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Deuxième séance du mardi 2 novembre 2004

38e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE  JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

PRÉVENTION DES CONFLITS À LA SNCF

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Ollier. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, la majorité de cet hémicycle a le souci que soit respecté le droit de grève, droit constitutionnel ; elle est tout autant soucieuse que soit respecté le principe constitutionnel de la continuité du service public. Nous ne voulons plus, en effet, voir les Français pris en otage (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) par des grèves des transports dont les motifs ne les concernent pas directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ici même, monsieur le ministre, le 9 décembre dernier, lors du débat consacré à la conciliation de ces deux principes dans le service public des transports, nous vous avions demandé de rouvrir le dialogue social et de tenter de dégager dans les neuf mois - nous y sommes - une solution en concertation avec les syndicats. Prévisibilité et prévention des conflits, tels semblent être effectivement les fondements de l'accord signé jeudi dernier par la direction de l'entreprise et certains syndicats...

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas grâce à vous !

M. Patrick Ollier. ...notamment la CGT, majoritaire à la SNCF.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Vive la CGT !

M. Patrick Ollier. En tant qu'administrateur de cette société, je mesure, monsieur le ministre, le caractère exceptionnel de cet accord, et je vous remercie du rôle que vous avez joué dans sa conclusion. Je tiens également à exprimer aux syndicats signataires et au président Gallois notre reconnaissance pour cette grande victoire du dialogue social. Bravo pour le travail accompli.

M. Maxime Gremetz. On n'a pas besoin de vous !

M. Patrick Ollier. Tout n'est pas réglé pour autant, même si cet accord est essentiel. Mais j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez en quoi cet accord est, selon vos propres termes, « historique et prometteur ».

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Il est vrai, monsieur le président Ollier, qu'à la suite du débat de décembre dernier, j'avais, dès le mois de mars, invité les entreprises de transport à travailler sur la prévention des conflits. La semaine dernière, nous avons tous eu le bonheur de constater que la direction et certains syndicats de la SNCF avaient signé un accord en la matière, que je n'ai pas hésité, comme vous l'avez rappelé, à qualifier d'historique. Il a en effet été signé par sept organisations syndicales sur neuf, représentant 80 % des effectifs de la SNCF. Intervenant quelques jours après l'accord portant sur les salaires, il fait de ce mois d'octobre une période particulièrement positive pour le dialogue social à la SNCF. Cet accord sur la prévention des conflits va considérablement limiter le nombre des préavis de grève, en permettant en amont le dialogue social au sein de l'entreprise.

Nous ne pouvons cependant pas nous satisfaire de ce seul accord, pour deux raisons. Limité à la SNCF, il ne couvre pas l'ensemble du champ des transports. Deuxièmement, il ne nous dispense pas de poursuivre nos efforts en matière de prévisibilité des conflits et de continuité du service public des transports en cas de grève, qui reste, vous l'avez rappelé, un droit constitutionnel.

Mais cet accord est cependant prometteur. Il prouve d'abord que la méthode contractuelle, ça marche en France.

M. Maxime Gremetz. C'est le Gouvernement qui ne marche pas en France !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je salue les organisations syndicales et la direction de la SNCF, qui ont su, à notre invitation, conclure cet accord.

En deuxième lieu, monsieur le président Ollier, on peut escompter que les signataires de cet accord auront à cœur de le respecter.

Enfin, à l'occasion de mon audition par la commission des affaires sociales - votre commission, monsieur le président Ollier - et par la commission des lois, je vous indiquerai un nouveau calendrier, qui vous démontrera qu'on peut encore avancer en matière de prévisibilité des conflits et de continuité du service public, et ce dans tout le secteur des transports.

SITUATION POLITIQUE EN POLYNÉSIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la crise politique que connaît la Polynésie est une affaire d'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la crise au PS ?

M. Jean-Marc Ayrault. La volonté populaire, exprimée lors des élections territoriales du 23 mai, a été bafouée par des manœuvres de déstabilisation (« Les vôtres ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) auxquelles nous pouvons craindre, hélas ! que votre gouvernement ne soit pas étranger. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Richard Mallié. C'est un expert qui parle !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez invoqué la légalité des procédures : c'est une plaisanterie, au regard des coups tordus ourdis depuis cinq mois contre la majorité plurielle de M. Temaru (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. La réponse ne saurait se limiter aux seuls aspects juridiques, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre : elle est désormais politique. Aujourd'hui, en effet, le blocage des institutions polynésiennes menace la paix civile sur le territoire de la Polynésie, dont le Président de la République et votre gouvernement sont les garants.

M. Éric Raoult. À cause des socialistes !

M. Jean-Marc Ayrault. Une délégation de la majorité plurielle de M. Temaru est venue à Paris pour éviter toute escalade ; elle est d'ailleurs présente dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Elle est venue à Paris pour être reçue, et surtout entendue, par le chef de l'État et les autorités de la République. Elle ne demande ni l'indépendance, ni même un nouveau statut d'autonomie. Elle est simplement porteuse d'une pétition signée par 40 000 électeurs polynésiens, soit un tiers du corps électoral, demandant que de nouvelles élections soient organisées pour trancher ce conflit.

À ce jour, ils n'ont reçu aucune réponse, ni de votre part, monsieur le Premier ministre, ni de la présidence de la République. Cette indifférence est coupable, tant elle menace l'équilibre même de la Polynésie.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : comptez-vous recevoir personnellement la délégation de M. Temaru ? Quelle réponse allez-vous apporter à sa demande de retour devant les électeurs ? Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement ici même, à l'Assemblée nationale, le 23 novembre prochain ? Ce jour-là, en effet, le groupe socialiste utilisera sa niche parlementaire pour demander le vote d'une résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française.

La situation est suffisamment grave pour que nous soyons en droit d'obtenir une réponse claire de votre part, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous en prie !

M. Bernard Roman. C'est scandaleux ! C'est au Premier ministre de répondre !

M. le président. Ça suffit, monsieur Roman, calmez-vous !

Mme Martine David. Les Polynésiens ne méritent-ils pas quelques mots du Premier ministre ?

M. le président. Calmez-vous vous aussi, madame David ! M. Jean Glavany. Il y a des traditions ici ! C'est au Premier ministre de répondre !

M. le président. Quel spectacle vous donnez !

M. Augustin Bonrepaux. Et le Gouvernement alors ?

M. le président. Ne vous en mêlez pas, monsieur Bonrepaux !

Allez-y, madame Girardin.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste), je voudrais vous dire tout d'abord qu'il est tout à fait conforme à mes fonctions de recevoir à mon ministère tous les élus d'outre-mer qui le demandent, quelles que soient leurs convictions. Je recevrai donc la délégation de M. Temaru comme celle de M. Flosse, toutes les deux présentes aujourd'hui dans cet hémicycle.

Mme Martine David. Vous ne répondez pas à la question !

M. François Hollande. Il s'agit de savoir si le Premier ministre va les recevoir !

Mme la ministre de l'outre-mer. Même si vous refusez les raisons juridiques, monsieur Ayrault, je voudrais vous dire une chose très simple : si nous proposions aujourd'hui au Président de la République un décret de dissolution de l'Assemblée de la Polynésie française, il serait entaché d'illégalité et pourrait à ce titre voir son application suspendue par le juge des référés. En effet, les conditions légales de la dissolution ne sont pas aujourd'hui réunies, puisqu'il il n'y a pas aujourd'hui pour les institutions d'impossibilité de fonctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est une plaisanterie !

Mme la ministre de l'outre-mer. J'ajoute, comme je l'ai écrit à M. Temaru, et comme j'ai eu déjà l'occasion de le dire devant votre assemblée, qu'il convient en toute hypothèse d'attendre la décision du Conseil d'État. C'est à lui en effet qu'il reviendra de juger de la validité du scrutin du 23 mai puisqu'il va examiner à partir du 8 novembre les différents recours en annulation de ces élections.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !

M. Bernard Roman. Cette réponse est scandaleuse !

Mme la ministre de l'outre-mer. Vous avez évoqué, monsieur Ayrault, la pétition qui a été signée par de nombreux Polynésiens. Je vous rappelle que c'est nous qui avons introduit le droit de pétition dans le statut de la Polynésie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et alors ?

M. Bernard Roman. Madame est trop bonne !

Mme la ministre de l'outre-mer.... et que ce droit de pétition ne peut s'exercer que sur une question relevant de la compétence de l'Assemblée de Polynésie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Or l'assemblée n'a pas compétence pour se dissoudre elle-même.

Je voudrais vous rappeler enfin, même si cela vous irrite, que le rôle de l'État et de tout gouvernement quel qu'il soit, est de faire respecter la loi, parce que sans respect de la loi, il n'y a pas de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Albert Facon. C'est une maxime de M. Flosse ?

M. Bernard Roman. Affligeant !

RESTAURATION DU PATRIMOINE

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, mon propos va permettre d'illustrer par un cas concret les débats que nous venons d'avoir à propos des crédits alloués à votre ministère, notamment des crédits patrimoniaux.

De nombreux édifices de Falaise, dans le Calvados, ont subi d'importants dégâts consécutifs à la tempête de noël 1999, et n'ont été mis hors d'eau que par des moyens de fortune. L'État avait alors affirmé qu'il ferait son devoir.

Cinq ans plus tard, les compagnies d'assurance se sont acquittées de leur participation, le conseil général et la municipalité ont versé leur fonds de concours à la direction régionale des affaires culturelles, qui a la charge d'organiser les travaux. Mais si les marchés ont bien été passés, les entreprises n'ont toujours pas reçu l'ordre d'exécution des travaux - ce qui les inquiète au plus haut point - et le patrimoine continue à se dégrader.

C'est que les crédits versés sont retournés à l'échelon national, où ils ont été utilisés à d'autres opérations, et il n'y a plus d'argent pour l'échelon régional,...

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. Claude Leteurtre. ...qui ne peut plus honorer ses engagements.

Mme Martine David. La décentralisation version Raffarin !

M. Claude Leteurtre. Cela ressemble, monsieur le ministre, à un véritable détournement de fonds.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y a pas d'autre mot !

M. Claude Leteurtre. Ce n'est malheureusement pas un cas isolé. La DRAC de Picardie est en situation de cessation de paiement depuis le printemps.

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. Claude Leteurtre. Les entreprises de restauration des monuments historiques nous alertent tous, en nous rappelant que leurs impayés s'élèvent à 80 millions d'euros en 2004, alors que les crédits de paiement vont baisser de 27 % dans le budget pour 2005. Je rappelle que les crédits patrimoniaux, qui s'élevaient à 538 millions d'euros dans le budget 2002 et à 300 millions d'euros dans le budget 2004, passeraient à 220 millions d'euros pour 2005.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. J'y arrive, monsieur le président.

La restauration historique exige un grand savoir-faire, beaucoup d'expérience et de talent. Or ces entreprises vont être à l'évidence obligées de licencier puisque 60 % des crédits du patrimoine servent à rémunérer la main-d'œuvre.

M. le président. Quelle est votre question, cher collègue ?

Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Attendez !

M. Claude Leteurtre. Ma question est double : allez-vous octroyer aux DRAC des crédits suffisants pour leur permettre de tenir leurs engagements en 2004, ce qui reviendrait à rendre leur argent aux collectivités locales ? Comptez-vous régulariser cette situation en 2005, afin qu'on puisse sauver réellement ces 40 000 monuments historiques,...

M. le président. Merci, monsieur Leteurtre, le ministre a compris votre question.

M. Claude Leteurtre. ...qui constituent le patrimoine de la France, et sauver des emplois souvent extrêmement nobles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Vous avez tout à fait raison, monsieur le député, d'insister sur ce que représente, autant pour nos concitoyens que pour le rayonnement international de notre pays, notre patrimoine sous toutes ses formes, qu'il s'agisse du monument le plus emblématique, une cathédrale, un château, ou de la façade de bâtiments plus modestes, jusqu'à celle d'un café dans la plus petite de nos communes.

Ce patrimoine est en mauvais état, malgré les efforts consentis ces dernières années, par l'État comme par les collectivités territoriales. Le montant des travaux nécessaires à la restauration de notre patrimoine a été évalué à cinq milliards d'euros. Le Gouvernement, sous la direction de Jean-Pierre Raffarin,...

M. Albert Facon. Précision utile !

M. Bernard Roman. Nécessaire !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...a pris des décisions.

M. Bernard Roman. Ce serait une première !

M. le ministre de la culture et de la communication. En 2003, un plan pluriannuel de restauration de notre patrimoine a été décidé, qui a été exécuté et mis en œuvre chaque année.

M. Patrick Bloche. Où est l'argent ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Laissez-moi vous donner les chiffres dans leur vérité. Nous avons eu en 2004, pour la dernière fois, la possibilité d'utiliser des reports de crédits. Cela signifie que des marges de manœuvre étaient encore disponibles du fait que certaines opérations n'avaient pas vu le jour.

Nous avons utilisé l'intégralité de ces reports de crédits. Nous avons également fait des efforts de gestion. Cet été, 20 millions et, la semaine dernière encore, 1,7 million d'euros supplémentaires ont été injectés.

M. Patrick Bloche. Ce n'est pas assez !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce matin, l'Assemblée a discuté du budget de la culture pour 2005. Les arbitrages du Premier ministre ont permis d'augmenter de 10 % les autorisations de programme et de 25 % les crédits de paiement dans ce budget.

Est-ce suffisant (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) pour pouvoir préserver la richesse de notre patrimoine et répondre aux besoins des uns et des autres ? Évidemment, non. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je pourrais avoir la cruauté de vous rappeler quels étaient les chiffres budgétaires inscrits au titre de la restauration du patrimoine lorsque Jean-Pierre Raffarin a pris ses fonctions au Gouvernement ! Ce serait, pour moi, l'enfance de l'art !

Nous avons une responsabilité à assumer. La loi de finances y suffit-elle ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J'espère, et je le dis en regardant le Premier ministre droit dans les yeux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), que, dans les semaines ou les mois qui viennent, de bonnes décisions seront prises. Nous en mesurons tous la nécessité. J'ai d'ailleurs reçu, la semaine dernière, les entreprises du secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FUSION SAGEM-SNECMA

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, à la veille de la Toussaint, en catimini, les directions de SAGEM et de SNECMA ont, avec votre aval, annoncé une fusion. Cette fusion surprise est un véritable passage en force. Les salariés des entreprises, tout comme la représentation nationale, n'en ont eu connaissance que par les médias. Le conseil d'administration de la SNECMA, faute de quorum, n'en a même pas débattu, et se réunit seulement en ce moment même.

Or, il ne s'agit de rien moins que de la privatisation de la SNECMA,...

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. Jacques Brunhes. ...rejetée massivement par les salariés du groupe.

L'État ne détiendra, dans un premier temps, que 35 % du capital après la fusion, et M. Béchat, P-DG de la SNECMA, a d'ores et déjà indiqué qu'il « n'a pas vocation à rester à long terme à ce niveau ». Ainsi, après l'ouverture du capital en juin 2004, c'est la fuite en avant dans des restructurations et fusions capitalistiques.

Aucune stratégie industrielle ne préside à ce choix guidé par le seul objectif de rentabilité financière. Les synergies industrielles des deux ensembles ne sont pas évidentes. La privatisation se soldera par la perte de la maîtrise politique des choix aéronautiques et spatiaux, donc aussi de la maîtrise citoyenne des questions de sécurité, et par le bradage de l'un des fleurons technologiques de notre industrie. À terme, vous préparez de fait l'entrée de General Electric dans ce groupe.

Dès lors, quelle crédibilité accorder à votre promesse de maintien de l'emploi quand votre choix privilégie le financier au détriment du social ?

L'inquiétude des salariés de la SNECMA est partagée sur tous les sites du groupe. Je pense aux sociétés Hispano-Suiza, à Colombes, et Hurel-Hispano dans la région havraise.

M. le Premier ministre, je vous demande, au nom du groupe des députés communistes et républicains, de mettre fin à cette démarche purement financière, de faire respecter les prérogatives légales des instances représentatives du groupe afin qu'elles puissent obtenir de sérieuses informations et élaborer des solutions alternatives et, enfin, d'organiser un débat au Parlement sur les risques et alternatives possibles à cette fuite en avant à partir d'un bilan des privatisations déjà effectuées. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. 8 milliards !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, d'abord, ce projet industriel est venu des acteurs eux-mêmes. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Il ment !

M. le ministre délégué à l'industrie. Pour une fois, ce ne sont pas les pouvoirs publics qui jouent au meccano avec les entreprises, mais ce sont les entreprises elles-mêmes qui déterminent les voies et les moyens de leur progrès.

Ensuite, cette opération de fusion va nous permettre d'avoir un acteur de taille européenne (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), offrant à la France la possibilité d'avoir une entreprise qui va créer des emplois. En portant la force de recherche et développement à 14 000 ingénieurs, elle améliore considérablement le potentiel d'embauches, qui devrait être votre souci.

Certes, l'État ne détiendra plus que 35 % du capital de l'ensemble, alors qu'il détenait 62 % de celui de la SNECMA, mais je tiens à vous dire que la participation de l'État sera beaucoup mieux valorisée dans un ensemble performant que dans une entreprise moyenne. S'agissant des structures industrielles, il faut regarder leur capacité à atteindre la taille mondiale.

M. Maxime Gremetz. La SNECMA l'avait !

M. le ministre délégué à l'industrie. Quand on a la taille européenne, ouvrir le champ de l'avionique, permettant à la SNECMA et SAGEM d'être complémentaires, constitue un véritable progrès, hissant notre pays à une dimension industrielle qu'il n'avait pas auparavant dans ce domaine.

Au lieu de verser des larmes par conservatisme désuet, considérez plutôt l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. 8 milliards de privatisation !

LUTTE CONTRE LE CANCER

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Demange, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Marie Demange. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, la Ligue nationale contre le cancer organisait jeudi dernier, au Parc floral de Paris, ses troisièmes États généraux des malades et des proches.

Il est de notre devoir d'approcher avec toujours plus d'humanité les problèmes posés par cette maladie, afin d'améliorer l'accueil, l'aide, le suivi et la vie sociale des malades atteints du cancer.

Le Président de la République a beaucoup insisté, au cours de cette journée, sur la nécessité de lutter contre les discriminations inacceptables dont sont victimes les malades dans le travail, la recherche d'emploi, mais aussi dans l'accès aux prêts bancaires et aux assurances.

Un groupe de travail est actuellement en train de revoir la convention Belorgey qui vise notamment à améliorer l'accès aux emprunts pour les personnes représentant un risque de santé aggravé.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant ces propositions ? Par ailleurs, pourriez-vous faire le point sur les mesures du plan anti-cancer à destination des malades et de leurs proches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, le plan cancer présenté par le Président de la République il y a dix-huit mois s'articule autour de trois axes.

Premier axe : le dépistage. Plus un cancer est dépisté tôt, plus les chances de guérison sont grandes.

Dépistage du cancer du sein, d'abord, qui cause 11 000 décès par an. La mammographie systématique à partir de cinquante ans, tous les trois ans, remboursée à 100 % par l'assurance maladie, sera généralisée à tous les départements d'ici à décembre prochain.

Dépistage du cancer du colon, ensuite. Une expérimentation sera mise en œuvre sur 22 départements ; une stratégie nationale le sera, dès début janvier 2005, à partir de cette expérimentation.

Dépistage du cancer du col de l'utérus, enfin. Le frottis a permis de faire tomber le nombre de décès de 3 000 à 1 000 par an.

Deuxième axe : l'action en direction des personnes pour lesquelles un cancer a été diagnostiqué.

Première mesure : la généralisation de l'annonce du diagnostic, si important sur le plan psychologique pour les malades et les proches.

Deuxième mesure - et c'est une révolution - : la procédure d'agrément des services en cancérologie, afin que chaque Française et chaque Français soit soigné de la meilleure manière sur tout le territoire.

Troisième axe, et je réponds à votre question, monsieur le député : les droits des malades. Aujourd'hui, tout cancer est guérissable, et un cancer sur deux est totalement guéri. Il faut donc, de plus en plus, considérer que le cancer est une maladie comme les autres. C'est la raison pour laquelle, à la demande du Président de la République et avec l'autorisation du Premier ministre, je vais demander aux banquiers et aux assureurs d'accorder la possibilité d'un prêt à tous les malades qui ont été atteints d'un cancer il y a plus de dix ans et qui sont bien portants.

Précocité du diagnostic, psychologie de l'annonce, droits des malades : le plan cancer est en route, monsieur le député. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PROTOCOLE DE KYOTO

M. le président. La parole est à Mme Josiane Boyce, pour le groupe UMP.

Mme Josiane Boyce. M. le ministre de l'écologie et du développement durable, le sommet de la terre à Rio, en 1992, avait marqué la prise de conscience internationale du risque de changement climatique dû à la pollution atmosphérique. Les États les plus riches y avaient en effet pris l'engagement de stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre à un niveau comparable à celui des années 1990. C'est le protocole de Kyoto qui, en 1997, a traduit cette volonté en engagements à la fois quantitatifs et juridiquement contraignants.

Le Parlement russe vient de voter le projet de loi de ratification de ce protocole. Grâce à l'adhésion de la Russie, le protocole de Kyoto va pouvoir entrer en vigueur puisque plus de 55 États, représentant plus de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, l'ont signé.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles conséquences aura cette décision sur les négociations internationales et quelle est la stratégie du gouvernement français en matière de lutte contre le changement climatique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la députée, vous avez raison : la ratification du protocole de Kyoto par la Russie marque une étape historique dans la lutte contre le changement climatique, qui est sans doute le plus grand défi écologique de ce début du xxie siècle. Cette ratification est le fruit d'un travail incessant de la France et de l'Europe pour convaincre la Russie et elle va permettre l'application du protocole. L'Europe et la France ont d'ailleurs déjà anticipé son application, et j'en donnerai deux exemples.

D'abord, la mise en place, d'ici au 1er janvier, du plan national d'allocation de quotas, grâce auquel les industriels qui émettaient des gaz à effet de serre jusque-là sans limitation vont être limités par des quotas.

Ensuite, le plan climat, annoncé par le Gouvernement en juillet dernier, va permettre d'économiser 72 millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année - c'est-à-dire plus que demandé par le protocole - dans les transports, l'industrie et dans l'ensemble des secteurs économiques.

Nous devons maintenant aller plus loin et ramener autour de la table les pays qui n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto...

M. Maxime Gremetz. Les États-Unis !

M. Pierre Lellouche. Et la Chine ?

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. ...en particulier les États-Unis. Nous profiterons de la conférence de Buenos Aires sur le climat, en décembre prochain, pour entamer cette discussion avec ces pays et entreprendre la réflexion de l'après-Kyoto - l'après-2012 -, afin que notre objectif, qui est de diminuer à terme de moitié les émissions de gaz à effet de serre, soit atteint. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LOI DE 1905

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, pour le groupe socialiste.

M. Michel Charzat. Monsieur le Premier ministre, dans un livre d'entretien, publié à grand concours de réclame, votre ministre, Nicolas Sarkozy, célèbre à sa façon l'approche du centenaire de la loi de séparation des églises et de l'État.

Curieuse célébration ! Votre ministre, confondant neutralité de l'État et athéisme, s'en prend à l'éducation nationale, trop fermement attachée à une lecture stricte de la laïcité. Pour votre ministre, on ne peut éduquer les jeunes en s'appuyant exclusivement sur des valeurs temporelles, voire républicaines. Il s'interroge enfin sur l'éventualité du rétablissement du catéchisme.

Mes chers collègues, cette prise de position est littéralement révisionniste. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle feint d'ignorer que la laïcité, cette pierre angulaire de la République selon les propos du Chef de l'État, garantit la liberté de conscience, que, grâce à elle, il n'y a ni religion reconnue ni athéisme consacré, et que, depuis un siècle, la loi de 1905 assure la coexistence harmonieuse des différentes religions, la fraternité de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n'y croient pas.

En une curieuse célébration, votre ministre disqualifie la loi de 1905, qu'il juge obsolète. Il s'agirait, demain, de faire subventionner par des fonds publics les associations cultuelles, la construction de lieux de culte et la formation de clercs, en particulier d'imams. Après le préfet musulman, voici donc un projet d'organisation de l'islam d'inspiration concordataire et communautariste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On doit évidemment souhaiter que les musulmans puissent plus facilement pratiquer leur religion en France, grâce à des mesures simples et pratiques, mais certainement pas en démantelant la loi de 1905. Je remarque d'ailleurs que les représentants des cultes, notamment les fédérations musulmanes, ont réagi négativement à cette remise en cause de la loi de 1905.

M. Éric Raoult. Réac ! (Rires.)

M. le président. Monsieur Raoult !

M. Michel Charzat. Monsieur le Premier ministre, les prises de position de votre ministre, hier ministre des cultes, demain président de l'UMP, annoncent-elles un tournant de la politique gouvernementale en matière de laïcité ? Entendez-vous réviser la loi de 1905 ? Ou demanderez-vous à votre ministre de se raviser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Charzat, il faut raison garder (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), et je crains que vous n'ayez lu entre les lignes.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est Sarkozy ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La loi de 1905 constitue le socle de la laïcité et c'est donc un principe intangible de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle garantit la neutralité de l'État et la liberté de conscience.

Mme Martine David. Ça, c'est clair !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte. Telle est la règle.

Faut-il pour autant s'interdire de se poser des questions quand on rencontre des problèmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non, monsieur Charzat. En République, poser une question, c'est un signe d'humilité et de volonté. Et c'est d'ailleurs bien ce qui a guidé Nicolas Sarkozy. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous le voyez, les ministres de l'intérieur se suivent et se ressemblent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un député du groupe socialiste. Quelle cruauté !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Toutefois, il existe bien un problème spécifique en ce qui concerne l'islam. Nous avons avancé. Nicolas Sarkozy a avancé...

M. Albert Facon. À petits pas !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...en créant le Conseil français du culte musulman. Mais il nous faut aller plus loin, avec, par exemple, la formation des imams ou la création d'aumôneries musulmanes dans les prisons. Il faut également aller plus loin en matière de financement de l'islam. Différentes solutions s'offrent à nous, dans le cadre même et dans le respect de la loi de 1905. C'est le financement par les fidèles...

Mme Odile Saugues. Non !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...comme cela se pratique pour tous les autres cultes, avec une rationalisation des aumônes et du marché de la viande halal. Ce sont aussi des mesures spécifiques, telles que la possibilité de baux emphytéotiques, avec des garanties d'emprunt, ou celle de financements étrangers, strictement encadrés, dans une totale transparence.

C'est dans cet esprit que nous entendons respecter la loi de 1905 et répondre aux problèmes d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION

M. le président. La parole est à M. Olivier Dosne, pour le groupe de l'UMP.

M. Olivier Dosne. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

Monsieur le secrétaire d'État, le contrat de professionnalisation, qui est entré en vigueur le 1er octobre 2004, remplace le contrat de qualification, unanimement reconnu comme l'un des meilleurs dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, en y apportant davantage de souplesse. Il est en effet adapté à chaque branche, en fonction des débouchés professionnels constatés ou prévus.

Afin de laisser aux branches professionnelles davantage de temps pour s'organiser, vous aviez obtenu de prolonger les contrats de qualification jusqu'au 15 novembre 2004. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire part de l'état d'avancement de ce dossier, en nous précisant les modalités de la mise en place des contrats de professionnalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner que le nouveau contrat de professionnalisation représente une transformation en profondeur de la formation professionnelle. Il faut ici rendre hommage aux partenaires sociaux qui, de la CGT au MEDEF, ont unanimement souhaité la mise en place de ce nouvel outil. Ce changement, vous l'avez dit, doit se faire dans l'intérêt des jeunes comme des adultes.

Tout en respectant les partenaires sociaux et leurs compétences, le Gouvernement intervient de trois manières. Il permet d'abord la mise en œuvre de ce nouveau contrat. En effet, grâce aux décrets d'application, il a pu entrer en vigueur le 1er octobre et la loi de finances pour 2005 prévoit le financement par l'État de l'exonération de charges de 180 000 contrats, dont 40 000 pour des adultes chômeurs de longue durée, comme l'a souhaité le Premier ministre.

Ensuite, l'État veille à ce que la période du 1er octobre au 15 novembre soit sécurisée pour les jeunes, qui pourront à la fois recourir au nouveau contrat de professionnalisation et continuer de bénéficier de l'ancien contrat de qualification, dont vous avez rappelé les vertus.

Enfin − et c'est le plus important −, Jean-Louis Borloo et moi-même suivons les négociations des partenaires sociaux dans chaque branche. Aujourd'hui, plus de vingt d'entre elles ont signé un accord : elles représentent plus de la moitié des salariés. D'autres branches − la banque, l'électroménager ou l'audiovisuel − passent des accords de transition qui, en allongeant jusqu'à vingt-quatre mois la durée du contrat de professionnalisation, permettent de rendre le service de l'ancien contrat de qualification. L'État invite les branches qui ont des difficultés de négociation à les imiter.

Ainsi, en mobilisant des moyens financiers dans la loi de finances, en prévoyant une période de transition où l'ancien et le nouveau système se conjuguent au service des jeunes, et en apportant son appui à chaque branche professionnelle, l'État veille à ce que, dans les jours et les semaines qui viennent, tous les salariés français soient concernés par cette nouvelle mesure d'alternance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LOGEMENT SOCIAL

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Briot, pour le groupe UMP.

Mme Maryvonne Briot. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

Monsieur le ministre, l'ampleur de la crise du logement appelle des réponses fortes et rapides, et, grâce à son plan de cohésion sociale et à la loi de programmation qui est en cours d'examen au Sénat, le Gouvernement va dégager des moyens financiers qui permettront, en particulier, de multiplier par deux la production de logements sociaux. Ainsi, les retards accumulés au cours des dix dernières années en raison d'une production insuffisante pourront être résorbés en cinq ans.

Mais les organismes de logement social ne peuvent lancer des opérations nouvelles que si elles sont financièrement équilibrées. Cela suppose l'apport d'autres financements que les seules aides de l'État, en particulier des interventions des partenaires sociaux, qui sont présents depuis longtemps dans la production de logements sociaux par l'intermédiaire du 1 % logement.

Monsieur le ministre, ces partenaires du 1 % logement vont-ils suivre l'État avec une augmentation comparable de leur participation, et en s'engageant clairement, comme lui, sur les cinq ans du plan de cohésion sociale ? Les moyens du 1 % logement affectés à ce programme sont-ils effectivement disponibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans vingt jours, l'Assemblée nationale examinera les dispositions financières du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Mais, si c'est une affaire d'État, le plan de cohésion sociale ne doit pas être seulement l'affaire de l'État. Il se traduit certes par une loi, mais il comporte aussi toute une série de dispositifs opérationnels : ainsi avons-nous mobilisé tous les acteurs du logement, les organismes publics et privés de HLM, mais aussi ce que l'on appelle le 1 % logement, les partenaires sociaux, patronat et syndicats. Tous doivent apporter leur concours pour nous aider à relever ce défi.

La semaine dernière, nous avons signé deux importantes conventions. La première concrétise les modalités financières et foncières du 1 % logement vis-à-vis de la loi de rénovation urbaine que Jean-Louis Borloo a fait voter le 1er août 2003. Les promesses ont été tenues et tous les moyens financiers annoncés sont là. À la fin de l'année, nous aurons ainsi mobilisé près de 6 milliards d'euros de moyens publics pour la rénovation urbaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La seconde convention est aussi très importante. Elle apporte l'aide du 1 % logement à hauteur de 210 millions d'euros pour la production des 500 000 logements locatifs sociaux que nous voulons réaliser en cinq ans. Cela représente une augmentation de 40 % et se situe au-delà des objectifs que nous nous étions fixés.

Vous le voyez, madame la députée, les réalisations concrètes remplacent les discours d'hier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Avec le plan de cohésion sociale, nous fixons un cap.

M. Albert Facon. C'est de la rengaine !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. Les moyens sont là et les objectifs seront atteints. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PROTECTION SOCIALE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste.

M. Germinal Peiro. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Monsieur le ministre, la protection sociale agricole concerne 5 à 6 millions de nos concitoyens. Mme Jeannette Gros, présidente de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, annonce, pour 2005, un déficit de 1,5 milliard d'euros du Fonds de financement de la politique sociale agricole, qui va remplacer le BAPSA au 1er janvier. Ce nouveau fonds, qui ne sera pas examiné par le Parlement, ne bénéficiera plus d'une partie des recettes de TVA ni de la subvention d'équilibre de l'État.

Entre 1998 et 2002, en y consacrant 22 milliards de francs, le gouvernement Jospin a relevé la retraite de base de 29 % pour le chef d'exploitation, de 49 % pour les veuves et de 79 % pour les conjoints et les aides familiaux. Aujourd'hui, en dehors de la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation, votre bilan, monsieur le ministre, est éloquent. En termes de revalorisation, c'est 0 % en 2003, 0 % en 2004, et vous avez annoncé 0 % pour 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Triple zéro !

M. Germinal Peiro. Au moment où votre gouvernement baisse l'impôt pour les familles les plus aisées, les retraités agricoles ne demandent pas l'aumône, mais simplement l'application d'une mesure de justice sociale et la reconnaissance du travail qu'ils ont accompli pour le compte de la nation. Ils attendent la réduction des minorations, le relèvement de la retraite de base et l'accès à la retraite complémentaire obligatoire pour les conjoints, qui sont essentiellement des femmes.

M. le président. Monsieur Peiro, pouvez-vous poser votre question ?

M. Germinal Peiro. J'y viens, monsieur le président.

M. le président. Oui, mais rapidement !

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, ma question est double. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'idée d'une nouvelle taxe sur les tabacs ayant été abandonnée, par quels moyens allez-vous financer en 2005 le régime de protection sociale en agriculture ? Allez-vous reprendre en 2005 le mouvement de revalorisation des retraites agricoles les plus basses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur Peiro, le parti auquel vous appartenez a gouverné les trois quarts du temps depuis vingt-trois ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) S'il était si facile de prendre ces mesures, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je rappelle que ce sont les gouvernements d'Édouard Balladur et d'Alain Juppé qui ont engagé la revalorisation des retraites agricoles, et que c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a mis la mensualisation en place. Il ne faut donc pas nous donner de leçons, monsieur le député, en matière de retraites agricoles et de protection sociale des agriculteurs.

Vous m'interrogez sur l'évolution du revenu des agriculteurs.

M. Jean Glavany. Des chiffres !

M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Je voudrais rappeler que, pendant les cinq années du gouvernement Jospin, alors que le pays connaissait une forte croissance, le revenu des agriculteurs et le revenu des retraités a stagné, voire légèrement baissé.

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, monsieur le député ?

Nous, nous avons engagé une politique sérieuse et structurelle pour assurer le revenu des agriculteurs et nous poursuivrons notre action avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Bouffons !

AVENIR DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre délégué à la recherche, les états généraux de la recherche, organisés à l'initiative du mouvement des chercheurs, se sont tenus à Grenoble voici quelques jours seulement. Votre présence, ainsi que celle du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, confirment l'ambition du Gouvernement d'assumer pleinement ses responsabilités et de tenir ses engagements pour que la recherche française retrouve sa place dans le peloton de tête des pays industrialisés.

Parallèlement, l'Office parlementaire et l'Assemblée nationale travaillent, dans le cadre de leurs missions respectives, sur le sujet. Ils vous transmettront leurs conclusions dans quelques semaines afin d'enrichir le projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche actuellement en préparation.

À Grenoble, le comité d'initiative et de proposition, qui a été créé le 17 mars par le Premier ministre et qui est coprésidé par les professeurs Baulieu et Brézin, vous a également révélé ses principales propositions.

Monsieur le ministre, pouvez-vous informer l'Assemblée nationale des résultats de ces états généraux et, surtout, nous faire part de votre espoir, partagé par les chercheurs, quant à l'avenir du système de recherche français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Dutoit. Allô ! Allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, les états généraux de la recherche qui se sont tenus à Grenoble le week-end dernier ont été un moment très fort dans la réflexion sur l'avenir de notre système d'innovation et de recherche qui doit être plus compétitif face à la concurrence mondiale.

Ce débat, qui a été à la fois passionné et très constructif, a permis de dégager des propositions. Par ailleurs, le Comité d'initiative et de proposition, présidé par les professeurs Baulieu et Brézin, doit transmettre à François Fillon et à moi-même ses propres conclusions dans les jours qui viennent.

M. Maxime Gremetz. Nous les avons déjà !

M. le ministre délégué à la recherche. Nous tiendrons évidemment le plus grand compte de ces différentes propositions.

Des points essentiels ont été abordés concernant l'avenir de notre recherche, notamment pour les jeunes, tous ces jeunes enthousiastes qui, après une expérience à l'étranger, hésitent à revenir en France parce que nos structures ne sont peut-être pas assez accueillantes et attractives pour eux.

La nécessaire évaluation de notre système de recherche a également été évoquée, de façon très positive, tout comme l'a été la question des simplifications administratives. Il devient en effet de plus en plus difficile, dans un cadre trop bureaucratique, de faire de la recherche en France.

La dimension européenne n'a pas été oubliée non plus. Il n'y aura pas de recherche efficace en France si nous ne nous plaçons pas dans une perspective européenne. C'est la seule manière d'être compétitif face à la mondialisation.

Le projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche est sur les bons rails. Il sera présenté au Parlement au deuxième trimestre 2005. Il permettra de relever les principaux défis qui sont lancés à la recherche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

COÛT DE L'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. le président. La parole est à M. Denis Merville, pour le groupe de l'UMP.

M. Denis Merville. Monsieur le secrétaire d'État au budget, nos concitoyens viennent de recevoir leurs feuilles d'impôts locaux. À cette occasion, ils ont très souvent constaté une nouvelle augmentation du coût de l'enlèvement de leurs ordures ménagères. Qu'ils paient la taxe ou la redevance, la somme qui leur est demandée a augmenté fortement ces dernières années.

Les raisons, nous les connaissons : des directives européennes de plus en plus exigeantes en matière de normes environnementales ; une collecte sélective qui, si elle est positive pour l'environnement grâce au tri et donc aux gestes citoyens accomplis par 80 % des Français, se traduit par un coût plus élevé ; et, surtout, un volume des déchets qui ne cesse d'augmenter - aujourd'hui, plus de 460 kilos par personne et par an. Incontestablement, une réflexion doit être engagée pour essayer de réduire ce volume.

Toujours est-il que le coût d'enlèvement, et notamment celui de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qui s'ajoute à la taxe foncière, paraît lourd et injuste pour nombre de nos concitoyens, en particulier pour les familles peu nombreuses ou les personnes seules qui disposent d'un grand logement. Quant à la redevance, payée en fonction du volume des déchets produits, elle aussi est injuste puisqu'elle pénalise les familles nombreuses.

Monsieur le ministre, vos prédécesseurs socialistes n'avaient pas trouvé de solutions satisfaisantes. Depuis deux ans, les élus locaux alertent le Gouvernement sur ce problème. Votre prédécesseur, Alain Lambert, avait accepté la constitution d'un groupe de travail réunissant les représentants de votre ministère et les élus locaux.

M. René Dosière. La question !

M. le président. Monsieur Merville, pourriez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

M. Denis Merville. Ce groupe doit trouver des moyens plus équitables et parfaitement transparents pour engager une réforme de cette taxe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont ces réflexions ?

Enfin, je rappelle que les élus locaux devaient voter le taux de cette taxe pour le 15 octobre. Pour une première année d'application, le délai leur paraissait trop court. Pouvez-vous nous indiquer si un report a été envisagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Merville, vous avez raison, les modalités actuelles de la collecte et de l'élimination des déchets ménagers ne sont pas satisfaisantes, tout le monde en convient.

Le dispositif qui avait été introduit par l'article 107 de la loi de finances de l'an dernier pose des problèmes d'application, et le Gouvernement en est conscient. Soit la contribution demandée aux ménages a trop augmenté, soit les structures, le plus souvent intercommunales, ont des difficultés à appliquer le nouveau dispositif.

Pour répondre à ces difficultés, le Gouvernement a décidé, à la demande du Premier ministre, de repousser l'échéance du 15 octobre 2004 au 15 janvier 2005 ; des instructions en ce sens ont été données à l'ensemble des préfets.

Au-delà, il nous faut essayer de concilier, de façon équitable, deux approches : la logique de la redevance, pour service rendu à l'usager, et la logique de la taxe, que vous avez évoquée, c'est-à-dire d'un impôt assis sur la valeur locative des résidences.

Nous avons mis en place, avec Jean-François Copé, un groupe de travail réunissant des parlementaires de toutes sensibilités politiques. Nous prenons l'engagement devant vous de vous proposer une solution réaliste et équitable pour les collectivités territoriales et nos concitoyens avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, messieurs les rapporteurs, nous sommes arrivés au terme de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des députés qui ont participé à ces débats. Votre engagement dans la discussion a montré toute l'importance que vous attachez à la sécurité sociale, sur tous les bancs de cette assemblée. Si nous avons, logiquement, des conceptions différentes, ce débat a montré que ce sujet était bien au cœur des grands enjeux de notre pacte républicain.

Je veux remercier le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean Michel Dubernard, ainsi que les rapporteurs, MM. Perrut, Door et Colombier, qui ont fait un travail remarquable dans un calendrier serré.

M. Hervé de Charette. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je veux aussi saluer Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous avez tous permis d'améliorer le texte du Gouvernement. Marie José Roig, Xavier Bertrand, Marianne Montchamp et moi-même vous en sommes extrêmement reconnaissants. J'associe à ces remerciements l'ensemble du personnel de l'Assemblée nationale qui nous permet toujours de travailler dans les meilleures conditions.

Mesdames, messieurs les députés, ce texte traduit les réformes engagées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin depuis deux ans : les retraites, l'assurance maladie, la solidarité pour l'autonomie. Confrontée à une crise de confiance, à une crise financière, à une crise institutionnelle, à une crise d'organisation, notre sécurité sociale semblait à la dérive. Nous la remettons sur les rails et nous restaurons ainsi la confiance de nos concitoyens. Cette tâche est difficile et nous mesurons tous le chemin qu'il reste à parcourir.

Le redressement des comptes s'amorce, même si les déficits restent très importants. Le Gouvernement l'a dit, il engage un redressement structurel, notamment des comptes de l'assurance maladie, qui donnera progressivement des résultats.

Les réformes se mettent en œuvre, mais demandent une mobilisation de tous. Nous avons, avec Xavier Bertrand, installé jeudi dernier le nouveau conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés - CNAMTS. Je pense que vous avez tous relevé la détermination très forte des partenaires sociaux à s'engager dans cette nouvelle gouvernance. Nous installerons dans une semaine l'Union nationale des caisses d'assurance maladie - l'UNCAM - qui sera également un acteur central de la réforme.

Je souhaitais aussi souligner l'apport du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur différents points qui me semblent importants :

D'abord, la consolidation, au niveau hospitalier, de la tarification à l'activité, la T2A ;

Ensuite, les évolutions nécessaires sur le dossier de l'amiante avec la contribution des employeurs au financement du Fonds de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ;

Enfin, la traduction de l'accord auquel nous sommes parvenus sur la soulte EDF-GDF qui permet de garantir la réussite de l'opération d'adossement dans les conditions d'une stricte neutralité pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse et pour les salariés du régime général.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte resserré, car l'heure est d'abord et avant tout à la mise en œuvre des réformes. Je sais pouvoir compter sur le soutien de cette assemblée pour consolider et garantir la pérennité de notre sécurité sociale. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Au terme de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, que faut-il retenir ?

Alors que l'immensité des besoins non satisfaits en matière de prise en charge est connue de tous, vous avez constamment cherché à orienter ce PLFSS sur des mesures d'économie au lieu d'engager la réflexion sur des propositions de financement permettant, dans une démarche de justice sociale et d'efficacité économique, de donner à notre sécurité sociale les moyens d'améliorer la prise en charge socialisée des dépenses de santé.

Dans ce contexte, vous vous êtes appliqués à rejeter toutes les propositions de financement et avez préféré multiplier les mesures de restriction, de sanction, de pénalisation et de contrôle à l'égard des assurés sociaux comme des professionnels de santé.

Votre attitude obstinée nous autorise à mettre en cause le bien fondé de votre démarche, comme de votre attachement aux principes de notre protection sociale. En effet, non seulement les besoins actuels ne sont pas couverts, mais vous vous appliquez maintenant à faire des économies sur ceux qui le sont.

Vous préférez faire payer toujours plus les assurés sociaux par une augmentation de la CSG, de la CRDS et des taxes en tout genre, notamment sur les tabacs, au lieu de prendre l'argent où il est, là où se créent les richesses, ce qui est pourtant le fondement historique du financement de la sécurité sociale.

Et tout cela pour quels résultats ? Vous invoquez l'équilibre des comptes. Rappelons que le régime général connaissait un déficit de 3,4 milliards d'euros en 2002 ; il est de 14 milliards cette année ! Pour la branche maladie, vous avez pris le pouvoir avec un déficit de 6 milliards d'euros ; il est passé à 13,2 milliards cette année. Ainsi, depuis votre arrivée, le déficit du régime général a quasiment quintuplé et celui de la branche maladie a doublé. C'est un record qui s'explique , monsieur le ministre, par votre refus persistant de réformer l'assiette des cotisations visant à augmenter les recettes de la sécurité sociale.

Évidemment, les conséquences de ce choix sont lourdes pour les assurés sociaux qui verront s'élargir encore les économies réalisées sur les prestations. Économies sur les affections de longue durée : 800 millions d'euros ; économies sur les arrêts de travail et la diminution des indemnités journalières : 300 millions d'euros ; économies sur les remboursements de médicaments : 700 millions d'euros ; économies sur le remboursement des consultations médicales : 1,5 milliard d'euros ; économies sur l'hôpital : 850 millions auxquels s'ajoute un déficit de trésorerie de 850 millions également, ce qui porte à 1,7 milliard le manque de financement.

Outre l'étranglement financier des établissements, auquel vous ne remédiez pas, vous programmez la poursuite du plan Hôpital 2007, ce qui va aggraver les difficultés de l'hôpital. En effet, ce plan c'est la suppression de 20 à 30 % des plateaux techniques. C'est la recherche de pratiques rentables au détriment de la prise en charge globale du malade, la mise en place de pôles de compétences en quête de rentabilité. C'est la voie ouverte à un déséquilibre de la couverture nationale en établissements de santé propre à accentuer la désertification et les inégalités régionales.

Ainsi, malgré les témoignages inquiets des professionnels attachés au service public hospitalier, malgré les expériences fâcheuses de certains pays voisins, vous persévérez dans l'engrenage qui condamne les spécificités de nos établissements, en particulier les missions de service public de l'hôpital , auxquelles nous tenons, mêlant l'accueil et les soins de qualité pour tous, la recherche et la formation des jeunes médecins et personnels soignants.

Enfin, pour parachever la limitation autoritaire des dépenses de santé, vous avez volontairement fixé un ONDAM trop faible qui sera, sans aucun doute, dépassé puisqu'il ne tient pas compte de la réalité.

En définitive, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est la concrétisation de votre objectif de remise en cause de notre système solidaire de sécurité sociale. Il s'inscrit d'ailleurs dans un plan plus vaste de démantèlement de l'ordre public social : atomisation du code du travail, privatisation des services publics, destruction des fondements solidaires de notre système de protection sociale - retraites, santé, chômage.

Ne comptez pas sur nous pour soutenir cette véritable marche forcée vers la déréglementation sociale, qui s'exerce au mépris des besoins économiques et sociaux de nos concitoyens.

M. Yves Nicolin. Nous ne comptions nullement sur votre soutien !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'UMP.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les débats qui viennent d'animer notre hémicycle montrent combien les questions de santé demeurent, à juste titre, une problématique chère aux Français.

M. Yves Nicolin. Très juste !

M. Richard Mallié. Si la santé est un bien qui ne s'achète pas, les choix politiques, eux, peuvent aider grandement chacun à bénéficier de soins de qualité. Et, cette année encore, le Gouvernement a donné la preuve - s'il en était besoin - que la santé des Français méritait des moyens sans pareil.

Cette priorité fixée par le Gouvernement, nos collègues de l'opposition semblent ne pas l'avoir comprise. Parmi les reproches que la gauche formule à l'encontre du PLFSS, figure en effet la hausse de l'ONDAM, jugée insuffisante, et la situation faite à l'hôpital public.

Or, pour ce dernier, alors que les budgets y afférant avaient augmenté en moyenne de 2,5 % entre 1997 et 2002, la progression prévue par le PLFSS pour 2005 s'élève à 3,6 %.

Cette augmentation significative était nécessaire. L'hôpital a en effet été asphyxié par nos prédécesseurs du fait de l'application de la loi sur les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il s'agissait d'une réforme purement idéologique et les moyens pratiques nécessaires à sa mise en œuvre, notamment en personnel, n'avaient en aucun cas été prévus. En effet, la réduction du temps de travail réclamait des embauches supplémentaires, notamment en personnel infirmier. Or le temps de formation de celui-ci n'a pas été intégré dans cette réforme.

Notre gouvernement s'efforce donc de « ranimer l'hôpital » en lui donnant, grâce au plan Hôpital 2007, davantage de moyens pour ses équipements - notamment dans le domaine du cancer et de la périnatalité - et en lui demandant une gestion plus saine.

Le PLFSS fixe à 365,5 milliards d'euros les prévisions de dépenses, soit 20 milliards de plus qu'en 2003. En outre, d'après les projections, l'ensemble des régimes de base devrait enregistrer en 2005 un déficit de 10,9 milliards d'euros, soit 3,2 % de moins que cette année.

Grâce aux effets attendus de la réforme, le Gouvernement prévoit de ramener le déficit de la branche maladie de 13,2 milliards attendus pour 2004 à 7,9 milliards d'euros pour 2005.

À cette prévision de redressement de la branche maladie s'ajoute un quasi-retour à l'équilibre des branches famille et accidents du travail. Après une dégradation en 2004 due à des transferts vers le FSV et conduisant à un léger déficit de 180 millions d'euros, le solde de la branche famille devrait rester proche de l'équilibre. De même, si la branche accidents du travail et maladies professionnelles dégage un résultat déficitaire depuis 2002, celui-ci devrait se stabiliser en 2004 et 2005 à son niveau de 2003. L'origine du solde se trouve pour l'essentiel dans les dotations de la branche au fonds gérant les prestations versées aux victimes de l'amiante.

Ainsi, seuls les comptes de la branche vieillesse demeurent préoccupants. Mais cela montre, s'il en était encore besoin, toute l'importance de la réforme des retraites. Si aujourd'hui la situation du FSV est inquiétante, c'est en raison des ponctions extravagantes réalisées par la gauche pour financer l'APA et les 35 heures. Sans cela, le FSV serait en équilibre. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour avoir prêté une oreille attentive aux vociférations de l'opposition au cours de ces débats (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), j'ai pu remarquer que, en réalité, la gauche confirmait que sa conception de l'organisation des soins remettait en cause ces piliers de notre système que sont le paiement à l'acte, la liberté d'installation et de prescription, et le choix du praticien.

Mme Catherine Génisson. Il faudrait arrêter de dire n'importe quoi !

M. Richard Mallié. Pourtant, nous restons convaincus qu'il est possible de sauvegarder notre régime en préservant l'exercice libéral de la médecine, tout simplement en responsabilisant l'ensemble des acteurs que sont malades, professionnels de santé et gestionnaires de l'assurance maladie.

Notre majorité s'est donné les moyens de faire diminuer l'ONDAM ou du moins de freiner sa progression, grâce à la loi du 13 août 2004 et aux outils de maîtrise médicalisée. En dépit du contexte favorable dont elle a pourtant bénéficié, la gauche n'en a, pour sa part, jamais eu le courage. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous agissons d'ailleurs en concordance avec la volonté des Français qui, pour la majorité, qu'ils soient usagers ou professionnels de santé, acceptent cette réforme en profondeur de l'assurance maladie, qui est certainement notre seule chance de conserver la sécurité sociale à la française, système libre et solidaire, où chacun cotise selon ses moyens et est soigné selon ses besoins.

Ce système original qui fait notre fierté et que le monde nous envie, les Français, et en premier lieu l'UMP, y sont attachés. Il est de notre devoir de le préserver. C'est pourquoi notre groupe votera aujourd'hui le PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Mesdames et messieurs les ministres, vous nous proposez un PLFSS pour 2005 alors que, pour la première fois de l'histoire de la sécurité sociale, toutes les branches - maladie, accidents du travail, famille et vieillesse - sont déficitaires. Les autres régimes sociaux - BAPSA, FSV et fonds CMU - sont également dans le rouge, tout comme l'UNEDIC.

M. Jean-Paul Anciaux. À cause de vous !

M. Gérard Bapt. Pour le régime général, le déficit va atteindre en 2004 un niveau historique de près de 14 milliards d'euros, soit plus de trois fois plus qu'en 2002. Et, comme l'a rappelé la Cour des comptes, il s'agit de la plus forte dégradation financière de l'histoire de la sécurité sociale.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie avait évalué, dans le consensus, que cette dégradation était liée pour un tiers à des causes conjoncturelles tenant à la situation économique générale, dont le Gouvernement a aggravé les effets en abandonnant la priorité donnée aux politiques de l'emploi.

Pour les deux tiers restants, cette dégradation a été renvoyée par le Haut conseil à des causes structurelles, c'est-à-dire à votre responsabilité propre, mesdames et messieurs les ministres.

Cette dégradation soulignée par la Cour des comptes, ce déficit historique, vous l'avez voulu, vous l'avez organisé depuis juin 2002 ! Vous avez laissé filer les déficits. Vous avez renoncé à toute démarche de maîtrise des dépenses de santé. Vous avez tardé à engager la réforme de l'organisation de l'offre de soins. Vous avez accru les dépenses en satisfaisant certaines revendications corporatistes sans contrepartie. Bref, vous avez organisé la faillite la sécurité sociale, pour appeler ensuite à son sauvetage ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et ce que vous appelez le sauvetage de la sécurité sociale, la réforme de la dernière chance, c'est une réforme libérale qui consiste à afficher le retour à l'équilibre en 2007 moyennant deux axes majeurs.

Le premier est de vous débarrasser du déficit historique que vous avez organisé et de la dette ainsi accumulée sur les générations futures, au travers de la CADES.

Dès cette année, en transférant 50 milliards d'euros du déficit cumulé entre 2002 et 2004 ; puis, l'an prochain, en transférant 15 milliards du déficit que vous prévoyez pour 2005 et 2006 ; enfin, en transférant en réalité, selon tous les experts - y compris ceux de Bercy -, quelque 70 à 80 milliards d'ici à 2007 sur les générations futures, vous faites payer à nos enfants et petits-enfants vos déficits d'aujourd'hui et de demain !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous n'aviez qu'à agir plus tôt !

M. Gérard Bapt. Nous connaissions déjà l'impôt Raffarin de la décentralisation ; nous aurons aussi l'impôt Raffarin sur les nourrissons ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Valérie Pecresse. C'est absurde !

M. Gérard Bapt. Qui pourrait affirmer, en effet, que la contribution au remboursement de la dette sociale, que vous augmentez à partir du 1er janvier 2005, ne sera plus en vigueur en 2025, dans le contexte aggravé de remontée durable des taux d'intérêt ?

Le deuxième axe de votre réforme, c'est la privatisation. Vous avez accru les prélèvements, pour l'essentiel, sur les assurés et les patients. Vous avez aussi agi en créant les conditions de nombreux déremboursements qui, sous couvert de responsabilisation, nuisent avant tout aux patients.

Certes, vous avez reculé, cet été, sur la question des baisses massives de remboursement concernant les dispositifs médicaux pour les diabétiques et les maladies chroniques. Mais tout laisse à penser que ce n'est que partie remise. Nous en reparlerons en juin prochain, puisque votre objectif est de transférer progressivement le poids des dépenses de santé vers le financement individuel et l'assurance privée !

Ainsi est confirmé ce que nous annoncions dans la torpeur estivale, en juin et en juillet : vous avez enclenché un mécanisme de privatisation qui va mener très vite à une médecine à deux vitesses. La possibilité pour chacun de choisir librement son médecin et l'accès à des soins de qualité vont se heurter à des conditions de revenus, car vos perspectives de réduction du déficit de l'assurance maladie sont totalement artificielles et irréalistes.

M. Jean-Paul Anciaux. Vous, vous n'avez rien fait, dans ce domaine !

M. Gérard Bapt. Elles sont artificielles parce que les économies de gestion que vous attendez ne sont pas crédibles. Elles sont irréalistes parce qu'elles reposent sur une prévision de progression de la masse salariale de 4 % pour 2005. Enfin, elles sont insincères parce que de nombreuses dépenses programmées n'ont pas été prises en compte.

En matière de financement, vous détournez l'essentiel des droits sur les tabacs et les alcools vers le budget de l'État, alors qu'ils devraient revenir à l'assurance maladie. Au moment où les prélèvements sociaux vont augmenter de 6,5 milliards d'euros en 2005, vous retirez la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés, qui rapporte la bagatelle de 370 millions d'euros à l'assurance maladie, pour financer l'aide directe d'acquisition de la CMU complémentaire. Vous réduisez ainsi les fonds sociaux destinés aux assurés en difficulté.

Il en va de même des ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, que financeront les seuls salariés par la suppression d'un jour férié, ce qui vous permettra d'atténuer les déficits de l'assurance maladie et de l'État !

On s'interroge aussi sur votre immobilisme au vu des 2,2 milliards d'euros de déficit cumulés des prestations agricoles, pour lequel vous vous contentez de demander un rapport.

S'agissant les pensions de réversion, vous avez suspendu le décret du 24 août 2004, devant le tollé général qu'il a déclenché, y compris dans votre majorité. Mais vous avez refusé notre amendement de suppression de l'article 31 de la loi sur les retraites, en évoquant une simple correction du décret. Cela signifie que vous refusez de revenir sur la transformation d'un droit ouvert par cotisation du conjoint décédé, en une aide sociale sous plafond de ressources révisable chaque année. Tous les retraités vont voir leur pouvoir d'achat baisser à nouveau en 2005 et ceux qui sont imposables subiront l'augmentation de la CSG.

Enfin, en matière familiale, vous ne cessez de faire des économies sur les familles les plus modestes. Après un premier recul, à l'occasion de l'instauration de la prestation d'accueil du jeune enfant, vous avez, par voie de décret, modifié la base de ressources des prestations familiales. De ce fait, 6 000 familles ne bénéficieront plus de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation de base de la PAJE, et 220 000 familles ne percevront plus l'allocation logement. Dans le même temps, vous élevez le plafond de réduction d'impôt pour emploi de maison à temps plein, qui profitera à 30 000 familles privilégiées. Pourtant, ce sont bien l'ensemble des familles qui subiront la hausse des cotisations sociales et mutualistes, des impôts locaux, ainsi que du gaz et de l'électricité !

Parce qu'il est injuste, irréaliste et inefficace, parce qu'il pèse sur la masse des assurés sociaux, des retraités et des familles au profit d'une petite minorité, parce que vous renvoyez vos déficits aux générations futures, parce que vous mettez en danger l'égalité d'accès aux soins et l'hôpital public lui-même (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), votre projet de financement de la sécurité sociale pour 2005 rencontre l'opposition la plus déterminée du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 365 milliards d'euros consacrés à la politique sociale du pays : santé, retraite de base, politique familiale.

La loi est très succincte, le rapport annexé très ramassé. Le groupe UDF a tenté, dans une ambiance relativement détendue, d'améliorer ce texte et le Gouvernement a finalement accepté huit de ses amendements - mineurs, il est vrai - sur les soixante-dix qu'il avait déposés.

Mais les questions essentielles que nous avions posées demeurent sans réponse.

Le déficit de l'ensemble des branches sera certainement supérieur aux 10 milliards prévus. En effet, les recettes ont été calculées sur un taux de croissance de 2,5 % pour 2005 et sur une augmentation de la masse salariale de 4 % que nous espérons tous, mais sur laquelle peu d'économistes tablent aujourd'hui.

Pour la santé, la progression de l'ONDAM, c'est-à-dire des dépenses remboursées, est très volontariste, puisqu'il est fixé à 2,9 %. Mais cet ONDAM économique, « pifométrique » et non médicalisé a peu de chances d'être tenu.

Dès lors, le comité d'alerte qui doit intervenir en cas de dépassement de 0,75 % transformera la fameuse maîtrise médicalisée en une maîtrise comptable, dont l'ensemble des professionnels rejette pourtant le principe.

Cet ONDAM sera dépassé, car les réductions de dépenses sont très aléatoires. Comment, en effet, espérer 1 milliard d'économie grâce à la maîtrise, alors que le dossier médical personnel et le parcours de soins ne sont pas opérationnels ? Comment escompter une économie de 700 millions sur le médicament, alors que de nouveaux produits onéreux sont attendus ? Comment les hôpitaux économiseraient-ils 200 millions, alors que le budget de nombre d'entre eux est déficitaire et que les 300 millions accordés, bien inférieurs aux 776 millions nécessaires, ne sont pas intégrés dans les bases ?

Il n'y a pas eu de remise des compteurs à zéro, comme l'avait promis le ministre.

En revanche, des dépenses supplémentaires sont déjà prévues : 200 millions pour la CCAM technique, la revalorisation des astreintes chirurgicales libérales - qui entraînera celle de toutes les astreintes en ville et à l'hôpital -, l'augmentation du KCC, c'est-à-dire des actes techniques chirurgicaux, de 25 % en 2005 et la revalorisation de la grille tarifaire à l'occasion de la future convention. Il serait donc étonnant que l'ONDAM soit respecté.

Malgré nos demandes, il n'a pas été possible de discuter de la démographie médicale, de la permanence des soins, des urgences et du dépistage des cancers - autant de problèmes majeurs qui sont passés sous silence dans le rapport annexé, comme s'ils étaient résolus.

En ce qui concerne les retraites, l'UDF a posé trois questions majeures.

La première porte sur le pouvoir d'achat des retraites. Le taux d'augmentation prévu ne permettra pas son maintien, compte tenu de l'inflation et du prélèvement de CSG de 0,4 % au 1er janvier.

La deuxième concerne la retraite des enseignants du privé, qui n'est toujours pas alignée sur celle du public selon le principe « A cotisation égale, prestation égale » que nous avions défendu lors de la réforme des retraites.

La troisième a trait au problème des IEG, les industries électriques et gazières. Lors de la réforme des retraites, l'UDF avait demandé la mise en extinction des régimes spéciaux, mais cette mesure raisonnable, d'équité, avait été refusée. Pour permettre l'ouverture du capital, le Gouvernement propose l'adossement au régime général. Le montant des soultes a varié, le taux et l'échelonnement des versements également. Il n'en demeure pas moins que le coût de la première soulte est de 9 milliards et la soulte pour les régimes complémentaires devrait être logiquement du même ordre. Reste à financer le « régime chapeau ». Bien entendu, le contribuable - par un impôt nouveau - et le consommateur sont appelés à financer ces avantages conservés qui, au final, ruineront EDF.

S'agissant de la famille, l'UDF salue les mesures nouvelles concernant l'adoption, mais elle refuse à nouveau le hold-up - expression chère à Bernard Accoyer - destiné à financer les majorations « enfants » pour les retraites.

Reste le problème de la pension de réversion. Après le tollé provoqué par le décret du 24 août, le Premier ministre a décidé d'en suspendre l'application, ce qui est curieux puisqu'il ne faisait que mettre en musique la loi votée en juillet 2003 par l'UMP enthousiaste.

Au nom de l'UDF, j'avais pourtant attiré l'attention du Gouvernement sur ce problème et déposé des amendements pour permettre aux jeunes veuves de disposer d'une pension qui soit au moins du niveau de l'allocation veuvage, pourtant bien modeste,...

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Jean-Luc Préel. ...et pour refuser la transformation de la pension de réversion - pourcentage des droits acquis par les cotisations du conjoint - en une allocation différentielle révisable chaque année. Les amendements qui avaient été déposés pour amener le Gouvernement à s'engager n'ont pas été acceptés. Pourtant, il est clair qu'il faut changer la loi.

Finalement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, très succinct, n'est guère satisfaisant. Le déficit sera certainement supérieur aux prévisions. Aucune réponse satisfaisante n'a été apportée aux questions majeures qui ont été posées par l'UDF sur la maîtrise comptable pour la santé, la situation des veuves, les retraites agricoles et la retraite EDF. C'est pourquoi l'ensemble du groupe UDF ne peut voter la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 540

                    Nombre de suffrages exprimés 540

                    Majorité absolue 271

        Pour l'adoption 340

        Contre 200

L'Assemblée nationale a adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Éric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

INTÉRIEUR

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux d'être parmi vous avec Jean-François Copé afin de vous présenter le budget du ministère de l'intérieur pour 2005.

Vous le savez, nous sommes à un tournant dans la politique de sécurité de notre pays. Je veux en effet renforcer l'autorité de l'État. C'est une attente forte de nos concitoyens. Même si des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine de la sécurité depuis plus de deux ans, nous devons rester mobilisés. Trop souvent encore, nos valeurs fondamentales sont bafouées par des gestes, des paroles ou des comportements qui mettent en danger notre cohésion nationale.

À l'école, dans les quartiers difficiles, face au communautarisme, l'État doit affirmer et défendre nos principes : l'égalité, la laïcité, la tolérance et le refus de toutes les discriminations.

J'entends amplifier la lutte contre l'insécurité. Depuis le début de l'année, la délinquance générale a baissé de plus de 4 % ; la délinquance de voie publique a reculé de plus de 8 % : ce sont 130 000 victimes de moins qu'en 2003.

Nous avons également obtenu des résultats significatifs dans la lutte contre des violences particulièrement graves et difficiles à traiter. Les violences aux personnes d'abord, que nous avons réussi à stabiliser depuis deux mois. Ensuite, les violences racistes et antisémites : notre mobilisation commence à porter ses fruits, puisque depuis trois mois nous avons enrayé la hausse constatée depuis le début de l'année 2004.

Je veux maintenant m'attaquer aux poches de résistance de la violence, avec trois priorités.

Ma première priorité sera d'ancrer ces résultats dans la durée : pour cela, je veux agir en amont afin de détecter ces comportements le plus tôt possible et d'empêcher les dérives, à travers une politique plus efficace envers les primodélinquants et les réitérants.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce sera l'objet du projet de loi sur la prévention de la délinquance que je prépare avec le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Deuxième priorité : lutter plus efficacement contre la criminalité organisée. Dans ce combat, nous devons changer d'échelle. C'est pourquoi j'ai voulu renforcer notre réponse dans deux directions : tout d'abord, contre des organisations qui exploitent tous les modes d'actions, nous devons agir avec une plus grande synergie de tous les services compétents. C'est ce que j'ai demandé aux GIR, les groupes d'intervention régionaux, en septembre dernier. C'est aussi ce que nous allons mettre en place au sein d'un Comité opérationnel de lutte contre les trafics. Ensuite nous devons mieux exploiter l'arme financière pour asphyxier les réseaux mafieux : dans le cadre du chantier de la lutte contre la drogue j'ai retenu la proposition de Jean-Luc Warsmann de créer une Cellule d'identification des patrimoines qui nous permettra de multiplier les saisies en France mais aussi à l'étranger.

Ma troisième priorité, c'est de mieux protéger les Français face aux nouvelles menaces. Nous ne pouvons pas continuer de lutter contre le terrorisme avec des méthodes d'avant le 11 septembre 2001 ou d'avant le 11 mars 2004. C'est pourquoi j'ai décidé d'ouvrir un chantier sur ce sujet. L'étape de la réflexion est désormais terminée et les nouveaux outils ont été mis en œuvre. J'ai décidé la création d'un Comité du renseignement intérieur et la modernisation des instruments technologiques : nous avons débloqué 12 millions d'euros pour cet objectif.

Je veux enfin faire de l'Europe un axe fort de ma politique. Ma conviction, c'est que l'Europe constitue une formidable chance pour renforcer la sécurité des Français. C'est pourquoi j'ai fait, au cours des derniers G5 réunissant les ministres de l'intérieur des cinq grands pays de l'Europe, un certain nombre de propositions dont la plupart ont été acceptées.

Dans la lutte contre les trafics de stupéfiants nous allons mutualiser nos moyens pour couper les routes de la drogue. Des officiers de liaison européens seront envoyés dans les pays producteurs d'Amérique latine, du Moyen-Orient et d'Asie pour aider les forces de sécurité locales. Nous allons installer des plates-formes communes sur la façade Atlantique et dans les Balkans afin de renforcer les contrôles aux portes de l'Europe.

Dans la lutte contre le terrorisme, la création d'un poste de coordonnateur pour le contre-terrorisme constitue une première étape. Au G5 de Sheffield, nous sommes convenus à mon initiative d'échanger systématiquement les listes d'islamistes radicaux ayant fréquenté des camps d'entraînement en Afghanistan, en Géorgie, en Tchétchénie ou dans d'autres pays.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, nous allons renforcer les contrôles aux frontières et au sein de l'espace Schengen. Nous voulons également mutualiser nos moyens en matière de reconduite des étrangers en situation irrégulière. L'Europe doit enfin développer une politique de coopération beaucoup plus ambitieuse avec les pays d'origine : politique de codéveloppement, politique d'aide aux projets personnalisés, pour permettre de fixer ces immigrants sur leur propre sol.

Bien entendu, cela implique que chaque pays, à son échelle, se donne les moyens de lutter activement contre l'immigration illégale. C'est ce que nous faisons, avec une augmentation de 60 % des reconduites aux frontières depuis le début de l'année, c'est-à-dire près de 12 000 personnes. Nous avons également fait de l'augmentation des places en centres de rétention administrative une priorité dans notre budget, que traduisent bien les chiffres : alors qu'un million d'euros y avaient été consacrés l'année dernière, cette année ce seront 33 millions d'euros.

Le budget de mon ministère témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre la mobilisation en faveur de la sécurité.

Le budget total du ministère de l'intérieur sera, en 2005, de 13, 498 milliards d'euros et progressera de 3,2 % par rapport au projet de loi de finances 2004. Hors collectivités locales et hors crédits consacrés aux élections, il s'élèvera à 10,657 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,14 %.

Ce budget me permettra d'abord de mobiliser les hommes et les femmes qui s'engagent au quotidien pour assurer la sécurité des Français.

Nous avons besoin de fonctionnaires plus responsabilisés : c'est pourquoi j'ai engagé la réforme des corps et carrières au sein de la police nationale, qui va profondément transformer le visage et l'action de cette institution. L'encadrement sera restructuré à tous les niveaux ; les niveaux généraux de qualification seront relevés ; une gestion plus rigoureuse du temps de travail nous permettra de progresser sur le plan opérationnel. Le coût de la réforme s'élèvera à plus de 71 millions d'euros l'année prochaine, dont près de 50 millions au seul titre de la tranche 2005.

Je veux ensuite des fonctionnaires plus nombreux dans les secteurs prioritaires comme la police aux frontières, le renseignement, la police technique et scientifique : 1 000 emplois seront créés l'an prochain, répartis en 500 emplois de policiers actifs et 500 emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques. Afin d'éviter la dispersion des moyens, je veillerai à une répartition objective et transparente des effectifs sur le territoire, en la fondant sur des critères affichés et incontestables.

Dans la lutte contre l'insécurité, je compte m'appuyer aussi sur des fonctionnaires plus motivés : nous allons doubler le montant accordé à la prime de résultat, qui atteindra 10 millions d'euros en 2005. Par ailleurs, la réforme des corps et carrières a permis d'ouvrir pour les gardiens de la paix de nouvelles possibilités de promotion.

Enfin, je ferai en sorte que les fonctionnaires de police soient mieux considérés : c'est pourquoi j'ai favorisé le développement de l'action sociale, notamment à travers une progression de 37 % des crédits destinés au logement des fonctionnaires.

Pour aller plus loin, je veux doter la police nationale des moyens opérationnels nécessaires à ses missions. Nous allons mettre en œuvre la troisième tranche de la LOPSI : à la fin de l'année 2005, 68 % des crédits prévus sur la période 2003-2007 auront ainsi été ouverts. Ces crédits seront d'abord consacrés à mieux équiper nos services, avec notamment 31 000 pistolets Sig-Sauer, 10 000 gilets pare-balles, 25 000 uniformes et 1 300 tenues NRBC. Ensuite, la passation du nouveau marché permettra d'accélérer le programme ACROPOL, qui sera achevé dès la fin 2006. Enfin, pour mettre un terme aux difficultés que j'ai pu constater à l'occasion de mes déplacements sur le terrain, les crédits immobiliers progresseront de plus de 9 % : nous atteindrons l'année prochaine les 100 000 m2 de mises en chantier.

L'attribution de ces moyens nouveaux ne nous empêchera pas, bien au contraire, de faire des économies de moyens. D'abord, j'ai souhaité amplifier l'externalisation des fonctions de réparation et d'entretien des véhicules. Nous nous situerons à 30 % à la fin de cette année. Ensuite nous allons rationaliser notre organisation territoriale. J'ai confié pour cela une mission de réflexion à l'Inspection générale de l'administration et à l'Inspection générale de la police nationale, dont j'attends les conclusions pour la fin de cette année. Enfin, nous allons réaliser des économies d'échelle grâce à la passation de marchés communs avec la gendarmerie, comme nous l'avons fait pour le marché des menottes ou du nouveau pistolet Sig-Sauer.

Ce budget doit également nous permettre de poursuivre nos efforts en matière de réforme et de modernisation de l'action publique.

L'administration territoriale doit aujourd'hui s'adapter aux exigences de nos concitoyens en tirant profit des progrès technologiques. Ma stratégie de réforme est claire : elle s'appuie sur l'outil informatique et plus précisément sur la mise en œuvre de deux projets de simplification et de sécurisation. Le premier projet est celui de l'identité nationale électronique sécurisée, le projet INES, qui va refondre complètement nos documents d'identité et de nationalité. Je présenterai un projet de loi au conseil des ministres avant la fin de cette année. Le second projet est le système d'immatriculation des véhicules, le projet SIV, dont le cahier des charges devra être achevé au cours du premier trimestre 2005.

Au-delà de ces objectifs, j'entends mettre en œuvre une véritable stratégie ministérielle de réforme dans tous les domaines d'action de mon ministère.

Cette stratégie concerne d'abord les préfectures et les sous-préfectures, qui seront amenées à effectuer de moins en moins de tâches de guichet. Nous allons donc progressivement supprimer des emplois d'exécution, en commençant dès l'année prochaine avec la suppression de 116 emplois dans les préfectures et de 30 emplois en administration centrale. Les préfectures et les sous-préfectures pourront ainsi se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée : animation interministérielle au plan local, conseil, contrôle. Nous adapterons en conséquence le niveau des postes et des qualifications.

Ensuite, l'action du corps préfectoral à la tête de l'administration déconcentrée de l'État devra profondément évoluer à l'échelon régional et départemental. J'ai d'ores et déjà confié de nouvelles prérogatives au préfet de région pour en faire un véritable animateur de l'action des représentants de l'État au niveau régional. En regroupant autour de son autorité les services de chacun des huit pôles régionaux, nous parviendrons à une plus grande mutualisation de nos moyens et à une meilleure visibilité de l'action de l'État.

Sur le plan départemental, je soumettrai au Premier ministre un plan de réorganisation à partir des propositions qui m'ont été transmises par l'ensemble des préfets. Cette réorganisation pourrait intervenir au tout début de l'année 2005. Nous devrons sans doute réviser la carte territoriale des arrondissements afin de mieux l'adapter aux nouveaux modes d'administration du territoire.

Enfin, une évolution de notre patrimoine immobilier s'impose. Cela implique, entre autres, que toutes les préfectures soient dotées, comme je l'ai demandé, de salles opérationnelles.

Pour adapter l'action de l'État aux attentes de nos concitoyens, je souhaite professionnaliser la gestion des crises.

C'est pourquoi, en 2005, le budget de la sécurité civile progressera de 20 %. Ainsi, 47 emplois supplémentaires seront créés en faveur du groupement des moyens aériens et des états-majors des zones de défense. Il y a très longtemps que de telles créations d'emplois en faveur de la sécurité civile n'avaient pas eu lieu. J'ai veillé à ce qu'elles soient compensées par des suppressions d'emplois dans d'autres domaines d'intervention de mon département ministériel.

J'ai voulu, par ailleurs, réaliser un important effort d'investissement pour moderniser nos moyens d'intervention. Nous ferons donc l'acquisition, en 2005, de deux avions gros porteurs DASH 8Q400, grâce à une mesure nouvelle de 38,4 millions d'euros.

Au-delà du renforcement de son propre dispositif, l'État aidera aussi les collectivités locales. Le Fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours progressera de 42,7 % en crédits de paiement. Par ailleurs, l'État fera un effort particulier en direction du volontariat, qu'il faut consolider et fidéliser : il financera donc à hauteur de 20 millions d'euros une part des cotisations de leur avantage retraite.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de budget que je vous ai présenté nous permet de répondre à une double exigence : le respect scrupuleux des engagements pris devant nos concitoyens et la poursuite d'une modernisation en profondeur de l'État. À travers les importants moyens nouveaux qui me sont donnés, il traduit la volonté claire du Gouvernement d'amplifier sa politique en faveur de la sécurité des Français.

Mais ce budget nous oblige aussi : forts de ce soutien, il nous appartiendra à chaque instant de veiller à une utilisation optimale des crédits qui nous sont alloués et d'agir comme un acteur exemplaire de la réforme de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer il y a quelques jours lors de l'examen par votre assemblée du prélèvement sur recettes effectué sur le budget de l'État au profit des collectivités locales, le Gouvernement fait en 2005 un effort considérable en faveur des collectivités locales, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

M. Guy Geoffroy. C'est remarquable !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est une manière pour Dominique de Villepin et moi-même de vous montrer une nouvelle fois que nous avons à cœur de tenir chacun des engagements pris au mois d'avril. C'est important sur un sujet aussi sensible que celui des relations entre l'État et les collectivités locales.

De ce point de vue, l'indexation de l'enveloppe dite « normée » qui inclut un grand nombre de concours de l'État s'élèvera en 2005 à 2,87 % pour atteindre un montant de 43,903 milliards d'euros, c'est-à-dire très exactement les termes du pacte de croissance entre l'État et les collectivités locales.

La DGF progressera à elle seule de 3,29 %, soit une augmentation de 1,208 milliard d'euros à structure constante. Elle atteindra un montant total de 37,949 milliards d'euros.

Cette indexation est très favorable, surtout lorsqu'on la compare à l'évolution des autres dépenses de l'État. Les collectivités locales sont donc pleinement bénéficiaires des fruits de la croissance qui repart, et c'est bien normal. Chacun a bien conscience, en effet, que le rôle des collectivités locales en cette période de reprise de la croissance est absolument déterminant. L'État, quant à lui, fait le pari d'une décentralisation réussie.

Je ne m'attarderai pas sur ce point dont nous avons déjà longuement débattu en première partie de loi de finances. Ce qui nous occupe surtout, aujourd'hui, ce sont les crédits inscrits dans le budget même du ministère de l'intérieur et qui sont destinés aux collectivités locales.

Là aussi, un effort substantiel a été consenti par le Gouvernement pour garantir leur progression et pour donner en toute loyauté les moyens de fonctionner aux collectivités locales.

Les dotations d'équipements sont indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques - la FBCF -, ce qui représente 3 % en 2005, soit quelque 2 milliards d'euros.

Je sais que les élus locaux, notamment dans le monde rural dont il a été beaucoup question ces derniers jours, sont particulièrement sensibles à la dotation globale d'équipement - la DGE - qui permet la participation financière de l'État à la réalisation de certains de leurs projets d'investissements. Son montant s'élèvera donc à 931 millions d'euros en autorisations de programme.

Elle se répartit à hauteur de 441 millions d'euros pour la DGE des communes et 490 millions d'euros pour la DGE des départements.

La dotation de développement rural - la DDR - permet de financer des projets au profit d'EPCI ruraux. Elle augmente, elle aussi, de 3 % et représentera donc un montant de 119,6 millions d'euros en autorisations de programme.

De même, la dotation régionale d'équipement scolaire - la DRES - et la dotation départementale d'équipement des collèges - la DDEC - vont passer de 894,6 millions d'euros en 2004 à 921,5 millions en 2005. C'est là encore une progression conforme aux engagements de l'État.

Si j'énumère chacune de ces dotations, c'est pour montrer qu'à chaque fois, nous honorons nos engagements, respectant ainsi la parole donnée par l'État aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les compensations des transferts de compétences constituent le deuxième sujet sensible. Et Dieu sait si, en ce domaine, qui fait tous les jours l'objet de nombreux commentaires, la désinformation est fréquente ! Il me semble donc utile de m'y attarder un instant.

M. Jean-Pierre Blazy. La démonstration va être plus difficile !

M. le ministre délégué à l'intérieur. En cette matière, vous m'avez fait bien souvent la leçon !

Le Gouvernement a fait le choix de compenser les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 par des transferts de fiscalité vers les départements et les régions. C'est une façon pour nous de rappeler que l'autonomie financière doit avoir un contenu concret. Les crédits correspondants sont inscrits en première partie de la loi de finances. Pour mémoire : 400 millions d'euros en TIPP pour les régions, et 120 millions d'euros pour la taxe sur les conventions d'assurance pour les départements.

Cependant, les transferts précédents avaient été compensés par la dotation générale de décentralisation dont le montant continue à être indexé tous les ans. Rappelons-le, pour des raisons de simplicité, cette dotation a été pour sa plus grande part intégrée dans la DGF en 2004 et évoluera donc en 2005 de 3,29 %.

Une part résiduelle a été néanmoins maintenue en crédits budgétaires. Cette part s'établira en 2005 pour la DGD des communes, des départements et des régions à 697,5 millions d'euros et pour la collectivité territoriale de Corse à 247,5 millions d'euros.

J'en viens à présent aux autres concours de l'État que j'ai souhaité isoler dans ma présentation, car ils sont très significatifs.

Le premier, c'est le Fonds de compensation de la TVA - le FCTVA. Le montant de ce prélèvement sur recettes est si important qu'il mérite d'être plus particulièrement identifié. C'est la première contribution de l'État aux dépenses d'investissement des collectivités locales. Son montant prévisionnel pour 2005 s'élèvera à 3 791 millions d'euros, soit une hausse de 2,18 % par rapport à 2004.

Je sais que ce sujet est une source de débat permanent avec les élus, ici même et localement. Je reconnais que les conditions d'éligibilité au FCTVA sont parfois discutables. C'est la raison pour laquelle il faudra aller très loin dans la réflexion sur ce sujet qui mérite d'être examiné au cas par cas. J'ai donc proposé à mon collègue secrétaire d'État au budget de constituer un groupe de travail pour rediscuter de ces questions.

La seconde contribution est constituée par le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière qui s'élèvera en 2005 à 560 millions d'euros. Ce produit est partagé entre les collectivités locales et l'État.

Vous le savez, cette question est revenue au premier plan du fait de la demande d'un certain nombre d'élus de modifier les règles relatives au traitement des amendes de stationnement - sujet cher à M. le rapporteur Le Fur. Une mission conjointe d'inspection, associant les ministères de l'intérieur, des finances, de l'équipement et de la justice, commence à travailler sur le thème de la dépénalisation éventuelle de ces amendes. En tout état de cause, Dominique de Villepin et moi-même veillerons scrupuleusement à ce qu'il ne soit en aucun cas porté atteinte aux ressources des collectivités locales concernées.

Ce rapide panorama n'est pas exhaustif. Je souhaite, en conclusion, rappeler que l'ensemble de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales s'élèvera à 62,318 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale de 2004.

C'est une contribution remarquable tant par son volume, puisqu'elle représente un cinquième des recettes du budget de l'État, que par son indexation alors que les dépenses de l'État n'augmentent que de l'inflation.

Sur tous ces sujets, nous aurons l'occasion de répondre aux questions concrètes qui vous préoccupent particulièrement, les uns et les autres. En tout cas, ce budget, remarquable, je crois, devait être construit ainsi, alors que nous entrons dans la première année d'application de la décentralisation, ce rendez-vous essentiel que personne, au nom de la République, ne doit manquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si faire de la politique, c'est changer les choses, on peut dire que nous avons fait de la politique en matière de sécurité, car, en ce domaine, les changements sont notables depuis deux ans et demi.

M. Jean-Pierre Blazy. En apparence !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Nos concitoyens en sont conscients et satisfaits. Ils désespéraient de l'action politique : ils voient aujourd'hui des résultats tangibles. Les policiers et les gendarmes et l'ensemble des personnes qui s'investissent dans la sécurité ont également cette conviction. Ils ont le sentiment de s'investir dans une tâche prioritaire pour laquelle ils ont la confiance de la nation et le soutien des responsables politiques.

Les résultats sont là. Ils sont d'autant plus aisés à constater que l'appareil statistique est resté le même. Après s'être stabilisée en 2002, la délinquance a baissé de 3,3% en 2003, et de 3,7% en 2004. Il est important de noter que toutes les zones sont concernées - zones polices ou zones gendarmerie. Il importe aussi de souligner que la délinquance moyenne a notamment diminué. Il s'agit précisément des délits qui gênent le plus nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Blazy. Les vols avec violence n'ont pas diminué !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Enfin, le taux d'élucidation des affaires, autre indicateur important de l'activité policière, a progressé sensiblement.

Ces résultats sont dus à une politique. Qu'est-ce qu'une politique ? C'est un objectif qui s'applique dans différents champs de l'action publique. Les moyens juridiques sont en place. Je tiens cependant à insister sur une lacune - et j'ai apprécié, monsieur le ministre, que vous y ayez fait allusion - : la récidive n'est pas encore sanctionnée comme elle le devrait. Comme un certain nombre de mes collègues, et à l'initiative de Christian Estrosi, je souhaiterais qu'en ce domaine les choses évoluent et qu'un signe soit donné.

Des progrès sont à noter en matière d'organisation. En ce qui concerne la police, les GIR sont maintenant pleinement efficaces et les sûretés départementales, dont notre collègue Gérard Léonard est le spécialiste, se développent dans les grands départements. Par ailleurs, de nouveaux offices ont été créés, dont certains sont confiés à la gendarmerie. Quant à la police scientifique, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour elle, et je me réjouis, monsieur le ministre, que vous en ayez fait l'un des objectifs prioritaires de votre budget.

L'organisation de la gendarmerie est également en pleine mutation : si les brigades cantonales constituent depuis deux siècles le socle de son action, l'ensemble de notre territoire est désormais couvert par les communautés de brigades. C'est un gage d'efficacité. Il était naguère impossible de toucher à la carte de la police et de la gendarmerie. C'est chose faite aujourd'hui.

Toutefois, la police et la gendarmerie sont avant tout une affaire d'hommes et de femmes. Les effectifs sont déterminants, et nous nous réjouissons de leur évolution très positive, avec 1 000 fonctionnaires supplémentaires dans la police : 500 policiers et 500 personnels administratifs. Nous notons en particulier l'évolution très significative des fonctionnaires de la police scientifique. Dans la gendarmerie, ce sont 700 postes de militaires qui seront créés en 2005.

Cette montée en puissance des effectifs ne doit pas nous faire oublier que des gains de productivité sont encore possibles. Un certain nombre de tâches pourraient évoluer. Certaines gardes statiques, par exemple, sont excessives ; quelques charges, liées à des tâches sollicitées par les autorités judiciaires, comme la présentation de détenus, le transfèrement, la garde de détenus hospitalisés, sont indues. Monsieur le ministre, qu'en est-il des expérimentations réalisées à Nancy et à Metz ?

Je me suis rendu récemment à Roissy. J'ai pu y apprécier l'efficacité des services de la PAF. J'y ai également visité un tribunal, superbe et parfaitement adapté aux besoins de la magistrature, mais qui reste actuellement inoccupé, les magistrats ne voulant pas l'utiliser.

M. Christophe Caresche. Nous allons en parler !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Il en résulte une noria constante entre Roissy où est située la zone de transit des étrangers et le tribunal de Bobigny. Cela n'est pas satisfaisant. Voilà un symbole du gâchis de l'argent public !

M. Christian Estrosi. Très juste !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. S'agissant des forces mobiles, nous allons devoir nous attaquer à un tabou et mettre un terme à certaines pratiques. Notre pays dispose, avec les CRS et les gendarmes mobiles, d'une force de sécurité et d'ordre public très importante. Certes, depuis la « zonalisation », ces personnels se consacrent également à la sécurité publique. Il n'en demeure pas moins que nous devons nous poser la question de l'affectation optimale de ces hommes et de ces femmes. Ne seraient-ils pas plus efficacement utilisés directement sous l'autorité des directeurs départementaux de la sécurité publique ?

Comme les effectifs, l'évolution des carrières a progressé. Cette année aura été marquée par une réforme que vous avez voulue, monsieur le ministre, que vous avez négociée et qui a été adoptée : celle des corps et carrières. Cette réforme, qui correspond à une reconnaissance, est un gage d'efficacité. La police retrouve une pyramide des grades plus dynamique, permettant une véritable évolution des métiers des gardiens et des gradés. Ceux-ci accèderont désormais massivement - 3 000 cette année - aux tâches d'officier de police judiciaire. Parallèlement, cette réforme permettra de réduire les effectifs des commissaires et des officiers, afin que les titulaires de ces postes occupent des responsabilités en cohérence avec leur positionnement hiérarchique.

En tant que rapporteur pour la gendarmerie, je voudrais vous faire remarquer une chose très intéressante : dans le même temps que nous adoptons la réforme des corps et carrières pour la police, une réforme analogue intervient pour la gendarmerie avec la mise en œuvre du PAGRE, plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées. Naguère, lorsqu'une réforme survenait dans la police, il fallait attendre trois à cinq ans avant que n'ait lieu une réforme analogue dans la gendarmerie. Cela créait un sentiment d'insatisfaction, parfois de révolte, comme cela s'est produit il y a quelques années. Ces deux réformes sont désormais concomitantes. C'est une évolution très intéressante. Je vous rappelle que 5 000 postes d'officier de gendarmerie seront créés entre 2005 et 2012, dont 1 000 postes d'officier en 2005, ce qui représente une augmentation de 25 % de l'effectif des officiers.

Les choses vont donc considérablement évoluer. Désormais, les commandants de communauté de brigades seront des officiers, comme le seront également certains commandants de brigade. Ce parallélisme entre la police et la gendarmerie me semble extrêmement intéressant.

S'agissant toujours des personnels, je note l'évolution de la prime aux résultats qu'avait souhaitée votre prédécesseur Nicolas Sarkozy et qui, pour moi, est un élément de la réforme de l'État. Il est indispensable de faire progresser les choses en ce sens et d'inciter les personnels à de meilleurs résultats.

Ces évolutions sont appréciées des fonctionnaires. J'en veux pour preuve la diminution des départs à la retraite anticipée, qui est particulièrement significative pour les corps des gradés et gardiens.

Je ne reviens pas sur l'évolution des moyens, que M. le ministre a longuement commentée : le gilet pare-balles, l'arme individuelle, le Sig Sauer désormais diffusé dans les unités, un nouvel uniforme pour la gendarmerie et, pour la police, le renforcement du programme ACROPOL.

En ce qui concerne ACROPOL, j'insiste sur l'évolution très satisfaisante que représente le partenariat public-privé passé avec EADS. Jusqu'à cette année, ACROPOL progressait, mais à un rythme très lent. Ce n'était pas satisfaisant. Nous changeons de vitesse, parce que nous changeons de procédure. Ce partenariat va permettre de couvrir l'ensemble de notre territoire d'un moyen moderne de communication.

Toutefois, là où le bât blesse, s'agissant de la police et de la gendarmerie, et je le dis devant les ministres compétents, c'est dans le domaine de l'immobilier.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure. C'est juste !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Les choses sont claires : nous ne sommes pas au rendez-vous de la LOPSI.

M. Jean-Pierre Blazy. Ah, enfin une vérité !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Après 2005, si les prévisions sont respectées, il nous restera à réaliser la moitié du programme police et près de 70 % du programme gendarmerie.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas rien !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Nous devons changer de vitesse. En 2002, dans la LOPSI, le législateur avait prévu un vrai partenariat public-privé. Mais nous ne nous sommes pas donné les moyens de ce partenariat, dont l'intérêt majeur était de nous permettre de progresser. Et je voudrais, à cette tribune, dénoncer tous les conservatismes, qu'ils viennent de Bercy, du Conseil d'État, de l'Ordre des architectes, du service du génie des armées, car tous ces acteurs ont milité pour un maintien de procédures anciennes. Or celles-ci sont trop lentes. Je le dis ici en ma qualité de rapporteur spécial. Nous devons nous donner les moyens d'accélérer ce partenariat. Nous sommes attendus sur ce terrain et nous avons pris des engagements en ce sens.

Je me dois également d'insister sur ce qui est un véritable dysfonctionnement de l'action publique, à savoir les 500 millions d'euros qui étaient attendus du parc immobilier de la gendarmerie. Je vous rappelle que l'an dernier, à la même époque, le Premier ministre a annoncé, au titre des recettes du budget de l'État, une somme de 500 millions d'euros provenant d'un partenariat avec la SNI. Celle-ci, en contrepartie d'une soulte de 500 millions versée à l'État, prenait la gestion des locaux de la gendarmerie et recevait 150 millions d'euros de loyers annuels. Nous attendions donc cette soulte au titre des recettes de l'État, mais nous n'avons rien vu venir, faute, là encore, d'arbitrages. Il me semble que sur cette question, nous pouvons aussi progresser.

Après avoir évoqué les questions de sécurité, je voudrais insister sur quelques points, monsieur le ministre, qui méritent toute notre attention.

En matière de sécurité routière, votre ministère a joué un rôle majeur. Ne tombons pas dans l'angélisme, mes chers collègues : sans la présence et l'action des forces de police et de gendarmerie, nous n'aurions pas enregistré une baisse aussi significative du nombre des accidents de la route et des victimes de la route. Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de sanctions nous apparaissent, comme à l'opinion publique, mesquines. J'en veux pour preuve le cas de ce contrevenant qui, au lieu des 110 km/h imposés, roulait à 111 km/h. On peut expliquer beaucoup de choses, mais pas un tel manque de mesure. Rappelons aux fonctionnaires que toute règle doit être appliquée avec tact et mesure.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais les radars ne connaissent pas le tact !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. En matière d'amendes, nous souhaitons que les choses évoluent. Il y a quelques semaines, voire quelques mois, il a été annoncé que, en cas de dépassement de la vitesse autorisée inférieur à 20 km/h, l'amende passerait de 90 à 45 euros. Depuis, les règles n'ont pas changé. Où en sommes-nous aujourd'hui, monsieur le ministre ?

Cependant, ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel est que nous ayons progressé : le nombre de morts sur nos routes a diminué, en moins de dix-huit mois, de 2 000 ! Ce sont 2 000 morts en moins sur nos routes : pères de famille, mères de familles, enfants. C'est un vrai progrès que nous devons mettre au crédit de tout notre pays, en particulier au crédit des fonctionnaires qui travaillent sous votre autorité.

Nos concitoyens s'interrogent sur le produit des amendes, qui fait l'objet de nombreuses conversations. Nous devons, sur ce point, être très clairs et très pédagogues. Qu'on le veuille ou non, les amendes rapportent et rapporteront encore. Le coût global de l'investissement sera de l'ordre de 200 millions d'euros, peut-être un peu plus. En année pleine, c'est une somme d'environ 375 millions d'euros qui tombera dans les caisses de l'État.

La question qui se pose est celle-ci : où va l'argent des radars ? Où ira-t-il demain, puisque l'investissement sera amorti dans le courant de l'année 2005 ? La question est posée, et il faut y répondre de deux façons, monsieur le ministre. Tout d'abord, il faut tordre le cou à la rumeur qui voudrait que l'argent des radars va aux prescripteurs. C'est une rumeur sans fondement, à laquelle il faut définitivement mettre fin. Il convient de démontrer ensuite que l'argent des radars, pris aux usagers de la route, est affecté à la sécurité routière, à l'entretien des routes, aux investissements de sécurité. Mais pourquoi pas aussi aux services de secours, aux services hospitaliers qui soignent les blessés de la route ? Pourquoi pas également aux centres pour grands traumatisés de la route, qui eux aussi s'investissent sur ces questions ?

Je propose, sinon une affectation au sens juridique du terme, tout au moins une affectation politique, afin que les choses soient claires et que l'usager sache que la contrainte qu'il subit se traduit de manière positive pour la sécurité routière.

J'en viens au budget de la sécurité civile, qui lui aussi affiche une réelle progression, sur laquelle je me permets d'insister. Les crédits sont au rendez-vous, en particulier à celui de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004. L'État accompagnera la fidélisation à hauteur de 20 millions d'euros, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre. Je me réjouis que les amendements que j'ai défendus devant la commission des finances aient reçu votre agrément. Ils seront soutenus ici même le vendredi 19 novembre.

Il doit être clair pour tous que les 20 millions d'euros affectés à la fidélisation seront effectivement versés aux départements, en fonction du nombre de sapeurs-pompiers que compte chaque SDIS.

Je m'adresse maintenant à M. le ministre délégué Jean-François Copé pour évoquer le transfert aux conseils généraux des taxes sur les conventions d'assurance. Voilà une recette évolutive et positive pour les départements, et qui sera affectée à la sécurité.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Très juste !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Je pense qu'il est très logique de rapprocher la responsabilité des départements et ce type de recettes. Avec ce transfert, nous faisons œuvre utile.

J'évoquerai également à l'attention de M. Jean-François Copé la progression de la dotation du Fonds d'aide à l'investissement des SDIS : de 44 millions d'euros en 2003, elle est passée à 54 millions d'euros en 2004 et atteindra 65 millions en 2005. Voilà des chiffres clairs et positifs !

M. Jean-Pierre Blazy. Espérons qu'il n'y aura pas de gel des crédits !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Monsieur le ministre, l'identité nationale électronique sécurisée est l'une des grands priorités de votre action. Tous nos collègues doivent le comprendre, la mise en place de ce dispositif représente une évolution très importante. Sa place est encore modeste dans notre budget, mais c'est la première phase d'une opération considérable.

L'objectif de ce dispositif est multiple : la sécurité de tous, la sécurité nationale, mais aussi la modernisation de l'État. Il s'agit de moderniser les moyens alloués à l'identification optimale de nos concitoyens ainsi que des étrangers qui transitent sur notre territoire. Vous avez, monsieur le ministre, établi un calendrier ambitieux en fixant au 1er novembre 2006 la délivrance des premiers titres. L'INES est bien plus qu'une carte d'identité. Nous allons nous donner les moyens, en utilisant les technologies les plus modernes, d'élaborer un système d'identification parfaitement sûr et tellement pratique qu'il pourra à terme assurer la sûreté des transactions commerciales électroniques. Des réflexions sont actuellement en cours sous votre autorité. Un tel dispositif pourrait être extrêmement utile.

Votre budget est aussi celui des préfectures. Celles-ci ont engagé, avec la globalisation, une véritable réforme silencieuse de l'État. Il appartient désormais aux préfets de choisir les dépenses qu'ils jugent prioritaires et d'effectuer les arbitrages nécessaires. Cette évolution a plusieurs avantages. Tout d'abord, elle permet des choix rationnels. Ensuite, elle est l'occasion de réaliser de véritables économies. Désormais, les administrations auront intérêt à faire des économies, puisque l'argent qu'elles économiseront sera recyclé en leur faveur. Enfin, cette globalisation donne du grain à moudre au dialogue syndical.

Toutefois, il ne faut pas en rester là, monsieur le ministre. Réfléchissons à la façon d'accorder aux préfets la pleine responsabilité des moyens dont disposent les services extérieurs, ce qui donnerait une véritable cohérence à l'action locale.

L'organisation du référendum ne figure pas dans le budget. Nous en débattrons certainement à l'occasion du collectif budgétaire. Pour autant, je souhaite en dire quelques mots parce qu'il pose des problèmes financiers nouveaux, qui ont échappé à bon nombre de commentateurs.

S'il a lieu au mois de mai, comme certaines gazettes l'indiquent, il conviendra de prendre très vite des décisions touchant aux modalités de son organisation, notamment à l'envoi à nos concitoyens d'un document de plus de cent pages et qui, avec l'ensemble de la propagande, pèsera plus de 100 grammes. Le coût global de l'opération sera compris entre 40 millions et 60 millions d'euros. Vous devez vous demander, monsieur le ministre, pourquoi j'entre à ce point dans le détail. C'est parce que l'envoi de ce document va poser un problème tout à fait inédit : au-delà de 100 grammes, La Poste perd son monopole de distribution et nous devrons procéder à un appel d'offres européen pour déterminer quelle structure en sera chargée. Il se pourrait qu'un distributeur étranger emporte le marché. Nous nous trouverions alors devant cette nouveauté extraordinaire que, pour la première fois de notre histoire, La Poste ne serait pas le diffuseur de notre propagande électorale.

M. Christophe Caresche. Il faut annuler le référendum ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Ce serait là une évolution d'autant plus significative qu'elle interviendrait en application d'une loi européenne à l'occasion d'un référendum touchant à l'Europe.

Ce référendum pose aussi des problèmes de financement inédits, en particulier s'agissant de l'équité des financements des partisans du « oui » et de ceux du « non ». Il est concevable qu'aucun des grands partis, de droite comme de gauche, ne soutienne le « non ». Dès lors, comment déterminer un financement aussi équitable pour les uns que pour les autres ? Il en va de la démocratie. Il n'y a guère de précédent en la matière puisque, lors du référendum de Maastricht, l'ensemble du dispositif de financement des partis politiques n'existait pas ou n'était pas aussi sophistiqué. Il faut donc commencer à réfléchir, sachant que les dispositifs de financement des partis politiques répondent aux nécessités de la démocratie représentative et sont très peu adaptés à celles de la démocratie directe que nous aurons à mettre en œuvre à l'occasion de ce référendum.

Je conclurai sur un point qu'il m'importe de relever en tant que rapporteur spécial. Ce budget applique la LOPSI, que nous avons adoptée au cours de l'été 2002, mais il est aussi la traduction de la LOLF, c'est-à-dire de la constitution financière adoptée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. L'objectif de cette constitution financière est d'établir un vrai parallèle entre les objectifs fixés et les moyens alloués, et que ce parallélisme soit parfaitement visible par la représentation nationale et par l'opinion.

La LOLF ne s'appliquera pleinement qu'en 2006, l'année 2005 marquant une situation intermédiaire où les deux nomenclatures sont en parallèle. Nous avons progressé en adoptant le principe d'une mission interministérielle réunissant police et gendarmerie. Toutefois, les documents montrent que l'ensemble des moyens de la gendarmerie ne figurent pas dans cette mission, ce qui n'est pas satisfaisant. Ce n'est pas simplement un problème de nomenclature mais d'organisation. Il faut que les responsables administratifs et politiques maîtrisent parfaitement les moyens qui leur sont alloués. Il faut aussi que le législateur, l'autorité budgétaire que nous sommes, puisse parfaitement mettre en cohérence les objectifs et les moyens. Nous serons extrêmement vigilants quant à l'application cohérente de cette nouvelle constitution financière, qui doit désormais être notre règle d'or et qui est la condition de la transparence nécessaire à l'évolution de nos finances publiques.

Voilà, monsieur le ministre, les observations que j'avais à faire sur ce budget cohérent, ambitieux et positif, que je tiens à saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité intérieure. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un peu plus de deux ans, la majorité de notre assemblée votait la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

M. Guy Geoffroy. Excellente loi !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Ce faisant, nous prenions devant les Français l'engagement solennel  de faire reculer durablement la criminalité et la délinquance dans notre pays.

M. Christophe Caresche. C'est raté !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Dans ce but, la LOPSI, promulguée le 22 août 2002, fixait des objectifs ambitieux et annonçait pour la police nationale et la gendarmerie des moyens nouveaux d'une ampleur sans précédent. Beaucoup se souviennent ici du scepticisme caricatural exprimé par les orateurs de l'opposition.

Mme Nadine Morano. C'est vrai !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. À les entendre, ces engagements relevaient au mieux de la présomption, au pire de l'affichage politicien. Et de toute façon, les moyens programmés ne seraient pas mis en œuvre ou seraient inopérants. Hélas pour ces contempteurs et tant mieux pour nos concitoyens, les résultats espérés sont au rendez-vous !

M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous en reparlerons !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. La courbe de l'insécurité s'inverse et, avec le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, ce sont 68 % des crédits prévus par la LOPSI qui seront mobilisés en 2005, en avance de huit points sur le tableau de marche.

M. Jean-Pierre Blazy. Méfiez-vous des apparences !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Oui, la délinquance recule. Alors qu'elle avait progressé de près de 16 % au cours de la précédente législature, un mouvement global de baisse s'est amorcé dès le second trimestre de 2002, se confirmant nettement en 2003 et s'amplifiant sur les neuf premiers mois de 2004.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est de la magie !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. C'est ainsi qu'après un reflux de 3,4 % en 2003, le mois de septembre dernier a enregistré une diminution du nombre de crimes et délits de 3,8 % sur l'année.

M. Jean-Pierre Blazy. Et au mois d'août ?

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Sans entrer dans le détail des statistiques, je soulignerai le fort recul de la délinquance de voie publique : moins 8,9 % en 2003 et moins 8,5 % au premier semestre de 2004. À titre de comparaison, on rappellera que ce type de délit, très traumatisant pour nos concitoyens, avait augmenté - excusez du peu ! - de 9,3 % en 2001.

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi ne donnez-vous pas les chiffres des violences faites aux personnes ?

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Un autre indicateur très révélateur de l'efficacité d'une politique de sécurité publique est le taux d'élucidation des faits constatés. Entre 1994 et 2001, il avait chuté de dix points, pour tomber en dessous de 25 %. Au premier semestre de 2004, la part des faits élucidés par la police et la gendarmerie est remontée à 31,5 %. Ces remarquables résultats sont le fruit, avant tout, d'une forte volonté politique, qui, après des années d'atermoiements, a fait de la protection des personnes et des biens une grande priorité nationale.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Ils témoignent de la mobilisation admirable des policiers et des gendarmes et ils confirment que les actions menées dans le cadre de la LOPSI sont porteuses de réussite. Ils nous encouragent à poursuivre les réformes engagées et à persévérer dans la mise en œuvre des moyens humains, matériels et techniques indispensables.

Le budget que vous soumettez à notre approbation, monsieur le ministre, est à cet égard satisfaisant, car il traduit bien la volonté du Gouvernement de ne pas relâcher l'effort.

Pour apprécier le poids et la valeur de cet effort, il importe de considérer les crédits affectés à la sécurité intérieure dans leur ensemble, crédits réservés à la gendarmerie compris, lesquels figurent au budget de la défense nationale. Cela est non seulement parfaitement conforme à l'esprit de la LOPSI mais constitue également une anticipation de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, dite LOLF, qui sera appliquée en 2006.

Permettez-moi de me réjouir publiquement, comme l'a fait mon collègue Marc Le Fur, de la création d'une mission interministérielle « sécurité intérieure » regroupant les programmes de la police et de la gendarmerie. Même si elle n'apparaissait pas évidente l'an dernier - n'est-ce pas, chers collègues de l'opposition ? -, c'est la victoire du bon sens. Ainsi considéré, le projet de loi de finances pour 2005 comprend un total de 10,36 milliards de crédits dédiés à la sécurité, dont 5,88 milliards pour la police au titre de l'intérieur et 4,48 milliards pour la gendarmerie au budget de la défense.

Par rapport au budget précédent, la progression est proche de 2 % pour les crédits de la police, après deux années de forte augmentation, et de 3,4 % pour la gendarmerie, marquant un rattrapage très appréciable au regard de la LOPSI. Ces efforts sont d'autant plus méritoires qu'ils s'inscrivent dans un contexte budgétaire particulièrement contraignant.

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle manie de le rappeler sans cesse !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. En trois ans, les moyens des forces de sécurité auront été relevés de 1 285 millions d'euros, soit une progression de plus de 14 %. Chacun conviendra que c'est un effort considérable et probablement sans précédent sous la VRépublique.

Mme Nadine Morano. C'est remarquable, en effet !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Je ne reprendrai pas ici les montants dédiés aux différents postes budgétaires ; ces chiffres sont précisément exposés et commentés dans mon rapport pour avis, que je vous invite à lire.

Mme Nadine Morano. Excellent rapport !

M. Guy Geoffroy. Il faut prendre le temps de le lire, mais il est excellent !

M. Jean-Pierre Blazy. Pour l'avoir lu, j'aurai à en dire !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis pour la sécurité intérieure. Je me bornerai à faire quelques remarques. Il convient, en premier lieu, de saluer l'adoption des premières et importantes mesures en application du protocole d'accord du 17 juin 2004 sur la réforme des corps et carrières de la police nationale et, pour la gendarmerie, du plan d'adaptation aux responsabilités exercées, dit PAGRE. C'est peut-être là l'essentiel : la police et la gendarmerie ont engagé une réforme en profondeur de leurs ressources humaines. L'organisation de leur encadrement, encore assez dissemblable, va fortement converger, avec la déflation des corps des commissaires et des officiers de police et, à l'inverse, avec le renforcement des cadres de la gendarmerie. Pour les fonctionnaires et les militaires, les recrutements se poursuivront à un rythme soutenu, quoique légèrement en retrait sur la programmation. Les rémunérations seront améliorées par des revalorisations indiciaires exprimant la reconnaissance par la nation des responsabilités exercées.

Grâce à une culture du résultat, cette rénovation s'accompagnera d'une maîtrise des crédits de personnels, qui augmenteront moins vite que les prix. Cette rigueur de la gestion pratiquée à chaque échelon de la hiérarchie, avec des indicateurs de performance très élaborés, permet de dégager des marges de manœuvre au profit des moyens de fonctionnement et d'équipement. C'est ainsi qu'en 2005, ces moyens seront renforcés de 150 millions d'euros, soit une progression globale de 7 % et de 6,3 % pour la police et de 7,6 % pour la gendarmerie. Il n'est probablement pas d'administration qui ait consenti, depuis plusieurs années, autant d'efforts de rénovation pour s'adapter aux demandes de la société. Dans le domaine de la sécurité intérieure, le management des performances, des crédits et des ressources humaines est à la pointe de la réforme de l'État.

Si nous avons progressé, l'œuvre est loin d'être achevée, tant les défis sont nombreux et mouvants, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Nous sommes en train de doter convenablement les forces de sécurité des moyens humains, matériels et juridiques, qui leur permettront d'accomplir dans les meilleures conditions leur noble et difficile mission au service de la République. Il reste à mettre en place une politique de prévention lucide et efficace, qui fait encore défaut dans notre pays.

Si policiers et gendarmes sont en première ligne dans le combat contre le crime et la délinquance, ils ne doivent pas en être les seuls acteurs. Le concept de sécurité intégrée - déjà forgé dans la LOPS de 1995 - dans tous les domaines d'action de l'État et des collectivités locales doit devenir une réalité. C'est un grand chantier auquel il convient d'urgence de s'atteler pour une sécurité durable.

Dans cette attente, le sens de l'intérêt général nous dicte d'approuver ce budget. C'est ce qui a conduit la commission des lois à émettre, sur la proposition de son rapporteur et avec l'appui de son éminent président, un avis très favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy et Mme Nadine Morano. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, 2004 est une année importante pour la sécurité civile, qui dispose enfin, avec la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août dernier, d'un cadre juridique rénové adapté aux risques d'aujourd'hui. Ce texte définit les responsabilités de chacun au titre de la sécurité civile. Surtout, il apporte à ses premiers acteurs, les sapeurs-pompiers, une reconnaissance attendue de longue date. Pour les 240 000 sapeurs-pompiers français, civils ou militaires, professionnels ou volontaires, pour ces hommes et ces femmes qui, quotidiennement, prennent des risques pour secourir les personnes, les biens et notre environnement, il constitue une avancée importante. Il pose, en outre, les premières pierres d'un service rénové, qui doit, au cours des prochaines années, relever des défis d'importance.

Traduction de la volonté politique du Gouvernement, cette loi est aussi porteuse, vous le savez, messieurs les ministres, de beaucoup d'espoir. En tant que rapporteur, j'en suivrai, comme la plupart de mes collègues, l'application avec beaucoup d'attention.

Pour la troisième année consécutive, il m'appartient de vous rapporter l'avis de la commission des lois sur le projet de budget du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile. S'il convient de saluer les efforts consentis cette année, les crédits ne sont néanmoins pas représentatifs des charges supportées par la collectivité. Plusieurs ministères contribuent, en effet, à la prévention des risques, tandis que les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux, assurent la lourde charge des services départementaux d'incendie et de secours.

En 2005, 406 millions d'euros - soit quelque 4 % des crédits du ministère de l'intérieur, hors concours aux collectivités territoriales - permettront à l'État de remplir ses missions de coordination et de renfort des moyens d'intervention locaux.

En forte progression - 20 % -, le présent projet de budget tire les enseignements des crises récentes. Ainsi, il prévoit une augmentation de l'effectif du groupement des moyens aériens en liaison avec le remplacement des hélicoptères. De plus, il engage le renforcement de la flotte de bombardiers d'eau par l'acquisition de deux avions gros porteurs tandis que la création de postes de militaires viendra conforter les zones de défense. Enfin, la dotation du Fonds d'aide à l'investissement des SDIS devrait permettre de rattraper le retard enregistré l'année précédente.

Les moyens des services - 211 millions d'euros - progressent d'un peu plus de 5 % et sont répartis de manière quasi égale entre les charges de personnels - 98 millions d'euros - et les charges de fonctionnement - 112 millions d'euros.

Les crédits de personnels progressent de près de 6 % par rapport à l'année précédente : 2 057 emplois budgétaires sont inscrits pour 2005, soit 60 emplois supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2004 ; 23 viendront renforcer les effectifs du groupement des moyens aériens ; 24 permettront d'étoffer les états majors de zone, tandis que 14 emplois de gardien de la paix seront transformés en emplois de personnel navigant.

Les crédits de fonctionnement, qui enregistrent une progression de 4,5 %, seront notamment employés à la mise en œuvre d'infrastructures destinées aux hélicoptères et à l'adaptation du service de déminage, adaptation rendue indispensable à la suite de l'intégration des artificiers de la police nationale. Ils permettront également l'achat de matériels, le renouvellement d'une proportion minimale du parc automobile des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, l'acquisition de matériel de lutte contre les risques NRBC et le financement de l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

Ces crédits incluent également la participation de l'État au financement des services de secours de la ville de Paris d'un montant de 71,7 millions d'euros pour 2005, soit un tiers des crédits inscrits au titre III. Ils permettront la mise à niveau des crédits de personnels, le financement de la quatrième tranche du plan de modernisation de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris comprenant la création de 125 postes, l'acquisition de matériels opérationnels et la création d'une unité spécifique de lutte contre les risques NRBC.

Les crédits d'interventions publiques - 14,8 millions d'euro - sont constitués des subventions aux services d'incendie et de secours, des secours d'extrême urgence dispensés aux victimes de calamités publiques et - pour l'essentiel - des pensions versées aux sapeurs-pompiers victimes d'accidents.

Les crédits d'investissements s'élèvent à 115 millions d'euros, soit un peu plus du quart du budget de la sécurité civile. Ils sont pour l'essentiel constitués des crédits d'acquisition - 52,4 millions d'euros - et de maintenance - 54,5 millions d'euros - des aéronefs. Ils enregistrent une très forte augmentation. Celle-ci est liée au programme de modernisation de la flotte aérienne : acquisition de deux avions gros porteurs, processus d'acquisition d'un onzième Canadair actuellement loué, acquisition d'équipements pour les nouveaux hélicoptères EC 145.

Créé par la loi de finances pour 2003, le Fonds d'aide à l'investissement des SDIS, avec 65 millions d'euros de crédits de paiement et 61,45 millions d'euros d'autorisations de programme, bénéficie d'un rattrapage bienvenu. Cette aide est salutaire pour les SDIS, qui doivent faire face à de lourdes charges d'investissement, mais elle gagnerait à être répartie de manière plus lisible.

Au-delà du présent budget dont la commission des lois, conformément à l'avis de son rapporteur, a demandé l'adoption, je souhaiterais évoquer également les acteurs et les missions de la sécurité civile.

En effet, en matière de sécurité civile, je souhaite que toutes les actions que vous-même, monsieur le ministre, et votre prédécesseur avez entreprises depuis le début de la législature et qui se traduisent, cette année encore - et nous vous en remercions - par une forte progression du budget de la sécurité civile, continuent jusqu'en 2007, et même après.

Permettez-moi tout d'abord de saluer ici, à nouveau, l'engagement des 205 000 sapeurs-pompiers volontaires, 35 000 professionnels et les personnels militaires, qui procèdent, chaque année, à plus de 3,7 millions d'interventions contre à peine plus de 2 millions il y a vingt ans. Toutefois, les missions des sapeurs-pompiers, dont la dangerosité a été reconnue par la loi du 13 août dernier, sont à l'origine de décès et d'accidents toujours trop nombreux. Les travaux menés récemment sur la sécurité des sapeurs-pompiers ont donné lieu à de multiples propositions dont une importante partie - et nous vous en remercions - a été reprise par la loi de modernisation de la sécurité civile. Pourtant, il me semble qu'il faut continuer à travailler sur cette question car, avec le concours de tous les intervenants concernés, des améliorations semblent pouvoir être encore apportées.

La formation des sapeurs-pompiers tout comme celle de toutes les personnes qui, à un titre ou à un autre, concourent aux missions de sécurité civile constituent aussi un important enjeu pour demain.

Comme le prévoit votre budget, deux projets doivent être mis en œuvre au cours des prochaines années : l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, délocalisée à Aix-en-Provence, et le pôle de défense civile de Cambrai. Mais, au-delà de ces deux projets, c'est une véritable culture de sécurité civile qu'il convient de continuer à instituer dans notre pays.

La diffusion d'une culture de sécurité civile, c'est, tout d'abord, une sensibilisation aux risques et à la gestion des secours dès le cursus scolaire, comme le prévoit la loi de modernisation de la sécurité civile que nous avons votée il y a quelques mois. Mais c'est aussi l'information des citoyens sur les risques auxquels ils sont exposés et sur les dispositions à prendre en cas de crise. Des crédits sont prévus à cette fin pour 2005 et ils sont les bienvenus. Il y a, en effet, un important retard à combler en la matière et je tiens, aujourd'hui, à saluer les choix, depuis maintenant trois ans, de notre majorité.

C'est, enfin, à destination de tous les acteurs du secours et de la population, la réalisation d'exercices portant sur la gestion des crises. Ils sont porteurs d'enseignements et partie intégrante d'une efficace politique de prévention des risques. Des initiatives ont été prises en ce sens, mais, là aussi et comme toujours en matière de prévention, ce travail important doit être poursuivi.

C'est une réalité : les acteurs et les structures concourant aux missions de sécurité civile sont multiples. Au cours des auditions auxquelles a procédé la commission comme à la lecture des études réalisées après les crises récentes, nous avons pu constater que la coordination et la communication entre les intervenants méritaient d'être améliorées. C'est pourquoi nous avons abordé ces questions dans la loi de modernisation de la sécurité civile. C'est, en effet, un défit en termes, à la fois, on le sait, d'équipement, mais aussi d'organisation et de gestion des secours.

L'année 2004, messieurs les ministres, est une année importante en ce qu'elle constitue un aboutissement, avec le vote tant attendu de la loi de modernisation de la sécurité civile. Mais elle est aussi un point de départ dans la mesure où l'évolution des risques demande une vigilance et une réactivité de tous les instants.

Permettez-moi, pour conclure, de citer le général de Gaulle.

M. Jean-Pierre Blazy. Enfin, une référence !

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis pour la sécurité civile. Édictés en d'autres circonstances - bien plus dramatiques -, ses propos se prêtent, en effet, au défit que nous devons relever, aujourd'hui, en matière de sécurité civile : « Être inerte, c'est être battu ! ».

En me réjouissant une nouvelle fois de l'important effort engagé par la nation pour ce budget, je rappelle que la commission des lois a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités territoriales.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les concours de l'État aux collectivités territoriales devraient s'élever, en 2005, à 61,4 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 3 % par rapport à 2004. Ils représentent un cinquième du budget de l'État.

Le volet « collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2005 mérite d'être salué à plusieurs titres.

Premièrement, en dépit des restrictions imposées aux finances de l'État dans un contexte budgétaire difficile, marqué par la stabilisation des dépenses de l'État en volume, le Gouvernement propose de reconduire, en 2005, le contrat de croissance et de solidarité, selon des modalités d'indexation identiques à celles appliquées en 2004.

Le contrat de croissance et de solidarité sera donc indexé non seulement sur l'inflation mais également sur un tiers de l'évolution du produit intérieur brut, ce qui permettra d'associer les collectivités territoriales aux fruits de la croissance.

Cela signifie concrètement que l'enveloppe normée progressera en 2005 de 2,625 %, ce qui représente une augmentation de plus de 1,2 milliard d'euros, et que la DGF, elle, augmentera de plus de 3,29 %.

Deuxièmement, votre rapporteur spécial se félicite de la réforme proposée pour la DGF : elle doit permettre de rendre plus cohérente la répartition des différentes composantes de cette dotation et d'améliorer la péréquation. Cette réforme constitue la traduction législative des propositions formulées par le groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales.

La réforme de la dotation forfaitaire des communes permettra de rendre plus lisible la répartition de cette dotation par l'introduction de deux critères objectifs de répartition : la population et la superficie.

À compter de 2005, la dotation forfaitaire de chaque commune comprendra trois composantes principales.

La première sera une dotation de base calculée en fonction de l'importance de la population. Pour 2005, le projet de loi de finances proposait que cette dotation de base soit égale, pour chaque commune, au produit de sa population par un montant variant de 50 à 125 euros par habitant en fonction de sa population. L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à resserrer cet écart de 60 à 120 euros par habitant. C'est considérable pour les petites communes rurales car leurs ressources peuvent en être complètement transformées.

La deuxième composante sera une dotation proportionnelle à la superficie, égale à 3 euros par hectare en 2005. L'Assemblée nationale a adopté un amendement portant à 5 euros par hectare le montant de cette dotation pour les communes situées en zone de montagne.

La troisième composante sera, le cas échéant, un complément de garantie, destiné à assurer que chaque commune perçoive en 2005 un montant au moins égal à sa dotation forfaitaire 2004.

Le projet de loi de finances propose par ailleurs une réforme des règles de répartition des dotations de péréquation communale : la DNP, la DSR et la DSU. La réforme proposée poursuit deux objectifs principaux : elle doit permettre de mieux mesurer les écarts de richesse et de réduire ces écarts.

Afin de mieux mesurer les écarts de richesse, le Gouvernement propose de substituer au potentiel fiscal un indicateur plus complet des ressources mobilisables par les communes : le potentiel financier. Ce dernier prend en compte, outre le potentiel fiscal, la dotation forfaitaire compte tenu de son mode d'attribution automatique et de l'importance des masses concernées.

Afin de réduire les écarts de richesse, le Gouvernement propose notamment de cibler la croissance de la DSR « bourgs-centres » sur les communes situées en zone de revitalisation rurale en multipliant leur attribution par un coefficient de majoration égal à 1,5. L'Assemblée nationale a abaissé ce coefficient à 1,15 afin de permettre une répartition plus équitable de la croissance de la DSR « bourgs-centres » entre tous les bourgs-centres.

Pour la DSU, le projet de loi pour la cohésion sociale prévoit d'accroître les montants destinés aux communes comprenant des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines. Cet objectif s'accompagnerait d'une croissance de la DSU de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans, comme pour la DSR.

Afin de dégager les meilleures marges pour la péréquation, le projet de loi de finances proposait le gel de la dotation forfaitaire à son niveau de 2004. L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement qui fixe le taux de croissance de la dotation forfaitaire à 1 %.

Comme pour la DGF des communes, la réforme de la dotation forfaitaire des départements vise à mieux prendre en compte la population. Elle aboutit à distinguer deux composantes au sein de cette dotation : une dotation de base égale à 70 euros par habitant et un complément de garantie.

Le Gouvernement propose d'améliorer la péréquation départementale à travers deux mesures principales.

La première est la substitution au potentiel fiscal d'un critère de potentiel financier qui prend en compte, outre le potentiel fiscal élargi aux droits de mutation à titre onéreux, la dotation forfaitaire et la dotation de compensation.

La seconde est la réorganisation de l'architecture des dotations de péréquation départementale autour d'une composante urbaine - la « dotation de péréquation urbaine » - et d'une composante rurale : l'actuelle dotation de fonctionnement minimale, sous une forme élargie.

La dotation de péréquation, qui faisait l'objet d'un saupoudrage entre un très grand nombre de départements, serait donc supprimée.

La création d'une dotation de péréquation urbaine permettrait de remédier aux lacunes du système actuel, qui ne prend pas en compte les difficultés propres au milieu urbain.

L'élargissement de la DFM à tous les départements non-urbains permettrait de mettre fin aux effets de seuil actuellement constatés du fait de la forte sélectivité des critères d'éligibilité à la DFM.

S'agissant de la DGF des groupements de communes, le Gouvernement propose une réforme des modalités de répartition de la dotation d'intercommunalité. Il prévoit, d'une part, des mesures favorables aux communautés de communes, c'est-à-dire à l'intercommunalité en milieu rural. Il propose, d'autre part, de renforcer la prévisibilité de la dotation d'intercommunalité à travers notamment une simplification du CIF et une augmentation du poids de la dotation de base.

Troisièmement, votre rapporteur spécial se félicite de ce que le Gouvernement tienne l'engagement de compenser « à l'euro près » et par le transfert de ressources fiscales dynamiques, constituant des ressources propres au sens de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, les transferts de compétences résultant de l' « acte II de la décentralisation ».

Plusieurs réformes introduites par la précédente majorité ont durablement grevé les budgets locaux et terni les rapports entre l'État et les collectivités territoriales : les 35 heures, la réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie et la réforme des services départementaux d'incendie et de secours.

M. Guy Geoffroy. Entre autres !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial pour les collectivités territoriales. A contrario, les mesures proposées par l'actuel gouvernement doivent permettre de restaurer des relations de confiance entre l'État et les collectivités territoriales.

À la différence des réformes précitées, les dépenses résultant pour les collectivités territoriales de la loi relative aux libertés et responsabilités locales feront l'objet d'une compensation financière propre à assurer la neutralité de la réforme sur les budgets locaux.

Dès 2005, les régions bénéficieront de l'affectation d'une part de la TIPP pour un montant de près de 400 millions d'euros. Ce montant sera augmenté dans les prochaines lois de finances au rythme de l'entrée en vigueur effective des transferts de compétences et de charges entre l'État et les régions.

À compter de 2006, le produit de TIPP perçu par chaque région devrait être calculé sur une assiette régionale. À compter de 2007, sous réserve de l'accord définitif de nos partenaires européens, les régions pourraient être autorisées à en moduler le taux, à la hausse comme à la baisse, à l'intérieur d'une certaine limite.

Les départements bénéficieront, en 2005, du transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance contre les risques relatifs aux véhicules terrestres à moteur pour un montant de 126 millions d'euros. Comme pour les régions, le montant de ce transfert d'impôt progressera significativement dans les années ultérieures en fonction de l'entrée en vigueur des transferts. Une assiette départementale de cette taxe devrait être définie et les départements devraient être autorisés à en moduler le taux à l'horizon 2007.

Il convient de rappeler que la loi de finances pour 2004 a prévu le transfert d'une part du produit de la TIPP aux départements pour un montant de 4,9 milliards d'euros au titre des transferts de compétences résultant de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA.

La loi de finances pour 2004 prévoit que les ressources transférées aux départements sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre du RMI et de l'allocation de revenu de solidarité. Elle a fixé, à titre provisoire, le montant de TIPP transféré aux départements et prévu que ce montant serait éventuellement corrigé afin d'assurer l'adéquation entre les ressources transférées et l'augmentation des dépenses auxquelles les départements doivent faire face.

Les montants versés aux départements en 2004 devraient ainsi faire l'objet d'une première correction dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, afin de tenir compte du montant définitif des dépenses exécutées par l'État au titre du RMI en 2003 ainsi que des éventuels surplus de dépenses induits pour les départements par la création du RMA et la réforme de l'allocation spécifique de solidarité. Les engagements seront donc strictement respectés.

Enfin, dans la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement a su tenir compte des préconisations de la représentation nationale.

Les crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur au titre des collectivités territoriales seront regroupés au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Cette mission regroupe les crédits de l'agrégat 21, ainsi que les crédits afférents aux coûts de fonctionnement de la politique de l'État envers les collectivités territoriales.

Conformément aux souhaits exprimés par la représentation nationale, cette mission comportera quatre programmes : « Concours financiers aux communes et groupements de communes », « Concours financiers aux départements », « Concours financiers aux régions » et « Concours spécifiques et administration ».

Cette nomenclature permettra au Parlement d'exercer un contrôle détaillé de l'emploi des crédits qu'il aura votés pour chaque niveau de collectivité. Leur regroupement au sein d'une même mission autorisera le Parlement à exercer son droit d'amendement sur l'ensemble de la mission.

Les trois premiers programmes comportent deux actions principales : aide à l'équipement et DGD. Deux indicateurs sont associés à l'action « aide à l'équipement » : l'évolution du volume des investissements réalisés par les collectivités grâce aux subventions accordées par l'État et le taux moyen de subvention.

On peut regretter que ces indicateurs ne puissent être améliorés que par un accroissement des moyens budgétaires, ce qui semble peu conforme à l'esprit de la loi organique. Rappelons, en effet, que ces indicateurs ont plus vocation à permettre de mieux évaluer la capacité des gestionnaires et à utiliser les moyens dont ils disposent.

Votre rapporteur spécial avait souhaité que des objectifs et indicateurs de performance soient associés aux prélèvements sur recettes, qui représentent environ les trois quarts des concours de l'État aux collectivités territoriales. Cette demande a été entendue. Les prélèvements sur recettes feront donc l'objet de fiches « objectifs » et « indicateurs » distinctes mais complémentaires des projets annuels de performances.

Les concours financiers aux communes, aux départements et régions financés par prélèvements sur recettes seront évalués essentiellement au regard de l'objectif de péréquation.

Ainsi, dans une période à la fois charnière et délicate pour les finances locales, le Gouvernement a eu à cœur de respecter ses engagements envers les collectivités territoriales. Les principes d'autonomie financière et de péréquation trouvent, dès cette année, une application concrète.

La reconduction du contrat de croissance, le second volet de la réforme de la DGF, les modalités de compensation des transferts de compétences ainsi que les modalités de mise en œuvre de la LOLF contribuent à faire de ce budget un excellent budget.

Votre rapporteur spécial souhaite enfin appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'il proposera, dans le cadre de l'examen des articles non rattachés de la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement visant à revaloriser les bases locatives selon le taux d'inflation. Bien entendu, la commission des finances a donné un avis très favorable à ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales.

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois, constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration générale et les collectivités locales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est toujours difficile de synthétiser en quelques minutes les observations qui justifient l'avis positif de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2005 pour ce qui concerne l'administration générale du ministère de l'intérieur et les collectivités locales. Aussi comprendrez-vous que je me limite à quelques « zooms » sur ce qui me paraît devoir être plus particulièrement abordé, ce qui ne veut pas dire que tout ne mériterait pas une présentation particulière.

En remarque liminaire, je voudrais dire combien 2004 aura été une année importante pour l'acte II de la décentralisation, avec une nouvelle répartition de compétences entre les différents degrés d'action de l'État, assortie d'une garantie de ressources propres aux collectivités territoriales et de la juste compensation desdits transferts de compétence.

Concomitamment à la décentralisation, l'État a engagé, il y a maintenant plusieurs années, la modernisation de son administration centrale et territoriale. La réforme de l'administration générale, concernant aussi bien les services centraux que l'administration territoriale, a été dictée par deux chantiers de modernisation convergents que sont la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, avec la définition de programmes et de projets annuels de performances, et la mise en place du nouveau cadre d'action exigé par l'organisation décentralisée de la République.

Ainsi, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme définie en 2003, le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales s'est doté, en janvier 2004, d'un secrétariat général, qui a pour mission d'améliorer la performance des services.

De même, les élus locaux doivent pouvoir s'appuyer sur des interlocuteurs bien identifiés pour établir un véritable partenariat entre l'État et les collectivités locales  partenariat qui constitue le véritable fondement d'une organisation décentralisée de la République.

La loi de finances pour 2005 transcrit cette reconnaissance en termes financiers par l'achèvement de la procédure de globalisation des crédits, d'autant que les bilans s'avèrent très positifs tant en termes d'optimisation des moyens alloués qu'en termes de résultats obtenus au regard des objectifs fixés.

Le fait décentralisateur est bien là ! D'ailleurs, si l'on en croit un sondage récent, deux Français sur trois approuvent la décentralisation et un sur deux cite en tête de ses préoccupations la réforme de l'impôt local et souhaite qu'il soit plus juste. Nous attendons vos propositions au sujet de cette réforme.

M. Michel Piron. C'est une grande sagesse !

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités locales. Ce sont les mêmes qui font en priorité confiance aux collectivités locales pour réduire les inégalités et créer de l'emploi. Car, au-delà des nouvelles formes d'intervention et de partenariat, la loi relative aux libertés et responsabilités locales innove en proposant une méthode loyale et transparente de transfert permettant aux collectivités locales de faire face à leurs nouvelles responsabilités.

Il s'agit, pour le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, de rompre avec la méthode qui avait prévalu jusqu'alors en matière de transferts de compétences, l'État ayant trop souvent cherché à réduire son déficit par une politique de transfert à l'échelon local, sans accorder l'équivalent en termes de ressources.

Bref, au-delà de l'action réformiste du Gouvernement, il s'agit d'assurer plus de proximité, plus de solidarité, donc de lisibilité et d'égalité - ensemble qui constitue les clés d'un État décentralisé qui n'a pas pour autant renoncé à son unité. C'est à cette tâche que s'est attelé le Gouvernement, qu'il faut saluer pour sa constance et sa détermination.

L'année 2004 a été, après 2003, une étape essentielle dans un processus qui, au niveau des finances locales, se caractérisera encore en 2005 par la poursuite de la réforme des dotations de l'État.

La loi de finances pour 2004 posait déjà les bases d'une réforme de grande ampleur des concours de l'État aux collectivités locales.

C'est dans cette même logique de rationalisation et de péréquation que le Gouvernement présente maintenant la seconde étape de la réforme avec une modification en profondeur des mécanismes internes de répartition des dotations, tels que les règles d'éligibilité, les critères et les formules de répartition.

Le projet de loi de finances pour 2005 est la traduction de cette volonté. Parallèlement, le pacte de croissance et de solidarité est, à nouveau, reconduit.

L'élément central de cette nouvelle architecture consiste à assurer, pour chaque niveau de collectivité, une alimentation pérenne de la péréquation. En outre, en substituant la notion de potentiel financier à celle de potentiel fiscal, il s'agit de mieux mesurer les écarts de richesse entre les collectivités, et non plus uniquement la richesse fiscale. Comme pour celle des communes, la réforme proposée pour la dotation forfaitaire des départements vise à mieux prendre en compte la population dans le calcul de leur dotation, ainsi que leur richesse réelle, afin d'améliorer les qualités péréquatrices des dotations. Ainsi donc y a-t-il restauration d'un lien entre la dotation forfaitaire et la population.

Le projet de loi de finances pour 2005, que nous examinons, et le futur projet de loi relatif à la cohésion sociale retiennent une réforme du mode de calcul des dotations aux collectivités qui « répond à l'objectif constitutionnel de péréquation fixé à l'article 72-2 de la Constitution » lequel dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

Le projet de réforme de la DSU repose sur un constat simple : il existe encore une trop grande disparité entre communes pauvres et communes riches ; les communes les plus pauvres n'ont même pas de quoi financer leur fonctionnement minimal.

La réforme proposée se veut pratique, concrète et simple. Selon Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'État, il s'agit de répondre à deux objectifs : accorder un montant de DSU à répartir plus important et permettre une meilleure répartition. C'est un objectif partagé par votre rapporteur pour avis. En effet, rappelons que le projet prévoit d'augmenter la dotation de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans, de façon à doubler le montant global à l'horizon 2009, et de ne consacrer cette somme supplémentaire qu'aux 124 communes ayant des zones franches urbaines parmi les 800 qui bénéficient actuellement de la DSU, rappelant qu'au final la DSU passera de 3 à 5 % du montant total de la DGF.

De même, il s'agit de majorer la dotation de solidarité rurale au profit de 1 649 bourgs-centres situés en zone de revitalisation rurale.

Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de la dotation forfaitaire destinée aux autres communes. Des marges existent pour éviter une telle conjoncture, difficilement explicable localement. M. le rapporteur général a présenté un amendement, qui a été agréé par le Gouvernement, tendant à proposer une progression de 1 %. C'est bien, mais encore en deçà des niveaux qui auraient pu être envisagés, à savoir entre 1,3 % et 1,6 %, en s'en tenant à un taux d'indexation compris entre 45 % et 55 % du taux de la DGF, fixé, rappelons-le, à 3,29 %. Le fait de souscrire à cette initiative parlementaire ne coûte que 26 millions d'euros, à comparer aux 91 millions attendus au titre de la régularisation de la DGF pour 2003.

Puis-je suggérer que l'effort soit d'une ampleur équivalente à l'inflation estimée pour 2005 - quand bien même ce chiffre traduira probablement mal l'envolée des prix des produits pétroliers et des matières premières ? Ne pourrait-on à cet effet, comme cela s'est déjà fait par le passé, autoriser une inscription par anticipation, dans les budgets primitifs des collectivités territoriales, d'une part de la régularisation au titre de la DGF 2004 ?

En conclusion, messieurs les ministres, votre projet de budget montre que l'État apportera aux collectivités des concours financiers de nature à garantir un financement équitable des transferts de compétences tout en renforçant la péréquation. Cela me conduit à vous confirmer l'avis favorable de votre commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget du ministère de l'intérieur est à n'en pas douter l'un des plus importants que nous aurons à examiner dans le cadre du projet de loi de finances. De son montant, de sa pertinence, des moyens qu'il prévoit dépend en effet le respect de la première des libertés : celle pour chacun de nos concitoyens de vivre en sécurité. Sans cette liberté, sans sécurité, il ne peut y avoir de cohésion sociale.

M. Jean-Pierre Blazy. Et sans emplois ?

M. Christian Estrosi. Depuis deux ans, nous avons eu le courage d'aborder sans tabous, et de manière transversale, tous les phénomènes de sociétés qui ont contribué à la montée de la violence durant les cinq années précédentes : délinquance des mineurs, manquements des parents au devoir d'éducation des enfants, mendicité en bandes agressives, rassemblements dans les halls d'immeubles,...

M. Jean-Pierre Blazy. Pour lesquels la loi n'est pas appliquée !

M. Christian Estrosi. ...occupations sans droits ni titres des terrains privés ou publics, etc.

M. Daniel Vaillant. Et la violence ?

M. Christian Estrosi. Tous les problèmes ont été abordés, rompant de fait avec cinq ans d'immobilisme, pendant lesquels la délinquance avait augmenté de 16 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Cinq ans de recul !

M. Christian Estrosi. La voilà, la réalité !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n'avez pas voté les lois que nous vous avions proposées !

M. Daniel Vaillant. Nous n'avons pas le monopole de l'insécurité, et vous pas davantage celui de la sécurité !

M. le président. Allons, monsieur Vaillant !

M. Christian Estrosi. Et les résultats sont au rendez-vous, mes chers collègues : la délinquance, même si cela vous dérange, monsieur Vaillant, a chuté l'année dernière de près de 3,8 % et la baisse a même approché les 4 % entre le 1er janvier et le 1er septembre de cette année.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis pour la sécurité civile. Eh oui ! Ce n'était pas comme cela avant !

M. Daniel Vaillant. Provoc !

M. Christian Estrosi. Quant au taux d'élucidation, à mes yeux aussi important que la chute de la délinquance, puisque celle-ci en est une conséquence, il est remonté à 25 % l'année dernière, pour atteindre près de 28 % sur les huit premiers mois de cette année.

M. Christophe Caresche et M. Jean-Pierre Blazy. C'est énorme !

M. Christian Estrosi. Les chiffres sont têtus, d'autant que ceux-ci sont indiscutables dans la mesure où le baromètre - l'observatoire - est resté le même.

Dans ce contexte, messieurs les ministres, votre budget, en hausse de 3 %, ne peut que conforter l'action engagée. Au terme de son exécution, près de 68 % des objectifs fixés par la LOPSI auront été atteints. Voilà une réalité dont je veux vous remercier.

Le projet de budget pour 2005 est aussi celui de la mise en œuvre de la réforme des corps et des carrières. Il accroît considérablement les moyens humains et matériels des acteurs de la sécurité civile ; il garantit enfin un financement loyal - je veux y insister - de la décentralisation, dans le respect du principe constitutionnel de l'autonomie financière des collectivités.

Je veux à ce propos condamner la démagogie dont font preuve certains présidents d'exécutifs de régions ou de départements de gauche qui se préparent à alourdir leur fiscalité locale pour 2005 en tentant de faire croire aux Français que l'acte II de la décentralisation aurait conduit à transférer des compétences sans les avoir accompagnées des moyens correspondants. Chacun sait pourtant que vous vous êtes engagé, monsieur le ministre chargé des libertés locales, à transférer à l'euro près les moyens nécessaires à l'exercice de ces nouvelles compétences. Mais n'est-ce pas les mêmes qui avaient fait adopter, il y a de cela quatre ans, la loi dite « démocratie de proximité » ou le transfert des services départementaux d'incendie et de secours sans les moyens correspondants,...

M. Daniel Vaillant. C'était en 1996 !

M. .Christian Estrosi. ...ou encore celui de l'APA en ne prévoyant que 25 % des crédits nécessaires,...

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Francis Delattre. C'est du socialisme appliqué !

M. Christian Estrosi.... et qui ont laissé à la charge des collectivités locales la totalité des surcoûts liés au passage aux 35 heures à compter du 1er janvier 2002 ?

M. Guy Geoffroy. Scandaleux !

M. Christian Estrosi. Pour faire face à cette augmentation des charges de fonctionnement des exécutifs régionaux et départementaux, certaines collectivités - en tout cas celles qui, dans la dépense publique, privilégient le fonctionnement par rapport à l'investissement - ont alourdi leur fiscalité. Mais il s'agit surtout d'honorer certaines promesses électorales dans des domaines qui ne relèvent en rien des compétences des départements et aux régions !

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Christian Estrosi. C'est de la démagogie pure et simple. Du reste, nous aurons tous les éléments de comparaison au moment des votes des budgets primitifs : on s'apercevra que la plupart des exécutifs présidés par des responsables politiques de droite n'auront pas augmenté leur fiscalité locale et que les exécutifs de gauche n'auront pas hésité aggraver la leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. C'est vrai !

M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire !

M. Christian Estrosi. Votre budget, monsieur le ministre de l'intérieur, est indéniablement un budget d'action qui s'inscrit dans la droite ligne des deux précédents. Rompre avec le fatalisme, agir avec fermeté, obtenir des résultats probants : voilà ce qui a fondé l'acte I de la bataille contre l'insécurité.

Nous n'avons pas à rougir d'avoir rendu l'espoir à celles et ceux qui ne croyaient plus en la capacité de l'État à faire respecter les lois de la République. Nous n'avons pas à rougir d'avoir redonné confiance à l'ensemble de nos forces de l'ordre auxquelles je veux rendre un hommage appuyé.

M. Guy Geoffroy. Mérité !

M. Christophe Caresche. Et partagé !

M. Christian Estrosi. Nicolas Sarkozy et vous-même aujourd'hui avez su leur redonner la considération et la motivation qui leur avaient si longtemps fait défaut.

M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !

Mme Nadine Morano. Non, c'est vrai !

M. Christian Estrosi. Elles n'avaient plus droit à la moindre considération. Pire, on sentait même de la défiance à l'égard de nos policiers et de nos gendarmes. C'était cela, la réalité !

M. Daniel Vaillant. C'est faux !

M. Guy Geoffroy et M. Jean Roatta. C'est vrai !

M. Christian Estrosi. Nous leur avons redonné la considération et les moyens d'action nécessaires. Et il n'est pas étonnant que les résultats soient désormais au rendez-vous.

M. Daniel Vaillant. Tu parles !

M. Jean-Pierre Blazy. Grossière caricature !

M. Christian Estrosi. Nous n'avons pas à rougir d'avoir su briser la spirale infernale de l'augmentation de la délinquance.

Mais si nous avons remporté cette première grande bataille, monsieur le ministre,...

M. Christophe Caresche. Ils n'ont pas remporté la guerre !

M. Christian Estrosi. ...nous sommes loin d'avoir gagné la guerre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. C'est bien ce que j'attendais !

M. Christian Estrosi. Nous devons rester à cet égard humbles et modestes. Confirmer les résultats obtenus et s'adapter toujours davantage aux nouvelles formes de la criminalité, tel sera l'acte II de notre combat, de votre combat.

Certains estiment que la sécurité n'est plus la préoccupation majeure des Français.

M. Christian Decocq. C'est faux !

M. Christian Estrosi. Je vous le dis, mes chers collègues, comme je le ressens, moi qui, tout comme vous, rencontre chaque jour des Français parmi les plus modestes, les plus démunis, et par le fait les plus exposés. Nous savons que la sécurité reste la préoccupation majeure des Françaises et des Français. (« Bien sûr ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils ont retrouvé confiance dans l'action de l'État ; ils ont besoin de le voir poursuivre et amplifier ses efforts dans ce domaine. Nous savons, monsieur le ministre, que telle est bien votre détermination, et nous sommes là pour vous donner les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.

M. Christophe Caresche. Nous voilà rassurés !

M. Christian Estrosi. La sécurité demeure aux yeux de nos concitoyens une valeur fondamentale, un socle sans lequel ils ne peuvent envisager sereinement leur avenir ni bâtir leurs projets. Or, si nos compatriotes ont repris confiance, la violence n'en demeure pas moins une réalité qu'il nous faut continuer à traiter avec lucidité.

De toute évidence, certaines formes de délinquance s'adaptent et s'organisent pour contourner certaines dispositions législatives que nous avons votées. Souvenez-vous, mes chers collègues : nous avions affirmé ici même que la LOPSI n'était pas un cadre immuable. Nous savions pertinemment, lorsque nous l'avons votée, qu'il nous faudrait en permanence, tant au niveau du Parlement qu'à celui du Gouvernement, nous adapter aux nouvelles formes de criminalité, tout comme la criminalité organisée sait s'adapter, hélas ! aux nouvelles dispositions législatives que nous avons mises en place.

Ainsi, pour ce qui concerne le crime organisé, et malgré un bilan plus que positif, nous sommes en droit d'attendre davantage de résultats de la part des groupes d'intervention régionaux. Je pense notamment à certaines formes de criminalité et de trafic organisés tant sur notre sol que depuis l'étranger.

M. Jean-Pierre Blazy. Quel aveu !

M. Christian Estrosi. Il en va de même pour le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Je vous félicite, monsieur le ministre, de vous voir accorder dans ce budget autant d'importance au recrutement de nouveaux fonctionnaires pour la police scientifique et technique. Nous fondons les plus grands espoirs dans l'accroissement du nombre de noms enregistrés dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Police et gendarmerie disposeront ainsi d'un moyen moderne pour lutter efficacement contre la criminalité. Mais en nous rendant l'année dernière à Londres dans le cadre d'une délégation, nous nous sommes aperçus que le fichier britannique des empreintes génétiques contenait plus de trois millions de noms. Le nôtre en comptait à peine trois mille ! Nous devons impérativement atteindre les cinq à six cent mille noms dans les deux ans qui viennent. Je sais que c'est votre objectif...

M. Jean-Pierre Blazy. Irréalisable !

M. Christian Estrosi. Grâce aux moyens affichés dans ce budget, nous devrions pouvoir rattraper une part importante de notre retard. Le FNAEG pourra ainsi devenir un formidable outil d'accroissement des taux d'élucidation des délits et des crimes, et particulièrement dans le domaine si sensible des crimes sexuels.

S'agissant de la lutte contre la cybercriminalité, nous avions, sur proposition des membres de la commission des lois, introduit deux amendements dans la loi sur la sécurité intérieure, qui permettaient notamment d'opérer des perquisitions « en ligne ». Je regrette que les opérateurs de télécommunications ne fassent pas preuve d'une plus grande coopération dans la mise en place des perquisitions sur les systèmes informatiques, ainsi que dans le traitement des données nominatives. Une action déterminée s'impose dans ce domaine.

Au-delà, si nous voulons contrer avec efficacité les nouvelles formes de délinquance, nous avons besoin d'actions de l'État plus transversales. Nous connaissons votre action, monsieur le ministre ; nous la savons forte, déterminée, ambitieuse. Mais nous avons besoin d'une meilleure transversalité, notamment avec le ministère de la justice ou celui de l'éducation nationale. Comment nos concitoyens peuvent-ils ne pas s'interroger quand le travail des forces de l'ordre pâtit d'un fonctionnement inégal de la justice ? Comment ne pas réagir en voyant des multirécidivistes, de grands criminels, de véritables barbares comme Fourniret ou Bodin qui ont enlevé, séquestré, torturé, violé, assassiné de pauvres petites natures, et qui, après avoir été interpellés à plusieurs reprises, sont relâchés et mis de nouveau en situation de nuire à la société ? Nous avons été plusieurs ici à déposer une proposition de loi visant à lutter plus efficacement contre la multirécidive et nous souhaiterions obtenir enfin gain de cause.

M. Christophe Caresche. Relisez l'excellent rapport Léonard !

M. Christian Estrosi. Un mot également sur l'application de certaines dispositions législatives votées à l'occasion de l'examen des lois sur la sécurité intérieure. Il est par exemple difficile d'accepter qu'il n'y ait eu, depuis le début de l'année, que 266 applications, c'est-à-dire 266 procédures judiciaires engagées avec suite pénale, de l'infraction relative aux réunions dans les halls d'immeubles ?

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui ! Quel aveu d'impuissance !

M. Christophe Caresche. Cela ne marche pas !

M. Christian Estrosi. Nous ne devons fermer les yeux sur aucune forme de violence. Oui, la violence scolaire a augmenté, et nous avons le devoir de trouver rapidement des solutions avec le ministère de l'éducation nationale. Car les représentants de l'État, mais aussi les parents, que nous sommes ne peuvent admettre que l'école, autrefois lieu de tolérance et de transmission des savoirs, se soit en quelques années transformée en un lieu de trafics et de violences.

Peut-être le temps est-il venu d'aller plus loin dans la lutte contre les violences scolaires ? Je pense notamment à l'affectation de policiers, sans armes et en civil, ou encore à l'élaboration de conventions entre les collectivités locales qui le souhaitent et l'État pour installer des dispositifs d'alarme et de télésurveillance dans les établissements scolaires les plus sensibles.

Nous devons aussi être vigilants et réagir devant la criminalité barbare importée des anciens satellites de la défunte Union soviétique. Le détournement du droit d'asile, pourtant considérablement limité grâce à la réforme de l'OFPRA, permet à des individus affranchis de toute règle de vie en société, et pour lesquels la vie humaine compte peu, de sévir dans nos villes.

M. Nicolas Perruchot. C'est vrai !

M. Christian Estrosi. Il faut avoir le courage d'affirmer des évidences, de reconnaître certaines vérités : une étude publiée par l'institut des hautes études de la sécurité intérieure - IHESI - montre qu'un pourcentage très élevé de la délinquance est imputable à des Français originaires de l'étranger et à des étrangers présents sur notre sol.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, malgré un certain nombre de bons résultats, nous ne pouvons pas relâcher notre vigilance. Les Français nous ont fait confiance pour enrayer la hausse de la criminalité, ils nous demandent d'aller encore plus loin : nous savons, monsieur le ministre, que vous ne les décevrez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon intervention à la sécurité intérieure, renonçant, faute de temps, à évoquer les autres sujets, en particulier les collectivités locales, sur lesquelles il y aurait pourtant beaucoup à dire.

Le budget du ministère de l'intérieur est l'un des rares budgets en hausse pour la troisième année consécutive ; avec un montant de 13, 498 milliards d'euros, il est en progression de 3,2 % par rapport à 2004. Ce qui représente, hors collectivités et élections, un budget de 10, 657 milliards d'euros, en augmentation de 4,4 % par rapport à celui de 2004.

On pourrait s'en féliciter si cette hausse était générale et également répartie entre l'ensemble des ministères, mais tel n'est malheureusement pas le cas. Trop de ministères voient leur budget diminuer, comme l'équipement et les transports, avec une perte de 4 % en euros constants ; la jeunesse, le sport et la vie associative, avec une perte de 4,1 % ; l'environnement et le développement durable, avec une perte de 3,6 %. D'autres ministères voient leur budget augmenter, mais cette augmentation ne permet pas de combler les pertes antérieures - je pense au ministère de la recherche qui n'a pas récupéré les quelque 500 millions d'euros de pertes dues aux gels et annulations de crédits. Je ne parle même pas de l'éducation nationale présenté comme un ministère dont le budget augmenterait de 2,6 % alors que celui-ci, en valeur réelle et en euros constants, baisse de 3 % !

J'ai fait ces rappels car le budget de votre ministère ne peut s'apprécier qu'au regard du sort que le Gouvernement réserve aux autres ministères. Une fois encore, confirmant les choix de société du Gouvernement, les ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur sortent gagnants. Le désengagement de l'État dans des domaines aussi essentiels que l'économie et le social génère une insécurité sociale touchant de plus en plus de monde. Et je ne pense pas que les personnes laissées pour compte se sentiront plus en sécurité parce qu'il y aura plus de policiers dans les rues.

Le Gouvernement démontre qu'il choisit de faire vivre l'ensemble des citoyens dans un climat d'injustice et d'insécurité sociale, en abandonnant toutes les politiques de solidarité.

Il fait le choix d'une politique sécuritaire et il semble bien que ce choix soit motivé par l'ambition de devenir le meilleur élève de l'Europe au regard de ce que nous devons considérer comme des injonctions dictées par le traité établissant une constitution pour l'Union européenne. Il suffit d'étudier attentivement les compétences sur lesquelles porte le principe de subsidiarité, principe déjà introduit dans le traité de Maastricht précisant que ne relèveraient de la compétence exclusive de l'Union que les actions qui seraient gérées plus efficacement à son niveau qu'à celui des États. Parmi elles, on trouve entre autres, l'espace liberté et sécurité, auquel est adjointe la justice. Cette compétence pourrait devenir exclusive après un vote unanime du Conseil. On ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit pour le Gouvernement, comme cela est du reste précisé dans la note de présentation du budget de l'intérieur, de répondre à la montée en charge de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, mais aussi d'aller au-delà des attentes de l'Union européenne.

Allouer 54 % du budget du ministère de l'intérieur à la sécurité intérieure afin que la Police nationale poursuive la mise en œuvre de la loi de programmation sur la sécurité intérieure - LOPSI - pourrait être un bien si cela se traduisait par une amélioration des relations entre les citoyens et la police, et un partage équilibré entre prévention, dissuasion et élucidation. Certains ont voulu croire à l'efficacité de la prime au mérite dont le montant va être doublé pour atteindre 10 millions d'euros. Pourtant, cette décision ne fait toujours pas, loin de là, l'unanimité au sein des syndicats de policiers. Pour ce qui concerne la sécurité publique, seuls 2 % des fonctionnaires ont reçu cette prime ! Soulignons au passage, qu'au départ, elle était prévue pour 10 % des policiers les plus méritants. Ne croyez pas qu'en insistant sur ces pourcentages, je justifie ce procédé. Je pense au contraire que la culture du résultat est contestable. C'est la porte ouverte aux excès de zèle et à ceux qui cherchent avant tout à faire du chiffre ! Il serait plus sage d'utiliser ces 10 millions d'euros pour promouvoir la formation des policiers, plutôt que de la culture de la performance à tout prix.

Certes, une partie de l'augmentation du budget permettra la création de 1 000 postes, dont 500 policiers actifs et 500 de personnels administratifs, scientifiques et techniques et 47 pour la sécurité civile, mais je ne peux passer sous silence le fait que pour l'ensemble des ministères, la baisse du nombre de fonctionnaires sera amplifiée en 2005 avec plus de 10 000 départs à la retraite non remplacés ! Il est d'ailleurs incompréhensible qu'aucun programme ne soit établi pour anticiper les nombreux départs à la retraite auxquels la fonction publique va devoir faire face.

Il serait souhaitable que la création de ces 1 000 postes permette d'améliorer le service aux usagers. Le rapport concernant l'évolution de la délinquance paru en septembre 2004 montre que celle-ci a diminué de 3,81 % par rapport à la même période en 2003. Ces résultats sont certes encourageants, mais que recouvrent-ils exactement ?

Certains délits, souvent les plus traumatisants pour la population, sont en augmentation, notamment les vols avec violence. En outre, de plus en plus de victimes renoncent à porter plainte en raison de la lourdeur administrative, mais aussi par peur des représailles. Il faut donc relativiser ces chiffres et l'autosatisfaction affichée par le Gouvernement.

Je souhaite insister sur la question des effectifs, leur formation et leur juste répartition sur le territoire. Quelle que soit sa situation personnelle, quel que soit le lieu où l'on habite, tout le monde a droit à la sécurité. Il appartient aussi à police nationale comme à tous les services publics d'être les garants des valeurs républicaines et de la démocratie.

Comme maire de la ville de Saint-Denis, je constate que la police de proximité tend à disparaître. Ainsi, depuis la signature du contrat local de sécurité, fin 1999, et malgré les assurances de renforts de police données à une délégation reçue au ministère de l'intérieur, il y a quelques semaines, les effectifs ne sont toujours pas revenus à leur niveau de l'année 2000. Je précise que ce qui est vrai pour le commissariat de Saint-Denis l'est aussi pour d'autres, ce n'est pas une situation unique. Or il faut tenir compte, non seulement du nombre d'habitants, mais aussi du caractère spécifique de chaque ville. On dénombre 88 000 habitants à Saint-Denis, mais plus de 200 000 personnes y viennent chaque jour : 60 000 salariés, 30 000 étudiants, des milliers de chalands et des centaines de touristes. Il serait, dès lors, important de rééquilibrer les forces de police de proximité pour mener à bien les missions concernant la prévention et le travail de dissuasion.

M. Jean-Pierre Blazy. Très juste !

M. Patrick Braouezec. Par ailleurs, il a été confirmé qu'un nouveau commissariat serait construit à la Plaine-Saint-Denis. Les travaux doivent commencer à la fin de cette année, l'ouverture étant prévue début 2006. Ce commissariat devrait permettre de mieux répondre aux besoins de sécurité publique avec l'arrivée d'une centaine d'agents.

J'ai proposé que le recrutement commence dès 2005, afin de renforcer le plus vite possible le commissariat existant et les deux bureaux de police. Puis-je avoir la confirmation que cette proposition sera suivie d'effet ? Je pose cette question évidemment parce que la ville de Saint-Denis est concernée, mais aussi parce qu'il me semble important que ce dispositif transitoire soit appliqué à l'ensemble des nouveaux commissariats.

En conclusion, ce budget ne peut nous satisfaire, car il manifeste ouvertement son orientation libérale et sécuritaire, principalement axée sur la répression. Rien n'est dit sur la formation, la prévention ou les effectifs. Rien non plus sur les relations entre sécurité intérieure et citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, une discussion budgétaire est toujours l'occasion d'un bilan et d'une projection sur l'avenir.

S'agissant du bilan, la priorité accordée à la sécurité, affichée dès l'entrée en fonction en 2002 de ce Gouvernement, commence à porter ses fruits. La courbe de la délinquance s'est inversée depuis deux ans et est passée sous la barre des quatre millions de faits constatés cette année. Depuis 2003, nous notons une baisse de 3,7 % ; les chiffres de 2004 le confirment, voire l'amplifient. Cette évolution, et c'est une nouveauté intéressante pour les Français qui ne vivent pas dans les zones de police, se constate aussi dans les zones de gendarmerie.

Les taux d'élucidation sont en progrès constant ; cela semble être en grande partie le résultat de la LOPSI qui a mis l'accent sur la recherche au détriment de la police de proximité, qui n'a pas fait la preuve de son efficacité.

En revanche, les violences aux personnes augmentent de 6,9 %. Il semble que la politique de sensibilisation sur les violences conjugales soit la cause principale de ce chiffre, mais nous aimerions en avoir confirmation.

Je tiens à pondérer l'enthousiasme d'un de nos collègues qui affirmait que nous avions réglé tous les problèmes. Nous en sommes loin ! Ainsi, il faudrait que nous corrigions l'orientation qui avait été retenue dans la loi sur la sécurité intérieure concernant les squats des halls d'immeuble. La jurisprudence a invalidé notre vote. Les policiers ne peuvent plus agir contre les squats de halls d'immeubles ; or ces squats contribuent puissamment au sentiment d'insécurité. Peut-être faudrait-il qu'ils relèvent de la contravention, plutôt que d'être considérés comme des délits, dès lors que c'est désormais inopérant.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous l'avions prévu !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour ce qui est du bilan, l'évolution est donc plutôt positive depuis deux ans.

La projection pour 2005 nous permet de constater que la LOPSI est globalement respectée, qu'il s'agisse du recrutement de personnels ou des efforts d'équipement.

Pour la gendarmerie, les recrutements atteignent 3 100 gendarmes sur les 7 000 prévus. Et au nom du groupe UDF, monsieur le ministre, je souhaite vous remercier pour cette accélération appréciable et nécessaire, après le léger retard pris sur le plan de marche de la LOPSI.

Je note que 1 782 gendarmes opérant dans les zones de police ont pu réintégrer les zones de gendarmerie. Mais j'aimerais savoir combien de policiers travaillant dans les zones de gendarmerie ont réintégré leurs zones de compétence ? Cela permettrait de mieux comprendre l'équilibre des transferts.

