cette instance sera notifié à l’entreprise, mais vous dites aussi que l’administration fiscale n’a aucunement l’obligation d’en tenir compte. Je ne vois donc pas l’intérêt de cette instance, dont la création m’apparaît comme une façon de remettre en cause le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 130.
Mme Véronique Louwagie. Tel que vous la présentez, la création du comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation vise à régler les contentieux qui pourraient survenir. Je reconnais qu’il existe des contentieux, mais je ne suis pas certaine que votre réponse soit la bonne.
Premièrement, ce comité n’interviendrait pas à titre préventif, mais seulement au cours du contrôle fiscal, en cas de désaccord sur la réalité de l’affectation des dépenses à la recherche ou à l’innovation. Il serait plus utile que ce comité intervienne préventivement.
Deuxième inconvénient, souligné par ma collègue Marie-Christine Dalloz : l’administration n’est pas tenue par cet avis. S’il arrive que le comité émette un avis favorable à l’entreprise et que l’administration ne le prenne pas en compte, nous aurons un vrai problème. Le risque étant, à terme, que le comité adopte une attitude très prudente et ne donne plus d’avis favorables aux entreprises.
Troisièmement, il s’agirait de contrôler la nature des dépenses. Mais la vraie difficulté, en matière de crédit d’impôt recherche, consiste à définir la frontière entre le développement expérimental, les activités d’innovation et celles de recherche-développement. La difficulté porte sur la nature des activités éligibles, et pas forcément sur la nature des dépenses retenues. Votre dispositif ne me semble donc pas apporter de solution aux difficultés qui se posent sur le terrain – je ne conteste pas le fait qu’il y ait des difficultés. C’est pour cette raison que je vous propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. Madame Dalloz, madame Louwagie, nous avons souvent eu l’occasion d’évoquer, en commission des finances, le cas de ces PME qui subissent un contrôle fiscal, parce que l’administration fiscale considère que certaines des dépenses qu’elles ont intégrées aux dépenses éligibles au CIR ne le sont pas.
Aujourd’hui, nous créons un comité, qui sera présidé par un membre du Conseil d’État, et qui pourra être saisi gratuitement – toutes les PME n’ont pas de quoi payer une armada d’avocats pour monter un dossier ou donner un avis. Cet avis est certes consultatif, mais je ne vois pas pourquoi le Conseil d’État se montrerait frileux – c’est bien mal le considérer – d’autant plus qu’il peut être amené à juger du contentieux. C’est vraiment un instrument de facilitation qui est mis en place, et je suis donc un peu étonnée que vous ne le souteniez pas. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je suis très étonné que cet article fasse l’objet de ce type de déclaration. C’est un souhait de l’ensemble des entreprises que d’avoir un lieu d’expression, de confrontation et d’échange avec une administration fiscale, qui n’est pas toujours complètement outillée pour apprécier l’éligibilité de dépenses parfois très particulières, sur des sujets très techniques et très spécifiques. Tout le monde le sait.
C’est d’ailleurs pour cela que nous associons, la plupart du temps, les autres ministères, notamment le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, à l’analyse des dossiers. Toute la profession a salué cette démarche. Il est vrai que le comité ne donnera qu’un avis, mais vous imaginez bien que la direction des services fiscaux ne peut pas être tenue de donner systématiquement un avis conforme à celui d’un comité, qui est certes un lieu d’échange, mais qui n’a aucune autorité pour rendre ce type d’avis. Seul un juge peut statuer en dernier recours sur une décision de la direction générale des finances publiques.
Je suis ébahi…
Mme Marie-Christine Dalloz. Pour une fois que nous y parvenons !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de voir que notre proposition, qui répond à une demande des acteurs du CIR, c’est-à-dire des entreprises, soit pointée du doigt comme une velléité de s’attaquer à ce dispositif, que je n’ai cessé de défendre dans cet hémicycle !
M. Charles de Courson. Touche pas à mon CIR !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je l’ai fait encore tout à l’heure, en répondant à une excellente question d’actualité de M. Giraud. J’ai l’impression que les auteurs de l’amendement cherchent à supprimer pour supprimer. Je le répète, je suis ébahi. Mais je me débahirai ! (Sourires.)
(Les amendements identiques nos 21 et 130 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 650 et 649, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour les soutenir.
M. Lionel Tardy. Je ne répéterai pas les arguments que j’ai développés en commission des finances mais, comme mes collègues, je reste persuadé qu’un comité consultatif national qui ne fait qu’émettre un avis n’est pas la meilleure solution pour régler les litiges relatifs aux dépenses éligibles au CIR. Les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires sont parfaitement à même de le faire, au plus près des entreprises, sous réserve qu’on leur adjoigne un expert du ministère de la recherche, comme le propose l’amendement no 650.
L’argument qui m’a été opposé en commission, selon lequel l’évaluation varie d’un département à l’autre, est inquiétant. Je croyais que la loi fiscale était la même partout en France ! Une telle objection n’est pas très sérieuse, pas plus que la création d’un nouveau comité.
Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !
M. Lionel Tardy. Et je profite de l’occasion pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, une estimation du coût de ce comité, dont j’imagine que les membres seront rémunérés.
J’en viens à l’amendement no 649 : puisque je ne suis pas favorable à la création d’un nouveau comité, je propose d’autres solutions ! En voici une.
Nous arrivons au même constat : la procédure actuelle de recouvrement du CIR est souvent source de différends car elle est effectuée hors sol, loin des PME et de leurs réalités. Les chefs d’entreprise ne peuvent engager avec l’agent mandaté un véritable débat oral et contradictoire. En effet, les agents mandatés ne sont pas, par exemple, obligés de se rendre dans l’entreprise ni de recevoir les contribuables pour débattre de leurs éventuelles objections quant à l’éligibilité au CIR des dépenses qu’ils ont déclarées.
Le décret d’application précise certes que le contribuable peut solliciter un entretien avec le ministère, mais cette demande n’intervient que dans le cadre de la seconde demande d’information complémentaire. De surcroît, l’agent n’a pas l’obligation de l’accorder.
Le fort niveau de contrôle, qu’il ne s’agit pas de contester, doit aussi s’accompagner d’un dialogue officiel, afin d’éviter le plus possible les litiges. L’amendement no 649 vise donc à ce que, quand un contrôle est effectué par un agent du ministère chargé de la recherche, les conclusions de cet agent donnent lieu à un entretien avec le contribuable. Il propose en outre une modification rédactionnelle: sauf erreur, on parle désormais du ministère de la recherche, et non plus du ministère de la recherche et de la technologie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable aux deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis. La piste des commissions départementales avait été envisagée par le Gouvernement, mais avait été écartée pour deux raisons. D’une part, ces commissions sont fort embouteillées. D’autre part, elles ne comprennent pas forcément en leur sein des spécialistes de ces questions très particulières. On pourrait en ajouter une troisième : il leur sera difficile de veiller au respect de la règle du secret industriel, qui s’impose en la matière. Nous préférons donc concentrer la possibilité de concertation dans une commission nationale.
Ses membres, qui y travailleront dans le cadre de leurs fonctions, ne percevront pas de rémunération spécifique. L’argument concernant le coût du comité doit par conséquent être balayé.
Mme la présidente. Maintenez-vous ces amendements, monsieur Tardy ?
M. Lionel Tardy. Oui.
(Les amendements nos 650 et 649, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 630.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 630, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 651.
M. Lionel Tardy. J’ai déposé plusieurs amendements de repli visant à préciser les modalités d’action du comité consultatif national. La composition de ce comité me semble déséquilibrée puisque, outre le président, qui pourra être suppléé, les membres sont tous des agents des ministères concernés.
Afin que le point de vue des chefs d’entreprise soit défendu, je propose d’y ajouter un membre de la chambre de commerce et d’industrie locale, afin de remettre un peu de la réalité du terrain dans une instance où elle manque cruellement. Cette représentation est nécessaire, car, le comité étant national, il y a fort à parier que le chef d’entreprise concerné par le litige ne pourra pas s’y rendre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable. J’entends la position de M. Tardy sur la présence d’un représentant de l’entreprise au sein du comité, mais l’objet de ce dernier est de rendre un avis juridique. On peut certes préférer adopter une vision économique de la question – et entre les deux champs, la frontière ne se réduit pas à un trait. Mais pour notre part, notre objectif était de sécuriser l’éligibilité au CIR sur le plan juridique, plutôt que d’entrer dans des considérations économiques, aussi importantes fussent-elles. C’est ce qui explique la composition du comité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 651 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement no 146.
M. Joël Giraud. Je vais prouver au secrétaire d’État que j’aime le crédit d’impôt recherche. Ce que je n’aime pas, c’est l’optimisation fiscale qui s’attache parfois à ce dispositif.
Notre groupe se réjouit de la création du comité consultatif pour le CIR, dont nous voulons même élargir les compétences. En lisant le projet de loi, on a en effet l’impression que ce comité n’interviendra qu’en cas de contrôle fiscal, et à la fin de celui-ci. Pour plus d’efficacité, nous souhaitons qu’il intervienne en amont, hors litige, sur l’éligibilité de certaines activités dont le caractère de recherche et développement peut susciter des interrogations.
N’est-il pas abusif, par exemple, de considérer comme éligible au CIR l’archéologie préventive, c’est-à-dire les fouilles qu’on effectue sur un chantier à titre préventif, comme s’il s’agissait de recherche et développement ? Je préfère que nous agissions en amont, au lieu de laisser les contentieux se multiplier en aval.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je suggère à M. Giraud de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. L’amendement me semble satisfait. Le chef d’entreprise peut toujours saisir l’administration pour obtenir un rescrit, en signalant que telle dépense lui paraît éligible au dispositif. On l’ignore souvent, mais l’absence de réponse de l’administration avant trois mois vaut acceptation.
Voilà du moins la théorie. Je sollicite le secrétaire d’État pour qu’il nous confirme que celle-ci a une application très pratique.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud. Passons à la pratique !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le travail incessant du Gouvernement et de ses services, des administrations, est de mettre la théorie en pratique. Je vous confirme, madame la rapporteure générale, la possibilité pour les chefs d’entreprise d’effectuer des rescrits, même s’il est parfois difficile à l’administration d’y faire face. Celle-ci est même demandeuse, puisqu’elle souhaite éviter les contentieux ultérieurs.
La pratique du rescrit n’est pas suffisamment répandue, dans ce domaine comme dans d’autres. Elle existe bien sûr en matière fiscale, et nous l’avons rendue possible pour les cotisations sociales. On y recourt trop peu, mais je vous confirme qu’elle a notre préférence et que l’administration répond à ceux qui la sollicitent. Dès lors, il est inutile d’aller plus loin. Cet amendement est superfétatoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Je ne vais pas bouder mon bonheur, mais celui-ci ne sera absolu que lorsqu’on aura réglé la question très particulière de l’abus de R
(L’amendement no 146 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 633.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement no 633, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 327 de la commission des finances.
M. Lionel Tardy. Je me réjouis que la commission des finances ait adopté cet amendement, qui tend à apporter une précision sur la composition du comité. Afin de ne pas faire basculer la décision, il est utile d’ajouter que les experts susceptibles d’assister les agents des ministères ne prennent pas part au vote. Ces précisions sont d’ordre législatif, comme l’alinéa qui concerne les modalités de vote et précise que le président a voix prépondérante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sagesse. La précision ne mange pas pain. Elle alourdit cependant un peu la loi en précisant ce qui me semblait implicite. Peut-être mes propos dans cet hémicycle, qui possèdent une certaine valeur juridique, vous suffiront-ils. Dans le cas inverse, je ne trouverais pas scandaleux, même si je ne le souhaite pas fondamentalement, que l’amendement soit adopté.
M. Lionel Tardy. Très bien !
(L’amendement no 327 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 652, 653 et 654, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour les soutenir.
M. Lionel Tardy. L’amendement no 652 est un autre amendement de repli. Il est utile et logique d’inscrire dans la loi l’obligation faite au comité d’entendre le point de vue du chef d’entreprise concerné par le litige. Pour les raisons de disponibilité que j’ai déjà évoquées, l’amendement mentionne que l’on pourra entendre le chef de l’entreprise ou son représentant. Je préfère écrire cette obligation dans la loi car on n’est jamais trop prudent. Le dialogue, en la matière, paraît indispensable. Quitte à créer ce comité, autant qu’il remplisse la mission la plus utile possible.
Puisque vous créez donc un comité consultatif national, l’amendement no 653 propose, dans un souci de transparence, qu’il remette chaque année un rapport public qui permettrait de connaître, par exemple, le nombre de dossiers traités, le nombre d’avis rendus et surtout le nombre de cas dans lesquels l’avis rendu n’a pas été suivi par l’administration.
Enfin, puisque le comité, étant consultatif, se prononce sur une question de droit sans la traiter, il faut assurer un suivi de ses avis. C’est ce à quoi tend l’amendement no 654. Il s’agit encore une fois d’éviter que l’instance ne soit créée uniquement pour faire joli. Le suivi pourrait s’effectuer ainsi : au cas où l’administration fiscale ne suivrait pas l’avis du comité, elle notifierait par voie électronique les motifs de son refus au chef d’entreprise ainsi qu’au président du comité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable aux trois amendements.
L’amendement no 652 devrait être satisfait, si l’article réglementaire qui définira le nouveau comité est calqué sur les articles réglementaires régissant les commissions départementales et nationale des impôts indirects. Ces articles prévoient en effet que le contribuable soit invité. Je parle bien entendu sous le contrôle du secrétaire d’État.
Pour l’amendement no 653, l’avis est défavorable : la commission des finances considère qu’il n’est pas nécessaire de multiplier les demandes de rapport.
L’amendement no 654 enfin vise à ce que l’administration notifie au contribuable l’écart éventuel entre son propre avis et celui du comité. L’idée est séduisante, bien que l’administration et le comité n’aient pas les mêmes fonctions. Mais si un désaccord survient avec l’administration fiscale, le contribuable peut toujours saisir le juge, en tirant argument de l’avis rendu par le comité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis. L’amendement no 652 est bien sûr satisfait, puisque c’est l’objet même du comité. Il peut donc être retiré. Quant aux autres, le Gouvernement y est défavorable pour les mêmes motifs que la commission.
(Les amendements nos 652, 653 et 654, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 636 et 637, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’amendements de coordination, madame la présidente.
(Les amendements nos 636 et 637, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L’article 19, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement no 614.
M. Romain Colas. Cet amendement vise à actualiser la liste des organismes éligibles au régime de sous-traitance applicable en matière de crédit d’impôt recherche ainsi que la liste des organismes de recherche exonérés d’impôt sur les sociétés, et ce afin de tenir compte de la création des communautés d’universités et établissements par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 614 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 520 et 342, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 520.
M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à supprimer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour le remplacer par une suppression pure et simple de l’intégralité des cotisations patronales familiales. Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne des déclarations du Président de la République de novembre 2014 : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans […], ça va monter en régime, et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail, ça sera transféré en baisses de cotisations sociales pérennes. »
Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement no 342.
M. Gaby Charroux. Cet amendement est aussi simple que le précédent : nous demandons la suppression pure et simple du CICE. Par la suite, comme il faut bien passer de la révolution à la réforme (Sourires), nous proposerons des amendements de repli !
Si nous demandons une nouvelle fois l’abrogation du CICE, c’est parce que le rapport entre son coût et ses bénéfices demeure à nos yeux très insuffisant. Chaque année, l’État s’assied sur près de 20 milliards d’euros de recettes fiscales, alors que les temps sont particulièrement difficiles et exigent de nouveaux moyens pour la sécurité des Français, pour l’éducation et pour la culture.
D’ailleurs, en quoi le CICE est-il utile à l’emploi et à l’investissement ? On peut se le demander, compte tenu de la situation que connaissent des millions de nos concitoyens durablement éloignés de l’emploi. Aucun signe de reprise n’est perceptible sur les fronts du chômage et du redémarrage de l’activité. Dans son rapport annuel sur l’état de la France, le Conseil économique, social et environnemental souligne d’ailleurs que « la fragile reprise que connaît la France s’appuie avant tout sur des facteurs extérieurs auxquels le CICE est étranger ».
Il n’est pas trop tard pour revenir sur cette niche fiscale au coût exorbitant et lui substituer des aides utiles aux entreprises et à l’emploi, ciblées sur des secteurs stratégiques, riches en main d’œuvre. Je pense en particulier à notre industrie, qui souffre et n’a pas connu de regain décisif avec le CICE. De telles aides doivent être assorties de contreparties et d’engagements forts en matière d’emploi et d’investissement. Ce n’est pas être utopiste que de demander à ce que les moyens financiers engagés par l’État soient utilisés de manière efficace et concrète ; cela doit naturellement être le cas pour les aides accordées aux entreprises.
(Les amendements nos 520 et 342, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement no 306.
M. Gaby Charroux. Nous entrons là dans la réforme, puisqu’il s’agit d’un amendement de repli. Il a pour objet de cibler le CICE sur ce qui doit être la norme en matière de contrat de travail, à savoir le CDI à temps plein. Nous convenons tous que la précarité gagne du terrain dans notre société. Les chiffres publiés par la DARES – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – sont frappants : la part des CDD dans les embauches des entreprises de dix salariés et plus est aujourd’hui de 86 %. Autrement dit, près de neuf embauches sur dix se font dans des conditions précaires. Ce chiffre n’a jamais été aussi élevé. On constate par ailleurs que certaines entreprises qui touchent le CICE suppriment des emplois ou des postes, ce qui n’est pas acceptable.
Cet amendement propose donc de restreindre le calcul du CICE aux seules rémunérations versées au titre des CDI à temps plein.
(L’amendement no 306, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 233, 135 et 136 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour les soutenir.
M. Patrice Martin-Lalande. Je reviens ici sur un sujet que j’ai eu l’occasion d’évoquer plusieurs fois, y compris au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Il s’agit de trouver un remède à la situation du tourisme dans nos départements d’outre-mer, confrontés à la concurrence de voisins immédiats où les coûts salariaux peuvent être jusqu’à quinze fois inférieurs. Si cette situation perdurait, elle pourrait conduire à la quasi-disparition de l’activité touristique dans ces départements.
Je ne regrette pas d’avoir déposé des amendements lors des débats précédents : ils nous ont permis de progresser dans la discussion. Non seulement chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’agir pour permettre à l’industrie touristique outre-mer de lutter de façon plus équilibrée face à la concurrence immédiate dans ces régions ultra-périphériques, mais nous avons eu confirmation de l’eurocompatibilité de la hausse du taux du CICE applicable au secteur du tourisme que nous proposons – je vous renvoie au considérant 32 du règlement de la Commission de juin 2014.
Reste à financer la mesure. Les amendements no 135 et 136 rectifié, que j’ai déposés avec un certain nombre de collègues, dont Hervé Mariton et Véronique Louwagie ici présents, prévoient un gage classique. L’amendement no 233 propose quant à lui une formule inédite, qui consiste à compenser à due concurrence la perte de recettes pour l’État par la modulation du taux de crédit d’impôt applicable aux secteurs des départements d’outre-mer autres que ceux du tourisme. Nous avons ainsi calculé que la hausse du taux du CICE à 18 % pour les activités touristiques que nous proposons dans ces amendements, dont le coût est estimé à 30 millions d’euros, pourrait être financée en ramenant de 9 % à 8,4 % le taux applicable aux autres activités dans les départements d’outre-mer, sans dépense fiscale nouvelle. Rappelons que contrairement au tourisme, ces autres activités ne sont pas en concurrence directe avec leur environnement.
Même sans cette modulation, c’est-à-dire si nous en restions au gage traditionnel, la hausse à 18 % du taux du CICE pour les activités de tourisme devrait entraîner trois gains substantiels pour l’État. Tout d’abord, elle ferait disparaître une dette fiscale et sociale qui s’élève à 17 millions d’euros pour la seule Martinique, et sans doute près de 60 millions pour l’ensemble des départements d’outre-mer. Si le secteur équilibre mieux ses recettes et ses dépenses, nous arriverons à résorber cette dette. Ensuite, cette disposition ferait naître des recettes fiscales supplémentaires grâce à une activité nouvelle, puisque le tourisme pourrait se développer davantage dans les départements d’outre-mer. Enfin, elle permettrait de réduire les dépenses liées au chômage, deux fois plus important dans les départements d’outre-mer qu’en métropole et qui est toujours un drame humain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable. M. Martin-Lalande a parfaitement raison de rappeler les difficultés que connaissent les établissements touristiques dans les départements d’outre-mer. Nous avons eu l’occasion d’en débattre en commission des finances. Nous nous sommes cependant demandé si le CICE était le meilleur outil pour répondre à ces difficultés, même si je reconnais que c’est celui qui est à votre disposition.
M. Patrice Martin-Lalande. C’est un outil indispensable !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes, mais est-ce pour autant le bon ? La question mérite d’être posée, d’autant que sauf erreur de ma part, l’Union européenne veille à ce que nous n’accordions pas d’avantages sectoriels. C’est pour ces raisons que la commission a donné un avis défavorable à ces amendements. Il n’empêche qu’il devient urgent de trouver un moyen de soutenir l’industrie touristique dans les départements d’outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements. S’agissant d’un crédit d’impôt, il est difficile d’opérer une différence entre secteurs d’activité : cela pose un problème d’égalité devant l’impôt. C’est en tout cas l’analyse de mes services, notamment juridiques. Ce n’est pas la distinction entre outre-mer et métropole que je mets en cause, mais la différence d’imposition outre-mer entre entreprises, en fonction de leur secteur d’activité. Je comprends le fondement de cette distinction, mais je crains que d’un point de vue constitutionnel, il y ait là une rupture d’égalité devant l’impôt. Le CICE n’est pas modulable selon le secteur d’activité. C’est un peu comme si l’on décidait que la grande distribution y a droit, la Poste peut-être, les services aux entreprises non… Ce seul motif suffit à écarter ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Je comprends la réponse du secrétaire d’État, mais en l’espèce, des considérations objectives justifient cette distinction en faveur du secteur touristique et dans les départements concernés.
En ce qui concerne la compatibilité avec les règles européennes, il me semble que M. Martin-Lalande a répondu à Mme la rapporteure générale.
À l’évidence, la compétitivité de l’industrie touristique outre-mer n’est pas seulement une question de coût. Néanmoins, les enjeux de coût sont importants. Dès lors, il me semble que ces amendements, qui répondent à des considérations objectives de nature de l’activité et de lieu de l’activité et dont la logique a été défendue aussi bien par des membres de l’opposition que par des membres de la majorité, ont vocation à être adoptés.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Je me réjouis au moins que nous soyons tous d’accord sur l’idée que la situation appelle des mesures de la part de l’État pour compenser cette concurrence qui conduira immanquablement à la disparition des activités touristiques et des emplois qui leur sont liés outre-mer.
Vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, le problème de la compatibilité avec le droit européen des mesures instituant un traitement différencié des secteurs.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Patrice Martin-Lalande. Je vais me permettre de vous relire le considérant 32 du règlement no 651/2014 de la Commission, daté du 17 juin 2014 : « les secteurs du tourisme et du haut débit jouent un rôle important dans les économies nationales et ont généralement un effet particulièrement favorable sur le développement régional. Il convient, par conséquent, d’exempter de l’obligation de notification les régimes d’aides à finalité régionale visant les activités touristiques et le haut débit ». Cela signifie bien qu’aux yeux de la Commission, les activités touristiques présentent une spécificité. Il doit être possible de prendre en compte cette spécificité dans la détermination des taux applicables au tourisme par rapport aux taux applicables aux autres secteurs d’activité. Si le Gouvernement pouvait tracer une perspective, nous indiquer comment il compte faire évoluer cette situation, en définissant une solution adaptée, nos débats n’auraient pas été vains.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Martin-Lalande, je crains que vous ne m’ayez pas bien écouté. Je n’ai pas opposé à votre amendement des arguments fondés sur sa conformité au droit européen, mais sur sa conformité à la Constitution française, plus précisément au principe de l’égalité devant l’impôt. Ce principe s’applique aux crédits d’impôt, puisque ceux-ci agissent sur l’impôt. C’est le fondement de l’objection que je vous ai faite. Je n’ai pas évoqué la conformité de vos propositions au droit européen, encore que ce point mériterait d’être vérifié – mais je sais que chaque phrase que je prononce à ce micro peut être retenue contre moi, j’en ai l’habitude, donc j’essaie de faire attention.
M. Patrice Martin-Lalande. Ce n’est pas mon état d’esprit !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le vois sur les réseaux sociaux, dans des articles de presse, c’est ainsi.
Monsieur le député, des perspectives figurent déjà à l’article 43 du projet de loi de finances pour 2016 en ce qui concerne le réaménagement des aides en direction des entreprises. Il existe, dans ce cadre, des secteurs d’activité prioritaires, dont les activités liées au tourisme font partie.
(Les amendements nos 233, 135 et 136 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 184 et 183, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour les soutenir.
M. Gaby Charroux. Ces amendements visent à encadrer plus fortement l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi par les entreprises, en associant les représentants du personnel, afin que les sommes accordées soient utilisées conformément à leur objet, c’est-à-dire au bénéfice de l’investissement et de l’emploi. De fait, il devient à nos yeux urgent d’encadrer plus strictement le dispositif. En effet, à l’heure actuelle, le droit du travail prévoit que les représentants du personnel exercent un contrôle sur l’utilisation du CICE à travers une consultation annuelle du comité d’entreprise. Ce contrôle reste pourtant bien théorique dans les faits. C’est pourquoi nous proposons d’élargir les attributions du comité de suivi régional, qui n’a aujourd’hui qu’un rôle informatif. Il se verrait confier la compétence de retirer ou de suspendre les aides accordées au titre du CICE lorsque les représentants du personnel constateraient une utilisation non conforme du crédit d’impôt. Cela permettrait de revenir à l’esprit originel du dispositif, à savoir que les aides sont conditionnées par des contreparties en termes d’emploi ou d’investissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jacques Krabal, rapporteur pour avis. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comment pourrait-on autoriser un comité de suivi régional, aussi respectable soit-il, à décider de l’octroi ou du refus d’un impôt ou d’un crédit d’impôt, puisque tous deux sont de même nature ? Ce serait là, à tout le moins, une innovation ! Avis défavorable.
(Les amendements nos 184 et 183, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 247 et 245, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Eva Sas, pour les soutenir.
Mme Eva Sas. Ces deux amendements visent à encourager l’apprentissage, sujet cher aux écologistes. C’est aussi l’une des priorités de la majorité, qui a fait de l’apprentissage une des mesures phares pour l’emploi des jeunes. Mais malgré cet engagement du Gouvernement et de la majorité, l’apprentissage recule : en 2014, le nombre d’apprentis a baissé de 3,2 %. Nous saluons la mesure en vigueur depuis le 1er juin 2015 en faveur des entreprises de moins de onze salariés. Néanmoins, il me semble qu’en mettant en place un crédit d’impôt, ce qui est l’objet de l’amendement no 245, ou en modulant l’engagement de l’État en fonction de l’âge, ce qui est l’objet de l’amendement no 247, nous pourrions donner un coup d’accélérateur à l’apprentissage, qui est le meilleur moyen de faire entrer les jeunes dans la vie active.
(Les amendements nos 247 et 245, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 704.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Conformément à l’engagement pris lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances devant votre assemblée, le présent amendement vise, en premier lieu, à augmenter le nombre de coefficients de localisation. Les coefficients actuels permettent de moduler les valeurs locatives de plus ou moins 10 % ou 15 %. Seraient ajoutés des coefficients permettant de moduler les valeurs locatives de plus ou moins 20 ou 30 %.
En second lieu, il vous est proposé d’instituer un mécanisme temporaire de limitation des variations de valeurs locatives. Les simulations menées cet été ont en effet montré que la révision entraînait de très fortes variations de bases pour certains locaux. Ce mécanisme réduirait de moitié les hausses et les baisses des valeurs locatives imposables et il opérerait pendant toute la durée du lissage, c’est-à-dire jusqu’en 2025. Vous avez en effet observé que nous proposons un lissage sur dix ans.
En troisième lieu, l’analyse des grilles tarifaires fixées par les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels et les commissions départementales des impôts directs locaux conduit à s’interroger sur la régularité de quelques tarifs. Afin d’éviter des contentieux et de ne pas retarder le processus de révision avant même sa mise en œuvre, il est proposé d’instituer une procédure de rectification des tarifs manifestement erronés, qui associe les élus locaux et les représentants des contribuables. Une telle procédure permettrait à l’administration fiscale de saisir la commission départementale des impôts directs locaux afin qu’elle modifie les tarifs erronés.
En dernier lieu, il est proposé de rectifier une erreur rédactionnelle qui conduit à appliquer l’abattement de 50 % pour affectation à un service public uniquement lorsque la valeur locative d’un immeuble est déterminée à partir de la valeur de reconstruction. Or cet abattement a naturellement vocation à s’appliquer à l’ensemble des propriétés affectées à un service public ou d’utilité générale dont la valeur locative est déterminée par voie d’appréciation directe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission, car il a été déposé après sa réunion.
M. Charles de Courson. Un de plus !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous avez raison, monsieur de Courson, je vais peut-être faire un comptage ! (Sourires.) Cela étant, il vise à améliorer le mécanisme de lissage. J’émets donc à titre personnel un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. J’ai présidé la commission départementale chargée de réviser les valeurs locatives dans la Marne – et j’avais déjà présidé la précédente il y a vingt-cinq ans, alors que je n’étais pas encore député. Soyons clairs : c’est un sujet indémerdable ! (Sourires.) Nous étions tous persuadés qu’en se recalant sur la valeur réelle des loyers, nous allions améliorer la justice fiscale. Or, ce n’est nullement le cas. Par exemple, cela a abouti à une baisse de 30, 40 voire 50 % des valeurs locatives des locaux des grandes surfaces, alors que le commerce de centre-ville connaît à l’inverse une hausse de 20 à 30 %, dans tous les départements ! Le lissage, qui est une bonne chose, ne résoudra pas ce problème de fond. C’est mécanique, c’est lié à l’état du marché.
Mon amendement no 514, qui sera bientôt examiné, traite de ce sujet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas opposé à votre amendement, qui revient à mettre un peu de vaseline ou, pour le dire autrement, à recourir aux fameuses burettes d’huile que les spécialistes de la fiscalité ont coutume d’employer pour faire passer les choses. Mais le problème de fond n’est pas là. Ne faudrait-il pas travailler à la définition d’une autre assiette ? En effet, la valeur locative ne reflète absolument pas la capacité contributive : elle n’a rien à voir. Tel est l’état de mes réflexions. On peut certes peaufiner la réforme actuelle, mais quel que soit le gouvernement, on suspendra une nouvelle fois son application, car elle se révélera intenable.
M. Bertrand Pancher. Belle démonstration !
(L’amendement no 704 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 638.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 638, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 657.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Également rédactionnel.
(L’amendement no 657, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 22.
Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai également présidé, dans le Jura, la commission départementale chargée d’évaluer les perspectives de ce dispositif. La situation est franchement étonnante, monsieur le secrétaire d’État. Certes, cet article et votre amendement apportent des corrections au dispositif de révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Le Gouvernement a réalisé plusieurs simulations dans des départements test en 2015. Mais la réalité est que l’on assiste à des transferts importants, et le mot est faible, entre contribuables.
En examinant les dix catégories retenues pour la révision des valeurs locatives, je note un paradoxe : les grandes et les très grandes surfaces sont les grandes gagnantes de la révision, puisqu’elles bénéficient, respectivement, d’une baisse de 31 % et de 22,5 %. Je ne sais pas si c’est à cela que l’on voulait aboutir, mais c’est en tout cas une réalité. Il n’en va pas du tout de même pour les maisons de retraite, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, et plus généralement pour les cliniques et établissements du secteur sanitaire et social qui relèvent du sous-groupe VIII – je ne parle même pas des établissements privés. Leur surtaxe va correspondre en moyenne à 83,2 %. On va presque doubler les bases d’imposition à ce titre ! Qui va payer ? Les résidents bien sûr, sur le prix de journée, qui est lui-même financé par les départements. Cela va être une charge pour les départements : telle est la réalité qu’il faut prendre en compte. L’amendement no 22 a simplement pour objet d’exclure les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du dispositif, faute de quoi le système ne pourra fonctionner.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais rassurer M. Pancher : le Gouvernement n’est pas terrassé par la difficulté de la tâche. S’il n’a pas répondu auparavant, c’est pour apporter des réponses à plusieurs amendements à la fois et gagner un peu de temps.
Madame Dalloz, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, votre amendement vise à exclure les EHPAD non pas du dispositif de révision des valeurs locatives, mais du dispositif proposé par le Gouvernement, que nous appelons entre nous par le terme un peu barbare de « planchonnement ». (Sourires.)
Cependant, la question que vous soulevez est importante, et elle me permet de répondre également à M. de Courson, en utilisant des mots un peu moins vulgaires que le sien.
M. Charles de Courson. Il est français !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Grâce au travail qui a été fait par l’administration et par les commissions, nous avons tous découvert ce que nous savions tous déjà, à savoir que les valeurs locatives, les bases d’imposition de l’ensemble des locaux de France sont complètement fausses.
M. Charles de Courson. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons donc entamé un travail ambitieux, de bénédictin, ai-je l’habitude de dire, pour obtenir des valeurs plus justes. Le nouveau système sera-t-il parfait ?
M. Charles de Courson. Non !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne sais pas, et je confesse que j’en doute. En tous les cas, les nouvelles valeurs s’approcheront davantage de la réalité physique que les anciennes.
Nous avons aussi découvert que certaines catégories posaient problème. Il y a même des problèmes au sein même des catégories : madame Dalloz, il y a des EHPAD qui y gagnent et d’autres qui y perdent. De même, monsieur de Courson, votre affirmation est inexacte, car vous avez pris comme référence ce qui s’est passé dans votre département. Les commerces de centre-ville subissent en moyenne, au niveau national, une hausse de 6 %.
M. Charles de Courson. Pas chez nous.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La réforme étant étalée sur dix ans, il ne s’agirait donc pas d’un bouleversement, contrairement à ce que vous dites.
Faut-il retenir une autre assiette que les valeurs locatives ? Il s’agit d’un impôt foncier. La valeur ajoutée doit-elle entrer en ligne de compte dans un impôt foncier ? Je n’en suis pas convaincu. De la même façon, les revenus doivent-ils être pris en compte dans le calcul de la taxe d’habitation ? C’est une vraie question.
M. Charles de Courson. C’est déjà le cas !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La taxe d’habitation est d’ailleurs plafonnée en fonction des revenus. Tout cela nous conduit à des débats philosophiques, mais de bonne philosophie…
Nous disposons de temps pour améliorer la réforme. Il ne vous a pas échappé en effet que l’amendement repousse d’un an sa mise en œuvre. Tout le monde s’y est cassé les dents. Nous tentons de la mener à bien. Nous avons fourni un travail important, les rapports ont été transmis à la présidence de la commission des finances lors de ma venue. Cet amendement a été déposé tardivement, je le concède, mais j’essaie habituellement d’éviter ce genre de pratiques. Je vous rappelle que j’avais évoqué en commission les principales dispositions inscrites dans cet amendement et que des contacts avaient été établis avec les administrateurs de votre commission pour échanger sur ce sujet en amont. Mais je reconnais bien volontiers ce caractère tardif, madame la rapporteure générale.
Quoi qu’il en soit, sur l’amendement de Mme Dalloz, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends ce que vous dites, monsieur le secrétaire d’État : peut-être la rédaction de mon amendement n’est-elle pas parfaite, mais au moins a-t-il le mérite de poser la question.
Vous affirmez que certaines maisons de retraite y gagnent et que d’autres y perdent. Au vu des éléments exposés dans le rapport de Mme la rapporteure générale et de l’analyse d’impact, les maisons de repos, maisons de retraite et locaux assimilés connaîtraient une hausse moyenne de cotisation de 83,2 %. Pour que certains établissements parmi eux soient gagnants, il faut donc que leur cotisation baisse de 200 % ou 300 % !
Quant aux petites surfaces de centre-ville, les boutiques et magasins de rue d’une surface inférieure à 400 mètres carrés connaîtraient une hausse de cotisation de 101 %. Cela correspond à un doublement en moyenne. Une moyenne suppose des écarts, bien sûr, mais si l’on ne tient pas compte de cela, on va droit dans le mur avec cette réforme.
M. Charles de Courson. Exact !
Mme Marie-Christine Dalloz. Lisser sur dix ans au lieu de cinq et repousser la réforme d’un an sont deux bonnes mesures, mais ce ne sera pas suffisant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Ce débat nous renvoie à celui sur la dotation globale de fonctionnement, y compris sur la forme d’ailleurs, puisque l’article 20 vise à reporter à 2017 la révision des valeurs locatives des seuls locaux professionnels. J’espère que nous mènerons enfin ce processus à son terme, car c’est un des serpents de mer des finances publiques. J’ajoute que, compte tenu de la masse de travail effectuée par nos services depuis 2010, année où a été lancé ce projet de réforme, il serait regrettable de tout jeter et de repartir à zéro.
Je m’interroge cependant sur un point. On sait que les grandes surfaces, les supermarchés et les hypermarchés, seront les grands gagnants, même si le système de « planchonnement » évoqué par M. le secrétaire d’État aura pour conséquence de limiter leurs gains. Ne peut-on pas réfléchir à un moyen, par le biais de la TASCOM – taxe sur les surfaces commerciales – par exemple, de geler le montant payé aujourd’hui par ces établissements, qui s’en acquittent actuellement sans problème ?
Mme la présidente. Monsieur de Courson, vous demandez la parole, mais vous l’aurez de toute façon juste après pour défendre un de vos amendements…
M. Charles de Courson. Mais je veux soutenir l’amendement de Mme Dalloz, madame la présidente !
M. Joël Giraud. Bien essayé, madame la présidente !
M. Charles de Courson. Nous avons également découvert qu’un problème se posait dans l’enseignement privé : certains établissements bénéficient d’un commodat ou d’un droit d’usage quasiment gratuit sur les locaux. L’administration fiscale refuse de considérer les commodats et s’appuie plutôt sur une valeur de marché.
M. François André. Voilà cinq fois que vous l’évoquez !
M. Charles de Courson. Le problème est identique. J’avais déposé l’année dernière des amendements qui ont été repoussés. Mais vous verrez les représentants de l’enseignement privé se rendre au ministère de l’éducation nationale pour expliquer à la ministre qu’ils ne peuvent pas payer !
Mme la présidente. Bref, monsieur de Courson, vous êtes favorable à l’amendement de Mme Dalloz, c’est bien cela ?
M. Charles de Courson. Il est vrai que techniquement, il ne fonctionnera pas, mais le problème soulevé est bien réel.
(L’amendement no 22 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 514.
M. Charles de Courson. Notre fiscalité locale, héritée du XIXe siècle, est archaïque. Ce que l’on connaissait alors, c’était les terres et les bâtiments. La fiscalité, en particulier les quatre vieilles, a donc été fondée sur l’existence de la perception d’un revenu, que ce soit des entreprises ou des particuliers. À partir du début du XXe siècle, nous avons tout de même évolué.
Je ne dis pas cela en visant l’actuel gouvernement, et M. Eckert le sait, car le problème dépasse les gouvernements. La question que je me pose est de savoir si l’on ne pourrait pas élaborer une autre assiette au lieu de s’acharner sur les valeurs locatives cadastrales, qui ne sont absolument pas représentatives des facultés contributives. La valeur ajoutée, par exemple, est déjà prise en compte par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Pourquoi ne pas les fusionner, en majorant à due concurrence ? C’est une piste. Mais quelles seraient les autres pistes pour alimenter les collectivités locales avec une assiette territorialisée ? Le rapport proposé par l’amendement a pour but de mener une réflexion sur ce sujet.
(L’amendement no 514, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 20, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 469.
M. Charles de Courson. Il s’agit de rappeler la promesse de M. Sapin selon laquelle il n’y aurait pas d’impôt supplémentaire en 2015. On en crée ici un nouveau. Simple petite observation de méthode.
(L’amendement no 469, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 534, 536 et 542, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont rédactionnels, madame la présidente.
(Les amendements nos 534, 536 et 542, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement no 132.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement propose d’exonérer les locaux à usage de bureaux en cours de construction relevant d’une innovation que les Franciliens trouvent très intéressante : ils accueillent du télétravail ou du coworking. Comme nous sommes confrontés à une saturation des transports en commun, de plus en plus de collectivités créent des locaux à proximité des gares, où les gens peuvent travailler. Dans les cas où, comme lundi dernier, il est recommandé de ne prendre ni sa voiture ni les transports en commun, travailler dans ce type de locaux est commode. De telles initiatives se développent actuellement en Île-de-France. Elles sont très intéressantes. Leur appliquer la redevance pour création de locaux à usage de bureaux risque de les rendre impossibles compte tenu du niveau de celle-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement pose un problème. La taxe est payée à la construction des locaux. Or, rien ne dit alors qu’ils serviront à du télétravail : ils pourront servir à d’autres activités économiques. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis pour les mêmes motifs.
(L’amendement no 132 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement no 133.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je m’étendrai un peu sur cet amendement, qui est très important. L’article 21 procède à une modification des tarifs forfaitaires de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux. Cette recette n’est pas perçue par l’État mais alimente le budget de la région, l’Île-de-France en l’occurrence, pour laquelle elle représente environ 130 millions d’euros par an. La tarification proposée par l’article 21 aboutit à ce paradoxe que dans certains secteurs, la taxe représentera deux à trois fois la charge foncière.
La redevance est payée lorsque l’on engage la construction de locaux à usage de bureaux, de commerces ou d’entrepôts. Vous imaginez bien, chers collègues, qu’une taxe certes payée une seule fois mais représentant à elle seule deux à trois fois le montant de la charge foncière, c’est-à-dire l’acquisition du terrain et son aménagement, ne peut pas fonctionner ! Il en résulte que les opérations ne pourront pas être réalisées. En particulier, certaines opérations aujourd’hui prévues pour des gares dans le cadre du Grand Paris Express ne pourront pas être réalisées. Il en ira de même dans les communes cherchant à construire des bureaux car elles subissent un déséquilibre entre habitants et emplois. Ces communes ne sont pas particulièrement favorisées. Par exemple, la ville de Bagneux, qui compte surtout des logements, fera payer une redevance de 400 euros par mètre carré pour une charge foncière de 200 euros. Comment voulez-vous que cela fonctionne ?
Le même problème, quoique moins ample, se posera dans certains arrondissements du nord de Paris. Là où la charge foncière est de 7 000 euros, comme au cœur de Paris dans le huitième arrondissement, faire payer une redevance de 400 euros est plausible. Mais là où la charge foncière est, comme dans les arrondissements du nord de Paris, le dix-neuvième et le vingtième, de 1 000 ou 2 000 euros, une redevance à 400 euros ne fonctionne pas !
Il s’agit donc vraiment d’un amendement de bon sens, rappelant qu’il faut plafonner la redevance en fonction de la charge foncière. La profession demande un plafond à 15 %. Je propose 30 %. Mais je le dis ici : si nous n’introduisons pas ce plafonnement, les opérations ne se feront pas, et ce sera très problématique pour le budget de la région, qui tient compte des opérations à réaliser. Si elles ne le sont pas, la recette sera évidemment nulle.
D’autre part, la modification est applicable à compter du 1er janvier. Elle percute donc des bilans ou des contrats déjà établis – car en matière d’urbanisme les procédures sont longues – dont certains par des aménageurs publics comme la Ville de Paris ou telle ou telle commune, notamment des Hauts-de-Seine. Je me trouve d’ailleurs dans une situation un peu paradoxale car je suis élu du Val-de-Marne, qui est plutôt favorisé par cette réforme, et défends plutôt la cause de communes situées dans les Hauts-de-Seine, voire d’arrondissements du nord de Paris. Bref, cet amendement me semble tout à fait réaliste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est défavorable, plus en raison de la technicité du dispositif proposé que du fond. À titre personnel, j’émets un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le problème soulevé n’est pas stupide. Je rappelle que tout ce recentrage de la taxe sur les locaux à usage de bureaux est issu d’un travail mené autour du préfet de région, qui a plusieurs fois réuni les élus à cette fin. Votre solution a un temps été envisagée mais il s’est avéré que les secteurs où le poids de la taxe sur la création de locaux à usage de bureaux excède 30 % de la charge foncière totale se situent essentiellement dans les nouvelles zones 2 et 3, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le président de la commission des finances, où le montant de la taxe est réduit par rapport à l’état du droit existant. Il est parfois divisé par 2,5, ou par 8, voire même complètement supprimé hors de l’aire urbaine.
Le groupe de travail réuni autour du préfet de région a donc considéré que le problème ne se pose quasiment plus. S’il s’avère que cet aspect de la réforme ne remplit pas ses objectifs, des travaux seront menés avec l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France afin d’étudier la mise en place éventuelle d’un tel plafonnement. Il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir mais du constat que votre souhait est plutôt satisfait par la différenciation des tarifs et en particulier l’abaissement du tarif dans de nombreuses zones. Le cas échéant, il pourra y avoir des corrections ultérieurement. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Julie Sommaruga.
Mme Julie Sommaruga. J’associe à la défense de mon amendement mes collègues Alexis Bachelay et Jean-Marc Germain et tiens aussi à saluer le travail effectué par François Pupponi dans le cadre de la commission sur ce sujet. Cet amendement propose de maintenir en troisième circonscription toutes les communes attributaires à la fois de la dotation de solidarité urbaine – DSU – et du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France – FSRIF – et ce indépendamment de leur situation géographique. Ces villes, qui relèvent très souvent de la politique de la ville, bénéficient d’un régime dérogatoire qui les classe automatiquement dans la troisième circonscription tarifaire, ce qui permet de soutenir la création de locaux d’activité dans ces communes ayant souvent de faibles recettes de fiscalité professionnelle, afin de contribuer à un rééquilibrage territorial en la matière.
Je comprends que le Gouvernement souhaite rationaliser la redevance pour création de locaux à usage de bureaux, mais il n’en demeure pas moins que les inégalités au sein même des départements doivent être prises en compte. Dans mon département des Hauts-de-Seine, vous conviendrez que le développement économique n’est pas le même à Puteaux et à Bagneux, ville de ma circonscription ! J’ajoute que la suppression du régime dérogatoire irait à l’encontre des dispositions votées au cours des derniers mois et des dernières semaines en faveur de l’attractivité économique des territoires défavorisés, en particulier les fonds alloués à l’agence France entrepreneur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.
Mme la présidente. Vous avez défendu un amendement qui viendra juste après en discussion, madame Sommaruga, mais le sujet est le même.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je pense que le président Carrez a raison. Le problème se pose surtout pour la zone 1, c’est-à-dire Paris intra-muros et les Hauts-de-Seine, car les secteurs n’y ont pas tous les mêmes caractéristiques. Il y a des quartiers défavorisés au sein de Paris comme il y a des quartiers favorisés dans les Hauts-de-Seine. Mieux vaudrait donc s’inspirer de la proposition du président Carrez afin de faire payer en fonction de la réalité du territoire concerné.
Prenons l’exemple très précis d’un quartier des Hauts-de-Seine relevant de l’ANRU. On y verse des primes à l’installation, on y institue des zones franches, on y finance l’implantation d’entreprises. Comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que l’on y taxe l’entreprise qui s’implante de 400 euros par mètre carré pour construire des locaux à usage de bureaux ? C’est pourtant le texte qui va être voté !
On voit bien qu’il existe des situations atypiques nécessitant un traitement atypique. La proposition de M. le secrétaire d’État ouvre la possibilité de trouver une solution rapide. Faut-il attendre 2017 ou peut-on trouver une solution avant ? Pour les zones 2 et 3, les propositions de l’article vont dans le bon sens. Pour la zone 1, c’est-à-dire Paris et les Hauts-de-Seine, il soulève une difficulté insurmontable pour les acteurs économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mme Sommaruga a présenté en fait son amendement no 533, qui vise à exclure de la majoration tarifaire, qui peut aller jusqu’à 400 euros, les communes éligibles à la DSU et au FSRIF, ce qui est le cas de Bagneux ou de Clamart, communes dont la charge foncière moyenne est de 200 euros.
Je crois qu’on ne s’en sortira pas en effectuant des découpages internes, fondés sur le critère de l’éligibilité à la DSU ou au FSRIF. À mon sens, le bon critère, c’est la charge foncière. Dans un quartier ANRU, elle est très faible, de l’ordre de 150 euros. Avec un mécanisme tel que celui que je propose à l’amendement no 133, le montant de la taxe ne pourra excéder 30 % de ces 150 euros. Cette approche me semble plus en adéquation avec le terrain qu’une approche administrative qui retiendrait un critère tel que l’éligibilité à la DSU. Mais ces amendements traitent du même sujet.
(L’amendement no 133 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 191, 533, 328 et 192, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 191 et 533 sont identiques ; les amendements nos 328 et 192 également.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 191.
M. Patrice Carvalho. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai également l’amendement no 192. L’article 21 entend réformer la redevance pour création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux ou de stockage et prévoit de supprimer la dérogation tarifaire appliquée dans les communes éligibles à la DSU et bénéficiaires du FSRIF. Or cette dérogation tarifaire est un enjeu majeur pour certaines communes d’Île de France, comme Bagneux ou Gennevilliers. Elle contribue à l’équilibre du territoire en incitant à la création de locaux d’activité dans des communes qui, bien que situées dans des départements riches, connaissent des difficultés économiques et sociales, et ont de faibles ressources en matière de fiscalité professionnelle.
La suppression progressive de cette dérogation aurait des conséquences très négatives pour ces communes et pénaliserait l’attractivité et la création d’activité dans ces territoires. Comme l’a indiqué M. le président de la commission des finances, la redevance, qui est actuellement de 92 euros par mètre carré, passerait à 400 euros, sans que les communes limitrophes ne connaissent la même augmentation.
Nous demandons donc le maintien durable de ces dérogations. L’amendement no 191 propose de classer ces communes éligibles à la DSU et au FSRIF dans la troisième circonscription. L’amendement de repli no 192, dont le contenu a été adopté en commission, ce que nous saluons, propose de les classer dans la deuxième circonscription.
Mme la présidente. La parole est à Mme Julie Sommaruga, pour soutenir l’amendement no 533, identique au no 191.
Mme Julie Sommaruga. Il a été défendu.
Mme la présidente. Toujours dans la discussion commune, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 328 et 192.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 328 de la commission des finances.
M. François Pupponi. Il s’agit de revenir à la situation antérieure, en plaçant les communes doublement éligibles à la DSU et au FSRIF de la première circonscription, soit sept communes des Hauts-de-Seine, dans la deuxième, afin qu’elles échappent à la surtaxation. Au lieu de passer à 400 euros par mètre carré, elles resteraient donc à 80. Toujours pour en revenir à la situation antérieure, les communes de la deuxième circonscription seraient classées dans la troisième circonscription.
L’amendement no 133 qui vient d’être adopté modifie tout ce dispositif. Je suggère toutefois que nous votions en faveur du présent amendement, qui a été adopté par la commission des finances : nous verrons bien ce que cela donnera comme rédaction.
Mme la présidente. Les services de la commission des finances confirment que l’adoption de l’amendement no 133 ne fait pas tomber les amendements que nous sommes en train d’examiner.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement identique no 192.
M. Patrice Carvalho. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je propose à leurs auteurs de retirer les amendements nos 191 et 533, au profit des amendements identiques nos 328 et 192.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette redevance, je le rappelle, profite à la région Île-de-France. Le Gouvernement a repris les propositions d’un groupe de travail réuni autour du préfet de région, qui nous ont paru être consensuelles. Par principe, le Gouvernement n’est pas favorable au détricotage de ce travail. Mais in fine, c’est le législateur qui décide.
Certes, la solution du plafonnement à 30 % avait été évoquée, mais n’avait pas été retenue pour les raisons que j’ai indiquées. Le plafonnement répond me semble-t-il aux attentes des communes éligibles au DSU et au FSRIF. Je doute à ce sujet que les entreprises sachent identifier ces communes au moment où elles prendront la décision d’investir… Bref, avis défavorable sur les quatre amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Cela fait plusieurs années que nous jouons aux apprentis sorciers sur ce sujet. Il s’agit maintenant, après avoir adopté l’excellent amendement de M. Carrez, que nous attendions depuis deux ans, de voter les amendements identiques nos 328 et 192 en se disant qu’on verra bien ce que ça donne !
Je suis frappé par le choix, historique, d’appliquer une logique de zonage, qui ne correspond pas du tout à l’attractivité des communes en matière de desserte et de transports en commun. Cela pénalise les communes éloignées de la capitale, qui ne disposent pas d’un réseau de transports en commun, et qui doivent trouver des ressources particulières pour attirer les entreprises.
Je suis très inquiet. Cela fait cinq ans que nous réfléchissons sur le sujet, avec des groupes de travail qui réunissent tous les acteurs, qui sont tous de bonne volonté, et nous en sommes toujours à jouer aux apprentis sorciers ! Comme l’a dit le secrétaire d’État, quelle entreprise sera réellement en mesure de savoir si une commune est éligible à la DSU et au FSRIF ? Est-il responsable, après avoir travaillé pendant cinq ans, de voter des amendements au dernier moment, sans évaluation ni étude d’impact ? Sur un sujet majeur, lié à la création d’emplois, on ne sait pas où l’on va. La manière de travailler du Parlement m’inquiète beaucoup.
M. Bertrand Pancher. Absolument !
M. Charles de Courson. On ne sait pas où on va, mais on y va !
Mme la présidente. Monsieur Carvalho, retirez-vous l’amendement no 191 ?
M. Patrice Carvalho. Je le retire.
(L’amendement no 191 est retiré.)
Mme la présidente. Madame Sommaruga, retirez-vous l’amendement no 533 ?
Mme Julie Sommaruga. Oui, au profit du no 328.
(L’amendement no 533 est retiré.)
(Les amendements identiques nos 328 et 192 sont adoptés et l’amendement no 610 tombe.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 551, 557, 560, 566, 570, 573, 577 et 620.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont rédactionnels.
(Les amendements nos 551, 557, 560, 566, 570, 573, 577 et 620, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L’article 21, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements rédactionnels, nos 370 et 376.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont défendus.
(Les amendements nos 370 et 376, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 23.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.
(L’amendement no 23, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 22, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements rédactionnels, nos 382 et 407.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont défendus.
(Les amendements nos 382 et 407, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L’article 23, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 406.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Amendement de précision.
(L’amendement no 406, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 329 rectifié, 72 et 423, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 329 rectifié et 72 sont identiques.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 329 rectifié de la commission des finances.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à permettre aux nouveaux EPCI issus d’une fusion de revenir sur le principe de l’intégration fiscale progressive. L’extension des compétences peut en effet entraîner une forte augmentation des taux de taxe d’habitation, de taxe foncière bâtie et non bâtie et de cotisation foncière des entreprises. Les communes qui avaient déjà des taux élevés parce qu’elles appartenaient à des EPCI très intégrés continuent de les voir augmenter largement, alors que les communes membres d’EPCI qui avaient moins de compétences sont moins touchées. Il s’agit de permettre aux EPCI issus d’une fusion de supprimer la procédure d’intégration fiscale progressive en cours ou de réduire sa durée, sans que la période d’intégration ne puisse excéder douze ans.
Mme la présidente. Je vous invite à défendre également l’amendement no 72.
Mme Jeanine Dubié. Il est identique. Je le retire.
(L’amendement no 72 est retiré.)
Mme la présidente. Vous gardez la parole, madame Dubié, pour soutenir l’amendement no 423.
Mme Jeanine Dubié. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je retire l’amendement no 329 rectifié de la commission des finances, au profit de l’amendement no 423.
(L’amendement no 329 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement no 423.
(L’amendement no 423 est adopté.)
(L’article 24, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement n° 134 rectifié.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement vise à lever une ambiguïté dont sont victimes certains départements. Vous savez peut-être qu’une part de la taxe d’aménagement, cette nouvelle taxe qui a remplacé la taxe locale d’équipement, est affectée aux départements. Certains d’entre eux ont délibéré pour créer cette taxe, mais n’ont pas adopté de délibération l’année suivante pour la reconduire. Ils se trouvent dans une situation difficile. Cet amendement prévoit qu’en l’absence de délibération, la taxe est automatiquement reconduite d’une année sur l’autre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement car l’article L. 331-2 du code de l’urbanisme qu’il vise porte sur la part communale et non sur la part départementale de cette taxe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ajoute que le système que vous proposez, monsieur le président de la commission, est déjà en vigueur. D’après notre analyse, votre amendement est satisfait. Indépendamment du défaut signalé par Mme la rapporteure générale, il mériterait d’être retiré.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si cet amendement est mal rédigé, je le retire.
(L’amendement no 134 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 330 et 105 rectifié.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 330 de la commission des finances.
Mme Christine Pires Beaune. Les communes dotées d’un plan local d’urbanisme peuvent percevoir la taxe d’aménagement, mais elles peuvent aussi y renoncer pour une période de trois ans. Aux termes de cet amendement, ce renoncement ne serait plus valable en cas de création d’une commune nouvelle.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 105 rectifié.
M. François Pupponi. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est bienvenu : avis favorable.
(Les amendements identiques nos 330 et 105 rectifié sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Gilles Lurton. Pour financer leur service public de gestion des déchets, les collectivités territoriales peuvent avoir recours soit à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères – TEOM – soit à une redevance. Si elles ont recours à la TEOM, elles peuvent exonérer certaines entreprises qui n’utilisent pas le service public de ramassage des déchets, mais un service privé qu’elles financent elles-mêmes.
Nous nous sommes aperçus que dans le cadre législatif actuel, une société qui posséderait deux établissements distants d’une dizaine de kilomètres et dépendant de deux syndicats de déchets ménagers distincts pourrait être exonérée de la TEOM pour l’un et y être assujettie pour l’autre, alors que dans les deux cas elle assume seule la collecte et le traitement de ses déchets, comme elle en a la possibilité. Je propose, par cet amendement, de corriger ce problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement propose de supprimer la possibilité, pour les communes, de percevoir la TEOM sur les parties de leur territoire où le service d’enlèvement des ordures ménagères ne fonctionnerait pas. Plusieurs questions se posent. Premièrement, la TEOM est une taxe, pas une redevance : elle n’a donc pas besoin d’être adossée à un service rendu aux usagers. Deuxièmement, il est plus simple, pour certaines communes, de la percevoir sur l’ensemble de leur territoire. Troisièmement, le dispositif que vous proposez réduirait la liberté de décision en la matière des conseils municipaux. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout à fait d’accord : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton. J’avoue ne pas comprendre en quoi cet amendement restreindrait la liberté des conseils municipaux. En l’état actuel du droit, les collectivités peuvent exonérer de la TEOM certaines entreprises. C’est cette situation que vise mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Votre amendement veut interdire aux communes de prélever la taxe s’il n’y a pas enlèvement des ordures ménagères.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton. Non, il veut donner la possibilité aux collectivités territoriales d’exonérer les deux entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais sa rédaction n’aboutit pas à cela.
(L’amendement no 46 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements, nos 388, 389, 390, 391 et 392, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour les soutenir.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements sont tous rédactionnels. L’amendement no 391 est à la fois rédactionnel et de coordination.
(Les amendements nos 388, 389, 390, 391 et 392, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L’article 25, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 259 et 228, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 259.
Mme Eva Sas. Cet amendement vise à permettre aux régions qui le souhaitent d’instaurer une taxe régionale sur les poids lourds. Nos collègues alsaciens ont dit, au début de la discussion dans cet hémicycle, à quel point ils sont volontaires pour mettre en place une telle taxe dans leur région, de façon à juguler le trafic qui l’étouffe. Il s’agit ici de permettre aux régions qui le souhaitent, dans le cadre de la directive Eurovignette, d’instaurer une taxe sur les poids lourds au niveau régional.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies, pour soutenir l’amendement no 228.
M. Philippe Bies. Nous poursuivons la discussion que nous avons entamée hier soir avec l’article 11, et nous en arrivons à des éléments plus concrets. Cet amendement vise à permettre, à titre expérimental, aux exécutifs régionaux qui seront désignés d’ici la fin du mois – un décret fixerait la liste des collectivités admises pour cette expérimentation – d’instaurer, sur la base du volontariat une contribution transport territoriale, qui en aucun cas ne doit être comprise comme une nouvelle écotaxe : nous avons bien compris que l’écotaxe est définitivement enterrée !
Pourquoi cet amendement ? Non seulement nous sommes en pleine COP21, réunie pour lutter contre la pollution et le réchauffement climatique, mais, dans le contexte des élections régionales, j’ai entendu beaucoup de candidats, de tous les bords, promettre la mise en œuvre de cette contribution transport, que cela soit Valérie Pécresse ou Claude Bartolone en Île-de-France, Philippe Richert ou Jean-Pierre Masseret pour la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, ou encore les candidats en lice pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Je pourrais évoquer d’autres régions encore, mais les deux dernières que j’ai citées ont la particularité d’être frontalières et de subir le déferlement de milliers de camions, en tout cas pour l’Alsace et la Lorraine, depuis 2005 et l’instauration de la LKW Maut, la taxe allemande sur les poids lourds. La Belgique a décidé de mettre en place, au 1er avril 2016, une taxe similaire qui pénalisera la région Nord-Pas-de-Calais.
L’objectif de cet amendement est de fixer le cadre législatif de cette expérimentation, d’en déterminer les contours de manière technique. Pour le rédiger, j’ai repris un certain nombre de conclusions de la mission sur l’écotaxe qu’a présidée notre excellent collègue Jean-Paul Chanteguet, par ailleurs signataire de cet amendement. Ainsi, aux termes de cet amendement, le Gouvernement pourra fixer par décret, en laissant aux territoires le temps de discuter de cette question, le nom des collectivités concernées, qui devront être volontaires, et les modalités techniques définitives.
Je conclus cette présentation trop rapide en formulant simplement le souhait que l’on fasse confiance à nos territoires !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’article 34 de la Constitution nous impose de définir « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. » Avec l’amendement no 259, cela ne serait pas le cas : avis défavorable.
L’amendement no 228 ne présente pas ce défaut. Il s’agit donc de savoir s’il est opportun d’instaurer à nouveau une forme de taxe sur les poids lourds. La commission des finances a examiné cet amendement selon la procédure prévue à l’article 88 du règlement et elle lui a donné un avis défavorable, même en l’absence de problème d’ordre rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’expérience de l’écotaxe au niveau national peut être diversement commentée.
M. Charles de Courson. Expérience douloureuse !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous en parlerez à M. Le Fur, chers collègues de l’opposition, il vous expliquera tout cela ! (Sourires.)
Il y a donc là un passé, pour ne pas dire un passif. Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a clairement rejeté l’idée d’une taxe régionale, fût-elle à l’initiative des collectivités elles-mêmes. Pour des raisons de cohérence, le Gouvernement conserve la même position : défavorable à ces deux amendements. Le premier pose un problème d’ordre rédactionnel, qui le rendrait inopérant. Quant au second, le Gouvernement y est opposé, moins pour des raisons de forme que de fond.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Ceux qui fréquentent ce Parlement depuis quelques années se souviennent que nous avons commencé par la « taxe Bur », du nom d’un de nos collègues alsaciens, et applicable uniquement l’Alsace. Pourquoi cela ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Parce qu’ils aiment les taxes, les Alsaciens !
M. Charles de Courson. Parce que, comme l’a expliqué notre collègue, tous les camions allemands passaient par la France pour aller en Suisse, afin de ne pas payer la taxe allemande.
Nous nous sommes dit que ce n’était pas possible, qu’il fallait étendre cette taxe à la Lorraine. Par parenthèse, la taxe Bur n’a jamais été mise en œuvre : la loi se contentait de permettre une expérimentation, qui n’a jamais été réalisée. En effet, si l’on avait instauré la taxe en Alsace, les camions auraient pris l’axe lorrain, la voie rapide chère à notre ex-collègue Eckert. Et une fois le système étendu à la Lorraine, ils seraient passés sur l’autoroute A26, en Champagne-Ardenne.
Bref, on ne peut instaurer une telle taxe sans une coordination à l’intérieur et à l’extérieur de la France. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que l’on ne fait rien en France et que l’on constate une déferlante sur les axes nord-sud, au moins dans le Grand Est…
Mme la présidente. J’en conclus, mon cher collègue, que vous ne voterez ni l’amendement no 259 ni le no 228…
M. Charles de Courson. La conclusion pratique est en effet que l’on ne peut voter ni l’un ni l’autre. Il faut une négociation et une coordination au niveau de l’Europe. Sinon, ce n’est pas possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Je confirme que l’amendement no 259, clairement inconstitutionnel, devrait être retiré. Je ne reviendrai sur ce que j’ai dit à ce sujet dans cet hémicycle.
Quant à l’amendement no 228, il l’est probablement moins mais il pose un problème d’opportunité politique. Je ne crois pas qu’à quatre jours du premier tour des élections régionales, et quel que soit le contenu du programme des différents candidats, nous puissions légiférer ainsi dans la précipitation. Il sera toujours temps de voir, après le résultat des élections, ce qu’il en sera.
Et face à ceux qui pensent, dans la période que traverse le pays, que le vote d’un tel amendement presque en catimini, sur un sujet aussi important, pourrait attirer des voix, moi, je ne crains qu’une seule chose : que le mot « taxe » à lui seul suffise à renforcer certaines tendances que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à combattre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Charles de Courson. Eh oui, ce serait encore une taxe !
Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement no 259, madame Sas ?
Mme Eva Sas. Oui, madame la présidente, car je pense au contraire qu’il constitue une opportunité très intéressante pour l’ensemble des régions. Je m’inscris en faux contre le grief d’inconstitutionnalité, puisque l’amendement définit les modalités de fixation de l’assiette et du taux. Je veux bien entendre certaine choses, mais pas sur cet aspect rédactionnel.
En l’occurrence, j’entends l’objection visant l’opportunité d’instaurer cette taxe. C’est un point de désaccord et nous l’affirmons ici. Mais je maintiens cet amendement parce que je persiste à penser qu’il n’y a aujourd’hui aucune raison de ne pas mettre en place un dispositif déjà en vigueur dans plusieurs pays européens.
Mme Marie-Christine Dalloz. N’en rajoutez pas, ma chère collègue !
Mme Eva Sas. Je l’ai dit à plusieurs reprises, les poids lourds représentent 25 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Bizarrement, ils sont complètement épargnés par l’ensemble des mesures de transition énergétique. Il n’y a aucune raison de ne pas laisser les régions qui le souhaitent adopter une taxe poids lourds régionale.
Mme la présidente. Que décidez-vous pour l’amendement no 228, monsieur Bies ?
M. Philippe Bies. Je ne le retirerai pas. J’entends les divers arguments, y compris au sujet de l’opportunité politique, mais je m’interroge alors sur l’attitude de certains, parlementaires ou non, qui font cette proposition dans le cadre de la campagne des élections régionales…
L’objectif de cet amendement n’est évidemment pas d’instaurer une taxe – il ne s’agit d’ailleurs pas d’une taxe mais d’une « contribution transport territoriale » –…
Mme Marie-Christine Dalloz. Ça s’appelle autrement mais c’est la même chose !
M. Philippe Bies. …mais de la rendre possible, sur la base du volontariat des exécutifs qui seront élus, sachant que certains candidats l’ont proposée. Ni plus, ni moins !
Plutôt que d’agiter l’épouvantail de certains votes, nous devrions être cohérents entre nous, c’est-à-dire entre ceux qui proposent et ceux qui ont la charge de rendre ces propositions possibles par le biais de la loi. C’est pourquoi je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. Je vous donne très brièvement la parole, monsieur Pancher, car votre groupe s’est déjà exprimé sur ces amendements.
M. Bertrand Pancher. Il y a autant de projets d’infrastructures qu’il y a de régions, et il y a eu autant de promesses que de passages de membres du Gouvernement dans les collectivités. Sauf que rien ne sera financé tant qu’il n’y aura pas de moyens.
Aussi, l’idée me plaît de permettre, au titre de l’autonomie des régions ou du droit à l’expérimentation, de s’appuyer ou non sur tel mode de financement. C’est cela, le débat démocratique !
Mon ami Charles de Courson craint l’émergence de systèmes différents, petite région par petite région. Mais n’oublions pas que les nouvelles régions sont très vastes, et qu’on peut supposer qu’elles s’accorderont entre elles pour mettre en place de tels dispositifs. Laissons aux régions leur autonomie ! Le décentralisateur que je suis ne peut qu’être séduit par l’idée.
(Les amendements nos 259 et 228, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly