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N
° 2396

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels,

PAR M. Thierry MARIANI

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 708 (2011-2012), 402, 403 et T.A. 114 (2012-2013).

Assemblée nationale : 784.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’AZERBAÏDJAN, UN PARTENAIRE INTÉRESSANT AUX CONFINS EUROPÉENS 7

A. UN PAYS STABLE APRÈS UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE 7

B. UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DOMINÉE PAR LE CONFLIT DU HAUT-KARABAGH 8

1. Le conflit « gelé » avec l’Arménie sur le Haut-Karabagh 8

2. Les relations avec les autres pays voisins 9

a. La Turquie 9

b. La Géorgie 9

c. La Russie 10

d. L’Iran 10

3. L’Occident : de bonnes relations, mais un souci d’indépendance 10

C. UNE ÉCONOMIE DONT LE DYNAMISME REPOSE SUR LES HYDROCARBURES 11

1. Les perspectives de la production pétrolière et gazière 11

2. Une économie et un budget de l’État fortement dépendants des hydrocarbures 13

3. Des fondamentaux économiques excellents 14

4. Mais un impératif de diversification et de modernisation de l’économie 14

II. LES RELATIONS BILATÉRALES 17

A. DES RELATIONS POLITIQUES DE HAUT NIVEAU 17

B. LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES 17

1. Des échanges commerciaux dynamiques 17

2. Des investissements français significatifs dans le secteur des hydrocarbures 18

C. UNE COOPÉRATION CULTURELLE ET ÉDUCATIVE DIVERSIFIÉE 19

III. UN ACCORD ADMINISTRATIF DE FACTURE CLASSIQUE 21

A. L’INSTITUT FRANÇAIS D’AZERBAÏDJAN 21

B. LA NÉGOCIATION DE L’ACCORD 22

C. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD 22

1. L’autorisation réciproque de l’ouverture de centres culturels entre les deux pays 22

2. La définition des missions et activités des centres 23

3. Des exemptions fiscales classiques 24

4. Le statut des personnels 24

5. Les dispositions finales 25

CONCLUSION 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 35

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2004, la France finance à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, un centre culturel qui joue notamment un rôle important dans la diffusion de la francophonie, puisqu’il dispense des cours de français à plusieurs centaines de personnes.

L’Azerbaïdjan est par ailleurs un partenaire politique important pour notre pays, lequel s’implique traditionnellement dans le règlement du conflit du Haut-Karabagh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. C’est aussi un pays où les entreprises françaises s’implantent, du fait principalement de sa richesse en hydrocarbures.

Le présent accord vise à donner à notre centre culturel de Bakou – et réciproquement à un éventuel centre culturel azerbaïdjanais à Paris qui n’existe pas à ce jour – une reconnaissance en droit international.

I. L’AZERBAÏDJAN, UN PARTENAIRE INTÉRESSANT AUX CONFINS EUROPÉENS

L’Azerbaïdjan est situé dans le sud du Caucase sur les rivages de la mer Caspienne. Il est bordé par la Russie au nord, la Géorgie à l’ouest, l’Arménie et la Turquie au sud-ouest et l’Iran au sud. Le pays est composé de deux territoires séparés physiquement, l’Azerbaïdjan proprement dit et le Nakhitchevan, enclavé entre l’Arménie, l’Iran et la Turquie.

Le pays compte 9,4 millions d’habitants sur un peu moins de 87 000 km2. Il faut toutefois observer que l’État azerbaïdjanais a perdu le contrôle factuel de la région séparatiste du Haut-Karabagh et des régions avoisinantes revendiquées et occupées par la « République du Haut-Karabagh » (État auto-proclamé qui n’est reconnu par aucun membre de la communauté internationale ; voir infra sur la guerre à l’origine de cette situation), soit environ 11 000 km2 peuplés de quelques 140 000 habitants.

L’Azerbaïdjan est relativement homogène au plan ethnique avec 90 % d’Azéris, peuple de langue turque. L’azéri est la langue officielle et le russe tend à disparaître.

A. UN PAYS STABLE APRÈS UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

L’Azerbaïdjan a connu une histoire tourmentée. Le territoire qui allait le constituer a été islamisé au VIIème siècle par les Arabes, puis est tombé sous la domination perse au XVIème siècle, enfin sous la domination russe au début du XIXème siècle. Brièvement indépendant après la fin de l’empire russe (1918-1920), l’Azerbaïdjan est ensuite devenu une république soviétique jusqu’à la chute de l’URSS.

L’Azerbaïdjan a proclamé son indépendance le 30 août 1991, alors même qu’il était en proie au conflit du Haut-Karabagh qui avait éclaté dès 1987. Après deux années d’instabilité politique entretenue par le contrecoup des défaites militaires subies au Haut-Karabagh, le pouvoir fut pris en juin 1993 par M. Heydar Aliyev, ancien cadre supérieur du KGB. Celui-ci instaura l’état d’urgence après diverses tentatives de coups d’État. Le président actuel, M. Ilham Aliyev, a succédé à son père en 2003.

La constitution azerbaïdjanaise confie l’essentiel des pouvoirs au chef de l’État, le Premier ministre n’ayant qu’un rôle limité. Le parti présidentiel, le YAP (« Nouveau parti d’Azerbaïdjan »), domine totalement le Parlement depuis les élections législatives de 2005. En l’absence de débat public et d’accès aux grands medias, l’opposition, en proie à des dissensions internes, peine à se faire entendre.

L’élection présidentielle du 15 octobre 2008 a vu la réélection de M. Ilham Aliyev avec près de 89 % des suffrages. Puis, un referendum constitutionnel tenu le 18 mars 2009 a mis fin à la limitation du nombre de mandats présidentiels. Le 9 octobre 2013, le président Aliyev a été réélu pour un troisième mandat avec plus de 84 % des suffrages.

Il faut reconnaître que dans un environnement régional instable, menaçant et souvent régressif, l’Azerbaïdjan est très attaché au caractère laïc de l’État et à la tolérance religieuse (les religions sont librement pratiquées), ainsi qu’à la place des femmes, dont l’activité professionnelle est répandue.

Pour autant, il faut aussi observer que, depuis l’élection présidentielle de 2013, le régime en place semble ne pas évoluer très positivement. Des restrictions croissantes touchent les partis d’opposition et les ONG ; les organisations de défense des droits de l’homme font état depuis quelques mois du harcèlement, de l’arrestation ou de la condamnation sur des bases discutables de plusieurs journalistes ou personnalités engagées dans la défense des droits fondamentaux, tandis que le gouvernement azerbaïdjanais explique que ces personnes sont poursuivies pour des délits de droit commun. Cependant, le président azerbaïdjanais a amnistié plusieurs dizaines de personnes considérées comme des prisonniers d’opinion le 17 octobre dernier.

B. UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DOMINÉE PAR LE CONFLIT DU HAUT-KARABAGH

1. Le conflit « gelé » avec l’Arménie sur le Haut-Karabagh

La politique étrangère azerbaïdjanaise est profondément déterminée par le conflit du Haut-Karabagh, territoire désormais peuplé quasi-exclusivement d’Arméniens mais faisant juridiquement partie de l’Azerbaïdjan. De 1992 à 1994, la guerre y a fait près de 20 000 morts et plus d’un million de réfugiés ou déplacés, majoritairement azerbaïdjanais. Comme on l’a dit, elle s’est conclue par la perte de contrôle d’une part significative du territoire national, correspondant non seulement au Haut-Karabagh à proprement parler, mais aussi aux régions avoisinantes qui ont été occupées par les forces arméniennes pour assurer la continuité territoriale du Haut-Karabagh avec l’Arménie et le doter d’un glacis défensif. Cette occupation des régions avoisinantes a été condamnée par plusieurs résolutions successives du Conseil de sécurité des Nations-Unies en 1993 (n° 822, 853, 874 et 884), qui demandaient le retrait des forces arméniennes, de même que l’a fait l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution n° 1416 de 2005.

Aujourd’hui, deux décennies après le cessez-le-feu de 1994, le conflit n’est toujours pas réglé malgré une médiation assurée depuis 1992 par le « Groupe de Minsk » de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), groupe qui est coprésidé depuis 1997 par la France, les États-Unis et la Russie. Dans le cadre de cette médiation, les présidents arménien et azerbaïdjanais se sont rencontrés à plusieurs reprises pour chercher un accord sur la base de principes généraux édictés par la communauté internationale (les « principes de Madrid », dégagés en 2007 dans cette ville, puis réitérés dans divers forums internationaux dans les années suivantes, à savoir : le retour à l’Azerbaïdjan des régions occupées autour du Haut-Karabagh lui-même ; un statut intérimaire d’autonomie de celui-ci avec le maintien d’un corridor vers l’Arménie ; un statut définitif du Haut-Karabagh fixé par auto-détermination ; le droit au retour des réfugiés ; des garanties internationales comprenant une force de maintien de la paix). Face aux incidents récurrents dans la région, le travail du Groupe de Minsk reste indispensable pour empêcher une reprise des hostilités et permettre le dialogue, même s’il ne permet pas de grandes avancées. Le 27 octobre 2014, le Président de la République a encore accueilli à Paris ses homologues arménien et azerbaïdjanais pour un sommet consacré à ce conflit.

En effet, c’est seulement dans ce cadre que les officiels azerbaïdjanais et arméniens peuvent avoir des contacts. L’Azerbaïdjan se considère en effet comme toujours en guerre avec l’Arménie. Les frontières sont fermées et toutes les communications coupées. La frontière avec l’Arménie et la ligne de démarcation avec le Haut-Karabagh sont fortement militarisées et les incidents y sont fréquents.

2. Les relations avec les autres pays voisins

a. La Turquie

Les relations de l’Azerbaïdjan avec la Turquie sont très bonnes du fait des affinités notamment linguistiques. La Turquie a aidé l’Azerbaïdjan durant la guerre du Haut-Karabagh et gelé sa normalisation avec l’Arménie tant que le conflit sur cette région ne serait pas réglé. Les contacts politiques au plus haut niveau sont fréquents et les deux pays ont effectué récemment des manœuvres militaires conjointes.

b. La Géorgie

Les relations avec la Géorgie sont également très importantes. Tbilissi est le 3ème partenaire commercial de Bakou dans l’espace post-soviétique. L’Azerbaïdjan apporte un soutien discret à la Géorgie et celle-ci constitue un allié dans les enceintes internationales pour soutenir l’intégralité territoriale de l’Azerbaïdjan. Les deux pays ont en effet en commun d’être confrontés à des régions séparatistes et de fait séparées (Haut-Karabagh d’une part, Abkhazie et Ossétie du Sud de l’autre) qui remettent en cause les frontières issues de l’Union soviétique.

Par ailleurs, la Géorgie et la Turquie offrent à l’Azerbaïdjan ses principales voies d’évacuation d’hydrocarbures vers l’Occident. Ces trois États coopèrent sur d’autres projets régionaux, comme la voie de chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars.

c. La Russie

Les relations de l’Azerbaïdjan avec la Russie restent bonnes, bien qu’un certain nombre d’éléments aient pu pousser l’Azerbaïdjan dans le camp des ex-républiques soviétiques en froid avec Moscou, notamment l’étroitesse des liens russo-arméniens. En 1997, l’Azerbaïdjan a même constitué une organisation régionale dite « GUAM » avec la Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie, autres ex-républiques soviétiques ayant de sérieux différends avec la Russie, ce qui est significatif, même si les réalisations de cette organisation restent faibles. En 2012, la Russie a fermé la station radar de Gabala qu’elle louait sur le sol azerbaïdjanais, car l’Azerbaïdjan avait exigé à l’occasion du renouvellement du bail une hausse considérable du loyer.

Les prises de distance azerbaïdjanaises vis-à-vis de la Russie et les inquiétudes suscitées notamment par l’attitude russe dans la crise ukrainienne actuelle n’ont pourtant pas conduit à des crises entre les deux pays, car la Russie est soucieuse de conserver des relations correctes et les autorités azerbaïdjanaises sont prudentes. Les ventes d’armes russes restent à un haut niveau (ce qui inquiète les Arméniens). De nombreux hauts responsables russes se sont rendus en Azerbaïdjan depuis août 2013 afin de relancer la coopération entre les deux pays et de pousser à une adhésion à l’Union économique eurasiatique, dont l’Azerbaïdjan ne veut pas (alors que l’Arménie va y entrer). Plus généralement, les deux économies sont fortement interpénétrées, la Russie étant le premier pays fournisseur des importations azerbaïdjanaises, et un demi-million d’Azéris vivraient en Russie.

d. L’Iran

Les relations de l’Azerbaïdjan avec l’Iran sont compliquées par la présence dans ce pays d’une importante minorité azérie (de 18 à 30 millions de personnes) et un désaccord sur la délimitation des eaux territoriales de la mer Caspienne. L’arrivée au pouvoir du président Ilham Aliyev en 2003 avait permis une amélioration des relations bilatérales, mais, depuis 2011, ces relations se sont de nouveau dégradées du fait des bonnes relations azerbaïdjanaises avec Israël (achats d’armements et exportations d’hydrocarbures) et du caractère laïc de l’État.

3. L’Occident : de bonnes relations, mais un souci d’indépendance

Prudent et soucieux de son indépendance, dont il a les moyens grâce aux hydrocarbures, l’Azerbaïdjan entretient de bonnes relations avec les pays occidentaux mais, à la différence d’un pays tel que la Géorgie, ne cherche pas à s’intégrer au camp « euro-atlantique ».

Après avoir signé en 1996 un Accord de partenariat et de modernisation, l’Azerbaïdjan a pris place dans la « politique de voisinage » de l’Union européenne. Le plan d’action Union européenne-Azerbaïdjan, conclu en novembre 2006, a prévu notamment un renforcement des coopérations en matière d’État de droit, de démocratisation et de gouvernance économique. Membre du Partenariat oriental de l’Union depuis 2009, l’Azerbaïdjan négocie depuis juillet 2010 un accord d’association qui couvrirait un éventail de domaines plus large, mais cette négociation n’a guère avancé alors que, dans le même temps, les accords de même nature étaient finalisés et conclus avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Une négociation alternative a donc été lancée en 2013, celle d’un « partenariat stratégique pour la modernisation » qui serait centré sur les secteurs d’intérêt commun comme l’énergie et le développement économique.

L’Azerbaïdjan est par ailleurs membre du Partenariat pour la paix de l’OTAN et bénéficie à ce titre d’un plan d’action individuel de partenariat. Pour montrer sa bonne volonté, le pays a pris part à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) avec le détachement de 94 hommes et diverses formes de soutien (formation des forces de sécurité afghanes, opérations de déminage, autorisations de survol et de transit par l’Azerbaïdjan pour les pays de l’OTAN…).

C. UNE ÉCONOMIE DONT LE DYNAMISME REPOSE SUR LES HYDROCARBURES

L’économie azerbaïdjanaise repose encore principalement sur les hydrocarbures. Ils ont assuré une forte croissance au pays dans les années 2000, qui a conduit à une relative prospérité. Mais la contrepartie en est une dépendance très grande par rapport aux cours mondiaux du pétrole et aux potentialités de développement des gisements locaux.

1. Les perspectives de la production pétrolière et gazière

Comme on peut le voir sur le graphique ci-après, la production pétrolière azerbaïdjanaise a fortement augmenté dans les années qui ont précédé la crise financière de 2008, a atteint un pic en 2010, puis s’est tassée. De même, la production gazière, après une période de forte croissance de 2004 à 2008, évolue assez peu depuis lors.

L’évolution de la production pétrolière et gazière de l’Azerbaïdjan

(en millions de tonnes pour le pétrole, millions de tonnes équivalent pétrole – TEPpour le gaz)

Source : graphique élaboré à partir des données de la BP Statistical Review of World Energy, juin 2014.

La production pétrolière azerbaïdjanaise a représenté, en 2013, 1,1 % de la production mondiale, le pays étant le 21ème producteur mondial, et celle de gaz 0,5 % (1).

Les champs pétroliers existants sont considérés comme proches de leur niveau de production maximal, tandis que beaucoup d’aléas subsistent sur le lancement rapide de nouveaux gisements. L’Azerbaïdjan détiendrait (chiffres de 2013) 0,4 % des réserves mondiales prouvées de pétrole et 0,5 % de celles de gaz : il n’apparaît donc pas comme un des « eldorados » majeurs de demain pour les hydrocarbures. À moyen terme, il reste cependant des perspectives significatives concernant le gaz, avec notamment la mise en route de la phase II du gisement gazier de Shah Deniz : ce champ a une capacité estimée à 16 milliards de m3 de gaz par an, ce qui reviendrait à un doublement de la production de l’Azerbaïdjan.

Le démarrage de cette phase II, prévu en 2017, demeurait suspendu aux décisions concernant les projets de gazoducs permettant l’évacuation du gaz. L’Azerbaïdjan et la Turquie ont signé en juin 2012 un accord gouvernemental sur la construction du gazoduc TANAP (Trans Anatolian Pipeline), via le territoire géorgien. Pour la suite de l’acheminement vers l’Union Européenne, le consortium chargé de Shah Deniz II a finalement choisi en juin 2013 le projet TAP (Trans Adriatic Pipeline), au détriment du projet concurrent Nabucco.

Il est également à noter que l’Azerbaïdjan est sur la route éventuelle de transit vers l’Europe du gaz du Turkménistan dans l’hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé.

Les projets de gazoducs en Europe du sud-est

Source : site internet de The european Institute.

2. Une économie et un budget de l’État fortement dépendants des hydrocarbures

Les exportations d’hydrocarbures représentent plus de 90 % du total des exportations de l’Azerbaïdjan, soit plus de 30 % de son PIB, et ils assurent également environ 60 % des recettes de l’État.

Un « fonds pétrolier » a été créé en 1999 afin que la rente pétrolière soit en partie économisée pour les générations futures. Ce fonds finance ses propres projets (infrastructures et programmes de formation) et certaines dépenses budgétaires d’investissement, via un transfert annuel calculé selon une approche dite de « revenu permanent ». Une somme croissante (plus de 14 milliards de dollars en 2013, contre 12,5 milliards en 2012 et 11 milliards en 2011 – soit chaque année l’équivalent de 15 % à 20 % du PIB du pays) est ainsi transférée annuellement du fonds pétrolier au budget de l’État.

3. Des fondamentaux économiques excellents

Grâce aux hydrocarbures, l’Azerbaïdjan apparaît comme un pays assez prospère, qui se classe dans les pays à revenu intermédiaire : pour 2014, le FMI (2) estime à plus de 8 000 dollars le PIB par habitant, et même près de 18 000 dollars en parité de pouvoir d’achat. Il reste évidemment à savoir dans quelle mesure l’ensemble des habitants du pays profitent de cette prospérité…

La croissance connaît des fluctuations, liées notamment aux variations de la production d’hydrocarbures (voir supra), mais reste bien orientée : après une progression exponentielle dans les années ayant précédé la crise financière de 2008, le pays a d’abord bien résisté à celle-ci (avec une croissance de 10,8 % en 2008 et 9,3 % en 2009). Après une année « blanche » en 2011 (0,1 % de croissance), la croissance est repartie à 2,2 % en 2012 et 5,8 % en 2013. Pour 2014, le FMI anticipe 4,5 %. Il faut noter un point positif : cette croissance est désormais de plus en plus portée par le secteur non pétrolier, qui affiche depuis plusieurs années (2011-2013) des taux d’évolution annuels de 9 % à 10 %.

L’inflation est maîtrisée (moins de 3 % en 2013 et 2014) et le chômage – du moins officiel – faible (6 %). La banque centrale dispose de solides réserves de change (13,4 milliards de dollars fin juillet 2013, soit environ 18 % du PIB). Enfin, la dette publique reste faible (moins de 16 % du PIB en 2014).

4. Mais un impératif de diversification et de modernisation de l’économie

Même si les fondamentaux de l’économie de l’Azerbaïdjan semblent solides, certaines données macroéconomiques conduisent à s’interroger sur l’avenir :

– en quelques années, l’excédent de la balance courante s’est fortement contracté, passant de 28 % à moins de 15 % du PIB de 2010 à 2014 selon les statistiques du FMI ;

– de même, l’excédent budgétaire, qui était considérable il y a quelques années (presque 14 % du PIB en 2010), devrait selon le FMI quasiment disparaître en 2014.

Le pays souffre également d’un développement encore assez faible de son secteur financier, dont les actifs ne pèsent qu’environ 35 % du PIB, ce qui a le mérite d’avoir réduit l’impact de la crise financière de 2008, mais entrave aussi le développement des entreprises. Les crédits bancaires au secteur privé représentent moins de 20 % du PIB.

Dans les différents classements internationaux qui prétendent comparer les économies, l’Azerbaïdjan obtient des scores variables :

– dans le classement Doing Business 2015 de la Banque mondiale, qui concerne la facilité à faire des affaires, l’Azerbaïdjan n’arrive qu’au 80ème rang, ce qui est moins bien que ses voisins caucasiens (la Géorgie est 15ème, l’Arménie 45ème) et que la Russie (62ème) ;

– de même, dans le classement sur la corruption perçue établi pour 2013 par l’ONG Transparency International, l’Azerbaïdjan obtient le même score et donc le même rang médiocre que la Russie (127ème sur 177), alors que la Géorgie et l’Arménie ont des rangs meilleurs (respectivement 55ème et 94ème) ;

– mais, dans le classement 2014-2015 de la « compétitivité globale » du World Economic Forum, l’Azerbaïdjan ressort à la 38ème place sur 144, devançant la Russie (53ème), la Géorgie (69ème) et l’Arménie (85ème). Ce bon rang est principalement obtenu du fait des très bonnes données macroéconomiques présentées (forte croissance, faible inflation, faible dette publique…).

Il est clair que le maintien de la forte croissance des dernières années implique que la diversification et de la modernisation de l’économie azerbaïdjanaise s’amplifient.

II. LES RELATIONS BILATÉRALES

A. DES RELATIONS POLITIQUES DE HAUT NIVEAU

Les relations franco-azerbaïdjanaises sont excellentes au plus haut niveau. Dans la période la plus récente, le Président de la République a rencontré le président Ilham Aliyev à Paris le 18 septembre 2012 et le ministre des affaires étrangères Elmar Mammadyarov a été reçu par son homologue français le 30 juillet 2012 et le 23 juillet 2013. Le ministre de la défense Zakir Hasanov s’est rendu à Paris les 13 et 14 janvier 2014 pour signer un arrangement technique entre les deux ministères de la défense et, du 11 au 12 mai, le Président de la République s’est rendu en visite officielle à Bakou. Le 27 octobre 2014, le Président de la République a accueilli ses homologues arménien et azerbaïdjanais, sommet qui a également donné lieu à des entretiens bilatéraux. Enfin, le ministre azerbaïdjanais de l’éducation Mikhaïl Jabbarov a effectué une visite en France les 12 et 13 novembre.

Les relations entre les Parlements sont également suivies. Une délégation du groupe parlementaire d’amitié Azerbaïdjan-France conduite par la « Première dame », Mme Mehriban Aliyeva, s’est notamment rendue à Paris du 20 au 24 mai 2013.

Près d’une trentaine d’accords internationaux bilatéraux de toutes natures ont été signés depuis l’établissement des relations diplomatiques avec l’Azerbaïdjan nouvellement indépendant en 1992 : un traité d’amitié en 1993, des accords de coopération administrative dans de nombreux domaines (culture, musées, bibliothèques nationales, tourisme, administrations fiscales, protection civile, police des frontières, politiques sociales, politique vétérinaire…), ainsi que des accords qui s’inscrivent dans le tissu international d’accords standardisés concernant notamment la fiscalité, le transport aérien ou la protection des investissements.

S’agissant de la coopération décentralisée, le premier jumelage de collectivités territoriales a été signé en mai 2013 entre les villes de L’Aigle et de Naftalan. Il a été suivi en mai 2014 par un jumelage entre Cognac et Tovuz ainsi qu’une convention de coopération décentralisée du département de l’Yonne avec la ville de Gandja et les régions de Shamkir, Göygöl et Balakan.

B. LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES

1. Des échanges commerciaux dynamiques

Le commerce bilatéral avec l’Azerbaïdjan est traditionnellement fortement déficitaire pour la France. Les importations françaises depuis ce pays oscillent depuis plusieurs années entre 1,2 et 1,8 milliard d’euros par an, avec un pic exceptionnel à plus de 3 milliards en 2011 ; en 2013, elles ont été proches de 1,7 milliard. Nos exportations vers l’Azerbaïdjan sont beaucoup plus faibles, mais en augmentation assez régulière : alors que de 2007 à 2011 elles ont fluctué entre 100 et 150 millions d‘euros, elles se sont élevées à 266 millions d’euros en 2013.

Représentant au total un peu moins de 2 milliards d’euros, les échanges avec l’Azerbaïdjan pèsent peu dans le commerce extérieur français, puisqu’ils ne représentent que 0,2 % du total de nos échanges. Du point de vue sectoriel, l’Azerbaïdjan apparaît toutefois comme un partenaire significatif, sinon majeur, pour le pétrole brut, dont il a été en 2013 notre 8ème fournisseur, assurant 5,1 % de nos importations.

Du point de vue de l’Azerbaïdjan, la France est un partenaire commercial assez important : en 2013, la France, en absorbant 4,7 % des exportations azerbaïdjanaises, a été le 3ème marché à l’export du pays, derrière l’Italie et l’Allemagne. La même année, notre pays a été le 7ème fournisseur de l’Azerbaïdjan, avec 3,9 % de part de marché, loin derrière la Russie (14 % de part de marché) et la Turquie (13,6 %), suivies par le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Ukraine et la Chine.

Les exportations azerbaïdjanaises vers la France sont constituées presqu’exclusivement (à 98,9 % en 2013) d’hydrocarbures. De manière plus générale, d’ailleurs, les hydrocarbures forment l’essentiel des exportations azerbaïdjanaises (92 % en 2013), qui sont orientées pour moitié vers l’Union européenne.

Les exportations françaises vers l’Azerbaïdjan sont dominées par les matériels de transport – notamment bien sûr les avions civils, avec la livraison de deux A340 d’occasion –, qui ont représenté 53,5 % de leur montant en 2013. Elles sont également constituées de bien d’équipement (le secteur mécanique, matériel électrique, électronique et informatique représentant 18,6 % de nos exportations en 2013) et de produits chimiques et cosmétiques (8,7 % du total de nos exportations la même année).

2. Des investissements français significatifs dans le secteur des hydrocarbures

Selon les statistiques officielles les plus récentes, en 2012, les stocks d’investissements directs à l’étranger (IDE) de la France en Azerbaïdjan s’élevaient à un montant modeste de 94 millions d’euros, soit seulement 0,01 % du total des IDE des entreprises françaises. Toutefois, ce chiffre ne reflète pas la réalité de la présence des entreprises françaises en Azerbaïdjan, car ils n’incluent pas les investissements de Total et GDF Suez, probablement car ils transitent par des filiales étrangères de ces groupes. Or, près de 75 % des IDE français en Azerbaïdjan sont concentrés dans l’énergie.

Au total, 25 sociétés françaises seraient installées en Azerbaïdjan.

Dans le domaine des hydrocarbures, Total, avec 40 % des parts, et GDF Suez, avec 20 %, sont partenaires de Socar (entreprise nationale azerbaïdjanaise), depuis 2009, pour le développement du bloc off-shore d’Absheron, où les premières productions de gaz sont escomptées à l’horizon 2020. Total détient par ailleurs 5 % du capital du consortium international exploitant le BTC (oléoduc reliant Bakou, Tbilissi et Ceyhan) et conduit des travaux d’exploration pétrolière. GDF Suez s’est engagé à enlever pour 2,5 milliards de m3 par an du gaz qui sera produit par la phase II du champ de Shah Deniz.

Total s’est en revanche désengagé en 2014 du consortium international (conduit par BP) chargé du développement de ce gisement, ainsi que des gazoducs BTE (Bakou-Tbilissi-Erzurum) et TAP (Trans Adriatic Pipeline).

En 2008, la CNIM a conclu un contrat de 346 millions d’euros pour la fourniture et l’exploitation d’une usine d’incinération de déchets d’une capacité de 500 000 tonnes à Bakou. Cette installation, en service depuis début 2013, produit de l’électricité qui alimente 100 000 foyers.

Danone a démarré début 2014 une production de yaourts dans le sud du pays avec un partenaire local. Lactalis est également en cours d’implantation.

Air Liquide mène des discussions avec Socar en vue de réaliser un investissement de production dans les gaz industriels et Alstom est en train de finaliser un contrat pour la fourniture des voitures pour le métro de Bakou, qui inclura la construction d’un dépôt et d’une usine d’assemblage près de Bakou.

Enfin, plusieurs des principales banques françaises participent au financement de l’économie azerbaïdjanaise.

C. UNE COOPÉRATION CULTURELLE ET ÉDUCATIVE DIVERSIFIÉE

Le montant global de crédits budgétaires à la disposition de notre ambassade à Bakou pour la coopération et l’action culturelle s’élève à près de 292 000 euros en 2014. Cette enveloppe est en forte diminution depuis plusieurs années. La coopération culturelle avec l’Azerbaïdjan se concentre principalement sur la promotion du français et sur la coopération universitaire :

– 39 % des crédits de coopération culturelle sont affectés aux actions dites d’attractivité et de recherche, essentiellement sous forme de bourses de mobilité étudiante. La France comptait 231 étudiants azerbaïdjanais dans ses établissements d’enseignement supérieur durant l’année scolaire 2013-2014 ; cette position est en recul, puisque notre pays n’est plus que le 7ème pays d’accueil de ces étudiants, alors qu’il occupait la première place en 2008. Pour l’année 2014-2015, la France financera six bourses de mobilité étudiante ;

– 21 % de ces crédits sont destinés à des actions linguistiques (sous forme de bourses, de subventions spécifiques à l’Institut français d’Azerbaïdjan et de financement de stagiaires). Le français est actuellement la 3ème langue étrangère enseignée dans l’enseignement secondaire azerbaïdjanais après le russe et l’anglais, mais devant l’allemand. Le nombre de personnes apprenant le français est estimé à 80 000 et augmente depuis plusieurs années. L’association des professeurs de français d’Azerbaïdjan rassemble 300 adhérents et le nombre effectif d’enseignants de français est supérieur à ce nombre ;

– 35 % de ces crédits sont consacrés à l’appui au réseau, qui prend principalement la forme d’une subvention de fonctionnement à l’Institut français d’Azerbaïdjan (IFA), sur lequel on reviendra plus tard car il est l’objet principal du présent accord.

S’agissant des établissements français en Azerbaïdjan, outre l’IFA sur lequel on reviendra, il faut citer le Lycée français de Bakou : objet d’un accord intergouvernemental signé en 2011, il a inauguré ses nouveaux locaux à la rentrée 2014-2015 et accueille aujourd’hui 88 élèves (dont 51 Azerbaïdjanais et 16 Français). Ce projet est soutenu en Azerbaïdjan par la Fondation Heydar Aliyev, la compagnie pétrolière d’État Socar (qui a financé la construction) et par le ministère de l’éducation.  L’établissement est adhérent au réseau de la Mission laïque française.

III. UN ACCORD ADMINISTRATIF DE FACTURE CLASSIQUE

Le présent accord, « relatif à la création et aux conditions d’activité des centres culturels », vise donc à donner un statut juridique aux « centres culturels » français en Azerbaïdjan et, conformément au principe de réciprocité, azerbaïdjanais en France.

En pratique, toutefois, il n’existe pas à proprement parler de centre culturel azerbaïdjanais en France, mais seulement un service culturel de l’ambassade, lequel a été solennellement inauguré en 2012 par le président Ilham Aliyev à l’occasion de l’installation de ce service dans un bâtiment qui lui est dédié. Ce service organise notamment des spectacles et des opérations de présentation de l’Azerbaïdjan.

De fait, l’accord concerne donc seulement, jusqu’à nouvel ordre, notre centre culturel à Bakou, qu’il est nécessaire de présenter.

A. L’INSTITUT FRANÇAIS D’AZERBAÏDJAN

Le centre culturel français à Bakou a en effet préexisté au présent accord : il a été créé en 2004. Son appellation a été modifiée en « Institut français d’Azerbaïdjan » (IFA) au 1er janvier 2011 en application de la réforme de notre dispositif culturel extérieur, qui a conduit à la fusion des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) des ambassades avec les établissements déjà dotés de l’autonomie financière (EAF).

L’IFA propose des cours de français, organise des examens, conduit des actions de coopération linguistique et universitaire (forum universitaire, village français), met à disposition du public une offre documentaire et multimédia diversifiée (plus de 7 500 ouvrages) et organise des manifestations culturelles (Semaine de la francophonie, fête de la musique, conférences, spectacles).

L’IFA emploie 25 agents de droit local et vacataires auxquels s’ajoute un encadrement d’expatriés (le directeur et un volontaire international chargé de l’animation culturelle). Son budget pour 2014 s’est établi à un peu plus de 350 000 euros, en provenance principalement des dotations de l’État (47 %) et des droits payés pour l’accès aux cours (39 %). L’activité de cours de langues est en effet importante, avec, en 2013, 874 inscriptions, pour 272 élèves différents.

La présence de l’IFA à Bakou est importante, car il est de fait en « concurrence » avec les institutions comparables des autres grands pays ou pays voisins, qui sont également présentes : USAID, British Council, Institut Confucius, centre culturel russe, institut Yunus Emre (turc), notamment.

Cependant, l’IFA n’a pas de statut officiel du point de vue des autorités azerbaïdjanaises tant que le présent accord n’aura pas été ratifié. Il est présenté comme un service de notre ambassade.

Une telle situation, commune dans les ex-républiques soviétiques, n’a pas empêché son développement jusqu’à présent. Mais le présent accord a le mérite de clarifier et de consolider juridiquement la situation de l’IFA, en lui donnant une base de droit international.

B. LA NÉGOCIATION DE L’ACCORD

La négociation d’un accord bilatéral permettant de doter le centre culturel français de Bakou d’un statut a été engagée en 2004. Il s’agissait au départ d'une demande de la France, qui s’est longtemps heurtée aux réticences de la partie azerbaïdjanaise concernant les exemptions douanières. La perspective d’une visite du président azerbaïdjanais ayant permis de débloquer la situation, l’accord a été signé à Paris le 9 décembre 2009 à l’occasion de cette visite.

C. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD

L’accord comprend des stipulations classiques en matière de centres culturels : ces stipulations, en mentionnant les activités que mènent ces centres, protègent la liberté de ceux-ci pour organiser ces activités sans avoir à requérir au cas par cas l’autorisation du pays où ils sont implantés ou se heurter à des tracasseries administratives. Cette liberté trouve néanmoins sa limite dans l’absence de statut d’immunité diplomatique des centres culturels.

1. L’autorisation réciproque de l’ouverture de centres culturels entre les deux pays

Les articles 1er et 2 de l’accord posent quelques grands principes :

– ils prévoient formellement l’existence d’un centre culturel français à Bakou et, réciproquement, autorisent la création éventuelle d’un centre culturel azerbaïdjanais à Paris ;

– ils disposent que ces centres culturels sont placés « sous l’autorité » des ambassades de leur État d’envoi et ont la personnalité juridique de celui-ci, mais doivent avoir la « capacité de passer dans l’État d’accueil les actes nécessaires à leur fonctionnement ». Ce statut d’autonomie limitée correspond à l’organisation administrative actuelle de notre réseau culturel, où les instituts français sont des établissements dotés de l’autonomie financière (EAF), mais restent dirigés par le conseiller de coopération et d’action culturelle de l’ambassade (COCAC).

En revanche, la rédaction de l’accord aurait pu éventuellement apparaître contradictoire avec notre droit interne (même si le rapport (3) de la commission des affaires étrangères du Sénat sur le présent accord considérait que non), s’il avait finalement été décidé, comme la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État l’avait envisagé, de rattacher les instituts français à l’étranger à l’établissement public national « Institut français ». Mais on sait que l’expérimentation qui avait été engagée en 2012 dans douze postes diplomatiques en ce sens a finalement été jugée non concluante et qu’il a été décidé de ne pas y donner suite : un arrêté du 9 décembre 2013 y a mis fin.

2. La définition des missions et activités des centres

Les articles 3 à 7 de l’accord définissent les missions et les activités des centres culturels et traitent aussi de leur financement et des conditions de mise en œuvre de ces activités.

L’article 3, relatif aux missions des centres culturels, vise ainsi la coopération dans les domaines scientifique et culturel, la diffusion de l’histoire et de la culture du pays qu’ils représentent, celle de sa langue, le développement de la coopération décentralisée entre collectivités locales des deux pays, etc. L’article 4 mentionne de même un certain nombre d’activités potentielles des centres culturels : organisation de conférences et autres événements, projection de films, publications, gestion d’une médiathèque, organisation de cours de langue, organisation d’associations d’étudiants…

Comme il est indiqué dans l’étude d’impact du présent projet de loi, le périmètre des missions et activités de l’IFA décrit dans l’accord ne couvre pas certaines missions dont ont été dotés les instituts français postérieurement à sa négociation, en particulier la politique d’attractivité qui leur a été confiée par la réforme de 2010. Mais il est précisé que cette lacune n’empêche l’IFA de « développer des activités dans ce domaine et de participer aux débats d'idées, à la diffusion des savoirs, à la coopération universitaire et à la coopération scientifique en lien avec les universités et les centres de recherche ».

Ces mentions de missions et d’activités peuvent apparaître triviales, mais sont importantes, car elles visent à garantir la liberté des centres culturels visés – en l’espèce pour le moment le seul Institut français d’Azerbaïdjan – dans la programmation de leurs activités, dès lors qu’elles sont nommées dans l’accord. Cette liberté comprend également :

– la possibilité d’organiser des activités hors de leurs locaux sur l’ensemble du territoire de l’État d’accueil (article 5) ;

– la garantie par l’État d’accueil du libre accès du public aux activités des centres (article 6).

Cette liberté dans l’organisation des activités est toutefois encadrée par l’obligation de respecter le droit interne de l’État d’accueil (articles 4 et 5). Il s’agit d’une formulation classique dans ce type d’accords, qui a pour effet d’obliger les centres culturels à une certaine prudence dans leurs activités et leur programmation. Les activités des centres culturels ne disposent pas d’une immunité diplomatique…

3. Des exemptions fiscales classiques

L’accord prévoit pour les centres culturels des exemptions fiscales classiques dans ce cas de figure :

– l’article 7 les protège contre les incursions des administrations locales sous des prétextes fiscaux ou de réglementation économique en reconnaissant leur caractère non lucratif. Il reconnaît que ce caractère n’interdit pas aux centres de bénéficier de ressources commerciales provenant de leurs publications et des droits d’entrée ou d’inscription à leurs manifestations, cours et activités. Il est à noter, comme le fait l’étude d’impact du présent projet de loi, que « négocié (…) à une époque où les notions d’autofinancement et de cofinancements étaient moins développées, l’accord n’envisage que de manière incomplète la question des ressources propres : l’article 7 n’évoque pas le vaste champ des ressources innovantes (crédits européens sur appels d’offres et jumelages, apports des collectivités territoriales françaises, programmes culturels européens, partenariats et mécénats locaux, etc.) ». Selon l’étude d’impact, cette lacune ne serait toutefois pas gênante, car elle n’empêcherait pas l’IFA de recevoir des ressources diverses ;

– l’article 10 exonère de droits de douane et autres taxes l’importation par les centres culturels des biens, notamment culturels, et matériels nécessaires à leur fonctionnement et à leurs activités. Ce type de franchises douanières et fiscales est conforme au droit communautaire (article 128-d du règlement n° 1186/2009 du 16 novembre 2009) ;

– l’article 14 institue de même une franchise douanière pour l’importation de biens mobiliers, véhicules et effets à usage personnel par les personnels expatriés des centres culturels.

4. Le statut des personnels

L’article 11 encadre la liberté des parties dans le choix des personnels de leur centre culturel : il revient à chaque pays de nommer le personnel de son centre, avec la possibilité d’en confier la direction à un diplomate (bénéficiant donc de l’immunité diplomatique, ce qui le prémunit des éventuelles pressions de l’administration de l’État d’accueil), conformément à la pratique française actuelle. Cependant, ces nominations doivent faire l’objet d’une information à l’État d’accueil ; de plus, l’agrément de ce dernier est requis dans un cas : la nomination d’un ressortissant d’un État tiers (ni français, ni azerbaïdjanais).

Conformément à la pratique, les articles 12 et 13 distinguent deux catégories de personnels possibles pour les centres culturels :

– des expatriés restant régis par le droit social de leur pays d’origine ;

– des agents recrutés localement soumis au droit social local.

Enfin, l’article 15 comprend un engagement de principe de faciliter la délivrance de visas et de titres de séjours aux personnels expatriés des centres culturels et à leur famille, et l’article 16 un engagement de même nature concernant l’aide à la recherche d’un logement.

5. Les dispositions finales

Les articles 17 à 19 comportent les habituelles dispositions finales des accords internationaux. Le présent accord est passé pour cinq ans, mais tacitement reconductible sans limitation de temps.

Il est à noter qu’il a été approuvé par le Gouvernement azerbaïdjanais le 21 avril 2010 et que le présent projet de loi de ratification a été adopté par le Sénat le 12 mars 2013 : le vote de l’Assemblée nationale permettra l’entrée en vigueur rapide de l’accord.

CONCLUSION

L’Azerbaïdjan est situé dans une région stratégique pour l’Union européenne et ses États membres, puisqu’il est aux confins de l’Europe (géographique) et également proche de zones de crise du Proche et Moyen-Orient. C’est un partenaire économique intéressant compte tenu de ses ressources en hydrocarbures. C’est aussi un pays qui conduit une diplomatie prudente et équilibrée, en conservant de bonnes relations avec la Russie comme avec l’Occident.

La France, fortement impliquée dans les tentatives de règlement du conflit du Haut-Karabagh, entretient d’excellentes relations politiques avec l’Azerbaïdjan et, comme les autres grands pays, y développe une action culturelle et éducative.

L’Institut français d’Azerbaïdjan (IFA) est l’un des instruments de cette action et est notamment très actif dans la promotion de la francophonie.

Le présent accord, négocié à la demande de la France, vient consolider le statut en droit international de l’IFA. Pour ces motifs, votre rapporteur vous invite à l’approuver en adoptant le présent projet de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de M. Thierry Mariani, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d’activités des centres culturels (n° 784), au cours de sa séance du mercredi 26 novembre 2014.

Un débat a lieu après l’exposé du rapporteur.

M. Jacques Myard. Je tiens à saluer le travail qui a été effectué dans le cadre de ce rapport. Lors d’une visite en Azerbaïdjan, il y a quelques années, j’avais assisté à une conférence animée en français à l’institut du pétrole. J’avais été stupéfait de l’emploi de la langue française par les ingénieurs azerbaïdjanais. Cela tient au fait que le français était la langue des organisations syndicales de l’URSS. Si notre langue a gardé une bonne position en Azerbaïdjan, c’est grâce à la CGT. Je voudrais donc lui rendre hommage, une fois n’est pas coutume. Cela dit, l’influence du français a bien décru depuis. Pour terminer mon propos, cet excellent accord doit être approuvé.

M. Jean-Pierre Dufau. Dans un élan francophone et francophile, je voudrais m’associer à l’hommage de Jacques Myard à la CGT. S’agissant du projet de loi qui nous est soumis, j’ai apprécié la synthèse qui a été faite par Thierry Mariani dans son rapport et les éléments contextuels qui y sont apportés. Les 350 000 euros dépensés pour notre centre culturel envoient un signe positif aux autorités d’Azerbaïdjan. Ce projet est également un moyen de promouvoir la francophonie. Nous aurions tort de négliger l’importance des anciennes républiques soviétiques de cette région, car elles auront peut-être un rôle à jouer entre l’Europe et la Russie. Il est important que la France soit présente là où elle le peut, comme c’est le cas en Azerbaïdjan avec ce modeste accord culturel qu’il convient de ratifier.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Je voterai également pour la ratification de cet accord. Je constate cependant que la question des droits de l’homme n’a pas été évoquée. Il y a encore quelques semaines, l’Azerbaïdjan assurait la présidence du comité des ministres du Conseil de l’Europe. Monsieur le rapporteur, vous siégez à l’Assemblée parlementaire de cette institution, comme un certain nombre d’entre nous ici. Vous avez donc connaissance des pressions exercées sur les défenseurs des droits de l’homme, retenus en détention ou emprisonnés. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, s’était rendu en Azerbaïdjan afin de dresser un état des lieux de la situation. Il a déclaré hier que cette mission avait été l’une des plus difficiles depuis le début de son mandat.

À l’occasion de l’Assemblée parlementaire de Madrid, le Conseil avait invité une jeune défenseuse des droits de l’homme, originaire d’Azerbaïdjan et travaillant pour International Media Report basée à Copenhague, qui avait souligné les difficultés liées au respect des droits dans son pays. Deux jours après son intervention, la mère de cette dernière a fait l’objet de pressions policières. Je pense qu’au vu de circonstances comme celles-ci, il est essentiel de rappeler que certaines choses ne sont pas tolérables dans la maison des droits de l’homme qu’est le Conseil de l’Europe.

Certes, les centres culturels ont pour vocation de promouvoir notre langue et notre culture mais la promotion des droits de l’homme et de l’État de droit font également partie de leurs missions. Je vous renvoie, pour exemple, aux projets entrepris par le centre culturel français de Budapest, bien que le contexte ne soit pas entièrement comparable.

La situation présente est révélatrice d’une difficulté au regard de l’acceptation de la Convention européenne des droits de l’homme, qui unit fondamentalement les États qui ont décidé de rejoindre le Conseil de l’Europe. L’Azerbaïdjan est un partenaire important de la France. Il convient toutefois de lui rappeler les devoirs qui lui incombent. J’espère que cet accord le permettra.

M. François Rochebloine. Je voudrais d’abord remercier monsieur Mariani pour cet exposé très complet. Je regrette cependant qu’il n’ait pas abordé la question de la liberté de la presse. Vous savez bien qu’elle est inexistante dans ce pays qui est aujourd’hui dirigé par le clan Aliyev.

J’ai moi-même été interdit de séjour à la suite d’une visite. Je rappelle également, à ce propos, que le président de la délégation française au Conseil de l’Europe, René Rouquet, également membre du comité de suivi, s’était vu refuser son visa lorsque l’Azerbaïdjan présidait le comité des ministres du Conseil. J’ai demandé les raisons de ce refus au ministre qui m’a précisé que M. Rouquet comme moi-même n’aurions pas dû nous rendre au Haut-Karabagh. Je considère toutefois que cela ne justifie pas la décision prise par l’Azerbaïdjan. Par ailleurs, madame Leyla Yunus, qui a été décorée de la Légion d’honneur, est toujours en prison aujourd’hui.

Le président Aliyev et le président arménien, monsieur Sarkissian, étaient en France tout récemment à l’invitation du Président de la République. Cette rencontre s’inscrivait dans le processus de paix entre les deux pays. Or, quelques jours après, un hélicoptère transportant trois soldats du Karabagh a été abattu.

Un accord avec une vraie république démocratique ne pourrait être qu’adopté. Tel n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan. Le cas du Qatar a été évoqué tout à l’heure, mais l’Azerbaïdjan appelle le même genre de distance. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.

M. Jean-Paul Dupré. Peut-on avoir quelques informations sur les activités du centre culturel azerbaïdjanais en France ?

M. le rapporteur. Ce centre n’est pas encore ouvert.

M. Jean-Paul Dupré. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le poids des échanges commerciaux bilatéraux et le solde de notre balance commerciale ?

M. Pierre Lellouche. La première pierre du centre culturel de Bakou a été posée par Nicolas Sarkozy, lors d’une visite éclair de deux heures en Azerbaïdjan, contre deux jours en Arménie. Je suis aussi un républicain, et je tiens aux droits de l’homme qui ont été proclamés lors de la Révolution française de 1789. Mais nous devons être réalistes. L’Azerbaïdjan est un partenaire stratégique pour nous en Asie centrale. En premier lieu, en raison de nos importations de pétrole. Mais aussi à cause de son positionnement stratégique : ce pays tâche de garder une certaine indépendance vis-à-vis de la Russie, qui cherche à reprendre en main la région, mais aussi de l’Ouest, dont la Géorgie et l’Ukraine ont cherché à se rapprocher avec les conséquences que l’on sait. J’ai, comme M. Rochebloine, beaucoup d’amitié pour l’Arménie. Ma circonscription compte d’ailleurs des communautés arméniennes. Mais il faut bien avouer que nos échanges avec l’Arménie sont bien plus modestes qu’avec l’Azerbaïdjan et que ce pays est passé complètement sous la coupe de la Russie. Par ailleurs, l’Arménie occupe une partie du territoire azerbaïdjanais, le Haut-Karabagh. La France doit donc entretenir des relations équilibrées avec les trois pays caucasiens : Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie. Le centre culturel est un projet très modeste, qui ne coûte pas grand-chose. Je souhaiterais même que nous fassions davantage dans ce pays en progrès, à l’image de sa capitale, Bakou, qui est en train de devenir un nouveau Dubaï.

Mme Valérie Fourneyron. Je pense qu’on ne peut pas passer sous silence les graves entorses aux droits de l’homme perpétrées en Azerbaïdjan. Mais je souhaite aborder nos relations avec ce pays à travers un autre prisme, celui de l’outil diplomatique que représente le sport. Il me semble que c’est là un vrai enjeu, et je souhaite que notre commission conduise une mission d’information à ce sujet en 2015. C’est particulièrement pertinent en Azerbaïdjan, parce que ce pays accueillera en juin 2015 la première édition des Jeux européens. Pour cette occasion, des entreprises françaises se sont positionnées. Au-delà des aspects économiques, ces jeux peuvent être un moyen de faire progresser le français en Azerbaïdjan : il serait dommage que le centre culturel ne soit pas pleinement associé à cette manifestation sportive. Les jeux européens sont un outil d’influence à la fois pour l’Azerbaïdjan et pour les acteurs étrangers qui ont des compétences à faire valoir dans ce domaine.

M. Jean-Luc Reitzer. Je me suis rendu à plusieurs reprises en Azerbaïdjan, et j’ai même participé à une mission de contrôle des élections. Certes, il y a fort à faire pour démocratiser le système. Mais au moins, les élections se tiennent, ce qui n’est toujours le cas dans les pays de la région. Il faut replacer le régime azerbaïdjanais dans son contexte. En premier lieu, le pays a accédé à l’indépendance dans des conditions particulièrement violentes : l’Allée des Martyrs, à Bakou, est là pour nous le rappeler. Par ailleurs, il doit encore faire face à l’occupation du Haut-Karabagh par l’Arménie, qui s’accompagne d’un afflux de réfugiés vivant dans des conditions dramatiques. Comme cela a été rappelé, le président Aliyev déploie des efforts considérables pour assurer l’indépendance de son pays, de la Russie en particulier, et l’on peut supposer qu’il doit faire face à des tentatives de déstabilisation en sous-main. Il faut donc avoir toutes ces circonstances à l’esprit.

Par ailleurs, il est important que nous renforcions notre présence en Asie centrale, où les Allemands et les Turcs sont bien mieux implantés que nous d’un point de vue économique. J’encourage donc toutes les initiatives qui vont dans ce sens : si nous pouvons soutenir la présence culturelle de la France, il faut le faire. Nous avons en la Première dame d’Azerbaïdjan une alliée : elle participe fréquemment à des manifestations culturelles en France. Le meilleur moyen pour favoriser la démocratisation d’un pays, c’est d’encourager son ouverture. Cette mécanique a probablement joué un rôle dans l’effondrement de l’URSS.

M. Noël Mamère. Je m’abstiendrai lors du vote sur ce projet de loi, ne pouvant cautionner les violations des droits de l’homme observées en Azerbaïdjan. Ce pays est dirigé par un clan qui s’approprie toutes les richesses. L’ouverture de centres culturels ne va pas changer la donne ! Le peuple arménien se trouve aujourd’hui dans une situation catastrophique et cela est dû à une politique manifeste de l’Azerbaïdjan. Il n’est donc pas possible d’avoir un regard compassionnel – et complice – sur ce pays. Je comprends qu’il faille pratiquer la realpolitik, souvent inspirée par les intérêts économiques suscités par les ressources que possèdent certains pays, mais nous ne pouvons pas aller jusqu’à la compromission.

Mme Chantal Guittet. L’Azerbaïdjan s’est-il engagé à accorder des visas à tous les athlètes pour les Jeux européens ? Ce n’est pas une question fortuite. Par le passé, nous avons dû déplacer une réunion de l’UIP prévue à Bakou parce que les autorités azerbaïdjanaises se refusaient à accorder un visa à certains parlementaires. Par ailleurs, le centre culturel de Bakou travaille-t-il en lien avec les autres centres culturels français de la région ?

M. François Rochebloine. Évidemment, je ne suis pas contre le fait que nous ayons des relations avec l’Azerbaïdjan. Mais notre diplomatie doit rester ferme. En effet, ce pays est dirigé par un clan. Les dernières élections ont été gagnées avec 97 % des voix ! On dit que la Première dame, qui a été reçue en France, pourrait succéder à son mari ! Je trouve préoccupant que nous choisissions des endroits comme l’Azerbaïdjan et le Qatar pour les compétitions sportives. Je suis pour que nous ayons des relations avec l’Azerbaïdjan, mais des relations vraies. Or, ce n’est pas le cas actuellement. Les engagements ne sont pas respectés. Le président Aliyev père – c’est une affaire de famille ! – avait signé des accords de paix sous l’égide du président Chirac, qui ensuite ont été déniés. Vive la démocratie en Azerbaïdjan !

M. le rapporteur. Le débat que nous avons maintenant est récurrent, j’y reviendrai à la fin de mon propos, après avoir répondu aux autres questions. Comme vous le savez, c’est un pays que je connais bien, j’en ai présidé le groupe d’amitié à l’Assemblée.

S’agissant des échanges économiques, notre balance commerciale est déficitaire avec l’Azerbaïdjan, mais elle l’est par construction, celui-ci étant un grand producteur de pétrole. 1,7 milliard d’euros d’importations de notre côté, constitué à 99% d’hydrocarbures. 266 millions d’importations depuis la France de l’autre, pour moitié constituées par des avions Airbus. Nous dépendons de notre côté de la signature de gros contrats comme la station d’incinération à Bakou, que la CNIM a décrochée il y a quelques années.

Quant à l’apprentissage de la langue française, il y a aujourd’hui 80 000 personnes qui apprennent le français en Azerbaïdjan, sur un total de 9 millions d’habitants. La francophilie de la population et des dirigeants est évidente. Les autorités ont proposé de financer en totalité le lycée français – lequel reste pour autant complétement géré par la France –, ce qui est le cas de bien peu de nos partenaires. Il faut se réjouir que de la pose de la première pierre par Nicolas Sarkozy à l’inauguration de l’établissement par François Hollande, il y ait là une véritable continuité de notre politique. Pour ma part, je soutiens l’apprentissage du français et toute forme de coopération culturelle, comme moyens de renforcer nos liens bilatéraux, mais aussi de favoriser l’ouverture de ce pays sur la voie de la démocratisation.

Madame Guittet, j’ai posé sur place la question de l’attribution de visas aux athlètes et on m’a répondu qu’il n’y aurait pas de difficultés pour les Arméniens. Mais la politique de l’Azerbaïdjan est bien connue : le pays considère que l’occupation d’une grande partie de son territoire est illégale et refuse donc l’entrée à tous ceux qui se rendent dans cette zone en y reconnaissant la souveraineté arménienne.

Madame Fourneyron, vous avez raison, le sport et la culture font partie intégrante de la diplomatie de l’Azerbaïdjan. J’ai pu visiter les équipements qui ont été construits à Bakou et qui sont des plus modernes. J’ai aussi rencontré l’équipe française qui participe à l’organisation des Jeux européens : la préparation se déroule bien.

Sur les questions plus politiques, qui ne sont pas l’objet du rapport, je souhaite rappeler pour commencer que les dernières élections ont été validées par trois organisations internationales que sont le Conseil de l’Europe, l’OSCE et le Parlement européen. J’ai fait moi-même partie des observateurs internationaux. Ces élections sont-elles non démocratiques parce qu’Ilham Aliyev a été élu à 84 % ? Je réponds non : l’institut de sondage français Opinion way prévoyait le même score à la sortie des urnes.

Par ailleurs, j’ai une profonde sympathie pour l’Arménie et je rappelle que j’ai voté en faveur de la proposition de loi visant à reconnaître le génocide arménien ; cependant il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est un pays en guerre, avec des incidents déplorables des deux côtés. J’ajoute que les 800 000 réfugiés sont bien en Azerbaïdjan et pas en Arménie. Enfin, une partie du territoire de l’Azerbaïdjan est aujourd’hui occupée de manière illégale par l’Arménie, tout autour du Haut-Karabagh. C’est comme si un État voisin de la France qui réclamait Reims occupait pour ce motif tout le nord de notre pays.

Pour répondre à monsieur Le Borgn’, je participe comme lui aux travaux du Conseil de l’Europe, où pour l’heure la question de la définition des prisonniers politiques est bloquée. Il faut bien voir aussi qu’il y a une guerre d’influence dans la zone, notamment entre l’Iran et la Russie. L’Azerbaïdjan a de bons rapports avec la Turquie et la Géorgie, mais connaît des tensions avec ses trois autres voisins. Il y a 15 millions d’Azéris en Iran, Tabriz est une ville azérie, et ce pays mène des actions de déstabilisation contre l’Azerbaïdjan depuis des années. Je me souviens d’articles de presse qui qualifiaient de prisonniers politiques des islamistes radicaux. Il faut donc garder une certaine distance.

Il y a évidemment d’immenses progrès à faire, je suis le premier à le dire, sur le plan de la protection des droits de l’homme, mais nous sommes tout de même en situation de guerre. L’important est de maintenir le dialogue au sein des organisations internationales. Qui parle aujourd’hui du pays voisin, le Turkménistan, qui n’est pas membre du Conseil de l’Europe ? Faut-il, au motif qu’ils ont encore des progrès à faire, pénaliser les pays qui font au contraire cet effort de discussion au sein des instances internationales ?

Nous sommes dans une société de tradition musulmane qui est un exemple de tolérance religieuse. Il n’y a pas de policiers devant l’ambassade d’Israël à Bakou. Les synagogues côtoient dans ce pays les églises et les mosquées. Les tenues vestimentaires rendent compte d’une forte tradition de laïcité.

J’ai interrogé un certain nombre d’autorités locales sur le cas individuel évoqué ; il m’a été répondu que la personne en question se livrait à des opérations d’espionnage pour le compte d’un autre État. Je signale dans mon rapport que ce pays essaie d’échapper à la fois la pression américaine et russe. C’est pourquoi aussi de nombreuses ONG se déchaînent. Regardons aussi du côté du grand voisin qu’est l’Iran. Veut-on des élections avec de la transparence, de la démocratie, avec les risques que cela comporte ?

En conclusion je rappelle qu’il s’agit très modestement, dans ce rapport, d’approuver le financement du centre culturel d’un pays qui est pour moi un modèle de tolérance et demeure un ami de la France.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie pour ces réponses extrêmement argumentées qui démontrent une connaissance approfondie du pays. Personnellement je voterai ce rapport car je pense qu’il faut encourager les relations culturelles entre nos deux pays pour que l’Azerbaïdjan se rapproche des standards et des valeurs qui sont les nôtres.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 784).

ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d’activités des centres culturels, signé à Paris le 9 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 784)

© Assemblée nationale

1 () Données de la BP Statistical Review of World Energy, juin 2014.

2 () Les données qui suivent proviennent de : World Economic Outlook Database October 2014, FMI.

3 () Sénat, session ordinaire de 2012-2013, n° 402, par Mme Kalliopi Ango Ela.