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Commission des affaires européennes

mardi 27 octobre 2015

17 heures

Compte rendu n° 235

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Communication de M. Joaquim Pueyo sur les pays du partenariat oriental 

II. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les mesures des émissions de polluants atmosphériques dans le secteur de l’automobile (proposition de règlement (UE) portant modification du règlement (CE) no 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5/6) (document E 10565)

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 27 octobre 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 05

I. Communication de M. Joaquim Pueyo sur les pays du partenariat oriental 

M. Joachim Pueyo, rapporteur. Le Partenariat oriental est, avec l’Union pour la Méditerranée, l’une de deux plateformes régionales sur lesquelles s’appuie la Politique européenne de voisinage (PEV). Couvrant six États d’Europe de l’Est et du Caucase Sud, il est axé sur trois priorités : accélérer l’association politique ; approfondir l’intégration économique ; organiser la mobilité des citoyens.

Les pays visés, de tailles diverses, naguère républiques de l’Union soviétique, ont évolué selon des dynamiques politiques et économiques divergentes depuis leur accession à l’indépendance. Leurs relations diplomatiques et commerciales avec l’Union européenne sont par conséquent de natures et d’envergures très hétérogènes. Rappelons que trois d’entre eux seulement – la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine – ont signé des Accords d’association très aboutis, contenant un volet de coopération politique sans précédent et prévoyant la constitution de zones de libre-échange approfondi et complet.

Ces partenaires orientaux présentent toutefois une caractéristique commune : ils se trouvent partagés entre l’attirance pour l’Europe et les liens qui les unissent à la Fédération de Russie. Il en résulte que l’ensemble de la zone est sujette à une instabilité inquiétante pour la sécurité de toute l’Europe, qui tend à s’aggraver depuis que le Président Vladimir Poutine s’est fixé le dessein de bâtir une Union économique eurasiatique (UEEA).

Alors que le Partenariat oriental a parfois été présenté à tort comme un premier pas vers un nouvel élargissement, l’Union européenne, de son côté, n’est pas en mesure d’offrir des perspectives d’adhésion. Cette ambiguïté doit être levée car elle entretient un faux espoir parmi nos voisins orientaux les plus pro-européens, qui font régulièrement part de leurs « aspirations ».

Depuis le début de la crise aiguë que traverse l’Ukraine, notre Commission a produit de nombreux travaux à ce propos. La Présidente Danielle Auroi avait notamment présenté une communication pour analyser l’accord de Minsk 2 du 12 février, qui s’est traduit par des résultats tangibles, quoique imparfaits, sur le terrain.

L’échéance du 31 décembre 2015 envisagée au départ pour la réalisation de l’ensemble du dispositif de pacification s’est révélée irréaliste, en raison de la persistance des violences de haute intensité dans les mois qui ont suivi la signature de l’accord.

Aujourd’hui, le cessez-le-feu est globalement respecté, sous le contrôle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La Russie « lâche du lest » sur le dossier ukrainien, en compensation, d’une certaine façon, de son engagement politico-militaire de plus en plus actif sur le théâtre syrien.

Le 2 octobre, les chefs d’État et de gouvernement ukrainien, russe, allemand et français se sont rencontrés en format dit « Normandie », afin de prendre acte de ce nouveau contexte et d’ajuster le calendrier, surtout en ce qui concerne le volet politique.

Les élections locales se sont tenues comme prévu dimanche dernier à l’Ouest de l’Ukraine. En revanche, celles que les autorités régionales de fait de Donetsk et de Lougansk avaient programmées ont été reportées à 2016, afin de créer les conditions d’un scrutin incontestable. Une nouvelle loi électorale doit être élaborée, après quoi les élections pourront être organisées dans un délai de 90 jours. Le jour même de ces élections entrera en vigueur, à titre provisoire, la loi constitutionnelle spéciale pour les régions contestataires, qui doit leur accorder une autonomie importante.

Ce nouveau pas vers le rétablissement de l’intégrité territoriale ukrainienne est un simple aménagement de calendrier, sans aucune concession sur le fond. Il valide une fois de plus la pertinence du format « Normandie ». De plus, la détermination franco-allemande a, d’une certaine façon, été entérinée par la communauté internationale, puisque l’Ukraine vient d’être élue Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

Par ailleurs, l’Union européenne a prorogé de six mois l’application de ses mesures restrictives. Le dispositif sera réexaminé en décembre à Bruxelles mais son maintien s’avère indispensable, au moins tant que l’Ukraine n’aura pas recouvré le contrôle de ses 400 kilomètres de frontières avec la Russie.

La crise sécuritaire ne doit pas faire oublier l’échéance du 1er janvier 2016, à laquelle doit entrer en vigueur le volet commercial de l’Accord d’association. Afin de le mettre en œuvre de façon concertée, des discussions trilatérales avec la Russie se poursuivent.

Pour échapper à la faillite, le pays dépend de l’aide européenne et internationale. Or le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE) conditionnent leurs allégements de dette et leurs allocations macrofinancières à des réformes domestiques plus appuyées. L’Ukraine doit en effet mener une seconde guerre : celle contre les vieux démons de la corruption, de l’opacité des affaires et de la mauvaise gouvernance. La libéralisation des visas de court séjour, ardemment attendue par Kiev, dépend aussi des avancées en la matière.

Enfin, le 25 septembre 2015, grâce, là encore, aux bons offices de l’Union européenne, les deux ministres de l’énergie ont paraphé un accord garantissant la livraison de gaz russe à l’Ukraine jusqu’au début du printemps 2016.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial de la Moldavie, pays le plus pauvre du Partenariat oriental, dont le gouvernement ne cesse de réclamer une adhésion rapide à l’Union européenne. Du point de vue européen, cette relation répond avant tout à des considérations politiques : s’attaquer aux fléaux de la criminalité organisée et de l’émigration mais aussi assurer la stabilité.

La Moldavie est en effet le théâtre d’un conflit gelé dans sa province orientale de Transnistrie, où un gouvernement indépendant autoproclamé a pris le pouvoir en 1991, sous la pression militaire de la Russie. L’enjeu est donc d’apporter une réponse adaptée à l’envie d’Europe, tout en évitant une escalade avec la Russie.

Les deux parties ont aussi signé, le 28 avril 2014, un accord très attendu sur la libéralisation des visas de moins de trois mois.

Depuis les élections législatives du 30 octobre 2014, le pays est en proie à une grande instabilité politique. Les trois partis pro-européens ont certes emporté la majorité absolue mais leur leadership est contesté par deux nouveaux mouvements pro-russes et ils sont extrêmement divisés, sur fond d’intérêts divergents entre oligarques.

Alors que la Moldavie a longtemps été considérée comme le bon élève du Partenariat oriental, sa superstructure politico-administrative s’est montrée incapable de mener à bien les réformes structurelles auxquelles elle s’était engagée.

Juste avant les élections législatives, 927 millions d’euros – soit 12,9 % de la richesse nationale – se sont volatilisés du système bancaire ! Un ancien premier ministre, soupçonné par le parquet d’avoir lui-même soustrait 225 millions d’euros dans cette affaire, a été arrêté.

L’instabilité politique chronique et ce « vol du siècle » suscitent un mouvement de protestation populaire sans précédent, avec un campement permanent et des manifestations quotidiennes réunissent jusqu’à 100 000 personnes. Cette contestation radicale des élites pro-européennes porte en germe la remise en cause du tropisme occidental manifesté par la Moldavie depuis son accès à l’indépendance.

En rétorsion des violations constantes des droits de l’homme en Biélorussie, l’Union européenne a adopté des sanctions dès 2004.

En raison de cette situation, la ratification de l’Accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne signé en 1995 est suspendue depuis 1997. Il n’existe pas non plus de plan d’action pour la Biélorussie dans le cadre de la PEV. Bien qu’elle appartienne au Partenariat oriental, elle ne participe qu’à son volet multilatéral.

La Biélorussie est membre fondatrice, avec la Russie et le Kazakhstan, de l’UEEA, mais le Président Loukatchenko prend manifestement garde de ne pas transformer cette union douanière en une union politique, qui serait de nature à diluer la souveraineté nationale dans une structure supra-étatique dominée par la Russie. Il a en outre refusé de reconnaître l’annexion illégale de la Crimée et d’adopter un train de sanctions à l’encontre de l’Union européenne dans la foulée de celui décidé par Moscou.

Il s’est aussi révélé un intercesseur coopératif pour trouver une porte de sortie à la crise dans le Donbass, en recevant les quatre dirigeants du format « Normandie »à Minsk, à deux reprises, en septembre 2014 et en février 2015.

Sur le plan intérieur, le 11 octobre 2015, le Président Loukatchenko a été réélu pour un cinquième mandat avec 83,49 % des voix, mais dans un climat beaucoup plus serein que lors des précédents scrutins. De plus, les six derniers prisonniers d’opinion ont été libérés le 22 août.

Les dirigeants européens souhaitent encourager ce mouvement significatif de normalisation en suspendant rapidement l’essentiel de leurs sanctions et peut-être en les levant courant 2016, à condition que des progrès continuent à être constatés en matière de démocratie et de respect des libertés fondamentales.

Des négociations en vue de l’approfondissement de la coopération bilatérale dans le cadre du Partenariat oriental pourraient alors être envisagées. Dans cette perspective, l’Union européenne bénéficie manifestement des bonnes grâces d’une partie des technocrates biélorusses, qui jugent préférable, pour leur pays, de se tourner vers une Union européenne potentiellement généreuse en fonds structurels plutôt que vers une Russie économiquement exsangue.

En Azerbaïdjan, au contraire, l’heure semble être à une dégradation du climat politique, avec l’incarcération de trois figures emblématiques de la société civile, pour des motifs fallacieux d’évasion et de fraude fiscales.

Le 10 septembre, le Parlement européen a adopté une résolution d’actualité condamnant les violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan. En rétorsion, le Parlement azerbaïdjanais lançait une procédure de retrait d’Euronest, l’assemblée parlementaire du Partenariat oriental.

Par ailleurs, le pays est traumatisé par le conflit territorial du Haut-Karabakh, région montagneuse du centre du pays mais majoritairement peuplée d’Arméniens, sécessionniste de fait depuis 1991, avec le soutien militaire de l’Arménie voisine. Donald Tusk a récemment rappelé que l’Union européenne « soutient l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Azerbaïdjan » et qu’elle n’a « pas reconnu le Haut-Karabakh ».

L’Azerbaïdjan affiche le PIB par habitant de loin le plus élevé des pays du Partenariat oriental. C’est en effet un producteur majeur sur le marché des hydrocarbures, ce qui en fait un partenaire stratégique de l’Union européenne, désireuse de diversifier ses sources d’approvisionnement.

Les marges de manœuvre financières dont jouit l’Azerbaïdjan grâce à cette richesse en ressources naturelles le rendent modérément intéressé par l’intégration de l’acquis communautaire ; dans cette même logique, il se montre d’ailleurs indifférent au dessein russe de confédération eurasiatique. En outre, le Président Ilham Aliev est rétif à toute ingérence étrangère en matière de droits de l’homme et donc au principe de conditionnalité des aides européennes.

Bakou aspire en réalité à établir avec l’Union européenne une coopération sur un pied d’égalité, organisée dans le cadre de sommets bilatéraux réguliers. Dans cet esprit, l’ouverture de négociations en vue de la signature d’un Accord de partenariat stratégique est envisagée. Le coup de froid consécutif à l’adoption de la résolution critique du Parlement européen étant passé, l’administration présidentielle azerbaïdjanaise semble demandeuse de discussions plus approfondies en ce sens.

L’Arménie est le pays le moins peuplé et le plus enclavé du Partenariat oriental. Sa survie économique dépend dans une large mesure du soutien de la Russie ; elle a d’ailleurs adhéré à l’UEEA. Des négociations en vue de la conclusion d’un Accord d’association avec l’Union européenne avaient pourtant été clôturées en juillet 2013 mais l’Arménie a fait volte-face au dernier moment.

La coopération bilatérale s’était néanmoins approfondie en 2012, avec la signature d’un protocole relatif aux principes généraux de la participation de l’Arménie aux programmes de l’Union européenne. De plus, un accord visant à faciliter la délivrance des visas et un accord de réadmission entre l’Union européenne et l’Arménie sont entrés en vigueur en 2014.

Pour ouvrir de nouvelles perspectives, la Commission européenne et la haute représentante viennent de se voir confier un mandat de négociations avec Erevan en vue de la signature d’un nouvel accord-cadre plus approfondi en matière de dialogue politique, de relations commerciales et de promotion des investissements, et élargi à des sujets comme la justice, la liberté et la sécurité. L’ensemble des dispositions devront être compatibles avec les obligations internationales respectives des deux parties, notamment celles de l’Arménie vis-à-vis de la Russie.

Les discussions prendront sans doute plusieurs années mais, à terme, l’Arménie pourrait être amenée à jouer un rôle de passerelle entre la Russie et l’Union européenne.

Celle-ci a salué le projet de transition d’un régime présidentiel vers un régime parlementaire, présenté en avril 2014, même si l’absence de consensus politique sur la question empêche aujourd’hui sa mise en œuvre. Des progrès ont également été réalisés en matière d’indépendance du secteur judiciaire, même si la méfiance de la population à l’égard du pouvoir judiciaire persiste. Néanmoins, l’absence de progrès dans le renforcement des droits de l’homme et la lutte contre la corruption constitue un défi majeur.

L’économie géorgienne a bien résisté au conflit d’août 2008 avec la Russie mettant en jeu les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, majoritairement peuplés de russophones.

Ceux-ci ont signé avec la Russie des « traités d’alliance et d’intégration », ce qui constitue une nouvelle étape dans la violation de la souveraineté géorgienne. De plus, ils viennent d’installer des panneaux de démarcation sur la frontière administrative les séparant du reste de la Géorgie, 1,5 kilomètre au-delà des limites prévues.

L’Union européenne, extrêmement attentive à un retour à la légalité, a créé la fonction de représentant spécial pour le Caucase Sud et la crise en Géorgie. Dans le cadre des discussions menées à Genève avec la Russie, la Géorgie et les entités séparatistes, elle ne cesse de soutenir l’intégrité territoriale de la Géorgie au sein de ses frontières internationalement reconnues et se déclare déterminée à chercher une résolution pacifique.

Ces événements ont poussé la Géorgie à se tourner résolument vers l’Union européenne, qui est son premier partenaire commercial. La relation entre l’Union européenne et la Géorgie s’est intensifiée à partir de 2003, avec la « Révolution des roses », et est aujourd’hui structurée par un Accord d’association. Ce texte est considéré par la Géorgie comme un point de non-retour pour faire reconnaître le fait qu’elle est européenne.

Par ailleurs, la Géorgie coopère à la Politique de sécurité et de défense communes à travers un accord-cadre qui l’a amenée à participer à deux opérations de l’Union européenne, sur les théâtres centrafricain et malien.

Elle aspire également à adhérer à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), qui s’apprête à ouvrir un centre d’entraînement sur son territoire. Un élargissement de l’Alliance transatlantique à la Géorgie constitue cependant, du point de vue de la Russie, une ligne jaune.

M. Arnaud Richard. La médiation de l’Union européenne a permis la signature, le 26 octobre, d’un accord relatif aux livraisons de gaz russe à l’Ukraine, vous l’avez rappelé. L’enjeu dépasse ce pays puisque la Russie fournit 15 % du gaz importé par l’Union européenne. Les approvisionnements, qui étaient suspendus depuis le 1er juillet, pourront reprendre jusqu’à la fin de l’hiver. Des discussions sont-elles en cours en vue de proroger cet accord ?

M. Joachim Pueyo, rapporteur. Les discussions vont se poursuivre car toutes les parties y ont intérêt. C’est le cas de l’Union européenne, qui joue un rôle essentiel dans ces négociations, mais aussi de la Russie, qui ne peut se passer du produit de ses exportations de gaz vers l’Ukraine. Je suis donc optimiste quant à la prorogation, au-delà de mars 2016, de l’accord qui vient d’être signé.

La Présidente Danielle Auroi. J’ajoute que, à la suite de la mission que nous avions conduite l’an dernier en Ukraine, j’ai l’intention, avec nos collègues du Bundestag et peut-être de la Diète polonaise, d’en programmer une nouvelle courtant 2016. Le président du groupe d’amitié France-Ukraine et son vice-président Joachim Pueyo seront évidemment invités à y participer.

II. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les mesures des émissions de polluants atmosphériques dans le secteur de l’automobile (proposition de règlement (UE) portant modification du règlement (CE) no 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5/6) (document E 10565)

La Présidente Danielle Auroi. J’ai souhaité que notre commission examine la proposition de règlement de la Commission portant modification du règlement (CE) no 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5/6).

En effet, alors qu’a éclaté voici quelques semaines l’affaire Volkswagen, ce texte participe à la redéfinition des procédures, essais et prescriptions pour la réception des véhicules, avec une nouvelle procédure d’essai, en conditions de conduite réelles (RDE).

Cette procédure a pour objectif de mieux refléter les émissions mesurées sur route que le cycle d’essai en laboratoire (désigné par l’abréviation NEDC) aujourd’hui utilisé.

S’il apparaît nécessaire de finaliser les détails techniques relatifs au système de contrôle RDE, afin de le mettre en œuvre le plus rapidement possible, les suites de l’affaire Volkswagen, notamment en matière de protection de la santé et de protection des consommateurs, conduisent à questionner la possibilité d’autoriser la réception en dépit d’un écart majeur entre les résultats issus des deux procédures d’essai.

Pour la crédibilité de notre industrie automobile, le bien-être des consommateurs et la protection de notre environnement et de notre santé, nous avons besoin d’avoir la certitude que l’industrie automobile respecte scrupuleusement les limites fixées d’émissions de polluants atmosphériques.

Notre commission en a débattu voilà un an et demi lorsque, à la suite de l’adoption par la Commission Barroso d’un train de mesures sur l’amélioration de la qualité de l’air, le « paquet Air pur », nous avons adopté des conclusions sur la lutte contre la pollution atmosphérique sur proposition de notre collègue Arnaud Leroy. Je ne reviens donc pas aujourd’hui sur l’impact extrêmement négatif des polluants atmosphériques.

Aujourd’hui, tout le monde découvre – ou semble découvrir, car l’information était disponible et le Parlement européen s’était à plusieurs reprises emparé de ce sujet    que les normes européennes de pollution des véhicules ne sont pas respectées :

Soit de façon délibérée – selon le Financial Time du lundi 26 octobre, la Commission européenne a eu connaissance de manipulations des tests d'émission par les constructeurs automobiles dès 2013 – mais il faudra sur ce point attendre le résultat des enquêtes en cours.

Mais aussi parce que les tests ne sont pas faits en conditions réelles de conduite.

Je vous propose dans un premier temps de revenir sur la manipulation reprochée au groupe Volkswagen, avant de voir ses conséquences sur le système européen de contrôle des émissions de polluants par les véhicules automobiles tel qu’il fonctionne aujourd’hui, et les pistes de réforme.

Le premier constructeur automobile d’Europe, le groupe Volkswagen, a reconnu avoir utilisé un logiciel lui permettant, pour plusieurs centaines de milliers de ses voitures, d’outrepasser les limites d’émissions de polluants atmosphériques aux États-Unis.

Nous sommes donc là devant un cas d’utilisation d’un dispositif d’invalidation, technique interdite par le droit européen depuis 2007.

Entre 2013 et 2014, à la demande d’une ONG, l’Université de Virginie-Occidentale a effectué une série de tests en condition réelles sur cinq types de routes représentatives de la Californie avec trois modèles diesel, tandis que l’Agence de protection de la qualité de l’air de Californie, procédait aux tests en laboratoire sur ces mêmes véhicules.

En conditions réelles, les émissions de dioxyde d’azote se sont révélées être considérablement supérieurs aux normes. Cette divergence a entrainé le lancement d’une enquête par l’Agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, et son homologue californien.

Le 18 septembre dernier, l’EPA a révélé que près d’un demi-million de véhicules diesel de marque Volkswagen et Audi, construits entre 2009 et 2015 et vendus aux États-Unis, avaient été équipés d’un logiciel permettant de fausser les émissions d’oxydes d’azote en déclenchant un mode de fonctionnement spécifique aux tests avant homologation de l’administration américaine. En pratique, ce logiciel activait l’équipement antipollution de la voiture à 100 % seulement quand celle-ci passait les contrôles officiels.

Le constructeur allemand a annoncé que jusqu’à 11 millions de ses voitures à travers le monde pourraient être touchées. Or si le mécanisme de fraude a été identifié aux États-Unis, c’est l’Union européenne qui est quantitativement la première touchée, avec plus de 8 millions de véhicules concernés.

Quelles sont les conséquences ?

• Premièrement, l’instillation d’un doute vis-à-vis de l’Union européenne et la fragilisation du premier constructeur automobile d’Europe, donc une image dégradée de l’Europe.

À la veille de la COP 21, la crédibilité de l’Union européenne vis-à-vis de nos concitoyens et du reste du monde est entachée par cet épisode.

Les Européens sont touchés en tant que citoyens, tant par la violation de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises que cette pratique représente qu’en raison des répercussions négatives sur leur santé découlant du surplus de pollution atmosphérique, et en tant que consommateurs, puisque c’est sur le marché américain que cette fraude massive a été révélée, et non pas en Europe, mettant ainsi en évidence les carences du système de surveillance du marché européen.

Vis-à-vis du reste du monde, cette affaire fragilise la position de l’Union européenne quant à la défense de ses normes environnementales mais aussi, par ricochet, de son industrie, puisque l’avantage comparatif qualitatif apparaît n’être qu’en « trompe l’œil ».

Je ne partage pas du tout sur ce point l’optimisme que traduit cette étude menée auprès de 1 000 personnes outre-Rhin par le cabinet Prophet et publiée lundi 19 octobre, selon laquelle 65 % des sondés restent convaincus de « l’excellence » des véhicules Volkswagen malgré la polémique, et 63 % pensent que l’affaire sera vite oublié. C’est, à mon avis, la pointe émergée d’un iceberg…

Cet oubli est d’autant moins probable que le groupe industriel concerné pourrait s’en trouver durablement fragilisé.

Selon les informations de la presse allemande, le constructeur estime à au minimum 40 milliards d’euros le coût induit par cette fraude sur les émissions de ses moteurs diesel, avec des coûts directs (rappel de l’intégralité du parc automobile concerné, interdiction à la vente, ou encore prise en charge des aides publiques sur la base de performances environnementales indûment accordées, coût des amendes qui pourraient résulter des procédures administratives et judiciaires en cours) mais aussi des répercussions économiques : Volkswagen a ainsi annoncé une réduction complémentaire de ses dépenses de 5 milliards d’euros, et une réduction des dépenses d’investissement de 1 milliard d’euros par an jusqu’en 2019, avec des conséquences en chaine pour les salariés, pour les sous-traitants dans nombre d’États membres…

En France, plusieurs enquêtes préliminaires pour tromperie aggravée ont été ouvertes sur le plan judiciaire et une enquête a été ouverte par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les résultats de cette dernière enquête administrative sont attendus fin novembre ou début décembre. Des enquêtes similaires ont par ailleurs été ouvertes au niveau national en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.

À contrario, la Commission européenne se limite aujourd’hui à un rôle de coordonnateur, avec la mise en place d’une plateforme d’échange d’informations et de coordination des actions menées sous l’égide des États membres et une réunion des autorités d’homologation à la mi-octobre. Mme Elżbieta Bieńkowska, commissaire en charge du marché intérieur, a précisé que la Commission n’avait pas l’intention d’agir jusqu’à ce que les États membres aient mené leurs propres enquêtes.

• Deuxième conséquence, la mise en cause du système européen de contrôle des émissions de polluants par les véhicules automobiles tel qu’il fonctionne aujourd’hui.

Ce dernier se voit en effet reprocher :

• Premièrement, son caractère décentralisé, en application du principe de subsidiarité.

L’Union européenne dispose de la compétence de définir les limites d’émissions et les procédures de tests, mais il revient aux États membres de s’assurer de la mise en œuvre de ces tests. Pour suivre ces questions depuis des années, je considère que notre pays n’est pas à jour à ce propos.

Pour diminuer le risque de fraudes, les agences d’homologation spécialisées font l’objet d’audits, les appareils de mesure subissent un étalonnage et les contrôleurs sont tenus de prêter serment, mais il n’y a pas de supervision par un organe européen indépendant.

Le constructeur choisit l’État membre dans lequel il souhaite procéder à la réception européenne de son véhicule. Cet État membre diffuse la réception aux autres États membres. Les véhicules peuvent ensuite être immatriculés directement dans chaque État membre.

La conséquence, c’est le développement d’une pratique, le « chalandage administratif », comme d’autres pratiquent le « chalandage fiscal ».

Lors d’une table ronde organisée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 13 octobre dernier, la représentante de la direction générale « marché intérieur, industrie, entreprenariat et PME » de la Commission européenne, Mme Joanna Szychoswka, a reconnu que ce système « d’homologation décentralisée, confiée à chaque État membre, incitait les constructeurs à rechercher le système le plus souple ou le moins cher ».

• Deuxième critique : si les normes sont régulièrement durcies, les émissions sont toujours testées en environnement contrôlé.

Depuis un peu plus de 20 ans, les normes européennes Euro réglementent les émissions des polluants primaires à l’échappement des moteurs à essence, diesel ou GPL des véhicules neufs.

Le principal progrès de la norme Euro 6, applicable depuis le 1er septembre 2015, porte d’ailleurs sur les NOx, puisqu’elle réduit par deux les rejets maximaux autorisés de ces polluants, qui restaient peu plafonnés. Les véhicules nouvellement enregistrés ne doivent ainsi pas émettre plus de 80 milligrammes de NOx par kilomètre.

Mais ces polluants sont aujourd’hui encore testés à l’échappement en environnement contrôlé.

Or un différentiel est constaté tant par les ONG que par des organismes officiels entre les émissions calculées selon ce cycle d’homologation standardisé et celles calculées en usage réel.

Selon l’association Transport & Environnement, le différentiel moyen serait de 40 % en matière d’émissions de CO2 en 2014, contre 8 % en 2001, et aujourd’hui, 9 véhicules diesel neuf sur 10 ne sont pas conformes aux normes en conditions normales d’utilisation.

Pourquoi de tels différentiels ? Tout simplement parce que les tests, tels qu’ils sont réalisés aujourd’hui, permettent aux constructeurs d’optimiser – je dirai pour ma part manipuler – les données. Plusieurs stratagèmes existent : surgonflage des pneus, amélioration des lubrifiants, vitesse réduite uniforme, etc.

• Toutefois, un virage avait été amorcé, avec l’annonce d’un durcissement des procédures de contrôle avec des tests en conditions réelles de conduite à échéance 2018 pour tous les nouveaux véhicules.

Informée depuis 2011 de l’existence de ce différentiel, la Commission a proposé en 2014 un paquet législatif en quatre parties, dit RDE (Real Driving Emissions).

Une nouvelle méthodologie, adoptée en mai 2015, a permis de redéfinir les protocoles de tests pour réduire la différence constatée entre les émissions réelles et celles constatées en laboratoire en mesurant les émissions avec un système embarqué, avec une mise en œuvre en deux phases : une phase initiale à partir de janvier 2016, à des fins de suivi, sans « aucun impact sur la certification des véhicules par les autorités nationales d’homologation », dans un premier temps.

La deuxième partie porte sur les délais et niveaux intermédiaires auxquels les constructeurs devront se conformer avant d’atteindre progressivement 80 mg par kilomètre.

Les troisième et quatrième parties porteront sur les particules et sur la conformité en service. Cela devrait permettre de diminuer, voire de supprimer les différences constatées aujourd’hui entre tests et conduite normale.

Reste, dans ce contexte, une question d’importance : quid des procédures d’homologation en cas de divergence majeure entre les résultats obtenus en laboratoire et ceux en conditions réelles de conduite ?

Une révision des limites d’émissions « à ne pas dépasser » dans le cadre de ces tests RDE est nécessaire, afin de définir des « déviations minimales » par rapport aux limites fixées par le règlement 715/2007/CE.

Les scientifiques estiment ainsi que les niveaux d’émissions peuvent augmenter de 400 % quand un véhicule est testé sur la route. La marge de déviation autorisée est donc une question cruciale.

Un flou épais persiste sur ce sujet. Selon les informations publiées par la presse européenne, si la Commission prévoit une marge de 60 % entre septembre 2017 et septembre 2019, puis de 20 % ensuite, certains pays européens où le secteur automobile pèse d’un poids important demanderaient une tolérance jusqu’en 2019 de 200 à 300 % supérieures aux émissions mesurées en laboratoire puis de 200 % ensuite. L’Allemagne estimerait, pour sa part, nécessaire d’approfondir les études pour définir le seuil de tolérance pour la période transitoire, et que ce dernier soit d’au moins 40 % à partir de 2019.

La Commission se fixait initialement pour objectif une entrée en vigueur de ces limites à l’automne 2017 pour les différents modes d’homologation et à l’automne 2018 pour tous les nouveaux véhicules, au nom du respect d’un « juste équilibre entre les objectifs fixés en termes de rejet d’émission et la faisabilité technique ».

Il est essentiel à mes yeux que, alors que des millions de véhicules vont être rappelés, voire interdits à la vente parce que leurs performances en matière de polluants automobiles ne sont pas celles qu’elles prétendaient être, d’autres véhicules automobiles ne puissent pas être homologués, à partir de janvier prochain, alors même qu’aurait été mise en évidence une divergence majeure entre les résultats obtenus en laboratoire et ceux en conditions réelles de conduite.

À défaut, il me semblerait que l’équilibre ne serait pas juste, pour reprendre le terme même de la Commission.

Quels sont les prochains enjeux ?

• D’abord, la publication des résultats des mesures à l’œuvre actuelle de vérification ex post de la conformité des véhicules aujourd’hui en circulation dans l’Union européenne doit permettre d’établir clairement si un mécanisme d’invalidation similaire a été utilisé, et l’ampleur des divergences des émissions.

Des États membres ont décidé de mettre en œuvre des mesures de vérification ex post de la conformité des véhicules aujourd’hui en circulation dans l’Union européenne. Certains États membres testeront les voitures en circulation, d’autres s’appuieront sur le résultat des tests allemands. La France fait partie de la première catégorie.

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal, a ainsi annoncé la création d’une commission indépendante sur les émissions, qui a pour mission de tester une centaine de véhicules pris au hasard, mais n’abordera pas la question majeure des tests d’homologation et de leur décalage avec la conduite en conditions normales.

Il est clair à mes yeux qu’il ne peut s’agir de se limiter à la seule question des NOx, mais que les investigations doivent concerner tous les polluants atmosphériques, en particulier le CO2, compte tenu de son impact sur le réchauffement climatique et compte tenu – aussi – de son poids dans la fiscalité et les incitations écologiques.

À l’issue de la réunion à Luxembourg du dernier Conseil Compétitivité, le 1er octobre, la commissaire en charge du marché intérieur et de l’industrie, Mme Elbieta Bienkowska, a annoncé que la Commission remettrait aux États membres un rapport détaillé sur l’ampleur des faits reprochés au groupe Volkswagen au plus tard le 30 novembre, en vue de la prochaine réunion du Conseil dans ce format, à partir des enquêtes menées au niveau national.

• Ensuite, les responsabilités doivent être établies, des sanctions appropriées prises et le régime de réception des véhicules rénové.

Le Parlement européen vient de voter en plénière cet après-midi une résolution demandant, notamment, une enquête approfondie sur le rôle et la responsabilité de la Commission et des autorités des États membres.

J’apporte mon plein soutien à cette initiative. Compte tenu du mode de fonctionnement du système européen de contrôle, où les États membres sont «  en concurrence » sans supervision par un organe européen indépendant, de l’admission par la Commission de sa connaissance des divergences depuis 2011, et des informations de presse selon lesquelles la Commission européenne a eu connaissance de manipulations des tests d'émission par les constructeurs automobiles, il importe d’établir pourquoi ce n’est qu’en 2015 que la Commission et les États membres s’attaquent sérieusement à cette question.

L’article 5-2 du règlement (CE) 715/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) dispose que « l’utilisation de dispositifs d’invalidation qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions est interdite ».

La surveillance du marché et le contrôle du respect de la législation en matière de réception des véhicules incombent aux États membres. L’article 30 de la directive cadre 2007/ 46/CE prévoit que ceux-ci prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les véhicules soient conformes au type réceptionné. Les États membres peuvent d’ailleurs effectuer leurs propres essais s’ils soupçonnent une violation de la législation impliquant un véhicule réceptionné dans un autre pays de l’Union. Si cet État membre établit une telle violation, il peut demander à l’État membre qui a accordé la réception de prendre des mesures correctives.

S’il est, à ce stade des investigations des autorités nationales, et compte tenu des informations disponibles, prématuré de conclure avec certitude, il convient toutefois d’affirmer notre exigence qu’en cas de violation avérée, une sanction efficace, proportionnée et dissuasive soit mise en œuvre à l’encontre des constructeurs automobiles concernés.

Si les enquêtes sont aujourd’hui menées au niveau national, il est essentiel que la Commission y soit étroitement associée. C’est le premier temps de l’action.

Mais, pour l’avenir, il est nécessaire de garantir à cette dernière un rôle renforcé de contrôle du système de réception des véhicules dans l’Union, y compris en lui octroyant le pouvoir de demander une réévaluation de la réception et des certificats octroyés par les autorités nationales, celui de demander aux États-membres de lancer des procédures de contrôles fondées sur des preuves, et celui de demander le rappel ou de suspendre la mise sur le marché de véhicules lorsque preuve est faite du non-respect d’exigences prévues par le régime de réception.

Se posera aussi, bien sûr, la question des dispositifs d’incitation sur une base environnementale qui auraient été octroyés « à tort » sur la base de résultats ainsi faussés, faussant par ricochet la concurrence, ce qui justifie une action complémentaire de la Commission au titre de sa compétence en matière d’aides d’État illégales.

• Enfin, dernier enjeu, une accélération du passage aux tests en condition réelles de conduite qui ne soit pas dévoyée par des seuils de tolérance trop élevés.

Tant le Parlement européen que la Commission ont fait des propositions législatives.

La commission de l’environnement du Parlement européen a adopté, mercredi 23 septembre, une mise à jour des dispositions européennes sur les émissions des voitures, fixant des limites pour certains polluants, notamment les NOx.

Par amendement, les eurodéputés ont complété la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, qui modifie les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 en ce qui concerne la réduction des émissions polluantes des véhicules routiers, déposée le 31 janvier 2014, par l’insertion d’un essai de mesure des émissions dans des conditions de conduite réelle pour tous les véhicules réceptionnés ou immatriculés à partir de 2015, avec un facteur de conformité reflétant uniquement les tolérances possibles de la procédure de mesure des émissions en place à l’échéance 2017.

La Commission a annoncé un calendrier resserré pour le 2e paquet RDE, avec, pour objectif, la fin de l’année 2015.

La deuxième partie, en cours d’élaboration (stade de la comitologie), porte sur les délais et niveaux intermédiaires auxquels les constructeurs devront se conformer avant d’atteindre progressivement 80 milligrammes par kilomètre. Les troisième et quatrième parties porteront sur les particules et sur la conformité en service. Une publication est attendue pour décembre.

Cette « conjonction des volontés » devrait permettre d’aboutir à une réforme des procédures diminuant, à défaut de supprimer entièrement, les différences constatées aujourd’hui entre tests et conduite normale, à condition que les seuils de tolérance ne soit pas définis avec une souplesse telle qu’elle en vienne à annuler le bénéfice de la nouvelle procédure.

• Pour finir, il nous faut aussi nous demander « pourquoi en est-on arrivé là chez Volkswagen » ?

À cette question, voici la réponse faite par le responsable américain du groupe, M. Michael Horn, lors de son audition devant le Congrès américain le jeudi 8 octobre : « De mon point de vue, c’est la pression du système pour trouver des solutions [au problème] et la pression pour réduire les coûts » .

Dans une critique parue dans le journal Berliner Morgenpost du 21 septembre dernier, M. Thomas Sattelberger, ancien directeur du personnel du groupe Deutsche Telekom, dénonce une culture d’entreprise « où les porteurs de mauvaises nouvelles sont guillotinés, même s’ils ne sont pas responsables ». « Chez Volkswagen, cela marche comme en Corée du Nord, les camps de travail en moins », selon la formule du magazine Spiegel.

Dans un tel cadre, comment espérer qu’une alerte soit lancée ?

C’est ici, je crois, un point de convergence avec un autre sujet, celui des lanceurs d’alerte. Les points 20 et 22 de la résolution sur la proposition de directive relative au secret d’affaires, examinée à l’initiative de notre Commission et considérée comme définitive par notre Assemblée le 17 juillet dernier, insistent en effet sur la nécessité d’une protection spécifique des lanceurs d’alerte individuels, notamment des salariés, par le droit européen, je ne reviens pas sur nos débats.

Après son adoption, le 16 juin dernier, par la commission des affaires juridiques du Parlement européen, l’examen de ce texte est prévu en séance plénière au premier trimestre 2016, au mois de mars. Je ne peux donc qu’inviter notre Commission à réitérer avec force, au vu des éléments liés à la culture d’entreprise chez ce constructeur automobile qui se font jour, notre demande.

Il est aujourd’hui indispensable de « prendre le virage » technologique majeur de la transition vers un nouveau modèle de véhicule automobile plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine, au risque sinon, pour nos constructeurs automobiles, de ne plus jouer dans la première ligue mondiale dans un avenir plus rapproché qu’on ne le pense. Je doute fort que les consommateurs américains rachètent rapidement des automobiles Volkswagen…

Il nous faut d’ailleurs saluer, dans cette optique, le choix fait dans ce PLF 2016 d’amorcer le rapprochement du traitement fiscal entre les carburants essence et diesel.

M. William Dumas. Cet état des lieux démontre la nécessité de la mise en place d’une Agence européenne d’homologation des véhicules.

Mme Estelle Grellier. Il était utile que la Commission aborde cette question, eu égard au contexte, et fasse un point technique sur ces dispositifs, sans verser dans une vaine polémique sur l’influence du « lobby » des industries automobiles.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter les conclusions proposées, en supprimant toutes les mentions de situations particulières.

La Commission a ensuite adopté à l’unanimité les conclusions suivantes :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 191,

Vu le règlement 715/2007 (CE) relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 en ce qui concerne la réduction des émissions polluantes des véhicules routiers (COM/2014/28 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE (COM/2013/920 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (COM/2013/813 final),

Vu la résolution sur la proposition de directive relative au secret d’affaires, considérée comme adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 17 juillet 2015 (TA 572),

Vu les conclusions adoptées par la Commission des affaires européennes sur la lutte contre la pollution atmosphérique le 8 juillet 2014,

Considérant que les émissions dans l’atmosphère de substances polluantes ont de graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques,

Considérant que l’aggravation du phénomène en Europe appelle un renforcement de la législation, en particulier celle relatives aux émissions des automobiles et des poids lourds, qui constituent la principale source de polluants atmosphériques nuisibles à la santé,

Considérant, d’une part, les engagements pris par l’Union européenne en vue de la Conférence de Paris sur le Climat (COP 21), et d’autre part, les engagements pris par les entreprises dans le cadre du plan d’actions Lima-Paris (Agenda des solutions), destiné à faciliter la mise en œuvre de l’accord visé à Paris,

Déplore l’atteinte ainsi portée à la crédibilité de l’Union européenne en matière de respect de ses propres normes environnementales, ainsi que celle portée à l’image de l’industrie automobile européenne, auprès des citoyens et consommateurs européens, mais aussi du reste du monde ;

Regrette le retard dans la transition vers un nouveau modèle de véhicule automobile plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine qu’engendre le choix de mécanismes visant à se soustraire aux respect de normes démocratiquement adoptées, au risque de rater un virage technologique majeur ;

Prend acte du fait que la Commission européenne assure avoir été consciente depuis 2011 de la question du différentiel de résultat entre ceux des tests réalisés en laboratoire et ceux obtenus en conduite réelle, ainsi que de la redéfinition opérée en 2015 des paramètres des protocoles de tests pour réduire cette différence, qui en est la conséquence ;

Souhaite néanmoins une accélération du calendrier prévu pour le passage de la phase de simple contrôle à celle de validation de l’homologation pour la nouvelle procédure RDE ;

Juge nécessaire, dans un système décentralisé, d’assurer la transparence et un niveau égal des tests d’homologation entre les agences des États membres, afin de mettre fin à la possibilité d’ »  optimisation administrative » des constructeurs ;

Demande à la Commission et aux États membres d’étudier l’opportunité de mettre en place une Autorité européenne d’évaluation, voire de contrôle, pour garantir le respect des valeurs limites d’émission imposées par la législation européenne ;

Appelle les États membres à une vérification ex post de la conformité des véhicules aujourd’hui en circulation dans l’Union européenne, afin de restaurer la crédibilité de l’industrie automobile européenne, et de prendre les mesures correctives appropriées en cas de divergences majeures ;

Souligne la nécessité d’une action résolue des États membres en cas de violation avérée du droit européen, par une sanction efficace, proportionnée et dissuasive, et de la Commission pour ce qui regarde la question des aides d’État, en matière d’incitations fiscales qui auraient pu bénéficier à des véhicules ne répondant pas aux spécificités environnementales y donnant droit ;

Réitère avec force sa demande d’une protection spécifique des lanceurs d’alerte individuels, notamment des salariés, par le droit européen. »

La Commission a autorisé la levée de la réserve parlementaire sur la proposition de règlement D040155/01 – E 10565.

La séance est levée à 17 h 55

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 27 octobre 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Isabelle Bruneau, M. William Dumas, Mme Estelle Grelier, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard

Excusés. - M. Philip Cordery, M. Bernard Deflesselles

Assistaient également à la réunion. - Mme Michèle Bonneton, M. Michel Voisin