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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 13 juin 2016

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Élection d’une députée

M. le président. Le président de l’Assemblée nationale a reçu aujourd’hui du ministre de l’intérieur une communication l’informant que, le dimanche 12 juin 2016, Mme Stéphanie Pernod Beaudon a été élue députée de la troisième circonscription de l’Ain.

2

Conditions d’octroi de l’autorisation d’émettre

de la chaîne Numéro 23

Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Bruno Le Roux, M. Marcel Rogemont, Mme Martine Martinel, M. Patrick Bloche et plusieurs de leurs collègues relative à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente (nos 3711, 3798).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, mes chers collègues, le spectre hertzien fait partie du domaine public et reste une ressource rare. Seul l’État peut mettre des fréquences à la disposition temporaire et conditionnelle d’acteurs publics et privés pour diffuser leurs programmes.

Afin que les attributions de fréquences en matière audiovisuelle échappent aux accusations de partialité, le législateur a mis en place des règles et procédures ayant pour objet d’assurer une pluralité des opérateurs dans le respect de l’utilité publique. Il a confié la tâche de les délivrer et d’en contrôler l’utilisation à une autorité publique indépendante, appelée aujourd’hui Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA.

Cependant, les révélations de certains agissements liés à l’octroi, le 3 juillet 2012, d’une autorisation d’émettre à la société éditant la chaîne de télévision Numéro 23, à son retrait par décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 14 octobre 2015, puis à l’annulation subséquente de cette dernière décision par le juge administratif dans un arrêt du 30 mars 2016 ne peuvent que pousser la représentation nationale à s’interroger.

Avant même la décision d’annulation, j’avais eu l’occasion de soulever ces interrogations fondamentales sur le déroulement de la procédure d’attribution et de gestion d’une autorisation d’émettre dans le rapport d’information sur l’application de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Aussi les députés membres du groupe socialiste, écologiste et républicain ont-ils déposé la présente proposition de résolution relative à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente.

Conformément à notre règlement, il revient à la commission de se prononcer sur la recevabilité juridique de la proposition de résolution et sur l’opportunité de créer cette commission d’enquête.

S’agissant de la recevabilité, la création d’une commission d’enquête est soumise à plusieurs conditions. Premièrement, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent, en application de l’article 137 du règlement de l’Assemblée, « déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ». Cet impératif est satisfait par l’intitulé de la commission d’enquête qui résulterait de l’adoption de la proposition déposée par les députés du groupe SER ainsi que par le dispositif de la résolution.

La commission d’enquête aurait à se pencher sur trois types de faits : les circonstances dans lesquelles une autorisation d’émettre a été octroyée à la société Diversité TV France pour diffuser la chaîne Numéro 23, les contrôles mis en œuvre envers la société titulaire de l’autorisation pour vérifier le respect des engagements qu’elle a souscrits, notamment dans les documents présentés à l’appui de sa candidature et dans la convention signée avec le CSA, et, enfin, les conditions dans lesquelles ont évolué l’actionnariat et le contrôle de la société titulaire de l’autorisation, ainsi que les moyens et les actions mis en œuvre par le CSA dans ce cadre.

Deuxièmement, en application du premier alinéa de l’article 138 de notre règlement, « Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission […] ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre ». Tel n’est pas le cas ici, la proposition de résolution remplit donc ce critère de recevabilité.

Enfin, troisièmement, en application du deuxième alinéa de l’article 139 du règlement de notre assemblée, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, a été interrogé par le président de l’Assemblée nationale. Dans sa réponse du 31 mai, il signale qu’une procédure visant des faits de trafic d’influence et de corruption est actuellement ouverte, s’intéressant aux conditions d’octroi des autorisations d’émettre, mais qu’à ce jour, la société Diversité TV France n’est pas mise en cause dans cette procédure. Il a dès lors indiqué laisser à l’Assemblée nationale le soin d’apprécier si l’existence de cette procédure est de nature à faire obstacle à la création de la commission d’enquête.

Au vu de ce nihil obstat, j’estime que cette procédure ne fait pas en soi obstacle à la création d’une commission d’enquête, à condition que celle-ci s’abstienne de faire porter ses investigations sur des faits qui feraient l’objet de la procédure judiciaire engagée.

S’agissant de l’opportunité de la création de la commission d’enquête, je me contenterai de rappeler que la présente proposition de résolution a été déposée à la suite de trois événements nécessitant l’ouverture d’une enquête sur les conditions d’octroi, de contrôle et de régulation de l’autorisation d’émettre sur le réseau numérique terrestre au service de télévision qui sera dénommé Numéro 23.

L’information livrée par le garde des sceaux signalant que d’autres faits liés à l’attribution de fréquences et extérieurs à cette affaire font l’objet d’une information judiciaire et pourraient relever des incriminations de trafic d’influence ou de corruption ne fait que renforcer la nécessité d’examiner celle-ci en détail pour en tirer les conséquences utiles.

À la suite d’un appel à candidatures pour la diffusion de six nouvelles chaînes de télévision numérique terrestre – TNT – le CSA a délivré le 3 juillet 2012 à la société TVous La Télédiversité, devenue Diversité TV France, une autorisation d’émettre pour diffuser une chaîne à partir du 12 décembre 2012.

De façon inédite, les conventions signées le même jour avec les sociétés retenues comportaient chacune une disposition interdisant au titulaire de l’autorisation de « procéder à aucune modification de l’organisation juridique ou économique de la société titulaire de l’autorisation qui aurait pour effet de modifier le contrôle direct de ladite société » pendant un délai de deux ans et demi à compter de la signature, sauf autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

L’autorisation octroyée a vocation à permettre d’exploiter une chaîne de télévision dans le temps et non de procéder à une cession après moins de deux années de diffusion. La diffusion a en effet commencé le 12 décembre 2012 à douze heures, douze minutes, douze secondes ; au mois de mars 2013, déjà, le mandataire social de cette société allait chercher de l’argent autre part…

Le 9 avril 2015, soit trois mois après l’expiration du délai prévu par la convention du 3 juillet 2012, la société Diversité TV et le groupe NextRadioTV ont déposé auprès du CSA une demande d’agrément de la vente de Diversité TV pour la somme de 88,3 millions d’euros. À l’occasion de l’instruction par le CSA de ce projet de cession, des agissements condamnables ont été mis à jour.

Premièrement, moins de six mois après le lancement effectif, les actionnaires se sont rapprochés d’un investisseur russe pour signer un pacte d’actionnaires. Pourtant, lorsqu’une chaîne connaît quelques difficultés, elle se rapproche généralement d’un groupe qui est dans l’audiovisuel et non pas à l’extérieur, en l’occurrence un fonds de pension russe…

Deuxièmement, le pacte a été dissimulé au CSA jusqu’en avril 2015. Cela révèle que l’actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France a, dès le mois de mai 2013, soit cinq mois seulement après la première diffusion, et en contradiction avec les objectifs affirmés dans sa candidature, cherché avant tout à valoriser à son profit l’autorisation administrative dont bénéficiait la société, et ce dans la seule perspective d’une cession de son capital social à un nouvel actionnaire.

Quand une société perd une dizaine de millions par an, sa valeur commerciale ne peut pas être de 88,3 millions ! Ce montant de 88,3 millions d’euros proposé pour la cession du contrôle de Diversité TV est donc apparu peu en rapport avec la situation financière de la société, ses pertes et son plan d’affaires prévisible. Il en découle que « la valorisation de la société Diversité TV, telle qu’elle ressort du projet de vente soumis au Conseil, repose, à titre principal, sur la valeur de l’autorisation administrative qui lui a été attribuée ».

Constatant que les démarches menées représentent un abus de droit à caractère frauduleux, qui ne peut conduire qu’à remettre en cause le choix opéré par le CSA en délivrant une autorisation d’émettre à Diversité TV, le régulateur a décidé de manière exceptionnelle, le 14 octobre 2015, de retirer purement et simplement cette autorisation d’émettre à compter du 30 juin 2016, comme l’y autorise le premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986.

À la suite d’un recours pour excès de pouvoir de la société Diversité TV France, le Conseil d’État a estimé, dans son arrêt du 30 mars 2016, qu’il ne résultait pas de l’instruction « qu’une fraude à la loi, de nature à justifier le retrait de l’autorisation, soit démontrée en l’espèce », alors que son rapporteur public avait conclu à l’existence d’une violation, délibérée et avec dissimulation, des obligations légales.

Bien que le Conseil d’État ait rappelé que, selon un principe général du droit, une décision administrative obtenue par fraude ne créait pas de droits au profit de son titulaire et pouvait être retirée à tout moment par l’autorité qui l’a délivrée, il a également relevé qu’il revenait au CSA de démontrer, par un faisceau d’indices, l’existence de la fraude. Or le CSA a expliqué ne pas disposer des moyens d’investigation nécessaires pour assurer un tel contrôle, ainsi encadré par le juge administratif.

L’affaire de la chaîne Numéro 23 soulève ainsi des interrogations fondamentales sur la manière dont une autorité publique indépendante a pu exercer ses missions d’attribution et de gestion des fréquences, mais aussi sur son rôle et les moyens à sa disposition dans le contrôle du respect des obligations, tant légales que conventionnelles, par les diffuseurs, missions qui lui ont été confiées par le législateur.

Enfin, il est clair que l’accès aux informations utiles permettant au Parlement de tirer les conséquences de cette affaire nécessite le recours aux pouvoirs d’investigation d’une commission d’enquête.

J’invite donc mes collègues ici présents à adopter cette proposition de résolution, qui fera date puisque c’est une résolution qui, pour la première fois, met en cause une autorité administrative indépendante dans l’exercice de ses missions. Il appartient effectivement au Parlement de vérifier que les autorités administratives indépendantes fonctionnent dans le cadre des missions que nous leur confions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Gilda Hobert. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Martinel.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président, mes chers collègues, le 18 octobre 2011, le CSA, présidé par Michel Boyon, lançait un appel à candidatures pour attribuer sur la TNT gratuite six nouveaux canaux susceptibles d’enrichir le paysage audiovisuel par leur apport thématique. Il devait s’agir de chaînes qualitatives dites de complément. La chaîne Numéro 23 visait la promotion de la diversité : TVous La Télédiversité était d’ailleurs sa marque initiale. Les ambitions affichées devaient combler l’absence des diversités de tous ordres sur les chaînes historiques.

En 2012, dans un rapport sur les avances à l’audiovisuel public, j’avais noté que, si la diversité des origines, la diversité sociale, celle relative à l’orientation sexuelle ou le handicap n’étaient pas assez présents dans le paysage audiovisuel, on pouvait avoir des doutes sur l’opportunité d’une chaîne fondée uniquement sur les diversités avec pour cible un public qui en était issu. Cette offre, à l’heure où nous évoquons tous le vivre ensemble, me semblait et me semble toujours relever du ghetto caricatural.

Dès 2012, la presse s’était largement fait l’écho du cas particulier de Numéro 23, chaîne attribuée à une personne physique, ayant en tout et pour tout réuni 11 000 euros de capital de départ, qui avait immédiatement cherché et opportunément trouvé à revendre le canal qui venait de lui être attribué, pour la modique somme de 88,3 millions d’euros.

Ainsi que je l’avais dénoncé dans mon rapport, tout comme les principales sociétés d’auteurs et de producteurs, la convention de Numéro 23 prévoyait en toutes lettres sa revente, après seulement deux ans et demi d’exploitation du canal.

Lorsque l’on observe la grille des programmes de Numéro 23, on mesure que la chaîne a surtout recyclé des programmes obsolètes et de piètre qualité achetés aux chaînes historiques, des sous-programmes américains, souvent mal traduits, des émissions de téléréalité, comme « Ink Master » sur le tatouage, quelques documentaires sur des phénomènes surnaturels et une seule émission de flux, « Rocking Chair ».

En outre, un pacte d’actionnaires a été scellé de façon assez opaque avec un oligarque russe – en contradiction totale avec la loi de 1986, qui limite à 20 % les participations extracommunautaires – quelques sociétés du CAC 40 et l’ex-émir du Qatar. Ces opérations se sont déroulées, sans que ni le régulateur, ni la représentation nationale n’en soient informés, d’octobre 2013 à avril 2016.

Fort de toutes ces raisons, le CSA, désormais présidé par Olivier Schrameck, a décidé en octobre 2015 d’abroger l’autorisation de diffusion de Numéro 23, tant il y avait eu de modifications depuis la première autorisation d’émettre, de l’entrée de M. Ousmanov au capital de la chaîne à la revente de Numéro 23 à SFR en passant par le pacte d’actionnaires signé le 21 octobre et dissimulé durant dix-huit mois au CSA. Ce dernier a également souligné que la valorisation financière de Numéro 23 était tout à fait hors de propos et qu’elle ne reposait effectivement que sur la valeur de l’autorisation qui lui avait été donnée quelques mois plus tôt.

