Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Rapport d’information de M. Ludovic Mendes et Mme Marietta Karamanli et examen de la proposition de résolution européenne sur la réforme européenne du droit d’asile              3

II. Communication de Mme la présidente Sabine Thillaye sur la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance économique dans l’Union européenne              19

III. Communication de Mme Valérie Gomez-Bassac sur le code européen des affaires 21

IV. Communication de M. Alexandre Holroyd, référent de la commission des finances, sur le prélèvement sur recettes (PSR) 21

V. Communication de M. Alexandre Holroyd, référent de la commission des finances, sur trois propositions de règlement européen              22

VI. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution 22


jeudi
17 octobre 2019

9 heures

Compte rendu n° 106

Présidence de Mme Sabine Thillaye
Présidente


 

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Jeudi 17 octobre 2019

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

 

La séance est ouverte à 9 h 05.

 

I.                  Rapport d’information de M. Ludovic Mendes et Mme Marietta Karamanli et examen de la proposition de résolution européenne sur la réforme européenne du droit d’asile

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous allons vous présenter rapidement notre rapport, fruit d’un travail de près d’un an et demi. Les questions migratoires sont une actualité continue. Chacun a bien en tête les débats, en séance publique ou ailleurs, qui ont lieu à ce sujet. Parmi ce flot continu d’informations et de prises de position, une question doit être traitée à part : c’est celle de l’asile.

Avec la Convention de Genève de 1951, le droit d’asile s’affirme comme un droit à l’asile, parce que l’on estime que les personnes qui le sollicitent ont un besoin de protection, qu’il est du devoir moral des États démocratiques de satisfaire.

Les États membres de l’Union européenne, qui font partie d’une communauté d’intérêts et de destin, ont décidé de se doter d’un cadre juridique commun pour traiter des demandes d’asile, puis pour organiser l’accueil des réfugiés. Ce cadre européen a montré ses faiblesses. En 2015, ce sont plus d’1,2 million de personnes qui ont formé une demande de protection internationale auprès des pays européens. Avec ces flux importants de demandeurs d’asile, dont certains déposent des demandes multiples dans plusieurs pays, le système construit autour du règlement Dublin III s’est enrayé.

La Commission européenne a proposé, dès 2016, un paquet de sept textes interdépendants, afin de trouver un équilibre juridique, et de répondre à l’insatisfaction des pays les plus confrontés au devoir d’accueil. C’est ce projet de réforme, appelé « paquet asile », que notre rapport se propose d’éclairer. Avec ma collègue, nous avons souhaité l’accompagner d’une proposition de résolution, car nous estimons qu’il est urgent que les gouvernements, et à travers eux le Conseil, affrontent enfin la complexité d’une réforme indispensable.

Cette conviction est nourrie par des constats que nous avons pu faire nous-mêmes au cours de nos déplacements. Nous nous sommes rendus en Grèce en novembre dernier, où nous avons pu constater les difficultés des autorités locales à faire face à l’afflux de demandeurs d’asile. Un an plus tard, la situation humanitaire dans les îles grecques est toujours dramatique, et le camp de Moria a un taux d’occupation de 400%.

Nous sommes désormais face au paradoxe malheureux d’une situation d’urgence devenue durable. Malgré cette urgence, nous avons dû faire un constat, qui occupe la première partie de notre rapport : en retraçant les négociations européennes autour du paquet asile, nous avons établi, pour le moment, l’histoire d’un blocage.

Nous avons souhaité expliquer les objectifs des sept propositions originelles de la Commission. D’une part, il s’agit de renforcer la solidarité entre les États membres, notamment par la proposition d’un mécanisme de réinstallation. C’est ce mécanisme qui a été vivement attaqué par les États du groupe de Visegrád, Hongrie et Pologne en tête, et qui a précipité le blocage des discussions. D’autre part, la Commission a insisté sur l’aspect sécuritaire de la réforme de l’asile, en cherchant à lutter contre les mouvements secondaires sur le territoire européen par le renforcement des sanctions contre les demandeurs d’asile en fuite. Aussi, les négociations sont restées bloquées au niveau du Conseil, sauf sur les textes les plus consensuels. La raison à cela est un désaccord majeur sur la nature de la solidarité qui doit lier les États membres dans la gestion des demandes d’asile.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Devant cet échec provisoire, mon co-rapporteur et moi-même nous sommes mis d’accord tant sur le diagnostic, notamment à partir des constats faits sur le terrain et des échanges que nous avons eus lors des auditions, que sur les propositions. Nos points d’accord tiennent à quatre principes cardinaux : solidarité entre les États, harmonisation, respect de la dignité et respect des droits humains.

Sur le paquet asile en lui-même, nous considérons que le fait d’avoir recours majoritairement à des règlements pour mettre en place cette réforme est un bon procédé. Cela permet de guider les États vers des réformes. Toutefois, il faudra sans doute dissocier l’adoption des différents textes afin de permettre leur adoption, qui est en l’état bloquée par une logique de « tout ou rien », ce qui n’est ni efficace, ni cohérent. À défaut d’avancer progressivement, on n’avance pas. C’est par pragmatisme que nous faisons cette proposition.

Ensuite, au terme de nos échanges, nous sommes convenus d’une position résolument engagée en faveur de plus de solidarité entre les États membres, qui ne soit ni dogmatique, ni utopique, mais opérationnelle. Une solidarité digne de ce nom ne peut pas prendre seulement la forme d’un soutien financier. En effet, le régime européen de l’asile, tel qu’il est actuellement conçu, fait peser des charges disproportionnées sur certains États, parce qu’ils sont aux frontières de l’Europe. Tous les pays ne sont pas égaux face à l’arrivée des migrants demandant l’asile. Des pays comme la Grèce et l’Italie, du fait de leur situation géographique, font face à des flux migratoires très importants depuis 2015 et ont le sentiment d’être quelque peu délaissés par les autres États membres, qui n’ont pas toujours voulu comprendre combien cette crise migratoire pouvait mettre à mal la cohésion sociale de certains territoires. Cette situation est inquiétante, et elle a des conséquences sur la manière dont sont traités les demandeurs d’asile.

C’est pour cela que nous pensons qu’il faut continuer à rapprocher les systèmes nationaux, en renforçant la législation commune, et en dotant les agences européennes qui interviennent dans le champ de l’asile de moyens plus étendus.

Le droit d’asile est traversé par une contradiction puissante : il y a, d’un côté, le principe intangible de la souveraineté nationale, parce que ce sont les États qui accordent la protection ; de l’autre, il y a la question de la dignité des personnes ayant un besoin constaté de protection internationale. Il est important de trouver un cadre stable et évolutif pour l’organiser, ce qui renvoie aux valeurs et idéaux des droits de l’Homme.

Nos propositions tendent à concilier ces deux impératifs.

Ainsi, le nouveau règlement Dublin devrait mieux prendre en compte la réalité des demandes d’asile dans la détermination de l’État responsable du traitement d’une demande. Nous estimons qu’une plus grande souplesse doit permettre d’échapper plus souvent au critère de l’État de première entrée. C’est une nécessité au regard des raisons qui poussent à demander l’asile dans un pays plutôt que dans un autre : ce peut être la connaissance de la langue, la présence de la famille, ou encore d’une importante diaspora. Prendre en compte ces critères est la clé de l’intégration future.

La proposition du Parlement européen sur ce texte en tient compte, et propose un mécanisme de répartition permanent, qui ne soit pas limité aux seuls cas de crise migratoire. Cette position nous semble à la fois plus réaliste et plus rationnelle. 

M. Ludovic Mendes, rapporteur. J’aimerais dire un mot de l’aspect plus organisationnel de la réforme. D’abord, nous pensons profondément que la coopération européenne en matière d’asile doit avoir pour but, à terme, de permettre une reconnaissance mutuelle des décisions relatives à l’asile. Pour y parvenir, il faut que les autorités nationales partagent la même interprétation de la Convention de Genève et du droit européen. Dans l’idéal, les autorités nationales responsables des demandes seraient toutes indépendantes, à l’image de l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, qui est pour l’instant plutôt l’exception en Europe.

Ensuite, comme le droit d’asile est lié à la situation du pays d’origine du demandeur, il apparaît indispensable que les États membres partagent une même définition du concept de pays d’origine sûr. Par exemple, il est assez étonnant que la France accorde massivement l’asile aux ressortissants afghans, tandis que l’Allemagne considère qu’il est possible d’avoir recours à « l’asile interne », c’est-à-dire de déménager dans son propre pays pour être en sécurité. Pour que ces différences cessent, la future Agence de l’Union européenne pour l’asile devrait consolider son rôle actuel, en déterminant des méthodes de suivi de la situation géopolitique des pays d’origine. Elle pourra aussi être chargée de la définition d’une liste de pays d’origine que tous les États considèrent unanimement comme sûrs. Cela signifie qu’il doit être plus rapide de traiter ces demandes, et de débouter les personnes originaires de pays sûrs.

Cela implique aussi de suivre avec attention l’évolution des flux de demandes d’asile, quand ils proviennent d’État qui bénéficient de la libéralisation du régime de visas. C’est pour cette raison que nous prônons une approche globale des migrations : le statut de réfugié ne doit pas être dévoyé, mais cela invite, en parallèle, à développer des voies de migration sûres et légales vers l’Union européenne.

Pour ce qui est de la situation concrète des personnes, il faut aussi que tous les États membres aient la même façon d’accueillir les demandeurs d’asile en attente de traitement de leur dossier. L’Agence pour l’asile pourrait avoir un droit de regard sur les pratiques nationales, afin qu’elles s’alignent sur un standard minimal. À cet égard, nous avons tous les deux été frappés par le manque d’informations pratiques à disposition des migrants dans les hotspots que nous avons visités. Avoir accès aux informations pratiques, dans sa langue, est pourtant indispensable.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Pour nous guider dans notre réflexion, nous nous sommes appuyés sur le critère de la vulnérabilité, littéralement l’état de ce qui peut être atteint et attaqué, qui est un mot récurrent lorsqu’on évoque les questions d’asile. Nous pensons qu’il est de notre devoir de garantir aux personnes les plus fragiles l’accès à la protection internationale. C’est l’histoire du XXe siècle et de ses désastres passés qui ont amené l’adhésion des États à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Pour les situations de crise, cela passe par la réinstallation directe depuis des zones déstabilisées. Des couloirs humanitaires ont déjà été mis en place dans le passé, par exemple au Liban ; je crois que de nouvelles crises proches se prêteront à ce dispositif.

Nous avons aussi repris à notre compte une proposition qui a déjà été formulée dans le passé : celle de délivrer des visas ad hoc pour demander l’asile. On permet ainsi aux personnes d’accéder au territoire européen, ce qui leur évite un voyage long et périlleux. C’est aussi un moyen de contourner l’économie souterraine criminelle qui nourrit les réseaux de passeurs, et contre lesquels nous appelons à mettre en place une coopération judiciaire spécifique et renforcée au niveau européen.

Enfin, parmi les personnes les plus vulnérables, il y a les mineurs qui se trouvent seuls sur le territoire européen. Pour eux, nous pensons qu’il est indispensable de poursuivre la construction d’un cadre juridique européen qui soit adapté à leur situation particulière. À ce stade, chaque pays détermine l’âge des mineurs non accompagnés selon une technique propre. Si le statut de mineur ne leur est pas reconnu, des droits spécifiques ne sont pas accordés - par exemple une représentation pour faire leur demande d’asile - et ces jeunes sont à la merci des dangers de la rue et de la menace du trafic d’êtres humains. Pour eux, en particulier, nous souhaitons rappeler l’étymologie du mot asile : il vient du  grec ancien ἄσυλος, qui signifie « inviolable ». Nous souhaitons que l’Union européenne soit à la hauteur de l’enjeu, moral et historique, de toujours garantir à ceux qui en ont besoin une protection contre les plus grands dangers. Cette mission nous oblige, mais elle nous honore.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre rapport dresse donc un bilan et des propositions sur la réforme européenne du droit d’asile, mais invite à une réflexion plus large sur les dispositifs complémentaires. En tout état de cause, nous souhaitons voir un dénouement rapide au dossier, et attendons de l’installation des nouvelles institutions des orientations fortes dans ce domaine.

M. André Chassaigne. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de lire le rapport dans son intégralité, en cette période budgétaire où les réunions de commissions sont très nombreuses. J’ai cependant étudié la proposition de résolution des rapporteurs, sur laquelle je m’abstiendrai.

Pour ce qui concerne la prise en compte de l’asile au niveau européen, les députés communistes estiment qu’il y a actuellement en Europe une agitation fantasmée du spectre de la pression migratoire, qui conduit à une vision sécuritaire et répressive. Il faut être extrêmement attentif à s’opposer à toute volonté de mettre en œuvre une politique contre les migrants, qui ne tienne pas compte des réalités qui ont conduit à l’augmentation du nombre de migrants dans l’Union européenne.

Je voudrais également rappeler les chiffres. En France, il y a 7,1 % d’étrangers, proportion stable depuis plus d’un siècle, ce qui dément le fantasme d’une immigration massive véhiculé par la droite et l’extrême-droite. La France accueille depuis dix ans environ 200 000 personnes par an, soit 0,3 % de la population. Cet accueil doit être fondé sur le respect des droits.

Enfin, le droit d’asile en France est un droit fondamental profondément ancré dans notre tradition républicaine. Il faut porter cette éthique du droit d’asile au niveau européen. En France, c’est un droit constitutionnel inscrit dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, vous l’avez rappelé, une obligation internationale qui repose sur la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Il est bon d’avoir fondé votre travail sur la prise en compte de cette convention.

M. Thierry Michels. Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Le délai nécessaire à l’élaboration de ce rapport reflète la difficulté des États membres de l’Union européenne à collaborer sur la question migratoire et plus particulièrement sur la répartition des demandeurs d’asile. La question migratoire se double en réalité d’une interrogation sur le droit d’asile qui s’impose aux pays européens conformément aux valeurs de l’Union européenne. Je souhaiterais poser deux questions : d’une part, le rapport met en relief les initiatives de certains États membres pour mettre en œuvre une coopération informelle renforcée en matière de répartition automatique des demandeurs d’asile. Quelle appréciation portez-vous sur ce régime à deux vitesses de la répartition des demandeurs d’asile ? Estimez-vous que cette voie devrait être poursuivie dans l’hypothèse où les négociations communes ne progresseraient pas ? D’autre part, la future Commission présidée par Mme Ursula von der Leyen, pourra‑t‑elle apporter un souffle nouveau permettant à l’Europe de progresser sur ces sujets, et si oui, de quelle manière ?

Mme Constance Le Grip. Je souhaiterais présenter quelques observations générales avant de reprendre ultérieurement la parole, avec l’autorisation de Mme la Présidente, lors de l’examen de la proposition de résolution. Au nom du groupe les Républicains, je tiens en effet à rappeler les éléments suivants : personne ne remet bien évidemment en cause le droit d’asile au sein de la droite républicaine. Nous ne sommes pas habités par des fantasmes sécuritaires. Nous appartenons à une famille politique qui a toujours fait face avec responsabilité aux différents défis, sans s’écarter des valeurs républicaines et européennes.

Le rapport fait état d’un constat que nous pouvons partager : la crise des réfugiés a révélé les défaillances de la politique migratoire et du droit d’asile dans l’Union européenne et un certain nombre de défis migratoires sont encore à venir. La crise survenue en 2015 a profondément déstabilisé un certain nombre d’États membres de même, à certains égards, que les institutions européennes. Elle a certainement contribué à la progression de l’euroscepticisme voire de l’europhobie. Il faut donc en tirer quelques leçons et se préparer à un avenir, qui pourrait être relativement difficile à affronter, compte tenu des perspectives démographiques, notamment en Afrique.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Au groupe Modem, comme vous le savez, nous sommes très sensibles à la problématique du droit d’asile, Mme de Sarnez s’étant notamment exprimée à ce sujet, récemment lors du débat sur l’immigration. Il y a urgence à recentrer notre politique de l’asile sur ceux qui sont réellement exposés à la persécution et à la guerre dans leur pays, et ce, par étapes, dans un cadre européen harmonisé que vous vous êtes efforcé de dessiner. Nous approuvons le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions prises pour éviter le réexamen des dossiers déjà traités par un partenaire européen. Nous pensons qu’il est nécessaire de faire converger les taux de reconnaissance du statut de réfugié, les pratiques et les procédures, de réduire la durée de l’instruction des dossiers pour des raisons, à la fois pratiques et humaines - le traitement des demandes d’asile en France est effectué en moyenne en douze mois -, de mettre en œuvre une politique d’aide au retour plus efficace et enfin d’accorder la priorité aux publics les plus vulnérables, tels que les mineurs.

Mme Danièle Obono. Votre rapport apporte des éléments très utiles dans le contexte des débats actuels sur la politique migratoire. D’un point de vue un peu plus général, il me semble cependant y manquer une mise en perspective globale des phénomènes liés au droit d’asile. Le rapport présente certes des données relatives à la crise de l’accueil, entre 2015 et 2018. Il est cependant important, y compris pour échapper aux clichés et à l’instrumentalisation de la crise de l’accueil, de souligner que l’Union européenne n’est pas la première région de destination ni d’accueil des réfugiés. Des éléments relatifs aux comparaisons internationales mériteraient d’être pris en considération dans l’approche française et européenne pour montrer comment les pays et régions qui témoignent de la plus grande solidarité envers les réfugiés organisent cet accueil. Cela permettrait d’alimenter, au niveau international, au sein de l’ONU, la réflexion sur la prise en charge de la question à l’échelle mondiale. Cette dimension fait trop souvent défaut au niveau européen alors même que l’Union européenne pourrait jouer un rôle moteur en la matière.

Je souhaiterais interpeller les rapporteurs sur deux points : premièrement, avez-vous eu la possibilité d’examiner la problématique internationale au cours des travaux préparatoires au rapport ? Deuxièmement, concernant l’anticipation et la prévision des demandes d’asile, le groupe La France insoumise souhaite attirer l’attention sur la notion d’asile climatique et humanitaire. Le rapport fait référence à de tels dispositifs d’asile en matière humanitaire. Il nous semble en réalité nécessaire de prendre en compte, au titre de la Convention de Genève de 1951, la notion d’asile climatique en vue d’anticiper ce qui va devenir une problématique mondiale et qui, exposant prioritairement les pays du Sud, obligera la solidarité européenne compte tenu de ses valeurs et de ses responsabilités.

Mme Aude Bono-Vandorme. Je souhaiterais interroger les rapporteurs sur une question précise : l’opération Sophia avait été décidée en 2015 après le naufrage au large de l’île de Lampedusa qui avait fait 800 victimes. L’Italie en assurait le commandement et son quartier général se trouvait à Rome. Cette opération a été partiellement suspendue en mars 2019 après la décision de l’Union européenne de ne plus envoyer de navires croiser au large des côtes libyennes en raison du refus du gouvernement italien d’accepter le débarquement des naufragés. Au début du mois de septembre dernier, le comité politique et de sécurité de l’UE a néanmoins prorogé de six mois l’opération Sophia, jusqu’au 31 mars 2020, mais avec des capacités d’action réduites aux seules surveillances aériennes. Compte tenu du retrait de l’ancien ministre de l’intérieur italien et de l’accord provisoire de La Valette, estimez-vous qu’une reprise des missions de recherche et de sauvetage par des navires de l’Union européenne soit possible et souhaitable ?

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je souhaiterais vous poser également une dernière question. L’on a constaté l’existence d’un blocage au sein du Conseil européen où s’affrontent trois groupes : les États, premiers pays d’accueil favorables, à juste titre, à davantage de solidarité, les pays du groupe de Visegrád, qui font bloc contre et, entre ces deux premiers groupes, des États tels que la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, davantage concernés par les mouvements secondaires, qui sont à la recherche d’un point d’équilibre. Observe-t-on actuellement une évolution de ces positions respectives ou bien s’agit-il d’un statu quo ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Permettez-moi, tout d’abord, chers collègues, de vous remercier pour vos remarques et réflexions. Je me rends compte que nous partageons, en majorité, les mêmes préoccupations qui sont d’ailleurs exprimées dans notre rapport. Je souscris aux propos de M. Chassaigne sur le fait qu’il ne faut pas céder aux fantasmes sur le nombre de réfugiés. Examinons plutôt les chiffres : en 2015, 1,3 million de réfugiés ; en 2016, 1,2 million et en 2018, 650 000. La tendance est donc à la baisse. Au sein de l’Union européenne, il convient, au-delà de ces chiffres, de développer l’esprit de solidarité qui a nous a fait défaut au cours de la période récente et qui a conduit à des situations telle que celle que nous avons connue en Italie. Je rejoins également Mme Obono sur la question des mouvements internationaux, qui a déjà été abordée dans de précédents rapports. Le cadre du présent rapport, qui ne porte pas sur l’aspect international mais sur le « paquet asile », est nécessairement plus restreint. Nous n’omettons pas cependant de rappeler qu’au-delà de l’Union européenne, les mouvements de migrants affectent particulièrement d’autres États ou continents tels que l’Afrique. Nous avons recueilli des informations à ce sujet, au cours de nos auditions, notamment du Haut Comité aux Réfugiés (HCR).

Se placer dans le cadre du droit d’asile et du respect de la Convention de 1951 permet également, vous l’avez mentionné, Mme la Présidente, de souligner l’existence d’un blocage, ainsi qu’en atteste la durée de l’élaboration de notre rapport. De fait, il a été parfois difficile d’obtenir des réponses à certaines de nos questions. L’adoption d’une proposition de résolution doit permettre d’envoyer un message à la future Commission européenne et au nouveau Parlement européen. Tel est bien notre rôle en tant que parlementaires nationaux.

La situation reste malheureusement bloquée à l’heure actuelle et il est probable que nous soyons amenés à intervenir de nouveau, lors de l’examen de textes par voie de communication. À cet égard, nous formulons dans notre proposition de résolution européenne une proposition pragmatique : nous ne pouvons plus continuer dans l’Union européenne à examiner des textes par paquet, car cela constitue en définitive un facteur de blocage, au détriment des textes les plus susceptibles de recueillir un accord. Dans l’idéal, cette méthode semble efficace pour faire progresser simultanément un ensemble de textes, mais en réalité, cela ne fonctionne pas, en particulier dans cette matière sensible.

Madame Le Grip, je tiens à rappeler que la solidarité n’est pas contradictoire avec la responsabilité.  Or l’Union européenne a manqué de solidarité ces dernières années. Madame Deprez-Audebert, il n’est pas possible de réduire davantage les délais : nous l’avons fait, mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Nous essayons de rendre plus efficaces les procédures de retour. Il était nécessaire d’augmenter les moyens alloués à Frontex. S’agissant de l’opération Sophia, il a été décidé de la prolonger, car les sauvetages en mer sont nécessaires pour sauver des vies.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre rapport ne s’est pas concentré sur la dimension internationale, car il portait sur le « Paquet asile ». Dans ce cadre, il est problématique que chaque avancée ait été suivi d’un recul, et que chaque sommet ait été l’occasion d’un changement de position. Dans cette situation de blocage, provoquée notamment par les pays de l’Est, la France est le pays qui a le plus fait bouger les lignes.

L’opération Sophia doit être mise en perspective avec la proposition de réfléchir à de nouvelles voies de migration et de mettre en place des centres d’accueil et d’information des demandeurs d’asile dans d’autres territoires. Il faut définir des voies légales pour lutter contre les passeurs. La réponse doit être humanitaire, et pas seulement sécuritaire.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. S’agissant du mécanisme de relocalisation, on constate une Europe à deux vitesses. La France a participé au dispositif, et la coopération avec la Grèce et l’Italie a bien fonctionné. Notre intention n’est pas de donner des leçons, mais de trouver les moyens d’avancer en s’appuyant sur des constats. À cet égard, notre rapport comprend une liste de propositions, parmi lesquelles : la refonte de la solidarité européenne en s’appuyant sur des dispositifs connexes à l’asile, comme le développement de voies légales ; l’harmonisation des procédures d’accueil ; l’exercice effectif du droit d’asile en garantissant le respect des droits fondamentaux ; le refus du concept de pays tiers sûrs. Il s’agit donc d’avancer de manière volontariste, en garantissant le respect des droits fondamentaux.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous sommes confrontés à une Europe, non pas à deux, mais à trois vitesses : les pays qui acceptent la solidarité – notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg ; ceux qui la refusent – notamment la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ; ceux qui attendent – essentiellement les pays du Nord.  Ce blocage nourrit le populisme nationaliste, cause du tort à l’Europe, et peut même causer sa perte.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. La discussion sur le rapport est close et nous en venons à l’examen de la proposition de la résolution.

Mme Frédérique Dumas. D’abord, je tiens à préciser que la politique européenne des migrations n’est pas complémentaire de celle menée au niveau national : ces politiques doivent être menées en parallèle. Ensuite, je salue le principe d’une coopération judiciaire spécifique pour la lutte contre le trafic d’êtres humains et votre opposition à la retenue obligatoire des demandeurs d’asile dans des zones de transit. En outre, il conviendrait de mentionner la politique d’aide au développement, qui est une dimension essentielle de la politique migratoire. Je tiens également à insister sur le droit à l’information des demandeurs d’asile. À cet égard, je tiens à mettre en avant les initiatives de « France médias monde », qui a développé des applications pour les migrants, avec des financements européens. Ces applications sont disponibles dans certains camps de réfugiés et pourraient être également déployées au niveau européen.

Par ailleurs, vous vous opposez, à juste titre, au concept de « pays tiers sûrs ». Il n’a pas de fondement juridique, mais est couramment utilisé. Je tiens à souligner que, même au sein de ces pays, certains publics spécifiques peuvent être discriminés et doivent faire l’objet d’une protection particulière.  Enfin, je souscris à l’idée de faire évoluer le droit d’asile en prenant en compte la notion de réfugiés climatiques.

Mme Danièle Obono. Cette question de l’asile, malheureusement, est souvent instrumentalisée, comme l’a d’ailleurs montré le récent débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale. C’est le cas également dans d’autres Etats-membres, où cette instrumentalisation fait le jeu des populismes. Ce qui est certain, c’est que le respect du droit d’asile en Europe est loin d’être exemplaire.

Certains éléments pertinents du rapport ne se retrouve malheureusement pas dans la proposition de résolution européenne qui, pour l’essentiel, ne fait que s’inscrire dans ce contexte de remise en cause des droits des demandeurs d’asile, à laquelle s’oppose le groupe La France insoumise. Deux points de cette proposition de résolution européenne m’apparaissent problématiques :

– le premier porte sur le fichier EURODAC ; l’accès à celui-ci va être considérablement élargi, de même que les informations qu’il contient, lesquelles incluent désormais des informations personnelles sur les demandeurs d’asile ;

– le deuxième porte sur Frontex ; alors que son budget atteindra 1,6 milliard d’euros en 2021, la dimension sécuritaire et répressive de ses activités s’est accrue sans que personne ne questionne cette évolution ; lorsqu’on l’interroge, notamment au Parlement européen, Frontex refuse de donner des réponses.

M. André Chassaigne. Je partage pour l’essentiel l’analyse de Danièle Obono. Je considère par ailleurs que faire une proposition de résolution européenne sur le sujet de l’asile est parfaitement dans le rôle de la commission des Affaires européennes. La France doit porter des propositions au niveau européen et cette proposition de résolution européenne y contribue.

Si l’on part de la base que constituent les propositions de la Commission européenne, force est de constater que les règles en matière d’asile se durcissent, portées en ce sens par le groupe de Visegrád. Pour ma part, je m’abstiendrai lors du vote de cette proposition de résolution européenne. Même si elle contient plusieurs propositions intéressantes, en matière notamment de mineurs non accompagnés ou de voie légale d’accès, elle ne remet pas en cause une réforme globale qui conduit à une harmonisation par le bas au lieu d’élever les standards vers plus de solidarité et de respect des droits de l’homme.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. L’objet de cette proposition de résolution européenne est d’envoyer un message fort à la Commission européenne, mais celle-ci s’en tient, justement, à ses propositions. Or, même s’il y a des interactions, ni Frontex, ni l’aide publique au développement ne font partie du paquet asile.

Je ne partage pas l’analyse de Danièle Obono qui mélange l’Union européenne et le contexte national. Nous avons veillé, avec Ludovic Mendes, malgré nos appartenances politiques différentes, à refuser les postures et à écarter les problématiques nationales. Le gouvernement n’a ni guidé, ni inspiré notre proposition de résolution européenne dont les propositions découlent par ailleurs directement du rapport.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Contrairement à ce qu’affirme Danièle Obono, nous n’avons pas fait de propositions sur EURODAC qui n’est mentionné dans la proposition de résolution européenne que dans un considérant. Effectivement, comme l’a souligné Marietta Karamanli, nous avons synthétisé des positions très diverses et malgré nos divergences politiques, nous sommes arrivés à un consensus sur le constat et les propositions, lesquelles visent avant tout à harmoniser les positions en Europe sur le droit d’asile.

À l’issue de la discussion générale, la commission est passée à l’examen des amendements.

La commission examine l’amendement n° 1 de Mme Frédérique Dumas, de portée rédactionnelle.

Après l’avis favorable des rapporteurs, l’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 2 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement vise à s’assurer que les pays de transit, qui reçoivent une aide de l’Union européenne, respectent les droits fondamentaux des demandeurs d’asile à destination des pays européens.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Avis défavorable. La définition des pays de transit est incertaine juridiquement. Enfin, la référence aux « pays tiers sûrs » s’oppose au reste de la proposition de résolution européenne.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas la réponse du rapporteur. Un pays de transit est facilement identifiable. En outre, quand bien même le Niger n’est pas un pays sûr, c’est un pays de transit qui reçoit des financements de l’Union européenne. Il me semble donc normal que celle-ci s’assure qu’il respecte les droits des demandeurs d’asile.

M. Jean-Louis Bourlanges. La notion de « pays transitoire » est trop incertaine ! Revenons-en à l’expression : « pays de transit ».

L’amendement est retiré par Mme Frédérique Dumas.

La commission examine l’amendement n° 7 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Je tiens d’abord à saluer le travail des rapporteurs. L’amendement n°7 est essentiellement rédactionnel. Il convient de préciser que les mouvements secondaires peuvent être motivés par d’autres facteurs que les divergences dans les conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, dont la rédaction est plus rigoureuse.

Lamendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 8 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. J’ai bien conscience que le présent amendement n’a rien de rédactionnel et porte sur le fond du sujet. Le chantier lancé en 2016 par la Commission européenne reste inachevé. Il comprend sept textes, dont cinq sont quasiment finalisés. L’ensemble de ces textes propose une vision d’ensemble de l’asile, reposant sur trois piliers : la responsabilité, la solidarité et l’harmonisation. Cette réforme sera déséquilibrée si seuls certains textes sont adoptés. À cet égard, il serait opportun que la présidence finlandaise essaie d’obtenir un accord sur l’ensemble du paquet. Il convient donc de continuer à défendre la position française sur le sujet : les textes étant indissociables, isoler certains d’entre eux conduirait à des effets de bords.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car nous sommes dans une situation de blocage complet. Il faut être pragmatique et avancer sur les textes et dispositions qui font l’objet d’un accord, par exemple le développement des voies légales, car la situation de blocage aggrave la crise. En tout état de cause, je ne crois pas que la Finlande ait la capacité de débloquer la situation pendant sa présidence.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Cet amendement est contradictoire avec les préconisations de notre rapport. Nous espérons que la présidence finlandaise, le nouveau Parlement européen et la nouvelle Commission européenne se saisiront de la réforme de l’asile, mais il n’est pas souhaitable que l’on se relance dans de longues discussions sur le sujet. Cela dit, je conviens de la grande complémentarité des textes.  Avis de sagesse.

Mme Danielle Obono. Le pragmatisme de votre approche a des limites. La crise de l’accueil provient non d’un défaut de pragmatisme, mais d’un choix politique de différents États, dont la France. Les débats européens ne sont pas déconnectés des débats nationaux. La question n’est pas de savoir s’il faut légiférer par paquet ou étape par étape : il faut se poser la question de l’objectif de la réforme. Pour ma part, je pense qu’une proposition de résolution qui ne remet pas en question les fondements de la politique proposée conduit à une impasse.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. On peut ne pas être d’accord avec notre proposition, mais elle n’est pas seulement pragmatique : elle repose bien sur une vision politique.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les rapporteurs ont raison de rechercher l’efficacité : il faut faire une percée quand on peut la faire. Cependant, comment peut-on avancer le plus vite dans le système européen ? Je n’ai pas la réponse à cette question. Faut-il n’adopter qu’un seul élément du paquet législatif, au risque d’aboutir à une réforme déséquilibrée, peu à même d’obtenir l’adhésion de la majorité ? Faut-il, au contraire, avancer sur l’ensemble du paquet, pour créer les conditions d’un consensus politique ? Je ne sais pas si nous pouvons avancer sans accord global.

M. Alexandre Holroyd. Ce débat sur la méthode est important. Il devrait être résolu en amont de tout projet de réforme, car changer le paquet en cours de route est problématique. Pour les futurs paquets, il faudra veiller à ce qu’un excès d’ambition ne rende pas impossible l’obtention d’un accord. S’agissant du « paquet asile », je répète que la réforme repose sur un équilibre, dont il faut garder la cohérence d’ensemble.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. L’objectif de la réforme est l’harmonisation des politiques européennes en matière d’asile. Or quatre des sept textes du paquet sont adoptables aujourd’hui. Faut-il attendre un accord sur l’ensemble du paquet, dont nous débattons déjà depuis plusieurs années ? Je n’ai pas la réponse. L’Italie et la France défendent le « paquet asile », mais la Pologne n’en veut pas. La question qu’il faut se poser est la suivante : quelle vision a-t-on de cet aspect de la solidarité européenne ?

L’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 9 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Le règlement « Procédures » prévoit la mise en place de zones d’attentes uniquement dans les pays d’entrée, afin de traiter les demandes des étrangers en situation irrégulière de façon plus efficace. La procédure à la frontière est le corollaire à la pleine et entière liberté de circulation permise par Schengen. Depuis 2015, ces mesures ont permis à l’Union européenne de réduire de 95 % le nombre de franchissements illégaux détectés aux frontières. Le Conseil européen de juin 2018 a considéré que la mise en place de centres contrôlés aux frontières extérieures permettant la retenue des personnes concernées le temps de l’examen de leur situation était indispensable et s’inscrivait dans la définition d’une politique migratoire européenne globale. Or, dans la présente proposition de résolution, vous vous opposez à cette procédure. Certes, elle peut faire l’objet de critiques, mais il conviendrait d’approfondir la réflexion sur la mise en place de ces centres et sur la façon d’y garantir le respect des droits fondamentaux.

Frédérique Dumas. Je prends la parole parce que j’ai deux amendements qui vont suivre et qui tomberaient si cet amendement était adopté. Sauf que les miens n’ont pas du tout le même esprit, s’ils étaient adoptés, puisqu’ils viennent simplement renforcer l’esprit du texte des rapporteurs, en ajoutant « structures respectueuses des personnes et de leurs droits » et « dans un cadre solidaire entre États membres » pour pousser à la coopération. Donc, pour moi, ce n’est pas du tout le même esprit que l’amendement défendu par M. Holroyd.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. La procédure à la frontière telle que prévue à l’article 41 de la proposition de règlement « procédures » implique la rétention des demandeurs d’asile à la frontière extérieure d’un État membre dans une zone de transit. On parle bien de demandeurs d’asile, pas de flux irrégulier. Cette rétention est limitée à quatre semaines. Après ce délai, le demandeur d’asile se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire. La procédure a vocation, selon la proposition de la Commission, à être également appliquée aux mineurs non accompagnés, lorsqu’ils sont par exemple ressortissants d’un pays d’origine sûr ou d’un pays tiers sûr, ce dernier concept étant rejeté par la proposition de résolution européenne. La procédure à la frontière signifie donc la détention de demandeurs d’asile, y compris mineurs. La ligne du Haut-commissariat aux réfugiés demeure que la détention d’un demandeur d’asile n’est justifiée que s’il s’agit d’un criminel ou quand sont en jeu la sécurité nationale et l’ordre public. Nous émettons donc un avis défavorable car ce n’est plus en lien avec notre vision de la proposition de résolution européenne.

L’amendement est adopté.

Par conséquent, les amendements n° 3 et  4 de Mme Frédérique Dumas deviennent sans objet.

La commission examine l’amendement n° 5 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. À l’alinéa 24, vous vous opposez, à juste titre, au concept de pays tiers sûr et vous proposez d’établir une liste européenne. Il est important d’alerter sur le fait que, juridiquement, la notion de pays d’origine sûr ne doit pas non plus conduire à ne pas examiner les demandes émanant de personnes dont le pays d’origine ne figure pas sur cette liste. Dans un document de 2015, la Commission européenne dresse déjà la liste de pays sûrs qui recoupe largement celle de la France. Selon ce document, tout citoyen a le droit de présenter une demande d’asile, les demandes continueront d’être évaluées sur une base individuelle, au cas par cas, des garanties solides, y compris le droit de faire appel, restant en vigueur.

C’est donc très clair : la généralité d’un pays considéré comme sûr ne doit pas gommer les cas particuliers. J’ai donné tout à l’heure l’exemple de jeunes femmes venant du Sénégal, pays sûr, qui pouvaient effectivement être reconnues comme ayant droit à l’asile. C’est ce que confirme également le Conseil d’État : « le concept de pays sûrs est contestable au regard de l’essence du droit d’asile qui repose sur une appréhension personnelle des craintes de persécution et de discrimination. » On a également la convention de Genève de 1951 et la directive de 2013 qui est très précise en la matière. Je trouvais important de préciser que cette notion ne remettait pas en cause le droit individuel à demander l’asile, même si la liste de pays sûrs peut être un outil important pour gérer cela.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre avis est défavorable, non seulement parce qu’on ne remet pas en question la possibilité de demander l’asile quand on vient d’un pays sûr, mais surtout parce qu’on y répond à l’alinéa 29 de la proposition de résolution européenne qui affirme le principe selon lequel on ne doit pas laisser des personnes sans protection. Cette proposition ne prend pas en considération simplement le pays d’origine, mais également la possibilité d’une vulnérabilité qui est liée par exemple à l’homosexualité ou pour des femmes maltraitées en Afrique avec l’excision.

Mme Frédérique Dumas. Vous ne me rassurez pas du tout avec votre réponse. Vous dites le prévoir à l’alinéa 29 en invitant à une réflexion sur ce sujet. Mais c’est d’ores et déjà dans le droit. En droit, la situation spécifique de la personne doit primer sur le fait de venir d’un pays sûr. Vous ne pouvez pas dire que vous invitez à une réflexion sur ce sujet, puisque c’est déjà le cas en droit et puisqu’il y a environ 20 % à 25 % des demandeurs qui obtiennent le droit d’asile, alors même qu’ils viennent d’un pays sûr.

M. André Chassaigne. Je suis très sensible à cet amendement à partir de cas concrets. J’habite un village de 500 habitants avec un centre d’accueil de demandeurs d’asile. J’ai en tête des cas précis de rejets mécaniques de l’OFPRA, concernant des demandeurs d’asiles qui sont par exemple originaires de Géorgie ou d’Albanie, qui sont soumis à un risque réel, notamment des menaces de la mafia, s’ils retournent dans leurs pays, au point que même s’ils doivent retourner pour obtenir un visa de travail dans leur pays, ils ne veulent pas y aller parce qu’ils ont peur. Il y a une exclusion mécanique qui ne se justifie pas, parce qu’on considère que certains pays sont sûrs ou parce qu’il n’y a pas de conflits. Or, il y a de réelles menaces pour ces familles.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les rapporteurs devraient réserver un accueil favorable à cet amendement parce qu’il pose un problème de principe. Le problème n’est pas d’examiner la sûreté du pays mais la sécurité du demandeur d’asile. La sûreté d’un pays est un élément, sans doute le plus important, dans l’évaluation des menaces potentielles qui pèsent sur ce migrant, mais il peut y en avoir de toute autre nature. Ce n’est pas pour rien que la jurisprudence et la loi exigent un examen individuel de chaque demande. La qualification du pays ne dispense pas de l’examen individuel. La rédaction proposée par Frédérique Dumas permet de poser le principe, donc je trouve que l’amendement n’est pas surabondant même si la question est traitée par ailleurs.

M. Alexandre Holroyd. La loi requiert que l’intégralité des demandes soit considérée de façon individuelle et cette loi est d’airain. Le bien-fondé de l’amendement me paraît répétitif avec la loi et avec ce qui est déjà acté dans notre droit.

M. André Chassaigne. L’OFPRA va refuser, des appels seront faits et n’aboutiront pas et ensuite il y a le pouvoir discrétionnaire du préfet. Les préfets aujourd’hui refusent systématiquement et ne prennent pas en compte la situation spécifique des demandeurs, alors qu’ils pourraient débloquer certains dossiers.

Mme Frédérique Dumas. En dehors du cas qui vient d’être évoqué par André Chassaigne, d’ores et déjà en France, on ne peut pas aller contre ce droit, puisque le Conseil d’État a rappelé que l’examen des demandes doit être individuel. Mais la France a mis en place une procédure spécifique pour cela, plus rapide, appliquée à ces cas. Cela veut bien dire que l’on rogne le droit, quand il n’est pas mécaniquement repoussé. Sur tous ces sujets, il y a des confusions, des amalgames et on a oublié les principes. Il est donc important de rappeler le principe parce qu’effectivement il est un peu détourné.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord : nous voulons rappeler un principe. Quand on regarde seulement la loi, nous avons la possibilité de couvrir, dans la définition de l’asile, toutes les persécutions, et particulièrement celles du fait de la race, de la religion, de la nationalité, des opinions politiques ou de l’appartenance à un certain groupe social : il s’agit de l’état actuel du droit. Dans la pratique, je partage votre analyse sur le pouvoir discrétionnaire du préfet. Si cela peut être utile de rappeler cet élément dans la proposition, je n’y vois pas d’inconvénient, mais ce que vous visez dans votre propos n’aura pas d’impact sur les textes nationaux. Je suis d’accord sur le principe de rappeler la règle.

M. Thierry Michels. Je pense que cela nous appelle à vérifier l’effectivité de la loi et la façon dont elle est mise en œuvre dans les différents pays. Il faudrait encourager des initiatives, au niveau de l’Union européenne, visant à voir comment ce droit d’asile est mis en œuvre et si on est bien dans l’esprit de la loi. Je souhaiterais savoir qui vérifie, au niveau de l’Union européenne, que les droits sont bien respectés ?

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous débattons ici de l’harmonisation de la politique européenne et non du droit national. Quand nous parlons de la liste de pays sûrs, c’est pour éviter la problématique avec les Afghans par exemple, pour que l’on n’ait pas des pays qui acceptent d’accueillir cette population et d’autres non. Par principe, dans la convention de Genève, il est écrit que, quoi qu’il arrive, tout pays doit examiner la demande d’asile de façon individuelle. D’un point de vue juridique, on ne peut pas refuser d’instruire la demande d’asile pour des personnes venant d’un pays dit sûr. Pour preuve, entre 5 % et 10 % des Albanais et Géorgiens obtiennent une protection sur notre territoire. Je rappelle simplement que l’on ne parle pas de la France, mais d’une harmonisation de l’asile au niveau européen. Rappeler ce principe ne changera rien, compte tenu des dispositions de la Convention de Genève et du droit européen en vigueur qui précise bien que l’on doit analyser toute demande d’asile de façon individuelle.

L’amendement est rejeté.

La commission examine l’amendement n° 10 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement porte sur la situation des mineurs non accompagnés, problématiques terribles dont nous avons tous conscience. Il s’agit d’apporter une précision. Vous demandez à ce que des mesures soient prises au niveau européen. Seulement, les mesures ont déjà été prises dans un cadre harmonisé, mais les négociations ont été suspendues. J’en suis conscient, mais le mandat a été renouvelé en janvier 2019. Je vous propose par conséquent d’encourager la présidence finlandaise à se saisir de ce mandat pour intensifier la discussion en vue d’arriver à prendre des mesures.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je propose de reconsidérer la rédaction de l’amendement car le terme « inviter » n’est pas aussi fort que le terme « demander ».

M. Alexandre Holroyd. J’accepte de rectifier mon amendement afin de parvenir à une position de compromis. Je propose la rédaction suivante : « Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures ».

M. André Chassaigne. Je suis pour ma part interrogatif, voire inquiet, sur ce qu’il faut entendre par « mesures prises ». Vise-t-on les rétentions d’enfants ? Les tests osseux ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La proposition de résolution européenne forme un tout. Lorsque l’on aborde la question spécifique des mineurs, les mesures dont on demande l’adoption doivent être cohérentes avec celles que mentionne par ailleurs la proposition de résolution européenne. D’une manière générale, j’ai du mal à voir la plus-value de l’amendement par rapport au texte initial.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Pour compléter ce qu’a dit Marietta Karamanli, je rappelle que cette proposition est faite pour établir un cadre européen sur la protection des mineurs non accompagnés alors que les pratiques des États-membres diffèrent fortement. Par exemple, certains considèrent qu’un mineur accompagné d’un adulte, quel qu’il soit, n’est plus isolé. En France, cet adulte doit être un parent. Des réflexions sont en cours et une réponse doit être trouvée rapidement à cette question des mineurs non accompagnés, au-delà du paquet asile. Alors trouvons ensemble une rédaction qui permette que cette question soit traitée rapidement par la Commission européenne.

M. Jean-Louis Bourlanges. J’ai l’impression en écoutant ce débat qu’il y a deux problèmes distincts : d’une part, une demande de réflexion car le sujet n’est visiblement pas très bien documenté et, d’autre part, une demande d’adoption de mesures. N’est-il pas possible de les cumuler ? La rédaction serait alors : « demande que, sur la base d’une réflexion approfondie, des mesures soient prises ».

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je soumets au vote l’amendement n° 10 tel que rectifié par son auteur : « Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures ».

L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.

La commission examine l’amendement n° 11 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement vise à reformuler l’alinéa 29 qui porte sur la question de la vulnérabilité et de la protection des personnes. Dans l’Union européenne, le demandeur d’asile vulnérable est qualifié comme tel sur la base d’un certain nombre de critères, mais ceux-ci divergent selon les Etats-membres. C’est la même chose pour les institutions en charge de cette protection Je propose par cet amendement une réflexion autour d’une protection européenne distincte des régimes nationaux.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Il existe d’ores et déjà des propositions pour un tel traitement de la vulnérabilité au niveau européen. Je comprends la logique de cet amendement qui veut avancer par une évaluation avant de lancer une réflexion. Je pense qu’il faut conjuguer les deux éléments : d’une part une évaluation et, d’autre part, une réflexion sur un nouveau système de protection européenne distinct.

Mme Frédérique Dumas. J’ai déposé un amendement qui tombera si celui-ci est adopté. Je voudrais l’évoquer rapidement : il fait le lien entre le changement climatique et ses inévitables conséquences sur le droit d’asile.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne comprends pas pourquoi l’amendement de M. Holroyd se substitue au texte, alors qu’il pourrait s’ajouter à l’actuel alinéa 29. Ainsi, non seulement on évaluerait, mais on réfléchirait, avant de proposer.

M. André Chassaigne. Je note que lorsque les rapporteurs proposent une mesure, Alexandre Holroyd propose une réflexion. De même, lorsqu’ils proposent une réflexion, ce dernier propose une évaluation. Cette succession d’amendements ne me semble pas cohérente avec la proposition de résolution européenne.

M. Alexandre Holroyd. La proposition de Jean-Louis Bourlanges me semble un compromis pertinent.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je vous propose que l’amendement d’Alexandre Holroyd, rectifié en conséquence, insère un nouvel alinéa après l’alinéa 28. Dans un premier temps, la proposition de résolution européenne inviterait à évaluer les dispositifs de protection et, dans un deuxième temps, elle inviterait à une réflexion autour d’une protection européenne distincte. Il s’agirait d’une invitation, pas d’une demande.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. J’approuve, pour ma part, cette proposition.

M. Alexandre Holroyd. Dans mon esprit, le sens d’une évaluation, c’est d’en tirer une conclusion avant de prendre une décision.

M. Jean-Louis Bourlanges. La dernière proposition des deux rapporteurs prend en compte de manière satisfaisante l’esprit de l’amendement de M. Alexandre Holroyd, sous-rectifié par nos soins. Je souhaite toutefois proposer  une rédaction consécutive consistant à évaluer, puis à en tirer des conséquences. La conséquence ne se traduisant pas de manière systématique par une conclusion de changement, je propose d’ajouter « le cas échéant » à l’alinéa 29. Il me semble, pour des raisons de cohérence, que l’amendement n° 11 rectifié doit être suivi d’un nouvel amendement formulant ainsi le début de l’alinéa 29 : « Invite à réfléchir, le cas échéant, sur une protection européenne [] ».

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre de se mettre d’accord sur la rédaction du texte de l’amendement de M. Holroyd et sur la proposition de M. Bourlanges.

La séance, suspendue quelques minutes, est reprise.

La commission examine l’amendement n° 11 rectifié de M. Alexandre Holroyd.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Cet amendement prévoit d’insérer, après le 28ème alinéa, l’alinéa suivant : « Invite à évaluer les dispositifs de protection en Europe qui prenne en compte des facteurs de vulnérabilité qui ne sont pas nécessairement liés au pays d’origine du demandeur. »

L’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 12 de M. Alexandre Holroyd.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous sommes saisis d’un nouvel amendement de M. Alexandre Holroyd, qui prévoit d’insérer, au 29ème alinéa, après le mot « Invite », les mots « , le cas échéant, ».

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement reprend la proposition formulée par M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Favorable.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Défavorable.

L’amendement est adopté.

Par conséquent, l’amendement n° 6 de Mme Frédérique Dumas devient sans objet.

La commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

Par conséquent, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 

II.              Communication de Mme la présidente Sabine Thillaye sur la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance économique dans l’Union européenne 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je vais vous faire un rapide retour sur la conférence interparlementaire qui s’est tenue à Helsinki les 30 septembre et 1er octobre derniers. L’ordre du jour de cette conférence, qui réunit des représentants des commissions des finances et des affaires européennes des parlements nationaux, ainsi que des représentants du Parlement européen, portait sur la gouvernance économique dans l’Union économique et monétaire ; la nouvelle stratégie pour la croissance et l’emploi à l’issue de la stratégie EU2020 ; la politique européenne d’investissement ; la politique en faveur des innovations et de la croissance durable.

Cette conférence a été instituée par l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance économique (TSCG) et elle a pour fonction d’assurer le suivi parlementaire des mécanismes mis en place par ce traité.

Compte tenu du rôle des parlements nationaux en matière de politique budgétaire, des interrogations sur la nécessité de mettre en place un Parlement de la zone euro ont été soulevées lors de la négociation du TSCG. Finalement, les États membres ont créé une instance parlementaire élargie, puisqu’elle est composée de parlementaires issus de l’ensemble des États membres et du Parlement européen.

J’ai formulé la proposition que la conférence du premier semestre, traditionnellement organisée au Parlement européen, soit convoquée entre la publication des recommandations pays de la Commission européenne et leur examen par le Conseil. La conférence budgétaire interparlementaire trouverait ainsi pleinement sa place dans le processus du semestre européen. Le Parlement européen a pour l’instant soigneusement évité de choisir une telle date, préférant convoquer la conférence en début d’année, ce qui limite les échanges à des considérations générales sur la conjoncture économique et les perspectives de croissance.

La conférence du second semestre, organisée par le pays qui préside l’Union, devrait pour sa part davantage être consacrée à un échange d’informations sur les orientations budgétaires retenues par les États membres dans leurs projets de loi de finances. Elle porte pour l’instant sur des échanges assez théoriques sur la situation économique de l’Union et sur la politique menée par les institutions de l’euro zone.

Force est de constater l’absence de volonté politique de doter cette enceinte d’un quelconque pouvoir décisionnel. Outre le fait qu’aucun format spécifique n’est prévu pour les parlements des États membres de la zone euro, la conférence n’adopte aucun texte, ni ne formule aucune recommandation. Je le regrette.

Les débats ont tout de même été intéressants. Ils ont souligné l’importance des réformes qui restent à accomplir pour faire face aux risques de déstabilisation économique et monétaire de la zone euro : l’achèvement de l’Union bancaire ; la nécessité d’améliorer la convergence des systèmes fiscaux ; l’amélioration de la gouvernance économique de l’Union économique et monétaire ; la réflexion sur le rôle de la Banque centrale européenne, alimentée par la politique actuelle des taux bas à court terme et enfin l’amélioration de l’intégration des marchés de capitaux.

Les intervenants sur la politique d’investissement ont fait part de leurs inquiétudes sur un possible blocage des négociations sur le CFP et sur le risque que le nouveau cadre ne soit pas en vigueur au début de l’exercice 2021. Mme Margarida Marques, Vice-présidente de la commission du budget du Parlement européen, et rapporteure sur le CFP, a relayé cette inquiétude et insisté sur la nécessité pour les institutions européennes de mettre les bouchées doubles pour faire aboutir à temps les négociations. Il est vrai que la phase d’installation du Parlement européen et de la Commission européenne ne permet pas pour l’instant de reprendre les négociations. Mais le contraste était fort entre les attentes exprimées par les participants vis-à-vis du budget de l’Union - relance de l’investissement, politique en faveur du climat, financement de l’innovation, besoin de cohésion sociale - et le risque de ne pas avoir de CFP à temps pour le prochain exercice. Nous devons rester vigilants sur ce point.

Je dois dire que c’est la même insatisfaction que l’on ressent en participant à cette conférence interparlementaire que l’on ressent en participant à la COSAC, et je suis en train de consulter des collègues d’autres États membres pour voir comment l’on pourrait travailler à réformer ces processus.

M. Thierry Michels. Comment envisage-t-on une possible collaboration entre cette conférence et l’Assemblée parlementaire franco-allemande, pourrait-on imaginer des passerelles ? Un travail en commun ?

Mme la Présidente Sabine Thillaye. C’est un sujet qui sera à l’ordre du jour de notre réunion commune avec la commission des Affaires européennes du Bundestag du 28 octobre prochain à Berlin : le travail interparlementaire et les formes qu’il pourra prendre à l’avenir. La présidence allemande du Conseil en 2020 sera l’occasion de pousser un processus de réforme, auquel je m’attelle avec notre partenaire allemand, de façon à trouver d’autres partenaires.

M. Jean-Louis Bourlanges. Pourrait-on disposer d’une version écrite de votre communication, qui était très riche ? Je trouverais cela intéressant de pouvoir la regarder plus attentivement.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Bien évidemment, je vous ferai parvenir le texte de l’intervention, qui figurera au compte rendu de notre réunion.

 

 

III.          Communication de Mme Valérie Gomez-Bassac sur le code européen des affaires

Mme la Présidente Sabine Thillaye. En accord avec notre collègue Mme Gomez-Bassac, nous allons différer son intervention sur le code européen des affaires, afin de nous laisser le temps lors d’une prochaine réunion de pouvoir l’aborder en profondeur. Il me semble que c’est un sujet trop important pour ne pas lui consacrer le temps indispensable dont nous manquons malheureusement aujourd’hui.

 

IV.           Communication de M. Alexandre Holroyd, référent de la commission des finances, sur le prélèvement sur recettes (PSR)

M. Alexandre Holroyd, rapporteur. Je vais tâcher de faire preuve de concision, étant donné l’agenda chargé de notre réunion. La question du prélèvement sur recettes sera examinée en séance lundi, ce qui donnera sans doute lieu à des débats plus approfondis, même si je me tiens évidemment à la disposition de mes collègues de la Commission pour répondre à leurs questions. Pour 2020, le PSR est évalué à 21,3 milliards d’euros, soit un montant proche de la prévision de 2019. Il faut être conscient qu’il s’agit d’une évaluation, puisque la contribution française au budget européen est réévaluée au terme de l’exercice budgétaire européen . Je vous signale que le Haut Conseil aux finances publiques a relevé que la tradition pour les PSR des dernières années des cadres financiers pluriannuels (CFP) européens est celle de prélèvements très hauts, ce qui n’est pas le cas ici. Cela pose la question de savoir si par suite de décaissements des fonds européens, il y aura une augmentation surprise du PSR, comme cela a été le cas pour les trois derniers PSR de clôture du CFP. Je pense que le plus intéressant sur le PSR est ce qu’il sert à financer.

Il pourrait sur ce sujet se produire des changements importants, d’abord en raison du Brexit. Si un Brexit sans accord se produisait et que les Britanniques refusaient d’assumer leurs obligations financières, cela aurait évidemment un impact non négligeable sur la contribution française, que l’on peut estimer dans une fourchette d’un à deux milliards d’euros.

Ce PSR a vocation à financer trois choses primordiales à mon sens . La première, c’est la lutte contre les changements climatiques, à raison de 34.5 milliards d’euros dédiés dans le budget de 2020. Le PSR assure aussi le financement d’une Europe qui protège, avec un financement en hausse dans ce domaine, à 421 millions d’euros. Le PSR est aussi la part française de la construction d’une Europe souveraine, avec 255 millions d’euros pour le Fonds européen de défense.

Pour conclure, je dirais que l’enjeu aujourd’hui est d’aboutir à un CFP à la hauteur des enjeux des années à venir dans l’Union européenne. Il nous faut pour cela un budget plus ambitieux et plus flexible, et j’espère que le Conseil pourra parvenir à un CFP adéquat pour les ambitions que nous portons.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Merci pour cette communication sur un sujet d’actualité, qui, outre l’examen en séance publique lundi 21 octobre prochain, sera à l’ordre du jour de notre rencontre avec la Commission des affaires européennes du Bundestag lundi 28 octobre 2019.

M. Jean-Louis Bourlanges. Sur le cadre financier pluriannuel, je maintiens l’analyse établie avec M. Christophe Jerretie, à savoir qu’on assiste au triomphe de la miniaturisation : toutes les priorités sont les bonnes, mais réduites à une forme très insuffisante. Cela est dû au caractère trop restreint du cadre financier pluriannuel, et je ne cesse de m’étonner d’entendre nos collègues demander à la fois beaucoup plus à l’Europe, tout en souhaitant donner beaucoup moins à son budget ! Dans ce cadre étriqué, on ne peut que faire de la figuration intelligente, et encore si on est en forme !

V.               Communication de M. Alexandre Holroyd, référent de la commission des finances, sur trois propositions de règlement européen

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Le référent de la commission des Finances propose d’acter les textes COM(2019) 397 final – E 14272 et COM(2019) 399 final – E 14256 qui prévoient d’apporter un soutien financier aux États membres les plus touchés par un Brexit sans accord par la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne et du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Il propose en outre de reporter l’examen de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre de gouvernance pour l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro (COM(2019) 354 final – E 14224).

VI.           Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du référent de la commission des Finances et de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

 Textes actés

Sur le rapport du référent de la commission des Finances, la commission a pris acte des textes suivants :

Politique économique, budgétaire et monétaire

-       Proposition de règlement du parlement européen et du conseil modifiant le règlement (UE) n° 1309/2013 relatif au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation pour la période 2014-2020 (COM(2019) 397 final - E 14272).

Budget de l’union européenne

-       Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2012/2002 du Conseil afin de fournir une aide financière aux États membres en vue de faire face à la lourde charge financière occasionnée à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union sans accord (COM(2019) 399 final - E 14256).

 

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Environnement dont santé environnementale

-       Règlement de la commission modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le pourcentage de dossiers d'enregistrement à sélectionner aux fins du contrôle de conformité (D063677/02 - E 14333).

Espace de liberté de sécurité et de justice

-       Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation pour 2018 de l'application, par la Lituanie, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (COM(2019) 301 final limite - E 14314).

Institutions

-       Décision du Conseil européen portant nomination du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (EUCO 22/19 - E 14223).

-       Décision du Conseil portant nomination d'un membre du Comité économique et social européen, proposé par la République fédérale d'Allemagne (11780/19 - E 14255).

-       Décision du Conseil, prise d'un commun accord avec le président de la Commission élu, adoptant la liste des autres personnalités qu'il propose de nommer membres de la Commission (11914/19 - E 14270).

-       Décision du parlement européen et du conseil portant nomination du chef du Parquet européen (6966/19 LIMITE - E 14334).

-       Comité consultatif pour la coordination des systèmes de sécurité sociale Nomination de Mme Blaženka KAMENJAŠEVIĆ, membre titulaire pour la Croatie, en remplacement de Mme Sandra FRANKIĆ, démissionnaire (12551/19 - E 14335).

-       Décision du conseil européen portant nomination du président de la Banque centrale européenne (EUCO 27/19 - E 14339).

Pêche

-       Proposition de décision du conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire du protocole relatif à la mise en oeuvre de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe et la Communauté européenne (COM(2019) 376 final - E 14246).

-       Proposition de règlement du conseil établissant, pour 2020, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques applicables dans la mer Baltique et modifiant le règlement (UE) 2019/124 en ce qui concerne certaines possibilités de pêche dans d'autres eaux (COM(2019) 380 final - E 14250).

-       Décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein de la Commission des pêches pour l'Atlantique Centre-Ouest (Copaco) (11384/19 LIMITE - E 14263).

-       Décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du Comité des pêches pour l'Atlantique Centre-Est (Copace) (11386/19 LIMITE - E 14264).

-       Décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue de la mise en place d'une organisation régionale de gestion des pêches ou d'un mécanisme régional de gestion des pêches pour la conservation et la gestion des ressources biologiques marines dans l'Atlantique Centre- Ouest (11515/19 LIMITE - E 14265).

-       Proposition de règlement du Conseil relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'Accord de Partenariat dans le secteur de la Pêche entre la Communauté européenne et la République Islamique de Mauritanie pour une période maximale d'un an. (COM(2019) 446 final - E 14331).

-       Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'Accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne et la République Islamique de Mauritanie relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République Islamique de Mauritanie, expirant le 15 novembre 2019. (COM(2019) 448 final - E 14332).

Politique agricole commune

-       Règlement (UE) de la commission modifiant les annexes II, III et IV du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de 1-Décanol, de 2,4-D, d'ABE-IT 56, de cyprodinil, de diméthénamide, d'alcools gras, de florpyrauxifène-benzyle, de fludioxonil, de fluopyram, de mépiquat, de pendiméthaline, de picolinafène, de pyraflufen-éthyle, de pyridaben, d'acide S-abscissique et de trifloxystrobine présents dans ou sur certains produits (D062445/02 - E 14192).

-       Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II, III et V du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d'amitrole, de fipronil, de flupyrsulfuron-méthyl, d'imazosulfuron, d'isoproturon, d'orthosulfamuron et de triasulfuron présents dans ou sur certains produits (D060920/04 - E 14196).

-       Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne et la Suisse dégagé à l'issue des négociations ouvertes en vertu de l'article XXVIII du GATT de 1994 sur la modification des concessions OMC de la Suisse pour les viandes simplement assaisonnées (COM(2019) 419 final LIMITE - E 14315).

-       Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union, de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et la Suisse dégagé à l’issue des négociations ouvertes en vertu de l’article XXVIII du GATT de 1994 sur la modification des concessions OMC de la Suisse pour les viandes simplement assaisonnées (COM(2019) 421 final LIMITE - E 14316).

Politique économique, budgétaire et monétaire

-       Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation à la suite d'une demande de la Belgique – EGF/2019/001 BE/Carrefour (COM(2019) 442 final - E 14337).

Transports, politique spatiale

-       Proposition de décision du conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne et de ses États membres, du protocole à l'accord de coopération concernant un système mondial de navigation par satellite à usage civil entre la Communauté européenne et ses États membres et l'Ukraine afin de tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie, de la République de Croatie et de la Roumanie à l'Union européenne (COM(2019) 441 final - E 14330).

 Textes actés de manière tacite

La Commission, a pris acte tacitement des documents suivants :

Politique économique, budgétaire et monétaire

-       Proposition de virement de crédits n° DEC 18/2019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 18/2019 - E 14338).

 

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Pêche

-       Proposition de règlement du conseil relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre du protocole relatif à la mise en oeuvre de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe et la Communauté européenne (COM(2019) 375 final - E 14245).

-       Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, du protocole relatif à la mise en oeuvre de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe et la Communauté européenne (COM(2019) 377 final - E 14247).

-       Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations, au nom de l'Union européenne, en vue de la conclusion d'un accord entre l'Union européenne et la République des Seychelles concernant l'accès des navires de pêche battant pavillon des Seychelles aux eaux de Mayotte (COM(2019) 407 final - E 14275).

Politique agricole commune

-       Règlement de la commission modifiant le règlement (UE) n° 546/2011 en ce qui concerne l'évaluation de l'impact des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles communes (D045385/06 - E 14237).

Politique étrangère et de sécurité commune(PESC)

-       Décision du Conseil modifiant la décision 2013/798/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République centrafricaine (12330/19 LIMITE - E 14340).

-       Règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 224/2014 du Conseil concernant des mesures restrictives eu égard à la situation en République centrafricaine (12575/19 LIMITE - E 14341).

-       Décision du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua (11725/19 LIMITE - E 14342).

-       Règlement du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Nicaragua (11726/19 LIMITE - E 14343).

 

La séance est levée à 11 h 20.

 


Membres présents ou excusés

Présents. Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Frédérique Dumas, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Constance Le Grip, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, Mme Danièle Obono, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye

Excusé. M. Christophe Jerretie

Assistait également à la réunion. M. Fabien Gouttefarde