N° 2202
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 avril 2014
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997
PAR M. Pierre- Yves Le Borgn’
Député
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 1880
INTRODUCTION 5
I. UNE PROLONGATION DU PROTOCOLE DE KYOTO ET DES AMÉNAGEMENTS À SON DISPOSITIF 9
A. LE PROTOCOLE DE KYOTO 9
1. Le seul instrument international juridiquement contraignant visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre 9
2. Une période d’engagement limitée 10
3. Une application à un nombre également limité de pays et de manière différenciée 11
a. Une différenciation des obligations des pays engagés 11
b. L’absence de ratification de la part des Etats-Unis 15
c. Le retrait du Canada en 2011-2012 15
B. L’AMENDEMENT DE DOHA 16
1. Une disposition essentielle : une deuxième période d’engagement, avec des obligations renforcées pour certains Etats, afin d’assurer la transition avec le futur accord climatique 16
a. Une ambition accrue pour les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays européens 16
b. Quelques cas de non réengagement 19
c. Une mesure très pédagogique, car ne couvrant que 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre 19
d. Une faculté accrue de révision et d’adaptation des objectifs 20
2. D’autres aménagements très techniques pour renforcer le contrôle des émissions 20
a. Un ajout à la liste des gaz à effet de serre 20
b. La modification des règles relatives à l’utilisation des terres, changements d’affectation des terres et foresterie (UTCATF) 20
c. La prise en compte des mécanismes de marché 21
3. Une entrée en vigueur selon un dispositif classique 21
4. La prise en compte de l’engagement conjoint de l’Union européenne et de ses Etats membres 21
II. UN TEXTE OPPORTUN 22
A. UN DISPOSITIF CONFORME AUX ENGAGEMENTS DE LA FRANCE ET DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 22
1. Les positions et politiques françaises et européennes 22
2. La réalisation des objectifs du paquet énergie-climat de 2008 et de l’objectif des 3 fois 20 24
3. Le budget de l’Union européenne 29
4. Les perspectives du deuxième paquet énergie-climat pour l’horizon 2030 30
B. UN SYMBOLE FORT DE L’ENGAGEMENT DE LA FRANCE ET DE L’EUROPE ET UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA PERSPECTIVE DE DEUX ÉCHÉANCES CLEFS : LE SOMMET CLIMAT DE SEPTEMBRE PROCHAIN À NEW YORK ET LA COP 21 DE 2015 AU BOURGET 30
1. Un acte politique majeur dans le calendrier de la préparation de la conférence climat de 2015 30
2. Bien affirmer la valeur du résultat de la difficile négociation de Doha 31
C. UNE URGENCE À AGIR RECONNUE MÊME AUX ETATS-UNIS, MAIS DES QUESTIONS DE FOND ESSENTIELLES ENCORE AU CENTRE DES NÉGOCIATIONS 32
1. Un volume des émissions sans cesse accru et à réduire impérativement 32
2. Une urgence reconnue même aux Etats-Unis 37
3. Des points cruciaux encore en suspens parmi lesquels la convergence des mécanismes de comptabilisation, vérification et de transparence ; le marché carbone ; l’alimentation du Fonds vert 38
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 43
EXAMEN EN COMMISSION 45
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 51
Mesdames, Messieurs,
Les gaz à effet de serre ont été identifiés dès le XIXème siècle, mais il a fallu la fin du XXème siècle pour que soit scientifiquement étayé le changement du climat sous l’effet des activités de l’homme.
C’est en 1988 en effet qu’a été constitué, à la demande du G7, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), chargé de procéder à une évaluation.
Dès 1990, le premier rapport est publié. Il conclut à une augmentation de la température terrestre et à un changement climatique sous l’effet de la concentration dans l’atmosphère, en raison des activités humaines, de différents gaz à effet de serre (dioxyde de carbone- CO2, principalement, mais aussi méthane, chlorofluorocarbones et oxyde nitreux). Il est cependant assorti de certaines réserves, en raison des inconnues de l’époque sur certains mécanismes de la régulation climatique. Quatre scénarios d’augmentation de la température terrestre à long terme fonction des émissions futures sont établis.
Depuis lors, le GIEC a régulièrement rendu ses conclusions dans le cadre de quatre rapports, en 1995, 2001, 2007 et 2014, cette année, pour le cinquième et dernier en date.
Ces rapports ont confirmé le lien entre l’évolution du climat et les émissions de gaz à effet de serre, notamment de CO2 provenant de l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel).
Ils ont constaté la nécessité d’en limiter le volume pour maintenir à 2°C le niveau de l’augmentation de la température terrestre par rapport à l’ère préindustrielle, de manière à éviter que les changements ne deviennent incontrôlables et ne menacent même, dans les perspectives les pires, jusqu’à l’habitabilité de la planète.
Conjointement avec Al Gore, le GIEC a reçu le prix Nobel de la Paix en 2007.
Compte tenu du volume de CO2 et autres gaz à effet de serre déjà émis et du volume qu’il reste possible d’émettre pour se conformer à un objectif de limitation des températures, on peut déduire la trajectoire des émissions annuelles à respecter pour contenir le changement du climat et la durée pour effectuer la transition énergétique vers une économie décarbonée.
Tel est l’objet de l’action internationale en la matière, car aucun Etat ou groupe d’Etats ne peut agir seul. Le climat relève par nature de l’action collective de la société internationale.
En l’espèce, les délais entre les travaux des scientifiques et les premiers instruments internationaux ont été relativement brefs.
C’est en effet quelques années après la création du GIEC, dès 1992, qu’a été adopté au Sommet de la Terre, à Rio, la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CNUCC).
Une instance de suivi est créée pour examiner chaque année la question climatique, la Conférence des Parties ou COP. Elle comprend maintenant 195 membres, et est communément appelée la conférence annuelle « climat ».
C’est ensuite en 1997, sur la base du deuxième rapport du GIEC, celui de 1995, qu’est adopté le protocole de Kyoto à cette même convention cadre.
Il prévoit, selon le cas, une réduction ou une limitation des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés et les pays à économie en transition, les pays de l’Est qui se réforment alors en profondeur, dans les années qui suivent la chute du Mur de Berlin.
Entré en vigueur en 2007, il porte sur la période 2008-2012, dite première période d’engagement.
Il ne couvre cependant qu’une fraction des émissions de gaz à effet de serre, moins de 20%.
Normalement, la conférence de Copenhague en 2009, la COP 15, aurait dû permettre l’adoption du dispositif applicable à l’après-Kyoto, à l’après-2012. L’objectif était un accord universel permettant de corriger rapidement la trajectoire des émissions de manière efficace et coordonnée pour l’ensemble de la planète.
Le résultat a été plus modeste avec la seule affirmation politique de la volonté de limiter à 2°C le réchauffement global à l’horizon de la fin du XXème siècle.
Cet échec a conduit à un nouveau calendrier et ce n’est qu’en 2011, lors de la Conférence de Durban (COP 17), qu’une procédure de négociations, dite Plate-forme de Durban « Durban Platform for Enhanced Action » est décidée en vue de l’accord universel et contraignant qui apparaît comme éminemment nécessaire.
Cette procédure est assortie d’un calendrier : 2015 pour l’adoption du futur accord ; 2020 pour son entrée en vigueur.
Ces échéances font apparaître la nécessité de couvrir la période intermédiaire comprise entre la fin de 2012 et 2020 par un instrument ad hoc.
C’est l’objet de l’amendement au Protocole de Kyoto, adopté lors de la COP 18 de Doha, fin 2012, qui prévoit une prolongation et pour les Etats européens, un renforcement du dispositif de Kyoto pour les années 2013-2020, dans le cadre d’une « deuxième période d’engagement ».
Il appartient maintenant à votre commission, et aux assemblées parlementaires, d’en autoriser la ratification.
La ratification par la voie législative est incontestable, compte tenu de la nature de certaines dispositions, qui relèvent du domaine de la loi.
L’usage de la procédure accélérée ne doit pas cependant conduire à méconnaître que le projet de loi ayant été déposé le 10 avril 2014, l’amendement de Doha aura mis plus d’un an à être présenté au Parlement, ce qui n’est malheureusement pas représentatif de l’urgence à agir.
Néanmoins, ce calendrier permet à votre rapporteur de se placer d’ores et déjà dans la perspective de la conférence climat de 2015 (la COP 21), qui aura lieu au Bourget et donnera lieu à une conférence interparlementaire.
Pour assurer au mieux sa préparation, les trois commissions concernées de l’Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes, ont constitué un groupe de travail commun en juin dernier, dont tant les trois présidents de commission que votre rapporteur sont, notamment, membres.
Dans cette perspective, le présent rapport ne se limite pas à l’examen de l’amendement au Protocole de Kyoto, mais insiste sur l’intérêt d’une ratification rapide pour aborder au mieux les négociations sur le futur accord et évoque certaines des différentes priorités autour desquelles celles-ci s’articulent.
Pour sa part, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a déjà émis, le 2 juillet dernier, un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi, sur le rapport de M. Arnaud Leroy, député (rapport n° 2096).
1. Le seul instrument international juridiquement contraignant visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre
Le protocole de Kyoto à la CNUCC a été adopté en décembre 1997 lors de la COP 3, au Japon, sur la base du deuxième rapport du GIEC.
Il est entré en vigueur en février 2005, après ratification par 55 Etats représentant 55% des émissions mondiales de l’année 1990, mais qui ne sont pas tous soumis au dispositif de réduction ou de limitation de ces émissions, comme cela sera précisé au 3 ci-après.
C’est le seul instrument contraignant relatif aux émissions de gaz à effet de serre.
Il ne s’est effectivement appliqué qu’après 2007, car la première période d’engagement correspond aux années 2008 à 2012 incluses.
C’est en effet à la fin de 2012 que devaient être respectés par les pays concernés les engagements de réduction d’émissions, par rapport à l’année 1990 pour l’essentiel.
C’est en effet cette année qui a servi et sert toujours en règle générale de base de référence pour la mesure des réductions, ou en cas d’augmentation, des efforts de limitation des émissions.
Le Protocole de Kyoto a été articulé autour de deux objectifs :
– un objectif global de réduction de 5% des émissions par rapport à 1990, pendant la période 2008-2012, des pays économiquement les plus forts, ceux qui sont visés à l’annexe 1 de la CNUCC ;
– des objectifs obligatoires sur les émissions de gaz à effet de serre pour ceux de ces pays qui les ont acceptés, ces objectifs variant de -8% à +10% par rapport aux émissions individuelles des pays en 1990.
Cette variation des pays concernés d’un pays à l’autre fait l’objet des développements du 2 ci-après.
Sur le plan technique, le protocole de Kyoto a prévu trois éléments essentiels.
En premier lieu, son annexe A a fixé la liste des gaz à effet de serre, car même si le gaz carbonique ou dioxyde de carbone (CO2) est de loin le plus important, d’autres gaz plus ou moins complexes ont également un effet de serre.
Ont ainsi été listés :
– le méthane, dont le potentiel sur le réchauffement global (PRG) à 100 ans est 25 fois plus élevé que le CO2, qui sert de référence en la matière ;
– l’oxyde nitreux ou protoxoyde d’azote, au PRG 298 fois plus élevé ;
– les hydrofluorocarbones, famille de plusieurs substances chimiques ;
– les hydrocarburesperfluorés, qui constituent également une famille de substances chimiques ;
– l’hexafluorure de soufre, au PRG 22 600 fois plus élevé que le CO2.
En deuxième lieu, son annexe A a également procédé au recensement des sources d’émissions, distinguant notamment l’énergie, les procédés industriels, l’usage des solvants, l’agriculture et aussi le secteur des déchets.
En troisième lieu, en compensation des objectifs contraignants, l’accord a organisé des flexibilités permettant aux pays de jouer sur les manières d’atteindre leurs objectifs.
Des mécanismes de marché ou de projet, c’est-à-dire de compensation, ont ainsi été prévus : le mécanisme des permis négociables pour les droits ou (quotas) d’émission, dans le cadre d’un marché mondial, qui permet la revente de droits devenus inutiles en raison des investissements des opérateurs dans les technologies moins émettrices ; le mécanisme de développement propre (MDP), permettant aux entreprises des pays industrialisés de financer des projets dans les pays en développement et émergents, et de bénéficier ainsi de crédits d’émission ; l’application ou mise en œuvre conjointe (MOC), mécanisme similaire entre pays industrialisés surtout destinée à la Russie et à l’Europe centrale et orientale, car permettant aux pays industrialisés de financer des projets dans d’autres pays industrialisés.
Par ailleurs, a également été prévue la prise en compte de l’utilisation des terres, des changements d’affectation des terres et foresterie (UTCATF).
Ainsi, ont été pris en considération les puits de carbone, à savoir le développement des forêts, ainsi que le financement des projets à l’étranger ayant pour but de réduire l’émission de gaz à effet de serre.
Dès l’origine, le protocole de Kyoto a prévu un important délai pour sa mise en œuvre puisqu’il a fixé la période d’engagement aux années 2008 à 2012 incluses pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour certains pays et l’Union européenne, qui constitue une organisation régionale intégrée.
Néanmoins, la référence retenue étant de manière générale l’année 1990, toutes les difficultés inhérentes à ce délai ont été évitées.
C’est à la fin de l’année 2012 que l’on a pu mesurer en effet la réalité et la pérennité des efforts consentis, qui sont le résultat non pas de mesures conjoncturelles, mais au contraire de dispositions et d’investissements de long terme.
La seule difficulté de cette période d’engagement a été l’absence de dispositif sur ce qui arriverait après, en cas d’impossibilité d’un nouvel accord plus ambitieux, comme cela a été le cas lors de la COP 15 à Copenhague.
Les engagements du Protocole de Kyoto ont scellé le principe de différentiation des obligations, d’ailleurs volontaires, des Etats, à deux niveaux.
En premier lieu, les obligations de réduction ou de limitation des émissions ne concernent que les pays aux économies alors les plus avancées, les pays occidentaux et les anciens pays du bloc soviétique aux économies alors en transition. Ce sont les pays dits de l’annexe 1 à la CNUCC.
Liste des pays de l’Annexe 1 à la CNUCC
Source : ONU
En deuxième lieu, pour les pays qui s’engagent sur des objectifs chiffrés, il faut distinguer l’objectif global et les différents objectifs fixés par pays, dont le niveau n’est pas le même et dont la base de référence peut aussi n’être pas nécessairement l’année 1990.
L’objectif global a été une réduction de 5% des émissions pour les pays développés, par rapport aux niveaux d’émission de 1990, mais chaque pays a un objectif qui lui est propre.
Pour ce qui concerne les différents pays ayant un objectif de réduction, celui-ci a été de 8 % pour l’Union Européenne (EU[15] d’alors), organisation régionale intégrée, ainsi que pour la Suisse et la plupart des pays d’Europe Centrale et Orientale, 6 % pour le Canada, 7 % pour les États-Unis, 6 % pour la Hongrie, le Japon et la Pologne.
La décision de la Commission européenne 2006/944/CE du 14 décembre 2006 a attribué aux différents Etats membres les quantités d’émissions chiffrées autorisées entre 2008 et 2012, exprimées en tonnes équivalent dioxyde de carbone.
L’élargissement de l’Union européenne n’a pas modifié les engagements antérieurs des nouveaux membres. Malte et Chypre n’ont donc pas été concernées même après leur adhésion à l’Union européenne en 2004.
Pour d’autres pays, l’objectif est uniquement une stabilisation des émissions, ce qui représente déjà un effort par rapport aux trajectoires ascendantes antérieures. Tel est le cas pour la Nouvelle-Zélande, la Russie et l’Ukraine.
Pour une troisième catégorie de pays enfin, les émissions ont pu augmenter, mais d’une manière limitée et contrôlée ; la Norvège, avec une augmentation maximale de 1 %, l’Islande de 10 % et l’Australie de 8 %.
Le tableau suivant, de l’annexe B au Protocole de Kyoto, récapitule et détaille ces éléments.
Source : ONU
Pour atteindre ces objectifs, le protocole a prévu une série de moyens :
– renforcer ou mettre en place des politiques nationales de réduction des émissions (accroissement de l'efficacité énergétique, promotion de formes d'agriculture durables, développement de sources d'énergies renouvelables, etc.) ;
– coopérer avec les autres parties contractantes (échange d'expériences ou d'informations, coordination des politiques nationales à travers des permis d'émission, mise en œuvre conjointe et mécanisme de développement propre).
Il a aussi imposé la mise en place d’un système national d'estimation des émissions d’origine humaine et de l'absorption par les puits de tous les gaz à effet de serre.
Les Etats-Unis ont signé, mais n’ont pas ensuite ratifié le protocole de Kyoto.
L’engagement correspondant ne leur a pas été applicable, ce qui a été particulièrement dommageable car ils ont été principal émetteur de gaz à effet de serre jusqu’en 2005, date à laquelle ils ont été dépassés par la Chine, et même si leur part a diminué, elle est restée jusqu’à ces dernières années supérieure à 20% du total des émissions mondiales.
L’opposition du Sénat américain, qui aurait souhaité que la Chine et l’Inde soient également impliquées, s’est certes manifestée dès 1997, par le vote à l’unanimité de la résolution n° 98 indiquant que les Etats-Unis ne ratifieraient pas le protocole en raison des dommages qu’il impliquait pour l’économie américaine alors même qu’il n’imposait pas aux pays en développement la réduction de leurs émissions.
Malgré cette résolution, le président Bill Clinton a signé en 1998 le Protocole.
Mais c’est ultérieurement, le 28 mars 2001, comme le rappelle, sur son site Internet, la Heritage Foundation, que le président George W. Bush a exprimé son refus d’une ratification en invoquant l’insuffisance des éléments scientifiques sur les causes du changement climatique et les moyens d’y remédier et l’absence de techniques commercialement accessibles de capture et de stockage du CO2.
Ce choix n’a malheureusement pas été invalidé par la suite.
En décembre 2011, à l’occasion de la COP 17 de Durban, le Canada a fait part de son intention de se retirer du Protocole de Kyoto.
Cette décision a été motivée par les insuffisances de son dispositif et par les qualités escomptée du futur accord climatique dont le processus s’est esquissé dans le cadre de la « plate-forme de Durban ».
Elle a pris effet le 15 décembre 2012.
1. Une disposition essentielle : une deuxième période d’engagement, avec des obligations renforcées pour certains Etats, afin d’assurer la transition avec le futur accord climatique
a. Une ambition accrue pour les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays européens
La période d'application du protocole de Kyoto s’achevant en 2012, une disposition intérimaire a été nécessaire pour faire le lien avec le futur accord climatique qui n’a pu être conclu lors de la COP 15 de 2009 à Copenhague.
Décidé dans son principe lors de la COP 17 de Durban et adopté lors de la COP 18 de Doha, le 8 décembre 2012, dans des conditions difficiles qui seront évoquées lors de l’examen des éléments qui plaident en faveur d’une ratification rapide, l’amendement au Protocole prolonge pour les années 2013 à 2020 les obligations des Etats couverts par les engagements de réduction ou limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Il fixe ainsi une nouvelle période d’engagement, communément appelée « deuxième période d’engagement ».
De même que pour la première période, les objectifs chiffrés sont à deux niveaux avec :
– un objectif global de -18% pour les émissions de gaz à effet de serre des pays de l’annexe 1 à la convention, toujours en principe par rapport à l’année 1990, qui reste en général la référence, au point C de l’amendement ;
– de nouveaux engagements chiffrés pour 38 pays, dont l’Union européenne et ses Etats membres, y compris Chypre, Malte et la Croatie, ainsi que l’Islande et d’autres Etats tiers ayant souhaité s’engager de nouveau (notamment la Biélorussie, le Kazakhstan, la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein).
Le niveau d’ambition est clairement au-delà de celui de la première période d’engagement.
D’une part, il n’y a plus que des réductions. D’autre part, les nouveaux chiffres d’émissions, exprimés en pourcentage des émissions de 1990, sont significativement inférieurs aux anciens.
Pour l’Union européenne, et ses Etats membres, la réduction des émissions est de 20 %, conformément à l’objectif défini par le paquet « énergie-climat » de 2008.
Pour les autres pays, les niveaux sont voisins, à l’exception du Kazakhstan, avec une réduction de 5 %.
Le cas de l’Australie est à part, car il s’agit d’une baisse de 5 % par rapport à l’année 2000, avec la possibilité d’une baisse ultérieure de 5 à 15 % voire 25 % si certaines conditions sont rempliées.
Le tableau suivant récapitule ces éléments :
Pour l’Union européenne, on observe l’homogénéité des engagements, ce qui n’était pas le cas pour la première période.
Sans même devoir rappeler le cas des Etats-Unis qui ont été retirés de la liste des engagements chiffrés, le champ d’application de l’amendement de Doha est plus restreint que celui du dispositif initial de Kyoto tel qu’il a été appliqué.
D’abord, comme on l’a vu, le Canada s’est retiré du dispositif en 2012.
Ensuite, plusieurs Etats n’ont pas souhaité s’engager dans une deuxième période et se fixer un nouvel objectif : la Fédération de Russie, le Japon, touché par Fukushima et le basculement de la production électrique sur le gaz, et la Nouvelle-Zélande.
L’Australie a fait l’objet d’un certain suivi après l’annonce par le Premier ministre de sa volonté de démanteler la taxe carbone, et de la remplacer par un Direct Action Plan, et la suppression du ministère de l’environnement dont les structures ont été rattachées au ministère de l’énergie.
Cependant, selon les éléments communiqués, ce pays a toujours indiqué que ces éléments de politique intérieure ne remettaient pas en cause ses engagements internationaux.
c. Une mesure très pédagogique, car ne couvrant que 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre
En raison de l’absence des Etats-Unis et du Canada, ainsi que de la Russie, du Japon et de la Nouvelle-Zélande, la deuxième période d’engagement ne concerne donc que 15% des émissions mondiales de CO2.
L’effet de la simple réduction du nombre des pays concernés est en outre accru par deux éléments :
– d’abord, l’apparition depuis 1990 des pays émergents, qui représentent l’essentiel de l’ancien Tiers monde jusqu’à en faire disparaître la notion même, a mécaniquement réduit le poids des pays de l’annexe 1 de la CNUCC, du seul fait du rééquilibrage vers le Sud de l’économie mondiale ;
– ensuite, seuls les pays de l’Union européenne ayant mené une politique volontariste, coordonnée, à grande échelle et par conséquent efficace, de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, leur part tend à décroître.
La portée de la deuxième période d’engagement est essentiellement pédagogique, mais elle n’est pas à négliger car elle montre qu’un haut niveau de développement n’est pas contradictoire avec la sobriété énergétique, bien au contraire.
En outre, il ne faut pas méconnaître qu’au total 60 pays ont pris des mesures d’atténuation, dont les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil.
L’amendement de Doha ne se limite pas à une actualisation arithmétique, car il introduit dans le dispositif de Kyoto plusieurs éléments d’amélioration vers une révision « adaptative » des objectifs.
D’abord, le point D de l’article 1er allège la procédure permettant à un pays de relever son niveau d’ambition et de diminuer le pourcentage de ses émissions par rapport à l’année de référence. La double exigence actuelle d’un consensus des parties et d’une ratification par les trois quarts pour entrer en vigueur est remplacée par un mécanisme d’adoption tacite par la Conférence des parties, dès lors que les trois quarts des parties présentes et votantes n’émettent aucune objection.
Ensuite, le point G de l’article 1er traite la question dite de « l’air chaud », c’est-à-dire des quantités excédentaires d’émissions attribuées au cours de la première période d’engagement.
De manière à ajuster la base de départ des émissions de la deuxième période, il prévoit, dans le cadre d’un dispositif de type « cliquet », l’annulation des quantités attribuées qui dépassent la moyenne des émissions des trois premières années de la première période d’engagement.
Le point B de l’article 1er ajoute à la liste des gaz à effet de serre le trifluorure d’azote, très peu utilisé, mais au PRG de l’ordre de 17 000 fois celui du CO2.
C’est un produit qui n’a été couramment utilisé qu’à partir des années 2000 comme substitut à deux gaz à effet de serre sous le coup du protocole de Kyoto (l’hexafluorure de soufre et un hydrocarbure perfluoré), car l’on n’en connaissait pas tous les inconvénients.
Ce gaz est utilisé principalement dans la micro-électronique, ainsi que pour les écrans plats et les panneaux solaires.
Le point I permet de choisir l’année 1995 ou l’année 2000 comme point de référence.
b. La modification des règles relatives à l’utilisation des terres, changements d’affectation des terres et foresterie (UTCATF)
Le point F modifie en les durcissant, les modalités de prise en compte de l’UTCAF.
La nouvelle règle de mise en œuvre oblige la comptabilisation des émissions et absorptions résultant du boisement, reboisement ou déboisement et plus généralement de l’affectation des terres.
Le point J permet aux pays engagés de recourir aux mécanismes de marché pour respecter leurs engagements et imposent qu’une partie des unités générées doit non seulement couvrir les frais administratifs, mais aussi aider les pays en développement à financer le coût d’adaptation au changement climatique.
L’entrée en vigueur de l’amendement de Doha est prévue selon les modalités des articles 20 et 21 du Protocole.
Elle sera donc effective quatre-vingt-dix jours après la transmission au Secrétaire général des Nations Unies, qui est dépositaire du Protocole et de la CNUCC, des instruments d’affectation des trois quarts au moins des Parties.
Le seuil est actuellement de 144 Etats. Il s’agit pour l’essentiel d’Etats qui ne sont pas soumis aux obligations chiffrées.
En l’état, selon les éléments disponibles sur le site Internet de l’ONU à la date de la rédaction du présent rapport, treize Etats ont transmis leur instrument de ratification de l’amendement : le Bangladesh, la Barbade, la Chine, les Emirats arabes Unis, le Honduras, le Kenya, le Maroc, Maurice, Monaco, la Fédération des Etats de Micronésie, la Norvège, les îles Salomon et le Soudan.
Au titre de la convention et du Protocole, l’Union européenne n’est pas un pays, mais une organisation régionale intégrée.
La note 4 du tableau relatif aux engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre indique que l’Union européenne et ses Etats membres rempliront les leurs d’une manière conjointe, sans préjudice d’une notification ultérieure par l’Union européenne et ses Etats membres d’un accord ultérieur en ce sens. Une proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’amendement de Doha au Protocole de Kyoto et à l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (document COM (2013) 768 final) a été présentée par la Commission européenne le 16 décembre 2013.
Elle prévoit la date du 16 février 2015 pour la ratification, comme échéance que les Etats membres doivent d’efforcer de respecter. Elle n’avait pas été encore adoptée à la date de rédaction du présent rapport.
A. UN DISPOSITIF CONFORME AUX ENGAGEMENTS DE LA FRANCE ET DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
L’Union européenne, de même que la France, ont manifesté dès l’origine une ambition réelle et une volonté d’action sur la question climatique.
Celles-ci se sont naturellement exprimées dans les positions de négociations sur la question climatiques.
Elles se sont également incarnées dans le cadre des mesures et orientations très concrètes mises en place dès la décennie 2000.
La principale initiative européenne a consisté à mettre progressivement en place, à partir de 2005, le système européen d’échange de quotas d’émissions (SEQE) pour les grandes installations émettrices de CO2, sur la base de la directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté. Ce texte a été plusieurs fois modifié, notamment en 2009 dans le cadre du premier paquet « énergie-climat » de 2008.
La principale question en cours, car dépendant en fait d’un accord international au sein de l’OACI, est l’éventuelle inclusion du transport aérien dans le SEQE.
Au-delà du système d’échange de quotas et des initiatives sectorielles qu’elle déjà prises, l’Union européenne a adopté une stratégie intégrée de lutte contre le réchauffement climatique avec le paquet énergie-climat 2020 ou plan climat de l’Union européenne de 2008.
Son objectif a été de permettre la réalisation des « 3 x 20 » pour 2020 consistant à :
– faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20 % ;
– réduire les émissions de gaz à effet de serre, de CO2 des pays de l’Union de 20 %, par rapport à 1990, base de référence ;
– accroître l'efficacité énergétique de 20 % d'ici à 2020.
Stricto sensu, le paquet énergie climat s’est accompagné d’un nombre limité de textes :
– la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 visant à améliorer et à étendre le système communautaire d'échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) ;
– la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 sur la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ;
– la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 sur les efforts à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ;
– la directive 2009/31/CE du 23 avril 2009 sur le stockage géologique du dioxyde de carbone, sur les modalités de sélection et d’exploration des sites de stockage, de délivrance des permis de stockage, ainsi que sur les obligations liées à leur exploitation, à leur fermeture et à l’après-fermeture ;
– le règlement n° 443/2009 du 23 avril 2009 sur les normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers ;
– la directive 2009/30/CE du 23 avril 2009 dite « qualité des carburants », relative aux spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles.
Mais il faut y ajouter la directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles, dite MTD, car destinée à appliquer les meilleures techniques disponibles. Ce texte concerne notamment mais pas seulement, la production d’énergie et son utilisation industrielle.
Au-delà, le paquet s’est accompagné d’un ensemble de textes ajustant et complétant les initiatives antérieures en la matière.
En matière de renouvelables, la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives antérieures 2001/77/CE et 2003/30/CE, met en place des plans d’action nationaux en matière d’énergie renouvelable, pour les secteurs des transports et de la production d’électricité, ainsi que pour le chauffage. Des dispositifs de garantie d’origine et d’accès prioritaires au réseau sont aussi prévus. Relèvent également de cette catégorie les biocarburants.
En matière d’efficacité énergétique, l’action européenne est antérieure à l’objectif retenu en 2008, d’un gain de 20 % à l’horizon 2020. Cet objectif a conduit à adopter plusieurs dispositifs, l’un général, les autres sectoriels.
Sur le plan général, le texte actuellement applicable est la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique. Celle-ci établit un cadre commun de mesures pour promouvoir l'efficacité énergétique dans l'Union afin de d’atteindre l’objectif des 20 % d’ici à 2020 et de préparer la voie à de nouvelles améliorations de l'efficacité énergétique au-delà de cette date. Elle vise à lever les obstacles et à surmonter les défaillances du marché de l’énergie qui nuisent à l’efficacité de l’approvisionnement et de l’utilisation de l'énergie. Elle prévoit de fixer des objectifs indicatifs nationaux d'efficacité énergétique pour 2020.
Plusieurs textes spécifiques sont également intervenus en matière de bâtiment (directive 2010/31 remplaçant celle de 2002), de services énergétiques, de cogénération (production combinée de chaleur et l’électricité) et d’appareillages et équipements consommateurs d’énergie (production d’eau chaude, équipements domestiques, etc.).
Comme on vient de le voir, la stratégie énergie-climat a reposé sur les 3 fois 20 l’horizon 2020 : 20 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; 20 % d'énergies renouvelables dans le bilan énergétique global ; une diminution de 20 % de la consommation d'énergie grâce aux gains d’efficacité énergétique.
Il ressort des derniers éléments de suivi, publiés par la Commission européenne le 30 avril dernier, que pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’objectif global de -20 % est acquis et il est probable que le niveau atteint en 2020 sera de l’ordre de -24 %.
De même, les objectifs du Protocole de Kyoto sont dépassés pour les quinze pays alors membres de l’Union européenne.
En 2012, le niveau des émissions des Vingt-huit pays membres de l’Union européenne, et de l’Islande, a été de 21,7 % inférieur au niveau de référence et les projections montrent qu’il devrait être de 24,5 % en 2020.
Le graphique suivant récapitule ces éléments.
Réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les pays membres de l’Union européenne de 1990 à 2012 et estimation de la trajectoire jusqu’en 2020
Cette réduction de plus de 20 % d’ores et déjà est le fruit d’un effort particulièrement appuyé puisque de 1990 à 2012, le PIB a augmenté de 44 %. L’intensité des émissions de gaz à effet de serre du PIB a donc été divisée par deux sur la période.
Per capita, le niveau des émissions est ainsi passé de 12 tonnes de CO2 à 9 tonnes en 22 ans.
Le graphique suivant donne la répartition de cette réduction selon les Etats membres, et le niveau annuel de réduction en pourcentage (sauf pour le Portugal, pour lequel les émissions per capita ont légèrement augmenté).
Evolution des émissions de gaz à effet de serre par tête de 1990 à 2012 et indication du pourcentage annuel correspondant
Présentée par la presse, la carte suivante montre que seuls quelques pays n’ont pour l’instant pas atteint leur objectif de 2020.
Pour ce qui concerne les renouvelables, le niveau global de l’Union européenne a été de 14,8 % en 2012 contre 8,3 % en 2004, soit un gain de moins de 1 point par an qui permet d’envisager d’atteindre l’objectif en 2020 d’une manière générale. Certains Etats membres sont cependant en retard, notamment le Royaume-Uni (4,3 %) et les Pays-Bas (4,5 %). La France (13,4 %), est légèrement en dessous de la moyenne européenne, mais moins que l’Allemagne (12,4 %).
Le tableau suivant récapitule ces éléments.
Pour ce qui concerne en revanche l’efficacité énergétique, l’objectif pourrait ne pas être atteint.
Si le secteur des transports est en phase avec les objectifs, tel n’est pas le cas pour le bâtiment où le niveau des coûts est très élevé. Le niveau global devrait rester en 2020 un peu en-deçà de 20 %.
Pour la France, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) a réalisé plusieurs études récemment publiées.
L’une montre que les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 12,5 % depuis 2005, et que sur une plus longue période, depuis 1990, ce sont surtout les secteurs de l’industrie avec une réduction des émissions de 38 %, et l’énergie (-28 %) qui ont contribué à la maîtrise du climat, alors que le résidentiel et le tertiaire avec un croissance des émissions de 6% et le transport routier (+11 %) ont eu une influence opposée.
L’autre, mise en ligne le 29 juillet, montre dans le cadre d’un tableau de synthèse que la France est en phase avec ses différents engagements internationaux et européens :
Les engagements actuels de la France et les indicateurs correspondants | |||||
Instance |
Cadre |
Périmètre |
Objectif |
Position actuelle pour la France |
Atteinte des objectifs |
Nations-Unies |
CCNUCC |
Métropole et partie de l'outre-mer |
Stabilisation des émissions de CO2e) entre 1990 et la moyenne 2008-2012 (pour la France) |
la moyenne 2008-2011 est inférieure aux émissions 1990 de référence (-9,6 %) |
Oui |
Commission |
SEQE(f) |
Certaines installations et transport aérien Métropole et partie de l'outre-mer |
Pas véritablement de cible mais des quantités totales de quotas allouées en réduction de 21 % en 2020 par rapport à 2005 (pour l'ensemble de l'UE soumise au SEQE) |
-20 % de réduction des émissions vérifiées 2011 par rapport aux émissions vérifiées 2005 |
Oui |
Hors SEQE |
Sources et GES non couverts par le SEQE (Métropole et partie de l'outre-mer) |
-14 % en 2020 par rapport à 2005 (pour la France) |
-13 % entre 2005 et 2011 |
en bonne voie | |
Paquet climat-énergie renouvelable |
Métropole et partie de l'outre-mer) |
Réduction de 20 % des émissions de CO2e à l'horizon 2020 par rapport à 1990 (pour l'ensemble de l'UE) |
486 Mt CO2e en 2011, soit -13 % par rapport à 1990 |
en bonne voie |
Source : Citepa
Le budget de l’Union européenne, et plus précisément le cadre financier pluriannuel 2014-2020, prévoit que les dépenses en faveur du climat devraient représenter au moins 20 % des dépenses de l’Union européenne, soit 0,2 % du RNB de l’Union ce qui est très significatif compte tenu des conditions d’engagement en complément des crédits nationaux et de ceux des collectivités décentralisées.
Le rôle moteur de l’Union européenne en la matière est réaffirmé par les débats en cours sur le cadre énergie climat 2030 qui doit définir les objectifs remplaçant les actuels 3 fois 20.
La Commission européenne a proposé 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, ainsi que 30 % d’efficacité d’énergétique.
B. UN SYMBOLE FORT DE L’ENGAGEMENT DE LA FRANCE ET DE L’EUROPE ET UNE ÉTAPE IMPORTANTE DANS LA PERSPECTIVE DE DEUX ÉCHÉANCES CLEFS : LE SOMMET CLIMAT DE SEPTEMBRE PROCHAIN À NEW YORK ET LA COP 21 DE 2015 AU BOURGET
Il est très clair que l'amendement au Protocole de Kyoto ne pourra à lui seul enrayer le dérèglement climatique.
Il ne couvre en effet que 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, car seuls certains Etats développés se sont, comme on l’a vu, réengagés.
La nouvelle période qu'il ouvre est toutefois essentielle à trois points de vue :
– d’abord, elle permet d’éviter tout vide juridique et d’assurer la transition jusqu’au futur accord prévu pour être adopté à la conférence de Paris en décembre 2015, pour une entrée en vigueur en 2020 ;
– ensuite, elle reprend les principes de base d’un futur accord : des engagements chiffrés des Etats ; des dispositifs de suivi ;
– enfin, face à l’urgence de la situation, elle agit pour limiter à 2°C l'augmentation moyenne de la température mondiale par rapport aux niveaux pré-industriels, les 195 Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques travaillent d'ores et déjà à l'élaboration de ce futur accord qui devra être ambitieux et universel.
La ratification de l’amendement de Doha s’inscrit en outre dans le calendrier très dense des échéances préparatoires à la COP 21 de Paris en 2015.
Il s’agit :
– du sommet climat accueilli à New York par le secrétaire général de l’ONU, le 23 septembre, et au cours duquel des engagements et actions politiques mais aussi d’acteurs de la société civile devraient être annoncés ;
– de la « pré-COP 20 » qui aura lieu à Caracas au Venezuela, du 4 au 7 novembre prochain, avec une invitation des mouvements sociaux pour qu’ils puissent dialoguer avec le Gouvernement ;
– de la COP 20, à Lima, du 30 novembre au 12 décembre ;
– et enfin, au cours du premier semestre 2015, du recueil des contributions des Etats membres, qui constitueront la base du processus de l’adoption prévue des objectifs chiffrés lors de la Conférence de Paris.
En matière de traités et d’accords internationaux, les conditions dans lesquelles le consensus est intervenu, d’emblée ou très tard, n’entachent aucunement la portée de l’accord dès lors qu’il a été signé sans contrainte.
Cependant, il faut se rappeler que la conférence de Doha s’est poursuivie jusqu’au samedi, plus longtemps qu’initialement prévu, et que l’accord final a été suspendu jusqu’au dernier moment à une incertitude sur l’harmonisation des positions de tous les pays de l’Union européenne.
Dans ce contexte, une ratification est indispensable de manière à bien conforter l’engagement moteur de l’Union européenne et de ces Etats membres.
Cela est d’autant plus nécessaire que la Conférence de Doha n’a pas donné lieu à la seule adoption de l’amendement, mais a également conduit à un autre compromis sur la question clef du financement.
En réponse à la demande des pays en développement de financements pour soutenir la triple transition qu’ils doivent assumer, celle du développement, celle du passage à l’économie sobre en carbone et celle de la capacité de résilience face aux conséquences du changement climatique, les pays développés ont pris l’engagement d’un financement de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012 avec la perspective d’une montée jusqu’à 100 milliards par an à l’horizon 2020 de même que la création de la structure pour les recevoir, le Fonds vert pour le Climat (FVC) ou Fonds vert, qui avait été esquissé dès Copenhague et lancé sans élément plus concret à Cancun en 2010.
Il s’agissait en effet de surmonter l’échec du Fonds d’adaptation créé par le protocole de Kyoto en addition aux trois fonds internationaux (Fonds spécial de priorité stratégique pour l’adaptation (PSA), opérationnel de 2004 à 2008 ; Fonds spécial pour le changement climatique (FSCC) et Fonds pour les pays les moins avancés (FPMA), tous deux créés en 2001), géré jusqu’alors par le Fonds pour l’environnement mondial (entité financière opérationnelle de la CCNUCC créée en 1998 mais dont les ressources, provenant de contributions volontaires, étaient d’un rapport insuffisant par rapport aux besoins estimés). Le financement du Fonds d’adaptation, un prélèvement sur les échanges internationaux de crédits carbone, s’est révélé insuffisant compte tenu de l’absence de fonctionnement de ce marché.
C. UNE URGENCE À AGIR RECONNUE MÊME AUX ETATS-UNIS, MAIS DES QUESTIONS DE FOND ESSENTIELLES ENCORE AU CENTRE DES NÉGOCIATIONS
Sur le plan conceptuel, la lutte contre le réchauffement climatique ne présente pas de difficulté majeure : le phénomène est directement le résultat de la réintroduction dans l’atmosphère et sous forme de CO2,du carbone stocké pendant des centaines ou dizaines de millions d’années dans les couches géologiques plus ou moins profondes, soit sous forme de charbon provenant des végétaux de la fin de l’ère primaire, soit sous forme d’hydrocarbures issus de la décomposition plus récente des matières organiques.
Pour limiter à 2° C la température terrestre moyenne, il faut donc limiter le volume des émissions de CO2 et définir une trajectoire de réduction de leur niveau.
C’est ce que fait le GIEC qui a rappelé dans son cinquième rapport, dont plusieurs volumes ont déjà été publiés depuis septembre 2013 et dont le rapport de synthèse est encore à venir le mois prochain (Septembre 2013 « Changements climatiques : Les éléments scientifiques » ; Mars 2014 : « Changements climatiques : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité » ; Avril 2014 « Atténuation des changements climatiques » ; à paraître : « Rapport de synthèse »), que les émissions mondiales devraient être réduites de 40 % à 50 % par rapport à 2010, d’ici 2050.
En fait, pour les pays les plus en pointe, la transition énergétique doit être d’ores et déjà amorcée comme le propose fort opportunément le Gouvernement par le projet de loi n° 2188 relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, en cours d’examen par l’Assemblée nationale.
L’urgence à agir est d’autant plus grande que trois indicateurs ne sont pas rassurants.
Le premier est la progression continue des émissions de gaz à effet de serre de 30 % de manière globale pour l’ensemble des pays entre 1990 et 2010.
Publié par le site Interne du réseau climat de l’Université de Yale, ce graphique confirme cette progression continue et qui s’est même accélérée à partir de 2000.
Evolution des émissions mondiales de CO2
Source : Yale Climate Connections – Yale School of Forestry & Environmental Studies
Le deuxième élément, qui est la conséquence du premier, est que le monde n’a pas encore franchi le cap du pic des émissions de gaz à effet de serre, chaque année établissant un nouveau record d’émissions. Or, c’est ce pic, qui doit être le plus faible possible, qui caractérisera la décroissance nécessaire des émissions.
Or, dans son rapport de 2007, le GIEC avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité de franchir ce pic avant 2015 pour limiter les risques de dérèglement climatique futur, comme le montre le tableau suivant, publié par l’ADEME.
Augmentation de la température terrestre en fonction de la concentration de CO2
Concentration en CO2 (ppm) |
Augmentation de la température (par rapport à l'ère pré-industrielle) |
Année du pic des émissions |
Évolution des émissions en 2050 (par rapport à 2000) |
350 – 400 |
2°C - 2,4°C |
2000 – 2015 |
- 50 % à - 85 % |
440 – 440 |
2,4°C - 2,8°C |
2000 – 2020 |
- 30 % à - 60 % |
440 – 485 |
2,8°C - 3,2°C |
2010 - 2030 |
- 30 % à + 5 % |
485 – 570 |
3,2°C - 4°C |
2020 - 2060 |
+ 10 % à + 60 % |
570 – 660 |
4°C - 4,9°C |
2050 - 2080 |
+ 25 % à + 85 % |
660 – 790 |
4,9°C - 6,1°C |
2060 - 2090 |
+ 90 % à + 140 % |
Les scénarios du GIEC, en chiffres |
Source : ADEME – site Internet
L’état des lieux est d’autant plus inquiétant que pour la première fois, le seuil critique de 400 ppm vient d’être dépassé en avril 2014, dans tout l'hémisphère Nord.
Le troisième élément est que dans l’ensemble le bilan du protocole de Kyoto s’avère très mitigé, comme en témoigne une étude de CDC Climat de mai dernier (CDC Climat, Climate report n ° 44 “Ex post evaluation of the Kyoto protocol : four lessons for the 2015 Paris Agreement”. Romain Morel et Igor Shislov, Mai 2014 ).
Si les émissions des 36 pays de l’annexe B du Protocole de Kyoto ont diminué de 24 % par rapport à 1990, dépassant de six fois les objectifs (– 4 %) impartis à ces pays, seuls les pays de l’Europe occidentale et orientale ont réussi à la fois à se conformer à leurs engagements et à diminuer leurs émissions depuis 1997.
Les économies en transition non européennes (principalement Russie et Ukraine) ont certes atteint leurs objectifs, mais à l’issue d’un parcours difficile, car après une très forte diminution pendant la grande période de régression économique consécutive à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, on assiste à de fortes hausses depuis 1997.
L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon voient pour leur part une augmentation de leurs émissions hors utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF), compensées toutefois pour les deux premières par la prise en compte des UTCATF, et, pour le dernier, par l’achat de crédits.
ENGAGEMENTS DES PAYS DE L’ANNEXE B EN VERTU DU PROTOCOLE DE KYOTO ET POSITION PAR RAPPORT À LEUR OBJECTIF KYOTO
(*) Source : |
Objectif d’émissions Kyoto [2008-2012] / année de référence (1990) (%) |
Unités de quantité attribuée (UQA) reçues sur la période [2008-2012] (Mt CO2) |
Évolution des émissions depuis l’année de référence (1990) jusqu’en 2007 (%) |
Écart entre les émissions 2007 et l’objectif Kyoto (points de %) |
Évolution des émissions entre 2008 et 2012 par rapport à l’année de référence (1990) (%) |
Écart entre les émissions 2008-2012 et l’objectif Kyoto (points de %) |
EU 15 |
- 8,0 |
19 621 |
- 4,3 |
3,7 |
-13,2 |
5,2 |
Australie |
8,0 |
2 958 |
28,8* |
20,8 |
3,2 |
4,8 |
Japon |
- 6,0 |
5 928 |
8,2 |
14,2 |
-2,5 |
-3,5 |
Nouvelle Zélande |
0,0 |
310 |
22,1 |
22,1 |
-2,7 |
2,7 |
Islande |
10,0 |
19 |
31,8 |
21,8 |
10 |
0,0 |
Liechtenstein |
- 8,0 |
1 |
6,1 |
14,1 |
2,5 |
-10,5 |
Monaco |
- 8,0 |
0 |
-9,3 |
1,3 |
-12,5 |
4,5 |
Norvège |
1,0 |
251 |
10,8 |
9,8 |
8,2 |
-7,2 |
Suisse |
- 8,0 |
243 |
- 2,7 |
5,3 |
-4,0 |
-4,0 |
Bulgarie |
- 8,0 |
610 |
- 35,6 |
- 27,6 |
-53,5 |
45,5 |
Croatie |
- 5,0 |
171 |
- 5,2 |
- 0,2 |
-10,9 |
5,9 |
République tchèque |
- 8,0 |
984 |
- 22,5 |
- 14,5 |
-30,6 |
22,6 |
Estonie |
- 8,0 |
196 |
- 47,5 |
- 39,5 |
-54,2 |
46,2 |
Hongrie |
- 6,0 |
542 |
- 23,5 |
- 17,5 |
-43,7 |
37,7 |
Lituanie |
- 8,0 |
227 |
- 49,6 |
- 41,6 |
-57,9 |
49,9 |
Lettonie |
- 8,0 |
119 |
-54,7 |
- 46,7 |
-61,2 |
53,2 |
Pologne |
- 6,0 |
2 648 |
-11,6 |
- 5,6 |
-29,5 |
23,5 |
Roumanie |
- 8,0 |
1 280 |
- 37,3 |
-29,3 |
-57,0 |
49,0 |
Fédération de Russie |
0,0 |
16 617 |
-33,9 |
-33,9 |
-39,4 |
36,4 |
Slovaquie |
- 8,0 |
331 |
-35,9 |
-27,9 |
-37,5 |
29,5 |
Slovénie |
- 8,0 |
94 |
11,6 |
19,6 |
-9,7 |
1,7 |
Ukraine |
0,0 |
4 604 |
-52,9 |
52,9 |
-57,2 |
57,2 |
États-Unis |
- 7,0 |
- |
16,8 |
23,8 |
9,5 |
-16,5 |
Canada |
- 6,0 |
2 792 |
26,2 |
32,2 |
18,5 |
-24,5 |
(*) Calcul réalisé sur la base des émissions 2006, les données 2007 n’étant pas disponibles
Source : CDC Climat
En outre, l’objectif global a pu être atteint, mais 8 des 36 pays ont dû avoir recours aux mécanismes de flexibilité pour se conformer à leurs engagements individuels. Pour aller au fond des choses, c’est surtout le résultat de la tertiarisation des économies développées qui a joué un rôle déterminant, plutôt que d’une modification profonde du bouquet énergétique, qui a été certes réelle mais a joué un moindre rôle.
Or, la question climatique et la question énergétique sont profondément liées.
Aux Etats-Unis, de l’avis général, le climato-scepticisme qui a été, comme on l’a vu, l’un des fondements de l’opposition du président George W. Bush à la ratification par les Etats-Unis du Protocole de Kyoto, a perdu du terrain.
Sans mesure législative d’ensemble, mais sous l’effet de la règlementation et de l’évolution du mix énergétique, les Etats-Unis devraient en 2020 respecter leur projet d’engagement de réduction de 17 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005, avancé dans la perspective de Copenhague.
C’est essentiellement le résultat de la modification des normes relatives aux automobiles et aussi de la substitution du gaz au charbon dans la production d’électricité sous l’effet de la révolution du gaz de schiste et de ses très bas prix.
Le président Obama a publié en juin 2013 un plan d’action pour le climat (climate action plan) comprenant plusieurs volets, dont trois appellent à ce stade des précisions.
Le premier concerne le renforcement de 50 % de l’efficacité énergétique des véhicules et des poids lourds d’ici 2025.
Le second concerne les émissions de CO2 des centrales électriques utilisant les combustibles fossiles et a été précisé au début du mois de juin dernier, avec l’objectif de réduire celles-ci de 30 % d’ici 2030.
Sont prévus de nouvelles règlementations et normes pour les nouvelles centrales, applicables à partir de janvier 2015, et des objectifs de réduction des émissions par Etat, en fonction des émissions de leurs centrales et de leur mix énergétique notamment.
Le président Obama s’est de nouveau appuyé sur la compétence règlementaire et sur l’Agence de protection de l’environnement (EPA), prévue par le Clean Air Act de 1970, pour éviter tout risque de blocage avec le Congrès.
Pour efficace qu’elle soit cette procédure présente cependant une fragilité, car il est plus facile pour un futur président qui serait d’opinion différente de revenir sur un Executive Order que sur une loi.
Enfin, un troisième volet concerne l’efficacité énergétique des bâtiments, essentiellement des bâtiments fédéraux avec des normes plus exigeantes.
Pour être exhaustif, un quatrième volet est encore à l’état de projet et vise à réduire les émissions de méthane et il faut mentionner l’importance des investissements du Department of Energy (DoE) en faveur des énergies nouvelles, notamment du secteur solaire, dans le cadre du plan pour l'industrie manufacturière dans le secteur de l'énergie propre (Clean Energy Manufacturing Initiative - CEMI) d’avril 2013. Une enveloppe de financement de 15 millions de dollars a notamment été prévue pour réduire les coûts de fabrication des technologies solaires, pour atteindre un niveau compétitif dans les prochaines années.
La question essentielle néanmoins pour le futur accord climat de 2015 est de savoir quelle sera la nature de l’engagement des Etats-Unis et par contrecoup des autres Etats.
Les éléments diffusés récemment selon lesquels les Etats-Unis seraient en faveur d’un engagement « semi-contraignant » sont étroitement liés à la question de la capacité de dégager au Sénat une majorité des deux-tiers exigée pour autoriser la ratification d’un traité climatique qui serait contraignant.
3. Des points cruciaux encore en suspens parmi lesquels la convergence des mécanismes de comptabilisation, vérification et de transparence ; le marché carbone ; l’alimentation du Fonds vert
Il n’appartient pas au présent rapport d’évoquer le détail de l’ensemble des points cruciaux des futures négociations climatiques, mais déjà de mentionner certains parmi les plus importants tant ils engagent le fond.
Le premier est la question des mécanismes de vérification et de transparence des mécanismes d’atténuation, c’est-à-dire de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Le principe de la différenciation n’a pas porté sur les seuls engagements, mais a également affecté la vérification et la transparence.
La Conférence de Copenhague a cependant marqué une première inflexion dans la distinction très stricte faite entre les pays de l’annexe I et les autres. Le rapprochement entre les Etats-Unis et les émergents s’est traduit pour ces derniers par des ajustements sur les mesures de vérification et de transparence.
Les actions d’atténuation bénéficiant d’un appui c’est-à-dire d’un financement sont « mesurées, notées et vérifiées au niveau international conformément aux lignes directrices adoptées par la Conférence des parties ».
Les autres mesures ne sont mesurées, notées et vérifiées qu’au niveau national uniquement, faisant simplement l’objet d’« analyses au niveau international selon des lignes directrices internationales clairement définies ».
Pour être plus précis, les mesures non financées sont placées sous la protection de la souveraineté nationale.
Ensuite, la conférence de Varsovie en décembre 2013 a mis en place un cadre commun et exigeant de transparence pour le secteur forêt, applicable, pour la première fois, à des pays hors annexe 1.
Ceux des pays en développement qui souhaitent accéder aux financements climatiques pour la forêt sont ainsi soumis aux procédures dites de MRV (Measured, Reported and Verified) auditées internationalement et proches de celles régissant les inventaires d’émission de gaz à effet de serre des pays développés. Les actions REDD+ sont ainsi concernées.
Enfin, les processus de vérification des rapports biennaux des pays ont été améliorés.
Pour les pays de l’annexe I, les nouvelles modalités de vérification des rapports biennaux, appelés principes méthodologiques, de 2013, sont un pas supplémentaire, bien que modeste, vers l’homogénéisation du MRV des politiques de réduction des émissions.
Pour les autres, une composante « vérification » a été introduite même si les exigences de notification sont trop peu précises pour donner une vision comparable des efforts.
Par ailleurs, il faut aussi évoquer la question des bases de calcul des émissions. Plus celle-ci sera harmonisée, plus le dispositif d’ensemble sera légitime et donc efficace.
Le second point concerne le rétablissement d’un marché carbone avec un prix significatif qui encourage les industriels à faire les investissements nécessaires dans les technologies moins carbonées voire décarbonées.
Pour les pays engagés de l’annexe B, le protocole de Kyoto attribue des quantités d’émissions (UQA - unité de quantité attribuée), lesquelles peuvent faire l’objet de transactions bilatérales.
De telles transactions ont été très rares en raison de la lenteur des pays à définir une stratégie et du surcalibrage du dispositif dès l’origine en raison de la crise économique et de l’absence de ratification des Etats-Unis.
Au niveau de l’Union européenne, le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) qui s’applique à plus de 11.000 installations industrielles, dont plus de 1.100 en France, a clairement failli.
En 2008, le prix de marché de 27 euros la tonne de CO2 assurait l’intérêt de certains investissements en technologies moins polluantes, car on estime en général qu’un tarif de 20 à 30 euros la tonne est nécessaire.
L’effondrement rapide du prix, qui a atteint 5 euros la tonne en début d’année avant de se redresser un peu, a mis en péril cette stratégie de substitution de technologies.
Cet effondrement est dû à l’apparition très rapide d’un excédent de quotas initialement attribués, dans le contexte notamment de la crise économique, qui a conduit à un excédent de 2 milliards de crédits, soit une année.
Environ un milliard provient aussi du mécanisme de développement propre dont les crédits s’échangent à un euro la tonne.
C’est toute la difficulté d’équilibrer un marché dont les émissions initiales ont été surcalibrées et qui ne dispose pas de mécanisme de retrait automatique des excédents.
Cet échec est regrettable car le recours aux techniques de captage et séquestration de CO2 (CSC), qui reposent sur la logique irréfutable de renvoi dans les couches géologiques profondes du carbone qu’y s’y trouvait avant extraction du charbon ou des hydrocarbures, est extrêmement coûteux et exige donc, à défaut de contraintes règlementaires, un prix du carbone élevé.
C’est certainement la technique qui sera impérative pour atteindre à terme une économie totalement décarbonée si, comme on peut le craindre, l’électricité ne parvient pas à remplacer les hydrocarbures dans tous leurs usages énergétiques actuels.
Ce rétablissement est d’autant plus nécessaire que c’est lui qui donnera la légitimité pour l’inclusion de deux secteurs encore hors champ et pourtant émetteurs de gaz à effet de serre : le transport maritime et le transport aérien, indépendamment de la capacité des deux organisations internationales concernées, l’OACI et l’OMI, à obtenir en leur sein les conditions d’une décision.
Le troisième point à évoquer concerne le Fonds vert, et plus précisément sa dotation. En l’état, sans un effort majeur, l’objectif de 100 milliards de dollars annuel d’ici 2020 ne sera pas atteint.
C’est pourtant indispensable car toute la crédibilité de la stratégie de lutte contre le changement climatique repose sur les aides financières des pays riches vers les pays en développement.
Les délais de mise en place du Fonds ont déjà été trop importants. Depuis la Conférence de Copenhague en 2009 et la COP 16 de Cancun en 2010, plusieurs années se sont écoulées. Ce n’est que l’année dernière que la COP 19 de Varsovie a déclaré le fonds opérationnel, ce qui a permis son installation au siège de Songdo en Corée du Sud, en décembre.
En l’état, les contributions enregistrées sont loin d’atteindre les niveaux attendus, comme le montre le rapport financier du Fonds, présenté lors de la réunion de son conseil en mai dernier.
Etat au 31 mars 2014 des contributions pour le Fonds vert
(Milliers de dollars américains)
Pays contributeurs |
Promesse de contribution |
Contribution confirmée |
Fonds reçus |
Allemagne |
24 330 |
24 330 |
24 330 |
Australie |
513 |
513 |
513 |
Danemark |
1 261 |
1 261 |
1 261 |
Finlande |
648 |
648 |
648 |
France |
326 |
326 |
326 |
Indonésie |
250 |
- |
- |
Italie |
690 |
- |
- |
Japon |
1 500 |
1 500 |
1 500 |
Pays-Bas |
286 |
286 |
286 |
Norvège |
1 402 |
1 402 |
1 402 |
République de Corée |
14 158 |
3 158 |
3 158 |
République tchèque |
300 |
300 |
300 |
Suède |
3 053 |
1 511 |
1 511 |
Suisse |
566 |
- |
- |
Royaume Uni |
4 930 |
770 |
770 |
Total |
54 893 |
|
36 685 |
Source : rapport financier du Fonds vert pour le Climat, réunion de Songdo, République de Corée, mai 2014
La principale crainte que l’on peut avoir est que certains pays veuillent s’en tenir à l’écart. C’est ce qu’ont déjà annoncé l’Australie et le Canada à Varsovie l’année dernière.
Ni la Chine ni l’Inde ne sont non plus pour l’instant partie prenante, ce qui fait craindre à certains la mise en place en parallèle d’un mécanisme de type Sud-Sud qui affaiblirait la portée du Fonds vert.
Lors de la session de Bonn du 2 au 4 juin dernière, les discussions techniques se sont poursuivies, mais il est apparu que la question financière demeure très délicate.
Des réunions préparatoires sont en cours pour préparer la prochaine échéance qui est la réunion des donateurs, en novembre, avant la COP 20 en décembre à Lima. Tous les contributeurs intéressés y sont associés, non seulement les Etats, mais aussi le secteur privé, et notamment les fondations et organismes philanthropiques. Aucun minimum de participation n’est exigé.
La France apportera naturellement sa contribution. Elle l’a annoncé. Une partie du produit de la taxe sur les transactions financières y est en principe affecté. La France a appelé ses partenaires à apporter eux aussi leurs contributions.
L’aboutissement de ce processus financier avant la fin de l’année, le plus en amont possible, est essentiel pour la réussite de la Conférence climat de 2015.
Dans cette perspective, l’adoption du présent projet de loi par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale avant le prochain Sommet de la terre est clairement indispensable.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
– M. Benoît Faraco, conseiller Climat, développement durable et sociétés civiles au cabinet de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat chargée du développement et de la francophonie ;
– Mme Célia Gautier, chargée de mission, Réseau Action Climat France ;
– M. Julian Hadas, Deuxième Secrétaire, Section Économique / Environnement, Science, Technologie, Santé, à l’Ambassade des États-Unis.
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 17 septembre 2014, à 9h45.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
Mme Elisabeth Guigou, présidente. Merci M. le Rapporteur pour cet exposé que j’ai trouvé pour ma part très convaincant.
Il est important en effet que notre commission examine ce texte aujourd’hui, quelques jours avant le sommet climat de l’ONU auquel le Président de la république participera et qui sera pour la France l’occasion de lancer un message fort en vue de l’adoption d’un accord sur le climat lors de la prochaine conférence Climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015.
Notre commission va suivre de près la préparation de cette dernière conférence. Avec mes collègues Jean-Paul Chanteguet et Danièle Auroi, nous avons créé à cet effet un groupe de travail qui a tenu sa première réunion la semaine dernière. Les trois commissions auditionneront conjointement sur ces négociations Laurent Fabius et Ségolène Royal ainsi que d’autres personnalités comme Nicolas Hulot ou Laurence Tubiana. Par ailleurs, en marge de la conférence ministérielle, l’Assemblée nationale recevra les 6 et 7 décembre 2015, une conférence interparlementaire qui réunira des délégations parlementaires d’environ 80 pays.
En accueillant cette conférence, la France entend parvenir à un accord normatif universel et différencié, c’est-à-dire un accord qui s’applique à tous les émetteurs de gaz à effets de serre tout en tenant compte des différences de développement des pays. Il s’agit d’atteindre l’objectif maximum de deux degrés de hausse de la température mondiale par rapport à l’ère préindustrielle. C’est un objectif très ambitieux par rapport à la trajectoire actuelle qui est catastrophique. Le GIEC estime dans son 5ème rapport qu’il conviendrait de réduire les émissions de 40 à 50% par rapport à 2010 d’ici 2050.
La moindre des choses pour que cette conférence soit un succès, c’est d’être soi-même, exemplaire.
Je note avec satisfaction que dans ce domaine, l’Union européenne a été efficace. Le système d’échange de quotas qu’elle a mis en place a clairement failli, mais une réglementation européenne sans cesse plus sévère a permis de réduire significativement les émissions européennes et la Commission a fait de nouvelles propositions qui permettraient d’améliorer encore ces résultats.
Le problème, c’est que l’Europe est encore bien seule.
Vous notez que le climato-scepticisme perd du terrain aux États-Unis et que des mesures internes vont se traduire par une réduction des émissions américaines. Mais dans quelle mesure les États-Unis accepteront’-ils un accord international contraignant ?
Vous soulignez aussi à juste titre que beaucoup dépendra du succès du Fonds vert. Celui-ci n’est opérationnel que depuis l’année dernière et les contributions enregistrées sont en deçà des niveaux attendus.
En tout état de cause, la ratification de cet amendement est un pas positif.
M. Noël Mamère. Je remercie à mon tour le rapporteur pour la qualité et la clarté de son propos. Il a très bien posé les limites du texte qui nous est soumis aujourd'hui en retraçant le long chemin de croix du Protocole de Kyoto depuis 1997. Certains pays s’en sont d'ores et déjà retirés, et la réussite dépend largement de l’Union européenne et des États-Unis qui, eux, ne l’ont pas ratifié.
Vous avez bien souligné que le respect de l’engagement de baisser les émissions de gaz à effet de serre de 20 % que l’on a constaté n’était pas dû à notre volonté politique mais au seul effet de la crise économique qui a permis ce résultat. Nous ne sommes pas encore aux objectifs de moins 30 % de gaz à effet de serre annoncés d’ici 2030 ; et nous ne serons pas non plus à leur division par quatre d’ici à 2050, comme l’a recommandé le GIEC. Nous sommes loin du compte, comme sur le marché du carbone qui n’a pas fonctionné compte tenu du fait que le prix de la tonne est passé de 27 euros à 5 euros, ce qui a cassé le mécanisme.
Par conséquent, le contexte international et les perspectives de la Conférence de Paris l’an prochain ne sont pas sur de bons augures. Il y a des réticences très fortes de la part de nombreux pays, ne serait-ce que des émergents, à s’inscrire dans cette logique. On aurait cependant tort de les montrer du doigt, dans la mesure où, depuis 1997, nous ne respectons pas nous-mêmes nos engagements.
Nous ne sommes pas non plus à la hauteur, que ce soit l’Union européenne ou la France, sur le volet des énergies renouvelables, ou en ce qui concerne notre efficacité énergétique. Je rappelle à ce sujet que l’Allemagne, que l’on critique si facilement pour son retrait du nucléaire, consomme 20 % d’énergie en moins que la France ! Des pistes existent que nous n’explorons pas suffisamment sur la question centrale de l’efficacité énergétique qui suppose de passer à une logique de sobriété énergétique.
J’ajoute que ce n’est pas seulement d’une problématique environnementale qu’il s’agit. Nous abaissons au niveau technique un débat éminemment politique. Je vous renvoie au journal Libération de ce matin qui publie une étude aux termes de laquelle il ressort que le nombre des réfugiés climatiques est d'ores et déjà trois fois supérieur à celui des réfugiés dont l’exode est dû aux conflits. Se posent donc des questions tenant à nos capacités d’accueil et à la redéfinition du statut de réfugiés, dans la mesure où la Convention de Genève ne pourra s’appliquer à des personnes provenant de pays qui demain n’existeront plus, car noyés sous les eaux ou désertifiés. Il est par conséquent urgent de s’engager sur d’autres logiques, de transition énergétique.
Sur ces sujets, ni l’Union européenne ni la France n’ont de réponses à la hauteur des enjeux : c’est notamment le cas du projet de loi sur la transition énergétique dont nous allons débattre d’ici peu. De même, au niveau de ce qui est proposé par la communauté internationale, rien de ce qui est avancé n’a de caractère contraignant. Devra-t-on attendre d’être face à la catastrophe pour s’engager dans des politiques autoritaires ? Doit-on attendre les atteintes à la démocratie qui ne manqueront pas alors de survenir ou essaie-t-on de s’organiser avant, démocratiquement, avec une acceptation sociale des contraintes au niveau mondial, alors que cette transition énergétique est indispensable pour notre survie ? Je crains que nous soyons dans une perspective de voir émerger des sociétés de contraintes. Pourtant le rapport Stern indique que cette transition comporte des gisements d’emplois importants tout en favorisant la compétitivité. M. Mario Draghi a prévu que la BCE finance de grands projets d’infrastructures ; reste à savoir lesquels. Il faudrait privilégier l’efficacité énergétique, plutôt que des projets inutiles et fort coûteux comme la liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Le projet de loi sur la transition énergétique à venir laisse encore une place majeure à EDF quant aux décisions relatives au nucléaire ; ce n’est pas un projet de transition énergétique mais une stratégie bas carbone, ce qui est tout autre chose et ne correspond pas aux enjeux.
Le groupe Écolo votera bien sûr pour l'amendement, mais avec toutes les limites posées par notre rapporteur.
M. Myard. M. Noël Mamère a développé des éléments qui me semblent justes, notamment en ce qui concerne la question des économies d’énergie.
Néanmoins, si la France émet moins de CO2 que ses voisins, c’est précisément grâce au recours à l’énergie nucléaire. Nous nous trouvons là face à un paradoxe. Je trouve la réouverture par les Allemands de leurs centrales à charbon regrettable, car elles constituent malgré tout d’importants émetteurs de gaz à effet de serre.
La norme internationale contraignante que l’on cherche à mettre en œuvre pour lutter contre le réchauffement climatique est en réalité semée de trous comme l’est la couche d’ozone. Un traité contraignant pourrait en outre représenter un frein à l’adoption d’une politique de bon sens et s’avérer contre-productif. Peut-être faudrait-il avoir recours à du « droit mou » qui petit à petit, serait susceptible de créer des obligations pour les États. Souvenons-nous du processus d’Helsinki : au départ il s’agissait d’un engagement politique sans sanction juridique. Est-ce que ça ne serait pas cette perspective d’un accord contraignant qui pousserait les États-Unis et la Chine à refuser de se lier par une norme internationale contraignante telle que celle de Kyoto ?
Par ailleurs, en ce qui concerne l’Annexe B, je souhaiterais savoir quels ajouts ont été faits par rapport à l’ancienne ? A-t-on seulement ajouté le trifluorure d’azote ?
M. Le Borgn’, rapporteur. Oui, il est le seul élément ajouté à la liste.
M. Philip Cordery. Je m’inquiète du fossé qui se creuse entre la politique de l’Union européenne et le reste du monde. Le paquet climat européen proposé en juillet 2013 témoigne certes d’un objectif ambitieux mais dans le même temps, plusieurs Etats se désengagent.
La Conférence de Paris est une bonne initiative mais il faudrait une stratégie plus globale. Il ne faudrait pas s’enfermer dans un accord trop spécifique qui serait propre à l’Europe. En l’état, l’Union européenne est la seule à réellement financer et à avoir des objectifs élevés en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Peut-on espérer avoir une stratégie véritablement mondiale ?
M. Pierre Lellouche. Dans le domaine international, la lutte contre le réchauffement climatique reste un sport de riche. Les PED dont l’économie repose en grand partie sur l’industrie, tels que la Chine ou l’Inde et même d’autres comme la Corée du Sud, ne s’embarrassent pas de type d’accord. La réalité c’est que nous Européens, restons seuls dans la poursuite de cet objectif.
Comme le précisait le rapporteur, il faut prendre en considération des facteurs tels que la tertiarisation des économies européennes, la perte de leur volet industriel et la crise économique dont elle est frappée. Les pays européens qui continuent à développer leur industrie, comme les Polonais ou les Allemands, sont en divergence totale avec ceux davantage engagés dans le tertiaire. On a eu des difficultés à obtenir de la Pologne une diminution minimale de ses émissions.
Tout ceci ne concourt pas à envoyer un bon message à l’opinion publique. La Conférence de Paris aura lieu mais je pense qu’elle aura peu de résultats.
Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Il vaut tout de même mieux faire quelque chose plutôt que rien: il est nécessaire d’agir sur cette question.
M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur. Il est légitime de souligner la nécessité d’atteindre un objectif de sobriété et d’équilibre, et d’évoquer l’exemple de l’Allemagne, laquelle consomme 20% d’énergie de moins que nous.
Comme il a été dit, le nombre de réfugiés climatiques dans le monde actuellement est déjà considérable. Face à la montée des eaux dont beaucoup de micro-États du Pacifique sont victimes, l’imminence du danger est avérée. Il importe donc d’agir.
Le rapport Stern a mis en évidence le coût de l’inaction en la matière, à savoir ce que cela nous coûterait quand dans 20 ans, nous nous réveillerons au moment où le drame climatique sera déjà noué.
Il convient de regarder la question du changement climatique non pas simplement comme une menace mais bien comme une opportunité. Cette opportunité est celle de la transition énergétique et des choix politiques qu’elle suppose. Dans quelques jours, un débat aura lieu à l’Assemblée nationale sur le projet de loi sur la transition énergétique. Le gouvernement a le courage de s’attaquer à cette question très complexe.
Pour avoir eu l’occasion de travailler dans ce domaine, je crois qu’il existe un fort potentiel dans le domaine des énergies renouvelables, des réseaux intelligents, de l’efficacité énergétique, et dans la tentative de notre pays d’atteindre une maîtrise de sa consommation d’énergie pour nous rapprocher d’une plus grande sobriété énergétique, comme l’a mentionné M. Noël Mamère.
M. Jacques Myard a fait part de son regret de voir l’Allemagne sortir du nucléaire. L’accélération de la sortie du nucléaire par les Allemands revient, en effet, à troquer un risque pour un autre.
Un traité contraignant, bien qu’il puisse contribuer à dissuader les États-Unis à s’engager, me semble nécessaire pour afficher une volonté. En effet, c’est maintenant qu’il faut agir. Cela n’a rien d’hypothétique et ce n’est pas dans 20 ans que la banquise va fondre. Or, des Conférences telles que la COP 21 permettent de mettre en évidence une telle volonté politique. Nous avons bien conscience de la difficulté d’obtenir des résultats en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais sans ce caractère contraignant, on en restera à des voeux pieux et rien ne se passera.
Le paquet énergie climat montre que l’Union européenne consent à beaucoup d’efforts, avec une dimension budgétaire importante. Sans l’Union européenne, il y aurait peu d’action et de mouvements dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Il serait judicieux que l’Union européenne se mobilise davantage sur ce sujet dans le cadre des accords d’association et qu’elle parvienne ainsi à arrimer les Etats partenaires à la même logique que la sienne. Cela pourrait permettre un certain alignement dans la perspective de la préparation de la Conférence de Paris.
M. Pierre Lellouche a rappelé que beaucoup de pays ne partagent pas le même sentiment d’urgence, mais ils souffriront eux aussi du changement climatique.
Je fais confiance à la communauté internationale et à la mobilisation des acteurs de la société civile qui se réuniront au Venezuela en novembre afin d’alerter l’opinion publique internationale et les gouvernements sur la nécessité d’agir sans délai.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1880).
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 adopté à Doha le 8 décembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
________________________________
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1880).