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N° 2510

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire l’utilisation des machines à voter
pour tous les scrutins régis par le code électoral,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. François ROCHEBLOINE,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article L. 57-1 du code électoral, introduit par la loi n° 69-419 du 10 mai 1969, permet, dans les communes de plus de 3 500 habitants le recours aux machines à voter pour les élections politiques. La liste de ces communes est établie, dans chaque département, par le préfet.

La réglementation technique de ces machines a été fixée en dernier lieu par l’arrêté du 17 novembre 2003 pour permettre leur adaptation aux technologies nouvelles. Toujours en vigueur, cet arrêté encadre l’organisation de la procédure d’agrément et énumère les exigences que doivent impérativement satisfaire les machines pour en bénéficier.

À l’occasion des élections présidentielles de 2007, de nombreux dysfonctionnements furent constatés. Après avoir envisagé, dans un premier temps, de remédier aux conséquences de ces dysfonctionnements en augmentant les effectifs des personnels chargés de la gestion des opérations de vote, le ministère de l’intérieur a décidé, en 2009, d’instaurer un moratoire, de sorte que, depuis cette date, aucune nouvelle commune n’a été autorisée à utiliser les machines à voter.

Au fil des années plusieurs communes ont renoncé d’elles-mêmes à recourir à ces machines : seules 64 communes en étaient encore équipées lors des derniers scrutins du printemps 2014 (élections municipales et européennes). Aujourd’hui, le vote dit « électronique » demeure marginal et en sursis, le débat sur leur utilisation a été relancé à partir des inconvénients majeurs qui affectent, d’une part, l’organisation du scrutin et, d’autre part, la sécurité des systèmes utilisés (1).

Sur le premier point, il est de fait que, dans sa rédaction actuelle, le code électoral n’est pas conçu pour permettre une généralisation du vote électronique. La substitution aux isoloirs et à l’urne traditionnelle transparente d’une machine à voter n’a pas été suffisamment pensée ; en particulier, le rôle des assesseurs est remis en cause par la machine, dont la programmation leur échappe, des problèmes de confidentialité subsistent, aucun recomptage n’est possible, etc. De plus, dans les communes pourvues de machines à voter, il convient de souligner que les bulletins de vote ne sont plus adressés aux électeurs par les commissions de propagande.

Sur le second point, la sécurité des systèmes utilisés, rien ne permettra jamais de garantir totalement que la sincérité du scrutin est préservée, sachant qu’en l’état actuel de la réglementation, il impossible pour un électeur, un assesseur ou un candidat de détecter un dysfonctionnement, une anomalie ou une fraude. De surcroît, il est certain que ni les pannes inhérentes à tout système informatique, ni le risque de malversation ne pourront jamais être ramenés à zéro. En fait, « le vote électronique impose à l’électeur d’accorder sa confiance à toute une série d’intermédiaires techniques » (2) : fabricants de la machine, vendeurs, installateurs, programmeurs... Quant aux mesures de « sécurisation des machines en amont » préconisées par de simples circulaires ministérielles, il semble qu’elles ne soient pas vraiment appliquées. À l’inverse, le scrutin papier avec des urnes transparentes permet à l’électeur de s’assurer de visu que son bulletin est bien pris en compte.

C’est pourquoi, et bien qu’aucune fraude n’ait été avérée, du moins en France, beaucoup de nos concitoyens nourrissent des soupçons et des craintes à l’encontre de ces machines (3).

Cette défiance doit être entendue car notre démocratie représentative repose d’abord sur la confiance des Françaises et des Français dans le résultat des élections. La régularité et la sincérité des scrutins électoraux sont un principe républicain élémentaire. Dès lors que le fonctionnement des machines à voter comporte un risque d’utilisation objectivement établi, pouvant conduire à méconnaître ce principe, elles ne peuvent plus être utilisées pour l’organisation de consultations électorales, notamment d’élections politiques.

Le seul intérêt de ces machines à voter est de permettre l’obtention rapide des résultats d’une élection. Cela n’est rien au regard de la nécessaire confiance des électeurs dans le processus électoral et le résultat proclamé. Enfin, les économies annoncées, devant résulter de l’utilisation de machines à voter reste à démontrer : investissement, contrôles, mises à niveau, programmations en vue de chaque tour de scrutin, pour une utilisation restreinte (une élection par an en moyenne), etc. avec le risque d’avoir du matériel très dépassé et obsolète, donc complètement vulnérable.

En rétablissant la seule pratique visible, le dépôt dans l’urne d’une enveloppe contenant un bulletin papier, qui symbolise la transparence, ainsi que le lien direct entre la volonté de l’électeur et l’expression de son suffrage, c’est la nécessaire confiance des électeurs en notre processus démocratique et ainsi le bon fonctionnement de nos institutions qui pourront être rétablis.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est proposé d’interdire l’utilisation de machines à voter dans les bureaux de vote.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 57-1 du code électoral est abrogé.

Article 2

Le second alinéa de l’article L. 58 du même code est supprimé.

Article 3

Le dernier alinéa de l’article L. 62 du même code est supprimé.

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 63 du même code est supprimé.

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 64 du même code, les mots : « ou de faire fonctionner la machine à voter » sont supprimés.

Article 6

La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 65 du même code est supprimée.

Article 7

L’article L. 69 du même code est ainsi rédigé :

«Les frais de fourniture des enveloppes et urnes qu’entraîne l’aménagement spécial prévu à l’article L. 62 sont à la charge de l’État ».

1 () Rapport d'information du Sénat sur le vote électronique (n° 445 du 9 avril 2014).

2 () Cf. question écrite de Mme Isabelle Attard, n° 59165-JO AN du 8 juillet 2014.

3 () Craintes non dissipées par les nombreuses vidéos accessibles via internet depuis plusieurs années, montrant la vulnérabilité des machines agréées.


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