Toujours est-il que le CSA a considéré qu’une telle démarche était constitutive d’un abus de droit entaché de fraude, en contradiction avec la finalité poursuivie par le législateur. En effet, le principe de gratuité d’occupation du domaine public hertzien audiovisuel, dont la protection constitue un impératif constitutionnel, répond au principe fondamental de pluralisme garanti par la loi du 30 septembre 1986 et il ne vise pas à asseoir la valeur financière de la personne morale titulaire de la fréquence.

Alors que la rapporteure publique du Conseil d’État reprenait en toute logique l’essentiel de cette argumentation, le Conseil d’État, estimant que la fraude n’était pas démontrée, n’a pas suivi cet avis et a ainsi permis à Numéro 23, chaîne de très faible audience, de continuer à émettre et d’être revendue comme prévu à SFR, à peine une semaine plus tard.

Bien entendu, il ne s’agit pas, pour la représentation nationale, de se faire juge de la plus haute juridiction administrative. Mais le Conseil d’État, aussi inattendue que soit sa décision, n’a jamais dit qu’il n’y avait pas fraude, mais seulement qu’il était dans l’incapacité de la démontrer, cet impératif incombant au CSA. Or, lors de sa récente audition par la commission des affaires culturelles, présidée par Patrick Bloche, le président du CSA a déclaré que son conseil n’avait pas davantage de moyens d’investigation.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, il s’impose de voter la création de cette commission d’enquête, non pas pour nous livrer à des attaques personnelles inconvenantes, mais simplement pour nous éclairer sur les mécanismes qui ont permis la revente éclair de cette chaîne et, par esprit d’éthique, parce qu’il est inadmissible de spéculer ainsi sur l’argent public, pour éviter que cela ne se reproduise impunément. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, mes chers collègues, nous savions que notre rapporteur était un homme de culture, mais nous ignorions jusqu’à présent qu’il adopterait à la lettre la recette de l’un des anciens administrateurs de l’Assemblée nationale, Michel Houellebecq : « Je suis toujours un peu dans l’exagération, c’est ma méthode. » (Sourires.)

Nous voici en effet à l’ultime étape de la création d’une commission d’enquête, dont l’initiative revient à notre rapporteur, un peu dans l’excès de ses jugements, et soutenue avec modération nous a-t-il semblé par le groupe socialiste, écologiste et républicain, sur les conditions d’octroi par le CSA d’une autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente.

Comme vous le savez, le groupe Les Républicains, l’ensemble de ses membres ne sont pas pleinement convaincus du choix de la méthode : nous considérons la création de cette commission d’enquête comme une arme lourde et disproportionnée par rapport à l’enjeu réel de ce dossier, tout comme son intitulé qui ne correspond pas à la réalité puisque le titulaire de l’autorisation est toujours en place et conserve le contrôle de la chaîne, même si NextRadioTV, le groupe d’Alain Weill, est devenu actionnaire minoritaire à hauteur de 39 %.

Notre questionnement est donc multiple. À quoi au juste cette commission doit-elle aboutir ? Que ou qui cherche-t-on à dénoncer ? Le moment n’est-il pas législativement trop tardif ?

Sans vouloir refaire l’historique de ce dossier, c’est avec un exposé des motifs très à charge que Marcel Rogemont dénonce « un cas d’école qui a contribué à jeter le discrédit sur l’ensemble de la politique audiovisuelle ». C’est là que, selon nous, vous êtes excessif, monsieur le rapporteur, car il ne s’agit en aucune façon d’une affaire d’État, même si, comme vous, nous nous étions émus, en son temps, du projet de revente de la fréquence de Numéro 23.

De même, le rapporteur part du principe que la décision du Conseil d’État ne suffit pas à mettre fin à toute suspicion concernant cette affaire. Il semble estimer que la chaîne 23 s’est servie de la diversité comme d’un prétexte pour obtenir une fréquence gratuite, dont l’opération de cession financière aurait été planifiée depuis le départ.

Cette position s’appuie en partie sur l’arrivée de l’actionnaire russe au capital de Numéro 23 dès 2013, auquel il est supposé que la chaîne aurait promis une revente rapide. Elle s’appuie aussi sur le fait que Numéro 23 n’aurait pas brillé par la créativité de ses programmes. Or, ces deux arguments n’ont pas été retenus par le Conseil d’État qui considère que la fraude n’était pas établie au moment de l’attribution et annule ainsi la décision du CSA retirant son autorisation d’émettre à la société exploitante. Pourquoi ne pas considérer que cette décision suffit à mettre fin à la suspicion ?

Par ailleurs, est-ce bien à l’Assemblée nationale, par le biais d’une commission d’enquête, de venir chercher à rattraper, en quelque sorte, ce que le Conseil d’État n’a pas voulu suivre ? Cette création ne revient-elle pas à contester sa décision ? La question reste posée.

De même, si le rapporteur jette un doute sur les intentions du dirigeant de Numéro 23, il en jette également un, par ricochet, sur la diligence du CSA et sa capacité à remplir ses missions. Le rapporteur estime que seul le Parlement peut recueillir des informations, tant sur les actions de la société Diversité TV que sur une supposée négligence du CSA. Si l’on peut partager l’idée que c’est au Parlement d’exercer un contrôle démocratique de l’action des autorités administratives indépendantes en général et du CSA en particulier, se pose toutefois la question de la pertinence de la création de cette commission d’enquête après la décision du Conseil d’État.

Enfin, la teneur de la notification que n’a pas manqué d’effectuer le garde des sceaux sur la création de cette commission d’enquête, en vertu de l’article 139 de notre règlement, démontre aussi une certaine réserve, puisqu’il laisse, à vous seul, le soin d’apprécier si l’existence d’une procédure en cours est de nature à faire obstacle à la création de la commission envisagée. Vous m’accorderez, monsieur le rapporteur, qu’en guise d’enthousiasme, on a vu mieux ! (Sourires.)

Pour terminer, et comme j’ai pu déjà l’évoquer en commission, n’y a-t-il pas un problème de temps législatif, puisque, depuis le début de cette affaire, trois évolutions législatives sont intervenues pour parer certains vides juridiques : la loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, la loi de finances pour 2016, et enfin la proposition de loi sur l’indépendance des médias, dont la CMP se déroulera demain? La création de la commission d’enquête revient à ignorer le travail déjà effectué par le Parlement, ce qui nous semble un peu paradoxal.

Si les recommandations qui auraient pu émaner de la commission d’enquête sont déjà prises, il est à craindre qu’il ne s’agisse que d’une mission à charge, dans le but de mettre en difficulté les anciens et actuels responsables du CSA et d’imposer par la suite un renforcement de ses prérogatives.

Monsieur le président de séance, je vous sais lecteur de Jean Rostand, qui a dit qu’il était inutile d’employer un thermomètre de haute précision pour prendre la température d’un fantôme. (Sourires.) Le groupe Les Républicains s’abstiendra donc sur cette proposition de résolution.

M. le président. Merci, monsieur Kert, pour toutes ces citations. La parole est à M. Laurent Degallaix.

M. Laurent Degallaix. Trois ans après l’adoption de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public et quelques mois après l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, force est de constater qu’il est compliqué de trouver un équilibre en matière d’audiovisuel public. Pire, il y a près d’un an, la polémique autour du rachat de la chaîne Numéro 23 a profondément mis à mal les fondements mêmes de cette politique. Il est de notre devoir, à présent, de faire toute la lumière sur cette affaire.

La première question qui nous vient à l’esprit est la suivante : comment expliquer aux Français, qui sont à la fois téléspectateurs et contribuables, qu’un bien public a été cédé gratuitement pour être revendu à un aussi bon prix ? Comment justifier que l’attribution gratuite d’une fréquence du domaine public ait conduit à une spéculation financière et à une plus-value de plus de 88 millions d’euros ?

Les fréquences TNT sont des biens rares. On ne peut tolérer que, deux ans et demi à peine après son lancement, cette chaîne change de mains et que cette transaction rapporte une somme très importante à ses actionnaires. Aussi, nous espérons que cette commission d’enquête soit l’occasion de mieux prévenir ces actions spéculatives autour des chaînes de télévision de la TNT.

Lors de l’examen du projet de loi Macron, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au Sénat, avait déjà proposé une première piste afin de sanctionner la revente de la chaîne de la TNT, en augmentant la taxe sur la revente des fréquences TNT de 5 à 20 %. Adoptée en définitive dans la loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, cette avancée devrait permettre de lutter contre la spéculation lors de la revente des chaînes de la TNT.

Grâce à cette disposition, le CSA peut tenir compte du respect des obligations conventionnelles de programmation par l’éditeur de services durant les deux années précédentes, lorsqu’il examine la demande d’agrément à la suite d’une modification du contrôle direct ou indirect de la société titulaire de l’autorisation. En effet, outre la dénonciation de cette plus-value, on peut s’interroger sur le respect des engagements pris lors de l’attribution de la fréquence en termes de création et de ligne éditoriale. Alors que la chaîne Numéro 23 devait être dédiée à la diversité, l’étude publiée par le CSA en juillet 2015 a recensé seulement 2,7 % du temps de diffusion consacré à cette thématique en 2014.

Si le groupe UDI soutient la création d’une telle commission d’enquête, nous formulons pourtant une réserve importante : il ne faudrait pas qu’elle conduise à augmenter les pouvoirs du CSA. Nous émettons depuis longtemps de sérieuses réserves sur l’indépendance du Conseil, en raison notamment des modalités de nomination de ses membres, et nous constatons à regret qu’il éprouve de grandes difficultés à s’acquitter de ses missions traditionnelles, à savoir veiller au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion.

Aussi, dans la mesure où la question de sa place est particulièrement sensible et politique, nous veillerons, tout en soutenant cette résolution, à ce que les conclusions de la commission ne poursuivent pas le dessein, qui existe depuis 2012, d’un renforcement des prérogatives du CSA.

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Nous n’allons pas refaire l’historique des péripéties et multiples rebondissements qui ont jalonné le parcours de Numéro 23 : sa création ; la revente d’une partie de ses actions, quinze mois après, pour 88,3 millions d’euros, à un investisseur russe ; la décision du CSA de retirer à cette chaîne la fréquence qu’elle lui avait accordée gratuitement ; et enfin la décision du Conseil d’État qui, contre l’avis même de ses rapporteurs, a désavoué le CSA. En tout état de cause, chacune des étapes de l’affaire de la chaîne Numéro 23 et de sa société éditrice, Diversité TV France, nécessite des éclaircissements. Je le dis sans ambages, notre groupe soutiendra pleinement cette proposition de résolution que nous devons à nos collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, et qui est relative à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’octroi, par le CSA, de l’autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et sur les circonstances de la vente de certaines de ses actions.

Comme le souligne le rapport de Marcel Rogemont, « S’agissant d’une autorité publique indépendante, seul le Parlement est à même de recueillir des éléments d’information » sur les faits évoqués. Une commission d’enquête ne pourra se voir opposer la confidentialité de la procédure et des comptes rendus du CSA, ni celle des documents internes de la société Diversité TV France. Nous sommes d’accord sur ce point. Mais après que la lumière aura été faite sur l’affaire concernant Diversité TV France et sa chaîne Numéro 23, le groupe RRDP souhaite qu’une réflexion plus large soit engagée sur le rôle du CSA, l’étendue de ses prérogatives en matière d’attribution de fréquences, son pouvoir de contrôle, ses possibilités de sanction en cas de manquements et, in fine, sa réelle indépendance.

Créé par la loi n89-25 du 17 janvier 1989, modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA est chargé de garantir la liberté de la communication audiovisuelle en France. À ce titre, il est investi de plusieurs missions, parmi lesquelles le respect de l’expression plurielle des courants d’opinion et l’attribution impartiale des fréquences, en garantissant la pluralité des opérateurs dans le respect de l’utilité publique. En outre, cette instance doit veiller à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises sur les antennes. Or force est de constater que le pluralisme fait souvent défaut au paysage audiovisuel français et que la promotion de la culture française est plus que timorée, sinon oubliée sur la TNT.

Qui, en effet, peut distinguer l’identité propre des chaînes comme Numéro 23, Chérie 25, D17, W9 ou encore NT1 ? Toutes, indifféremment, présentent quasi exclusivement des rediffusions de séries américaines ou des programmes de téléréalité. L’uniformisation semble être la règle, pour des chaînes qui déroulent au kilomètre des contenus bien éloignés des critères qui devraient guider le CSA dans l’octroi des fréquences audiovisuelles. Celles-ci sont détenues par quatre grands groupes, TF1, Canal+, M6 et NRJ Group, qui se taillent la part du lion : quatorze chaînes gratuites de la TNT sur dix-huit, hors service public – France TV, Arte et la Chaîne parlementaire. Alors quand surgit un groupe indépendant, comme Diversité TV France, les quatre rivaux se retrouvent ensemble pour crier à l’injustice et dénoncer la fraude.

Il n’est pas question ici de remettre en cause l’éventualité d’une attitude frauduleuse de la part de Diversité TV France : il faut pour cela attendre les conclusions de la commission d’enquête parlementaire. Mais cette opportune union des adversaires illustre les raisons pour lesquelles la concentration des médias dans la presse écrite a été combattue, justement, il y a quelques décennies. Le rôle du CSA, rappelons-le, est de veiller au pluralisme du paysage audiovisuel français. Il y a eu là une défaillance manifeste. En démocratie, le rôle des médias, en particulier audiovisuels, est fondamental. Le téléspectateur ne peut être considéré comme un simple consommateur non avisé : il doit jouir d’un éventail de choix. C’est d’ailleurs cette pluralité que l’opérateur Diversité TV France promettait lors de sa candidature auprès du CSA pour obtenir une fréquence.

Le perdant de l’histoire, c’est le téléspectateur, qui se voit proposer du quantitatif au détriment du qualitatif. Le groupe des députés radicaux de gauche est attaché à la libre expression de la diversité des opinions. Le CSA a un rôle essentiel en la matière, en particulier sur le plan déontologique. Aussi faut-il lui en donner les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur. Je voudrais remercier Martine Martinel, auteure de plusieurs rapports sur le sujet, d’avoir soutenu ma démarche depuis l’origine. Monsieur Kert, nous n’ignorons pas les événements qui entourent l’affectation de Numéro 23. Il n’en demeure pas moins que la représentation nationale se doit d’éclaircir l’ensemble du processus, ne serait-ce que pour pouvoir éventuellement légiférer. Laurent Degallaix nous demandait si l’on serait susceptible de modifier le fonctionnement du CSA : cela n’est pas interdit et reste possible. Dans les conclusions de cette commission d’enquête, l’on s’interrogera naturellement sur le fonctionnement de cet organisme et si vous participez à ses travaux, monsieur, vos lumières seront essentielles. Je remercie aussi Gilda Hobert pour son soutien. L’étendue du pouvoir de contrôle du CSA sera au cœur de la commission d’enquête. Cette autorité administrative indépendante n’a manifestement pas fonctionné comme elle aurait dû. Il est donc naturel que nous allions au bout de cette interrogation.

Vote sur l’article unique

M. le président. Je mets aux voix la proposition de résolution.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)

M. le président. La demande de création d’une commission d’enquête est adoptée à l’unanimité.

Afin de permettre la constitution de la commission d’enquête dont l’Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l’article 25 du règlement, avant le vendredi 17 juin 2016 à quinze heures, le nom des candidats qu’ils proposent. La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

3

Protection du crédit immobilier

dans le cadre des négociations de Bâle

Discussion d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Bruno Le Roux, Mme Audrey Linkenheld et plusieurs de leurs collègues, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle (n3782).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, chers collègues, près de huit ans après l’éclatement de la crise des subprimes aux États-Unis, les signes d’une reprise économique se dessinent enfin dans notre pays. Car si cette crise financière de 2008 trouvait son origine aux États-Unis, notamment dans les prêts immobiliers accordés aux ménages américains au début des années 2000, ses conséquences, on le sait, furent internationales. D’une crise bancaire, elle s’était muée en une crise des dettes souveraines, frappant ensuite l’Europe de plein fouet. Dans ce contexte, la France a été à l’avant-garde des initiatives entreprises pour la stabilisation puis pour la consolidation de la zone euro, et à travers elle de l’Union européenne. Une union bancaire a ainsi été instaurée en 2012, reposant sur plusieurs piliers, au premier rang desquels le mécanisme de résolution unique, qui doit permettre d’éviter que les contribuables européens n’aient à nouveau à payer pour les défaillances du secteur bancaire.

Parallèlement à l’action des États, des mesures ont été prises par les professionnels de la banque et de la finance eux-mêmes. Ainsi le Comité de Bâle, qui réunit soixante banques centrales dans le monde, a adopté un nouveau corpus de mesures prudentielles applicables aux banques, comprises dans l’accord dit de « Bâle III ». En renforçant notamment le niveau des garanties demandées aux banques en matière de capitaux propres, ces mesures ont constitué une réponse indispensable pour que ne se reproduisent pas les dérives ayant conduit à cette crise de 2008, d’une ampleur inédite.

Si je présente aujourd’hui cette proposition de résolution, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, c’est parce que le Comité de Bâle réfléchit à un nouveau cortège de mesures pour consolider le système bancaire. Plus précisément, il réalise actuellement des travaux relatifs à la pondération des expositions des banques en fonction des risques. Bien sûr, l’idée d’une régulation renforcée ne peut que nous réjouir à l’heure où nous débattons, dans cette maison, de modernisation et de transparence économiques. Alors que les taux d’intérêt sont historiquement bas, il serait irresponsable de ne pas songer aux conséquences d’un mouvement haussier, surtout s’il devait être brutal. Mais cette volonté d’anticipation et de régulation n’a de sens que si elle respecte les intérêts économiques nationaux et ceux des consommateurs. Il ne saurait y avoir de régulation bancaire sur le dos des États ou des citoyens.

Or les éléments qui nous parviennent du Comité de Bâle nous font craindre des répercussions négatives pour la France et en particulier pour son secteur immobilier. En France, les crédits à l’habitat représentent plus de 80 % des crédits accordés aux particuliers et un encours total de 868 milliards d’euros. Ces crédits fonctionnent bien, comme en témoigne leur taux de défaut extrêmement réduit, moins de 1 %, qui fait de la France le pays d’Europe qui présente le taux d’impayés le plus faible, selon le Haut Conseil de stabilité financière.

Rappelons que ce système français de financement de l’habitat repose très majoritairement sur des prêts à taux fixe à long terme qui, d’une part, sont octroyés après une analyse de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs et, d’autre part, sont garantis par une caution. Ce système est efficace parce qu’il repose sur ces trois piliers.

Les prêts sont généralement à taux fixe : c’est le cas de 85 % de notre encours et de 90 % de notre flux annuel de crédit. Les ménages français qui s’engagent dans l’accession à la propriété sont ainsi protégés des variations des taux pouvant intervenir sur les marchés.

Nos crédits immobiliers sont par ailleurs basés sur une appréciation par la banque de la solvabilité directe des emprunteurs. Ce modèle diffère de la pratique en vigueur aux États-Unis, qui avait été l’un des déclencheurs de la crise des subprimes, puisque la capacité du client à rembourser y est jaugée au regard de la valeur du bien acquis. En France, la situation financière du futur emprunteur fait l’objet d’une analyse, afin de lui proposer un financement adapté à ses revenus et à ses charges. Cela permet d’ouvrir l’accession à la propriété aux catégories modestes et moyennes dès lors que le bien est à la portée de leur portefeuille mais sans les exposer fortement aux risques financiers.

Enfin, le modèle français repose principalement sur un mode de garantie fiable et peu coûteux pour le particulier, le cautionnement. Cela signifie qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le remboursement sera d’abord assuré par l’organisme de cautionnement. Seuls un tiers des prêts à l’habitat font l’objet d’une hypothèque.

Nul ne conteste que, face à un encours majoritairement à taux fixe et à des niveaux historiquement bas des taux, les banques françaises doivent se prémunir d’une brusque remontée de ces derniers. Mais l’amélioration des réglementations internationales ne doit pas signifier la standardisation des systèmes bancaires nationaux, dont les particularismes doivent être pris en compte quand ils correspondent à des réalités économiques nationales.

M. Daniel Goldberg. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld. Le modèle du financement de l’habitat en vigueur en France dispose d’atouts spécifiques que nous voulons conserver, plus encore au moment où la construction neuve reprend, ainsi que les transactions dans l’immobilier ancien. Nous nous réjouissons à cet égard que les régulateurs mondiaux n’aient pas retenu une approche radicale, dite de « pilier 1 », qui aurait conduit à imposer une mesure standardisée du risque de taux et des exigences minimales en fonds propres.

Mais les conséquences de l’approche de « pilier 2 » nous inquiètent. Certes, cette approche donne une place plus importante aux modèles internes et à l’appréciation des superviseurs nationaux, mais elle impose aussi le respect de certains critères, ou tout du moins de certains objectifs, qui pourraient être uniformisés.

Nous continuons de craindre que les travaux du Comité de Bâle ne contraignent les établissements bancaires français à modifier radicalement leur politique d’octroi des crédits immobiliers. Une telle remise en cause du système français de financement de l’habitat aurait pour effet principal d’exclure les ménages les plus modestes de l’accès au crédit.

Avec cette proposition de résolution, le groupe socialiste, écologiste et républicain souhaite que la régulation respecte les histoires et les réussites nationales, et il entend partager cette position avec l’ensemble de la représentation nationale.

Le modèle français, qui a largement fait ses preuves, doit être préservé. Particulièrement protecteur pour l’emprunteur, il permet une distribution responsable du crédit immobilier et s’avère sûr financièrement, puisque le taux de défaut est extrêmement réduit. Il est au cœur du financement de l’habitat et les ménages le plébiscitent largement, comme le montre la progression dynamique des crédits immobiliers en 2015. Ce modèle ne doit pas être remis en cause sur l’autel d’une standardisation des systèmes bancaires.

Aussi, nous souhaitons que la gestion du risque de taux continue d’incomber aux établissements bancaires français et que ceux-ci conservent la possibilité d’attribuer des prêts immobiliers sur la base d’une analyse préalable de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs. Nous demandons également que le Comité de Bâle reconnaisse le cautionnement comme un mécanisme de garantie équivalent à l’hypothèque.

Formulées de façon très technique, élaborées au sein d’une instance ne disposant d’aucun espace d’échange et de dialogue avec les parlements nationaux, les propositions que le Comité de Bâle formulera prochainement pourraient emporter des conséquences importantes pour notre pays et son économie et constituer un frein à la reprise et à la production de logements, alors même que cette dernière redémarre.

C’est pourquoi nous estimons que la publication de la version définitive du nouveau mode de calcul des risques pris par les établissements bancaires devra être précédée d’une étude d’impact quantitative prenant en considération les caractéristiques de chacun des marchés. Nous estimons également que les calibrages des propositions de révision devront obligatoirement être ajustés au regard des résultats de cette étude. Nous souhaitons, par conséquent, que le Comité de Bâle réexamine le calibrage global après que l’ensemble des travaux seront achevés.

Ce sont les populations, notamment les plus modestes, qui ont été les plus durement frappées par la crise financière de 2008. Ce sont elles qu’il s’agit de protéger. Il ne serait pas acceptable pour notre pays qu’un modèle de financement de l’habitat ayant fait ses preuves puisse être sacrifié afin de satisfaire à une volonté d’uniformisation des standards bancaires.

Nous demandons donc que la France, par la voix de ses représentants au Comité de Bâle que sont la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, puisse faire état de nos préoccupations. Nous demandons aussi, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement fasse preuve de la plus grande vigilance à l’égard de ces travaux, qui devraient s’achever à la fin de l’année avant de faire l’objet d’une déclinaison au niveau européen.

À la veille de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, dont le titre II est consacré à l’habitat, nous ne pourrions accepter une telle menace contre le financement du logement dans notre pays. Aussi, je vous appelle, chers collègues, à voter le plus largement possible cette proposition de résolution, ainsi que l’ont fait nos collègues sénateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, en guise d’introduction, je me propose de lire ce beau passage de Je l’aimais, d’Anna Galvada, qui redonne beaucoup d’humanité à des idées que nous pourrions exposer ici de façon très technique : « Le piège, justement, c’est de croire qu’on est amarré. On prend des décisions, des crédits, des engagements et puis quelques risques aussi. On achète des maisons, on met des bébés dans des chambres toutes roses et on dort toutes les nuits enlacés. On s’émerveille de cette…. Comment disait-on déjà ? De cette complicité. Oui, c’était ça qu’on disait, quand on était heureux. Ou quand on l’était moins… »

Je vous le dis d’emblée, les députés du groupe Les Républicains voteront cette proposition de résolution, comme leurs collègues du Sénat le 18 mai.

Mme Audrey Linkenheld et M. Daniel Goldberg. Très bien !

M. Christian Kert. Il nous semble en effet important que le Parlement soutienne de façon unanime le modèle français de crédit immobilier, qui pourrait être déstabilisé à moyen terme, ce qui ne serait pas supportable.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le Comité de Bâle a établi, en réponse à la crise financière de 2008, un corpus de mesures prudentielles applicables aux banques. Je vous ferai grâce du détail des nouvelles règles de l’accord Bâle III : leur technicité, il faut bien l’avouer, les adresse à un tout petit nombre de spécialistes. Pour faire court et simple, disons que Bâle III doit permettre aux banques d’éviter une nouvelle crise et d’atteindre un niveau de sécurité optimal pour la sûreté de leurs millions de clients.

Des travaux sont actuellement menés pour modifier les dispositions de Bâle III. Les modifications envisagées pourraient avoir des conséquences très concrètes sur le modèle français du crédit immobilier.

Ce modèle repose actuellement sur quelques principes simples. Pour commencer, des taux fixes ou des taux révisables plafonnés : 85,5 % des encours de prêts à l’habitat sont à taux fixes de long terme. Les ménages peuvent ainsi envisager sereinement le remboursement de leur crédit, sur plusieurs années, sans la mauvaise surprise d’une augmentation brutale des taux. Ensuite, la garantie du cautionnement, qui est plus sûre et moins chère pour le client que l’hypothèque. Enfin, et surtout, des conditions d’emprunt pour apprécier la solvabilité de l’emprunteur et ses capacités à rembourser.

Il s’agit là de la responsabilité première des banques, qui bénéficie à chaque partie : les banques s’assurent d’être bien remboursées selon les termes de l’emprunt ; les emprunteurs savent qu’ils ont la capacité de rembourser. Il est en effet indispensable que l’emprunt immobilier soit adapté à chaque profil, afin que l’emprunteur ne coure pas le risque de ne plus pouvoir payer les factures à la fin du mois. Ces conditions fonctionnent puisque, comme nous le savons, ce n’est bien souvent pas le crédit immobilier qui est la source des difficultés financières dans les dossiers de surendettement, mais le crédit à la consommation.

Avec ses bases solides, le modèle français du crédit immobilier est au cœur du financement de l’habitat des ménages, puisque les crédits à l’habitat représentent 80 % des crédits accordés en France. En raison de taux actuellement bas, ces crédits ont connu une progression de plus de 4 % en 2015.

Les modifications envisagées de Bâle III pourraient remettre en cause les principes que je viens d’énumérer. Ainsi, les crédits à taux variables pourraient être préférés aux crédits à taux fixe sur du long terme, que le Comité de Bâle considère comme plus risqués pour les banques. Mais alors, le risque serait reporté sur les clients, ce que nous voulons bien sûr éviter. Ensuite, l’hypothèque pourrait s’imposer face au cautionnement. Enfin, de nouveaux critères concernant le taux d’endettement, et notamment la mise en place d’un ratio entre le montant du prêt et la valeur d’achat du logement, rendraient plus difficile encore l’accession à la propriété, en particulier pour les primo-accédants et ceux qui n’ont pas d’apport personnel. En imposant ces nouvelles règles, les banques devraient changer leur offre de crédit immobilier. Et ce seraient les clients qui paieraient l’addition, passez-moi l’expression ! L’accès au crédit serait alors plus difficile.

Permettez-moi de profiter de cette tribune pour ouvrir une parenthèse sur l’accès au crédit des personnes qui, en raison d’aléas de la vie, présentent un risque de santé aggravé ou un handicap. Ce sujet nous préoccupe, nous qui connaissons tous, directement ou indirectement, une personne dans cette situation. Il est important que l’État, les acteurs bancaires, les assureurs et la société soutiennent leur accès au crédit. Depuis 1991, une démarche conventionnelle a permis de faire progresser l’accès à l’assurance et au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. La Convention AERAS, la loi du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé et, tout récemment, la consécration d’un « droit à l’oubli » sont des outils indispensables. C’est sans doute grâce à la stabilité et au sérieux du modèle français que nous pouvons développer ces initiatives. Je tenais à le souligner.

Changer de modèle, alors que celui-ci convient au plus grand nombre, n’a aucun sens, d’autant que le modèle français a traversé la crise financière de 2008 sans s’effondrer, contrairement à certains modèles anglo-saxons qui privilégient les taux variables et l’hypothèque ! Grâce à l’action du gouvernement d’alors, il a pu continuer d’assurer ses missions, évitant à de nombreux particuliers de subir une crise.

Pourquoi donc vouloir remplacer un modèle stable qui a fait ses preuves par un modèle dont on connaît par avance les fragilités et qui a failli ? Pourquoi bouleverser le modèle français de crédit immobilier au profit d’une uniformisation des systèmes bancaires sur le modèle anglo-saxon ?

Les députés du groupe Les Républicains soutiennent la proposition de résolution, non seulement pour « inviter le Gouvernement » à agir, comme le suggère le texte, mais surtout pour que le Gouvernement s’implique pleinement, et avec force, et qu’il fasse entendre sa voix face à ses homologues étrangers, afin de conserver notre modèle français de crédit immobilier pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Audrey Linkenheld et M. Daniel Goldberg. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix.

M. Laurent Degallaix. L’Europe a connu ces dernières années une succession de crises particulièrement violentes. À l’origine, en 2008, la crise des subprimes, en provenance des États-Unis, a durablement ébranlé l’équilibre européen. Une intervention massive des États a alors été nécessaire, afin d’éviter un effondrement du système financier mondial.

Pour atténuer la propagation de la crise financière à l’économie réelle, les États ont mis en place d’importants plans de relance, avec pour conséquence une augmentation sans précédent du niveau d’endettement public. Les craintes sur la dette des États, et en premier lieu, de l’État grec, ont provoqué une panique sur les marchés financiers, aggravée par la spéculation de certains investisseurs. La crise financière a laissé place, alors, à la crise des dettes souveraines et mis en lumière les failles profondes de l’organisation européenne en matière économique et financière.

La crise des subprimes a provoqué des réactions en chaîne dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui en Europe, huit ans après le début de la crise, sur le plan financier, économique et social. Le taux de chômage, particulièrement celui des jeunes, a explosé. La croissance peine à repartir. Les politiques d’austérité ont asphyxié les populations et l’économie. Il est donc primordial que les États européens tirent les leçons de ces crises successives, et mettent tout en œuvre afin qu’elles ne puissent se reproduire.

Des progrès indéniables ont été réalisés depuis 2008, avec notamment l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. La Commission, le Parlement européen et les États membres ont mené des travaux qui ont permis de renforcer le système financier européen, apportant sécurité et stabilité à l’Union.

Au niveau international, le Comité de Bâle, chargé de renforcer la solidité du système financier mondial, a proposé des réformes majeures. Ainsi, les accords de Bâle III de 2010 avaient pour objectif de renforcer les niveaux de garanties demandées aux banques, puisque la faiblesse des liquidités et des fonds propres avait catalysé la contagion des défauts. Ces nouvelles normes prudentielles, très exigeantes pour les banques, étaient cependant nécessaires. Mais malgré le chemin accompli, beaucoup reste à faire pour s’assurer que le secteur bancaire résiste aux turbulences qui pourraient à nouveau se présenter.

Toutefois, aucune réforme ne doit être menée à l’aveugle, sans prendre en compte les particularités de chaque État. À ce titre, les travaux en cours au sein du Comité de Bâle soulèvent de nombreuses inquiétudes, notamment en ce qui concerne le secteur du crédit immobilier en France.

Les nouveaux standards envisageraient concrètement de demander aux banques qui accordent des crédits longs à taux fixe davantage de ressources propres, afin qu’elles puissent faire face à des chocs macroéconomiques ou financiers. De telles exigences pourraient contraindre les banques françaises à réduire le volume des crédits immobiliers, faute de pouvoir augmenter leurs fonds propres, dans le contexte actuel. Une telle réforme, qui pourrait avoir des conséquences lourdes sur l’ensemble du secteur de la construction de logements, est cependant aussi inutile que dangereuse.

En effet, le secteur du crédit immobilier français, particulièrement protecteur pour les emprunteurs, est également sûr financièrement pour les banques : en témoigne son taux de défaut très réduit. Il repose sur trois piliers : un système de taux fixes ; une garantie au moyen d’un cautionnement ; une analyse préalable de la solvabilité des emprunteurs. Ces piliers sont essentiels au bon fonctionnement de notre secteur immobilier et ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de la standardisation internationale.

En effet, la pratique des taux fixes est une garantie de sécurité pour les ménages accédant à la propriété, qui peuvent ainsi s’engager dans l’achat de leur logement sans être soumis aux effets de taux, en particulier dans le contexte de taux historiquement bas que connaît actuellement la France. En contrepartie, les banques procèdent à une analyse préalable de la solvabilité des emprunteurs qui ne repose pas uniquement sur la valeur du bien acquis comme cela a souvent été le cas ailleurs, notamment aux États-Unis. Le système en vigueur dans notre pays permet donc une distribution responsable du crédit, sécurisée pour les banques et protectrice pour les emprunteurs.

Rappelons que c’est la remontée des taux directeurs qui fut à l’origine de la crise aux États-Unis puisque les banques, en répercutant la hausse des taux sur les crédits immobiliers, ont placé de nombreux ménages américains dans l’impossibilité de rembourser leurs prêts. Les défauts de leurs clients ont alors pesé sur les établissements de crédit, confrontés à leur tour à de graves difficultés financières. Le système de crédit à taux variable, contrairement au système de crédit à taux fixe, fait peser le risque de taux sur le seul emprunteur et engendre une grande insécurité. Cette philosophie est à l’opposé du modèle français, auquel nos concitoyens sont très attachés.

Nous craignons également que, si un tel système était imposé aux banques françaises, cette évolution ne soit préjudiciable aux primo-accédants et aux ménages n’ayant pas un apport personnel conséquent. La future réglementation internationale pourrait donc bouleverser en profondeur le marché immobilier en France. Il est essentiel que le modèle de crédit habitat à la française soit préservé afin de pouvoir prêter à long terme à toutes les clientèles solvables. À cette fin, la réglementation bancaire internationale doit mieux prendre en compte les spécificités pertinentes du marché français.

Chers collègues, nous ne devons pas oublier que le secteur de l’immobilier américain est à l’origine de la crise profonde que nous avons affrontée et dont l’Europe peine encore à se relever. Il serait donc paradoxal que notre système, fiable et protecteur pour les emprunteurs, soit abandonné au profit d’un système dont les faiblesses ont précipité les États-Unis et l’Europe dans la crise.

Les députés du groupe UDI sont conscients que nous ne pouvons pas tergiverser et qu’il est important de continuer à lutter contre les risques inhérents au secteur bancaire. Toutefois, les réformes indispensables doivent se réaliser dans le respect des systèmes existants lorsqu’ils ont fait leurs preuves, comme c’est le cas du système français. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe UDI soutiendront sans réserve cette proposition de résolution.

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. En 2007, la crise des subprimes a secoué toute la sphère financière, engendrant une crise économique internationale dont les conséquences se font encore sentir. De manière à éviter que ce type de situation ne se reproduise, plusieurs initiatives ont été prises, parmi lesquelles l’adoption des accords de Bâle III. Ces derniers ont débouché sur un ratio de liquidité pour les banques internationales et un ratio dit « d’effet de levier », ainsi que sur une redéfinition des fonds propres, la révision de la couverture de certains risques, la mise en place de mesures contra-cycliques et l’ajustement de valeur de crédit.

Considérant la situation actuelle du marché du crédit immobilier, marquée par l’octroi d’un nombre important de prêts longs à taux fixes très bas, le Comité de Bâle a lancé de nouvelles négociations visant à modifier les conditions que les banques accordant ce type d’emprunt devront remplir. En effet, le crédit bancaire fonctionne selon un principe simple : les organismes de prêts accordent des emprunts aux particuliers, puis se refinancent en empruntant eux-mêmes sur le marché monétaire, à un taux en partie déterminé par la Banque centrale européenne – BCE. Actuellement, le taux imposé par la BCE est quasiment nul, voire négatif. Les banques peuvent ainsi se refinancer sans frais auprès de cet organisme, ce qui leur permet de proposer des offres de crédit immobilier à leurs clients à des taux d’intérêt très bas.

La conjoncture est donc particulièrement favorable aux particuliers. Profitant de la baisse des taux, certains renégocient ou font racheter leur emprunt par un autre organisme pour payer des intérêts moins élevés et aménager l’amortissement de leur crédit. Quant aux nouveaux clients, il leur est proposé des taux fixes très bas et en même temps la possibilité de bénéficier de crédits de longue durée, notamment dans le cas où leur apport personnel est faible ou inexistant. Résultat : l’encours des crédits immobiliers des banques françaises atteint désormais près de 900 milliards d’euros et 85 % de ces crédits sont à taux fixe, de même que 90 % des nouveaux prêts octroyés.

Mais c’est précisément ce qui inquiète le Comité de Bâle : en cas de remontée brutale du taux de refinancement de la BCE, les banques seront engagées dans de nombreux crédits à long terme et à taux d’intérêt très bas, et devront donc assumer seules la différence entre les intérêts qu’elles perçoivent et ceux qu’il leur faudra payer, ce qui risque d’affecter leur santé financière.

Par conséquent, le Comité de Bâle, de manière à sécuriser le bilan des établissements de crédit accordant beaucoup de prêts longs à bas taux, souhaite augmenter le ratio entre leurs fonds propres et leur encours de crédit. Autrement dit, la réforme vise à imposer aux banques un accroissement de leurs capitaux proportionnel à l’encours des crédits qu’elles accordent. Par ailleurs, la réforme préparée par le Comité de Bâle imposerait partout la méthode de prêt sur la valeur du bien au lieu de celle basée sur le revenu de l’emprunteur. Enfin, cette réforme tendrait à imposer la pratique du taux variable de préférence à celle du taux fixe.

Si cette nouvelle norme est adoptée, elle sera transposée dans le droit européen en 2017 pour une probable entrée en vigueur en 2018. Certaines banques françaises devront alors geler jusqu’à 55 % de la somme prêtée dans leurs fonds propres, contre 15 % à 20 % actuellement. Une telle solution ne convient pas du tout aux banques puisqu’elle impliquerait la réduction de leur rentabilité globale. Deux solutions dangereuses s’offrent alors à elles : soit augmenter les taux des crédits immobiliers de manière à dégager plus de ressources – mais, vu la situation extrêmement concurrentielle du marché du crédit immobilier, il y a peu de chances qu’une banque prenne l’initiative de relever ses taux avant les autres ; soit réduire le nombre de prêts immobiliers qu’elles accordent et en durcir les conditions d’accès.

La perspective d’un durcissement de la réglementation effraie à juste titre les professionnels du secteur immobilier, qui craignent une complexification de l’accès au crédit immobilier qui aurait des conséquences graves sur les possibilités d’achat d’un logement. Plus sélective, cette politique exclurait de fait les ménages les plus modestes de l’accès à la propriété.

Les positions de la BCE et du Comité de Bâle soulèvent plusieurs questions : une régulation uniforme est-elle adaptée ? Est-il logique, dans les ratios prudentiels, de traiter l’immobilier plus sévèrement que les États, eux-mêmes souvent surendettés ? Où est la logique quand, d’une main, la BCE distribue du crédit à taux négatif pour doper la machine et que, de l’autre, elle réglemente, comme pour la freiner ? Ces questions se posent d’autant plus que le système français semble fonctionner plutôt bien : un rapport du Haut Conseil de stabilité financière estimait, en 2014, que la France est le pays en Europe qui présente le taux d’impayés le plus faible. De même, la Fédération bancaire française estime que le taux de crédit douteux est inférieur à 2 %.

Les dispositions préparées par le Comité de Bâle et par la Banque centrale européenne représentent donc un véritable risque pour le marché de l’immobilier en France, surtout pour les classes les plus en difficulté. Il est indispensable que les spécificités françaises concernant le financement de l’habitat soient respectées au moment de la transposition des travaux du Comité de Bâle dans la législation européenne.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apporte tout son soutien à la proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.

Mme Audrey Linkenheld. Très belle démonstration !

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Beaucoup a déjà dit par mes prédécesseurs et je me félicite d’ores et déjà du vote unanime qui sera sans doute celui de notre Assemblée quant à cette proposition de résolution.

Il a été rappelé que 90 % des prêts immobiliers signés dans notre pays sont à taux fixe, et que les taux, même variables, sont capés. Le risque est donc plutôt pris par les établissements de crédit que par les particuliers, manière de reconnaître après tout les spécificités du métier de l’activité bancaire.

On a aussi souligné que le système fonctionne correctement puisque le risque est mesuré en fonction de la capacité à rembourser de l’emprunteur et que peu de défauts de paiement sont constatés : environ 8,7 millions de ménages ont un ou plusieurs crédits immobiliers en cours, et seulement 120 000 d’entre eux entrent dans un processus de surendettement chaque année, soit à peine plus de 1 % !

En fait, le crédit immobilier à risque, dû à la fragilité financière des ménages ou à une évolution professionnelle défaillante, est moins important que dans les crédits à la consommation. C’est pourquoi il fallait mieux réguler ces derniers, ce qui a été fait au cours de cette législature.

Il a aussi été rappelé que les emprunts immobiliers sont garantis à 70 % par Crédit Logement ou des dispositifs similaires, ce qui est bien préférable à l’hypothèque : coût plus faible, moins de risques pour les particuliers de se retrouver à la rue mais aussi moins de risques pour les banques de devoir racheter et porter pendant de longs mois, voire des années, des biens dépréciés. C’est un processus gagnant-gagnant.

Surtout, il faut insister sur le fait que le candidat acquéreur à la recherche d’un prêt est jugé sur ses fonds propres, sur ses revenus, sur sa capacité à rembourser aujourd’hui et demain, et non pas sur la qualité du bien qu’il va acheter comme dans le modèle anglo-saxon…. justement à l’origine de la crise des subprimes. En effet, un tel système avait poussé des ménages à emprunter alors qu’ils étaient fragiles économiquement, et ce en fonction de la valeur du bien estimée au moment où le prêt était signé. Au premier défaut de paiement, la valeur du bien chutait. Cela a engendré un effondrement en cascade du système bancaire, lui-même assis sur une titrisation poussée. Et faut-il rappeler que cet effondrement a traversé les océans et qu’il a encore aujourd’hui des conséquences fortes sur notre activité économique ?

Mais il convient également de rappeler que le logement n’est pas un bien de consommation comme un autre : la crise du logement, que nous connaissons particulièrement en France, a ainsi un coût social, un coût économique et un coût en termes de compétitivité. Nous sommes alors face à des injonctions paradoxales : ne pas proposer une offre de logements abordable est un des facteurs de stagnation de notre économie, mais construire massivement en fonction des besoins trouverait toujours des détracteurs pour pointer les risques inflationnistes sur les prix ou sur les taux de crédit à cause de la demande autrement plus importante qu’il faudrait alors couvrir. Et tant pis pour tous ceux qui n’arrivent pas à se loger dans de bonnes conditions et qui subissent de plein fouet le logement rare et cher, notamment la très grande majorité de Français qui n’ont pas la chance d’avoir un patrimoine familial au départ !

Il nous donc défendre, tout le monde l’a dit, le modèle français. Dans le concert européen et mondial, comme de nombreuses entreprises en pleine compétition, la France est confrontée à un problème de normes : beaucoup d’entreprises françaises perdent de la compétitivité parce que la norme, dans leur espace économique, est imposée par un concurrent étranger qui a réussi à s’imposer en vertu des règles d’entente internationales. C’est au fond la même problématique que nous traitons aujourd’hui, mais au niveau des États.

Il y va de la démocratie et de la transparence. Aussi poserai-je des questions simples : en vue des probables futurs accords de Bâle IV, quel a été le mandat de négociations, sur quelles bases et pour quel objectif ? À qui sera-t-il rendu compte de leur évolution ? D’autant qu’il ne s’agit pas de négociations infra-européennes, mais de négociations internationales.

Avant d’en venir à mes propositions, je souligne qu’il était naturel que le Parlement s’exprime sur ce sujet. Qu’il le fasse dans l’unanimité nous donne une force supplémentaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

En cas d’arbitrage défavorable, si nous étions obligés de changer de modèle, la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens en serait modifiée en profondeur, et l’achat d’un bien immobilier – souvent l’achat d’une vie – comporterait un risque accru pour les classes moyennes et populaires.

Aussi, au-delà des déclarations de Michel Sapin et de Christian Eckert, des échanges que nous avons pu avoir avec Emmanuelle Cosse ou avec vous-même, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut sans doute rechercher des alliés pour faire valoir notre point de vue au niveau européen. Si nous ne demandons à aucun pays d’adopter notre modèle, qui fonctionne, nous n’accepterons sans doute pas d’en changer sans raison.

Par ailleurs, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de transmettre les documents de la négociation au Parlement français, comme vous avez obtenu de le faire pour le Traité de commerce transatlantique – TAFTA. Je propose également qu’une délégation du Parlement français discute avec les membres français du Parlement européen ainsi qu’avec la Commission européenne. Il faut aussi demander aux négociateurs européens du Comité de Bâle de rendre compte au Parlement de notre pays de l’état des négociations. Enfin, aucune retranscription automatique dans le droit européen ou français ne doit être décidée sans une analyse sérieuse de ses conséquences probables pour  chaque pays.

En l’espèce, rien, je le répète, ne justifie de changer de modèle. Nous sommes aujourd’hui dans une relation équilibrée, plutôt gagnant-gagnant, entre les consommateurs et les banques. Si nous en sortions, le risque serait fort d’une baisse des crédits, donc d’un tarissement des possibilités d’emprunt.

Si nous perdions cette partie, le Bâle serait alors vraiment tragique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Audrey Linkenheld. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant d’entrer dans le vif du propos, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de M. le ministre des finances et des comptes publics. Michel Sapin est retenu par une réunion du Haut Conseil de stabilité financière, qu’il préside…

Mme Audrey Linkenheld. Ça tombe bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. …et dont vous avez d’ailleurs évoqué l’importance, madame Linkenheld, y compris dans le cadre de ces travaux. Le ministre m’a donc demandé de le représenter, ce que je fais bien volontiers.

Nous discutons aujourd’hui d’une proposition de résolution présentée par les députés Bruno Le Roux, Audrey Linkenheld, Daniel Goldberg, François Pupponi, Philippe Bies, Marc Goua et les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain et apparentés, similaire à celle qui a été examinée au Sénat, le 18 mai dernier, donnant lieu à des débats animés. Je me réjouis de voir que l’Assemblée nationale attache elle aussi beaucoup d’importance à un tel sujet, sur lequel vos interventions ont montré une large convergence de vue.

Le Gouvernement soutient pleinement cette résolution,…

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. …qui souligne à juste titre les atouts du modèle français du financement de l’habitat et les raisons pour lesquelles il est nécessaire de le préserver et de le défendre. Ce modèle, l’ensemble des orateurs l’ont rappelé, repose sur une politique d’octroi des prêts fondée sur la solvabilité des emprunteurs, la prévalence des prêts à taux fixe et un recours majoritaire à la caution. Comme cette résolution le soutient avec raison, il ne serait pas acceptable que de tels atouts soient remis en question par le Comité de Bâle du fait d’un calibrage inadapté de ses exigences.

Le vote favorable de l’ensemble des groupes qui se sont exprimés ici – qu’il s’agisse de celui qui est à l’origine de la proposition, du groupe Les Républicains, représenté par M. Kert, de l’UDI, par la voix de M. Degallaix ou du groupe RRDP, par celle de Mme Hobert – donnera, dans ces négociations, de la force aux positions de la France.

Souvent mal comprises à l’étranger, les particularités du modèle français ont fortement contribué à assurer sa robustesse. Les chiffres de sinistralité en témoignent. En 2014, la France était ainsi le pays d’Europe connaissant le plus faible taux d’impayé sur les prêts immobiliers : cinq fois plus faible qu’en Allemagne et près de quinze fois moins élevé qu’au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie. De tels écarts sont tout à fait significatifs.

Le constat est appuyé par les conclusions du Haut Conseil de stabilité financière, qui a analysé le sujet dans son dernier rapport annuel : le modèle français du financement de l’habitat présente des atouts indiscutables, qu’il convient de préserver dans le cadre des évolutions prudentielles envisagées. Et c’est bien cette position que soutient le Gouvernement français dans les négociations en cours.

Certains travaux du Comité de Bâle ont fait l’objet de consultations publiques, notamment sur le risque de taux et le risque de crédit. Rappelons que l’objectif du Comité est la préservation de la stabilité financière. Ses propositions ne visent pas à dissuader en tant que telles ou à interdire des pratiques établies, comme la fourniture de prêts à taux fixes ou le cautionnement, mais bien à améliorer la mesure du risque au sein du portefeuille bancaire afin de s’assurer que les établissements disposent de suffisamment de fonds propres pour y faire face.

Les consultations qui ont eu lieu visaient d’ailleurs à offrir aux parties prenantes la possibilité de réagir aux propositions du Comité et de proposer d’autres approches si nécessaire. Le processus devrait aboutir, à la fin de l’année 2016, à la publication d’amendements au standard « Bâle III », susceptibles d’être ensuite déclinés dans le corpus réglementaire européen.

Ces consultations, et le caractère public qui leur a été donné, constituent d’ailleurs un début de réponse aux questions de M. Goldberg. Si le Gouvernement – vous le savez, monsieur le député – ne siège pas dans le Comité de Bâle, puisque c’est la Banque de France qui est l’autorité officielle de contrôle prudentiel et de résolution, il n’en demeure pas moins attentif à la question de la transparence, qui est un combat d’avenir.

Nous souhaitons donc que le calibrage final des réformes bâloises, qui devrait être défini d’ici la fin de l’année, soit éventuellement ajusté en fonction des résultats de l’ensemble des études d’impact quantitatives. Nous y travaillons.

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. De même, lors des négociations sur la transposition des règles de Bâle dans le droit européen, soyez assurés que le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que les spécificités de notre modèle de financement de l’habitat soient correctement prises en compte, de façon à en préserver tous les atouts. Le vote de cette proposition de résolution contribuera d’ailleurs, je le répète, à asseoir une position française forte. Je salue une nouvelle fois l’unanimité que l’ensemble des orateurs des différents groupes ont exprimée sur ce sujet.

Le Gouvernement veillera également à ce que l’impact de ces nouveaux standards sur les exigences en fonds propres des banques françaises demeure maîtrisé, conformément aux conclusions des ministres des finances du G 20, qui avaient appelé à ce que ces exigences n’augmentent pas significativement par rapport à ce qui a déjà été acté lors du paquet « Bâle III ».

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de résolution.

Vote sur la proposition de résolution

M. le président. Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée à l’unanimité.)

4

Débroussaillement

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, Mme Marie-Hélène Fabre et plusieurs de leurs collègues relative au débroussaillement (nos 3808, 3699).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, les forêts françaises, qui couvrent 16,5 millions d’hectares, soit plus du quart de notre territoire, sont souvent en proie à des feux de forêts, en particulier dans les zones rendues plus vulnérables par le phénomène de changement climatique qui engendre l’assèchement de la végétation.

Ce facteur de risque, couplé aux activités humaines, accroît la nécessité de renforcer la prévention. Parce que les feux ne connaissent pas les limites de propriété, la législation de la prévention des risques incendie prévoit des obligations de débroussaillement qui se concentrent sur les zones à risque, c’est-à-dire, dans le Sud de la France, les zones à urbaniser et celles qui entourent les constructions, fréquemment à l’origine des départs de feux.

Le partage des responsabilités et les types de végétaux concernés posent des problèmes d’application de la législation. L’objet de la présente proposition de loi est de préciser la notion de débroussaillement et, ce faisant, de clarifier les obligations qui incombent aux particuliers propriétaires de terrains proches des bois et forêts. Plus précisément, l’article 1er clarifie la notion de débroussaillement en désignant les végétaux concernés afin de confirmer aux propriétaires la nécessité d’élaguer les arbres et de couper ou tailler les arbustes et non de débroussailler sur les seules strates basses.

Dans les zones de France classées à risque incendie – c’est le cas dans ma circonscription, située dans le département de l’Aude –, et pour les parcelles situées à moins de 200 mètres d’un bois ou d’une forêt, seuls sont tenus à l’obligation légale de débroussaillement les propriétaires de parcelles situées en zone urbaine et, quel que soit le classement de la parcelle, les propriétaires de biens construits dans une limite de 10 mètres de part et d’autre de la voie privée qui y mène et dans un rayon de 50 mètres autour du bâti. Ce rayon de 50 mètres, qui peut d’ailleurs être porté à 100 mètres, ne s’arrête pas à la limite de la parcelle du propriétaire du bâti.

Une telle législation partage curieusement les responsabilités : les propriétaires de constructions sont responsables du débroussaillement au-delà même de leur limite de propriété, ce qui conduit à faire reposer sur eux une charge d’entretien excessive lorsqu’ils sont tenus de débroussailler les parcelles de voisins situés en zones non urbaines et non construites.

Certains propriétaires s’interrogent même sur la légalité de semblables interventions dans le domaine privé, qui pourraient, au même titre que l’entraide, être qualifiées de travail dissimulé. A priori, je ne pense pas que nous soyons dans ce cas, mais je vous pose tout de même la question, monsieur le secrétaire d’État.

Quoi qu’il en soit, ces complexités sont à l’origine de nombreux conflits de voisinage et de nombreuses interrogations. C’est pour clarifier et rendre plus équitables les obligations des propriétaires privés que l’article 2 étend l’obligation de débroussailler aux zones à urbaniser, afin de limiter les interventions d’un propriétaire sur la parcelle d’un voisin. En clair, le propriétaire d’un terrain non bâti dans une zone à urbaniser serait désormais tenu de le débroussailler et ce ne serait donc plus son voisin occupant une parcelle bâtie qui devrait intervenir.

Cette proposition de loi a l’ambition d’apaiser les relations entre propriétaires fonciers et de diminuer les conflits qui en résultent.

Son examen en commission des affaires économiques la semaine dernière a montré le consensus qui se dégage en sa faveur. Après m’avoir interrogée sur l’importance de l’obligation de débroussailler, qui n’est pas une obligation de déboiser et qui reste toujours à définir localement par des arrêtés préfectoraux prenant en considération les conditions pédoclimatiques et écosystémiques des territoires, nos collègues ont salué une clarification de la législation qui apparaissait nécessaire.

Nombre des commissaires ont même insisté sur la nécessité d’aller plus loin que le dispositif proposé à l’article 2, en considérant certaines zones qui ne sont ni urbaines, ni à urbaniser. Je rappelle que les obligations liées à la présence proche d’une construction continueront à s’appliquer.

À rebours de cette volonté parlementaire, le Gouvernement propose de remplacer l’article 2 par un dispositif de repli qui, en dehors des cas les plus conflictuels de superposition d’obligations de débroussailler incombant à plusieurs propriétaires voisins, tend à conserver le droit actuel. Son amendement va, certes, dans le bon sens mais, en ne ciblant qu’une partie du problème, il reste bien en deçà des attentes de nos concitoyens et de nos élus locaux.

Pour ma part, j’ai souhaité à mon tour déposer un amendement destiné à reporter la date de mise en application de la loi de façon à donner aux élus et aux services de l’État le temps d’organiser des campagnes d’information.

Mes chers collègues, ayons le courage d’étendre les responsabilités et de clarifier les obligations de chacun sur sa propre propriété. Ces obligations seront d’autant mieux respectées qu’elles sont respectueuses du droit de propriété de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, dont nous savons tous, en Aquitaine, qu’il est un grand spécialiste du débroussaillement !

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Et des tronçonneuses !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Détrompez-vous !

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, veuillez tout d’abord excuser l’absence de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Actuellement retenu aux côtés des personnes sinistrées dans son département de la Sarthe, il m’a demandé de bien vouloir le représenter, ce que je fais volontiers.

La politique menée depuis quinze ans en matière de défense des forêts contre les incendies a porté ses fruits et présente un bilan positif : alors que la moyenne annuelle d’hectares brûlés en zone sud entre 1973 et 1990 était de 32 000 hectares par an, elle a été réduite à 11 000 hectares par an en moyenne entre 2000 et 2014 – un chiffre certes encore trop important. Ces bons résultats sont le fruit d’une action et d’une coordination efficaces, tant en matière de prévention que dans la lutte contre les incendies, entre les différentes parties prenantes que sont l’État, le département et les services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, les collectivités, les particuliers et les autres acteurs concernés. Ce bilan positif vient d’ailleurs d’être salué par un rapport conjoint du Commissariat général au développement durable, de l’Inspection générale de l’administration et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, remis récemment au ministre de l’intérieur, à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Pour autant, ce rapport pointe quelques faiblesses face à la nécessité de maintenir un haut niveau de vigilance, dans un contexte où, avec le changement climatique et la prévalence croissante de sécheresses, le risque incendie augmente et s’étend sur le territoire.

Parmi les faiblesses pointées par le rapport figure notamment l’insuffisante application de l’obligation légale de débroussailler, qui joue pourtant un rôle important dans la politique de défense des forêts contre les incendies. Une telle obligation est fondée sur la responsabilisation des acteurs qui, par leurs actions ou activités, font peser un risque sur leur environnement. En faisant peser dès l’origine l’obligation légale de débroussaillement sur le propriétaire de la construction, le législateur a en effet reconnu la responsabilité dominante de ce dernier dans l’augmentation des risques d’éclosion d’incendie et son intérêt majeur à diminuer la vulnérabilité de sa construction. En effet, la maison constitue à la fois le plus grand risque de départ de feux et l’espace à protéger en priorité par les pompiers en cas d’incendie.

Cette responsabilisation a montré son efficacité, dès lors elle est appliquée : le retour d’expérience révèle que les habitations débroussaillées dans un rayon de 50 mètres sont dans leur immense majorité peu ou non touchées en cas d’incendie. Changer de paradigme pourrait s’avérer contre-productif, l’enjeu étant davantage celui de faire respecter cette obligation et de mieux en contrôler l’application. C’est ce que souligne la mission inter-inspection, qui recommande la mise en œuvre, selon un calendrier concerté et à l’échelle du massif ou d’un ensemble de communes, d’un programme d’application de l’obligation légale de débroussaillement se déroulant en quatre étapes, de la première information et sensibilisation jusqu’à l’exécution d’office par la commune et, le cas échéant, l’intervention en substitution de l’autorité préfectorale. Elle pointe aussi la nécessité de mieux gérer l’interface « habitat-forêt », point faible du dispositif actuel.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient pleinement la précision apportée à l’article 1er de la proposition de loi que le groupe socialiste, écologiste et républicain nous présente aujourd’hui. Il est utile en effet de compléter la notion de « combustibles végétaux de toute nature », qui figure à l’actuel article L. 131-10 du code forestier, par une référence explicite aux arbres, de façon à lever toute ambiguïté d’interprétation.

En revanche, le Gouvernement ne soutient pas la proposition formulée à l’article 2, qui vise à étendre l’obligation légale de débroussailler aux zones à urbaniser. En effet, une telle extension conduirait à faire peser une obligation de débroussaillement sur des secteurs non immédiatement constructibles, à augmenter de manière disproportionnée les surfaces et le nombre de propriétaires concernés par cette obligation, sans que leur bien ne représente de risque réel, et enfin, à faire peser un risque en efficacité sur le système de prévention actuel, alors que tous nos efforts doivent être orientés vers une consolidation et une meilleure application des obligations de débroussaillement actuelles.

Ceci étant, le Gouvernement reconnaît malgré tout que l’application de l’actuel article L. 131-13 du code forestier peut se révéler une source de difficulté. Nous partageons le constat de Mme Marie-Hélène Fabre selon lequel l’obligation de débroussailler sur le terrain du voisin est régulièrement source de confusion et de contestations, notamment en cas de superposition d’obligations de débroussaillement qui rend difficile l’identification des responsabilités, ce qui explique en partie l’insuffisante application de cette obligation.

L’amendement défendu par le Gouvernement vise à répondre de façon pragmatique au problème légitimement soulevé, pour remédier aux difficultés sur lesquelles nous sommes d’accord : il précise le dispositif prévu à l’article 2, qui soumet le propriétaire à une obligation de débroussaillement dans les zones à urbaniser, et ce même si les parcelles ne sont pas construites, pour le rendre plus équitable. Il dispose que chaque propriétaire soumis à l’obligation de débroussailler chez un tiers – celui-ci n’étant lui-même pas soumis à cette obligation – le fasse pour la partie de la zone de superposition la plus proche de chez lui, là où la rédaction actuelle de l’alinéa 2 de l’article L. 131-13 du code forestier charge du débroussaillement de l’intégralité d’une parcelle le seul propriétaire « de la construction, chantier ou installation de toute nature le plus proche d’une limite de cette parcelle », même si plusieurs autres constructions sont situées à moins de 50 mètres.

Cette modification attendue par les acteurs de terrain en charge de la lutte contre l’incendie serait de nature à améliorer le dispositif en précisant le champ des responsabilités des propriétaires. Mais, pour être vraiment efficace, ce type de modification devra être expliquée et relayée par l’ensemble des acteurs locaux, ce qui renvoie à l’exigence déjà évoquée de renforcer les campagnes de sensibilisation et d’information avant même la période où le risque d’incendie s’accroît. C’est en effet d’abord par une amélioration de l’information et de la pédagogie à destination des particuliers, par un renforcement des contrôles et par la mobilisation en particulier des maires concernés, que des progrès sensibles pourront être obtenus en matière de débroussaillement, et donc de lutte contre l’incendie. Telle est la position du Gouvernement sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, les conditions météorologiques récentes nous ont rappelé les dangers de la montée des eaux, visibles à proximité même de notre hémicycle. Nous avons tous en tête les images frappantes des berges de la Seine submergées, des habitants contraints de s’échapper dans des barques de fortune, mais aussi, dans nos régions, celles des champs inondés et la désolation des populations dans les villes comme dans les champs.

Mais l’été approche et le risque de voir des incendies dévaster forêts et garrigues est malheureusement immense. Chaque année, en moyenne, nous perdons environ 24 000 hectares de forêt et l’on observe plus de 4 000 départs de feu. C’est surtout le sud de la Loire qui est touché, les risques étant aggravés par le type d’arbres et d’arbustes qui y poussent, la sécheresse des sols, à quoi s’ajoutent le vent et la chaleur. Les trois-quarts des 6 000 communes classées à risque « feux de forêt » sont situées dans le Sud de la France. L’enjeu pour le législateur et les pouvoirs publics consiste à limiter les facteurs de risques sur lesquels nous pouvons agir et, évidemment, à améliorer sans cesse les mécanismes de prévention, de détection et d’intervention, pour limiter les pertes.

La proposition de loi examinée sur le rapport de Mme Marie-Hélène Fabre s’inscrit précisément dans le cadre de cette législation de prévention des risques d’incendie. Tout d’abord, il fallait préciser dans la loi les types de végétaux concernés par l’obligation de débroussaillement dans les zones à risque. En effet, les textes en vigueur ne sont pas clairs et le débroussaillement est souvent compris par nos concitoyens comme le fait d’enlever les broussailles. Cette interprétation est parfaitement légitime, puisque le Larousse qualifie les broussailles de « touffes de plantes ligneuses, rabougries et très rameuses ». D’ailleurs, si vous demandez un coupe-broussaille dans un magasin de bricolage, on vous donnera un petit outil servant à faucher les herbes et les petites plantes. Bref, le terme « débroussailler » méritait une définition législative plus complète.

La proposition de loi a le mérite, dans son article 1er, de dire clairement les choses, puisque l’insertion du mot « arbres » revient à étendre l’obligation de débroussaillement à l’élagage des arbres. Celui-ci ne doit pas être confondu avec un déboisement, comme cela a été précisé dans nos débats en commission, car il peut s’appliquer à des branches culminant à 15 ou 20 mètres ; on est loin des petites « herbes folles », comme dirait Alain Resnais. Avec cette nouvelle rédaction, les propriétaires qui se contentaient d’éliminer les broussailles et les strates basses de la végétation ne pourront plus exciper du manque de lisibilité de la loi. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont donc tout à fait favorables à cet article.

Ensuite, la proposition de loi ambitionne de clarifier les obligations qui incombent aux particuliers propriétaires de terrains situés dans les zones à risque, c’est-à-dire à moins de 200 mètres de bois et de forêts, quelle que soit la zone géographique ou la commune concernée. L’article 2 propose donc d’étendre l’obligation légale de débroussailler aux zones à urbaniser, afin de limiter les interventions d’un propriétaire sur la parcelle d’un voisin : le propriétaire d’un terrain non bâti dans une zone à urbaniser serait désormais tenu de le débroussailler. Il serait ainsi mis fin à un partage un peu arbitraire des responsabilités respectives selon la catégorie concernée : les zones urbaines et les zones à urbaniser seraient soumises aux mêmes règles.

Ces deux articles ont été adoptés par la commission des affaires économiques mercredi dernier, sans correction sur le fond. Pourtant, nous voulons dire ici nos craintes et préoccupations : cette proposition de loi ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés, qui restent à ce stade sans réponse. Tout d’abord, en commission, la rapporteure a elle-même indiqué avoir conscience de l’impact potentiel de la proposition de loi en termes d’augmentation des surfaces et du nombre de propriétaires concernés par les obligations légales de débroussaillement. Les coûts supplémentaires ne seraient pas anodins pour les petits propriétaires. Je pense d’abord aux personnes âgées disposant de revenus modestes : la végétation repousse très vite, le débroussaillement d’un hectare de forêt pourrait leur coûter 5 000 à 6 000 euros. Dans certaines régions, en un mois, l’essentiel du débroussaillement est à refaire. Certes, il aura été utile, mais les propriétaires ont de quoi se sentir découragés, qu’ils effectuent eux-mêmes ce travail ou qu’ils le délèguent à des professionnels.

Les nuances et les interrogations du groupe RRDP ne concernent d’ailleurs pas uniquement les personnes âgées : tout le monde est concerné car il s’agit, reconnaissons-le, de tâches rudes et onéreuses. Dès lors, il ne serait pas inopportun de réfléchir à une priorisation de certaines zones à débroussailler ainsi qu’à une modulation des obligations en fonction du niveau de risque.

Le zonage du risque est en effet connu : 6 000 communes sont classées comme présentant des risques d’incendie très élevés, et c’est en leur sein qu’ont lieu l’immense majorité des incendies et départs de feu. Notre groupe considère que les exigences les plus fortes devraient d’abord s’appliquer à ces zones. Quant au reste du territoire national, les obligations devraient y être différenciées.

Par ailleurs, il ne serait pas non plus inutile que ces communes – et, au sein de ces communes, les propriétaires les plus modestes, notamment en zone rurale – bénéficient d’une aide financière supplémentaire et que la solidarité nationale joue davantage en leur faveur.

Quoi qu’il en soit, ces obligations vont à l’encontre des choix d’aménagement de ceux qui préfèrent ne pas construire sur leur terrain : ils seraient malgré tout obligés de débroussailler s’il est situé à proximité d’un terrain construit. Autant dire que nous inciterions directement à la construction, ou, à tout le moins, que cette proposition de loi ne tend pas à favoriser le maintien des zones non construites qui font la beauté de nos paysages.

En outre, dans certaines régions où abondent les petites parcelles, imposer l’obligation de débroussaillement au propriétaire du terrain, et non à celui du bâti, peut s’avérer problématique. En effet, il est parfois difficile, voire impossible, d’identifier les propriétaires de ces parcelles, certains ignorant même qu’ils en sont possesseurs. Aussi peut-on s’interroger sur l’utilité d’un certain type de débroussaillement : à trop vouloir débroussailler, ne risque-t-on pas d’aboutir à un résultat inverse de l’objectif recherché ?

Citons l’exemple des rémanents de coupe : s’il est nécessaire d’éliminer les branchages secs risquant de provoquer des incendies, ils peuvent aussi, dans d’autres cas – lorsqu’ils sont recouverts d’herbes – limiter la prolifération de plantes adventices qui, elles, précisément, favorisent la propagation du feu. Pour notre groupe, cette séance peut être l’occasion de reprendre ces débats.

Enfin, si de mauvais exemples existent, ils constituent souvent l’arbre qui cache la forêt : dans nos campagnes, en effet, le débroussaillement a longtemps fait l’objet d’arrangements entre voisins d’une parcelle. En bonne entente, ils y travaillent de façon pragmatique avec les maires de leur territoire rural, tout en dialoguant utilement avec le préfet.

En définitive, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, nous voterons la proposition de loi, tout en affirmant nos craintes et nos doutes. Nous espérons trouver, à l’issue de nos débats, les réponses adéquates et adaptées aux spécificités de cette question.

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel.

Mme Karine Daniel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi qui peut tout autant améliorer le quotidien de nombreux Français qu’assurer la sécurité de nos territoires. À une époque où les grands incendies apparaissent comme des effets induits du réchauffement climatique, il est en effet essentiel de garantir que les normes de sécurité et d’entretien des propriétés assurent la protection des habitants comme des infrastructures. L’exemple récent de l’incendie monstre de Fort McMurray, au Canada, doit notamment nous servir de leçon

Je remercie donc notre collègue Marie-Hélène Fabre de nous avoir, au mois d’avril, soumis cette proposition de loi, nous permettant ainsi d’engager une réflexion sur l’entretien des propriétés. En effet, le débroussaillement est un sujet à la fois technique et civique.

L’article L. 131-10 du code forestier définit le débroussaillement comme une pratique qui vise notamment à permettre « une rupture suffisante de la continuité du couvert végétal » pour diminuer l’intensité et limiter la propagation d’éventuels incendies.

Dans la pratique, cette notion comporte des ambiguïtés, car elle est souvent perçue comme limitée aux couches basses de végétation, l’entretien des houppiers – c’est-à-dire la partie constituée de l’ensemble des branches de l’arbre – étant omis. Avec sa proposition, Mme la rapporteure vient donc opportunément préciser et clarifier les obligations des propriétaires.

L’article L. 134-6 du même code instaure l’obligation de débroussaillement dans un périmètre de 50 mètres autour du bâti pour les propriétaires de terrains situés à moins de 200 mètres des bois et forêts. Cette règle s’applique même au-delà de la parcelle détenue, ce qui engendre de nombreuses tensions et conflits de voisinage. La rapporteure propose donc que chaque propriétaire soit responsable du débroussaillement de sa parcelle. C’est une évolution souhaitable pour assurer l’entretien des parcelles, la sécurité de nos territoires et une plus grande tranquillité dans les relations de voisinage.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutient cette proposition de loi, de même qu’il approuve l’amendement de la rapporteure tendant à reporter d’un an l’application de son article 2, afin de laisser aux parties prenantes le temps d’informer les propriétaires concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’appeler l’attention de tous sur le fait qu’à un moment où l’on nous reproche de souffrir d’un « syndrome dysentérique législatif », on peut s’interroger sur l’intérêt de consacrer une loi spécifique à un objectif certes noble, mais néanmoins modeste. Une loi se doit d’être claire, uniforme et précise, mais on a, en l’espèce, le sentiment de pousser le détail jusqu’au luxe.

Ceci étant, de quoi s’agit-il ? Tout d’abord, de préciser la définition du débroussaillement. La rédaction actuelle de l’article L. 131-10 du code forestier le définit comme « les opérations de réduction de combustibles végétaux de toute nature dans le but de diminuer l’intensité et de limiter la propagation des incendies ». La proposition de loi vise notamment à préciser que ces végétaux sont notamment les « broussailles, strates basses et arbres ».

Il s’agit également d’étendre aux zones à urbaniser l’obligation de débroussaillement dont le champ d’application est précisé à l’article L. 134-6 du même code.

De prime abord donc, l’examen de cette proposition de loi dans notre hémicycle peut paraître un peu surprenant. Mais en tant qu’élu des Bouches-du-Rhône, département particulièrement affecté par les incendies, je ne connais que trop l’impact des défaillances des propriétaires en matière de débroussaillement sur leur propagation.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien.

M. Christian Kert. Cela fait d’ailleurs plusieurs années que le débat est ouvert et que nous tentons de le clore. C’est d’ailleurs pour cette raison que le code forestier encadre précisément ces opérations et impose aux propriétaires, dans certaines zones, d’y procéder.

Comme vous le rappeliez, madame la rapporteure, en zone urbaine, le débroussaillement obligatoire concerne l’ensemble des terrains, qu’ils soient ou non construits.

Hors zone urbaine, le propriétaire d’une construction, d’un chantier ou d’une installation est tenu de débroussailler dans un rayon de 50 mètres, y compris au-delà de la limite de son terrain si cette même zone est située à plus de 50 mètres d’une autre construction. Par ailleurs, le maire peut étendre cette obligation à un rayon de 100 mètres. Les abords de la voie privée donnant accès à la construction doivent également être débroussaillés, dans une limite maximale, fixée par le préfet, de 10 mètres de part et d’autre de la voie.

Le propriétaire d’un terrain non tenu au débroussaillement ne peut s’opposer à l’action de débroussaillement de celui qui en a l’obligation, dès lors que celui-ci lui demande l’autorisation de pénétrer chez lui pour l’exécuter. Or les relations de voisinage ne sont pas toujours faciles.

À défaut d’accord du propriétaire du terrain, le débroussaillement est exécuté par la commune et mis à sa charge.

En pratique, cette législation est malheureusement insuffisamment respectée – vous avez eu tout à fait raison de le dire, madame la rapporteure – notamment en raison de difficultés d’interprétation portant sur le type de végétaux entrant dans le champ d’application de l’obligation de débroussaillement ainsi que sur les responsabilités des uns et des autres. Il est vrai que c’est sur ce point que le bât blesse particulièrement.

Ces difficultés d’interprétation conduisent à des conflits sur l’étendue exacte des obligations. La proposition de loi vise donc, tout simplement, à mettre un terme à l’ambiguïté du dispositif législatif existant.

Mes chers collègues, je rappelle qu’en quelques semaines, c’est la seconde fois que notre assemblée se prononce sur un texte relatif à la lutte contre les incendies. Le 10 mars dernier en effet, elle adoptait, à l’unanimité, une proposition de loi rapportée par notre collègue Joël Giraud relative à la protection des forêts contre l’incendie qui clarifiait juridiquement les compétences des départements en matière de lutte contre les feux de forêt.

Au nom du groupe Les Républicains, M. Thierry Mariani rappelait, à l’occasion de de l’examen de cette proposition de loi, que plusieurs dispositifs existent pour prévenir ces incendies : tout d’abord, le code forestier interdit d’allumer un feu à moins de 200 mètres d’une zone boisée ; dans les zones classées à risque, des voies de défense contre les incendies doivent être créées, avec des servitudes de passage et d’aménagement ; et, enfin, dans les zones réputées particulièrement exposées, des travaux d’aménagement peuvent être prescrits.

Il faut saluer les actions menées par les sapeurs-pompiers, par les collectivités locales et notamment par les maires, par les comités communaux « feux de forêt » – qui constituent, comme vous le savez, madame la rapporteure, de véritables réserves citoyennes qui ont rendu et continuent à rendre d’éminents services dans nos forêts – ainsi que par les départements, sans oublier celles menées par les propriétaires.

Elles portent leurs fruits puisqu’en vingt ans la superficie moyenne touchée chaque année a été réduite de moitié. Nous devons donc maintenir nos efforts : cette proposition de loi peut, même si ce n’est peut-être que modestement, y contribuer.

Quelqu’un a écrit qu’il existe dans la vie trois tyrans bénéfiques : la loi, l’usage et la nécessité. Parce que votre texte, madame la rapporteure, aussi modeste soit-il, améliore la première, sauvegarde le deuxième et affirme la troisième, le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix.

M. Laurent Degallaix. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, environ 4 000 incendies forestiers se déclarent chaque année, entraînant la perte de près de 24 000 hectares de forêt.

Les forêts françaises recouvrent à elles seules un quart de notre territoire, nous obligeant à une vigilance accrue en matière de lutte contre les incendies. Depuis plusieurs années, nous notons, néanmoins, une forte diminution des feux de forêt, grâce notamment aux interventions précoces, aux outils de surveillance ou encore à la bonne gestion forestière.

Selon le ministère de l’écologie, moins de 2 % des feux parcourent en effet des surfaces supérieures à 100 hectares, et seuls 5 % d’entre eux sont réellement destructeurs de forêts : il s’agit, compte tenu de l’étendue de nos forêts, d’une prouesse !

Je profite de l’examen de cette proposition de loi pour saluer le courage et le dévouement de nos pompiers qui accomplissent chaque année un travail extraordinaire, et notamment dans le Sud de la France où le climat s’avère, cher collègue Kert, particulièrement propice aux départs de feux de forêt.

Mais cette partie du territoire n’est pas la seule concernée : les territoires exposés au risque d’incendie de forêt devraient en effet, en raison du dérèglement climatique, s’étendre significativement vers les régions du nord à l’horizon de 2040. Ainsi, le département du Nord, dont je suis l’élu, pourrait prochainement faire partie des zones sensibles aux feux de forêt : ce sujet touche donc notre territoire dans sa globalité.

Gardons d’ailleurs tous en mémoire l’épisode dramatique de la canicule de 2003 : 73 300 hectares de forêts étaient alors partis en fumée, dont 61 400 dans les seuls départements méditerranéens.

Et si les incendies détruisent notre patrimoine écologique, ils représentent également une menace terrible pour nos concitoyens. La catastrophe qui ravage actuellement la région de Fort McMurray, au Canada, nous rappelle la violence avec laquelle ils peuvent frapper. Quartiers détruits, maisons abandonnées, forêts calcinées : les habitants qui en sont victimes vivent un véritable cauchemar.

Aussi, et à la veille de l’été, nous saluons l’examen, en séance publique, d’une proposition de loi qui se distingue par son pragmatisme et son souci de simplification.

Le débroussaillement est au cœur de la prévention des incendies de forêt. Bien respectées, les obligations en la matière constituent un gage de sécurité pour les habitants exposés au risque d’incendie ainsi qu’un gage de maintien de nos écosystèmes.

Les feux de forêts ont, en effet, des conséquences absolument néfastes sur les écosystèmes : lorsqu’ils concernent des superficies importantes, ils entraînent une homogénéisation du milieu et font peser une forte menace sur les espèces rares ou endémiques.

Le débroussaillement a toujours joué un rôle significatif dans la lutte contre les incendies. En effet, sur un terrain parfaitement débroussaillé, le feu passe sans grand dommage et le travail des sapeurs-pompiers est facilité. Dès lors, les moyens de secours peuvent être davantage mobilisés dans la lutte contre le feu de forêt. Le débroussaillement protège ainsi l’habitation et évite la propagation de feux accidentels dans les propriétés situées en forêt ou à proximité. Pour toutes ces raisons, il est rendu obligatoire dans les secteurs proches des bois et forêts, sous le contrôle du maire.

Actuellement, dans les zones à risque d’incendie, deux types d’obligations existent : dans les zones urbaines, la responsabilité du débroussaillement incombe au propriétaire du terrain, bâti ou non, tandis que dans les zones rurales, la responsabilité repose uniquement sur le propriétaire du terrain bâti, qui doit, en plus, débroussailler dans un périmètre de 50 à 200 mètres. Cette obligation pousse donc, dans certains cas, les propriétaires de constructions à débroussailler la parcelle d’un voisin. De telles situations sont bien souvent source de conflits, d’autant plus que le propriétaire peut être condamné à une amende de 30 euros par mètre carré non débroussaillé !

Mais au-delà des querelles entre voisins, cette obligation pose aussi la question de la responsabilité. La législation actuelle, souvent méconnue et plutôt injuste, conduit à des difficultés d’interprétation aux conséquences parfois dommageables. Il était donc urgent d’éclairer les obligations en matière de débroussaillement.

À ce sujet, il me semble que les maires ont aussi un rôle à jouer dans la sensibilisation de leurs administrés à cette question. Espérons que l’adoption de cette proposition de loi permette une meilleure compréhension des actions de débroussaillement, car les dispositifs prévus dans le texte ont le mérite d’apporter de la clarté. L’article 2 inverse en effet, comme le précise très justement le rapport, la logique de la charge du débroussaillement. Ce seront désormais tous les propriétaires de parcelles urbanisées ou à urbaniser, proches des bois et forêts, qui devront débroussailler, et plus seulement le propriétaire de biens construits. Bref, chaque propriétaire devra débroussailler chez lui.

Si nous soutenons entièrement ce dispositif, nous émettons néanmoins une petite réserve. En effet, il est parfois difficile de connaître le propriétaire de certaines parcelles non construites. Aussi, et de manière très pragmatique, comment s’appliquera cette nouvelle règle ? Des terrains autrefois entretenus par le voisin pourraient désormais être mal entretenus, faute d’en connaître le propriétaire.

Concernant l’article 1er de la proposition de loi, nous soutenons également la volonté de l’auteur de mieux définir la notion de débroussaillement. Il sera désormais précisé dans le code forestier que le débroussaillement s’applique aussi aux arbres et aux haies, ce qui est indispensable dans la lutte contre les feux de forêt. Reste à ne pas tomber sur un propriétaire un peu fou qui confonde débroussaillement et déboisement. (Sourires.) C’est peut-être l’inconvénient de la rédaction de votre article, qui élargit trop sensiblement la notion de débroussaillement. Ne serait-il pas utile de trouver au cours de la navette une rédaction qui l’encadre mieux, tout en conservant l’esprit de l’article 1er ?

Madame la rapporteure, ce texte présente des avancées indéniables, que le groupe UDI ne peut que soutenir.

Nous resterons néanmoins vigilants sur l’application de ces nouvelles dispositions. Selon nous, le sujet de la responsabilité n’a été que trop partiellement clarifié. En effet, il met seulement sur le même pied d’égalité les zones urbaines et les zones à urbaniser. Quid des zones agricoles, par exemple ?

En outre, un rapport avait été rendu, en 2003, sur la protection des feux de forêts. Il préconisait notamment d’examiner la possibilité de mutualiser le coût du débroussaillement sous la forme d’une taxe au profit des communes, qui devraient alors s’acquitter du débroussaillement. Cette piste me paraît pertinente, et permettrait de résoudre les problèmes de responsabilité entre propriétaires. On pourrait, par exemple, concevoir un système dans lequel seraient taxés les propriétaires qui ne souhaitent pas s’occuper du débroussaillement, la commune le prenant alors en charge, tout en laissant aux autres propriétaires la possibilité de l’effectuer eux-mêmes – dans ce cas, aucune taxe ne leur serait appliquée. Un tel système permettrait d’une part d’identifier tous les propriétaires, et de l’autre de s’assurer que le travail est bien effectué.

Ce sont là quelques idées qui, je l’espère, pourront faire l’objet d’un débat ultérieur. Dans cette attente, les députés du groupe UDI voteront sans réserve en faveur de ce texte.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Permettez-moi de remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés ce soir. Le constat est là, monsieur le secrétaire d’État : les éléments qui ont été développés montrent bien qu’il y a un problème, et que la législation actuelle est source de nombreux conflits de voisinage. Il suffit d’ailleurs d’aller sur le terrain pour constater qu’en zone urbanisée ou à urbaniser, l’obligation de débroussaillement est très loin d’être respectée.

Je ne prendrai qu’un seul exemple, mais auparavant, je voudrais saluer la suggestion de M. Degallaix : ce texte pourrait en effet évoluer au cours de la navette parlementaire.

Vous avez parlé de prévention, monsieur le secrétaire d’État. Nous sommes tous conscients, sur ces bancs, de la nécessité de la prévention. Il se trouve que j’assistais samedi matin à une inauguration en présence de Mme le sous-préfet, et que j’ai eu l’occasion d’évoquer avec elle le sujet de la prévention. Elle m’a expliqué que lorsque le débat était lancé immédiatement après un incendie, les populations étaient très réceptives et désireuses d’agir. Six mois ou un an après, elles ne le sont plus : on est passé à autre chose, et tout reste en l’état. C’est pourquoi il me semble nécessaire de relayer les messages de prévention au sein des écoles, des collèges et des lycées : chacun a un apprentissage de la citoyenneté à faire pour assurer la protection de notre patrimoine contre les incendies.

Vous avez été nombreux à observer que ce texte s’inscrivait dans une démarche de simplification. À l’heure où le Président de la République a lancé un grand chantier en la matière, il me paraît important de redire que l’article 2 de la proposition de loi apporte une vraie simplification.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. J’ai évoqué cet amendement tout à l’heure dans mon propos liminaire. Le Gouvernement comprend parfaitement la problématique soulevée par cette proposition de loi ; les obligations légales de débroussaillement peuvent en effet engendrer des conflits de voisinage parfois très difficiles à gérer pour les maires, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs.

S’il partage le souci qui est le vôtre, le Gouvernement n’approuve cependant pas la solution retenue par le texte, qui fait peser de nouvelles obligations sur l’ensemble des propriétaires de parcelles non bâties dans les zones à urbaniser, même quand ils ne sont pas aujourd’hui concernés par les obligations de débroussaillement, alors que leurs parcelles ne présentent pas de risque particulier en matière d’incendie. Autrement dit, il y a disproportion.

En outre, le texte fait peser un risque sur l’efficacité du système dans son ensemble. La logique qui le sous-tend est en effet la règle obligeant les seuls propriétaires de parcelles bâties à débroussailler dans un rayon de 50 mètres autour du bâtiment, et ce même quand ce rayon dépasse les limites de la parcelle dont ils sont propriétaires. Or j’ai déjà indiqué l’importance que revêtaient les maisons en termes de protection.

Il ne nous semble donc pas opportun d’obliger les personnes qui ne possèdent pas de bâti à débroussailler leurs parcelles. L’obligation pour les propriétaires de bâti de débroussailler jusque chez le voisin si ce dernier n’est pas soumis à l’obligation nous semble en revanche pleinement justifiée.

Le Gouvernement propose donc, à travers cet amendement, de clarifier les responsabilités des propriétaires déjà soumis à obligation pour éviter les recoupements d’obligations, et ainsi réduire les conflits de voisinage dans un souci de bonne entente et de vivre ensemble apaisé. La prévention des incendies s’en trouvera renforcée, chacun sachant clairement de quelle surface il est responsable en cas de superposition d’obligations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Cet amendement n’a pas été examiné en commission, car il a été déposé ce matin. À titre personnel, j’y donne un avis défavorable. Je me suis un peu avancée tout à l’heure s’agissant de la simplification !

Pour les maires et les élus locaux qui sont sur le terrain, l’inversion de la charge du débroussaillement ne pose pas de problème. Au contraire, il serait beaucoup plus simple pour eux d’adresser un courrier aux propriétaires de parcelles en zone urbanisée ou à urbaniser, qui seraient alors dans l’obligation d’effectuer un débroussaillage. En outre, cela susciterait bien moins de conflits de voisinage.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Roig.

M. Frédéric Roig. Il convient d’être particulièrement vigilant en matière de débroussaillement et de défense de la forêt contre les incendies. Ainsi que la rappelé Mme la rapporteure, c’est souvent a posteriori que l’on s’aperçoit que l’application des nouvelles normes ou des arrêtés préfectoraux est très compliquée, non seulement pour les particuliers mais aussi pour les collectivités. C’est un travail collectif que cela suppose sur le terrain, un travail permanent de tous les acteurs, au premier rang desquels les sapeurs-pompiers et les sapeurs-forestiers, sans oublier les comités de feux de forêt, qui jouent un rôle très important, le bénévolat et les agriculteurs. C’est ce travail collectif qui permet d’apporter des réponses locales et d’assurer l’entretien de l’espace par la biodiversité et par l’agriculture, qui est un vecteur important de la lutte contre les incendies. Dans le département de l’Hérault, où nous payons un lourd tribut, nous constatons que la vigne ou l’agropastoralisme permettent d’apporter un certain nombre de réponses. Il me semble donc qu’il était nécessaire de clarifier le rôle de chacun des acteurs.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Il vise à prévoir un délai d’un an avant l’entrée en vigueur du dispositif prévu à l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. À défaut d’une modification de l’article 2, qui aurait eu la préférence du Gouvernement, bien qu’il comprenne la position de l’Assemblée, j’émets un avis de sagesse sur le report de l’entrée en vigueur des nouvelles règles si elles devaient être adoptées. Ces changements sont en effet substantiels, que ce soit pour les propriétaires, qui seraient désormais tous concernés par les obligations de débroussaillement, ou pour les services de contrôle du respect des obligations et les services de secours. Tous devront s’adapter aux nouvelles règles si elles sont adoptées, puisque ces dernières renversent la logique initialement souhaitée par le législateur de n’imposer le débroussaillement qu’aux seuls propriétaires de bâti.

(L’amendement n2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly