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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 14 décembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. Alain Chrétien

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Situation à Alep

M. Olivier Faure

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Situation à Alep

M. Stéphane Saint-André

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Pacte d’avenir pour la Guyane

M. Gabriel Serville

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Nomination à l’Institut Gustave-Roussy

M. Yves Censi

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Protection du modèle social français

M. Guillaume Bachelay

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Politique éducative et familiale

M. Xavier Breton

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Prorogation de l’état d’urgence

M. William Dumas

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur

Secteur des services à la personne

M. Laurent Degallaix

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Situation des territoires ruraux

M. Bernard Reynès

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales

Situation à Alep

M. François Rochebloine

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Ligne B du RER

M. Jacques Alain Bénisti

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Banque de développement des Caraïbes

M. Serge Letchimy

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer

Grippe aviaire

M. Charles de La Verpillière

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Lois extraterritoriales des États-Unis

M. François-Michel Lambert

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

3. Accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales

4. Statut de Paris et aménagement métropolitain

Présentation

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de rejet préalable

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Jean-Michel Baylet, ministre

M. Patrick Mennucci, rapporteur

Mme Annick Lepetit

M. Philippe Goujon

Motion de renvoi en commission

M. Claude Goasguen

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales

Mme George Pau-Langevin

Discussion générale

M. Olivier Dussopt

M. Philippe Goujon

M. Arnaud Richard

M. Jacques Krabal

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Sandrine Mazetier

M. Pierre Lellouche

M. Jean-Patrick Gille

M. Serge Grouard

Mme Seybah Dagoma

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État

Discussion des articles

Avant l’article 17(amendement appelé par priorité)

Article 17(appelé par priorité)

M. Pierre Lellouche

M. Claude Goasguen

M. Patrick Bloche

M. Christophe Caresche

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom à tous la bienvenue à M. Jerry Tardieu, président du groupe d’amitié Haïti-France de la Chambre des députés de la République d’Haïti. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Chrétien. Monsieur le Premier ministre, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a disparu : disparu de vos discours, disparu de vos engagements, disparu de vos priorités.

Un député du groupe Les Républicains. C’est un mirage !

M. Alain Chrétien. Que sont devenues les grandes déclarations péremptoires de votre prédécesseur, qui s’engageait à faire évacuer la zone à l’automne ? Que sont devenues les grandes déclarations du Président sortant, qui s’engageait à faire respecter le résultat du référendum ?

Un député du groupe Les Républicains. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Ne nous parlez pas du prétendu contentieux européen, prétexte qui n’existe pas et n’a aucun fondement juridique sérieux ! N’invoquez pas une indisponibilité des forces de l’ordre, qui seraient occupées à surveiller des marchés de Noël ! En vérité, monsieur le Premier ministre, vous êtes paralysé. Vous êtes dans une impasse politique, écartelé entre Mme Royal, qui ne veut pas de cet aéroport, et les injonctions de M. Ayrault, qui a été incapable de le faire sortir de terre lorsqu’il était lui-même Premier ministre.

M. Philippe Cochet. Incapables !

M. Jean-Paul Bacquet. Vous êtes lamentables !

M. Alain Chrétien. Une fois de plus au cours de ce mandat, la parole de l’État sera ridiculisée par ce reniement supplémentaire. Alors, monsieur le Premier ministre, si vous voulez que cette fin de quinquennat soit utile, respectez vos engagements, prenez ce dossier en main et réglez-le au lieu de le laisser à vos successeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Rémi Pauvros. Vous devriez vous calmer !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Très franchement, monsieur Chrétien, sur des sujets d’une telle importance et d’une telle complexité, pourrions-nous essayer, au lieu d’intenter des procès d’intention et de polémiquer,…

M. Patrick Hetzel. Et au lieu de procrastiner !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …d’examiner les questions qui se posent et d’y apporter les réponses les plus pertinentes ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Ce sujet, je le connais bien. Lorsque j’étais ministre de l’intérieur, le précédent Premier ministre m’a demandé de préparer l’évacuation de la ZAD – zone à défendre – de Notre-Dame-des-Landes.

Un député du groupe Les Républicains. Quelle efficacité !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. J’ai de ce sujet une vision très claire, que je veux exprimer devant la représentation nationale. Nous vivons dans un État de droit.

M. Claude Goasguen. Et pourtant !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Depuis maintenant près de quatorze ans, l’État, en liaison avec les collectivités locales, a pris l’ensemble des dispositions nécessaires pour permettre la réalisation de cette grande infrastructure. Parce que nous vivons dans un État de droit, des recours sont intervenus – 169 très exactement –, au terme desquels raison a toujours été donnée à l’État, dont il a été reconnu qu’il avait rigoureusement respecté le droit en vigueur à chaque étape de la procédure.

La Commission européenne a formulé certaines remarques sur ce projet, dans le cadre d’une démarche pré-contentieuse. Les collectivités locales ont décidé de modifier le SCOT – schéma de cohérence territoriale – afin de le rendre conforme à ces préconisations. Ce document sera examiné et sans doute voté le 19 décembre prochain ; nous serons alors en mesure de vérifier que l’intégration des mesures nouvelles correspond aux attentes de la Commission européenne et donc que nous sommes sortis du pré-contentieux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas sérieux !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Sur ce sujet, il faut adopter une position claire.

M. Bernard Accoyer. Allons !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. La question n’est pas, monsieur Chrétien, de savoir s’il faut ou non évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

M. Bernard Accoyer. Un peu de courage !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Il faut bien entendu le faire parce que, dans un État de droit, le droit doit être respecté : nul ne peut s’opposer par la violence à l’expression de la souveraineté des élus ni aux décisions qu’ils prennent, dès lors qu’ils respectent le droit.

M. Bernard Accoyer. De quel côté est la violence ?

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Accoyer !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. La question est de savoir comment bien le faire. Sur un sujet de ce genre, comme sur celui de Calais,…

M. Bernard Accoyer. Voilà comment l’on détruit la République !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …il faut non pas procéder par incantations, comme vous le faites, mais avec méthode et efficacité, tout en s’assurant que l’opération se déroulera sans violence et connaîtra une véritable réussite, ouvrant la possibilité de réaliser cette infrastructure.

Mme Bérengère Poletti. Bla-bla-bla !

M. Bernard Accoyer. Scandaleux ! C’est une trahison !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. C’est la raison pour laquelle, compte tenu du niveau de mobilisation des forces de l’ordre – vous pouvez l’ignorer mais moi non, car il existe une menace terroriste très importante, à laquelle l’État doit faire face –,…

M. Bernard Accoyer. Il y a les terroristes et il y a les voyous !

M. le président. Monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. Nous sommes ici à l’Assemblée nationale ! C’est un renoncement !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …j’ai demandé au ministre de l’intérieur, dans la continuité du travail que j’ai engagé et selon les étapes à franchir, de bien vouloir déterminer les conditions d’une opération pragmatique et efficace, permettant la réalisation de cet aéroport. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation à Alep

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Olivier Faure. « Au secours ! Au secours ! », c’est l’ultime message, le cri de ces milliers de femmes, d’enfants, de vieillards, d’hommes qui peuplent encore la ville martyre d’Alep. Monsieur le Premier ministre, les témoignages qui nous parviennent encore décrivent tous la même tragédie.

Un député du groupe Les Républicains. C’est ça la guerre !

M. Olivier Faure. Celle de l’agonie d’une ville, d’un massacre systématisé, d’une guerre au-delà de la guerre. Alep est une ville encerclée, sciemment affamée, scientifiquement pilonnée. Les troupes de Bachar Al-Assad et ses alliés russes ont délibérément détruit tous les hôpitaux, interdisant même la prise en charge des blessés. Alep n’est plus une ville ; c’est un piège, une souricière. Ce n’est pas une guerre, ce n’est même plus une boucherie, c’est une extermination planifiée.

Un député du groupe Les Républicains. Envoyez Duflot ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Olivier Faure. Depuis des mois, certains nous disent que la diplomatie, ce n’est pas la morale, que Bachar Al-Assad est le dernier rempart contre le djihadisme, que les Russes ont la force de vaincre l’État islamique.

M. Claude Goasguen. Et Al-Qaïda !

M. Olivier Faure. Mais les forces russes sont aujourd’hui concentrées à Alep, contre la rébellion syrienne. Pendant ce temps, la pression sur Daech se desserre, ce qui a permis à l’organisation terroriste de reprendre Palmyre.

Ces dernières heures ont d’abord été marquées par l’espoir d’un cessez-le-feu – à peine négocié, déjà suspendu.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Olivier Faure. Et c’est sous la pluie, dans le froid, que les enfants d’Alep attendent un réveil international. C’est l’humanité qui est bafouée à Alep, et c’est un précédent tragique qui est ouvert par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Monsieur le Premier ministre, quelle sera l’action de la France dans les prochaines heures pour répondre à cette urgence humanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, je veux d’abord vous féliciter pour votre élection à la tête du groupe socialiste, écologiste et républicain et remercier, à travers vous, l’ensemble des parlementaires qui, hier, m’ont accordé leur confiance.

À l’occasion de ma déclaration de politique générale, et au tout début de mon propos, j’ai évoqué la situation à Alep. La priorité de la France est très claire et a été exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République et le chef de notre diplomatie, Jean-Marc Ayrault : il faut impérativement arrêter les massacres contre les populations qui sont prises au piège d’Alep, dans les conditions tragiques que vous avez évoquées. Nous n’acceptons pas que les bombardements et les combats puissent atteindre un tel niveau de barbarie.

Une guerre totale, oui, a été déclarée par le régime de Bachar Al-Assad, avec le soutien de la Russie, contre son propre peuple. La destruction délibérée d’hôpitaux, d’établissements scolaires, le ciblage déterminé de populations civiles, de familles, d’enfants, constitue ce qu’il faut appeler des crimes de guerre. Face à cela, vous avez eu raison de le dire, il y a une urgence humanitaire.

La Russie, qui est un grand pays – du fait de son histoire, de sa culture, de sa place dans le monde – doit enfin prendre ses responsabilités de grande puissance. Elle doit provoquer et respecter l’arrêt complet des bombardements, garantir un accès humanitaire qui permette l’évacuation des populations civiles. Elle l’a annoncé hier, à la suite de l’accord entre le régime et les groupes armés qu’elle a coparrainé avec la Turquie hier, mais dont on voit aujourd’hui la difficulté de la mise en œuvre sur le terrain.

Il faut aussi que les crimes du régime, qui utilise des armes chimiques contre son peuple, crimes mis au jour de manière indiscutable par la mission d’enquête conjointe de l’ONU, soient non seulement dénoncés, mais aussi – c’est une question d’honneur, de morale devant l’humanité – poursuivis farouchement devant la justice internationale. Il ne peut y avoir, monsieur le député, d’impunité pour les criminels de guerre en Syrie.

La situation à Alep est une véritable injure faite à l’humanité et une raison de mobilisation pour tous les humanistes. Elle est inacceptable. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a reçu lundi les représentants de l’opposition modérée, ainsi que les dirigeants des organisations humanitaires qui travaillent encore à Alep ou dans d’autres villes assiégées. C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères a réuni, le 10 décembre à Paris, les membres du groupe des pays affinitaires qui souhaitent que soit trouvée une solution politique en Syrie.

C’est, enfin, la raison pour laquelle la France a demandé la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies hier. À cette occasion, nous avons demandé l’évacuation de la ville, sous observation internationale et en présence des organisations humanitaires. Nous continuerons d’agir, sans trêve ni pause, pour qu’une aide et une protection immédiates, sans conditions, soient apportées aux habitants de la partie est d’Alep, sans discrimination et conformément au droit humanitaire international.

Ceux qui prétendent qu’il n’y a, pour la paix en Syrie, que le choix entre Bachar Al-Assad et Daech commettent, monsieur le député, une triple erreur : une erreur politique, une erreur stratégique, mais surtout une erreur morale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Situation à Alep

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Monsieur le ministre des affaires étrangères, la situation à Alep se dégrade d’heure en heure. L’accord de cessez-le-feu, conclu hier, qui prévoyait l’évacuation aujourd’hui de combattants rebelles et de civils a déjà été suspendu en raison de nouveaux bombardements, confirmés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Le régime de Bachar Al-Assad impose, semble-t-il, de nouvelles conditions, avec la complicité de la Russie. Des femmes, des hommes, des enfants sont exécutés sommairement. M. le Premier ministre a raison de parler de crime contre l’humanité.

Je sais que la France est bien seule dans ses tentatives, je sais que la France a agi dès 2013, je sais que la France seule ne peut s’engager militairement et qu’il faut, sur ce point, se résoudre à être réalistes. Mais la France doit continuer d’agir pour le peuple syrien, sa grandeur, son humanité. Personne, dans cet hémicycle, ne peut rester insensible à ce qui se passe sous nos yeux, en 2016, à 3 000 kilomètres d’ici.

Face à l’horreur des massacres perpétrés par le boucher de Damas, face aux images insoutenables, qui nous meurtrissent un peu plus chaque jour, une déclaration unanime de notre assemblée pourrait peut-être apporter un appui efficace aux représentants de la France qui œuvrent sans relâche pour la protection des civils sans défense. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur la situation et sur les initiatives de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, à la suite d’Olivier Faure, vous venez de décrire, avec beaucoup de tristesse dans votre voix, la situation dramatique de la population d’Alep. La France n’a cessé de dénoncer, et je l’ai fait souvent ici, la stratégie de la guerre totale dans laquelle le régime de Damas s’est engagé, avec ses soutiens russe et iranien.

J’avais mis en garde, car je craignais ce qui allait se passer. Je le dis, en particulier aux adeptes de la realpolitik qui pensent qu’il suffit de parler avec Bachar Al-Assad pour régler le problème : partout où elle est présente – au Conseil de sécurité de l’ONU et samedi, lors de la réunion des pays partisans de la négociation, associant États européens, États-Unis, pays arabes et Turquie – la France continuera de se battre pour une solution de paix.

Il y a trois priorités. La première, c’est l’aide humanitaire. Le Premier ministre l’a rappelé : demain, au Conseil européen, le Président de la République et la chancelière allemande proposeront de confirmer la demande que nous avons faite de couloir humanitaire et d’observateurs internationaux pour permettre l’évacuation, avec l’aide des organisations humanitaires.

La deuxième priorité, c’est de reprendre les négociations politiques à Genève. Nous l’avons dit aux Russes – contrairement à ce que croient ceux qui nous pressent de parler aux Russes, nous ne cessons de le faire ! – : si ces négociations, prévues par la résolution 2254 du Conseil de sécurité, ne reprennent pas, alors les Russes assumeront la responsabilité de s’enfermer dans une stratégie semblable à celle qu’ils ont adoptée en Afghanistan, et dont ils ne pourront sortir.

La troisième priorité, c’est de lutter contre le terrorisme. Il s’agit de combattre Daech, mais aussi de protéger les Français et les Européens. Le régime syrien lutte prétendument contre le terrorisme. En réalité, il lutte contre l’opposition, ce qui a permis aux djihadistes de Daech de reprendre Palmyre. Tout un symbole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Danielle Auroi, Mme Brigitte Allain, Mme Isabelle Attard et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Pacte d’avenir pour la Guyane

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre des outre-mer, j’associe à ma question mes collègues parlementaires de Guyane.

Avec une pression démographique et migratoire sans équivalent sur le territoire de la République, avec un PIB par habitant qui se situe largement en deçà de la moyenne nationale, avec 39 homicides depuis le début de l’année 2016, la Guyane se trouve littéralement au bord de l’implosion. Malgré tous les efforts réalisés durant ce quinquennat, notre territoire, dont il n’est plus besoin de faire la publicité des atouts, notamment sur le plan géostratégique, continue d’accumuler des retards dans tous les domaines, que ce soit en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures, de sécurité ou encore de gestion du foncier.

Le pacte d’avenir promis par le Président de la République devait constituer une réponse, même partielle, à ces problématiques. Or il n’est toujours pas signé à ce jour et j’ai bien peur que le retard accumulé ne nous dirige vers des désordres sociaux.

Madame la ministre, nonobstant votre réelle implication dans ce dossier aux côtés des parlementaires, sur le terrain, l’incompréhension se transforme en inquiétude. J’en appelle donc à l’exercice collégial de la responsabilité politique afin d’accéder rapidement à la validation d’un document aux ambitions partagées.

Car, voyez-vous, la nature ayant horreur du vide, c’est la présidente du Front national, en déplacement en Guyane du 15 au 18 décembre prochain, qui tentera de s’ériger en remède universel pour soigner les maux de ce territoire. Ne pas répondre aux attentes de la Guyane reviendrait à la mettre à la merci du poison et entre les griffes mortifères du Front national, dont le mensonge et les caricatures sont les marques de fabrique. Ne pas lancer un signe fort, à travers la signature du pacte d’avenir, serait faire le lit de discours populistes et nauséeux, absolument contraires aux valeurs de notre République et risquant de mettre définitivement en péril les équilibres sociaux qui se sont forgés au fil de l’histoire. Il est de notre responsabilité collective de ne laisser aucune place aux idéologies qui prônent le repli sur soi et le rejet de l’autre, notamment sur un territoire qui se définissait encore récemment comme emblématique de notre idéal du vivre ensemble.

M. le président. Merci, monsieur Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, ce n’est pas une question, c’est un cri d’alerte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Je mesure pleinement l’urgence à laquelle vous faites allusion, vous le savez, monsieur le député.

En matière de sécurité, le Gouvernement est particulièrement actif et vigilant. Le préfet a reçu l’ensemble des élus, en particulier les maires, pour des assises territoriales des acteurs de la sécurité, le 9 décembre dernier.

À la suite des engagements du Président de la République, un pacte d’avenir a été élaboré, à partir d’une large concertation. Je rappelle que ce texte répond aux enjeux de développement pour les années à venir, avec des orientations stratégiques ambitieuses et des mesures très concrètes pour les Guyanais. Je vous confirme que l’État souhaite que le pacte d’avenir soit signé dès que possible.

Une version retravaillée avait fait l’objet d’un accord explicite, le 22 novembre dernier, à l’issue d’une réunion entre les parlementaires, mon cabinet et le président de la collectivité territoriale de Guyane. Celui-ci a finalement souhaité poursuivre la discussion. Dans cette attente, les engagements pris par l’État ont tous été tenus – je pense par exemple à la garantie d’emprunts de 53 millions d’euros, votée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Je tiens à rappeler ici que les efforts de l’État en faveur de la Guyane ont connu une hausse substantielle, de plus de 10 %, qui sera poursuivie en 2016 et en 2017. Le pacte d’avenir s’inscrit dans la continuité de cette action résolue. Voilà pourquoi je souhaite qu’à l’issue de discussions fondées sur le respect et la responsabilité partagée, ce pacte soit signé et mis en œuvre dans les semaines qui viennent. Une fois qu’il sera signé, je me rendrai en Guyane pour en présenter le contenu.

Vous le voyez, monsieur le député, l’État se tient plus que jamais aux côtés des Guyanais. Ensemble, nous devons lutter contre les populismes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nomination à l’Institut Gustave-Roussy

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Censi. Monsieur le Premier ministre, un nouveau passage en force de votre ministre des affaires sociales et de la santé, cette fois pour nommer un membre de son cabinet comme directeur général adjoint de l’Institut Gustave-Roussy, a suscité l’indignation de la communauté médicale. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Un député du groupe Les Républicains. C’est un scandale !

M. Yves Censi. Certes, avec cette nomination de complaisance, la ministre n’enfreint pas la loi puisqu’un décret de 2010 l’y autorise. Mais elle enfreint toutes les règles d’usage et d’éthique en vigueur dans le corps médical pour ce genre de nomination. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas beau !

M. Philippe Cochet. C’est du joli !

M. Yves Censi. Et c’est le plus grand centre anti-cancer d’Europe qui est ici concerné : il regroupe quelque 3 000 salariés et 300 chercheurs pour une cause éminemment stratégique de recherche et de santé publique.

C’est choquant car le conseiller de Mme Touraine ne répond même pas à la fiche de poste, qui stipulait expressément l’exigence d’une grande expérience de terrain dans le milieu hospitalier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Les copains et les coquins !

M. Yves Censi. C’est choquant car vous vous asseyez sur l’avis négatif du directeur général de l’Institut, qui est soutenu par la communauté médicale.

M. Dominique Tian. Oh !

M. Yves Censi. C’est choquant car le conseiller de Mme Touraine en est déjà à sa deuxième tentative de « recasage », après un échec au CHU de Pontoise,…

Mme Catherine Vautrin. Il n’a aucune compétence !

M. Yves Censi. …sans compter le jeu de chaises musicales pour libérer la place à l’Institut et assurer le placement des proches de Mme Touraine dans différents CHU.

M. Bernard Accoyer. Honteux !

M. Yves Censi. Monsieur le Premier ministre, préparez-vous l’avenir de la recherche française ou celui des copains et des affidés qui ont décidé, en nombre, de quitter un navire gouvernemental à la dérive depuis le renoncement de François Hollande ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cet épisode renforce l’idée que vous seriez l’exécuteur testamentaire du Président de la République, chargé de distribuer les postes avant la grande débâcle. Ce n’est à la hauteur ni de votre réputation, ni de ce centre anti-cancer, ni de notre République.

Ce matin, le conseil d’administration de l’Institut a lui aussi rejeté la nomination du candidat de Mme Touraine. Monsieur le Premier ministre, allez-vous en tirer les conséquences et demander à votre ministre de mettre fin à ses pratiques unanimement contestées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Maina Sage. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. (Protestations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutez la réponse !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Censi, de quoi parlons-nous ? Je propose la nomination de M. Frédéric Varnier, directeur d’hôpital ayant occupé les fonctions de secrétaire général du Centre hospitalier sud francilien, pour occuper un poste de directeur d’hôpital.

M. Alain Marty. Vous êtes juge et partie !

Mme Marisol Touraine, ministre. De quelle procédure administrative parlons-nous ? D’une procédure qui fut élaborée par le Gouvernement Fillon,…

M. Bernard Accoyer. Vous faites toujours le même numéro !

Mme Marisol Touraine, ministre. …ad hoc, précisément, pour l’Institut Gustave-Roussy.

M. Guy Geoffroy. Vous vous comportez comme Poutine !

M. le président. Monsieur Geoffroy !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et puisque vous parlez de l’usage, monsieur le député, je tiens à vous dire que cette procédure a été mise en place pour la nomination de celui qui occupait le poste actuellement à pourvoir ; à l’époque, du reste, les professionnels de l’Institut Gustave-Roussy, l’IGR, avaient déjà manifesté une certaine inquiétude, avant de travailler fort bien avec M. Charles Guépratte.

Le directeur de l’IGR a souhaité, de son côté, organiser une autre procédure,…

Mme Laure de La Raudière. Et vous nommez quand même votre candidat ! C’est scandaleux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui a d’ailleurs abouti à classer M. Frédéric Varnier dans sa short list. Les compétences de ce dernier ne sont donc pas en cause.

M. Bernard Accoyer. Où est la démocratie là-dedans ? Le conflit d’intérêts est manifeste !

Mme Marisol Touraine, ministre. En revanche, monsieur le député, je ne vous ai pas entendu quand j’ai nommé, il y a quelques semaines, un ancien conseiller du cabinet de Mme Bachelot…

M. Claude Goasguen. Ça…

M. Philippe Cochet. Il était de gauche !

M. Philippe Meunier. Elle vous a invitée dans son émission ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …à la tête du CHU de Nice, alors que, sur place, les professionnels avaient un autre candidat.

Je ne vous ai pas davantage entendu, monsieur le député, lorsque j’ai nommé d’anciens conseillers de cabinets de l’actuelle opposition respectivement numéro deux de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Bérengère Poletti. Et alors ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne vous ai pas non plus entendu lorsque j’ai maintenu à son poste un ancien membre du cabinet de M. Sarkozy, directeur d’administration centrale depuis cinq ans dans les services de mon ministère.

M. le président. Merci, madame la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. La seule chose qui compte pour moi, c’est la compétence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas un gouvernement, c’est Pôle Emploi !

M. Laurent Furst. Ça sent le Roussy !

Protection du modèle social français

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Guillaume Bachelay. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Le 4 octobre 1945, une ordonnance promulguée par le général de Gaulle créait la Sécurité sociale. En voici les premiers mots : « Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature ». Ce texte établit que l’accident du travail, la vieillesse, les charges de famille et, bien sûr, la maladie sont couverts par des assurances sociales intégrant tous ces risques, ce qui constitue, avec le service public, le patrimoine de tous les Français.

La Sécurité sociale et son avenir sont un thème majeur sur lequel il existe une opposition entre l’approche de la droite et la nôtre. M. Fillon, puisqu’il s’agit de lui, a pris durant la primaire des engagements, en distinguant entre le petit risque, attribué à des assurances privées, et les affections graves ou de longue durée qui, elles, seraient prises en charges par l’assurance maladie.

M. Sylvain Berrios. Parlez plutôt de la primaire de la gauche !

M. Guillaume Bachelay. Face au tollé causé par sa proposition, il l’a supprimée hier de son site internet. Malgré les tergiversations de communication, on peut dire que, sur la Sécurité sociale, la position de M. Fillon rime avec démolition. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Marty. Cela n’a pas de sens !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Marty !

M. Guillaume Bachelay. En ce qui concerne notre majorité, depuis 2012, nous avons défendu et même amplifié les protections : tiers payant en cours de généralisation, garantie contre les impayés de pension alimentaire, maisons de santé dans les territoires… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain)

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Quelle est la question ?

M. Guillaume Bachelay. …et cela en gérant bien les comptes sociaux. L’an prochain, le régime général sera à l’équilibre pour la première fois depuis quinze ans…

M. Alain Marty. C’est faux !

M. Guillaume Bachelay. …et, depuis l’an dernier, la Sécurité sociale se désendette.

M. Bernard Accoyer. C’est honteux de mentir de cette façon !

M. Guillaume Bachelay. Madame la ministre, quelles mesures avez-vous prises ou comptez-vous prendre pour assurer la défense de la Sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Brigitte Allain et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que les Français sont attachés à la Sécurité sociale comme à la prunelle de leurs yeux…

M. Philippe Cochet. C’est pour cela qu’il faut faire quelque chose !

M. le président. Monsieur Cochet !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et que le projet de la droite met gravement en cause les avancées sociales dont les Français ont pu et peuvent toujours bénéficier. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

D’ailleurs, on ne comprend plus grand-chose au projet du candidat de la droite puisque, après avoir annoncé des déremboursements, il a publié une tribune pour annoncer qu’en réalité les remboursements allaient augmenter. Et lorsque certains l’ont accusé d’avoir reculé, il s’en est offusqué et a affirmé que de recul il n’y avait pas. À l’arrivée, je ne sais pas ce qu’il faut comprendre.

Ou plutôt, ce qu’il faut comprendre, en réalité, c’est que les déremboursements seront au rendez-vous et que la Sécurité sociale sera mise en cause.

De la même manière, monsieur le député, si la droite mène à son terme son projet de supprimer 500 000 fonctionnaires, il faut dire que cela signifiera au moins 10 000 médecins en moins dans les hôpitaux français… (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Bérengère Poletti. N’importe quoi !

Mme Marisol Touraine, ministre. …alors que nous, nous avons créé 31 000 postes de soignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Il faut dire aussi que le projet de la droite qui consiste à relever l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans pèsera sur des millions de nos concitoyens, tandis que, grâce à nous, 500 000 Français ont pu partir à 60 ans parce qu’ils avaient commencé à travailler jeunes…

M. Philippe Meunier. Nous n’en avons pas les moyens !

M. Alain Marty. Démagogie !

M. le président. Monsieur Meunier, monsieur Marty, s’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et que 500 000 autres Français bénéficient d’ores et déjà de points compte tenu de la pénibilité des fonctions qu’ils ont exercées.

Vous le voyez, sur ce point également, ce sont deux projets sociaux radicalement différents.

M. Sylvain Berrios. Et vous, où allez-vous vous recaser ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous devons aussi dire clairement que le projet de la droite consiste à réduire des cotisations patronales et à les remplacer par une augmentation de la CSG payée par les Français,…

Mme Bérengère Poletti. Qu’en pense Macron ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …ce qui, pour un couple de smicards, représente 1 400 euros…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Politique éducative et familiale

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe Les Républicains.

M. Xavier Breton. Je voudrais dire aux membres du Gouvernement et du groupe socialiste que, s’ils veulent avoir un débat avec François Fillon, ils auront la campagne présidentielle pour le faire (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains), plutôt que de prendre en otage la séance des questions au Gouvernement de manière scandaleuse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Le temps de la campagne viendra, c’est maintenant celui des questions au Gouvernement.

M. Xavier Breton. Monsieur le Premier ministre, hier après-midi, votre discours de politique générale a particulièrement mal traité de deux sujets pourtant cruciaux pour notre pays : l’éducation et la famille.

Vous n’avez évoqué que très rapidement l’éducation en la réduisant à une approche purement quantitative et budgétaire. Pourtant, les comparaisons internationales, comme l’enquête PISA – Program for International Student Assessment –, publiée la semaine dernière, montrent bien que ce n’est pas le niveau des dépenses qui compte mais la bonne utilisation des moyens.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Xavier Breton. De plus, votre vision égalitariste de l’éducation vous empêche de promouvoir les valeurs de l’effort et du mérite. Cette même vision égalitariste conduit au grand bond en arrière de ces dernières années – la remise en cause de l’aide personnalisée à l’école, l’affaiblissement des savoirs fondamentaux, ou encore la réforme des rythmes scolaires et celle du collège.

Toutes ces réformes ont été imposées sans que les enseignants, les élèves et les parents d’élèves n’en comprennent ni la cohérence ni l’objectif.

Votre discours de politique générale a, par ailleurs, fait totalement l’impasse sur la politique familiale. Il est vrai que la politique menée depuis 2012 s’est traduite par un matraquage fiscal des familles et la remise en cause des fondements mêmes de notre politique familiale, qui faisait pourtant consensus depuis 1945.

Les résultats de cette politique catastrophique ne se sont pas fait attendre : pour la première fois depuis longtemps, la natalité est en recul dans notre pays.

M. Patrice Verchère. Eh oui !

M. Alexis Bachelay. Ridicule !

M. Xavier Breton. Monsieur le Premier ministre, vous avez eu hier l’occasion de renforcer l’éducation et la famille, de les replacer au cœur de notre société comme des priorités. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je me demande vraiment dans quelle mesure vous croyez à ce que vous racontez. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dans quelle mesure croyez-vous sincèrement que l’enquête PISA 2015 évalue la politique actuelle du Gouvernement, alors qu’elle porte sur des enfants de quinze ans dont la scolarité s’est déroulée entre 2006 et 2013 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Xavier Breton. Cela fait quatre ans que vous êtes là !

M. Philippe Vitel. C’est ridicule !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Expliquez-moi en quoi cela peut évaluer notre politique !

M. Claude Goasguen. C’est toujours la faute des autres !

M. Yves Censi. Vous n’y croyez pas vous-même !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Oui, l’enquête PISA, cela a été suffisamment dit, a montré de mauvais résultats, mais ces mauvais résultats sont à lier très directement à la politique qu’a conduite la droite pendant dix ans, avec la suppression de la formation des enseignants, la suppression de 80 000 postes dans l’éducation nationale et le sacrifice de l’éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

L’OCDE, qui vous intéresse tant, l’a dit explicitement : « La politique conduite depuis 2012 va dans le bon sens en matière éducative ». (Mêmes mouvements.) Pourquoi ? Parce que nous avons recréé des postes. Or la meilleure façon de réduire les effectifs par classe, et donc d’accompagner de façon plus individualisée les élèves, c’est d’avoir le nombre de professeurs nécessaire ; parce que nous avons recréé la formation des enseignants, ce qui rend ces derniers plus efficaces ; parce que nous avons remis en place la préscolarisation des enfants de moins de trois ans ; parce que nous avons installé plus de maîtres que de classes à l’école primaire…

M. Claude Goasguen. Combien d’agrégés ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …pour accompagner les difficultés dès qu’elles apparaissent ; parce que nous avons fait la réforme du collège pour améliorer les apprentissages.

Monsieur Breton, vous ne voulez pas que l’on vous parle de votre candidat à l’élection présidentielle. Pourtant, que recouvre son projet de suppression de 500 000 postes de fonctionnaires ? Il n’y aura plus de préscolarisation des enfants de moins de trois ans, plus de professeurs supplémentaires pour aider les élèves en difficulté… (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Hetzel. Mensonges !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …il n’y aura plus d’aides ; l’éducation nationale sera de nouveau sacrifiée.

Alors, soyons sérieux, et je vous donne rendez-vous en 2021 pour juger de notre politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Un député du groupe Les Républicains. Vous ne serez plus là !

Prorogation de l’état d’urgence

M. le président. La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. William Dumas. Monsieur le ministre de l’intérieur, depuis les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hypercacher, du Bataclan, de Saint-Étienne-du-Rouvray, de Nice, la France a bien changé. Certains ont perdu des proches ; certains ont été blessés. Nos compatriotes se sont unis pour faire face au terrorisme. Nous avons défilé pour dire que nous n’avions pas peur.

Hier soir, tard dans la nuit, nous avons voté la prorogation de l’état d’urgence. Il n’a pas vocation à devenir permanent : son but est de protéger les Français face à une menace grave et exceptionnelle.

Le Premier ministre et vous-même nous avez assuré que les services disposent de preuves tangibles : la menace existe toujours. Nous entrons dans une période de fêtes religieuses. Nous serons ensuite dans une période électorale, propice aux rassemblements de foules. Nous avons le devoir de protéger les Français.

L’état d’urgence nous donne des moyens concrets pour lutter efficacement contre le terrorisme. Les perquisitions administratives ont permis de saisir des armes de guerre et de récupérer des renseignements essentiels pour démanteler les réseaux.

Nous devons donner aux forces de l’ordre toutes les armes pour mener le combat contre les terroristes. Notre priorité, c’est la sécurité de la nation, dans le respect de la Constitution.

Les lois que nous avons votées ont permis à notre droit de s’adapter. Nous devons être présents sur tous les plans : le renseignement, la déradicalisation, la prévention, la protection et la punition. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, la majorité a adopté des lois pour renforcer notre arsenal dans la lutte antiterroriste. Celle que nous avons votée hier proroge l’état d’urgence. Pouvez-vous nous dire quelles en seront les conséquences ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je vous remercie de votre question mais je souhaite surtout profiter de ce moment pour remercier la très grande majorité de députés, qui, très tôt ce matin, vous l’avez dit, ont autorisé la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au mois de juillet 2017.

M. Sylvain Berrios. Dans leur grande sagesse ! (Sourires.)

M. Bruno Le Roux, ministre. J’ai essayé de les convaincre – mais beaucoup en étaient déjà conscients – de l’état de la menace qui pèse sur notre pays et du fait que, la sécurité des Français étant une priorité, nous ne pouvions pas nous passer des moyens que confèrent l’état d’urgence et la loi de 1955.

Je tiens à présent à citer quelques chiffres. Depuis le dernier vote portant sur l’état d’urgence, le 21 juillet, treize projets d’attentat ont été déjoués – un l’avait déjà été en 2013, quatre l’année suivante, sept en 2015 et dix-sept, au total, l’ont été cette année. On compte à ce jour quatre-vingt-dix assignations à domicile, qui ont chacune une raison d’être, et, depuis le début de l’année, 420 individus soupçonnés d’intelligence avec les terroristes ou de lien avec les réseaux terroristes ont été interpellés. Rien que pour le mois de novembre, qui vient de s’achever, quarante-trois individus ont été interpellés, dont vingt-huit ont été déférés.

À cet instant, je tiens à saluer le travail remarquable de nos forces de sécurité et de nos services de renseignement. Parmi nos forces de sécurité, je veux mentionner, comme nous en avons l’habitude, la police et la gendarmerie, mais je tiens à leur associer les sapeurs-pompiers et la sécurité civile, qui accomplissent, dans toute la chaîne de sécurité, un travail absolument remarquable. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Enfin, je remercie les présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que leur deux rapporteurs, qui ont permis d’apporter des améliorations significatives dans le contrôle parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Secteur des services à la personne

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous le savez, les services à la personne sont en plein développement : ils représentent à peu près 5 % des emplois de notre pays et près de 5 millions de foyers y ont recours chaque année. Cependant, les professionnels de ce secteur sont inquiets ; leurs craintes portent principalement sur trois points.

Premièrement, ils voient depuis quelque temps fleurir des start-up qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes fiscales et sociales. Ils craignent une forme d’« ubérisation » des services à la personne. Quelles mesures pourriez-vous prendre pour éviter cette concurrence déloyale ?

Deuxièmement, alors que la demande progresse de façon exponentielle, ils éprouvent des difficultés à recruter. Ils ne trouvent pas de personnel suffisamment qualifié – ce qui est un comble dans un pays qui compte 3,5 millions de chômeurs – pour occuper ces emplois non délocalisables. Il faut œuvrer pour essayer d’améliorer la formation à ces métiers, pour la plupart nouveaux.

Le troisième point, plus technique et financier, concerne le remboursement de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Schématiquement, l’APA s’élève à environ 25 euros et le montant de compensation varie d’un territoire à l’autre. Sur le mien, à Valenciennes, le département n’intervient qu’à hauteur de 17 euros, ce qui signifie que chaque heure de travail creuse un peu plus le déficit de la structure qui intervient. C’est au fond le concept « travailler plus pour gagner moins », ce qui pose un vrai problème.

Ne pourrait-on pas harmoniser le montant de remboursement ? L’agence régionale de santé ne pourrait-elle pas compenser ce montant, afin de répondre aux attentes fortes qui se font jour en France ?

Vous le savez, madame la ministre, les services à la personne sont au cœur des sujets et des enjeux sociétaux, sociaux et économiques de demain. Les personnels accomplissent un travail remarquable avec beaucoup de cœur, souvent beaucoup d’amour pour les plus fragiles d’entre nous. Ils attendent votre réponse avec beaucoup d’anxiété. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le député, merci pour votre question et merci de saluer le travail au quotidien des aides à domicile qui se consacrent aux personnes âgées. Vous avez raison de le souligner, la loi permet justement d’envisager globalement la vie d’une personne âgée, de respecter son libre choix, de la respecter dans toutes les dimensions de sa vie, mais aussi de considérer son entourage. Je veux évidemment parler des aidants : nous avons accompli une grande avancée avec le droit au répit.

Il faut savoir, monsieur le député, que, dans votre département, qui appartient à la grande région des Hauts-de-France, Myriam El Khomri a signé un accord sur la formation, qui fait de ce secteur une priorité : plusieurs centaines de personnes pourront ainsi être formées à des métiers indispensables pour nos aînés, comme vous le dites, sur nos territoires, où tant de difficultés sont encore présentes.

Pour les nouvelles structures, c’est à présent aux départements qu’il appartient de délivrer ou non les autorisations d’exercer sur les territoires. Les décrets sont parus il y a quelque temps pour leur permettre de prendre leurs décisions.

Ensuite, dès le 1er janvier 2017, nous allons lancer, à travers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, une campagne de valorisation de ces métiers, afin de valoriser le bien qu’ils apportent au quotidien.

Je tiens enfin à souligner que la loi portait aussi des financements pour revaloriser les salaires dans la branche de l’aide à domicile,…

Mme Bérengère Poletti. Pas suffisamment !

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. …qui ont été versés aux départements, à charge pour ceux qui les ont perçus de les reverser, soit à travers le taux horaire, soit directement aux structures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation des territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Reynès. Monsieur le Premier ministre, à la suite de la lettre que je vous ai adressée, je veux vous alerter sur l’autre France, celle des champs, celle des villages et des petites villes, celle qui dessine 80 % de notre territoire et concerne un Français sur quatre, celle, surtout, qui a construit notre pays et qui constitue le fondement de notre identité : la France rurale.

Je tiens à vous interpeller aujourd’hui face à l’acharnement, que je qualifierais d’indécent, à vouloir de gré, mais surtout de force, l’intégrer dans les métropoles, ces trop célèbres « monstropoles », au mépris de tout respect envers l’histoire qui lui est propre. J’en veux pour preuve l’amendement de deux députés de votre majorité, déposé et adopté en commission des lois il y a une semaine, qui vise à ouvrir la réflexion sur l’opportunité de la fusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole d’Aix-Marseille Provence, rien de moins !

M. Dominique Tian. Eh oui !

M. Bernard Reynès. Je note, par ailleurs, que l’encre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – MAPTAM – et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe – n’est pas encore sèche que, déjà, on change les règles, alors que les maires ruraux ne les ont pas encore assimilées.

La ruralité, monsieur le Premier ministre, ne nous cachons pas la vérité, c’est la France qui souffre, ce sont les agriculteurs qui n’en peuvent plus et, pour certains, se suicident, ce sont les petits commerces qui ferment, les centres des villages qui se vident, des personnes âgées qui se retrouvent seules, sans même pouvoir se soigner, et qui, par dignité, n’osent même pas faire appel aux Restaurants du cœur. Face à un tel sentiment d’abandon et de mépris, ne vous étonnez pas que la tentation populiste et le vote extrême prospèrent dans tous ces territoires.

Enfin, quand l’État investit plus de 40 milliards d’euros dans les banlieues, il n’y a rien pour les zones rurales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : veut-on la disparition de la ruralité, notamment dans les métropoles ? Dans le cas contraire, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour protéger et assurer l’avenir du monde rural ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Glavany. Ce n’est pas sérieux !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Monsieur le député, vous vous interrogez, en fait, sur les relations entre le conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la métropole d’Aix-Marseille Provence ; vous vous inquiétez du devenir des territoires infradépartementaux non compris dans la métropole, en particulier des territoires ruraux. Je veux profiter de votre question pour rappeler la position constante du Gouvernement au sujet d’une éventuelle fusion entre la métropole et le conseil départemental.

La métropole d’Aix-Marseille Provence résulte, vous le savez, de la fusion, au 1er janvier 2016, de six établissements publics de coopération intercommunale de l’aire urbaine de Marseille, à l’issue d’une phase de concertation approfondie avec les élus. Moins d’un an après cette création, après plusieurs contentieux – vous vous en souvenez – qui ont été tranchés par le Conseil constitutionnel, qui a validé le dispositif, le Gouvernement n’envisage pas de modifier le cadre juridique concernant la mise en place de la métropole d’Aix-Marseille Provence et ses relations avec le département des Bouches-du-Rhône.

M. Bernard Reynès. Très bien !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. D’ailleurs, les présidents des deux collectivités que je viens de citer souhaitent que s’ouvre une période de stabilité institutionnelle pour assurer l’équilibre entre les 92 communes de la métropole et les 29 communes du département, hors métropole, afin de mener à bien leur projet respectif de développement au bénéfice de la population, s’agissant notamment du développement économique et des transports.

Vous le voyez, monsieur le député, la position du Gouvernement n’a pas varié sur ce sujet. Cela étant, si des initiatives locales relevant des exécutifs concernés, de la présidente du conseil départemental, du président de la métropole, des représentants du pays d’Arles devaient naître,…

M. Dominique Tian. Ce ne sera pas le cas !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. …en vue d’une évolution institutionnelle – quelle qu’elle soit, d’ailleurs – le Gouvernement serait à l’écoute, comme il est à l’écoute de tous les territoires depuis 2012.

Je vous rappelle, enfin, que nous avons mis en place un fonds de soutien d’1 milliard d’euros à l’investissement public local et qu’un autre milliard d’euros a été affecté à la dotation d’équipement des territoires ruraux : l’un et l’autre sont très appréciés des territoires dont vous venez de parler.

Mme Marylise Lebranchu et M. Guillaume Bachelay. Très bien !

Situation à Alep

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Monsieur le Premier ministre, « à Alep, ce que l’humanité fait de pire est devenu la norme » : telle est la réaction d’un survivant du massacre de Srebrenica aux atrocités commises à Alep. Cet homme a connu l’horreur, les pires abominations qu’un être humain puisse commettre : c’était il y a seulement vingt et un ans. L’Union européenne, impuissante à l’époque, s’était promis de ne plus jamais laisser faire ça. Et pourtant, qu’avons-nous vu à Alep ? Quatre années durant, cette ville a été tenue, entièrement ou en partie, par les opposants à Bachar Al-Assad. C’était, pour certains, une ville « rebelle » ; nous préférons dire que c’est une ville que nous avons soutenue, dans laquelle notre engagement en faveur de l’opposition avait suscité de nombreux espoirs. Car, oui, Alep a d’abord été une ville qui s’élevait contre la répression de la dictature de Bachar Al-Assad.

Quatre longues semaines ! C’est le temps, bien trop long, qu’il aura fallu pour trouver un accord en vue d’évacuer les civils, victimes des bombardements et des exactions des combattants. Et la France, tout comme l’Union européenne, n’aura pas été, malheureusement, de grand secours. Certes, hier, la France a demandé la réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais l’ONU n’a rien fait d’autre que prendre acte d’une solution d’évacuation parrainée par la Russie et la Turquie, aujourd’hui suspendue, et qui ne peut malheureusement, monsieur le Premier ministre, se concrétiser.

Que faire pour que la voix de la France et celle de l’Europe soient nouveau entendues sur des sujets aussi fondamentaux ? Lorsque la dignité humaine est attaquée, lorsque les populations civiles sont directement ciblées, pourquoi, monsieur le Premier ministre, sommes-nous restés, sinon silencieux, tout du moins impuissants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Danielle Auroi et Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, comment pouvez-vous dire que la France est restée silencieuse ? Pour connaître votre sensibilité sur ces sujets, je n’imagine pas un instant que vous veniez de découvrir le drame d’Alep. La France n’a cessé…

M. Jean-Frédéric Poisson. De parler, mais rien de plus !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. …de proclamer la même conviction. Je rappelle que nous ne sommes pas seuls. Vous oubliez une étape qu’il est important de rappeler : un tournant s’est produit en 2013. À cette date, une ligne rouge avait été fixée : si le régime de Bachar Al-Assad utilisait des armes chimiques contre son peuple, la France, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, interviendraient par des frappes aériennes ciblées sur des objectifs militaires. Vous savez très bien ce qui s’est passé : la décision a été prise, par le Parlement britannique et par le président Obama, de ne pas le faire.

M. Axel Poniatowski. Heureusement !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Pensez-vous que la France aurait pu intervenir seule ? Nous ne l’avons pas fait, bien sûr. Mais depuis, les Russes – ainsi que les Iraniens – ne se sont pas contentés d’offrir un soutien politique à Bachar Al-Assad : ils sont intervenus militairement. La Russie est aujourd’hui partie belligérante et soutient ce régime à bout de souffle, dans une logique de guerre totale, dont nous voyons aujourd’hui les conséquences humanitaires, que vous venez de rappeler.

Cela étant, nous ne sommes pas impuissants : comme cela a été rappelé au Conseil de sécurité lorsque nous en avons demandé la réunion, il est possible de mettre en place, pour sauver la population civile, qui veut quitter ces ruines et échapper aux bombardements d’Alep, des couloirs humanitaires bénéficiant de la présence d’observateurs des Nations unies. Nous demandons que cette décision soit prise le plus vite possible, dans les heures qui viennent. Cela sera rappelé demain au Conseil européen, comme je vous l’ai dit précédemment.

Je tiens par ailleurs à exprimer mon indignation à l’égard de certains parlementaires, heureusement minoritaires, de l’opposition, qui ont envie d’aller fêter Noël à Alep et avec Bachar Al-Assad. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Gérard Charasse. Très bien !

Mme Catherine Vautrin. Mais de quoi donc parlez-vous ?

Ligne B du RER

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Alain Bénisti. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Yves Albarello, s’adresse au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, les Franciliens ont terriblement souffert, la semaine dernière, pendant plusieurs jours, d’une fermeture totale de la partie nord de la ligne B du RER. Cette ligne, vous le savez, transporte habituellement, tous les jours, près de 1 million de passagers à destination de Charles-de-Gaulle, deuxième aéroport d’Europe et premier de France. Touristes, voyageurs d’affaires mais aussi usagers quotidiens travaillant sur la ligne ont en réalité subi la double peine : ils n’avaient même pas la possibilité de prendre leur véhicule puisqu’une mesure de circulation alternée était en vigueur au même moment et qu’aucune décision de l’annuler n’avait été prise.

Alors, comme d’habitude, chacun se renvoie la balle. De son côté, la SNCF indique que c’est dû à un dysfonctionnement des caténaires : l’État, qui a engagé des investissements financiers considérables lors de travaux récents, aurait simplement omis de changer des caténaires défectueuses. Du sien, l’État botte évidemment en touche, comme d’habitude, en reportant la responsabilité sur la SNCF, qui ne cesse de dire qu’elle manque de moyens, faute d’arbitrages pour assurer ses missions essentielles sur le réseau.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Rappelez-nous qui préside la région ?

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le secrétaire d’État, en tant qu’élu francilien mais aussi en tant que représentant de la nation, je ne peux me satisfaire d’un tel défaut de l’État, qui a contraint des centaines de milliers de Franciliens à renoncer à aller travailler. Aussi, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour éviter qu’un tel fiasco ne se reproduise et qu’une fois de plus, la France ne soit ridiculisée et son image ternie devant des millions de touristes qui ont pourtant choisi de venir dans notre beau pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Charasse et M. Jacques Krabal. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, la semaine dernière, un incident grave a en effet eu lieu sur le RER B puis, dans les jours qui ont suivi, un autre incident s’est d’ailleurs produit à la gare du Nord. J’ai immédiatement demandé que des expertises indépendantes soient organisées. Je peux vous dire aujourd’hui que les premières conclusions, s’agissant du RER B, mettent bien en cause la caténaire. Je rendrai publiques l’ensemble de ces expertises dans les prochains jours afin que tous les élus puissent en prendre connaissance.

Le constat est très simple : nous sommes confrontés à un vieillissement du réseau, résultant des choix effectués depuis des décennies, notamment celui de privilégier la construction simultanée de quatre lignes de TGV. De ce fait, en 2007, les crédits dévolus à la maintenance du réseau s’élevaient à seulement 3 milliards d’euros. Par surcroît, quand on parle de maintenance, on confond souvent deux éléments : l’entretien courant et le renouvellement. Or, comme les crédits étaient insuffisants au cours de ces années-là, on a privilégié l’entretien courant sans faire de renouvellement.

Ce gouvernement a pris les choses en main : les crédits sont passés de 3 milliards d’euros en 2007 à près de 4,9 milliards aujourd’hui, dont 2,7 milliards dédiés au seul renouvellement. Je le dis clairement, il faudra poursuivre cet effort pendant au moins huit ans, en privilégiant l’Île-de-France. C’est ce que le Gouvernement souhaite faire, c’est ce que le Premier ministre m’a demandé de mettre en œuvre. J’ajoute que nous avons recruté, dans la seule région Île-de-France, 1 200 agents depuis 2012.

Monsieur le député, les choses sont donc simples : je ne crois pas qu’on puisse affirmer le dimanche et le lundi, sur les estrades, qu’il faut faire 100 milliards d’euros d’économies d’argent public et supprimer les services publics, puis venir ici déclarer qu’il faut davantage d’État et de services publics. Mais je vous rejoins sur ce dernier point car c’est bien ce que ce gouvernement et cette majorité mettent en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Banque de développement des Caraïbes

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Serge Letchimy. Madame la ministre des outre-mer, une des grandes avancées de ce quinquennat est d’avoir posé les bases de la reconnaissance de l’importance géographique, géopolitique, écologique et économique des pays d’outre-mer. Le 24 mars à l’Assemblée nationale et le 23 novembre au Sénat, une étape très importante a été franchie : une loi relative à l’action extérieure des collectivités d’outre-mer a été adoptée à l’unanimité. Ce texte permettra aux pays concernés d’agir dans leurs bassins géographiques respectifs : enfin, La Réunion pourra coopérer avec l’Afrique, et la Martinique et la Guadeloupe pourront coopérer avec les Amériques, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, dans le cadre de ce que j’appelle une « nouvelle diplomatie territoriale ». J’en profite pour remercier l’ensemble des parlementaires, qui, quel que soit leur bord politique, au-delà de tout clivage, ont soutenu ce texte.

Cependant, un long chemin reste à parcourir pour permettre à nos pays d’outre-mer, au cœur de la République, de conjuguer leur savoir-faire, de mobiliser leurs atouts et de libérer leur potentiel. Bien sûr, je connais les limites constitutionnelles d’une telle approche ; nous en avons tenu compte. Cependant, pour donner un sens à une expression très souvent utilisée dans cet hémicycle, « l’outre-mer est une chance pour la France », encore faudrait-il sortir des sentiers battus, reconnaître les potentialités de ces pays et leur ouvrir de nouvelles perspectives de développement. Les isoler des grandes institutions régionales, notamment financières, c’est réduire leur chance de progrès.

Dans ces conditions, madame la ministre, comment comptez-vous mettre en œuvre l’engagement pris par le Président de la République à Fort-de-France, en 2015, de faire revenir la France au capital de la Banque de développement des Caraïbes ? Sachant que 80 % de la biodiversité et 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent dans ces pays, nous devons prendre conscience et faire prendre conscience qu’ils ne peuvent demeurer systématiquement étrangers à leur propre géographie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Monsieur le député, le Président de la République a en effet annoncé, lors du sommet des Caraïbes sur le climat de mai 2015, le retour de la France au capital de la Banque de développement des Caraïbes. Cette annonce fut unanimement saluée par nos partenaires caribéens ; la France affirmait ainsi tout son intérêt pour cette région, ainsi que sa volonté de renforcer l’intégration régionale des territoires ultramarins présents dans le bassin.

Vous l’avez dit, et nous partageons cette conviction, l’ancrage territorial est un axe stratégique majeur pour l’avenir économique des outre-mer. C’était précisément l’ambition de votre proposition de loi, qui a été votée à l’unanimité dans les deux chambres, vous l’avez rappelé. C’est aussi cette ambition que je porte et que je défends dans le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer.

Le retour de la France au sein de la Banque de développement des Caraïbes permettra aux territoires ultramarins de la zone de bénéficier d’un développement des échanges avec les partenaires de cette grande région, d’un renforcement des interconnectivités et d’un accès accru de nos entreprises aux marchés lancés par la banque.

M. Sylvain Berrios. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mme Ericka Bareigts, ministre. La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, dans l’hypothèse d’une adhésion en leur nom propre, pourraient également disposer des financements consensuels proposés par la banque.

Je vous annonce donc que le ministre de l’économie et des finances a sollicité par courrier le président de la Banque de développement des Caraïbes, en indiquant notre volonté d’engager la négociation, de disposer d’un calendrier d’adhésion et d’envoyer dans les prochaines semaines une mission sur place. Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes engagés pour atteindre le même objectif.

Mme Danielle Auroi et Mme Laurence Dumont. Très bien !

Grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe Les Républicains.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le ministre de l’agriculture, l’année 2016 aura été très difficile pour nos agriculteurs, en raison de mauvaises conditions climatiques conjuguées à la baisse du prix des principales denrées.

Je voudrais appeler votre attention sur un aspect particulier de la crise agricole : la prolifération de l’influenza aviaire, plus connue sous le nom de « grippe aviaire », qui revient régulièrement depuis une dizaine d’années avec des mutations d’un virus hautement pathogène – H5N1 auparavant, H5N8 aujourd’hui.

La découverte de foyers, voire la simple suspicion d’une infection, cause des dommages considérables aux élevages de canards et de volailles. Les départements de production infectés sont situés sur le trajet des oiseaux migrateurs : Tarn, Gers, Haute-Garonne, Aveyron et Landes. Le département de l’Ain, avec la Bresse et la Dombes, est pour l’instant épargné, mais nous sommes vigilants.

Monsieur le ministre, les indispensables mesures de prévention et de lutte – confinement, abattage et interdiction des transports – ont un coût important pour les éleveurs. Au-delà, c’est toute la filière aval qui est touchée par la diminution de la production et la perte de débouchés à l’exportation.

Sur ce sujet important, j’ai donc trois questions à vous poser : où en est l’épidémie, quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises ou envisage-t-il de prendre et quelles indemnisations ou compensations seront-elles accordées aux éleveurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, la question que vous avez posée et les précisions que vous avez apportées méritent évidemment des réponses et d’autres précisions. Le virus H5N8 est extrêmement virulent et, d’après les vétérinaires du ministère de l’agriculture, avec qui je me suis souvent entretenu au téléphone, c’est la première fois que les taux de mortalité sont aussi importants et la mortalité aussi rapide.

Ce que nous avons connu l’an dernier dans la zone de production du Sud-Ouest et qui nous a conduits à instaurer un vide sanitaire était un autre virus, de type H5N9, lié à la production elle-même et qu’il était précisément nécessaire d’éradiquer par un vide sanitaire. Il s’agit donc de deux virus différents, qui s’appellent tous deux « influenza aviaire », mais qui n’ont ni la même souche ni la même virologie.

Nous sommes ainsi condamnés à prendre des mesures. D’abord, lorsque nous découvrons un foyer – on en compte aujourd’hui dix-neuf en France –, c’est l’abattage immédiat des animaux infectés et la délimitation d’un périmètre de sécurité de 10 kilomètres alentour, afin d’éviter toute transmission.

Les mesures de biosécurité en la matière seront appliquées avec toute la sévérité nécessaire sur l’ensemble du territoire, car nous nous situons maintenant en zone de protection élevée. Comme vous le savez, en effet, treize pays européens sont aujourd’hui touchés par ce virus et des abattages massifs ont lieu dans certains d’entre eux. Il faut tout faire pour éviter la transmission depuis les foyers vers d’autres productions.

En même temps, des décisions de protection et de confinement sont prises, qui nécessitent des dérogations pour les labels d’appellation d’origine contrôlée – AOC – et d’appellation d’origine protégée – AOP –, dont nous sommes obligés de garantir les ventes. Enfin, comme vous le savez, dès qu’on abat, on indemnise : c’est la règle et elle doit s’appliquer. Voilà, monsieur le député, la situation et voilà comment nous y répondons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Lois extraterritoriales des États-Unis

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. François-Michel Lambert. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Ce lundi, l’Union européenne et Cuba ont signé un accord de dialogue politique et de coopération marquant l’ouverture officielle d’une nouvelle ère dans la relation bilatérale entre l’Union européenne et l’île des Caraïbes, normalisant ainsi leurs relations deux semaines après la mort de Fidel Castro.

Cet accord, que je salue, doit être abordé en lien avec la question des lois extraterritoriales américaines, créées à l’encontre de Cuba et utilisées contre d’autres pays.

Nos collègues Pierre Lellouche et Karine Berger ont rendu un rapport à propos de ces lois, dont je tiens à rappeler les conséquences pour la France. Ce sont, entre autres, les amendes infligées par la justice américaine – par exemple celle, d’un montant de 9 milliards de dollars, qui a été infligée à BNP Paribas pour avoir utilisé le dollar lors d’échanges avec Cuba –, ou la mise en place d’embargos décidés unilatéralement, mais qui se trouvent imposés au monde entier. Celui qui est imposé à Cuba est symptomatique, bloquant nombre d’échanges avec l’île. Il a été dénoncé maintes fois à l’ONU et une résolution a même été votée à l’unanimité en octobre dernier sans que rien ne change.

Le rapport de Pierre Lellouche et Karine Berger est du reste très clair, affirmant que « certaines pratiques des États-Unis sont devenues abusives » et qu’un « rapport de force doit donc être instauré », qui se matérialiserait notamment « par une demande de clarification de la part des États-Unis en ce qui concerne les sanctions américaines internationales ».

Monsieur le ministre, face à ces règles inéquitables dans le cadre d’une mondialisation de plus en plus tournée vers les intérêts privés et face à l’inquiétude que suscitent les initiatives d’accords de coopération transatlantique, comment la France et l’Europe peuvent-elles peser concrètement sur les États-Unis afin de faire reculer ces lois extraterritoriales iniques que nous imposent nos amis américains ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Michèle Bonneton et M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, merci de votre question sur un sujet majeur pour la stratégie commerciale de la France et de l’Union européenne : l’extraterritorialité du droit américain. Vous avez rappelé l’exemple de Cuba, particulièrement parlant. Il y en a d’autres, dont celui de l’Iran, où les intérêts français et européens souhaitent se développer, mais sont freinés par ce problème d’extraterritorialité – en d’autres années, on aurait dit : « impérialisme », mais l’extraterritorialité en est d’une certaine manière la traduction juridique.

Cela pose plusieurs problèmes. D’abord, un problème de principe, en raison du non-respect du droit international public par cette application unilatérale de règles américaines à des entreprises françaises ou européennes. Cela pose également des problèmes d’intelligence économique, car l’application extraterritoriale peut être très intrusive et provoquer une pénétration dans les entreprises concernées, avec tous les problèmes y afférents. Cela pose également la question de l’affirmation de l’Europe comme puissance économique et commerciale sur la scène internationale, car la réponse en la matière est aussi, nécessairement, européenne.

Vous avez cité le rapport Lellouche-Berger, travail bipartisan qui a formulé des propositions très précises et concrètes, que nous sommes en train d’expertiser. Jean-Marc Ayrault et moi-même recevrons d’ailleurs dans quelques minutes les auteurs de ce rapport et la présidente de la commission des affaires étrangères, Mme Guigou.

Le rapport salue aussi les avancées proposées par la loi Sapin 2…

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. Sébastien Denaja. Une excellente loi ! (Sourires.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Dotée d’un excellent rapporteur !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. …en matière judiciaire et administrative. Nous continuerons à travailler sur ces points au niveau français et européen, notamment avec l’Allemagne, afin de proposer des initiatives. Celles-ci répondent en effet à un intérêt économique majeur et nous sommes convaincus qu’elles peuvent recueillir un large consensus, y compris politique, car c’est l’intérêt national qui est en jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Accord de passation conjointe de marché en vue de l’acquisition de contre-mesures médicales

Procédure d’examen simplifiée

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, d’un projet de loi autorisant l’approbation d’un accord international (nos 4026 et 4277).

Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je mets directement aux voix son article unique, en application de l’article 106 du règlement.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

4

Statut de Paris et aménagement métropolitain

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (nos 4212, 4293).

Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, la discussion du projet de loi sera ainsi organisée : de l’amendement portant article additionnel avant l’article 17 jusqu’à la fin, puis de l’article 1er à l’article 16 sexies.

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, apporter davantage de clarté dans l’exercice des compétences, accomplir un pas supplémentaire en faveur de la décentralisation et de la déconcentration, voilà comment pourraient être résumés les objectifs de ce projet de loi, qui s’inscrit pleinement dans la lignée des lois de rationalisation et de simplification territoriales portées par le Gouvernement tout au long de ce quinquennat.

Ce texte est donc structuré en deux titres : le premier est consacré à la réforme du statut de Paris ; le second aborde les thématiques relatives à l’aménagement du territoire en instaurant de nouvelles métropoles, et traite des questions relatives aux transports et à l’environnement.

Le 9 novembre dernier, le Sénat a délibérément choisi, à mon grand regret, une attitude d’opposition systématique et a même transporté, au sein de l’hémicycle du Palais du Luxembourg, les querelles internes du conseil de Paris. Il en est donc résulté une profonde altération du texte initialement présenté par le Gouvernement. Le projet de loi que nous allons examiner ensemble, réécrit par la commission des lois, s’inscrit à nouveau dans l’esprit de la réforme voulue par le Gouvernement : je ne peux que m’en réjouir.

La réforme du statut de Paris ne peut se comprendre qu’en rappelant son histoire politique et administrative totalement inédite. Si la ville est aujourd’hui proche du droit commun municipal – et l’essentiel du projet que je porte ambitionne de l’en rapprocher encore davantage –, elle en est restée aux antipodes pendant près de deux siècles.

En effet, depuis la Révolution française et jusqu’aux années 1970, Paris est totalement sous la tutelle de l’État. Paris est en effet sous surveillance car elle est rebelle et le foyer de nombreuses insurrections. Le pouvoir s’en méfie donc – au moins depuis Étienne Marcel – et se garde de la doter d’une municipalité élue et autonome. Il privilégie la constitution d’un statut particulier, pour ne pas dire d’exception.

En 1795, la loi du 19 vendémiaire an IV divise la ville en douze arrondissements, dotés chacun d’un maire et de deux adjoints nommés par le Gouvernement. Paris est alors dirigé par le préfet de la Seine, titulaire à la fois des fonctions préfectorales et municipales, et par le préfet de police, responsable du maintien de l’ordre.

Sous le Second Empire, en 1859, la loi d’annexion des communes limitrophes élargit le territoire parisien, portant à vingt le nombre d’arrondissements. En 1871, la IIIRépublique naissante consacre l’élection des maires des communes de plus de 20 000 habitants et la loi d’avril 1884 affirme les libertés municipales. Cependant, ces avancées démocratiques ne s’appliquent pas à Paris, sans doute du fait de la proximité de l’épisode dramatique de la Commune. Les maires y demeurent nommés par décret du Président de la République et sont placés sous l’autorité directe du préfet de la Seine. Il n’y a ni conseil municipal élu, ni clause de compétence générale. Cette situation se maintiendra jusqu’aux années 1960, au cours desquelles l’État et les élus auront la même volonté d’amener Paris vers le droit commun. Paradoxalement, la ville connaît un statut inédit par la loi de 1964, qui définit Paris comme ville-département.

La loi de décembre 1975 supprime quant à elle la tutelle de l’administration préfectorale et prévoit l’élection du maire de Paris au suffrage universel direct, comme l’ensemble des maires de France. Le terme de « statut » disparaît et l’article 2 indique que la ville de Paris est régie par le code de l’administration communale, sous réserve de dispositions spécifiques. Paris devient alors une collectivité territoriale à statut particulier, le conseil de Paris exerçant les attributions antérieurement dévolues au conseil municipal, d’une part, et au conseil général de la Seine, d’autre part.

Puis, la loi « Paris-Marseille-Lyon » de 1982, inscrite dans les grandes lois de décentralisation conduites par Gaston Defferre, crée dans ces trois villes des arrondissements, qui serviront de cadre aux élections municipales. Les arrondissements, conçus comme des instances de médiation entre la population et la mairie centrale, n’ont pas réellement de compétence : leur rôle est essentiellement consultatif. Ils devront attendre 2002 pour que s’opère un véritable mouvement de déconcentration.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que je présente aujourd’hui poursuit cette évolution institutionnelle et historique, dont je tenais à rappeler les grandes étapes afin de mesurer le chemin accompli et celui qu’il reste à parcourir.

À cette fin, le titre Ier comporte quatre grandes orientations : la fusion de la ville et du département ; le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement ; la création d’un secteur électoral unique formé des quatre premiers arrondissements ; et, enfin, le renforcement des pouvoirs de police du maire.

S’agissant de la fusion de la ville et du département, le texte met fin à la superposition, sur un même territoire, de deux collectivités : la commune et le département de Paris. Un tel dessein, que je qualifierai comme relevant du simple bon sens, souhaité par la chambre régionale des comptes, a d’ailleurs trouvé grâce auprès du Sénat : c’est dire s’il fait consensus !

Le maintien du département, s’il n’a pas d’existence réelle pour les citoyens, se traduit tout de même par des coûts supplémentaires. Le Gouvernement a donc engagé cette réforme qui facilitera la vie des Parisiens, des entreprises et des associations et qui, à terme, générera des facilités de gestion par la suppression des deux budgets et l’unification des procédures de marchés publics.

La nouvelle collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, sera dénommée « Ville de Paris » et exercera les compétences de la commune et du département à compter du 1er janvier 2019.

Le deuxième axe vise le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement, initié par la loi de février 2002. Il conforte cet échelon de proximité en étendant leur délégation de signature au directeur général adjoint des services ; en les associant à l’approbation des contrats d’occupation et en leur confiant la possibilité de les accorder, dès lors que leur durée est inférieure à douze ans ; et en leur permettant de délivrer des autorisations d’étalage et de terrasse dans leur arrondissement.

J’entends de-ci de-là dire que ces transferts seraient insuffisants. Le Sénat est allé encore plus loin : il a opéré un renversement de logique en donnant une partie des pouvoirs de la commune de Paris aux arrondissements, alors même que ces derniers ne sont pas dotés de la personnalité morale – au mépris, donc, du droit constitutionnel. L’examen par votre commission a permis de revenir à la philosophie du texte initial : c’était nécessaire.

Ce texte prévoit également la fusion des conseils des quatre premiers arrondissements avec la création d’un nouveau secteur électoral. Cette disposition est destinée à renforcer la capacité d’action du secteur fusionné en lui permettant de mener des projets à hauteur des enjeux de la zone centrale de Paris et de répondre aux attentes des citoyens concernés.

Depuis la division de Paris en vingt arrondissements, en 1859, la représentativité électorale des Parisiens et leurs attentes en termes de services publics ont évolué. Leur carte doit donc s’adapter. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs nettement rappelé la nécessité d’une meilleure représentativité des conseillers de Paris issus de ces arrondissements pour tenir compte des évolutions démographiques de la capitale. En effet, la répartition actuelle, déjà modifiée en 1982 et en 2013 (Mêmes mouvements), fait apparaître des écarts importants et inéquitables au point de soulever des questions de constitutionnalité.

Les chiffres étant importants en la matière, je tiens à être précis. Aujourd’hui un conseiller de Paris représente 17 000 habitants dans le premier arrondissement et 11 000 dans le deuxième arrondissement. La correction proposée aboutirait à ce qu’un siège représente 12 720 habitants, s’approchant ainsi de la moyenne d’un pour 13 000 habitants.

J’ajoute que la projection des résultats des votes de la précédente élection municipale sur ces dix-sept secteurs électoraux au lieu de vingt ne modifie en rien les équilibres politiques existants.

À ce propos, le Gouvernement a choisi de ne pas s’atteler à une réforme qui aboutirait à l’homogénéité parfaite entre les arrondissements – une réforme souhaitée par certains mais qui, pour le coup, bouleverserait les équilibres politiques. C’est ce qui me conduira à m’opposer aux amendements de M. Caresche. Notre volonté est donc bien de réduire certains écarts sans modifier les rapports de force actuels.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi prévoit enfin de nouvelles et importantes avancées en matière de décentralisation des pouvoirs de police.

Le préfet de police est, à Paris, détenteur des attributions de police générale comme de polices spéciales depuis le Consulat. Là encore, l’histoire montre un rapprochement très progressif vers le droit commun municipal et une diminution des pouvoirs du préfet de police, toujours fixés par l’arrêté du 12 messidor an VIII. Peu à peu, des compétences ont été transférées au maire de Paris, tant en matière de police générale – par exemple en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage, de sûreté des monuments funéraires – que de polices spéciales, telle la police de la circulation et du stationnement.

Le projet de loi propose de franchir un pas supplémentaire dans cette direction. Ainsi, le maire de Paris pourra exercer les compétences relatives…

M. Philippe Goujon. À la police des baignades !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …à la police du stationnement payant et du stationnement gênant, à la gestion des fourrières automobiles, à la police des édifices menaçant ruine, à la sécurité des parties communes des immeubles d’habitation, à la police des baignades en effet, monsieur le député ! ainsi qu’à la police des funérailles.

En outre, ce réaménagement permettra à l’État de se concentrer sur ses missions régaliennes relatives à la sécurité publique, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. À cette fin, il est prévu aussi de transférer la police des aérodromes de Roissy et du Bourget, et le cas échéant d’Orly – nous en reparlerons – des préfets de département au préfet de police.

Je rappelle aussi que le Gouvernement s’opposera fermement, comme nous l’avons fait au Sénat, à l’attribution de la compétence de police générale au maire de Paris. La capitale est en effet confrontée à des enjeux de sécurité très spécifiques – les élus de Paris ici présents le savent – : protection de bâtiments officiels, organisation de grands événements tels que la Coupe du monde, la Coupe d’Europe, demain, nous l’espérons, les Jeux olympiques, qui justifient une organisation spécifique et adaptée.

J’ajouterai enfin quelques mots, pour clore ce titre premier, à propos des cercles de jeux.

Le Gouvernement souhaite – et je sais que la commission partage entièrement cet objectif – l’abrogation de leur statut juridique et la mise à la place à titre expérimental à Paris d’une offre légale dans un cadre sécurisé.

Nous avons toutefois, messieurs les rapporteurs, quelques divergences d’appréciation sur ce sujet. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’article 28 mais je pense qu’il serait sage de laisser du temps à l’expérimentation et à la concertation, ce que permet le recours à une ordonnance.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le titre II, que j’évoquerai plus rapidement, contient des dispositions relatives à l’aménagement métropolitain, qui seront défendues par la ministre du logement et de l’habitat durable. Elles concernent, à titre principal, le développement d’outils propres aux opérations d’aménagement, la réorganisation du territoire de La Défense, les transports franciliens et la Société du Grand Paris.

S’agissant de mes attributions, ce titre II prévoit également la création de nouvelles métropoles ainsi que le report des dispositions relatives à l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct.

Au-delà des métropoles existantes, le Gouvernement souhaite en effet l’extension de ce statut aux établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, réunissant la double condition tenant à la zone d’emplois de plus de 400 000 habitants et à la présence du chef-lieu de région – c’est le cas de la communauté urbaine de Dijon et de la communauté d’agglomération d’Orléans –, ainsi qu’aux EPCI de plus de 250 000 habitants ou comprenant dans leur périmètre, au 31 décembre 2015, le chef-lieu de région, centres d’une zone d’emplois de plus de 500 000 habitants. C’est le cas de la communauté urbaine de Saint-Etienne et des communautés d’agglomération de Toulon, Tours, Metz et Clermont-Ferrand.

Un tel élargissement, unanimement souhaité par les élus de ce secteur, droite et gauche confondues, se justifie en matière d’aménagement du territoire et la loi de janvier 2014 a déjà largement étendu ce statut à des EPCI ayant des fonctions métropolitaines au sein de leur bassin de vie. Je considère donc que les communautés que je viens de citer ont toute légitimité pour développer leur territoire par l’outil de l’institution métropolitaine.

M. Serge Grouard. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cette création permettra de surcroît une meilleure répartition des métropoles sur l’ensemble du territoire et un maillage cohérent et homogène par un réseau de métropoles qui nous sera utile et permettra, j’en suis sûr, d’aller encore plus loin en matière institutionnelle par sa cohérence et par les compétences que les métropoles acquerront au fil du temps.

Mesdames et messieurs les députés, j’aborderai enfin le sujet de l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains.

Un amendement du groupe écologiste du Sénat a proposé de reporter à 2019 l’échéance fixée par l’article 54 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, pour définir un mode de scrutin au suffrage universel direct des conseillers métropolitains. Votre commission a maintenu cet amendement, auquel le Gouvernement s’était rallié – je m’apprêtais à proposer 2018, mais cet amendement m’a paru mieux positionné en termes de calendrier pour les élections de 2020. J’ai en effet considéré, compte tenu des échanges que le ministre de l’intérieur d’alors et moi-même avons conduit avec les présidents de métropole, que ce report constituait le meilleur point d’équilibre tant les avis sont variés et divergents sur le sujet. Je dois cependant reconnaître qu’une majorité des présidents m’a clairement indiqué être favorables au suffrage universel direct mais j’ai pris le temps de poursuivre la concertation en les réunissant à mon ministère et en leur posant la question à chacun, droit dans les yeux. Certains sont totalement déterminés, d’autres y sont totalement opposés et d’autres encore y sont favorables mais considèrent qu’il faut prendre le temps de continuer la discussion, de trouver le point de consensus et surtout le point d’équilibre quant au mode de scrutin, car il ne suffit pas de dire que les conseillers métropolitains vont être élus au suffrage universel : il faut dire comment et par quel mode de scrutin. Et là un problème se pose avec acuité à tout le monde : celui de la représentation de l’ensemble des communes au sein du conseil métropolitain.

Ce report ne signifie bien sûr nullement suppression. Il s’agit de prendre le temps de bien faire les choses. C’est la méthode que j’ai employée depuis le début : travailler dans la concertation, la main dans la main avec l’ensemble des élus de tous bords.

Le Gouvernement déposera, comme je m’y suis engagé devant votre commission, son rapport en janvier – je sais que vous y tenez, monsieur le rapporteur Mennucci – rapport qui aurait dû être déposé beaucoup plus tôt. Il appartiendra à la prochaine législature, ainsi éclairée, de définir le cadre de la réforme. C’est d’ailleurs pourquoi, eu égard au calendrier électoral, la date de report est fixée à 2019.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je conclurai ma présentation en rappelant à votre assemblée que ce texte est un apport essentiel à la décentralisation parisienne et à l’aménagement du territoire métropolitain.

M. Philippe Goujon. Voilà une affirmation quelque peu prétentieuse !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il permet d’achever la vaste réforme de notre organisation territoriale et d’améliorer sensiblement l’efficacité de l’action publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur – cher Patrick Mennucci –, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de la capitale.

M. Philippe Goujon. L’histoire avec un minuscule « h » alors !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Déposé au début du mois d’août, ce texte a déjà fait l’objet d’une lecture au Sénat il y a un mois. Compte tenu du calendrier particulièrement chargé de la fin de la législature, la procédure accélérée a été décidée et notre assemblée a été saisie dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 42 de la Constitution.

Alors qu’il comportait initialement quarante-deux articles, ce projet de loi a été complété par nos collègues sénateurs et en compte désormais cinquante-sept. Compte tenu de son ampleur, notre commission des lois a désigné deux co-rapporteurs pour ce texte. Je veux ici remercier mon collègue M. Patrick Mennucci, avec lequel j’ai travaillé main dans la main, conduisant vingt-cinq auditions et cosignant l’intégralité de nos amendements.

Nous avons en particulier entendu l’ensemble des maires d’arrondissement et des groupes politiques représentés au conseil de Paris. La commission des lois a par ailleurs auditionné la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, ainsi que le préfet de police et le préfet de la région Île-de-France, M. Michel Cadot et M. Jean-François Carenco. Tous les trois, ainsi que leurs collaborateurs, ont su se rendre disponibles pour répondre à nos questions, même après ces auditions : qu’ils en soient remerciés. Je ne saurais trop recommander à nos collègues de prendre connaissance de l’audition de ces deux préfets et de la maire de Paris tant elles donné lieu à des échanges d’une rare pertinence.

Réunie mercredi dernier, la commission a fortement remanié le texte transmis par le Sénat puisqu’elle a adopté 132 amendements. À l’initiative des rapporteurs, elle a plusieurs fois rétabli le texte initial du projet de loi. Elle a également supprimé des articles ajoutés par les sénateurs, tout en en introduisant de nouveaux, de sorte que le projet de loi comporte désormais soixante-sept articles.

Chacun sait à quel point le statut de Paris est particulier au regard des autres grandes villes françaises.

Ses spécificités sont d’abord le fruit d’une histoire mouvementée : théâtre de la révolte des Maillotins au XIVsiècle, de la journée des Barricades sous Henri III ou de la Commune en 1871, Paris a toujours suscité la méfiance du pouvoir central. Les premières élections municipales ne s’y sont tenues qu’en 1977 – grâce au vote de la loi du 15 décembre 1975 –, alors que le principe de l’élection du maire était définitivement acquis pour toutes les communes de France depuis 1882.

Avec 2,2 millions d’habitants et une superficie d’à peine 105 kilomètres carrés, la ville de Paris est aussi la plus dense d’Europe. Comme Marseille et Lyon, elle connaît un découpage en arrondissements et en sections ayant à leur tête un maire, en vertu de la loi du 31 décembre 1982 dite « PML », sur laquelle mon collègue et co-rapporteur Patrick Mennucci reviendra dans quelques instants.

La capitale est aussi le siège des institutions et elle accueille les représentations diplomatiques étrangères en France. Le maintien de l’ordre et de la sécurité publics y sont donc une préoccupation de tous les instants. Cette situation si singulière justifie que les compétences en matière de police soient demeurées, pour l’essentiel, du ressort d’un préfet de police, autorité d’État nommée en Conseil des ministres.

Depuis l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII, le préfet de police assure la compétence générale de police municipale qui, ailleurs, est du ressort du maire : le bon ordre, la sécurité, la sûreté, la tranquillité et la salubrité publiques. Il exerce également près de quarante polices spéciales, certaines en tant que représentant de l’État dans le département, d’autres en lieu et place du maire.

Les articles 21 à 25 du projet de loi prévoient, à cet égard, un renforcement très significatif des prérogatives du maire de Paris dans le champ de la circulation et du stationnement. Ils organisent aussi le transfert des pouvoirs de police concernant les édifices menaçant ruine, la sécurité des habitants des immeubles collectifs à usage d’habitation, les funérailles et les lieux de sépulture, les baignades, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Ils prévoient que la ville de Paris assure la gestion des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports, comme, je voudrais le dire très modestement, un grand nombre de communes françaises le font déjà.

M. Claude Goasguen. Quelle chance !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cette réforme a également pour conséquence le transfert des agents chargés de la verbalisation sur la voie publique sous l’autorité du maire de Paris : ce sont les articles 29 à 31.

« Ville globale », « ville-monde », selon l’expression forgée par les géographes puis popularisée par les chercheurs en sciences sociales et les médias, Paris ne se démarque plus seulement par son poids démographique et son statut de capitale. Elle s’ancre désormais dans l’espace des grandes métropoles, formant grâce à son agglomération l’une des deux ou trois de dimension mondiale en Europe.

Autrefois territoire de relégation, banlieue marquée par la ségrégation urbaine, l’agglomération est devenue un acteur incontournable de l’histoire parisienne. Je ne saurais manquer d’évoquer ici Bertrand Delanoë qui s’est engagé sur le chemin de ce dialogue entre la ville-centre et les autres communes du territoire.

M. Claude Goasguen. Il est bien oublié !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je me réjouis que l’équipe actuelle, sous l’autorité de Mme Hidalgo, poursuive dans ce sens.

M. Philippe Goujon. En fermant la voie express !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. C’est la seconde partie de ce projet de loi.

Pour renforcer la cohérence et l’attractivité de ce pôle urbain, les pouvoirs publics ont lancé, avec la loi du 3 juin 2010, le projet « Grand Paris » qui entend remédier aux principaux maux de l’agglomération : la saturation du réseau de transports, le nombre insuffisant de logements, les difficultés de la ville éclatée, le non-système.

L’enjeu est aussi de développer, autour de ce projet, des partenariats entre les collectivités concernées ; à cet égard, l’article 37 du projet de loi modernise la gouvernance de Grand Paris Aménagement, qui cumule les missions d’un établissement public foncier de l’État et celles d’un établissement public d’aménagement. Les outils de portage et d’aménagement sont modernisés grâce à l’article 35 sur la mutualisation entre établissements et grâce à l’article 36 créant une société publique locale d’aménagement d’intérêt national.

Le Grand Paris est désormais entré en phase opérationnelle, avec la publication des déclarations d’utilité publique des différents tronçons du réseau du Grand Paris Express, avec aussi, ces derniers mois, le percement du prolongement de la ligne 14 du métro vers le nord, entre Saint-Lazare et la mairie de Saint-Ouen, pour une mise en service prévue en 2019. Un extraordinaire chantier a été ouvert dans Paris et tout autour, impliquant une rénovation urbaine dont se sont saisies toutes les communes qui vont accueillir et le réseau, et les gares.

Les articles 39, 39 bis et 40 procèdent d’ailleurs à plusieurs ajustements du cadre juridique applicable à la Société du Grand Paris, qui assure la maîtrise d’ouvrage de la majeure partie de ces travaux.

Les deux rapporteurs ont souhaité aller plus loin et la commission des lois a adopté six amendements – devenus les articles 40 quater, 40 quinquies, 40 septies, 40 octies, 40 nonies et 40 decies – qui doivent faciliter l’achèvement, dans les meilleurs délais, des travaux du Grand Paris Express. Ils visent soit à compléter la loi du 3 juin 2010, soit à adapter les règles d’urbanisme et d’aménagement ; sur ce dernier point, monsieur le ministre, nous sommes encore en discussion avec les services des différents ministères pour définir avec la plus grande précision possible l’étendue des dérogations ainsi ouvertes au nom de l’intérêt général.

Il nous a également semblé utile de desserrer, lorsque cela était possible, sans dénaturer la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe –, les conditions dans lesquelles la métropole du Grand Paris se mettait en place : la commission des lois a ainsi adopté, avec l’avis favorable des deux rapporteurs, un article 40 ter qui porte de un à deux ans le délai dans lequel les zones d’aménagement concerté devront être transférées vers les établissements publics territoriaux.

D’autres dispositions, plus ciblées encore, intéressent directement l’agglomération parisienne. L’article 38 habilite le Gouvernement à créer un établissement public unique chargé de l’aménagement et de la gestion du quartier de la Défense ; l’article 35 bis, introduit par le Gouvernement au Sénat, donne un statut pérenne à l’établissement public de coopération scientifique Condorcet, le nouveau campus universitaire situé à cheval entre la Porte de la Chapelle et la commune d’Aubervilliers ; l’article 35 ter, ajouté dans les mêmes conditions, qui autorise, à titre exceptionnel, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural – SAFER – à exercer en Île-de-France son droit de préemption sur la vente de parcelles forestières afin de préserver les forêts du mitage.

J’aime enfin à rappeler à nos collègues parisiens que les trois départements de la petite couronne – la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine – sont désormais placés, comme la capitale, sous l’autorité du préfet de police de Paris.

M. Claude Goasguen. Oui.

M. Philippe Goujon. C’est Sarkozy !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cette police d’agglomération a permis d’élargir l’action des forces de sécurité pour renforcer la lutte contre la délinquance et les violences de groupe. La coordination qu’elle permet joue aussi un rôle important dans la détection de la radicalisation.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Philippe Goujon. Merci Sarkozy !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Poursuivant cette logique, l’article 27 du projet de loi transfère au préfet de police la compétence sur les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget. Reprenant à son compte la proposition du Sénat, notre commission des lois a ajouté l’aéroport d’Orly ; elle a toutefois laissé un délai de trois ans aux services pour qu’ils puissent préparer cet élargissement. Nous sommes en débat, monsieur le ministre, avec le ministère de l’intérieur pour ciseler le dispositif, mais nous nous réjouissons que le Gouvernement ait suivi l’appréciation des sénateurs et des députés.

Voilà, à grands traits, les principaux enjeux de ce projet de loi. Avant de céder la parole à Patrick Mennucci, qui complétera ma présentation, je tiens à remettre les choses en perspective : quoi qu’en diront certains collègues de l’opposition, obnubilés par les seules dispositions intéressant Paris, cette réforme est ambitieuse et c’est par elle que nous avons l’ambition de faire encore évoluer le cadre de vie des Franciliens.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci, co-rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je ne reviendrai pas sur la présentation que vient de dresser excellemment Jean-Yves Le Bouillonnec, dont je partage les analyses sur le projet de loi. Il a rappelé quel était le calendrier de nos travaux et quel avait été l’apport, sur la forme et sur le fond, des débats qui se sont déroulés, la semaine dernière, en commission des lois.

À mon tour, je souhaite le remercier du bon esprit dans lequel nous avons conduit nos travaux et souligner la qualité de notre coopération. Je veux le remercier pour sa grande expérience dans la fabrique de la loi dont il m’a fait bénéficier.

Comme lui, je tiens à saluer la disponibilité de la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, de ses collaborateurs et de tous ceux qui ont bien voulu, comme Mme Kosciusko-Morizet, M. Goasguen, M. Goujon, participer aux discussions, répondant ainsi à l’invitation des rapporteurs.

Je regrette simplement que le maire de Marseille n’ait pas considéré qu’il pouvait apporter à cette loi…

M. Claude Goasguen. Il n’est pas député !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …et qui a refusé de venir.

Mme Sandrine Mazetier. Affligeant !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il a été invité à onze reprises : nous avons les mails !

Mme Sandrine Mazetier. Heureusement, Marseille a Mennucci !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Trois décennies après la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, ce projet de loi est l’occasion d’une profonde modernisation du statut métropolitain.

Les articles 1er à 12 prévoient une évolution importante du statut de Paris, avec la fusion de la commune et du département. Cette nouvelle collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « Ville de Paris », exercera les compétences de la commune et du département de Paris à compter du 1er janvier 2019.

Cette réforme met fin à une fiction consistant à maintenir l’échelon départemental sur le périmètre de Paris. Elle s’inscrit dans la démarche plus générale de rationalisation de la carte territoriale, d’autant que la métropole de Lyon a montré l’exemple en exerçant sur le territoire de l’ancienne communauté urbaine les compétences du département du Rhône. Elle fait écho aux débats qui n’ont, pour l’heure, pas été tranchés au sein de la métropole du Grand Paris ou de celle d’Aix-Marseille-Provence.

Comme Marseille et Lyon, la ville de Paris connaît un découpage en arrondissements et en sections ayant à leur tête un maire. Les articles 17 à 20 du projet de loi procèdent à la fusion des quatre arrondissements centraux en une section unique.

M. Claude Goasguen. Quelle surprise !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. En effet, les écarts de population au sein des vingt arrondissements parisiens sont devenus tels qu’ils ont des conséquences – monsieur Goasguen, vous le savez – sur la représentation de leurs habitants au conseil de Paris.

Cette réforme permettra ainsi de respecter la jurisprudence constitutionnelle qui fixe à 20 % l’écart maximum à la moyenne de représentation constatée sur un territoire donné.

M. Claude Goasguen. Jurisprudence présumée ! Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit cela.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Elle prendra également acte du rapprochement, dans les faits, des arrondissements centraux dont les habitants partagent les mêmes services publics et circulent de l’un à l’autre pour leurs activités quotidiennes.

Les quatre premiers arrondissements, il faut le redire pour que chacun le comprenne à l’extérieur, ne disparaîtront pas pour autant : leur représentation politique et leur organisation administrative seront regroupées, mais les indications de rue ou les codes postaux ne seront pas modifiés.

Mme Sandrine Mazetier. Il est utile de le rappeler !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Ainsi leurs habitants éliront-ils, à compter de 2020, un conseil unique qui sera présidé par un maire de secteur. Sur la suggestion des rapporteurs, nourrie par l’expérience de la ville de Marseille, les tableaux figurant dans le code général des collectivités territoriales et dans le code électoral ont été revus – merci, monsieur le ministre, de l’avoir accepté – afin d’éviter tout décalage entre la numérotation des secteurs et celle des arrondissements.

Je veux également rappeler que les vingt maires d’arrondissement ne sont pas des maires de plein exercice.

M. Claude Goasguen. Hélas !

Mme Annick Lepetit. Il faudrait savoir !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Et celui qui vous parle l’a été !

Paris ne connaît qu’un seul maire, c’est le maire de Paris, comme Lyon et Marseille ne connaissent qu’un seul maire. Le maire de Paris est élu depuis 1977 par et parmi l’assemblée municipale délibérante qu’est le conseil de Paris. La commission des lois est donc revenue sur les articles 16 bis A à 16 bis F, introduits par les sénateurs, qui revenaient en réalité à transformer Paris en une sorte de confédération de communes.

M. Philippe Goujon. Eh oui ! Comme le voulaient certains socialistes !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je ne m’explique pas que certains de nos collègues, ici à l’Assemblée nationale, veuillent réintroduire ces dispositions par amendements alors que les maires d’arrondissement des Républicains que nous avons auditionnés ont pris leurs distances avec la rédaction du Sénat. Je ne veux croire qu’il s’agisse simplement de posture politique, sachant qu’il n’y a aucune chance pour que ce dispositif soit suivi par l’Assemblée nationale.

M. Claude Goasguen. Pas tout de suite, en tout cas.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je ne pense pas que le groupe Les Républicains ait cette position…

M. Philippe Goujon. Vous n’êtes pas son porte-parole !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …mais nous aurons l’occasion d’en discuter précisément.

Les mairies d’arrondissement ont un pouvoir essentiellement consultatif, en matière de subventions et d’urbanisme. Ils disposent toutefois d’un pouvoir de décision, élargi en 2002, qui concerne les équipements à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive et d’information de la vie locale de l’arrondissement. Sur ce point, Paris est allé beaucoup plus loin que la lettre de la loi « PML » en déconcentrant la gestion de l’ensemble des équipements de proximité.

Les articles 13 et 14 du projet prévoient que les conseils d’arrondissement pourront désormais approuver – ou se voir déléguer la conclusion – des contrats d’occupation du domaine public portant sur de tels équipements.

M. Philippe Goujon. Cela ne va pas plus loin ! Franchement, c’est ridicule.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Dans sa rédaction initiale, cet article ne concernait que Paris. Il n’a cependant pas paru opportun à vos rapporteurs de s’éloigner, sur ce point, du statut « Paris-Marseille-Lyon ». En conséquence, la commission des lois a étendu ce dispositif à Marseille et à Lyon.

Mme Sandrine Mazetier. Bravo !

M. Claude Goasguen. La belle affaire ! Même M. Gaudin n’a pas protesté, c’est dire !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Elle a procédé de même pour l’article 15 sur la délégation de signature des maires d’arrondissement à leur directeur général des services et pour l’article 16 sur la consultation de ces derniers à propos de toute autorisation d’étalage et de terrasse dans l’arrondissement. Je crois que c’est le bon sens de procéder ainsi. Il est très important, pour les maires d’arrondissement, de disposer de ce nouveau pouvoir.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. Claude Goasguen. Surtout à Marseille !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Au-delà des statuts des seules villes de Paris, Marseille et Lyon, ce projet de loi marque aussi la reconnaissance du fait urbain et du dynamisme des métropoles. Dans sa rédaction initiale, l’article 41 révisait les critères d’accession au statut de métropole prévus par la loi MAPTAM, de manière à permettre à quatre collectivités d’en bénéficier : la communauté urbaine de Dijon, la communauté urbaine de Saint-Etienne, la communauté d’agglomération d’Orléans et la communauté d’agglomération de Toulon. En plein accord avec le Gouvernement et les élus concernés, les rapporteurs ont convaincu la commission des lois d’élargir ces critères afin d’ouvrir le statut de métropole aux communautés d’agglomération de Tours, Clermont-Ferrand et Metz.

Parallèlement à cet élargissement, l’approfondissement du fait métropolitain se poursuit et concerne, entre autres, la métropole Aix-Marseille-Provence. Plusieurs dispositions en ce sens ont été insérées dans le projet de loi : l’article 49 propose la mise en place d’une société chargée de concevoir le schéma d’ensemble et de prévoir les travaux du réseau de transport public – l’amendement des rapporteurs à l’origine de sa création correspond à l’engagement de notre ancien Premier ministre Manuel Valls, lors de son déplacement à Marseille avec vous, monsieur le ministre, voilà deux mois et demi – ; l’article 48 ouvre quant à lui le débat sur l’opportunité de fusionner, à terme, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône avec la métropole d’Aix-Marseille – je rappelle que 92 communes sont concernées par la métropole et 119 par le département. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes en l’état défavorable à notre proposition mais nous y tenons beaucoup ; nous considérons en effet qu’un rapport doit être rédigé en 2017 afin de nourrir le débat chez nous. Bien des professionnels, des membres de chambres de commerce, d’acteurs sociaux et syndicaux, dans notre métropole, souhaitent que l’on réduise les niveaux de décision ; je crois, en l’occurrence, que nous ne sommes pas loin de pouvoir trouver une solution.

Les singularités urbaines qui caractérisent ces métropoles par rapport aux villes moyennes – la densité très forte, les transports des habitants de l’agglomération ou des touristes, les enjeux de l’ordre public – appellent également des réponses pragmatiques.

Introduit par la commission des lois à l’initiative du groupe SER, avec l’avis favorable des rapporteurs, l’article 40 bis du projet de loi déroge ainsi aux règles d’urbanisme commercial en réduisant de 1 000 à 400 mètres carrés la surface des projets commerciaux soumis à autorisation préalable à Paris. Une telle dérogation me paraît justifiée…

M. Claude Goasguen. Pas à Marseille ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …par les caractéristiques de Paris, ville la plus dense d’Europe entourée par une petite couronne également très dense dans laquelle l’installation de grandes surfaces peut avoir des conséquences dommageables.

M. Claude Goasguen. Pas à Marseille ?

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Encore faudrait-il, par cohérence, étendre ce raisonnement à l’ensemble des métropoles confrontées aux mêmes difficultés – nous y veillerons dans la suite de la navette parlementaire, monsieur Goasguen,…

M. Philippe Goujon. Quelle navette ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il n’y en aura pas !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …si les responsables de la métropole d’Aix-Marseille veulent bien discuter un peu avec les rapporteurs de façon à savoir si un accord est possible sur cette question. Moi, je n’imposerais pas une mesure de cette nature sans discussion préalable avec les maires et les présidents.

L’article 46, résultant d’un amendement de notre collègue Jean-David Ciot, permet à la métropole d’Aix-Marseille-Provence de restituer sa compétence, jusqu’en 2018, en matière de promotion du tourisme aux communes membres érigées en « stations classées de tourisme » ayant déjà transféré cette compétence. J’ai noté là encore votre inquiétude, monsieur le ministre. Je vous le dis : nous tiendrons et nous essaierons de vous convaincre. Cette proposition des élus de gauche et de droite de la métropole est tout à fait transversale. Pourquoi ? Certains de nos sites sont connus dans le monde entier – je songe notamment à Cassis et à La Ciotat, puisque ce sont ces deux communes qui sont essentiellement concernées : qu’elles puissent mener leur politique touristique ne constitue en aucune façon, me semble-t-il, un affaiblissement de la loi sur les métropoles – il me semble, au contraire, qu’elle en sera renforcée. Je crois que, sur cette question, nous serons soutenus par l’ensemble de l’Assemblée.

En effet, l’importance du secteur du tourisme dans l’économie locale justifie qu’il puisse être fait exception à l’obligation de transférer cette compétence alors que la métropole n’a pas encore la capacité de l’exercer dans des conditions adaptées. À nouveau, ce report fait l’objet d’un fort consensus local et n’a pour objectif que d’assurer une transition réussie entre l’exercice de certaines compétences par les communes et leur transfert à la métropole.

Suivant la même logique, l’article 45 du projet de loi reporte à 2021 le transfert obligatoire de la compétence voirie actuellement exercée par les communes de la métropole d’Aix-Marseille-Provence de manière à permettre à cette dernière de bénéficier de plus de temps pour s’approprier l’ensemble des enjeux liés à cette compétence.

L’article 28, qui propose d’expérimenter à Paris des clubs de jeux, constitue un autre exemple de pragmatisme. Cet article habilitait le Gouvernement, pour une durée de neuf mois, à légiférer par ordonnance pour définir le régime juridique et fiscal permettant l’expérimentation à Paris, sur une durée de trois ans, de la nouvelle catégorie d’établissements de jeux sous forme de sociétés commerciales visant à se substituer aux actuels cercles associatifs, mais aussi pour renforcer le régime de police administrative applicable aux établissements de jeux – concernant à la fois les casinos et les nouveaux clubs – et élargir les moyens d’investigation des services d’enquête spécialisés et, enfin, pour définir les conditions dans lesquelles il aurait été mis un terme, le cas échéant, à l’activité de ces établissements de jeux à l’issue de l’expérimentation.

La commission des lois du Sénat a supprimé cet article, après des débats qui ont essentiellement porté sur la méthode…

M. Philippe Goujon. Pas seulement !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. …de l’habilitation à légiférer retenue dans le projet de loi initial.

Compte tenu des réticences de nos collègues sénateurs mais, aussi, de la matière concernée – l’ordre public et la fiscalité – nous avons proposé avec Jean-Yves Le Bouillonnec que le Parlement exerce la plénitude de sa compétence et qu’il débatte, au fond, de l’opportunité et de l’étendue d’une telle expérimentation. La commission des lois nous a suivis en adoptant un dispositif complet reprenant point par point la réforme envisagée par le Gouvernement.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’intervention ne devait pas excéder dix minutes !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je conclus, madame la présidente.

Je dois faire part à M. le ministre de mon incompréhension face à l’amendement qu’il a déposé pour refuser le débat devant la représentation nationale et revenir à la demande d’habilitation qui figurait dans le projet de loi initial.

En dehors des métropoles, l’accompagnement du développement des intercommunalités doit se poursuivre et le présent projet de loi y contribue.

Introduit au Sénat à l’initiative du Gouvernement, l’article 42 tire les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel des conditions de rattachement d’une commune nouvelle à un EPCI lorsque celle-ci résulte de la fusion de communes appartenant à des établissements différents.

À la demande du Gouvernement, notre commission des lois a également adopté un article 47 qui repousse le délai prévu par la loi pour fixer les modalités de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. Les rapports prévus n’ayant malheureusement pas été remis, nous avons accepté que cette échéance soit reportée de deux ans, mais je dois rappeler ici que les attentes sont fortes parmi nos collègues.

Enfin, tout en tenant compte des réticences exprimées par vos rapporteurs, la commission des lois a adopté un article 43 destiné à simplifier les conditions dans lesquelles un maire peut transiger sur des litiges de faible montant.

Voilà, mes chers collègues, les très nombreux sujets dont nous allons débattre à l’occasion de ce projet de loi. Je forme le vœu que nous sachions demeurer fidèles, avec ce texte, à l’esprit que Gaston Defferre avait su insuffler à la loi la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite loi PLM, pour promouvoir la décentralisation communale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Goujon. Vous voulez faire des arrondissements des communes de plein exercice ?

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, malgré de multiples auditions, malgré de longues, très longues discussions en commission des lois, je n’ai toujours pas la réponse à ma question sur les raisons qui ont motivé l’inscription en urgence de ce projet de loi à l’ordre du jour pourtant chargé de notre Assemblée, à quelques semaines de la fin de la législature. D’ailleurs, le rapporteur lui-même – notre collègue Patrick Mennucci – n’en croit pas ses yeux puisqu’il évoquait à l’instant une navette qui n’aura manifestement pas lieu en raison, précisément, de l’urgence.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je n’ai pas parlé de navette !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Si, à plusieurs reprises ! Cela figurera, je pense, au compte rendu.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Pardonnez-moi, alors, mais il y aura tout de même un retour au Sénat.

M. Claude Goasguen. Il y aura une CMP, ce n’est pas pareil !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais vous avez bien raison, monsieur Mennucci : il faudrait que la navette ait lieu. Sur ce point-là – en voilà au moins un ! – nous sommes d’accord. Préservons-le, car ils seront assez rares !

Pourquoi l’urgence, donc ? Ce n’est certes pas pour fusionner la ville et le département de Paris puisque cette mesure technique est déjà quasiment en vigueur dans la pratique.

Est-ce le transfert de compétences de l’État vers la ville ? Pas plus ! Les compétences transférées sont réduites à la portion congrue, y compris d’ailleurs dans le domaine de la circulation qui, pourtant, aurait mérité mieux.

S’agit-il du transfert de compétences de la ville vers les arrondissements pour offrir un meilleur service de proximité aux Parisiens ? Ce n’est pas davantage le cas tant les transferts concédés du bout des lèvres par la maire de Paris et la majorité sont mineurs et ne permettent pas d’identifier une ligne directrice sur ce sujet dans le projet de loi – d’autant que, sur le terrain, les pratiques re-centralisatrices contredisent chaque jour le discours décentralisateur…

Pourquoi donc l’urgence ? Je pose à nouveau la question.

M. Claude Goasguen. Pour une réforme s’appliquant à partir de 2019 !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Serait-ce la simplification de l’architecture institutionnelle francilienne – qui enchevêtre les compétences – pour obtenir plus d’efficacité et diminuer les dépenses de fonctionnement ? Cela ne peut pas être le cas non plus puisque le projet ne concerne ni la région, ni la métropole du Grand Paris et qu’a fortiori la fusion ville-département de Paris rendra plus difficile toute évolution ultérieure. Pourtant, s’il est un sujet qui méritait une loi, c’est bien celui-là tant le mille-feuilles institutionnel, en Île-de-France, rend l’action publique peu efficiente.

Alors, quoi ? Pourquoi l’urgence sur ce texte ?

M. Claude Goasguen. That is the question !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pourquoi son inscription à notre ordre du jour pourtant chargé et qui pourrait comporter bien d’autres urgences ?

Concrètement, la seule mesure significative du projet est la fusion des quatre arrondissements centraux.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Philippe Goujon. Évidemment !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette mesure n’a manifestement pas pour objet l’intérêt communal des Parisiens mais elle permet à l’exécutif d’offrir à Mme Hidalgo une circonscription redécoupée sur mesure…

M. Claude Goasguen. En effet !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …dans laquelle elle pourra nourrir l’espoir d’emporter pour la première fois la majorité des voix des Parisiens dans sa circonscription d’élection – cela n’était pas possible dans le quinzième arrondissement grâce à M. Goujon, que je salue.

M. Philippe Goujon. Je regrette qu’elle me quitte !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas fait.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le Parlement a donc été saisi d’une réformette électorale et partisane, les uns et les autres l’ayant in petto reconnu, cela a été dit à la tribune du Sénat. Au début du mois de novembre, emmenés par le sénateur de Paris Pierre Charon, nos amis du Sénat avaient largement corrigé et « musclé » le texte…

M. Claude Goasguen. Ce n’était plus le même !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …lui donnant ainsi bien plus de contenu. Ils avaient bien sûr supprimé la fusion des arrondissements du centre – qui n’a d’autre intérêt, un peu personnel, que celui que je viens de décrire – mais ils avaient accordé de nouvelles compétences aux arrondissements et permis à ces derniers de collaborer directement avec les communes voisines, par exemple pour des opérations d’aménagement enjambant le périphérique. Ils avaient permis la création d’une police municipale et, enfin, ils avaient garanti des conditions d’équité et de démocratie dans les arbitrages que rend le conseil de Paris et supprimé l’introduction des casinos à Paris – dont nous reparlerons tout à l’heure, j’en suis sûre.

Je voudrais revenir brièvement sur ces différents points, ces différentes propositions du Sénat qui étaient de nature à donner un peu de contenu à un texte qui, je l’ai dit, n’en a pas d’autre – jusque-là – que l’intérêt personnel de la maire de Paris.

D’abord, la suppression par les sénateurs de la fusion en un secteur unique des quatre arrondissements de Paris. Pourquoi ? Tout simplement parce que ses motivations ne sont que politiciennes.

Les économies invoquées sont quasi inexistantes – cela a été démontré…

M. Claude Goasguen. Elles sont nulles !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …et les arguments sur la représentativité des conseillers de Paris, repris tout à l’heure par notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, ne sont que l’habillage juridique des jeux politiques de la majorité municipale. Le Conseil constitutionnel n’en demande pas tant !

M. Claude Goasguen. Il n’a rien demandé, le Conseil constitutionnel !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il a explicitement validé la répartition actuelle des conseillers de Paris entre arrondissements. On nous parle donc d’un problème qui n’existe pas. Et quand bien même il existerait, rien ne justifierait qu’on le traite dans l’urgence, puisque tout cela ne doit prendre effet qu’en 2020.

Au passage, si le Gouvernement et sa majorité étaient soucieux de remettre à plat les questions de représentativité, il y aurait d’autres choses à faire. Les arrondissements de Paris ne sont pas les seuls concernés, puisque le problème se pose dans l’ensemble des communes de la métropole. Je note d’ailleurs l’insistance un peu curieuse de ce même gouvernement à vouloir repousser jusqu’en 2019 la décision sur l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, qui concerne pourtant la même échéance électorale. Le Gouvernement n’a pas de difficulté à repousser certaines réformes en 2019, et à en traiter d’autres dans l’urgence, en décembre 2016 : c’est quand même un peu louche !

M. Claude Goasguen. C’est un peu curieux, en effet !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Si le Gouvernement et sa majorité étaient soucieux de représentativité, ils mettraient surtout un terme à l’actuel scrutin territorial, qui permet à la maire de Paris d’être élue avec une minorité des voix des Parisiens.

M. Claude Goasguen. Comme Donald Trump !

Mme Annick Lepetit. C’est vraiment petit !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Au moment où la participation directe des Parisiens à la gestion de la chose municipale est régulièrement promue par l’Hôtel de ville, pourquoi ces mêmes Parisiens ne peuvent-ils toujours pas choisir plus directement leur maire ? Si le Gouvernement et sa majorité étaient réellement soucieux de démocratie, ils moderniseraient le mode de scrutin des municipales, afin de permettre à tous les Parisiens de choisir directement leur édile !

Mais alors, quelles sont les vraies raisons de la fusion ? En fait, fusionner dans un secteur unique les 1er, 2e, 3et 4arrondissements, c’est, plus prosaïquement, transformer le centre de Paris en forteresse du socialisme municipal. Eh oui, les pauvres ! Jugez-en vous-mêmes : en 2014, il a manqué 55 voix à l’actuelle opposition municipale pour remporter le 4arrondissement ; en 2020, à résultats constants, avec la fusion des quatre arrondissements, il faudra près de 3 000 voix. Vous le voyez, cela change beaucoup de choses. C’est arithmétique !

Une fois écartés les sophismes municipaux et les visées électoralistes, nous pouvons nous concentrer sur l’essentiel. C’est une certaine idée de la démocratie qui est en jeu. Celle d’une démocratie de proximité, d’une démocratie qui s’appuie sur des élus accessibles et disponibles, qui connaissent le terrain et les habitants de leur arrondissement. Renoncer à la démocratie de proximité, c’est faire le choix d’une démocratie dégradée, à contre-courant des besoins et des attentes de nos concitoyens. C’est éloigner, là où il faut rapprocher. C’est aggraver la perception d’une déconnexion croissante des élus.

À l’opposé de cette approche, nous avons défendu une vision pragmatique du fonctionnement de Paris, qui permette l’exercice des compétences au niveau le plus pertinent pour résoudre efficacement les problèmes concrets des Parisiens. Ces derniers comprennent mal l’absence criante de moyens d’action réels des maires d’arrondissement. C’est dans cet esprit que nous avons proposé l’attribution aux arrondissements d’une compétence sur les enjeux de proximité : le nettoyage, l’entretien et la réfection des voiries, au sujet desquels les habitants se tournent très régulièrement vers leur maire d’arrondissement ; la délivrance des permis de construire, ainsi que les autorisations d’élagage et de terrasse ; la création, l’organisation et la gestion du service de la petite enfance ; la restauration scolaire ; l’attribution des logements sociaux ; l’attribution des subventions aux associations concernant le seul arrondissement ; ou encore la mise en œuvre des actes d’acquisition et de préemption.

Pourquoi cela ? Pas pour faire plaisir aux maires d’arrondissement, mais bien parce que c’est à cette échelle-là que les choix les plus pertinents peuvent être faits ; parce que c’est à cette échelle-là que les Parisiens interpellent leurs édiles. Sur ces sujets, il faut avoir une bonne connaissance du terrain, mais aussi des habitants – ce qui est difficile dans une ville de plus de 2 millions d’habitants.

Permettez-moi de prendre deux exemples assez parlants, et d’abord celui de la propreté – un sujet qui parle à tout le monde. Le manque de propreté des rues parisiennes est la principale source d’insatisfaction des Parisiens, mais aussi des touristes. Le co-pilotage entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement n’a produit aucun effet, tant la marge de manœuvre de ces dernières est limitée. En confiant aux maires d’arrondissement l’autorité fonctionnelle sur les personnels et les moyens techniques et financiers pour assurer cette mission, le service aurait gagné en réactivité et en efficacité. Les maires d’arrondissement auraient pu ainsi mieux répartir les opérations en fonction des animations locales, qu’il s’agisse des marchés récurrents ou des manifestations festives occasionnelles.

Deuxième exemple : la cantine. Alors que la maire de Paris n’a pas définitivement renoncé à recentraliser les caisses des écoles, il aurait fallu, à l’inverse, renforcer les pouvoirs des maires d’arrondissements dans ce domaine. L’amélioration de la qualité des repas n’est pas compatible avec un marché unique gigantesque, chargé de préparer les repas de 140 000 élèves. En revanche, les arrondissements ont la dimension idoine pour promouvoir les circuits courts et les composantes biologiques, pierres angulaires d’une alimentation durable. Alors, certes, il faut trouver le bon dosage et la bonne méthode pour garder un minimum d’unité au sein de la ville de Paris, mais entre la situation actuelle, où les arrondissements n’ont strictement aucun pouvoir, et la transformation de ceux-ci en communes autonomes, avouez qu’il y a de la marge !

Dans le cas où la motion de rejet préalable que je vous présente ne serait pas adoptée, ce que je regretterais infiniment, nous défendrons en séance plusieurs amendements à ce sujet. Nous proposerons notamment un dispositif différent de celui adopté par le Sénat, afin de tenir compte des réticences exprimées par les commissaires aux lois de la majorité. C’est vous dire, chers collègues, si nous sommes disposés à faire un pas vers vous !

M. Claude Goasguen. Pas trop, tout de même !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous vous proposerons un dispositif consistant à donner aux arrondissements un avis conforme sur certaines décisions prises à l’échelon central, et une autorité fonctionnelle – et non intégrale – sur les personnels exerçant des missions de proximité. Il me semble que c’est là un équilibre sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.

J’aimerais dire également un mot de la police, car nous prônons, sur ce sujet, la même approche équilibrée. La préfecture de police est aujourd’hui mobilisée en priorité, et c’est bien normal, sur les questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme. Or cela se fait souvent au détriment de ce que l’on pourrait appeler la police quotidienne, celle de la lutte contre les dégradations volontaires ou les petits trafics, le tapage, la vente à la sauvette, la mendicité agressive, ou encore la gestion de la circulation. Toutes les infractions que je viens d’évoquer vont bien plus loin que les fameuses « incivilités » dont la maire de Paris a parlé lors de son audition devant la commission des lois, et dont elle veut faire sa priorité. Les Parisiens ont bien compris que son seul but était de remplir les caisses de la ville avec une politique de PV à tout-va !

Car c’est bien cela le pire ! Les effectifs d’agents de surveillance de Paris – ASP – vont être transférés de la préfecture de police à la ville de Paris – nous parlons quand même de 1 800 personnes ! – non pas pour renforcer la lutte contre les infractions qui empoisonnent la vie de nombre de Parisiens, mais plutôt pour empoisonner la vie de ces mêmes Parisiens et s’attaquer à leur porte-monnaie, afin de remplir les caisses de la ville !

Et ce n’est pas la faute du préfet de police : Il a dit lui-même, lors de son audition, qu’il n’était pas opposé à la création d’une police municipale. La préfecture devant, en tout état de cause, se concentrer sur ses missions régaliennes, il nous a indiqué ne pas exclure « qu’on aille plus loin en matière de transfert, en observant ce qui se fait dans les grandes villes où il y a des polices d’État ». Et il a reconnu que c’était bien la ville qui avait bloqué toute avancée en refusant d’assumer sa part de responsabilité en matière de sécurité !

C’est pour cela que nous soutenons totalement le dispositif qui avait été adopté par le Sénat, et qui est semblable à celui qui s’applique en petite couronne. Le préfet de police de Paris aurait conservé une compétence en matière de sécurité intérieure, mais la ville de Paris aurait disposé d’une police municipale, qui aurait pu utilement compléter l’action de la préfecture, justement sur le type d’infractions que j’évoquais tout à l’heure. Pour quelle raison, en effet, la maire de Paris disposerait-elle de moins de pouvoirs qu’un maire de banlieue, dès lors que l’on maintient le rôle du préfet de police ?

Je pourrais également parler des compétences respectives de l’État, de la région, de la métropole et de la ville en matière de circulation, de répartition des dotations entre arrondissements, bref, de toutes ces améliorations qui avait été apportées par le Sénat, et auxquelles notre groupe était favorable. Mais, là comme ailleurs, la majorité de gauche a refusé le progrès et restauré le texte dans la version initialement présentée par le Gouvernement, très pusillanime sur ces questions de transferts. Paris et, plus généralement, l’Île-de-France, valent mieux que cette approche strictement organisée en fonction des seuls intérêts politiques de la maire de Paris.

Traiter des questions de statut, mes chers collègues, pourquoi pas ? Il faut le faire, il faudra le faire, et remettre l’ouvrage sur le métier. Mais il ne faut certainement pas le faire dans l’urgence. En tout état de cause, il convient d’agir à la bonne échelle, en plaçant chaque compétence au niveau qui semble le mieux adapté pour améliorer la vie de nos concitoyens, sans tabous ni totems, en examinant tous les schémas, mêmes les plus radicaux !

Traiter des questions de statut, mes chers collègues, cela ne se fait pas sur un coin de table, en catimini, mais au contraire en organisant un véritable débat avec l’ensemble des collectivités, des élus et en associant la population ; en mesurant l’impact des scénarios proposés et en recherchant le minimum de consensus. Malheureusement, au lieu de suivre cette méthode de bon sens, vous vous êtes soumis au diktat de la maire de Paris, qui a élaboré initialement une réforme de convenance, pour elle et sa majorité.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Pas du tout !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le ministre, la façon dont ce texte a été élaboré ne grandit pas le travail du Gouvernement, réduit au rôle de petit télégraphiste de la maire de Paris, ni celui de sa majorité parlementaire, une majorité « godillot » condamnée à approuver cette réformette sans pouvoir en discuter le fond. Quant au conseil de Paris, pourtant le premier concerné, il n’a pas même eu l’occasion de débattre du projet – c’est dire !

Monsieur le ministre, vous aviez une occasion de traiter sérieusement des problèmes institutionnels réels qui se posent à l’échelle de notre région capitale. Mais le sectarisme et la volonté de puissance de la maire de Paris vous ont empêché de le faire. C’est dommage, car c’est une occasion manquée – il nous faudra en trouver une autre.

Mes chers collègues, telles sont les nombreuses raisons pour lesquelles je crois qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur cette réforme électorale et partisane. Je vous propose donc de la rejeter sans la discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. En ce qui me concerne, je vais essayer d’être courtois.

M. Claude Goasguen. Pourquoi ne le seriez-vous pas ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Parce que je n’ai pas reçu beaucoup de marques de courtoisie et que je viens de me faire traiter de « petit télégraphiste » !

M. Claude Goasguen. C’est ce que François Mitterrand avait dit à Valéry Giscard d’Estaing !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne suis pas encore Président de la République, monsieur Goasguen. Lorsque je le serai, j’accepterai avec plaisir et bonheur que vous me traitiez de petit télégraphiste ! Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.

Il n’est pas dans ma nature, ni dans ma manière d’être – et vous le savez bien, car vous m’avez vu prendre certaines positions dans cette enceinte et au Sénat – de faire ce que je ne souhaite pas faire.

Je vais vous répondre sur un certain nombre de points, madame la députée, même si je pourrais me contenter de vous renvoyer au compte rendu de nos débats en commission, puisque vous y avez abordé les mêmes thèmes et prononcé les mêmes mots, et que je vous ai déjà répondu.

S’agissant de l’urgence, il faut savoir ce que l’on veut ! Compte tenu du fait que nous approchons de la fin du quinquennat, il était évident, si nous choisissions la procédure ordinaire, que ce texte n’avait aucune chance de prospérer. Puisque nous avons considéré qu’il était nécessaire d’œuvrer pour Paris et pour les métropoles, nous avons choisi une procédure d’urgence, qui nous permet de mener notre projet à bien.

M. Claude Goasguen. Y aura-t-il une commission mixte paritaire ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. C’est également ce que j’ai fait pour la loi montagne, en accord avec votre groupe, monsieur Goasguen ! Le président Christian Jacob et Laurent Wauquiez, président de l’Association nationale des élus de montagne, m’ont donné leur accord pour que le texte soit examiné dans le cadre d’une procédure accélérée. À ce propos, j’en profite pour vous dire, toujours par courtoisie, que je vais devoir vous quitter dans très peu de temps – mais ma secrétaire d’État va me remplacer. En effet, la bonne organisation du travail parlementaire fait que je dois me trouver en même temps ici, pour débattre avec vous du statut de Paris et de l’aménagement métropolitain, et au Sénat, pour débattre du projet de loi sur la montagne.

M. Philippe Goujon. Vous préférez la montagne ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ce n’est pas que je préfère la montagne…

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Manifestement !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …mais comme nous sommes sur le point d’achever l’examen du projet de loi sur la montagne, je veux, par respect pour les sénateurs, me trouver ce soir au Sénat. Mais je vous retrouverai demain matin avec beaucoup de bonheur, madame Kosciusko-Morizet, monsieur Goasguen.

Je vous ai exposé les raisons pour lesquelles nous avons fait le choix de la procédure accélérée.

Madame et messieurs les députés de Paris, contrairement aux députés venus débattre du statut des métropoles, qui adoptent, pour leur part, une démarche positive, vous choisissez la même méthode que le Sénat : à vous entendre, rien n’est bien, tout est horrible dans ce texte, et il doit être jeté aux orties.

Or même en y mettant de la mauvaise volonté, il n’est pas possible que vous ne trouvez rien de positif dans ce texte, pas même la fusion de la ville de Paris et du département ! Ce n’est pas crédible !

Cette attitude est regrettable, car ma méthode de travail a toujours été la co-construction. Sur certains textes, nous sommes d’ailleurs parvenus à un consensus, voire à l’unanimité – c’est le cas en ce moment même pour celui qui est en discussion au Sénat. Mais, pour co-construire, il faut être deux. Or vous vous placez dans une situation d’opposition permanente, suivant en cela, d’ailleurs, si j’ai bien compris, une tradition de mise au sein du conseil de Paris, mais qui ne correspond pas à ma vision du rôle des collectivités ou du travail parlementaire. Sur certains sujets, madame la députée, je pourrais peut-être aller dans votre sens, mais cela implique d’entendre ce que dit le Gouvernement, de vouloir dialoguer. Ce n’est pas l’impression que m’a laissée votre intervention !

M. Claude Goasguen. Allez dire cela aux sénateurs !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Mennucci, rapporteur.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je partage évidemment la position de M. le ministre, mais je veux surtout dissiper toute ambiguïté sur la question de la navette – sur ce sujet, madame la députée, je me suis peut-être mal exprimé.

Les contacts que nous avons avec nos collègues sénateurs nous laissent espérer que le projet de loi sera examiné dès la semaine prochaine en commission mixte paritaire. Or nous ne nous contenterons pas d’une réunion de cinq minutes ; nous comptons y travailler de façon approfondie. Après la CMP, le texte sera examiné en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ensuite, si le Gouvernement en fait la demande, il sera transmis à l’Assemblée nationale en vue de la lecture définitive. Vous voyez donc, madame la députée, qu’il n’est pas question d’examiner le texte à la va vite : la procédure suivie, qui est une procédure constitutionnelle, nous laissera tout le loisir de poursuivre la réflexion. Tel était donc le sens de mon propos : si, sur tel ou tel point, nous ne parvenons pas à conclure demain soir, nous aurons ensuite le temps de mener le travail à son terme.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Annick Lepetit. De toute évidence, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas « contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ». Le groupe socialiste votera donc évidemment contre la motion de rejet préalable. Permettez-moi cependant d’en exposer les raisons en détail.

D’abord, ce texte comporte des avancées importantes qui auront des répercussions sur le quotidien de nos concitoyens.

M. Claude Goasguen. Ah bon ? Dans quels domaines ?

Mme Annick Lepetit. Nous n’allons donc pas reculer face à des arguments – les mêmes que ceux que vous avez déjà développés en commission – qu’il faut bien qualifier de politiciens.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

Mme Sandrine Mazetier. Tout à fait ! Exclusivement politiciens !

Mme Annick Lepetit. Trente ans après la loi « PLM », il était temps de faire évoluer les rapports qu’entretiennent les mairies d’arrondissement avec les mairies centrales.

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

Mme Annick Lepetit. À Paris, la tutelle exercée par la préfecture de police n’est plus adaptée dans un certain nombre de domaines, ce qui justifie une clarification.

M. Pierre Lellouche. Le texte ne clarifie rien du tout !

Mme Annick Lepetit. Ce qui nous motive, c’est d’abord d’apporter le meilleur service aux habitants de nos villes en adaptant les compétences aux différents niveaux de responsabilités. Mais, pour débattre sereinement de ces sujets, autant éviter la caricature. Si les maires d’arrondissement n’ont aucun pouvoir, comme vous ne cessez de le dire à droite, pourquoi certains continuent-ils à s’accrocher à leur siège avec autant d’ardeur ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philippe Goujon. C’est un argument ridicule !

M. Claude Goasguen et Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Qu’ils n’ont aucun pouvoir, on le vérifie tous les jours !

Mme Annick Lepetit. Pourquoi certains d’entre vous continuent-ils à cumuler la position de maire d’arrondissement avec un mandat de député ?

M. Claude Goasguen. Pour les maires des quatre premiers arrondissements, ce sera la double peine !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Ce n’est pas une peine, voyons !

Mme la présidente. Seule Mme Lepetit a la parole !

Mme Annick Lepetit. Je sais bien que la confusion des compétences entre la mairie de Paris et les mairies d’arrondissement en arrange quelques-uns. Pourtant, croyez-moi, cela agace beaucoup nos concitoyens. Je vous invite donc, mes chers collègues, à être plus en phase avec la réalité.

Ce texte offre de nouvelles compétences aux arrondissements.

M. Claude Goasguen. C’est une plaisanterie ? Vous n’avez pas lu le texte !

Mme Annick Lepetit. Mais cela ne doit pas conduire à remettre en cause l’intégrité de la ville de Paris, comme vous et la majorité du Sénat le proposez. Donner aux arrondissements toutes les compétences en matière de subvention aux associations, de voirie, de petite enfance et même de relations avec les communes limitrophes conduirait à réduire drastiquement la puissance d’action de la ville et, surtout, à amoindrir sa vision globale.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée ! La durée des explications de vote est de deux minutes et vous en êtes déjà à plus de trois.

Mme Annick Lepetit. Je suis désolée, mais on m’avait dit que l’intervention pouvait durer cinq minutes !

Mme la présidente. Je vous prie de conclure en une phrase !

Mme Annick Lepetit. Il me semble très important de répondre aux accusations de tripatouillage électoral. Au-delà du fait que certains ont une bonne expertise en la matière,…

M. Claude Goasguen. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pouvez-vous vous expliquer ?

Mme Annick Lepetit. …ce texte ne procède à rien de tel.

Mme la présidente. Merci, madame la députée ! Vous parlez depuis trois minutes et trente-cinq secondes !

Mme Annick Lepetit. S’agissant de la fusion des quatre arrondissements centraux,…

Mme la présidente. Regardez le compteur, madame la députée !

Mme Annick Lepetit. Je termine, madame la présidente ; il s’agit d’un sujet sur lequel Mme Kosciusko-Morizet a insisté.

Mme la présidente. Restons calme, madame Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Je le suis !

Mme la présidente. Je ne peux pas vous laisser doubler votre temps de parole.

Mme Annick Lepetit. Je voulais conclure en évoquant la fusion des arrondissements...

Mme la présidente. Vous l’évoquerez dans une autre intervention.

M. Claude Goasguen. Laissez-la s’expliquer ! Elle a parlé de tripatouillages : de quoi s’agit-il ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Goujon. Mme Lepetit a pris beaucoup de temps pour exprimer son hostilité à la décentralisation et aux conquêtes en matière de libertés publiques à Paris.

M. Claude Goasguen. Mme Lepetit tripatouille ! (Exclamations sur divers bancs.)

De quels tripatouillages parlez-vous, madame Lepetit ? Donnez des noms !

Mme Annick Lepetit. N’avez-vous pas été l’adjoint de Jean Tiberi, monsieur Goasguen ?

Mme la présidente. Seul M. Goujon a la parole !

Allez-y, monsieur Goujon, sans quoi je donne la parole à l’orateur suivant.

M. Philippe Goujon. Vous plaisantez ? Mme Lepetit a parlé quatre minutes !

Mme la présidente. Non, je ne plaisante pas !

M. Philippe Goujon. Mme Lepetit, je le répète, a longuement exprimé son hostilité à la décentralisation municipale et au transfert de compétences vers les arrondissements, qui sont pourtant des échelons de proximité qu’affectionnent les Parisiens. Cet aspect de la réforme Defferre a d’ailleurs été un tel succès que les Parisiens se tournent volontiers vers les maires d’arrondissements, nains administratifs totalement dénués de pouvoirs.

Vous prétendez révolutionner le fonctionnement administratif de Paris, alors que ce texte se limite à donner aux maires d’arrondissement la possibilité de conclure des contrats d’occupation du domaine public portant sur des équipements de proximité et dont la durée n’excède pas douze ans. Et encore, un amendement prévoit d’exclure de ce dispositif les établissements scolaires, c’est-à-dire la majeure partie des établissements de proximité ! C’est de la fumisterie, bien sûr ! Ce texte ne répond qu’à un objectif de tripatouillage électoral, comme l’a dit Mme Kosciusko-Morizet.

M. Claude Goasguen. Absolument !

Mme Annick Lepetit. C’est faux !

M. Claude Goasguen. Qui sont les experts en tripatouillage, madame Lepetit ? Des noms !

M. Philippe Goujon. Il s’agit de faire passer sous la guillotine les maires d’arrondissement, plus particulièrement ceux de droite, comme vous l’avez fait dans la loi de 2013, qui avait d’abord été invalidée, puis validée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier n’a jamais demandé la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris.

M. Pierre Lellouche. Il n’a rien demandé du tout !

M. Philippe Goujon. C’est la loi de 2013 qui a rétabli l’équilibre entre les arrondissements et entre les conseillers de Paris.

En outre, il s’agit vraiment d’une occasion manquée : vous introduisez dans ce texte des dispositions relatives à l’aménagement métropolitain, qui n’ont rien à y faire, alors que vous auriez dû harmoniser les dispositions portant sur le statut de Paris et celles concernant la Métropole du Grand Paris.

Enfin, nous regrettons qu’aucun pouvoir en matière de police municipale ne soit transféré au maire de Paris. Une telle compétence lui aurait pourtant permis d’assurer la tranquillité publique dans la capitale en laissant la préfecture de police se concentrer sur ses missions en matière de sécurité générale, d’ordre public et de lutte antiterroriste.

En définitive, ce projet de loi n’est qu’un texte alibi, au service d’un tripatouillage électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Madame Lepetit, vous qui êtes une parlementaire expérimentée, je vous rappelle que l’article 91, alinéa 5, de notre règlement prévoit un temps de parole de deux minutes pour les explications de vote sur une motion de procédure.

Mme Annick Lepetit. Tout à fait, madame la présidente ! C’est moi qui ai tort !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales, madame la vice-présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, la motion de renvoi en commission se distingue de la motion de rejet préalable car elle soulève des questions juridiques précises, qu’on ne peut pas éluder. Ce renvoi en commission est-il nécessaire ? Normalement, quand on examine en commission un projet de l’importance que lui prêtent les rapporteurs… Je tiens au passage à les féliciter pour leur admirable travail : parvenir à rédiger un rapport de 400 pages à partir d’un tel texte relève d’une forme de génie ! (Sourires.)

M. Philippe Goujon. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. C’est un compliment ?

M. Claude Goasguen. Ah, je ne sais pas ! Je constate simplement qu’il est difficile d’être le rapporteur d’un texte sans queue ni tête, et je rends hommage à votre expérience. Ce n’est pas forcément gentil, mais ce n’est pas méchant non plus !

Avez-vous, avec ce texte, résolu les problèmes essentiels ? La commission l’a-t-elle bien examiné, à l’aune de l’intérêt général ? La réponse est incontestablement non, et je vais essayer de vous le prouver.

S’agissant de la procédure accélérée, les propos de M. Mennucci m’ont plongé dans un abîme de réflexion. Pourquoi une CMP, puis une nouvelle lecture ? Après l’engagement de la procédure accélérée, qu’est-ce qui justifie le ralentissement de la procédure ? On s’attendait à ce que cela aille plus vite.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. La CMP, ce n’est pas un ralentissement de la procédure !

Mme Sandrine Mazetier. C’est la procédure normale !

M. Claude Goasguen. Si, c’est un ralentissement ! On aurait pu aller plus vite, mais je crois avoir compris pourquoi on procède ainsi : un certain nombre de dispositions, qui ne manquent pas d’intérêt, ont été adoptées en commission : il fallait donc examiner le texte plus attentivement et étudier si les dispositions prévues pour Paris pouvaient être étendues à Lyon et à Marseille – j’y reviendrai.

Pourquoi engager la procédure accélérée ? Comme l’a dit Mme Kosciusko-Morizet, l’élection ne se déroulera qu’en 2020 : on aurait eu le temps d’examiner les choses à tête reposée. En outre, nous approchons de la fin de notre mandat ; les Parisiens, comme les Français, éliront sans doute une nouvelle majorité l’année prochaine.

M. Pierre Lellouche. Paris s’éveille !

M. Claude Goasguen. On aurait donc pu laisser à la nouvelle assemblée le soin de délibérer tranquillement. Mais non : on propose ce texte sur le statut de Paris à la fin de la législature, dans un contexte où, de surcroît, s’accumulent les difficultés : le Président de la République s’en va, le Premier ministre démissionne, le Gouvernement est fatigué. N’est-ce pas curieux ? Je ne fais que m’interroger !

L’objectif est-il d’améliorer l’efficacité de la police, et notamment de répondre aux problèmes de sécurité à Paris ? Certains ont essayé de le démontrer, avec talent – je pense encore aux rapporteurs. Mais, soyons sérieux ! Les ASP ont toujours existé, ont toujours été payés par la mairie de Paris et ont toujours exercé les mêmes missions. En réalité, l’embryon de police de proximité – puisque vous ne voulez pas entendre parler de police municipale – exerce des missions qui n’ont rien à voir avec la sécurité : elle a un rôle dans la lutte contre les incivilités et probablement en matière de propreté. En fait, vous avez créé une brigade – comme à Marseille, où il existe un service de ce genre – qui contrôle la propreté des communes. Les agents municipaux, que vous qualifiez de gardiens des incivilités, doivent ainsi répondre à des problèmes que vous n’arrivez pas à résoudre en matière de propreté. C’est intéressant, mais cela n’a rien à voir avec la police ni avec la police municipale. D’ailleurs, les propos du préfet de police me confirment dans l’idée que tout cela n’est pas très sérieux.

Troisième élément : selon vous, la métropole n’a pas eu d’impact sur la constitution de Paris. Vous voulez faire passer ce texte sans étudier de près les conséquences sur le statut de Paris de l’adoption d’une loi sur les collectivités locales, de la création d’une métropole et d’un nouveau conseil régional. Et cela, après engagement de la procédure accélérée. Vous comprendrez aisément que nous nous interrogions !

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le Sénat a été dominé par les problèmes internes au conseil de Paris : laissez-moi sourire ! Comme si l’Assemblée nationale était absente des problèmes internes au conseil de Paris ! Comme si ce texte était soudainement issu du cerveau fertile du Premier ministre sans consultation de la mairie de Paris ! Et on s’étonne que les Parisiens s’intéressent à l’examen de ce texte, qui les concerne directement, au Sénat et à l’Assemblée nationale. Si le Sénat s’est intéressé à ce texte, c’est en raison de sa grande compétence et je regrette que le ministre, qui est ancien sénateur – il est vrai que les sénateurs ont été durs avec lui puisqu’il ne fait plus partie de cette assemblée –, n’ait pas pris conscience de la grande compétence technique des sénateurs, lesquels ont été saisis en première lecture, ce qui est de droit, puisque ce texte porte sur une collectivité locale. Ils ont apporté leur expérience, indépendamment des querelles internes au conseil de Paris.

Il a toutefois été considéré que le texte issu des travaux du Sénat n’avait aucune valeur, si bien qu’à quelques exceptions près c’est au texte initial, présenté par le Gouvernement et inspiré par la maire de Paris, qu’on est revenu, ce qui ne traduit pas l’attitude consensuelle que le ministre a évoquée. Ne pas avoir tenté de discuter avec les sénateurs relève, en fait, d’une précipitation et d’un sectarisme qui témoignent du caractère provisoire de ce texte. Ne vous faites pas d’illusion ! Si vous vous êtes précipités pour faire cette loi, nous nous précipiterons pour la défaire.

M. Pascal Cherki. Oh !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Encore faudrait-il que vous soyez toujours là !

M. Claude Goasguen. Ne vous inquiétez pas ! Seriez-vous donc devenu le porte-parole du groupe Les Républicains ? Permettez-moi de vous assurer que je suis mieux placé que vous pour en parler ! Nous avons commis l’erreur, au cours du précédent quinquennat, de refuser deux propositions de loi qui auraient pu modifier le statut de Paris, parce que le Président de la République de l’époque ne voulait pas, à la différence du gouvernement actuel, intervenir sur ce sujet alors qu’il avait la majorité avec lui : eh bien, l’expérience aidant, croyez-moi, cette erreur, nous ne la commettrons pas de nouveau. Il ne faudra pas, du reste, créer un statut correspondant à la mini-loi que vous nous proposez : vous assisterez au contraire à la naissance d’un vrai statut pour Paris. Car telle est la question : le statut actuel de Paris est-il conforme à sa dimension et à sa modernité ?

Ne vous faites pas d’illusion…

M. Pascal Cherki. Jamais !

M. Claude Goasguen. La question essentielle, que vous n’avez pas voulu poser, c’est celle de la loi PLM. Le statut de Paris doit-il continuer de dépendre de cette loi, au sein de laquelle, par hasard, en 1982, le gouvernement de Pierre Mauroy l’a inscrit aux côtés de Lyon et de Marseille, ce qui n’avait jamais été le cas précédemment ? Rien ne le justifie sur le plan de la sociologie politique.

Nous avons déjà évoqué l’histoire de ce statut en commission. Permettez-moi d’y revenir : j’ai retrouvé les textes, ce qui n’était pas facile. Pierre Mauroy, furieux de l’opposition de M. Chirac au gouvernement de l’époque, a proposé un texte terrible.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Dans les journaux ?

M. Claude Goasguen. Je ne l’ai pas inventé : j’ai toutes les citations. Ce texte proposait de faire de Paris une communauté urbaine composée de vingt arrondissements disposant de la nature communale.

M. Pierre Lellouche. C’est vrai.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Une bêtise !

M. Claude Goasguen. C’était sans doute une bêtise puisque Gaston Defferre, beaucoup plus habile dans ce domaine que Pierre Mauroy, a profité de ce projet qui rencontrait à Paris des difficultés – M. Chirac faisait signer une pétition visant à s’y opposer – pour proposer une nouvelle organisation administrative en mettant cette fois Lyon et Marseille dans le sac. Les secteurs créés à Marseille permirent alors à M. Defferre d’être réélu maire de cette ville alors qu’il était minoritaire.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Ce n’est pas vrai ! Pas en 1983 ! J’ai été élu à ces élections-là.

M. Claude Goasguen. Vérifiez les chiffres, monsieur Mennucci, je n’invente rien. Gaston Defferre avait recueilli moins de voix que M. Gaudin. Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois qu’un maire de Marseille ou de Paris a été élu, bien qu’il fût minoritaire en voix. J’y reviendrai. C’est donc, en vérité, fortuitement, pour des raisons politiciennes de bas étage, que les statuts de Lyon et de Marseille ont été accolés à celui de Paris, bien que les structures de ces trois villes n’aient rien à voir entre elles.

Les différences sont fondamentales, notamment sur le plan de la sécurité, puisque ni Lyon ni Marseille n’ont de préfet de police. Le ministre a évoqué l’histoire démocratique de Paris : elle n’est pas la même non plus.

M. Pascal Cherki. Ah, ces Versaillais !

M. Claude Goasguen. Alors que Paris avait toujours été traité à part, voilà que, tout à coup, Paris se retrouve partager le même statut que Lyon et Marseille bien que ses traditions soient totalement différentes.

Outre l’histoire, il convient également d’évoquer l’administration parisienne. Avez-vous conscience de la puissance de l’administration parisienne ?

M. Pascal Cherki. Sa compétence !

M. Claude Goasguen. Je ne pose pas la question aux Parisiens ici présents : ils la connaissent. L’administration parisienne, une administration compétente, en effet, une administration préfectorale à l’origine, et qui l’est restée, forte de 52 000 agents, a-t-elle quelque chose à voir en termes de puissance avec l’administration de Lyon ou celle de Marseille ? En réalité, mes chers collègues, la réforme PLM n’a rien changé au système parisien, en dehors de la manière dont le maire est élu : mais ce maire est à la tête d’une administration préfectorale dont les méthodes sont restées les mêmes, la réforme ayant peut-être aussi quelque peu politisé une administration très compétente.

M. Pascal Cherki. C’était avant 2001 !

M. Claude Goasguen. J’y viens. En réalité, la maire de Paris est un préfet élu, comme l’était M. Chirac, qui, lui, avait le courage de dire la vérité.

Mme Seybah Dagoma. C’est faux !

M. Claude Goasguen. Il estimait notamment que la loi PLM laissait des pouvoirs dérisoires aux arrondissements.

Mme Annick Lepetit. Cela ne l’empêchait pas de ne pas respecter la loi !

M. Claude Goasguen. Je sais de quoi je parle car moi, je suis juriste, madame Lepetit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain),…

M. Pascal Cherki. Moi aussi.

M. Claude Goasguen. …et je ne me contente pas d’invectives. Je connais les textes. Efforcez-vous de lire les textes et d’apprendre l’histoire : ce serait déjà bien.

Mme Valérie Corre. On peut être juriste et dire des bêtises !

M. Claude Goasguen. La loi PLM ne donne aucun pouvoir au maire d’arrondissement. Ce n’est pas moi qui le dis : tous les juristes le reconnaissent. Je ne comprends pas que les socialistes aient oublié ce que Georges Sarre a écrit en 1982 dans Le Monde : « Le centralisme parisien est inadapté pour la gestion d’une ville de 2 millions d’habitants. »

M. Pascal Cherki. C’est vrai.

M. Claude Goasguen. « La bureaucratie se développe sans entrave, le fossé se creuse entre la réalité quotidienne des quartiers et une administration malade du gigantisme. » Hélas, M. Sarre n’est plus là, mais rien n’a changé. Vous pouvez vérifier cette citation de 1982 : M. Sarre était alors président du groupe socialiste au conseil de Paris.

M. Pascal Cherki. C’était avant 2001 !

M. Claude Goasguen. Que s’est-il passé en 2001, qui semble vous avoir tant traumatisé, mon cher collègue ?

M. Pascal Cherki. Nous sommes passés de l’ombre à la lumière.

M. Claude Goasguen. Que s’est-il donc passé en 2001 pour que nous soyons passés de l’ombre à la lumière ?

M. Pascal Cherki. Vous ne vous en souvenez plus ?

M. Claude Goasguen. Pas du tout ! Je n’ai jamais été franc-maçon !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Oh, ça va !

M. Claude Goasguen. Il a dit « de l’ombre à la lumière » : je m’amuse ! Cela va très bien, monsieur Mennucci. Si ma remarque ne vous plaît pas…

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Non, elle ne me plaît pas.

M. Claude Goasguen. Eh bien, si elle ne vous plaît pas, c’est pareil !

Mme la présidente. Je vous prie de rester sur le fond du sujet, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. « L’ombre et la lumière » : ces mots ne me plaisent pas non plus. Je ne vois pas pourquoi M. Cherki me parle d’ombre et de lumière.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous ne deviez pas dire cela.

M. Claude Goasguen. Comme je suis à la tribune et que vous n’y êtes pas, vous allez quand même le prendre dans la figure, en souvenir. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois.

Mme la présidente. Je vous prie de continuer sur le fond.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous êtes fatigué.

M. Claude Goasguen. Je ne suis pas fatigué : j’en ai d’autres à votre service, monsieur Mennucci.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. J’ai simplement manifesté mon étonnement.

M. Claude Goasguen. Vous n’êtes pas obligé de m’interrompre.

Mme la présidente. Monsieur Goasguen, vous seul avez la parole et je vous prie de revenir au fond de votre propos. Monsieur le rapporteur, je le répète : seul M. Goasguen a la parole.

M. Pierre Lellouche. Il s’est trompé de frontières.

M. Claude Goasguen. C’est le décalage horaire, je vous pardonne, monsieur le rapporteur. Il est vrai que vous avez subi des moments difficiles. Passons : tout est pardonné.

Soyons sérieux : les arrondissements n’ont aucun pouvoir. La loi PLM ne leur donne pas l’once d’un pouvoir.

Mme Annick Lepetit. Ils en ont plus qu’avant 2001 !

M. Claude Goasguen. Non, ils n’ont aucun moyen financier. Connaissez-vous des pouvoirs sans moyens financiers ? Si oui, dites-moi lesquels ! Je suis finistérien d’origine : j’ai inauguré la salle polyvalente de mon village de 129 habitants. Eh bien, sachez qu’un maire d’une commune de 129 habitants a beaucoup plus de pouvoirs qu’un maire d’arrondissement de 160 000 habitants !

M. Jean-Patrick Gille. Retournez donc en Bretagne !

M. Claude Goasguen. Vous pouvez me dire tout ce que voulez : Paris est géré par une préfecture élue et un conseil monolithique. Le conseil de Paris se comporte, dans les bons jours, comme une chambre d’enregistrement et, dans les mauvais jours, comme un soviet.

Mme Annick Lepetit. Voilà une expression qui nous rajeunit !

M. Claude Goasguen. Certaines attitudes politiques au sein du conseil de Paris sont outrancières.

M. Pierre Lellouche. Comme cet après-midi.

M. Pascal Cherki. Quel sens de la nuance !

M. Claude Goasguen. Je tiens à le souligner même si mes propos ne plaisent ni au rapporteur marseillais ni à mon collègue parisien : il y a au sein du conseil de Paris des attitudes outrancières insupportables.

En réalité, mes chers collègues, vous refusez de donner à Paris ce que Paris mérite. Rien dans ce texte ne relève d’un quelconque intérêt général. Le texte ignore la métropole, alors que celle-ci est destinée à jouer un rôle important, notamment en matière de voirie – un sujet qui intéresse particulièrement, je le sais, M. Le Bouillonnec. La métropolisation de la France aura des conséquences sur la voirie des communes en termes d’interventions préfectorales, qui permettront de construire ces métropoles en toute liberté : seront concernés non seulement Paris, Marseille ou Lyon, mais également les communes périphériques. Or cette question n’est absolument pas étudiée : la métropole est absente du texte. Non seulement celui-ci n’évoque pas la métropole, mais vous ne souhaitez pas l’évoquer en raison des voies sur les berges de la Seine, qui mettent sous les feux de l’actualité le problème de la voirie métropolitaine. Or il faudra bien y venir tôt ou tard ! Ce texte aurait pu en être l’occasion : vous ne l’avez pas saisie.

Vous n’avez pas non plus examiné la question de l’étendue de Paris par rapport à la métropole, ni celui de la proximité. Il faut être aveugle, ou de mauvaise foi, pour affirmer que Paris est une ville propre. La réputation de Paris, dans toute l’Europe, est d’être une ville sale.

M. Pascal Cherki. Quel amour pour la capitale !

M. Claude Goasguen. Oui, c’est une ville sale : sa propreté n’est pas assurée. Je ne connais pas l’état de Marseille : il ne me paraît pas meilleur. Pourquoi existe-t-il un problème évident de propreté à Paris ? Parce qu’il n’est pas possible de gérer la propreté d’une ville de 2 millions d’habitants du beffroi de l’hôtel de ville. Il faudrait en décentraliser la gestion, ce que vous refusez de faire pour deux raisons : une perte de pouvoir et une remise en cause des statuts des personnels, que ceux-ci refusent. Le texte ne se penche donc pas sur la propreté et Paris est sale.

Les arrondissements n’ont d’ailleurs aucun pouvoir en matière de personnels, à l’exception du directeur général des services – une seule personne : la belle affaire ! – et d’un cabinet réduit à cinq ou six personnes : la seule équipe dont les maires d’arrondissement disposent. J’oubliais les crèches.

Mme Sandrine Mazetier. Nous allons pleurer sur le maire du 16arrondissement !

Mme George Pau-Langevin. Oui, il va nous arracher des larmes.

M. Claude Goasguen. Le maire du 16est un maire comme les autres : il ne pleure pas, mais participe à hauteur de 20 % à la fiscalité parisienne. Vous avez raison de vous arracher des larmes !

Mme la présidente. Mesdames, je vous prie d’écouter l’orateur.

M. Claude Goasguen. Le 16arrondissement paie en particulier l’impôt des 18e et 19arrondissements.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Merci pour eux.

M. Claude Goasguen. Il n’y a pas de quoi, monsieur Mennucci. Vous ne pouvez pas vous retenir, mais nous mettons cela sur le compte du décalage horaire. Pourquoi ne pleurerait-on pas sur le maire du 16arrondissement ? Pourquoi ne pleurerait-on que sur le maire du 18? Cela me fait bien rire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer.

M. Claude Goasguen. Nous vous donnons au moins la possibilité de gérer une ville avec des moyens considérables. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Philippe Briand. Pourquoi ces cris ? Le maire du 16arrondissement est gentil !

Mme la présidente. Ne vous y mettez pas, monsieur Briand.

M. Claude Goasguen. Alors que le 16arrondissement fournit 20 % de la fiscalité parisienne, connaissez-vous le taux de son budget ? Il s’élève à 0,8 % ! Voilà qui est bien : 20 % d’un côté et 0,8 % de l’autre ! Ne venez pas me dire que l’arrondissement est bien doté !

M. Pascal Cherki. Pourquoi tant de plaintes ? Moi, j’étais un maire d’arrondissement heureux !

M. Claude Goasguen. Je passe sous silence, car j’ai déjà souligné ce fait en commission, la manière dont vous avez pris l’habitude de régler la question des subventions pour les équipements de proximité, dont la répartition, vous le savez, est inégalitaire.

M. Pascal Cherki. Vous devriez être content : vous avez le Bois de Boulogne ! Roland-Garros ! Le stade Jean-Bouin ! Vous avez le Parc des Princes !

M. Claude Goasguen. Le Parc des Princes n’est pas sous la tutelle du 16e arrondissement : vérifiez ! C’est la ville de Paris qui le gère.

Mme la présidente. Monsieur Goasguen, je vous prie de poursuivre.

M. Claude Goasguen. Vous, qui avez été adjoint aux sports, monsieur Cherki – sans laisser, d’ailleurs, un très bon souvenir –, vous devriez savoir que ce n’est pas le 16arrondissement mais la ville de Paris qui gère le Parc des Princes.

M. Pascal Cherki. Physiquement, il est dans le 16!

M. Claude Goasguen. Les équipements sont situés dans le 16e mais ce n’est pas le 16e qui gère le Parc des Princes, ni, non plus, hélas, le stade Jean-Bouin, que vous feriez mieux de nous confier !

Pourquoi avez-vous peur de la personnalité morale ? Pourquoi avez-vous peur de donner aux arrondissements parisiens, dont certains sont aussi importants qu’une grande ville de province, non pas l’autonomie financière,…

Mme Annick Lepetit. Ah !

M. Claude Goasguen. …non pas la fiscalisation,…

Mme Annick Lepetit. Ah !

M. Claude Goasguen. …hélas, mais au moins la personnalité morale qui leur permettrait d’exister juridiquement ? Le seul moment où les maires d’arrondissement existent juridiquement, c’est quand ils président la caisse des écoles.

M. Pascal Cherki. C’est vrai !

M. Philippe Briand. Ah, nous y voilà !

M. Claude Goasguen. Le maire d’arrondissement n’a pas la personnalité morale, car l’arrondissement n’est pas une entité communale ni une collectivité territoriale. Par conséquent, il ne détient aucun pouvoir exécutif. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je ne crois pas que ce soit dans la logique de l’histoire parisienne. Vous vous trompez complètement. Paris a été punie pour son attitude rebelle pendant des siècles.

M. Pascal Cherki. Les Versaillais ont massacré le peuple de Paris !

M. Claude Goasguen. Paris n’est plus une ville rebelle, ni une ville dangereuse, comme l’écrivait Chevalier. Paris mérite d’être beaucoup plus épanouie. Vous ne pouvez pas brider les arrondissements et la diversité. Vous ne pouvez pas brider la proximité.

Ces réflexions, qui renvoient à des problèmes de fond, me permettent d’arriver à l’essentiel. Puisque le présent projet de loi n’évoque aucun de ces sujets, pourquoi l’avez-vous déposé ? Mme Kosciusko-Morizet a très bien posé la question.

M. Jean-Luc Laurent. Nous voulions vous permettre de parler ce soir. (Sourires.)

M. Claude Goasguen. Cher ami, ne vous plaignez pas si l’opposition vous secoue de temps en temps !

M. Philippe Goujon. Ne vous laissez pas déstabiliser, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Nous nous en souviendrons…

M. Pascal Cherki. Nous sommes un soviet tolérant !

M. Claude Goasguen. Il n’y a pas d’un côté l’opposition qui a le droit de crier, et de l’autre côté la majorité qui a le droit de se taire, et vice versa. Essayez donc d’écouter ce que je vais dire…

Jamais le Conseil constitutionnel n’a demandé une quelconque réforme des quatre premiers arrondissements.

M. Arnaud Richard. Jamais !

M. Philippe Goujon. C’est vrai !

M. Claude Goasguen. Même dans l’urgence, jamais le Conseil constitutionnel ne s’est permis de le faire. En effet, nous nous trouvons dans une situation politique tout à fait exorbitante du droit commun : pour la première fois, le maire de Paris est minoritaire dans son arrondissement. M. Chirac et M. Tiberi étaient majoritaires dans le 5arrondissement, M. Delanoë l’était aussi dans le 18arrondissement, mais Mme Hidalgo est minoritaire dans le 15arrondissement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Cela pose un problème.

Mme Sandrine Mazetier. Tiberi n’était pas majoritaire à Paris !

M. Claude Goasguen. Je parle du 15arrondissement, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Le maire de Paris de l’époque n’était pas majoritaire dans sa ville.

M. Claude Goasguen. Que voulez-vous dire ?

Mme Sandrine Mazetier. Jean Tiberi était loin d’être majoritaire à Paris.

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

Mme la présidente. Monsieur Goasguen, merci de ne pas échanger directement avec vos collègues. Vous défendez votre motion de renvoi en commission, d’autres orateurs interviendront ensuite.

M. Claude Goasguen. À part Mme Hidalgo, le seul maire de Paris élu en étant minoritaire était M. Delanoë.

Mme Sandrine Mazetier. C’était M. Tiberi.

M. Claude Goasguen. Non, M. Tiberi était majoritaire à Paris.

Mme Sandrine Mazetier. Avec les petits « pu-putsch » ! C’était bien, Paris, à l’époque de Tiberi !

M. Claude Goasguen. M. Chirac a toujours été majoritaire à Paris.

M. Sylvain Berrios. Par deux fois, il a gagné les vingt arrondissements ! Quarante victoires en deux élections !

M. Claude Goasguen. M. Delanoë était, au moins, majoritaire dans le 18arrondissement.

M. Pascal Cherki. Il l’était aussi dans le 14arrondissement ! Comme Mme Hidalgo, d’ailleurs !

M. Claude Goasguen. Mais la situation actuelle de Mme Hidalgo pose un problème de légitimité, que vous réglez en créant une nouvelle circonscription dans les quatre premiers arrondissements. Cela permettra sans doute à la maire de Paris de s’installer dans ces arrondissements. Après tout, pourquoi pas ? Mais dites-le ! Ce n’est pas la peine d’écrire un rapport de 400 pages en commission pour cela ! Ce n’est pas la peine de vous fatiguer,…

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas la peine de faire une loi pour cela !

M. Claude Goasguen. …de vous user la santé à essayer de nous démontrer ce qui est indémontrable. Ce que vous avez voulu faire, c’est une modification électorale, rien que cela.

M. Pascal Cherki. Mais non ! Vous êtes parano !

M. Claude Goasguen. Vous intitulez votre texte « projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ». C’est une supercherie ! Dans ce texte, il n’est pas plus question du statut de Paris que d’autre chose… Il n’est pas non plus question d’aménagement métropolitain, même si vous avez ajouté quelques éléments intéressants dont il faudra discuter. Concernant le statut de Paris, vous n’avez rien proposé de nouveau. Vous n’avez rien compris.

M. Pierre Lellouche. Ce projet de loi est un cadeau de Noël pour Mme Hidalgo !

M. Claude Goasguen. Vous abusez du pouvoir de la loi en fin de législature. Vous avez abusé la commission en lui faisant croire que vous traitiez de problèmes de fond, alors que vous ne traitez en réalité que de problèmes électoraux. C’est pourquoi la commission doit se réunir de nouveau. Je sais bien qu’aujourd’hui, c’est peine perdue, mais ne vous inquiétez pas, mes chers amis : l’année prochaine, la commission se réunira car nous en reparlerons.

M. Pascal Cherki. Avec plaisir ! De toute façon, nous allons gagner les élections en 2017 !

M. Claude Goasguen. Aussi, je vous demande d’adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je suis très heureux et honoré que notre assemblée accueille des membres éminents du Conseil de Paris, à droite comme à gauche.

M. Arnaud Richard. Pas seulement ! Nous ne sommes pas tous des élus parisiens !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je salue également Mme la maire, qui nous fait l’honneur d’assister à nos débats depuis les tribunes du public. En revanche, n’invitons pas dans notre assemblée le débat politique du Conseil de Paris.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas ce que j’ai fait !

M. Sylvain Berrios. On accueille la maire de Paris dans notre enceinte, mais on ne peut pas débattre des questions parisiennes ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je reconnais au Conseil de Paris le droit de tenir ces débats, avec la liberté de parole et d’échanges qui appartiennent à toutes les assemblées délibérantes communales.

M. Philippe Goujon. Justement ! Nous n’avons pas débattu de ce projet au Conseil de Paris !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Comme je me suis permis de le dire en commission, je vous propose que nous nous limitions à la mission première de cette assemblée, qui consiste à élaborer la loi. Nous sommes législateurs.

Monsieur Goasguen, vous avez suivi l’ensemble des débats de notre commission. Compte tenu du travail effectué, le renvoi du texte en commission ne me paraît absolument pas justifié.

M. Jean-Michel Clément. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Permettez-moi de souligner ici que la commission a étoffé ce projet de loi, qui est passé de quarante-deux à soixante-sept articles. Nous avons procédé à vingt-sept auditions, et pas n’importe lesquelles. Par ailleurs, le président de la commission des lois a pris une initiative totalement singulière, dont je le remercie, en accueillant en séance plénière de notre commission trois autorités que nous pensions nécessaire de faire entendre par l’ensemble des commissaires plutôt que d’organiser une simple audition par les rapporteurs. Ainsi, nous avons accueilli Mme la maire de Paris, M. le préfet de police de Paris et M. le préfet de la région Île-de-France. Tous les trois ont accepté de venir.

M. Philippe Goujon. Et comme par hasard, ils étaient tous les trois d’accord !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, j’invite tous ceux qui suivent nos débats à prendre connaissance des échanges très pertinents que nous avons eus avec eux et auxquels tout le monde a participé.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Comment pourrait-on se faire une opinion sur ce texte sur la base d’un simple compte rendu ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Ceux qui n’attachent pas de valeur aux comptes rendus peuvent évidemment regarder les vidéos.

Nous avons fait évoluer la loi en exerçant nos compétences. Par exemple, le Sénat avait rejeté une disposition au motif qu’elle permettait au Gouvernement de prendre des ordonnances ; quant à nous, nous avons traité cette question en légiférant directement dans le cadre de ce projet de loi.

Le texte soumis à notre examen n’est pas vide. Pour la première fois, nous légiférons sur les compétences de police municipale qui appartiennent à Mme la maire de Paris. À ce propos, permettez-moi de préciser qu’il ne faut pas confondre les compétences de police municipale d’un maire et les modalités selon lesquelles ce dernier les exerce – cela peut passer par exemple par la création d’une police municipale, mais pas nécessairement.

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Claude Goasguen. Je n’en ai pas parlé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je sais bien que ce n’est pas ce que vous avez dit, monsieur Goasguen, mais j’ai rappelé ce point car la confusion est fréquente.

De même, lorsque nous procédons pour la première fois à un transfert de compétences du préfet de police de Paris et de l’agglomération parisienne vers le maire de Paris, nous faisons bouger quelque chose qui n’avait jamais bougé.

Mme Annick Lepetit. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Ce n’est pas négligeable.

M. Claude Goasguen. Si !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je vous laisse imaginer à quel point ce premier pas est important. La commission des lois a travaillé sur ce dispositif, de même que sur les compétences des maires. Si ce projet de loi vise à rendre à la maire de Paris certaines compétences communales, nous avons considéré que ce pas en avant ne justifiait pas de lui donner des compétences qui n’appartiennent à aucun autre édile des 36 000 communes de France.

M. Philippe Goujon. Bien sûr que si !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Revenir au droit commun de la commune, cela ne consiste pas à créer une nouvelle exception pour la capitale…

M. Pascal Cherki. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …alors que, pendant des décennies, les élus de cette ville ont simplement revendiqué l’exercice des compétences assumées par les communes de l’autre côté du périphérique.

M. Philippe Goujon. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Là encore, notre commission a travaillé sur ce sujet.

M. Philippe Goujon. Elle a très mal travaillé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous avons fait en sorte de ne pas altérer la démarche renforçant la commune de Paris dans ses compétences de droit commun…

M. Pascal Cherki. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …en gardant bien à l’esprit la particularité de la situation de la capitale, la singularité des responsabilités de l’État dans cette ville…

M. Philippe Goujon. Vous êtes dogmatique !

M. Pascal Cherki. Quel enseignement magistral !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …et le nécessaire équilibre entre les responsabilités des uns et des autres, comme l’a très bien expliqué le préfet de police de Paris.

Par ailleurs, nous n’avons pas voulu doter les maires d’arrondissement de compétences qui altéreraient celles d’un maire de plein exercice. Cependant, notre rapport a souligné l’originalité de la ville de Paris par rapport à Lyon et Marseille, puisque Paris est la seule des trois communes du dispositif PLM à avoir maintenu l’exercice de certaines compétences dans les arrondissements.

Mme Annick Lepetit. Exactement ! Ça, vous ne l’avez pas dit, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen et M. Philippe Goujon. Quelles compétences ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Bien entendu, l’exercice de ces compétences ne peut pas se traduire par l’octroi d’une personnalité morale,…

M. Pascal Cherki. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …à moins de susciter un conflit de personnalités morales…

M. Claude Goasguen. Et alors ? En quoi est-ce gênant ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …qui se terminerait d’une manière très simple, monsieur Goasguen : devant les tribunaux ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pascal Cherki. Monsieur Goasguen, vous êtes procédurier ! Le roi de la chicane !

Mme la présidente. Du calme, mes chers collègues !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Voulez-vous que l’administration communale revienne aux tribunaux ? Cela n’a aucun sens.

M. Claude Goasguen. C’était la proposition des socialistes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous sommes donc allés jusqu’au bout du dispositif en reconnaissant, dans le cadre des compétences de la commune de Paris, les réalités d’arrondissement, que nous introduisons dans la loi.

M. Pascal Cherki. Exactement !

M. Claude Goasguen. Vous rigolez ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Tout cela, cher Claude Goasguen, c’est la commission qui l’a fait.

M. Claude Goasguen. Non, c’est le projet du Gouvernement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Alors que vous demandez à l’Assemblée nationale de renvoyer ce projet de loi en commission, j’affirme, pour ma part, que la commission a fait son travail de législateur…

M. Philippe Goujon. Très mal !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …et que le texte dont nous débattons a évolué.

M. Philippe Goujon. De l’épaisseur d’un trait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. C’est pourquoi les deux rapporteurs ne souhaitent pas le renvoi de ce projet de loi en commission. Plutôt que d’en rester à ces arguties, nous préférons entendre vos observations, vos réflexions et examiner les amendements que vous avez préparés, qui peuvent donner lieu à un vrai débat.

Non, nous ne voulons pas que le Conseil de Paris, qui se trouve ici honoré par la présence d’un certain nombre de ses membres, transfère dans notre assemblée les débats…

M. Philippe Goujon. Nous n’avons pas débattu de ce projet au Conseil de Paris !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. …qui agitent tous les conseils municipaux, y compris le mien. Je ne querelle pas mes collègues lorsqu’ils engagent, au sein du conseil municipal de Cachan, des débats de la portée de ceux que vous voulez ouvrir.

M. Philippe Goujon. Dans ce cas, il ne fallait pas déposer un projet de loi sur Paris !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous voulons faire la loi ! Ce texte porte non seulement sur le statut de Paris, mais aussi sur l’aménagement métropolitain qui intéresse beaucoup de monde. Voilà pourquoi nous pensons qu’il ne faut pas renvoyer ce projet de loi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Cécile Untermaier. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales. Monsieur Goasguen, je vous ai écouté avec attention. Vous vous étonnez que nous discutions aujourd’hui d’un texte spécifique à Paris et que nous ayons engagé la procédure accélérée.

M. Claude Goasguen. Tout à fait.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas sur les arguments de M. le rapporteur. Il s’agit d’un texte de simplification de l’action administrative, de clarification des compétences, de déconcentration et de décentralisation.

M. Philippe Goujon. C’est vite dit !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce n’est rien de tout cela !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Il correspond à ce que nous avons fait pour tous les territoires de France dans le cadre de la réforme territoriale.

M. Philippe Goujon. Ça promet !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. J’ajoute que ce texte souligne la spécificité de la ville de Paris, qui est aujourd’hui une « ville-département ». Comme dans tous les territoires, il y a urgence à faire évoluer l’échelon départemental.

M. Claude Goasguen. Ah bon ? Pourquoi ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Après des débats extrêmement nourris à l’Assemblée nationale, nous avons décidé, dans le cadre de la collectivité à statut particulier de Lyon, de fusionner la métropole et le département. Dans les territoires à vocation plus rurale, nous avons décidé de maintenir l’échelon départemental, avec des compétences recentrées. Dans les départements comprenant une métropole, nous avons permis à cette dernière d’assumer un certain nombre de compétences départementales. Nous nous situons donc dans un mouvement de décentralisation qui prend en compte les spécificités des territoires.

M. Philippe Goujon. Sortez Paris du dispositif PLM !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Ce texte prévoit aussi l’absorption par la ville de Paris du conseil départemental, dont je crois qu’il n’était pas très visible aux yeux des Parisiens. Il n’y avait pas de raison de ne pas traiter ce sujet !

M. Philippe Goujon. Cela ne va pas très loin ! Vous n’avez pas beaucoup d’ambition !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Cela fait partie de la réforme territoriale de simplification et de clarification que nous avons voulue, en respectant les particularités et les spécificités importantes de la ville de Paris. Nous portons tous un regard bienveillant sur les conditions du développement de la ville capitale et sur sa structuration administrative.

M. Philippe Goujon. Je ne le crois pas !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Il n’y a aucune raison qu’elle échappe au mouvement que nous avons voulu pour tous les territoires français.

M. Philippe Goujon. Sortez Paris du dispositif PLM !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme George Pau-Langevin. Le groupe socialiste ne votera pas la motion de renvoi en commission présentée par M. Goasguen qui n’a fourni aucun argument sérieux pour motiver ce renvoi. Il n’a en effet pas démontré que la commission n’aurait pas fait son travail et que de ce fait, il serait nécessaire de retravailler le texte.

M. Claude Goasguen. C’est que vous n’avez pas écouté. Si vous voulez, je peux recommencer !

Mme George Pau-Langevin. Non merci. (Sourires.)

L’excellent rapport de nos collègues Le Bouillonnec et Mennucci a enrichi le texte.

M. Claude Goasguen. J’ai lu ce rapport et j’ai félicité ses auteurs.

Mme George Pau-Langevin. Moderniser le statut de Paris pour lettre le droit en accord avec la réalité s’impose. Avoir un département et une commune ne se justifie pas. Fusionner les arrondissements centraux pour ne pas laisser perdurer une différence importante de représentation pour les conseillers de Paris s’impose également. Vous-même lors d’une réforme relative à la représentation des députés, vous avez rassemblé un certain nombre d’arrondissements…

M. Claude Goasguen. À la demande du Conseil.

Mme George Pau-Langevin. …en raison de la trop grande différence entre les élus du centre de Paris et les autres. L’argument consistant à dire que tout cela ne vise qu’à arranger la maire de Paris est purement polémique.

M. Philippe Goujon. Ce n’est pourtant que cela !

Mme George Pau-Langevin. Mais non. Vous savez très bien que la maire de Paris, quel que soit l’endroit où elle voudrait se présenter, serait accueillie à bras ouverts.

M. Claude Goasguen. Je l’invite dans le 16e !

Mme George Pau-Langevin. M. Juppé était bien le maire du 18e arrondissement de Paris à un moment où il n’habitait pas cet arrondissement.

M. Philippe Goujon. Il n’était pas maire de Paris.

Mme George Pau-Langevin. Je vous invite à manier ce genre d’argument avec beaucoup de précaution car il est parfaitement réversible et nous n’avons pas intérêt à nous lancer dans ce type de débat.

Il est important de transférer des compétences aux arrondissements, d’accroître les pouvoirs des arrondissements. Le projet de loi va améliorer le statut de Paris. Nous devons travailler jusqu’au mois de juin prochain. Dès lors, attendre la prochaine législature pour ce faire n’est pas sérieux. Le texte ayant fait l’objet d’un examen approfondi en commission, il est temps de passer à la discussion, laquelle nous permettra de l’améliorer davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, notre Assemblée entame aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Son intitulé résume les deux enjeux de ce texte. Premièrement, réformer l’architecture institutionnelle de Paris, ville-monde, métropole européenne et capitale d’un État au passé très centralisé. Son statut particulier est l’héritage d’une histoire mouvementée. Il s’agit ici de le moderniser. Le second enjeu vise à soutenir les politiques d’aménagement du territoire notamment à l’échelle de la métropole du Grand Paris et à créer de nouvelles métropoles pour mieux mailler le territoire.

Ce projet de loi poursuit donc la démarche de rationalisation de notre organisation territoriale engagée depuis 2012, avec la loi MAPTAM ainsi qu’avec la loi NOTRe, en s’appuyant sur trois principes : inscrire les territoires dans une perspective commune de développement ; rénover la carte territoriale sans imposer d’uniformité institutionnelle sur tous les territoires et, surtout, faire confiance aux élus locaux.

Comme je le disais, le texte a pour principal objet une réforme du statut de Paris qui se décline autour de quatre axes.

Le premier axe constitue à moderniser le statut de Paris en fusionnant la commune de Paris et le département de Paris pour former, au 1er janvier 2019, une collectivité unique à statut particulier dénommée « Ville de Paris ». La fin de la dualité institutionnelle liée au maintien de l’échelon départemental sur le périmètre de la commune présente trois intérêts : accélérer la mise en place de guichets uniques et simplifier ainsi les démarches administratives ; faciliter la gestion municipale, avec l’instauration d’un budget unique ; rendre plus efficace et lisible la gouvernance de ce territoire.

Le deuxième axe vise à renforcer les missions des maires et des conseils d’arrondissement de Paris. Suivant la volonté des deux rapporteurs, et avec le soutien des députés de la majorité, ces dispositions ont été élargies aux communes de Marseille et de Lyon du fait de l’organisation administrative similaire des mairies d’arrondissement de ces trois villes. Ainsi, les conseils d’arrondissement pourront désormais approuver les contrats d’occupation du domaine public portant sur les équipements de proximité, même si nous avons exclu les équipements scolaires du champ des équipements de proximité.

L’article 16 donne la possibilité au maire d’arrondissement de donner son avis sur toute autorisation d’étalage ou de terrasse délivrée par le maire de Paris et concernant l’arrondissement. À l’initiative des députés de la majorité, en particulier de Sandrine Mazetier très impliquée sur ce texte, les espaces verts de proximité sont explicitement mentionnés comme équipements de proximité gérés par les mairies d’arrondissement ; ces dernières pourront également financer, via leur dotation d’investissement, des dépenses de petits équipements pour améliorer leur autonomie.

Enfin, la commission des lois a supprimé huit articles additionnels insérés au Sénat qui avaient pour vocation de dénaturer l’esprit de la loi PML en mettant à mal l’unité de la ville de Paris et en remettant en question les pouvoirs du maire de Paris. Je pense notamment à l’article 16bis B qui prévoyait la délégation par le maire de Paris au maire d’arrondissement de l’attribution des logements sociaux situés dans l’arrondissement – ce qui aurait empêché Paris de mener une politique de cohésion sociale et du logement à l’échelon de son territoire – ou à l’article 16 bis D qui donne la possibilité pour le maire d’arrondissement de conclure, à sa demande, une convention, au nom de la commune, avec une ou plusieurs communes limitrophes sur des sujets assez mal identifiés.

Le troisième axe vise à fusionner les quatre arrondissements centraux de Paris, à savoir les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. Les arrondissements ont été créés il y a maintenant plus d’un siècle et demi. Les écarts de population au sein des vingt arrondissements parisiens se sont accrus et ont désormais des conséquences majeures sur la représentation de leurs habitants au conseil de Paris. Rappelons les chiffres.

L’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et celui le plus peuplé est passé de 3,9 en 1872, à 6,8 en 1954 et 13,9 en 2015. Le 1er arrondissement compte aujourd’hui 17 268 habitants contre 240 723 pour le 15arrondissement. À titre de comparaison, l’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et le plus peuplé est de seulement 2,8 à Lyon et de 3,3 à Marseille.

Si le niveau de représentation moyen s’élève à 13 679 habitants par conseiller de Paris pour l’ensemble du territoire, celui-ci varie de 10 871 habitants par conseiller dans le 2e arrondissement à 17 022 habitants par conseiller dans le 1er arrondissement, soit un écart par rapport au niveau moyen de représentation de plus 24 % pour le 1er arrondissement et de moins 21 % pour le 2e arrondissement.

La reconfiguration de la carte des arrondissements parisiens permet donc de respecter la jurisprudence constitutionnelle qui fixe à 20 % l’écart maximum à la moyenne de représentation constatée sur un territoire donné. L’article 17 permet en effet de réduire l’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et celui le plus peuplé à 6,1 et de réduire également l’écart de représentativité entre moins 6 % et plus 9 %.

En commission des lois, les articles 17 à 20 ont été rétablis suite à leur suppression par les sénateurs. Ils entreront en vigueur à compter du prochain renouvellement des conseillers municipaux en 2020.

Le quatrième et dernier axe vise à renforcer les prérogatives du maire de Paris. Sur ce sujet, je tiens à préciser que si les rapporteurs et les députés de la majorité se félicitent du rééquilibrage opéré entre les compétences du préfet de police et celles du maire de Paris, ils ont rétabli la logique actuelle du partage de compétences, renversée au Sénat, en confiant au préfet de police une compétence générale de police et au maire de Paris des compétences d’attribution.

L’article 21 transfère ainsi, sauf exceptions, la police de la circulation et du stationnement au maire de Paris, mais également la majeure partie de la police de salubrité des bâtiments, la police des funérailles et des lieux de sépulture et la police des baignades. À l’initiative de nos deux rapporteurs, et toujours avec le soutien de la majorité, la disposition donnant au président du conseil régional la possibilité de déterminer les règles de circulation et de stationnement sur certains itinéraires, comme les voies sur berge, a été supprimée, et nous avions même dû réprimer un sourire à cette évocation.

La gestion des demandes et de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports est transférée à la mairie de Paris, ainsi que le service public des fourrières.

Le titre II du projet de loi relatif à l’aménagement du territoire a été considérablement renforcé en commission. Ses articles ont notamment vocation à améliorer et développer les outils pour accélérer la réalisation des opérations d’aménagement.

L’article 34, par exemple, vise à simplifier les conditions dans lesquelles les établissements publics de l’État compétents en matière d’aménagement et de foncier peuvent créer des filiales, prendre ou céder des participations ; quant à l’article 35, il vise à encourager la mutualisation entre plusieurs établissements publics fonciers ou d’aménagement.

L’article 36 créé une nouvelle catégorie d’entreprises publiques locales dédiée à l’aménagement : les sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national. En commission, nous sommes revenus au texte du projet de loi initial, ne partageant pas les craintes des sénateurs quant à une immixtion de l’État dans les opérations locales d’aménagement.

Certains articles portent sur des projets en particulier. L’article 35bis, inséré au Sénat à l’initiative du Gouvernement, vise à donner un statut pérenne à l’établissement public de coopération scientifique Condorcet ; l’article 37 modifie la composition du conseil d’administration de Grand Paris Aménagement, et l’article 38 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer un établissement public local chargé de l’aménagement, de la gestion et de la promotion du quartier d’affaires de La Défense.

À l’initiative des rapporteurs, six articles additionnels ont été adoptés en commission afin de faciliter l’achèvement des travaux du Grand Paris Express, notamment en élargissant les missions de la Société du Grand Paris à l’aménagement des abords de gare.

D’autres articles additionnels ont été votés pour corriger certaines lacunes de notre droit en matière de décentralisation ou pour tenir compte de certaines réalités locales.

Nous avons ainsi permis aux communes membres d’une communauté urbaine ou d’une métropole, ne disposant que d’un seul conseiller communautaire, de désigner un conseiller communautaire suppléant. L’article 44, voté en commission des lois, assouplit les conditions dans lesquelles peut être conclu un accord local pour fixer la composition de l’assemblée délibérante d’un EPCI en cas d’extension du périmètre de celui-ci ou de fusion de plusieurs EPCI. Une série d’articles concernant plus spécifiquement la métropole d’Aix-Marseille-Provence, permet de reporter à 2021 le transfert obligatoire de la compétence voirie à la métropole ou à 2018, le transfert de la compétence tourisme.

Je terminerai en évoquant l’article 41 du projet de loi. Il prévoyait initialement de créer quatre nouvelles métropoles autour de Saint-Étienne, Toulon, Dijon et Orléans. Cet article a été supprimé au Sénat et nous l’avons rétabli en commission en ajoutant trois nouvelles métropoles : Tours, Clermont-Ferrand et Metz. Notre pays devrait ainsi compter vingt-deux métropoles, contre quinze aujourd’hui.

Ce mouvement est positif, dans le sens où il est le signe d’une volonté d’approfondir l’intégration communautaire dans les grandes agglomérations de notre pays et il pose à terme la question de l’avenir et du rôle du département dans ces territoires. Toutefois, l’appellation « métropole » de cette catégorie d’EPCI ne doit pas nous leurrer : seule une poignée d’agglomérations de notre pays exerce aujourd’hui des fonctions métropolitaines au sens européen du terme. L’aménagement du territoire doit primer et c’est pourquoi nous sommes heureux de permettre à cette nouvelle agglomération d’accéder au statut de métropole et, ainsi, de participer à un meilleur maillage du territoire.

En conclusion et en résumé, ce projet de loi est porteur de modernité, d’innovation et de développement pour Paris et nombre de nos territoires. Le groupe socialiste le votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une occasion manquée, c’est le commentaire que m’inspire ce projet de loi qui aurait pu rendre à Paris ses libertés communales en la rapprochant du droit commun tout en tenant compte de l’affirmation constante des maires d’arrondissement comme échelon légitime de la démocratie de proximité par le renforcement de leurs compétences.

Mais rien de tout cela dans un projet alibi, prétexte à un simple tripatouillage électoral.

Pis, à rebours du sens de l’histoire qui va vers davantage de libertés locales, vous ne renforcez aucunement les pouvoirs des maires d’arrondissement, que vous reconnaissez tantôt comme exécutifs locaux quand il s’agit de leur interdire le cumul…

M. Claude Goasguen. Absolument.

M. Philippe Goujon. …et que vous reléguez tantôt au rang de « nain administratif » et d’échelon infracommunal quand il s’agit de les priver de toute autonomie et de tout pouvoir propre. La double peine, en quelque sorte.

M. Claude Goasguen. En effet !

M. Philippe Goujon. Vous allez jusqu’à refuser même l’instance de dialogue qu’aurait constitué entre la maire de Paris et les maires d’arrondissement la conférence des maires et avez même tenté d’écarter les conseillers de Paris des débats même qu’ils ont en Conseil de Paris par une structure écran – la commission permanente – qui les aurait cantonnés au seul débat budgétaire – cela figurait dans une des versions du texte.

Vous ne respectez pas davantage les maires d’arrondissement, vous contentant d’inscrire dans la loi une procédure d’avis simple sur les petites autorisations de voirie. Ce n’est que la formalisation de l’existant alors qu’il serait légitime qu’en tant qu’interlocuteurs naturels des habitants, ils exercent dans leur territoire les compétences de proximité ainsi que celles de la propreté,…

M. Claude Goasguen. Par exemple.

M. Philippe Goujon. …de la voirie et du petit urbanisme.

La majorité, pour complaire à Mme Hidalgo – présente dans les tribunes, que je salue et dont je veux souligner l’influence sur cette majorité et ce Gouvernement – a supprimé toutes les avancées sans exception que le Sénat avait introduites en faveur des maires d’arrondissement, limitant même le minuscule pouvoir de conclure des contrats de gestion de moins de douze ans sur les équipements qui leur sont transférés, en excluant les équipements scolaires, c’est-à-dire l’essentiel…

La Ville restait pourtant une et indivisible, car le mécanisme de la délégation confiée par le maire de la commune aux maires d’arrondissement, solution retenue par le Sénat, était soumis au vote du Conseil de Paris.

Le projet de loi va plus loin encore en centralisant à nouveau les maigres compétences historiquement confiées aux maires d’arrondissement. En effet, même si la mairie a ajourné le projet de caisse centrale des écoles, elle pourra désormais gérer l’offre de restauration scolaire en court-circuitant les caisses des écoles présidées par les maires d’arrondissement dont vous avez refusé l’affirmation des pouvoirs en la matière, madame la secrétaire d’État, par la suppression de l’article 16 bis F. Certains amendements prévoient même un véritable hold-up de la mairie centrale sur le contingent de logements des maires d’arrondissement,…

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Philippe Goujon. …dont il est vrai qu’il a déjà été esquissé par le projet de loi Égalité et citoyenneté, alors que tous les arrondissements ont institué des commissions d’attribution pluralistes et transparentes.

Mme Annick Lepetit. On en reparlera !

M. Philippe Goujon. C’est bien ce qui m’inquiète !

Mme Annick Lepetit. Moi aussi je m’inquiète !

M. Philippe Goujon. J’insisterai surtout sur l’opportunité avortée que constitue ce texte en matière de pouvoirs de police. L’arrêté consulaire du 12 Messidor an VIII, soit le 1er juillet 1800, confère toujours au préfet de police l’ensemble de ces pouvoirs, même ceux habituellement dévolus au maire dans les communes de plein exercice, ce qui place le maire de Paris dans une situation de subordination unique en France. Si nul ne conteste la spécificité de l’enjeu sécuritaire à Paris, capitale administrative et institutionnelle qui nécessite des protections particulières confiées au préfet de police, cet argument ne peut servir de prétexte au maintien de Paris dans une infériorité aussi humiliante. Les sans-culottes dont se méfiait le Premier Consul voici deux siècles, non sans raison d’ailleurs, ne menacent plus le pouvoir central depuis longtemps !

En outre, la préfecture de police est incapable de répondre à la fois aux enjeux de police du quotidien, qui incluent la circulation et la tranquillité publique, et aux nécessités de l’ordre public et de la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Mon propos n’est évidemment pas d’accabler la préfecture de police, qui d’ailleurs n’est plus que l’ombre d’elle-même,…

Mme Annick Lepetit. Ah ! Ah !

M. Philippe Goujon. …mais de relever les dysfonctionnements chroniques l’amenant à délaisser la sécurité du quotidien en raison d’une organisation inefficiente qui, associée à des réformes pénales démotivant la police, ne lui permet plus de remplir toutes ses missions. La première d’entre elles, abandonnée depuis des années, c’est la police de la circulation, qui autrefois régulait 120 à 150 points principaux prioritaires – les anciens ministres qui siègent sur ces bancs, comme Daniel Vaillant, s’en souviennent – grâce à 1 200 « voituriers de Lutèce », et se contente aujourd’hui de traiter les accidents ou d’encadrer les cortèges.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Philippe Goujon. Paris ne peut pas demeurer la seule capitale dépourvue de police de la circulation, surtout depuis que l’accumulation des embouteillages est portée à son paroxysme en raison, faut-il le rappeler, de la fermeture de la voie express rive droite dont découlent les pics de pollution constatés à Paris !

Mme Annick Lepetit. Où il n’y avait aucun embouteillage avant, c’est bien connu !

M. Philippe Goujon. Après les lois MAPTAM et NOTRe, on atteint l’apothéose avec l’article 21 du projet de loi, parfaitement illisible, préparant une répartition kafkaïenne des compétences entre la Ville et l’État qui sera en réalité impraticable. La préfecture de police ne peut pas souhaiter conserver la compétence de la circulation, même partiellement, et refuser sa dévolution à la mairie. La circulation relève habituellement et partout en France du maire dans le cadre d’une politique des déplacements qui n’est pas une politique d’ordre public, contrairement à ce qu’a décrété la réforme de 1998.

Une autre mission a récemment été abandonnée, notamment depuis les attentats : les atteintes à la tranquillité publique. Ventes à la sauvette, agressions et vols, occupations abusives de halls d’immeubles et de l’espace public, mendicité agressive, petits trafics de toutes sortes, désordres sur la voie publique, violences intra-familiales et de voisinage ne sont plus pris en compte par une préfecture de police dont on peut comprendre qu’elle soit entièrement concentrée sur ses missions régaliennes. L’îlotage de proximité, qui permettait d’y faire face, a disparu au profit de la surveillance des points sensibles et au rythme …

Mme Annick Lepetit. C’est vous qui l’avez fait disparaître !

M. Philippe Goujon. Je vous en prie, madame Lepetit, on voit bien que vous n’êtes pas très au courant !

M. Claude Goasguen. Elle sait tout, madame Lepetit !

Mme la présidente. Seul M. Goujon a la parole. Un peu de calme, madame Lepetit. Chacun son tour.

M. Philippe Goujon. Je maintiens que l’îlotage de proximité a disparu au rythme de la diminution des effectifs de police à Paris, de l’affectation de maigres renforts dans les ZSP – zones de sécurité prioritaires – et de l’hypercentralisation d’un commandement préfectoral qui bride toute initiative locale et multiplie les prélèvements quotidiens sur les commissariats d’arrondissement au profit des missions d’ordre public malgré la réforme de 1998.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Philippe Goujon. La seule réforme utile du statut de Paris, c’est le Sénat qui l’a proposée ! Les Parisiens la plébiscitent. Il suffit d’appliquer ce qui existe autour de Paris dans toutes les communes à police d’État où coexistent sans aucune difficulté police nationale et police municipale, contrairement à ce que vous affirmiez, monsieur Le Bouillonnec, et peut-être même dans votre ville ! A la préfecture de police les missions d’ordre public, de sécurité générale et de secours incendie ; à la maire de Paris la tranquillité publique, les 1 800 agents de surveillance de Paris – ASP – devenant des policiers municipaux à part entière, d’autant plus facilement qu’ils sont déjà agents de police judiciaire adjoints au titre de l’article 21 du code de procédure pénale et pourraient donc effectuer ces missions à plein temps.

M. Claude Goasguen. Bien sûr ! C’est une police de la propreté !

M. Philippe Goujon. Le transfert des ASP à la Ville, prévu en 2018, est une opération lourde qui ne peut se justifier que par la création d’une police municipale intégrant aussi les 2 000 agents de la Ville chargés de la sécurité, soit un corps comptant près de 4 000 hommes en tout.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Et femmes !

M. Philippe Goujon. Et femmes en effet, il s’agit d’un corps mixte ! Ces personnels exercent actuellement des missions secondaires dépourvues de vraies qualifications judiciaires, ce qui réduit l’impact financier d’une réforme avant tout organisationnelle et statutaire ne tenant pas compte des personnes, qui pourtant existent. Vous qui vous efforcez, madame la secrétaire d’État, d’accroître le rôle des polices municipales partout en France voire d’en donner un à la sécurité privée pour libérer la police nationale de tâches subalternes voire indues, faites enfin sauter le verrou idéologique archaïque qui fait de Paris, depuis la décision bicentenaire du Premier Consul prise le 1er  juillet 1800, l’une des rares villes européennes et la seule commune de France tenue sous la tutelle absolue du ministre de l’intérieur et dont le peuple reste privé d’une liberté locale essentielle ! À défaut, devrons-nous attendre encore six longs mois que le souffle puissant d’une alternance tellement espérée, balayant vos hésitations et vos blocages dogmatiques, opère la rupture tant attendue par les Parisiens qui aspirent à vivre dans une tranquillité que vous n’êtes décidément pas en mesure de leur apporter ?

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Philippe Goujon. Je ne peux que vous encourager, chers collègues de la majorité, à appliquer concrètement le slogan de la campagne municipale socialiste qu’a menée Mme Hidalgo avec un certain succès : Oser Paris ! Mais en aurez-vous l’audace ? Je crains que non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la Présidente, madame la secrétaire d’État, madame la vice-présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pardonnez à un modeste élu de la nation qui n’est pas élu à Paris de s’exprimer devant vous ! (Rires.)

Mme Cécile Untermaier. Ça va être dur ! (Sourires.)

M. Philippe Goujon. Nous ne sommes pas sectaires, à Paris !

M. Arnaud Richard. Paris, madame la maire, est une fête, mais je doute que Paris soit à la fête avec ce projet de loi. Notre organisation territoriale aura été réformée à maintes reprises depuis cinq ans, provoquant un véritable désordre institutionnel au lieu d’une clarification des compétences attendue par chacun d’entre nous. Alors que cette majorité aurait pu élaborer une réforme territoriale ambitieuse, garante d’efficacité et d’équité qui aurait redéfini le rôle et la compétence de chaque échelon de notre démocratie locale, le Gouvernement a additionné les textes en faisant preuve, sauf erreur de ma part, d’un manque évident de cohérence.

Nous avons commencé à traiter des métropoles et des grandes villes pour aborder ensuite les régions et légiférer enfin sur les territoires. Cette façon de procéder revient à fonder l’aménagement du territoire sur le seul fait métropolitain en reléguant au second plan le maillage territorial, villes moyennes comprises, et les solidarités territoriales, voire en les oubliant. Il y a là une curieuse conception de l’aménagement du territoire que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne partage pas. Quelle France des territoires voulons-nous pour demain ? Au groupe UDI, nous souhaitons procéder à une véritable remise en ordre et à une redéfinition du rôle de nos différents échelons territoriaux et de leurs compétences. Je pense que nous serons nombreux à les imaginer en vue du prochain quinquennat !

Tout en confortant le rôle de proximité essentiel des communes, nous devons opérer un renforcement simultané des régions et des intercommunalités dans la mise en œuvre des stratégies et des politiques d’aménagement et de développement des territoires. En présentant ce projet de loi relatif au statut de Paris, vous tombez dans l’écueil susmentionné, madame la secrétaire d’État. Il s’agit encore d’un texte local qui viendra s’ajouter aux précédents et fait la part belle aux métropoles au détriment des territoires, rompant l’équilibre nécessaire à l’aménagement du territoire.

M. Philippe Gosselin. Je vous comprends bien et vous avez raison !

M. Arnaud Richard. Ainsi, après avoir créé le Grand Paris en 2014 par le biais de la fameuse loi MAPTAM, le Gouvernement propose un nouveau texte modifiant le statut et l’organisation de Paris qui ne concerne que deux millions de Parisiens, alors que la métropole compte plus de six millions d’habitants dans une région qui en compte le double. Dans un contexte de mondialisation effrénée, le développement économique repose sur les grands centres urbains. Paris, dont l’évolution a une influence immense sur l’ensemble de notre pays, et l’Île-de-France tout entière doivent former une grande ville-monde !

C’est donc avec beaucoup de diplomatie que je dirai qu’à nos yeux ce texte manque cruellement d’ambition ainsi que d’une vision globale de la métropole de Paris. À vrai dire, nous peinons à comprendre le fondement, les objectifs et les finalités d’un tel projet de loi. Pourquoi réformer le statut de Paris en fin de quinquennat et en procédure accélérée ? Quelle peut bien être la finalité d’un texte qui ne comporte au fond que quelques ajustements sinon imposer une réforme électoraliste et politicienne, comme en témoigne notamment le souhait injustifié de fusionner les quatre premiers arrondissements de Paris ?

M. Pascal Cherki. Décevant !

M. Arnaud Richard. Venons-en, Pascal Cherki, au fond de ce projet de loi. Depuis des siècles, Paris a inspiré des milliers d’artistes. Convenons-en : la fusion de la commune et du département dans une collectivité à statut particulier, la Ville de Paris, ne fait qu’entériner la fusion de fait existant depuis longtemps. Nous avons une exigence : le texte doit prévoir les garanties d’une fusion à périmètre constant. La neutralité est indéniablement l’une des conditions d’acceptabilité d’une telle fusion. Quant à l’article 4 créant une commission permanente au sein du conseil de Paris, la commission des lois a maintenu sa suppression.

M. Claude Goasguen. Heureusement !

M. Arnaud Richard. Imaginer que les délibérations, à l’exception du budget, soient soumises à la seule commission permanente serait préjudiciable au débat démocratique – et c’est vraiment un euphémisme, chacun l’aura bien compris !

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Philippe Goujon. C’est un déni de démocratie !

M. Arnaud Richard. Ce débat doit avoir lieu au sein du conseil municipal de Paris, comme c’est le cas dans toute autre commune de France. Nous veillerons donc au maintien de cette suppression lors de nos débats.

Enfin, le projet de loi ne procède qu’à un timide renforcement du pouvoir de police du maire de Paris, qui devrait pourtant disposer des pouvoirs de police générale que le préfet de police lui confisque depuis 1800. Surtout, la révision du statut de Paris devrait être l’occasion de mettre fin à cette exception en incluant l’ensemble des compétences de police générale relatives au maintien de l’ordre public, y compris en matière de sécurité.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

M. Arnaud Richard. Depuis le mois de septembre, la ville de Paris a déjà un embryon de police municipale qui ne dit pas son nom, la brigade de lutte contre les incivilités. Comme la police nationale est actuellement sollicitée presque exclusivement par des enjeux de police judiciaire, elle ne peut pas assurer ses missions de police administrative, de prévention et de sécurité de proximité, ce qui manque à Paris. Nous sommes donc favorables à la réintroduction dans le texte des dispositions votées au Sénat en mai 2015 à l’initiative d’Yves Pozzo di Borgo. Par ailleurs, le projet de loi prévoit très peu de dispositions en matière de renforcement des conseils et des attributions des maires d’arrondissements, comme l’ont rappelé nos collègues particulièrement compétents sur ce sujet. Sur un budget parisien de 8,5 milliards d’euros, les vingt maires d’arrondissement n’obtiennent que 148 millions d’euros de crédits fléchés.

M. Philippe Goujon. Une misère !

M. Arnaud Richard. Le maire du 15ème arrondissement, ici présent, est pourtant maire d’une commune plus importante que celle de Bordeaux ! Or les maires d’arrondissement sont les meilleurs connaisseurs des problématiques de leur arrondissement. L’absence criante de réels moyens d’action dont souffrent les maires d’arrondissement est d’ailleurs mal comprise par nos concitoyens.

M. Philippe Goujon. Absolument !

M. Arnaud Richard. Enfin, les conseils d’arrondissement ne sont consultés qu’en vue d’émettre un simple avis.

M. Daniel Vaillant. Non !

M. Arnaud Richard. Si nous réformons le statut de Paris, ce qui n’est pas rien, faisons le vraiment et renforçons les missions de ceux qui sont au plus près de nos concitoyens !

M. Claude Goasguen et M. Philippe Goujon. Très bien !

M. Arnaud Richard. Nous devons donner plus de poids aux avis des conseils d’arrondissement dans le cadre d’une véritable cogestion.

Il nous semble nécessaire, et c’est la moindre des choses, que le maire d’un arrondissement de Paris ait la gestion fonctionnelle des agents municipaux qui interviennent dans le périmètre de son arrondissement. Je défendrai donc des amendements visant à rétablir le texte adopté par le Sénat à ce sujet.

M. Pierre Lellouche. Fort bien !

M. Claude Goasguen. Formidable !

M. Arnaud Richard. Aujourd’hui, la répartition des conseillers de Paris par arrondissements ne pose pas de problème de représentativité au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a appelé à une nouvelle répartition des 163 conseillers de Paris entre les 20 secteurs, mais il n’a pas remis en cause les secteurs eux-mêmes.

M. Philippe Goujon. Exactement.

M. Arnaud Richard. C’est pourtant ce que vous proposez par la fusion des quatre arrondissements centraux. Par ailleurs, pourquoi regrouper les quatre arrondissements en un secteur de 100 000 habitants puisque des disparités importantes demeureront ? Fusionner les quatre arrondissements – mesure qui n’est pas, madame la secrétaire d’État, sans arrière-pensées électorales – n’apportera donc aucune véritable amélioration de la représentativité démocratique dans la capitale. Nous sommes opposés à cette mesure électoraliste et politicienne, qui n’entraînera pas les économies invoquées par le Gouvernement.

M. Claude Goasguen. C’est certain.

M. Arnaud Richard. Enfin, l’article 41 prévoit d’assouplir les critères de création des métropoles. Sept métropoles pourraient alors s’ajouter aux quinze existantes. Si certains de mes collègues, en particulier Philippe Vigier et François Rochebloine, se réjouissent de la possible création des métropoles – le premier pour Orléans, le second pour Saint-Etienne –, d’autres sont plus réservés quant à l’opportunité de multiplier ainsi les métropoles. Je partage leur avis.

Ce texte manque de consistance, d’une vision d’ensemble. Cette réforme isolée du statut de Paris est déconnectée des enjeux métropolitains, de la réflexion sur la métropolisation dans le monde et de la situation de Paris, qui est une grande capitale. Pour toutes ces raisons, et avec beaucoup de déception, le groupe UDI votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, qui vise à conférer un statut particulier à la ville de Paris et à encourager le phénomène métropolitain dans l’ensemble du territoire.

Je ne suis pas un élu parisien, pas davantage francilien, mais un élu rural de l’Aisne, aux franges de la région Île-de-France. Je ne m’immiscerai donc pas dans la polémique sur le statut de Paris. Je constate que les discussions ne manqueront pas, et c’est légitime. Mon intervention sera plus globale, technique et portera davantage sur les métropoles que sur le statut de Paris.

Force est de constater que notre capitale n’est pas une commune comme les autres.

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Philippe Goujon. Grâce à la loi PLM !

M. Jacques Krabal. Paris a toujours été une commune à part, en raison de son histoire, des mouvements révolutionnaires, ou des symboles de notre République. Cela a été dit, et je n’irai pas plus loin. Elle est, au côté de Londres, l’une des grandes métropoles européennes, et l’Île-de-France, la première région de France en termes de population, d’économie et de coopérations. Mais il faut rappeler aussi que Paris, ce n’est pas la France toute seule.

Pour revenir au texte, il paraît difficilement explicable aujourd’hui que la maire de Paris soit la seule responsable d’un exécutif ne disposant pas des pouvoirs de police. Ce texte permet une clarification bienvenue.

Les conseillers municipaux de la ville de Paris exercent aussi les fonctions de conseiller départemental et la coexistence de deux budgets distincts, pour un même territoire, paraît peu pertinente. Le projet de loi ne fait donc subsister qu’un seul budget spécial, regroupant commune et département. Cela va dans le bon sens.

Madame la secrétaire d’État, parler du statut de Paris et des métropoles, c’est parler d’aménagement du territoire et du devenir des départements. Favoriser la fusion des départements avec les territoires urbains, comme cela s’est fait, avec succès, pour la métropole de Lyon et tel que proposé pour le Grand Paris, est une perspective cohérente. Pour autant, l’enjeu réside dans la définition des périmètres et des frontières de la métropole : la concertation est donc nécessaire. Mon collègue Jean-Pierre Maggi s’exprimera dans ce sens sur la métropole Aix-Marseille Provence.

Mais ces fusions entre grandes villes, métropole et départements devraient de facto pérenniser et renforcer la pertinence du conseil départemental, instance de proximité s’il en est dans nos territoires ruraux. Voilà le premier point que je voulais développer.

Reconnaissons que, depuis trente ans, l’État s’est désengagé de la ruralité, au profit des métropoles, au nom du principe de la « recherche de l’efficacité de l’investissement public » ! Renforcer Paris, sa grande couronne, c’est bien, même nécessaire, mais ce qu’il faut surtout, c’est renforcer l’ensemble des territoires, au nom de l’égalité territoriale !

Dans Le Monde du 7 juillet 2016, Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, expliquait qu’« il faut miser sur la dynamique de métropolisation, on n’a pas le choix, même si elle est douloureuse pour les territoires. » La question de l’avenir des territoires ruraux, enclavés ou limitrophes d’une métropole, est posée de manière aiguë. Après la mise en œuvre des contrats de ruralité, de bonnes orientations qu’il faut pérenniser, quand un texte global sur la ruralité sera-t-il présenté ? Car la France, c’est la diversité des territoires.

M. Pascal Cherki. Exactement.

M. Jacques Krabal. Oui, aujourd’hui, au-delà de l’opposition entre la ruralité et la métropole, il faut renforcer les partenariats entre les grandes villes et métropoles, et leurs « espaces arrière ». La dynamique métropolitaine ignore trop souvent ces espaces d’avenir, avec leurs atouts : une démographie positive, les espaces, la nature, l’eau. Ils doivent eux aussi bénéficier des mêmes services, de transports collectifs de qualité et, bien évidemment, du très haut débit.

Parce que ce texte permet une clarification et une normalisation de la spécificité du statut de Paris et du Grand Paris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera en sa faveur. Mais permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de vous rappeler ces vers de Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dans la fable Le Renard et le Bouc : « En toute chose il faut considérer la fin. » Paris et les métropoles seules ne sont pas des finalités pour la France.

Mme George Pau-Langevin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la vice-présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, le régime spécifique de Paris, dérogatoire au droit commun, tient à la fois à son histoire et à son statut de capitale, économique et politique. Cette spécificité s’inscrit dans les pouvoirs du maire, plus réduits que ceux de ses homologues, ainsi que dans l’organisation administrative de la capitale.

Si le statut de Paris a évolué progressivement vers un rapprochement du droit commun, certains aspects du statut de Paris sont aujourd’hui, comme le souligne l’exposé des motifs, « inadaptés aux réalités contemporaines ». Aussi sommes-nous favorables à la proposition de modification du statut de Paris. En effet, nous partageons l’idée selon laquelle le statut de Paris est anachronique et que la coexistence de deux collectivités, la commune et le département, n’est pas justifiée et constitue une source de complexité.

Nous soutenons les principales modifications proposées. La fusion de la ville et du département, le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement, la création d’un secteur électoral unique formé des quatre premiers arrondissements et le renforcement des pouvoirs de police du maire nous semblent cohérents.

La fusion du département et de la commune au sein d’une nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », constitue une mesure de bon sens, qui permettra une meilleure lisibilité de la gouvernance et une simplification administrative pour les Parisiens, les entreprises et les associations.

Soulignons cependant que si cette fusion paraît pleinement justifiée pour Paris, cette exception ne saurait en aucun cas être banalisée et étendue et, in fine, venir menacer l’existence de la commune ou du département dans d’autres territoires. Les Français ont en effet exprimé à plusieurs reprises leur attachement profond aux échelons départemental et communal, deux échelons indispensables dans leur vie quotidienne.

Le second objectif visé par la modification du statut de Paris est le renforcement de la démocratie locale par le transfert aux maires d’arrondissement et aux conseils d’arrondissement de nouvelles compétences de proximité en matière contractuelle ou, par exemple, en ce qui concerne les autorisations d’étalage et de terrasse.

La réforme propose également la fusion des conseils des quatre premiers arrondissements, avec la création d’un secteur électoral unique. Cela permettra d’assurer une meilleure représentativité des conseillers de Paris, tout en mutualisant les services publics de proximité.

M. Pierre Lellouche. Tu parles !

Mme Jacqueline Fraysse. Rappelons, en effet, que les fortes disparités démographiques entre arrondissements entraînent des déséquilibres dans la représentation des Parisiens au conseil de Paris. Cette mesure, cohérente avec les évolutions démographiques, apparaît d’autant plus opportune que la capacité d’action du secteur fusionné sera ainsi renforcée et lui permettra de mener des projets à hauteur des enjeux propres à cette zone centrale de Paris. À cet égard, nous sommes satisfaits que la commission des lois de notre assemblée ait rétabli cette disposition, supprimée par le Sénat.

Par ailleurs, ce texte tend à approfondir les transferts de pouvoirs de police entre le préfet de police et le maire de Paris, au profit de ce dernier. La tutelle préfectorale inédite et désuète serait donc enfin levée. Le maire de Paris assumerait des pouvoirs de police spéciale de proximité, tels que la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, ou encore la police de la salubrité des habitations et hébergements. Ses compétences en matière de circulation et de stationnement seraient également renforcées. Il s’agit là d’une avancée importante, qui donnera au maire de Paris quasiment tous les pouvoirs de police dont les autres maires disposent.

Par ailleurs, nous souhaitons insister sur les inquiétudes des agents de la mairie de Paris et de la préfecture de police, qui craignent une dégradation de leur situation. Plus de 2 000 fonctionnaires de la préfecture de police vont être transférés à la ville de Paris. Ils se posent légitimement beaucoup de questions sur les conditions de ce transfert. S’ils n’en contestent pas le principe même, ils souhaitent que le déroulement du processus s’effectue en toute transparence et se disent parfois préoccupés par les conditions du dialogue social. Notons que le projet de loi comporte déjà un certain nombre de garanties importantes. Pour autant, nous estimons indispensable d’encadrer le plus précisément possible les conditions dans lesquelles se déroulera ce transfert.

Ce projet de loi propose aussi de nouveaux outils pour l’aménagement de l’espace métropolitain. Le titre II déborde ainsi le statut stricto sensu de Paris, la plupart de ses dispositions ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble du territoire national. Ce titre comporte des dispositions très disparates, attestant à la fois d’une certaine improvisation et de l’échec des dernières réformes territoriales. Rappelons que durant ce quinquennat, qu’il s’agisse de la loi MAPTAM ou de la loi NOTRe, vous aurez obstinément refusé de faire preuve de bon sens, préférant précipiter l’examen de réformes élaborées à la va-vite, sans concertation véritable, sans vision globale autre que la rigueur budgétaire.

À l’heure où se construit le Grand Paris Express et où s’ouvrent d’immenses chantiers qui changeront le quotidien des Franciliens, les questions qui touchent à l’aménagement occupent aujourd’hui une place centrale dans la région-capitale. Plusieurs articles du texte – les articles 34 à 37 – répondent à ces enjeux. Ils traitent notamment du rapprochement entre les établissements publics d’aménagement et Grand Paris Aménagement.

Les discussions entre l’État et les collectivités territoriales tendaient vers un rapprochement fondé sur un modèle fédératif de coopération, sans tutelle d’une autorité sur une autre. C’est une philosophie à laquelle adhèrent nombre d’élus locaux d’Île-de-France, toutes sensibilités politiques confondues. Il faut permettre la mise en place d’outils d’aménagement respectant les gouvernances actuelles et les projets des communes concernées. À cet égard, il paraît nécessaire que les sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national qui s’ajouteraient aux SPLA puissent porter la voix des collectivités dans la réalisation, l’organisation ou le contrôle des opérations d’aménagement.

Enfin, nous regrettons vivement que la commission des lois ait réintroduit l’article 41, relatif à l’élargissement du cadre métropolitain. Nous considérons que la multiplication des métropoles n’a aucun sens. Avec la création des métropoles, vous avez peu à peu, sans réelle vision d’ensemble, bouleversé notre pacte républicain, fondé sur des institutions locales de proximité.

M. Sylvain Berrios. Exact !

Mme Jacqueline Fraysse. Celles-ci disposaient jusque-là d’un pouvoir d’intervention décentralisé, afin de répondre aux besoins et aux attentes de nos populations. Ces diverses réformes ont été engagées sans qu’il ait été envisagé à aucun moment de donner la parole aux citoyens.

M. Sylvain Berrios. Vous avez raison !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez consacré l’abandon d’une conception harmonieuse et équilibrée du territoire national. De nouvelles entités administratives, plus nombreuses et plus puissantes, telles que les communautés urbaines et les métropoles, se développent au détriment de nos communes et de nos départements, dont l’action est pourtant plébiscitée par nos concitoyens.

Vous avez proposé, en lieu et place de l’action des élus locaux, connus et reconnus pour leur dévouement et leur écoute, une organisation administrative recentralisée, technocratique, froide et impersonnelle. Et vous avez mené vos réformes, je le répète, sans jamais donner la parole au peuple, en substituant au choix volontaire l’application automatique du statut de métropole dès lors que les conditions légales sont réunies. Il pourrait y avoir à l’avenir vingt-deux ou vingt-trois métropoles. Ainsi s’installerait petit à petit une autre République, toujours plus technocratique, qui ne serait plus une et indivisible, mais d’abord fédéraliste et concurrentielle.

En recentralisant les pouvoirs, on le sait, ces nouvelles structures éloignent toujours plus les Français des lieux de décision, pour mieux les inscrire dans une mondialisation à la fois uniforme, stéréotypée et financiarisée. Nous rejetons cette vision de métropoles excluantes qui instaurent dans la durée une dichotomie entre des périphéries fragilisées et des centres de plus en plus développés. Nous restons attachés au socle territorial, fondé sur le renforcement des communes et des départements, et à l’existence d’intercommunalités choisies.

En définitive, nous sommes globalement satisfaits de l’évolution du statut de Paris,…

M. Jean-Patrick Gille. C’est un point positif !

Mme Jacqueline Fraysse. …mais nous restons fortement opposés à la métropolisation de l’ensemble de notre territoire.

Mme Cécile Untermaier. Nous l’entendons bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, Paris ne s’est pas fait en un jour. Autant il est précieux de conserver dans notre paysage urbain, dans nos musées, des témoignages et des traces de l’histoire de cette ville belle et rebelle, de ce peuple de Paris dont toujours se méfia le pouvoir, qu’il soit royal ou impérial, voire républicain, autant l’empilement de différents schémas d’organisation administrative finit par produire de la complexité, de la déperdition d’énergie et des coûts inutiles. Il était donc temps, au XXIsiècle, d’actualiser le statut de Paris.

L’ambition de ce texte est triple : il s’agit d’abord de clarifier l’organisation des compétences ; il s’agit ensuite de rétablir l’égalité entre Parisiens de l’hypercentre et Parisiens des arrondissements dits périphériques, que je préfère appeler arrondissements métropolitains ; il s’agit enfin, en matière de sécurité et d’ordre public, de rendre l’action publique plus efficace par une meilleure répartition des responsabilités entre la préfecture de police et la ville, en revenant pour l’essentiel au droit commun, sans faire l’impasse sur les problématiques de sécurité très spécifiques d’une capitale qui concentre toutes les institutions de la République et accueille chaque année plusieurs dizaines de millions de touristes.

Ce texte est une réforme, ce n’est pas une révolution.

M. Pierre Lellouche. On s’en était aperçu !

Mme Sandrine Mazetier. C’est une réforme de bon sens qui aura des effets très concrets sur le quotidien des Parisiens. Ce bon sens, cette simplicité, cette proximité, nous les revendiquons. Certains, nous l’avons entendu, prônent la rupture, le choc, des bouleversements, des changements radicaux ; ils ont tort ! Nous allons faire la démonstration que l’on peut changer les choses et faire évoluer une situation sans brutaliser, sans affronter, sans entrer dans des polémiques aussi inutiles que stériles.

Il s’agit donc, en premier lieu, de clarifier l’organisation des compétences. Nos rapporteurs nous l’ont rappelé, Paris est encore aujourd’hui, sur le papier, une commune et un département. La fusion de la commune et du département de Paris en une seule collectivité dénommée « Ville de Paris » mettra fin à une fiction juridique. La cour régionale des comptes a souligné combien cette évolution est nécessaire. La maire de Paris et ses adjoints Emmanuel Grégoire et Mao Peninou, présents dans les tribunes et que je veux chaleureusement saluer ici, ainsi que le premier adjoint et toutes celles et tous ceux qui ont travaillé à ces questions, ont été au bout de ce qu’ils pouvaient faire sans modification de la loi.

L’article 1er apporte une clarification qui permettra, enfin, de supprimer des doublons inutiles. C’est une évolution vertueuse, qui crée des économies de fonctionnement et plus de lisibilité.

Le texte établit également une clarification et une meilleure organisation des compétences entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement. Ce point a soulevé des polémiques. Pour certains, ce n’est jamais assez. Je voudrais néanmoins que l’on prenne la mesure de l’importance des délégations de compétences auxquelles conduit ce texte et que tous les maires d’arrondissement entendus par nos rapporteurs appellent de leurs vœux.

Ces transferts concernent la gestion d’équipements de proximité très concrets pour les 2,2 millions de Parisiens : crèches, haltes-garderies, squares, espaces jeunes, stades, bref, une multitude d’équipements pour lesquels on ne comprend pas pourquoi un maire d’arrondissement devrait passer par la mairie centrale pour changer une serrure, remplacer une vitre ou un rideau, ou encore acheter une cafetière… Franchement, au XXIsiècle, on peut se dire qu’il est temps de légiférer sur ces choses très concrètes et très utiles !

Le deuxième aspect de ce texte est de rétablir de l’égalité entre les Parisiens du centre de Paris et ceux des autres arrondissements. Comme le ministre et les rapporteurs l’ont rappelé, plus rien ne justifie certains écarts de représentativité. Les évolutions historiques de la démographie parisienne les expliquent, mais il n’est plus supportable qu’il y ait un conseiller de Paris pour 10 000 habitants dans le 2arrondissement et un pour 15 000 dans mon arrondissement, le 12e. Nous avons besoin d’avoir davantage de conseillers de Paris pour siéger, par exemple, aux conseils d’administration des collèges, chacun le comprendra. La mutualisation des efforts et de la représentation dans le centre de Paris assurera du reste une égalité entre les habitants du 1er arrondissement et ceux du 2arrondissement. Encore une fois, il ne s’agit que de bon sens. Ce n’est pas une révolution, cela n’a rien de radical ou de brutal : c’est juste normal !

Enfin et surtout, il s’agit d’en revenir au droit commun des collectivités et des communes en matière de pouvoirs de police, mais dans le respect des spécificités sécuritaires de notre capitale. Aujourd’hui la maire de Paris de dispose pas des moyens d’action que peut avoir le maire de Saint-Mandé, de Montreuil, de Sevran ou de Cachan. Il en résulte des problèmes au quotidien non seulement pour les Parisiens et pour les « Grand Parisiens » et les Franciliens qui viennent à Paris tous les jours, mais aussi pour les millions de touristes qu’accueille notre belle capitale.

Là encore, il était temps d’évoluer pour résoudre des problèmes qui, dans n’importe quelle commune de France, même la plus petite, sont résolus et pris en charge par des agents municipaux. Et tel est bien l’objet de ce texte, alors que d’autres proposent des évolutions bien plus radicales. On le voit bien : autant il est normal d’évoluer en matière de verbalisation des incivilités, des dépôts sauvages d’encombrants, de stationnement anarchique, autant les questions de sécurité au sens le plus régalien du terme doivent demeurer sous l’autorité du préfet de police et du ministre de l’intérieur. Le transfert de compétences est donc très maîtrisé. Il recueille d’ailleurs le plein accord du préfet de police, qui s’est exprimé devant notre commission.

Évolution de bon sens menée dans la sérénité, rééquilibrage maîtrisé : quel contraste avec les ruptures, j’allais dire les foucades, que la droite a proposées au Sénat et que ses orateurs viennent d’évoquer ! Certaines interventions trahissent, à mon sens, une grande méconnaissance de la réalité de Paris. M. Richard a soutenu par exemple que les maires d’arrondissement ne peuvent rien faire…

M. Philippe Goujon. Ce n’est pas loin de la réalité !

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Allons donc ! Qu’il vienne à Marseille, il verra !

Mme Sandrine Mazetier. J’invite tous nos collègues à se rendre dans les 12et 20arrondissements, ceux de ma circonscription. Les maires et les équipes municipales, avec les mêmes moyens que d’autres maires d’arrondissement, développent des initiatives formidables.

M. Philippe Goujon. Quelles sont les possibilités en matière de logement, par exemple ?

Mme Sandrine Mazetier. Méconnaissance aussi – cela n’a pas été évoqué – de la formidable révolution démocratique douce qui s’est accomplie à Paris. À côté des moyens des maires d’arrondissement, il y a le budget participatif, soit 100 millions d’investissements dont les Parisiens décident directement pour leur arrondissement et pour leur ville.

M. Philippe Goujon. Dont vous avez porté la dette à 5 milliards !

Mme Sandrine Mazetier. On peut faire tant de choses avec intelligence et dans la sérénité ! Mais tout ce que j’ai entendu n’exprimait rien d’autre que la nostalgie du bon vieux temps de Tiberi. Et là, nous ne serons pas d’accord, mes chers collègues ! Beaucoup d’entre vous réclament le retour aux pratiques d’attribution discrétionnaire des logements et des subventions aux associations. Ils voudraient pouvoir gérer leur petite cuisine, leur petit réchaud… Eh bien, ce n’est pas la vision que nous avons de la capitale !

M. Philippe Goujon. Vous n’êtes pas obligée de dire n’importe quoi !

Mme Sandrine Mazetier. Bertrand Delanoë a rendu son honneur à cette ville, Anne Hidalgo poursuit son travail pour le rayonnement de la capitale, dans la décentralisation et le rassemblement.

M. Philippe Goujon. Avec beaucoup de sectarisme !

Mme Sandrine Mazetier. Alors que vous êtes dans le démantèlement, nous sommes dans le développement de l’espace métropolitain. Vous êtes dans la revanche, nous sommes dans la réforme. Vous voulez cliver et punir, nous voulons rassembler et construire. Décidément, nous ne sommes pas d’accord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, à l’image du quinquennat finissant de François Hollande, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, est hélas une nouvelle fois l’histoire d’une noble ambition déçue, d’une occasion utile ratée, de bonnes intentions qui s’achèvent en pantalonnade.

À l’exemple d’autres grandes métropoles d’Europe et du monde qui ont su se réformer – je pense au Grand Londres, à Tokyo, à New York, parmi bien d’autres exemples –, Paris cherche depuis longtemps à définir un cadre institutionnel et démocratique pour son avenir à l’intérieur de la première région de France, qui compte 12 millions d’habitants. Ce premier pôle économique et culturel de la France, cette vitrine de notre pays, ce cœur de notre vie politique aurait mérité une redéfinition en profondeur de ses structures, de sa vie démocratique au plus près des habitants, de ses ambitions à l’échelle internationale.

Or, qu’avons-nous à l’arrivée ? Un texte bâclé, bricolé en fin de législature, examiné de surcroît en procédure accélérée à la veille de Noël, qui n’aura été précédé d’aucun débat public, d’aucune réflexion d’ensemble. Et qui n’accouche en définitive que de très modestes aménagements, qui masquent mal son objectif premier, tout à fait médiocre : la volonté de tripatouillage politique au profit de la maire de Paris, avec la complicité d’un gouvernement devenu trop faible pour lui résister.

Un tel jugement pourrait paraître sévère. Il est cependant en dessous de la réalité si l’on veut bien considérer les quatre questions suivantes, à l’aune desquelles ce projet de loi devrait être apprécié.

Cette loi va-t-elle réellement améliorer la coordination entre la ville et la région Île-de-France, maximiser les synergies, économiser l’argent public, donner un nouvel élan au développement économique, touristique et culturel de la ville et de la région ?

M. Philippe Goujon. Non !

M. Pierre Lellouche. La ville sera-t-elle mieux administrée, au plus près de ses habitants ?

M. Philippe Goujon. Non !

M. Pierre Lellouche. La loi permettra-t-elle une meilleure démocratie locale, plus vivante, plus efficace, au service des Parisiens ?

M. Philippe Goujon. Absolument pas !

M. Pierre Lellouche. Alors que des menaces nouvelles pèsent sur la sécurité de la métropole parisienne, à l’ère du terrorisme djihadiste, cette loi permettra-t-elle d’améliorer la sécurité des Parisiens ?

M. Philippe Goujon. Hélas, non !

M. Pierre Lellouche. S’agissant de la première question, qui porte sur Paris, la métropole et la région, le moins que l’on puisse dire c’est que l’objectif du Grand Paris souhaité par Nicolas Sarkozy parait plus éloigné que jamais. La loi ne fait que conforter le mille-feuille administratif existant : un Paris enfermé à l’intérieur de son périphérique, une métropole récemment créée mais dont la plupart de nos concitoyens ignorent tout, même l’existence, et une région qui peine à s’imposer, tant face à la ville de Paris que face à l’État, avec au final un empilement de structures, de sources de financement, un alourdissement des coûts et une lourdeur générale, lorsque ce n’est pas une paralysie, dès lors qu’il s’agit de décider en commun des grandes options d’avenir ou des grands équipements pour la ville et la région.

À ma connaissance, mais peut-être suis-je mal informé, il n’existe pas au niveau de la ville et de la région de plan commun qui lui permettrait de satisfaire son ambition scientifique et économique à l’échelle internationale. Il n’existe pas davantage de stratégie commune de développement économique et financier, ni de stratégie d’équipement public cohérente qu’il s’agisse des transports, de la santé, de l’éducation ou de la formation.

Chacun de ces grands domaines est saucissonné, balkanisé, revendiqué tantôt par Paris, tantôt par la région, tantôt par l’État, quand la métropole nouvellement créée n’essaie pas, de son côté, de s’immiscer dans tel ou tel projet pour trouver une quelconque raison d’être. Ce qui existe, c’est un empilement de structures, d’établissements publics, de fonds divers et variés.

Je prends un exemple précis : au mois de mars 2017, Mme Theresa May, première ministre britannique, déclenchera l’article 50 du Traité sur l’Union européenne et le Brexit entrera en vigueur. Le référendum sur le Brexit a eu lieu il y a six mois. Quelle est, à ce jour, la stratégie de Paris pour tenter de rapatrier les quelque 300 000 emplois dédiés à la place financière de Londres ? Quels sont les moyens concrets mis en œuvre par la ville, la région ou le Gouvernement ? Comment ces moyens sont-ils regroupés ?

Ce qui est vrai pour la finance l’est aussi en matière scientifique et commerciale. Toutes les grandes métropoles mondiales, y compris chinoises, ont désormais une stratégie d’ensemble, un conseil scientifique, un business conseil. Ce n’est pas le cas de Paris.

La loi aurait pu fixer des orientations dans ce domaine, elle ne l’a pas fait. Tout se passe comme si, pour ne froisser ni les uns ni les autres, pour ne pas empiéter sur le territoire et les prébendes de telle ou telle catégorie d’élus, on se contentait de maintenir l’existant, c’est-à-dire un mille-feuille administratif coûteux et inefficace, sans la moindre vision pour l’avenir.

L’exemple le plus caricatural de ce « désordre organisé », si j’ose dire, est la récente décision unilatérale de la maire de Paris – qui vient malheureusement de quitter la tribune – de neutraliser un axe majeur de circulation d’intérêt régional – je parle de la fermeture des voies sur berges – sans avoir consulté quiconque, au mépris des enquêtes publiques, décision qui aboutit à une perturbation majeure des transports, y compris des transports publics, à Paris et en Île-de-France.

Pourtant, les transports font théoriquement partie des attributions communes de la ville et de la région. Ce qu’un enfant de huit ans peut comprendre, à savoir que fermer une voie aussi cruciale que les voies sur berges, a un impact sur tous les transports de la région, apparemment les grands responsables parisiens n’arrivent pas à le percevoir.

Si cette loi n’améliore en rien la fluidité de la prise de décision et la coordination des politiques entre la ville, la région et la métropole, si donc l’ambition d’une métropolisation des grands projets n’y figure pas, qu’en est-il de l’administration interne de la cité de Paris proprement dite ?

Là encore, le texte qui nous est proposé est très décevant au regard des objectifs qui auraient dû être ceux d’une telle réforme. L’unique avancée consiste à fusionner la commune et le département, donc à en finir avec un mode d’organisation baroque, héritage d’une histoire lointaine, pour instaurer une nouvelle collectivité unique dénommée « Ville de Paris » qui exercera des compétences communes à partir du 1er janvier 2019.

Pour autant, le projet de loi permettra-t-il une meilleure administration de la ville ? À en juger par l’état de la ville de Paris, après seize ans d’administration socialiste, le moins que l’on puisse dire, c’est que le scepticisme s’impose. Depuis 2001, la ville a engagé 14 000 fonctionnaires en plus, ses impôts ont augmenté de 25 % et la dette parisienne a été multipliée par cinq. Avons-nous pour autant une ville plus propre, une pléthore de logements et d’équipements publics, un nombre d’écoles ou de crèches en nombre suffisant ?

M. Claude Goasguen. Non !

M. Pierre Lellouche. À toutes ces questions, malheureusement, les Parisiens qui vivent la réalité de Paris au quotidien savent que la réponse est non. Jamais notre capitale n’a été aussi sale, aussi clochardisée et aussi peu sûre.

Bien souvent, nos compatriotes parisiens se retournent vers les maires d’arrondissement avant de découvrir que, sur les sujets touchant directement à leurs préoccupations immédiates, ceux-ci sont totalement impuissants. Impuissants en matière de logement, impuissants en matière scolaire, impuissants même en matière de propreté, et bien-sûr impuissants en matière de sécurité publique et d’emploi. Toutes ces matières demeurent concentrées au niveau de l’Hôtel de Ville, de ses adjoints pléthoriques et d’une administration centrale qui ne l’est pas moins.

Au moins aurait-on pu espérer que le projet de loi cherche à remédier à cette concentration excessive en définissant un nouvel équilibre entre la nécessité d’une politique à l’échelle de la ville, que nul ne conteste, et les attributions réelles des maires d’arrondissement et de leurs équipes, au plus près des habitants. Hélas, là encore, le projet de loi fait tout le contraire en consolidant davantage les pouvoirs entre les mains du maire de Paris et de son cabinet.

Nos collègues du Sénat avaient bien tenté d’amender le texte initial en déconcentrant un bon nombre d’attributions au niveau des maires d’arrondissement : logements sociaux, nettoyage et entretien des voiries… Tout cela a été supprimé par la commission des lois de notre assemblée, de même qu’a été supprimé le pouvoir d’évocation du Conseil de Paris ainsi que l’introduction d’une Conférence des maires parisiens. Paris continuera donc à être géré d’une main de fer par l’excellente Mme Hidalgo et les élus d’arrondissement feront ce qu’ils pourront, suivant qu’ils sont ou non proches de Mme Hidalgo ou plus ou moins dociles.

Fort heureusement, la gauche a maintenu deux réformes phares. La première, fondamentale pour notre culture, est l’installation de casinos qui, à n’en pas douter, contribueront au rayonnement de Paris. La seconde est la création d’un unique secteur regroupant les quatre premiers arrondissements de Paris et qui servira de piste d’atterrissage à la maire de Paris.

La réforme voulue par Mme Hidalgo est choquante pour tous les Parisiens, qui sont très attachés à la personnalité et à l’identité de leur arrondissement – on est fier d’être du 1er, du 8e ou du 9e par exemple – mais elle est surtout scandaleuse par ses intentions politiciennes…

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Pierre Lellouche. …qui consistent, au nom d’une soi-disant équité de représentativité démocratique, à modifier les équilibres politiques à Paris.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Pierre Lellouche. Ce qui est supprimé, c’est un arrondissement de droite, le 1er arrondissement, dont il se trouve qu’il est dirigé par un maire que je connais bien puisqu’il n’est autre que mon suppléant, aimé et réélu depuis longtemps par ses administrés et qui compte parmi les meilleurs connaisseurs des finances publiques de la ville.

Or ce maire va disparaître au nom de l’argument selon lequel le Ier arrondissement serait trop petit – 18 000 habitants – pour être représenté seul à l’échelon parisien. À ce compte-là, on pourrait supprimer toutes les communes de France de moins de 18 000 habitants dans notre pays !

M. Philippe Goujon. Eh oui !

M. Pierre Lellouche. Tout cela pour permettre à Mme Hidalgo, incapable de se faire élire dans le 15e arrondissement, où elle n’obtient que 35 % des voix…

M. Philippe Goujon. Je confirme !

M. Pierre Lellouche. …de trouver une circonscription digne d’elle !

Reste la question de la sécurité et de la police. C’est un sujet que j’avais abordé avec Bertrand Delanoë dès les attentats du 11 septembre 2001. J’ai trouvé baroque que la ville de Paris en soit restée à un texte de Napoléon, plus précisément du Premier Consul, vieux de 216 ans ! Le maire de Paris refuse toujours les pouvoirs de police mais, de plus en plus, il s’arroge le pouvoir de gérer la circulation et le stationnement au nom de son idéologie anti-voitures.

Nous nous dirigeons donc vers un système dans lequel la ville de Paris privatisera la police du stationnement…

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Pierre Lellouche. …mais se verra transférer quelque 4 000 policiers.

M. Claude Goasguen. Il s’agit de 3 000 policiers !

M. Pierre Lellouche. En tout cas c’est un nombre important. Mais plutôt que d’en faire une vraie police municipale, elle en fera une police dite d’incivilités. Qu’est-ce qu’une police d’incivilités ? Je vous laisse méditer sur cette question.

Aujourd’hui, alors que nous connaissons à Paris un vrai risque de sécurité publique, alors que notre police nationale est mobilisée par la lutte contre le terrorisme et ses missions régaliennes, cette force d’appoint aurait pu être l’embryon d’une vraie police municipale.

Pour conclure, ce texte devra être totalement repensé par une prochaine majorité…

M. Philippe Goujon. Encore cinq mois !

M. Pierre Lellouche. …à qui il appartiendra de revisiter le mode de scrutin parisien et de doter, enfin, la ville de Paris et la région d’une grande ambition.

M. Philippe Goujon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Madame la présidente, mes chers collègues, mon propos portera uniquement, et cela ne vous surprendra pas, sur l’article 41, rétabli et amélioré en commission des lois.

Je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, pour avoir accédé à notre souhait de voir l’agglomération de Tours devenir métropole, d’avoir entendu nos arguments et finalement repris notre amendement sur l’élargissement des critères d’éligibilité dès le passage du texte en commission des lois.

Ce texte sur la métropole parisienne permettra ainsi à sept grandes villes de devenir potentiellement des métropoles.

Alors que ce statut était jusqu’alors réservé à des agglomérations souvent inscrites en périphérie de l’hexagone, il sera désormais heureusement ouvert au vaste Centre, en intégrant Dijon et Orléans, par ailleurs capitales de région, mais aussi Saint-Étienne, Tours et Clermont-Ferrand. Nous obtiendrons ainsi un meilleur maillage du territoire national en termes de métropoles.

C’est en partie pour cette raison que nous, élus du Centre-Val de Loire, nous sommes battus pour éviter que le Centre de la France ne soit le grand oublié de ce nouvel aménagement du territoire national.

Je voudrais ensuite rassurer ceux qui ont encore des craintes : les futures métropoles ne s’opposeront pas au reste du territoire. Je ne doute pas que les compétences se répartiront avec équilibre et bon sens entre les diverses collectivités. C’est un nouvel acte fort de la décentralisation qui s’écrit : les métropoles renforceront l’activité économique locale des régions et leurs compétences grandissantes en matière d’emploi et de formation nourriront le dynamisme de nos territoires.

Il arrive parfois que des Tourangeaux et des Tourangelles qui me savent engagé sur ce sujet m’interrogent sur la pertinence et les conséquences d’une telle transformation de la communauté d’agglomération en communauté urbaine, puis demain en métropole.

Je leur réponds que la métropole a pour objectif de favoriser le développement économique et touristique, d’optimiser les réseaux de transports et de stimuler les ressources universitaires, la recherche et l’innovation. Elle pourra ainsi construire, aménager et faire fonctionner des équipements culturels et sportifs importants, agir sur la voirie, le logement, les fonds de solidarité pour les jeunes et en faveur de la protection de l’environnement, notamment la lutte contre la pollution de l’air.

Elle assurera également, en ce qui nous concerne, la promotion internationale du territoire, améliorant ainsi son attractivité.

En région Centre-Val de Loire, deux villes sont pressenties pour obtenir ce statut, Tours et Orléans – Serge Grouard s’exprimera après moi sur ce point. Cette reconnaissance des deux sœurs jumelles de l’axe ligérien, qui ont un pacte métropolitain à construire, un peu comme le sillon lorrain avec Nancy et, grâce à ce texte de loi, Metz, sera un signe fort pour le développement de notre région au cœur de l’Europe. Notre région qui possède un patrimoine exceptionnel, inscrit au Patrimoine immatériel de l’humanité, pour son histoire, ses écrivains, sa gastronomie, ses vins et, bien évidemment, comme je me plais à le dire, son patrimoine architectural, tous ces éléments qui en font une sorte de Toscane française.

M. Serge Grouard. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille. Avoir deux métropoles le long de la Loire sera un atout pour l’ensemble de cette région, à la fois urbaine et très rurale, encadrée par deux poids lourds que sont l’Île-de-France, dont nous avons beaucoup parlé, et la Nouvelle Aquitaine, mais qui malheureusement a été un peu oubliée lors du redécoupage des régions.

Enfin, je salue la volonté quasi unanime des élus – à l’exception, Jacqueline Fraysse l’illustrait à l’instant, des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine –, de l’ensemble des parlementaires, des élus de l’agglomération, du département, des EPCI de l’ensemble du département et des élus régionaux, au premier chef de leur président, qui ont soutenu cette démarche.

Je salue aussi mon collègue Philippe Briand, président de la communauté d’agglomération Tour(s)plus, car malgré nos oppositions politiques, qui sont fortes et historiques, nous nous sommes battus sur ce dossier main dans la main. Nous avons frappé aux différentes portes de l’État, notamment à celle de M. Baylet, qui au départ y était hostile mais a fini par nous comprendre. Nous n’avons jamais abandonné notre combat, malgré le scepticisme des uns et des autres.

Avant de conclure, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aurai une pensée pour Jean Germain, ancien maire de Tours et créateur de la communauté de communes qui, précurseur dès 1996, avait formé ce souhait pour sa ville. Comme sénateur, ensuite, il avait su placer quelques jalons dans la loi MAPTAM, mais sa disparition tragique ne lui a pas permis pas de voir son rêve se réaliser.

Oui, pour nous, élus de la nation, mais aussi représentants des habitants d’un territoire, c’est bien un rêve qui se réalise quand nous parvenons à donner vie, à donner force de loi à nos projets, et plus encore quand ils sont largement partagés.

Pour nous, la métropole n’est pas un statut à obtenir, mais un projet d’avenir à développer.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme mon collègue Jean-Patrick Gille, je vous invite à sortir quelques instants du périphérique et à venir vous oxygéner dans notre belle province française. Je vais en effet vous parler des métropoles, vous vous en doutez, me gardant d’intervenir dans le dossier parisien, dont on a mesuré la complexité.

Finalement, les lois MAPTAM et NOTRe ont introduit dans la relation entre capitales de région et métropoles trois incohérences ou trois insuffisances.

La première consistait à lier de fait le statut de métropole aux nouvelles régions. Pratiquement toutes les nouvelles capitales de région devenaient métropoles, sauf Orléans et Dijon.

Le deuxième était que les critères permettant de devenir une métropole avaient été définis de manière injuste. L’agglomération de Brest, plus petite que Dijon, bénéficiait de ce statut, que les deux autres villes que j’ai citées ne possédaient pas.

Enfin, des métropoles étaient situées sur le pourtour du territoire national, mais aucune, on l’a dit, dans le très grand centre français. Aucune des grandes villes de ce très grand centre ne pouvait prétendre devenir métropole.

D’abord, j’ai beaucoup bataillé avec quelques-uns de nos collègues pour remédier à la première incohérence et faire que les deux capitales de région puissent devenir métropoles. Avec le texte que vous nous proposez, ce sera sinon fait, du moins possible. Je m’en félicite.

Ensuite, le statut de métropole est étendu à quelques autres villes et ce n’est que justice. M. Gille l’a rappelé à l’instant : Orléans et Tours, sœurs jumelles de la région Centre-Val-de-Loire, possèdent bien plus de ressemblances que de différences, et beaucoup plus de liens que de divergences. Entre elles, il y a plus de possibilités de coopération que d’opposition. La perspective que nos deux villes deviennent métropoles conforte une autre perspective : le développement du fait métropolitain dans ce beau Val de Loire.

D’autres villes vont accéder à ce statut, notamment Clermont-Ferrand, qui permettra au centre de la France de disposer de ce maillage territorial.

En ce qui me concerne, madame la secrétaire d’État, je vous en sais gré et j’aurais voulu remercier M. Baylet, qui a œuvré, dans un esprit d’ouverture, pour ce résultat. On est loin de la politique en forme de jeu de rôle, qui consiste, quand on est dans l’opposition, à critiquer la majorité, et, étant dans la majorité, à railler l’opposition.

Le texte contient des avancées qui doivent objectivement être saluées. J’ai beaucoup bataillé pour qu’Orléans obtienne le statut de métropole. Je me réjouis que celui-ci lui soit ouvert. Je le déclare franchement.

Cela n’avait pas été possible auparavant. Je l’avais déjà regretté lors de l’examen de la loi NOTRe. Cette injustice est réparée, et c’est heureux.

J’insisterai encore sur deux points.

La question de la ruralité et des métropoles est un sujet qui inquiète. Sur ce point, il faut rassurer en particulier nos amis sénateurs, qui se sont émus en examinant le texte. La complémentarité, le partenariat entre le monde urbain et le monde rural sont nécessaires et évidents ; leur accomplissement n’est pas lié à un statut, quel qu’il soit.

Ce n’est pas parce qu’une ville acquiert celui de métropole que le monde rural doit en craindre quelque chose. Ce n’est pas parce qu’elle possède le statut de communauté d’agglomération, de communauté urbaine ou que sais-je encore, qu’il devra s’en réjouir ou en être effrayé.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Bien sûr !

M. Serge Grouard. Ce n’est qu’une affaire de relations entre les élus, de coopération et de volonté, le statut étant indifférent.

Je souhaite d’ailleurs que, sur la question de la métropole, on puisse rassurer le monde rural et l’associer pleinement à la réforme.

Dernier point : l’élection au suffrage universel direct des élus de la métropole est une question importante. Je dirai simplement : pourquoi pas ? Attention, toutefois : si l’on va dans cette direction mais que l’on maintient l’élection des communes telle qu’elle se pratique aujourd’hui, nous n’aurons fait qu’ajouter une couche au mille-feuilles, ce que nul de souhaite. Il faudra alors gérer un dispositif plus complexe, avec le risque que deux légitimités populaires ne s’affrontent.

Pour éviter cela, il faut faire évoluer le statut de la commune en milieu urbain. C’est un vrai sujet que tout le monde a laissé de côté parce qu’on en mesure la sensibilité. Pourtant, il faudra le poser un jour.

Quoi qu’il en soit, je le répète, je me félicite de la partie du texte qui concerne les métropoles. C’est la raison pour laquelle je voterai le projet de loi.

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Seybah Dagoma, dernière oratrice inscrite.

Mme Seybah Dagoma. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain que nous examinons aujourd’hui en séance publique est un texte qui était attendu par les Parisiens, et par de nombreux Français.

Comme chacun le sait, Paris, en tant que ville capitale, siège des institutions de la République, a toujours suscité la défiance du pouvoir central, ce qui s’est traduit, à travers l’histoire, par une tutelle de l’État sur les affaires municipales. Il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour que, dans le cadre d’une démocratie apaisée, le statut de la capitale évolue pour se rapprocher du droit commun.

Sans retracer l’évolution du statut de Paris, je me bornerai à rappeler que, dans le contexte de la décentralisation portée par Gaston Defferre, la loi du 31 décembre 1982, a fortement contribué à une organisation plus proche du droit commun municipal et départemental. Cette loi importante est à saluer, mais nous devons à l’honnêteté de dire qu’il demeurait encore de fortes particularités.

Durant le premier mandat de Bertrand Delanoë, grâce à sa vision, la ville de Paris a connu une nouvelle étape de décentralisation et de déconcentration entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, ainsi que le renforcement de la démocratie locale, avec la mise en place des conseils de quartier.

C’est dans la continuité de ce mouvement, et pour répondre aux nombreux défis que Paris doit relever, comme l’a souligné à juste titre Anne Hidalgo – amplifier la solidarité et développer nos territoires avec l’émergence de la métropole du Grand Paris, garantir la sécurité de nos concitoyens, faire progresser l’égalité et améliorer la proximité des politiques publiques, rendre l’action publique plus lisible et plus efficace, assurer la mise en œuvre concrète de la transition écologique, associer davantage les Parisiens aux décisions qui concernent leur vie quotidienne – que cette nouvelle réforme nous paraît bienvenue.

Le présent projet de loi vise à prolonger les évolutions institutionnelles et historiques des dernières décennies. C’est pourquoi il s’agit d’un texte majeur pour Paris et les métropolitains. Il est en effet évident, pour l’élue de Paris que je suis, que certains aspects du statut actuel de Paris, de son organisation sont aujourd’hui inadaptés.

Sans revenir sur l’ensemble des sujets traités par ce texte, je me limiterai à mettre en lumière plusieurs objectifs qu’il atteint.

Il vise d’abord à la clarté et à la lisibilité. En effet, l’existence de deux collectivités, commune et département, intervenant sous la direction d’une même assemblée délibérante est source de complexités. L’existence de deux budgets est difficilement compréhensible pour les Parisiens et plus largement les Français.

Par la fusion des deux collectivités territoriales en une collectivité unique à statut particulier dénommée « Ville de Paris », nous assurons la lisibilité de la gouvernance.

Le texte apporte ensuite un renforcement de la démocratie locale. En effet, en transférant aux maires d’arrondissement de nouvelles compétences de proximité sans remettre en cause l’intégrité de la ville de Paris, nous répondons à la demande de nombre de concitoyens souhaitant que les décisions soient prises au plus près d’eux.

Le troisième objectif est la fusion des quatre premiers arrondissements afin de corriger d’importants écarts de représentativité des Parisiens, sans modifier les équilibres politiques actuels.

M. Philippe Goujon. Si, justement ! Votre but est de les modifier.

Mme Seybah Dagoma. Contrairement à ce que dit l’opposition, il n’y a pas de tripatouillage électoral.

M. Pierre Lellouche. Faux !

Mme Seybah Dagoma. J’ajoute que le regroupement permettra de renforcer l’efficacité de la gestion des services publics de proximité offerts par les mairies d’arrondissement en amplifiant les mutualisations, et surtout en atteignant une taille critique afin de mieux servir les habitants.

M. Philippe Goujon. Génial !

Mme Seybah Dagoma. Le quatrième objectif est d’accroître les transferts de pouvoir de police entre le préfet de police et la maire de Paris. En effet, la réforme permettra au maire de Paris de disposer de nouvelles compétences comme la police des baignades, la réglementation des manifestations de voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, la police des édifices menaçant ruine, la salubrité des bâtiments, ou encore la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports.

M. Philippe Goujon. C’est marginal !

Mme Seybah Dagoma. Ce texte vise donc à recentrer l’activité de la préfecture de police sur l’essentiel : la sécurité des Parisiens.

M. Philippe Goujon. Où en est-il question ? Il ne s’agit que de magouilles électorales…

Mme Seybah Dagoma. Vous l’aurez compris, l’ambition de ce texte n’est pas d’accorder des privilèges à Paris. Il s’inscrit dans le mouvement de reconquête…

M. Claude Goasguen. Reconquête ?

Mme Seybah Dagoma. …par Paris de la plénitude de ses compétences. Il s’agit de s’adapter pour répondre efficacement aux défis auxquels nous sommes confrontés, et cela toujours au service des Parisiens.

Mon dernier mot sera pour remercier les rapporteurs du travail considérable qu’ils ont accompli au service de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites sur Paris. Nous allons en venir au débat, mais je rebondirai sur l’intervention des députés qui ont salué les métropoles.

M. Philippe Goujon. Oui ! Sur Paris, tout est dit.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Avec eux, je salue les avancées, qu’ont reconnues les territoires, comme l’ont indiqué MM. Gille et Grouard.

Le rôle des métropoles comme des intercommunalités a fortement évolué. Deux intercommunalités sur trois ont été amenées à conduire des opérations de fusion, ce qui a sensiblement réduit leur nombre. Leur problème est aujourd’hui d’exercer les politiques publiques à la bonne échelle du territoire, celle que vivent les habitants, de créer des solidarités à l’intérieur des communes membres et, s’agissant des métropoles, de s’inquiéter de leur hinterland. On veillera ainsi à ce que leur dynamique économique et leur forte attractivité irriguent un territoire plus large. Il faut en effet traiter la nature des territoires dans une vraie synergie de développement au lieu d’opposer systématiquement, de manière un peu facile, territoires urbains et ruraux, qui ont tant à s’apporter pour concourir à l’intérêt général.

Je tenais à cette précision car je ne suis pas sûre d’avoir le temps, ce soir, de reparler de l’enjeu pour le territoire français des intercommunalités ou des métropoles, que nous avons fait fortement progresser grâce à la réforme territoriale.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Avant l’article 17

(amendement appelé par priorité)

Mme la présidente. L’amendement portant article additionnel avant l’article 17 n’est pas défendu.

Article 17

(appelé par priorité)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche, inscrit sur l’article.

M. Pierre Lellouche. J’ai beaucoup de mal à comprendre la raison d’être de cette prétendue réforme.

J’aurais pu comprendre que l’on sectorise complètement Paris, comme le proposait M. Caresche : on aurait pu changer la structure des arrondissements, en estimant qu’une meilleure administration peut être obtenue, en termes d’efficacité et de coûts, par l’institution de secteurs plus vastes. Mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas : vous ne proposez de créer qu’un seul secteur, sans toucher aux autres arrondissements. On nous parle de représentativité démocratique, comme vient de le dire Mme Seybah Dagoma il y a un instant. Mais le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à connaître du découpage électoral de Paris. C’est vous qui en tirez la conclusion qu’au nom d’une meilleure représentativité, il faut redécouper, qui plus est ne redécouper que ces quatre arrondissements, et pas le reste. Pourquoi pas le reste ?

Première possibilité : on met sur la table la représentativité, et, dans ce cas, on touche à l’ensemble de la capitale et au mode de scrutin, c’est-à-dire à l’élection du maire par des conseillers de Paris élus au prorata de la population. Là réside le problème : on prend en compte la population et non les électeurs…

M. Patrick Mennucci. Comme partout en France !

M. Pierre Lellouche. …ce qui confère une prime aux conseillers élus dans l’est parisien. Là, je le répète, se situe le problème.

Deuxième possibilité : on conserve les arrondissements.

Par ailleurs, on a entendu que cette réforme permettrait d’améliorer la gestion. Rien n’est moins sûr. Les habitants du 1er arrondissement – qui se trouve dans ma circonscription et que vous connaissez bien, madame Dagoma – sont pleinement satisfaits de la façon dont l’arrondissement est géré : ils réélisent leur maire et manifestent de la fierté à habiter cet arrondissement, comme c’est le cas dans le 2e, qui est un tout petit arrondissement se trouvant également dans ma circonscription, qui est à gauche, et où les gens sont très heureux et fiers de vivre. Pourquoi donc recourir à l’argument de la représentativité ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Lellouche. Vous ne respectez pas les électeurs. Vous avez inventé un système complètement baroque, en instituant un secteur sans toucher au reste, sans modifier le mode de scrutin. Tout cela pour quoi ? Si ce n’est, pardon de le dire, pour tripatouiller et modifier les équilibres économiques, cela ne sert à rien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Le fait que l’on commence par examiner cet article en montre toute l’importance, et ne fait que conforter ce que j’ai dit tout à l’heure.

M. Philippe Goujon. Eh oui ! C’est bien l’objectif principal du texte !

M. Claude Goasguen. C’est autour de cet article que l’on a greffé un certain nombre de dispositions. Vous avez présumé la décision du Conseil constitutionnel, ce que l’on ne fait jamais. Encore fallait-il que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État vous en fassent la demande explicite. D’ailleurs, vous ne l’avez même pas demandé. On voit donc bien que l’argument que vous avez invoqué est de pure forme. En réalité, d’un point de vue électoral, ça ne changera pas grand-chose.

Mme Jacqueline Fraysse. Et donc ?

M. Claude Goasguen. Nous nous trouvons toutefois dans une situation très particulière, où la maire de Paris n’est pas majoritaire dans son propre arrondissement. Il a fallu faire le tour des arrondissements pour savoir où elle était pouvait être majoritaire. D’une part, la possibilité a été écartée de prendre la place d’un maire d’un arrondissement de gauche ; d’autre part, elle voit bien qu’elle ne pourra venir dans un arrondissement majoritairement à droite. Dans ces conditions, il ne restait que la solution de fusionner les quatre premiers arrondissements. Ce n’est pas une modification électorale, mais elle n’en est pas moins préoccupante. En général, le maire de Paris est toujours élu, soit tête de liste, soit, comme Jacques Chirac, deuxième de liste dans son arrondissement, pour conforter sa légitimité. Mme Hidalgo cherche un subterfuge qui ne trompera personne, mais, pour ce qui nous concerne, mes chers collègues, efforcez-vous de ne pas nous tromper : ce ne serait pas de bonne méthode.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Qu’il me soit permis d’intervenir sur cet article 17 comme député du 4e arrondissement. Je n’aurai pas la prétention de vouloir élever le débat, mais je voudrais simplement que l’on examine cet article en ayant à l’esprit les Parisiens directement concernés, c’est-à-dire les habitants des quatre premiers arrondissements.

M. Pierre Lellouche. Bien entendu !

M. Patrick Bloche. Il ne me paraît pas utile de relever les arguments politiciens qui ont été avancés, ni de faire référence aux problèmes électoraux, au Conseil constitutionnel – on ne va pas entrer dans un débat d’interprétation.

M. Pierre Lellouche. C’est pourtant un argument essentiel !

M. Patrick Bloche. Les Parisiens n’ont qu’un souci : l’efficacité du service public municipal. On n’a eu aucun mal à les convaincre, mes chers collègues, que la création d’un secteur commun aux quatre premiers arrondissements allait inévitablement améliorer le service public municipal parisien.

M. Claude Goasguen et M. Philippe Goujon. Faites un référendum municipal !

M. Patrick Bloche. Je voudrais prendre à témoin notre collègue Seybah Dagoma, qui est députée du 3e arrondissement. Au sein du quartier historique du Marais, à cheval sur le 3e et le 4e arrondissements, existe la très belle association Vivre le Marais, commune à ces deux arrondissements, dont nous avons rencontré récemment les responsables, avec Patrick Mennucci, co-rapporteur du projet de loi. Or, cette association est contrainte de se tourner vers deux députés et d’interpeller deux municipalités.

M. Philippe Goujon. Vous allez nous faire pleurer !

M. Patrick Bloche. Il lui serait évidemment profitable, au regard des enjeux qu’elle défend en termes de patrimoine et de cadre de vie, de pouvoir parler à une seule autorité municipale.

M. Philippe Goujon. L’argument est faible !

M. Patrick Bloche. On n’a eu aucun mal à les convaincre.

Dernier argument : pensons aux élus de ces petits arrondissements. Lorsque j’étais maire du 11e arrondissement, j’étais surpris de constater que les élus des quatre premiers arrondissements devaient cumuler un certain nombre de délégations – ils en ont souvent deux, trois au quatre. Grâce à cette réforme, on leur rendra service et on revalorisera la fonction d’élu d’arrondissement.

M. Claude Goasguen. Bien tenté !

M. Pierre Lellouche. Ils n’ont pas envie de disparaître !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je peine à comprendre pourquoi le Gouvernement a souhaité que l’on examine cet article dès maintenant.

M. Philippe Goujon. Parce que c’est le seul objectif du texte !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mon cher collègue !

M. Christophe Caresche. Peut-être pourrait-il nous donner des explications. Pour ma part, je considère que la réforme proposée est intéressante mais inaboutie, et donnera évidemment lieu à un certain nombre de polémiques – elles ont commencé à l’instant. Je le regrette, car la droite et la gauche avaient l’occasion de travailler ensemble – je pense que, sur ces questions liées aux règles du jeu, aux institutions, il peut y avoir un consensus. Malheureusement, nous ne prenons pas le chemin de cette réforme.

Je propose qu’en nous appuyant sur les excellents arguments employés par M. Patrick Bloche, concernant les quatre arrondissements du centre de Paris, nous envisagions d’autres regroupements d’arrondissements. En effet, les arguments qu’il a mis en avant pour les quatre premiers arrondissements peuvent aussi valoir, par exemple, pour les 8e et 9e arrondissements, ou pour d’autres arrondissements du centre de Paris, tels les 5e, 6e et 7e. Je regrette que le Gouvernement et les rapporteurs n’aient pas étudié la possibilité d’aller plus loin dans ces regroupements. Cela aurait en effet permis deux choses importantes : la représentativité des élus aurait été encore meilleure et, dans un certain nombre d’arrondissements, l’opposition aurait pu être représentée. Aujourd’hui, ni dans le 8e, ni dans le 6e, ni dans le 7e, l’opposition n’est représentée au Conseil de Paris. Il y a là un problème important au regard de l’exigence de pluralisme.

Troisièmement, cela a été dit à l’instant par M. Bloche, c’est une question d’efficacité et d’économies. Pourquoi ce qui est bon pour les quatre premiers arrondissements ne le seraient pas pour d’autres arrondissements ? C’est pourquoi je présenterai des amendements sur cet article, qui proposeront d’aller plus loin dans le regroupement des arrondissements.

Mme la présidente. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly