Version PDF

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 150

Réunion du mercredi 7 décembre 2005 à 10 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition, ouverte à la presse, de M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré particulièrement heureux d'accueillir M. P. Nikiforos Diamandouros à l'Assemblée nationale, indiquant que la Délégation pour l'Union européenne auditionnait ainsi pour la première fois le Médiateur européen, une institution encore trop méconnue du grand public. Cette rencontre doit permettre aux députés de mieux connaître son rôle et d'évoquer d'importants sujets relatifs au fonctionnement des institutions et de l'administration européennes.

Le Président Pierre Lequiller a alors plus précisément interrogé le médiateur européen sur trois thèmes :

- la transparence des travaux du Conseil des ministres de l'Union européenne, en évoquant le rapport qu'il avait récemment remis au Parlement européen, à la suite d'une plainte déposée par le député européen Elmar Brok et un représentant des jeunes de la CDU (Union démocratique chrétienne). Il a rappelé la position du Médiateur qui estime que le Conseil n'a donné aucune raison valable pour refuser de se réunir publiquement lorsqu'il intervient en sa qualité de co-législateur, s'agissant de textes qui font l'objet d'une codécision avec le Parlement européen. Or le Président Pierre Lequiller a rappelé que le traité constitutionnel prévoyait dans ce cas l'obligation pour le Conseil de siéger publiquement et qu'en l'absence de ratification du traité constitutionnel, une simple révision du règlement intérieur du Conseil suffirait. Il a également fait état de la contribution adoptée en octobre dernier par la COSAC de Londres. En réalité, l'obligation faite au Conseil de siéger en public permettrait de rompre avec l'hypocrisie selon laquelle nombre de ministres déclarent à l'extérieur des salles de réunion le contraire de ce qu'ils ont soutenu à huis clos ;

- l'administration bruxelloise est très souvent perçue par les citoyens comme une technocratie caractérisée par un déficit démocratique. Il a demandé au Médiateur européen s'il partageait cette analyse et s'il considérait que la perception qu'ont les citoyens de l'administration européenne était conforme à la réalité. Considérant que le Médiateur européen peut et doit jouer un rôle très important pour contribuer à rapprocher l'Europe des citoyens, le Président l'a plus globalement interrogé sur sa vision de l'Europe concrète ;

- s'agissant du respect de la diversité linguistique par les institutions de l'Union européenne, il a mentionné le passage de 11 à 21 langues consécutivement à l'élargissement de l'Union. Si, en théorie, tous les projets et actes législatifs et réglementaires européens doivent être disponibles dans chacune des langues officielles de l'Union, il a déploré que la réalité soit bien différente avec une prédominance forte de l'anglais. Le Président Pierre Lequiller a ainsi souhaité que le Médiateur européen s'exprime sur cette question qui revêt en France une importance politique particulière.

M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen, a déclaré que c'était un grand honneur et privilège pour lui d'être à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Il a remercié vivement le Président Pierre Lequiller de l'avoir invité à s'adresser à la Délégation pour lui faire part de quelques réflexions dans le cadre du 10ème anniversaire de l'institution du Médiateur européen.

Il a considéré le rôle de la Délégation et des 36 députés qui la composent d'une importance capitale pour rapprocher les citoyens des institutions européennes et pour les familiariser avec l'Union en général.

Le débat intense qui a animé la France durant la période précédant le référendum sur la Constitution européenne a montré combien les citoyens s'intéressent à la gouvernance de l'Europe. Les résultats négatifs du référendum en France et aux Pays-Bas ont ouvert la voie à une période de réflexion. Il semble essentiel que les citoyens soient mieux informés et se sentent davantage impliqués dans le processus décisionnel au niveau européen. Il est de notre devoir de relever ce défi et de leur démontrer que l'Union européenne leur appartient et a un impact positif sur leur vie quotidienne. Le Médiateur européen participe à cet objectif du fait du rôle qui lui a été conféré par le Traité de Maastricht qui a créé la notion de citoyenneté européenne et instauré le droit de se plaindre au Médiateur dans le but de rapprocher l'Union des citoyens.

Même si le Médiateur européen n'est arrivé que récemment sur la scène institutionnelle européenne, il peut s'appuyer sur une longue tradition d'institutions de médiation en Europe, dont la première a vu le jour en Suède, en 1809. La Finlande a suivi cet exemple en 1919, puis ce fut le tour du Danemark en 1955.

Au niveau mondial, l'institution du médiateur est désormais présente dans plus de 120 pays.

Parmi les six pays fondateurs de l'Union européenne, c'est la France qui a établi, la première, sa propre institution du Médiateur de la République en 1973. Depuis lors, l'expansion de l'institution du médiateur a été particulièrement impressionnante au sein de l'Union européenne. Au début des années 1990, lors des négociations concernant le Traité de Maastricht, l'institution du médiateur n'était présente, au niveau national, que dans une petite majorité des Etats membres; soit 7 sur 12. On trouve, à présent, un médiateur national dans 23 des 25 Etats membres et les quatre pays candidats (la Bulgarie, la Croatie, la Roumanie et la Turquie) ont soit déjà établi un médiateur soit annoncé leur intention de le faire.

L'institution du Médiateur européen est active depuis septembre 1995, d'abord sous la direction de son prédécesseur Monsieur Jacob Sôderman, ancien Médiateur national de la Finlande, et, depuis le 1er avril 2003, sous sa propre responsabilité.

Le rôle principal du Médiateur européen est d'enquêter sur des plaintes portant sur des cas de mauvaise administration de la part des institutions et organes de l'Union européenne comme, par exemple, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne.

Le Médiateur européen peut être saisi par tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège sur le territoire d'un Etat Membre.

Les plaintes de mauvaise administration peuvent avoir comme base les retards inutiles, la discrimination, l'abus de pouvoir, la négligence, ou le refus d'information.

Le Médiateur européen est en mesure d'aider environ 70 % des plaignants. Ceci malgré la limitation de son mandat aux institutions et organes de l'Union européenne, ce qui a pour conséquence que seuls 25 % des plaintes qui lui sont adressées sont susceptibles de donner lieu à une enquête par ses services. La majorité des autres plaintes sont dirigées contre des administrations des Etats membres, car les citoyens trouvent difficile de comprendre que, même si le droit communautaire est en jeu au niveau national ou régional, de telles plaintes sont du ressort des médiateurs nationaux et régionaux, et non de celui du Médiateur européen. C'est pour cette raison qu'il travaille en étroite collaboration avec les médiateurs aux niveaux national et régional, soit en leur transférant directement les plaintes, soit en conseillant aux plaignants de s'adresser à eux.

Il convient de noter que la législation française a été modifiée en 2000 (loi n° 2000-321 du 12 avril 2000) afin de permettre au Médiateur européen de transférer directement une plainte à son homologue français.

Le Médiateur européen n'est pas une instance supérieure aux institutions de même type au niveau national. Il ne constitue pas, par conséquent, une voie de recours pour des questions qui sont du ressort de tribunaux ou de médiateurs au niveau national. Toutefois, afin d'offrir le meilleur service possible aux citoyens européens, il entretient des liens de coopération très étroits avec tous les Médiateurs des Etats Membres, et travaille, dans ce cadre, en étroite collaboration avec le Médiateur de la République, Monsieur Jean-Paul Delevoye.

Afin d'illustrer concrètement son rôle, le Médiateur a mentionné des exemples de plaintes émanant notamment d'associations s'étant vu opposer des refus de subventionnement par la Commission européenne.

Parallèlement aux tribunaux dans les Etats membres et au niveau de l'Union, le Médiateur européen et ses homologues jouent un rôle essentiel dans la promotion et la protection des droits des citoyens européens. Il ne lui incombe pas uniquement de réagir aux plaintes qu'il reçoit - c'est-à-dire le rôle réactif du Médiateur européen -, mais a également un rôle « proactif », celui de promouvoir les droits des citoyens et de garantir que ces droits soient connus et protégés efficacement.

La possibilité qu'a le Médiateur d'ouvrir des enquêtes d'initiative participe à l'aspect proactif de sa fonction.

Le Code européen de Bonne Conduite Administrative (approuvé par le Parlement européen en septembre 2001) est un exemple d'enquête d'initiative qui, par la rédaction de règles simples, cristallise les droits des citoyens. Il offre, en même temps, à l'administration un document contenant des règles précises quant aux devoirs des fonctionnaires envers le public. Le Code a été publié à nouveau en 2005 et, à ce jour, déjà plus de 100 000 exemplaires de cette nouvelle édition ont été distribués.

Dans le cadre du rôle proactif du Médiateur, s'inscrit également sa participation en tant qu'Observateur dans la Convention qui a rédigé la Charte des Droits fondamentaux, et qui lui a permis d'exercer une influence significative sur la partie du texte concernant la Citoyenneté.

Le Médiateur a proposé à la Convention que la Charte comprenne parmi les droits fondamentaux, en plus des droits dits « classiques », le droit à une administration ouverte, responsable et au service des citoyens. Cette proposition était liée au concept que le citoyen a le droit de voir ses affaires traitées correctement, avec équité et rapidité.

Ce droit fondamental à une bonne administration est à présent inscrit dans l'article 41 de la Charte.

Garantir la bonne administration contribue à rendre plus tangibles et effectifs les droits contenus dans la Charte, y compris les droits économiques et sociaux.

Le Code européen de bonne conduite administrative explique aux citoyens ce que signifie ce droit à une bonne administration en pratique et ce qu'ils peuvent attendre, concrètement, de l'administration européenne.

Les tribunaux et les médiateurs ont des fonctions différentes quoique complémentaires. Ils ont en commun la défense et la promotion de l'Etat de droit et le fait qu'ils se situent à l'extérieur de l'appareil administratif public dont ils sont des mécanismes de contrôle indépendants.

La première distinction est que le domaine principal d'activité des tribunaux est d'appliquer la loi, alors que le domaine correspondant du Médiateur est la promotion de la bonne administration ou, dit inversement, le souci d'éviter la mauvaise administration.

En réalité, comme le démontre la jurisprudence de presque tous les pays dans lesquels l'Etat de droit et la démocratie prévalent, l'illégalité et la mauvaise administration se chevauchent. Le concept de mauvaise administration s'étend, cependant, au-delà des questions de légalité. Il englobe aussi l'idée que l'administration publique a la mission de servir le citoyen et que, dans leurs relations quotidiennes avec le public, les instances publiques doivent veiller à ce que les citoyens soient traités correctement et jouissent pleinement de leurs droits.

En d'autres termes, les principes de bonne administration requièrent plus de l'administration publique que simplement respecter la loi. Alors que l'illégalité implique nécessairement une mauvaise administration, le fait de constater un cas de mauvaise administration n'implique pas forcément qu'il y a eu illégalité.

La seconde distinction est que seule l'interprétation du droit par les tribunaux fait autorité et que seuls les tribunaux sont habilités à prendre des décisions ayant force exécutoire, et par conséquent d'imposer des sanctions. Les médiateurs, en revanche, quoique guidés par les décisions et la jurisprudence des tribunaux, ne peuvent que donner des conseils et des recommandations aux institutions de l'Etat qui relèvent de leurs compétences.

On pourrait dire du Médiateur européen qu'il a la mission d'une magistrature d'influence, ce qui implique et sous-entend une relation de travail étroite et privilégiée avec le Parlement européen. La relation institutionnelle entre le Médiateur européen et le Parlement européen est en effet essentielle à la fois pour soutenir l'indépendance du Médiateur et pour encourager l'administration à suivre ses recommandations.

Lorsque les institutions ne suivent pas ses recommandations, l'arme ultime du Médiateur européen est d'adresser un rapport spécial au Parlement européen.

Le Médiateur a, depuis sa création, développé des relations de travail étroites avec le Parlement européen et lui a adressé 12 rapports spéciaux.

M. P. Nikiforos Diamandouros a donné des précisions sur le dernier rapport spécial directement lié au rôle du Médiateur européen de promouvoir la qualité de la démocratie.

Ce rapport spécial fait suite à une plainte introduite par un député européen allemand ainsi que par le groupe des jeunes d'un parti politique allemand. La plainte était dirigée contre le Conseil de l'Union européenne et concernait le fait que ce dernier ne se réunit pas publiquement lorsqu'il agit dans sa capacité législative. A l'issue de son enquête, il a considéré que l'Article 1 (2) du Traité sur l'Union européenne prévoit le principe général que le Conseil ainsi que les autres institutions et organes de l'Union doivent prendre leurs décisions « dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture ». Il a également estimé que les actions passées du Conseil lui-même ont montré que des mesures pour augmenter la transparence de son activité législative devaient être prises, et pouvaient être prises, dans le cadre des dispositions existantes des Traités et du droit communautaire. Son enquête a donné l'occasion au Conseil de soumettre les raisons pour lesquelles il ne devrait pas modifier son Règlement en vue d'ouvrir au public les réunions en question, mais les raisons avancées n'ont pas été convaincantes.

Ayant soumis son rapport spécial au Parlement européen le 4 octobre, il espère que celui-ci réussira à persuader la présidence de l'Union de prendre l'initiative d'augmenter la transparence de l'activité législative du Conseil.

L'institution du Médiateur européen fête, cet automne, son dixième anniversaire, et bien des résultats ont été obtenus pour les citoyens européens durant cette dernière décennie. Les enquêtes et initiatives du Médiateur ont abouti à une administration européenne plus ouverte, plus responsable et davantage au service des citoyens. En promouvant plus de transparence, en garantissant le traitement équitable des parties contractantes et des bénéficiaires de subventions, en assurant l'égalité dans les procédures de recrutement, et en soulignant que les institutions et organes doivent motiver les décisions qu'elles rendent, le Médiateur a œuvré pour que les plaintes des citoyens soient traitées de manière « impartiale, équitable et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union européenne ». C'est ce que prévoit explicitement le « droit à une bonne administration », contenu dans l'article 41 de la Charte.

Depuis 1995, le Médiateur a traité plus de 20 000 plaintes et des dizaines de milliers de demandes d'information. Le premier Médiateur européen, Jacob Sôderman, a tout à fait raison de dire que le Médiateur est devenu « un acteur significatif et respecté sur la scène européenne ».

Pour marquer l'occasion du dixième anniversaire du Médiateur européen, il a rappelé l'organisation de plusieurs événements, à La Haye, à Bruxelles et, au siège du Médiateur européen à Strasbourg. Chaque événement a été ciblé pour un public clef pour l'institution - les médiateurs nationaux, les institutions, organes et agences de l'Union européenne, le monde académique, les partenaires nationaux, régionaux, départementaux et locaux en France, les journalistes couvrant les affaires européennes, les ONG, lobbyistes, représentants de la société civile, représentants des régions européennes et autres utilisateurs potentiels du Médiateur européen.

Les deux derniers événements - un séminaire avec des journalistes et un atelier public avec des utilisateurs potentiels du Médiateur - ont eu lieu hier après-midi à Bruxelles et ont fourni plusieurs pistes à étudier et développer pour encore mieux servir les citoyens pendant la prochaine décennie du Médiateur européen.

Le dixième anniversaire a aussi été commémoré par la publication d'un ouvrage retraçant la genèse du Médiateur et le chemin parcouru depuis sa création. Cet ouvrage, fruit d'un atelier organisé à Strasbourg en juin 2004 avec les mères et pères fondateurs de l'institution, a été publié en anglais au mois de septembre. La version française paraîtra au printemps 2006 et chaque membre de la Délégation en recevra un exemplaire.

Lorsqu'il a pris ses fonctions le 1er avril 2003, le Médiateur européen a fait de l'information des citoyens l'une de ses priorités. Il espère que la rencontre d'aujourd'hui aidera à mieux faire connaître cette institution en France. Il a d'ailleurs souligné que le Médiateur européen a non seulement son siège à Strasbourg, mais qu'il s'y trouve effectivement et y travaille en permanence avec une vaste majorité de son personnel.

Néanmoins, son travail reste peu connu en France. D'après l'Eurobaromètre, seuls 31% des Français ont entendu parler du Médiateur européen, tandis que la moyenne européenne est de 37%. Les Français sont parmi ceux qui -proportionnellement à la population - se plaignent le moins au Médiateur européen.

Afin de sensibiliser le grand public à son rôle, le Médiateur européen s'est rendu à Paris, au mois de décembre de l'année dernière, à l'invitation du Médiateur de la République, dont les services ont organisé un programme de rencontres, comprenant des réunions avec des membres du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que des débats publics et des rencontres avec la presse. Cette initiative a certainement contribué à mieux informer les citoyens français du travail du Médiateur européen.

Cette visite a été la manifestation la plus récente d'une étroite collaboration avec la médiature française sous les Médiateurs de la République qui se sont succédé à ce poste depuis 1995 - Monsieur Jacques Pelletier, Monsieur Bernard Stasi et depuis 2004, Monsieur Delevoye.

Le prochain séminaire des médiateurs nationaux de l'Union, qui a lieu tous les deux ans, se tiendra à Strasbourg, en 2007, et sera organisé conjointement par le Médiateur européen et le Médiateur de la République.

Le Médiateur européen a conclu en estimant qu'il restait beaucoup à faire pour garantir une administration européenne de premier rang et pour relever le défi de communiquer avec 450 millions de citoyens dans 25 pays et 21 langues. L'institution du Médiateur européen poursuivra ses efforts afin que chaque enquête menée le rapproche un peu plus de son objectif qui est de faire du droit fondamental à une bonne administration une réalité. Et il convient de continuer à développer et à s'appuyer sur le réseau européen des médiateurs, pour que tous les plaignants puissent saisir un organe susceptible de résoudre rapidement et de manière efficace leurs problèmes.

M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen, a ensuite répondu aux questions préalables du Président Pierre Lequiller.

Sur la transparence des réunions du Conseil des ministres, il a précisé que cette plainte d'origine allemande avait d'abord donné lieu à un projet de recommandation transmis au Conseil. Ce dernier l'a rejeté, au motif que le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui prévoit que le Conseil siège en public dans le cadre de ses activités législatives, n'est pas encore ratifié. Le Médiateur européen, considérant que cet argument n'était pas décisif, dans la mesure où ce projet a tout de même été signé par les vingt-cinq Etats membres, a donc poursuivi la procédure, en transmettant un rapport spécial au Parlement européen. En ce qui le concerne, ce dossier est donc clôturé et c'est désormais au Parlement européen qu'il appartient de le suivre, en adoptant une résolution adressée au Conseil. Pour le moment, une telle résolution n'a toujours pas été adoptée.

Le Président Pierre Lequiller a jugé que les réticences de certains Etats, et, semble-t-il de la France, étaient regrettables. A titre personnel, il a toujours souhaité que les institutions politiques fonctionnent dans la plus grande transparence et les réunions de la Délégation sont le plus souvent possible ouvertes à la presse, comme aujourd'hui d'ailleurs.

M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen, a tenu à atténuer les critiques relatives au caractère technocratique de l'Union européenne. Ses activités le conduisent, d'une part, à se rapprocher des citoyens pour traiter leurs plaintes, mais aussi à développer une fonction éducative auprès des administrations communautaires. Or, dans ce dernier rôle, il constate que ces administrations acceptent ses recommandations dans environ 95 % des cas. La principale difficulté réside dans le fait que la grande majorité des plaintes sont hors de son champ de compétences. Il importe donc de développer l'information des citoyens sur les rôles respectifs du Médiateur européen et des médiateurs nationaux. Cette information peut d'ailleurs être ciblée, car il est probable que seuls 5 % des 450 millions d'habitants de l'Union européenne auront l'occasion d'avoir un rapport direct avec les administrations communautaires. Il faut notamment agir auprès des petites et moyennes entreprises, qui représentent actuellement environ 20 % des plaignants. On peut se féliciter, par ailleurs, de la décision récente du Président José Manuel Barroso et de la commissaire en charge des relations institutionnelles et de la stratégie de communication de la Commission, Mme Margot Wallström, d'élever au niveau des commissaires - et donc au niveau politique - le soin de répondre aux recommandations du Médiateur européen.

En ce qui concerne la question des langues utilisées par les institutions communautaires, il convient d'abord de souligner que le statut du Médiateur européen lui impose de répondre aux plaignants dans la langue qu'ils ont utilisée. Le Médiateur est donc susceptible d'user des 21 langues officielles de l'Union, même si, dans la pratique, la plupart des plaintes sont rédigées en anglais, en français ou en allemand. Dans le cas où une plainte relative au non-respect par l'administration européenne des obligations linguistiques prévues par le Traité viendrait à être déposée, le Médiateur européen serait effectivement compétent, mais il faut rappeler que cette plainte devrait être précédée d'une saisine préalable de l'institution mise en cause.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'il envisageait de mettre en œuvre une telle procédure, afin de contester la place de plus en plus prépondérante de l'anglais dans les documents émanant des institutions européennes

M. Gérard Voisin a avoué qu'il ignorait, jusqu'à la présente réunion, l'importance du travail du Médiateur européen et il a fait part de son respect pour cette fonction difficile et trop méconnue. Il serait souhaitable que les députés français fassent connaître dans leurs circonscriptions l'existence de cette institution. Cet effort d'information est d'autant plus nécessaire que l'ignorance des réalités communautaires est probablement une des causes principales de l'échec du référendum sur le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Le Président Pierre Lequiller a confirmé la nécessité impérieuse de mieux informer les citoyens français. A cet égard, la Délégation a décidé de publier régulièrement un document intitulé « Le point sur... », dont un prochain exemplaire sera consacré au Médiateur européen. Il serait utile que l'Union européenne communique plus sur l'existence et le rôle de ce dernier.

M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen, s'est déclaré très reconnaissant de ces remarques et a indiqué qu'il se réjouissait toujours de s'exprimer devant des instances lui permettant de se rapprocher des citoyens. Le soutien des parlementaires est particulièrement important.

Afin de développer la connaissance de la médiature, le Médiateur de la République dispose de 400 délégués sur l'ensemble du territoire français. Ceci contribue à dépasser l'obstacle du « filtre parlementaire », qui n'existe qu'au Royaume-Uni et en France et renforce l'impression de distance entre le Médiateur et les citoyens.

M. Jean-Marie Sermier a approuvé l'objectif de rapprochement entre les citoyens et l'administration, de façon à bâtir l'Europe avec les peuples. Après avoir souligné les difficultés que rencontrent les agriculteurs pour remplir les dossiers complexes, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, et indiqué que, dans sa circonscription, les organismes agricoles estiment qu'une proportion de 20 à 25 % des agriculteurs ne pourront répondre aux exigences de l'administration, il a interrogé le Médiateur européen sur les possibilités de le saisir, de façon à obtenir une aide plus importante des administrations. Il a également souhaité savoir si la question des contrôles sur le terrain effectués par les administrations françaises, qui sont très pointilleux, relevait de la compétence du Médiateur européen ou du Médiateur de la République.

M. P. Nikiforos Diamandouros, Médiateur européen, a répondu qu'il s'agissait de questions d'ordre national, qui relèvent de la compétence du Médiateur de la République. Ceci n'exclut cependant pas des contacts avec ce dernier. Un mécanisme de renvoi des dossiers existe, et si la plainte concerne en partie le droit communautaire, les services du Médiateur européen peuvent assister ceux du Médiateur de la République.

M. Jérôme Lambert a fait part de son étonnement face aux chiffres des sondages cités par le Médiateur car, d'après son expérience sur le terrain, les Français ignorent pratiquement tout des institutions européennes, et personne ne mentionne jamais le Médiateur européen.

Il a ensuite exprimé le sentiment que les dossiers ne relèvent que rarement du Médiateur européen et demandé s'il arrivait que certains lui soient renvoyés par des Médiateurs nationaux.

Enfin, il a souhaité des précisions sur l'indépendance du Médiateur européen, désigné tous les cinq ans par le Parlement européen, organe politique, ainsi que sur le budget dont il dispose et les risques éventuels d'une réduction de celui-ci.

Le Médiateur européen a apporté les éléments de réponse suivants :

- s'agissant des sondages, il est très difficile de mesurer la connaissance que les citoyens ont d'une institution. Il faut noter que la question posée était : « Avez-vous entendu parler du Médiateur européen ? » et non : « Connaissez-vous le Médiateur européen ? », ce qui encourage les personnes interrogées à répondre positivement. Ces résultats ne sont pas convaincants et il est possible que des confusions aient été faites entre le Médiateur de la République et le Médiateur européen ;

- il existe de nombreux contacts entre les Médiateurs nationaux et le Médiateur européen. Une réunion conjointe se tiendra à Strasbourg en 2007 et pourra être l'occasion de promouvoir la connaissance du Médiateur européen. M. P. Nikiforos Diamandouros a également indiqué qu'il effectuait des visites officielles dans les Etats membres et rencontrait ses homologues, de façon à diffuser la connaissance des deux types d'institutions et des différences entre elles.

Le réseau des Médiateurs nationaux permet le transfert de dossiers dans toutes les directions mais il est vrai que ces transferts s'opèrent surtout du Médiateur européen vers les Médiateurs nationaux et beaucoup plus rarement dans le sens inverse ;

- le traité instituant la Communauté européenne dispose que le Médiateur est nommé par le Parlement européen, tandis que le projet de traité constitutionnel emploie le mot « élu », de façon à souligner l'indépendance provenant de la décision politique.

L'indépendance du Médiateur est fonction d'une part de son comportement et d'autre part de la présence d'un consensus entre les forces politiques au Parlement européen. Le Médiateur européen a précisé que lors de son élection en 2005, il avait été soutenu par 88 % des forces politiques du Parlement européen, fait unique depuis 10 ans.

Les critères de candidature sont très simples : les candidats doivent être éligibles dans leur propre pays. La commission des pétitions du Parlement européen est responsable de la procédure. En 2003, sur 17 candidatures envoyées à la commission, 10 ont été déclarées non recevables et 7 soumises en séance plénière.

Le budget du Médiateur est voté par le Parlement européen et le Conseil. Il pourrait être réduit mais cela n'est pas le cas : il a au contraire été beaucoup accru car, en 2004, les plaintes ont augmenté de 53%, en raison du renouvellement du Parlement européen, de la Commission, de l'élargissement et des visites effectuées par le Médiateur dans les 25 Etats membres en un an et demi. Le Parlement européen, qui dispose du pouvoir budgétaire, soutient le Médiateur.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que la plainte déposée par M. Elmar Brok était d'une nature nouvelle et ouvrait des perspectives. Il a souhaité que les possibilités d'un meilleur contrôle de la subsidiarité par les Parlements nationaux, prévues dans le projet de traité constitutionnel, et qui n'ont pas fait l'objet de critiques pendant la campagne du référendum, puissent être mises en œuvre. Il a souligné que M. Andreas Khol, Président du Conseil national autrichien, qu'il avait rencontré récemment, y était également favorable. A cette fin, le Président Pierre Lequiller a envisagé la possibilité de saisir le Médiateur européen.

M. Gérard Voisin, soulignant à nouveau l'intérêt des informations communiquées par le Médiateur européen, a souhaité que ce dernier fasse parvenir, en circonscription, des documents indiquant aux citoyens les modalités de saisine de cette institution. Celle-ci doit être davantage connue par les Français, qui dès lors n'hésiteront pas à le saisir, compte tenu de leur prédilection pour recourir à ce qui est gratuit.

M. P. Nikiforos Diamandouros, ayant répondu positivement à cette demande, le Président Pierre Lequiller l'a de nouveau interrogé sur le caractère recevable d'une plainte qui lui serait adressée sur le non-respect du principe de subsidiarité par la Commission. Il a rappelé que ce principe est inscrit, depuis un certain temps déjà, dans les traités. D'autre part, les parlements nationaux devraient, à la prochaine COSAC, émettre le vœu que la Commission examine les avis relatifs à la subsidiarité que ceux-ci pourraient adopter. Il serait utile que, dans ce contexte, les parlements obtiennent l'appui du Médiateur vis-à-vis de la Commission. Le Président Pierre Lequiller a considéré qu'un tel soutien de la part du Médiateur européen, dont le caractère politique serait évident, rejoindrait la démarche tout aussi politique qui a conduit à l'« Affaire Brok » concernant la publicité des délibérations du Conseil agissant en sa qualité de législateur.

Le Médiateur européen a répondu que toute intervention dans ce domaine devrait s'appuyer sur des arguments de caractère juridique. A première vue, compte tenu du texte des traités, la réponse à la question posée serait un « oui » de principe. Le Médiateur européen a alors ajouté que s'il s'interdit d'intervenir dans les affaires de caractère politique, il s'est engagé, pour s'acquitter de sa mission, à aller aussi loin que les textes le lui permettaient. Ainsi, le député européen Elmar Brok a déposé une plainte sur la politique du Conseil au regard de la publicité de ses sessions, que le Médiateur a par la suite instruite en lui donnant des fondements juridiques.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les six textes suivants :

Point B

¬ Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la signature et l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles (E 3018) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous la forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la Thaïlande conformément à l'article XXVIII du GATT 1994 relatif à la modification des concessions prévues, en ce qui concerne le riz, dans la lettre CXL annexée au GATT 1994 (E 3020).

¬ Relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume hachémite de Jordanie concernant des mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles n° 1 et 2 et des annexes, I, II, II et IV de l'accord d'association CE/Jordanie (document E 3017).

¬ Santé

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (refonte) (document E 2963).

¬ Transports

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route (version codifiée) (document E 2398) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant les activités de certains pays tiers dans le domaine des transports maritimes (document E 2462).