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Document E3206
(Mise à jour : 31 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation durable des pesticides.


E3206 déposé le 28 juillet 2006 distribué le 1er août 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0373 final du 12 juillet 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 14 juillet 2006)

Après une phase de consultation, la Commission européenne a publié, le 12 juillet 2006, une stratégie thématique concernant l’utilisation durable des pesticides (COM [06] 372 final), dont les principaux objectifs sont :

- la réduction des dangers et des risques liés à l’utilisation des pesticides pour la santé et l’environnement ;

- le renforcement des contrôles portant sur l’utilisation et la distribution des pesticides ;

- la réduction des concentrations de substances actives nocives, notamment en remplaçant les plus dangereuses d’entre elles par des substituts ;

- la conversion à une agriculture utilisant des quantités limitées ou nulles de pesticides ;

- et la mise en place d’un système de suivi des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de la stratégie.

Cette stratégie est accompagnée d’une proposition de règlement concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires (voir le document E 3387) et d’une proposition de directive-cadre sur l’utilisation des pesticides.

L’objectif principal de la proposition de directive-cadre est de mettre en œuvre les mesures de la stratégie thématique qui nécessitent de nouvelles dispositions législatives et ne peuvent s’inscrire dans les instruments juridiques existants. Deux autres textes sont également annoncés par la Commission pour compléter le cadre législatif : un règlement relatif aux statistiques sur la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et une directive sur la certification du matériel d’application des pesticides. En outre, la Commission devrait prochainement proposer une révision générale de la directive 91/414/CEE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

S’agissant de la proposition de directive-cadre, deux points majeurs doivent être soulignés :

- tout d’abord, même si le terme « pesticides » est utilisé dans ce texte, ce sont en réalité les produits phytopharmaceutiques qui sont directement concernés. Cette restriction s’explique, selon la Commission, par le fait que ces produits constituent le principal groupe de pesticides et que, pour les produits biocides régis par la récente directive 98/8/CE, les Etats membres n’ont pas acquis une expérience suffisante pour proposer de nouvelles mesures dans l’immédiat ;

- ensuite, la directive-cadre opère un important changement de perspective en ne se limitant plus, comme le cadre juridique communautaire existant, à régir la mise sur le marché des substances et en cherchant à réglementer leur utilisation effective.

Les pesticides sont largement utilisés en agriculture où ils contribuent à améliorer les rendements, à satisfaire aux exigences phytosanitaires et à permettre les échanges internationaux de produits agricoles. En dépit de l’augmentation des coûts de leur utilisation résultant des procédures d’évaluation et d’autorisation préalables imposées par les directives en vigueur (91/414 et 98/8 précitées), leur consommation n’a pas diminué au cours des dix dernières années et le pourcentage de denrées alimentaires dans lesquelles les concentrations de résidus de pesticides dépassent les limites maximales réglementaires se situe toujours aux alentours de 5 %. En outre, certains pesticides sont couramment détectés dans le milieu aquatique en concentrations bien supérieures aux normes fixées. La Commission observe néanmoins des évolutions divergentes dans les Etats membres : alors que l’usage des pesticides recule dans certains pays, une forte augmentation est observée dans d’autres.

Dans ces conditions, la proposition de directive-cadre prévoit diverses mesures qui, combinées avec l’ensemble des dispositions de mise en œuvre de la stratégie thématique, devraient conduire, à terme, à une réduction d’environ 15 % des quantités de pesticides utilisées, mais aucun objectif quantifié n’est fixé dans la proposition. Parmi les principaux éléments de ce texte, on peut signaler :

l’établissement de plans d’action nationaux fixant des objectifs de réduction des dangers, des risques et de la dépendance à l’égard de la lutte chimique contre les ravageurs, qui offriront la souplesse nécessaire pour adapter les mesures à la situation spécifique des différents Etats membres ;

la création d’un système de formation et de sensibilisation à l’intention des distributeurs et des utilisateurs professionnels de pesticides, afin qu’ils soient parfaitement informés des risques encourus; une meilleure information du grand public grâce à des campagnes de sensibilisation, à des informations transmises par l’intermédiaire des détaillants et à d’autres mesures appropriées ;

l’inspection régulière du matériel d’application des pesticides, afin de limiter les effets néfastes des pesticides sur la santé humaine (eu égard en particulier à l’exposition de l’opérateur) et sur l’environnement lors de l’application ;

l’interdiction de la pulvérisation aérienne, avec dérogation possible, pour limiter les risques d’effets néfastes sur la santé humaine et sur l’environnement, liés notamment à la dispersion du produit lors de sa pulvérisation ;

- des mesures spécifiques pour protéger le milieu aquatique d'une pollution par les pesticides ;

la définition de zones au sein desquelles l’utilisation de pesticides est interdite ou strictement limitée, en accord avec les mesures prises au titre d’autres dispositions législatives (telles que la directive-cadre sur l’eau, la directive «Oiseaux», la directive «Habitats», etc.) ou pour assurer la protection de groupes sensibles ;

- la manipulation et le stockage des pesticides ainsi que de leurs emballages et des restes de produits ;

- l’élaboration de normes de lutte intégrée contre les ravageurs, à l’échelle de la Communauté, et l’instauration des conditions nécessaires à leur mise en œuvre ;

- l’évaluation des progrès accomplis en matière de réduction des risques, au moyen d’indicateurs harmonisés appropriés.

Le groupe « Environnement » a eu l’occasion d’examiner cette proposition lors de plusieurs de ces réunions. Aucune difficulté majeure n’a été mise en avant par les Etats membres. On doit néanmoins indiquer que la présidence allemande a décidé de poursuivre les travaux dans le cadre du Conseil « Agriculture », alors même que la base juridique du texte est l’article 175, paragraphe 1, du traité concernant la politique de l’environnement. Cette décision a provoqué une vive contestation de la Commission, mais elle a le mérite de permettre le suivi des propositions de directive-cadre et de règlement par une seule instance.

Les autorités françaises ont fait part de leur approbation du principe d’une directive-cadre dans ce domaine et affirment partager l’objectif de la Commission en matière de promotion d’une agriculture faiblement consommatrice de pesticides. Elles soulignent d’ailleurs la convergence d’une grande partie des mesures préconisées avec le plan interministériel 2006-2009 de réduction des risques des pesticides, rendu public par le Gouvernement le 28 juin 2006.

Toutefois, la France émet des réserves sur trois points :

- tout d’abord, en ce qui concerne la définition de normes de lutte intégrée, notre pays estime que la définition de « normes générales de lutte intégrée contre les bio-agresseurs » n’est pas pertinente, compte tenu de la diversité des systèmes de production en Europe. Il serait donc préférable de laisser aux Etats membres le choix des outils et la faculté de les décliner par région, système de culture, … ;

- ensuite, en matière d’encadrement des pulvérisations aériennes, les autorités françaises partagent la volonté de limiter ce mode d’application aux situations strictement nécessaires, mais s’interrogent sur l’opportunité d’une approche dérogatoire, qui peut poser des problèmes de mise en œuvre ;

- enfin, la France considère que la directive-cadre devrait également réglementer l’utilisation des mélanges de pesticides.

Ce texte, soumis à la procédure de codécision, devrait être examiné par le Parlement européen en juillet 2007.

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La présentation de ce document par le Président Pierre Lequiller, au cours de la réunion de la Délégation du 21 février 2007, a été suivie d’un court débat.

M. Jean-Marie Sermier a rappelé que les règles européennes imposaient aux producteurs de fruits et légumes des normes très strictes quant à l’usage des pesticides, mais qu’en revanche les productions importées n’étaient pas soumises aux mêmes normes. Il a souhaité qu’un effort de communication soit par conséquent engagé pour informer les consommateurs de la grande qualité des fruits et légumes produits en Europe.

M. François Guillaume a noté qu’un certain nombre de produits phytosanitaires était en voie d’interdiction, alors qu’il n’existe pas de produits de remplacement. Il a souligné que cette situation pouvait en pratique présenter des inconvénients sérieux. Il a ainsi évoqué la situation des cultures de pommes de terre menacées par le taupin, le pesticide permettant de lutter contre cet insecte étant interdit, sans produit de remplacement disponible. Il a souhaité qu’il n’y ait pas d’interdiction de pesticides sans produit de remplacement.

La Délégation a ensuite approuvé la proposition d’acte communautaire, en l’état des informations dont elle dispose, en souhaitant que la Commission européenne organise des communications visant à informer les consommateurs européens des efforts consentis par les producteurs de la Communauté pour réduire l’usage des pesticides.