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N
° 2719

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 avril 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique,

PAR Mme Élisabeth GUIGOU

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 798 (2013-2014), 307, 308 et T.A. 79 (2014-2015).

Assemblée nationale : 2657.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA CONSOLIDATION DE L’UNION MONÉTAIRE PAR LA CRÉATION DE L’UNION BANCAIRE 8

A. UNE UNION DOTÉE D’UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE ET DE SUPERVISION ABOUTI 9

1. Un mécanisme de supervision unique, corollaire d’une monnaie unique 10

2. Un mécanisme déjà à l’œuvre 13

3. La revue des actifs bancaires et les tests de résistance (« stress tests ») 16

4. Un processus au long cours 18

B. L’HARMONISATION DES RÈGLES DANS L’UNION EUROPÉENNE POUR PRÉSERVER LE CONTRIBUABLE DES CRISES BANCAIRES 21

1. Des annonces du G20 à l’électrochoc de la crise chypriote 21

2. L’harmonisation opérée dans l’Union européenne par la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances 24

3. Un cadre harmonisé de garantie des dépôts à l’échelle de l’Union européenne 26

C. LA CRÉATION AU MOINS POUR LA ZONE EURO D’UN MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE DES DÉFAILLANCES BANCAIRES DOTÉ D’UN FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE 28

1. L’intérêt d’un mécanisme unique par rapport à des règles harmonisées 28

2. Les principes généraux de la résolution unique 31

3. La gouvernance et le processus de décision 33

4. Les États participants : la question des pays non membres de la zone euro 38

D. LES MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR ASSURER LE BON FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE 39

1. L’action décisive de la Banque centrale européenne 39

2. Le financement bancaire et non bancaire des acteurs économiques 44

3. Renouer avec des politiques d’investissement et une ambition européenne 46

II. L’ACCORD INTERGOUVERNEMENTAL RELATIF AUX MODALITÉS DE TRANSFERT ET DE MUTUALISATION DES CONTRIBUTIONS AU FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE 50

A. UN FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE PEU DOTÉ MAIS ESSENTIEL 50

1. Un fonds prévu par le règlement instituant le mécanisme de résolution unique 51

2. L’épineuse question du calcul des contributions nationales 52

3. Le compromis négocié : un moindre mal pour le secteur bancaire français 56

4. La charge globale supportée par le secteur bancaire français a conduit le Sénat à insérer un article additionnel 60

B. PRINCIPE ET APPLICATION DE L’ACCORD 63

1. Un accord complémentaire du droit de l’Union 64

2. États concernés et entités couvertes 66

3. Les principes d’égalité de traitement et de conditions équitables 67

4. L’entrée en vigueur 68

5. Les limites d’application de l’accord 70

C. LES TRANSFERTS ET LA COMPARTIMENTATION DES CONTRIBUTIONS 71

1. La constitution et reconstitution du Fonds 71

2. Les conditions d’imputation sur les compartiments nationaux et sur la partie mutualisée du fonds : une logique en trois temps 73

3. Le cas des groupes transfrontaliers 76

4. Le recours à des fonds supplémentaires 76

CONCLUSION 80

EXAMEN EN COMMISSION 83

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES 89

ANNEXE 2 : LISTE DES ÉTABLISSEMENTS SOUS SUPERVISION DIRECTE 90

ANNEXE 3 : ETAT DES PROGRAMMES D’ASSISTANCE FINANCIÈRE (20 FÉVRIER 2015) 93

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 95

INTRODUCTION

L’union bancaire, fondée sur un ensemble complet et détaillé de règles uniformes s’appliquant aux services financiers, vise à créer un cadre financier intégré afin de préserver la stabilité financière européenne et de limiter le coût des défaillances bancaires. Dans sa communication en date du 30 mai 2012 : « Agir pour la croissance, la stabilité et l’emploi », la Commission européenne dressait notamment un point d’étape sur les mécanismes adoptés en faveur d’une Union économique et monétaire plus forte (pacte de stabilité et de croissance, mécanismes de soutien financier et traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et refonte de la surveillance du secteur financier). Elle appelait alors à enclencher un processus destiné à définir les principales étapes vers une Union économique et monétaire complète, incluant l’évolution vers une union bancaire.

Le rapport « Vers une véritable union économique et monétaire » du président du Conseil européen Herman Van Rompuy diffusé le 26 juin 2012, puis sa version de novembre 2012 co-signée par les présidents de la Commission, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne – José Manuel Barroso, Jean-Claude Junker et Mario Draghi – recommandaient l’établissement d’une union bancaire et esquissaient une vision de ce que pourrait être la future union économique et monétaire tout en décrivant comment elle pourrait favoriser le mieux la croissance, l’emploi et la stabilité. Quatre pierres angulaires d’une UEM stable et prospère étaient identifiées : un cadre financier intégré, un cadre budgétaire intégré, un cadre de politique économique intégré et la nécessité d’assurer la légitimité démocratique et l’obligation de rendre compte.

Mentionné en premier, le cadre financier intégré était, dans l’esprit de l’auteur, « destiné à assurer la stabilité financière, en particulier dans la zone euro, et minimiser pour les citoyens européens le coût des défaillances bancaires. Ce cadre fait passer la responsabilité en matière de surveillance au niveau européen et prévoit des mécanismes communs permettant de résoudre les défaillances bancaires et de garantir les dépôts des clients. ». Sur la base de cette feuille de route, le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 est convenu de progresser vers une intégration plus approfondie et une solidarité renforcée dans l’Union économique et monétaire.

Deux ans plus tard, le cadre financier intégré avait pris forme, un tour de force démentant le scepticisme général sur la capacité des Européens à concrétiser l’ambition. Au-delà de la prévention et de la résilience aux crises que la création des mécanismes de l’union bancaire apporte à l’Union, on aurait tort d’oublier la dimension profondément politique de cette création nouvelle, qui ne se contente pas de fixer des règles harmonisées. L’union bancaire est un acte politique fort, complémentaire de l’union monétaire du fait de la complémentarité des dépôts, qui produit une véritable intégration des processus et du marché bancaire européen et qui le fait dans l’intérêt des citoyens européens.

En à peine quelques mois donc, un Mécanisme de supervision unique (MSU) a été institué par l’adoption de deux règlements, mécanisme qui est pleinement opérationnel depuis le 4 novembre 2014. C’est une véritable révolution sur laquelle on insiste trop peu. Adossée à des exigences règlementaires accrues et affinées et à des bilans assainis et mis à l’épreuve, la création de ce mécanisme intégré permet de disposer d’un arsenal préventif et d’alerte d’une qualité absolument remarquable.

Dans le même temps, un dispositif complet était conçu pour faire en sorte que l’engagement des fonds publics ne vienne plus, en cas de résolution bancaire, qu’après la mise à contribution des actionnaires, des créanciers et du secteur bancaire dans son ensemble, c’est-à-dire en tout dernier lieu lorsque le souverain est le seul à pouvoir garantir la stabilité financière. Cela s’est traduit par une harmonisation du traitement des défaillances pour l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne (directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances dite BRR) et la création d’un mécanisme unique de résolution des défaillances bancaires pour les Etats de la zone euro (règlement instituant le mécanisme de résolution unique et un Fonds de résolution bancaire unique dit règlement MRU), les deux étant applicables dès cette année.

À partir de 2016, lorsque ces deux instruments seront pleinement opérationnels, toutes les défaillances bancaires en zone euro seront traitées dans un cadre prévisible, de façon identique d’un Etat à l’autre par une autorité unique. En cas de défaillance d’une banque, les coûts liés à sa fermeture ou à sa restructuration seront d’abord supportés par les actionnaires et les créanciers des établissements concernés, puis par un fonds de résolution unique abondé par les contributions des banques elles-mêmes, très rapidement mutualisées indépendamment de leur pays d’origine. Les modalités de transfert et de mutualisation des contributions à ce fonds de résolution unique (FRU) sont prévues par l’Accord intergouvernemental objet du présent projet de loi de ratification. Ce fond disposera d’une capacité d’emprunt pour assurer l’efficacité de son intervention et sera complété par des filets de sécurité publics appropriés.

Par l’article 3 de la loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (n° 2014-1662 du 30 décembre 2014) dite DDADUE, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter les dispositions du code monétaire et financier à celles du règlement MRU. L’ordonnance doit être prise dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la loi d’habilitation, sous réserve de la promulgation de la loi autorisant la ratification de l’Accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, signé à Bruxelles le 21 mai 2014 et objet du présent projet de loi.

Cette réserve, issue d’un amendement au Sénat, exprimait le souci des parlementaires, partagé par votre rapporteure dès l’été dernier, de veiller au bon achèvement des discussions relatives à l’adoption des actes délégués relatifs au montant des contributions au Fonds, compte tenu de la participation élevée des établissements de crédit français. Un accord est intervenu sur ce point, accord qui préserve autant que faire se peut les intérêts français. Le Sénat a donc adopté le projet de loi de ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, tout en adoptant, pour les mêmes raisons, un article additionnel prévoyant un rapport du Gouvernement au Parlement sur la charge pesant sur les établissements français. C’est le projet de loi ainsi modifié qui est soumis à l’examen de notre Assemblée.

Conformément à la Déclaration n°2 annexée à cet Accord, les signataires se sont engagés à s’employer à mener à bien le processus de ratification en temps utile pour que le mécanisme de résolution unique soit pleinement opérationnel, c’est-à-dire puisse permettre l’activation du Fonds de résolution unique, d’ici le 1er janvier 2016. L’article 11 de l’Accord prévoit une entrée au deuxième jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Etats signataires participant au MSU et au MRU représentant au moins 90 % du total des votes pondérés de ces Etats auront déposé leurs instruments de ratification ou approbation ou acceptation. Il en résulte, d’une part, que l’absence de ratification par les Etats signataires qui ne participent pas aux MSU et MRU n’est pas bloquant. D’autre part, le seuil de 90 % (1) accorde une minorité de blocage à la France et l’Allemagne mais permet l’entrée en vigueur malgré l’absence de ratification d’Etats comme Chypre et la Lettonie. Enfin, le délai fixé entre le dépôt des instruments et l’entrée en vigueur impose une ratification avant la fin novembre 2015.

A la date du 30 mars 2015, le processus de ratification était achevé en Finlande, en Allemagne et en Lettonie, et il était engagé à Chypre, en République tchèque et aux Pays-Bas. On notera que l’Autriche, Malte et la Finlande ont été informées par le secrétariat du Conseil de la nécessité de procéder à des corrections d’erreurs matérielles dans leurs versions et les attendent avant, pour les premières de déposer le projet de loi au Parlement, pour la dernière de finaliser la procédure. La France a été un des fers de lance du projet d’union bancaire, soutenue d’ailleurs dans cette démarche par ses établissements de crédit. Il convenait qu’elle procède à la ratification dans les meilleurs délais.

I. LA CONSOLIDATION DE L’UNION MONÉTAIRE PAR LA CRÉATION DE L’UNION BANCAIRE

Afin de « briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les Etats », pour reprendre la formulation des conclusions du sommet de la zone euro du 29 juin 2012, les Etats de la zone euro ont lancé un processus de renforcement de l’Union économique et monétaire tendant tout d’abord à créer un arsenal préventif des crises bancaires efficace, puis à créer des règles pour traiter efficacement les crises bancaires. C’est ce que l’on appelle « l’union bancaire ». Les Etats non membres de la zone euro sont pour partie associés, au travers de l’adoption de règles applicables aux établissements et de directives d’harmonisation des législations nationales, et les mécanismes intégrés institués leur sont ouverts.

Le « règlement uniforme » constitue le socle de l’Union bancaire. Il s’agit d’un ensemble de textes législatifs que toutes les institutions financières (dont environ 8300 banques) dans l’UE doivent respecter. Ces règles définissent notamment les exigences en fonds propres pour les banques, la protection des déposants, et le cadre de redressement et de résolution des banques défaillantes. L’Union a également créé, en 2010, de nouvelles autorités de surveillance, auxquelles ont été confiées des tâches de surveillance prudentielle dans les secteurs de la banque, de l’assurance et des marchés financiers, notamment l’Autorité bancaire européenne et le Conseil européen du risque systémique.

Mais pour les États membres de la zone euro et ceux qui souhaiteraient s’y associer, l’union bancaire va plus loin. Le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 a abouti à un accord sur un Mécanisme de supervision unique (MSU) et a fixé l’ambition de réaliser une union qui se traduirait aussi par de nouvelles règles relatives à la résolution des établissements bancaires, au fonctionnement des systèmes de garantie des dépôts, ainsi que la mise en place d’un mécanisme de résolution unique.

Le MSU a été mis en place par deux règlements du 15 octobre 2013 et est entré en vigueur le 4 novembre 2014. Le nouveau cadre relatif aux défaillances bancaires a quant à lui été créé au travers de trois instruments :

– une directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRR) qui s’applique donc dans l’ensemble de l’Union européenne prévoyant notamment l’application de règles de renflouement interne (bail-in) et la création de fonds de résolution alimentés par les établissements bancaires ;

– un règlement instituant un Mécanisme de résolution unique (MRU) pour les Etats participant au MSU, qui organise donc l’intégration des processus de résolution avec un Conseil de résolution unique et un Fonds de résolution unique ;

– un accord intergouvernemental fixant les modalités de transferts et de mutualisation des contributions des établissements bancaires au Fonds de résolution unique.

Les dispositions nationales relatives à la mise en œuvre de la directive BRR s’appliquent depuis le 1er janvier 2015. Les États membres étaient tenus de prendre les mesures de transposition à cet effet, y compris pour les dispositifs de financement nationaux, avant le 31 décembre 2014. La Grèce n’a cependant, à ce jour, pas procédé à cette transposition. L’article 2 de la loi DDADUE précitée a autorisé le Gouvernement français à prendre par ordonnance les mesures de transpositions nécessaires.

Les dispositions du MRU relatives au Fonds ne seront applicables qu’à partir du 1er janvier 2016. Avant cette date, les Etats percevront les contributions affectées au dispositif national de financement. Une fois le règlement MRU entré en application, les Etats percevront les contributions affectées au FRU. Les contributions perçues en vertu de la directive BRR avant cette date seront transférées au FRU.

4 novembre 2014 : entrée en vigueur du mécanisme de supervision unique

1er janvier 2015 : entrée en vigueur du mécanisme de résolution unique

Juin 2015 : entrée en vigueur du nouveau système de garantie des dépôts

1er janvier 2016 : entrée en vigueur du mécanisme de renflouement interne

1er janvier 2016 : entrée en vigueur des dispositions créant le fonds de résolution unique, déjà mutualisé à 40 %

2024 : le fonds de résolution unique est entièrement capitalisé, à hauteur de 55 milliards d’euros.

2025 : les fonds de garantie des dépôts nationaux sont entièrement capitalisés

2025 : les fonds nationaux de redressement et de résolution des défaillances bancaires pour les pays en dehors du MRU sont entièrement capitalisés (environ 55 milliards d’euros pour l’ensemble des fonds également)

A. UNE UNION DOTÉE D’UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE ET DE SUPERVISION ABOUTI

Comme le soulignait Herman Von Rompuy dans son rapport de juin 2012 « Vers une véritable Union économique et monétaire » : « Une surveillance intégrée est essentielle pour que les règles prudentielles soient réellement appliquées, pour contrôler les risques et prévenir les crises dans l’ensemble de l’UE. La structure actuelle devrait évoluer dès que possible vers un système européen unique de surveillance bancaire, composé d’un échelon européen et d’un échelon national, la responsabilité finale incombant à l’échelon européen. Ce système permettrait de faire en sorte que la surveillance bancaire puisse, avec la même efficacité dans tous les États membres de l’UE, réduire la probabilité de voir se produire des défaillances bancaires et éviter que l’on ait à recourir au fonds commun de garantie des dépôts et de résolution des défaillances. À cette fin, l’échelon européen aurait une autorité en matière de surveillance ainsi que des pouvoirs d’intervention en amont à l’égard de toutes les banques. La participation directe de l’échelon européen dépendrait de la taille et de la nature des banques concernées. »

1. Un mécanisme de supervision unique, corollaire d’une monnaie unique

L’union monétaire est un système fédéral : la Banque centrale européenne est l’autorité suprême et les Banques centrales nationales produisent les statistiques et assurent l’exécution (opérations de prêts et la plupart des interventions de marché). Le MSU est l’aboutissement logique de cette construction. Il instaure un nouveau système de supervision financière composé de la BCE et des autorités compétentes nationales des pays de l’Union européenne participants. Ces pays sont aussi bien les pays qui ont adopté l’euro que ceux qui ont conservé leur monnaie mais ont décidé d’engager une coopération étroite avec le mécanisme de surveillance unique. Les principaux objectifs d’un mécanisme de supervision unique consistent à assurer la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen et à renforcer l’intégration et la stabilité financières en Europe.

Dans une zone de monnaie unique, il existe une solidarité de fait entre les systèmes bancaires. Il est donc nécessaire d’organiser cette solidarité pour qu’elle s’opère en bon ordre. La politique prudentielle est complémentaire de la politique monétaire et une supervision unique par la BCE permet aussi une meilleure maîtrise des effets de la politique de taux d’intérêt. À l’issue d’une longue réunion, les ministres des finances de la zone euro sont parvenus le 13 décembre 2012 au matin à un accord sur la création d’un mécanisme de supervision unique (MSU). Cet accord consolide l’union monétaire en la dotant d’un pilier bancaire permettant de couper le lien entre dettes souveraines et dettes bancaires et permettant la recapitalisation directe d’une banque par le mécanisme européen de stabilité (MES). Il participe donc d’une augmentation de la crédibilité du système monétaire européen.

Le MSU consiste à transférer la compétence de la supervision bancaire des autorités nationales de supervision, comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en ce qui concerne la France, vers la Banque centrale européenne (BCE). Plusieurs points ont donné lieu à des négociations difficiles, sur lesquels il est utile de revenir.

– La gouvernance :

Au sein de la zone euro, plusieurs pays, dont l’Allemagne, plaidaient pour une séparation nette de la politique de supervision de la politique monétaire, en vue de garantir à la fois l’indépendance de la BCE pour la conduite de sa politique monétaire et le fait qu’elle devra rendre des comptes en matière de supervision. Les « petits » pays ne souhaitaient pas quant à eux être mis en minorité systématiquement.

C’est la raison pour laquelle un conseil de supervision distinct du conseil des gouverneurs de la BCE a été institué, composé de représentants des 17 superviseurs nationaux, de quatre membres de la BCE, d’un président et d’un vice-président. Pour faciliter le fonctionnement de l’institution, les décisions opérationnelles sont prises par un comité de pilotage resserré autour de quelques membres seulement qui seront soumis à rotation. Les « grands Etats » n’y bénéficient donc pas d’un droit de véto. Ce comité est responsable devant le Conseil des gouverneurs de la BCE qui pourra s’opposer aux projets de décision. Dans le cas où le Conseil des Gouverneurs de la BCE émettrait une objection, un comité indépendant statuerait.

– Le champ des établissements couverts :

Les modalités de la différenciation de la supervision – c’est-à-dire le champ des établissements directement supervisés par la BCE – constituaient un point litigieux, notamment entre la France, qui le souhaitait le plus large possible, et l’Allemagne, qui souhaitait préserver la supervision nationale sur les petits établissements de crédits régionaux et les caisses d’épargne.

Finalement, seuls les établissements importants, soit près de 85 % de l’ensemble des actifs bancaires de la zone euro, sont placés sous supervision directe de la BCE. Les établissements de crédit sont considérés comme importants en fonction de critères spécifiques : la valeur totale de leurs actifs et leur importance pour l’économie du pays où ils sont situés ou de l’Union européenne dans son ensemble (plus de 30 milliards d’euros d’actifs, plus de 20 % du produit intérieur brut du pays d’origine sauf si les actifs sont inférieurs à 5 milliards d’euros) ; le volume de leurs activités transfrontalières ; s’ils ont ou non demandé et/ou reçu une assistance financière publique du Mécanisme européen de stabilité (MES) ou du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Dans chaque pays participant, au moins les trois établissements de crédit les plus importants font l’objet d’une supervision directe par la BCE, quelle que soit leur taille en termes absolus.

On peut regretter l’exclusion d’une partie des établissements, notamment des caisses d’épargne, banques coopératives et banques des Länder allemandes (50 à 70 % du secteur bancaire allemand). Cependant, la BCE dispose de la faculté de se saisir sur tous les 6 000 établissements de la zone euro sous la supervision des régulateurs nationaux et d’intervenir si nécessaire. La BCE est donc bien responsable in fine de l’ensemble du mécanisme de supervision.

Concrètement, les établissements hors champ de la supervision directe opérant dans les pays participants au MSU continuent d’être contrôlés par les autorités compétentes nationales. En vertu de la supervision globale, la BCE coopère étroitement avec les autorités compétentes nationales pour le contrôle prudentiel de tous les autres établissements de crédit. La BCE peut décider à tout moment de se charger de la supervision d’un établissement de crédit de moindre importance et exercer un contrôle direct sur l’un de ces établissements afin d’assurer une application systématique de normes de supervision élevées.

– Les Etats non membres de la zone euro :

Le MSU concerne les membres de la zone euro mais est ouvert aux Etats qui n’en sont pas membres, notamment ceux couverts par l’Autorité bancaire européenne (ABE). Plus précisément, les pays de la zone euro participent automatiquement au MSU, mais chaque État membre de l’Union européenne n’appartenant pas à la zone euro peut se prononcer en faveur d’une participation au mécanisme via une « coopération rapprochée » de son autorité compétente nationale avec la BCE. C’est une innovation tout à fait remarquable, quoique complexe. La BCE et les autorités compétentes des États membres de l’Union européenne non participants concluent alors un protocole d’accord décrivant les modalités de leur coopération dans le cadre de l’exécution de leurs missions de supervision. La BCE signe également un protocole d’accord avec les autorités compétentes de chaque État membre de l’Union européenne abritant au moins une institution d’importance systémique à l’échelle mondiale. Cette coopération peut être résiliée par l’Etat ou par la BCE en cas de non respect des obligations liées à la participation au MSU. Aucune coopération rapprochée n’a à ce jour été signée.

Les États non membres de la zone euro intéressés par le MSU escomptaient des garanties quant à une relative égalité de traitement, tandis que ceux qui ont marqué leur intention de rester à l’écart souhaitaient éviter d’être affectés par les décisions prises dans le cadre du MSU. Des solutions techniques ont été trouvées pour que l’articulation fonctionne entre l’Autorité bancaire européenne, en charge de la régulation du secteur bancaire et qui concerne l’ensemble de l’Union européenne, et la BCE. L’Autorité bancaire européenne continue d’être chargée de rédiger des corpus de règles européennes pour les banques mais un système de double majorité permet d’éviter que les participants au MSU n’imposent des décisions aux autres pays. Pour qu’une décision contraignante soit adoptée au sein de l’ABE, une majorité doit ainsi se dégager au sein de chacun des deux groupes : participants au MSU et non participants. Au cas où un pays s’opposerait à une décision de l’ABE, un comité composé de deux représentants de chaque groupe et du président de l’ABE serait chargé de trancher.

LE MÉCANISME DE DOUBLE MAJORITÉ À L’AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE

Selon le règlement modifiant le règlement UE n°1093/2010 instituant une Autorité bancaire européenne, l’Autorité bancaire européenne (ABE) est chargée d’élaborer des projets de normes techniques ainsi que des orientations et des recommandations pour assurer la convergence de la surveillance prudentielle dans l’ensemble de l’Union. La BCE contribue à l’élaboration par l’ABE de projets de normes techniques réglementaires ou d’exécution.

Mais pour qu’une décision contraignante soit adoptée au sein de l’ABE, elle doit obéir à un système de double majorité, afin d’éviter que les participants au MSU n’imposent de décisions aux autres pays :

1) en matière réglementaire, l’ABE décide à la majorité qualifiée, incluant une double majorité simple (au moins une majorité simple des Etats membres participants au MSU et une majorité simple des Etats membres n’y participant pas - « out ») pour adopter les projets de standards techniques, recommandations et lignes directrices (guidelines) ;

2) en matière de médiation contraignante (article 19) et de violation du droit communautaire par une autorité nationale (article 17), le Conseil de l’ABE adopte les décisions proposées par un panel à une double majorité simple (au moins une majorité simple des Etats membres participants au MSU et une majorité simple des Etats membres « out ») et, lorsque le nombre d’Etats membres « out » est inférieur à 4, le Conseil de l’ABE décide à la majorité simple, incluant au moins une voix des Etats « out ». Le Conseil de l’ABE convoque un panel présidé par le Président de l’ABE et composé de six autres membres qui ne sont pas des représentants des autorités concernées (autorités parties au désaccord ou autorité accusée de violation du droit communautaire). Chaque membre du panel dispose d’une voix et les décisions du panel sont adoptées lorsqu’au moins 4 membres votent en faveur du projet ;

3) en situation d’urgence (article 18-3 et 18-4), le Conseil de l’ABE décide à une double majorité simple (au moins une majorité simple des Etats membres participants au MSU et une majorité simple des Etats membres « out »).

Une clause de revue, spécifique aux dispositions en matière de règles de vote, est prévue. Lorsque le nombre d’Etats membres ne participant pas au MSU sera inférieur à 4, la Commission devra remettre un rapport au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sur les modalités de vote.

Au 1er janvier 2013, l’accord était obtenu sur les deux règlements, l’un confiant des missions de surveillance à la BCE et l’autre modifiant le règlement UE n°1093/2010 instituant une Autorité bancaire européenne.

2. Un mécanisme déjà à l’œuvre

Le mécanisme de supervision unique a ainsi été adopté en octobre 2013 sous la forme de deux règlements publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 22 octobre 2013 : le règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit ; et le Règlement (UE) n° 1022/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement (UE) n° 1024/2013.

Ces textes prévoient que quatre missions seront désormais principalement effectuées par la BCE :

– la délivrance et le retrait d’agrément d’établissement de crédit pour toutes les banques de la zone euro ;

– la conformité des banques avec les exigences prudentielles et les règles de gouvernance ;

– la mise en place de tests de résistance (« stress tests ») ;

– la supervision complémentaire consolidée des conglomérats financiers.

Dans ce système, la Banque centrale européenne fait respecter les règles en matière de fonds propre et d’endettement, elle peut mener des tests de contrôle et a le pouvoir de contraindre les banques à prendre les mesures jugées nécessaires. Conformément à l’article 127, paragraphe 6, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la BCE se voit confier des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit. La BCE est chargée d’assurer l’efficacité et la cohérence du fonctionnement du MSU en coopérant avec les autorités compétentes nationales des pays de l’Union européenne participants.

Le MSU est entré en vigueur le 1er mars 2014 dans son intégralité et l’autorité au sein de la BCE est en place depuis le 4 novembre 2014. C’est Mme Danièle Nouy, précédemment Secrétaire général de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution française, qui a pris en janvier 2014 la tête du comité de direction du MSU pour cinq ans. Elle est épaulée par Sabine Lautenschläger, membre du comité exécutif de la BCE, en tant que vice-présidente. Toutes deux ont été nommées par le conseil de l’Union Européenne et approuvées par le Parlement Européen. En outre, trois représentants de la BCE (Sirkka Hämäläinen, Julie Dickson, Ignazio Angeloni) ainsi qu’un représentant de chaque institution de supervision nationale des États participants au MSU, complètent le conseil de direction.

Des équipes de supervision ont été mises sur pied (Joint supervision teams – JST) avec à leur tête une personne d’une autre nationalité que le pays couvert avec une tête de pont à Frankfort. 1000 personnes travailleront pour la supervision unique. Un Conseil de surveillance prudentielle a été mis en place. Il est chargé de planifier et d’accomplir les missions de supervision de la BCE, de mener des travaux préparatoires et de proposer des projets de décisions complets en vue de leur adoption par le Conseil des gouverneurs de la BCE.

La BCE a commencé à endosser ses nouvelles responsabilités en matière de contrôle bancaire le 4 novembre 2014, soit douze mois après l’entrée en vigueur du règlement instituant le MSU. Par exemple, elle a publié jeudi 26 mars un règlement étendant le champ des exigences d’information financière à caractère prudentiel de l’ensemble des banques européennes pour soumettre un plus grand nombre d’entités à l’obligation de transmission de rapports financiers de surveillance prudentielle.

Pour l’ensemble des tâches qui lui sont confiées, la BCE est assistée par les autorités nationales – en France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – qui, sous le contrôle de la BCE, assureront notamment les opérations de supervision au jour le jour. Le comité créé au sein de la BCE pour coordonner la supervision européenne s’appuie ainsi sur les superviseurs nationaux. Ceux-ci restent par ailleurs en charge de toutes les missions qui ne seront pas confiées au comité de supervision piloté par la BCE, notamment la protection des consommateurs, la lutte contre le blanchiment de capitaux, les services de paiement et la surveillance des succursales des banques de pays tiers.

Aux termes du règlement MSU, une autorité compétente nationale est une autorité compétente désignée par un État membre participant conformément au règlement (UE) no 575/2013 (CRR) et à la directive 2013/36/UE (CRD IV). Certaines banques centrales nationales (BCN) qui ne sont pas désignées en tant qu’autorité compétente nationale, mais auxquelles la législation nationale confère certaines missions et compétences en matière de contrôle bancaire, continuent à exercer ces compétences au sein du MSU.

La BCE avait publié une liste provisoire d’établissements de crédit auxquels elle avait fait part de son intention de les considérer comme importants. Dans cette liste figurent les établissements de crédit qui constituent un groupe bancaire unique englobant les filiales opérant dans la zone euro. La liste finale a été publiée le 4 septembre 2014 et sera revue à intervalles réguliers. Elle comporte les 120 établissements de crédit importants, ainsi que les établissements de moindre importance qui continueront de faire l’objet d’une surveillance de la part des autorités nationales compétentes, mais pour lesquels la BCE peut décider à tout moment d’exercer une surveillance directe afin d’assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance.

Source : Parlement européen

En France, dix établissements sont sous supervision directe, avec toutes leurs filiales, ce qui représente 95 % des actifs bancaires : BNP Paribas, Société Générale, Groupe Crédit Agricole, Groupe BPCE, Groupe Crédit Mutuel, La Banque Postale, HSBC France, BPI France (Banque Publique d’Investissement), Société de Financement Local, C.R.H. Ils sont 21 en Allemagne, représentant 55 % des actifs bancaires. Mais, encore une fois, les autres établissements ne sont pas hors champ.

Source : Parlement européen

3. La revue des actifs bancaires et les tests de résistance (« stress tests »)

Deux exercices ont été conduits en parallèle : une revue complète des bilans des 130 plus grands groupes bancaires européens (l’AQR), dont l’objet était d’en évaluer la qualité et des tests de résistance destinés à vérifier la capacité des établissements à faire face à des chocs.

Les banques françaises avaient bénéficié de 25 milliards d’euros de mesures de recapitalisation entre 2008 et 2012, soit 7,8 % des 319 milliards accordés au sein de la zone euro, selon les chiffres officiels de la Commission européenne. Les banques allemandes en ont capté 20,11 % (64,17 milliards), les banques irlandaises 19,7 % (62.8 milliards), les banques espagnoles 18,7 % (59,8 milliards).

Les banques des 18 pays de la zone euro ont recapitalisé à hauteur de 200 milliards d’euros avant les résultats de la revue des actifs bancaires. Un vaste effort avait donc déjà été engagé, même s’il est vrai que la recapitalisation s’est aussi faite avec des fonds propres de moyenne qualité et des astuces. Par exemple, certains pays ne déduisaient pas les survaleurs (goodwill) et la règlementation prudentielle a introduit la mise en place progressive de leur déduction, ce qui a permis à certains établissements, qui auparavant les déduisaient, notamment en France, de limiter leur déduction…

Le Royaume-Uni de son côté a mis en place une règlementation très stricte, pour effacer une supervision qui a longtemps été assez lacunaire. Il faut cependant se garder de considérer les établissements de crédit britanniques comme exemplaires. Pour leurs tests de résistance, ils ont décidé d’utiliser toutes les marges offertes par la règlementation européenne. Ils seront donc les plus laxistes puisqu’aucun autre pays ne les utilise toutes.

Les tests de résistance bancaire ont été conduits de manière très rigoureuse. Ils ont reposé sur deux scénarii construits par la BCE et l’ABE. Le premier, dit « central », repose sur les prévisions de croissance de la Commission européenne pour 2014, 2015 et 2016. Le second scénario, dit « stressé », étudie comment les établissements réagiraient en condition de crise, avec des hypothèses très dures  comme par exemple, pour la France, un PIB reculant de 1,1 % en 2015, des taux d’intérêt à dix ans s’envolant au-delà de 3,7 %, des prix de l’immobilier s’effondrant de 30 % en trois ans…

Le 26 octobre, les résultats des tests de résistance ont été publiés. Sur les cent trente banques examinées par la BCE et l’ABE, vingt-cinq ont échoué aux tests. Au total, la BCE estime que ces établissements doivent renforcer leurs fonds propres à hauteur de 24,5 milliards d’euros.

Parmi les vingt-cinq banques épinglées, on ne retrouve qu’un seul des treize établissements bancaires français passés en revue, à savoir la Caisse de refinancement de l’habitat. La CRH, qui présentait un déficit de fonds propres d’environ 130 millions d’euros sur la base des données au 31 décembre 2013 utilisées pour les tests, avait anticipé la décision de recapitalisation au cours de 2014. Les autres établissements ayant échoué aux tests sont pour l’essentiel originaires des pays périphériques comme l’Italie (Banca Popolare di Milano, Banca Popolare di Vicenza, MPS, Banca Carrige…), Chypre (Bank of Cyprus), la Grèce (Hellenic Bank, National Bank of Greece, Eurobank) ou le Portugal (Banco Comercial Portugues). On retrouve également un établissement allemand (Münchener Hypothekenbank).

Les tests ont été construits sur la situation des banques au 31 décembre 2013 et dans l’intervalle un certain nombre d’entre elles ont procédé à des recapitalisations, comme indiqué précédemment. C’est le cas de douze des vingt-cinq banques épinglées par la BCE, qui ont augmenté leurs fonds propres de 15 milliards d’euros depuis le 1er janvier 2014. Ce sont donc treize banques qui devront renforcer leurs fonds propres, à hauteur de 9,47 milliards d’euros, après la publication de ces résultats. L’italienne Banca Carrige affiche ainsi un besoin de 810 millions d’euros et MPS, de 2,11 milliards. La grecque Eurobank devra se recapitaliser à hauteur de 1,76 milliards et la portugaise Banco Comercial Portugues, de 1,15 milliards.

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Ces établissements ont jusqu’au mois d’octobre 2015 pour mettre en œuvre des mesures correctrices. Un rapport intérimaire du Comité ECON du Parlement européen du 27 mars 2015 fait état d’un manque d’informations à l’égard du public s’agissant des mesures prises et même de résultats en termes de réduction des risques problématiques concernant plusieurs établissements (2).

4. Un processus au long cours

L’Europe bancaire est encore aujourd’hui un paysage fragmenté. Les dépôts et les crédits classiques sont essentiellement nationaux. Pourtant, l’interconnexion entre les secteurs bancaires européens est aussi très forte. Par exemple, les 30 premières banques européennes détiennent des actifs investis à 53 % au niveau national, à 23 % dans les autres pays européens et à 24 % en dehors de l’Europe. Les effets de contagion des crises bancaires européennes ont fortement démontré les expositions mutuelles. Le marché interbancaire européen s’est révélé fragile et il a fallu répondre au risque de crises de liquidité, par la création de l’Autorité bancaire européenne et une politique monétaire accommodante. Enfin, trois pays sont les poids lourds de l’Europe bancaire : l’Allemagne (7 827 milliards d’euros d’actifs en 2013), la France (8 073 milliards d’euros) et le Royaume-Uni (9 266 milliards d’euros), leurs banques totalisant environ 60 % des actifs des banques de l’Union européenne.

L’EUROPE BANCAIRE

Source : Céline Antonin et Vincent Touzé, Europe bancaire : l’Union fait-elle la force ?, OFCE, note n° 46/18 novembre 2014, réalisée dans le cadre de l’étude spéciale intitulée « Comment lutter contre la fragmentation du système bancaire de la zone euro ? », à paraître dans la Revue de l’OFCE, n° 136, sous la direction de Xavier Timbeau.

L’instauration d’une supervision permettra déjà de mettre un terme à la fragmentation des pratiques prudentielles. De plus, la crise avait renforcé au début le cloisonnement des marchés intra-européens du crédit avec, d’un côté, les pays à faibles risques souverains et bancaires et, d’un autre côté, les pays à risques élevés. Une supervision unique consacre au contraire un consensus pour traiter à un niveau supranational les banques en difficulté, alors même que la segmentation du marché bancaire européen conduit, lorsque l’on apporte un soutien à une banque, à aider un pays. C’est pour cette raison d’ailleurs que le calcul des contributions était sensible : il génère des transferts de charges entre secteurs bancaires nationaux, donc entre pays. La France en pâtit, mais c’est le prix de l’intégration.

Le mécanisme de supervision unique en zone euro place donc toutes les banques sous la supervision de la BCE : supervision directe ou d’opportunité. Cela a deux avantages :

– le premier est que si l’on rencontre un problème comme en a connu par exemple l’Espagne, la BCE pourra prendre le contrôle s’il existe un risque systémique. Cela s’apparente un peu à ce qui a été mis en place aux Etats-Unis après la crise des Caisses d’épargne dans les années 1970 ;

– le second est que la BCE pourra donner des instructions aux superviseurs sur les pratiques de supervision. Elle pourra par exemple demander à la Banque centrale allemande de ne pas interdire à une filiale allemande de transférer ou prêter à sa mère italienne ou un établissement italien ses liquidités en excédent.

De la même façon, la revue de qualité des actifs et les stress tests réalisés en 2014 sont un point de départ et non un point d’arrivée dans la mise en place de la supervision unique. Ils ont en effet été réalisés sur la base de la législation européenne en vigueur. Les directives initiales sur les exigences de fonds propres (2006/48 et 2006/49) ont été remplacées par un nouveau paquet législatif dit « CRD IV ». Le paquet, qui s’applique depuis le 1er janvier 2014, comprend un règlement (CRR (3)) et une directive (CRD IV (4)). Il intègre des particularités nationales du fait de la mise en œuvre différenciée des règles de Bâle III. La revue des actifs a dû composer avec ces différences.

Le travail d’harmonisation horizontale entre les pays ne fait donc que commencer. Lors d’un discours très important donné le 17 mars 2015 au SZ Finance Day 2015 à Frankfort, la présidente du Comité de supervision du mécanisme de supervision unique, Danièle Nouy, a mis en exergue les différences qui demeurent dans la régulation entre les pays, notamment concernant le capital. Par exemple, les participations des banques françaises dans les sociétés d’assurance sont considérées comme du capital, spécificité française consacrée par le règlement CRR précité. La Banque centrale européenne sera conduite à supprimer ces particularités pour aboutir à des règles uniques.

Dans une interview au Financial Times (5), Mme Nouy, critiquant le nombre élevé d’options nationales dans la définition du capital en Europe, indiquait qu’il pourrait être nécessaire de saisir le Parlement européen en vue d’approfondir l’harmonisation, les divergences nationales rendant le travail du superviseur unique plus difficile, d’autant qu’il doit déjà faire face à un besoin d’harmonisation des modèles internes des établissements. Ces processus très techniques d’harmonisation, qu’ils requièrent ou non une intervention législative, auront des conséquences industrielles, comme l’exemple des participations dans les sociétés d’assurance l’illustre. Ce type de sujets existe dans tous les pays. On peut citer le secteur naval en Allemagne (shipping).

À terme, bien entendu, ce mouvement sera dans l’intérêt des banques européennes car un véritable marché bancaire émergera. Il devrait en résulter de nouveaux mouvements d’intégration avec des fusions-acquisitions transfrontalières, pour lesquels d’ailleurs les banques françaises sont très bien positionnées. Le superviseur unique, en simplifiant la relation banque-régulateur, devrait faciliter le développement des banques au-delà de leurs marchés nationaux, ce qui contribue aussi à une meilleure intégration. Nous sommes donc au début de grands bouleversements dans le système bancaire européen.

B. L’HARMONISATION DES RÈGLES DANS L’UNION EUROPÉENNE POUR PRÉSERVER LE CONTRIBUABLE DES CRISES BANCAIRES

1. Des annonces du G20 à l’électrochoc de la crise chypriote

Un an après la faillite de Lehman Brothers, les Etats membres du G20 s’étaient engagés dans la déclaration finale du Sommet de Pittsburgh des 24 et 25 septembre 2009, à « développer des outils et des cadres pour un règlement efficace des faillites des groupes financiers afin d’atténuer les perturbations résultant des faillites d’institutions financières et de réduire l’aléa moral à l’avenir ».

Le Conseil de Stabilité Financière, sous l’impulsion du G-20, avait ainsi arrêté les principaux attributs d’un régime spécifique de liquidation ordonnée des banques afin de couper le lien qui pouvait exister entre les banques et les Etats en cas de difficultés, de mettre ainsi fin au « trop gros pour faire faillite » (« too big to fail ») et de faire supporter les pertes par les actionnaires et les créanciers, tout en permettant d’assurer la continuité des services essentiels à l’économie (dépôts, paiements, crédits) sans que les pouvoirs publics soient obligés de sauver la totalité de la banque.

Il n’est pas utile de rappeler ici le lien évident entre crise bancaire et crise souveraine : les banques sont fortement exposées aux dettes souveraines, d’une part, l’État peut venir en soutien aux banques accroissant son risque souverain, d’autre part, la première raison pouvant conduire à la seconde. Pour mémoire, déjà entre septembre 2008 et juin 2009 d’importants renflouements de banques par les États ont eu lieu.

Sur la période courant jusqu’en 2012, en totalisant les différents outils d’assistance (garanties, recapitalisation, rachats d’actifs toxiques, soutien à la liquidité), le poids des engagements en faveur de banques en pourcentage de PIB aura été le suivant :

In Céline Antonin et Vincent Touzé, Europe bancaire : l’Union fait-elle la force ?, OFCE, note n° 46/18 novembre 2014

Cinq ans après les annonces du G20, la France débattait d’une loi de séparation et de régulation des activités bancaires pour créer un régime de résolution, attribuer la fonction de résolution à l’Autorité de contrôle prudentiel qui deviendrait l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, créer un fonds de résolution alimenté par les banques et destiné à soutenir le processus de résolution sans intervention de l’Etat. Cette loi française finalement adoptée le 26 juillet 2013 (6) anticipait la mise en place d’un régime européen dont les contours et les délais de mise en œuvre étaient encore incertains lors du dépôt du projet de loi.

En juin 2013, ce régime prenait forme. En juin 2012, la Commission a présenté un projet de directive visant à établir à un cadre commun pour le redressement et la résolution des banques. Sa négociation au sein du Conseil et du Parlement européen a été conduite parallèlement à celle du mécanisme de supervision unique puis du mécanisme de résolution unique, expliquant la durée des discussions.

Le projet de directive relatif aux défaillances et à la résolution des banques, approuvé par le Conseil européen du 27 juin 2013 fixait pour objectif de donner aux autorités les moyens de résoudre la défaillance d’une banque de manière ordonnée, tout en préservant ses fonctions critiques et en minimisant l’exposition des contribuables à d’éventuelles pertes. Il prévoyait une étape supplémentaire entre la prévention et la résolution par rapport à la loi française, l’intervention précoce, et portait les stigmates du sauvetage des banques chypriotes. Dans l’intervalle en effet, la crise chypriote aura joué un rôle de catalyseur. Au-delà même du constat d’un secteur financier hypertrophié et au profil de risque hasardeux, c’est le modèle d’une gestion calamiteuse d’une défaillance qui a marqué les esprits. Si la faute en revient pour partie aux autorités chypriotes qui ont tardé à prendre la mesure des nécessaires efforts d’assainissement du secteur bancaire, le premier plan de sauvetage élaboré relève d’une responsabilité commune des Européens.

Pour mémoire, la volonté du gouvernement chypriote conduit par Nicos Anastasiades de préserver les intérêts russes et la volonté de l’Eurogroupe et du FMI de limiter le montant de l’aide européenne ont débouché sur une solution étonnante. Le plan prévoyait en effet une taxation progressive de l’ensemble des dépôts bancaires : 6,75 % en dessous de 100 000 euros (30 des 68 milliards d’euros de liquidités détenues par les banques), et 9,9 % au-delà. De telles dispositions devaient rapporter près de 5,8 milliards euros aux autorités chypriotes. A cette somme venait s’ajouter une aide internationale de 10 milliards d’euros. L’instauration d’un prélèvement sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros a déclenché la colère de la population chypriote.

La directive du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit a été définitivement adoptée par le Parlement européen le 15 avril 2014 et publiée au Journal officiel le 12 juin 2014. Cette directive dite BRR (pour Bank Recovery and Resolution Directive) devait être transposée au plus tard le 31 décembre 2014.

2. L’harmonisation opérée dans l’Union européenne par la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances

La directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRR) crée un cadre harmonisée de la résolution au niveau européen. Elle prévoit la mise en place d’une autorité publique en charge de la résolution dans chaque État membre et précise les outils à sa disposition pour prévenir et gérer les crises bancaires, notamment un fonds de résolution alimenté par les contributions des établissements eux-mêmes.

• S’agissant de la prévention des difficultés, la directive prévoit que des plans de redressement et des plans de résolution doivent être préparés pour les entités dans le dispositif. La directive impose à cet égard aux Etats membres de donner à leurs autorités nationales de résolution le pouvoir de modifier la structure d’un établissement s’il apparaît qu’il ne peut pas faire l’objet facilement d’une résolution ;

• S’agissant de la gestion des crises, la directive prévoit d’abord que les autorités de supervision sont dotées de la compétence d’intervenir lorsque la situation d’une banque est dégradée, sans être encore critique : révocation des dirigeants, nomination d’un administrateur provisoire, convocation d’urgence des actionnaires, mise en place d’un plan de restructuration de la dette, etc (phase d’intervention précoce).

La directive prévoit ensuite les conditions sous lesquelles l’autorité de résolution applique les mesures de résolution lorsque l’entité est défaillante ou susceptible de le devenir. Elle disposera de plusieurs outils de résolution, dont le renflouement interne (bail-in) destiné à impliquer le secteur privé dans le financement de la résolution par l’imputation des pertes sur les actionnaires ou les créanciers : cession ou transfert d’activités, mise en place d’un établissement-relais, séparation des actifs, et surtout la possibilité de convertir les actions, mais aussi certains types de créances, afin d’éponger les pertes.

La mise au point de règles de renflouement interne à l’échelle de l’Union européenne est une avancée absolument majeure qui n’est pas suffisamment mise en valeur. Pourtant, c’est une avancée au bénéfice des citoyens ; ces règles permettront de les préserver au maximum des conséquences d’un sauvetage.

• La directive prévoit enfin la création d’un fonds de résolution dans chaque État membre qui est financé par les entités entrant dans le périmètre d’application de la directive.

Au cours du processus législatif européen, deux principaux points ont fait l’objet de discussions ardues.

– les contours du fonds de résolution alimenté par les banques, dont les Etats membres doivent se doter, et qui intervient pour assurer le renflouement externe. En définitive, le fonds national doit atteindre environ 1 % du total des dépôts du pays concernés à l’horizon de dix ans et le fonds de résolution peut être la même structure administrative que le fonds de garantie des dépôts, conformément au souhait de la France qui avait déjà créé un fonds unique. Ainsi, l’architecture choisie dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 n’était pas remise en cause ;

– la possibilité pour les autorités de résolution d’effacer certaines créances de l’établissement pour éponger les pertes. La directive prévoit un champ relativement large d’application de cet outil, puisque non seulement la dette subordonnée (dite « junior »), mais également la dette dite « senior » (créances qui ne sont ni subordonnées, ni sécurisées) est potentiellement concernée, avant que ne soient mis à contribution, en dernier ressort, les dépôts des PME et des personnes privées au-delà de 100.000 euros. Elle prévoit à cet égard que les établissements devront disposer d’un montant minimal de créances éligibles, dont le niveau exact sera défini par des normes techniques d’exécution de l’Autorité bancaire européenne. La directive diffère du dispositif français en donnant à l’autorité de résolution la faculté d’imposer des pertes à des créanciers chirographaires (ordinaires) alors que le texte français se limitait aux apporteurs de fonds propres (7).

Toutefois les autorités de résolution nationales peuvent exclure du renflouement interne certains passifs, y compris les créances seniors, afin d’éviter une contagion. Cette dérogation est conditionnée au fait que les pertes ainsi exclues soient imputées aux autres créanciers (à condition qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation pire qu’en cas de liquidation) et/ou prises en charge par le fonds de résolution.

Dans tous les cas de figure, la possibilité de recourir au fonds de résolution est soumise à des conditions strictes, notamment que des pertes à hauteur de 8 % du total des passifs, y compris les fonds propres, aient déjà été absorbées par renflouement interne et que le financement apporté par le fonds de résolution soit limité à 5 % du total des passifs ou des moyens dont le fonds de résolution peut disposer augmenté du montant qui peut être mobilisé sous la forme de contributions ex post en trois ans, selon le montant qui est le moins élevé.

3. Un cadre harmonisé de garantie des dépôts à l’échelle de l’Union européenne

En 1994, une première directive européenne, la Directive 94/19/CE du Parlement européen et Conseil du 30 mai 1994 relative aux systèmes de garantie des dépôts, a procédé à une première harmonisation des législations en vigueur et obligé tous les établissements de crédit à adhérer à un système de garantie des dépôts. Cette directive imposait que, a minima, les dépôts soient garantis à hauteur de 20 000 euros par déposant et soient remboursés dans un délai de trois mois à compter du constat de leur indisponibilité. Cette directive a été transposée en droit français par l’article 65 de la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière (n° 99-532 du 25 juin 1999) qui a créé le Fonds de garantie des dépôts.

Tirant les leçons de la crise, les règles renforcées et harmonisées de protection des dépôts dans chacun des États membres de l’Union ont été adoptées par deux vagues successives.

Tout d’abord, après l’épisode de panique bancaire aux guichets de la banque britannique Northern Rock en septembre 2007, nationalisée, la Commission européenne a fait une première proposition de modification législative. La directive 2009/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 a ainsi modifié la directive de 1994 sur deux points essentiels : le seuil d’indemnisation a été relevé de 20 000 à 100 000 euros, tandis que le délai de restitution des fonds était abaissé de trois mois à 20 jours à compter de la date de constatation de l’indisponibilité des dépôts.

La Commission européenne a ensuite proposé de revoir l’ensemble des règles relatives à la garantie des dépôts et de refondre la directive de 1994. La directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à la garantie des dépôts est l’aboutissement ce travail. Elle tient compte de l’expérience chypriote et on soulignera à cet égard que le premier plan de sauvetage des banques chypriotes contrevenait aux dispositions de la directive européenne modifiée.

La directive du 16 avril 2014 renforce ainsi d’abord la législation s’agissant de la protection des dépôts inférieurs à 100 000 euros, en introduisant notamment l’obligation, pour tous les États membres de l’Union, de créer un fonds national de garantie des dépôts alimenté par des contributions ex ante des banques pour indemniser les déposants en cas de défaut. Ce financement pourra, si nécessaire, être complété par des contributions ex post. Les cotisations acquittées par les banques devront être proportionnelles au risque relatif de chaque banque. Si cela ne suffit toujours pas, les systèmes de garantie pourront emprunter un montant limité auprès d’autres systèmes. Enfin, en dernier ressort, d’autres mesures de financement devront être prises en cas de besoin. Les Etats membres doivent autoriser les prêts entre systèmes et ceux-ci se font sur une base volontaire.

La directive de 2014 contient également les améliorations suivantes : un nouvel abaissement du délai de restitution des dépôts de vingt à sept jours au plus tard le 1er janvier 2024 ; un allègement des formalités administratives transfrontalières, de sorte que les clients d’une succursale située dans un Etat membre puissent être remboursés par le fonds de garantie de cet Etat et non par celui de l’Etat membre d’origine de la banque ; une extension de la garantie à l’ensemble des devises, et pas seulement les devises européennes, sont couvertes par la garantie des dépôts ; une meilleure information des déposants.

L’essentiel des dispositions de la directive doit être transposé au 1er juillet 2015. Au plus tard le 3 juillet 2024, chaque fonds devra disposer de ressources équivalentes à 0,8 % des dépôts couverts.

En revanche, malgré l’insistance de la France, les États membres ne sont pas parvenus à s’accorder sur la création d’une garantie unique des dépôts autour d’un fonds de garantie unique. C’est regrettable car, tout comme le fonds de résolution unique, un fonds de garantie unique des dépôts permet une mutualisation des chocs asymétriques au niveau de la zone euro. C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle sa création se heurte à de fortes réticences : il n’y aurait plus de différence entre un dépôt portugais et un dépôt néerlandais.  

Dans son rapport « Vers une véritable Union économique et monétaire », le Président Von Rompuy proposait de poursuivre les travaux engagés par la Commission européenne en matière de garantie des dépôts et de résolution des crises bancaires en esquissant les perspectives suivantes :

« Un système européen de garantie des dépôts pourrait apporter une dimension européenne aux systèmes nationaux de garantie des dépôts des banques relevant de la surveillance à l’échelon européen. Il renforcerait la crédibilité des dispositifs existants et constituerait une garantie importante que les dépôts éligibles de tous les établissements de crédit sont suffisamment assurés.

[…] Le système de garantie des dépôts et le fonds de résolution pourraient être mis en place sous le contrôle d’une autorité de résolution commune. Un cadre tel que celui-ci réduirait considérablement la nécessité d’avoir à recourir effectivement au système de garantie. Cela étant, la crédibilité de tout système de garantie des dépôts suppose de pouvoir disposer d’un solide filet de sécurité financier. Dès lors, pour ce qui est de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité pourrait jouer le rôle de filet de sécurité budgétaire pour l’autorité de résolution et de garantie des dépôts. »

Il est intéressant de voir que dès cette époque les points de blocages étaient très bien identifiés et celui du rôle du MES comme filet de sécurité commun est aujourd’hui un des enjeux majeurs pour l’avenir du mécanisme de résolution unique (cf. infra). Par ailleurs, il conviendra de veiller à ce que l’absence de régime unifié de garantie des dépôts ne devienne le cheval de Troie pour maintenir des règles nationales, alors que l’Union bancaire a aussi pour objet de mettre un terme à la fragmentation des règles.

C. LA CRÉATION AU MOINS POUR LA ZONE EURO D’UN MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE DES DÉFAILLANCES BANCAIRES DOTÉ D’UN FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE

Le Conseil européen de décembre 2012 avait notamment indiqué que le Mécanisme de résolution unique devait « permettre de préserver la stabilité financière et d’assurer un cadre effectif pour la résolution des défaillances des établissements financiers, tout en protégeant les contribuables lors de crises bancaires. Il devrait s’appuyer sur les contributions du secteur financier lui-même et comporter des dispositifs de soutien appropriés et effectifs. Ce dispositif de soutien devrait être neutre à moyen terme sur le plan budgétaire, en garantissant que l’aide publique soit compensée par des prélèvements ex-post sur le secteur financier ». Le vœu d’aboutir à un tel système, en outre intégré, apparaissait alors très audacieux. C’est pourtant ce auquel les États membres ont abouti.

La Commission européenne avait présenté dès le 10 juillet 2013 une proposition de règlement instituant un mécanisme de résolution unique pour la zone euro. Le Comité économique et social européen a rendu son avis le 17 octobre 2013. La Banque centrale européenne a rendu son avis le 6 novembre 2013. Conformément aux dispositions de la déclaration commune sur les modalités pratiques de la procédure de codécision, des contacts informels ont eu lieu entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission en vue de parvenir à un accord en première lecture. Les négociations ont été difficiles mais ont finalement abouti avec l’adoption du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (dit règlement MRU).

1. L’intérêt d’un mécanisme unique par rapport à des règles harmonisées

L’encadrement européen des résolutions bancaires vise à assurer l’uniformité dans l’application des règles et l’efficacité du marché bancaire européen au sein de la zone euro, dans l’intérêt des citoyens. La directive BRR n’aurait-elle pas suffi à assurer un cadre de résolution efficace ? Ce qui fait la singularité de l’Union européenne par rapport à une organisation intergouvernementale classique, fut-elle productrice de normes, est qu’elle organise des processus intégrés de décision, qui emportent des différences d’effets substantielles avec la simple harmonisation des règles.

Dans le rapport des quatre présidents du 5 décembre 2012 « Vers une Véritable Union Économique et Monétaire », figure un encadré qui explicite les raisons pour lesquelles un mécanisme intégré est indispensable dans la zone euro :

Nécessité d’un mécanisme de résolution unique

La mise en place d’un mécanisme de résolution unique est indispensable à l’achèvement du cadre financier intégré:

▪ Ce mécanisme prévoirait un processus décisionnel rapide et impartial, centré sur la dimension européenne, ce qui permettrait d’atténuer un bon nombre des obstacles actuels à la résolution, par exemple la tendance à manifester plus d’indulgence à l’égard des établissements nationaux ou les frictions dans le domaine de la coopération transfrontières, mais aussi de réduire les coûts de la résolution, car des actions rapides et précoces contribuent à maintenir la valeur économique des banques dont les défaillances doivent être résolues.

▪ Il permettrait de maintenir les coûts de résolution à un niveau aussi faible que possible et de rompre le lien entre États et banques. Une autorité de résolution solide et indépendante, soutenue par un régime de résolution efficace, disposerait de la capacité financière, juridique et administrative ainsi que de l’indépendance nécessaire pour procéder à une résolution effective et à moindre coût. En faisant en sorte que le secteur privé supporte l’essentiel des coûts de résolution des défaillances bancaires, l’autorité renforcerait la discipline de marché et réduirait autant que possible le coût résiduel des défaillances bancaires pour les contribuables.

▪ Le mécanisme de résolution unique complèterait le MSU en garantissant la restructuration ou la fermeture rapide des banques défaillantes. Le MSU fournirait en temps voulu une évaluation impartiale de la nécessité de procéder à une résolution, tandis que l’autorité de résolution unique se chargerait de la résolution en temps voulu et de manière efficace.

Reportons-nous également, car ils sont éclairants, aux considérants du règlement MRU du 15 juillet 2014 :

« La directive 2014/59/UE constitue une avancée importante dans l’harmonisation des règles en matière de résolution des banques dans l’Union et prévoit une coopération entre autorités de résolution pour les défaillances de banques transfrontalières. Toutefois, cette directive établit des règles minimales en matière d’harmonisation et n’aboutit pas à la centralisation du processus décisionnel en matière de résolution. Elle met essentiellement des instruments de résolution et des pouvoirs de résolution communs à la disposition des autorités nationales de chaque État membre mais laisse à celles-ci une marge d’appréciation pour le recours à ces instruments et l’utilisation des dispositifs nationaux de financement pour la résolution. Les autorités disposent ainsi des outils leur permettant d’intervenir suffisamment tôt et suffisamment rapidement à l’égard d’un établissement de crédit peu solide ou défaillant, de manière à assurer la continuité de ses fonctions financières et économiques critiques, tout en limitant autant que possible l’impact de sa défaillance sur l’économie et le système financier.

Bien qu’elle confère des tâches de médiation et de réglementation à l’Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) (ABE), instituée par le règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil (6), la directive 2014/59/UE n’empêche pas complètement la prise de décisions distinctes et potentiellement divergentes sur la résolution des groupes transfrontaliers par les États membres, ce qui risque d’avoir une incidence sur le coût global de la résolution. En outre, parce qu’elle prévoit des dispositifs de financement nationaux, elle ne réduit pas suffisamment la dépendance des banques à l’égard des soutiens budgétaires nationaux et n’empêche pas complètement les États membres d’appliquer des approches différentes quant à l’utilisation des dispositifs de financement. » (8)

Une banque bénéficiant d’une aide publique sera considérée comme défaillante et traitée par le Conseil de résolution unique, sauf en cas de recapitalisation préventive mais à des conditions extrêmement strictes. Il n’y aura plus de regard national comme cela a été le cas sur Banco Espirito Santo, la banque portugaise qui, en août 2014, a bénéficié d’une recapitalisation gouvernementale à hauteur de 4,4 milliards d’euros et a été restructurée (scission en deux entités : une « mauvaise » banque » et Novo Banco, nouvelle banque reprenant les « bons » actifs). Le regard sera désormais européen.

Cela garantira aussi une objectivité sur des banques qui n’ont pas d’avenir et qui concurrencent les « bonnes » banques. De manière générale, les banques auront plus de difficultés à l’avenir à obtenir des soutiens publics et devront parfois se rapprocher, vendre, supprimer des activités et les dernières à prendre ce type de décisions ne trouveront plus d’acheteurs. La France a connu ce mouvement de concentration dans les années 1990. Dans d’autres pays, le nombre de banques est très élevé avec des « banques zombies » (Mario Draghi) dont toute l’énergie est consacrée à survivre. On voit ici la convergence des effets de la supervision unique et de la résolution unique.

De manière plus générale, le mouvement de rationalisation du marché bancaire européen enclenché par la création du MSU, dont on a vu qu’il n’était qu’à ses débuts, sera incontestablement renforcé par la création du MRU. C’est aussi un des effets essentiels d’un dispositif intégré que de produire une intégration du marché lui-même.

Les auteurs du règlement MRU ne l’ont pas négligé : « Tant que les réglementations et les pratiques en matière de résolution, ainsi que les modalités de partage des charges, ne dépasseront pas le niveau national et que les ressources financières nécessaires au financement des procédures de résolution seront collectés et dépensés au niveau national, le marché intérieur restera fragmenté. En outre, les autorités de surveillance nationales sont fortement incitées à limiter l’impact potentiel des crises bancaires sur leur économie nationale en prenant des mesures unilatérales de cantonnement des activités bancaires, consistant par exemple à limiter les transferts ou les prêts intragroupe ou, lorsque des entreprises mères présentent un risque de défaillance, à imposer aux filiales qui se trouvent sur leur territoire des exigences de liquidité et de fonds propres plus importantes. Cette situation restreint les activités transfrontalières des banques, crée des obstacles à l’exercice des libertés fondamentales et fausse la concurrence dans le marché intérieur » (neuvième considérant).

2. Les principes généraux de la résolution unique

La création du Mécanisme de résolution unique se traduit par la création d’une nouvelle agence européenne, le Conseil de résolution unique (CRU) et la mise en place d’un Fonds de résolution unique détenu par ce Conseil. Le niveau cible du Fonds est fixé à 1 % du total des dépôts couverts des entités agréées dans l’Union bancaire, ce montant étant perçus auprès des établissements bancaires. Le règlement MRU ente en vigueur en eux temps : les dispositions préventives sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015, les dispositions curatives entreront en vigueur le 1er janvier 2016. Le CRU n’est donc à ce jour doté que d’une partie de ses pouvoirs, concernant notamment l’élaboration des plans de résolution et disposera à compter de l’année prochaine des compétences qui lui sont conférées pour adopter et mettre en œuvre des mesures de résolution. Ces mesures s’appuient sur les principes déjà définis par la directive BRR.

L’article 15 du règlement MRU établit les principes généraux d’une résolution : les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes, puis les créanciers en fonction de l’ordre de priorité des créances. Plus précisément, le coût de la résolution de la banque en difficulté est d’abord supporté, dans l’ordre :

– par les actions et autres instruments de fonds propres ;

– intervient ensuite le renflouement interne (bail-in), c’est-à-dire l’appel aux créanciers : la dette subordonnée puis la dette ordinaire ou « senior » ;

– enfin les dépôts au-dessus des 100 000 euros garantis ;

– si ce renflouement interne est insuffisant, alors le Conseil de résolution peut décider l’intervention du Fonds de résolution unique.

Comme le souhaita la France et l’ont acté l’Eurogroupe et le Conseil européen le 18 décembre 2013, le MRU aura compétence :

– sur toutes les banques sous supervision directe du MSU, c’est-à-dire les groupes qui sont considérés comme importants conformément à l’article 6 du règlement MSU (10 groupes en France) et ceux pour lesquels la BCE a décidé d’exercer directement la supervision ;

– sur les autres banques transfrontalières ; les groupes transfrontaliers étant les groupes comprenant des entités (établissements de crédit, entreprise-mère, compagnies financières holding, compagnies financières holding mixtes, entreprises d’investissement et établissements financiers) établies dans plus d’un Etat membre participant ;

– enfin, toute procédure de résolution faisant appel aux ressources du fonds de résolution unique devra être approuvée par le Conseil de résolution unique (y compris pour des banques de petite taille non directement supervisées par la BCE).

Au-delà, les Etats qui le souhaitent peuvent décider de placer l’entièreté de leur secteur bancaire dans le MRU.

Les accidents bancaires affectent souvent des établissements de taille moyenne et il aurait été inepte de ne faire entrer dans le MRU que les banques sous supervision directe du MSU. La France a eu satisfaction sur ce point avec une compétence générale du MRU. En outre, pour garantir que des petites banques supervisées au niveau national n’échappent pas au mécanisme de résolution commun, le Conseil de résolution unique pourra émettre des alertes à l’encontre d’une banque de petite taille en difficulté.

Pour la France, la liste des établissements soumis à l’autorité du CRU n’est pas fixée : y figureront les dix établissements d’importance dans le champ du MSU (BNP Paribas, Société Générale, Groupe Crédit Agricole, Groupe BPCE, Groupe Crédit Mutuel, La Banque Postale, HSBC France, BPI France, Société de Financement Local, C.R.H.) et les groupes transfrontaliers qui ne sont pas soumis à la supervision directe de la BCE en application du règlement MSU mais qui seront soumis à l’autorité du CRU en matière de résolution dont l’identification est en cours.

L’ordonnance autorisée par la loi DDAUE adaptant les dispositions du code monétaire et financier aux dispositions du règlement MRU portera principalement sur les compétences de l’ACPR pour les établissements qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil de résolution unique (agence européenne créée par le règlement MRU), à savoir les entreprises d’investissement ne faisant pas partie d’un groupe bancaire et les succursales des pays de l’UE non membre de l’Union bancaire. On rappellera que les établissements monégasques et les établissements des pays et territoires d’outre-mer ne sont pas couverts par le MSU et le MRU et demeureront donc sous la surveillance de l’ACPR.

L’ordonnance portera aussi sur des missions spécifiques de l’ACPR pour les établissements couverts par le MRU, comme la validation des plans de rétablissement (mission confiée à l’autorité de supervision nationale). Les dispositions du code monétaire et financier seront adaptées pour prévoir les modalités de la coopération de l’ACPR avec le CRU, notamment en matière d’échange d’informations, de planification de la résolution, d’évaluation de la résolvabilité des établissements bancaires et d’adoption de mesures de résolution.

L’ordonnance prévoira également les modalités de transfert par l’ACPR des contributions prélevées auprès des établissements de crédit français au Fonds de résolution unique.

3. La gouvernance et le processus de décision

Le MRU est structuré autour d’une institution nouvelle, le Conseil de résolution unique (CRU) doté d’un Fonds de résolution unique (FRU) alimenté par les contributions des banques. Pour mémoire, le MRU est entré en vigueur le 1er janvier 2015, mais ce n’est qu’en janvier 2016 que le Conseil de résolution unique exercera le droit exclusif d’adopter ou non les plans de résolution et de décider de leur mise en œuvre.

Ce Conseil est composé, autour d’un président, d’un vice-président, de quatre membres permanents et de l’ensemble des représentants des autorités de résolution nationales. L’Allemande Elke König, jusqu’alors chef de l’autorité de supervision allemande, en a été nommée présidente pour trois ans par le Conseil des ministres de l’Union le 19 décembre 2014, après un vote favorable du Parlement européen. Elle sera secondée par Timo Löyttyniemi, directeur du fonds de pension national finlandais. Quatre autres membres compléteront l’équipe dirigeante : l’Italien Mauro Grande, dirigera la stratégie et la coordination; la Néerlandaise Joanne Kellermann, l’Espagnol Antonio Carrascosa et le Français Dominique Laboureix conduiront la préparation des résolutions. Fin 2017, les effectifs devraient compter quelque 250 personnes dans les différents domaines : service financier, droit bancaire, analyse de résolvabilité, administration, budget, communication et ressources humaines.

Le CRU jouit des prérogatives de l’autorité de résolution telles que définies par la directive BRR : contrôle des plans de redressement et de résolution, intervention précoce, décisions de résolution, etc.

Le MRU a failli être une terrible usine à gaz. L’eurodéputé allemand Sven Giegold avait produit un croquis humoristique, ci-après reproduit dont le but était d’alerter sur l’excessive complexité du dispositif initialement proposé.

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Après des négociations difficiles, un compromis a été trouvé permettant d’aboutir à un processus de gouvernance et de décision efficace. Il demeure complexe car il s’agit de respecter les contraintes juridiques et la complexité est toujours le prix du compromis.

La résolution d’un établissement de crédit proprement dite, sous le régime de résolution unique, fait entrer plusieurs institutions en jeu :

– la Banque centrale européenne, qui, en tant que superviseur, constate qu’est remplie la première condition de l’entrée en résolution, à savoir que l’établissement est en défaut de paiement ou susceptible de l’être à court terme ;

– le Conseil de résolution unique, qui fournit à la Banque centrale les éléments lui permettant de prendre cette décision et qui peut lui-même déclarer l’établissement en résolution si la Banque centrale ne réagit pas ; le Conseil de résolution est également responsable de la définition du programme de résolution de l’établissement ;

– la Commission européenne, qui doit approuver (le cas échéant de façon tacite) ou objecter (avec propositions de modifications) le projet d’entrée en résolution et qui peut, par ailleurs, proposer au Conseil d’objecter à l’entrée en résolution (ou, secondairement, au montant prévu d’utilisation du fonds) ;

– les autorités nationales de résolution, qui participent au sein du Conseil de résolution unique à l’élaboration des mesures de résolution et qui, surtout, sont chargées de leur mise en œuvre.

Les règles essentielles de décision figurant aux articles 18, 52 et 55 du règlement MRU permettent in fine de conclure à un mécanisme complexe mais équilibré et qui permettra d’intervenir en urgence. La procédure prévoit notamment un mécanisme d’approbation par défaut (« silent procedure »). L’ensemble des procédures de consultation et objection au projet de résolution doit avoir lieu en 32 heures (délais entre la fermeture des marchés aux États-Unis le vendredi et leur réouverture le lundi en Asie), de manière à permettre que l’entrée en résolution puisse être engagée définitivement au cours d’un week-end.

Quelles sont ces procédures ? Le schéma suivant les résume. La détermination de la bonne gouvernance a en réalité été contrainte par la jurisprudence Meroni qui obligeait à placer le Conseil de résolution sous une autorité. C’est finalement la Commission qui le chapeautera, mais de telle sorte que les droit du Conseil sont préservés. Si le système paraît compliqué, il pousse bien au respect de la décision du Conseil en situation d’urgence.

Processus de décision

Source : Commission des finances du Sénat

La gouvernance du mécanisme revient ainsi surtout au Conseil de résolution unique et à la Commission, sans toutefois déposséder le Conseil de son pouvoir d’objecter en dernier ressort aux décisions de résolution : la Commission devra endosser ou rejeter les propositions élaborées par le Conseil de résolution unique. Dans ce dernier cas, la Commission pourra proposer au Conseil, dans un délai de 12 heures, de rejeter le plan de résolution si celui-ci ne remplit pas le critère d’intérêt général, ou si elle souhaite modifier de plus de 5 % le montant des ressources prélevées dans le fonds de résolution unique. Le plan de résolution entrera en vigueur, sauf si une objection a été exprimée par le Conseil ou la Commission dans un délai de 24 heures après son adoption. Si la proposition est rejetée par le Conseil ou la Commission, le Conseil de résolution devra l’amender dans un délai de 8h, en tenant compte des réserves exprimées par la Commission ou le Conseil.

Le déclenchement des procédures de résolution laissera aussi une place prépondérante à la BCE : celle-ci sera responsable de déclencher les procédures. Toutefois, la session exécutive du Conseil de résolution unique aura également le pouvoir de demander la résolution d’une banque en difficulté, sauf si la BCE s’y oppose dans un délai de trois jours. La coopération entre la BCE superviseur et le Conseil de résolution unique consistera dans l’échange de données, car le but n’est pas de dupliquer les tâches, au risque de jugements différents à termes.

Enfin, le Conseil de résolution unique se réunit dans deux formats distincts :

– la session exécutive rassemble le président, le vice-président, les membres permanents et les autorités nationales concernées par l’établissement en difficulté ;

– la session plénière rassemble l’ensemble des membres du conseil de résolution unique et des règles de majorité spécifiques s’appliquent pour mieux représenter les États membres représentant un montant important des contributions

Au sein du conseil de résolution, c’est la formation restreinte, composée de cinq membres permanents et la Commission et la BCE en qualité d’observateurs, qui sera la principale formation décisionnaire, la formation plénière intervenant dans des cas, là aussi circonscrits, de mise en œuvre du fonds unique. Toute décision impliquant une utilisation des ressources du fonds au-delà de 5 milliards d’euros devra être approuvée par la formation plénière. La décision de mise en résolution reviendra à la BCE. Le conseil restreint de résolution pourra aussi le faire en cas de saisine par le board plénier et d’inaction de la BCE après trois jours.

4. Les États participants : la question des pays non membres de la zone euro

La question de l’égalité de traitement, c’est-à-dire de la situation des États non membres de la zone euro, a énormément mobilisé les techniciens et négociateurs. On mesure mal en France à quel point ces discussions ont souvent éclipsé des sujets majeurs comme les filets de sécurité.

La création du mécanisme de résolution unique a pu s’appuyer sur le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Son article 127-6 autorise en effet le Conseil, « statuant par voie de règlements [...], à confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances ». L’existence de cette base légale fut un élément essentiel dans le processus. Toutefois, le traité consacre aussi le rôle unique de la BCE et l’autorité du Conseil des gouverneurs et du directoire. Cela ne va pas sans poser problème pour établir une union bancaire avec des pays qui ne sont pas membres de la zone euro.

Le MRU a contourné cette difficulté par la création du Conseil de résolution unique et d’une autorité de médiation en cas de désaccord. Il y a donc des solutions dans un système de fait contrôlé par les gouverneurs de la zone euro.

En revanche, la question des mécanismes de soutien de la zone euro pour un État hors zone n’est pas réglée. C’est l’obstacle principal pour la participation du Danemark, candidat « naturel » à l’union bancaire. Le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui intervient en prêt ou désormais en participation directe, ne peut être activé pour le Danemark. Utiliserait-on en cas de crise dans ce pays le budget européen ? Grefferait-t-on un mécanisme sur le MES ce qui supposerait de lever l’hypothèque allemande (dès lors qu’il y un transfert budgétaire, une question constitutionnelle s’y pose et pour mémoire, la prolongation d’un mois du programme grec passe en plénière du Bundestag) ? Comment penser une coopération rapprochée dans une union différenciée ?

Au final, la question est : quel degré de soutien budgétaire est-on prêt à assurer dans une union bancaire ? Le problème posé par la participation des États hors zone euro impose de trancher cette question éminemment politique. L’on sait la réticence notamment en Allemagne à « payer pour les autres ». La revue des actifs a montré cependant que les banques allemandes ne présentaient pas les meilleurs bilans (de moins bonne qualité que ceux des banques françaises).

Par ailleurs, peut-on imaginer que coexisteront à terme un marché financier à 28 et une union bancaire intégrée plus restreinte ? Les Britanniques ont laissé faire, tout en se protégeant notamment par la révision des règles de décision au sein de l’ABE. Votre Rapporteure fait partie de ceux qui considèrent que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne serait une perte immense et un contre-sens. Il convient donc de faire émerger des solutions pour concilier le marché unique et l’union bancaire tant que le débat n’est pas clos à Londres sur la participation du pays à l’Union. Ce n’est pas simple et parfois difficile à justifier. En revanche, si le Royaume-Uni devait choisir de sortir, sans doute faudrait-il ne plus avoir d’états d’âme et faire primer la zone euro.

D. LES MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR ASSURER LE BON FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE

Les gouvernements européens ont créé des dispositifs de secours, conduit des réformes d’assainissement de leurs finances publiques, établi des règles pour assainir et renforcer les établissements de crédit et jeté les bases d’une union bancaire. En quelques années, l’architecture de l’euro en particulier a été profondément transformée. Ces réformes sont-elles suffisantes pour redonner confiance dans l’Union économique et monétaire ? La crise de l’euro est-elle derrière nous ?

Il va de soi que d’autres mesures sont indispensables : celles qui assurent un financement efficient des acteurs économiques et créent les conditions de la croissance. Il s’agit d’une politique monétaire active, d’un renforcement du rôle du marché et, naturellement de politiques d’investissements efficaces. La combinaison de ces leviers permet de soutenir l’offre de financement, comme la demande et de reconnecter l’économie réelle et la finance. Pourra-t-on relever ensemble ces défis économiques sans mettre en place une véritable coordination macro-économique, qui implique une dimension sociale et fiscale et la création d’une union budgétaire ? C’est fort peu probable.

1. L’action décisive de la Banque centrale européenne

La Banque centrale européenne a conduit une politique très offensive face à la crise de la zone euro, notamment en jouant sur les taux d’intérêt et le refinancement. Depuis l’arrivée de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne début novembre 2011, l’institution a enrichi ses instruments d’intervention sur les marchés, renforçant ainsi l’usage de mesures non conventionnelles. La gamme des actifs éligibles aux opérations de refinancement a été élargie, la durée maximum de ces opérations a été portée à 3 ans, les montants alloués ont atteint des niveaux record, le taux de refinancement a été ramené à 1 %, 0,75 % puis 0,5 % début mai 2013 et le taux de la facilité de dépôt a été fixé à 0 % dès juillet 2012. Le 5 juin 2014, la BCE a annoncé une baisse de ses taux d’intérêt directeurs, faisant notamment passer celui des dépôts en territoire négatif. Cette baisse s’inscrit dans une perspective de long terme pour faire baisser l’euro et soutenir les entreprises exportatrices et les prêts à l’économie, en accusant une divergence avec les banques centrales américaines et britanniques.

La BCE a également lancé deux grandes vagues de refinancement des banques (TLTRO), opération initiée en septembre 2014 avec un deuxième volet en décembre 2014. Le 22 janvier 2015, le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’ajuster à la baisse le taux d’intérêt des opérations de refinancement à long terme pour l’aligner sur le principal taux de refinancement de la BCE (0,05 %), afin d’encourager les banques à prêter davantage.

Toujours pour relancer le crédit à l’économie réelle, la BCE a commencé à acheter des obligations sécurisées (covered bonds) et des crédits titrisés (ABS) en octobre 2014. Cette titrisation ne fait pas l’unanimité, notamment en Allemagne. L’idée est de créer des « paquets » de crédits de PME (appelés Asset backed Securities ou ABS) avec des risques différents et de pouvoir ensuite déposer ces titres auprès de la BCE comme collatéral. Les banques peuvent ainsi obtenir de la liquidité moyennant des crédits accordés aux PME. Elles seraient logiquement incitées à prêter, d’autant qu’elles transmettraient le risque au porteur du titre.

La BCE n’a pas non plus hésité à créer des programmes de rachat de dette souveraine sur le marché secondaire. Fin juillet 2012, Mario Draghi affirmait que la BCE était « prête à faire tout ce qu’il faudra pour préserver l’euro », dans le cadre de son mandat. L’institut d’émission de la zone euro s’était alors engagé à soutenir les emprunts d’Etat sous pression, mais avait prévenu qu’il se concentrerait sur la dette à court terme. C’est en application de cette approche que la politique monétaire de la BCE a pris un virage historique le 6 septembre 2012 lorsque son président a annoncé le lancement d’un nouveau programme de rachats d’obligations souveraines sur le marché secondaire, potentiellement illimité et destiné à réduire la flambée des coûts de financement de certains pays membre de la zone, ceux bénéficiant d’une aide du Mécanisme européen de stabilité.

La Cour de Karlsruhe, saisie de la légalité de ce programme, a interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne sur la légalité du programme et sa conformité au mandat de la BCE. Elle demande notamment si le programme OMT constitue une mesure non conventionnelle de politique monétaire comme l’avance la BCE ou une mesure de politique économique qui ne relève pas de son mandat et si le programme respecte l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdisant le financement monétaire direct des Etats membres.

Le 14 janvier 2015, l’avocat général auprès de la CJUE, Pedro Cruz Villaon, a conclu que le programme OMT est « en principe » compatible avec le TFUE. Dans les mois qui viennent, la CJUE rendra sa décision, à la suite de quoi la Cour de Karlsruhe se prononcera également sur la compatibilité à la constitution allemande du programme OMT.

LE PROGRAMME OMT : JAMAIS UTILISÉ MAIS AU CENTRE DE TOUTES LES ATTENTIONS

Le dispositif, baptisé Outright monetary transactions – OMT (acronyme aussi d’opérations monétaires sur titres), se substitue au SMP (Securities markets program, programme d’achats d’obligations souveraines sur le marché secondaire). Il est ciblé sur les titres d’Etat à moins de trois ans d’échéance. En cas de défaut d’un pays aidé, la BCE renonce à son statut de créancier privilégié sur les titres obligataires acquis. Ce programme est soumis à plusieurs conditions. D’une part, l’aide de la BCE est conditionnée à l’intervention du Mécanisme européen de stabilité (et antérieurement du Fonds européen de stabilité financière), qui lui intervient sur le marché primaire. Ensuite, les achats de dettes peuvent être interrompus si les pays bénéficiaires ne se conforment pas au programme d’ajustement. Enfin ces rachats d’obligations sont « stérilisés » afin d’éviter toute création de monnaie en liaison avec les rachats. Ce nouveau programme n’a pas encore été utilisé.

Lors des délibérations du conseil des gouverneurs, la Bundesbank a émis un vote négatif sur la création de ce programme. Le 21 décembre 2012, elle a envoyé une analyse à la Cour de Karlsruhe assimilant l’OMT et le mécanisme d’aide d’urgence à la liquidité (ELA), à des aides aux Etats membres (position destinée au tribunal administratif de Karlsruhe et publiée par le Handelsblatt).

Dans un rapport rendu public en juin 2013 par la Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’ancien juge constitutionnel allemand Udo di Fabio a mis en garde sans ménagement Mario Draghi en indiquant que si la BCE passe outre son mandat, autrement dit ignore les traités, la Cour de Karlsruhe devra « exiger le retrait de l’union monétaire ou l’annulation des traités. ». La Bundesbank tente ainsi de convaincre Karlsruhe de poser des limites à l’action de la BCE, comme elle a posé des limites au gouvernement fédéral en matière de négociation de traités portant sur des politiques européennes.

La Cour de Karlsruhe a interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne sur la légalité du programme et sa conformité au mandat de la BCE. le 14 janvier 2015, l’avocat général auprès de la CJUE, Pedro Cruz Villaon, a conclu que le programme OMT est « en principe » compatible avec le TFUE. En prémisses à ses conclusions, l’avocat général estime que la BCE doit avoir une marge d’appréciation dans la conception et l’exécution de la politique monétaire. Il conclut que le programme est adéquat, nécessaire et proportionné aux objectifs poursuivis, sous les conditions suivantes :

- l’absence de participation directe de la BCE au programme d’assistance financière en faveur de l’Etat concerné, à défaut de quoi il s’agirait d’une mesure de politique économique ;

- la motivation de façon adéquate de l’application du programme en détaillant les circonstances extraordinaires qui la justifient, aussi bien dans l’acte juridique mettant en forme le programme que dans son application. La présentation par voie de communiqué de presse en 2012 ne respectait pas ces conditions.

Plus précisément, s’agissant de la nature de la mesure, l’avocat général conclut qu’il s’agit bien d’une mesure non conventionnelle de politique monétaire dans la mesure où les objectifs poursuivis sont légitimes et compatibles avec cette politique. Le programme est adéquat pour obtenir une réduction des taux d’intérêt sur la dette souveraine, nécessaire et proportionné puisque la BCE n’assume pas un risque qui l’expose nécessairement à un risque d’insolvabilité.

S’agissant de la compatibilité à l’article 123 du TFUE, l’avocat général relève que cet article n’interdit pas à la BCE d’intervenir sur le marché secondaire, mais exige qu’elle le fasse en conciliant son intervention avec l’interdiction de financement monétaire. La BCE devra donc intervenir avec prudence pour ne pas inciter les investisseurs à effectuer des achats spéculatifs de titres de dette sur le marché primaire. Elle devra aussi mettre en œuvre le programme en respectant une temporalité qui permette la formation d’un prix de marché pour les titres concernés (un temps trop court entre l’émission sur le marché primaire et l’achat sur le marché secondaire pourrait faire disparaître la distinction entre les deux marchés).

Lors de la conférence de presse du 4 décembre 2014, il était apparu assez clairement que Mario Draghi songeait de plus en plus à mettre en place une politique d’assouplissement quantitatif à l’échelle européenne, aussi appelé Quantitative Easing (QE). L’assouplissement quantitatif consiste généralement en une expansion du bilan de la banque centrale au travers de l’acquisition d’actifs. Les achats de bons du Trésor ainsi que d’autres titres financiers par la Banque Centrale mettent ainsi de l’argent en circulation dans l’économie et augmentent les réserves du secteur bancaire, permettant de relancer le crédit et d’éviter la déflation. Les achats d’actifs permettent aussi de reprendre le contrôle de la liquidité des fonds injectés. Un bilan réduit est perçu de manière négative par le marché, le rétrécissement étant ressenti comme un durcissement de la politique monétaire. Les programmes ABS et covered bonds, même s’ils sont utiles, ne peuvent pas être massifs. Pour donner un signal sur l’augmentation du bilan de la BCE, il faudrait acheter des obligations d’État.

Sans doute confortée par les conclusions de l’avocat général dans l’affaire des OMT (qui ne sont pas du QE puisque le rachat illimité d’obligations souveraines serait « stérilisé », autrement dit compensé par des ponctions de liquidités), la BCE a annoncé le 22 janvier 2015 le lancement d’un programme d’assouplissement quantitatif de plus de 1 100 milliards d’euros. Ce nouveau programme devrait ainsi l’amener à racheter de l’ordre de 60 milliards d’euros de titres publics et privés par mois jusqu’à septembre 2016 au moins (60 milliards d’euros sur 19 mois). La BCE marque ainsi sa volonté de soutenir le niveau des prix dans la zone euro, en agissant à la fois sur les liquidités bancaires (pour relancer le crédit bancaire) et sur les anticipations d’inflation. De façon pratique, la BCE a commencé ses achats le 9 mars 2015. La mise en œuvre de ce programme est déléguée aux banques centrales nationales, mais sous coordination de la BCE. Deux semaines après le lancement du programme, la BCE avait déjà racheté pour 26,3 milliards d’euros de titres souverains (données publiées le 23 mars 2015).

Au-delà de l’hypothèque juridique, l’efficacité du QE est questionnée dès lors que le vrai problème est aujourd’hui de redonner de l’oxygène à des économies qui sont de plus en plus menacées d’asphyxie par la faible inflation ou l’inflation négative. Il faut veiller à ce que les anticipations à moyen terme reflètent la confiance dans un taux d’inflation à 2  % et ne décrochent. Le taux d’inflation a fortement ralenti, reculant même en décembre 2014 (-0,2 %). Cette baisse, liée en particulier à la chute des prix de l’énergie, devrait perdurer dans les mois à venir. La BCE estime que les mesures annoncées le 22 janvier devraient permettre un regain progressif de l’inflation en 2015 et 2016.

Les annonces de la BCE sont donc bienvenues, dans le contexte macroéconomique actuel. Elles permettent d’envoyer un signal positif très clair aux marchés et aux investisseurs. Cela s’est d’ailleurs traduit immédiatement sur les marchés avec des taux souverains qui ont atteint des niveaux historiquement bas dans plusieurs pays.

Plusieurs points positifs spécifiques sont à relever :

– l’ampleur du programme, bien au-delà des chiffres jusqu’ici annoncés par les analystes qui anticipaient un programme de l’ordre de 500 milliards d’euros ;

– la durée du programme : l’intention, clairement affichée, de la BCE est de poursuivre ce programme jusqu’à ce que le taux d’inflation ait été durablement réajusté pour se rapprocher de l’objectif proche mais inférieur à 2 % à moyen terme ;

– la nature des rachats d’actifs qui comprend cette fois explicitement des titres de dette publique d’une maturité de 2 à 30 ans (selon les estimations, la BCE pourrait racheter jusqu’à 900 mds€ d’obligations d’Etats et des organismes financiers européens, et 240 mds€ de titres privés) contrairement aux programmes antérieurs qui concernaient en priorité les titres privés et ne visaient les titres publics que de manière limitée. Ainsi, le « securities markets programme » (SMP) n’a pas dépassé les 144 milliards d’euros de rachat de dettes publiques.

La mise en œuvre de ce programme est assortie de limites et conditions très claires :

– la BCE a ainsi indiqué que seuls 20 % des nouveaux rachats d’actifs bénéficieraient d’une mutualisation des risques. Cela signifie, en d’autres termes, que les banques centrales nationales porteront l’essentiel du risque lié aux pertes en cas de défaut ou de restructuration de leur dette nationale. Certaines réactions ont ainsi été négatives à l’égard de ce qui est parfois jugé comme une insuffisante mutualisation voire une « renationalisation » de la politique monétaire. Cela étant, cette condition reflète un compromis politique au sein du conseil des gouverneurs, en vue, en particulier, de tenir compte des pressions de la banque centrale allemande pour limiter l’exposition commune au risque souverain. Cette formule prudente est sans doute aussi liée à l’affaire pendante devant la CJUE, suite à la question préjudicielle de Karlsruhe, en dépit de l’orientation encourageante de son avocat général ;

– en outre, le programme de la BCE est entouré de stricts garde-fous : Mario Draghi a ainsi indiqué que la BCE ne rachèterait pas plus d’un tiers de la dette par émetteur et 25 % par émission ;

– par ailleurs, les critères d’éligibilité prévoient que seuls les titres de dette qui ont une notation financière comprise entre AAA et BBB- pourraient bénéficier du programme de rachats, sauf à être engagé dans un programme d’assistance financière. En pratique, cela signifie que la Grèce, dont la notation est inférieure à la fourchette mentionnée, ne pourrait bénéficier dans les mois à venir du programme de la BCE que pour autant que serait reconduit son programme d’assistance financière.

2. Le financement bancaire et non bancaire des acteurs économiques

Nous avons assisté à un tsunami règlementaire sans précédent, particulièrement en Europe. Quel en est l’impact sur le financement de l’économie en Europe ? L’amélioration des fonds propres permet de prendre plus de risque. Mais le renforcement des exigences prudentielles pèse a contrario sur la capacité de financement des établissements de crédit.

En outre, il n’y a pas de réponse unique puisque les pays européens ne sont pas dans la même situation, à la fois pour des raisons de structure de leur économie et d’état de leur système bancaire. La zone euro n’est ni une zone monétaire optimale, ni un marché bancaire unique. Si l’on élargit le propos à toute l’Union européenne, c’est encore plus compliqué. Au sein de la zone euro, les réformes comme la politique de la BCE n’ont pas le même impact. Dans certains pays comme l’Espagne, les créances douteuses, consécutives à la crise, doivent être apurées, ce qui pèse sur le financement de l’économie pour plusieurs années. L’Italie a un secteur bancaire en situation délicate. La France n’est pas dans cette situation.

En France, il n’existe pas de difficulté particulière de financement, contrairement à l’Espagne, mais la reprise reste timide. Seules 20 % des PME françaises ont demandé un crédit d’investissement au deuxième trimestre 2014 ; 9 demandes sur 10 sont acceptées. En 2014, 3 565 entreprises ont saisi le Médiateur du crédit, un chiffre en recul de 16 % par rapport à 2013. D’après Fabrice Pesin, directeur de l’Institution, au quatrième trimestre 2014, 93 % des PME qui avaient demandé un crédit d’investissement l’ont obtenu en totalité ou en grande partie, c’est un taux historiquement élevé. Cette amélioration s’explique notamment par la politique de soutien de la Banque centrale européenne (BCE). Les taux d’obtention de prêts sont aujourd’hui en France supérieurs à ceux de la majorité des pays de la zone euro et, notamment, pour la première fois, de l’Allemagne. Il y a un problème de demande et non d’offre, même si la situation des PME s’est améliorée en 2014, avec une augmentation de 1,7 % de leurs crédits. Ce n’est donc pas la titrisation qui va aider à redémarrer l’économie française et il ne faut pas s’illusionner ; elle pourra en revanche s’avérer très utile après la reprise et l’est clairement pour les États confrontés à un problème d’offre.

LE FINANCEMENT DES PME ET TPE PAR LES BANQUES FRANÇAISES

Source : Fiche Financement des TPE/PME de la Fédération bancaire française du 9 mars 2015

Dans certains pays, la réponse est bancaire, dans d’autres non, certains outils fonctionnent ou non. L’Europe, nous le savons, présente une spécificité qui est le très fort taux de financement intermédié de l’économie, de l’ordre de 70 %. Il faut donc composer avec cette situation en soutenant l’offre de crédit, mais aussi en développant des outils et le recours au marché.

L’intérêt marqué de la Commission européenne, de la BCE et des pouvoirs publics français pour soutenir le développement d’une titrisation sûre et transparente, ouvre de nouvelles perspectives. En effet, si l’on veut libérer de la place dans les bilans pour financer les PME, cela passe par la titrisation de créances PME et immobilières pour avoir une masse critique. La titrisation est une bonne mesure pour les entreprises qui ont du mal à se financer ou qui investissent.

Le Commissaire aux Services financiers, Jonathan Hill, a engagé le débat sur les contours à donner à l’union des marchés de capitaux (UMC) mercredi 18 février 2015. Cette initiative à l’échelle de l’UE, dont la mise en place prendra tout le mandat de la Commission Juncker, vise à réduire le poids de l’intermédiation bancaire dans le financement de l’économie. En présentant plusieurs documents de consultation dont un Livre vert de cadrage, la Commission européenne souhaite identifier les actions à entreprendre afin d’atteindre les objectifs suivants : améliorer l’accès au financement des entreprises ; accroître et diversifier les sources d’investissement provenant d’investisseurs dans l’UE et le monde entier ; rendre le fonctionnement des marchés plus efficient de façon à rapprocher investisseurs et opérateurs économiques à la recherche de financement sur des bases nationale et transfrontalière.

Seront d’abord mis en avant les projets les plus mûrs, tels que la revitalisation du marché des produits financiers titrisés de haute qualité. La Commission constate que l’émission de produits titrisés atteignait 180 milliards d’euros en 2013 dans l’UE, loin du niveau de 594 milliards constaté en 2007. Malgré certaines résistances ou recommandations appuyées portant sur les critères déterminant une titrisation de bonne qualité, il apparaît qu’une initiative à l’échelle européenne serait de nature à améliorer « la transparence, la cohérence et la disponibilité d’informations clés, particulièrement dans le domaine des prêts aux PME ». Cette question fera l’objet d’une consultation spécifique sur les mesures possibles à prendre, sachant que le Conseil Ecofin a demandé à la Commission de faire des propositions concrètes cet été.

Une autre action qui sera entreprise à court terme concerne l’essor des marchés de placements privés, par le biais desquels une société propose l’achat d’actions à des investisseurs isolés ou en groupe mais pas en bourse. Agir de la sorte peut aider à élargir, à coût réduit, la base d’investisseurs pour les PME ou les sociétés moyennes non cotées. Les entreprises européennes se tournent largement vers les marchés américains (15,3 milliards d’euros levés en 2013). L’appétit pour cette source de financement allant croissant en Europe, certains pays comme l’Allemagne et la France se sont dotés de cadres réglementaires qui posent la question d’une harmonisation au niveau européen.

Par ailleurs, le coût des dettes titrisées est élevé depuis la crise financière, même si le sous-jacent est « sûr » car le régulateur pénalise la volatilité du marché. Il faudrait recalculer le taux de volatilité du marché. Par ailleurs, cela ne fonctionnera que s’il existe une notation fiable des PME comme le fait la Banque de France qui considère comme de très bonne qualité (équivalent AA) environ 100 000 PME sur les 250 000 qu’elle analyse. La Commission européenne aimerait également que le chantier de l’UMC aborde la question du reporting en matière de crédits octroyés aux PME. Une information continue et standardisée sur la qualité de crédit pourrait contribuer à l’essor d’instruments financiers de refinancement des prêts aux PME, tels que la titrisation. En Europe 25 % des entreprises et 75 % de celles gérées par leurs propriétaires n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation de leur capacité à rembourser un emprunt.

3. Renouer avec des politiques d’investissement et une ambition européenne

La BCE exprime des inquiétudes fortes sur la zone euro, sa croissance et son taux de chômage. Le discours de Jackson Hole en août 2014 marque sans doute une nouvelle date clé dans le mandat de Mario Draghi. La politique très accommodante de la BCE n’a pas permis de compenser les effets négatifs des politiques déflationnistes. Le Président de la BCE en dresse le constat et appelle à un plus grand rôle de la politique budgétaire aux côtés de la politique monétaire, estimant que la flexibilité existante du pacte de stabilité doit être utilisée pour mieux faire face à la reprise faible et aux coûts des réformes structurelles.

Il insiste également sur une meilleure coordination des politiques budgétaires et soutient le plan d’investissements du Président de la Commission européenne Jean-Claude Junker. Si la BCE a poursuivi sa politique monétaire offensive et pourrait encore prendre de nouvelles initiatives, celle-ci ne peut pas tout faire face à l’urgence macro-économique, même si l’effet des mesures est positif. En présentant le programme de QE, Mario Draghi a à nouveau rappelé que la politique monétaire ne suffisait pas pour relancer la croissance et que d’autres mesures étaient nécessaires.

Il est évident que la seule arme que la BCE avait encore en réserve était celle du rachat de dette souveraine. L’efficacité de cette arme suppose qu’elle soit acceptée par tous les pays. Or, cette décision a été vivement commentée notamment en Allemagne. Ainsi le journal Die Welt a titré « La BCE inonde l’Europe avec plus de mille milliards d’euros » ; la Frankfurter Allgemeine Zeitung a condamné ce qui, « économiquement sinon juridiquement, reste un financement monétaire des Etats » (« l’organisme le plus puissant de l’Europe enterre les principes mêmes de l’union monétaire ») et la quasi-totalité des éditorialistes a estimé que ce programme, loin de relancer la conjoncture, aurait pour seul effet de freiner les efforts de réforme des pays en crise du sud de l’Europe. Le risque d’une bulle sur le prix des actifs, dû à une injection de liquidités massive de la part de la BCE, a été parfois également évoqué en Allemagne. Depuis Davos, la Chancelière allemande a rappelé que ces annonces ne devaient pas « nous faire dévier du chemin des réformes ».

Dans ce contexte, on comprend l’importance des garanties qu’un pays comme la France peut donner sur sa trajectoire budgétaire. La trajectoire française est sans nul doute une des clés de l’amélioration des économies de la zone euro. La France a obtenu un délai supplémentaire de la part de la Commission européenne pour ramener son déficit sous la barre des 3 %, l’échéance étant reportée à 2017. Elle se doit d’être à la hauteur.

Par ailleurs, une capacité d’investissements doit être reconstituée là où les États ne sont plus en mesure de jouer, tout du moins seuls, ce rôle. La pusillanimité de la BEI a été très critiquée, comme si elle était plus préoccupée par sa notation que par sa mission. Or, les conditions de la reprise sont enfin réunies, facilitées par la baisse des prix de l’énergie, la baisse de l’euro, une demande extérieure plus soutenue et une politique monétaire accommodante. Les prévisions de croissance de la BCE ont été réévaluées pour 2015 et 2016, respectivement à 0,5 % et 0,4 %. Un plan d’investissements a donc toutes les chances d’accélérer la reprise créant une demande. Pour investir, il faut des marges et une certaine confiance dans les perspectives économiques, ce qui impose d’activer les bons leviers, comme les garanties et les banques d’investissements, autant que de rassurer sur le sérieux des réformes engagées en faveur de la compétitivité.

La France a démontré avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) que des mesures de soutien budgétaire pouvaient contribuer à la relance, de même que l’intervention publique. La montée en puissance du CICE a soulagé la trésorerie de certaines sociétés en difficulté et Bpifrance a joué un rôle déterminant en accordant à plus de 21 000 entreprises le préfinancement du CICE en 2014. Derrière la crise de l’euro, il existe une crise de l’investissement dans l’UEM. La crise financière aurait entraîné une chute de 15 % des investissements en volume, soit un chiffre deux fois plus important qu’aux États-Unis et au Japon. D’après l’institut allemand pour la recherche économique (DIW), le déficit d’investissement dans la zone euro s’élèverait à 2 % du PIB (soit environ 200 milliards d’euros par an)

Dans ce contexte, la mise sur pied du Fonds européen d’investissements stratégiques (FEIS), bras armé du « Plan Juncker » de 315 milliards d’euros, revêt une importance fondamentale. Le 10 mars 2015, les ministres des finances de l’Union européenne ont validé le règlement, qui définit le fonctionnement du FEIS. L’objectif est qu’il soit adopté en juin et opérationnel en septembre. Le vice-président de la Commission, Jyrki Katainen, a espéré que le dialogue avec les eurodéputés, qui doivent arrêter leur position le 20 avril, permettra de respecter ce calendrier. L’aval du Parlement européen est nécessaire car le plan est fondé sur 21 milliards d’euros de garanties, dont 16 milliards d’euros apportés par des fonds communautaires (dont 8 milliards seront mobilisés sur 5 ans) et de 5 milliards inscrits sur un compte ouvert à son nom auprès de la BEI, prélevés sur les fonds propres de la Banque.

C’est la Banque européenne d’investissement (BEI) qui va prendre en charge la gestion du FEIS ; elle a d’ailleurs déjà commencé à se mettre au travail, sur demande de la Commission européenne, sans attendre la validation du règlement. Depuis quelques semaines, ses équipes font le tri parmi les près de 2 000 projets éligibles au FEIS, envoyés par les 28 pays de l’Union, afin d’identifier ceux qui sont les plus avancés. Vendredi 6 mars, le président François Hollande a annoncé que la France consacrera 8 milliards d’euros au FEIS (5 milliards de la Caisse des dépôts et consignations et 3 milliards de la Banque publique d’investissements) ; l’Allemagne a, de son côté, proposé au total 15 milliards, l’Italie 8 milliards et l’Espagne, 1,5 milliard, ces sommes intervenant en co-investissement de projets nationaux.

Le rôle des « garanties » du FEIS « est de procurer à la BEI une capacité de prise de risques plus élevée supplémentaire sans compromettre sa notation AAA ». Ces garanties (16 milliards) doivent permettre à la BEI de faire des prêts « risqués » à hauteur de 48 milliards d’euros pendant trois ans. Sur ce socle, la BEI s’estime capable d’attirer un total de 192 milliards d’euros du secteur privé, impliquant un facteur multiplicateur de 5 du financement de la BEI (à comparer avec un facteur de 18 de ses prêts ordinaires) et un facteur 15 par rapport à la contribution du FEIS. Concrètement les fonds publics interviendront sur les tranches les moins sûr des projets (fonds propre et dette subordonnée) tandis que le privé investirait dans les tranches financières les plus protégées. En ce qui concerne les 75 milliards du Plan financés par des instruments destinés aux PME, le FEIS procurera à la BEI 5 milliards d’euros qui permettront à la Banque d’augmenter les moyens d’actions du Fonds Européen d’Investissement (FEI) de 15 milliards pendant trois ans.

Il est impératif que le Plan Juncker soit un succès incontestable et que les conditions de sa mise en œuvre permettent d’avoir des effets visibles en termes d’emploi, que les pays apportent leur soutien aux projets sélectionnés, que tous puissent bénéficier de l’expertise disponible et que la sélection soit effectuée de telle sorte que la capacité de garantie du FEIS soit concentrée sur des projets sélectionnés dans les pays les plus fragiles et que les 5 milliards investis en capital le soient sur des projets risqués portés par des start-up européennes. L’Union européenne doit apparaître comme un producteur de croissance, d’innovation et d’emploi et pas uniquement comme un producteur de discipline et de rigueur. Il faut revitaliser le marché unique.

Cependant, le « Plan Juncker » ne doit pas occuper tout l’agenda européen : il ne peut pas résoudre tous les problèmes indépendamment même de la question du montant des 21 milliards d’euros et du débat sur la crédibilité de l’effet de levier escompté. Ce plan occulte en outre les problématiques spécifiques de la zone euro, union monétaire dont le pilier économique demeure atrophié. Il est inévitable de poursuivre et approfondir le débat sur la capacité budgétaire de la zone euro, ce qui inclut le débat sur la mise en place d’une capacité d’absorption des chocs, comme le défendait le rapport des quatre présidents déjà mentionné. La capacité budgétaire spéciale de la zone euro devrait reposer sur des ressources propres et être suffisante pour financer les réformes structurelles indispensables dans les grandes économies en difficulté. La mise en œuvre d’incitations financières au moyen d’une capacité budgétaire dédiée constituerait à cet égard une grande avancée, en donnant corps à une véritable coordination macro-économique de la zone euro orientée vers la croissance.

II. L’ACCORD INTERGOUVERNEMENTAL RELATIF AUX MODALITÉS DE TRANSFERT ET DE MUTUALISATION DES CONTRIBUTIONS AU FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE

L’Accord objet du présent projet de loi a été signé le 21 mai 2014 par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne à l’exception du Royaume-Uni et de la Suède. Il comporte 16 articles et deux déclarations d’intention. Cet Accord est prévu par le règlement MRU précité qui conditionne l’utilisation du FRU à son entrée en application.

L’article 77 du règlement MRU prévoit ainsi que « le recours au Fonds est subordonné à l’accord par lequel les États membres participants conviennent de transférer au Fonds les contributions qu’ils perçoivent au niveau national conformément au présent règlement et à la directive 2014/59/UE, et est conforme aux principes définis dans cet Accord ». En l’absence de ratification de l’accord, le mécanisme de résolution unique serait donc privé de l’outil du Fonds qui garantit en partie sa crédibilité et qui opère la mutualisation des renflouements.

Comme le rappelle le septième considérant, le MRU et la directive BRR définissent les critères généraux permettant de déterminer les contributions des établissements qui sont nécessaires pour financer le FRU. Les Etats membres ont dans ce cadre l’obligation de percevoir ces contributions au niveau national, mais ils demeurent compétents pour transférer ces contributions au FRU. « L’obligation de transférer les contributions perçues au niveau national ne découle pas du droit de l’Union. Cette obligation sera établie par le présent accord, qui fixe les conditions dans lesquelles les parties contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, conviennent ensemble de transférer au Fonds les contributions qu’elles perçoivent au niveau national ».

Le recours à un accord intergouvernemental pour déterminer les modalités du transfert et de la mutualisation des contributions, à la demande de l’Allemagne, a permis d’obtenir un accord global sur le mécanisme de résolution unique et a notamment permis à la France d’obtenir des avancées dans la négociation sur la création du Fonds de résolution unique. Il s’agit de l’abondement du Fonds dès le 31 janvier 2016, de la mutualisation progressive des contributions sur une période de huit ans contre dix initialement, prévue au moyen de compartiments nationaux se réduisant progressivement, et de la possibilité d’effectuer des transferts entre compartiments.

A. UN FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE PEU DOTÉ MAIS ESSENTIEL

La directive BRR prévoyait la création de fonds de résolution nationaux. Ces fonds étaient, après les règles de renflouement interne, le deuxième outil devant permettre de faire supporter le coût d’une résolution par les acteurs privés plutôt que par le contribuable. Dès lors qu’un mécanisme de résolution unique était créé, il devait pouvoir s’appuyer sur un fonds unique. Trois questions délicates devaient alors être tranchées : celles du montant du fond, de sa période de constitution et celle des transferts de charges entre secteurs bancaires du fait de l’alimentation puis de l’utilisation mutualisée du fonds.

1. Un fonds prévu par le règlement instituant le mécanisme de résolution unique

Un fonds unique de résolution, mis en œuvre dans le cadre des règles de la directive BRR, est institué. Il sera financé par les contributions du secteur bancaire avec une période transitoire de constitution de huit années. Les contributions sont prévues par les articles 69, 70 et 71 du règlement relatif au MRU :

– L’article 69 fixe le niveau cible des contributions au 31 janvier 2023, à savoir 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés des États participant au MRU ;

– L’article 70 prévoit que les contributions ex ante, calculées en tenant compte du rapport entre le passif de chaque établissement et le passif d’ensemble des établissements dans le périmètre de l’union bancaire, ne doivent pas dépasser 12,5 % du niveau cible. L’abondement des contributions au FRU est répartie entre les années de manière aussi uniforme que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible soit atteint au 31 décembre 2023. Cet objectif conduit le CRU à fixer chaque année un « niveau-cible annuel » de contributions à percevoir (cf. fiche annexe). Si le niveau des ressources du FRU est réduit suite à une intervention en soutien à un établissement en résolution, le niveau-cible des contributions annuelles sera augmenté de façon à permettre d’atteindre la cible à l’issue de la période transitoire. La contribution, annuelle, se compose d’une part forfaitaire et d’une part variable, en fonction du profil de risque ;

– l’article 71 prévoit des contributions ex post extraordinaires, « lorsque les moyens financiers disponibles ne suffisent pas à couvrir les pertes, coût ou autres frais liés au recours au Fonds dans le cadre de mesures de résolution ». Ces contributions ex post sont prélevées sur les entités du secteur bancaire qui sont couvertes par le MRU, selon les mêmes modalités et règles de calcul que les contributions ex ante. Le montant total annuel des contributions annuelles ne doit pas dépasser trois fois le niveau-cible annuel des contributions ex ante.

Le montant-cible du Fonds est aujourd’hui estimé à 55 milliards d’euros à l’horizon 2024 (1 % de 5 500 milliards d’euros de dépôts couverts par la garantie des dépôts). Il est susceptible d’évoluer : si le montant total des dépôts couverts dans la zone euro évolue, lui-même fonction notamment d’une adhésion à la zone euro, si un ou plusieurs États n’ayant pas l’euro comme monnaie participent au MRU, et enfin si les ressources du Fonds sont utilisées pendant la phase transitoire. La durée de la période transitoire sera prolongée de quatre années si plus de la moitié du montant-cible de ressources devait être utilisée pendant cette phase.

L’article 27 du règlement MRU exige pour son utilisation qu’une contribution représentant au moins 8 % des passifs, fonds propres compris, ait été apportée préalablement pour absorber les pertes de l’établissement soumis à la procédure de résolution et le recapitaliser. Cette contribution devra avoir été apportée par les actionnaires, les détenteurs d’instruments de fonds propres pertinents et d’autres engagements éligibles conformément à la directive BRR, au moyen d’une dépréciation ou d’une conversion ou par tout autre moyen.

Une limite d’engagement du FRU est fixée : sa contribution ne pourra excéder 5 % du total des passifs, fonds propres compris, de l’établissement. L’article 20 du règlement MRU fixe la méthode de valorisation. Néanmoins, ce seuil ne s’applique pas si tous les passifs non garantis et non privilégiés, autres que les dépôts éligibles, aient été intégralement dépréciés ou convertis.

Prenons l’exemple du bilan d’une banque qui pourrait être française :

BILAN

(en milliards d’euros)

Actif

Passif

En % du total des actifs

Prêts interbancaires : 37

Capital (Core Tier one) : 35

5,38

Prêts clientèles : 365

Titres subordonnés : 22

3,38

Dépôts à la Banque centrale : 58

Ressources à long terme senior : 211

33,08

Autres actifs : 190

Dépôts de la clientèle : 366

56,31

 

Divers : 16

3

Total : 650

Total : 650

100

Le total des actifs pondérés (RWA) s’établit à 350 milliards d’euros.

Dans l’hypothèse où la perte est de 70 milliards d’euros (20 % du total des actifs pondérés), le fonds de résolution ne peut être appelé qu’après renflouement interne à hauteur de 8 % du total des actifs bruts, soit 51 milliards d’euros.

57 milliards sont disponibles pour absorber les pertes : 35 milliards d’euros de capital Core Tier one, 22 milliards de titres subordonnés. Cependant, la banque en cours de résolution doit reconstituer un capital minimum de 4,5 % du total des actifs pondérés (15,75 milliards d’euros), obligeant à faire appel aux créanciers senior pour transformer certains actifs en capital à cette hauteur. Le fonds de résolution pourra intervenir pour les 13 milliards restants, la limite de 5 % des actifs (32,5 milliards) n’étant pas atteinte.

2. L’épineuse question du calcul des contributions nationales

Conformément au mandat défini par le conseil Ecofin du 11 mars 2014, la définition des paramètres de calcul des contributions individuelles a été intégralement renvoyée au niveau 2 (acte d’exécution du Conseil). Dans la préparation de son projet d’acte d’exécution, la Commission devait prendre en compte l’avis du Parlement. L’article 70§7 du règlement MRU précise que le Conseil, sur proposition de la Commission européenne et dans le cadre des actes délégués adoptés par celle-ci, adopte des actes d’exécution qui précisent les conditions de mise en œuvre de la méthode de calcul des contributions.

Il convient en outre de combiner cet acte d’exécution avec l’acte délégué de la Commission prévu par l’’article 103 de la directive BRR qui habilite la Commission européenne à adopter des actes délégués pour « préciser la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements ». Les actes délégués pris par la Commission européenne fourniront ainsi une forme de « clé de calcul » qui devrait concerner tous les États membres de l’Union européenne. L’article 103§7 de de la directive a en effet pour objectif de répartir un montant-cible annuel entre les différentes entités couvertes. Le calcul est effectué sur base individuelle. Ainsi, toutes les entités juridiques qui sont couvertes par le MRU sont amenées à contribuer. La répartition du niveau-cible est déterminée par le prorata de l’assiette effective de l’entité sur la somme des assiettes effectives de toutes les entités.

Deux variables doivent être prises en compte pour calculer l’apport de chaque établissement : l’une strictement proportionnelle aux dépôts (« flat component », c’est-à-dire total actif - fonds propres - dépôts garantis) et une autre fonction du risque (« risk adjusted component »), c’est-à-dire fondée sur des critères définis dans la directive BRR et « tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsion entre les structures du secteur bancaire des Etats membres ».

Toutefois il n’est pas précisé la pondération respective des deux composantes, ni les paramètres de la seconde.

Dans cette négociation, les Français avaient des intérêts opposés à l’Allemagne et l’Espagne, avec plusieurs points durs : pour la composante « flat », la contribution des petites banques (l’Allemagne et l’Espagne souhaitent une progressivité), le retraitement des dérivés, le retraitement de l’intragroupe, et pour la composante « risque » la part de la métrique actifs pondérés par les risques (plus elle est importante moins les établissements français contribuent).

Aucune simulation sérieuse n’avait été effectuée, du fait de la formule très complexe de répartition entre environ 1800 établissements de la zone euro (hors petites banques bénéficiant d’un forfait) sur la base de leur passif pondéré par plusieurs indicateurs de risque. Or, un partage inéquitable du financement, compte tenu des caractéristiques nationales des systèmes bancaires, reviendrait à opérer des transferts entre systèmes nationaux. Les banques françaises étaient particulièrement exposées, alors même qu’’il semble très peu probable qu’elles puissent bénéficier du Fonds (un renflouement interne de 8 % du passif correspond pour une banque comme BNP Paribas à 144 milliards d’euros et si une résolution devait intervenir au-delà d’un tel montant les 55 milliards d’euros du Fonds pèseraient peu).

La part de la France dans le total des actifs bancaires de la zone euro s’établirait à 24 % sur la base des données publiées par la Commission, c’est-à-dire avant pondération en fonction des risques. Sur la base des chiffres de la BCE, la France représenterait une part de 21,5 % dans les risques pondérés des banques de la zone euro. Par ailleurs, la part de la France au capital de la BCE est de 20 %. L’objectif était donc de rester proche de ces chiffres.

Points de repère pour la répartition

de la contribution au fonds de résolution unique

Etats-Membres

Répartition des contributions selon le total des actifs (document Commission CEGBPI/BANK/67/2014)

Part dans le capital de la BCE

Part dans les risques pondérés des banques de la zone euro

(source Direction du trésor)

Allemagne

30.6 %

25.3 %

22.5 %

Autriche

3.2 %

2.7 %

5.6 %

Belgique

3.4 %

3.5 %

3.2 %

Chypre

0.2 %

0.2 %

0.4 %

Espagne

8.9 %

12.4 %

15.5 %

Estonie

0 %

0.3 %

0.1 %

Finlande

1.8 %

1.8 %

1.2 %

France

24 %

20 %

20 %

Grèce

1.1 %

2.8 %

2 %

Irlande

3.6 %

1.6 %

2.8 %

Italie

11.7 %

17.3 %

13 %

Lettonie

0 %

0.4 %

0.1 %

Luxembourg

2.3 %

0.3 %

1.6 %

Malte

0 %

0 %

0.1 %

Pays-Bas

6.5 %

5.6 %

8.7 %

Portugal

1.6 %

2.4 %

2.6 %

Slovaquie

0.1 %

1 %

0.3 %

Slovénie

0.1 %

0.4 %

0.3 %

Source: Fédération bancaire française

Or, les premières évaluations du montant des contributions françaises au Fonds de résolution unique leur faisait supporter une charge de l’ordre de 31 % du Fonds, soit près de 17,5 milliards d’euros. Les mettre à contribution de manière aussi disproportionnée constituait purement et simplement un affaiblissement du système bancaire français, opérant un transfert au bénéfice des autres systèmes bancaires européens, alors même qu’ils n’ont pas montré la même solidité face à la crise que le secteur bancaire français. Tout écart significatif par rapport au calcul sur base nationale crée en effet un transfert de charges entre secteurs bancaires et donc une distorsion de concurrence.

Comment cela s’explique-t-il ? La directive BRR crée un dispositif de résolution qu’on pourrait appeler « national » harmonisé au niveau européen. Le calcul des contributions de chaque banque au fonds de résolution national est fait en fonction de sa part dans le total national (9). Comme indiqué précédemment, le calcul de la contribution de chaque banque se compose d’une part « flat » pondérée par un coefficient de risque fonction de plusieurs critères eux-mêmes appuyés sur des indicateurs (solvabilité, liquidité, importance systémique, etc.). Les banques françaises présentent des profils de risques assez proches ; elles étaient donc d’accord sur le mode de répartition.

En revanche, quand on bascule au niveau européen, les mêmes critères calculés sur une base européenne défavorisent fortement les banques françaises. La France présente en effet un profil singulier. L’une des personnes auditionnées l’a résumé par la formule suivante : « un capitalisme sans capital et des banques sans dépôts ». Les banques françaises disposent en effet d’un montant total de passif important pour un total de dépôts faibles compte tenu des sommes placées sur des produits d’épargne règlementée ou des contrats de capitalisation (assurance-vie).

La directive BRR a fixé un seuil de 1 % des dépôts, ce qui était très favorable pour un fonds national puisque la quasi-totalité des établissements a beaucoup d’autres actifs qui ne sont pas logés chez eux mais les refinance. Les dépôts couverts français s’élèvent seulement à 1 147 milliards d’euros quand les établissements ont un bilan cumulé de 8 155 milliards d’euros. À titre de comparaison, les banques allemandes totalisent 7 750 milliards d’euros de bilan et disposent de 1 639 milliards d’euros de dépôts couverts. Le Fonds national aurait été « petit » (environ 11,5 milliards d’euros). D’ailleurs, la France n’a jamais plaidé pour un gros Fonds (alors que l’approche allemande était plutôt de constituer un gros fonds que l’on n’utilise pas). L’année 2015 est la seule année pendant laquelle la directive BRR est en vigueur sans le règlement MRU. La directive prévoyant que le niveau-cible d’1 % des dépôts couverts nationaux doit être atteint en 10 ans, il devra être levé 10 % du niveau-cible du fonds de résolution national, soit 1,1 milliards d’euros dans le cas français.

Mécaniquement, la création d’un Fonds européen fait perdre à la France l’avantage qui aurait été le sien dans un système national. Pour ce qui concerne le fonds de résolution européen, le calcul est fait sur la base de toutes les banques des pays participant au mécanisme. 1 % des dépôts européens correspond désormais à 55 milliards d’euros et les banques françaises disposent de fonds propres élevés. D’autres pays sont perdants à ce basculement à l’échelle européenne : il s’agit de l’Irlande, du Luxembourg et, dans une moindre mesure, des Pays-Bas. Tous les autres pays y gagnent, l’Espagne de manière très significative.

En revanche, la France conserve son avantage lié au faible niveau des dépôts s’agissant du fonds de garantie des dépôts, qui est un fonds national. La quote-part de la France dans l’ensemble des contributions aux fonds de garantie de dépôts de la zone euro sera ainsi de l’ordre de 14 % alors que la quote-part des banques allemandes sera de l’ordre de 34 %.

3. Le compromis négocié : un moindre mal pour le secteur bancaire français

Le 21 octobre 2014, la Commission européenne a adopté un acte délégué, pris pour l’application de la directive BRR, et un projet d’acte d’exécution du Conseil, pris pour l’application du règlement MRU, régissant le calcul de la contribution des banques aux fonds nationaux de résolution et au FRU. Le Parlement européen et le Conseil disposaient d’un délai de trois mois pour formuler des objections à l’acte délégué, ce délai pouvant être prolongé de trois mois supplémentaires. Le projet d’acte d’exécution du Conseil a été examiné et adopté par le Conseil (10).

L’acte délégué détermine le montant qu’un établissement de crédit devra verser chaque année à son fonds de résolution national, en fonction de sa taille et de son profil de risque, en définissant de manière détaillée la partie fixe de la contribution et la manière dont la contribution de base est ajustée en fonction du profil de risque, au moyen d’indicateurs de risque. Il fixe aussi un régime forfaitaire spécial pour les petites banques, au motif qu’elles ont souvent un profil de risque moins élevé et sont moins susceptibles d’utiliser les fonds de résolution. Cet argument est assez contestable au regard de l’effet systémique de la défaillance de petites entités de type caisses d’épargne ces dernières années.

L’acte d’exécution du Conseil européen reprend les mêmes indicateurs de risque pour les établissements financiers de l’union bancaire, mais la méthode de calcul est adaptée aux caractéristiques d’un système unifié de contributions mises en commun dans le FRU.

La France aurait souhaité que la composante risque soit mieux prise en considération, mais malgré toutes les garanties de fiabilité que peuvent apporter la supervision bancaire unique et la revue des actifs, le critère des actifs pondérés par les risques inspirait la méfiance, notamment au Parlement européen. Elle avait donc déjà insisté sur l’insertion dans l’article 70 du MRU de la mention « sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire national ». Tout en sachant qu’elle ne pourrait parvenir à cette absence de distorsion, la France a pu s’appuyer sur cette disposition pour plaider en faveur d’un panachage équilibré et a essayé de préserver son système bancaire par une modulation par le risque au fur et à mesure de la mutualisation.

Dans la négociation sur les contributions, la France a obtenu la modulation, ainsi que plusieurs appréciations techniques, notamment le retraitement de l’intra-groupe et la prise en compte d’une certaine forme de dérivés (qui a continuer à fonctionner même à la fermeture de Lehman Brothers). Un accord politique a été passé avec l’Allemagne pour que les contributions françaises et allemandes soient au même niveau. L’Allemagne a obtenu pour sa part des concessions sur les petites banques. La méthodologie de calcul retenue dans ces deux projets conduit à estimer que les banques françaises paieront des contributions au fonds de résolution national puis européen de 15 milliards en tout sur la période d’atteinte de la cible, soit plus de 27  % du montant total estimé de 55 milliards d’euros (cf. infra pour une ventilation par année).

Concrètement, le compromis sur le règlement d’exécution sur les contributions au Fonds de résolution unique a fait l’objet d’un accord politique au Conseil Ecofin du 9 décembre 2014.

Dans l’acte d’exécution d’abord, il est prévu une introduction progressive de la cible de financement européenne par rapport à la cible de financement nationale (phasing-in), afin de limiter les variations au passage du régime national au régime européen. Ce mécanisme est cohérent avec la mutualisation progressive des ressources du FRU entre 2016 et 2023. Il s’agissait de la principale demande française. Relativement contradictoire avec le principe de la mutualisation, elle a déplu à certains de nos partenaires.

Concrètement, le mécanisme consiste à scinder, chaque année entre 2016 et 2023, le niveau-cible annuel des contributions à lever en une composante « nationale » et une composante « européenne ». La part respective des montants de ces deux composantes est fixée selon le rythme de la mutualisation des compartiments nationaux. Le montant de la composante « nationale » est ensuite réparti : d’abord entre les Etats membres selon la clé des dépôts couverts (sur laquelle est indexée la taille des fonds nationaux de résolution selon la directive BRR), puis, au sein du montant imputé à un État-membre, entre les entités selon la méthodologie de calcul de l’acte délégué (cf. infra). Le montant de la composante « européenne » est réparti entre toutes les entités couvertes par le MRU directement selon la méthodologie de l’acte délégué.

Au final, la contribution annuelle acquittée au FRU par toute entité couverte par le MRU sera la somme de deux composantes ; la première fait intervenir la taille des dépôts couverts nationaux, qui est la métrique dimensionnant la taille des fonds de résolution nationaux prévus par la directive BRR ; la seconde ne fait pas référence à un quelconque niveau-cible national, et est calculée au prorata de toutes les entités du MRU.

MÉCANISME DE LISSAGE (PHASING-IN) ET CONSÉQUENCE POUR LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE

En millions d’euros

Année

Part de la composante « nationale » dans le montant de la contribution annuelle

Part de la composante « européenne » dans le montant de la contribution annuelle

Estimation de la contribution des établissements français

Estimation de la contribution des établissements allemands

2015

100 %

0 %

1 107

1 647

2016

60 %

40 %

1 479

1 763

2017

40 %

60 %

1 624

1 727

2018

33,3 %

66,7 %

1 673

1 714

2019

26,6 %

73,3 %

1 721

1 702

2020

20 %

80 %

1 770

1 690

2021

13,3 %

86,7 %

1 818

1 678

2022

6,7 %

93,3 %

1 867

1 666

2023

0 %

100 %

1 915

1 654

Total

-

-

14 974

15 241

Source : Direction générale du Trésor

L’accord politique a également porté sur l’acte délégué de la Commission européenne pris en application de la directive BRR et visant à établir le montant des contributions individuelles. Le montant-cible annuel peut être : déterminé au niveau national (cas de l’année 2015), déterminé au niveau de l’Union bancaire (cas des années postérieures à 2023) ou encore constitué d’une des deux composantes dans le calcul du « phasing-in » présenté supra (cas des années de transition 2016-2023). Quel que soit le montant-cible en question, il s’agit de la même méthodologie qui sera utilisée pour répartir ce montant entre les entités couvertes. Trois éléments doivent être mis en exergue pour l’établissement de la composante « flat » :

– la non prise en compte des expositions intra-groupe qui aurait pénalisé la France, disposition étendue aux établissements bénéficiant d’un système de protection institutionnel (garanties réciproques des caisses) à la demande de l’Allemagne ;

– la comptabilisation des dérivés en tenant compte des accords de compensation qui leur sont le plus souvent associés (risque net pris en compte), les établissements français étant ceux qui ont des activités de marché significatives en Europe.

Cette composante est ensuite affectée d’un coefficient de risque compris entre 0,8 et 1,5, selon un indicateur composite de risque obtenu de la moyenne d’indicateurs de risque. Chacun de ces indicateurs de risque est calculé en fonction de la position relative de l’entité par rapport aux autres entités selon une métrique de risque donnée. Ces métriques couvrent : la situation de solvabilité de la banque et l’intensité en risque de son actif ; sa situation en liquidité ; son importance et son interconnexion dans le système bancaire : des critères additionnels de risque qualitatifs (complexité, résolvabilité, activités de trading, appartenance à un système de protection mutuelle).

Un traitement dérogatoire des petites banques constituant en un système de contributions forfaitaires a été institué et étendu dans la dernière phase de négociation aux banques de taille de bilan inférieur à 3 milliards d’euros, mais l’impact de cette extension est limité car il ne concerne que la première tranche de l’assiette contributive. Il s’agissait pour l’Allemagne de limiter le coût pour son réseau de petites banques, notamment de Sparkassen.

MONTANTS DES CONTRIBUTIONS PAR SECTEUR BANCAIRE NATIONAL EN FONCTION DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DE CALCUL

(en milliards d’euros)

Etat membre d’origine des établissements

de crédit

Estimation de la contribution due en application de la directive BRR

(A)

Estimation de la contribution au FRU sans ajustements

(B)

Estimation de la contribution totale au FRU après ajustements

(C)

Gain (+)/Perte(-) par rapport à la contribution à un fonds national

(C-A)

Autriche

1,80

1,50

1,60

- 0,20

Belgique

3,00

1,30

1,90

- 1,10

Chypre

0,30

0,10

0,10

- 0,20

Allemagne

16,40

14,80

15,20

- 1,20

Estonie

0,05

0,00

0,02

- 0,03

Espagne

7,90

4,10

5,50

- 2,40

Finlande

0,90

1,20

1,10

+ 0,20

France

11,4

17,50

15,00

+ 3,60

Grèce

1,20

0,30

0,60

- 0,60

Irlande

0,80

2,30

1,90

+ 1,10

Italie

5,50

6,00

6,00

- 0,50

Luxembourg

0,30

1,50

1,10

+ 0,80

Lituanie

0,05

0,03

0,04

- 0,01

Malte

0,09

0,06

0,07

- 0,02

Pays-Bas

3,20

3,30

3,40

+ 0,20

Portugal

1,30

0,60

0,90

- 0,40

Slovénie

0,20

0,04

0,07

- 0,13

Slovaquie

0,30

0,04

0,10

- 0,20

TOTAL

54,70

54,70

54,70

-

Source : D’après les données de la Direction générale du Trésor

Source : D’après les données de la Direction générale du Trésor

Enfin, élément important, l’acte d’exécution du Conseil prévoit qu’une fraction des contributions pourra être acquittée en engagements de paiement hors-bilan, qui n’ont pas d’impact sur le compte de résultat des banques. Ces engagements ne pourront être appelés en cash uniquement en cas de résolution ; a contrario, ils ne pourront pas être appelés à tout moment à la discrétion du Conseil de résolution unique (CRU), dans une démarche préventive. En outre, les engagements de paiement sont annulés si l’établissement sort du périmètre de couverture du MRU (retrait de sa licence bancaire par exemple).

Le texte de l’accord fixe un plancher de 15 % à la fraction qui peut être acquittée en engagements de paiement dans chacune des contributions bancaires. Le Conseil de Résolution Unique aura la discrétion d’augmenter cette fraction, les engagements de paiement ne pouvant représenter plus de 30 % du total des ressources financières du FRU.

4. La charge globale supportée par le secteur bancaire français a conduit le Sénat à insérer un article additionnel

Le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un article additionnel au projet de loi, instituant l’obligation pour le Gouvernement d’informer le Parlement des conséquences pour les établissements français des nouvelles règles. L’article 2 du projet de loi voté par le Sénat énonce : « Le Gouvernement informe le Parlement, avant le 1er octobre de chaque année et ce jusqu’en 2024, de la mise en œuvre du mécanisme de résolution unique et du Fonds de résolution unique, en particulier du montant global des contributions des établissements français et de leurs modalités de paiement, ainsi que de la mise en œuvre de la directive relative au système de garantie des dépôts, au regard, notamment, de leur impact sur le financement de l’économie. »

L’exposé des motifs comme le rapport de la Commission des finances du Sénat justifient l’adoption de cet article par le souci de pouvoir mesurer précisément les conséquences de ces règles européennes sur le bilan des banques françaises et le financement de l’économie. Il s’agit en effet d’avoir une approche globale du coût pour les banques et des conséquences qui en résultent sur la capacité de financement de l’économie. L’enjeu est considérable. Dans les années de constitution des fonds, une part significative des résultats des différentes banques de la zone euro – et, dès lors, de leur marge de manœuvre en termes de financement de l’économie – sera absorbée par les versements au fonds européen.

Pour la France, le coût des contributions au FRU est évalué à 15 milliards d’euros, mais il ne s’agit que d’une évaluation. Cela dépendra naturellement du montant des dépôts dans la zone et de l’utilisation du Fonds, avec les éventuelles contributions qui seront appelées en sus. En outre, le mécanisme de lissage (phasing-in), qui ne vaut que pour la période transitoire, a un effet decrescendo. Or, c’est ce mécanisme qui réduit fortement la part du secteur bancaire français dans le financement du fonds (les retraitements liés à l’intra-groupe aux dérivés réduisent d’environ 700 millions d’euros le montant des contributions françaises).

L’impact des contributions au FRU dépendra aussi des modalités de paiement qui seront accordées : plus le montant à acquitter en subventions comptant sera élevé, plus le coût sera lourd à assumer. La détermination du niveau d’engagement de paiements autorisé, dans la fourchette de 15 à 30 % fixée par le règlement MRU, sera à la discrétion du Conseil de résolution unique. Le différentiel correspond tout de même à une variation de la charge pesant sur les établissements français d’environ 2,25 milliards d’euros.

Concernant la contribution au fonds de garantie des dépôts, la France devrait pouvoir bénéficier du taux réduit de 0,5 % des dépôts prévu par la directive, ce qui conduit toutefois à un montant bien supérieur à celui du fonds actuel, de l’ordre de 5,5 milliards d’euros contre environ 3 milliards à ce jour. Des problèmes d’éligibilité au regard de la définition de la directive doivent également être réglés. Le complément à financer d’ici 2024 serait ainsi de l’ordre de 310 millions d’euros par an. Dans le cas où la Commission n’accorderait pas la dérogation et que le taux-cible de 1 % devait s’appliquer, le complément à financer serait d’environ 725 millions d’euros par an (5,8 milliards d’euros à l’horizon 2024).

Il convient de rappeler que les banques françaises sont également redevables d’une taxe systémique. Instituée en 2011, l’assiette de la taxe de risque systémique bancaire (TRS) est constituée par les exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres. Son taux est de 0,539 % depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014. Seules sont assujettis à la taxe celles de ces entreprises qui sont soumises à des exigences minimales en fonds propres supérieures à 500 millions d’euros, l’idée étant de concentrer la taxe sur les établissements dont la défaillance pourrait véritablement entraîner un risque systémique.

La TRS est assise sur les exigences minimales en fonds propres prévues par la réglementation prudentielle et qui, pour simplifier, reflètent les actifs pondérés par les risques. Les assujettis à la TRS doivent respecter un ratio de solvabilité d’au moins 8 % entre leurs fonds propres et la somme de leurs risques (de crédit, de dilution (88), de marché et opérationnel). Les méthodes de pondération du risque, complexes, sont définies par la réglementation prudentielle. Elle rapporte au budget de l’Etat près de 900 millions d’euros (880 millions d’euros en 2013).

Dès lors qu’un mécanisme européen de « garantie » est mis en place, cette double ponction était injustifiée. Les deux autres États membres qui avaient institué une taxe systémique ont décidé de la supprimer (Allemagne) ou ont obtenu, dans le cadre de la directive européenne BRR, une exemption à la mise en place d’un fonds de résolution (Royaume-Uni).

La loi de finances rectificative pour 2014 (n°2014-1655 du 29 décembre 2014) a procédé à l’abrogation progressive de la TRS : son taux passera de 0,539 % en 2014 à 0,141 % en 2018 avant que la taxe ne disparaisse en 2019. Cette même loi a néanmoins créé une nouvelle taxe de 0,021 % pour financer le fonds « emprunts toxiques » et, surtout, rendu la TSR, la contribution au fonds de résolution national et la contribution au fonds de résolution unique non déductible de l’impôt sur les sociétés.

RÉCAPITULATIF DES CONTRIBUTIONS SYSTÉMIQUES DU SECTEUR BANCAIRE

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Contribution actuelle
(TRS)*

1,1

1,1

1,1

1,2

1,2

1,2

1,3

1,3

1,3

 

Contribution future

2,12

2,48

2,35

1,75

1,75

1,85

1,85

1,95

1,95

0,05

dont contributions aux fonds de résolution

1,1

1,5

1,6

1,7

1,7

1,8

1,8

1,9

1,9

0**

dont TRS à taux réduit

0,7

0,6

0,5

0,5***

 

 

 

 

 

 

dont nouvelle taxe « emprunts toxiques »

0,04

0,04

0,04

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

Dont effets de la non-déductibilité

0,28

0,34

0,21

****

****

****

****

****

****

****

(*) Hypothèse : croissance de l’assiette de 9,7 % en 2015, puis de 2,5 % par an à partir de 2016.

(**) Sauf en cas de consommation des ressources, et de la nécessité de les reconstituer.

(***) Hypothèse d’une stabilité par rapport à 2017 (rendement non fourni par l’évaluation préalable)

(***) Effets de la non-déductibilité non pris en compte après 2017, car non fournis par l’évaluation préalable (logiquement plus faibles du fait de l’extinction progressive de la TRS)

Source : commission des Finances de l’Assemblée nationale, rapport n°2408 de Valérie Rabault sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 (26 novembre 2014).

La rédaction de l’article 2 du présent projet de loi semble très large. Votre Rapporteure a renoncé à déposer un amendement pour la préciser afin de ne pas retarder la promulgation de la loi. Il convient donc d’expliciter le sens qu’il convient de lui conférer. Cet article, dans l’esprit de ses auteurs, vise à permettre au Parlement de disposer chaque année du montant de la charge nette pour les établissements de crédit et de ses conséquences, résultant de la constitution du fonds de garantie des dépôts, ainsi que de la mise en œuvre du MRU, de la vie du FRU et des décisions prises par le CRU en fonction de tous les paramètres : étape du phasing-in, modalités de paiement, montant des dépôts en zone MRU et méthodes de comptabilisation, utilisation du Fonds, application ou non des mesures dérogatoires, effets des retraitements autorisés… Il s’agit donc de disposer d’un tableau de chiffres commenté et non pas d’un rapport littéraire. Compte tenu de toutes les incertitudes actuelles pesant sur le calcul des contributions et des évènements à venir qui sont susceptibles de les affecter, un tel tableau constituerait une information très utile.

L’intention des auteurs de l’amendement est de pouvoir disposer de cette information annuelle pendant la période transitoire du FRU. Il va de soi que cette information devra être communiquée seulement à compter de 2016 (le calcul est purement national en 2015). On pourrait en revanche s’interroger sur la pertinence d’une limitation dans le temps. À l’issue de la période transitoire, des contributions supplémentaires pourront être appelées. En outre, elles seront alors calculées sans prise en compte de la cible nationale, c’est-à-dire avec une quote-part française de l’ordre de 31 % (contre 27 % pour l’Allemagne). De plus, la période transitoire peut s’achever au-delà de 2023 en cas de prorogation rendue nécessaire par l’utilisation du Fonds dans des proportions importantes. Néanmoins, ces hypothèses sont hautement improbables compte tenu des règles extrêmement strictes posées pour l’utilisation du Fonds, notamment l’exigence incontournable d’avoir d’abord procédé à un renflouement interne à hauteur de 8 % du bilan de l’entité défaillante entrant en résolution.

B. PRINCIPE ET APPLICATION DE L’ACCORD

L’objet de l’Accord est très circonscrit. Il fixe uniquement les modalités de transfert et de mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique. C’était le souhait de la France que de limiter au strict minimum les règles prévues par un Accord intergouvernemental, d’autant que l’interprétation des Traités que faisait notre pays, comme d’autres, permettait de se passer d’un tel Accord. Nous savons qu’il s’agissait de répondre à une demande de l’Allemagne qui, au-delà des considérations juridiques, souhaitait pouvoir soumettre à l’approbation de son Parlement un élément-clé du dispositif général. Les règlements sont en effet d’application directe ; un Accord intergouvernemental permettait d’une certaine façon de conditionner le MRU à un processus national.

1. Un accord complémentaire du droit de l’Union 

L’accord a pour objet de compléter le droit de l’Union européenne de telle sorte que le transfert des contributions perçues au niveau national au FRU et leur progressive mutualisation se fasse « en vertu de critères, modalités et conditions uniformes » (neuvième Considérant) en application du principe de coopération loyale. Cet accord a donc pour objet de garantir le bon fonctionnement du fonds (huitième Considérant).

Pour mémoire, si l’accord n’est pas un traité de l’Union européenne, il ne peut s’abstraire du droit de l’Union européenne qui s’impose à ses signataires en qualité de membres de l’Union. Le onzième considérant rappelle clairement que l’accord se limite aux éléments spécifiques du Fonds qui relèvent de la compétence des Etats membres, à savoir la collecte et le transfert des contributions. Il « n’affecte pas les règles communes établies par le droit de l’Union et ne modifie pas leur portée. Il est plutôt conçu comme un instrument complétant la législation de l’Union en matière de résolution bancaire et contribuant à la réalisation des objectifs des politiques de l’Union, à laquelle il est intrinsèquement lié  […] en particulier la mise en place du marché intérieur dans le domaine des services financiers ».

L’article 2 de l’Accord stipule que l’accord doit être interprété et appliqué conformément aux traités de l’Union européenne, en particulier le principe de « coopération loyale » défini à l’article 4 (3) du traité sur l’Union européenne, au droit de l’Union européenne, et à la législation de l’Union relative à la résolution des établissements bancaires (directive BRR et règlement MRU). Il précise que les traités européens et le droit dérivé européen priment sur l’accord. Enfin, il renvoie aux définitions inscrites dans le règlement MRU et réutilisées dans l’accord.

De plus, l’accord préserve le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne pour l’application et l’interprétation de l’accord.

De manière générale, l’article 273 du fonctionnement de l’Union européenne prévoit que la Cour de justice est « compétente pour statuer sur tout différend entre États membres en connexité avec l’objet des traités, si ce différend lui est soumis en vertu d’un compromis ». Le 2 de l’article 14 de l’Accord énonce que ledit article 14 relatif au règlement des différends constitue un compromis entre les parties contractantes au sens de l’article 273 du TFUE.

Les dix-neuvième, vingtième et vingt-deuxième Considérants de l’accord prévoient la compétence de la Cour pour :

– apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de l’application de l’instrument de renflouement interne par les institutions de l’Union européenne, le Conseil de résolution unique et les autorités de résolutions nationales ;

– statuer sur les différends entre les parties contractantes sur l’interprétation et l’application de l’accord, y compris le non-respect de ses dispositions ;

– établir et déclarer le manquement d’une partie à son engagement de transférer les contributions au Fonds.

– statuer à la demandes des parties non contractantes sur l’interprétation et l’application des dispositions relatives au remboursement au titre de la responsabilité non contractuelle et des coûts y afférents, qui sont présentées infra.

L’article 14 de l’Accord relatif au règlement des différends codifie la compétence de la Cour. Le 1 de l’article 14 prévoit la saisine de la Cour pour l’interprétation et l’application de l’Accord et précise que l’arrêt de la Cour est contraignant à l’égard des parties à la procédure. Lorsque la Cour juge qu’il y a eu manquement aux obligations, elle fixe un délai pour prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Le 3 de l’article 14 de l’Accord permet aux Etats membres non contractants de notifier leur intention de participer au compromis (au sens de l’article 273 du TFUE précité et visé au 2 de l’article 14) aux fins de saisir la Cour de justice de tout différend relatif à l’application et l’interprétation de dispositions relatives au remboursement (article 15 de l’accord). Cet Etat participe au compromis dès communication aux parties, par le dépositaire, de cette notification.

Il est intéressant de souligner que le Conseil de résolution unique dispose lui aussi, en vertu de ce même article 14 et sans préjudice de la compétence de la Cour, d’un pouvoir de constatation et sanction des manquements à l’obligation de transférer les contributions. Le CRU peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une des parties contractantes, vérifier si une autre partie contractante n’a pas respecté l’obligation de transfert des contributions au Fonds. Il peut alors fixer un délai à la partie contractante concernée pour mettre fin à ce manquement.

Le 18ème Considérant prévoit la compétence de la CJUE en cas de changement fondamental des circonstances. Un changement fondamental des circonstances intervenu contre la volonté des parties, peut en effet être invoqué par un Etat. Dans ce cas, un autre Etat peut saisir la CJUE, habilitée à vérifier l’existence d’un changement fondamental. Si ce dernier est évoqué à la suite d’une abrogation ou modification du règlement MRU faite sans le consentement de l’Etat l’invoquant, cette invocation constituera un différend aux fins de l’article 273 TFU pouvant donc être soumis à la CJUE sur la base de cet article. Toute partie peut demander à la CJUE de prescrire des mesures provisoires. Dans ce cas et celui d’un différend, la CJUE statue en tenant compte des obligations des Etats au titre du TUE et du TFUE, y compris celles relatives au MRU et à son intégrité.

Enfin, le 2 de l’article 16 de l’Accord prévoit que, sur la base de l’évaluation de sa mise en œuvre, son contenu doit être réintégré dans le droit de l’Union au plus tard dix ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Le vingt-cinquième Considérant énonce que l’objectif des parties contractantes est d’intégrer « le plus rapidement possible » les dispositions de fond de l’Accord dans le cadre juridique de l’Union. Cette disposition figurait déjà dans le traité instituant le mécanisme européen de stabilité. L’on sait que plusieurs Etats, dont la France, considéraient qu’il n’était pas nécessaire de conclure un accord intergouvernemental. L’on sait également que le Parlement européen est très attaché à la réintégration des accords intergouvernementaux dans l’ordre juridique communautaire. Néanmoins, cette réintégration ne semble pas à l’ordre du jour.

2. États concernés et entités couvertes

Il convient que l’Accord soit ratifié par l’ensemble des Etats dont la monnaie est l’euro et ceux qui participent aux MSU et au MRU, c’est-à-dire les 27 signataires (14ème Considérant) puisque tous les Etats membres à l’exception du Royaume-Uni et de la Suède ont signé l’accord.

Néanmoins, comme souligné en introduction du présent rapport, seule la ratification des Etats participants aux MSU et MRU est nécessaire pour son entrée en vigueur. L’article 2 de l’accord énonce en effet qu’il s’applique aux parties contractantes dont les établissements sont soumis au MSU et au MRU.

Aucun État n’ayant à ce jour signé de coopération rapprochée avec la BCE, l’accord s’appliquerait aux Etats de la zone euro (19 Etats depuis l’adhésion de la Lituanie). La liste pourra être complétée au fur et à mesure des participations au MSU et au MRU, soit par adoption de l’Euro, soit par signature d’une coopération rapprochée. Il convient en effet que les autres Etats adhèrent à l’accord dès lors qu’ils adoptent l’euro ou qu’une coopération rapprochée est décidée, l’adhésion devant intervenir à compter de l’entrée en vigueur de la BCE mettant ladite coopération.

Concernant les établissements concernés, tous ceux qui sont établis dans un Etat participant sont couverts. Cependant, certains établissements peuvent être exclus :

– le vingtième Considérant énonce que le non-respect par une partie contractante de son obligation de transférer les contributions au Fonds devrait entraîner l’exclusion de l’accès au Fonds pour les entités agréées sur son territoire. Le deuxième alinéa du 1 de l’article 14 de l’Accord précise ainsi que l’utilisation des compartiments de l’ensemble des parties contractantes est exclue pour les établissements agréés dans une partie qui n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour respecter son obligation de transfert dans le délai fixé par la Cour de justice ayant statué qu’elle ne la respectait pas. Il en est de même lorsque c’est le Conseil de résolution unique qui a constaté le manquement tant qu’il n’y est pas mis fin, en application du 2 de l’article 10 ;

– conformément au premier alinéa du 4 de l’article 8 de l’Accord, le fonds n’est pas mobilisé pour les établissements dont la résolution a été engagée avant l’adhésion à l’euro ou au MSU/MRU et qui sont établis sur des Etats qui n’avaient pas ou n’ont pas l’euro comme monnaie. Il s’agit d’éviter tout phénomène d’aléa moral ;

– conformément au deuxième alinéa du 4 de l’article 8 de l’Accord, si la BCE estime, dans le cadre de ses missions de surveillance des établissements bancaires, que l’une des entités établies sur le territoire d’Etats non membres de la zone euro qui, soit intègre l’eurozone, soit le MSU / MRU dans le cadre d’une coopération rapprochée, est défaillante ou susceptible de le devenir, le Fonds ne finance pas les coûts de résolution correspondant à ces entités.

3. Les principes d’égalité de traitement et de conditions équitables

Les dispositifs mis en place afin d’assurer le financement des résolutions reposeront en dernier ressort sur le secteur bancaire (13ème Considérant), de telle sorte qu’ils assurent un traitement équivalent de l’ensemble des Etats participants y compris s’ils adhèrent à un stade ultérieur et assurent des conditions équitables avec les Etats non participants. Ce Considérant emporte deux types de conséquences :

– le choix de réactualiser recalculer les contributions à chaque entrée pour parvenir au même résultat que si le nombre d’Etats participants avait été celui-là dès le début ;

– la nécessité de dispositions pour neutraliser les effets sur les Etats non participants.

Concernant les Etats non participants, à la demande notamment du Royaume-Uni qui n’a pourtant pas signé l’Accord, le dix-neuvième Considérant prévoit l’instauration d’un mécanisme engageant les Etats participant à rembourser conjointement, rapidement et avec intérêts les Etats non participants aux MSU et MRU du montant qu’ils ont versé sur leurs ressources propres via le budget général de l’Union au titre de la responsabilité non contractuelle du fait de l’exercice par les institution de l’Union des pouvoirs conférés par le MRU. Il précise que la responsabilité de chaque participant est distincte et individuelle pour la part de remboursement qui lui revient.

Cela fait l’objet de l’article 15 de l’Accord, déjà évoqué. Cet article, inséré à la demande du Royaume-Uni, prévoit que les parties contractantes s’engagent à rembourser conjointement, rapidement et avec intérêts, chaque État membre ne participant pas au MSU ni au MRU, dans le cas où le budget général de l’Union serait utilisé au titre de la responsabilité non contractuelle et des coûts y afférents, dans le cadre des missions conférées aux institutions de l’Union en vertu du règlement MRU. Le remboursement est calculé en fonction du montant versé par l’État membre non participant sur les ressources propres de l’Union (prorata du revenu national brut). Les coûts de ce remboursement sont répartis de la même manière entre les parties contractantes.

La Commission coordonne toute mesure de remboursement des parties contractantes, ce rôle incluant notamment le calcul de la base sur laquelle les paiements doivent être effectués, les intérêts étant calculés conformément aux dispositions relatives aux intérêts sur les montants mis à disposition tardivement, applicables aux ressources propres de l’Union européenne. Les remboursements se font aux date des inscriptions en compte, correspondant aux paiements effectués sur le budget de l’Union au titre de la responsabilité non contractuelle et des coûts y afférents, à la suite d l’adoption du budget rectificatif s’y rapportant.

Les Etats non membres de l’euro à la date de signature de l’Accord font également l’objet de l’article 8 de l’Accord qui prévoit à la fois le cas des Etats entrant dans l’euro (fin de la dérogation) ou des Etats hors zone euro adhérant au MSU/MRU et celui des Etats non membres de l’euro ayant intégré le MSU/MRU et qui décideraient d’y renoncer.

Une partie contractante qui rejoindrait l’euro, ou bien adhérerait au MSU et au MRU, à une date ultérieure à la date d’application de l’accord, est tenue de transférer au Fonds les contributions perçues sur son territoire qui équivalent au montant qu’elle aurait dû transférer au Fonds si elle avait participé́ au MSU et au MRU à compter de la date d’application de l’accord.

Tout montant déboursé pour une mesure de résolution sur le territoire de cette partie contractante est déduit des sommes devant être transférées au Fonds. Cette partie contractante reste toutefois tenue de transférer au Fonds un montant équivalent à celui qui aurait été nécessaire pour atteindre le niveau cible de son dispositif de financement, conformément aux dispositions de la directive BRR.

Le montant exact des contributions devant être transférées est déterminé par le CRU, en accord avec la partie contractante concernée.

Pour mémoire, les membres de la zone euro sont obligatoirement membres du MSU et du MRU. En revanche, un État membre dont la monnaie n’est pas l’euro peut résilier sa coopération rapprochée avec la BCE et, par conséquent, sortir du MRU. Dans ce cas, la résiliation entraîne la récupération, au profit du fonds de résolution national, des contributions perçues et transférées jusqu’à cette date (5 de l’article 8 de l’Accord).

4. L’entrée en vigueur

Conformément à l’article 11 de l’Accord, celui-ci entrera en vigueur le 1er jour du deuxième mois suivant la notification de ratification permettant d’atteindre le seuil de 90 % des voix pondérées des participants au Mécanisme de Supervision Unique et au Mécanisme de Résolution Unique. Il s’appliquera à compter du 1er janvier 2016 aux parties contractantes participant au mécanisme de surveillance unique et au mécanisme de résolution unique qui ont déposé leur instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation à cette date. Il est donc nécessaire de procéder à la notification au plus tard le 30 novembre 2015.

L’article 12 de l’Accord contient les dispositions relatives à son application. Une fois entré en vigueur, l’Accord s’appliquera aux parties qui ont déposé leur instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation (sous réserve que le règlement MRU soit entré en vigueur ce qui est le cas). Il s’appliquera à compter du 1er janvier 2016 s’il est entré en vigueur à cette date et pour les Etats participant aux MSU et MRU à cette date. Si l’Accord n’était pas entré en vigueur au 1er janvier 2016, il s’appliquerait à compter de sa date d’entrée en vigueur aux Etats participant aux MSU et MRU qui auront procédé à la notification à cette date.

En conséquence, dans les deux cas, si le seuil de 90 % est atteint malgré le fait que certains Etats n’auront pas procédé à la notification malgré l’engagement figurant dans la Déclaration n°1 annexée à l’Accord, l’Accord ne s’appliquera pas à ces derniers. Le 3 de l’article 12 prévoit que pour ces Etats comme pour les futurs participants aux MSU et MRU (après adoption de l’euro ou suite à une coopération rapprochée), l’Accord s’appliquera à compter du premier jour du mois suivant le dépôt de leur instrument de ratification, d’approbation ou d’acceptation respectif.

A l’inverse, certains Etats contractants peuvent avoir ratifié l’Accord à sa date d’entrée en application sans qu’il ne leur soit applicable. En effet, l’Accord ne s’appliquera pas aux Etats signataires qui ont procédé à la notification de l’achèvement de leurs procédures internes à la date d’application de l’Accord et qui ne participent pas au MSU ni au MRU. Ces Etats participeront en revanche au compromis à compter de cette date qui leur permet de saisir la Cour de justice de tout différend concernant l’interprétation et l’application de la procédure de remboursement prévue à l’article 15. Si un de ces Etats venait à adopter l’euro ou à engager une procédure de coopération rapprochée, l’Accord s’appliquerait alors à cet Etat à compter, selon le cas, de la date de prise d’effet de la décision abrogeant leur dérogation à la monnaie commune ou de la date d’entrée en vigueur de la décision de la BCE mettant en place une coopération rapprochée.

L’article 13 concerne les Etats qui n’ont pas signé l’Accord pour prévoir que l’adhésion leur est ouverte. Celle-ci prend alors effet au moment du dépôt de l’instrument d’adhésion. Le texte de l’Accord dans la langue de l’Etat adhérent est alors déposé comme texte authentique.

On rappellera que le 3 de l’article 14 permet aux Etats dont la monnaie n’est pas l’euro et qui n’ont pas ratifié l’Accord (qu’ils soient ou non co-contractants) peuvent notifier au dépositaire leur intention de participer au compromis qui leur permet de saisir la Cour de justice de tout différend concernant l’interprétation et l’application de la procédure de remboursement prévue à l’article 15. Cette notification est communiquée et il devient alors partie au compromis.

Enfin, l’article 16 prévoit une procédure de réexamen. Le CRU évalue la mise en œuvre de l’accord deux ans après sa date d’entrée en vigueur, puis tous les dix-huit mois. Il évalue en particulier le bon fonctionnement de l’utilisation des ressources mutualisées du Fonds, et son incidence sur la stabilité financière et le marché intérieur. Il présente à chaque fois un rapport au Parlement européen et au Conseil.

5. Les limites d’application de l’accord

Plusieurs dispositions concernent la suspension ou la fin de l’application de l’Accord.

Le dernier alinéa de l’article 12 prévoit que l’Accord cesse de s’appliquer aux Etats qui ont mis en place une coopération rapprochée et qui y mettent fin à compter de la date de résiliation de cette coopération rapprochée. Le 5 de l’article 8 explicite les conséquences d’une résiliation d’une coopération rapprochée qui permet à un Etat n’ayant pas l’euro pour monnaie d’intégrer le MSU et le MRU. La résiliation emporte uniquement des effets pour l’avenir : les contributions transférées sont récupérées. Néanmoins, la résiliation n’affecte pas les droits et obligations découlant de mesures de résolution ayant été décidées pendant la période de la coopération rapprochée. L’Etat qui résilie demeure redevable du transfert des contributions ex-post, des contributions pour reconstitution du fonds et des sommes liées aux transferts temporaires qui font suite à l’utilisation du fonds du fait des résolutions qui ont lieu lorsque l’Accord s’appliquait à lui.

La mise en œuvre de l’accord impose de prendre des dispositions juridiques de droit national afin de garantir sa mise en œuvre, plus précisément pour traduire l’engagement de transférer au Fonds, au plus tard le 31 janvier 2016, les contributions perçues au niveau national en 2015 en vertu de la directive BRR et du règlement MRU (transfert prévu par l’article 3, paragraphe 3). Il conviendra pour cela, d’ici l’échéance de modifier le mandat du fonds de garantie des dépôts et de résolution, défini à l’article L.312-4 du Code monétaire et financier.

Comme indiqué précédemment, le vingtième Considérant explicite les conséquences d’un manquement aux obligations de transfert. Dans le cas où une partie ne respecterait pas son engagement de transférer les contributions de ses établissements au Fonds, les entités agréées sur son territoire seraient exclues de l’accès au Fonds. En revanche, le deuxième alinéa du vingtième considérant indique que l’exclusion de la partie défaillante du financement n’affecterait pas les obligations incombant aux autres parties. Cela signifie que le défaut de réciprocité ne pourra être invoqué pour dénoncer l’accord, d’une part, que le montant des contributions sera recalculé pour les Etats continuant à participer au financement du fonds, d’autre part.

On notera enfin, point important, que la validité de l’Accord est conditionnée par le maintien d’un certain nombre de règles fixées dans la directive BRR et le règlement MRU, plus précisément par leur maintien ou leur modification de telle sorte que les nouvelles règles produisent au moins les mêmes résultats que les anciennes. Cette forte contrainte figure à l’article 9 (« Respect des principes généraux et objectifs de la résolution ») et dans la Déclaration n°1 annexée à l’Accord.

Ces règles constituent une base essentielle du consentement des parties contractantes à être liées par le présent accord, comme le précise le considérant 17. Il s’agit des règles de procédure relatives à l’adoption d’un dispositif de résolution, énoncées dans le règlement MRU ; des règles relatives au processus décisionnel du MRU définies dans le règlement ; des principes généraux régissant la résolution énoncés dans le règlement, notamment la contribution préalable des actionnaires et créanciers de l’établissement concerné par la procédure de résolution ; des règles relatives aux instruments de résolution visés par le règlement et la directive BRR, notamment l’application de l’instrument de renflouement interne (« bail-in »), et les seuils spécifiques établis pour la contribution des actionnaires et des créanciers.

En cas de violation de ces règles, un État membre peut demander à la Cour de justice de l’Union européenne soit de surseoir à l’exécution d’une mesure faisant l’objet d’un différend, soit de vérifier s’il existe un changement fondamental de circonstances lorsqu’un État membre le prétend. Cette procédure ne préjuge pas des autres voies de recours prévues par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ni ne les affecte.

C. LES TRANSFERTS ET LA COMPARTIMENTATION DES CONTRIBUTIONS

Il convient au préalable de souligner que le dixième Considérant de l’accord rappelle que l’objectif est de préserver des conditions équitables et de réduire au minimum le coût global de la résolution pour les contribuables et que les parties « tiendront compte de la charge globale pesant sur les secteurs bancaires respectifs lorsque seront définis les contributions au Fonds et le régime fiscal qui leur sera applicable ».

1. La constitution et reconstitution du Fonds

Le Fonds, qui pourra être mobilisé pour renflouer un établissement bancaire si le renflouement interne n’est pas suffisant, sera doté de 55 milliards d’euros à l’issue d’une période de huit ans. Son montant cible est par ailleurs porté à au moins 1 % de tous les dépôts bancaires à l’issue de la période transitoire.

Pendant cette période transitoire (2016-2023), l’accord prévoit que les compartiments nationaux seront progressivement mutualisés selon un rythme non linéaire : la première année, le niveau de mutualisation est fixé à 40 %, puis 20 % la deuxième année, le rythme devenant linéaire les six années suivantes. L’accord prévoit le transfert ex ante des contributions, la procédure d’imputation des coûts de résolution sur ces compartiments, l’appel de contributions ex post et le recours à des transferts entre compartiments.

L’article 1er de l’Accord fait obligation aux parties contractantes de transférer les contributions perçues au niveau national en vertu de la directive BRR et du règlement MRU au Fonds de résolution unique. Il énonce également le principe d’une période transitoire maximale de huit ans à partir de la date d’application de l’accord au cours de laquelle les contributions perçues sont affectées à des compartiments nationaux dont l’utilisation est progressivement mutualisée jusqu’à les faire disparaître.

En vertu de l’article 10, les parties contractantes s’engagent à prendre les mesures nécessaires, dans leur ordre juridique interne, pour veiller au respect de l’obligation de transfert des contributions au Fonds.

L’article 3 définit l’obligation de transfert et ses modalités. Il précise le calendrier de transfert des contributions en fixant l’obligation pour chaque partie de transférer chaque année les contributions au plus tard le 30 juin. Si l’accord n’est pas entré en vigueur le 30 juin 2016, si l’accord n’est pas entré en vigueur à cette date, les Etats devront transférer les contributions au plus tard six mois après la date de son entrée en vigueur.

Il convient de souligner que l’échéance annuelle du 30 juin emporte une modification du calendrier pour les établissements français, qui devaient versaient leurs contributions en octobre.

La première année, les Etats devront également transférer les contributions perçues au niveau national en 2015 en application de la directive BRR. Ce transfert devra intervenir au plus tard le 31 janvier 2016 ou, si l’accord n’est pas entré en vigueur à cette date, au plus tard un mois après son entrée en vigueur. Néanmoins, dans le cas où une résolution d’un établissement aurait entrainé l’utilisation des ressources d’un dispositif de résolution national avant l’entrée en vigueur de l’accord, l’État participant pourra temporairement déduire le montant déboursé pour la résolution, des contributions à verser au Fonds au titre de l’année 2015, sans que le montant versé ne puisse être inférieur au niveau cible de son dispositif de financement national prévu par la directive BRR.

L’article 3 de l’Accord impose le transfert direct et immédiat au Fonds de résolution unique de toutes les contributions ex-post.

L’article 4 fixe le principe du transfert des contributions à des compartiments nationaux pendant la période transitoire et stipule que la taille du compartiment national de chaque partie contractante est égale au total des contributions levées au niveau national en application du règlement MRU et des actes délégués et d’exécution relatifs au calcul des contributions.

Le CRU établit, à la date d’entrée en vigueur de l’accord, une liste précisant sur cette base la taille du compartiment de chaque partie contractante. Cette liste est mise à jour tous les ans pendant la période transitoire (cf. supra). Encore une fois, il faut avoir conscience qu’il n’est pas possible de déterminer le montant du compartiment français et des contributions françaises qui dépendront des Etats et établissements couverts conformément aux dispositions d’application de l’Accord précédemment présentées, du montant correspondant à la cible fixée de 1 % et de la vie du Fonds de résolution (utilisation, exclusions etc.).

L’article 6 prévoit que lorsqu’une partie des ressources du Fonds a été utilisée dans le cadre d’une procédure de résolution, les parties s’engagent à le reconstituer au moyen de contributions ex ante supplémentaires pour atteindre de nouveau le niveau cible fixé par le règlement MRU (1 %).

Pour mémoire, en vertu de l’article 70§2 de MRU, le niveau-cible annuel des contributions ne peut en aucun cas dépasser le seuil de 12,5 % du niveau-cible total. Si les versements cumulés effectués par le FRU au cours de la période transitoire excèdent 0,5 % des dépôts couverts, le CRU prolonge de quatre années au maximum la période transitoire à l’issue de laquelle la cible de ressources du FRU doit être atteinte. La collecte des contributions permettant d’atteindre la cible de 1 % des dépôts couverts sera ainsi étalée dans le temps pour éviter une concentration des contributions sur un nombre réduits d’années.

L’article 6 précise que lorsque cette reconstitution intervient pendant la période transitoire, les parties contractantes concernées par la résolution versent les contributions ex ante supplémentaires à leur compartiment national, tandis que les autres parties contractantes versent les contributions supplémentaires à la partie mutualisée des ressources du Fonds.

2. Les conditions d’imputation sur les compartiments nationaux et sur la partie mutualisée du fonds : une logique en trois temps

L’article 5 détaille le fonctionnement des compartiments. Le 3 de l’article 5 rappelle qu’à l’issue de la période transitoire les compartiments sont fusionnés et disparaissent. Le 2 de l’article 5 fixe le principe d’une affectation des revenus aux compartiments nationaux au prorata des ressources disponibles s’agissant des investissements réalisés ou des contributions s’agissant des investissements liés aux opérations de résolution.

C’est le 1 de l’article 5, assez ardu, qui détermine la manière dont on prélève les ressources du Fonds en cas de résolution d’un établissement pendant la période transitoire compte tenu de la mutualisation partielle desdites ressources. Il définit ainsi à la fois la méthodologie et ses implications en fonction du stade de mutualisation. Il propose une méthodologie en trois temps.

MUTUALISATION PROGRESSIVE DE L’UTILISATION DES COMPARTIMENTS NATIONAUX DU FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE

Année

1. Utilisation des ressources du compartiment national

2. Utilisation des ressources de tous les compartiments nationaux

Montant des ressources du FRU en milliards d’euros (10 % d la cible en 2015, puis 11,25 % /an)

2015

-

-

-

2016

100 %

40 %

11.69

2017

60 %

60 %

17.88

2018

40 %

66,7 %

24.06

2019

33,3 %

73,3 %

30.25

2020

26,6 %

80 %

36.44

2021

20 %

86,7 %

42.63

2022

13,3 %

93,3 %

48.81

2023

6,7 %

100 %

55.00

Source : Direction générale du Trésor

Dans un premier temps, les compartiments nationaux sont utilisés pour absorber les coûts d’une résolution. On met à contribution les compartiments des parties contractantes dans lesquelles l’établissement ou le groupe bancaire concerné est établi, selon un rythme décroissant au fur et à mesure des années. Ainsi, 100 % des ressources du compartiment national peuvent être utilisées la première année, 60 % la deuxième année et 40 % la troisième année. Les ressources du compartiment national pouvant être mobilisées diminuent ensuite de 6,33 % chaque année jusqu’à la fin de la période transitoire.

Dans un deuxième temps, si la proportion de ressources du compartiment national que l’on peut utiliser ne suffit pas, on utilise les ressources de la partie mutualisée du Fonds. La disponibilité des ressources mutualisées du Fonds augmente dans la proportion inverse de celles des ressources des compartiments nationaux (40 % la première année, 60 % la deuxième année, puis une augmentation de 6,33 % par an).

Dans un troisième temps, si le montant des sommes nécessaires n’est pas atteint, on mobilise les sommes restant sur les compartiments nationaux des parties contractantes dans lesquelles l’établissement ou le groupe bancaire concerné est établi, par exemple, s’il s’agit de la troisième année de Fonds, les 40 % de ressources qui n’ont pas été utilisés dans un premier temps.

DES EXEMPLES THÉORIQUES D’UTILISATION DU FONDS DE RÉSOLUTION UNIQUE

La mécanique de « mutualisation en ciseau » définie par l’accord intergouvernemental prévoit que les possibilités de sollicitation du compartiment national concerné et de l’ensemble des autres compartiments évoluent chaque année de la période transitoire, comme l’illustrent les trois exemples théoriques suivants. Il convient de souligner que pour chaque scénario, l’intervention du FRU n’est en tout état de cause possible que si un renflouement interne à hauteur de 8  % du passif de l’établissement a préalablement été opéré.

1. Scénario a : une intervention en 2016, au bénéfice d’un établissement espagnol, pour un montant de 7 milliards d’euros

- dans un premier temps, 100 % du compartiment national espagnol est mobilisé. En 2016, le compartiment national espagnol disposera de 1,5 milliard d’euros ; reste à financer 5,5 milliards d’euros.

- dans un second temps, sont mobilisées au maximum 40 % des ressources du FRU disponibles restantes après la mobilisation des ressources précitée (11,7 - 1,5 = 10,2 milliards d’euros), soit 4,1 milliards d’euros. Comme il reste 5,5 milliards d’euros à financer, la totalité de ces 4,1 milliards d’euros est mobilisé, prélevé au prorata de la taille des ressources financières des compartiments nationaux. Il reste 1,4 milliard d’euros à financer ;

- dans un troisième temps, pour financer ces 1,4 milliard d’euros, des contributions ex post sont sollicitées par le CRU. Si le CRU ne fait pas appel à de telles contributions (par exemple pour éviter une contagion), il peut décider soit de contracter des emprunts, soit de réaliser des transferts temporaires entre les compartiments nationaux du Fonds.

2. Scénario b : deux interventions en 2018, au bénéfice d’un établissement slovène, pour un montant de 1 milliard d’euros, et au bénéfice d’un établissement allemand, pour 2 milliards d’euros

- dans un premier temps, 40 % des compartiments nationaux sont mobilisés :

- en 2018, le compartiment national slovène disposera de 47 millions d’euros ; 40 % du compartiment, est mobilisé, soit 19 millions d’euros au maximum ;

- en 2018, le compartiment national allemand disposera de 6,9 milliards d’euros ; 40 % du compartiment est mobilisé, soit 2,8 milliards d’euros au maximum. Comme la résolution de l’établissement allemand nécessite seulement 2 milliards d’euros, les ressources mobilisées dans ce cadre suffisent et il n’est pas fait appel, au titre de cet établissement, aux autres compartiments nationaux.

- dans un second temps, sont mobilisées au maximum 66,7 % des ressources du FRU disponibles restantes après la mobilisation des ressources au premier alinéa (23,9 - 0,019 - 2,0 = 21,881 milliards d’euros), soit 14,6 milliards d’euros. Comme la résolution de l’établissement slovène ne mobilise au total que 1 milliard d’euros, 0,98 milliard d’euros, sur les 14,6 milliards d’euros disponibles, doivent être mobilisés au titre de cet alinéa. Ces 0,98 milliard d’euros sont prélevés au prorata de la taille des ressources financières des compartiments nationaux.

3. Scénario c : une intervention en 2019, pour un établissement français, à hauteur de 8 milliards d’euros

- dans un premier temps, 33,3 % du compartiment national français est mobilisé. En 2019, le compartiment national français disposera de 7,6 milliards d’euros ; peuvent donc être mobilisés 2,5 milliards d’euros ;

- dans un second temps, peuvent être mobilisées 73,3 % maximum des ressources du FRU disponibles restantes après la mobilisation des ressources au premier alinéa, (30,1 - 2,5 = 27,6 milliards d’euros), soit 20,2 milliards d’euros. Comme la résolution ne mobilise au total que 8 milliards d’euros, 5,5 milliards d’euros doivent être mobilisés au titre de cet alinéa. Ces 5,5 milliards d’euros sont prélevés au prorata de la taille des ressources financières des compartiments nationaux.

Source : direction générale du Trésor

3. Le cas des groupes transfrontaliers

L’article 5 de l’Accord prévoit aux différents stades les modalités spécifiques applicables ne cas de groupes transfrontaliers, de telle sorte que les coûts soient toujours répartis entre compartiments nationaux proportionnellement au montant des contributions de chaque entité du groupe à son compartiment national par rapport au montant total des contributions des entités du groupe.

Une partie peut saisir le CRU d’une demande de modification de la répartition des coûts en cas de grande asymétrie entre cette répartition et le profil de risque des entités concernées par la résolution, le CRU pouvant ne pas donner suite à cette demande s’il explique publiquement sa position.

Par ailleurs, en cas d’utilisation de la fraction mutualisée mobilisable, les ressources qui seraient éventuellement non nécessaires pour des entités d’un groupe sont utilisées pour la résolution des autres entités du groupe soumis à résolution dans les autres Etats.

4. Le recours à des fonds supplémentaires

L’article 5 de l’Accord prévoit, dans l’hypothèse où le compte n’y est pas après avoir ponctionné les compartiments nationaux, puis la partie mutualisée du Fonds puis à nouveau les compartiments nationaux, que les parties contractantes dans lesquelles l’établissement ou le groupe bancaire concerné est établi transfèrent au Fonds les contributions ex post extraordinaires des établissements agréés sur son territoire.

Le montant, estimé, de 55 milliards pouvant apparaître faible, le règlement MRU prévoit que, sur décision plénière du conseil de résolution, le Fonds pourra emprunter sur les marchés financiers afin de renforcer sa capacité d’intervention. Dès lors, s’il est nécessaire de recourir à des contributions ex post et tant que ces dernières ne sont pas immédiatement mobilisables, y compris pour des raisons liées à la stabilité de ces établissements (motif d’opportunité et pas seulement de délai technique), l’article 5 de l’Accord prévoit que le Conseil de résolution unique peut mobiliser des ressources supplémentaires provisoires :

– en procédant à des transferts temporaires entre compartiments :

– en exerçant son pouvoir de contracter des emprunts ou d’activer d’autres formes de soutien pour le Fonds (article 72 et 73 du MRU).

Les contributions ex post viennent alors en remboursement des emprunts, soutiens ou transferts temporaires.

S’agissant des transferts temporaires entre compartiments, l’article 7 vient préciser les modalités de leur exercice, étant indiqué que son paragraphe 6 prévoit que le Conseil de résolution unique définit des principes généraux.

Le paragraphe 1 de l’article 7 pose le principe qu’un Etat concerné par une résolution peut saisir le CRU d’une demande de transferts temporaires et qu’en cas d’acceptation il doit lever et verser des contributions ex-post extraordinaires couvrant les montants transférés à son compartiment majoré des intérêts courus avant la fin de la période transitoire.

Le paragraphe 3 rappelle que le CRU prend la décision à la majorité simple en session plénière. Il ajoute que le CRU doit indiquer dans sa décision les éléments techniques : taux d’intérêt, période de refinancement et conditions applicables. Le paragraphe prévoit une procédure d’accord tacite : la décision du CRU entre en vigueur si aucune des parties dont le compartiment est ponctionné n’émet d’objections dans un délai de quatre jours civils à compter de la date d’adoption de la décision. Ce droit d’objection est limité à trois cas de figure, à charge pour la partie souhaitant objecter d’étayer que l’un deux peut être soulevé. Dans ce cas, la décision du CRU n’est pas remise en cause sur le principe mais est adoptée en excluant les ressources financière des compartiments des parties ayant objecté. Ces motifs d’objections par une partie sont : les ressources de son compartiment doivent financer une mesure de résolution à court terme sur son territoire ; (ii) le transfert temporaire correspondrait à un montant supérieur à 25 % de ressources non mutualisées de son compartiment national ; (iii) la partie contractante considère que le compartiment dont bénéficie le transfert n’offre pas de garanties suffisantes de refinancement.

Enfin, dans le cas où un Etat a vu son compartiment ponctionné par un transfert temporaire et se trouve devoir conduire une opération de résolution sur son territoire, il peut demander au CRU le remboursement du montant initialement transféré. Le CRU approuve alors immédiatement le transfert. Les parties contractantes qui ont initialement bénéficié du transfert sont tenues de le rembourser au Fonds, selon les modalités et conditions à spécifier par le Conseil.

Le paragraphe 2 de l’article 7 explicite la répartition des montants prélevés pour transfert entre les autres compartiments nationaux. La répartition se fait proportionnellement à la taille des compartiments sans que la somme prélevée ne puisse excéder 50 % du montant du compartiment.

S’agissant des emprunts par le Fonds, aucune précision n’est apportée par l’Accord. Cette capacité d’emprunt permettra de lever des fonds mais sans la garantie des Etats et sans pouvoir bénéficier d’un apport du mécanisme européen de stabilité. En outre, cette capacité sera limitée dans un premier temps compte tenu du niveau de dotation initial et du fait qu’il est lui-même financé par l’industrie bancaire. Sa dotation ne dépassera pas 13 milliards d’euros, dont à peine 7 milliards mutualisés la première année.

L’abondement du Fonds de résolution unique (FRU) étant étalée sur 8 ans, les législateurs ont prévu la création d’une facilité de financement relais (bridge financing facility). Celle-ci sera capable de venir à l’appui du fonds unique si, une fois le renflouement interne effectué, le ou les compartiments nationaux épuisés et un nouvel appel à contribution des banques réalisé, il devait encore y avoir besoin de financement complémentaire. Aussi le règlement créant le mécanisme de résolution unique prévoit de « mettre au point les méthodes et modalités appropriées permettant d’accroître la capacité d’emprunt du Fonds » dès sa création, conformément à la déclaration de l’Eurogroupe et du Conseil du 18 décembre 2013.

Durant la période transitoire, comme le rappelle le treizième Considérant, les Etats doivent fournir un financement-relais dans le cas où les ressources du fonds sont insuffisantes et les contributions ex post ne peuvent être immédiatement mobilisables. Les parties contractantes doivent mettre en place les procédures leur permettant, en cas de résolution d’un établissement bancaire, de répondre en temps opportun à toute demande de financement-relais provenant de sources nationales ou du mécanisme européen de stabilité.

Les filets de sécurité dont il a été tant question au cours des négociations, c’est d’abord l’octroi au FRU d’un relai de financement pendant sa phase de montée en puissance. Mais tous les Etats n’ont pas cette approche. L’Allemagne a toujours observé une grande prudence s’agissant de la mise en place d’un « backstop » commun. Il semblerait qu’aujourd’hui le pays considère que tant que le FRU n’est pas parvenu à maturité, le relai doit être assuré au niveau purement national. C’est une divergence importante si elle devait se confirmer.

La France plaide, quant à elle, depuis longtemps, pour que le MES puisse incarner ce relai dès le début. Il est important de noter que s’agissant du MES, il est énoncé dans les Considérants de l’Accord que ce financement peut intervenir selon les « procédures convenues », et non pas selon les « procédures existantes », ce qui devrait bien permettre d’inclure les recapitalisations directes du MES, mais des discussions sont encore en cours sur l’interprétation à retenir. Les ministres des finances de la zone euro ont conclu un accord, au sein de l’Eurogroupe, le 13 juin 2014, afin de permettre au Mécanisme européen de stabilité, sur un compartiment de 60 milliards d’euros, de recapitaliser les banques en difficultés. De nombreuses conditions sont cependant posées (renflouement interne préalable ; mise sous programme d’assistance de l’Etat concerné ; participation, à hauteur de 20 % puis de 10 % de l’Etat concerné au plan d’aide).

On notera que la Bulgarie, la République Tchèque, l’Allemagne, l’Estonie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Finlande ont fait la déclaration suivante lors de la signature du traité : « Pour la République de Bulgarie, la République Tchèque, la république fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, la République de Malte, la Roumanie, la République Slovaque et à la République de Finlande, l’accord sur le transfert et la mutualisation des contributions au fonds de résolution unique dans son entier, et en particulier ses considérants 6 et 13 ainsi que ses articles 5 et 7, ainsi que les considérants et les articles du règlement MRU doivent être interprétés de telle manière qu’ils ne créent aucune obligation d’engagement entre les parties contractantes, d’amendement du traité MES ou en particulier de toute forme de soutien financier ou de mesures qui empièteraient sur la souveraineté budgétaire et fiscale des parties contractantes ».

A ce jour les négociations sont au point mort. Octroi de garanties nationales, engagement du Mécanisme européen de stabilité, mise en réserve de moyens nationaux supplémentaires, plusieurs options ont été examinées, mais sans résultat. Le 26 février 2015, la dernière réunion du groupe de travail des ministères des Finances créé en juin 2014 s’est soldée par un échec. La France doit continuer à peser de tout son poids pour que se dessine une mutualisation aussi poussée que possible des financements complémentaires mis en place pendant la période transitoire. C’est la crédibilité du MRU qui est en cause. A défaut de solution satisfaisante, l’effort que constitue pour nos établissements bancaires la création du FRU serait difficile à justifier.

Enfin, le treizième Considérant se réfère aussi au dispositif de soutien commun qui doit être élaboré pendant la période transitoire, conformément à la déclaration de l’Eurogroupe et du Conseil du 18 décembre 2013, pour être effectif à l’issue de la période transitoire. Il n’est pas utile de préciser que les contours de ce dispositif ne sont guère esquissés.

CONCLUSION

Saisit-on véritablement la portée de la création de l’union bancaire ? La question peut se poser au regard de la révolution engagée. La crise chypriote a fait la démonstration de ce qui se passe en l’absence d’union bancaire, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a ni supervision unique, ni résolution unique : on en vient à spolier les contribuables et à interdire les mouvements de capitaux. L’union bancaire, c’est d’abord la fin d’une injustice.

Mais c’est aussi en germe une évolution profonde du système bancaire européen, avec des conséquences industrielles et politiques induites par ce nouveau saut fédéral. En posant avec acuité la question de la place des États non membres de la zone euro, du fonctionnement concret d’une Europe différenciée, du financement de l’économie et du rôle de la BCE, c’est bien la poursuite de l’intégration européenne qui est en jeu.

Il demeure plusieurs étapes à franchir. La première consistera à crédibiliser l’ensemble du Mécanisme de résolution unique et du Fonds de résolution unique en particulier. Le processus de négociation aura été long pour aboutir à un Fonds faiblement doté. La question des filets de sécurité est donc majeure. Le plus simple serait d’utiliser le Mécanisme européen de stabilité, mais, comme pour son activation au profit d’un État non membre de la zone euro, l’hypothèque allemande devra être levée. En tout état de cause, il est impératif d’aboutir dans un délai raisonnable à la mise sur pied d’un mécanisme opérationnel pendant la phase transitoire. Par ailleurs, comte tenu de la protection des dépôts inférieurs à 100 000 euros, la question demeure ouverte de l’absorption des pertes par les Etats si le Fonds n’est pas suffisant. La création d’un Fonds européen de garantie de dépôts doit demeurer un objectif.

La deuxième étape concerne l’accélération de la création d’un véritable marché bancaire européen. L’union bancaire sera d’autant plus efficace que le marché bancaire sera unifié. L’adoption d’une réglementation commune des activités financières des banques est ainsi souhaitable. C’est par exemple le cas en matière de séparation des activités, là où plusieurs Etats parmi lesquels la France ont institué des règles nationales. En cas de séparation, les pertes des banques de marché ne se répercutent pas (directement) sur les activités de crédit des banques de dépôt. En réduisant les risques de faillite des banques de dépôt, la séparation diminue le risque de mise en œuvre d’un plan de sauvetage coûteux pour les épargnants (bail-in) comme celui de l’activation de la garantie des dépôts.

La dernière étape consistera à s’atteler au deuxième pilier d’une UEM renforcée : le pilier économique. Car disposer de banques solides et d’un système protégeant les citoyens des défaillances ne suffit pas à créer de l’investissement, de la croissance et de l’emploi. L’UEM doit reposer sur ses deux jambes. Cette jambe économique, c’est bien sûr la coordination macro-économique, balbutiante, mais c’est aussi des mesures positives qui renforcent le sentiment d’appartenance à un devenir commun. Sortir par le haut de la crise suppose sans doute la poursuite de l’intégration, pour parvenir à un système plus fédéral au niveau politique, incluant une union budgétaire disposant d’une légitimité démocratique, et assise sur des règles fiscales et sociales harmonisées.

Certes, avant de lancer le débat sur un transfert de souveraineté, il faut démontrer que l’Europe peut créer de la croissance et de l’emploi. Cette contrainte politique est manifeste et permet de souder l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne autour d’objectifs communs. La France s’engage pleinement en ce sens et le financement de l’économie est au cœur des priorités politiques. Mais l’objectif d’une nouvelle étape dans l’intégration de la zone euro doit demeurer un horizon. C’est la suite logique de la création de l’union bancaire, achevant l’union monétaire au bénéfice des citoyens, que de créer une union économique véritable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 14 avril 2015, à 17h00.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.

Mme la Présidente Valérie Fourneyron. Merci madame la Présidente pour cette présentation sur le nouveau fonds de résolution unique qui nous a apporté de nombreuses précisions très techniques. Ce mécanisme est important pour le fonctionnement de l’union bancaire et doit permettre d’éviter une contagion des crises bancaires aux dettes souveraines comme cela a pu avoir lieu depuis 2007.

Je vous remercie également de nous avoir précisé le mode de calcul et le niveau des contributions de nos établissements bancaires à ce mécanisme, qui s’élève 15 milliards d’euros à parité avec l’Allemagne. L’information annuelle du Parlement est un élément important qui a été ajouté lors de la lecture au Sénat.

Enfin, il était opportun d’exposer les perspectives d’évolution de ce fonds à la fin de votre présentation. J’ajouterai qu’un fonds européen de garantie des dépôts est nécessaire et qu’il faut aussi sans doute qu’il puisse y avoir, comme nous l’avons fait en France, une séparation entre les activités des banques.

M. Jean-Paul Dupré. Je m’interroge sur l’engagement des 28 pays de l’Union européenne. Les Etats membres ont-ils la possibilité ne pas signer cet accord ?

Concernant la vérification en amont de la qualité de la santé des établissements bancaires concernés. La banque centrale a-t-elle la capacité d’effectuer de façon sérieuse ces vérifications ? Cette question se pose notamment par rapport aux actifs risqués que peuvent détenir ces établissements bancaires.

Aussi, sur un autre sujet, il avait été fortement envisagé de couper les liens entre les banques de dépôt et les banques d’affaires. Où en sommes-nous ?

M. Jean-Louis Destans. Ce dispositif veut répondre à la crise de 2008 au cours de laquelle les Etats ont dû venir au secours des banques. Il cherche à y répondre tout d’abord en organisant un contrôle par la BCE, puis en sécurisant, c’est l’objet des fonds, et enfin en mutualisant sur l’ensemble du système bancaire les éventuelles défaillances pouvant survenir.

Je voudrais me placer dans le cadre d’un scénario quelque peu catastrophe. Imaginons que la Grèce n’honore pas ses dettes et que la population grecque, très inquiète, se décide à retirer tout son argent des banques de dépôt. Le mécanisme de mutualisation, au-delà même des éventuelles décisions du gouvernement grec sur le remboursement de sa dette nationale, s’appliquerait-il pour venir au secours des banques de dépôt grecques ? Il pourrait alors y avoir une forme d’aspiration via le système bancaire privé par rapport à la sécurisation des dettes publiques. On voit bien les enchaînements qui pourraient s’en suivre.

Mme Estelle Grelier. Ma question porte sur la nature du contrôle exercé par les différents Parlements. Les dispositifs dont nous traitons aujourd’hui sont de conception et d’intention intergouvernementales et nous n’avons quasiment pas notre mot à dire. Nous devons mendier une information annuelle des conséquences de ce mécanisme sur les établissements bancaires français malgré ses fortes incidences sur l’économie réelle. J’estime que cette information annuelle n’est pas à la hauteur des enjeux qui sont portés par ce mécanisme. De plus, cet accord étant d’essence intergouvernementale, le Parlement européen est lui aussi exclu de toute forme de contrôle.

Nous ne pouvons pas d’un côté nous féliciter que ce fonds soit fantastique car il répondrait à une attente et de l’autre affirmer que ni les parlements nationaux et ni le Parlement européen n’ont à peser sur sa mise en application. C’est un vrai sujet démocratique. Les sujets techniques, lorsqu’ils sont tranquillement expliqués, peuvent intéresser les citoyens et donc leurs représentants. Je suis inquiète de constater qu’à chaque fois ce type de dispositifs échappe ou organise le fait d’échapper au contrôle des peuples.

En conséquence, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’amendement du Sénat. Il débouchera sur le même type de présentation que nous connaissons aujourd’hui avant chaque conseil européen lorsque les ministres viennent brièvement nous exposer ce qu’ils vont y dire trois jours plus tard. Ces exposés n’ont pas du tout une valeur de contrôle, ils n’ont qu’une valeur informative. C’est une vraie préoccupation pour l’avenir.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Pour répondre à Jean-Paul Dupré, je précise que 26 pays ont signé l’accord ; seuls le Royaume-Uni et la Suède ne l’ont pas fait. Je rappelle que cet accord est obligatoire pour tous les Etats membres du mécanisme de supervision unique, donc aujourd’hui de la zone euro, et que par conséquent, les 19 Etats membres de la zone euro y ont souscrit et devraient respecter leur engagement de ratification. Seule leur ratification conditionne l’entrée en vigueur.

Les tests de résistance qui ont été organisés sous l’égide de la Banque centrale européenne sont unanimement reconnus comme ayant été d’une très grande qualité. Les banques ont été soumises à de fortes exigences. Sur les 130 établissements qui ont été testés, 25 ont échoué au test. Parmi eux, il n’y avait qu’un établissement français, la Caisse de refinancement de l’habitat. Elle avait un déficit de fonds propres d’environ 130 millions d’euros, selon les données de décembre 2013, mais des mesures de recapitalisation avaient été prises avant même les résultats des tests. Les autres banques sont principalement italiennes, chypriotes, grecques et portugaises. Un établissement allemand, la Münchener Hypothekenbank, a également échoué au test.

Il ne faut pas oublier que ces tests, comme la revue des actifs bancaires effectuée dans le même temps, ont un objet préventif, précisément pour éviter les sinistres et l’intervention de mécanismes de résolution. Je vous confirme que le Mécanisme de supervision unique dote la BCE des pouvoirs lui permettant d’exercer une surveillance de qualité et de contrôler les exigences et les pratiques prudentielles.

Concernant la séparation des activités des banques, je rappelle d’abord qu’une loi a été votée en France pour séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires. Elle avait été votée rapidement pour pouvoir aussi peser sur le dispositif européen sur lequel le commissaire au marché intérieur travaillait. Personnellement, j’aurai souhaité que nous allions plus loin dans le dispositif français, mais cela se heurtait aux intérêts de nos banques, notamment au regard de leurs activités de tenue de marché. Le projet européen n’a pas abouti à ce jour.

Concernant un défaut grec, il faut souligner qu’une partie de la dette des créanciers privés a déjà été restructurée. La question posée aujourd’hui est celle du remboursement de la dette constituée des prêts publics, du FMI et des Etats européens.

Dans le cas où une banque grecque serait en difficulté prochainement, le système de garantie des dépôts repose sur des fonds nationaux qui sont progressivement abondés et l’abondement du Fonds de résolution unique est lui aussi progressif et seule une partie est mutualisée au cours de la phase transitoire. Après renflouement interne, si le seuil de 8 % des passifs ainsi renfloués était atteint, ce qui est très élevé, le fonds de résolution unique pourrait être activé mais pour un montant faible de fonds et essentiellement sur le compartiment national grec. Un recours aux fonds publics ou au mécanisme européen de stabilité serait donc nécessaire. La question de la solidarité européenne serait à nouveau posée.

M. Jean-Louis Destans. Ma question ne portait pas sur la dette publique mais sur l’éventualité d’un retrait des Grecs de leurs dépôts à la suite d’un défaut de paiement de la dette publique grecque.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. J’avais bien compris et je vous ai indiqué que si une banque grecque devait défaillir prochainement, que ce soit à la suite de retraits liés à un défaut ou pour quelque autre motif, le Fonds de résolution unique, qui n’existe pas encore, ne serait peut-être pas activé et que s’il l’était, il pourrait ne pas suffire, obligeant à recourir à des fonds publics.

C’est pour éviter des sauvetages qui font appel au budget des Etats membre, qu’un mécanisme de résolution a été créé pouvant sous condition recourir à un fonds de résolution. Il s’agit de mettre en place des mécanismes de prévention et ensuite de résolution des défaillances bancaires qui font essentiellement appel aux actionnaires, puis aux créanciers privés et enfin, sous conditions, au fonds de résolution unique alimenté par les banques. Mais dans le cas d’un défaut, c’est la question de l’appartenance à la zone euro qui serait à nouveau posée.

Au-delà du cas cité, je n’ai pas caché que 55 milliards d’euros ne seront pas suffisants face à des sinistres de grande importance et encore ce montant ne sera-t-il atteint qu’au terme d’une période de huit ans, d’où la question des filets de sécurité publics. Nous avons cependant intérêt à soutenir la création du Fonds car c’est un élément utile d’un mécanisme qui constitue un véritable progrès.

Estelle Grelier a parfaitement raison de dire que le Parlement européen est privé de compétence s’agissant d’un accord intergouvernemental et ne contrôle pas le mécanisme tant qu’il ne sera pas intégré dans le droit de l’Union européenne.

Concernant les Parlements nationaux, d’abord ils ont la responsabilité de la ratification de l’Accord. Ensuite, l’article 2 inséré à la demande du Sénat est judicieux et obligera chaque année le gouvernement à dresser un état des lieux des répercussions de ce mécanisme sur nos banques.

Il n’en demeure pas moins que le contrôle démocratique dans l’Union économique et monétaire est de manière générale très insuffisant. Pour l’instant, nous avons un système a-démocratique extrêmement insatisfaisant. Les Grecs, en votant pour le parti Syriza, ont voté contre la Troïka, c’est-à-dire contre des gens que personne n’a élus, qui prennent des décisions majeures et qui ne rendent de comptes à personne.

Le sauvetage durable de l’Union Economique et Monétaire passe par un renforcement de l’union économique, par l’achèvement de l’union monétaire à travers l’union bancaire et par des mécanismes de contrôle démocratiques plus étroits.

Un mécanisme parlementaire spécifique pour la zone euro, au sein du Parlement européen, s’avère de plus en plus nécessaire. Du moins, j’espère qu’il ne sera pas complètement distinct du Parlement européen car cela représenterait un affaiblissement de celui-ci et nous n’y ayons pas intérêt.

Concernant les Parlements nationaux, les marges de progrès sont considérables en matière de contrôle de nos Gouvernements. L’ensemble des commissions, et pas uniquement par la commission des finances, doivent exercer un contrôle sur des sujets qui ont des implications aussi larges pour nos concitoyens. La commission des Affaires étrangères est associée à travers la ratification des accords, mais, par exemple, il est dommage que la haute autorité des finances publiques n’ait pas été logée auprès du Parlement. Il est vrai que notre tradition constitutionnelle et institutionnelle ne place pas le Parlement au centre névralgique de nos institutions.

Au-delà de ces nombreux progrès à réaliser en matière de contrôle sur notre gouvernement, il faut également parvenir à faire fonctionner la conférence interparlementaire prévue à l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Cette conférence ne fonctionne pas, en grande partie car le Parlement européen ne souhaite pas que les Parlements nationaux empiètent sur ses prérogatives.

Mme Estelle Grelier. Je ne crois pas en la conférence interparlementaire, même si nous l’avons souhaitée, car il n’existe pas de représentation permanente des Parlements nationaux au niveau européen, ce qui est un vrai sujet.

En France, concernant le contrôle de l’Assemblée nationale sur les actes de gouvernement, je regrette que toute la partie relative à la subsidiarité échappe à notre vigilance ; le Sénat étant nettement plus performant sur ces sujets.

Mon affliction provient du fait que certains ministres vont négocier à Bruxelles sur un mandat qu’ils ne connaissent pas toujours trois jours avant la réunion. Lorsque nous rencontrons les ministres avant les réunions du Conseil,  que ce soit en commission des Affaires européennes ou en commission des Affaires étrangères, il n’est pas possible de discuter avec eux sur le fond. Nous sommes responsables de l’absence de prise en main des sujets européens par le Parlement.

La discussion que nous avions eue sur l’organisation et le missions de la commission des Affaires européennes était quelque peu torride. Je pense qu’il faut traiter les sujets européens de manière transversale sur l’intégralité des commissions, mais c’est un débat un peu interdit à ce stade à l’Assemblée nationale.

Or, au-delà de ce projet de loi, la question du traitement des sujets européens monte en pression, notamment sur des questions comme l’union bancaire qui ont un impact pour nos banques et le financement de notre économie. Que des mesures importantes soient prises, c’est positif, mais que cela se passe forcément à l’extérieur des représentations nationales, c’est plus discutable. Je veux vous redire tout l’appui que je porte à votre analyse.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Du côté du gouvernement on nous répond que dans ces mécanismes il n’y a pas de fonds publics engagés, et il est vrai que c’est précisément ce que ce mécanisme cherche à éviter. C’est aussi la raison pour laquelle il en serait de même avec un mécanisme purement national : si une autorité compétence en France mettait en résolution une banque avec des fonds des banques françaises elles-mêmes, le Parlement ne serait pas consulté.

Mais en pratique, à partir du moment où l’on exige des banques un certain niveau de fonds propres, qu’on élabore une règlementation plus pesante, qu’on leur impose de contribuer à des mécanismes de sauvetage, on obère une partie de leur capacité de financement de l’économie. Il est donc logique que le Parlement puisse avoir un droit de regard.

Plus nous avançons vers une Union économique et monétaire et plus les parlementaires doivent être impliqués. Cette implication du Parlement peut aussi être un poids d’appui pour les gouvernements ; il n’y a qu’à constater la manière dont l’Allemagne utilise en permanence la nécessité de passer devant le Parlement.

Cette nécessité de renforcer le contrôle se heurte il est vrai aux moyens humains de nos Commissions, qui devraient être plus importants et appuyés par un recours plus fréquent aux experts extérieurs, comme c’est le cas dans les Parlements d’Europe du Nord.

Mme la Présidente Valérie Fourneyron. Merci madame la Présidente, à la fois pour la qualité de ce rapport, pour la précision et la clarté de vos réponses et pour les propos sans concessions que vous avez exprimés sur les améliorations que nous pourrions porter collectivement au regard de ces enjeux européens.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2657).

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES

(par ordre chronologique)

– Monsieur Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, accompagné de M. Dominique Laboureix, directeur de la Résolution à l’ACPR et de Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du gouverneur (10  septembre 2014)

– Mme Danièle Nouy, présidente du Comité de supervision du mécanisme de supervision unique à la Banque centrale européenne (26 septembre 2014)

– Mme Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française, accompagnée de M. Bernard Pierre, conseiller au département supervision bancaire et comptable, de Mme Séverine de Compreignac, directrice des Affaires publiques et de M. Benjamin Quatre, chargé des affaires européennes au département Affaires européennes et internationales (1er octobre 2014)

– M. Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France, conseiller auprès du président de BNP-Paribas, président du comité stratégique de l’Agence France Trésor, président d’EUROFIT17 (Vendredi 3 octobre 2014)

– M. Bruno Bézard, directeur général du Trésor, accompagné de Mme Delphine d’Amarzit, chef du service du financement de l’économie (4 novembre 2014)

– M. Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, en charge des relations internationales et européennes, de la représentation permanente à Washington, de la supervision des opérations de marché (1er décembre 2014)

ANNEXE 2 : LISTE DES ÉTABLISSEMENTS SOUS SUPERVISION DIRECTE

ANNEXE 3 : ETAT DES PROGRAMMES D’ASSISTANCE FINANCIÈRE (20 FÉVRIER 2015)

Source : Parlement européen, 20 février 2015, http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/note/join/2014/497721/IPOL-ECON_NT(2014)497721_EN.pdf

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article 1er

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (ensemble deux déclarations), signé à Bruxelles le 21 mai 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi (1).

Article 2

(Non modifié)

Le Gouvernement informe le Parlement, avant le 1er octobre de chaque année et ce jusqu’en 2024, de la mise en œuvre du mécanisme de résolution unique et du Fonds de résolution unique, en particulier du montant global des contributions des établissements français et de leurs modalités de paiement, ainsi que de la mise en œuvre de la directive relative au système de garantie des dépôts, au regard, notamment, de leur impact sur le financement de l’économie.

________________________________

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2657).

© Assemblée nationale

1 () Les dispositions transitoires prévues au Protocole n°36 annexé au Traité prévoient les pondérations des voix aboutissant à un total de 352 voix ainsi décomposé : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni 29 chacun; Espagne et Pologne 27 chacune; Roumanie 14; Pays-Bas 13; Belgique, République tchèque, Grèce, Hongrie et Portugal 12 chacun; Autriche, Bulgarie et Suède 10 chacune; Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Slovaquie et Croatie 7 chacun; Estonie, Chypre, Lettonie, Luxembourg et Slovénie 4 chacun; et Malte 3. Il convient de retraiter en excluant les États non participants au MRU et MSU, qui n’est pas encore définitif puisque le Danemark s’interroge sur sa participation.

2 () Rapport Europe’s big banks will need to raise capital warns ECB de Sascha Steffen.

3 () Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

4 () Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/C.

5 () Europe’s big banks will need to raise capital warns ECB, Financial Times, 24 février 2015.

6 () Ce nouveau régime de résolution bancaire, codifié aux III et IV de l’article L. 312-5 du code monétaire et financier, permet à l’ACPR de mobiliser le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) pour un soutien de l’entité bancaire défaillante, en liquidités ou en capital. Les ressources du FGDR levées au titre de la résolution constituent le fonds de résolution national français.

7 () L’appel aux créances seniors non sécurisées augmente le coût de financement de la banque en résolution. Il aurait toutefois permis d’absorber les pertes de banques comme Dexia et Bankia sans faire appel aux contribuables.

8 () Dixième et onzième considérants du règlement 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014.

9 () Une dérogation à l’obligation de mise en place d’un fonds de résolution est prévue en cas d’existence d’une taxe systémique, même si elle affectée au budget général de l’Etat, si cette taxe systémique a été mise en place entre le 17/06/2010 et le 2/07/2014 (article 100§6 de la directive BRR). La taxe de risque systémique existante en France aurait vérifié les critères d’éligibilité, mais le règlement MRU ferme cette option dans les cas des Etats membres participant à l’Union bancaire.

10 () Règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil du 19 décembre 2014 définissant des conditions uniformes d’application du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique et Règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission du 21 octobre 2014 complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution.