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N° 2922

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
préalable au
débat d’orientation des finances publiques

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PARTIE I : LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ 9

I. SOUTENIR LE POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES 10

A. LA CONSOMMATION DES MÉNAGES SE REDRESSE 10

B. VERS UNE DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DÈS 2015 12

1. La question de la répartition des efforts entre ménages et entreprises 14

2. Améliorer l’information du Parlement sur l’impact des mesures fiscales 14

II. SOUTENIR L’INVESTISSEMENT POUR ACCOMPAGNER LA REPRISE ÉCONOMIQUE 18

A. DES CONDITIONS PLUS FAVORABLES POUR UNE REPRISE DE L’INVESTISSEMENT PRIVÉ 20

1. Le Pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE, au-delà de la restauration de la marge des entreprises, doivent soutenir l’investissement 22

2. Le suramortissement temporaire de 40 % doit contribuer à la relance de l’investissement privé 23

B. DES INQUIÉTUDES SUR L’INVESTISSEMENT PUBLIC 24

C. LE DÉMARRAGE DU « PLAN JUNCKER » 28

PARTIE II : LE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS 31

I. LES PREMIERS ÉLÉMENTS POUR 2015 31

II. L’ÉVOLUTION DES SOLDES 32

A. LE RESPECT DES OBJECTIFS DE SOLDE PUBLIC DE 2015 À 2017 REPOSE SUR UN EFFORT EXCEPTIONNEL EN RÉDUCTION DE DÉPENSES DE L’ÉTAT 32

1. Le solde public s’établira vraisemblablement à – 3,8 % du PIB en 2015, conformément à la prévision actualisée dans le programme de stabilité 32

2. L’inflation nulle observée en 2015 impose des mesures d’économies supplémentaires pour tenir la trajectoire prévue 34

3. Le respect de la trajectoire repose sur un effort exceptionnel de l’État sur ses dépenses 34

4. La trajectoire pour 2016 et 2017 suscite des questions de la part de la Cour des comptes 36

B. LE SOLDE STRUCTUREL S’AMÉLIORE MAIS SA LECTURE RESTE MALAISÉE 37

1. Un effort structurel en 2015 qui porte exclusivement sur les dépenses 38

2. Un changement de référentiel à partir de 2016 40

III. LES RECETTES PUBLIQUES 42

A. LE SCÉNARIO DU GOUVERNEMENT 42

1. Une décrue des prélèvements obligatoires à partir de 2015 42

2. Des recettes fiscales nettes en augmentation par rapport à 2014, portées par la reprise de la croissance 43

B. LES RISQUES SONT LIMITÉS SUR LES PRÉVISIONS DE RECETTES GRÂCE À UNE PRÉVISION DE CROISSANCE VRAISEMBLABLE 44

1. Des points d’attention signalés par la Cour des comptes 44

2. Un risque limité sur l’ensemble des prélèvements obligatoires 44

3. Une élasticité des recettes fiscales nettes en augmentation 47

IV. UN EFFORT EN DÉPENSES REPOSANT SUR LA RÉALISATION D’UN PLAN D’ÉCONOMIES DE 50 MILLIARDS D’EUROS ENTRE 2015 ET 2017 48

A. LE MAINTIEN D’UN FORT RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN 2015 49

1. Les dépenses de l’État 50

2. Les dépenses des ODAC 59

3. Les dépenses des administrations de sécurité sociale 59

4. Les dépenses des collectivités territoriales 60

B. LES OBJECTIFS POUR LA PÉRIODE 2016-2017 61

1. La sécurisation de l’exercice 2016 par l’annonce de nouvelles mesures d’économies 61

2. Les recommandations du Conseil de l’Union européenne pour les années 2015 à 2017 62

C. LA MISE EN œUVRE D’UNE REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES 63

V. UNE DETTE PUBLIQUE QUI AUGMENTE À UN RYTHME MOINS SOUTENU 65

A. UN RALENTISSEMENT DE L’AUGMENTATION DE LA DETTE PUBLIQUE 65

B. UNE REMONTÉE DES TAUX D’INTÉRÊT AURAIENT DES EFFETS TRÈS IMPORTANTS SUR LE DÉFICIT PUBLIC 68

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 69

EXAMEN EN COMMISSION 93

ANNEXE N° 1 : ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES MESURES FISCALES 99

ANNEXE N° 2 : CRÉDITS PRÉVISIONNELS DES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL SUSCEPTIBLES D’ÊTRE INSCRITS DANS LE PROJET DE FINANCES POUR 2016 111

ANNEXE N° 3 : SCHÉMA D’EMPLOI PRÉVISIONNEL PAR MINISTÈRE SUSCEPTIBLE D’ÊTRE INSCRIT DANS LE PROJET DE FINANCES POUR 2016 113

INTRODUCTION

Le débat d’orientation des finances publiques (DOFP) a pour objet de préparer la discussion parlementaire de l’automne sur la loi de finances. Il se situe cette année à un moment particulier : la France commence à renouer avec la croissance économique (trois trimestres consécutifs de croissance positive ce qui n’était pas arrivé depuis 2010), certes limitée, et parallèlement la dynamique de hausse ininterrompue depuis des années des dépenses publiques a été stoppée. Pour autant, ces deux facteurs d’amélioration de la situation économique et budgétaire ne sont pas encore suffisants pour à la fois mettre un coup d’arrêt aux destructions d’emplois dans le secteur marchand et mettre un terme à la hausse de notre niveau de dette publique.

Ce débat se situe lui aussi dans un contexte particulier : d’un côté les paramètres économiques sont plutôt favorables – les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, le taux de change euro / dollar est globalement favorable aux exportations – le prix du baril de pétrole est bas, de l’autre, il existe des incertitudes sur l’évolution de la conjoncture à la fois du fait de la situation en Grèce et de la demande mondiale qui se ralentit.

En dépit de la complexité liée à la conjoncture, plusieurs priorités semblent devoir être réaffirmées.

1. Le soutien à l’investissement, public et privé. Cette priorité n’a pas, pour l’heure, débouché sur des avancées tangibles : malgré la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), l’investissement privé n’est pas reparti. Quant à l’investissement public, porté pour moitié par les collectivités locales, il a reculé de 10 % en 2014 et pourrait baisser de nouveau en 2015 à hauteur de 8 %.

2. Le soutien au pouvoir d’achat des ménages. Plusieurs mesures ont été mises en œuvre en 2014 pour soutenir ce pouvoir d’achat. En 2015, 9 millions de foyers fiscaux bénéficieront de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui induira un gain moyen par foyer de 290 euros. Si cet effort sur l’impôt sur le revenu va dans le bon sens, la Rapporteure générale estime indispensable une analyse consolidée des prélèvements sur le ménage au regard de leur pluralité. Ainsi elle regrette qu’une vision synthétique intégrant l’impôt sur le revenu, les impôts locaux et la contribution sociale généralisée (CSG) n’ait pu être établie par le ministère de l’économie et des finances.

Ce débat d’orientation des finances publiques est aussi l’occasion de tirer un premier bilan des perspectives d’exécution du budget 2015. À ce stade, les objectifs budgétaires du Gouvernement devraient pouvoir être réalisés, sous réserve de pouvoir financer les engagements pris estimés par la Rapporteure générale à 4 milliards d’euros, soit 2 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la défense, 800 millions d’euros liés aux annonces du Gouvernement pour soutenir l’investissement et l’emploi, 1 milliard d’euros sur les administrations de sécurité sociale pour compenser les économies manquantes du fait de la faible inflation, et 500 millions d’euros sur les administrations centrales également pour compenser les économies manquantes du fait de la faible inflation.

Pour 2016 et 2017, les hypothèses qui sous-tendent le scénario du Gouvernement restent prudentes. La poursuite des objectifs de redressement des comptes publics et de baisse des prélèvements obligatoires imposera la poursuite d’efforts importants sur les dépenses dans le projet de loi de finances pour 2016.

PARTIE I : LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ

La politique de retour à la croissance du Gouvernement repose sur un diptyque :

– redonner du pouvoir d’achat aux ménages, en particulier ceux dont les revenus sont les plus modestes, pour relancer la consommation ;

– soutenir le niveau d’investissement public et privé.

Après une croissance faible en 2014, les perspectives semblent s’améliorer pour 2015. Au premier trimestre 2015, le produit intérieur brut (PIB) en volume augmente de 0,6 % après + 0,1 % au quatrième trimestre 2014. La précédente estimation diffusée lors des premiers résultats du 13 mai 2015 par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) est ainsi confirmée.

LE PIB ET SES COMPOSANTES

Note de lecture : au premier trimestre 2015, le PIB augmente de 0,6 % en volume (après seulement + 0,1 % au quatrième trimestre 2014), tiré par la consommation (+ 0,9 %). La formation brute de capital fixe (FBCF), c’est-à-dire l’investissement, baisse de nouveau, quoique plus légèrement qu’au quatrième trimestre 2014 (– 0,1 % après – 0,4 %). Les importations accélèrent (+ 2,6 % après + 1,8 %), tandis que les exportations ralentissent (+ 1,1 % après + 2,8 %). Au total, la contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB est négative : – 0,5 point, après + 0,2 point ; elle est contrebalancée par la contribution positive des variations de stocks (+ 0,5 point après – 0,3 point).

Source : INSEE, Informations rapides n° 154, Comptes nationaux trimestriels – Résultats détaillés du 1er trimestre 2015, 24 juin 2015.

Schématiquement, la croissance française repose pour 60 % sur la demande intérieure, 20 % sur l’investissement et 20 % sur les exportations (1). On constate sur le graphique ci-dessus que si la demande intérieure a pu être stimulée avec une hausse de la consommation des ménages, l’investissement et les exportations connaissent encore des évolutions négatives, et dès lors ils freinent la croissance.

I. SOUTENIR LE POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES

A. LA CONSOMMATION DES MÉNAGES SE REDRESSE

La consommation des ménages est un moteur traditionnel de l’économie française. Elle se redresse légèrement en 2014 et accélère en 2015 (+ 0,9 % au premier trimestre après + 0,2 % au dernier trimestre 2014), dans un contexte favorable, marqué par la baisse des prix du pétrole et une faible inflation.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES DEPUIS 1981 (*)

(en %)

(*) Comptes nationaux annuels base 2010 − Consommation finale effective − Ménages hors entrepreneurs individuels − Total des produits − Prix chaîné année de base (non équilibré).

Source : INSEE, juin 2015.

Cette embellie, encore fragile, s’appuie sur un redressement du pouvoir d’achat des ménages, qui doit cependant être conforté dans la durée, au-delà des facteurs conjoncturels précités.

En effet, conformément à la plupart des prévisions analysées à l’occasion de la présentation du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 (2), la baisse des prix du pétrole s’est interrompue dès le début de l’année 2015.

ÉVOLUTION DES PRIX DU PÉTROLE (BRENT)

Source : INSEE, Informations rapides n° 147, 16 juin 2015.

ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT DES MÉNAGES DEPUIS 2008

Revenu disponible brut par unité de consommation*

Variations t/t-1 (en %)


(*) Comptes nationaux annuels base 2010. Le revenu disponible brut est le revenu à la disposition des ménages pour consommer et épargner. La mesure du pouvoir d’achat serait biaisée si on rapportait le revenu disponible brut au ménage, sans prendre en compte les économies d’échelle liées à la taille de ces ménages (achat d’un seul bien pour tous les membres du ménage, plutôt que de plusieurs biens identiques, par exemple, une machine à laver). L’OCDE a défini une échelle d’équivalence qui attribue à un ménage un nombre d’unité de consommation (UC) qui prend en compte ces économies d’échelle : 1 UC pour le premier adulte du ménage ; 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; 0,3 UC pour les enfants de moins de quatorze ans.

Source : INSEE, juin 2015.

L’inflation, inférieure à 1 % depuis 2013, continuerait sa décrue. Le Gouvernement a en effet révisé sa prévision d’inflation à 0 % (au lieu de 0,9 % prévu en loi de finances initiale pour 2015) à l’occasion de la présentation du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018. En elle-même, une faible inflation est plutôt favorable à la consommation des ménages. Mais d’après les données de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) (3), les anticipations d’inflation des ménages ne sont toujours pas ancrées, en dépit d’un retour de l’inflation en zone euro (+ 0,3 % en moyenne annuelle en mai 2015 selon Eurostat après + 0,0 % en avril). Ces anticipations sont préjudiciables à la croissance. Il n’est en effet pas souhaitable que les agents économiques reportent indéfiniment leurs achats parce qu’ils anticipent le fait que les prix seront encore inférieurs demain.

INFLATION ET ANTICIPATIONS D’INFLATION DANS LA ZONE EURO

(en %)

Source : OFCE, avril 2015.

B. VERS UNE DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DÈS 2015

Le taux de prélèvements obligatoires a légèrement augmenté de 0,2 point de PIB en 2014 par rapport à 2013 pour atteindre 44,9 %, au lieu des 44,7 % avancés par le Gouvernement dans le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018. Cette augmentation est due :

– pour 0,15 point de PIB à des mesures nouvelles (hausses de cotisations sociales, notamment des cotisations vieillesse, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales – CNRACL – et AGIRC-ARRCO, et hausses des impôts locaux) ;

– pour 0,8 point de PIB à l’évolution spontanée des prélèvements obligatoires (c’est-à-dire à législation constante) ; celle-ci s’est très nettement redressée par rapport à 2013 bien que recouvrant des différences importantes entre sous-secteurs des administrations publiques.

En effet, l’évolution spontanée des prélèvements obligatoires résulte de deux mouvements en sens contraire :

– d’une part, les recettes fiscales de l’État, qui ont connu en 2014 une croissance spontanée négative ;

– d’autre part, celles des collectivités territoriales (dont les assiettes sont peu sensibles à la conjoncture) et celles des administrations de sécurité sociale (grâce à une augmentation de la masse salariale privée supérieure à celle du PIB), qui sont restées dynamiques.

ÉVOLUTION DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS 2009*
SUR LES ENTREPRISES ET LES MÉNAGES

(en % du PIB)

(*) Retraité des crédits d’impôts. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle base comptable SEC 2010, les prélèvements obligatoires sont calculés en comptabilité nationale hors crédits d’impôts, ces derniers étant désormais considérés comme des dépenses. La Cour des comptes, l’administration et l’INSEE continuent toutefois à présenter un taux de prélèvements obligatoires retraité pour donner une image plus juste de la pression fiscale.

Source : INSEE, mai 2015 ; les données provisoires sont issues du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

Conformément aux engagements du Gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires devrait amorcer sa décrue en 2015, en s’établissant à 44,4 % du PIB pour atteindre 44,2 % du PIB en 2017.

1. La question de la répartition des efforts entre ménages et entreprises

Après une diminution sensible des prélèvements pesant sur les entreprises, plusieurs mesures ont été adoptées pour donner du pouvoir d’achat aux ménages.

Ces mesures sont de deux types :

– les mesures générales au profit des ménages aux revenus modestes ou moyens, comme la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu réalisée en 2014 et le renforcement de la décote qui permet une entrée plus progressive dans l’impôt ;

– les dépenses fiscales ciblées, destinées à encourager certaines consommations particulièrement bénéfiques à la croissance.

Ce ciblage correspond à une logique d’équité et de justice sociale mais aussi à une logique économique. Les ménages aux revenus modestes et moyens sont en effet plus susceptibles de consommer immédiatement un surcroît de revenu que de reconstituer une épargne de précaution.

Mais le surcroît de consommation ainsi obtenu peut aussi bien concerner des biens produits en France que des biens d’importation. C’est pourquoi une partie des mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages prend la forme de dépenses fiscales ciblées pour encourager des achats à haute valeur ajoutée susceptibles de favoriser la relance de l’activité. S’inscrivent dans cette catégorie le crédit d’impôt pour la transition énergétique, au taux unique de 30 % sans obligation de réaliser un bouquet de travaux, adopté en loi de finances pour 2015, ou encore l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements de plus de deux ans, adoptée en loi de finances pour 2014.

2. Améliorer l’information du Parlement sur l’impact des mesures fiscales

Depuis sa prise de fonction, la Rapporteure générale demande aux services du ministère des finances des simulations permettant d’évaluer l’impact de l’ensemble des mesures fiscales nouvelles sur les ménages, par décile de revenu fiscal de référence (RFR), c’est-à-dire en fonction de leur niveau de revenu. La demande d’une évaluation de l’ensemble des prélèvements supportés par les ménages par décile de RFR s’est heurtée à un refus que la Rapporteure générale a jugé insuffisamment motivé.

Afin de mieux apprécier l’incidence des mesures adoptées sur le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement et le Parlement devraient disposer d’un outil transversal, permettant d’appréhender de façon globale l’évolution des impositions pesant sur les particuliers, sans se cantonner au seul impôt sur le revenu. Il importe notamment de prendre en compte :

– la fiscalité locale avec, au premier chef, la taxe d’habitation qui représentait des recettes de 20,25 milliards d’euros en 2013 ;

– les prélèvements sociaux, alors que le produit de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les seuls traitements, salaires et pensions s’établissait à 82,5 milliards d’euros pour l’année 2014, soit près de 20 % de plus que l’impôt sur le revenu au titre de cette même année.

Pour ce faire, il serait utile de procéder à la ventilation des foyers dans leur ensemble par décile de revenu ou de niveau de vie, et de mesurer pour chacun de ces déciles l’impact global des mesures prises en matière d’impôt sur le revenu, de fiscalité locale et de prélèvements sociaux au cours d’une année donnée.

D’ailleurs, ces catégories de prélèvements sont étroitement corrélées : des exonérations et dégrèvements de fiscalité locale sont conditionnés par le niveau du RFR des foyers fiscaux, lui-même lié aux modalités d’assujettissement de leurs ressources à l’impôt sur le revenu. Il en va de même pour l’exonération de CSG et pour l’application de la CSG à taux réduit bénéficiant aux titulaires de revenus de remplacement, notamment les retraités. Une approche d’ensemble des prélèvements pesant sur les ménages apparaît donc logique et éclairerait utilement les débats précédant l’adoption de mesures nouvelles.

IMPACT DES MESURES FISCALES ET SOCIALES INTERVENUES EN 2014
SUR LES MENAGES, VENTILÉS PAR DECILE DE NIVEAU DE VIE

(en milliards d’euros)

Ventilation des ménages par décile de niveau de vie (1) en 2013

Impact des mesures prises en matière d’impôt sur le revenu pour 2014 (hausse ou diminution moyenne d’impôt en euros)

Impact des mesures prises en matière de fiscalité locale pour 2014

(hausse ou diminution moyenne d’imposition en euros)

Impact des mesures prises en matière de CSG
(hausse ou diminution moyenne de contribution en euros)

Impact cumulé

(hausse ou diminution moyenne d’imposition en euros)

D1

       

D2

       

D3

       

D4

       

D5

       

D6

       

D7

       

D8

       

D9

       

D10

       

Ensemble de la population

       

(1) Ou, le cas échéant, ventilation des foyers fiscaux par décile de RFR ou par revenu déclaré par unité de consommation.

La Rapporteure générale a certes obtenu des évaluations de l’incidence en 2014 des principales mesures prises au cours des dernières années en matière d’impôt sur le revenu.

Un tableau élaboré par la direction générale du Trésor, publié dans le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2015 (4), permettait ainsi de retracer le rendement des principales mesures affectant l’impôt sur le revenu acquitté en 2014 par décile de foyers fiscaux, soit du fait :

– de dispositions de la loi de finances pour 2014 (revalorisation de la décote, abaissement du plafond du quotient familial, fiscalisation des majorations de pension et de la part employeur des complémentaires santé) ;

– de dispositions de la première loi de finances rectificative pour 2014 (réduction d’impôt exceptionnelle) ;

– de mesures antérieures (extinction de la demi-part « vieux parents », fiscalisation des heures supplémentaires, « barémisation » des revenus du capital).

VENTILATION DU RENDEMENT DES PRINCIPALES MESURES AFFECTANT L’IMPÔT SUR LE REVENU 2014 PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

(en millions d’euros)

Mesure

Décile 1

Décile 2

Décile 3

Décile 4

Décile 5

Décile 6

Décile 7

Décile 8

Décile 9

Décile 10

Total

Demi-part « vieux parents »

0

0

0

10

40

50

40

30

30

30

230

Heures supplémentaires

0

0

0

20

80

130

150

160

190

270

1 000

Barémisation*

0

0

0

0

10

40

40

70

150

2 940

3 270

Décote

0

0

0

– 30

– 70

– 50

– 20

0

0

0

– 180

Quotient familial à 1 500 euros

0

0

0

0

0

0

0

30

250

830

1 110

Complémentaires santé

0

30

40

80

120

100

100

100

140

220

930

Majorations de pension

0

0

0

30

120

130

130

180

270

580

1 440

Réduction d’impôt exceptionnelle

0

0

– 10

– 230

– 400

– 460

– 140

– 20

0

0

– 1 260

Total

0

30

20

– 130

– 90

– 60

310

540

1 040

4 870

6 540

(*) Il s’agit du rendement brut de la barémisation des revenus du capital, hors suppression du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), et hors créneaux et imputation du prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO).

Source : échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs : direction générale du Trésor.

L’objectif serait donc de compléter le tableau présenté supra avec les mesures affectant la fiscalité locale et les prélèvements sociaux au titre de l’année 2014, ce qui permettrait de dresser un bilan d’ensemble de l’imposition des ménages et de dépasser les raisonnements « en silo », par catégorie d’imposition.

La Rapporteure générale a également obtenu pour plusieurs mesures des estimations précises sur le nombre de foyers fiscaux concernés, la ventilation de ces derniers par décile et l’imposition moyenne supplémentaire – ou la baisse d’imposition – occasionnée, au titre de l’impôt sur le revenu, mais aussi, dans certains cas, au titre de la CSG, de la taxe d’habitation et d’autres impositions. Ces données figurent dans les tableaux présentés en annexe (annexe n° 1). Elles s’avèrent toutefois disparates dans leur présentation, notamment parce que la ventilation des foyers n’est pas réalisée selon les mêmes critères, selon les cas (5).

Aller au-delà, et réaliser un bilan global fondé sur des critères harmonisés, se heurte toutefois à certains écueils méthodologiques : afin de les identifier et de les lever, des réunions de travail avec les services de la direction générale des finances publiques et de la direction générale du Trésor ont été organisées. La Rapporteure générale, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), s’est également rendue sur place afin d’échanger sur les difficultés pratiques qui peuvent se poser, notamment en termes de systèmes d’information.

Le croisement des bases relatives à l’impôt sur le revenu et à la taxe d’habitation soulève des difficultés techniques : à titre d’exemple, le « chaînage » entre les 36,7 millions de foyers fiscaux comptabilisés au titre de l’impôt sur le revenu en 2014 et les 33,5 millions de foyers s’acquittant de la taxe d’habitation ne peut être établi de façon fiable que pour une population de 24,3 millions de foyers – en excluant notamment les résidences secondaires.

À l’heure où la mise en place d’une retenue à la source est envisagée pour le prélèvement de l’impôt sur le revenu, ces difficultés techniques sont inquiétantes.

En tout état de cause, la Rapporteure générale estime indispensable de disposer d’un bilan d’ensemble des mesures ayant eu une incidence sur le pouvoir d’achat des ménages au titre de l’année 2014, fondé sur des données suffisamment représentatives, au mois de septembre prochain, dans la perspective de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

II. SOUTENIR L’INVESTISSEMENT POUR ACCOMPAGNER LA REPRISE ÉCONOMIQUE

La formation brute de capital fixe (FBCF) – qui mesure en comptabilité nationale le niveau d’investissement des agents économiques – n’a pas encore atteint son niveau d’avant-crise (462,5 milliards d’euros en 2014 au lieu de 470,1 milliards d’euros en 2008, soit 21,7 % du PIB en 2014 au lieu de 23,5 % en 2008).

Source : INSEE, Comptes nationaux base 2010.

Or, le redémarrage de l’investissement est une des clés de la reprise économique. Soutenir l’investissement, tant public que privé, doit permettre de transformer le rebond de la croissance attendu en 2015 en reprise durable.

La France a, en effet, accumulé un retard important depuis 2008 en matière d’investissement des entreprises et des administrations par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l’Allemagne.

FBCF DES ENTREPRISES ET DES ADMINISTRATIONS

(base 100 en 2008)

Source : OCDE.

Le stock de capital (hors logement) a ainsi progressé plus faiblement en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.

STOCK DE CAPITAL HORS LOGEMENT

(base 100 en 2000)

Source : OCDE.

Les conditions sont aujourd’hui plus favorables pour une reprise de l’investissement privé sous réserve que les marges dégagées grâce au Pacte de responsabilité et de solidarité et au CICE soient utilisées en ce sens. Le maintien de l’investissement public est aussi un sujet d’inquiétude compte tenu de la baisse des dotations aux collectivités territoriales. Au niveau européen, la mise en œuvre du plan d’investissement pour l’Europe, présenté par le président de la Commission européenne le 26 novembre 2014, dit « plan Juncker », devrait permettre une relance de l’investissement à hauteur de 315 milliards d’euros.

A. DES CONDITIONS PLUS FAVORABLES POUR UNE REPRISE DE L’INVESTISSEMENT PRIVÉ

Les entreprises non financières contribuent à hauteur de 55 % à la formation brute de capital fixe.

FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE (FBCF) PAR SECTEUR

(en milliards d’euros)

Source : INSEE, Comptes nationaux base 2010.

Les politiques fiscales de soutien à l’investissement des entreprises pourraient porter leurs fruits dès 2015. L’augmentation du taux de marge offerte par les mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ont accru les capacités d’investissement des entreprises. Le suramortissement exceptionnel de 40 % devrait également stimuler l’investissement privé.

Extraits de la note de conjoncture de l’INSEE de juin 2015

De nombreuses conditions sont désormais favorables au redémarrage de l’investissement des entreprises : les perspectives de demandes interne et externe sont plus favorables, le taux de marge remonterait nettement grâce au CICE, au Pacte de responsabilité et de solidarité et à la baisse du cours du pétrole, enfin les conditions de financement externes se sont encore assouplies. Ces améliorations se traduisent progressivement dans les enquêtes de conjoncture : les perspectives d’investissement dans l’industrie manufacturière sont rehaussées et les soldes d’opinion sur l’investissement des entrepreneurs des services sont depuis avril au-dessus de leur moyenne de long terme. Ainsi, l’investissement des entreprises accélèrerait légèrement au deuxième trimestre (+ 0,3 %), les capacités d’utilisation étant encore peu intensément utilisées, puis plus nettement au second semestre (+ 0,6 % puis + 0,8 %).

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 2015.

1. Le Pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE, au-delà de la restauration de la marge des entreprises, doivent soutenir l’investissement

Une remontée du taux de marge est attendue en 2015. Selon l’INSEE, « en moyenne en 2015, le taux de marge des SNF atteindrait 31,2 %, soit le plus haut niveau depuis 2010 » (6).

Cette augmentation du taux de marge est directement à relier avec la baisse des charges résultant du Pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du CICE. Elle offre de nouvelles capacités d’investissement aux entreprises.

Selon une étude réalisée auprès d’un panel de soixante-dix-sept directeurs des ressources humaines, l’accroissement des dépenses d’investissement est l’utilisation du CICE la plus fréquemment envisagée par les entreprises (7). Pour autant, l’investissement des entreprises n’a pas redémarré dans les proportions que l’on pouvait espérer au regard de ces déclarations d’intention. Pour comprendre et analyser ce retard dans la reprise de l’investissement, la Rapporteure générale a demandé au Gouvernement la communication de données statistiques et fiscales sur les investissements réalisés et les montants de créances de CICE acquises selon la taille des entreprises. Ces données n’ont pas encore été établies.

Toutefois, certaines informations sont disponibles sur la répartition du CICE par taille d’entreprise. Il en ressort notamment que le CICE bénéficie pour plus de la moitié de son montant aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI).

RÉPARTITION DES CRÉANCES DE CICE À L’IMPÔT SUR LES SOCUÉTÉS SELON LA TAILLE DE L’ENTREPRISE (CRÉANCES ACQUISES EN 2013)

Catégorie d’entreprise

Total des créances à l’IS

Total des créances

Nombre total de bénéficiaires

Montant

(en millions d’euros)

Créance
(en %)

Montant moyen
(en euros)

Microentreprises

558 687

1 504,5

14,32

2 692,96

PME

149 946

3 518,0

33,49

23 461,98

ETI

4 725

2 225,9

21,19

471 081,80

Grandes entreprises

270

3 256,2

31

12 059 884,55

Total

713 628

10 504,6

100

14 719,97

Source : réponse au questionnaire de la Rapporteure générale.

D’une manière générale, le mode de calcul du CICE avantage les plus petites entreprises (son assiette étant limitée aux rémunérations inférieures à 2,5 SMIC (8)). Il s’ensuit que les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés bénéficient davantage du CICE, en proportion de leur masse salariale, que les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés.

PART DE CICE PERÇU PAR RAPPORT À LA PART DE MASSE SALARIALE GLOBALE
DES ENTREPRISES

Taille

CICE

Masse salariale

2013

2014

2015

Part

Part

1 à 20 salariés

2,9

4,4

4,7

26 %

22 %

20 à 50 salariés

1,4

2,2

2,4

13 %

12 %

50 à 250 salariés

2,1

3,2

3,4

19 %

19 %

Moins de 250 salariés

6,4

9,8

10,5

58 %

53 %

Plus de 250 salariés

4,6

7,1

7,6

42 %

47 %

Total

11,1

16,8

18,1

100 %

100 %

Source : déclaration annuelle de données sociales (DADS), calculs (ministère des finances et des comptes public)s.

2. Le suramortissement temporaire de 40 % doit contribuer à la relance de l’investissement privé

À l’initiative du Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté un amendement créant un dispositif temporaire d’amortissement supplémentaire de 40 % pour certains types d’investissement réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016.

Autrement dit, pour un investissement de 100 euros, l’entreprise pourra déduire (sur la période d’amortissement) 140 euros de son résultat fiscal contre 100 euros actuellement. Au lieu de lui procurer un gain net d’IS de 33,33 euros (un tiers de 100 euros), une entreprise soumise au taux de droit commun de l’IS bénéficiera d’un gain net d’IS de 46,66 euros (un tiers de 140 euros). En d’autres termes, la mesure de suramortissement assurera à cette entreprise une réduction fiscale de plus de 13 % de la valeur de l’investissement
– soit un tiers de 40 %.

L’amendement adopté vise à traduire l’un des engagements phares pris par le Premier ministre lors de sa conférence de presse, en date du 8 avril dernier, consacrée à la relance de l’investissement. L’objectif poursuivi par ce dispositif, dit de « suramortissement », est de favoriser l’investissement productif industriel.

Le coût de la mesure est estimé à environ 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, soit 500 millions en année pleine.

Contrairement au CICE qui constitue une réforme structurelle de baisse du coût du travail, le suramortissement est une mesure de relance conjoncturelle qui a pour but d’accompagner la reprise de la croissance et de rattraper le retard de la France en matière d’investissement privé.

Une autre mesure d’incitation à l’investissement privé :
l’augmentation des capacités de financement des entreprises par Bpifrance

Outre le dispositif de suramortissement, le Gouvernement a annoncé une autre mesure au soutien de l’investissement des entreprises ayant pour effet d’augmenter leur capacité de financement par le biais de la Banque publique d’investissement (BPI). L’enveloppe des prêts de développement a ainsi été majorée de 2,1 milliards d’euros (passant de 5,9 à 8 milliards d’euros).

B. DES INQUIÉTUDES SUR L’INVESTISSEMENT PUBLIC

L’investissement public s’élève à 96 milliards d’euros (au lieu de 103 milliards en 2013) et représente 4,5 % du PIB, dont :

– 79 milliards au titre de la formation brute de capital fixe des administrations publiques (3,7 % du PIB) ;

– et 17 milliards au titre des subventions des administrations publiques (0,8 % du PIB).

Ces montants incluent, depuis l’entrée en vigueur du système européen de comptes 2010 (SEC 2010), les achats d’équipements militaires et certaines dépenses de recherche et de développement qui sont comptabilisées en actif incorporel.

Ce changement de comptabilisation ainsi que la prise en compte des subventions ont pour effet de majorer la part de l’État dans le total des investissements publics. Ainsi, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2015, la Cour des comptes a souligné que la part de l’État et des opérateurs est désormais majoritaire.

RÉPARTITION DE L’INVESTISSEMENT PUBLIC EN 2014

Pour autant, la part des collectivités territoriales demeure importante. Or, c’est bien sur le niveau de leurs investissements que des inquiétudes peuvent être formulées. La réduction des dotations de l’État aux collectivités devrait logiquement réduire leur épargne de gestion et entraîner, sauf recours plus important aux emprunts, une baisse des investissements.

Ainsi, en 2013, les collectivités territoriales ont réalisé des dépenses d’investissement – hors remboursement d’emprunt – de 58 milliards d’euros. Les dépenses d’investissement des collectivités territoriales ont été financées à hauteur de 29 milliards d’euros grâce à leur épargne de gestion (excédent de fonctionnement).

PRÉSENTATION SIMPLIFIÉE PAR SECTION DES COMPTES
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN 2013

(en milliards d’euros)

Source : direction générale des collectivités locales.

Selon des données provisoires recueillies par la Rapporteure générale, l’épargne de gestion a baissé en 2014 pour s’établir à 27 milliards d’euros. Cette baisse ne suffit pas à expliquer la baisse des dépenses d’investissement de 9,6 % en 2014. Il s’agit d’une « forte baisse, d’une ampleur supérieure à celle ordinairement observée dans le cadre du cycle électoral municipal » selon la Cour des comptes.

Pour autant, il serait excessif d’imputer la baisse de l’investissement local à la seule baisse des dotations : les dépenses d’investissement local ont effet, baissé d’environ 5 milliards d’euros alors que la baisse des concours de l’État s’est limitée en 2014 à 1,1 milliard d’euros.

Selon les données du programme de stabilité, l’investissement baisserait encore de 8,4 % en 2015.

Dans son rapport sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes ne semble pas considérer cette baisse comme préoccupante. Elle estime, en effet, qu’il n’est pas assuré que la France souffre particulièrement d’un manque d’investissements publics et doute de l’utilité socio-économique de certains investissements publics.

La Cour des comptes a également fait valoir que le niveau d’investissement public en France était nettement supérieur à celui de la moyenne de la zone euro (4,5 % du PIB en France contre 3,3 % dans la zone euro).

L’INVESTISSEMENT PUBLIC EN 2013 (EN % DU PIB)

La Rapporteure générale estime qu’au-delà de la distinction entre investissement privé et investissement public, il est essentiel que le niveau d’investissement global dans l’économie progresse pour que la France rattrape son retard en la matière. Or, il est à craindre qu’une baisse de l’investissement public ne soit pas compensée à due concurrence par une hausse de l’investissement privé.

Certes, lors de sa conférence de presse du 8 avril dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en en place d’un mécanisme de préfinancement par la Caisse des dépôts et consignations du remboursement de la TVA acquittée par les collectivités territoriales. La Caisse a ainsi lancé le 16 juin dernier un nouveau dispositif permettant de préfinancer à taux zéro le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour accompagner les mesures de soutien à l’investissement des collectivités territoriales. Le montant maximum du prêt à taux zéro représentera 8 % des seules dépenses d’investissement du budget principal des collectivités.

Toutefois, la mesure annoncée risque d’être insuffisante pour maintenir le niveau d’investissement des collectivités territoriales. Elle s’analyse comme un prêt en trésorerie (sur une ou deux années avec un remboursement in fine), qui est déjà couramment proposé aux collectivités par les établissements de crédit. Elle est peu attractive, même à taux zéro, dans la mesure où les taux actuellement pratiqués sont faibles.

De même, il est peu probable que les conférences régionales de l’investissement public, qui ont été organisées par les préfets de région à la demande du Premier ministre, aient un impact visible sur le niveau d’investissement local. Le rôle de ces conférences se limite, en effet, à présenter les financements possibles et à faire dialoguer les collectivités locales avec des fédérations professionnelles.

Enfin, le dispositif d’aide aux communes participant à l’effort de construction – 2 000 euros par logement construit au-delà du taux de croissance normal du parc existant – est doté de seulement 100 millions d’euros et est réservé aux communes situées en « zone tendue ».

C. LE DÉMARRAGE DU « PLAN JUNCKER »

Les principes du « plan Juncker » ont été annoncés le 26 novembre dernier devant le Parlement européen. Il consiste en un plan d’investissement de 315 milliards d’euros sur trois ans porté par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) géré par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Le montant total du plan d’investissement résulte d’une succession attendue de deux effets de levier.

Les deux effets de levier du « plan Juncker »

Une mise de départ de 21 milliards d’euros.

Le fonds est doté en capital de 5 milliards d’euros apporté par la BEI. En complément, l’Union européenne apporte sa garantie pour 16 milliards d’euros.

Un premier effet de levier triple la mise initiale ce qui permet d’emprunter 63 milliards d’euros.

La garantie publique permet à la BEI d’emprunter trois fois cette somme sur les marchés, soit un emprunt de 63 milliards d’euros.

Un second effet levier doit quintupler le montant emprunté : 315 milliards d’euros.

L’engagement financier de l’Union européenne permet d’attirer d’autres investisseurs, si bien que les investissements attendus sont, au total, de 315 milliards d’euros.

Le Président de la République a annoncé que la France contribuerait – par le biais de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d’investissement (BPI) – à hauteur de 8 milliards d’euros au titre de l’effet de levier.

Sur l’enveloppe de 315 milliards d’euros attendue, 240 milliards sont destinés aux investissement stratégiques et 75 milliards aux PME et entreprises à moyenne capitalisation.

EFFET ATTENDU DU « PLAN JUNCKER »

Source : Communication de la Commission européenne, « Un plan d’investissement pour l’Europe », 26 novembre 2014.

La mise en œuvre du plan Juncker suppose l’adoption d’un règlement détaillant les conditions de fonctionnement du FEIS, opérationnel à la mi-2015, ainsi que l’adoption d’un projet de budget rectificatif pour 2015, comportant notamment les mesures budgétaires à prendre pour le financer. Les députés européens ont ainsi débattu du FEIS lors de la session de juin.

Toutefois, le plan Juncker est d’ores et déjà en cours de démarrage, sous l’impulsion de la BEI. En France, la BPI a ainsi annoncé que 440 millions d’euros de prêts ont été mis à la disposition des PME et ETI françaises dès le 15 mai dernier.

PARTIE II : LE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS

I. LES PREMIERS ÉLÉMENTS POUR 2015

DONNÉES SYNTHÉTIQUES POUR 2015

(en milliards d’euros, sauf mention contraire)

Recettes et dépenses des administrations publiques

Prévisions pour 2015

Premiers éléments
d’exécution 2015

Recettes nettes de l’État

293,3 (1)

293,5 (2)

dont vente fréquences

2,1

0 (3)

dont décisions de l’Autorité de la concurrence

1,2

dont recettes fiscales nettes

279,1(1)

278,1

Dépenses État

296(1)

296,1

dont OPEX

0,4

1

dont nouvelles dépenses annoncées (y compris plan de lutte contre le terrorisme)

1,1 (4)

dont nouvelles économies au titre des effets de l’inflation sur les économies à réaliser

1,9 (5)

Recettes administrations sécurité sociale

566,4 (6)

562,1 (6)

Dépenses administrations sécurité sociale

549,4(6)

548,4(6)

Recettes collectivités locales

247,7 (6)

245,5 (6)

Dépenses collectivités locales

235,8(6)

235,8(6)

Solde nominal (% du PIB)

– 4,1(1)

– 3,8(2)

(1) LFI 2015.

(2) Données du programme de stabilité 2015-2018.

(3) La cession des fréquences hertziennes pourrait ne pas intervenir avant la fin de l’année 2015.

(4) Ces nouvelles dépenses comprennent les mesures non financées par redéploiement de crédits, soit 250 millions d’euros au titre de la lutte contre le terrorisme couverts par le décret d’avance du 9 avril 2015 et 800 millions d’euros encore non financés au titre du plan en faveur de l’investissement et des 100 000 nouveaux contrats aidés annoncés respectivement en avril et juin dernier. Ne sont pas compris dans ce montant les deux milliards d’euros de crédits budgétaires accordés à la défense en substitution au produit de la vente des fréquences hertziennes.

(5) Soit 700 millions d’euros sur les crédits du budget général hors charge de la dette et 1,2 milliards d’euros sur la charge de la dette.

(6) Calculs de la commission des finances à partir des données l’INSEE, des objectifs d’évolution des recettes et dépenses présentés en LPFP 2014-2019 et d’informations transmises à la Rapporteure générale par le Gouvernement.

Source : commission des finances.

II. L’ÉVOLUTION DES SOLDES

A. LE RESPECT DES OBJECTIFS DE SOLDE PUBLIC DE 2015 À 2017 REPOSE SUR UN EFFORT EXCEPTIONNEL EN RÉDUCTION DE DÉPENSES DE L’ÉTAT

1. Le solde public s’établira vraisemblablement à – 3,8 % du PIB en 2015, conformément à la prévision actualisée dans le programme de stabilité

En dépit du ralentissement constaté entre 2013 et 2014, le solde public poursuit sa décrue. Il s’est établi à – 4 % du PIB en 2014, en amélioration de 0,4 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (9) (LPFP 2014-2019). La trajectoire a donc été ajustée dans le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement vis-à-vis de ses partenaires européens, le déficit sera ramené en-dessous de la limite des 3 % du PIB en 2017.

Le 1er juillet 2015, la Commission européenne a donc suspendu la procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France. Le rapport sur l’action engagée, publié le 10 juin 2015, confirme la stratégie budgétaire exposée dans le programme de stabilité présenté le 30 avril 2015 par la France, en réponse à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2015.

ÉVOLUTION DU DÉFICIT PUBLIC

(en % du PIB)

Source : LPFP 2014-2019 et programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

À l’instar du Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes juge que les hypothèses de croissance et d’inflation légèrement révisées par le Gouvernement dans le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 sont « prudentes ». Le niveau des soldes et de l’endettement présente donc, pour 2015, « un risque limité ».

HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES DU GOUVERNEMENT

(en %)

Agrégats

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Croissance du PIB en volume

0,7

0,2

1

1,5

1,5

Inflation

0,9

0,5

0

1

1,4

(p) : estimation.

Source : INSEE, programme de stabilité 2015-2018.

Les éléments communiqués par le Gouvernement le 9 juin 2015 dans son point sur la situation budgétaire de l’État au 30 avril 2015 confortent cet optimisme. Le solde général d’exécution au 30 avril 2015 s’établit à
– 59,8 milliards d’euros contre – 64,2 milliards à la même date en 2014.

SOLDE BUDGÉTAIRE DE L’ÉTAT AU 30 AVRIL 2015
(HORS FMI)

(en millions d’euros)

Agrégats

2013

2014

Niveau à la fin avril

avril 2015 / avril 2014

2013

2014

2015

Solde du budget général

– 75 429

– 85 710

– 49 614

– 45 569

– 41 651

 

Dépenses
(budget général et prélèvements sur recettes)

376 669

377 656

140 449

138 612

134 978

– 2,6 %

Recettes
(nettes des remboursements et dégrèvements»)

301 240

291 946

90 835

93 043

93 327

+ 0,3 %

Solde des comptes spéciaux

561

155

– 17 159

– 18 600

– 18 185

 

dont avances aux collectivités territoriales

– 375

838

– 18 561

– 19 350

– 19 345

 

Solde général d’exécution

– 74 868

– 85 555

– 66 773

– 64 169

– 59 836

 

Source : communication du ministère des finances du 9 juin 2015 sur la situation budgétaire de l’État au 30 avril 2015.

ÉVOLUTION DU SOLDE BUDGÉTAIRE DE L’ÉTAT EN 2015
COMPARÉE AVEC L’ÉVOLUTION CONSTATÉE EN 2014

Source : communication du ministère des finances du 9 juin 2015 sur la situation budgétaire de l’État au 30 avril 2015.

2. L’inflation nulle observée en 2015 impose des mesures d’économies supplémentaires pour tenir la trajectoire prévue

L’inflation a été révisée dans le programme de stabilité : prévue à 0,9 % dans la LPFP 2014-2019, elle est désormais nulle pour 2015. Comme rappelé à l’occasion de la présentation du programme de stabilité (10), cette révision à la baisse de l’inflation impose des mesures d’économies supplémentaires pour maintenir la trajectoire de réduction du déficit public à hauteur de 4 milliards d’euros en 2015 et 5 milliards d’euros en 2016.

EFFET DE LA FAIBLE INFLATION SUR LE PLAN D’ÉCONOMIES
DE 50 MILLIARDS D’EUROS

(en milliards d’euros)

Année

Plan d’économies initial
(en tendance)

Montant des économies sur la dépense tendancielle annulées par la faible inflation

2015

21

4

2016

15

5

2017

14

Total

50

Source : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

3. Le respect de la trajectoire repose sur un effort exceptionnel de l’État sur ses dépenses

Comme le montre le tableau ci-dessous, l’effort d’économie portera essentiellement sur l’État.

DÉCOMPOSITION DU SOLDE PAR SOUS-SECTEUR D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

(en % du PIB)

Sous-secteur d’administration publique

2014

2015

2016

2017

2018

Administration publiques locales (APUL)

– 0,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

– 0,4

– 0,3

0

0,3

0,4

Organismes divers d’administration centrale (ODAC)

0,1

0

0

0

0

État

– 3,5

– 3,4

– 3,2

– 2,8

– 2,2

Toutes administrations publiques (APU)

– 4

– 3,8

– 3,3

– 2,7

– 1,9

Source : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

Le solde budgétaire de l’État, prévu à – 74,4 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2015, a été fixé à – 69,3 milliards d’euros dans le programme de stabilité. La différence de + 5,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale se décompose comme indiqué dans le tableau ci-dessous.

LES PRINCIPALES RÉVISIONS ENTRE LA LOI DE FINANCES
ET LE PROGRAMME DE STABILITÉ

(en milliards d’euros)

Recettes et dépenses

Loi de finances
pour 2015

Programme
de stabilité

Effet
sur le solde

Recettes fiscales nettes

279,1

278,1

– 1

Recettes non fiscales

14,2

15,4

+ 1,2

Dépenses norme en valeur

282,6

281,2

+ 1,4

Charges d’intérêts

44,3

41,7

+ 2,6

Solde des comptes spéciaux

– 0,2

0,7

+ 0,9

Solde budgétaire de l’État

– 74,4

– 69,3

+ 5,1

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2015 (page 104).

Le risque d’une baisse des recettes de l’État par rapport aux prévisions paraît, pour la Cour des comptes, limité. Le Gouvernement a anticipé la poursuite de la baisse des recettes fiscales nettes, pour la deuxième année consécutive. Mais cette baisse serait plus que compensée par une hausse des recettes non fiscales, provoquée par la décision de l’Autorité de la concurrence du 18 décembre 2014 de sanctionner deux ententes de fabricants de produits d’entretien et d’hygiène (pour près d’un milliard d’euros) et par la décision du 12 mars 2015 de sanctionner une entente sur les produits laitiers (pour 0,2 milliard d’euros).

La charge d’intérêts pour 2015 est anticipée comme nettement inférieure à celle prévue en loi de finances initiale, du fait de la persistance de taux d’intérêt faibles sur les marchés financiers. Dans l’hypothèse où la Grèce sortirait de la zone euro, il est à craindre que ce ne soit pas le cas.

Enfin, la Cour juge qu’un risque significatif pèse sur les dépenses de l’État (cf. III).

4. La trajectoire pour 2016 et 2017 suscite des questions de la part de la Cour des comptes

Pour les années 2016 et 2017, la Cour des comptes juge à nouveau prudent le scénario macroéconomique présenté par le Gouvernement dans le programme de stabilité. Dans ce dernier, le Gouvernement prévoit des recettes fiscales stables, dans un souci de prudence et de maîtrise des prélèvements obligatoires.

La réduction du déficit passera en revanche par une baisse significative des dépenses publiques, que la Cour des comptes juge encore trop peu étayée par des mesures d’économies précises. En application de la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2015, le Gouvernement devait transmettre à la Commission européenne, avant le 10 juin 2015, un document détaillant les mesures supplémentaires sur le point d’être prises, en 2015, pour respecter sa trajectoire de redressement des comptes publics et annonçant les mesures à venir pour 2016 et 2017. Il n’est pas prévu que ces informations soient communiquées au Parlement. Elles seront détaillées dans le projet de loi de finances pour 2016 à l’automne 2015, conformément à la LOLF.

À l’instar du Haut Conseil des finances publiques et du Fonds monétaire international, en avril 2015, d’autres organisations internationales alertent sur les risques provenant des marchés financiers. Le 24 juin 2015, dans ses Perspectives 2015 sur l’entreprise et la finance, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que les liquidités injectées massivement par les banques centrales depuis 2008 pour sortir de la crise financière pourraient entraîner une nouvelle crise. La baisse des taux d’intérêt encourage en effet les acteurs de marché à investir dans des titres de plus en plus risqués, dont le rendement est meilleur. Selon l’OCDE, « la course aux obligations à haut rendement fait reculer le niveau de protection contractuelle et l’on observe, une fois de plus, la multiplication d’actifs alternatifs moins liquides, dont les risques sont couverts par des produits financiers dérivés ». Elle souligne aussi le développement croissance du « shadow banking », ou « système bancaire parallèle », en appelant les responsables publics à se saisir de ces nouveaux risques.

L’OCDE indique également que si l’investissement est important à l’échelle mondiale, ils ne sont pas réalisés là où il aurait fallu du point de vue des pays avancés, « les chaînes de valeur mondiales ayant entraîné une déconnexion entre les politiques publiques menées par les gouvernements à l’intérieur de leurs propres frontières et ce que font sur le terrain leurs grandes entreprises mondialisées. De même, le court-termisme prévaut, les investisseurs préférant les entreprises qui pratiquent plus de rachats d’actions et versent plus de dividendes à celles qui se lancent dans des stratégies d’investissement à long terme ». Ces éléments confortent la stratégie du Gouvernement et de sa majorité en matière d’investissement, laquelle consiste :

– à concentrer leurs efforts en matière fiscale sur les petites et moyennes entreprises ;

– à mettre en œuvre un nouveau programme d’investissements d’avenir dont les retombées sont nationales ;

– à soutenir le principe d’un déploiement rapide du fonds européen pour les investissements stratégiques dans le cadre du « plan Juncker ».

B. LE SOLDE STRUCTUREL S’AMÉLIORE MAIS SA LECTURE RESTE MALAISÉE

Pour mémoire, le solde public est la somme de trois composantes, détaillées ci-dessous.

LE DÉFICIT PUBLIC ET SES COMPOSANTES EN 2014 ET 2015

(en % du PIB)

Déficit

2014

2015

Déficit effectif

4

3,8

Composante conjoncturelle

1,9

2

Mesures ponctuelles et temporaires

0

0,2

Composante structurelle

2

1,6*

(*) Les chiffres sont arrondis au dixième. Il peut en résulter des écarts dans le résultat des opérations.

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2015.

La composante structurelle du solde est mesurée par rapport à une croissance dite « potentielle » qui est celle qui serait obtenue si tous les moyens de production du pays étaient utilisés à 100 %.

1. Un effort structurel en 2015 qui porte exclusivement sur les dépenses

Le déficit structurel devrait se réduire de 0,5 point de PIB en 2015 par rapport à 2014, d’après les dernières prévisions du programme de stabilité. Autrement dit, l’ajustement structurel est de 0,5 point de PIB en 2015 (cf. définitions dans l’encadré infra).

Selon la Cour des comptes, l’ajustement structurel en 2015 résulte d’un effort structurel de 0,7 point de PIB, partiellement compensé par l’impact d’une élasticité des recettes inférieure à 1. En d’autres termes, le Gouvernement doit proposer plus de mesures nouvelles de réduction des dépenses et d’augmentation des recettes du fait d’une faible élasticité des prélèvements obligatoires.

DISTINCTION ENTRE L’AJUSTEMENT ET L’EFFORT STRUCTUREL

Pour mémoire, le solde structurel est calculé de la façon suivante :

1. On estime un PIB « potentiel », c’est-à-dire un PIB correspondant à une utilisation de 100 % de tous les facteurs de production (incluant le progrès technique).

2. On estime ensuite l’écart entre le PIB potentiel et le PIB effectivement constaté.

3. On estime ensuite la perte de recettes associée à cet écart, en supposant que les recettes publiques totales évoluent comme le PIB (hypothèse d’élasticité égale à 1), ainsi que des prestations sociales supplémentaires induites par cet écart.

4. Ces pertes de recettes et prestations sociales supplémentaires constituent la composante conjoncturelle du solde public.

5. Le « solde corrigé des variations cycliques de la conjoncture » est égal à la différence entre le solde effectif et ce solde conjoncturel.

6. Le solde structurel est enfin égal au solde corrigé des variations cycliques après prise en compte des mesures exceptionnelles et temporaires.

L’élasticité des recettes est un paramètre dans le calcul du solde structurel. Il s’agit d’un coefficient qui correspond au rapport entre :

– l’évolution spontanée des recettes fiscales hors mesures nouvelles ;

– la croissance du PIB.

Par convention, les services du ministère des finances retiennent une élasticité égale à 1, qui se vérifie en moyenne, sur le long terme. Mais cette hypothèse n’est pas exacte pour chaque année.

Les variations du solde structurel peuvent alors donner une image déformée des évolutions de fond des finances publiques. En outre, les gouvernements n’ont aucune maîtrise de l’élasticité des recettes. La notion d’effort structurel, privilégié par le Conseil de l’Union européenne dans ses recommandations, évite d’avoir à formuler une hypothèse sur cette élasticité.

L’effort structurel mesure la contribution de seulement deux facteurs, plus facilement maîtrisables par un gouvernement, aux variations du solde structurel : la maîtrise des dépenses publiques en volume, d’une part, et le montant des mesures nouvelles de hausse ou de baisse des prélèvements obligatoires, d’autre part. La contribution des dépenses à l’effort structurel de réduction du déficit est égale à 57 % de l’écart entre le taux de croissance potentiel du PIB et le taux de croissance des dépenses (la part des dépenses publiques dans le PIB étant de 57 %).

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2015.

Selon la Cour des comptes, l’effort structurel consenti par le Gouvernement porte pour 0,8 point sur les dépenses, les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires le réduisant de 0,1 point. En d’autres termes, les efforts de redressement des comptes publics reposent uniquement, en 2015, sur la maîtrise des dépenses.

2. Un changement de référentiel à partir de 2016

À l’occasion du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, le Gouvernement a réévalué le niveau de croissance potentielle de la France.

Comme le rappelait la Rapporteure générale dans son rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 (11), la croissance potentielle, comme le PIB potentiel, sont des notions complexes car « non observables ». Le PIB potentiel est le niveau de PIB qui pourrait être atteint si toutes les ressources productives étaient utilisées à plein régime, dans un contexte d’inflation stable. Ce concept donne lieu à une importante littérature dans le monde économique, l’ensemble des experts s’accordant pour constater qu’il s’agit d’un indicateur à manier avec précaution du fait des marges d’erreur possible.

LES PRÉVISIONS SUCCESSIVES DE CROISSANCE POTENTIELLE DU GOUVERNEMENT

Source : documents cités.

La Rapporteure générale estime que le niveau de croissance potentielle adopté par le Gouvernement (1,5 %) est plus en ligne à la fois avec les estimations de plusieurs économistes, instituts et organismes publics (12) et avec les mesures structurelles mises en œuvre par la France pour son économie.

La Cour des comptes pointe le risque d’une révision trop fréquente du niveau de croissance potentielle. Le partage entre les composantes conjoncturelle et structurelle du solde public est ainsi rendu moins lisible. Elle craint que les marges de manœuvre offertes par un retour de la croissance ne fassent oublier la nécessité des réformes structurelles. Il conviendra alors de bien distinguer dans la baisse du déficit ce qui relève de la conjoncture et des mesures de redressement.

Par ailleurs, elle juge que rehausser le niveau de croissance potentielle est incohérent avec le scénario macroéconomique du Gouvernement, qui prévoit une accélération de l’investissement, de l’inflation, et une hausse des salaires. Ces améliorations devraient en effet favoriser le rapprochement entre le PIB potentiel et le PIB effectif.

À cet égard, la Rapporteure générale rappelle que le Gouvernement a adopté des prévisions de croissance délibérément prudentes, du fait des risques pesant sur l’économie mondiale. Elles peuvent expliquer le maintien d’un écart avec le PIB potentiel qui a vocation à disparaître à terme.

III. LES RECETTES PUBLIQUES

A. LE SCÉNARIO DU GOUVERNEMENT

1. Une décrue des prélèvements obligatoires à partir de 2015

LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Pour mémoire, les prélèvements obligatoires correspondent à l’ensemble des impôts et cotisations sociales effectives perçus par les administrations publiques :

– les impôts et taxes prélevés par l’État dont les impôts et taxes affectés au budget de l’État (IR, IS, TVA, TICPE, etc.) ;

– les impôts et taxes affectés aux collectivités territoriales (taxe foncière, taxe d’habitation, contribution économique territoriale, etc.) ;

– les impôts perçus par la sécurité sociale (CSG, CRDS, C3S) ;

– les cotisations sociales prélevées au profit des organismes de protection sociale, qui ont une contrepartie dans les prestations sociales ;

– les taxes fiscales, perçues sur les particuliers à l’occasion de la fourniture d’un service.

Après une progression continue entre 2009 et 2013 liée aux mesures prises en vue du redressement des finances publiques, le taux de prélèvements obligatoires commencerait à décroître en 2015 (cf. première partie du présent rapport sur le pouvoir d’achat des ménages).

Les tableaux présentés ci-dessous et en annexe témoignent de cette « pause fiscale » annoncée par le Gouvernement pour 2015 et les années suivantes.

Les mesures nouvelles, adoptées en 2014 et 2015, auraient un impact net de – 2,3 milliards d’euros en 2015 sur le total des prélèvements obligatoires.

IMPACT DES PRINCIPALES MESURES ADOPTÉES SUR LE NIVEAU DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2015

(en milliards d’euros)

Mesures

Impact en 2015

Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)

– 4,4

Allégements de cotisations patronales prévues dans le Pacte de responsabilité et de solidarité

– 5,3

Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages aux revenus modestes

– 1,5

Ajout d’une composante carbone à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

+ 1,8

Hausse des tarifs de la contribution au service public de l’électricité (CSPE)

+ 1,1

Limitation de la déductibilité des charges financières des entreprises (du fait de leur impact décalé)

+ 1,3

Hausse des taux des impôts directs locaux

+ 0,9

Relèvement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

+ 0,3

Hausses des taux de cotisations aux régimes de retraite de base et complémentaires

+ 1,8

Mesures de moindre rendement au profit des administrations

sociales

+ 1,5

Lutte contre la fraude à la TVA

+ 0,4

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2015, pages 85-86.

2. Des recettes fiscales nettes en augmentation par rapport à 2014, portées par la reprise de la croissance

Les recettes fiscales nettes devraient être légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2015 (– 1 milliard par rapport à la loi de finances pour 2015, un écart cependant bien inférieur aux 10 milliards d’euros de baisse constatés entre la loi de finances pour 2014 et l’exécution).

Elles augmenteraient toutefois par rapport à 2014, en dépit des mesures nouvelles.

ÉVOLUTION DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

2015 (p)

Recettes fiscales nettes

284,0

274,3

278,1

Impôt sur le revenu

67,0

69,2

70,2

Impôt sur les sociétés

47,2

35,3

33,5

TVA

136,3

138,4

141,1

TICPE

13,8

13,2

14,1

Autres

19,8

18,27

19,1

Recettes non fiscales

13,7

13,9

15,4

(p) prévision du programme de stabilité 2015-2018.

Source : ministère chargé du budget, juin 2015.

La croissance spontanée des recettes fiscales nettes se redresserait en effet à 1,8 % en 2015 (ce qui correspond à une croissance du PIB en valeur de 2 % et une élasticité au PIB de 0,9).

FACTEURS EXPLICATIFS FOURNIS PAR LE GOUVERNEMENT À L’APPUI
DES PRÉVISIONS D’ÉVOLUTION SPONTANÉE DES PRINCIPAUX IMPÔTS EN 2015

Impôt

Prévision

Explications

TVA

+ 0 %

Progression limitée de la consommation des ménages en valeur et baisse des investissements en logement

IR

+ 3,4 %

Accélération probable du fait de gain de pouvoir d’achat des ménages et du dynamisme des revenus des entrepreneurs individuels et du capital

IS

+ 3,7 %

Autres recettes fiscales

+ 5,7 %

Dynamisme lié à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et aux droits d’enregistrement

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2015, page 83.

B. LES RISQUES SONT LIMITÉS SUR LES PRÉVISIONS DE RECETTES GRÂCE À UNE PRÉVISION DE CROISSANCE VRAISEMBLABLE

1. Des points d’attention signalés par la Cour des comptes

Selon la Cour des comptes, les incertitudes les plus importantes portent sur les éléments suivants :

– la date de la vente des fréquences hertziennes (manque à gagner de 2,1 milliards d’euros) ;

– de moindres recettes pour l’impôt sur le revenu (risque évalué à 0,7 milliard d’euros) ;

– la montée en charge des mesures fiscales votées jusqu’à présent, en particulier le CICE ;

– l’impact des contentieux communautaires de masse (évalué
à – 2 milliards d’euros dans le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018).

Par ailleurs, la Cour estime que les prévisions de recettes non fiscales de l’État, en hausse, « ne présentent pas de risque significatif ».

2. Un risque limité sur l’ensemble des prélèvements obligatoires

Dans le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, le Gouvernement a revu certains paramètres de son scénario macroéconomiques. Ces prévisions sont jugées prudentes par le Haut Conseil des finances publiques et par la Cour des comptes.

La base 2014, c’est-à-dire le montant des recettes pour 2014 à partir duquel est construit la prévision pour 2015, s’est avérée meilleure que prévue (957,7 milliards d’euros au lieu de 956,3).

AJUSTEMENT DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES DU GOUVERNEMENT

(en %)

Agrégats

Loi de finances pour 2015

Programme de stabilité
pour les années 2015 à 2018

Croissance en volume

1

1

Croissance en valeur

1,9

2

Inflation

0,9

0

Croissance de la masse salariale (secteur concurrentiel)

2

1,3

Source : documents cités.

L’évolution spontanée des prélèvements obligatoires a été légèrement révisée dans le programme de stabilité. Pour la Cour des comptes, cette révision semble encore optimiste. La Cour estime néanmoins que le risque de moindres recettes (portant essentiellement sur l’impôt sur le revenu) est limité à 0,1 point de PIB.

Ce même risque était estimé par la Cour à 0,25 % du PIB en 2012 et à 0,15 % en 2013 et 2014. Il serait compensé par une croissance de 0,2 point supérieure à la prévision, ce qui paraît désormais envisageable.

L’élasticité des recettes fiscales a été revue à la baisse dans le programme de stabilité (0,8) par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (0,9), ce qui correspond à une perte de recettes publiques d’un milliard d’euros. La Cour des comptes se satisfait de cette nouvelle estimation. Elle estime que « les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité se distinguent des précédentes par une progression beaucoup plus faible de la masse salariale ».

RÉVISION DE L’ÉVOLUTION SPONTANÉE ET DE L’ÉLASTICITÉ
DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES POUR 2015

Document budgétaire

Loi de finances pour 2015

Programme de stabilité
pour les années 2015 à 2018

Évolution spontanée (en %)

1,7

1,6

Élasticité

0,9

0,8

Note de lecture : selon le programme de stabilité, l’ensemble des prélèvements obligatoires augmentera spontanément (hors mesures nouvelles) de 1,6 % en 2015. La croissance du PIB étant prévue à 2 % en valeur, cela correspond à une élasticité de 0,8.

Source : documents cités.

RAPPEL : ÉLASTICITÉ AGRÉGÉE DE TOUS LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
PRÉVUE PAR LE GOUVERNEMENT JUSQU’EN 2017

Élasticité

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Ensemble des prélèvements obligatoires

0,2

0,6

0,8

1

1

Note de lecture : quand le PIB augmente de 1 % en 2015, les recettes fiscales augmentent « naturellement » de 0,8 %.

(p) : estimation.

Source : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

TROIS SCÉNARIOS DE CROISSANCE SPONTANÉE
DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN 2015

Prélèvements obligatoires
(% du PIB)

Prélèvements obligatoires
(en milliards d’euros)

Impact des mesures nouvelles

(en milliards d’euros)

Élasticité au PIB

Évolution spontanée
(en milliards d’euros)

44,4 (1)

965,7 (2)

– 2,3 (3)

0,2

3,8

0,8 (1)

15,3

1,5

28,7

(1) Scénario du Gouvernement présenté dans le programme de stabilité 2015-2018 et dans le rapport préparatoire au présent débat d’orientation sur les finances publiques.

(2) Sur la base de l’estimation de l’INSEE pour le PIB de 2014 (2 132,4 milliards d’euros) et d’une hypothèse de croissance de 2 % en valeur, conformément au scénario du Gouvernement.

(3) Données : Cour des comptes.

Note de lecture : d’après les hypothèses d’élasticité des prélèvements obligatoires pour 2015 et de croissance du PIB proposées par le Gouvernement dans son scénario, le produit des prélèvements obligatoires devrait croître spontanément, hors mesures nouvelles, de 15,3 milliards d’euros. Une élasticité à 0,2 correspondrait par exemple à une hausse de 3,8 milliards d’euros tandis qu’une élasticité à 1,5 correspondrait à une hausse de 28,7 milliards d’euros.

Source : calculs commission des finances.

TROIS SCÉNARIOS DE CROISSANCE SPONTANÉE DES RECETTES FISCALES NETTES EN 2015

Exécution 2014

(en milliards d’euros)

Élasticité au PIB

Évolution spontanée
(en %)
(2)

Évolution spontanée
(en milliards d’euros)

274,3

0,2

0,4

1,1

0,9 (1)

1,8

4,94

1,5

3,0

8,23

(1) Scénario du Gouvernement présenté dans le programme de stabilité 2015-2018 et dans le rapport préparatoire au débat d’orientation sur les finances publiques.

(2) Sur la base d’une hypothèse de croissance de 2 % en valeur, conformément au scénario du Gouvernement.

Note de lecture : d’après les hypothèses d’élasticité des recettes fiscales nettes (RFN) communiquées par le Gouvernement, ces dernières devraient croître spontanément, hors mesures nouvelles, de 4,94 milliards d’euros en 2015. Une augmentation de 1,1 milliard correspondrait par exemple à une élasticité de 0,2 tandis qu’une augmentation de 8,3 milliards correspondrait à une élasticité de 1,5.

Source : calculs commission des finances.

3. Une élasticité des recettes fiscales nettes en augmentation

ÉLASTICITÉS DES RECETTES FISCALES NETTES EN 2013, 2014 ET 2015

Élasticités

2013

2014

2015

Prévision du PLF

Exécution

Prévision du PLF

Exécution

Prévision du PLF

Pstab

Recettes fiscales nettes

1,2

– 1,6

1,3

– 0,1

0,9

0,9

Impôt sur le revenu

1,6

– 0,1

1,6

– 0,2

1,3

1,7

Impôt sur les sociétés

2,3

– 12

3

– 0,6

0,2

1,9

TICPE

– 0,2

– 0,8

0

– 0,2

0,8

1,6

TVA

0,9

1

0,6

0,3

0,7

– 0,1

Autres RFN

0,8

– 2,3

1,6

– 1,4

2,2

2,9

PLF : projet de loi de finances.

Pstab : programme de stabilité 2015-2018.

Note de lecture : en 2015, selon le programme de stabilité 2015-2018, l’élasticité du produit de l’impôt sur le revenu est de 1,7. Le PIB en valeur étant prévu à 2,0 %, la croissance spontanée du produit de l’impôt sur le revenu, hors mesures nouvelles, devrait être de 3,4 %.

Source : ministère chargé du budget, juin 2015.

L’élasticité des recettes fiscales se rétablirait en 2015 tout en restant inférieure à l’unité. Les prévisions révisées dans le programme de stabilité sont nettement en hausse pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. La Cour des comptes évalue qu’une élasticité inférieure à ces prévisions entraînerait de moindre recettes fiscales à hauteur de 1 milliard d’euros, dont 0,7 milliard pour l’impôt sur le revenu.

ÉVOLUTION SPONTANÉE ET ÉLASTICITÉ DES RECETTES FISCALES

L’évolution spontanée des recettes fiscales correspond à la variation entre les recettes fiscales de l’année n par rapport à l’année N – 1 à législation constante. Une évolution spontanée faible ou négative peut ainsi résulter d’une croissance atone ou d’une inflation faible.

L’élasticité des recettes fiscales donne une information supplémentaire. Elle est calculée en rapportant l’évolution spontanée au PIB. Elle donne ainsi une indication sur la composition de la croissance, sur l’évolution des assiettes fiscales.

L’élasticité n’est pas prévue en tant que telle ; elle est la résultante de prévisions impôt par impôt. Les assiettes macroéconomiques de chaque impôt peuvent évoluer différemment du PIB, ce qui éloigne de l’unité les élasticités des recettes.

Exemples :

1. Un même taux de croissance n’impliquera pas la même élasticité de la TVA si la croissance est tirée par la consommation des ménages (supérieure à 1) ou par les exportations (inférieure à 1).

2. L’impôt sur le revenu, parce qu’il est progressif, a généralement une élasticité supérieure à 1. Cela signifie que le produit de l’impôt sur le revenu augmente généralement plus vite que le PIB. Une faible élasticité peut être le résultat d’une crise économique ou indiquer qu’en dépit d’une reprise, la masse salariale, les pensions ou certains revenus catégoriels stagnent.

3. Le produit de l’impôt sur les sociétés varie en fonction de la conjoncture des années précédentes, ce qui peut éloigner son élasticité de l’unité. Les entreprises peuvent imputer les déficits accumulés les années précédentes sur leurs bénéfices fiscaux. Ainsi, une reprise de l’activité peut tarder à se traduire dans les recettes fiscales.

IV. UN EFFORT EN DÉPENSES REPOSANT SUR LA RÉALISATION D’UN PLAN D’ÉCONOMIES DE 50 MILLIARDS D’EUROS ENTRE 2015 ET 2017

La trajectoire de la dépense publique retenue par le Gouvernement pour les années 2015 à 2017 repose sur la mise en œuvre du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la croissance tendancielle des dépenses publiques, annoncé dans le programme de stabilité pour les années 2014 à 2017 et détaillé par la LPFP 2014-2019. Les objectifs de croissance de la dépense publique sont rappelés dans le graphique suivant.

TAUX DE CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VALEUR DE 2007 À 2017,
HORS CRÉDITS D’IMPÔT 
(1)

LPFP : loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Pstab : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

(1) Les prévisions du Gouvernement ne présentent pas l’évolution de la dépense publique en intégrant les crédits d’impôts, pourtant compris dans le champ des dépenses publiques en application des nouvelles règles applicables en matière de comptabilité nationale, issues de la révision du système européen de comptes intervenue en mai 2014 (passage du SEC 2005 au SEC 2010).

Source : commission des finances.

Pour rappel, ce plan de 50 milliards d’euros doit permettre à la fois de redresser la trajectoire des finances publiques et de dégager des marges de manœuvre pour financer le soutien de l’activité au travers de mesures en faveur de l’investissement et de la reprise de l’emploi.

Le tableau suivant rappelle la répartition des mesures d’économies entre les différents secteurs d’administration publique.

OBJECTIFS D’ÉCONOMIES À RÉALISER SUR LA CROISSANCE TENDANCIELLE
DE LA DÉPENSE POUR LA PÉRIODE 2015-2017

(en milliards d’euros)

Administration publique

2015

2015-2017

État et agences

7,7

19

Collectivités locales

3,7

11

Protection sociale

9,6

20

dont dépenses d’assurance maladie

3,2

10

dont autres dépenses de protection sociale

6,4

10

Total

21

50

Source : projet de loi de finances pour 2015.

L’effort à réaliser en 2015 a été détaillé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2015.

La déclinaison des efforts à réaliser en 2016 et 2017 devrait également être précisée dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale relatifs à ces années. À ce stade, encore peu d’informations ont été transmises à la représentation nationale sur la nature des économies envisagées pour ces deux années.

A. LE MAINTIEN D’UN FORT RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN 2015

Les prévisions pour l’exercice 2015 s’inscrivent dans la poursuite des efforts engagés en 2014 pour maîtriser les dépenses publiques qui avait permis de constater un fort ralentissement de leur croissance en valeur entre l’exécution 2013 (+ 1,9 %) et l’exécution 2014 (+ 0,9 %). Ce ralentissement résultait de :

– la sous-exécution des dépenses du budget général de l’État et des comptes spéciaux (13) ;

– la sous-exécution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 300 millions d’euros, les effets du gel des pensions complémentaires et de la nouvelle convention Unédic ainsi que d’autres mesures d’économies adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;

– la baisse des dépenses d’investissement local liée au cycle électoral.

Pour 2015, la croissance des dépenses publiques en valeur serait constante (soit + 0,9 %) du fait du déploiement du premier volet de 21 milliards d’euros du plan d’économies, d’une inflation faible et de mesures d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros pour compenser les effets de cette faible l’inflation sur les efforts à réaliser par les administrations.

Cette faible croissance résulte des anticipations de ralentissement des dépenses des différents sous-secteurs d’administrations publiques :

– les dépenses de l’État diminueraient pour la deuxième année consécutive ;

– les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des organismes divers d’administration centrale (ODAC) ralentiraient fortement ;

– les dépenses des administrations publiques locales (APUL) seraient stables.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE, PAR SOUS-SECTEUR D’ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en %)

Catégorie d’administration

2012-2013

2014

2015

Écart 2014/2015

Administrations publiques

2,5

0,9

0,9

0

État

1,3

– 0,3

– 1,2

– 0,9

ODAC

3,9

3,4

0,7

– 2,7

APUL

3,5

– 0,3

0

+ 0,3

ASSO

2,8

2,3

1,3

– 1

Source : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

1. Les dépenses de l’État

En 2015, les dépenses de l’État baisseraient de 1,2 % en valeur, après une première baisse de 0,3 % en 2014.

Ces prévisions sont confortées par le sérieux budgétaire du Gouvernement et de sa majorité qui ont mis en œuvre, en cours d’exercice, des mesures d’économies supplémentaires pour compenser les dépassements constatés sur certains postes de dépenses et les effets de la faible inflation attendue en 2015 et en 2016 sur l’effort en dépenses à réaliser.

Les mesures prises pour financer les dépassements constatés sur certains postes de dépenses

Afin de financer le plan de lutte contre le terrorisme mis en œuvre en janvier 2015 et de nouvelles annonces (notamment en faveur du service civique), des mesures d’économies supplémentaires ont été adoptées au printemps par le biais de :

– l’annulation de crédits sur le budget général de l’État en application du décret d’avance du 9 avril 2015 (401,1 millions d’euros en autorisations d’engagement – AE – et 308,3 millions d’euros en crédits de paiement – CP) ;

– le redéploiement de crédits au sein du ministère de la défense pour 150 millions d’euros (selon le principe d’auto-assurance) ;

– la mise en œuvre d’un « surgel » d’un montant de 340,5 millions d’euros en AE et de 468,8 millions d’euros en CP portant le montant total de la réserve de précaution de 9,4 milliards d’euros en AE à 9,8 milliards d’euros et de 8,3 milliards d’euros en CP à 8,8 milliards d’euros.

Les mesures prises pour compenser les effets de la faible inflation sur le montant des économies à réaliser en 2015

Le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 a détaillé une série de mesures d’économies supplémentaires visant à garantir le respect du plan d’économies de 50 milliards d’euros au titre des années 2015 (21 milliards d’euros) et 2016 (14,5 milliards d’euros).

Le tableau suivant rappelle la répartition de ces mesures par catégorie d’administrations publiques.

NOUVELLES MESURES D’ÉCONOMIES ANNONCÉES
DANS LE PROGRAMME DE STABILITÉ POUR LES ANNÉES 2015 À 2018

(en milliards d’euros)

Mesures

2015

2016

Administrations centrales

1,2

1,6

dont État

0,7*

n.c

dont ODAC

0,5

n.c

APUL

0

1,2

ASSO

1

2,2

Dette publique

1,2

Économies totales

3,4

5

Rendement supplémentaire issu de la déconcentration du STDR

0,4

Rendement supplémentaire des dividendes reçus par l’État

0,2

Recettes totales

0,6

Total

4

5

* Décret n° 2015-639 du 9 juin 2015 portant annulation de crédits.

STDR : service de traitement des déclarations rectificatives.

Source : programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

Les économies supplémentaires portant sur les dépenses de l’État ont donné lieu à l’annulation de 607,9 millions d’euros d’AE et 666,9 millions d’euros de CP. À l’exception du ministère de la défense, cet effort supplémentaire est réparti sur l’ensemble des ministères. Par ailleurs, 10 millions d’euros ont également été annulés en AE et en CP sur le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Le tableau suivant détaille la répartition de cet effort entre les différentes missions du budget général.

RÉPARTITION DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PAR MISSION PRÉVUES
PAR LE DÉCRET DU 9 JUIN 2015

(en millions d’euros)

Par conséquent, à la date de la rédaction de ce rapport, les crédits disponibles sur les différentes missions du budget général se répartissent comme suit :

(en milliards d’euros)

Par mission

LFI

LFI

Mise en réserve initiale

Mise en réserve initiale

Annulation sur réserve par décret du 9 juin

Annulation sur réserve par décret du 9 juin

Mise en réserve à date (07/07)

Mise en réserve à date (07/07)

DV/DT

Annulation sur crédits frais par décret
du 9 juin

Annulation sur crédits frais par décret
du 9 juin

Crédits disponibles à date (07/07) données Chorus

Crédits disponibles à date (07/07) données Chorus

Pour mémoire, total des annulations du décret
du 9 juin

Pour mémoire, total des annulations du décret
du 9 juin

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action extérieure de l’État

3,10

3,00

0,20

0,10

0,01

0,01

0,15

0,14

0,00

0,01

0,01

1,31

1,42

0,01

0,01

Administration générale et territoriale de l’État

2,90

2,90

0,10

0,10

0,02

0,02

0,16

0,16

0,00

0,02

0,02

1,52

1,57

0,03

0,03

Agriculture

3,10

2,90

0,20

0,10

0,01

0,01

0,16

0,16

0,00

0,01

0,01

1,62

1,48

0,03

0,03

Aide publique au développement

2,50

2,80

0,20

0,20

0,01

0,01

0,20

0,24

0,00

0,01

0,01

1,50

1,37

0,03

0,03

Anciens combattants

2,80

2,70

0,20

0,20

0,00

0,00

0,22

0,22

0,00

0,00

0,00

0,76

0,80

0,00

0,00

Conseil et contrôle de l’État

0,60

0,60

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,35

0,33

0,00

0,00

Culture

2,60

2,60

0,10

0,10

0,00

0,00

0,06

0,06

0,00

0,00

0,00

1,27

1,48

0,00

0,00

Défense

46,50

36,80

2,30

1,50

0,00

0,00

2,30

1,52

0,00

0,00

0,00

34,51

15,82

0,00

0,00

Direction de l’action du Gouvernement

1,30

1,20

0,10

0,10

0,00

0,00

0,06

0,05

0,00

0,00

0,00

0,72

0,74

0,01

0,01

Écologie

7,80

7,30

0,40

0,40

0,05

0,05

0,41

0,37

0,80

0,03

0,03

7,95

3,78

0,08

0,08

Économie

3,20

1,80

0,20

0,10

0,00

0,00

0,19

0,08

0,00

0,02

0,02

2,43

1,16

0,02

0,02

Égalité des territoires

14,20

13,90

1,00

1,00

0,00

0,00

0,99

0,96

-0,80

0,04

0,04

0,00

0,00

0,04

0,04

Engagements financiers de l’État

46,60

45,20

0,20

0,10

0,00

0,00

0,17

0,06

0,00

0,03

0,03

26,28

25,04

0,03

0,03

Enseignement scolaire

66,30

66,40

0,50

0,50

0,00

0,00

0,51

0,52

0,00

0,06

0,06

31,71

32,07

0,06

0,06

Gestion des finances publiques

11,30

11,20

0,20

0,20

0,01

0,01

0,26

0,25

0,00

0,02

0,02

5,74

5,64

0,03

0,03

Immigration, asile et intégration

0,60

0,70

0,00

0,00

0,00

0,00

0,05

0,05

0,00

0,01

0,01

0,34

0,41

0,01

0,01

Justice

9,20

7,90

0,40

0,30

0,03

0,03

0,35

0,24

0,00

0,02

0,02

6,49

4,04

0,05

0,05

Médias, livre et industries culturelles

0,70

0,70

0,00

0,00

0,00

0,00

0,04

0,04

0,00

0,00

0,00

0,31

0,40

0,00

0,00

Outre-mer

2,10

2,10

0,20

0,20

0,01

0,01

0,16

0,15

0,00

0,01

0,01

0,67

0,82

0,02

0,02

Politique des territoires

0,20

0,30

0,00

0,00

0,00

0,00

0,02

0,02

0,00

0,01

0,00

0,26

0,32

0,01

0,01

Pouvoirs publics

1,00

1,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Provisions

0,30

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Recherche et enseignement supérieur

25,80

25,90

0,70

0,70

0,02

0,07

0,68

0,73

0,00

0,03

0,03

2,73

7,31

0,05

0,09

Régimes sociaux et de retraite

6,40

6,40

0,50

0,50

0,00

0,00

0,51

0,51

0,00

0,00

0,00

1,32

2,08

0,00

0,00

Relations avec les collectivités territoriales

3,00

2,80

0,20

0,20

0,00

0,00

0,25

0,23

0,00

0,00

0,01

1,14

1,09

0,00

0,01

Santé

1,20

1,20

0,10

0,10

0,01

0,01

0,08

0,08

0,00

0,01

0,01

0,13

0,44

0,01

0,01

Sécurités

18,20

18,20

0,30

0,30

0,02

0,02

0,25

0,25

0,00

0,00

0,00

9,33

9,36

0,02

0,02

Solidarité, insertion et égalité des chances

15,70

15,70

1,20

1,20

0,01

0,01

1,16

1,16

0,00

0,01

0,01

1,79

6,27

0,02

0,02

Sport, jeunesse et vie associative

0,50

0,50

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,19

0,26

0,00

0,00

Travail et emploi

11,90

11,40

0,80

0,70

0,03

0,03

0,78

0,74

0,00

0,01

0,01

3,19

5,03

0,05

0,05

Total général

311,70

296,10

10,20

9,00

0,25

0,30

10,17

9,01

0,0

0,36

0,37

145,58

130,53

0,61

0,67

Source : Gouvernement.

La question du financement des nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement

Au-delà de ces premières mesures, d’autres mesures ont été annoncées par le Gouvernement au cours des derniers mois, notamment en faveur de l’investissement et de l’emploi, sans faire l’objet, à ce jour, d’un plan de financement précis. Leurs effets potentiels sur la tenue des dépenses de l’État appellent donc à la vigilance.

RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES MESURES ANNONCÉES DEPUIS JANVIER 2015

Mesures annoncées

Date de l’annonce

Coût estimé pour 2015

Mesures de financement

Plan numérique et plan de mobilisation pour les valeurs de la République à l’école

6 novembre 2014

90 millions d’euros

Redéploiement de crédits

Plan de lutte contre le terrorisme

21 janvier 2015

400 millions d’euros

– Décret d’avance du 25 mars : 250 millions d’euros

– Redéploiement de crédits au sein de la mission Défense : 150 millions d’euros

Renforcement du service civique

5 février 2015

60 millions d’euros

décret d’avance du 25 mars : 60 millions d’euros

Mesures en faveur de l’emploi

5 mars 2015

250 millions d’euros

Redéploiement de crédits

Déclinaison du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale :

– augmentation des prestations sociales pour les familles nombreuses et les parents isolés

23 mars 2015

Non précisé

Non précisé

Plan en faveur de l’investissement et de l’activité

8 avril 2015

400 millions d’euros

(sur 2,5 milliards d’euros pour la période 2015-2017)

Non précisé

Révision de la loi de programmation militaire

29 avril – Projet de loi en cours d’examen

0*

(mais 3,8 milliards en plus pour les années 2016 à 2019)

Non précisé

100 000 nouveaux contrats aidés (dont 30 000 emplois d’avenir et 70 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi (CUI-CAE)

1er juin 2015

400 millions d’euros (et 700 millions d’euros en 2016)

Non précisé

(*) Ce montant pourrait s’élever à 2 milliards d’euros si la vente des fréquences hertziennes prévue initialement pour 2015 au profit du ministère de la défense ne devait intervenir qu’en 2016.

Source : commission des finances.

Les remarques de la Cour des comptes sur les risques de dépassement des dépenses du budget général de l’État

La Cour a procédé, comme chaque année, à une évaluation des risques de dépassements des crédits par mission du budget général sur le fondement de données prévisionnelles transmises par le Gouvernement.

Si elle s’accorde à considérer que les risques d’une augmentation de la charge de la dette ou des pensions sont très limités, la prévision des dépenses relevant de la norme « zéro valeur » présente selon elle des fragilités, synthétisées dans le tableau suivant.

LES RISQUES DE DÉPASSEMENT SUR LA NORME « ZÉRO VALEUR »

(en milliards d’euros)

Missions

Hypothèse

basse

Hypothèse

haute

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

0,6

0,7

Défense

0

0,8

Écologie, développement et aménagement durables

0

0,5

Action extérieure de l’État

0

0.1

Égalité des territoires, logement, ville

0,4

0,7

Santé

0,1

0,2

Travail et emploi

0,8

1,1

Solidarité, insertion et égalité des chances

0,6

0,7

Total brut hors dette et pensions

2,5

4,8

Marge liée à la sous-consommation des crédits

– 0,8

– 0,8

Risques sur les prélèvements sur recettes

0,1

0,3

Total sur « norme zéro valeur »

1,8

4,3

Source : Cour des comptes.

LA DOUBLE NORME APPLICABLE AUX DÉPENSES DE L’ÉTAT

Pour rappel, les deux normes de dépenses portant sur les dépenses de l’État sont :

– la norme « zéro volume », appliquée à compter de 2004 aux dépenses nettes du budget général (c’est-à-dire hors mission Remboursements et dégrèvements) de manière à ce qu’elles n’augmentent pas plus rapidement que l’inflation prévisionnelle entre deux lois de finances initiales successives (ce plafond peut donc être revu à la hausse ou à la baisse en cas de révision de l’hypothèse d’inflation) ;

– la norme « zéro valeur », appliquée à compter de 2009 aux dépenses du budget général considérées comme pilotables, soit les dépenses nettes, hors programme Charge de la dette et trésorerie de l’État et compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. Le plafond fixé par cette norme correspond, à champ constant, au niveau des crédits fixé par la loi de finances initiale prise comme référence pour établir la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. À titre d’exemple, les plafonds de la norme « zéro valeur » retenus par la LPFP 2014-2019 correspondent, à champ constant, au niveau des crédits fixé en loi de finances pour 2014 (1).

Comme le montre le tableau suivant, le champ de la norme de dépense « zéro valeur » couvre 48 % des dépenses totales de l’État (y compris prélèvements sur recettes, taxes affectées et fonds de concours). La norme « zéro volume » représente, quant à elle, 64 % de ces dépenses.

PART DES DÉPENSES SOUS NORME DANS LES DÉPENSES DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Dépenses

Adoptées
en loi de finances 2014

Exécution 2014

Dépenses totales de l’État (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux et fonds de concours)

506,6

491,2

Dépenses totales de l’État y compris prélèvements sur recettes en faveur de l’Union européenne et des collectivités territoriales, taxes affectées

586,1

571,2

dont dépenses sous norme « zéro volume » (Plafond 2014 = plafond 2013 + inflation*)

370,5

364,8

dont dépenses sous norme « zéro valeur » (Plafond 2014 = plafond 2013*)

278,4

276,7

dont dépenses non plafonnées (budgets annexes, comptes spéciaux, dépenses exceptionnelles et fonds de concours)

215,6

206,4

(*) Les plafonds de 2014 ont été construits à partir des normes retenues en loi de finances pour 2013 et ont été durcis par le Gouvernement pour respecter les objectifs de dépenses de l’État.

(1) Depuis la LPFP 2009-2012, un article fixe les plafonds de ces deux normes de dépenses pour la période de la programmation.

La Cour considère notamment que :

– plusieurs postes de dépenses (subvention d’équilibre au Fonds de solidarité, allocation transitoire de solidarité, nouveaux contrats aidés et emplois d’avenir, apprentissage, etc.) financés sur les crédits de la mission Travail et emploi pourraient entraîner des dépassements importants (entre 0,8 milliard d’euros et 1,1 milliard d’euros) ;

– les dépenses des opérations extérieures (OPEX) continueront de peser sur la soutenabilité de la mission Défense, leur budgétisation initiale ayant été maintenue à 450 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2015 (pour une exécution de 1,1 milliard d’euros en 2014) ;

– la résiliation du contrat liant l’État au consortium Ecomouv pourrait également entraîner un dépassement des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables ;

– les aides au logement et l’hébergement d’urgence resteront très dynamiques et nécessiteront, sans doute, l’ouverture de crédits supplémentaires en cours d’exercice sur la mission Égalité des territoires et logement.

Les premières informations transmises par le Gouvernement sur la répartition des crédits du budget général par mission et sur les schémas d’emplois par ministère, qui devrait être proposé par le projet de loi de finances pour 2016, sont présentées en annexe au présent rapport.

2. Les dépenses des ODAC

Le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 prévoit une augmentation en valeur de la dépense des organismes divers d’administration centrale (ODAC) de 0,7 % en 2015 (au lieu de 3,4 % en 2014).

Cette augmentation résulte de l’augmentation des dépenses de fonctionnement et des subventions versées par les ODAC. Par ailleurs, les dépenses liées aux investissements d’avenir diminueraient (2,5 milliards en 2015 au lieu de 3,5 milliards en 2014), à la condition que les dépassements qui pourraient être constatés sur certaines missions (relevant notamment du ministère de la défense) ne soient pas financés sur des crédits disponibles dans l’enveloppe des PIA.

3. Les dépenses des administrations de sécurité sociale

L’augmentation des dépenses des administrations de sécurité sociale connaîtrait également un ralentissement important en 2015 puisqu’à périmètre constant, elle serait de 1,3 % en valeur au lieu de 2,3 % en 2014.

Ce ralentissement s’expliquerait par :

– les mesures d’économies sur la croissance tendancielle des dépenses d’assurance maladie adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (estimées à 3,2 milliards d’euros)

– l’annulation supplémentaire de 425 millions d’euros de crédits au titre de la limitation de la progression de l’ONDAM à 2,05 % ;

– le ralentissement des dépenses d’assurance vieillesse sous l’effet de l’absence de revalorisation des pensions pour la deuxième année consécutive ;

– au-delà du transfert des dépenses d’allocation logement vers l’État pour 4,7 milliards d’euros, les mesures relatives à la branche famille adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et estimées à 700 millions d’euros (modulations des prestations familiales selon le revenu et aménagement de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE) ;

– par ailleurs, les prestations d’assurance chômage ne progresseraient qu’à hauteur de 1,5 %, le rythme des demandeurs d’emploi indemnisés progressant à un rythme inférieur de moitié à celui de 2014.

PRÉVISIONS DES RECETTES ET DÉPENSES DE L’ASSURANCE CHÔMAGE

(en milliards d’euros)












Source : Perspectives financières de l’assurance chômage pour les années 2015-2018, juin 2015.

4. Les dépenses des collectivités territoriales

Les dépenses des collectivités territoriales devraient être stabilisées en valeur comme en volume en 2015, après une réduction de 0,3 % constatée en 2014.

Cette stabilisation découlerait de :

– une moindre augmentation des dépenses de fonctionnement (1,8 % en 2015 au lieu de 2,1 % en 2014). La Cour des comptes soulève toutefois qu’un risque pèse sur la capacité des collectivités territoriales à ralentir leurs dépenses de fonctionnement ;

ÉVOLUTION DES DÉPENSES RÉELLES DE FONCTIONNEMENT
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

(en %)

Dépenses

2011

2012

2013

2014

2015

Dépenses réelles de fonctionnement

+ 2,4

+ 3,2

+ 2,9

+ 2

+ 1,8

Dont personnel

+ 2,1

+ 3,2

+ 3,2

+ 3,9

+ 2,6

Dont achats de biens et services

+ 2,8

+ 3,6

+ 3,9

+ 1,4

– 0,1

Dont prestations sociales

+ 3,6

+ 2,8

+ 4,4

+ 4,2

+ 4,7

Source : Cour des comptes.

– une baisse des dépenses d’investissement de 8,4 % en 2015 (après 9,6 % en 2014), ces dépenses demeurant la variable d’ajustement des budgets locaux au-delà même des effets relevant du cycle électoral ;

– la réduction de 2,6 milliards d’euros des concours financiers de l’État.

B. LES OBJECTIFS POUR LA PÉRIODE 2016-2017

En 2016, la dépense en valeur augmenterait faiblement (+ 0,2 point), dans un contexte d’inflation plus soutenue (1 %) et de poursuite du plan d’économies (14,5 milliards d’euros prévus par le plan initial, auxquels s’ajoutent 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour compenser une inflation plus faible que prévue).

En 2017, la poursuite du plan d’économies à hauteur de 14,5 milliards d’euros et la reprise de l’inflation (1,4 %) conduiraient à l’accroissement progressif de la dépense en valeur (+ 0,7 point).

Les informations transmises à ce jour au Parlement sont insuffisantes pour présenter les efforts qui seront réalisés par les différents secteurs d’administrations publiques.

1. La sécurisation de l’exercice 2016 par l’annonce de nouvelles mesures d’économies

Afin de compenser les effets de la faible inflation sur les économies à réaliser en 2016, le Gouvernement a annoncé 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

À ce titre, la Cour des comptes relève que « l’effet total de l’inflation sur les dépenses primaires (14) de 2016 serait de l’ordre de 2,5 milliards d’euros (1 milliard d’euros sur les achats de biens et services et 1,5 milliard d’euros sur les prestations indexées). L’écart par rapport aux 5 milliards d’euros annoncés n’est à ce stade pas expliqué ».

Ces économies seraient réparties entre :

– l’État et les ODAC pour 1,6 milliards d’euros ;

– les collectivités territoriales pour 1,2 milliard d’euros (hors dépenses d’investissement) ;

– les administrations de sécurité sociale pour 2,2 milliards d’euros, notamment par un abaissement de la croissance de l’ONDAM de 2 % en LPFP 2014-2019 à 1,75 %.

2. Les recommandations du Conseil de l’Union européenne pour les années 2015 à 2017

Dans sa recommandation du 13 mai 2015 (15), le Conseil de l’Union européenne souligne la nécessité pour la France de :

– « préciser les réductions de dépenses prévues pour ces années (2015-2017) et de fournir une évaluation indépendante de l’impact des principales mesures », rejoignant en ce sens les préoccupations de la Cour des comptes et du Parlement ;

– « accentuer les efforts visant à rendre efficace la revue des dépenses et à recenser les possibilités d’économies dans tous les sous-secteurs des administrations publiques ».

Au titre des administrations publiques, il recommande :

– d’aller plus loin que les 11 milliards d’euros d’économies prévus sur les dépenses des administrations de sécurité sociale en prenant « des mesures supplémentaires d’ici à mars 2016 pour ramener le système de retraite à l’équilibre, notamment en s’assurant que la situation financière des régimes de retraite complémentaires soient viables sur le long terme » ;

– de « continuer à mettre en œuvre la réduction prévue des dotations de l’État et renforcer le contrôle des dépenses des collectivités locales moyennant un plafonnement de l’augmentation annuelles des recettes fiscales de celles-ci, en tenant compte des plafonds qui s’appliquent déjà à un certain nombre d’impôts locaux. »

La Rapporteure générale s’accorde avec le Conseil pour demander au Gouvernement des informations plus précises sur les mesures concrètes à prendre pour respecter les objectifs d’économies fixés. Toutefois, elle souhaite rappeler qu’un certain nombre de réformes sont d’ores et déjà en cours (réforme de la carte territoriale, réforme du système de santé, etc.) dont les effets seront significatifs pour les administrations publiques concernées et que la baisse des dépenses publiques ne peut être que progressive, pour adapter les moyens aux besoins sans dégrader la qualité des services rendus.

C. LA MISE EN œUVRE D’UNE REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES

L’article 22 de la LPFP 2014-2019 prévoit qu’à compter de 2015 sera « jointe au projet de loi de finances de l’année une annexe dressant la liste des revues de dépenses que le Gouvernement prévoit de mener avant la fin du mois de février de l’année suivant l’adoption de ladite loi de finances ».

Le champ de cette revue a été défini de la façon la plus large possible. Il comprend en effet :

– l’ensemble des dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de concours publics ;

– les crédits d’impôt, les dépenses fiscales et les exonérations ou abattements d’assiette ;

– les réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement.

Les recommandations issues de cette revue seront présentées dans l’annexe jointe aux projets de loi de finances de sorte à :

– rappeler les objectifs d’économies à atteindre ainsi que les mesures à mettre en œuvre à cette fin ;

– dresser un bilan des précédentes revues de dépenses et des résultats obtenus.

Afin d’engager sans délais cette démarche d’économies, le Gouvernement a souhaité mettre en œuvre cette revue de dépenses dès 2015. Il a, en conséquence, transmis à la commission des finances la liste de la revue de dépenses suivantes dès février 2015 :

– les dépenses de l’assurance-maladie au titre des dispositifs médicaux ;

– le patrimoine immobilier des caisses de sécurité sociale ;

– les dépenses en faveur de l’hébergement d’urgence ;

– les aides personnelles au logement ;

– la réduction du coût des normes applicables aux collectivités territoriales ;

– la situation financière des universités ;

– les aides à l’innovation (hors crédits d’impôt en faveur de la recherche) ;

– les grandes écoles publiques d’ingénieur ;

– la rationalisation de la formation initiale des fonctionnaires dans les trois versants de la fonction publique ;

– l’organisation des élections ;

– l’audit du plan stratégique de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ;

– les dispositifs sectoriels d’exonération des cotisations sociales ;

– les frais de justice ;

– la maîtrise des frais d’affranchissement de la DGFiP.

La Rapporteure générale souhaite souligner que si cette démarche permettra à la fois de mieux identifier les économies à réaliser et d’améliorer l’information du Parlement, la première revue des dépenses engagée en 2015 appelle deux remarques :

– les constats et propositions transmises au Parlement au plus tard le 1er mars de l’année suivant l’adoption de la loi de finances de l’année seront issues des travaux des administrations chargées de conduire ces revues (soit principalement les corps d’inspection). Le Gouvernement ne souhaitera pas nécessairement reprendre à son compte l’ensemble de leurs travaux et ne soumettra au Parlement que les propositions qui lui sembleront pertinentes. Par conséquent, la totalité des sujets prévus en loi de finances ne donnera pas lieu à la réalisation d’économies ;

– la liste des sujets retenus peut se révéler insuffisante pour illustrer les efforts à réaliser sur la dépense publique et éclairer véritablement les débats du Parlement. À ce titre, les quatre revues transmises à la Rapporteure générale à la date de la rédaction de ce rapport, relatives aux frais de justice, aux frais d’affranchissement de la DGFiP, aux chambres d’agriculture et à la situation financière des universités présentent des pistes d’économies modestes.

V. UNE DETTE PUBLIQUE QUI AUGMENTE À UN RYTHME MOINS SOUTENU

A. UN RALENTISSEMENT DE L’AUGMENTATION DE LA DETTE PUBLIQUE

Les objectifs d’évolution de la dette publique fixés à l’article 3 de la LPFP 2014-2019 prévoient que le ratio de dette publique au PIB ne doit pas dépasser 95,2 % en 2014 pour permettre la baisse progressive de ce ratio à compter de 2017.

Le tableau suivant rappelle ces objectifs.

TRAJECTOIRE DE LA DETTE PUBLIQUE ADOPTÉE EN LPFP 2014-2019

(en % du PIB)

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dette des administrations publiques

95,2

97,1

97,7

97

95,1

92,4

Source : LPFP 2014-2019.

En exécution, le ratio de la dette publique au PIB s’établit à 95 % pour 2014, soit à un niveau légèrement inférieur aux prévisions de la LPFP mais également aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2014 (95,1 %).

En valeur absolue, la dette atteint 2 038 milliards d’euros, soit un montant supérieur de 84,4 milliards d’euros par rapport à 2013.

Si ces montants restent importants, le tableau suivant permet toutefois de constater que l’augmentation annuelle de la dette en valeur absolue se stabilise depuis 2012 et qu’elle ralentit progressivement en pourcentage de PIB. Ces tendances, si elles se poursuivent, devraient garantir le respect des objectifs fixés par la LPFP.

ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE EN VALEUR DEPUIS 2008

(en milliards d’euros)

Trimestre

2008 T4

2009 T4

2010 T4

2011 T4

2012 T4

2013 T4

2014 T4

Ensemble des administrations publiques

1 358,2

1 531,6

1 632,5

1 754,4

1 869,2

1 953,4

2 037,8

Augmentation annuelle de la dette publique

+ 105,2

+ 173,4

+ 100,9

+ 121,9

+ 114,8

+ 84,2

+ 84,4

Source : INSEE.

ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE DEPUIS 2008

(en % du PIB)

 

2008 T4

2009 T4

2010 T4

2011 T4

2012 T4

2013 T4

2014 T4

Ensemble des administrations publiques

68,1

79

81,7

85,2

89,6

92,3

95

Augmentation annuelle de la dette publique

(en points de PIB)

+ 10,9

+ 2,7

+ 3,5

+ 4,4

+ 2,7

+ 2,7

+ 2,1

Source : INSEE.

Ce ralentissement de l’évolution de la dette publique doit également être mis en regard avec son accroissement rapide au cours de la précédente législature, lié pour partie à la crise financière de 2008 et à la crise des dettes souveraines de 2009 mais également à l’absence de réformes permettant de maîtriser l’évolution des déficits public et structurel.

ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE

(en % du PIB)

Source : INSEE, base 2010.

L’augmentation de la dette publique constatée en 2014 traduit celle de la dette des différentes administrations publiques :

– la dette de l’État, qui représente 79 % de la dette publique, augmente de 5 % (soit une augmentation relativement faible au regard des dernières années et stable par rapport à 2013). Celle des ODAC, qui représente, quant à elle, 1 % de la dette publique, se maintient au même niveau ;

 – la dette des administrations de sécurité sociale, qui représente 11 % de la dette publique, augmente de 2 % (soit une légère hausse après une stabilisation en 2013) ;

– la dette des administrations publiques locales, qui représente 9 % de la dette publique, augmente quant à elle de 3 % (soit à un rythme légèrement inférieur à celui constaté au cours des années précédentes).

ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE
PAR SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

(en milliards d’euros)

Source : INSEE.

Ce niveau de dette publique place la France parmi les États européens les plus endettés. Ce constat est toutefois à relativiser dans un contexte de ratio moyen de dette publique au PIB qui demeure élevé dans la zone euro (92,1 %) et dans l’Union européenne (86,6 %). Ces deux moyennes sont en effet bien supérieures au seuil de 60 % fixé par le Pacte de stabilité et de croissance et illustrent les efforts à réaliser par la plupart des États pour assainir la situation financière d’ensemble de l’Europe.


Source : Eurostat, janvier 2015.

B. UNE REMONTÉE DES TAUX D’INTÉRÊT AURAIENT DES EFFETS TRÈS IMPORTANTS SUR LE DÉFICIT PUBLIC

Une hausse de 100 points de base de tous les taux d’intérêt augmenterait la charge de la dette de 2,4 milliards d’euros en 2015 et de 7,4 milliards d’euros en 2017, ce qui aurait pour effet d’annuler une grande partie des efforts réalisés sur la dépense pour tenir notre trajectoire de déficit public.

IMPACT D’UN CHOC DE TAUX DE 1 % SUR LA CHARGE MAASTRICHTIENNE
DES OAT, BTAN ET BTF

Source : projet annuel de performances de la mission Engagements financiers de l’État pour 2015.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Au cours de sa première séance du mercredi 24 juin 2015, la Commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques.

M. le président Gilles Carrez. Lors d’une précédente audition, il y a un mois, M. Didier Migaud nous avait présenté les conclusions de la Cour sur l’exécution de l’exercice 2014, conclusions qui ne concernaient que les finances de l’État. Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui concerne, lui, l’ensemble des finances publiques, ce qui inclut les comptes sociaux et les finances locales. Il est établi en application du 3° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – et doit servir de base à nos prochains débats d’orientation des finances publiques tant en commission qu’en séance publique.

L’année dernière à pareille époque, vous aviez, monsieur le Premier président, attiré notre attention sur le fait que la prévision de déficit public consolidé pour 2014, d’abord établie à 3,6 points de PIB, puis révisée à 3,8 points, risquait malgré tout d’être dépassée. Et, en effet, le déficit, en fin d’année, s’établissait à 4 points de PIB. Vous nous aviez également fait part de vos inquiétudes concernant certaines rentrées fiscales, notamment celles de l’impôt sur le revenu.

Pour 2015, l’objectif est de limiter le déficit public à 3,8 points de PIB, soit un recul de 0,2 point par rapport à 2014. C’est certes un objectif modeste mais, malgré cela, il sera sans doute difficile à atteindre. Vous mettez en particulier l’accent sur la fragilité de certaines prévisions de recettes ainsi que sur la difficulté que nous aurons à contenir la dépense publique.

Nous avons reçu hier les responsables des programmes Police nationale et Gendarmerie nationale pour qui la mise en réserve budgétaire, qui concerne 8 % de leurs crédits est problématique dans la mesure où elle concerne des crédits qui devront de toute façon être utilisés. On ne peut, de façon simpliste, penser que les économies demandées par la Commission européenne, auxquelles s’ajoutent les dépenses nouvelles, pour un montant de 4 à 5 milliards d’euros, annoncées depuis le début de l’année, seront compensées par les 8 milliards mis en réserve. Nous aimerions votre sentiment sur la question.

Quoi qu’il en soit, j’ai, pour ma part, trouvé votre rapport extrêmement intéressant. Il nourrira fort utilement notre prochain débat d’orientation des finances publiques.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je suis comme toujours très heureux d’être auditionné par votre commission pour vous présenter le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que la Cour des comptes rend public ce matin.

Ce rapport est établi chaque année en application de la LOLF, afin de nourrir le débat d’orientation des finances publiques qui aura lieu prochainement au Parlement. Il s’inscrit dans le prolongement et la continuité – j’insiste sur ces mots – des autres documents publiés au printemps par la Cour et les organismes qui y sont associés. Il prolonge notamment le rapport sur le budget de l’État en 2014, en s’intéressant cette fois à l’ensemble des administrations publiques, dont les dépenses représentent au total 57,5 points de PIB, à savoir l’État et ses opérateurs bien sûr, mais aussi la sécurité sociale et les administrations publiques locales. Il analyse la trajectoire d’évolution des finances publiques à l’horizon 2017, en cohérence avec les travaux du Haut Conseil des finances publiques, que j’ai également l’honneur de présider.

Ces différents exercices, auxquels j’ajoute l’acte de certification des comptes de l’État, portent sur des objets différents. Ils ne se contredisent évidemment pas ; au contraire, ils se complètent. Ils donnent de la gestion publique une vision multiple qu’expliquent et justifient les différences de périmètre et les différents types de comptabilité – comptabilité générale, comptabilité nationale, comptabilité budgétaire.

Avant de présenter les principaux constats relevés dans le rapport, je tiens à rappeler le rôle de la Cour, lorsqu’elle rend public son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, elle part des objectifs fixés souverainement par les pouvoirs publics, elle apprécie les résultats atteints au regard des moyens consacrés, puis elle identifie les risques pesant éventuellement sur le respect des engagements pris pour les années à venir par la France auprès de nos partenaires européens. Par une analyse des faits et des chiffres, elle s’efforce d’apporter un éclairage utile au débat public, c’est-à-dire aux décideurs et aux citoyens.

Pour vous présenter ce rapport, j’ai à mes côtés Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation interchambres chargée de sa préparation, Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, François Écalle, conseiller maître et rapporteur général de ce rapport, Éric Dubois, conseiller maître, et Vianney Bourquard, conseiller référendaire, rapporteurs devant cette formation collégiale, dont le contre-rapporteur était Christian Charpy, conseiller maître. Je suis également accompagné d’Adnène Trojette, conseiller référendaire, et de Ted Marx, directeur de la communication.

Dans son rapport, la Cour dresse plusieurs constats : premièrement, si la situation des finances publiques s’est très légèrement améliorée en 2014, elle reste néanmoins plus déséquilibrée en France que dans la moyenne des autres pays européens ; deuxièmement, des incertitudes subsistent quant au respect de la trajectoire des finances publiques pour les années à venir ; troisièmement, les décisions d’investissements publics peuvent encore gagner en rationalité.

Le premier message de la Cour est donc que la situation des finances publiques s’est très légèrement améliorée en 2014, constat auquel il convient néanmoins d’apporter quelques bémols, à savoir : une évolution différente de la situation selon la catégorie d’administrations publiques concernée ; un rythme ralenti de réduction du déficit des administrations publiques ; une situation plus déséquilibrée en France que dans la moyenne des autres pays européens ; l’existence, enfin, de marges de manœuvre pour baisser certains postes de dépenses publiques.

La très légère réduction (– 0,1 %) du déficit des administrations publiques en 2014 recouvre des situations variables, selon la catégorie d’administrations observée.

En ce qui concerne l’État, comme l’a présenté la Cour dans son rapport publié fin mai, le déficit a de nouveau augmenté à hauteur de 5 milliards d’euros en comptabilité nationale. La croissance spontanée des recettes a été inférieure à la croissance de l’activité, qui a elle-même été inférieure à la prévision. Les normes d’évolution utilisées pour le pilotage de la dépense publique ont certes été respectées, mais la Cour a mis en évidence que cela s’était fait au prix d’opérations contestables, notamment des débudgétisations et des reports de charges sur 2015.

Le déficit de la sécurité sociale, soit 0,4 point de PIB, a été pratiquement stable, entre 2013 et 2014. Les objectifs de dépenses de l’assurance maladie et des régimes obligatoires ont globalement été tenus. Mais, comme pour l’État, les recettes de la sécurité sociale ont aussi été affectées par la faiblesse de la croissance. Cette stabilité du déficit ne saurait par ailleurs dissimuler l’anomalie que représente en elle-même la persistance d’un déficit, donc le financement par la dette de dépenses courantes de transfert.

Les administrations publiques locales ont, quant à elles, contribué à la réduction des déficits publics, à hauteur de 0,2 point de PIB. La baisse des investissements en apporte une explication : traditionnelle les années d’élections municipales, elle a été plus accentuée que d’habitude en 2014. Toutefois, les dépenses de fonctionnement des administrations locales ont continué d’augmenter. Et, même si cette évolution s’est infléchie par rapport à 2013, cela n’a pas suffi pour empêcher la dégradation de l’épargne brute.

Au total, le déficit, toutes administrations publiques confondues, s’est établi en 2014 à 4 % du PIB, alors que la loi de finances rectificative pour 2014 comme la loi de programmation des finances publiques prévoyaient 4,4 %.

La modération de l’évolution des dépenses, engagée depuis 2011, s’est poursuivie en 2014. S’il faut donner acte de cette modération, la Cour relève toutefois qu’elle a bénéficié de deux facteurs favorables, dont la pérennité n’est pas assurée : d’une part, la baisse de l’investissement public local ; d’autre part, la réduction de la charge des intérêts de la dette, en raison de la faiblesse des taux d’intérêt, et alors même que la dette progressait.

Par ailleurs, il s’agit d’une baisse de seulement 0,1 point par rapport à 2013. Cette amélioration du solde public est aussi inférieure à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale pour 2014, qui prévoyait de ramener le déficit à 3,6 %. En raison de la très faible croissance relevée en 2014, la réduction du déficit structurel (– 0,5 %) est supérieure cette année à celle du déficit effectif (– 0,1 %). Néanmoins, cette réduction du déficit structurel de - 0,5 point de PIB est à mettre en regard de l’amélioration annuelle moyenne de 0,9 point de PIB, observée entre 2011 et 2013.

Dès lors, la France n’est pas encore parvenue à stabiliser sa dette publique en 2014. Celle-ci a ainsi continué d’augmenter pour atteindre 95,6 points de PIB fin 2014, soit 3,3 points de plus que fin 2013.

Afin de remettre dans son contexte la situation des finances publiques de la France, la Cour a souhaité la comparer avec celle d’autres pays européens. Avec toutes les précautions méthodologiques qui s’imposent, plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces comparaisons européennes.

En premier lieu, alors qu’en 2014 le déficit structurel s’est réduit plus vite en France que dans la moyenne des pays de la zone euro ou de l’Union européenne, la baisse du déficit effectif n’est pas aussi rapide qu’elle ne l’est en moyenne chez nos voisins. Avec un déficit de 4 points, la France se situe aussi à un niveau nettement plus élevé que la moyenne – 2,4 points de PIB pour la zone euro ; 2,9 points de PIB pour l’Union européenne.

En 2014, le poids de la dette reste supérieur en France à celui de la moyenne des pays ayant adopté la monnaie unique – 95,6 % en France, contre 91,9 % dans la zone euro – et à la moyenne des États membres de l’Union européenne – 86,8 %. Alors que la France et l’Allemagne avaient en 2010 des niveaux de dette publique très proches, en 2014, l’endettement de la France est de plus de 20 points de PIB supérieur à celui de l’Allemagne.

En second lieu, en ce qui concerne les dépenses publiques, l’effort structurel réalisé depuis 2010 apparaît moindre en France que dans la plupart des pays européens. Malgré le poids très élevé des dépenses publiques, la France a en effet privilégié jusqu’en 2013 une consolidation des finances publiques par la hausse des recettes.

Dans le même temps, d’autres pays ont choisi une répartition des efforts plus équilibrée entre recettes et dépenses. Concrètement, en France, le niveau des dépenses a continué d’augmenter en volume, même si cette croissance s’est ralentie. Dans de nombreux pays à l’inverse, il a baissé ; c’est notamment le cas de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie et des Pays-Bas.

Au total, en dépit d’une très légère amélioration en 2014, la situation des finances publiques reste plus déséquilibrée en France qu’elle ne l’est en moyenne dans les autres pays de l’Union européenne.

Les travaux de la Cour, que j’ai régulièrement l’occasion de présenter au Parlement, le démontrent : des marges de manœuvre existent pour une action publique plus efficace, plus efficiente, dans le cadre d’une dépense mieux maîtrisée. Ce sont les résultats atteints par une politique publique qui garantissent sa crédibilité, et non l’augmentation des moyens qui y sont consacrés. Nos concitoyens y sont de plus en plus attentifs ; ils savent que qualité du service public ne rime pas forcément avec quantité de dépense publique.

L’exemple de plusieurs de nos partenaires le montre, au sein de l’Union européenne comme au sein de l’OCDE, la baisse durable du poids des dépenses dans le PIB suppose que les réformes reposent sur des choix explicites. Elle suppose également que les efforts soient partagés entre l’ensemble des administrations publiques.

Dans le rapport rendu public ce matin, la Cour relève que des risques et incertitudes continuent de peser sur la trajectoire des finances publiques retenue par les pouvoirs publics, d’une part pour 2015 et, d’autre part, pour les années 2016 et 2017.

Dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2014, le déficit public prévu pour 2015 était de 4,1 % du PIB. Dans le dernier programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne, cette prévision a été abaissée à 3,8 % du PIB. Le résultat budgétaire meilleur que prévu en 2014, la baisse de l’hypothèse d’inflation et les nouvelles mesures d’économies annoncées permettent ainsi d’envisager une situation financière un peu améliorée en 2015. Néanmoins, plusieurs risques, même s’ils sont plus limités que les années précédentes, pèsent sur la situation des finances publiques en 2015.

Comme l’a indiqué le Haut Conseil des finances publiques dans son avis d’avril dernier, le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est prudent. Sous ces hypothèses, l’augmentation du produit des prélèvements obligatoires apparaît incertaine, notamment pour ce qui est de l’impôt sur le revenu. Le rendement de certaines mesures fiscales nouvelles pourrait également être plus faible que prévu. Ces risques sont toutefois limités à un montant de l’ordre de 0,1 point de PIB, qui pourrait être compensé si la croissance de l’activité dépasse de 0,2 point la prévision, ce qui est envisageable pour 2015. Les risques mis en évidence par la Cour au même stade ces trois dernières années étaient nettement plus importants.

Par ailleurs, la cession de fréquences hertziennes prévue pour 2015 pourrait n’avoir lieu qu’en 2016, reportant ainsi les ressources exceptionnelles associées.

Des tensions persistent en ce qui concerne l’évolution des dépenses de l’État. Ces tensions sont plus fortes en 2015 qu’en 2014, puisque les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale sont compris entre 1,8 et 4,3 milliards d’euros cette année, tandis que la fourchette se situait l’an dernier entre 1,1 et 3,2 milliards. Il est à noter que l’annulation, début juin, de 700 millions de crédits du budget général a porté sur certaines missions pour lesquelles des risques de dépassement ont été identifiés. Cela ne fera que renforcer ces tensions.

Dans le même temps, la nette modération des dépenses locales prévue pour 2015 dans le programme de stabilité – baisse supplémentaire des dépenses d’investissement de 8,4 % en 2015, après une diminution de 9,6 % en 2014 ; hausse limitée des dépenses de fonctionnement, qui augmentent de 1,8 % après 2,1 %, ce qui inclut la masse salariale qui croît de 2,6 % après 3,9 % en 2014 – n’est pas assurée.

Au total, à condition que le pilotage des dépenses publiques soit particulièrement strict, l’objectif visé n’est pas inaccessible. Le déficit public pourrait effectivement se situer autour de 3,8 % du PIB en 2015, comme le prévoit le Gouvernement.

Une telle réduction de 0,2 point de PIB n’en resterait pas moins faible, au regard de la situation économique, celle d’une certaine reprise de la croissance – 1 à 1,2 %, contre 0,2 % en 2014. Elle serait en tout cas bien insuffisante pour stabiliser la dette, qui pourrait atteindre 97 % du PIB.

Pour 2016 et 2017, le programme de stabilité a retenu des prévisions prudentes de croissance économique et d’évolution des recettes publiques. Il repose en revanche sur un objectif de stabilisation en volume (+ 1,1 %) des dépenses hors charges d’intérêt nettement plus ambitieux que pour 2015. Dès lors, le respect de la trajectoire des finances publiques repose tout entier sur la capacité à réaliser des efforts structurels sur la dépense publique.

L’atteinte des objectifs prévus pour 2016 et 2017 impose la réalisation, chaque année, de 14,5 milliards d’euros d’économies. Ces économies sont calculées à partir de l’évolution tendancielle des dépenses, estimée de manière largement conventionnelle, comme la Cour l’a déjà souligné l’an dernier. Quant aux mesures censées permettre ces économies, elles sont à ce stade peu documentées. La prévision de déficit, ramenée à 3,3 % du PIB en 2016 et à 2,7 % en 2017, n’est donc pas acquise.

Elle sera a fortiori plus difficile à atteindre si l’inflation est plus faible ou les taux d’intérêt plus élevés que prévu. En effet, il faut garder à l’esprit qu’une baisse d’un point de l’inflation non anticipée peut entraîner 5 milliards d’euros de déficit supplémentaires. De même, selon l’Agence France Trésor, une hausse de 100 points de base de tous les taux d’intérêt – appliquée à toutes les maturités – entraînerait immédiatement 2,4 milliards d’euros de charge d’intérêts supplémentaire et 7,4 milliards en 2017. Encore ces chiffres ne concernent-ils que l’État, la Banque de France ayant évalué à 50 milliards d’euros sur cinq ans les conséquences d’une augmentation des taux d’intérêt de 100 points de base, toutes administrations publiques confondues.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons auditionné la semaine dernière le directeur de l’Agence France Trésor, qui nous a en effet communiqué ces éléments. Il nous a expliqué que si la progression de la charge pouvait paraître assez lente c’est que ce qui a été emprunté l’a été à des taux faibles et sur des maturités assez longues – de huit à dix ans en moyenne –, ce qui permet de conserver le bénéfice des taux faibles pendant un certain nombre d’années.

Mme Valérie Pécresse. Pouvez-vous nous confirmer que le besoin de financement de la France s’élève bien à 180 milliards d’euros d’emprunts à long terme, auxquels s’ajoutent l’équivalent en bons du Trésor pour la gestion de la trésorerie à court terme ?

M. le Premier président de la Cour des comptes. Les chiffres de progression de la charge peuvent vous paraître faibles mais ils sont néanmoins significatifs même si une augmentation de 100 points de base n’entraîne pas immédiatement l’effet massif qu’elle aurait si elle concernait l’ensemble de la dette.

En termes de déficit structurel, les pouvoirs publics se sont fixé, dans le programme de stabilité, un objectif de baisse de 0,5 point de PIB en 2016 et 2017. Cet objectif sera en fait un peu plus facile à atteindre qu’initialement envisagé : en effet, quatre mois seulement après le vote de la loi de programmation qui a déterminé la trajectoire de solde structurel de 2014 à 2019, le Gouvernement a modifié les modalités de calcul de la croissance potentielle, la révisant à la hausse de 0,2 point. Cette révision, regrettée par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 13 avril 2015 sur le programme de stabilité, allège l’effort nécessaire pour atteindre la cible.

Afin de permettre la réalisation des objectifs affichés, le Gouvernement compte beaucoup sur la maîtrise de la dépense via les normes budgétaires, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM –, le plafonnement des taxes affectées, ou encore la modération des concours financiers aux collectivités territoriales. Dans les faits, le programme de stabilité prévoit des efforts portant avant tout sur les dépenses les plus faciles à réduire sans réforme de fond, comme les investissements et des achats courants de biens et de services.

C’est pourtant bien la capacité des pouvoirs publics à faire des choix de réformes à la hauteur des enjeux qui fera la différence. Comme j’ai déjà pu le dire à plusieurs reprises, il ne s’agit pas d’une contrainte imposée, importée, mais bien d’une exigence nécessaire au maintien de notre souveraineté.

La Cour a souhaité, dans un chapitre de ce rapport, s’intéresser à la question des investissements publics. Cette question fait en effet l’objet de débats nourris, tant au niveau national qu’européen. Les investissements publics doivent être décidés avec le souci de l’efficacité et de l’efficience à moyen et long termes. C’est le troisième et dernier message de la juridiction.

En 2014, les investissements publics, qui représentent un cinquième de l’investissement total, ont atteint 96 milliards d’euros, soit 4,5 points de PIB. Ils sont portés en partie par les administrations publiques locales, en particulier à travers les équipements publics qu’elles construisent et entretiennent. Mais, et c’est un fait qui n’est pas toujours bien connu, les investissements publics sont, pour une part équivalente, pris en charge par l’État et ses opérateurs. Cette répartition, sensiblement différente de celle mise en avant les années précédentes, résulte du nouveau référentiel de comptabilité nationale : celui-ci intègre en effet au sein des investissements publics l’équipement militaire – 4 à 10 milliards d’euros par an – et la recherche et développement – 16 à 17 milliards d’euros –, principalement à la charge de l’État et de ses agences.

Les montants consacrés en Europe aux investissements publics sont en baisse depuis 2007. Cela n’a été le cas en France qu’en 2014, et à un rythme nettement moins élevé. En dépit de cette baisse, les dépenses publiques d’investissement en France restaient en 2014 plus élevées que partout ailleurs en Europe, sauf en Suède. Leur niveau est supérieur à ce qui est nécessaire pour maintenir et entretenir les infrastructures publiques existantes, dont la densité apparaît d’ailleurs satisfaisante.

Les travaux de la Cour le montrent : les investissements publics ne sont pas vertueux par nature, par essence. Les décisions d’investissement doivent être prises dans une perspective de long terme, en fonction de la capacité des projets à relever le potentiel de production de l’économie française ; en fonction de leur propension à améliorer les conditions de vie des ménages ou à générer des gains de productivité ; en fonction, enfin, des dépenses de fonctionnement qu’elles font peser durablement sur l’administration.

En somme, la Cour ne relève pas de signe d’insuffisance globale de l’investissement public en France mais elle pointe la qualité souvent contestable de la décision d’investir et de la conduite des projets d’investissement. Une meilleure connaissance et une évaluation plus systématique de ces projets permettraient de prendre des décisions plus rationnelles. Il s’agit moins pour les administrations publiques d’intervenir sur le niveau global de l’investissement public que de mieux investir. Les obligations d’évaluation socio-économique et de contre-expertises inscrites dans la loi de programmation des finances publiques constituent en la matière une avancée notable, mais des progrès restent à accomplir, notamment en définissant mieux ces obligations.

Je ne peux terminer mon propos sur la situation et les perspectives des finances publiques sans dresser un premier bilan des instruments de pilotage pluriannuel des finances publiques. Le vote en 2014 d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques justifie en lui-même que le rapport y consacre un développement spécifique.

D’une part, la Cour a constaté une amélioration des lois successives de programmation des finances publiques. Elles distinguent de plus en plus clairement les objectifs et les règles budgétaires. Elles limitent les affectations de taxes à des opérateurs, comme le Conseil des prélèvements obligatoires l’a préconisé en 2013. Elles comportent désormais une règle d’évolution des crédits d’impôt. Y figure ainsi un objectif d’évolution de la dépense publique totale en valeur, décliné par catégorie d’administrations.

Des progrès sont évidemment encore possibles. Je pense notamment au périmètre des normes de dépenses de l’État, qui pourrait évoluer pour éviter les contournements observés avec les programmes d’investissements d’avenir – PIA – en 2014. Je pense aussi à la mise en place de lois de financement des collectivités territoriales et de la protection sociale obligatoire, à la faveur d’un pilotage plus résolu encore de la dépense.

D’autre part, la publication de ce rapport est aussi l’occasion de faire un point sur le mécanisme de correction prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. En mai 2014, le Haut Conseil des finances publiques avait constaté un écart entre la programmation pluriannuelle et les résultats. Plutôt que de présenter des mesures correctives, le Gouvernement a préféré proposer une nouvelle loi de programmation, revoyant à la baisse la trajectoire des finances publiques. En pratique, le mécanisme de correction est donc demeuré sans effet.

Je veux conclure en rappelant que la Cour ne méconnaît pas les efforts réalisés ces dernières années par les pouvoirs publics pour procéder au nécessaire redressement des finances publiques. Elle n’ignore pas davantage le contexte nouveau dans lequel évoluent nos finances publiques : la trajectoire de consolidation budgétaire a été renégociée avec la Commission européenne, repoussant à 2017 le retour aux 3 % et à 2019 l’équilibre structurel. La Cour intègre aussi dans son raisonnement l’amélioration du climat économique aujourd’hui perceptible.

Les travaux de la juridiction montrent cependant que la prudence doit rester de mise et que l’effort structurel ne doit pas être relâché. Les fondamentaux de l’économie demeurent fragiles : d’une part, la croissance de l’activité et l’inflation sont encore faibles ; d’autre part, le bas niveau des taux d’intérêt ne doit pas dissimuler le risque d’un endettement trop élevé, ni anesthésier les efforts de réforme. Or, nous constatons que la réduction des déficits publics s’est ralentie entre 2013 et 2015.

Un effort beaucoup plus important est prévu en dépense pour les années à venir. L’atteinte des objectifs que les pouvoirs publics se sont assignés repose sur la réalisation de cet effort. Dès lors, le retour à un climat économique plus porteur ne doit pas altérer le degré de vigilance collective sur la situation et les perspectives des finances publiques.

L’amélioration structurelle des comptes publics reste nécessaire, et les administrations publiques doivent persévérer dans cette voie. Cette amélioration est possible, les recommandations mises sur la table par les juridictions financières le montrent. Par leurs travaux, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes continueront d’apporter régulièrement des pistes d’amélioration de l’action publique. C’est la mission que leur confient la Constitution et les lois organiques, au service des décideurs et des citoyens.

M. le président Gilles Carrez. Vos propos semblent confirmer que la maîtrise des dépenses de l’État restera problématique en 2015, puisque vous évaluez entre 1,8 et 4,3 milliards d’euros les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale. Pouvez-vous nous confirmer que n’est pas incluse dans cette fourchette l’éventuelle compensation budgétaire des 2 milliards de recettes exceptionnelles censées abonder le budget de la défense, au cas où elles ne seraient pas au rendez-vous ?

Si la dépense de l’État a été contenue l’an dernier, c’est d’abord grâce aux 5 milliards d’économies réalisées sur les intérêts de la dette, mais également grâce à une révision à la baisse du prélèvement européen et à la débudgétisation de certaines dépenses qualifiées d’exceptionnelles – je pense en particulier au PIA – ainsi qu’à la reconstitution de la dette de l’État envers la sécurité sociale, dont j’aimerais savoir comment vous la mesurez aujourd’hui.

Eu égard aux différentes annonces de dépenses nouvelles faites en début d’année, vous paraît-il possible de respecter en 2015 la norme « zéro valeur », c’est-à-dire la stabilité en valeur des dépenses de l’État, hors charge de la dette et pensions, en gageant, dans le cadre de la régulation budgétaire infra-annuelle, les 4,3 milliards de dépassement que vous anticipez sur les crédits mis en réserve ? Par ailleurs, cette pratique consistant à recourir systématiquement à la réserve de précaution, déterminée chaque année à proportion du budget, ne date pas d’hier, mais ne pensez-vous pas qu’elle comporte des risques pour le fonctionnement de l’État dans ses missions régaliennes ? Les responsables de la gendarmerie et de la police que nous avons entendus hier nous ont longuement entretenus de problèmes aussi concrets que le remplacement de leurs véhicules. Que pense la Cour des comptes de la régulation budgétaire, dès lors qu’il s’agit de milliards de dépenses nouvelles à financer ?

Quoi qu’il en soit, je me réjouis que vous estimiez plutôt faible le risque pesant sur les recettes.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Je vous remercie d’avoir signalé, même sans y avoir mis un enthousiasme débordant, l’effort fait en faveur de la maîtrise de la dépense publique.

Vous avez évoqué la composante structurelle du déficit, notion qui fait souvent débat au sein de notre commission, et vous êtes appuyés sur des comparaisons européennes. Quelles hypothèses de croissance potentielle avez-vous retenues pour chacun de nos voisins, sachant que l’effort accompli se mesure par rapport à ces hypothèses de départ et qu’il n’est pas certain que nous soyons tous d’accord sur ces dernières ?

Vous avez ensuite abordé la question de l’investissement public, en reprécisant les changements de méthodologie ayant affecté sa définition. J’aurai ici une légère divergence de vue par rapport à votre analyse. Ce qui compte, en effet, c’est l’investissement total dans l’économie et, selon les pays, un investissement peut, ou non, être qualifié d’investissement public, en raison de systèmes de comptabilité différents. Ainsi, l’investissement public peut apparaître plus faible en Allemagne mais les montants injectés dans l’économie plus importants. Vous êtes-vous intéressés aux montants globaux investis dans les économies européennes, et comment la France se situe-t-elle, selon cette approche, par rapport à ses partenaires ?

En ce qui concerne les risques de dépassement des crédits votés en loi de finances initiale, notamment au sein de la mission Défense, la récente révision de la loi de programmation militaire est-elle de nature à apaiser vos craintes ?

Comment par ailleurs interprétez-vous la sous-exécution des plafonds d’emplois, et quelles recommandations pourriez-vous formuler sur ce point ?

S’agissant enfin des collectivités locales, vous avez annoncé pour 2015 une nouvelle baisse des investissements de 8,4 %. Confirmez-vous ce chiffre ou faut-il le revoir à la hausse ?

M. Dominique Lefebvre. Je salue à mon tour le travail, fort utile à nos débats, accompli par la Cour des comptes. Cette dernière est en effet davantage dans son rôle en mettant l’accent sur le chemin qui reste à parcourir plutôt que sur celui déjà parcouru, eu égard notamment aux errements de ce pays depuis quarante ans et au cours des deux derniers quinquennats.

Je souscris sans réserves aux dernières lignes de votre rapport, selon lesquelles il est important de soutenir la croissance, qui est un levier de redressement des finances publiques, ce qui implique impérativement, en toutes circonstances et notamment en période de reprise, de continuer à faire un effort d’amélioration du solde structurel. Partant, le choix du Gouvernement et de la majorité parlementaire d’étaler dans le temps l’ajustement des finances publiques afin de soutenir la croissance suppose en contrepartie de maintenir l’effort dans la durée.

Les comparaisons européennes auxquelles vous avez procédé permettent de répondre à ceux qui, à gauche comme à droite, nous accusent de mener une politique d’austérité alors que ce n’est en réalité pas le cas – et vous auriez d’ailleurs pu insister davantage sur le caractère extrêmement dégradé, notamment depuis 2012, de la situation de notre économie.

Quoi qu’il en soit, et votre rapport, sans le trancher, a le mérite de poser le débat ; l’ampleur et la dureté des ajustements budgétaires auxquels ont procédé un certain nombre de pays ont non seulement eu des conséquences économiques et sociales lourdes au plan national, mais leur impact sur la croissance de la zone euro a été indéniable. Dans ces conditions, les réformes structurelles que vous qualifiez de « réformes vigoureuses » et qui consistent en réalité en une baisse des effectifs des fonctionnaires, un gel ou une baisse de leurs traitements, une baisse des prestations familiales et une diminution de l’investissement public constituent un modèle qui, à tout le moins, mérite débat.

Je ne comprends pas, par ailleurs, pourquoi est à ce point minoré l’effort de maîtrise de la dépense publique engagé depuis le début de ce quinquennat. En deux ans et demi, nous avons divisé par quatre le rythme tendanciel d’évolution de la dépense publique, passé de 3,6 % en moyenne à 0,9 % ; le déficit structurel a été divisé par deux et ramené de 4,4 % du PIB en 2011 à 2,1 % aujourd’hui. J’irai jusqu’à dire que nous avons, sur un demi-quinquennat, effacé les effets des deux quinquennats précédents où l’opposition était aux commandes, puisque le déficit structurel s’établissait en 2002 à 4,2 % et à 4,4 % en 2012, alors que la moyenne d’évolution du PIB en valeur sur cette période a été supérieure à 3 %, contre à peine plus de 1 % depuis 2012. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte la faiblesse de la conjoncture pour mesurer nos efforts structurels, contraints par la nécessité de préserver la croissance et d’empêcher la récession qu’ont connue d’autres pays européens, à moins que vous ne choisissiez de qualifier de justes et efficaces les politiques d’ajustement conduites en Grèce, en Espagne ou en Italie. On ne peut imputer la totalité de la baisse de la dépense publique à la baisse des taux d’intérêt et au cycle électoral et minorer comme vous le faites des efforts d’autant plus notables qu’en période de ralentissement de l’activité, les mécanismes stabilisateurs augmentent en général la dépense publique.

Il faudrait ensuite clarifier ce que l’on entend par réforme structurelle – ou vigoureuse – et s’accorder sur le fait de savoir si une mesure d’économie ciblée et reconduite d’année en année constitue ou non une économie structurelle.

En tout état de cause, il ne saurait être question de remettre en cause brutalement des choix politiques qui entendent – précisément par le biais des stabilisateurs économiques – préserver notre modèle social et permettent à nos concitoyens de traverser la crise de manière moins douloureuse et plus porteuse d’avenir que chez certains de nos voisins européens. Cela étant, je partage avec vous l’idée qu’il est indispensable de poursuivre dans la voie d’un ajustement modéré, en nous gardant de repartir, comme en 1990 ou en 1999, dans un nouveau cycle de dépenses au moment où semble s’amorcer une reprise.

M. le président Gilles Carrez. Personne ne conteste l’effort structurel accompli par le Gouvernement. Le problème est qu’il s’agit d’un effort structurel portant sur la fiscalité.

M. Hervé Mariton. La Cour des comptes considère-t-elle que l’investissement public est excessif ? La question se pose au regard de ce qui se pratique dans les autres pays de l’Union européenne et compte tenu de ce que sont nos moyens, nos choix budgétaires et la trajectoire dans laquelle nous nous inscrivons. Contrairement à la tonalité dominante du discours ambiant, le Premier président a rappelé qu’un investissement n’était pas nécessairement vertueux par définition. Dans ces conditions une part de notre effort de réduction de la dépense ne doit-il pas porter sur les investissements ?

Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les collectivités locales jouent un rôle majeur dans l’investissement public, votre rapport fait apparaître la part légèrement supérieure prise par l’État et ses opérateurs dans cet investissement. Est-ce lié aux nouvelles règles comptables que vous avez évoquées, et cela reflète-t-il la réalité ?

Je n’ai pour ma part aucune raison de penser que la Cour minore les efforts accomplis au plan structurel mais, comme vient de le rappeler Gilles Carrez, cet effort porte essentiellement sur les recettes et beaucoup plus marginalement sur les dépenses. Au regard de ce qui se pratique chez nos partenaires européens, qui n’ont pas tous opté pour des formes drastiques d’austérité, la Cour peut-elle évaluer ce que serait une trajectoire raisonnable et soutenable d’efforts structurels en matière de dépenses publiques ?

M. Charles de Courson. Au risque de perturber certains esprits conservateurs, je persiste à penser que la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel est devenue obsolète. En effet lorsqu’on regarde les résultats et les prévisions pour la période 2011 à 2017, on constate que le déficit conjoncturel rapporté au PIB ne cesse d’augmenter : – 0,7 en 2011, – 1,2 en 2012, – 1,5 en 2013, – 1,9 en 2014, – 2 pour 2015, – 2,2 pour 2016 et – 2,1 pour 2017. Cette hausse continue du déficit conjoncturel est théoriquement impossible car, selon la théorie des cycles, le déficit conjoncturel est censé s’accroître pendant une période de cinq à sept ans, pour diminuer lorsque le cycle atteint son sommet. Il convient donc de s’interroger sur la validité des outils que nous utilisons, et j’aimerais avoir votre sentiment sur la pertinence de cette distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel établie par les traités européens.

À deux reprises, vous remettez en cause dans votre rapport les 50 milliards d’économies annoncées par le Gouvernement sur la période 2015-2017. Si le compte n’y est pas, n’est-ce pas précisément parce qu’ils ont été calculés sur la base d’évolutions tendancielles, dont certaines remontent à huit ou neuf ans ?

En ce qui concerne les investissements publics, vous battez en brèche l’idée selon laquelle les collectivités locales assureraient 70 % de l’investissement public. Selon vos chiffres en effet, l’État et ses opérateurs contribuent pour 47 % à cet investissement, dont 22 % sous forme de subventions.

Une lecture superficielle de votre rapport pourrait laisser penser qu’une réduction des investissements publics ne serait pas si grave puisqu’il n’y a guère que la Suède qui fasse en la matière un effort supérieur au nôtre et qu’avec un investissement public équivalent à 4,5 points de PIB nous sommes au-delà de la moyenne européenne, qui se situe à 3,3 points, ce qui nous laisse donc 1,5 point de marge. Je déduis néanmoins de vos études antérieures que ces écarts doivent s’analyser autrement, puisque vous avez vous-mêmes établi, par exemple, que les investissements publics ne permettaient plus de moderniser ni d’entretenir le réseau routier. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous considérez néanmoins que l’investissement public demeure dans notre pays supérieur à ce qui est nécessaire pour provisionner les dotations aux amortissements ? Est-ce d’ailleurs vrai pour les investissements de l’État ?

M. Éric Alauzet. Je regrette qu’à côté des efforts entrepris pour réduire la dépense publique, on ne travaille pas davantage à améliorer la recette publique, notamment en renforçant la lutte contre la fraude. Il y a là un gisement de recettes énormes, comme en témoignent les 2 milliards d’euros supplémentaires recouvrés en 2014.

Ces deux dernières années, les recettes fiscales ont été moindres qu’attendu, avec un manque à gagner de 16,4 milliards d’euros en 2013, soit 0,5 point de moins qu’anticipé, et de 9,6 milliards d’euros en 2014, soit 0,7 point de moins. Pourriez-vous nous indiquer ce qui, dans cette perte de recettes, est imputable à une croissance plus faible que prévu ?

En ce qui concerne les dépenses, notre pays a certes bénéficié de la faiblesse des taux d’intérêt mais cet avantage est compensé par sa contrepartie, à savoir une moindre croissance.

La baisse des impôts a également pesé sur le budget, même s’il s’agit d’un point positif pour les agents économiques. Les ménages ont ainsi économisé 2 milliards d’euros en 2014 et les entreprises 6,7 milliards d’euros, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ce sont donc plus de 8 milliards d’euros restitués aux ménages et aux entreprises, ce qui correspond peu ou prou à la différence entre les 3,6 % de déficit prévus et les 4 % constatés in fine.

Je regrette par ailleurs que nous ne disposions d’aucune évaluation en termes de croissance et d’emplois de l’évolution de nos recettes et de nos dépenses.

Je rejoins enfin Charles de Courson : on ne peut raisonner par rapport à un référentiel qui date désormais et ne pas prendre en compte le fait que la perspective de croissance à long terme tourne autour de 1 %. La distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel ne me paraît plus opérante dans ces conditions, car le déficit conjoncturel est en train de se transformer en déficit structurel.

M. le Premier président de la Cour des comptes. Je confirme que nous n’identifions pas de risques importants sur les recettes en 2015. Pour quelques impôts, nous signalons une possible surestimation des recettes attendues qui pourrait toutefois être compensée par une croissance plus soutenue. Ce risque, évalué à 0,1 point de PIB, pourrait être neutralisé si la croissance est supérieure à 1 %, comme le prévoient un certain nombre d’organismes et d’économistes. La confirmation apportée par l’INSEE sur la croissance au premier trimestre semble conforter ce scénario.

En revanche, nous identifions un risque sur la dépense plus important qu’en 2014.

L’année 2014 a bénéficié en effet de conditions favorables que le rapport rappelle : une moindre charge de la dette et un prélèvement européen moins élevé que prévu ainsi que la baisse des investissements locaux.

L’exercice 2015 s’annonce plus risqué quant à la capacité à respecter les engagements pris compte tenu de certains mouvements, en particulier le report de charges de 2014 sur 2015. L’estimation du risque de dépassement des crédits, entre 1,8 et 4,3 milliards d’euros, est supérieure à celle de l’année dernière, compte non tenu des 2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles que vous avez mentionnés pour le budget de la défense.

En 2014, nous avons noté une augmentation de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale.

Il est vrai que le niveau de réserve est important. Chaque année, les montants annulés ne correspondent pas aux montants mis en réserve. Ils se situent souvent autour de 3 milliards d’euros. Nous savons déjà que certaines dépenses devront être dégelées pour assumer le paiement d’autres dépenses.

Les politiques de réduction forfaitaire ne sont pas indiquées pour maîtriser structurellement la dépense publique. Elles peuvent même avoir des effets pervers sur la capacité de l’État à continuer à exercer ses missions régaliennes, nous avons eu l’occasion de le noter.

S’agissant de la distinction entre composante structurelle et composante conjoncturelle du déficit, le Haut Conseil des finances publiques l’a dit, ces notions sont intéressantes mais fragiles, surtout en période de faible croissance. Elles peuvent avoir leur intérêt si la croissance repart. Malgré leur fragilité, ces concepts ont été adoptés au niveau européen et vous les avez votés. Il faut cependant les relativiser d’autant que le déficit structurel dépend beaucoup de la croissance potentielle qu’il est possible de modifier. Cela doit conduire à s’interroger sur un certain nombre de raisonnements qui sont tenus.

S’agissant des collectivités territoriales, nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la présentation du rapport sur les finances locales. Nous enregistrons une baisse de l’investissement local en 2014 plus forte que lors des autres années électorales.

Pour 2015, le Gouvernement anticipe une nouvelle baisse – après 9 % en 2014, les prévisions sont de 8 % pour 2015 – qui peut contribuer au respect des prévisions sur la dépense publique.

Quant à la trajectoire des finances publiques, au niveau de l’investissement public ou au modèle social français, il n’appartient pas à la Cour d’en décider, je le répète. C’est à vous que reviennent les choix. En pointant un niveau d’investissement public à 4,5 % du PIB, la Cour dresse un constat, elle ne porte pas de jugement de valeur. La Cour n’a pas à proposer de modèle. Elle raisonne par rapport aux trajectoires et aux objectifs que vous fixez.

En matière de maîtrise de la dépense, les objectifs du Gouvernement sont plus ambitieux pour 2016 et 2017 que pour les années passées, au cours desquelles l’essentiel du redressement des comptes publics a reposé sur les prélèvements obligatoires. 2014 est l’année qui amorce le changement : la maîtrise de la dépense commence à être prise en compte dans la réduction du déficit structurel. Il est prévu que l’effort se porte en 2016 et 2017 presque exclusivement sur les dépenses. C’est la raison pour laquelle nous disons que la trajectoire ne sera respectée que si l’effort de maîtrise de la dépense se concrétise. Nous sommes dans notre rôle en identifiant les risques de dépassement en la matière. Nous ne minorons absolument pas l’effort tout en observant que la baisse du déficit structurel ces dernières années est essentiellement due à l’augmentation des prélèvements obligatoires.

S’agissant des investissements publics, il me semble plutôt pertinent de considérer les dépenses de recherche et développement comme des dépenses d’investissement. Ces changements, qui paraissent plutôt bienvenus, ont pour conséquence d’augmenter la part de l’État et des opérateurs dans les investissements publics.

Le même constat s’impose pour les dépenses et pour les investissements : la rationalité des décisions peut être améliorée. Nous avons ainsi eu l’occasion de montrer que la grande vitesse ferroviaire n’est pas obligatoirement la solution universelle pour toute ligne de chemin de fer ; que l’implantation de deux gares de TGV à quelques kilomètres de distance n’est pas nécessairement vertueuse, pas plus que l’installation de deux stations d’épuration distantes de quelques mètres. Nous attirons votre attention sur le fait qu’un investissement n’est pas, par nature, vertueux.

Nous ne proposons pas la réduction de la dépense publique qu’ont connue un certain nombre de pays. Nous raisonnons par rapport aux objectifs que vous fixez. Nous faisons le constat que le Gouvernement est plus ambitieux mais cette ambition doit être documentée et concrétisée. Nous identifions les risques qui peuvent empêcher la dépense d’être maîtrisée.

Ainsi, pour les dépenses de personnel, l’objectif est de limiter la hausse à 200 millions d’euros. Or, le rythme annuel de ces dépenses, compte tenu des décisions que vous avez prises, entraîne mécaniquement une hausse de 700 millions d’euros. Si rien n’est fait pour effacer cette différence, les dépenses dépasseront l’objectif affiché.

Ce qui importe, c’est d’être en mesure de respecter les objectifs que vous vous êtes assignés si vous voulez suivre la trajectoire des finances publiques, qui est moins ambitieuse qu’elle ne pouvait l’être hier. Là encore, il s’agit d’un constat.

Quant à la critique de M. Alauzet sur les recettes, plusieurs rapports de la Cour montrent des marges en matière de lutte contre la fraude et de maîtrise de la dépense fiscale. Si cette dernière était plus maîtrisée, les recettes seraient plus importantes. Plusieurs rapports de la Cour soulignent que certaines dépenses fiscales ne répondent pas aux objectifs qui leur ont été assignés.

Il faut continuer à lutter contre la fraude. Le chiffre de 2 milliards d’euros que vous citez n’est pas le bon, il correspond en réalité aux résultats de la cellule de régularisation mise en place. Pour la période 2013-2014, le surplus de recettes s’élève à 300 millions d’euros. Les sommes recouvrées au titre de la fraude fiscale traditionnelle sont plutôt inférieures aux années précédentes.

M. le président Gilles Carrez. Vous l’aviez déjà indiqué dans le rapport d’exécution en 2014.

M. le Premier président de la Cour des comptes. Les chiffres montrent donc un progrès global qu’il faut toutefois regarder dans le détail.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. Les estimations de risque de dépassement des crédits pour 2015 sont données dans le périmètre de la norme en valeur. Cela n’inclut pas le compte d’affectation spéciale relatif aux produits des cessions des fréquences hertziennes. Les 2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles attendues pour le budget de la défense viennent ainsi s’ajouter à ces estimations. Mais, techniquement, il s’agit d’un risque en recettes. Autrement dit, les 2 milliards seront-ils au rendez-vous pour financer les crédits de la défense ?

L’augmentation de la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale est un point d’attention nouveau. La hausse reste modeste – de 130 à 150 millions d’euros entre fin 2013 et fin 2014 – mais elle vient interrompre un mouvement de résorption abouti. Il s’agit d’un sujet de préoccupation pour l’avenir plus que d’une inquiétude immédiate.

Il faut s’entendre sur la présentation des chiffres relatifs à la lutte contre la fraude fiscale. Il convient de distinguer le rendement des contrôles fiscaux – entre 8 et 8,5 milliards d’euros – et les résultats de l’activité de la cellule de régularisation – 2 milliards.

M. le président Gilles Carrez. Le chiffre de 19 milliards d’euros, abondamment repris par les médias, correspond aux émissions de redressement et aux pénalités. Or, chacun sait que ce qui compte, ce sont les recouvrements effectifs.

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. L’écart entre les redressements notifiés et les sommes encaissées est en effet traditionnellement de 40 %.

Quant à la composante structurelle, nous utilisons les chiffres de croissance potentielle et de solde structurel de la Commission européenne qui sont les plus harmonisés possible. Le Gouvernement, à l’automne 2014, a lui-même repris les prévisions de croissance potentielle de la Commission.

S’agissant de la sous-consommation du plafond d’emplois, je rappelle qu’un plafond d’emplois reste un maximum à ne pas dépasser. La contrainte pesant sur les gestionnaires aujourd’hui ne tient pas aux emplois mais aux crédits de rémunération. Nous évaluons à 500 millions d’euros le risque de dépassement sur la masse salariale des administrations.

Les comparaisons sur de longues périodes pour l’appréciation des dépenses n’ont de sens que si elles s’appuient sur les chiffres en volume et non en valeur, car l’inflation sur la période récente est beaucoup plus faible. Le vrai juge de paix est l’évolution de la dépense en volume ou de la dépense réelle, hors inflation. À grands traits, de 2000 à 2010, la hausse est de 2 % ; entre 2011 et 2014, elle s’établit à 1 % ; en 2014, la progression est de 1 % et de 0,5 % si l’on considère que le crédit d’impôt n’est pas une dépense publique.

L’effort structurel de 0,5 point de PIB prévu pour 2016 et 2017 porte intégralement sur la dépense. Il suppose une stabilité en volume des dépenses hors charges d’intérêts, c’est-à-dire une évolution des dépenses beaucoup plus stricte que celle constatée en 2014 et même que celle visée en 2015.

En matière d’investissement, une note méthodologique précise les limites des comparaisons qui sont faites. Il n’existe pas de comparaison internationale intégrant les entreprises publiques. Afin de comparer des choses comparables, nous n’avons pas d’autre choix que d’utiliser la comptabilité nationale. Sont pris en compte les subventions à l’investissement, et avec le changement de base de la comptabilité nationale, les dépenses de recherche et développement, ainsi que les équipements militaires.

Enfin, grâce aux données disponibles, nous savons qu’à la différence de nombreux autres pays européens, le capital existant est globalement renouvelé. En revanche, nous ne disposons pas d’éléments nous permettant de distinguer les modalités d’amortissement du capital selon le type d’investissement.

M. Pascal Terrasse. Ma première question porte sur la distinction entre la dette au titre de Maastricht et la dette qu’on appelle hors bilan. Je m’interroge sur les garanties de prêt bancaire aujourd’hui données par l’État – je pense aux prêts consentis à l’Unédic ou à Dexia.

Seconde question : le montant des engagements de la France en matière de pensions civiles et militaires a été évalué à 1 500 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 128 milliards pour les agents de La Poste. Comment voyez-vous l’évolution sur les vingt ou trente prochaines années ? Ces dettes sont-elles caractérisées au titre de Maastricht ?

M. le président Gilles Carrez. Le Premier président nous a adressé un courrier listant les différents engagements hors bilan de l’État. Ce document, très intéressant, qui a été distribué à tous les commissaires, appelle un certain nombre de questions. Ainsi, s’agissant de la garantie au titre du Fonds européen de stabilité financière, que se passe-t-il si une partie de la dette grecque est restructurée ?

Il nous est très difficile de faire le lien entre les mises en jeu de garanties et leur impact budgétaire réel. Les clefs de passage sont très délicates à établir. Je vous propose de consacrer une réunion à ces questions très importantes.

M. le Premier président de la Cour des comptes. Les engagements hors bilan de l’État s’élèvent à 3 200 milliards d’euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Aux termes de votre brillant exposé, il apparaît que les autres pays européens ont réalisé des efforts structurels équilibrés entre recettes et dépenses, à la différence de la France qui a fait porter ses efforts de réduction de son déficit uniquement sur les recettes. Vous l’avez dit, le pilotage des dépenses publiques doit être strict.

Qu’attend-on de la modernisation de l’action publique ? Comment se traduit-elle dans les comptes publics ?

J’ai appris, à l’occasion d’une réunion consacrée à la fusion des régions, qu’une nouvelle direction serait créée au sein des préfectures des grandes régions. Alors que l’État peine à réduire ses effectifs et son train de vie au niveau national, je m’inquiète des conséquences pour l’exercice 2016 de cette augmentation des dépenses de l’État en région qui risquent d’être incompatibles avec l’effort de baisse des dépenses programmé.

M. Romain Colas. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Marie-Christine Dalloz. La France – donc tous les gouvernements qui se sont succédé – a privilégié l’action sur les recettes plutôt que sur les dépenses pour réduire le déficit structurel jusqu’en 2013. Cela figure à la page 12 de la synthèse du rapport de la Cour. J’en déduis que la Cour considère que, depuis 2014, priorité est donnée à la réduction des dépenses.

Je souhaite revenir sur la notion de réforme structurelle. À partir de la page 54 de votre rapport, figurent les réformes structurelles qu’ont engagées les autres pays européens : les licenciements dans les administrations, la baisse des salaires des fonctionnaires, la réduction du réseau diplomatique, le déremboursement de certains actes de soins et médicaments et la diminution de la durée de versement des allocations de chômage. La nature de ces réformes doit nous conduire à relativiser notre jugement sur la politique menée dans notre pays aujourd’hui.

Je veux le dire à mes collègues de l’opposition : parmi ces réformes structurelles, que vous appelez tous de vos vœux, la Cour reconnaît qu’une réforme a bien été accomplie par la France, la baisse des dotations aux collectivités locales, celle-là même qui, semble-t-il, vous pose problème aujourd’hui.

M. Yann Galut. Je souhaite consacrer mon intervention à la philosophie générale de votre rapport. Votre rapport s’inscrit, même si vous avez fait valoir qu’il répond à une commande, dans une doxa ultralibérale qui vous fait regretter la logique de demi-mesure qui caractérise les réformes entreprises en France et l’insuffisance des efforts consentis. Cette même doxa vous porte à considérer que les bons efforts sont ceux qui se traduisent par les politiques d’austérité et de régression sociale menées en Europe. Les exemples que vous donnez dans le rapport sont à cet égard caractéristiques.

Vous réfutez tout jugement de valeur. Mais, votre orientation est un jugement de valeur.

Page 59, il est écrit : « À titre de comparaison, l’Espagne qui avait en 2010 un déficit structurel de près d’un point de PIB supérieur à celui de la France, a réalisé un effort structurel de trois à quatre points de PIB supérieur à celui de la France. » Vous notez là un fait objectif, je vous l’accorde. Dans la circonscription dont je suis l’élu, caractéristique de la ruralité profonde, l’hôpital public de Saint-Amand-Montrond, qui a fusionné avec une clinique, a accueilli quatre médecins espagnols licenciés par l’hôpital public de Madrid. Pour continuer à vivre, ils abandonnent leurs patients espagnols et viennent s’installer en pleine campagne française. C’est cela la réalité de la politique que vous mettez en exergue. Quand on écrit ce genre de choses, il faut aussi être conscient de la réalité de ce que vivent les gens en France et en Espagne.

Je comprends la logique de commande à laquelle vous devez répondre. Mais j’attire votre attention sur les conséquences de vos propos et des solutions que vous suggérez. Vous avez raison, vous dressez un constat mais celui-ci sous-tend des solutions qui me semblent orientées et qui ont des conséquences concrètes.

Second point, j’ai eu l’occasion de saluer votre travail sur la fraude et l’évasion fiscales. J’eusse aimé que vous fassiez preuve de la même rigueur intellectuelle pour les recettes que celle dont vous faites preuve pour les dépenses. Nous nous heurtons encore à un plafond de verre. La fraude à la TVA en France est évaluée par la Commission européenne à 20 milliards d’euros. Selon les chiffres de la Cour et les informations que je tiens de Bercy, elle serait plutôt de l’ordre de 10 milliards par an. Parlons des dépenses mais concentrons-nous aussi sur les pertes de recettes et sur l’absence de volonté politique collective pour y remédier, en nous appuyant sur vos excellents travaux sur la fraude et l’évasion fiscales.

M. Patrick Lebreton. Vous notez régulièrement dans vos publications qu’il serait souhaitable de revenir sur les majorations accordées aux agents travaillant outre-mer selon le différentiel effectif du coût de la vie.

Les territoires et les populations d’outre-mer connaissent d’importants handicaps structurels. Le coût de la vie y est plus élevé, c’est un fait incontestable. La loi votée à l’initiative de notre collègue Victorin Lurel a permis de limiter les abus de certains opérateurs économiques.

Toutefois, le phénomène de la vie chère reste durement ressenti par les familles outre-mer. Ce phénomène, qui freine l’égalité réelle à laquelle les populations françaises peuvent légitimement aspirer, est ancien. Ces difficultés sont à l’origine des différents dispositifs visant à majorer le traitement des agents publics outre-mer qui ont été instaurés.

Ne nous y trompons pas, ces majorations ne sont pas la cause de la vie chère mais la conséquence. Considérées comme un acquis social par les agents publics, elles permettent de garantir un niveau de vie satisfaisant et une capacité de consommation dont dépendent beaucoup d’acteurs économiques locaux.

La révision à la baisse des traitements des agents publics peut répondre à l’objectif de maîtrise des finances publiques mais il ne faut pas négliger ses conséquences désastreuses sur notre économie que nul n’est aujourd’hui en capacité d’évaluer.

En outre, il n’existe pas d’outils incontestables permettant d’affirmer que ces majorations sont injustifiées ou en inadéquation avec le différentiel effectif du coût de la vie. Ces éléments doivent donc nous conduire à aborder ce dossier de manière exhaustive, précise et raisonnée. On ne peut pas envisager une remise en cause du niveau de traitement des agents publics sans une appréhension globale de ses conséquences. Pouvez-vous nous indiquer les éléments qui permettent à la Cour des comptes de justifier une évolution du dispositif de sur-rémunération et le cas échéant les modifications que vous imaginez ?

M. le Premier président de la Cour des comptes. Monsieur Terrasse, je suis prêt à venir devant vous pour commenter la réponse que nous avons fournie sur les engagements hors bilan. En outre, nous travaillons sur Dexia et le suivi du travail réalisé il y a deux ans. Enfin, nous avons présenté récemment un rapport d’observations définitives sur les mécanismes d’assistance financière aux États de la zone euro que nous sommes prêts à vous transmettre.

Madame Dalloz, je le redis, le redressement des comptes publics s’est dans un premier temps – jusqu’en 2013 – appuyé sur les recettes et les prélèvements obligatoires. Les engagements pris en faveur d’une plus grande maîtrise de la dépense commencent à se concrétiser en 2014 mais avec les risques identifiés pour 2015 de ne pas les respecter entièrement. Le scénario de finances publiques repose sur la maîtrise des dépenses publiques. C’est vous qui l’avez voté ; la Cour ne l’a pas inventé.

Messieurs Colas et Galut, contrairement à ce que vous dites ou suggérez, la Cour n’a aucune doxa ultralibérale, aucun a priori, aucun dogmatisme. Elle constate.

Nous comparons les situations dans un certain nombre de pays en souhaitant que jamais la France ne connaisse le sort de la Grèce, du Portugal ou de l’Espagne, d’où la nécessité pour elle de maîtriser l’évolution de sa dette.

Je vous poserai une autre question, monsieur Galut. La Cour des comptes a la faiblesse de penser que des marges de manœuvre existent sur les dépenses publiques. Cela ne tient absolument pas à une quelconque doxa libérale mais à un constat : la France connaît un haut niveau de dépenses publiques, qu’il ne nous appartient pas nécessairement d’apprécier, mais les résultats ne sont absolument pas à la hauteur de ces dépenses.

Vous pouvez continuer à être totalement indifférents à l’absence de résultats. Mais, dans ce cas, il ne faut pas vous étonner le fait que la dépense publique ne soit pas maîtrisée et que les besoins ne soient pas couverts. Pour couvrir les besoins, il ne suffit pas d’augmenter les crédits, il faut aussi s’interroger sur l’organisation, le fonctionnement et la répartition des moyens sur l’ensemble du territoire. Ce sont les questions que nous posons. Si le lien entre le niveau de dépenses publiques et la croissance était avéré, nous serions champions du monde !

Il faut peut-être changer de logiciel et s’interroger sur l’absence de résultats. Ceux qui croient à l’action publique devraient être encore plus attentifs que d’autres à l’efficience de la dépense publique.

Voilà ce que nous disons, tout simplement. Mais les décisions vous appartiennent. C’est vous qui pouvez décider d’augmenter les crédits de l’éducation nationale alors même que nous savons qu’il n’y a pas toujours de lien entre les crédits et les résultats.

Autre exemple, ce sont les personnes les plus éloignées de l’emploi qui bénéficient le moins de la formation professionnelle, malgré l’importance des crédits qui lui sont dédiés. Ce constat inspire-t-il des réformes pour autant ?

Dans le domaine du logement, il y a un décalage, un fossé, entre les dizaines de milliards qui y sont consacrés et le résultat.

Nous sommes sur le podium pour la dépense publique. Nous n’y sommes que rarement pour les résultats de nos politiques publiques. Permettez-nous de poser la question. Je ne pense pas que ce soit être dogmatique et libéral que de penser cela.

M. le président Gilles Carrez. En réponse à Patrick Lebreton, les sur-rémunérations en outre-mer sont-elles à la hauteur des objectifs qu’on leur assigne ?

M. le Premier président de la Cour des comptes. Non. Nous ne nions pas la nécessité de compenser la différence de niveau de vie. Toutefois, nous considérons que les traitements doivent être remis sur la table, non pas dans l’idée de réduire le soutien de la métropole à l’outre-mer mais de rendre celui-ci plus efficace. Nous sommes prêts à prolonger les échanges avec vous sur ce sujet.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie pour cette audition et pour votre mise au point finale. Sachez que chaque rapporteur spécial est très attentif à l’efficacité des crédits dont il a la charge.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 1er juillet 2015, la Commission a examiné, sur le rapport de Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, et en présence de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, le rapport d’information préparatoire au débat d’orientation des finances publiques.

Mme la Rapporteure générale. Monsieur le secrétaire d’État, je me permets tout d’abord de vous rappeler publiquement la date du 1er juillet qui figurait à l’article 108 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 : notre assemblée avait souhaité avoir, à cette date, un bilan du manque à gagner pour l’État résultant de toutes les conventions fiscales qui nous lient à d’autres pays, permettant à certains d’entre eux de ne pas payer d’impôt, notamment sur des plus-values immobilières.

Sur le débat d’orientation des finances publiques pour 2015, je vous propose une présentation des recettes et des dépenses adoptées pour l’ensemble du périmètre des administrations publiques.

Nous avons établi le tableau sur les premiers éléments de l’exécution 2015, en jonglant avec des données de l’INSEE et d’autres qui émanent de Bercy, pour ne rien perdre. Dans les recettes de l’État, la vente des fréquences était estimée à 2,1 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2015, ce qui nous paraît un peu compromis. Dans les recettes supplémentaires, 1,2 milliard d’euros devraient tomber dans les caisses de l’État du fait de condamnations de deux industriels par l’Autorité de la concurrence.

Dans les dépenses, le budget OPEX avait été estimé à 400 millions d’euros. Il devrait atteindre environ 1 milliard d’euros. Les nouvelles dépenses annoncées par le Gouvernement représentent 1,1 milliard d’euros hors mesures déjà financées par des redéploiements de crédits. Ce montant ne comprend pas les 2 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires accordés pour 2015 à la défense en substitution du produit de la vente des fréquences hertziennes. Comme nous l’avions indiqué lors de la présentation du pacte de stabilité, la faiblesse de l’inflation fait disparaître certaines économies, ce qui a conduit le Gouvernement à prendre de nouvelles mesures d’économies pour 1,9 milliard d’euros sur l’État se répartissant entre 700 millions d’annulation de crédits budgétaires et 1,2 milliard d’économies sur la charge de la dette.

Voilà les premiers éléments dont nous avons connaissance à ce stade et que nous avons réintégrés, sachant que l’INSEE table sur une légère augmentation des recettes nettes de l’État par rapport à celles que nous avons adoptées.

Dans mon rapport, un tableau réunira les chiffres à fin avril, que vous nous avez remis, monsieur le secrétaire d’État. L’impôt sur le revenu net connaît une évolution positive, alors que l’impôt sur les sociétés baisse par rapport à l’an dernier – et nous aimerions avoir votre analyse sur ce point. Nous constatons aussi une légère baisse de la TVA, sachant qu’il faut toujours être très prudent : les quatre premiers mois ne sont pas forcément le reflet de l’année entière.

Nous avons tenté de mesurer les risques pesant sur l’exécution budgétaire. Comme je l’ai rappelé, un décret d’annulation a été pris en juin dernier pour annuler 700 millions d’euros de crédits. Après cette annulation, il reste encore potentiellement 4 milliards d’euros d’économie à réaliser pour tenir la trajectoire des finances publiques en 2015 : en effet, à ce jour, nous ne savons pas comment seront financés les 2 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires accordés à la défense en substitut des recettes exceptionnelles prévues pour 2015 ; 800 millions d’euros au titre des annonces réalisées depuis janvier non couvertes par le décret d’avance de mars dernier ou des redéploiements de crédits ; 1 milliard d’euros pour les administrations de sécurité sociale, au titre de la compensation des effets de l’inflation sur les efforts à réaliser pour tenir la trajectoire des finances publiques ; 500 millions d’euros pour les organismes divers d’administration centrale, toujours au titre des effets de l’inflation.

À cela, il faut ajouter les conséquences possibles du référendum en Grèce : baisse de la valeur des obligations grecques détenues par l’État et la Banque de France ; risque, certes limité, d’une remontée des taux.

Si le « non » l’emporte, le montant des dividendes versés par la Banque de France au budget de l’État – 1,3 milliard d’euros en 2014 – pourrait être affecté, car les résultats de la banque centrale pâtiraient de la baisse de la valeur de ses obligations grecques. En outre, la France a accordé un prêt direct de 11 milliards d’euros à la Grèce, et elle participe au Fonds européen de stabilité financière
– FESF – à hauteur de 31,4 milliards d’euros. La situation grecque pourrait donc avoir des conséquences sur le budget de la France.

En cas de victoire du « oui » au référendum, la dette grecque sera sans doute restructurée mais l’opération sera sans conséquence sur le budget de la France, en tout cas en 2015.

M. le président Gilles Carrez. Au cas où le « non » l’emporterait, il pourrait y avoir aussi un impact sur l’impôt sur les sociétés : la Banque de France verse environ 2 milliards d’euros par an à ce titre, et le cinquième acompte est bien payé sur l’exercice même. Je signale l’existence du mécanisme.

Mme la Rapporteure générale. Il s’agit de faire une liste des risques possibles, ce qui ne veut pas dire qu’ils vont se réaliser.

Avec certains collègues de la commission des finances, j’ai participé la semaine dernière à un séminaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – sur la croissance en Europe. Le graphique sur l’investissement en Europe qui figurera dans mon rapport traduit évidemment la vision de l’OCDE. Il montre que l’investissement public et privé a baissé dans tous les pays depuis 2008, et qu’il a été relancé dans certains d’entre eux depuis 2011, mais pas en France ni en Italie. En France, la courbe a baissé légèrement en 2014 et en 2015. Les perspectives d’investissement public dépendent très largement des collectivités locales, et les effets se mesureront moins dans le budget qu’en termes de création de richesse et de croissance.

Enfin, je voudrais poser la question de l’évolution du pouvoir d’achat. Nous avons prévu un tableau récapitulant les conséquences des mesures fiscales et sociales intervenues en 2014 pour les ménages, ventilés par décile de niveau de vie. Il comprend différentes colonnes : mesures en matière d’impôt sur le revenu, en matière de fiscalité locale, en matière de contribution sociale généralisée
– CSG –, et enfin impact cumulé. Les contribuables, en effet, tirent tout du même porte-monnaie… Comme vous le voyez, ce tableau est vide. Monsieur le secrétaire d’État, je réitère donc la demande que j’ai formulée la semaine dernière lors de ma visite à Bercy : nous aimerions pouvoir remplir ce tableau et ainsi obtenir une vision consolidée des prélèvements sur les ménages dans notre pays. J’espère que vos services nous fourniront ces chiffres.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget. Nous pouvons remplir la première colonne, qui concerne l’impôt sur le revenu. Pour le reste, ce sera extrêmement difficile, vous le savez, madame la Rapporteure générale : ces différents impôts ne sont tous pas gérés par les mêmes services, ni en utilisant les mêmes référentiels. Certains chiffres ne pourront être obtenus que par sondages. Quant à la fiscalité locale, elle pose encore d’autres problèmes. En additionnant toutes ces imprécisions, on obtiendra surtout une marge d’erreur très importante… Nous vous avons communiqué une note méthodologique qui reprend ce que nous sommes capables de faire. Mais il sera, en tout état de cause, quasiment impossible d’obtenir des chiffres fiables.

Quant à la présentation de l’exécution de la loi de finances que vous avez faite, elle comporte une erreur : le solde nominal inscrit dans la loi de finances n’était pas de 4,3 %, mais de 4,1 %. Le chiffre que vous avez cité était celui retenu par le projet de loi.

J’aurais d’autres remarques à faire, mais il est tard et je ne m’attarderai que sur deux points.

La vente de fréquences devait rapporter 2 milliards d’euros, affectés à un compte d’affectation spéciale qui comportait également 2 milliards d’euros de dépenses : ce compte était ainsi équilibré. Dans la mesure où les recettes ne sont plus assurées, les dépenses deviendront des dépenses budgétaires.

Mais le sort de ces recettes n’est pas encore certain. Les choses progressent. Pour la vente, une modification législative est nécessaire : elle devrait être effectuée par une proposition de loi dont on me dit qu’elle devrait être discutée très prochainement au Parlement. Les cahiers des charges sont en cours de rédaction. S’il ne devait pas y avoir d’autres perturbations dans le secteur de la téléphonie, il n’est donc pas impossible que nous finissions par percevoir ces recettes en 2015, ou au premier semestre 2016. Le plus probable, c’est donc un décalage de quelques mois, pas davantage.

Quant à la Grèce, nous devons à cette heure rester extrêmement prudents : la situation évolue d’heure en heure. L’Eurogroupe doit se réunir en fin d’après-midi. Y aura-t-il même un référendum ? Ce n’est pas sûr.

Nous avons accordé à la Grèce des prêts bilatéraux pour 11 milliards d’euros, et nous sommes engagés via le Fonds européen de stabilité financière pour 29 milliards : on arrive bien à la quarantaine de milliards habituellement citée. Un défaut grec sur cette dette n’est absolument pas certain ; et s’il devait avoir lieu, son impact budgétaire en 2015 serait faible, voire nul : les échéances sont très lointaines, à partir de 2020 me semble-t-il.

Bien sûr, il pourrait y avoir des conséquences pour les banques, comme l’a signalé le président Carrez. Elles sont difficilement quantifiables aujourd’hui.

Il est vrai que nous rencontrerions une difficulté si Eurostat, le comptable européen, demandait une requalification de nos créances ; cela n’affecterait d’ailleurs pas que notre pays. Mais ce serait là un problème comptable, pas budgétaire, en tout cas pas pour le moment.

Je redouterais plutôt les conséquences sur la confiance des investisseurs étrangers dans l’Europe, et donc sur la croissance. Que vont penser les Chinois, les Américains si le problème grec n’est pas traité correctement ?

Vous connaissez la position de la France : tout est fait, en ce moment même, pour qu’un accord intervienne. C’est difficile, mais pas hors de portée.

M. Alain Fauré. Vous avez parlé du défaitisme ambiant, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut aussi parler des bonnes nouvelles : la croissance est plus forte que prévue, et pourrait atteindre 1,5 % en 2015. Si tel devait être le cas, quelles seraient les conséquences pour les recettes de l’État ?

M. Olivier Carré. S’agissant des investissements en France, il ne faut pas prendre seulement en considération les gains : je serais intéressé par un calcul de l’incidence fiscale de la diminution des investissements en termes de valeur ajoutée, de moindres rentrées de charges en raison de la baisse des constructions… Bien sûr, cela reposerait nécessairement sur une extrapolation, mais ce serait instructif. Cette remarque s’adresse d’ailleurs plus à la Commission qu’à M. le secrétaire d’État.

Quant à la Grèce, je propose aussi que nous fassions une très courte mission parlementaire – transpartisane – sur la situation grecque, afin de rassembler, en quelques pages, les données essentielles. Je ne veux pas que nous collions à tout prix à l’actualité mais cela nous éclairerait. Tout n’est pas très clair – des questions vont se poser, comme l’a fait remarquer M. le secrétaire d’État, sur le calcul de la dette.

M. le président Gilles Carrez. Lors d’une réunion à l’Élysée à laquelle Valérie Rabault et moi-même assistions, hier, M. Sapin s’est engagé à nous transmettre tous les chiffres dont nous pourrions avoir besoin : nous ferons donc ce travail que vous demandez.

M. le secrétaire d’État. Je répète en tout cas qu’il n’y aura pas de conséquences avant le projet de loi de finances pour 2016.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le secrétaire d’État.

Quant au rapport d’information en vue du débat d’orientation des finances publiques, comme je l’ai dit tout à l’heure, il faudra corriger la coquille sur le chiffre du solde nominal.

Ce qui nous rappelle d’ailleurs qu’aujourd’hui, nous ne sommes ni à 4,3 %, ni à 4,1 %, mais à 3,8 %, ce que tout le monde a oublié ! Et pourquoi l’a-t-on oublié ? Parce que ce chiffre figure dans le programme de stabilité, dont nous n’avons pas débattu en séance publique !

La Commission a autorisé la publication du rapport d’information de la Rapporteure générale préalable au débat d’orientation des finances publiques.

*

* *

ANNEXE N° 1 :
ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES MESURES FISCALES

I. ÉVALUATION DE L’IMPACT DES MESURES PRISES EN MATIÈRE D’IMPÔT SUR LE REVENU

Les modalités de ventilation des foyers fiscaux varient selon les tableaux : pour les tableaux 1, 2 et 5, seuls les foyers concernés par la mesure sont pris en compte : ils sont ventilés par décile de RFR, et pour chacun de ces déciles, est mesuré le montant moyen de perte ou de gain.

En revanche, pour les tableaux 3, 4 et 6, c’est le nombre de foyers concernés par la mesure au sein de chaque décile de niveau de vie ou de revenu déclaré – recouvrant l’ensemble de la population – qui est comptabilisé, avec le cas échéant la variation moyenne d’impôt acquitté.

TABLEAU 1 : VENTILATION PAR DÉCILE DE RFR DU RENDEMENT EN 2014 DE L’ABAISSEMENT DU PLAFOND DE L’AVANTAGE FISCAL RETIRÉ DU QUOTIENT FAMILIAL DE 2 000 À 1 500 EUROS (ARTICLE 3 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014)

Décile

Bornes inférieures de RFR (en €)

Bornes supérieures de RFR (en €)

Déciles des foyers fiscaux perdants

(en milliers)

Gain budgétaire en recouvrement

(en M€)

Montant moyen de perte (en €)

1

0

42 784

138

48

355

2

42 784

59 364

138

74

547

3

59 364

65 708

138

55

406

4

65 708

71 152

138

84

616

5

71 152

77 617

138

98

718

6

77 617

85 620

138

111

819

7

85 620

96 831

138

132

968

8

96 831

114 688

138

141

1 033

9

114 688

153 932

138

152

1 114

10

153 932

 

138

165

1 209

 

Total

1 380

1 060

779

Le tableau se lit comme suit : pour le neuvième décile des ménages concernés par la mesure, soit les 138 000 foyers fiscaux dont le RFR est compris entre 114 688 et 153 932 euros, la mesure se traduit par une hausse d’imposition moyenne de 1 114 euros.

Source : direction générale des finances publiques.

TABLEAU 2 : VENTILATION PAR DÉCILE DE RFR DE L’ALLÉGEMENT D’IMPOSITION RÉSULTANT DES EFFETS COMBINÉS DE LA REVALORISATION EXCEPTIONNELLE DE LA DÉCOTE PRÉVUE PAR L’ARTICLE 2 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014 ET DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PRÉVUE PAR L’ARTICLE 1ER DE LA PREMIÈRE LFR2014, EN 2014

Décile

Bornes inférieures de RFR (en €)

Bornes supérieures de RFR (en €)

Déciles des foyers fiscaux gagnants

(en milliers)

Coût budgétaire en recouvrement

(en M€)

Montant moyen de gain (en €)

1

0

13 287

748

107

146

2

13 287

14 273

748

179

244

3

14 273

15 195

748

21

28

4

15 195

16 042

748

25

34

5

16 042

17 037

748

33

45

6

17 037

20 034

748

53

72

7

20 034

23 413

748

110

150

8

23 413

26 197

748

292

397

9

26 197

29 749

748

335

455

10

29 749

 

748

311

422

 

Total

7 480

1 466

200

Le tableau se lit comme suit : pour le deuxième décile des ménages concernés par les mesures, soit les 748 000 ménages dont le RFR est compris entre 13 287 et 14 273 euros, le gain moyen est de 244 euros.

Source : direction générale des finances publiques.

Le coût budgétaire de ces deux mesures est estimé à 1,47 milliard d’euros en recouvrement, pour 7,48 millions de foyers fiscaux bénéficiaires ; le montant moyen de l’allégement d’imposition est de 200 euros.

TABLEAU 3 : VENTILATION, PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION, DU RENDEMENT ET DU NOMBRE DE FOYERS CONCERNÉS PAR LA FISCALISATION DES MAJORATIONS DE PENSION POUR CHARGES DE FAMILLE EN 2014 (ARTICLE 5 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014)

Décile

Variation d’IR (M€)

Nombre de foyers concernés

(milliers)

Variation moyenne d’IR (€)

1

0

0

NS

2

0

0

NS

3

0

0

NS

4

30

160

156

5

120

510

236

6

130

610

205

7

130

620

209

8

180

700

258

9

270

710

375

10

580

700

835

Total

1 440

4 010

368

Le tableau se lit comme suit : au sein du neuvième décile de revenu déclaré par unité de consommation, 710 000 foyers fiscaux sont concernés par la mesure, et s’acquittent à ce titre en moyenne de 375 euros supplémentaires d’impôt sur le revenu.

Source : direction générale du Trésor, échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013

TABLEAU 4 : VENTILATION, PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION, DU RENDEMENT ET DU NOMBRE DE FOYERS CONCERNÉS PAR LA FISCALISATION DE LA PART EMPLOYEUR DE LA COMPLÉMENTAIRE SANTÉ EN 2014 (ARTICLE 4 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014)

Décile

Variation d’IR (M€)

Nombre de foyers concernés (milliers)

Variation moyenne d’IR (€)

1

0

20

35

2

30

230

128

3

40

320

114

4

80

660

123

5

120

950

125

6

100

1 020

98

7

100

1 120

93

8

100

1 160

88

9

140

1 160

118

10

220

1 210

177

Total

930

7 860

118

Le tableau se lit comme suit : au sein du dernier décile de revenu déclaré par unité de consommation, 1,21 million de foyers fiscaux sont concernés par la mesure, et s’acquittent à ce titre en moyenne de 177 euros supplémentaires d’impôt sur le revenu.

Source : direction générale du Trésor, échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs DG Trésor

TABLEAU 5 : VENTILATION PAR DÉCILE DE RFR DU RENDEMENT ET DU NOMBRE DE FOYERS CONCERNÉS PAR L’EXTINCTION DE LA DEMI-PART DITE « VIEUX PARENTS » EN 2014 (ARTICLE 92 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2009)

Décile

Seuils de RFR

Nombre de foyers

(en milliers)

Impact estimé

(en M€)

D1

Moins de 6 114 euros

310

-

D2

De 6 114 à 8 603 euros

310

-

D3

De 8 603 à 10 416 euros

310

ε

D4

De 10 416 à 11 995 euros

310

ε

D5

De 11 995 à 14 353 euros

310

35

D6

De 14 353 à 16 297 euros

310

46

D7

De 16 297 à 18 869 euros

310

37

D8

De 18 869 à 23 094 euros

310

33

D9

De 23 094 à 30 388 euros

310

33

D10

Plus de 30 388 euros

310

35

Ensemble

 

3 097 000

219

Le tableau se lit comme suit : pour le neuvième décile des ménages concernés par la mesure, soit les 310 000 foyers fiscaux dont le RFR est compris entre 23 094 à 30 388 euros, la mesure occasionne des recettes supplémentaires de 33 millions d’euros.

Source : direction générale des finances publiques

TABLEAU 6 : VENTILATION, PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION, DES FOYERS CONCERNÉS PAR LA RÉFORME DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU EN 2015 (ARTICLE 2 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2015)

Décile de revenu déclaré par unité de consommation

Nombre de foyers fiscaux gagnants (arrondi aux dix milliers)

1

0

2

0

3

100 000

4

1 400 000

5

2 700 000

6

2 800 000

7

1 700 000

8

500 000

9

100 000

10

0

Total

9 300 000

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de revenu déclaré par unité de consommation, 1,4 million de foyers fiscaux sont concernés par la mesure.

Source : direction générale du Trésor, échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2013 vieillis en 2014, calcul.

II. ÉVALUATION DE L’IMPACT DES MESURES AYANT UNE INCIDENCE SUR LA CSG ACQUITTÉE PAR LES FOYERS

VENTILATION PAR DÉCILE DE NIVEAU DE VIE DES FOYERS GAGNANTS ET PERDANTS À LA RÉFORME DES CONDITIONS D’ASSUJETTISSEMENT À LA CSG À TAUX RÉDUIT
(Article 7 de la LFSS2015)

Décile de niveau de vie

Nombre de ménages gagnants (arrondi aux dix milliers)

Nombre de ménages perdants (arrondi aux dix milliers)

1

ns

ns

2

10 000

ns

3

150 000

10 000

4

170 000

30 000

5

90 000

60 000

6

40 000

70 000

7

20 000

60 000

8

20 000

60 000

9

10 000

40 000

10

ns

40 000

Total

510 000

370 000

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de niveau de vie, 170 000 ménages gagnent à la réforme, tandis que 30 000 ménages y perdent.

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires.

Source : direction générale du Trésor, modèle de microsimulation Saphir 2015.

VENTILATION DES FOYERS CONCERNÉS PAR UNE HAUSSE DE CSG À COMPTER DE 2015 DU FAIT DE LA FISCALISATION DES MAJORATIONS DE PENSIONS POUR CHARGES DE FAMILLE, PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

(en milliers)

Décile

Nombre de foyers concernés par une hausse de la CSG

1

0

2

0

3

20

4

160

5

210

6

70

7

20

8

15

9

10

10

5

Total

510

La fiscalisation des majorations de pensions pour charges de famille à compter de l’imposition des revenus de 2013 se traduit par l’intégration de ces sommes dans le RFR ; la hausse du RFR des foyers fiscaux concernés peut les conduire à perdre le bénéfice d’une exonération de CSG ou du taux réduit de 3,8 % à compter du 1er janvier 2015 (16)

Le tableau se lit comme suit : au sein du sixième décile de revenu déclaré par unité de consommation, 70 000 foyers fiscaux connaissent une augmentation de CSG à compter de 2015.

Le montant total de CSG supplémentaire acquitté en 2015 du fait de la fiscalisation des majorations de pension est estimé à 300 millions d’euros, pour 510 000 foyers fiscaux concernés, soit une perte moyenne de 590 euros par foyer.

Source : direction générale du Trésor, à partir de l’échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013.

VENTILATION PAR DÉCILE DE RFR DES CONTRIBUABLES RETRAITÉS CONCERNÉS PAR L’EXTINCTION DE LA DEMI-PART SUPPLÉMENTAIRE DU RÉGIME TRANSITOIRE « VIEUX PARENTS » ET SUBISSANT UNE HAUSSE DE CSG

Décile

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles des contribuables déclarant des retraites et perdant la ½ part du dispositif transitoire des « vieux parents »

(en milliers)

Nombre de contribuables concernés par la hausse de CSG

(en milliers)

Hausse moyenne de CSG

(en euros)

1

0

6 368

266

   

2

6 368

8 523

266

   

3

8 523

10 173

266

   

4

10 173

11 642

266

257

526

5

11 642

13 983

266

196

539

6

13 983

15 817

266

140

471

7

15 817

18 195

266

19

541

8

18 195

21 802

266

2

609

9

21 802

29 359

266

2

723

10

29 359

 

266

<< 1

1 046

 

Total

2 663

617

519

L’extinction de la demi-part « vieux parents » à compter de l’imposition des revenus de 2013 se traduit par une augmentation du RFR par part des foyers fiscaux concernés, ce qui peut les conduire à perdre le bénéfice d’une exonération de CSG ou du taux réduit de 3,8 % à compter du 1er janvier 2015.

Le tableau se lit comme suit : pour le sixième décile des ménages concernés par l’extinction de la demi-part « vieux parents », soit les 266 000 foyers fiscaux dont le RFR est compris entre 13 983 et 15 817 euros, 140 000 contribuables connaissent une hausse de CSG, d’un montant moyen de 471 euros.

Le montant total de CSG supplémentaire acquitté en 2015 du fait de l’extinction de la demi-part « vieux parents » est estimé à 320 millions d’euros, pour 617 000 foyers fiscaux concernés, soit une perte moyenne de 519 euros par foyer.

Source : direction générale du Trésor, échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2012, environnement législatif LFR 2014 applicable aux revenus 2013.

III. ÉVALUATION DE L’IMPACT DES MESURES PRISES EN MATIÈRE DE FISCALITÉ LOCALE

ESTIMATION DE L’INCIDENCE DE L’EXTINCTION DE LA DEMI-PART VIEUX PARENTS EN MATIÈRE DE TAXE D’HABITATION EN 2014

TH 2014
Situation de référence

TH 2014
Situation de référence

Nombre de redevables
(en millions)

TH 2014 Situation cible (suppression case ‘E’)

Aucun allégement

Exonération

Plafonnement-Dégrèvement

TH supplé-mentaire
(M€)

Nombre de redevables
(en millions)

1Somme à payer TH supplé-mentaire
(M€)

Nombre de redevables
(en millions)

Somme à payer TH supplé-mentaire
(M€)

Nombre de redevables
(en millions)

Somme à payer TH supplé-mentaire
(M€)

Aucun allégement

0,8

0,8

0

0,0

0,0

0,0

0,0

0

Plafonnement-Dégrèvement

1,0

0,2

39,4

0,0

0,0

0,8

38,3

77,7

Total

1,8

1,0

39,4

0

0,0

0,8

38,3

77,7

Le tableau se lit comme suit : 1,8 million de foyers fiscaux sont concernés par une hausse de taxe d’habitation (sur les 2,73 millions de redevables de la taxe d’habitation concernés par la suppression de la demi-part). Les recettes supplémentaires s’élèvent à 77,7 millions d’euros, soit une hausse d’imposition de 43 euros en moyenne.

Source : direction générale des finances publiques

IV. ÉVALUATION DE L’IMPACT D’AUTRES MESURES

VENTILATION PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION DES FOYERS GAGNANTS À LA « PRIME DE 40 EUROS » POUR LES RETRAITÉS AUX PENSIONS INFÉRIEURES À 1 200 EUROS (DÉCRET N° 2014-1711 DU 30 DÉCEMBRE 2014)

Décile de
niveau de vie

Nombre de ménages
recevant la prime
(arrondi aux dix milliers)

1

450 000

2

1 000 000

3

830 000

4

570 000

5

660 000

6

540 000

7

420 000

8

420 000

9

350 000

10

340 000

Total

5 590 000

Le tableau se lit comme suit : au sein du premier décile de niveau de vie, 450 000 ménages bénéficient de la « prime de 40 euros ».

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires.

Source : direction générale du Trésor, modèle de microsimulation Saphir 2015.

VENTILATION PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION DES FOYERS GAGNANTS À LA REVALORISATION DE L’ALLOCATION DE SOLIDARITÉ AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)

Décile de niveau de vie

Répartition des personnes bénéficiaires du minimum vieillesse

1

31 %

2

41 %

3

13 %

4

6 %

5

4 %

6

2 %

7

2 %

8

NS

9

NS

10

NS

Le tableau se lit comme suit : 31 % des gagnants à la revalorisation de l’ASPA se trouvent dans le premier décile de niveau de vie.

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires

Source : direction générale du Trésor, modèle de microsimulation Saphir 2015.

VENTILATION PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION DES FOYERS PERDANTS À LA HAUSSE DES COTISATIONS RETRAITE

(0,15 % en 2014, puis 0,05 % en 2015)

Décile de niveau de vie

Répartition des personnes subissant une hausse de cotisation de 0,05 % en 2015
(salariés du privé)

1

4 %

2

7 %

3

8 %

4

9 %

5

10 %

6

12 %

7

13 %

8

13 %

9

12 %

10

12 %

Le tableau se lit comme suit : 4 % des personnes qui subissent une hausse de 0,05 point de pourcentage en 2015 du fait de la réforme des retraites de 2014 se trouvent dans le premier décile de niveau de vie.

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires

Source : direction générale du Trésor, modèle de microsimulation Saphir 2015.

VENTILATION PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION, POUR L’ENSEMBLE DES MÉNAGES ET POUR LES SEULS MÉNAGES UTILISANT CES CARBURANTS, DE L’IMPACT (HORS TVA) DES HAUSSES DE TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES (TICPE) SUR L’ESSENCE SP 95, LE SUPER-ÉTHANOL E 85 ET LE GPL

 

Hausse moyenne de TICPE en €/an

Décile de niveau de vie

Essence

1

2,7

2

3,9

3

4,1

4

4,3

5

5,4

6

5,2

7

4,8

8

6,0

9

6,5

10

7,5

N.B. : l’enquête « Budget des Familles » de l’INSEE n’offre pas de données suffisamment représentatives pour évaluer les effets redistributifs de la hausse de la TICPE sur le super éthanol E 85 et sur le GPL. Ne sont donc présentés que les effets de la hausse de la TICPE en 2015 sur l’essence SP95 (+1,72 c€/L) pour l’ensemble des ménages.

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires.

Source : calculs DG Trésor à partir du Budget des Familles 2011.

VENTILATION PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION, POUR L’ENSEMBLE DES MÉNAGES ET POUR LES SEULS MÉNAGES SE CHAUFFANT À L’ÉLECTRICITÉ, DE L’IMPACT (HORS TVA) DE LA HAUSSE PRÉVISIBLE DE CSPE DE 3 EUROS PAR MÉGAWATT-HEURE.

Impact moyen d’une hausse de CSPE de 3 €/MWh
sur la facture annuelle d’un ménage
(en euros)

Décile
de niveau de vie

Ensemble des ménages

Ménages se chauffant à l’électricité

1

7,4

8,9

2

9,3

13,6

3

10,0

14,7

4

10,4

15,2

5

11,0

18,2

6

11,5

17,5

7

12,8

18,0

8

12,6

18,6

9

13,0

19,3

10

14,7

20,8

Total

11,3

16,2

N.B. : ces chiffres reposent sur une ventilation des consommations d’électricité évaluée à partir de la facture annuelle moyenne d’électricité par décile de niveau de vie donnée par l’enquête Budget des Familles 2011 (pour l’ensemble des ménages et pour les ménages dont l’énergie principale de chauffage est l’électricité) et un prix moyen TTC de l’électricité de 138,5 €/MWh sur 2010-2011 (correspondant à la période de collecte des données de l’enquête).

Source : Enquête Budget des familles 2011 et calculs DG Trésor.

ANNEXE N° 2 :
CRÉDITS PRÉVISIONNELS DES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL SUSCEPTIBLES D’ÊTRE INSCRITS
DANS LE PROJET DE FINANCES POUR 2016

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES MISSIONS DU BUDGET GÉNÉRAL

(en millions d’euros)

 

LFI 2015

LPFP 2016

PLF 2016

Écart LFI 2015

écart %

écart LPFP 2016

Écart %

Affaires étrangères et développement international

4 560

4 588

4 663

103

2,3

75

1,6

Affaires sociales et santé

16 735

17 006

16 742

7

0,0

– 264

– 1,6

Agriculture, agroalimentaire et forêt

4 085

3 953

3 959

– 126

– 3,1

7

0,2

Culture et communication

3 229

3 137

3 153

– 76

– 2,4

15

0,5

Dont budget de la culture hors audiovisuel

3 039

3 028

3 083

44

1,4

55

1,8

Dont audiovisuel

190

110

70

– 120

– 63,2

– 40

– 36,4

Décentralisation et fonction publique*

204

203

233

29

14,2

30

14,8

Défense (dont anciens combattants)**

31 936

32 338

32 904

968

3,0

566

1,8

Dont mission défense

29 003

29 521

30 121

1 118

3,9

600

2,0

Dont Défense - hors mission défense

2 933

2 817

2 783

– 150

– 5,1

– 34

– 1,2

Écologie, développement durable et énergie

12 887

12 893

12 780

– 106

– 0,8

– 113

– 0,9

Économie, industrie et numérique

1 611

1 578

1 537

– 74

– 4,6

– 42

– 2,7

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

69 122

69 503

69 640

518

0,7

137

0,2

Finances et comptes publics (hors p117)

13 519

13 330

12 969

– 550

– 4,1

– 361

– 2,7

Intérieur*

15 096

14 756

14 917

– 179

– 1,2

161

1,1

Dont Sécurités

12 154

12 180

12 271

117

1,0

91

0,7

Dont autres

2 942

2 576

2 646

– 296

– 10,1

70

2,7

Justice

6 330

6 274

6 342

12

0,2

68

1,1

Logement égalité des territoires et ruralité

13 186

13 315

12 890

– 296

– 2,2

– 425

– 3,2

Outre-mer

2 017

2 063

2 018

0

0,0

– 45

– 2,2

Services du Premier ministre

1 965

1 956

1 953

– 12

– 0,6

– 3

– 0,2

Travail, emploi et dialogue social

11 180

10 623

10 973

– 207

– 1,9

350

3,3

Ville, jeunesse et sports

912

915

1 054

142

15,6

139

15,2

Total

258 835

258 663

259 701

866

0,3

1 037

0,4

*Hors mission Relations avec les collectivités territoriales **Chiffre à périmètre 2015. Les crédits de la mission Défense seront portés à 31,73 Md€ après réintégration du CAS Fréquences au sein du budget général auxquels s’ajoutent 0,25 Md€ attendus de produits de cessions immobilières.

Source : Gouvernement

ANNEXE N° 3 :
SCHÉMA D’EMPLOI PRÉVISIONNEL PAR MINISTÈRE
SUSCEPTIBLE D’ÊTRE INSCRIT
DANS LE PROJET DE FINANCES POUR 2016

Schéma d’emploi (hors opérateurs et budgets annexes)

8 293

Ministères prioritaires

12 232

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

8 561

Défense

2 300

Justice

943

Intérieur

428

Services du Premier ministre

89

Autres ministères

– 3 939

Affaires étrangères

– 115

Affaires sociales et santé

– 150

Agriculture, agroalimentaire et forêt

– 20

Culture et communication

– 30

Écologie

– 671

Logement

– 261

Économie

– 20

Finances

– 2 548

Outre-mer

0

Ville, jeunesse et sports

– 6

Travail, emploi et dialogue social

– 192

Source : Gouvernement

1 () Estimation de la Rapporteure générale.

2 () Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, Rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2740, 22 avril 2015.

3 () Intervention de M. Xavier Timbeau, directeur de l’OFCE, sur « La déflation est-elle encore à craindre en zone euro ? » au cours d’une rencontre économique organisée le 19 mai 2015 par lInstitut de la gestion publique et du développement économique au ministère des finances.

4 () Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2015, tome 2, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2260, 9 octobre 2014, page 30.

5 () Les foyers fiscaux peuvent être répartis par décile de revenu fiscal de référence (RFR), à partir des données fournies par la direction de la législation fiscale, ces déciles ne tenant pas compte de la composition familiale du foyer fiscal – célibataire, couple avec ou sans enfant. Les foyers fiscaux peuvent également être ventilés par décile de revenu déclaré par unité de consommation, ce qui permet de tenir compte du nombre de personnes composant le foyer – sachant que la personne de référence du foyer correspond à une unité de consommation, son conjoint éventuel et les enfants de plus de quatorze ans à 0,5 unité et les enfants de moins de quatorze ans à 0,3 unité. Enfin, il est aussi possible de procéder à une ventilation par décile de niveau de vie : elle est réalisée au niveau des ménages, et non des foyers fiscaux, et elle inclut, outre les revenus imposables du ménage, les prestations sociales qu’il perçoit.

6 () Note de conjoncture, juin 2015.

7 () Comité de suivi du CICE, Rapport 2014.

8 () Les grandes entreprises sont réputées verser des salaires moyens plus élevés.

9 () Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

10 () Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, Rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2740, 22 avril 2015.

11 () Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale, Rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 et le programme national de réforme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2740, 22 avril 2015.

12 () L’OCDE estimait en 2012 la croissance potentielle à moyen terme de la France à 1,8 % (http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/50381022.pdf)
et en 2014 à 2,2 % (http://www.oecd.org/fr/economie/Perspectives-de-croissance.pdf).

13 () L’exécution des dépenses de l’État en 2014 est présentée en détail dans le rapport de la Rapporteure générale relatif à la loi de règlement pour 2014.

14 () Soit hors charge de la dette.

15 () Recommandation COM (2015) 260 du 13 mai 2015 concernant le programme national de réforme de la France pour 2015 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité pour la France pour 2015.

16 () Sachant que l’exonération de CSG ou l’application du taux réduit est conditionnée au niveau de RFR du foyer fiscal en année N-2 ; une hausse de RFR intervenant en 2013 n’a donc d’incidence sur la CSG acquittée qu’à compter de 2015.


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