Pour la police, la LOPSI prévoyait 6 500 recrutements, dont 4 500 emplois actifs. Cette année, avec la création de plus de 500 emplois actifs, nous atteindrons un total de 2 150 recrutements sur trois ans. Reste donc à créer 2 350 emplois pour les deux prochaines années, ce qui n'est pas un faible enjeu, étant donné les capacités de formation des écoles de police.

S'agissant des personnels administratifs, le respect des engagements est indéniable : avec 500 nouveaux postes, nous parvenons à 1 750 emplois sur les 2 000 prévus. Il est vrai qu'il s'agit de rattraper un retard car la proportion d'actifs est particulièrement faible en France en ce domaine.

Pour ce qui concerne les équipements, l'effort immobilier s'accélère, notamment grâce aux nouvelles procédures mises en place. M. Braouezec a souligné à juste titre la nécessité de voir les gendarmeries et les commissariats offrir des conditions de vie sûres et dignes à nos fonctionnaires.

Nous accordons une mention spéciale au développement du système ACROPOL, qui, même s'il connaît des difficultés, a contribué faire évoluer les communications sur le terrain. Il n'est sans doute pas pour rien dans l'amélioration des capacités d'intervention et dans la progression du taux d'élucidation, en particulier pour les cas de flagrants délits.

Nous déplorons toutefois la faiblesse persistante du parc automobile et la longueur des délais pour les transferts au secteur privé. Aujourd'hui, ce sont les fonctionnaires qui doivent entretenir les véhicules de police et il est nécessaire d'accélérer les choses. À Paris et en Ile-de-France, par exemple, les véhicules sont trop longtemps immobilisés avant d'être réparés.

J'en viens maintenant à quelques questions et suggestions, monsieur le ministre.

Dans son rapport, M. Le Fur indique que 881 postes auraient été supprimés pour les grades de lieutenant à commissaire et seulement 663 créés, pour les grades de gardien de la paix à brigadier major. Certes, je comprends que les gardiens de la paix deviennent sous-officiers, c'est une nécessité alors que l'encadrement fait trop souvent défaut, notamment dans des régions comme l'Ile-de-France qui accueillent beaucoup de jeunes policiers, tout juste sortis de leur école. Mais je comprends moins qu'une telle déflation vienne frapper les effectifs pour les grades de lieutenant à commissaire. Une accélération aussi rapide des suppressions, même si elles sont sans doute nécessaires, a de quoi surprendre.

Vous avez annoncé en commission, monsieur le ministre, que des effectifs de référence seraient pour la première fois assignés aux commissariats, ce qui permettra enfin de connaître combien de policiers nous avons et combien il en manque. Toutefois, parmi les critères retenus pour les déterminer, il faudrait intégrer le lieu de commission de l'infraction. En effet, la possibilité donnée aux victimes de déposer plainte dans un commissariat différent de celui du lieu où l'infraction a été commise pourrait fausser les statistiques de la délinquance.

Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à la situation des tribunaux et plus particulièrement à celle du tribunal de Bobigny, où vous vous êtes rendu. Depuis des années, sont affectés à sa surveillance des effectifs de policiers formés à la surveillance de la voie publique que les délinquants sont habitués à voir tous les jours et qu'ils sont peu enclins à respecter. Dans le même temps, des forces mobiles sont envoyées pour la surveillance de la voie publique, où elles ne peuvent donner toute la mesure de leur efficacité, sauf pour certaines situations de tensions. Les débats de la LOPSI ont souligné qu'elles seraient susceptibles d'être mieux employées. Ne pourrait-on pas expérimenter une nouvelle affectation des effectifs où les forces mobiles assureraient la surveillance des audiences du palais de justice et les policiers retourneraient dans les commissariats ?

Nous disposerons d'effectifs de référence et c'est tant mieux. Encore faut-il qu'ils puissent valoir pour toute l'année. Or vous le savez, le ministère de l'intérieur éprouve de grandes difficultés à gérer les mouvements. Les mutations dénudent nos commissariats près de six mois de l'année dans mon département. Il suffit d'examiner la courbe de la délinquance, qui monte en milieu et en fin d'année, pour en voir l'effet. Réfléchissons ensemble pour faire en sorte que les mouvements soient limités à deux par an et que pas un policier ne puisse quitter un commissariat sans être immédiatement remplacé.

M. Jean-Pierre Blazy. Excellent !

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. S'agissant de la fidélisation, la prime a été une bonne chose, notamment en Ile-de-France, pour retenir les jeunes policiers sortis des écoles. Mais nous devrions travailler davantage sur le logement, je l'ai déjà dit à votre prédécesseur. Certes, les crédits destinés à ce secteur augmentent mais il faudrait mieux les employer. Je suis persuadé que l'on pourrait initier un partenariat entre collectivités locales et ministère de l'intérieur pour faciliter la création de petites unités d'habitation.

M. Christian Estrosi. C'est fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Habitations spécialement réservées aux policiers mais implantées de manière diffuse, car ils ne parviendraient pas forcément à vivre dans les grandes cités aux côtés de certains délinquants. Tout cela faciliterait leur maintien sur place.

L'appréciation du groupe UDF sur ce budget est positive : une augmentation des crédits de 3,9 %, les engagements de la LOPSI respectés à hauteur de 68 %. Ah, si seulement le ministère de la justice suivait, aurais-je envie de dire ! (Sourires.) Car nous savons bien que la plus grande difficulté aujourd'hui, c'est que police et justice ne progressent pas au même rythme et l'impact sur la population délinquante s'en ressent. Pour l'heure, monsieur le ministre, nous vous soutenons dans votre effort et nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, force est de constater que le budget de la police nationale que vous nous proposez pour 2005 est un budget qui marque le pas. Les chiffres le montrent. Si les années précédentes ce budget progressait de 5,5 %, cette année, les crédits de paiement stagnent, puisqu'ils n'augmentent que de 1,95 % de LFI à LFI pour une inflation estimée à 1,7 %. Je l'avais déjà indiqué lors de votre audition en commission et vous m'aviez répondu que la progression réelle du budget de la police nationale était de 2,4 %. Or notre collègue Gérard Léonard, à la page 45 de son rapport, confirme qu'il ne s'agit que de 1,95 %. C'est d'autant plus préoccupant que les annulations de crédits, qui se montent à 85 millions d'euros en 2004, incitent à la plus grande circonspection.

Le budget 2005 est en fait plus dominé par la réalisation de la réforme des corps et carrières que par l'exécution conforme de la LOPSI. À cet égard, prétendre utiliser les mesures liées à la réalisation d'une réforme déjà ancienne - la LOPS de 1995 mise en œuvre par la gauche plurielle - pour honorer la bonne exécution de la LOPSI relève d'un tour de passe-passe qui ne trompera que les plus naïfs.

Dès lors, deux hypothèses sont envisageables : soit M. le ministre de l'économie et des finances n'a pas daigné vous donner les moyens dont il avait pu bénéficier lorsqu'il était à votre place ; soit vous considérez vous-même qu'il doit y avoir une réorientation de la politique de ce ministère. N'avez-vous pas précisé que le bilan de votre prédécesseur n'était qu'un « tremplin » lorsque vous annonciez en juin dernier vos six chantiers ? Le sixième chantier marquait même une rupture avec votre prédécesseur puisque vous avez exprimé clairement votre refus de la discrimination positive. Vous avez d'ailleurs décidé de remettre en chantier le projet de loi sur la prévention, devenu un projet « Arlésienne ». Ainsi, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure lors des questions au Gouvernement, les ministres de l'intérieur se suivent mais ne ressemblent pas.

Le bilan de la mise en œuvre de la LOPSI est beaucoup plus contrasté que vous ne voulez bien l'affirmer. Ce qui compte, c'est de savoir si la capacité opérationnelle de la police nationale s'est améliorée depuis deux ans. La gauche avait fait un effort important en 2002.

M. Francis Delattre. C'était trop tard !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis. On a vu les résultats !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sont les emplois qu'elle a alors créés qui ont été pourvus ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Une grande partie des effectifs que vous avez créés attendent encore d'entrer dans une école de police, souvent pendant plus d'an. Quand les élèves qui sortent actuellement des écoles de police ont-ils réussi le concours ? Combien sont-ils ces lauréats qui doivent attendre de pouvoir intégrer les écoles de police ? Pendant qu'ils patientent chez eux, nous autres élus attendons les policiers dont nous avons besoin. N'est-ce pas paradoxal ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Christian Estrosi. Et les 35 heures, et les départs à la retraite anticipée, qui les a décidés ?

M. le président. Mes chers collègues, n'interrompez pas M. Blazy.

M. Guy Geoffroy. Mais il énonce des contrevérités qui ne peuvent pas rester sans réponses !

M. Jean-Pierre Blazy. Il y a de toute évidence un décalage entre le discours et la réalité, nous le constatons chaque jour sur le terrain.

Les crédits de formation ne sont pas à la hauteur. Aucun ajustement des crédits des écoles de police n'est prévu, et ce pour la troisième année consécutive. Cette situation risque donc de durer encore longtemps.

Vous ne pourrez pas toujours reprocher à la gauche les conséquences de la RTT dans la police. La droite est responsable de 800 départs à la retraite anticipée de plus que la normale, du fait de la mauvaise réforme des retraites de 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Estrosi. Qui a fixé les règles ?

M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. Blazy.

M. Christian Estrosi. On ne peut pas écouter ses propos sans rien dire. Il refuse d'assumer ses responsabilités !

M. Jean-Pierre Blazy. De plus, vous êtes responsable de la diminution de près de 3 000 du nombre des ADS, stabilisés à 11 300 aujourd'hui alors qu'ils étaient plus de 14 000 à la fin de l'année 2001. Dès 2003, la diminution des effectifs s'est fait sentir dans certains départements sensibles, là où, grâce à la police de proximité,...

M. Christian Estrosi. Police de politesse !

M. Francis Delattre. Police au rabais !

M. Jean-Pierre Blazy. ...ils avaient augmenté. Un article du Figaro d'août 2004 confirme d'ailleurs largement cette analyse.

M. Michel Piron. Quelle érudition !

M. Jean-Pierre Blazy. S'agissant de la fidélisation des policiers dans la région parisienne, force est de constater que la « noria des départs » de l'Ile-de-France vers la province, selon l'heureuse expression de notre rapporteur Gérard Léonard, se poursuit à un rythme de plus en plus accéléré. La gauche avait pourtant revalorisé le régime indemnitaire spécifique à cette région. Il est vrai que les départs massifs à la retraite créent un véritable appel d'air vers la province.

M. Christian Estrosi. Qu'avez-vous contre la province ? Expliquez-vous ! Pour vous, il existerait deux Frances !

M. Nicolas Perruchot. La province a besoin de policiers !

M. Jean-Pierre Blazy. Les nécessaires mesures prévues par le protocole sur la réforme des corps et carrières seront-elles suffisantes sur ce point délicat de la fidélisation ?

Le budget des moyens de fonctionnement n'est pas non plus, à l'évidence, meilleur que le précédent. On relève par exemple la poursuite de la baisse des crédits pour les enquêtes et surveillances, ainsi que ceux des services spécialisés de la police judiciaire.

S'agissant de l'équipement, le budget que vous proposez n'est pas à la hauteur. La faible augmentation des autorisations de programme ne saurait masquer le retard pris dans l'exécution des chantiers annoncés, à commencer par la construction des commissariats, et je ne suis pas le premier à en parler. Seule l'accélération de la mise en place du réseau ACROPOL permet de tenir les engagements pris, malgré un coup d'arrêt en 2003 et 2004.

Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, revenir sur les résultats de la lutte contre la délinquance pour sortir des faux-semblants statistiques dont on nous abreuve depuis plus de deux ans.

Les bons résultats apparents de votre prédécesseur ne sauraient masquer les réalités complexes de la délinquance. M. Sarkozy a toujours employé des valeurs relatives et rarement des valeurs absolues. Ses chiffres ont surtout traduit la hausse de l'activité des forces de sécurité, que nous saluons. L'efficacité dont il s'est prévalu ne doit pas occulter que, depuis près de deux décennies, la délinquance reste à des niveaux élevés qu'une publication mensuelle médiatisée ne saurait cacher.

M. Christian Vanneste. Deux décennies ? C'était en 1981 ! C'est un aveu !

M. Jean-Pierre Blazy. Nicolas Sarkozy, avec un peu plus de 3,9 millions de faits constatés en 2003, n'a pas fait mieux que la gauche en 2000 où on en totalisait 3,771 millions. La vérité, n'en déplaise à M. Estrosi, c'est que nous campons encore sur le pic des 4 millions atteints en 2001-2002. En 2003, la violence sur les personnes a augmenté de 7,3 % et de 7 % encore au premier semestre 2004. La violence scolaire est repartie à la hausse. Mais de cela, nos collègues de l'UMP n'en ont pas encore parlé.

M. Nicolas Perruchot. Et les faits élucidés ?

M. Jean-Pierre Blazy. Votre prédécesseur avait promis des statistiques fiables et indiscutables, mais nous attendons toujours les premiers chiffres de l'Observatoire de la délinquance.

L'état 4001 avec ses 107 rubriques multiplie les possibilités de qualification différente d'un même fait. Une pratique d'habillage des chiffres semble s'être solidement installée avec le classement policier des faits à la charnière entre la contravention et le délit. Selon le rapport du sénateur Aymeri de Montesquieu, qui cite l'IHESI, 10 % des faits seraient mal classés. Si ce chiffre était exact, pour 2003 le chiffre total des crimes et délits passerait alors à 4,372 millions de faits constatés.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. C'était la même chose avant !

M. Jean-Pierre Blazy. M. Sarkozy s'est targué de la diffusion d'une culture du résultat. Certes, il faut des résultats, mais la culture du résultat justifie-t-elle la manipulation des chiffres ?

M. Bernard Carayon. Vous l'avez pratiquée pendant vingt ans !

M. Guy Geoffroy. Vous êtes des experts en manipulation !

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne manipule pas, j'analyse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Vous en donnez la preuve !

M. Bernard Carayon. Les Français ont fait la différence !

M. le président. Monsieur Carayon, n'interrompez pas M. Blazy !

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, je ne peux pas laisser M. Blazy dire de telles choses !

M. le président. Même si vous n'êtes pas d'accord avec l'orateur, monsieur Carayon, vous devez l'écouter !

M. Jean-Pierre Blazy. La prime au mérite risque en effet de briser aussi l'esprit d'équipe.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est surtout le discours syndical !

M. Jean-Pierre Blazy. Elle a parfois pu conduire à de sérieuses dérives dans le maniement policier des statistiques, de l'aveu même des syndicats de policiers.

Il faut également observer la multiplication des défaillances policières, soulignée à la fois par un récent rapport de l'IGPN, par l'augmentation des saisines disciplinaires internes et par celle du nombre des saisines de la commission de déontologie de la sécurité, que nous saisissons, nous.

Deux réalités ne sont plus à démontrer, monsieur le ministre : d'une part, la permanence de la criminalité structurée autour de l'économie souterraine que les GIR devenus aujourd'hui plus discrets devaient éradiquer ; d'autre part, la permanence d'une géographie de la délinquance à laquelle n'a pas répondu le redéploiement police-gendarmerie. De toute évidence, celui-ci n'a rien réglé, sûrement pas en tout cas l'inégale répartition des effectifs de police et de gendarmerie sur le terrain, ce que montre clairement le récent article du Figaro du mois d'août que j'ai déjà cité et que je demande à mes collègues du groupe UMP de lire.

Monsieur le ministre, vos propositions budgétaires pour 2005 sont en retrait par rapport aux deux premières années de la LOPSI, vous ne pouvez le dissimuler. En outre, vous êtes handicapé par les déficiences de l'exécution budgétaire de votre prédécesseur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Même M. Vaillant est parti pour ne pas entendre vos élucubrations !

M. le président. Laissez M. Blazy terminer son propos !

M. Jean-Pierre Blazy. Mais c'est la réalité ! 85 millions de crédits ont été annulés.

Les discours et les coups médiatiques de votre prédécesseur n'ont pas toujours été suivis par des actes inscrits dans la réalité.

Enfin, la présentation très imprécise de la préfiguration des projets annuels de performance augure mal de la lisibilité du budget 2006 et de la qualité de l'outil de contrôle politique que constitue le budget pour le Parlement.

Dans ces conditions, on peut légitimement s'interroger sur la sincérité de ce budget. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne pourra le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Lamy. Tout ça pour ça ?

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud.

M. Alain Marsaud. Monsieur le ministre, c'est une occasion rare de pouvoir aborder solennellement, en qualité de député, l'action du ministre qui a en charge une bonne part du présent, mais aussi de l'avenir des générations dans notre pays, et c'est notamment à travers la marque de votre budget que vous démontrerez l'étendue de vos engagements et leur importance.

Nous suivons avec intérêt les chantiers que vous avez engagés et dont certains se font avec l'appui de parlementaires.

Permettez-moi d'en évoquer brièvement deux, qui méritent une attention toute particulière puisqu'ils interviennent après vingt ou trente ans d'échecs de grandes politiques publiques, qui se sont parfois déclarées volontaristes, mais qui, en réalité, n'ont fait que subir les évolutions de la mondialisation et tout simplement de la globalisation de notre société.

Le premier chantier, c'est celui de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Notre collègue Jean-Luc Warsmann a eu l'occasion de faire des propositions auxquelles vous avez, semble-t-il, globalement souscrit. J'ai déjà eu l'occasion de relever l'absence d'un pan important au traitement du problème des stupéfiants dans notre pays - mais ce n'était pas la mission dont M. Warsmann était saisi - à savoir le problème de l'usage pour lequel aucune solution n'est proposée, y compris à court terme.

Comme je vous l'ai déjà dit, monsieur le ministre, s'il y a trafic de stupéfiants, c'est parce qu'il existe une demande et qu'en face se met en place automatiquement une offre mondiale. Quoi que l'on fasse, et quelle que puisse être la répression des trafics sous toutes leurs formes, tant au niveau de la culture des produits que de la transformation des substances et de leurs transports, il y aura toujours quelqu'un dans ce vaste monde pour proposer des produits stupéfiants à ceux qui les recherchent. Ce n'est qu'une question de prix et tout simplement d'adaptation de l'offre abondante à la demande elle-même de plus en plus abondante. On se rend compte que se met en place aujourd'hui un équilibre entre l'offre et la demande puisque, finalement, les prix des produits stupéfiants varient relativement peu.

Souvenez-vous, monsieur le ministre, de Traffic, ce très beau film de Steven Soderbergh, où le jeune procureur fédéral américain en charge de la lutte contre les stupéfiants se rend compte que cela ne se passe pas seulement à Medelin ou à Cali, mais dans sa propre salle de bain où sa fille se drogue.

Le problème des stupéfiants n'est pas limité à la Colombie ou au triangle d'or, il existe aussi chez nous, dans nos collèges, nos associations, nos clubs, nos familles. Qui peut dire ici qu'il est à l'abri d'un tel drame à la fois personnel et familial ?

Il est sans doute temps de réagir même si la solution n'est pas évidente. Permettez-moi de vous narrer une expérience menée à Singapour au mois de juillet dernier. Nous y avons rencontré des policiers qui avaient purement dissous leur brigade antistupéfiants car il n'y a plus là-bas de trafic de stupéfiants. Il faut dire que l'on est condamné à la peine de mort si l'on se fait prendre avec 300 grammes de haschisch. Mais cela se passe à Singapour. Ici, les choses sont forcément différentes.

Monsieur le ministre, votre chantier a révélé qu'il était urgent d'engager une importante réforme législative sur le blanchiment des sommes issues du trafic de stupéfiants.

Autre grand chantier, celui de l'immigration. J'ai cru comprendre que, comme nombre de membres de notre assemblée, vous prôniez une immigration choisie plutôt que subie. Là encore, c'est vrai, on s'est plus préoccupé des conséquences du phénomène que de ses causes. Une dizaine de législations différentes depuis vingt ans ont mis l'accent tantôt sur l'accueil, tantôt sur l'éloignement. Nous avons soufflé le chaud et le froid, de telle manière qu'aujourd'hui nul ne s'y retrouve dans l'enchevêtrement des dispositions.

Un an après le vote de la loi du 26 novembre 2003, certains décrets d'application parmi les plus importants n'ont toujours pas été publiés.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !

M. Alain Marsaud. Je pense notamment aux règles concernant les attestations d'accueil délivrées par les maires ainsi que celles relatives au regroupement familial.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Alain Marsaud. Les élus ne savent plus comment agir, non plus que vos propres administrations décentralisées puisque les services des étrangers, dans l'attente de ces publications, décident bien souvent de ne rien faire. Le résultat est sans surprise : face à un flot d'arrivées nouvelles et continues, l'administration reste sans réponse. Et nous assistons finalement à une quasi-renonciation collective mettant en danger tout simplement la cohésion sociale, et ce y compris en province.

Il est sans doute temps, comme vous l'avez proposé, de mettre en œuvre cette politique volontariste décidée et choisie. C'est tout simplement l'un des éléments forts de la souveraineté nationale.

Cela étant, la France a besoin de s'enrichir de talents extérieurs. Elle a donc besoin d'immigration. Elle doit pouvoir accueillir, comme vous l'avez dit, les étudiants, les salariés les plus motivés ou ceux qui souhaitent se former et qui correspondent aux besoins spécifiques de notre économie. Cela vaut également pour les chercheurs.

Je vous invite d'ailleurs, monsieur le ministre, toute chose étant égale par ailleurs, à observer l'exemple chinois. Ce pays a décidé d'octroyer des visas de dix ans à des « éléments moteurs de l'immigration et du développement en Chine », et ce dans le domaine de la technique, du commerce, du high-tech, de l'enseignement mais aussi de la culture. Il s'agit de convaincre et d'inciter à travailler à l'enrichissement d'une nation, la Chine. Cette immigration pour la Chine permet de recruter des personnes aux grandes qualités intellectuelles et d'apporter un savoir-faire bénéfique pour leur pays.

Bien sûr, il faut éviter de procéder à un véritable pillage intellectuel des pays d'immigration, les appauvrissant ainsi un peu plus. Avec un certain nombre de mes collègues parlementaires, nous aurons l'occasion de vous faire des propositions en ce sens.

Monsieur le ministre, j'aurais souhaité vous entretenir aussi de l'islam radical et rampant d'aujourd'hui, susceptible de structurer les réseaux terroristes de demain. Hélas, je n'en ai pas le temps.

Il nous importe de vous donner les moyens financiers de vos chantiers. Il vous importe de faire les bons choix mais surtout de nous montrer votre détermination à agir.

En 2004, nous souffrons sans doute d'un trop plein de réflexion. Peut-être le temps de l'action est-il venu aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon le ministère de l'intérieur, les statistiques de la délinquance à la fin septembre confirment la tendance favorable enregistrée depuis deux ans. Ainsi, sur les neuf premiers mois de l'année, le nombre de crimes et délits, par exemple, aurait diminué de près de 4 % par rapport à la même période de l'année 2003. C'est donc un encouragement à la poursuite de la politique qui avait été initiée par Nicolas Sarkozy, à la fois sur le plan budgétaire et sur celui de l'action.

Je ne reviendrai pas ici sur le détail des crédits qui sont en hausse pour 2005. J'insisterai en revanche sur le budget de la police nationale, qui représente, pour 2005, 5,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,96 %.

On doit légitimement s'interroger sur la répartition de ce budget entre les différentes missions du service public de la sécurité. Mais force est de constater les bons résultats en matière de lutte contre l'insécurité, et ce depuis plusieurs mois, n'en déplaise à M. Jean-Pierre Blazy qui a essayé de démontrer le contraire, ce qui n'a pas été facile.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne vous ai pas convaincu ? Je ferai mieux la prochaine fois !

M. Nicolas Perruchot. On fait dire plein de choses aux chiffres. Le constat que font les habitants de nos villes ou de nos campagnes est intéressant.

M. Paul Giacobbi. Ce n'est pas mieux qu'avant !

M. Nicolas Perruchot. À titre d'exemple, mes chers collègues, la police obtient cette année à Blois, ville dont je suis le maire, des résultats encourageants : entre le 1er janvier et le 2 novembre 2004, on constate une diminution de 37 % de la délinquance en centre ville, de 7 % de la délinquance sur la voie publique,...

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est aussi grâce au maire ! (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. ...et une augmentation de 50 % des cas élucidés - il ne faut pas l'oublier parce que c'est une statistique importante - ainsi qu'une nette diminution du nombre de voitures brûlées. Aucun chiffre n'étant disponible avant 2001, la comparaison dans le temps est difficile et je ne peux que citer les chiffres depuis que je suis maire.

Ces résultats s'expliquent en grande partie par l'augmentation des effectifs de policiers sur le terrain, qu'ils soient nationaux ou municipaux. Je voudrais souligner, monsieur le ministre, combien les efforts accomplis par le ministère, avec ses policiers nationaux, et par les élus locaux ont été équilibrés. En ce qui nous concerne, nous avons aussi fait beaucoup d'efforts pour renforcer les effectifs de policiers municipaux. Ce dont on parle peu et qui mérite également d'être souligné, c'est l'importance de la complémentarité entre la police nationale et la police municipale. La circulaire du 26 mai 2003 récapitule l'ensemble des compétences des polices municipales, notamment en matière de police judiciaire, et précise les moyens juridiques dont elles disposent. Elle prévoit également un renforcement de la coopération avec la police et la gendarmerie nationales. Ainsi, les conventions de coordination doivent définir les modalités de remise aux forces de sécurité de l'État des délinquants appréhendés en flagrant délit par les polices municipales et rechercher des solutions pragmatiques, adaptées au contexte local, au diagnostic de sécurité et aux moyens des différentes structures.

La question des effectifs a été rendue d'autant plus sensible qu'il nous a fallu mettre en œuvre l'aménagement et la réduction du temps de travail des policiers, alors que la population nous réclamait à cor et à cri d'augmenter les policiers sur le terrain, en particulier à des heures où la délinquance augmente, c'est-à-dire principalement la nuit.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Nicolas Perruchot. Dès lors, comment comptez-vous, monsieur le ministre, consolider les résultats obtenus en matière de sécurité urbaine, sachant qu'il faut accroître la pression de la police nationale, notamment dans les zones sensibles et en particulier la nuit ?

Je souhaite également attirer l'attention du Gouvernement sur la fidélisation des policiers affectés dans les quartiers sensibles, question évoquée par mon collègue Lagarde. La modulation de la prime de logement engagée par le Gouvernement me paraît insuffisante. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de prendre d'autres mesures ?

Les groupements d'intervention régionaux ont pour mission de lutter contre l'économie souterraine et ses conséquences. Ils interviennent dans chaque département à l'initiative conjointe du préfet et du procureur de la République. Je souhaiterais que les maires aient davantage leur mot à dire, monsieur le ministre, et nous comptons sur le Gouvernement pour se faire leur avocat. Dans les petits départements, il semble que l'implication du GIR dans la lutte contre le blanchiment d'argent soit souvent moindre que dans d'autres zones. Quel bilan pouvez-vous dresser de l'action des GIR depuis leur création ? Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, les déséquilibres constatés ?

Un mot rapide sur la prévention de la délinquance. Nous sommes plusieurs à avoir commencé avec votre prédécesseur un travail important sur ce thème. Un texte était en préparation, nous avions procédé à des auditions et imaginé des dispositifs prometteurs. Je souhaiterais donc savoir où nous en sommes, monsieur le ministre, car nous souhaiterions continuer à avancer sur un sujet qui nous tient à coeur.

Je conclus en rappelant le caractère global de la lutte conter l'insécurité. L'augmentation des effectifs et des moyens de police est déterminante, mais je suis convaincu que la lutte contre l'insécurité, notamment dans les quartiers sensibles, ne peut être efficace que si elle est intégrée dans un dispositif global.

M. Guy Geoffroy. C'est vrai !

M. Nicolas Perruchot. Indispensable au volet répressif, une vigoureuse politique de prévention des délits doit être encouragée. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui ont pour mission de définir une politique de prévention à laquelle soient associés tous les partenaires - élus, policiers, magistrats, mais aussi enseignants, responsables associatifs, bailleurs sociaux - ont toute leur pertinence. Pourtant, il manque encore une véritable coordination des forces de sécurité intérieure et des services de la justice. Pour y parvenir, le budget du ministère de la justice doit être en adéquation avec celui de l'intérieur car le renforcement de l'efficacité du service public de la sécurité est indissociable du recours à la justice. La sécurité des Français est à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, plus encore que l'année dernière, il sera difficile aux collectivités territoriales d'équilibrer leur budget pour 2005 sans recourir dans des proportions plus ou moins fortes à l'impôt local. En effet, la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI et création du RMA et les lois du 13 août 2004, relatives à la modernisation de la sécurité civile et aux libertés et responsabilités locales, vont durablement bouleverser la structure des budgets locaux et, par voie de conséquence, les politiques locales elles-mêmes.

M. Guy Geoffroy. C'est une contrevérité !

M. Bernard Derosier. Un peu de patience, je vais démontrer que ce n'en est pas une !

M. Guy Geoffroy. Impossible, ce n'est pas vrai !

M. Bernard Derosier. M. Geoffroy se croit à l'école avec ses élèves.

M. Francis Delattre. Ses mauvais élèves ! (Sourires.)

M. Bernard Derosier. L'incertitude financière dans laquelle la majorité gouvernementale a plongé les élus locaux risque fort de se répercuter sur la fiscalité locale. Loin d'être rassurant, le volet « sécurité civile et collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2005 révèle les incohérences d'une politique plus soucieuse d'affichage et de transfert de charges que d'une décentralisation dotée de réels moyens.

La hausse de 2,87 % de l'ensemble des concours de l'État aux collectivités territoriales, annoncée dans le projet de loi de finances, me paraît, si elle est avérée, bien insuffisante au regard des charges nettes que l'État s'apprête à leur transférer effectivement. Encore ce constat ne tient-il pas compte du désengagement progressif de l'État de dispositifs aussi importants que les contrats de plan Etat-région.

Aucune information fiable n'est disponible à ce jour, aucun décret d'application n'a été pris, si ce n'est, dimanche dernier, celui fixant la composition et le fonctionnement de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Au passage, je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale n'a pas été consulté bien qu'il compte huit représentants des sapeurs-pompiers professionnels. Cet oubli traduit un non-respect des procédures.

Dans le flou qui domine, seule une perspective se dessine nettement : les contribuables locaux seront les premiers à payer la modernisation de la sécurité civile et les pots cassés du prétendu acte II de la décentralisation. Je le répète, à moins de deux mois de l'ouverture de l'exercice budgétaire 2005, nous ne sommes pas en mesure de déterminer exactement ce à quoi pourront prétendre les collectivités territoriales en contrepartie des transferts de compétences.

Le nombre des personnels qui seront transférés aux collectivités est impossible à apprécier correctement. On s'accorde pour estimer qu'environ 130 000 agents de l'État, relevant pour l'essentiel de l'éducation nationale ou du ministère de l'équipement, seront concernés. Mais ces chiffres sont approximatifs. En ce qui concerne les personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, affectés dans les collèges et les lycées, le ministère de l'éducation nationale évalue leur nombre à 97 472 en métropole et à 3 116 dans les départements et régions d'outre-mer, représentant 93 400 équivalents temps plein. Or, si l'on se fonde sur les chiffres du rapport de M. Daubresse, quand il était rapporteur du projet de loi sur les responsabilités locales, on aboutit, en comptant les contractuels et le personnel administratif affectés à la gestion des TOS, à environ 96 600 équivalents temps plein, monsieur Geoffroy, soit une différence de 3 200 équivalents temps plein. Qui croire lorsque les sources officielles se contredisent et que les rectorats se refusent à transmettre des chiffres précis ? Quant aux agents chargés de l'entretien des routes nationales susceptibles d'être transférées aux départements, les chiffres qui m'ont été adressés, en tant que rapporteur pour avis du budget de la fonction publique, font état de 30 000 agents, quand M. Daubresse parlait, dans son rapport, de 35 000 agents. La différence est d'importance : elle correspond à environ cinquante agents par département ; encore cette moyenne sera-t-elle fortement corrigée en fonction de la population des départements.

Pire, il est désormais admis juridiquement - puisque le Conseil Constitutionnel a retenu cet argument pour se prononcer sur la loi relative aux responsabilités locales - qu'il existe des écarts importants « entre les besoins de personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées et les effectifs réels de ces personnels ».

L'incapacité à chiffrer le nombre réel des personnels en fonction des besoins laisse augurer de nouvelles charges pour les collectivités territoriales. À ce propos, je m'étonne que ce soit dans la presse que M. Copé ait annoncé que les sommes transférées au titre des nouvelles compétences atteindraient 9,5 milliards d'euros par an, au lieu de 11 milliards prévus initialement. Les calculs ne sont pourtant pas encore faits, aucune appréciation contradictoire n'ayant encore eu lieu ! Le décret qui précisera la composition de la future commission consultative sur l'évaluation des charges n'a pas encore été pris, pas plus que celui qui doit déterminer les conditions d'application de la compensation du transfert des routes nationales aux départements. Et je ne crois pas que les élus locaux aient été consultés à ce sujet. Plus généralement, le décret précisant le calcul de la compensation du transfert des charges d'investissement n'a pas non plus été pris.

Par ailleurs, la loi de modernisation de la sécurité civile a clairement désigné le département comme principal fînanceur des services départementaux d'incendie et de secours, sans pour autant prévoir de contreparties aux nouvelles obligations qu'elle leur assigne. Ainsi, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques devra désormais être élaboré en cohérence avec de nouveaux dispositifs de prévision et de planification, ce qui induira nécessairement une inflation des coûts. La création de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, dont le financement sera pourtant assuré par une cotisation des services départementaux d'incendie et de secours - qui financent déjà le Centre national de formation de la fonction publique territoriale - équivalent à 2 % de leur masse salariale, n'a fait l'objet d'aucune compensation. De même, le financement du congé pour difficultés opérationnelles - vous voyez, la liste est longue, monsieur Geoffroy - revient aux services départementaux d'incendie et de secours, qui devront prendre à leur charge 75 % de la rémunération des pompiers bénéficiant de ce congé, et le recrutement, la gestion et la rémunération de leurs remplaçants.

M. Guy Geoffroy. Tout sera compensé.

M. Bernard Derosier. Enfin, la dotation du Fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours s'élèvera cette année à 65 millions d'euros pour 95 SDIS. Rapportée à tous les services départementaux, cette prévision témoigne d'un mépris certain pour les collectivités locales et elle devrait être contestée vigoureusement par l'ensemble des sapeurs-pompiers. Pour information, le service départemental d'incendie et de secours de mon département, le Nord, dépensera à lui seul 132 millions d'euros pour reconstruire vingt et un centres d'intervention et de secours et en réhabiliter cinquante autres. Cette réalité est d'autant plus critiquable qu'il revient aux préfets de zone de défense de choisir les investissements financés par ce fonds.

Le projet de loi de finances propose de compenser provisoirement les transferts en question par l'attribution d'une part fixe de la fiscalité nationale, une dotation en quelque sorte. Or, il est d'ores et déjà évident que cette mesure sera insuffisante. La taxe spéciale sur les conventions d'assurance sera attribuée aux départements, pour 0,91 % de son produit. Cette fraction non modulable devra couvrir à la fois les compétences transférées aux départements par la loi relative aux responsabilités locales, à hauteur de 126,26 millions d'euros, et une partie du financement des services départementaux d'incendie et de secours, cette dernière part de 900 millions d'euros devant se substituer à un versement de la dotation globale de fonctionnement qui s'élevait à 880 millions d'euros.

M. Guy Geoffroy. Soit 20 millions de plus, monsieur Derosier !

M. Bernard Derosier. Le différentiel de 20 millions d'euros tiendra lieu de participation de l'État au financement par les départements de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires prévue à l'article 83 de la loi de modernisation de la sécurité civile. On sait pourtant que ce mécanisme de retraite complémentaire coûtera 60 millions d'euros par an, ce qui signifie que les services départementaux d'incendie et de secours, donc les départements, assumeront seuls les 40 millions d'euros restants sans compensation. Contrairement à ce que vous avez déclaré le 13 octobre dernier, monsieur le ministre, devant la commission des finances, le financement de ce dispositif est loin d'être équitable.

J'ajoute que cette prétendue compensation par la taxe sur les conventions d'assurance est d'autant plus incertaine que, dès 2006, sera abandonnée la départementalisation des plaques minéralogiques. La clé de répartition de la dotation sera rendue quasiment caduque puisqu'il ne sera plus possible de localiser un véhicule. Quand j'ai évoqué ce problème au cours du débat sur la loi du 13 août, le Gouvernement et le président de la commission des lois ont trouvé cet argument fantaisiste sans me dire pour autant comment il faudrait s'y prendre. En saurons-nous davantage aujourd'hui ?

L'article 33 du projet de loi de finances prévoit également le transfert aux régions d'une fraction de la TIPP, de l'ordre de 397,780 millions d'euros. Cependant, ce transfert ne prévoit aucune modularité immédiate de la TIPP. Or les limites d'un tel mode de financement apparaissent déjà et sont même reconnues par le Gouvernement, puisque M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire a admis devant notre assemblée, le 22 octobre dernier, que le produit de la TIPP serait en baisse pour l'année 2004, en raison notamment du recul de la consommation.

Comment une région répondra-t-elle à une montée des prix du carburant telle que nous la connaissons aujourd'hui ? Devra-t-elle faire réduire le montant de la TIPP et accepter de voir fondre ses recettes ? Pourra-t-elle procéder à des dégrèvements en faveur de certaines catégories de consommateurs, au risque de violer le principe d'égalité devant l'impôt ? Le choix d'asseoir les compensations sur une seule ressource fiscale est assurément dangereux et la situation actuelle souligne, plus que jamais, la nécessité d'une véritable rénovation de la fiscalité locale.

En ce qui concerne le RMI, il est désormais clair que les recettes de la TIPP couvriront d'autant moins les dépenses réelles nettes des organismes payeurs que le nombre d'allocataires a connu une augmentation sans précédent, de l'ordre de 10,5 %, entre juin 2003 et juin 2004 ! Les départements doivent donc faire l'avance de trésorerie à l'État, en attendant que ce dernier veuille bien leur rembourser le montant intégral de ce qui aura été versé en plus. À ce jour, cette avance se monte à plus de 200 millions d'euros sur l'ensemble du pays - 201,9 millions selon l'Assemblée des départements de France. À titre de comparaison, la dotation générale de décentralisation s'élève à près de 700 millions d'euros.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais souhaité pouvoir encore développer quelques autres arguments. Mais le temps me presse et j'en viens directement à ma conclusion.

M. Guy Geoffroy. Il était temps !

M. Bernard Derosier. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître vos intentions relatives aux avances que les départements auront sollicitées auprès des caisses d'allocations familiales : l'État en remboursera-t-il les intérêts ?

Parce que le projet de loi de finances ne respecte pas le principe, inscrit dans la Constitution, de l'exacte compensation financière des compétences transférées - ce que j'ai pu démontrer au travers de quelques exemples -, et parce qu'il néglige l'importance de la péréquation entre les collectivités, comme la nécessité de préserver dans les budgets une part déterminante de fiscalité propre, je ne peux qu'inviter mes collègues à rejeter les crédits du budget de la sécurité civile et des collectivités territoriales. C'est ce que feront, en tout cas, les députés socialistes.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, avec l'accord des orateurs inscrits, notamment de M. René Dosière, je vais donner successivement la parole à M. Bernard Carayon et à M. Rudy Salles, après quoi nous lèverons la séance.

La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Monsieur le président, monsieur le ministre, ce débat fournit l'occasion d'évaluer et de mettre en perspective les actions conduites par votre département ministériel.

Depuis le début de l'année, celui-ci s'est engagé dans une nouvelle politique publique interministérielle, l'intelligence économique, dont j'ai défini, dans un rapport remis au Premier ministre, il y a maintenant plus d'un an, les contours, le contenu et la finalité.

Cinq, puis sept expérimentations régionales ont été engagées sous l'autorité des préfets de région, avec le concours de la société nationale ADIT. Vous souhaitez généraliser, m'avez-vous dit, monsieur le ministre, ces expérimentations à l'ensemble du territoire national. Je m'en réjouis d'autant plus que votre volonté est en parfaite cohérence avec les initiatives prises par vos collègues : durcissement des dispositifs juridiques destinés à prémunir nos industries stratégiques de prises de participation étrangères non désirées, création d'une délégation générale au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, mobilisation des ambassadeurs, réflexion consacrée aux dépendances technologiques de nos industries de défense, renforcement de la sécurité des réseaux publics de communication, ou encore élaboration par le service du Haut responsable à l'intelligence économique d'un tronc commun d'enseignement et de formation.

Ces efforts sont louables, même s'ils sont tragiquement tardifs. La cécité de l'État face à la construction des dispositifs publics et des investissements privés étrangers, notamment dans les technologies de l'information et de la communication, est absolument incompréhensible.

L'incapacité de l'État, jusqu'à présent, à identifier le périmètre stratégique de l'économie nationale et à définir une stratégie globale de sécurité, de compétitivité et d'influence adaptée aux marchés stratégiques - marchés de puissance, d'influence et de souveraineté - est en quelque sorte abracadabrantesque !

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle référence !

M. Bernard Carayon. Aussi permettez-moi, monsieur le ministre, de souligner combien votre ministère peut contribuer à une politique publique nouvelle, génératrice d'emplois, d'émancipation technologique et d'influence politique.

Premier point : la méthode. L'action des préfets de région doit être assise sur une base normative et administrative. Sans celle-ci, pas d'initiative, pas de courage, pas d'émulation, pas d'action, pas de résultat, pas d'évaluation ! Avec le concours des exécutifs régionaux, il appartient aux préfets de région d'identifier les entreprises ressortant du périmètre stratégique de l'économie française ainsi que les entreprises régionales présentant un intérêt spécifique - notamment au regard de critères liés à l'emploi, à la technologie ou à la situation géographique régionale. Les services déconcentrés de l'État, confortés par les expertises de leurs partenaires naturels, publics et privés, disposent de tous les outils nécessaires à cette évaluation, qui doit rester souple et actualisable.

Deuxième point : vous avez récemment déclaré que notre pays devait doter nos services de renseignements des meilleurs outils technologiques. J'ai souligné dans un rapport adopté par la commission des finances la pertinence de votre observation. Parmi les différentes technologies au service de la sécurité - la biométrie, les technologies de sécurité des réseaux ou les interceptions -, les technologies d'analyse de l'information sont arrivées chez nous à maturité industrielle. Mais l'effort national, financier ou industriel, est dispersé, freinant la standardisation et l'interopérabilité entre les services, d'autant plus que chaque administration - j'insiste - conserve jalousement son pré carré d'évaluation et de décision. Dans tous les domaines - textmining, datamining, géo-intelligence -,...

M. Bernard Derosier. En français, s'il vous plaît !

M. Bernard Carayon. ...la taille critique fait défaut.

À l'inverse, l'effort américain s'est concentré et intensifié, aboutissant à un changement de paradigme technico-opérationnel.

Deux sociétés de taille moyenne dominent le marché : une américaine, Verity, et une anglo-américaine, Autonomy, dont le système vient d'être retenu par la DGSE. Ce choix m'a surpris en tant que parlementaire, d'autant plus que l'arrivée sur ce marché d'IBM et de Microsoft risque de renforcer un peu plus la dépendance technologique de nos services.

Or notre retard peut être comblé, je vous l'assure, au prix d'une impulsion politique majeure et d'une mutualisation des expertises comme des investissements publics et privés ! Une telle procédure, sans créer pour autant une structure supplémentaire, pourrait ressembler à ce que j'ai appelé un CEA des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale. Très bien !

M. Bernard Carayon. L'enjeu est considérable pour l'État, pour la protection des infrastructures critiques, pour la compétitivité de nos entreprises et pour la protection de l'intimité de la vie privée. Il est, de plus, à notre portée. À cet égard, s'agissant des technologies d'analyse de 1' information, il est urgent de conduire, derrière un leader choisi pour sa masse critique, une stratégie industrielle fédérant nos pépites technologiques. Il est également urgent de construire une véritable doctrine de sécurité nationale à vocation duale, publique et privée, destinée à répondre aux menaces issues du terrorisme, de la guerre économique et de la cybercriminalité - trois domaines dans lesquels votre ministère entend jouer un rôle majeur.

Dans un contexte d'infodominance, c'est un devoir pour l'État d'assurer son autonomie d'action et de protéger la nation. Une telle politique passe par des commandes publiques, par l'élaboration de réseaux de confiance et par la création de fonds d'investissement spécialisés. La sécurité des systèmes d'information constitue de surcroît un champ de coopération pour les pays de l'Union européenne. Il est indispensable de placer des experts nationaux au sein de l'ENISA, l'agence européenne créée au début de cette année, de développer des standards et des investissements communs et d'éviter ainsi, à l'avenir, que des sociétés européennes comme ACOM soient rachetées par des Américains comme INTEL, juste après avoir mis au point un processeur au standard Risc Strongarm grâce à des financements européens.

La formation constitue le troisième volet de l'action territoriale. Former les entreprises et les services de l'État aux vulnérabilités nouvelles, à l'identification de nos réseaux de soutien à l'étranger ou, inversement, aux acteurs nouveaux d'influence dans les organisations internationales, où s'élaborent dorénavant normes juridiques et règles professionnelles, ainsi qu'aux outils de criblage de l'information stratégique, voilà autant de pistes à emprunter, monsieur le ministre.

Je serais heureux que mon département du Tarn, notamment le bassin industriel de Castres-Mazamet, soit le théâtre d'une expérimentation technologique de haut niveau, destinée notamment à nos industries pharmaceutique et textile. Ce bassin industriel, retenu par le Premier ministre pour un « contrat de site » est en mesure, grâce à ses ressources scientifiques et technologiques, de s'inscrire dans une nouvelle politique publique.

Les acteurs locaux, et des acteurs nationaux de premier plan, privés, publics ou parapublics, y sont prêts. Nous attendons ce soir, monsieur le ministre, votre soutien qui ne peut être qu'enthousiaste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois ans, le Gouvernement s'est engagé à rétablir l'ordre républicain.

M. Paul Giacobbi. Vaste programme !

M. Rudy Salles. Aussi les grandes orientations données au budget du ministère de l'intérieur pour l'année 2005 ont-elles appelé toute mon attention.

Dans le projet de loi de finances, vous avez tenu, monsieur le ministre, à engager la troisième tranche de la LOPSI. En dépit d'un contexte budgétaire restreint, vous tentez de tenir les promesses qui vous lient aux Français. J'apprécie une telle persévérance et j'approuve l'affectation des 9 millions d'euros destinés à la création de 1 000 emplois, dont 490 - presque la moitié - seront occupés par des gardiens de la paix. Parallèlement aux dépenses en personnel, des moyens pour le fonctionnement des services de police sont dégagés. Par ailleurs, la réforme des corps et carrières est un gage d'efficacité. Après avoir insufflé un nouvel esprit dans la police nationale, il devenait nécessaire d'établir une relation directe entre rémunération et responsabilités endossées.

Plus généralement, je me réjouis d'une telle continuité. Les effets bénéfiques des politiques initiées depuis 2002 se sont fait rapidement sentir. En 2003, le taux de la criminalité et de la délinquance en France a diminué de 3,38 %. Le taux d'élucidation sur l'ensemble du territoire est maintenant supérieur à 25 %. Désormais, un fait sur quatre est élucidé.

Ces améliorations se retrouvent dans la plupart de nos régions et de nos départements. Ainsi, en Provence-Alpes Côte-d'Azur, on observe une diminution de 4 % de la criminalité et dans mon département des Alpes-Maritimes, la baisse est estimée à 3,45 %. De tels succès suscitent beaucoup d'espoir chez nos concitoyens. Néanmoins, ils demeurent fragiles.

Restaurer l'autorité de l'État est un objectif ambitieux qui exige des moyens. Si 68 % des crédits de la LOPSI sont ouverts, le budget de la police nationale n'augmente finalement que de 2 %, alors que pour 2004, la hausse était de 5 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Je l'ai souligné tout à l'heure !

M. Rudy Salles. Face aux bouleversements démographiques qui s'annoncent, nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'urgence d'un redéploiement des policiers. Les Français sont inégalement protégés. Il est indispensable que la répartition se fasse en fonction de la géographie de la criminalité et des besoins spécifiques des quartiers difficiles. Cette mesure, déjà partiellement entrée en vigueur, touchera quelque 1, 756 million de nos concitoyens et se traduira, en 2005, par la fermeture de sept commissariats. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis, les moyens dégagés ne suffiront pas à couvrir les besoins des personnes nouvellement protégées.

Confronté à tous ces doutes, je m'interroge sur le sort de la ville de Nice et de l'agglomération niçoise, dans laquelle je vis. Comment les effectifs policiers y seront-ils concrètement affectés ? Certes, d'après les chiffres de votre ministère, nous disposons d'un fonctionnaire de police pour 376 habitants, chiffre légèrement supérieur à la moyenne française et aux circonscriptions de même importance.

M. Jean-Pierre Blazy. Très supérieur même !

M. Rudy Salles. En revanche, l'évolution de notre population et la spécificité de notre cité ne sont pas prises en compte. Cinquième ville de France, elle appartient à ce grand Sud-Est qui attire non seulement un nombre croissant de Français et de touristes, mais également de congrès et de manifestations internationales sensibles. Pourtant, nos effectifs de police ne suivent pas ces variations. En 1950, Nice comptait 240 000 habitants et bénéficiait de 1 100 policiers, qui travaillaient quarante-cinq heures hebdomadaires ; en 2004, la ville compte 400 000 habitants pour 919 policiers, dont le nombre d'heures travaillées a naturellement baissé. Le nombre de fonctionnaires de police par habitant est donc aujourd'hui bien moindre qu'il y a cinquante ans.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est le maire de Nice qui parle !

M. Rudy Salles. Entre-temps la délinquance a considérablement augmenté et s'est diversifiée. Des zones urbaines sensibles ont émergé, dans cette ville comme dans beaucoup d'autres.

Or, le projet de loi de finances pour 2005 ne donne aucune garantie quant au respect de la spécificité locale dans le traitement de la délinquance. Si des progrès ont été accomplis, le sentiment d'insécurité persiste. Malgré une baisse de la délinquance de 6 %, la ville de Nice est loin d'être une cité tranquille. Au mois de mai dernier, le cœur historique de la ville a été le théâtre d'affrontements entre bandes rivales et certains délits continuent de progresser : ceux qui sont associés aux stupéfiants ont augmenté de 5 % et les vols avec violence, de 7 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Nice n'est pas la seule ville à être dans ce cas !

M. Rudy Salles. Je me demande, à cet égard, s'il ne serait pas opportun d'envisager une évaluation de la LOPSI pour déterminer quels sont les points qui ont moins bien réussi. Je pense en particulier aux problèmes rencontrés dans la lutte contre la prostitution : au-delà du dispositif, il semble que les moyens ne permettent pas d'atteindre les résultats escomptés.

M. Jean-Pierre Blazy. Tiens !

M. Rudy Salles. Par ailleurs, le taux d'élucidation des délits est particulièrement bas à Nice : 19 % seulement, alors que la plupart des grandes agglomérations françaises obtiennent des chiffres beaucoup plus satisfaisants.

Par manque de lisibilité, le projet de redéploiement est souvent mal compris et source d'angoisse. Les personnes qui sont régulièrement victimes d'actes d'incivilités s'inquiètent de voir un service de proximité quitter leur quartier sans qu'on leur donne d'explications. Dans certains quartiers de Nice, la peur ressurgit de voir le désordre s'installer à nouveau. Si nous ne disposons pas de réelles informations, comment leur expliquer que votre projet ne se soldera pas par un abandon de l'État et par des suppressions de postes ? Concrètement, le maintien et le renforcement d'un certain nombre de commissariats seront-ils assurés ? Le maintien et le renforcement d'effectifs de proximité de jour comme de nuit ainsi que les week-ends seront-ils assurés ? Le maintien d'une présence sur le terrain autour de bureaux de police décentralisés dans les autres quartiers sera-t-il assuré ?

M. Jean-Pierre Blazy. Bonnes questions !

M. Rudy Salles. C'est pour rassurer la population, mais aussi les élus, que je vous demande des garanties sur l'application de vos orientations budgétaires au niveau local. Créer mille emplois est un projet valable et intéressant. Mais nous devons savoir où ces emplois seront affectés.

L'année dernière, j'avais proposé d'instituer des « zones d'affectation prioritaire » de policiers. Cette hypothèse mérite d'être étudiée par vos services. Des mesures incitatives devraient être prévues pour les fonctionnaires acceptant de travailler dans des zones difficiles. Si je me félicite des mesures d'aide au logement que vous avez prises en Île-de-France et dans les principaux centres urbains, j'espère que l'agglomération niçoise profitera enfin d'une politique pour laquelle vous avez dégagé 5 millions d'euros supplémentaires. En effet, les prix élevés des loyers et le classement de cette ville en zone 1 - alors que le classement en zone 0, que nous demandons depuis des années, permettrait de verser des indemnités de résidence plus adaptées -, découragent beaucoup de fonctionnaires. Ceux-ci sont bien souvent contraints de refuser leur mutation en raison des difficultés pour trouver un logement.

Enfin, les élus attendent avec impatience la parution des décrets d'application de la loi sur la maîtrise de l'immigration, car ce retard pose de nombreux problème sur le terrain, notamment pour ce qui concerne les certificats d'hébergement.

La sécurité est une préoccupation essentielle de nos concitoyens. L'espoir renaît peu à peu. Ne trahissons pas leur confiance. Assurons-nous que vos orientations, monsieur le ministre, auront une traduction concrète dans leur quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Blazy. On sent le doute vous gagner.

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant que, en application de l'article 54 de la Constitution, M. le président de la République a saisi le Conseil constitutionnel le 29 octobre 2004 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé par la France le même jour.

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ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Intérieur (suite)

Sécurité intérieure, gendarmerie et administration générale et territoriale :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 26, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Sécurité intérieure :

Avis, n° 1868 tome 1, de M. Gérard Léonard, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Sécurité civile :

Avis, n° 1868 tome 2, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Collectivités territoriales :

Rapport spécial, n° 1863 annexe 27, de M. Marc Laffineur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Administration générale et collectivités locales :

Avis, n° 1868 tome 3, de M. Manuel Aeschlimann, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot