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Document E3055
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de véhicules de transport routier propres.


E3055 déposé le 12 janvier 2006 distribué le 16 janvier 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0634 final du 21 décembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 23 décembre 2005)

Dans un contexte marqué par le renchérissement des produits pétroliers, par l’accroissement de la dépendance énergétique de l’Europe et par la nécessité de réduire les émissions polluantes, la Commission propose de soumettre les Etats membres à l’obligation de s’assurer que les organismes publics, ainsi que les opérateurs indépendants engagés contractuellement par un organisme public pour fournir des services de transport, attribuent un quota de 25 % du total de leurs acquisitions annuelles, par achat ou leasing, de véhicules propres.

1) Des objectifs environnementaux et industriels

Les objectifs poursuivis par ce texte sont à la fois d’ordre environnemental - et sa base juridique est d’ailleurs l’article 175, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne - et d’ordre industriel.

Sur le plan de l’environnement, la proposition vise à réduire la consommation de produits pétroliers et à limiter les émissions de polluants réglementés, en intervenant dans un domaine où les marges de manœuvre sont élevées, puisque le transport routier représente environ un quart de la consommation d’énergie dans l’Union européenne.

D’un point de vue industriel, il s’agit de contribuer à la création d’un marché pour les véhicules propres. La Commission estime, en effet, que des incitations locales ou nationales ne sont pas suffisantes pour encourager davantage d’investissements de la part des constructeurs, tandis qu’une obligation au niveau communautaire apporterait au marché une « assurance significative » pour l’avenir. Il s’agit de solvabiliser le marché en créant les économies d’échelle nécessaires pour industrialiser la production en grande série. Il est vrai que les achats totaux de véhicules par les organismes publics sont estimés à 35 000 camions et à 17 000 autobus chaque année dans l’Union à 25. Les parts de marché correspondantes sont d’environ 6 % pour les camionnettes et les camions et d’environ un tiers pour les bus.

2) Une obligation pesant sur l’achat de poids lourds

Les véhicules de plus de 3,5 tonnes concernés par cette obligation sont essentiellement les bus et la plupart des véhicules utilitaires, comme les camions de ramassage des ordures ménagères. Un quart des achats de ces matériels devrait donc porter désormais sur des véhicules satisfaisant à des normes de performance globalement supérieures non seulement à la norme « Euro 4 » entrée en vigueur en octobre 2005 pour les poids lourds, mais aussi à la norme « Euro 5 » actuellement en cours de discussion et dont l’application aux poids lourds n’est pas prévue avant 2008. Ils devront correspondre à la catégorie des « véhicules les plus respectueux de l’environnement » (norme « EEV »), déjà définie par la directive 2005/55/CE du 28 septembre 2005 et qui sert, par exemple, de critère pour l’octroi d’incitations fiscales. Cela vise notamment les véhicules utilisant des biocarburants en grande proportion, les véhicules fonctionnant au gaz naturel, au gaz de pétrole liquéfié (GPL), les véhicules à moteur électrique ou encore les véhicules hybrides.

Selon la Commission, le surcoût lié au respect de la norme EEV est de 10 000 euros par véhicule. La fiche d’impact élaborée par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable confirme cette évaluation, tout en précisant qu’il faut ajouter 1 500 euros de surcoût de fonctionnement du fait d’une surconsommation d’urée dans les catalyseurs. Le surcoût moyen est donc estimé entre 5 % et 15 % par véhicule.

Ce surcoût pèsera sur les organismes publics, ce qui vise aussi bien des organismes de droit public que des entreprises publiques ou les opérateurs engagés contractuellement par les organismes publics pour fournir des services de transport.

Les dispositions de la proposition de directive laissent entendre que des évolutions ultérieures pourraient intervenir, afin - le cas échant - d’adapter la définition du véhicule propre, d’augmenter le quota d’acquisition de véhicules propres ou encore d’étendre l’obligation de quota aux voitures et aux véhicules légers.

A cet égard, on se doit de rappeler qu’en France, l’article L 8-B du code de la route - issu de l’article 24 de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie - prévoit déjà que l’Etat, les établissements publics, les exploitants publics, les entreprises nationales (pour leurs activités n’appartenant pas au secteur concurrentiel), ainsi que les collectivités territoriales, lorsqu’ils gèrent une flotte de plus de vingt véhicules, doivent acquérir, lors du renouvellement de leur parc automobile (voitures et véhicules utilitaires légers) au moins 20 % de véhicules fonctionnant à l’énergie électrique, au GPL ou au gaz naturel.

3) Une proposition ayant fait l’objet d’un accueil réservé

Cette proposition de directive a été soumise au Conseil « Transports, télécommunications et énergie » du 27 mars 2006, qui s’est contenté de prendre note des informations données.

Préalablement, une réunion du groupe « Environnement » avait permis de constater le faible soutien de cette initiative de la Commission auprès des Etats membres.

En fait, deux types d’arguments ont été opposés à cette proposition :

- d’un côté, les Etats nordiques (Pays-Bas, Danemark, Suède, Finlande) ont estimé qu’elle manquait d’ambition, dans la mesure où la norme « EEV » n’est pas supérieure à la norme « Euro 5 » en ce qui concerne les oxydes d’azote (NOx) - c’est-à-dire les principaux polluants réglementés. Or, cette norme « Euro 5 » sera, en tout état de cause, en vigueur en octobre 2008 ;

- d’un autre côté, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie ont fait valoir qu’ils ne disposaient pas des moyens juridiques pour imposer cette obligation de quota.

La France s’est dite « intéressée » par la proposition de directive.

Depuis le printemps 2006, le dossier n’a pas évolué. Néanmoins, le Parlement européen devrait examiner ce texte en première lecture (codécision) le 24 octobre 2006.

La proposition de la Commission souffre manifestement d’insuffisances sur le plan technique et sur le plan juridique.

Même si ce texte n’était pas adopté, la norme « Euro 5 » applicable aux poids lourds à partir d’octobre 2008 permettrait de satisfaire à la plupart des objectifs environnementaux recherchés. En outre, l’exemple précité de la loi française sur l’air montre que les Etats rencontrent de grandes difficultés pour imposer des quotas de véhicules propres aux organismes publics (on peut d’ailleurs supposer que l’annonce faite par le Président de la République en janvier 2006, et visant à ce que les voitures des administrations et des établissements publics incorporent un tiers de biocarburants d’ici fin 2007, rencontrera des obstacles similaires).

Il serait donc souhaitable que la Commission revoit les modalités de son intervention, tout en préservant sa volonté de faire du secteur public un acteur exemplaire dans les domaines énergétiques et environnementaux.

La proposition de directive, présentée par M. André Schneider, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 17 octobre 2006, a été repoussée compte tenu du faible apport de ce texte sur le plan environnemental du fait de la prochaine mise en œuvre de la norme « Euro 5 » et compte tenu de l’insuffisance des moyens juridiques dont disposent les Etats membres pour imposer l’obligation de quota.