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le 26 décembre 2002

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N° 508

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE (N° 381), pour la sécurité intérieure.

PAR M. CHRISTIAN ESTROSI,

Député.

--

[1ère partie]
-
2ème partie du rapport-
- 3ème partie du rapport-
- 4ème partie du rapport-

Voir les numéros :
Sénat : 30, 36 et T.A. 30 (2002-2003).
Assemblée nationale : 381 et 459.
Ordre public.

_____________________________________________________________________

INTRODUCTION 11

1. Renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie 14

2. Lutter contre les réseaux, protéger les victimes 15

3. Moderniser les instruments au service de l'enquête policière 16

4. Rétablir la tranquillité et la sécurité publiques 17

5. Clarifier le régime juridique des armes 19

6. Élargir les compétences des polices municipales 20

7. Assainir le secteur de la sécurité privée 20

8. Les autres dispositions 21

AUDITION DE M. NICOLAS SARKOZY, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES 22

EXAMEN DES ARTICLES 41

TITRE Ier - DISPOSITIONS RELATIVES AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET À LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS 41

Article additionnel avant le chapitre Ier (art. 1er de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995) : Missions de l'État et des collectivités territoriales en matière de sécurité intérieure 41

Chapitre Ier - Dispositions relatives aux pouvoirs des préfets en matière de sécurité intérieure 42

Article 1er (art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982) : Pouvoirs des préfets en matière de sécurité intérieure 42

Articles additionnels après l'article 1er : Création de la réserve civile de la police nationale 48

Chapitre II - Dispositions relatives aux investigations judiciaires 48

Article 2 (art. 15-1 et 18 du code de procédure pénale) : Extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire 48

Après l'article 2 52

Article 3 (art. 20-1 du code de procédure pénale) : Pouvoirs de police judiciaire des réservistes de la police et de la gendarmerie nationales 53

Article 4 (art. 78-2 du code de procédure pénale) : Critères permettant de procéder à des contrôles d'identité 55

Articles 5, 6 et 7 (art. 23 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, art. 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4 du code de procédure pénale) : Visite des véhicules pour la recherche de certaines infractions 57

Article 7 bis (nouveau) (art. 414 du code des douanes) : Relèvement des peines encourues pour certaines infractions douanières 62

Article 8 (art. 166 du code de procédure pénale) : Expertises judiciaires 64

Article additionnel après l'article 8 (art. 63-1 du code de procédure pénale) : Suppression de la notification du droit au silence 64

Article additionnel après l'article 8 (art. 706-40-1 à 706-40-6 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Extension des opérations de livraison surveillée et d'infiltration 66

Article additionnel après l'article 8 (art. 57-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Perquisitions dans les systèmes informatiques 66

Article additionnel après l'article 8 (art. 60-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Mise à disposition des informations contenues dans les systèmes informatiques ou les traitements de données nominatives 67

Article additionnel après l'article 8 (art. 29 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001) : Sécurité des réseaux des opérateurs de télécommunications 67

Chapitre III - Dispositions relatives aux traitements automatisés d'informations 67

Article 9 : Traitements automatisés d'informations mis en oeuvre par la police et la gendarmerie 67

Article additionnel après l'article 9 (art. 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) : Droit d'accès des personnes inscrites dans les fichiers de souveraineté 76

Article 10 : Personnes habilitées à accéder aux informations contenues dans les traitements automatisés de données mis en oeuvre par la police et la gendarmerie 77

Article 11 (art. 131-31 du code pénal, 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 et 138 du code de procédure pénale) : Inscription de certaines peines et mesures au fichier des personnes recherchées 77

Article 12 : Transmission de données à caractère personnel à des organismes internationaux ou des services de police étrangers 80

Article 13 (art. 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995) : Consultation des fichiers de police judiciaire à des fins administratives ou pour l'exercice de missions ou d'interventions de sécurité 82

Article 14 : Dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques de véhicules 86

Après l'article 14 87

Chapitre IV - Dispositions relatives aux moyens de la police technique et scientifique 88

Article additionnel avant l'article 15 (art. 706-47-1 [nouveau] du code de procédure pénale) :  Dépistage du VIH chez les personnes poursuivies pour viol 88

Article 15 (art. 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale) : Extension du fichier national automatisé des empreintes génétiques 88

Article 16 (art. 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale) : Prélèvements externes sur les personnes concernées par la procédure 94

Chapitre V. - Dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme 96

Article 17 (art. 22 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001) : Prolongation de l'application de dispositions concernant le terrorisme de la loi relative à la sécurité quotidienne 96

Chapitre V bis. - Dispositions relatives à la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme 97

Article 17 bis (nouveau) (art. 225-4-1 à 225-4-7 [nouveaux] du code pénal) : Incrimination de la traite des êtres humains 97

Articles 17 ter et 17 quater (nouveaux) (art. 225-13 et 225-14 du code pénal) : Renforcement des sanctions des délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine 101

Article 17 quinquies (nouveau) (art. 225-15 du code pénal) : Circonstances aggravantes des délits de condition de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine 102

Article 17 sexies (nouveau) (art. 225-15-1 [nouveau] du code pénal) : Présomption légale de vulnérabilité de la victime mineure ou étrangère des délits de conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaine 102

Article 17 septies (nouveau) (art. 225-25 [nouveau] du code pénal) : Confiscation des biens des auteurs des crimes ou délits de traite des êtres humains ou de proxénétisme 103

Article 17 octies (nouveau) (art. 8 du code de procédure pénale) : Modification des règles de prescription en faveur des mineurs victimes des délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine 104

Articles 17 nonies et decies (nouveaux) (art. 706-30 et 706-36-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Saisie conservatoire en matière de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains et de proxénétisme 104

Article 17 undecies (nouveau) (art. L. 611-1 du code du travail) : Extension des pouvoirs de verbalisation des inspecteurs du travail 105

Après l'article 17 undecies 106

Chapitre VI. - Dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques 106

Article additionnel avant l'article 18 (art. 131-4 du code pénal) : Peines d'emprisonnement applicables aux délits 107

Article additionnel avant l'article 18 (art. 222-16 du code pénal) : Délit d'agression sonore 107

Article 18 (art. 225-10-1 [nouveau], 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal) : Incrimination du racolage et de la sollicitation de relations sexuelles de la part d'une personne prostituée vulnérable 107

Après l'article 18 114

Article 19 (art. 322-4-1 [nouveau] du code pénal) : Installation sans titre sur un terrain 114

Après l'article 19 119

Article 19 bis (nouveau) (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Extension de l'ordonnance de référé à l'ensemble des personnes installées sans titre sur un terrain 119

Après l'article 19 bis 120

Article additionnel après l'article 19 bis (art. 9 bis [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Compétence du maire d'une commune non inscrite au schéma départemental pour faire évacuer un terrain privé 121

Article additionnel après l'article 19 bis (art. 313-6-1, 313-7, 313-8 et 313-9 du code pénal) : Délit de mise à disposition d'un tiers d'un bien immobilier appartenant à autrui 121

Article 20 (art. 433-3 du code pénal) : Menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique 122

Articles 20 bis et 20 ter (nouveaux) (art. 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal) : Aggravations de peines en cas de meurtre, de violences ou de menaces 123

Article 21 (art. L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation) : Incrimination des attroupements portant atteinte à la libre circulation dans les parties communes d'immeubles 124

Après l'article 21 126

Article 22 (art. 225-12-5 et 225-12-6 [nouveaux], 225-21 et 227-20 du code pénal) : Incrimination de l'exploitation de la mendicité 126

Article 23 (art. 312-1 [nouveau] du code pénal) : Demande de fonds sous contrainte 129

Articles 24 et 25 (art. L. 2215-6 et L. 2512-14-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Fermeture administrative des établissements de vente à emporter d'aliments 130

Après les articles 24 et 25 131

Article 26 (art. L. 217-2 du code de la consommation) : Incrimination de l'altération de signes permettant l'identification de marchandises 131

Article 27 (art. L. 32-5 [nouveau] et L. 39-2 du code des postes et télécommunications) : Neutralisation des terminaux mobiles volés 132

Article 28 (art. 12 et 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Retrait de la carte de séjour temporaire - Reconduite à la frontière 133

Après l'article 28 135

Article 29 : Délivrance d'une autorisation de séjour à l'étranger qui témoigne ou dépose plainte contre un proxénète 135

Article 29 bis (art. L. 345-1 du code de l'action sociale) : Création d'établissements sécurisés pour les victimes de la traite des êtres humains 136

2ème partie du rapport  :

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ARMES ET MUNITIONS

Article 30 (art. 15 du décret-loi du 18 avril 1939) : Régime de l'acquisition et de la détention d'armes

Article 31 (art. 15-2 du décret-loi du 18 avril 1939) : Consultation des fichiers de police judiciaire

Article 32 (art. 18 du décret-loi du 18 avril 1939) : Production d'un certificat médical pour l'acquisition et la détention d'armes

Article 33 (art. 19-1 et 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939) : Dessaisissement et saisie administrative des armes autorisées et déclarées

Article 34 (art. 28 du décret-loi du 18 avril 1939) : Amnistie pour les détenteurs irréguliers d'armes en cas de dessaisissement volontaire

Article 35 (art. 226-14 du code pénal) : Levée du secret professionnel en cas de détention dangereuse d'armes

TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX POUVOIRS DES POLICES MUNICIPALES

Article 36 (art. L. 225-5 et L. 330-2 du code de la route) : Accès aux fichiers des immatriculations et des permis de conduire

Article 37 (art. L. 325-2 du code de la route) : Mise en fourrière des véhicules par les agents de police municipale

Articles additionnels après l'article 37 (art. L. 332-20 et L. 415-1 du code de l'environnement) : Pouvoirs des gardes-champêtres

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ACTIVITÉS DE SÉCURITÉ PRIVÉE

Article 38 (art. 1er à 7 et 10 à 16 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Réglementation des activités de sécurité privée

Article additionnel après l'article 38 (art. 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Transmission préalable à l'affectation d'un agent des services internes de la sncf et de la ratp des informations recueillies par les préfectures

Article 39 (art. 3-1 et 3-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Fouilles et palpations de sécurité

Article 40 (art. 6-1 et 6-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Agrément des convoyeurs de fonds - Rupture du contrat de travail

Article 40 bis (nouveau) (art. 9-1 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Garanties exigées des ressortissants des États membres de l'Union européenne

Article 40 ter (nouveau) (art. 9, 11-1, 17, 18 et 19 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Coordinations

Article 41 : Poursuite des autorisations en cours

Article 42 : Dispositions transitoires concernant l'aptitude professionnelle des agents

Article additionnel après l'article 42 : (titre II [nouveau] de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) Réglementation des activités de recherches privées

Article additionnel après l'article 42 : Intitulé de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983

Article additionnel après l'article 42 (titre Ier [nouveau] de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) : Insertion d'un titre Ier dans la loi du 12 juillet 1983

Article additionnel après l'article 42 : Poursuite des autorisations en cours

Article additionnel après l'article 42 : Dispositions transitoires concernant l'aptitude professionnelle des employés des agences de recherches privées

Article additionnel après l'article 42 : Abrogations

TITRE V - DISPOSITIONS DIVERSES205

Article additionnel avant l'article 43 (art. L. 2512-16 du code général des collectivités territoriales) : Compétences des agents de la ville de Paris chargés d'un service de police

Article 43 (art. L. 2512-16-1 du code général des collectivités territoriales) : Constatation des infractions par les agents de surveillance de Paris

Article 44 (art. L. 69-2 [nouveau] du code du domaine de l'État) : Attribution aux services enquêteurs d'objets saisis ou confisqués

Article 45 : Protection juridique des familles des agents en charge de la sécurité

Après l'article 45

Articles additionnels après l'article 45 (art. 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002) : Assouplissement des règles de gestion pour la mise en place du système ACROPOL et l'exécution du programme immobilier de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris

Articles additionnels après l'article 45 (art. 433-5 bis [nouveau] du code pénal et 2-11 du code de procédure pénale) : Outrages au drapeau tricolore ou à l'hymne national

TITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Chapitre Ier - Dispositions de portée générale

Article 46 : Pouvoirs des représentants de l'État

Article 47 : Extension à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna des dispositions du projet de loi

Article 48 : Application outre-mer de l'incrimination des attroupements portant atteinte à la libre circulation dans les parties communes d'immeubles

Article 49 : Application outre-mer de l'incrimination de l'altération des signes permettant l'identification de marchandises

Article 50 (art. L. 32-3-3, L. 32-5-1 et L. 39-2-1 [nouveaux] du code des postes et télécommunications) : Application outre-mer des dispositions relatives à la neutralisation des terminaux mobiles volés

Article 51 : Application à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna des dispositions relatives au retrait de la carte de séjour temporaire et à la reconduite à la frontière

Article 52 (art. 1er et 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995) : Extension de dispositions de la loi d'orientation de 1995

Chapitre II - Dispositions relatives à Mayotte

Article 53 : Application de la loi à Mayotte

Article 53 bis (art. 610-1 du code du travail) : Extension à Mayotte des dispositions relatives au renforcement des pouvoirs de constatation des infractions des inspecteurs du travail

Article 53 ter (art. 282 du code des douanes) : Application à Mayotte du relèvement des peines pour certaines infractions douanières

Article 54 (art. 18-1 de la loi n° 83-829 du 12 juillet 1983) : Application de la loi du 12 juillet 1983 à Mayotte

Article 55 : Intégration dans la police nationale d'agents de la collectivité territoriale de Mayotte

Chapitre III - Dispositions relatives à la Polynésie française

Article 56 (art. L. 343-1 du code de la route) : Mise en fourrière des véhicules par les agents de police municipale

Article 57 (art. 4 et 14 de la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977) : Agents de police municipale

Articles additionnels après l'article 57 (art. 12 quater et 40 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) : Maîtrise des flux migratoires en Guyane et à Saint-Martin

3ème partie du rapport :

TABLEAU COMPARATIF

4ème partie du rapport :

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
NOTES DE DROIT COMPARÉ
TRAVAUX PRÉPARATOIRES DU RAPPORTEUR

__________________________________

MESDAMES, MESSIEURS,

Notre pays s'est engagé, depuis la réélection du Président de la République, dans une politique de rupture en matière de lutte contre l'insécurité.

Trop longtemps, en effet, le précédent Gouvernement a hésité entre une justification sociale de la délinquance et la mise en oeuvre de mesures timides de lutte contre l'insécurité. Ce débat idéologique, nourri par une vision selon laquelle il serait plus opportun de s'attaquer aux causes de la délinquance qu'à ses manifestations, a conduit à une croissance extrêmement forte du nombre de crimes et délits sur le territoire national. Dans ce contexte, pour tous ceux qui s'étaient résignés à voir dans l'insécurité une fatalité, il était devenu inutile et inefficace de prendre en compte tant le traitement des victimes que la répression de la délinquance.

Ces temps sont heureusement révolus : l'heure n'est plus à la recherche d'une explication sociale de la délinquance mais à celle de l'action. En matière de sécurité, en effet, les actes comptent davantage que les paroles. Sous l'impulsion du ministre de l'intérieur, une politique résolue de rétablissement de l'autorité de l'État et du droit de chaque citoyen à vivre en paix a été engagée.

Dès l'origine, le Parlement a été étroitement associé à cette démarche. Durant l'été, l'examen, puis le vote, des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (1) et la justice (2) ont permis au Gouvernement et à sa majorité de définir, conjointement, les réformes qui seront mises en oeuvre et les moyens qui seront engagés durant les cinq années à venir.

D'ores et déjà, une nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure a été bâtie, tant au niveau national (3) que départemental ou local (4). Le Conseil de sécurité intérieure et, à l'échelon territorial, les conférences départementales de sécurité, coprésidées par le préfet et le procureur de la République, assurent la cohérence des actions entreprises. La création des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance traduit une volonté nouvelle d'associer les élus locaux.

Une plus grande complémentarité et des synergies opérationnelles sont recherchées, par ailleurs, entre les acteurs de la sécurité. Les forces de police et de gendarmerie ont été placées sous le commandement opérationnel unique du ministre de l'intérieur (5). Des groupes d'intervention régionaux (GIR), instances pluridisciplinaires qui associent des représentants de l'ensemble des services de l'État concernés par la lutte contre l'insécurité, ont été institués : ils combattent l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent (6).

Cette volonté de transcender les cloisonnements entre les administrations a trouvé son prolongement à l'échelon international dans une relance des coopérations bilatérales (par exemple avec l'Angleterre, sur la question de l'immigration et du centre de Sangatte) ou multilatérales. Au niveau de l'Europe, de nouveaux centres de coopération policière et douanière (CCPD) ont été implantés ; les échanges se sont intensifiés avec les autres polices des États membres de l'Union européenne et Europol.

Le redéploiement des zones de police et de gendarmerie est engagé, après plus de soixante années d'immobilisme. Il doit permettre d'assurer la cohérence de la couverture du territoire par les forces de sécurité, dont la répartition n'a pas évolué au même rythme que la démographie et l'urbanisation. À l'issue d'une phase de réflexion et de concertation au plus près du terrain, les premières mesures, concernant neuf départements, viennent d'être rendues publiques par le ministre de l'intérieur (7). La réforme s'inscrit dans un contexte nouveau : corrélée avec une volonté politique forte et l'annonce de créations d'emplois importantes, elle se traduira non pas par un affaiblissement du dispositif de sécurité mais, au contraire, par une amélioration du service rendu. Cette évolution sera confortée par la mise en place annoncée des communautés de brigades et le regroupement des services régionaux de police judiciaire en directions interrégionales.

Enfin, une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles (compagnies républicaines de sécurité et escadrons de gendarmerie mobile) a été définie. Trop centralisée, contrainte par le cadre rigide de la fidélisation et tournée de façon quasi-exclusive vers l'ordre public, cette doctrine a été réorientée vers la lutte contre l'insécurité quotidienne : souplesse, réactivité et proximité sont les axes principaux de la stratégie mise en oeuvre depuis le 1er novembre dernier.

De façon plus générale, le Gouvernement s'efforce de parvenir à un meilleur équilibre entre « police de proximité » et « police judiciaire » : l'affaiblissement des services d'investigation, sous la précédente législature, est directement corrélé avec la hausse de la délinquance et la baisse du taux d'élucidation des crimes et délits (8).

S'agissant des moyens, l'effort consenti est à la hauteur de l'enjeu. Les lois de programmation du 29 août et du 9 septembre 2002 prévoient, en effet, que, entre 2003 et 2007, 9,25 milliards d'euros seront mobilisés et 23 600 emplois créés pour la sécurité et la justice.

Dans cet ensemble, la police et la gendarmerie bénéficieront, sur la durée de la programmation, de 5,6 milliards d'euros et 13 500 emplois (7 000 gendarmes et 6 500 policiers). Or, dès le projet de loi de finances pour 2003, 40 % environ de cette enveloppe budgétaire ont été assurés ; 30 % des emplois prévus dans la police et 17 % dans la gendarmerie seront créés dès l'année prochaine.

De fait, le simple engagement des réformes précitées et l'annonce de crédits budgétaires conséquents pour l'année 2003 ont déjà permis de remobiliser les forces de police et de gendarmerie. La délinquance, qui avait augmenté de 5,72 % en 2000, de 7,69 % en 2001 et de près de 5 % entre janvier et avril de l'année en cours, a baissé de 1,22 % entre mai et novembre. Pour le seul mois de novembre, le recul est, dans l'ensemble, de 5,28 %, et de plus de 10 % pour la délinquance de voie publique (vols à main armée, avec violences, « à la tire », cambriolages, dégradations, etc.). Le taux d'élucidation des infractions remonte (+ 5,77 % au cours des six derniers mois et + 7,53 % en novembre).

Certes, il n'est pas question de se contenter de ces premiers résultats. L'objectif poursuivi est plus ambitieux : faire reculer significativement et durablement l'insécurité sous toutes ses formes. Comme l'a indiqué, récemment, le ministre de l'intérieur : « Nous allons continuer dans cette voie, car l'objectif du Gouvernement ne sera atteint que quand la peur aura définitivement changé de côté, quand elle sera définitivement du côté des délinquants et non des honnêtes gens ! » (9).

Il reste que ce recul de l'insécurité, tant attendu, est très encourageant. Cette évolution doit être confortée par une réforme du cadre d'action de la police et de la gendarmerie. Tel est l'objet du projet de loi pour la sécurité intérieure, dont le dépôt était annoncé par la loi d'orientation du 29 août 2002 et qui, ayant été adopté par le Sénat en première lecture le 19 novembre dernier, est aujourd'hui soumis au vote de l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi n'a pas la prétention de répondre, à lui seul, à tous les besoins : sur la procédure pénale, la grande criminalité ou l'immigration, d'autres réformes sont annoncées. Il s'agit, néanmoins, d'un texte d'envergure, qui aborde de façon transversale des problèmes concernant directement les Français dans leur vie quotidienne ; les solutions apportées sont simples, lisibles, résolues mais équilibrées.

Dans la perspective de son examen, le rapporteur a engagé des travaux préparatoires importants. Tous les acteurs qui, à un titre ou à un autre, étaient concernés par des dispositions du projet de loi, ont été entendus : représentants des victimes, policiers, gendarmes, magistrats, avocats, autorités administratives indépendantes, bailleurs sociaux, sociétés de transport, associations défendant les tireurs, les droits de l'homme, les gens du voyage ou intervenant dans le domaine de la prostitution... Trois déplacements ont été organisés : à Ecully, au siège de la police technique et scientifique ; à Nice, sur les questions de la prostitution et de la délinquance transfrontalière ; à Roissy, à propos des prérogatives des agents privés de sécurité.

Au terme de ce travail, une conclusion s'impose : le projet de loi relatif à la sécurité intérieure est fidèle aux orientations arrêtées par la loi du 29 août 2002 ; il renforce les moyens des forces de sécurité pour lutter contre la délinquance, la criminalité et les réseaux, apporte aux victimes les réponses qu'elles sont en droit d'attendre de l'État, sans porter atteinte aux libertés individuelles.

Cet équilibre entre l'efficacité des enquêtes et le respect des libertés de chacun doit être préservé. À la commission des Lois et à l'Assemblée nationale dans son ensemble, le rapporteur propose, dans cet esprit, de conforter, et de compléter, la démarche engagée par le Gouvernement.

*

* *

Le projet de loi pour la sécurité intérieure comptait, initialement, 57 articles : après son examen par le Sénat, il en comporte 75, des dispositions additionnelles relatives à la lutte contre la traite des êtres humains ayant été insérées dans un nouveau chapitre V bis.

Ses dispositions sont regroupées dans six titres relatifs : aux forces de sécurité intérieure et à la protection des personnes et des biens (titre Ier) ; aux armes et aux munitions (titre II) ; aux pouvoirs des polices municipales (titre III) ; aux activités de sécurité privée (titre IV) ; à des dispositions diverses (titre VI) ; à l'outre-mer (titre VI). Elles sont présentées ci-après.

1. Renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie

Les premiers articles du projet de loi renforcent la cohérence des actions engagées contre la délinquance, et confortent les moyens et les procédures de la police et de la gendarmerie nationales.

Ainsi, l'article 1er redéfinit les compétences des préfets s'agissant de la sécurité intérieure, afin d'intégrer les changements intervenus au cours des six derniers mois. En particulier, le placement sous commandement opérationnel unique de la police et de la gendarmerie supposait qu'ils puissent également fixer les missions de police administrative assurées par cette dernière, notamment en matière d'ordre public, de sécurité générale et de sécurité routière. Par ailleurs, la recherche d'une plus grande cohérence des politiques territoriales au niveau de la zone de défense rendait nécessaire une modification de la loi n° 82-212 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

L'article 2 fixe le principe d'une compétence départementale minimale pour les officiers de police judiciaire : cet élargissement répond à la mobilité croissante de la délinquance sur l'ensemble du territoire national, zones de police et de gendarmerie confondues. Par ailleurs, il résout des problèmes de compétence liés à la mise en place des groupes d'intervention régionale (GIR).

L'article 3 confère aux fonctionnaires et militaires de la police et de la gendarmerie nationales, retraités réservistes, la qualité d'agent de police judiciaire (APJ), sous réserve qu'ils aient eu, durant leur carrière, le statut d'officier (OPJ) ou d'agent de police judiciaire.

L'article 4 modifie les critères sur le fondement desquels les forces de sécurité peuvent procéder à des contrôles d'identité, en substituant à la notion d'« indices » celle de « raisons plausibles de soupçonner » : cette clarification était nécessaire ; elle aligne le droit des contrôles d'identité sur les conditions de placement en garde à vue.

Les articles 5, 6 et 7 instituent un cadre légal à l'intérieur duquel les forces de sécurité pourront procéder à des « visites de véhicules ». Sur réquisition du procureur de la République, en cas d'infraction flagrante ou de risque de trouble à l'ordre public, ces visites seront désormais autorisées. Très attendues par la police et la gendarmerie dans un contexte marqué par la vigueur de la menace terroriste et de la grande délinquance, les dispositions proposées sont entourées de nombreuses garanties sur le plan des libertés individuelles. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a été soigneusement prise en compte au stade de leur élaboration.

D'autres mesures renforcent les moyens d'action de la police et de la gendarmerie. En particulier, en matière de lutte contre le terrorisme, l'article 17 prolonge, du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2005, la validité de certains articles adoptés à titre provisoire dans le cadre de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Les dispositions visées concernent la mise en oeuvre, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, de perquisitions au cours d'enquêtes préliminaires, sans le consentement des personnes ; la possibilité pour les OPJ, les APJ, les agents des douanes et les agents privés agréés de procéder à des visites de personnes, bagages, frets, colis, aéronefs, véhicules ou navires, en vue d'assurer la sûreté des vols et des transports maritimes ; la conservation, par les opérateurs, des données relatives aux communications et la mise au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité. Les autres dispositions prévues par la loi du 15 novembre 2001 pour lutter contre le terrorisme sont pérennisées.

2. Lutter contre les réseaux, protéger les victimes

Le constat est admis de tous : la France est confrontée, depuis plusieurs années, au développement sans précédent de réseaux criminels et violents, qui exploitent la mendicité ou la prostitution sur la voie publique. Afin de renforcer la lutte contre ces réseaux, le projet de loi met à la disposition des services d'investigation des moyens juridiques nouveaux. Concomitamment, il prévoit des sanctions pénales renforcées à l'égard de leurs organisateurs et des mesures en faveur des victimes. L'insertion, par le Sénat, d'un chapitre V bis relatif à la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme (articles 17 bis à 17 undecies) s'inscrit dans cette démarche et complète utilement les dispositions initialement prévues.

Ainsi, l'article 18, qui punit de six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende le racolage, y compris passif, permettra aux forces de l'ordre de placer en garde à vue les prostituées afin des les extraire de l'emprise des réseaux. Cette procédure, susceptible de déstabiliser l'activité des proxénètes, permettra également d'entamer un dialogue avec les personnes qui se prostituent. Les étrangers seront incités à participer au démantèlement des réseaux, leur témoignage ou le dépôt d'une plainte pour proxénétisme à leur encontre pouvant donner droit à une autorisation provisoire de séjour (article 29). Ils pourront, en outre, être hébergés dans des centres d'accueil spécialisés et sécurisés, dont les moyens devront d'ailleurs être considérablement accrus (article 29 bis).

En revanche, les responsables des délits de traite des êtres humains (article 17 bis) ou d'exploitation de la mendicité d'autrui (article 22) seront passibles de lourdes sanctions pénales : réclusion criminelle à perpétuité et 4,5 millions d'euros d'amende lorsque la traite des êtres humains est commise en recourant à des tortures ou à des actes de barbarie ; 10 ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende lorsque l'exploitation de la mendicité est commise en bande organisée.

S'agissant des responsables des réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains, l'article 17 decies autorise la saisie conservatoire de leurs biens lorsqu'ils sont mis en examen par le juge d'instruction. En outre, l'article 17 septies permet à la juridiction de jugement d'ordonner, au titre des peines complémentaires, la confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. Enfin, ces responsables, s'ils sont de nationalité étrangère, pourront se voir retirer leur titre de séjour (article 28) et être, en conséquence, éloignés de notre territoire.

Par ailleurs, les articles 17 ter à 17 sexies accroissent le quantum de la peine encourue par les auteurs des délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, tout en renforçant la protection des victimes mineures. Ainsi, l'article 17 sexies prévoit que les mineurs victimes de ces délits bénéficient d'une présomption légale de vulnérabilité qui doit leur permettre d'obtenir aisément la sanction des auteurs et la réparation du préjudice qu'elles ont subi.

3. Moderniser les instruments au service de l'enquête policière

Les personnes ayant subi des agressions sont les premières victimes de la faiblesse du taux d'élucidation des crimes et des délits par les services de police (22,27 %) et de gendarmerie (32,15 %). Pour que le droit des victimes - et de la société - à obtenir le châtiment des délinquants soit mieux assuré, les articles 9 à 16 du projet de loi dotent les forces de l'ordre des instruments modernes et efficaces indispensables à l'élucidation des infractions constatées.

Bien évidemment, les dispositions proposées ne sacrifient pas la protection des libertés au renforcement des capacités d'investigation. De nombreuses garanties sont prévues : le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est assuré ; les fichiers dont la création est proposée sont placés sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

Ainsi, l'article 15 modifie le régime du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), qui est aujourd'hui cantonné à la conservation des empreintes des personnes définitivement condamnées pour des crimes graves, notamment sexuels, et qui comprend, de ce fait, un nombre de données insuffisant (de l'ordre de 2 000 empreintes, contre près de 2 millions au Royaume-Uni). C'est pourquoi, il est proposé de soumettre également à un prélèvement biologique les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordant rendant vraisemblable qu'elles aient commis une infraction rentrant dans le champ du fichier ; la liste de ces infractions est concomitamment étendue. Le Sénat a également prévu que les empreintes des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis une infraction pourront être comparées avec les données incluses dans le fichier. Le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement sera puni de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.

Par ailleurs, l'article 16 autorise les officiers de police judiciaire à procéder à des opérations de prélèvements externes sur toute personne concernée par une procédure. Lorsqu'il s'agira d'empreintes génétiques, les résultats ainsi obtenus pourront être comparés avec des traces relevées sur la scène d'un crime.

Ces nouvelles mesures, qui faciliteront grandement l'identification des auteurs d'infractions, auront également pour effet d'apporter la preuve irréfutable de l'innocence des personnes injustement soupçonnées. Les droits des victimes et des innocents s'en trouveront donc mutuellement confortés.

L'article 13 élargit les possibilités de procéder à la consultation administrative des fichiers de police judiciaire introduites par la loi précitée du 15 novembre 2001. Ainsi, les décisions de recrutement ou d'affectation de certains emplois, à l'instar de ceux, publics ou privés, relevant des domaines de la sécurité, de la défense, ou permettant l'accès à des zones protégées, pourront être précédées d'enquêtes administratives susceptibles de donner lieu à la consultation des fichiers de police judiciaire prévus à l'article 9 du projet de loi. Les autorités administratives en charge de la délivrance des titres de séjour ou de l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française pourront également procéder à des consultations de cette nature. Ce faisant, il s'agit d'éviter que des personnes aux lourds antécédents policiers, donc dangereuses pour la préservation de l'ordre public, ne puissent accéder à la nationalité française ou à des emplois et à des lieux sensibles.

Enfin, la criminalité étant par définition mobile et tendant à s'internationaliser, le renforcement de l'efficacité des investigations commande d'améliorer la circulation des informations mises à la disposition des différents services de police et de gendarmerie. C'est pourquoi, l'article 11 prévoit l'inscription obligatoire, et non plus facultative, dans le fichier des personnes recherchées (FPR), des individus placés sous contrôle judiciaire, interdits d'entrée dans une enceinte sportive ou faisant l'objet d'une peine d'interdiction de séjour. En outre, les services de police et de gendarmerie seront désormais autorisés à transmettre à leurs homologues étrangers, ainsi qu'aux organismes de coopération policière, des données personnelles contenues dans leurs fichiers (article 12).

4. Rétablir la tranquillité et la sécurité publiques

Le 20 novembre dernier, le ministre de l'intérieur déclarait, à propos des dispositions du projet de loi regroupées dans le chapitre VI et destinées à assurer la tranquillité et la sécurité publiques : « Il est indispensable de donner aux gendarmes et aux policiers les outils juridiques nécessaires pour combattre efficacement des comportements aussi inacceptables que la prostitution galopante, les abus de certains parmi les gens du voyage, la mendicité agressive, l'exploitation de la mendicité ou encore l'occupation des halls d'immeubles par des groupes plus soucieux d'intimider les honnêtes gens que de travailler. Ces comportements n'ont que trop duré, ils n'ont que trop affecté les plus démunis, ils n'ont que trop fragilisé notre République. Et tenter d'y mettre un terme ce n'est pas porter atteinte en quoi que ce soit aux libertés individuelles, c'est au contraire restaurer la capacité de chacun à en jouir pleinement. Car chacun a le même droit à son intégrité physique, chacun a le droit à la tranquillité, au respect de sa dignité. Et, n'oublions pas que le code pénal est d'abord fait pour protéger les victimes et confondre les délinquants » (10).

Les dispositions en question ont fait couler beaucoup d'encre... Mais l'intervention précitée du ministre de l'intérieur dément les interprétations tendancieuses et les amalgames proférés par certains : il s'agit de mesures équilibrées, qui tendent à réprimer non pas les victimes mais les réseaux qui les exploitent, ainsi que les délinquants qui « pourrissent » la vie de trop nombreux citoyens. Les Français, au demeurant, ne s'y trompent pas et ont parfaitement perçu le message qui leur était adressé : le temps de l'impunité est révolu.

Certaines de ces dispositions sont directement destinées à lutter contre les réseaux mafieux et à protéger des victimes : c'est le cas, comme on l'a vu, de l'article 18 sur l'incrimination du racolage (et, corrélativement, des articles 28 et 29 sur les titres de séjour) et de l'article 22 sur l'exploitation de la mendicité. Le souci d'équilibre qui les caractérise se retrouve, d'ailleurs, à l'article 19, qui a pour objet d'assurer le respect des terrains communaux et privés contre les occupations indues par des personnes qui choisissent de s'y installer : l'usage par les communes du dispositif pénal s'articule, en effet, avec une obligation de respecter les normes d'accueil prévues par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

Le Gouvernement propose, par ailleurs, d'instaurer un régime délictuel pour sanctionner certains comportements inadmissibles, qu'il s'agisse des attroupements portant atteinte à la libre circulation des personnes dans les parties communes des immeubles d'habitation (article 21) ou de la « mendicité agressive » qui s'apparente, souvent, à du racket (article 23).

Face à la prolifération incontrôlée des établissements de vente à emporter d'aliments assemblés sur place, qui génère d'importantes nuisances pour les riverains et de nombreux troubles à l'ordre public, les articles 24 et 25 confèrent aux préfets le pouvoir de prononcer, par arrêté, leur fermeture administrative pour une durée maximale de trois mois.

Afin de lutter contre la recrudescence des vols de téléphones portables, qui s'accompagnent parfois de violences contre les personnes, les articles 26 et 27 tendent, respectivement, à obliger les opérateurs à mettre en oeuvre des dispositifs techniques permettant la neutralisation à distance des terminaux volés et à punir d'une peine de deux ans d'emprisonnement et 37 500 euros d'amende le fait d'entraver sciemment, notamment par l'intermédiaire de dispositifs électroniques, la mise en oeuvre de ladite neutralisation.

Enfin, le code pénal est modifié afin de sanctionner plus sévèrement les menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique (article 20) et d'aggraver les peines encourues en cas d'agression violente à leur encontre (articles 20 bis et 20 ter).

5. Clarifier le régime juridique des armes

Plusieurs événements récents ont mis en lumière les failles du système juridique d'encadrement de l'acquisition et de la détention d'armes fondé sur le décret-loi du 18 avril 1939. Dans l'attente d'une refonte complète du dispositif réglementaire de classification des armes annoncée par le ministre de l'intérieur, et conformément aux objectifs fixées par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, le titre II du projet de loi permet de répondre à plusieurs des questions qui ont été posées par ces drames, sans pour autant stigmatiser telle ou telle catégorie de possesseurs d'armes. À ce titre, les efforts accomplis, ces dernières années, en particulier par les tireurs sportifs et les chasseurs, pour rendre leur activité plus sûre et mieux encadrée, méritent d'être soulignés.

L'article 30 procède à une clarification du régime administratif des armes en l'alignant sur les dispositions communautaires. Désormais, l'acquisition et la détention de chaque arme sera soumise soit à un régime d'interdiction, soit à un régime d'autorisation préalable, soit à un régime de déclaration, soit à un régime de liberté. Le Sénat y a introduit un principe d'interdiction générale d'acquisition et de détention d'armes par les mineurs.

Les articles 31, 32 et 33 facilitent le suivi des mouvements d'armes par les services de police ou de gendarmerie. L'article 31 leur donne ainsi les moyens d'instruire de manière plus complète et plus efficace les dossiers d'acquisition ou de déclaration en liaison avec les préfectures. L'article 33 complète le dispositif actuel de dessaisissement des armes détenues par un dément par la possibilité de dessaisir de ses armes une personne qui trouble l'ordre public. L'article 32 impose aux personnes qui souhaitent acquérir une arme dangereuse la présentation d'un certificat médical attestant de leur état de santé physique et psychique. Complétée par l'article 35, qui exonère les autorités médicales du secret professionnel lorsqu'elles ont affaire à une personne atteinte de troubles mentaux qui possède une arme, cette disposition permettra d'éviter que ne se renouvèlent des tueries comme celle de Nanterre.

En contrepoint de cet encadrement juridique plus strict de la détention légale d'armes, le projet de loi prévoit plusieurs mesures destinées à lutter contre les trafics. Il propose, par exemple, d'inscrire dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques les traces et empreintes de ceux qui ont commis des délits prévus par la loi du 24 mai 1834 sur les détenteurs d'armes ou de munitions de guerre, la loi du 3 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et le décret-loi de 1939 précité (article 16).

6. Élargir les compétences des polices municipales

Le titre III du projet de loi compte deux dispositions relatives aux polices municipales. Il est proposé, en premier lieu, de leur permettre d'accéder aux fichiers des immatriculations et des permis de conduire (article 36). En second lieu, les responsables des polices municipales pourront désormais prescrire la mise en fourrière d'un véhicule, sans passer par un officier de police judiciaire (article 37).

Ces mesures sont attendues par les polices municipales, qui apportent un soutien indispensable aux forces nationales de sécurité. Elles reconnaissent aux agents concernés des prérogatives cohérentes au regard des compétences qui leur ont été conférées par ailleurs. De plus, le ministre a annoncé, devant la commission des Lois, le 11 décembre 2002, qu'une circulaire tendant à rappeler et à clarifier les compétences reconnues aux polices municipales devrait être publiée au début de l'année prochaine, afin de leur permettre de mieux exploiter les possibilités que le droit en vigueur leur offre déjà, et que des mesures complémentaires seraient proposées, le cas échéant, dans le courant de l'année 2003.

7. Assainir le secteur de la sécurité privée

Face au développement croissant et mal maîtrisé des activités privées de surveillance, de gardiennage, de transport de fonds et de protection des personnes, le législateur est intervenu en 1983 (11) afin de moraliser la profession et de délimiter le champ d'action des sociétés intervenant dans ce secteur. Or, ce dernier a continué de se développer de manière exponentielle, jusqu'à atteindre aujourd'hui près de 100 000 salariés, tandis que le nombre d'entreprises intervenant s'est considérablement accrû.

La loi n° 95-73 d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a reconnu le rôle important joué par les sociétés privées de sécurité. Cette reconnaissance a été confirmée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002. Le présent projet de loi, dans son titre IV, s'attache donc à poursuivre l'oeuvre entreprise en 1983 dans le sens d'une plus grande exigence de la qualité des prestations de sécurité privée en renforçant les conditions d'exercice de la profession, qu'il s'agisse des dirigeants ou des employés, en encadrant plus strictement les missions de ces entreprises et, enfin, en exerçant sur elles un contrôle plus étroit (article 38). Les entreprises seront soumises à autorisation, les dirigeants devront obtenir un agrément, les employés seront déclarés et devront répondre à des exigences d'honorabilité et d'aptitude professionnelle.

En échange de ces nouvelles garanties, plus durement sanctionnées, le projet de loi accorde de nouveaux pouvoirs aux agents privés de sécurité, mais aussi aux membres des services d'ordre intervenant lors des manifestations sportives de grande ampleur, notamment en pérennisant les dispositions de la loi précitée du 15 novembre 2001 concernant la possibilité de réaliser des palpations de sécurité (article 39).

Le Sénat s'est attaché, pour sa part, à clarifier les modalités de mise en conformité avec le droit communautaire et la loi du 12 juillet 1983 précitée.

8. Les autres dispositions

Le titre V du projet de loi regroupe des dispositions diverses qui ont pour objet : d'élargir les compétences des agents de surveillance de la ville de Paris (ASP) en leur permettant de constater, par procès-verbal, les contraventions aux arrêtés du préfet de police et du maire de Paris relatifs au bon ordre, à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité sur la voie publique (article 43) ; de permettre l'attribution aux services enquêteurs des biens mobiliers faisant l'objet, à l'occasion d'une procédure pénale, d'une décision judiciaire définitive qui en transfère la propriété à l'État (article 44) ; de renforcer le régime de protection juridique dont bénéficient les agents publics intervenant dans le domaine de la sécurité intérieure ainsi que les membres de leur famille (article 45).

Le titre VI (articles 46 à 57) prévoit l'application outre-mer de la quasi-totalité des dispositions du projet de loi. Certains articles de la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 précitée sont étendus aux collectivités concernées, conformément à la loi du 29 août 2002 (article 52). L'article 55 définit, par ailleurs, les modalités d'intégration dans la police nationale de certains agents de la collectivité territoriale de Mayotte, dans le contexte du transfert de l'exécutif au président du conseil général prévu au début de l'année 2004, conformément à la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

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Avant d'examiner les articles du projet de loi, la Commission a procédé, le mercredi 11 décembre 2002, à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Après avoir rappelé que le projet de loi sur la sécurité intérieure avait été adopté par le Sénat le 19 novembre dernier, à l'issue de trois jours de débats qu'il a qualifié d'éclairés et de passionnés, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et des libertés locales, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souhaité que son examen par l'Assemblée nationale se déroule dans le même esprit, au-delà de clivages politiques qui ont du mal à endiguer les réactions d'humanisme et de bon sens, et ce malgré la multiplication des critiques médiatiques portées, en méconnaissance de l'évolution de la politique dans notre pays depuis le 21 avril dernier, contre un texte accusé trop rapidement de limiter les libertés. Il a rappelé que certaines déclarations récentes de plusieurs élus de l'opposition de premier plan, au-delà d'une position dogmatique, irréaliste et immobiliste, avaient marqué une approbation de principe de la politique de sécurité menée par le Gouvernement, parce qu'elle vise à résoudre des problèmes bien réels, vécus tous les jours par les citoyens. Il a rendu hommage au travail de concertation effectué par le rapporteur, au nom de la commission des Lois et sous l'autorité du président Pascal Clément.

Puis, il a fait observer que le projet de loi constituait la traduction des dispositions de la loi d'orientation, adoptée en juillet dernier à une très large majorité, loi qui a trouvé, par ailleurs, son prolongement budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2003, qui garantit l'engagement de plus de 40 % des moyens programmés sur cinq ans. Rappelant que les chiffres de la délinquance, publiés désormais chaque mois, selon les normes d'un système statistique créé en 1972, révélait, après une hausse de 5,5 % entre janvier et avril 2002, une baisse de la délinquance de 1,22 % depuis le mois de mai, résultat obtenu grâce à la mobilisation des forces de police et de gendarmerie, il a jugé qu'il convenait d'inscrire cette évolution dans la longue durée.

Estimant que le projet de loi se tenait éloigné de toute idéologie et répondait précisément et de manière lisible à des questions aiguës, dans un souci d'équilibre et de respect scrupuleux des droits de l'homme, le ministre a indiqué que la première ambition de ce texte était de lutter contre la délinquance qui a augmenté dans des proportions considérables ces dernières années, au point de bouleverser et de briser de plus en plus de vies, des vies de victimes souvent modestes et démunies, qui n'ont pour seul recours que la protection d'un État qui s'est montré parfois, dans le passé, défaillant. Il s'est élevé contre l'hypocrisie consistant à dénoncer ce texte comme « anti-pauvre », alors même que les problèmes d'insécurité touchent au premier chef les catégories les plus défavorisées de nos concitoyens et a dénoncé l'attitude qui consiste à assimiler précarité, jeunesse et habitat social dégradé avec la délinquance, attitude révélatrice d'un véritable mépris social. Puis, affirmant qu'il n'était pas question de lutter contre une catégorie sociale particulière, il a réfuté l'amalgame tendant à dénoncer une prétendue lutte contre les mendiants, les prostituées ou les gens du voyage, alors même que l'objet du projet de loi est de lutter contre les comportements délictueux, quels qu'en soient les auteurs, dès lors qu'ils compromettent la sécurité des autres, qu'il s'agisse des menaces accompagnant la mendicité, qui la transforment en racket, des trafics en tous genres, des risques sanitaires graves accompagnant la prostitution de masse, ou encore des dégradations inacceptables opérées sur des propriétés par ceux des gens du voyage qui sont peu scrupuleux. Il s'est élevé contre le fait qu'on lui prête la volonté de confondre jeunesse et délinquance et a déclaré avec force qu'il était anormal de parler de « jeunes » lorsqu'on désigne des bandes de voyous qui s'attaquent délibérément à la police. Enfin, prenant l'exemple des travailleurs sociaux et des éducateurs qui ne peuvent plus exercer dans certains quartiers gangrenés par les trafics et par une forme de « caïdat », il a souhaité que cesse tout débat « théologique » entre prévention et répression, le rétablissement de l'ordre et la définition d'une base juridique incontestable et équilibrée à l'action de nos forces de l'ordre étant la première condition d'établissement d'une politique de prévention, construite autour de l'action des maires, et le premier des moyens pour redonner de l'espoir aux citoyens fragilisés par la peur.

Faisant remarquer que le texte était divisé en cinquante-sept articles regroupés dans six titres formant des blocs cohérents, le ministre a précisé que le Sénat avait ajouté une vingtaine d'articles additionnels qui, tout en apportant des améliorations sensibles, n'ont pas modifié l'équilibre, ni l'organisation du projet de loi. Il a indiqué que le titre premier répondait au souci d'améliorer l'efficacité des services de sécurité intérieure, le deuxième permettait d'éviter que des armes ne soient détenues par des déséquilibrés, le troisième donnait aux polices municipales les pouvoirs correspondant aux compétences des maires, le quatrième encadrait et assainissait le monde des activités de sécurité privée, le cinquième organisait la lutte contre la progression constante des agressions à l'encontre des représentants de l'État et de leurs familles, tandis que le dernier prévoyait les conditions d'application du projet de loi à l'outre-mer.

S'agissant des premiers articles, il a relevé qu'ils confiaient aux préfets la direction des actions de sécurité intérieure dans les départements, prolongement logique de la réorganisation nationale qui place policiers et gendarmes sous l'autorité opérationnelle du ministre chargé de la sécurité intérieure et les intègre dans un schéma stratégique opérationnel, et permettaient d'élargir la zone de compétence des officiers de police judiciaire, qui pourront intervenir au moins sur le territoire du département, voire sur celui de la zone de défense. Il a précisé que les pouvoirs des policiers municipaux seraient étendus pour que, lorsqu'ils dressent des contraventions, ils aient le droit de consulter le fichier des véhicules volés et ne soient plus contraints de requérir le concours d'un policier national s'ils souhaitent que le véhicule soit mis en fourrière.

Puis, il a exposé les moyens d'actions supplémentaires que le texte apporterait aux policiers et aux gendarmes, évoquant d'abord la facilitation des visites de véhicules. Il a précisé qu'il s'agissait de revenir sur la jurisprudence considérant que la voiture est un espace privé, totalement protégé, alors même qu'un coffre de voiture ne saurait constituer un domicile. Il a observé que l'ouverture des coffres ne pourrait porter atteinte aux droits de l'homme puisqu'elle aurait lieu sur décision du procureur de la République ou avec l'accord du propriétaire, ajoutant qu'elle permettrait de lutter contre les transports de drogue ou des produits d'un cambriolage, les cas de visites de véhicules déjà prévus par la loi relative à la sécurité quotidienne étant étendus à la recherche d'infractions de vol et de recel, ainsi qu'aux cas de flagrant délit ou pour prévenir une atteinte à l'ordre public. Il a estimé que personne ne devait craindre d'être intempestivement arrêté de ce fait.

Il a fait remarquer que, dans le même esprit, les moyens techniques au service des enquêteurs seraient modernisés et leur consultation facilitée, notamment les fichiers. Considérant que la protection de la vie privée n'était pas incompatible avec celle de la vie d'autrui, il a souligné que le texte précisait les données personnelles susceptibles d'être contenues dans les fichiers des services de police et de gendarmerie, l'objectif n'étant pas de « ficher » 60 millions de Français, seuls les noms des personnes interdites de séjour ou soumises à des mesures particulières dans le cadre du contrôle judiciaire devaient être ajoutés dans le fichier des personnes recherchées existant. Il a regretté, à cet égard, le pathétique de la situation actuelle qui permet, par exemple, à une personne interdite de stade à la suite d'une condamnation par la justice d'y retourner parce que la police ne peut avoir connaissance de la décision qui a été prise. Il a ajouté qu'il était également proposé que certains services administratifs aient accès à une partie des informations figurant dans les fichiers de police judiciaire, notamment pour les enquêtes les plus sensibles concernant l'accès aux installations prioritaires de la défense, aux emplois relevant de la sécurité ou de la défense, la délivrance d'un titre de séjour ou l'octroi de la nationalité française. Il a, en effet, jugé absurde que les grands principes empêchent de vérifier qu'un candidat au poste d'agent de sécurité d'une centrale nucléaire ne soit soupçonné d'avoir participé à des attentats ou que l'octroi de la nationalité française ou d'un titre de séjour ne soit accordé à une personne impliquée dans un trafic de drogue. Il a considéré que c'était sans doute moins le contenu de ces dispositions, plus pratiques qu'idéologiques, que leur absence jusqu'à présent qui pouvait être critiquée.

Il a jugé nécessaire d'étendre les informations contenues dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (fnaeg) pour y inclure les personnes condamnées ou objectivement soupçonnées des actes les plus graves, tels que les délits de violence contre les personnes ou ceux mettant en danger l'ordre public, ces dispositions n'étant pas l'annonce d'un État policier, mais la fin d'un État aveugle, le fnaeg étant au XXIe siècle ce que le fichier des empreintes digitales était au siècle précédent. Il a cité l'exemple du Royaume-Uni, berceau des libertés individuelles, qui détient un fichier contenant plus de 1,6 million d'empreintes, alors que le fichier français n'en comprend qu'un millier. Il a confirmé que le développement d'un tel fichier permettrait notamment d'identifier rapidement et de manière sûre les personnes soupçonnées de viols, évoquant à cet égard la détresse des parents des jeunes filles tuées dans la Somme, auxquels il a fallu expliquer qu'il serait difficile de retrouver l'assassin faute de disposer d'un fichier adapté, à l'heure où 60 000 affaires sont résolues grâce aux empreintes génétiques outre-Manche.

Il a souligné que les dispositions proposées répondaient au principe de finalité essentiel en matière de droit des fichiers, les enregistrements n'étant autorisés que dans le but d'améliorer l'efficacité des services de sécurité intérieure, tandis que le contrôle par l'autorité judiciaire et les conditions d'accès étaient clairement organisés. À ce sujet, il a indiqué qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (cnil), fixerait les conditions dans lesquelles les informations pourraient être communiquées, ainsi que les conditions dans lesquelles une victime pourrait s'opposer à ce que les informations la concernant soient conservées, les informations inscrites dans le fnaeg étant celles données au procureur, qui disposerait ainsi d'un droit de contrôle sur son contenu, tandis que le juge des libertés et de la détention pourrait ordonner l'effacement des données à la demande des personnes. Il a donné l'assurance qu'il n'y aurait pas de risque d'arbitraire ou d'anarchie, les conditions d'utilisation des fichiers de police étant précisées, et a observé que la cnil - que le Gouvernement n'a pas consulté préalablement parce qu'il n'y était pas tenu et parce que le Parlement a tout autant qualité qu'une autorité administrative indépendante pour se prononcer sur ces sujets - n'avait pas relevé d'atteintes aux libertés individuelles.

Dans un même objectif d'efficacité, il a indiqué que l'autorisation serait donnée aux services de police et de gendarmerie d'utiliser certains biens saisis, car il n'y avait aucune raison que les grosses cylindrées si utiles aux délinquants ne puissent servir également aux représentants de la loi, sur décision judiciaire.

Le ministre a ensuite souligné que le projet de loi devait combler certaines lacunes du droit trop propices au développement de nouveaux risques et de nouvelles formes de délinquance, au premier rang desquels se trouve le terrorisme, justifiant ainsi la prorogation jusqu'en décembre 2005 de certaines dispositions de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

Observant que le deuxième risque, malheureusement bien connu, était constitué par les armes, il a insisté sur la nécessité de dispositions nouvelles qui n'imposent pas, pour autant, des contraintes inutiles aux chasseurs et tireurs sportifs. Soulignant le danger que représente le fait que certains acquéreurs d'armes n'aient pas un état mental compatible avec leur détention, il a considéré que l'exigence d'un certificat médical semblait de bon sens, une telle mesure étant déjà pratiquée en Espagne, en Grèce, au Portugal et bientôt en Belgique. Il a également jugé logique qu'un professionnel de la santé soit autorisé à passer outre le secret professionnel pour signaler qu'un de ses patients n'est pas sain d'esprit alors même qu'il possède une arme. Précisant que le nouveau régime administratif institué par la loi visait à mieux contrôler la diffusion de certaines armes, comme les carabines 22 long rifle, et à donner plus de moyens aux préfets pour engager les procédures utiles afin qu'une personne notoirement déséquilibrée ou dangereuse soit dessaisie de son arme, il a indiqué qu'il n'avait pas cependant pour ambition de corriger les innombrables défauts de la classification actuelle, une telle réforme supposant une concertation qui devrait être prochainement engagée.

Le ministre a indiqué qu'il était également proposé de mieux encadrer juridiquement le développement des activités privées de sécurité, les enjeux liés à ce secteur ne pouvant être ignorés, dès lors qu'il existe en France autant d'agents de sécurité privés chargés de prévenir des actes de malveillance que de policiers. Il a souligné que le projet de loi définissait précisément les tâches des sociétés privées de sécurité et renforçait leur professionnalisation ainsi que les conditions d'agrément ou d'autorisation, l'objectif étant d'éviter, par exemple, qu'un agent de sécurité ne soit un malfaiteur ou un terroriste.

Il s'est réjoui de l'obligation faite aux opérateurs de bloquer les téléphones portables volés, qui comble une lacune du droit dont beaucoup de Français ont déjà fait les frais, le nombre de vols à l'arraché, dont les conséquences psychologiques et parfois physiques sont très lourdes pour les victimes, étant très élevé alors que les solutions techniques existent qui permettraient de les limiter.

Puis le ministre a souligné que le projet de loi répondait à l'exaspération des Français qui ne supportent plus l'impuissance de la puissance publique, face à l'insécurité quotidienne. Il a jugé, en effet, que sans sombrer dans une exagération sécuritaire, il convenait de traiter et non de mépriser la peur de nos concitoyens. À cet égard, il a proposé des solutions républicaines et réalistes, les cibles n'ayant rien à voir avec les caricatures habituelles issues d'une intelligentsia qui parle beaucoup d'une France qu'elle connaît mal et qui lui est si différente qu'elle finit par lui être étrangère.

Abordant la question du développement de la prostitution, il a précisé qu'au Sénat, la discussion sur ce sujet avait duré plusieurs heures et avait révélé, s'il en était besoin, la difficulté de cette question, infiniment sensible. Il a estimé qu'il serait inacceptable de ne rien faire, à l'heure où les risques sanitaires d'épidémie de sida sont considérables, et jugé qu'il serait criminel de fermer les yeux sur le développement de la prostitution nourrie par des réseaux étrangers. Il a affirmé que la prostitution, de nos jours, était assimilable à une forme d'esclavagisme, puisqu'elle constituait une activité très lucrative pour le proxénète, alors que la ou le prostitué n'avait d'autre perspective que de rester sur le trottoir. Il a dénoncé, à ce titre, l'hypocrisie consistant, d'une part, à dénoncer le proxénétisme, et, d'autre part, à laisser les prostituées sur le trottoir, au mépris des craintes et du malaise des riverains des zones touchées par cette activité.

Il a constaté qu'il était très difficile d'expliquer concrètement la différence entre le racolage actif interdit et le racolage passif autorisé, jugeant la situation actuelle intenable, sauf à légaliser la prostitution, à autoriser le racolage actif ou à rouvrir les maisons closes, ce qu'il a récusé. Il a expliqué que, pour sortir de ces ambiguïtés, il apparaissait nécessaire d'interdire tout racolage, actif ou passif, de le transformer en délit et de réhabiliter le délit d'exhibition, précisant que l'objectif était de sanctionner les vrais coupables, c'est-à-dire les proxénètes. Il a insisté sur le fait que les prostituées en situation irrégulière qui dénonceraient leur proxénète pourraient se voir attribuer un titre de séjour, tandis que les effectifs des services de police spécialisés contre les filières de prostitution seraient doublés. Il a ajouté que l'éradication de l'esclavagisme des prostituées étrangères impliquait le retour systématique de la plupart d'entre elles dans leur pays d'origine, le travail avec les associations de réinsertion des prostituées et des organisations non gouvernementales devant être poursuivi et développé.

Il a jugé que les dispositions introduites par le Sénat relatives au délit de traite des êtres humains correspondaient bien aux situations réelles d'exploitation de la personne vulnérable sous toutes les formes possibles.

S'agissant de la question des gens du voyage, le ministre a déploré la situation d'intolérance existante, observant que rares étaient les maires prêts à les accueillir faute de bénéficier de la garantie de l'État d'une restitution des terrains, et soulignant qu'aujourd'hui, il était impossible de faire respecter le droit de propriété puisque le propriétaire d'un terrain occupé contre sa volonté était contraint, pour le récupérer, d'engager une procédure civile très longue, dont l'issue était incertaine. Réaffirmant sa volonté de ne pas stigmatiser les gens du voyage qui, dans leur grande majorité, sont honnêtes - comme l'a montré le rassemblement qui s'est déroulé sans incident à Damblain cet été - et qui ont choisi un mode de vie qu'il convient de respecter et même de protéger, il a souligné la nécessité de punir ceux qui enfreignent la loi, rendant la vie impossible à d'autres. Il a donc proposé de créer un nouveau délit afin de donner un cadre juridique permettant à la police et à la gendarmerie d'intervenir immédiatement, et si nécessaire de suspendre le permis de conduire et de saisir les véhicules des personnes violant la loi, observant qu'une telle mesure permettrait de conforter les plus honnêtes et d'accélérer la mise en place d'aires d'accueil dans les communes, ce que M. Louis Besson lui-même a reconnu. Il a précisé que le nouveau délit protégerait toutes les propriétés privées, ainsi que les territoires communaux dans les communes qui ont effectivement respecté leurs obligations vis-à-vis de la « loi Besson ».

S'agissant des regroupements hostiles des personnes dans les espaces communs des immeubles d'habitation, il a insisté sur le fait que le texte ne visait en aucun cas les « jeunes », qui ne sont pas délinquants par construction, mais tous ceux qui rendent la vie impossible aux travailleurs honnêtes qui souhaitaient pouvoir rentrer chez eux sans risquer quolibets ou violences. Il a fait remarquer que la loi sur la sécurité quotidienne avait prévu l'intervention possible des forces de l'ordre, sans y associer de sanction, ce qui entamait de facto la crédibilité des policiers et des gendarmes, mais également celle des policiers municipaux, face à des rassemblements menaçant ou hostiles qui seront désormais constitutifs de délits. Il a indiqué que l'État appuierait les collectivités locales dans le financement de « salles communes » dans les quartiers où il n'y en a pas, afin de permettre à ceux qui occupent habituellement, de manière pacifique, les halls d'immeubles de se réunir dans un endroit idoine.

Enfin, en ce qui concerne l'exploitation de la mendicité, après avoir rappelé que des personnes démunies, parfois handicapées, étaient exploitées comme des marchandises pour fournir des rentes de situation à des délinquants sans scrupules, le ministre a affirmé sa volonté de s'attaquer aux exploitants en permettant que les personnes qui encadrent, transportent, utilisent et récupèrent les ressources des mendiants, soient déférées devant la justice, les dispositions introduites au Sénat sur la traite des êtres humains complétant utilement, dans ce domaine aussi, le projet de loi. Dans la même logique, il a insisté sur la nécessité de prendre en compte une nouvelle forme de mendicité, qui s'apparente à l'extorsion de fonds et que le projet appelle la demande de fonds sous contrainte, consistant, en groupe, de façon agressive, et éventuellement avec des chiens démuselés, à se rassembler autour d'une personne pour lui demander de l'argent avec une instance telle que la victime a le sentiment de ne pouvoir résister à cette pression. Il a fait observer que les mendiants ne seraient pas les cibles mais les bénéficiaires de ce texte, seul le racket déguisé en mendicité étant constitutif d'un délit.

En conclusion, il a assuré que le respect de la loi constituait, en tout état de cause, un préalable à toute discussion ou négociation. Il a considéré que, pour l'hôte d'un pays étranger, le premier devoir était d'en respecter les lois, sauf à refuser manifestement d'en admettre les valeurs. C'est pourquoi il a jugé que la commission d'infractions aussi graves que le racolage, le proxénétisme ou l'exploitation de la mendicité, devait pouvoir conduire à l'expulsion des personnes étrangères titulaires d'une carte ou d'un titre de séjour inférieur à un an. En outre, il a confirmé sa volonté de lutter de manière déterminée contre les agressions de policiers, de gendarmes, de sapeurs-pompiers ou de leurs familles, phénomène qui a crû de plus de 135 % en vingt ans. Il a jugé nécessaire d'étendre cette protection aux conducteurs de bus et aux gardiens d'immeubles. Enfin, il a rappelé que le premier objectif du Gouvernement n'était pas d'établir un ordre moral, mais de garantir l'ordre public et d'imposer le respect des valeurs républicaines.

M. Christian Estrosi, rapporteur, a remercié le ministre de l'intérieur de donner aux députés la possibilité de respecter les engagements pris vis-à-vis de leurs électeurs, qui ressentent un fort sentiment de détresse face à la montée de l'insécurité. Il a jugé les premiers résultats obtenus d'autant plus méritoires qu'ils ne sont dus qu'à la seule volonté politique du ministre, qui a dû se contenter, au cours des derniers mois, des moyens modestes qui lui avaient été alloués par la loi de finances pour 2002. Puis il s'est réjoui que soit prévu dans ce texte l'ensemble des mesures correspondant aux objectifs définis par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI). Expliquant qu'il avait souhaité montrer l'esprit d'ouverture dans lequel la commission des Lois de l'Assemblée nationale abordait l'examen de ce texte, il a souligné qu'il avait auditionné sur ce projet de loi une cinquantaine de syndicats, d'associations et d'acteurs de la sécurité au quotidien, y compris parmi ceux qui ont publiquement critiqué le projet. Il s'est félicité de constater qu'un réel dialogue avait pu s'engager, même avec la plupart de ceux qui prétendent aujourd'hui encore que l'insécurité n'a pas augmenté dans notre pays, ou qui jugent que la réforme proposée revient à instituer des délits de pauvreté.

Revenant au débat de fond suscité par le projet de loi, il a estimé que l'insécurité avait bel et bien augmenté et qu'aucun remède n'avait été apporté à ce phénomène depuis vingt ans, ni par ceux qui lui attribuent des causes économiques - alors que la décrue du chômage et la croissance concomitante de l'insécurité au cours des années récentes montrent que cette explication n'en est pas une - ni par ceux qui prétendent ériger la prévention en substitut de la répression. À cet égard, tout en soulignant l'utilité de la politique de la ville, M. Christian Estrosi a observé que, bien souvent, les investissements réalisés dans les quartiers au titre de l'action sociale, de l'animation sportive ou de la lutte contre l'illettrisme n'avaient pas contribué au recul de l'insécurité, mais s'étaient parfois, au contraire, accompagnés d'une augmentation de celle-ci. Il a expliqué que, pour cette raison même, policiers, magistrats, gendarmes ou policiers municipaux se réjouissaient de voir le Gouvernement mettre un terme à cette approche quelque peu angélique.

Soulignant ensuite que le projet de loi s'appuyait sur des moyens accrus ouverts dans le projet de loi de finances pour 2003, qui assure d'ores et déjà l'engagement de 40 % des crédits prévus par la loi de programmation, le rapporteur s'est réjoui de l'approche globale des problèmes qu'il traduisait, qui contraste avec la politique du coup par coup mise en oeuvre dans ce domaine pendant les cinq années passées, au cours desquelles pas moins de dix textes sur la sécurité ont été adoptés. Il s'est également félicité de ce que la politique de la sécurité s'accompagne d'une sécurité de la politique, l'arsenal pénal s'enrichissant d'outils inscrits dans la durée. Constatant que le projet de loi conjuguait détermination et équilibre entre lutte contre la délinquance et la criminalité d'une part et respect des droits des personnes d'autre part, le rapporteur a fait valoir qu'il aurait à coeur de préserver cette économie générale du texte au travers des amendements qu'il proposerait à la Commission.

Évoquant ensuite les dispositions relatives aux investigations judiciaires, et notamment celles qui prévoient une extension du cadre territorial de la compétence des officiers de police judiciaires (OPJ(, M. Christian Estrosi a souhaité connaître le degré d'avancement du regroupement des services régionaux de la police judicaire (SRPJ) en directions interrégionales.

S'agissant du volet de la réforme relatif aux fichiers, qu'il a jugé déterminant, il a rappelé que le projet de loi encadrait leur constitution et leur utilisation de garanties nombreuses, afin que soit assuré le respect des libertés individuelles. Il a expliqué qu'il ressortait de l'audition des représentants de la CNIL, que celle-ci n'émettait aucune réserve substantielle sur les dispositions du projet de loi relatives aux fichiers.

Il a ensuite souhaité avoir des précisions sur les modalités d'accès aux fichiers définis à l'article 9 du projet de loi, l'exemple des chefs d'entreprise recrutant des agents de sécurité montrant qu'ils pouvaient encourir le risque d'être condamnés pour avoir embauché une personne figurant sur ces fichiers sans qu'ils puissent en avoir eu connaissance au préalable.

Il s'est par ailleurs demandé s'il ne serait pas souhaitable d'étendre le fichier des empreintes génétiques à des infractions supplémentaires. Évoquant la démonstration qui lui avait été faite, au laboratoire de la police technique et scientifique d'Écully, du caractère protecteur de ce fichier pour les libertés individuelles, il a fait observer, en effet, que les quelque 1 700 noms qui y figuraient aujourd'hui ne serviraient probablement plus dans les années à venir, puisqu'ils appartenaient à des criminels lourdement condamnés. Il a également établi un parallèle avec le fichier des empreintes digitales, dont le fichier des empreintes génétiques ne constitue en définitive que la version moderne, et rappelé à ce sujet que, si Khaled Kelkal avait pu être identifié comme l'auteur de la tentative avortée d'attentat sur la ligne de TGV Paris-Lyon en 1995, c'était grâce aux empreintes digitales retrouvées sur la bombe que la police détenait à la suite d'un vol de véhicule commis par le même individu trois ans auparavant.

Évoquant, par ailleurs, la lutte contre les réseaux de prostitution, que le projet de loi aborde de front en sanctionnant ceux qui abusent de la faiblesse d'autrui et que le Sénat a renforcée en définissant l'infraction de traite des êtres humains, il a estimé nécessaire de la compléter par une amélioration de la prise en charge sociale des victimes. Se réjouissant de ce que la réforme proposée permette enfin aux forces de l'ordre de contrôler l'identité des personnes prostituées, en majorité d'origine étrangère, il s'est demandé s'il ne serait pas utile de garantir à celles qui accepteraient de collaborer avec les forces de sécurité pour démanteler les réseaux, outre un titre de séjour, de réelles possibilités d'insertion professionnelle.

S'agissant des mesures relatives aux gens du voyage, il a souhaité connaître le sentiment du ministre de l'intérieur sur la pertinence qu'il y aurait à prévoir, outre les procédures de confiscation des véhicules d'ores et déjà envisagées, un dispositif de vérification de l'origine des moyens utilisés pour leur acquisition.

Pour ce qui concerne les dispositions du projet de loi relatives aux attroupements dans les parties communes des immeubles, il s'est demandé s'il ne serait pas pertinent de moduler la sanction des nuisances occasionnées de ce fait en fonction de l'existence ou non d'équipements publics destinés à l'accueil de ces jeunes. Il a ainsi plaidé pour une application stricte de la sanction, lorsqu'en raison de l'existence d'infrastructures d'accueil, les attroupements dans les parties communes d'immeubles d'habitation n'auraient aucune raison d'être. Il a estimé qu'une telle approche présenterait l'avantage d'inciter les collectivités locales à adopter une politique active d'équipement en ce domaine, dans la mesure où elles seraient assurées, en contrepartie, d'une intervention sans concession des forces de l'ordre. À cet égard, après avoir fait observer que la loi sur la sécurité quotidienne du 15 juin 2001 permettait aux policiers nationaux, aux gendarmes et aux policiers municipaux d'accéder aux immeubles d'habitation, il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable que, à l'instar de leurs collègues, les policiers municipaux soient également dotés de pouvoirs de sanction dont ils sont dépourvus dans l'état actuel du droit.

Abordant enfin les problèmes relatifs aux trafics d'armes, M. Christian Estrosi a interrogé le ministre sur la pertinence d'une extension des dispositions existant dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants en matière d'infiltration et de surveillance.

Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes, a précisé que la délégation qu'elle préside avait adopté quinze recommandations sur les dispositions du projet de loi relatives à la prostitution. Elle a tout d'abord indiqué que la lutte contre le proxénétisme et les réseaux mafieux devait être, selon la Délégation, la priorité absolue d'une politique globale de lutte contre la prostitution, compte tenu de l'arrivée massive ces dernières années de personnes prostituées venues notamment de l'Est de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. À cet égard, elle a jugé très positive l'introduction par le Sénat, dans le code pénal, d'une nouvelle incrimination de traite des êtres humains permettant de pénaliser lourdement les activités de ces réseaux. Elle a ajouté toutefois que le démantèlement effectif des réseaux de prostitution nécessiterait le renforcement de la coopération policière et judiciaire avec les pays européens, notamment la Roumanie.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite souligné que la Délégation, consciente des nuisances engendrées par la prostitution dans certains quartiers des grandes villes, approuvait les mesures dissuasives proposées par le Gouvernement vis-à-vis du racolage sur la voie publique. Regrettant cependant que le seul moyen de protéger les prostituées des violences des réseaux mafieux consiste à prévoir des peines d'emprisonnement permettant leur placement en garde à vue, elle a également insisté sur la nécessité que les fonctionnaires de police observent strictement le code de déontologie dans l'application des mesures incriminant le racolage, afin d'éviter l'arbitraire dans l'appréciation des faits de racolage passif, dont la définition est imprécise.

Puis elle a indiqué que la Délégation se préoccupait particulièrement de la protection, en France ou dans leur pays d'origine, des personnes prostituées qui accepteraient de porter plainte ou de témoigner contre leurs proxénètes. Elle a ainsi estimé qu'il conviendrait de développer en France des centres d'hébergement adaptés, comme en Italie ou en Belgique. Rassurée par les propos du ministre selon lesquels les prostituées d'origine étrangère reconduites dans leur pays d'origine pourraient être confiées à des plateformes gérées par des organisations non gouvernementales, elle a souhaité avoir des précisions sur ce dispositif.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite observé que la Délégation se félicitait de la disposition adoptée par le Sénat permettant de délivrer aux personnes prostituées étrangères une carte de résident en cas de condamnation définitive d'un proxénète dénoncé et s'interrogeait sur la possibilité d'élargir l'application de cette disposition au cas où les procédures engagées grâce au témoignage des personnes prostituées n'aboutiraient pas à une condamnation. Elle a, par ailleurs, rappelé que la Délégation insistait sur la nécessité de développer des mesures de prévention, d'accueil et de réinsertion à l'égard des personnes prostituées et recommandait qu'elles fassent l'objet d'un traitement fiscal approprié, passant notamment par un abandon des poursuites lorsqu'elles renonçaient à leurs activités. Elle a ajouté que la Délégation souhaitait également que des actions d'information soient menées sur la réalité de la prostitution par le biais de campagnes de sensibilisation complétées notamment par une information pédagogique dans les établissements scolaires dans le cadre des horaires consacrés à l'éducation sexuelle.

Elle a enfin interrogé le ministre sur les actions envisagées pour renforcer la coopération judiciaire et policière en matière de lutte contre les réseaux de proxénétisme au niveau européen, ainsi que sur les mesures qui seraient prises pour assurer la protection des prostituées en France comme dans leur pays d'origine.

S'attachant en premier lieu à définir les conditions d'une politique publique efficace en matière de sécurité, M. Gérard Léonard a considéré qu'il était nécessaire d'en préciser clairement les objectifs, loin des a priori idéologiques ou dogmatiques, et d'en déterminer les moyens, comme cela a été fait dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et dans le projet de loi de finances pour 2003, puis d'en définir les outils juridiques, comme s'attache à le faire le présent projet de loi. Il a ensuite jugé illusoire de ne raisonner, pour la lutte contre l'insécurité, qu'en termes de territoire national et a souhaité, en conséquence, interroger le ministre sur les projets en matière de coopération internationale judiciaire, dans le cadre d'Europol, des accords de Schengen et dans la perspective d'un élargissement de l'Union européenne.

M. Bruno Le Roux a fait part de ses inquiétudes sur les conditions d'examen du texte, la date de distribution du rapport de la commission des Lois pendant l'interruption des travaux nécessitant, selon lui, des aménagements en termes de délais de dépôt d'amendements.

Récusant ensuite les propos polémiques que l'on aurait prêtés à l'opposition sur le texte, s'agissant notamment de certaines dispositions qui auraient été qualifiées de « liberticides », il a souhaité qu'une réelle réflexion puisse s'engager sur le fond, afin de répondre aux attentes légitimes des Français en matière de sécurité. Il a déploré néanmoins que le garde des Sceaux ne puisse être entendu sur ce texte, en particulier pour des dispositions telles que la coopération judiciaire, évoquée notamment par Mme Marie-Jo Zimmermann.

Il a rappelé que les socialistes ne pouvaient concevoir de politique de sécurité qui ne s'inscrive dans le cadre d'un respect scrupuleux des libertés publiques et ajouté que c'était la raison pour laquelle, sur un sujet tel que la fouille des véhicules, autorisée à titre transitoire sous la précédente législature dans un contexte précis lié à la lutte contre le terrorisme, les parlementaires socialistes proposeraient des amendements visant à encadrer la procédure afin d'en renforcer les garanties.

S'agissant de l'utilisation des armes à feu, il a rappelé qu'il était l'auteur d'une proposition de loi déposée en 1998 dont le dispositif, s'il avait été retenu, aurait permis d'être en avance par rapport aux autres pays européens ; estimant, dans le contexte de violence actuel, qu'il était nécessaire d'aller plus loin, afin que la possession et l'usage d'une arme à feu ne soient pas banalisés, il a annoncé qu'il soutiendrait, en conséquence, les dispositions prévues à cet effet dans le texte.

Il a, en revanche, exprimé son scepticisme sur les dispositions élargissant les compétences territoriales des OPJ, s'interrogeant notamment sur l'affaiblissement du contrôle du pouvoir judiciaire sur les activités de police qu'un tel élargissement pourrait induire.

De façon plus générale, il s'est élevé contre l'idée que la police puisse être considérée comme un remède à tous les maux dont souffre la société ; il a jugé, au contraire, souhaitable de privilégier le plus possible la négociation et la démarche partenariale.

Faisant état des derniers chiffres de la délinquance connus et des instructions qui avaient été très vraisemblablement données pour privilégier les infractions dont le taux d'élucidation est élevé, il a proposé que puisse être mis en place un indice d'évaluation objectif de la sécurité intérieure. Évoquant à ce sujet les travaux de MM. Robert Pandraud et Christophe Caresche, il a souhaité que des propositions en ce sens soient examinées dans le cadre du présent projet.

S'agissant des conditions d'examen du projet de loi, le président Pascal Clément a observé que le rapport de la commission des Lois serait distribué quinze jours avant l'examen du texte en séance, ce qui représente une situation très favorable par rapport à ce qui est pratiqué habituellement.

Mme Ségolène Royal a émis le voeu qu'à la différence du projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation, ce texte puisse donner lieu à un réel débat à l'Assemblée nationale, se traduisant par le vote de certains amendements de l'opposition.

Elle s'est ensuite interrogée sur l'articulation du projet de loi avec les dispositions du futur texte présenté par le ministre de la justice, jugeant incohérent le calendrier d'examen proposé pour ces deux projets, qui auraient dû faire l'objet d'une discussion commune. Évoquant les dispositions relatives à la prostitution, elle a estimé préférable d'éviter de recourir à certaines expressions, comme celle de « plus vieux métier du monde », qui contribuent à banaliser ce phénomène. Observant qu'une très large part de la prostitution relevait en fait de l'esclavage, elle a jugé nécessaire de réfléchir à une éventuelle pénalisation du client, comme cela a été fait lors de la précédente législature pour les clients de mineurs prostitués, malgré les réserves émises par certains sénateurs, et a insisté sur l'importance de l'éducation dans ce domaine. Après avoir exprimé, à nouveau, le souhait que le Gouvernement soit ouvert aux amendements de l'opposition, elle a annoncé que son groupe ferait des propositions sur la délinquance des mineurs, afin de renforcer les mesures de prévention, notamment celles d'assistance éducative, et d'améliorer l'exécution des travaux d'intérêt général qui participent, par leur caractère pédagogique, de cette prévention. Elle a également évoqué les modifications proposées aux dispositions relatives au fichier d'empreintes génétiques, destinées à améliorer la lutte contre la pédophilie et les atteintes sexuelles contre les mineurs.

Après s'être félicité de la clarté des propos du ministre sur la finalité des fichiers informatiques, M. Patrick Delnatte a souhaité connaître les raisons justifiant les différences observées dans les modalités d'effacement des données du FNAEG et du fichier de police judiciaire.

Après avoir relevé que le projet de loi, en donnant des moyens supplémentaires à la police, permettrait de mettre fin à l'impunité actuelle des délinquants, M. Christian Vanneste a souligné l'importance d'une bonne articulation entre le travail de la police et celui de la justice, rappelant que de nombreuses peines n'étaient pas exécutées. Il s'est notamment inquiété du manque de moyens de l'institution judiciaire et de la mauvaise volonté manifestée par certains syndicats de magistrats à l'égard des réformes proposées. Rappelant que le projet de loi initial ne permettait pas l'effacement des données figurant dans les fichiers de police et de gendarmerie après un classement sans suite, il s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir cette possibilité, introduite par le Sénat, exprimant la crainte qu'une telle mesure ne constitue une prime au manque d'efficacité de la justice.

Après s'être félicité de la volonté du ministre d'aborder le débat sur la sécurité dans la sérénité, M. Jean-Pierre Blazy a également estimé qu'il était nécessaire de traduire dans les faits les propositions formulées par MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud dans leur rapport, soulignant que des statistiques fiables sur la délinquance contribueraient à cette sérénité. Rappelant que les socialistes avaient déjà largement travaillé, sous la précédente législature, sur les questions de sécurité, notamment à travers la loi sur la sécurité quotidienne, il a évoqué plus précisément les dispositions relatives aux rassemblements dans les halls d'immeuble, qui avaient déjà été introduites dans cette loi par un amendement parlementaire. Il a observé que la voie civile était peu utilisée pour lutter contre ces phénomènes, les bailleurs n'engageant pas de contentieux et les locataires ayant peur de le faire. Après avoir rappelé que le précédent Gouvernement s'était interrogé sur l'opportunité de pénaliser de tels comportements, il a indiqué que cette mesure, jugée inefficace, avait été écartée au profit d'une disposition permettant de donner une base juridique à l'intervention des forces de police. Soulignant que les effectifs policiers n'étaient pas suffisamment nombreux ni motivés pour disperser les regroupements dans les halls d'immeuble, il s'est interrogé sur l'application concrète de cette nouvelle infraction, doutant de son efficacité réelle.

M. André Gerin a rappelé qu'il avait toujours été favorable à la mise en oeuvre d'une lutte effective contre la délinquance et la violence, refusant que la prise en compte des facteurs sociaux qui en seraient la cause ne constitue un prétexte à l'inaction en la matière. Précisant que son groupe proposerait d'amender le projet de loi, il s'est toutefois déclaré profondément opposé à sa logique même. Il a jugé nécessaire de défendre les valeurs républicaines contre le populisme et a considéré que le constat fait par le ministre ne reflétait qu'une partie de la délinquance puisqu'elle ne prenait pas en compte les actes de délinquance commis par les Français les plus aisés. Après avoir déploré la faiblesse des moyens accordés à la police d'investigation, il a souligné la nécessité d'apporter une réponse à la délinquance des mineurs, notamment celle des plus jeunes d'entre eux, qu'il a jugée particulièrement inquiétante, et souhaité la mise en place d'une politique de prévention adaptée à ces derniers. Plus généralement, stigmatisant l'« américanisation » de la société française, il a jugé que l'insécurité devait conduire à s'interroger sur le mode de fonctionnement de la société ainsi que sur le rôle de l'État pour éviter que ne s'accentue cette dérive.

M. Jean-Christophe Lagarde a, tout d'abord, relevé avec satisfaction que le ton du débat engagé aujourd'hui tranchait avec certaines appréciations outrancières portées sur le projet de loi, dont les médias se sont fait l'écho, et pouvait laisser espérer une discussion constructive.

Saluant la qualité du travail préparatoire accompli par le rapporteur et soulignant que le projet de loi tendait à apporter une réponse pragmatique à l'insécurité, il a regretté que le texte ne prévoie pas d'extension des pouvoirs de police des maires, qu'il a jugé nécessaire, par exemple, pour obtenir la fermeture d'un commerce dont l'activité cause des troubles nocturnes ; il a indiqué que son groupe ferait des propositions en ce sens.

Soulignant les nuisances résultant pour les habitants de l'occupation des halls d'immeubles, il a approuvé le principe de l'intervention de la police, ainsi que l'édiction de sanctions destinées à lui donner une réelle efficacité ; il a toutefois jugé souhaitable de ne donner, dans un premier temps, qu'un caractère contraventionnel à ces agissements, leur réitération permettant, dans un second temps, aux bailleurs de poursuivre les responsables. Il a également jugé nécessaire que ceux-ci puissent être expulsés dans des délais rapprochés et a, par ailleurs, insisté sur la nécessité de prendre des dispositions pour empêcher l'occupation des toits d'immeubles destinés à l'évacuation en cas d'incendie, qui sont parfois utilisés pour faire le guet afin de protéger une activité illicite. Il a ensuite regretté que le projet de loi ne prévoie pas l'aggravation des sanctions en cas de « squat » ; tout en admettant qu'il convenait de ne pas sanctionner la pauvreté, il a estimé inacceptable que, face à des avocats jouant des dates auxquelles il peut être procédé aux expulsions, des particuliers se trouvent spoliés de leur bien immobilier durant plusieurs années et le récupèrent très détérioré.

Évoquant ensuite la question des gens du voyage, il s'est dit choqué par la violence extrême des réactions suscitées par les interventions de la police et a approuvé les dispositions du projet de loi en la matière, soulignant cependant que toutes les communes ne pouvaient réaliser des terrains d'accueil et jugeant qu'il revenait donc au préfet d'imposer la réalisation du schéma départemental. Après avoir souhaité qu'une réflexion soit engagée sur le « carnet de circulation » sous le couvert duquel les gens du voyage sont autorisés à se déplacer sur le territoire français et s'être interrogé sur le fait qu'ils ne puissent obtenir la délivrance d'une carte d'identité, il a souligné la nécessité de prévoir la saisie des véhicules ayant servi à commettre un délit.

Enfin, il a souhaité que soit examinée la possibilité de porter plainte sous X afin de préserver l'anonymat des personnes victimes de délinquants dangereux ou de criminels, de telle sorte que le texte ne reste pas lettre morte, avant de préciser, s'agissant de l'accès au fichier de police judiciaire, que le problème était moins de savoir quelles personnes y auraient accès que de définir la nature des informations dont elles pourraient avoir connaissance.

Après avoir estimé que le projet de loi permettrait de régler de nombreux problèmes d'insécurité, M. Jacques-Alain Bénisti a insisté sur les inégalités persistantes entre les citoyens en matière de sécurité selon la collectivité dans laquelle ils résident. Prenant l'exemple de la banlieue parisienne, il a ainsi noté les disparités existant entre les communes en matière d'armement des polices municipales, de même que le déséquilibre en matière de politique de prévention qui, compte tenu des moyens qu'elle requiert, ne peut être mise en oeuvre de façon satisfaisante que dans les collectivités les plus aisées. Il a également regretté que toutes les juridictions n'appliquent pas les mêmes sanctions pour réprimer certains actes de délinquance, comme la toxicomanie, la prostitution ou la mendicité. Puis, il a fait état de l'écart considérable des effectifs de la police nationale entre la capitale et les villes limitrophes comptant des quartiers sensibles et a indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué au sein du groupe ump sur la question des banlieues sensibles. Il a, enfin, précisé qu'il déposerait des amendements sur ces différents points.

M. Emile Zuccarelli a jugé indispensable de mener une véritable réflexion sur les moyens mis en oeuvre pour appliquer efficacement les nouvelles sanctions créées par le projet de loi. Il a estimé notamment que la sanction de confiscation du bien se révélait tout à fait pertinente. S'agissant des dispositions concernant la fouille des véhicules, il a fait part de son entière approbation à l'égard d'une mesure contribuant à « désanctuariser » l'automobile ; il a estimé que le caractère intouchable du véhicule avait très certainement contribué à créer un rapport psychologique particulier à la voiture, responsable des comportements dangereux de très nombreux automobilistes. S'agissant de la lutte contre la prostitution, il a souhaité que les efforts soient portés sur l'aide aux prostituées, qui sont toujours les victimes. Plaidant pour une politique très ferme à l'encontre des proxénètes, il a jugé indispensable de mettre en place, comme le propose le projet de loi, un dispositif de protection renforcée pour les prostituées acceptant de témoigner. Il a également proposé que soient aggravées les peines à l'encontre des personnes ayant empêché le témoignage ou ayant fait acte de violence sur des personnes ayant témoigné.

Rappelant qu'il avait été désigné, avec M. Patrick Delnatte, comme membre de la cnil, M. Francis Delattre a insisté sur la qualité de l'expertise juridique apportée par cette autorité administrative indépendante ; tout en convenant que celle-ci ne pouvait substituer son appréciation à celle du Parlement, il a estimé néanmoins tout à fait indispensable de prendre en compte ses observations. Il a ainsi émis des réserves à l'égard de la disposition permettant à un service administratif de consulter des fichiers de police judiciaire et jugé indispensable d'encadrer ce dispositif en limitant à la fois les autorités susceptibles de les consulter et les finalités de la consultation.

En réponse aux intervenants, M. Nicolas Sarkozy a apporté les précisions suivantes :

-  Le renforcement de la capacité judiciaire de la police nationale passe par un élargissement de la compétence territoriale des OPJ. Le regroupement des SRPJ en directions interrégionales, présenté dans la lopsi du 29 août 2002 comme une réponse à la mobilité croissante de la délinquance, s'inscrit également dans cette perspective ; la réforme nécessite la publication d'un décret en Conseil d'État, qui devrait être effectuée au début de l'année prochaine.

-  En revanche, aucune disposition du projet de loi n'a pour effet de rendre les opj autonomes par rapport à la justice : ils travaillent sous l'autorité du parquet ou du juge d'instruction et cette règle ne saurait être contestée.

-  La possibilité de procéder à des fouilles de véhicules est très attendue par les forces de police et de gendarmerie. Elle est indispensable pour l'efficacité de leur action.

-  La question de l'armement des polices municipales n'est pas abordée : la décision appartient aux maires, qui doivent soumettre aux préfets leurs propositions en la matière. Une circulaire est en cours de rédaction afin d'harmoniser la pratique des préfectures. Un texte devrait être élaboré en la matière dans le courant de l'année 2003.

-  Les personnes figurant dans les fichiers mis en oeuvre par la police et la gendarmerie en application des dispositions de l'article 9 du projet de loi bénéficieront d'un droit d'accès aux données les concernant, selon les modalités particulières dites du « droit d'accès indirect » prévues par l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette procédure, qui confère à l'un des membres de la CNIL, magistrat ou ancien magistrat, le soin de veiller à l'exactitude des données concernant la personne, assure un équilibre satisfaisant entre les exigences tenant à la protection des libertés individuelles et celles visant à préserver la sûreté publique et garantit le caractère confidentiel de certaines informations figurant dans les fichiers de police judiciaire.

-  Compte tenu du caractère sensible des informations figurant dans les fichiers mis en oeuvre par les services de police judiciaire, leur accès doit être strictement encadré et contrôlé. C'est pourquoi l'accès direct de sociétés de transport public intéressées par les informations qui y figurent, notamment pour le recrutement de leurs agents de sécurité, ne saurait être envisagé qu'avec la plus grande prudence.

-  Les articles 9 et 15 du projet de loi ne prévoient pas les mêmes procédures d'effacement des données pour les fichiers de police judiciaire et le fichier national des empreintes génétiques. Cette différence tient à la nature des données concernées ; les modalités de conservation et d'accès aux données à caractère génétique, par essence, plus sensibles, doivent être mieux encadrées et contrôlées que celles applicables aux données figurant dans les fichiers de police judiciaire.

-  Sans doute convient-il de veiller de façon scrupuleuse au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mais il est également indispensable que les droits des victimes, trop longtemps délaissés, soient davantage pris en considération et protégés qu'ils ne l'ont été par le passé. En effet, les familles des victimes ne peuvent accepter qu'un excès de prudence, voire de pudeur, juridique ne conduise à rendre inefficaces les investigations judiciaires, notamment en raison de conditions d'utilisation trop restrictives des fichiers de police judiciaire. De nombreux faits divers dramatiques, notamment en matière de crimes sexuels, auraient ainsi pu être évités si la police et la gendarmerie françaises avaient pu disposer d'un fichier d'empreintes génétiques comprenant davantage de données. C'est pourquoi les dispositions du projet de loi relatives aux différents fichiers mis en oeuvre par la police et la gendarmerie doivent être examinées sans a priori, en écartant toute appréciation fondée sur de grands principes incompris de nos concitoyens. Il convient d'avoir, en la matière, une approche raisonnable et équilibrée qui ne sacrifie ni la protection des libertés individuelles ni le nécessaire renforcement de l'efficacité policière.

-  Le champ d'application du FNAEG est élargi : il peut être envisagé d'aller plus loin encore dans ce sens, sous réserve qu'un certain équilibre soit conservé.

-  Afin de préserver la tranquillité et la sécurité publiques, le projet de loi propose de créer plusieurs délits. Le caractère délictuel des infractions concernées permettra de procéder à des interpellations et à des placements en garde à vue, ce qui n'est pas le cas avec un simple régime contraventionnel. L'incarcération n'est pas nécessairement le but recherché, notamment en ce qui concerne les occupations indues des parties communes des immeubles d'habitation. À cet égard, le Gouvernement ne prétend pas que les solutions qu'il propose parviendront effectivement à rétablir l'ordre dans les halls de tous les immeubles d'habitation : il sait, en revanche, que la situation actuelle n'est pas satisfaisante et qu'il convient d'essayer, puis d'évaluer, de nouvelles mesures.

-  La transformation en délit du racolage passif ou actif répond également à une volonté de soustraire des personnes de la voie publique et, corrélativement, de la violence des proxénètes. La période de garde à vue pourra être utilisée pour recueillir des renseignements sur les réseaux. Le Gouvernement a proposé que les prostituées qui acceptent de collaborer aux enquêtes puissent obtenir un titre de séjour : l'opportunité d'associer à ce titre un droit au travail peut être débattue. La sécurité des prostituées devra également être renforcée, ainsi que le dispositif général d'accompagnement social et le soutien financier aux associations. Le travail de ces dernières est admirable mais ne saurait se substituer aux actions répressives tendant à éradiquer les réseaux. En toute hypothèse, sur cette question, les fonctionnaires de police devront respecter strictement les règles de déontologie : tout manquement à leurs obligations sera sévèrement sanctionné.

-  La création d'établissements spécialisés dans l'accueil et la protection des prostituées victimes des réseaux de proxénétisme constitue une proposition intéressante mais délicate à mettre en oeuvre. En effet, il n'est pas certain que la protection de ces personnes soit mieux assurée dans des structures de cette nature, aisément identifiables par les proxénètes, qu'au sein de centres d'accueil banalisés et disséminés sur l'ensemble du territoire.

-  La pénalisation des clients des prostituées ne semble guère efficace d'après les résultats obtenus en Suède. La mise en oeuvre de ce type de mesure se heurte à la difficulté d'apporter la preuve que le délit est constitué. Le projet de loi prévoit néanmoins des sanctions pénales à l'encontre des clients de prostituées particulièrement vulnérables ou souffrant d'un handicap. La loi française sera donc plus répressive en cette matière et le Gouvernement veillera tout particulièrement à son application.

-  La coopération policière constitue, indéniablement, l'un des moyens de renforcer l'efficacité de la lutte contre les réseaux d'exploitation de la prostitution. D'ores et déjà de nombreux fonctionnaires de police ont été envoyés en poste dans les différents pays d'origine des victimes, et notamment en Roumanie. Toutefois, au-delà de cette dimension policière, des progrès dans l'harmonisation des législations pénales doivent également être réalisés, notamment en matière de saisie confiscatoire des biens, afin de s'assurer que ceux que les proxénètes ont acquis grâce à leur activité criminelle puissent être effectivement saisis, quand bien même ils se situeraient en dehors du territoire national.

-  La saisie des véhicules des gens du voyage qui persisteraient à occuper des terrains sans droit est une sanction adaptée. La vérification de la légalité du mode d'acquisition desdits véhicules rentre pleinement dans le cadre des compétences des groupes d'intervention régionaux. L'existence du « carnet de circulation » est parfois critiquée, mais ce document est d'abord destiné à garantir un droit de circuler qui n'est pas reconnu dans tous les pays.

-  L'insertion, dans le projet de loi, d'une disposition relative aux « squats », avait effectivement été envisagée. Il s'agissait d'abord de lutter contre les réseaux qui profitent des difficultés rencontrées par certains pour se loger : cette mesure a finalement été retirée pour éviter tout malentendu ou amalgame. Le problème des réseaux demeure.

-  Le Gouvernement est également ouvert à la discussion sur des sujets tels que la lutte contre la pédophilie ou la délinquance des mineurs. Il est prêt à étudier toute proposition tendant à étendre au trafic d'armes le dispositif d'infiltration et de livraison surveillée qui ne s'applique aujourd'hui qu'à la lutte contre les stupéfiants.

-  Un débat a déjà eu lieu au Sénat sur les qualités et les défauts du système français de comptabilisation des crimes et des délits : ce sujet semblant susciter un large intérêt, il pourra être de nouveau abordé à l'Assemblée nationale. Toute proposition de bonne foi susceptible de faire l'objet d'un large consensus sera examinée avec attention. Le Gouvernement a néanmoins choisi de conserver l'outil existant afin de ne pouvoir être accusé de manipuler les chiffres. Par ailleurs, l'outil statistique français est certainement l'un des plus performants d'Europe.

-  La coordination entre les actions engagées par les ministères de l'intérieur et de la justice ne saurait être mise en doute : deux projets de loi complémentaires sont actuellement en cours d'examen ou d'élaboration. Les magistrats sont, dans leur immense majorité, déterminés à appliquer la loi et à veiller à ce que les investigations menées par les services de la police et de la gendarmerie conduisent au prononcé de sanctions par les juridictions.

-  La coopération européenne en matière de sécurité est essentielle. Le développement des centres de coopération policière et douanière (CCPD) a été relancé par le nouveau Gouvernement. S'agissant de l'échange de renseignements, certains propos ont pu effectivement faire douter de l'efficacité de l'action d'Europol.

-  Les mesures proposées par le Gouvernement ne peuvent être accusées de « jeter de l'huile sur le feu » : ceux qui utilisent cette expression reconnaissent d'ailleurs implicitement que le feu existe et qu'il est urgent de l'éteindre. Le projet de loi aborde, tout simplement, des problèmes qui concernent directement les Français, de façon claire afin d'être compris du plus grand nombre. Procéder autrement favorise la montée des extrêmes. Des jugements excessifs ont été portés sur certaines de ses dispositions, mais le temps des outrances semble dépassé. De façon raisonnable, au-delà des clivages politiques, les républicains ont aujourd'hui l'opportunité de débattre, dans la sérénité, des solutions proposées : ceux qui accepteront ce débat, et qui sauront allier le sens de la mesure et de l'efficacité, en sortiront gagnants.

*

* *

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 déposée par M. Jean-Marc Ayrault et la question préalable n° 1 déposée par M. Alain Bocquet.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE
ET À LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS

Le titre Ier du projet de loi regroupe un ensemble de dispositions qui renforcent les moyens d'action des forces de sécurité intérieure et la protection des personnes et des biens. Ce faisant, il traduit la volonté de l'État de lutter, sur l'ensemble du territoire, contre les diverses formes de délinquance.

Ces mesures sont réparties dans six chapitres relatifs aux pouvoirs des préfets (chapitre Ier), aux investigations judiciaires (chapitre II), aux traitements automatisés d'informations (chapitre III), à la police technique et scientifique (chapitre IV), à la lutte contre le terrorisme (chapitre V), ainsi qu'à la tranquillité et la sécurité publics (chapitre VI). Le Sénat a ajouté, par ailleurs, un chapitre V bis relatif à la lutte contre la traite des êtres humains.

Article additionnel avant le chapitre Ier

(art. 1er de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995)

Missions de l'État et des collectivités territoriales
en matière de sécurité intérieure

La Commission a examiné un amendement de M. Gérard Léonard ayant pour objet d'insérer, avant le chapitre Ier du projet de loi, un nouveau chapitre intitulé : « Chapitre Ier A : Dispositions relatives aux missions de l'État et à l'association des collectivités territoriales en matière de sécurité intérieure ». Son auteur a précisé qu'il s'agissait, d'une part, de réaffirmer les missions de l'État en matière de sécurité, telles qu'elles ont été définies par les lois d'orientation du 21 janvier 1995 et du 29 août 2002, en revenant ainsi sur certaines des dispositions introduites par l'article 1er de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et, d'autre part, de faire référence aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ainsi qu'aux autres acteurs de la sécurité à l'échelon territorial, par cohérence avec les changements introduits par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002.

Le rapporteur a convenu qu'il était souhaitable d'insérer avant l'article premier du projet de loi, qui définit les pouvoirs des préfets en matière de sécurité intérieure, une référence aux acteurs locaux de la sécurité intérieure, la loi d'orientation du 29 août 2002 ayant réaffirmé leur rôle en ce domaine.

M. Bruno Le Roux a indiqué, à titre liminaire, que le groupe socialiste n'avait pas encore déposé d'amendements, souhaitant d'abord connaître les modifications élaborées par le rapporteur et dont la presse s'était fait l'écho sans que son groupe puisse en avoir communication. Il a ajouté qu'il ne souhaitait pas s'opposer par principe à tous les amendements de la majorité qui seraient discutés au cours de la réunion, tout en restant vigilant. Il a estimé que l'article premier de la loi du 15 novembre 2001 avait parfaitement défini les objectifs de la politique de sécurité et les missions de l'État dans ce domaine, alors que l'amendement de M. Gérard Léonard tendait à supprimer l'objectif de réduction des inégalités. Il a ajouté que l'amendement proposé faisait de la défense des institutions la première priorité de la politique de la sécurité, alors que la loi du 15 novembre 2001 privilégiait à juste titre la sécurité des personnes et des biens. Il a conclu son propos en souhaitant qu'une synthèse soit trouvée entre les objectifs affirmés par la loi du 15 novembre 2001 et ceux du projet de loi.

M. Gérard Léonard a précisé qu'il existait désormais un consensus pour considérer que la politique de sécurité était un outil de défense des libertés et de réduction des inégalités. Il a ajouté que la référence à la défense des institutions s'étendait aux principes fixés par la Constitution, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le Préambule de 1946, lesquels affirment avec force la liberté et l'égalité.

M. André Gerin a indiqué que son groupe s'opposerait à la philosophie qui inspire ce projet de loi et déposerait ultérieurement des amendements ainsi que des contre-propositions. Il s'est par ailleurs déclaré défavorable à l'amendement de M. Gérard Léonard.

M. Guy Geoffroy a estimé que cet amendement répondait parfaitement aux préoccupations exprimées par M. Bruno Le Roux.

Après que M. Christian Estrosi eut souligné que l'initiative de M. Gérard Léonard permettrait de donner un contenu concret aux orientations posées par l'annexe I de la loi d'orientation du 29 août 2002, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 54).

chapitre Ier

Dispositions relatives aux pouvoirs des préfets
en matière de sécurité intérieure

Article 1er

(art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982)

Pouvoirs des préfets en matière de sécurité intérieure

L'article 1er, disposition unique du chapitre Ier du projet de loi, tend à redéfinir les compétences des préfets en matière de sécurité intérieure. Cette disposition, qui renforce de façon substantielle leurs prérogatives, est rendue nécessaire, notamment, par : le placement sous commandement opérationnel unique des forces de police et de gendarmerie ; la recherche d'une plus grande cohérence des politiques territoriales au niveau de la zone de défense ; la mise en place d'une « police des transports » sur le réseau ferré de la région Île-de-France.

À cet effet, il est proposé de modifier le paragraphe III de l'article 34 de la loi n° 82-212 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

1. Le renforcement du rôle des préfets en matière de sécurité

Garant de la cohésion sociale, l'État doit protéger le droit fondamental qu'est la sécurité. La Constitution de la Ve République, au terme de son article 72, confie au représentant du Gouvernement dans le département, le préfet, nommé par décret du Président de la République en Conseil des ministres sur proposition du Premier ministre et du ministre de l'intérieur, la responsabilité au plan local de cette mission régalienne : « Dans les départements et les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

L'évolution conceptuelle impulsée par l'actuel Gouvernement, tendant à appréhender la lutte contre la délinquance au moyen des outils de la « sécurité intérieure » au sens large, devait nécessairement se traduire par un nouvel élargissement des missions du préfet. Au demeurant, cette orientation était annoncée par la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, qui dispose que : « Le préfet assure la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire ».

Actuellement, l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 organise les compétences des préfets en matière de police autour de deux priorités : la prévention de la délinquance et de l'insécurité ; l'orientation et la coordination de certains services de l'État en matière de sécurité publique.

a) La prévention

Le deuxième alinéa du paragraphe III de l'article 34 confie au préfet la charge d'« animer et de coordonner la prévention de la délinquance et de l'insécurité ». Cette disposition n'est pas modifiée.

On rappellera, néanmoins, que les collectivités territoriales assument, de longue date, un rôle important en matière de prévention. Au demeurant, le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance a fait évoluer le cadre réglementaire de cette mission. En effet, il a institué des conseils départementaux de prévention, qui sont appelés à exercer une fonction déterminante dans ce domaine. Or, ces instances sont certes présidées par les préfets, mais elles associent également, notamment, les présidents de conseils généraux et les procureurs de la République. De plus, le décret a créé des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui ont pour mission de répertorier les actions existantes en matière de prévention, définir des objectifs et animer, sur leur fondement, une politique cohérente. Ces conseils sont présidés par les maires ou, le cas échéant, par les présidents des établissements publics de coopération intercommunale concernés. La loi d'orientation et de programmation du 29 août 2002 précise que les actions de proximité en matière de prévention de la délinquance sont conduites en coordination entre ces deux instances. Les résultats de la politique menée par les conseils locaux donnent lieu à un rapport annuel, qui est soumis au conseil départemental de prévention.

À terme, le cas échéant dans le cadre des réflexions en cours sur la décentralisation, la loi devra donc consacrer le rôle des collectivités territoriales en matière de prévention.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à corriger une référence erronée au deuxième alinéa du paragraphe III de l'article 34 précité (amendement n° 55).

b) L'ordre public

La seconde mission des préfets est définie par les troisième et quatrième alinéas de l'article 34 : ils fixent les missions et veillent à la coordination des actions menées, en matière de sécurité publique, par les différents services de l'État ; ils s'assurent du concours de la douane à la sécurité générale.

Plusieurs réformes actuellement engagées supposaient de réactualiser ces dispositions.

Il convenait, tout d'abord, d'intégrer le concept global de « sécurité intérieure » et, partant, d'accorder au préfet, au-delà de ses fonctions d'animation et de coordination, un rôle de direction de l'action des services de l'État qui participent à la lutte contre la délinquance. Corrélativement, il était nécessaire de tirer les conséquences de la plus grande complémentarité et des synergies opérationnelles qui sont actuellement recherchées entre les forces de sécurité.

En effet, la police et la gendarmerie nationales sont désormais placées sous commandement opérationnel unique (décret n° 2002-889 du 15 mai 2002), leurs moyens devant faire l'objet d'une mise en commun progressive (fonctions logistiques, formation, recherche et information).

Par ailleurs, des groupes d'intervention régionaux (GIR) ont été mis en place dans chaque région, ou dans chaque département en Île-de-France, pour lutter contre l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent (12). Ces instances pluridisciplinaires, qui associent des représentants de la police et de la gendarmerie, des services fiscaux, des douanes, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, du travail et de l'emploi, agissent sur la base d'objectifs précis fixés par le préfet et le procureur de la République.

De fait, le préfet et le procureur de la République co-président, désormais, les conférences départementales de sécurité, qui constituent l'instance opérationnelle de définition de la politique mise en oeuvre à l'échelon territorial (décret du 17 juillet 2002). Cette association est d'autant plus déterminante que, naturellement, les prérogatives des préfets en matière de sécurité intérieure s'exercent « sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire ». On rappellera, également, que la loi du 29 août 2002 a prévu que « les maires pourront prendre l'initiative de faire des suggestions au préfet ou au procureur de la République qui coprésident la conférence départementale ».

Dans ce contexte, les quatre premiers alinéas du présent article apportent à la définition en vigueur du rôle des préfets en matière de sécurité publique les modifications présentées ci-après.

· Il est désormais indiqué, tout d'abord, que le préfet est chargé d'animer et de coordonner l'ensemble du dispositif de « sécurité intérieure ».

· Il n'est plus précisé, en revanche, que cette mission s'exerce « sans préjudice des textes relatifs à la gendarmerie » : en matière d'ordre public et de police administrative, ses compétences à l'égard de la police et de la gendarmerie seront dorénavant identiques.

· La liste des services dont il s'assure du concours aux missions de sécurité intérieure est élargie. Jusqu'à présent, n'était concernée que la seule direction de la douane et des droits indirects, et encore uniquement « dans la mesure compatible avec les modalités d'exercice de l'ensemble des missions de cette administration ». Le projet de loi supprime cette restriction et fait également référence aux services fiscaux, aux services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et aux directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. On observe que ces dernières n'étaient pas visées dans le décret d'attribution du 15 mai 2002, mais leurs services sont intégrés, comme on l'a vu, parmi les « personnels ressources » des GIR, en application de la circulaire du 22 mai 2002. Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement de M. Michel Charasse qui précise que les préfets s'assurent également du concours aux missions de sécurité intérieure « des agents de l'État chargés de la police, de la chasse et de la pêche maritime et fluviale ».

· La façon dont les services de police et de gendarmerie rendent compte de l'exercice de leurs missions est renforcée. Ils seront également redevables, désormais, « des résultats » qu'ils obtiennent. Cette exigence traduit une orientation de la loi du 29 août 2002, qui prévoyait que : « Une politique de gestion par objectifs sera instaurée. Les résultats obtenus en matière de lutte contre l'insécurité seront régulièrement évalués et comparés aux objectifs fixés. Les responsables locaux de la police et de la gendarmerie rendront compte de ces résultats, chacun pour ce qui le concerne, et il en sera tenu compte dans leur progression de carrière. » Au demeurant, cette « culture du résultat » conduit déjà le ministre de l'intérieur à recevoir, chaque mois, les préfets, les directeurs de la sécurité publique et les commandants de groupement de gendarmerie des départements ayant obtenu respectivement les meilleurs et les moins bons résultats en matière de lutte contre l'insécurité.

Au total, cette capacité d'impulsion renforcée des préfets, sous l'autorité du ministre en charge de la sécurité intérieure, doit permettre d'engager des politiques locales plus cohérentes et plus efficaces en matière de lutte contre la délinquance.

2. La reconnaissance du rôle des préfets de zone en matière d'ordre public

La cohérence des politiques de lutte contre l'insécurité suppose également de renforcer le rôle des préfets de zone. D'ailleurs, cette évolution est également rendue nécessaire par le rapprochement police-gendarmerie : chacune des deux forces devant conserver ses spécificités, la recherche d'une meilleure coordination de l'existant doit aussi s'opérer à un échelon territorial fédérateur qui ne peut être que la zone de défense, laquelle correspond à la région de gendarmerie.

Or, actuellement, l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 ne fait pas référence aux préfets de zone.

On rappellera qu'il existe, en application du décret n° 2000-555 du 21 juin 2000, sept zones de défense : zone de Paris couvrant les départements de la région Île-de-France ; zone Nord (siège Lille) ; zone Ouest (Rennes) ; zone Sud-Ouest (Bordeaux) ; zone Sud (Marseille) ; zone Sud-Est (Lyon) ; zone Est (Metz).

Le décret n° 2002-84 du 16 janvier 2002, qui détermine les pouvoirs des préfets de zone, leur permet déjà d'exercer des prérogatives particulières en cas de menaces à l'ordre public : ainsi, ils peuvent mettre à la disposition d'un préfet de département les effectifs et moyens de police relevant d'un autre département et, dans le cas où plusieurs départements de leur zone sont susceptibles d'être touchés par des troubles, demander au ministre de l'intérieur la mise à disposition de forces mobiles afin d'en assurer la répartition (article 9).

Enfin, le décret n° 2002-917 du 30 mai 2002 prévoit qu'un préfet délégué pour la sécurité et la défense doit être nommé auprès du préfet de zone, afin de l'assister pour toutes les missions concourant à la sécurité et à l'ordre publics, ainsi qu'à la sécurité civile et à la défense de caractère non militaire.

Le présent article prévoit, désormais explicitement, que les préfets de zone coordonnent l'action des préfets de département, afin de prévenir ou de faire face à des évènements troublant l'ordre public intéressant plusieurs d'entre eux.

3. La coordination par le préfet de police de la sécurité des transports par voie ferrée en Île-de-France

Le dernier alinéa du présent article prévoit que le préfet de police, en sa qualité de préfet de zone à Paris, dirige les actions et l'emploi des moyens de la police et de la gendarmerie nationales concourant à la sécurité des personnes et des biens dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée de la région Île-de-France.

Annoncée par le Premier ministre le 13 mai 2002 et confirmée, le 18 septembre, par le ministre de l'intérieur, la décision de créer un service intégré et unifié chargé de la sécurité des voyageurs de la région parisienne est une réponse à la forte poussée de la délinquance constatée sur l'ensemble du réseau au cours des dernières années (+ 21,6 % en 2001, + 24,3 % à Paris). De fait, les enquêtes d'opinion montrent que les transports sont, dans la capitale et ses alentours, le lieu où le sentiment d'insécurité est le plus fort, en particulier dans les trains de banlieue, puis le RER et, enfin, le métro. Or, jusqu'à présent, la dispersion des forces qui interviennent sur ledit réseau, et qui sont présentées ci-après, a fragilisé l'appréhension de ce phénomène :

-  les services de police « de surface », qui ont compétence dans les gares et les stations de métro, dépendent de la direction de la police urbaine à Paris et des directions départementales de la sécurité publique dans les communes limitrophes ;

-  les brigades anti-criminalité dépendent de la direction générale de la police nationale ;

-  la brigade des chemins de fer, dotée de 400 policiers compétents sur le réseau SNCF, dépend de la police aux frontières ;

-  le service de protection et de surveillance du réseau ferré parisien (SPSRFP), dont les 500 policiers sont compétents sur le réseau RATP, dépend de la préfecture de police de Paris ;

-  la surveillance générale est le service interne de la SNCF ;

-  le groupe de protection et de sécurité des réseaux est le service interne de la RATP.

À partir du 1er janvier 2003, les textes réglementaires nécessaires ayant été publiés, la brigade des chemins de fer et le service de protection et de surveillance du réseau ferré parisien seront placés sous le commandement opérationnel unique du préfet de police de Paris. D'ores et déjà, un commandement unifié a été mis en place : cette avancée est à rapprocher de l'infléchissement de la délinquance que l'on constate sur le réseau depuis le mois de mai dernier, un recul de la délinquance ayant même été observé au mois de novembre.

Ce service intégré interviendra sur l'ensemble des lignes régionales de la SNCF et de la RATP, en coordination avec les autres intervenants. Une salle de commandement unique, regroupant les trois PC opérationnels existants, sera installée au sein de la préfecture de police de Paris en 2003. Des effectifs supplémentaires ont été corrélativement annoncés par le Gouvernement, notamment pour la couverture du réseau de la RATP (400 policiers supplémentaires, ce qui portera l'effectif total de la police des transports à 1 300 hommes en avril 2003).

Cette mesure doit permettre de renforcer la sécurité des six millions de personnes qui empruntent quotidiennement les transports en commun dans la région parisienne. L'extension programmée du réseau ACROPOL aux espaces souterrains et couverts, décidée récemment, ainsi que des moyens de vidéosurveillance accrus, renforceront l'efficacité du dispositif.

Le rapporteur exprime le souhait que, à terme, cette mesure soit étendue à d'autres régions, lorsque le caractère intégré des transports en commun se prête également à la mise en place d'un service de sécurité unifié.

La Commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Création de la réserve civile de la police nationale

La Commission a adopté un amendement, présenté par le rapporteur, insérant, après l'article 1er, une division et un intitulé nouveaux : « Chapitre Ier bis : De la réserve civile de la police nationale » (amendement n° 56).

Elle a ensuite adopté trois amendements du même auteur instituant cette réserve civile, conformément aux orientations prévues par l'annexe I de la loi du 29 août 2002 (amendements nos 57, 58 et 59). Le rapporteur a souligné qu'il était souhaitable que cette création soit concomitante avec les dispositions de l'article 3 du projet de loi, qui attribuent la qualification d'agent de police judiciaire aux membres de la réserve civile qui ont été OPJ ou APJ dans la police nationale.

Chapitre ii

Dispositions relatives aux investigations judiciaires

Article 2

(art. 15-1 et 18 du code de procédure pénale)

Extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire

Le présent article étend la compétence territoriale des officiers de police judiciaire (OPJ), facilite leur mise à disposition temporaire d'un autre service et accroît leurs possibilités d'action en cas d'urgence et de crime ou délit flagrant.

Ces dispositions pragmatiques prennent en compte la mobilité croissante de la délinquance sur l'ensemble du territoire national, zones de police et de gendarmerie confondues, et, corrélativement, apportent une réponse à des problèmes de compétence liés à la mise en place des groupes d'intervention régionale (GIR). Elles s'inscrivent dans le prolongement de la loi d'orientation du 29 août 2002, qui a fait du développement de l'action judiciaire, dans un souci de rééquilibrage par rapport à la police de proximité, une priorité du Gouvernement.

1. Une compétence départementale minimale

En application de l'article 15-1 du code de procédure pénale et des articles R. 15-18 à R. 15-27 du même code, la compétence territoriale des officiers de police judiciaire est aujourd'hui déterminée, sous réserve des dispositions prévues à l'article 18 (voir infra), par celle des services dans lesquels ils exercent leurs fonctions habituelles. Elle peut couvrir :

-  L'ensemble du territoire national : c'est le cas des directions centrales (par exemple les offices centraux au sein de la direction centrale de la police judiciaire), de l'inspection générale de la police nationale, de l'inspection technique de la gendarmerie nationale et de certaines brigades de recherche.

-  Le ressort d'une ou plusieurs cours d'appel ou parties de celles-ci : sont concernés, par exemple, les services régionaux de la police judiciaire (SRPJ), la direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris ou les sections de recherches de la gendarmerie départementale.

-  Le ressort d'un ou plusieurs tribunaux de grande instance (TGI) d'une même cour d'appel ou partie de celle-ci : on peut citer, notamment, les sûretés départementales, les services de police urbaine des circonscriptions de sécurité publique ou les brigades de recherche de la gendarmerie départementale.

Des dispositions particulières sont prévues par les articles R. 15-28 et suivants pour les officiers et agents de police judiciaire exerçant leur mission dans des véhicules affectés au transport collectif de voyageurs.

La Commission a examiné l'amendement n° 2 de M. Georges Fenech, étendant à la zone de défense la compétence des officiers ou agents de police judiciaire exerçant habituellement leur mission dans les véhicules affectés aux transports collectifs de voyageurs ou dans des lieux destinés à l'accès à ces moyens de transports. Son auteur a précisé que cette extension se justifiait par la mobilité croissante des délinquants qui oeuvrent sur les lignes de transport, dans les gares, les stations de métro et la périphérie de celles-ci.

Tout en partageant ce constat, M. Christian Estrosi a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'étendre la compétence des personnels chargés de la sécurité des transports à l'ensemble de la zone de défense de leur service d'affectation. Il a suggéré à l'auteur de l'amendement, qui l'a suivi, de le retirer et de réfléchir à une solution alternative dans la perspective de la réunion que la Commission tiendra ultérieurement en application de l'article 88 du règlement.

Le cadre juridique présenté ci-dessus est particulièrement pénalisant pour les services dont la compétence est inférieure au ressort d'un tribunal de grande instance. Les officiers de police judiciaire en fonction dans les circonscriptions de sécurité publique de la police nationale et les brigades de la gendarmerie nationale (qui opèrent sur la partie de la circonscription de la compagnie implantée sur le ressort du TGI dans lequel la brigade a son siège) sont les plus limités dans leur action.

La loi d'orientation du 29 août 2002 a donc prévu d'étendre la compétence territoriale de ces OPJ à l'ensemble du département dans lequel ils exercent leurs attributions, et, par ailleurs, d'élargir celle de certains agents et militaires spécialisés à la zone de défense.

Ces dispositions sont mises en oeuvre par le paragraphe I du présent article, qui complète l'article 15-1 du code de procédure pénale : désormais, la compétence territoriale des services ou unités de police et de gendarmerie s'exercera soit sur l'ensemble du territoire national, soit sur une ou plusieurs zones de défense ou parties de celles-ci, soit sur l'ensemble d'un département. Autrement dit, la compétence territoriale minimale passe d'une partie du ressort d'un TGI au département. Par ailleurs, le critère de référence ne sera plus fonction du découpage judiciaire (cours d'appel et tribunaux de grande instance) ou de la répartition police/gendarmerie, mais de la carte administrative (zone de défense, département).

La portée de l'affirmation de la compétence départementale minimale ne doit pas être surestimée. Ainsi, depuis 1994, les OPJ des circonscriptions départementales de sécurité publique ont déjà compétence non seulement dans la circonscription où ils exercent leurs fonctions habituelles mais également dans les autres circonscriptions sises dans l'ensemble du ressort du TGI (13). Elle est, cependant, bien réelle, en raison de la séparation entre les zones de police et de gendarmerie et du fait que nombre de départements comptent plus d'un TGI dans leur ressort (il existe 181 tribunaux de grande instance pour 99 départements).

Il convient de noter, par ailleurs, qu'en application de l'article 21-1 du code de procédure pénale, l'extension des zones de compétence des officiers de police judiciaire se répercutera sur celle des agents (APJ) et adjoints de police judiciaire (APJA) chargés de les seconder.

Enfin, ces nouvelles dispositions accompagneront utilement l'adaptation de l'organisation administrative des services. On rappellera, ainsi, que la loi du 29 août 2002 disposait que : « L'adaptation du maillage territorial des services relevant de la direction centrale de la police judiciaire par le regroupement des dix-neuf SRPJ existants autour de neuf directions interrégionales permettra d'élargir la compétence territoriale des enquêteurs et de répondre aux défis de la coopération transfrontalière ». Cette réforme, qui doit faire l'objet de plusieurs décrets en Conseil d'État, est en cours d'élaboration. Les limites des directions interrégionales, qui devraient correspondre à celles des zones de défense, détermineront la compétence des OPJ concernés : la plupart disposeront d'une compétence élargie à l'ensemble de la zone de défense. Des directions interrégionales de la police aux frontières devraient également être créées sur le même modèle.

L'extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire doit s'accompagner d'une augmentation du nombre des agents ayant une telle qualification, sur la durée de la programmation (2003-2007), notamment dans le corps de maîtrise et d'application de la police nationale (14: dès 2003, la qualification d'OPJ 16 sera attribuée à 2 000 ACMA supplémentaires, et l'indemnité liée à cette qualification sera concomitamment revalorisée de 50 %.

FONCTIONNAIRES DE POLICE AYANT LA QUALITÉ OPJ 16

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

PRÉVISIONS

2002

2003

COMMISSAIRES

2 166

2 144

2 137

2 110

2 099

2 074

2 049

1 971

1 949

OFFICIERS

14 276

15 041

15 748

15 774

15 260

14 951

14 485

14 211

13 919

GRADÉS - GARDIENS

-

-

-

-

547

1 468

2 848

4 450

6 450

TOTAL

16 442

17 185

17 885

17 884

17 906

18 493

19 382

20 632

22 318

DIFFÉRENCE PAR ANNÉE

+ 743

+ 700

- 1

+ 22

+ 587

+ 889

+ 1 250

+ 1 686

DIFFÉRENCE CUMULÉE

+ 743

+ 1 443

+ 1 442

+ 1 464

+ 2 051

+ 2 940

+ 4 190

+ 5 876

Source : Ministère de l'intérieur.

Certes, les mesures ainsi mises en oeuvre auront un impact sur les modalités d'habilitation, de surveillance et de direction des OPJ par les procureurs, ainsi que sur le contrôle exercé, le cas échéant, par la chambre de l'instruction (articles 13, 16 et 41 du code de procédure pénale). Dans la quasi-totalité des départements, l'action des OPJ des services de sécurité publique ou des brigades de gendarmerie départementale dépendra désormais de plusieurs procureurs, en raison de la non concordance, déjà évoquée, entre les cartes administratives et judiciaire. L'élargissement de la compétence de certains OPJ à la zone de défense multipliera également les procureurs généraux et les chambres de l'instruction responsables de leur contrôle. Toutefois, les craintes d'un affaiblissement du contrôle des OPJ par les magistrats ne sont pas fondées. Il est déjà fréquent, en effet, que des OPJ diligentent des enquêtes sous l'autorité de parquets différents et, en toute hypothèse, un nombre important d'entre eux possède déjà, comme on l'a vu, une compétence départementale ou supra-départementale.

2. Des possibilités plus importantes d'extension ponctuelle de la compétence des OPJ

Le paragraphe II du présent article modifie l'article 18 du code de procédure pénale, qui prévoit les situations dans lesquelles il est admis que la compétence territoriale des OPJ excède ou ne corresponde plus, de façon ponctuelle, aux limites territoriales des services où ils exercent leurs fonctions habituelles. L'objectif poursuivi est d'assouplir ces possibilités d'extension qui sont actuellement très restrictives car soumises à l'urgence, à une flagrance ou, éventuellement, à la décision d'un magistrat.

· Le deuxième alinéa de l'article 18 prévoit que, en cas d'urgence ou de crime ou délit flagrant, les OPJ peuvent opérer dans toute l'étendue du ressort du tribunal de grande instance, à l'effet d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies. Cette première possibilité d'extension est supprimée par le 1° du paragraphe II du présent article : elle n'a plus lieu d'être, en effet, dès lors que le principe d'une compétence départementale minimale est approuvé.

En lieu et place de cette disposition, il sera désormais prévu que : « Les OPJ mis temporairement à disposition d'un service autre que celui dans lequel ils sont affectés ont la même compétence territoriale que celle des OPJ du service d'accueil ». Cette mesure particulière est destinée à résoudre les problèmes de compétence auxquels se heurte le ministère en ce qui concerne les « personnels ressources » des GIR, qui sont appelés à participer ponctuellement aux actions de ceux-ci.

On rappellera, en effet, que les 28 GIR possèdent :

-  une structure permanente restreinte (le chef de groupe et son adjoint, des policiers dont un issu des renseignements généraux, des militaires de la gendarmerie, un fonctionnaire des impôts et des douanes) appelée l'unité d'organisation et de commandement (UOC) ;

-  un corps opérationnel, composé de « personnels ressources » qui sont mis à disposition temporaire du GIR sur des missions ou des actions déterminés.

Au total, 1 582 agents sont ainsi susceptibles d'être mobilisés, toutes administrations confondues, dont 1 320 au titre des personnels ressources.

· Le troisième alinéa de l'article 18 prévoit que, en cas de crime ou délit flagrant, les OPJ peuvent se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui ou ceux auxquels ils sont rattachés, afin d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies.

Le 2° du paragraphe II du présent article prévoit que, pour l'application de cette disposition, les ressorts des TGI situés dans un même département seront désormais considérés comme un seul et même ressort. Cette précision résulte de l'affirmation de la compétence départementale minimale des OPJ.

· Le quatrième alinéa de l'article 18 prévoit que, en cas d'urgence, les OPJ peuvent, sur commission rogatoire du juge d'instruction ou sur réquisitions du procureur de la République au cours d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l'étendue du territoire national. Le cas échéant, ils sont assistés par un OPJ exerçant ses fonctions dans la circonscription intéressée.

Le 3° du paragraphe II du présent article supprime, dans cette disposition, la condition d'urgence qui limite la latitude des magistrats.

Les autres dispositions du présent article sont de simples mesures de coordination qui n'appellent pas d'observation particulière.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Après l'article 2

La Commission a examiné un amendement de M. Georges Fenech ayant pour objet d'aligner les règles afférentes à l'usage des armes en vigueur dans la police nationale sur celles qui prévalent dans la gendarmerie nationale, lorsqu'elles exercent des missions équivalentes. Son auteur a précisé qu'il s'agissait en particulier de permettre aux policiers de mieux se défendre et de disposer de prérogatives renforcées pour arrêter ou empêcher la fuite d'individus qui refusent d'obtempérer à une sommation réitérée. Il a fait observer que cet amendement se justifiait d'autant plus que les services de police et de gendarmerie étaient de plus en plus amenés à oeuvrer en commun sur le terrain.

M. Christian Estrosi a reconnu que les délinquants mettaient à profit les limites imposées aux personnels de la police nationale pour l'usage de leurs armes de service. Il a toutefois estimé qu'il n'était pas souhaitable d'aligner d'une façon générale le statut des policiers sur celui des gendarmes qui, bien que rattachés fonctionnellement au ministère de la sécurité intérieure, conservaient des missions spécifiques.

Partageant l'avis du rapporteur mais s'interrogeant sur le fait de savoir si ce dernier n'avait pas, dans le cadre de l'examen de la loi sur la sécurité quotidienne, défendu un amendement similaire, M. Bruno Le Roux a estimé que la solution la plus pertinente serait peut-être plutôt de modifier le statut des gendarmes lorsque ceux-ci participent à des missions de sécurité publique identiques à celles des policiers. M. Christian Vanneste a considéré que cet amendement était parfaitement conforme à l'esprit du projet de loi et de la politique du Gouvernement tendant à rapprocher les forces de police et de gendarmerie. M. Jean-Paul Garraud a estimé que, même si le statut des gendarmes et des policiers différait, ceux-ci étaient appelés à travailler en commun pour des missions analogues dans le cadre des groupes d'intervention régionaux et qu'il faudrait en tirer les conséquences en matière d'usage des armes. M. Gérard Léonard a souligné que le sujet était plus complexe, les gendarmes ayant des missions spécifiques relevant de la défense nationale et souhaité qu'une réflexion plus approfondie soit menée. M. Jean-Pierre Blazy s'est déclaré en accord avec la position du rapporteur et a souhaité également qu'une réflexion sur l'évolution des missions de la police nationale soit conduite.

À l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Georges Fenech.

Soulignant l'étendue des zones de compétence de la gendarmerie nationale, M. Xavier de Roux a attiré l'attention de la Commission sur la nécessité d'étendre aux officiers de gendarmerie les dispositions du code de procédure pénale prévoyant que les commissaires de police occupent le siège du ministère public pour certaines contraventions. M. Christian Estrosi a considéré que cette question mériterait une réflexion, tandis que Mme Marilyse Lebranchu s'est interrogée sur la compatibilité du statut de militaire avec les fonctions du ministère public.

Article 3

(art. 20-1 du code de procédure pénale)

Pouvoirs de police judiciaire des réservistes de la police
et de la gendarmerie nationales

Le présent article confère aux fonctionnaires et militaires de la police et de la gendarmerie nationales, retraités réservistes, la qualité d'agent de police judiciaire (APJ), sous réserve qu'ils aient eu, durant leur carrière, le statut d'officier (OPJ) ou d'agent de police judiciaire. À cet effet, il insère un nouvel article 20-1 dans le code de procédure pénale.

Un décret en Conseil d'État fixera ses modalités d'application.

Le texte proposé concerne les retraités appelés au titre d'un engagement spécial dans les réserves de la gendarmerie, d'une part, et les appelés au titre de la réserve civile de la police nationale, d'autre part.

a) L'engagement dans les réserves de la gendarmerie nationale

La réserve militaire a été instituée par la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 et le décret n° 2000-1170 du 1er décembre 2000, dans le contexte de la professionnalisation des armées. Elle a pour objet de renforcer les capacités des forces armées, dont elle est une des composantes, d'entretenir l'esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre la nation et ses forces armées. Elle est constituée d'une réserve opérationnelle (comprenant des volontaires et d'anciens militaires) et d'une réserve dite citoyenne (comprenant les autres réservistes).

Plus de 10 000 personnes ont, à ce jour, signé un contrat d'engagement spécial dans les réserves de la gendarmerie (ESR). La plupart d'entre elles sont retraitées ; elles sont appelées à servir régulièrement (12 jours par personne, en moyenne, en 2001). On rappellera, néanmoins, que l'objectif initial était de réunir 100 000 réservistes à la fin de l'année 2002, dont 50 000 pour la gendarmerie et 50 000 pour les armées.

Le présent article ne confère la qualité d'APJ qu'aux seuls réservistes retraités, afin de valoriser les expériences acquises et de respecter un certain parallélisme avec les dispositions proposées pour la police nationale.

b) La réserve civile de la police nationale

La création d'une réserve civile dans la police nationale, susceptible de conforter les forces de sécurité intérieure lorsque celles-ci s'avèrent insuffisantes à l'occasion d'événements exceptionnels ou de situations de crise, a été annoncée par la loi d'orientation du 29 août 2002. Celle-ci a retenu, pour la mise en oeuvre de cette réforme, les orientations suivantes :

· Pendant les cinq années suivant leur départ à la retraite, les fonctionnaires actifs de la police nationale sont susceptibles d'être appelés, si les circonstances l'exigent, pour intervenir en appui des forces de sécurité intérieure en activité.

· Pendant le temps de réserve de cinq ans, ces fonctionnaires actifs pourront également participer, mais sur la base du volontariat cette fois, à des missions de solidarité relevant : du soutien social de proximité, notamment pour faciliter l'insertion locale de leurs collègues ; de la transmission des connaissances, lorsqu'ils ont acquis une technicité particulière ; de la médiation, notamment en direction des jeunes en difficulté.

À cet égard, on relève qu'aucune disposition n'a encore été prise pour mettre en place cette réserve civile. Or, on peut penser que l'engagement de la réforme doit être au moins concomitant avec les dispositions proposées par le présent article : on rappellera que le rapporteur a présenté, à cet effet, un amendement après l'article 1er du projet de loi.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 60) et rejeté un amendement présenté par M. Etienne Mourrut devenu sans objet.

Elle a ensuite adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4

(art. 78-2 du code de procédure pénale)

Critères permettant de procéder à des contrôles d'identité

Le présent article modifie certains critères sur le fondement desquels les forces de sécurité peuvent procéder à des contrôles d'identité, en substituant à la notion d'« indices » celle de « raisons plausibles de soupçonner ».

1. Le cadre juridique des contrôles d'identité

Les règles actuellement en vigueur en matière de contrôles d'identité sont déterminées par l'article 78-2 du code de procédure pénale. Celui-ci dispose que leur mise en oeuvre incombe aux officiers de police judiciaire (OPJ) et, sur ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, aux agents de police judiciaire (APJ) et aux agents de police judiciaire adjoints (APJA).

On distingue les contrôles effectués à l'initiative des forces de l'ordre et ceux qui résultent d'une réquisition du parquet, ainsi que les situations de police judiciaire et de police administrative.

· Les contrôles d'identité de police judiciaire peuvent être effectués à l'initiative des forces de l'ordre dès lors qu'elles disposent à l'égard d'une personne d'« un indice faisant présumer » qu'elle a commis ou qu'elle se prépare à commettre une infraction, qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête ou qu'elle fait l'objet de recherches judiciaires.

En police administrative, en dehors des règles particulières aux contrôles dans les zones frontalières, l'identité de toute personne peut également être vérifiée, indépendamment de son comportement, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

· Des contrôles d'identité peuvent être opérés sur réquisition écrite du procureur de la République, aux fins de recherche et de poursuite de certaines infractions, dans des lieux et pour une période de temps déterminés. On rappellera que, dans cette hypothèse, le fait que le contrôle révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

2. La modification apportée par le projet de loi

Le présent article modifie les fondements des seuls contrôles d'identité de police judiciaire effectués à l'initiative des forces de l'ordre. Il remplace la notion d'« indice faisant présumer » qu'une personne a commis ou va commettre une infraction par celle de « raison(s) plausible(s) de soupçonner ».

Cette évolution tend à aligner le droit des contrôles d'identité sur celui des conditions de placement en garde à vue, un lien étroit existant entre ces deux régimes juridiques.

En matière de placement en garde à vue, l'existence d'un indice apparent a également longtemps été considérée comme le critère objectif permettant de faire passer une personne du statut de « témoin » à celui de « suspect ». La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 ayant consacré l'interdiction de placer un témoin en garde à vue, de fortes interrogations se sont développées autour de cette notion d'indices : la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 a tiré les conséquences des graves difficultés qu'elles faisaient peser sur l'activité policière en lui substituant une référence à « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » (15).

Cette nouvelle formulation, plus claire et plus large, est parfaitement conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Celle-ci dispose, en effet, dans son article 5, que nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans un certain nombre de cas limitativement énumérés, dont le suivant : « S'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ».

En conséquence, il est proposé de procéder à la même modification pour les contrôles d'identité de police judiciaire effectués à l'initiative des forces de l'ordre. Le premier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale est modifié dans ce sens.

La portée de cette mesure ne doit pas être surestimée : il s'agit davantage d'une clarification, qui confortera la sûreté des procédures, que d'une extension des possibilités offertes par le droit en vigueur. Cela étant, il conviendra d'apporter des réponses aux interrogations que peut parfois soulever le caractère répétitif ou systématique de certains contrôles. De ce point de vue, les « outils déontologiques » existent. L'article 7 du décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale prévoit que : « Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques ». Les articles 12 et 13 de la charte de police de proximité stipulent que : « Le policier de proximité se comporte de façon à établir et à maintenir en permanence une relation confiante avec le public et les conditions d'un respect mutuel. (...) Il fait preuve à tout moment de politesse et de courtoisie, de discernement et de sang froid, de correction et de rigueur. Il se doit d'être, pour la population, l'image même du service public ». La Commission de déontologie de la sécurité veille au respect de ces règles (16) qui sont constitutives d'une police républicaine.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Articles 5, 6 et 7

(art. 23 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001,
art. 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4 du code de procédure pénale)

Visite des véhicules pour la recherche de certaines infractions

Les articles 5, 6 et 7 du projet de loi étendent les possibilités de « visite des véhicules ». Ces dispositions recouvrent un enjeu important et sont très attendues par les services de police et de gendarmerie. Leur portée doit être appréciée au regard des deux exigences que sont : le respect de la liberté individuelle ; l'efficacité des investigations policières dans un contexte marqué par la vigueur de la menace terroriste et de la grande délinquance.

1. Les fouilles des véhicules : limites et enjeux

L'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle ; celle-ci ne peut être restreinte que pour des raisons précises et exceptionnelles. Sur ce fondement, directement issu de l'article 66 de la Constitution, les possibilités de visite des véhicules ont été strictement encadrées.

En effet, le 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article unique d'un projet de loi « autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales », en dehors de tout contexte de flagrance et sans habilitation judiciaire, non conforme à la Constitution (décision 76-75 DC). Les règles fixées à cette occasion ont été constamment réaffirmées par la suite, en particulier dans la décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 rendue sur la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

Dans le même temps, l'impossibilité d'ouvrir les coffres des véhicules en dehors d'un contexte de flagrance, qui a résulté des décisions précitées, entrave de façon majeure l'activité des forces de sécurité. Déjà préjudiciable en temps normal, cette situation est devenue insupportable dans un contexte marqué par la recrudescence de l'insécurité.

Dès lors, il est devenu essentiel de concilier les exigences précitées en élargissant le cadre légal des visites de véhicules, dans le respect de la liberté individuelle.

De fait, cette démarche a été initiée par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, dont l'article 23 a autorisé les visites de véhicules, sur réquisitions écrites du procureur de la République, aux fins de recherche et de poursuite de certaines infractions (voir infra).

Il est proposé, aujourd'hui, de préciser certains éléments de ce dispositif (article 5) et de le compléter par deux nouvelles procédures, l'une dans le cadre des enquêtes de flagrance (article 6), l'autre pour prévenir des atteintes graves à la sécurité des personnes et des biens (article 7). Dans les deux cas, les mesures mises en oeuvre intègrent les principes fixés par le Conseil constitutionnel. Le juge judiciaire est appelé à intervenir a priori, en dehors du cadre particulier de la flagrance ; les dispositions proposées sont précises et les restrictions apportées à l'exercice des libertés exceptionnelles et limitées.

2. Sur réquisitions écrites du procureur de la République

L'article 23 de la loi du 15 novembre 2001 a inséré, dans le code de procédure pénale, un article 78-2-2 qui autorise les officiers et, le cas échéant, les agents et les adjoints de police judiciaire, à procéder, sur réquisitions écrites du procureur de la République, aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme, des infractions à la législation sur les armes et les explosifs ou de certains faits de trafic de stupéfiants, dans les lieux et pour la durée déterminés par le procureur, non seulement aux contrôles d'identité administratifs prévus par le septième alinéa de l'article 78-2 mais, également, « à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public ».

Adoptée dans le contexte particulier induit par les attentats commis sur le sol américain le 11 septembre 2001, cette procédure a pris en compte les principes édictés par le Conseil constitutionnel dans les décisions précitées. Elle est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le rôle des OPJ est prépondérant. L'étendue des pouvoirs conférés aux forces de l'ordre et les modalités de leur intervention sont encadrées. Il n'y a pas de confusion entre police administrative et police judiciaire. Des garanties sont apportées, par ailleurs, qui répondent également à des exigences constitutionnelles. Ainsi, les véhicules en circulation ne peuvent être immobilisés que le temps nécessaire à la visite, qui doit avoir lieu en présence du conducteur. Lorsque le véhicule est à l'arrêt ou en stationnement, la visite se déroule en présence du conducteur, du propriétaire du véhicule ou, à défaut, comme en matière de perquisitions domiciliaires, d'une personne requise par l'OPJ ou l'APJ et qui n'est pas placée sous leur autorité. Toutefois, la présence d'une personne extérieure n'est pas requise si la visite comporte des « risques particuliers ». Un procès-verbal est établi dans les trois hypothèses suivantes : en cas de découverte d'une infraction ; si le conducteur ou le propriétaire du véhicule le demandent ; lorsque la visite se déroule en leur absence. Comme à l'article 78-2, il est précisé que le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Le paragraphe I de l'article 5 du projet de loi abroge l'article 23 de la loi du 15 novembre 2001. Toutefois, cette suppression est destinée à pérenniser le dispositif, qui n'avait été adopté que pour une période de temps limitée, jusqu'au 31 décembre 2003. De fait, la menace terroriste n'a pas diminué depuis un an et la lutte contre la grande délinquance est une priorité. En conséquence, le paragraphe II reprend les dispositions de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale et, concomitamment, renforce leur portée à travers les modifications présentées ci-après.

Tout d'abord, la liste des infractions pouvant justifier des visites de véhicules est étendue. Outre la recherche des infractions à caractère terroriste et à la législation sur les armes ou les stupéfiants, sont désormais également visés le vol (articles 311-3 à 311-11 du code pénal) et le recel (articles 321-1 et 321-2 du même code).

L'autorisation donnée par le procureur de la République de procéder auxdites visites de véhicules ne pourra couvrir une période de temps supérieure à 24 heures. Ce délai sera, bien sûr, renouvelable, mais cette limitation dans le temps, qui n'était pas prévue par la loi du 15 novembre 2001, renforce le contrôle de la procédure par l'autorité judiciaire. Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement de M. Michel Dreyfus-Schmidt qui conforte cet encadrement, en précisant que la décision du procureur de la République de renouveler, le cas échéant, le délai de vingt quatre heures précité, devra être non seulement expresse mais également « motivée ».

La présence du conducteur du véhicule, de son propriétaire ou d'un témoin reste requise. À cet égard, il conviendrait de préciser les circonstances dans lesquelles il sera possible de déroger à cette exigence, la notion de « risques particuliers » pouvant être sujette à interprétation. C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant les circonstances dans lesquelles la présence d'un témoin extérieur peut ne pas être requise pour la visite d'un véhicule, en faisant référence à des « risques graves pour la sécurité des personnes et des biens » (amendement n° 61).

Enfin, il est précisé que : « La visite des caravanes, roulottes, maisons mobiles ou transportables et des véhicules spécialement aménagés pour le séjour, ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires lorsqu'ils sont en stationnement et sont utilisés comme résidence effective ». Cette disposition implique, a contrario, que leur visite n'obéit plus aux règles de la perquisition lorsqu'ils sont en circulation ou simplement arrêtés sur la voie publique. Une telle distinction, que l'on retrouve aux articles 6 et 7 du projet de loi, a été critiquée par des sénateurs de l'opposition, qui ont fait valoir que sa constitutionnalité, au regard du principe d'inviolabilité du domicile, n'était pas assurée.

En effet, l'inviolabilité du domicile, qui a longtemps été protégée par le juge judiciaire sur le fondement de l'article 76 de la Constitution de l'an VIII, bénéficie de la protection accordée à la liberté individuelle depuis la décision 164 DC du 29 décembre 1983 : « Considérant que si les nécessités de l'action fiscale peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans les lieux privés, de telles investigations ne peuvent être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects et notamment celui de l'inviolabilité du domicile ; que l'intervention de l'autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celles-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ». Le droit à l'inviolabilité du domicile, prolongement de la personne, et son corollaire, l'interdiction des arrestations et des perquisitions nocturnes, ont été constamment réaffirmés depuis.

Or, on peut penser que les véhicules à usage d'habitation, sous réserve qu`ils soient utilisés comme résidence effective, doivent être considérés, qu'ils soient à l'arrêt, en stationnement ou en circulation, comme des domiciles.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur rendant applicable à la visite des véhicules à usage d'habitation utilisés comme résidence effective le régime des perquisitions et visites domiciliaires (amendement n° 62).

La Commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.

3. En cas de crime ou de délit flagrant

L'article 6 du projet de loi permet aux officiers et, sous leurs ordres, aux agents de police judiciaire, de procéder à des visites de véhicules lorsqu'il existe, à l'égard du conducteur ou d'un passager, « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu'il a commis ou tenté de commettre, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant.

Inspirée des règles en vigueur pour les contrôles d'identité, cette nouvelle procédure s'inscrit dans le cadre particulier de la flagrance : la personne semble avoir commis ou tenté de commettre une infraction.

On relève que, dans cette hypothèse, les articles 56 et suivants du code de procédure pénale permettent déjà aux OPJ de perquisitionner d'initiative chez une personne, sous réserve d'un certain nombre de prescriptions (l'article 59 prévoit, notamment, que les perquisitions et visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures). Par ailleurs, dans un arrêt du 8 novembre 1979, la Cour de cassation a considéré que l'exigence de l'ouverture d'un coffre automobile au cours d'investigations policières concernant un crime flagrant n'avait pas le caractère d'une perquisition domiciliaire et n'était donc pas soumise aux restrictions du code de procédure pénale. Enfin, on soulignera que, dans sa décision du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel avait jugé excessive l'étendue des pouvoirs reconnus aux officiers et agents de police judiciaire « alors même qu'aucune infraction n'aura été commise ». Dès lors, certains juristes admettent qu'« une habilitation permanente à la fouille des véhicules est concevable (...) dans le cadre de la procédure judiciaire des flagrants délits » (17) : tel est l'objet de la mesure mise en oeuvre par l'article 6 qui, dans une certaine mesure, a surtout pour effet d'aligner le droit sur la pratique.

Les garanties prévues à l'article 78-2-2 (immobilisation limitée dans le temps ; présence du propriétaire, du conducteur ou d'une personne extérieure ; établissement d'un procès-verbal), ainsi que le principe de légalité des procédures incidentes, s'appliquent également à ce dispositif.

En revanche, les observations formulées à propos des véhicules à usage d'habitation utilisés comme résidence effective dans le cadre du commentaire de l'article 5 restent valables : dans leur cas doivent s'appliquer les règles prévues par le code de procédure pénale pour les perquisitions et visites domiciliaires ; toutefois, comme on l'a vu, lesdites règles sont peu contraignantes dans le cadre de la flagrance.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 63) étendant, par coordination, les règles de la perquisition aux véhicules à usage d'habitation utilisés comme résidence effective, puis l'article 6 ainsi modifié.

4. Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens

L'article 7 s'inscrit dans le cadre des procédures destinées à prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens. Il prévoit que, dans cette hypothèse, les officiers, agents et adjoints de police judiciaire pourront procéder :

-  aux contrôles d'identité administratifs prévus par le septième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale ;

-  à des visites de véhicules.

S'agissant des visites de véhicules, la légalité de la procédure est assurée par l'exigence d'un accord du conducteur ou, à défaut, d'une instruction du procureur de la République. Le cas échéant, l'instruction du parquet pourra être communiquée par tous moyens et, dans l'attente, le véhicule sera immobilisé pour une durée qui ne pourra excéder trente minutes : ce laps de temps est suffisamment limité pour que l'on puisse considérer que, dans le cadre défini par cette disposition, le degré de contrainte n'est pas excessif au regard de l'article 66 de la Constitution ou du principe constitutionnel de la liberté d'aller et venir.

La Commission a rejeté l'amendement n° 34 de M. Etienne Mourrut tendant à porter à une heure au lieu de trente minutes le délai pendant lequel les forces de police peuvent immobiliser un véhicule dans l'attente des instructions du procureur

Certes, on aurait pu considérer que l'autorisation du procureur de la République n'était pas forcément indispensable dans cette hypothèse, dès lors qu'il s'agit de prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens. On rappellera, en effet, que, dans sa décision du 12 janvier 1977, parmi les conditions que le Conseil constitutionnel avait énuméré pour que la loi puisse habiliter les forces de police à procéder à des fouilles de véhicules, figurait, précisément, l'existence d'une menace d'atteinte à l'ordre public. Cela étant, il convenait de tenir compte également des termes de la décision n° 94-352 DC  du 18 janvier 1995 : après avoir rappelé que « les opérations de fouille des véhicules afin de découvrir et de saisir des armes (...) relèvent de la police judiciaire et que s'agissant d'opérations qui mettent en cause la liberté individuelle, l'autorisation d'y procéder doit être donnée par l'autorité judiciaire », le Conseil constitutionnel avait jugé nécessaire une autorisation préalable de cette dernière y compris, semble-t-il, dans le contexte particulier induit par une menace à l'ordre public.

L'ensemble des garanties prévues par l'article 78-2-2 s'applique, y compris les règles afférentes aux véhicules à usage d'habitation utilisés comme résidence effective.

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 7 bis (nouveau)

(art. 414 du code des douanes)

Relèvement des peines encourues pour certaines infractions douanières

Introduit par amendement à l'initiative de M. Michel Charasse, le Gouvernement s'en étant remis à la sagesse du Sénat, le présent article complète l'article 414 du code des douanes afin de relever le niveau de la peine encourue pour certains faits flagrants de contrebande, d'importation ou d'exportation illicites.

· Actuellement, sur le fondement du code des douanes, est passible d'un emprisonnement de trois ans, de la confiscation de l'objet de la fraude et des moyens de transport utilisés, ainsi que d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur des biens saisis, tout fait de contrebande, d'importation ou d'exportation sans déclaration portant sur des marchandises prohibées.

· L'article 7 bis propose de porter à six ans cette peine d'emprisonnement lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé ou la sécurité publique, ou lorsqu'ils ont été commis en bande organisée.

Cette disposition semble avoir été motivée par une volonté de rapprocher le niveau des peines prévues par le code des douanes et le code pénal pour les infractions précitées, afin de limiter des inégalités de traitement induites par leur disparité dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, notamment en matière de stupéfiants.

En effet, sur la base du code des douanes, les magistrats pouvaient recourir à la procédure de la comparution immédiate qui n'était ouverte, jusqu'à une date récente, qu'aux faits passibles d'une peine comprise entre un et sept ans d'emprisonnement. Tel n'était pas le cas sur le fondement du code pénal, les articles 222-36 et suivants prévoyant une peine d'emprisonnement de dix ans (ou plus dans certaines circonstances) pour le trafic de stupéfiants.

Or, le degré d'engorgement des parquets territorialement compétents, ainsi que la difficulté pour certains services de police et de gendarmerie d'exécuter les commissions rogatoires qui leur sont délivrées, conduisaient certaines juridictions particulièrement exposées à privilégier la voie de la comparution immédiate, quitte à ne poursuivre les personnes interpellées que sur la seule incrimination douanière. Dans d'autres juridictions, moins exposées, l'ouverture d'une information judiciaire pouvait aboutir à prononcer des peines supérieures, pour des faits comparables, sur la base des articles 222-36 et suivants du code pénal.

Cependant, la portée de cette mesure est moindre depuis que l'article 40 de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a modifié l'article 395 du code de procédure pénale : la peine encourue dans le cadre de la procédure de comparution immédiate peut désormais aller jusqu'à dix ans. Dès lors, l'importation ou l'exportation illicites de stupéfiants visées par l'article 222-36 du code pénal peut être traitée dans ce cadre.

Pour autant, la disposition adoptée par le Sénat reste opportune.

En effet, dans certaines circonstances, le code pénal prévoit des peines d'emprisonnement supérieures à dix ans pour le trafic de stupéfiants (par exemple lorsque les faits sont commis en bande organisée : trente ans de réclusion criminelle et 7 500 000 € d'amende).

Par ailleurs, il existe des marchandises dangereuses pour la santé qui ne sont punissables que sur le fondement du code des douanes (le trafic de cigarettes notamment).

De manière générale, la recrudescence des interpellations douanières, sur les grands axes de circulation, de personnes acheminant, pour le compte d'organisations criminelles, des quantités importantes de stupéfiants, de médicaments prohibés, de produits anabolisants ou d'armes, justifie un renforcement du dispositif répressif en vigueur.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur portant à dix ans d'emprisonnement le plafond des peines applicables en matière douanière pour certaines infractions portant sur des marchandises dangereuses pour la santé ou la salubrité publiques.

Le président Pascal Clément a fait part de ses réserves à l'encontre d'une disposition qui, en alourdissant à l'excès les peines encourues, contribuait à rendre peu significative la hiérarchie des peines. Tout en reconnaissant que ces sanctions constituaient des maxima que les magistrats avaient par la suite toute latitude d'interpréter, il a déploré la multiplication de ce type de dispositions qui dévaluent le rôle du législateur aux yeux du monde judiciaire.

M. Xavier de Roux a déclaré partager les propos du président Clément, regrettant que l'on perde ainsi de vue la lisibilité de l'échelle des sanctions. Il s'est opposé à l'argument du rapporteur selon lequel il ne s'agirait que d'une simple mesure d'harmonisation, estimant que les conditions d'incriminations et le champ d'application de l'article étaient beaucoup plus larges que ce qui était prévu dans le code pénal, notamment en matière de trafic de stupéfiants.

La Commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 64), puis l'article 7 bis ainsi modifié.

Article 8

(art. 166 du code de procédure pénale)

Expertises judiciaires

Le présent article tend à simplifier les règles applicables aux expertises judiciaires mises en oeuvre au cours d'une procédure pénale.

Les modalités de ces expertises sont déterminées par les articles 156 à 169-1 du code de procédure pénale. Actuellement, l'article 166 prévoit que, lorsque ces opérations sont achevées, les experts rédigent un rapport qui décrit lesdites opérations et formalise leurs conclusions. Ils doivent « attester avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées et signent leur rapport ».

Cette disposition a été interprétée de façon rigoureuse par les juridictions : une expertise réalisée par une autre personne que l'expert ayant signé le rapport, même agissant sous son autorité et son contrôle, est entachée de nullité. Or, comme l'a relevé le rapporteur du Sénat, M. Jean-Patrick Courtois, dans son rapport écrit (n° 36) : « De plus en plus, les expertises sont réalisées par une équipe et non par une personne seule, compte tenu de la complexité des travaux techniques et scientifiques qu'elles nécessitent » ; au demeurant, le décret n° 97-647 du 31 mai 1997 relative à l'indemnité d'expertise allouée aux personnels des laboratoires de police scientifique a entériné la présence, aux côtés des experts, d'assistants techniques, logistiques ou administratifs.

Prenant en compte les nécessités du travail en équipe en matière d'expertises, le présent article modifie la seconde phrase du premier alinéa de l'article 166 du code de procédure pénale en prévoyant que : « Les experts signent leur rapport et mentionnent les noms et qualités des personnes qui les ont assistés, sous leur contrôle et leur responsabilité, pour la réalisation des opérations jugées par eux nécessaires à l'exécution de la mission qui leur a été confiée ».

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article additionnel après l'article 8

(art. 63-1 du code de procédure pénale)

Suppression de la notification du droit au silence

La Commission a été saisie de cinq amendements identiques, présentés par MM. Christian Vanneste (amendement n° 13), Charles Cova (amendement n° 14), Georges Fenech (amendement n° 15), Mme Nadine Morano (amendement n° 16), M. Gérard Léonard et Mme Michèle Tabarot (amendement n° 66), ayant pour objet de modifier l'article 63-1 du code de procédure pénale afin de supprimer l'obligation faite aux officiers de police judiciaire de notifier à une personne placée en garde à vue qu'elle a le droit de se taire.

Précisant que cette notification était issue d'une disposition de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence, M. Christian Vanneste a indiqué qu'elle était très mal vécue par les forces de police. M. Gérard Léonard a précisé qu'il ne s'agissait nullement de supprimer le droit au silence, seule la notification de ce droit étant remise en cause. M. Georges Fenech a fait état du désarroi des policiers face à cette notification, qui affaiblit leur position devant le délinquant gardé à vue, avant de souligner que la suppression de cette notification ne remettait pas en cause les droits de la défense ni la présomption d'innocence.

Considérant qu'il s'agissait d'une question relevant de la compétence du Garde des sceaux, M. Bruno Le Roux a exprimé le souhait que puisse être menée une réflexion générale sur les conditions d'application de la loi du 15 juin 2000 et regretté que le choix de procéder par amendements et au détour d'une loi qui traite d'un sujet différent, à la modification de plusieurs textes en vigueur, contribuait à introduire une certaine confusion. S'agissant de cette obligation de notification, il a souligné qu'elle avait pour objet de rétablir l'égalité entre les prévenus connaissant leurs droits et ceux qui les ignoraient.

M. Jean-Paul Garraud a jugé que cette logique devrait également conduire à notifier aux prévenus qu'ils ont le devoir de dire la vérité. M. Xavier de Roux ayant indiqué qu'il appartenait à l'avocat de conseiller le prévenu sur sa conduite à tenir, le président Pascal Clément a rappelé que ce débat avait déjà eu lieu de façon approfondie sous la précédente législature.

Le rapporteur a jugé tout à fait humiliant pour le policier d'avoir à préciser au prévenu qu'il a le droit de ne pas répondre à ses questions ; il a estimé que ce type de disposition introduit dans la loi sur la présomption d'innocence avait fortement contribué à dévaloriser le rôle des forces de police ; il s'est donc prononcé en faveur des amendements, jugeant déplacé l'argument purement formel suivant lequel ce type de disposition relevait davantage d'un texte réformant la procédure pénale. Il a estimé au contraire qu'une telle disposition relevait pleinement de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure récemment adoptée. Il a indiqué qu'il avait demandé au Gouvernement de procéder, avant même l'examen en séance publique du présent projet de loi, à une étude approfondie de plusieurs dispositions de la loi du 15 juin 2000, telles que l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue des mineurs, qui s'est incontestablement traduit par un alourdissement des tâches matérielles dévolues aux policiers, ou les conditions de la garde à vue et de son éventuelle prolongation, qui sont ressenties par les policiers comme des entraves à leurs investigations. Souhaitant que, sur tous ces sujets, le Gouvernement puisse apporter des engagements fermes, il a considéré que la Commission des lois devait d'ores et déjà adresser un message clair sur les orientations à suivre en matière de procédure pénale en supprimant cette notification du droit au silence.

La Commission a, en conséquence, adopté ces amendements.

Article additionnel après l'article 8

(art. 706-40-1 à 706-40-6 [nouveaux] du code de procédure pénale)

Extension des opérations de livraison surveillée et d'infiltration

La Commission a examiné un amendement du rapporteur insérant, dans le code de procédure pénale, six articles regroupés dans un titre numéroté XVII bis, qui étendent à de nouvelles infractions relevant de la criminalité organisée le champ des livraisons surveillées et des infiltrations (paragraphe I).

L'article 706-40-1 consacre le principe des livraisons surveillées, qui n'est reconnu aujourd'hui qu'en matière de trafic de stupéfiants, pour les infractions relatives à l'enlèvement et la séquestration, la pédophilie, le vol en bande organisée, l'extorsion, le recel en bande organisée, le blanchiment, le terrorisme, la fabrication de faux documents ou de fausse monnaie et la participation à une association de malfaiteurs. L'information du procureur de la République, voire son autorisation en cas de franchissement de frontière, est requise.

L'article 706-40-2 autorise la mise en oeuvre de procédures d'infiltration pour démanteler les réseaux coupables des infractions précitées ou de proxénétisme, de traite et d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers. Dans ce cadre, les OPJ et les APJ spécialisés pourront participer à la commission d'infractions, à l'exclusion de toute atteinte à l'intégrité physique des personnes. À cet effet, l'article 706-40-4 pose le principe de leur irresponsabilité pénale, l'article 706-40-5 interdisant néanmoins la provocation à la commission des infractions précitées.

Le cadre d'intervention des agents étrangers est déterminé par l'article 706-40-3.

Corrélativement, l'article 706-32 du code de procédure pénale, qui définit le champ actuel des livraisons surveillées et des infiltrations pour le trafic de stupéfiants, est abrogé par le paragraphe IV de l'amendement, les paragraphes II et III mettant en oeuvre de simples mesures de coordination.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 69).

Article additionnel après l'article 8

(art. 57-1 [nouveau] du code de procédure pénale)

Perquisitions dans les systèmes informatiques

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur autorisant les officiers de police judiciaire à procéder à des perquisitions informatiques et à étendre celles-ci aux données et systèmes accessibles depuis le système initial. Tout en déclarant partager l'objectif poursuivi par l'amendement du rapporteur, M. Xavier de Roux s'est interrogé sur le sort distinct fait aux systèmes informatiques situés en dehors du territoire national, dont la perquisition requiert le consentement préalable de l'intéressé. Le rapporteur ayant précisé qu'il s'agissait, par cette précision, de se conformer à la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, que la France avait signée mais pas encore ratifiée, M. Xavier de Roux a fait part de sa préférence pour une rédaction plus générale qui mentionnerait simplement les conditions d'accès prévues par les engagements internationaux en vigueur. Le rapporteur s'étant rallié à cette rédaction, la Commission a adopté l'amendement ainsi rectifié (amendement n° 67).

Article additionnel après l'article 8

(art. 60-1 [nouveau] du code de procédure pénale)

Mise à disposition des informations contenues dans
les systèmes informatiques ou les traitements de données nominatives

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux officiers de police judiciaire, agissant sur réquisition ou autorisation d'un magistrat du siège, d'obtenir dans des délais rapides des informations contenues dans des systèmes informatiques et de prendre toutes dispositions utiles pour la préservation de ces données, le rapporteur ayant précisé que le dispositif était assorti de garanties excluant de son champ d'application les organismes dont les activités relèvent de la presse, du syndicalisme ou de la vie politique ou religieuse (amendement n° 68).

Article additionnel après l'article 8

(art. 29 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001)

Sécurité des réseaux des opérateurs de télécommunications

La Commission a adopté un amendement du rapporteur introduisant un article additionnel afin de modifier l'article 29 de la loi relative à la sécurité quotidienne pour permettre aux opérateurs de télécommunications de conserver certaines données en vue d'assurer la sécurité de leurs réseaux (amendement n° 65).

Chapitre III

Dispositions relatives aux traitements automatisés d'informations

Article 9

Traitements automatisés d'informations mis en oeuvre
par la police et la gendarmerie

« Informatique, sécurité et liberté, la difficulté de positionner le curseur à juste distance ne se noue pas uniquement sur les fichiers auxquels spontanément on pense » considérait la CNIL dans le cadre de son analyse du système de traitement des infractions constatées (STIC) (18) mis en oeuvre par la police nationale. Si l'on en croit les polémiques qu'a injustement suscitées le présent article, on ne peut que reconnaître la clairvoyance de l'analyse de la CNIL, car quel est son objet si ce n'est de conférer un statut législatif à des fichiers dont la création relève aujourd'hui d'actes réglementaires ?

De surcroît, si le STIC a été créé par le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001, d'autres fichiers de même nature existent sans même avoir été créés par un acte réglementaire, à l'instar du fichier JUDEX de la gendarmerie. Or, l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens, ainsi que les sujétions imposées par la Défense nationale en leur personne et en leurs biens. En raison de la nature même des informations figurant dans les fichiers de police et de gendarmerie, propice à nombre de fantasmes comme chacun sait, l'intervention de la loi est donc hautement souhaitable et pleinement fondée. La CNIL elle-même estimait que, « dans le silence législatif, c'est donc la loi du 6 janvier 1978 qui régit seule les fichiers de police et peut leur assurer un encadrement juridique. Cette situation n'est certainement pas pleinement satisfaisante au regard des intérêts publics en jeu qui paraissent considérables, qu'il s'agisse des impératifs de sécurité publique et de sûreté des personnes, ou des garanties de libertés publiques et individuelles qui doivent leur être reconnues » (19). En offrant un fondement législatif aux fichiers de police et de gendarmerie nationales, qui reprend dans une très large mesure le droit en vigueur concernant le STIC, le présent article donne donc, notamment, satisfaction à la CNIL.

À l'occasion de son examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement de rédaction globale du présent article présenté par la commission des lois. Sur le fond, le dispositif proposé, quoique fort proche de celui qui figurait dans le projet de loi initial, apporte cependant d'utiles précisions, relatives notamment à la définition des infractions susceptibles de justifier l'inscription de son auteur dans les fichiers ou aux finalités des traitements de police judiciaire.

1. Le champ des infractions susceptibles de conduire à l'inscription d'une personne dans les traitements automatisés de police judiciaire

Comme le prévoit désormais le premier alinéa du paragraphe I du présent article, les services de police et de gendarmerie nationales peuvent mettre en oeuvre des traitements automatisés d'informations nominatives recueillies dans « les comptes rendus d'enquête » rédigés au cours des enquêtes préliminaires, de flagrance, ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant « tout crime ou délit » ainsi que les contraventions de la cinquième classe « sanctionnant un trouble à la sécurité ou la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes, aux biens, ou à l'autorité de l'État ».

S'agissant de la notion de « compte rendu d'enquête », qui figure à l'article 2 du décret du 5 juillet 2001, elle regroupe, en pratique, les résumés des procédures policières établis par les enquêteurs dans les comptes rendus après identification (CREI) et les compte rendus d'infraction (CRI) (20), mais demeure inconnue du code de procédure pénale. On peut donc s'interroger sur l'opportunité de donner un fondement légal à cette notion qui semble davantage relever de la compétence du pouvoir réglementaire. C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur la supprimant (amendement n° 70).

En ce qui concerne le champ des infractions justifiant l'inscription d'une personne dans les fichiers, le dispositif proposé par le présent article est plus étendu que celui prévu par le droit en vigueur, puisque le STIC n'inclut que 6 contraventions de la cinquième classe sanctionnant : les violences volontaires légères ; la provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ; le racolage ; les dégradations volontaires légères ; le port d'uniforme ou l'exhibition d'uniformes ou d'insignes rappelant ceux d'organisations ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité, ainsi que l'intrusion dans les établissements scolaires. En visant les contraventions sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ou une atteinte aux personnes ou aux biens, la rédaction proposée permettra en effet de faire également figurer dans les fichiers, par exemple, les auteurs :

-  de vente forcée par correspondance (art. R. 635-2 du code pénal) ;

-  d'abandon d'épaves de véhicules ou d'ordures sur un lieu public ou privé (R. 635-8) ;

-  d'atteinte à l'état civil des personnes (R. 645-3) ;

-  de soustraction d'une pièce produite en justice (R. 645-7) ;

-  d'utilisation d'un document délivré par une administration publique et comportant des mentions devenues incomplètes ou inexactes (R. 645-8).

En revanche, le Sénat a supprimé la référence aux contraventions concernant « une forme de délinquance organisée » prévue par le projet de loi initial, cette dernière catégorie ayant été considérée, à juste titre, comme imprécise (21). Au total, l'extension ainsi proposée devrait conduire à une augmentation substantielle des données figurant dans les fichiers de police judiciaire qui, s'agissant du seul STIC, traite d'ores et déjà 20,55 millions de procédures, concerne 4,55 millions de personnes mises en cause et 15,67 millions de victimes. S'agissant des objets recensés dans ce fichier, on indiquera qu'y figurent 2,18 millions de moyens de paiement, 386 000 radios et équipements de haute fidélité ainsi que 73 926 armes et 42 086 véhicules.

2. Les finalités des traitements automatisés

L'article 20 de loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit, notamment, que l'acte réglementaire créant un traitement de données à caractère personnel pour le compte de l'État doit préciser sa finalité. En outre, la directive 95/46 du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel ne s'applique certes pas aux traitements ayant pour objet la sécurité publique ou la sûreté de l'État (22), mais son article 6 prévoit cependant que les données doivent être collectées pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes ». Dès lors, s'il est juridiquement loisible au législateur de ne pas préciser les finalités des traitements automatisés de police judiciaire - et tel était le choix du projet de loi initial présenté par le Gouvernement - il semble néanmoins de meilleure méthode de ne pas procéder de la sorte afin de ne pas susciter d'inutiles polémiques en cette matière éminemment délicate.

C'est pourquoi, le Sénat a décidé de modifier la rédaction de la fin du premier paragraphe du présent article en indiquant que les traitements automatisés prévus par le présent article ont pour objet :

-  de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves des ces infractions et la recherche de leurs auteurs ;

-  d'exploiter les données recueillies à des fins de recherches statistiques.

On observera que ces finalités correspondent à celles du STIC, puisque l'article 1er du décret du 5 juillet 2001 prévoit que son objet est d'exploiter les informations contenues dans les procédures établies par les services de police judiciaire « aux fins de recherches criminelles et statistiques ».

3. Les personnes susceptibles d'être inscrites dans les traitements

Le paragraphe II du présent article du projet détermine les personnes susceptibles d'être inscrites dans les traitements automatisés de police judiciaire. Deux catégories sont envisagées :

· Les personnes « sans limitation d'âge », à l'encontre desquelles il existe « des indices ou des éléments graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices » à la commission des infractions énumérées par le paragraphe I du présent article.

L'absence de la prise en compte de l'âge de la personne concernée ne constitue pas une véritable nouveauté. En effet, le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 portant création du STIC n'évoque la question de la minorité de la personne qu'en matière de durée de conservation des données nominatives la concernant. Il peut donc être déduit de ce qui précède que tout mineur à l'égard duquel il existe des indices ou des éléments graves et concordants attestant de sa participation à la commission d'un crime ou d'un délit ou de certaines contraventions de 5e classe peut faire l'objet d'une inscription dans le STIC, quel que soit son âge au moment des faits. Par ailleurs, si l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante prévoit un régime judiciaire spécifique de mise en cause et de sanction des mineurs auteurs d'infractions, il ne saurait en être déduit que les forces de police doivent respecter ces distinctions, puisque leur mission est la recherche et l'identification des auteurs d'infractions et non leur jugement.

La suppression de toute limite d'âge vaut également pour les personnes âgées délinquantes. L'article 7 du décret du 5 juillet 2001 dispose que les « données relatives aux mis en cause âgés de plus de 75 ans sont effacées ». Or, selon les informations communiquées à votre rapporteur lors de son déplacement dans les locaux de la police technique et scientifique, cette disposition aurait eu pour effet de supprimer du STIC les données concernant 63 000 personnes, sachant qu'en 1998, 161 faits passibles de la cour d'assises, et dans la majorité des cas des viols, auraient été commis par des personnes de plus de 75 ans. Compte tenu de ce qui précède, il ne semble pas souhaitable de fixer une limite d'âge aux personnes dont les données sont susceptibles d'être inscrites dans les fichiers mais il convient, à l'inverse, de déterminer des durées maximales de conservation desdites données comme le prévoit le paragraphe V du présent article.

S'agissant de la définition de la personne mise en cause, elle s'inspire largement de celle figurant à l'article 80-1 du code de procédure pénale, relatif à la mise en examen, qui ne peut être décidée par le juge d'instruction qu'à l'égard des personnes « à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont il est saisi ». Toutefois, une harmonisation de la rédaction applicable aux différents fichiers de police serait souhaitable, puisque celle retenue pour le ficher national des empreintes génétiques (FNAEG) diffère légèrement de celle retenue au présent article. C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la référence aux « éléments » graves ou concordants permettant l'inscription d'une personne dans les fichiers de police judiciaire, le rapporteur ayant préféré s'en tenir à la notion habituelle d'indices graves ou concordants (amendement n° 71). Enfin, il apparaît clairement à la lecture du dispositif proposé que les témoins ne peuvent, en aucune façon, être inscrit à ce seul titre dans les traitements automatisés de police judiciaire.

· Comme le prévoit le second alinéa du paragraphe II, les victimes d'infractions peuvent en revanche être inscrites dans les traitements de police judiciaire. Reprenant le droit en vigueur (23), cette disposition se justifie par un double souci de justice et d'efficacité. En effet, qu'il s'agisse d'organiser la restitution des objets volés à la victime ou de l'informer de l'interpellation de l'auteur des faits, il est indispensable que les policiers disposent d'informations la concernant. En outre, le modus operandi des criminels, notamment dans certaines affaires de délinquance sexuelle, revêt une importance déterminante pour les services en charge des investigations et de l'identification de l'auteur des faits, qui légitime également la conservation d'informations relatives aux victimes.

4. Des traitements placés sous le contrôle du procureur de la République

L'article 66 de la Constitution l'indique clairement : l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. C'est à ce titre que les traitements automatisés de police judiciaire sont opérés sous le contrôle du procureur de la République compétent, comme le prévoit le paragraphe III du présent article qui reprend, là aussi, le droit en vigueur (24). Le procureur peut demander la rectification des informations, leur effacement ou exiger qu'elles soient complétées par des mentions relatives au déroulement de la procédure judiciaire, notamment en cas de requalification de l'infraction. La Commission a adopté, moyennant une rectification formelle suggérée par M. Jean-Luc Warsmann, un amendement du rapporteur limitant les possibilités de rectification des mentions figurant au STIC au seul cas de requalification judiciaire, M. Bruno Le Roux ayant approuvé une rédaction de nature à mieux encadrer les conditions de rectification des informations figurant au STIC (amendement n° 72).

S'agissant de l'effacement des données, le projet de loi initial prévoyait qu'il devait être automatiquement ordonné en cas de relaxe ou d'acquittement mais n'évoquait pas les hypothèses de non-lieu ou de classement sans suite. Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. Jean-Patrick Courtois, a considéré qu'une telle disposition suscitait « quelques interrogations », arguant du fait que les « acquittements et les relaxes recouvrent une grande variété de situations. Une personne peut être acquittée parce que la preuve de son innocence a été apportée, parce que la procédure a été annulée, parce que les charges demeurent insuffisantes, parce qu'elle était atteinte de démence au moment des faits et donc irresponsable... ». De même, « un non-lieu peut mériter l'effacement beaucoup plus sûrement qu'une relaxe, dès lors que les charges n'ont pas été estimées suffisantes pour donner lieu à un renvoi devant la juridiction de jugement » (25). Fort de cette analyse, la seconde chambre a préféré adopter un dispositif prévoyant que le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles concernant les personnes mises en cause lorsqu'elles bénéficient d'un classement sans suite, d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement « si leur conservation n'est plus justifiée compte tenu de l'objet du fichier ».

Ce dispositif confère donc un pouvoir d'appréciation particulièrement important à ce magistrat car la référence à « l'objet du fichier » est particulièrement étendue. De surcroît, elle pourrait conduire les représentants du parquet à apprécier différemment sur l'ensemble du territoire l'opportunité de conserver ou non des données relatives à une situation juridique identique, ce qui n'est pas satisfaisant et pourrait méconnaître le principe d'égalité des citoyens devant la loi. En pratique, le risque est non négligeable de voir les procureurs près des plus importantes juridictions, déjà confrontés à une forte charge de travail, ne pas faire de l'actualisation des données figurant dans les fichiers leur priorité et, ce faisant, méconnaître le droit à l'oubli auquel le ministre a affirmé son attachement (26), tout en conservant, par ailleurs, des informations relatives à des personnes reconnues innocentes par une décision de justice. À cet égard, on rappellera que les parquets traitent en moyenne annuelle plus de 5 millions d'affaires dont 1,32 million ont été jugées poursuivables en 2001. Par ailleurs, le décret du 5 juillet 2001 portant création du STIC, distingue entre les décisions de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, qui doivent être effacées, et les non-lieux ou les classements sans suite pour insuffisance de charge, qui doivent donner lieu à une actualisation des données figurant au fichier.

La Commission a été saisie de deux amendements, le premier présenté par M. Patrick Delnatte, le second par le rapporteur, ayant pour objet de modifier les conditions d'effacement des données personnelles figurant dans les fichiers de police judiciaire en cas d'acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite. M. Patrick Delnatte a fait valoir que les garanties permettant la disparition de l'inscription dans un fichier de police relevaient d'un droit fondamental des personnes. M. Bruno Le Roux s'est déclaré favorable à l'amendement de M. Patrick Delnatte qui prévoit un effacement automatique du fichier STIC en cas de relaxe ou d'acquittement. M. Christian Vanneste a jugé indispensable d'établir une distinction entre les cas d'acquittement et ceux résultant d'un classement sans suite, dû le plus souvent à une incapacité matérielle des parquets de traiter l'affaire. Alors que le premier cas exige, selon lui, l'effacement automatique de l'inscription au fichier, le second doit pouvoir faire l'objet d'un maintien dans celui-ci, sur décision du procureur. Rejoignant les propos de M. Christian Vanneste, M. Jean-Christophe Lagarde a souhaité qu'un sort différent soit réservé aux inscriptions pour lesquelles est intervenue une décision en force jugée et les autres inscriptions, suivies d'un non-lieu ou d'un classement sans suite, pour lesquelles l'effacement de droit ne se justifie pas.

Le rapporteur, approuvant le maintien dans le fichier des données concernant les personnes ayant bénéficié de décisions de classement sans suite ou de non-lieu, a porté le débat sur les pouvoirs du procureur en cas d'acquittement ou de relaxe, se demandant si, dans ces hypothèses, l'inscription au STIC devait obligatoirement être effacée, sauf décision contraire du Procureur, ou si, à l'inverse, il convenait de fixer le principe général d'un maintien dans le STIC sous réserve d'une décision contraire d'effacement ordonnée par le procureur. MM. Xavier de Roux, Jean-Luc Warsmann, Emile Zuccarelli et Bruno Le Roux ont fait part de leurs préférences pour un dispositif prévoyant l'effacement automatique, sauf décision contraire du Procureur ; M. Jean-Christophe Lagarde a souhaité que, dans le cas où le procureur décide le maintien dans le fichier STIC, un droit d'accès de la personne concernée soit prévu. Craignant que l'effacement automatique sauf décision contraire n'affaiblisse le dispositif, le rapporteur a souhaité que la Commission s'en tienne à sa proposition, qui lui parait plus équilibrée. La Commission a toutefois adopté l'amendement de M. Patrick Delnatte (amendement n° 73), rendant sans objet l'amendement du rapporteur ainsi qu'un amendement de M. Christian Vanneste.

5. Les catégories de personnes habilitées à consulter ces traitements

L'article 10 du projet de loi initial énumérait la liste des personnes habilitées à consulter les traitements automatisés de police judiciaire. Dans un souci de clarté, le Sénat a choisi d'insérer ces dispositions dans le paragraphe IV du présent article en y apportant quelques précisions.

· S'agissant des personnels des services de la police et de la gendarmerie nationales, seuls ceux d'entre eux « spécialement habilités » auront accès aux traitements prévus par le présent article. Cette disposition permettra la consultation croisée des fichiers de police par les gendarmes et réciproquement, ce qui devrait améliorer la circulation de l'information policière et, en conséquence, renforcer l'efficacité des investigations judiciaires. En outre, les personnels de l'État investis par la loi d'attributions de police judiciaire  (27), « notamment les agents des douanes », et spécialement habilités pourront également y accéder. L'habilitation ainsi accordée précise « la nature des données auxquelles elle autorise l'accès » comme l'indique la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV. Cette disposition est d'importance puisqu'elle signifie que l'accès aux traitements et la nature des données consultables peuvent être différenciés selon les agents et leur profil d'utilisateur ce qui constitue une indéniable garantie quant à leur utilisation. À ce propos, on indiquera que l'habilitation actuellement nécessaire à la consultation du STIC est également individuelle, déterminée en fonction du profil d'utilisateur de l'agent, sachant que toute consultation fait l'objet d'une mémorisation aux fins de traçabilité.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre des services utilisateurs du STIC est de 1 273 et se répartit de la façon suivante :

SYSTÈME DE TRAITEMENT DES INFRACTIONS CONSTATÉES

Services utilisateurs

 

· Direction centrale de la sécurité publique

612

· Direction centrale des renseignements généraux

176

· Préfecture de police de Paris

154

· Direction centrale de la police des airs et des frontières

107

· Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité

93

· Direction centrale de la police judiciaire

86

Divers (IGPN, DST, DGGN, ...)

45

TOTAL

1 273

À ces dispositions encadrant strictement les personnes habilitées à consulter les traitements s'ajoutent des sanctions pénales réprimant l'usage illégal des données y figurant. Ainsi, le fait, pour quiconque, de procéder à un usage détourné des informations figurant dans les traitements est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende en application des dispositions de l'article 226-21 du code pénal. De même, le fait de porter tort à la personne dont les données sont conservées en les divulguant est passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, comme le prévoit l'article 226-22 du même code. De surcroît, s'agissant des fonctionnaires de la police nationale, des sanctions disciplinaires peuvent également être prononcées à leur encontre sur le fondement des dispositions du décret n° 86-592 du 18 mars portant création du code déontologie de la police nationale.

· L'accès aux informations contenues dans les fichiers est également ouvert aux magistrats :

-  du parquet, ce qui est logique compte tenu de leur mission de contrôle du traitement des informations prévue par le paragraphe III du présent article, l'article 5 du décret du 5 juillet 2001 comprenant également une disposition similaire ;

-  juges d'instruction « pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis », ainsi que l'a utilement précisé le Sénat. Le droit en vigueur n'autorisant pas l'accès direct au STIC de ces magistrats, le projet de loi propose donc une indéniable amélioration de leur information, qui devrait renforcer l'efficacité de leurs investigations.

Toutefois, d'un point de vue matériel, il importe de veiller à ce que les magistrats précités bénéficient d'une connexion directe aux terminaux des traitements mis en oeuvre par la police et la gendarmerie. S'agissant du STIC, les magistrats du parquet ne bénéficient pas encore à ce jour d'une telle facilité, ce qui leur impose de se déplacer dans les services de police les plus proches aux fins de consultation. Un important effort en matière d'équipement informatique et de connectique devra donc être rapidement entrepris en ce domaine.

Au total, en 2001, près de 6,74 millions de consultations ont été effectuées et leur nombre est en constante augmentation, ainsi que l'illustre le tableau suivant.

CONSULTATIONS DU SYSTÈME DE TRAITEMENT DES INFRACTIONS CONSTATÉES

 

1998

1999

2000

2001

Mis en cause

3 198 639

3 952 590

4 985 989

5 341 193

Dossiers

582 719

715 957

941 329

1 115 617

Objets

138 223

162 137

228 055

289 294

TOTAL

3 919 581

4 830 684

6 155 373

6 746 104

Par ailleurs, à la différence du projet de loi initial qui était silencieux sur ce point, le dernier alinéa du paragraphe IV du présent article dispose que les informations contenues dans les traitements et qui sont relatives à des procédures d'enquête ou d'instruction toujours en cours « sont couvertes par le secret prévu par l'article 11 du code de procédure pénale ». L'article précité prévoit, notamment, que, sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Ce faisant, le Sénat a souhaité apporter une garantie supplémentaire en matière de confidentialité de la consultation des traitements automatisés de police judiciaire. Or, l'application stricte de ces dispositions pourrait conduire à interdire à des policiers ne participant pas à la procédure de consulter le fichier judiciaire, ce qui affaiblirait l'objet même des fichiers, qui est d'améliorer l'efficacité de la recherche criminelle grâce à la circulation de l'information. De surcroît, les informations peuvent être communiquées à des personnes qui ne concourent pas à la procédure, selon les modalités prévues par l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, et qui concerne les consultations administratives des fichiers de police judiciaire (28).

La Commission a adopté l'amendement n° 50 de M. Christian Estrosi autorisant la consultation des fichiers à partir de terminaux mobiles, ainsi qu'un amendement du même auteur modifiant, par coordination avec un article additionnel après l'article 9, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer un droit d'accès au fichier (amendement n° 74).

6. Les modalités d'application

Le paragraphe V prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, fixe les modalités d'application du présent article. Il précisera notamment :

-  la liste des contraventions mentionnées au paragraphe I du présent article ;

-  la durée de conservation des informations enregistrées ;

-  les modalités d'habilitation des personnes autorisées à consulter les traitements, énumérées au paragraphe IV du présent article ;

-  les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. La notion de droit d'accès fait clairement référence aux dispositions de l'article 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui prévoit qu'« en ce qui concerne les traitements intéressant la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique, la demande est adressée à la commission [la CNIL] qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'État, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener toutes investigations utiles et faire procéder aux vérifications nécessaires. »

Toutefois, d'aucuns ont pu regretter que la référence explicite à la loi du 6 janvier 1978 précitée ne figure pas dans le dispositif du présent article. Pour autant, à sa lecture, il est manifeste que cette loi inspire nombre des dispositions proposées par le présent projet. Le ministre de l'intérieur l'a d'ailleurs clairement affirmé au Sénat puisque, en réponse aux interrogations en ce sens de M. Alex Türk, il a indiqué que les « mécanismes » prévus au présent article sont soumis à la loi du 6 janvier 1978 (29). Ceci dit, une imprécision demeure. En effet, le décret d'application du présent article, pris selon les modalités prévues par la loi du 6 janvier 1978, le sera-t-il pour l'ensemble des traitements de la police et de la gendarmerie nationales ou bien sera-t-il nécessaire d'en prévoir au moins deux, l'un pour le STIC et l'autre pour JUDEX ? Compte tenu des spécificités propres à chacun de ces fichiers, le premier étant d'ores et déjà créé par un décret pris après avis de la CNIL, le second n'étant fondé sur aucun texte de droit, il semble de meilleure méthode de prévoir un acte réglementaire d'application distinct pour chacun d'entre eux.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 9

(art. 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978)

Droit d'accès des personnes inscrites dans les fichiers de souveraineté

La Commission a adopté un amendement du rapporteur qui renforce le rôle de la CNIL et conforte les droits des personnes dont les données figurent dans les traitements informatisés mis en oeuvre par la police et la gendarmerie, en donnant à ces dernières, sous certaines conditions, un droit d'accès direct aux données les concernant (amendement n° 75).

Article 10

Personnes habilitées à accéder aux informations contenues
dans les traitements automatisés de données mis en oeuvre
par la police et la gendarmerie

Le Sénat ayant décidé, dans un souci de clarté, d'insérer dans le paragraphe IV de l'article 9 du projet de loi de la liste des personnes habilitées à consulter les fichiers de police et de gendarmerie qui figurait auparavant à l'article 10 du projet de loi, il a, en conséquence, supprimé cet article dont c'était l'unique objet.

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 11

(art. 131-31 du code pénal, 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984
et 138 du code de procédure pénale)

Inscription de certaines peines et mesures
au fichier des personnes recherchées

Le fichier des personnes recherchées (FPR) a pour finalité, en application de l'article premier de l'arrêté du 15 mai 1996, « de faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, administratives ou militaires ». Il constitue une base de données indispensable à l'action des forces de l'ordre sur le terrain, puisqu'il est aisément utilisable grâce à une gestion décentralisée permettant aux services d'y accéder, et qu'il contient des informations actualisées et alimentées en temps réel par les services de la police et de la gendarmerie nationales. Ainsi, selon les chiffres communiqués par le ministère de l'intérieur, 310 000 personnes figurent dans la base du FPR et près de 20 millions de consultations ont lieu chaque année, notamment lors de contrôles routiers. Indispensable instrument de l'action policière, le FPR ne contient toutefois que les données des personnes qui y figurent en application des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 15 mai 1996 qui énumère les hypothèses où lesdites autorités « peuvent » demander l'inscription d'une personne au FPR.

1. Une inscription au fichier des personnes recherchées actuellement facultative....

a) Les inscriptions pour l'exécution d'une décision de justice ou dans le cadre d'une enquête de police judiciaire

Une personne peut être inscrite au FPR si l'exécution d'une décision de justice la concernant l'exige. Il s'agit :

-  de l'exécution des mandats, notes et ordres de recherche prononcés par les juridictions d'instruction ou de jugement ;

-  des condamnations à la peine d'interdiction du territoire ;

-  des mesures d'interdiction de séjour prises en application des dispositions des articles 131-31 et 131-32 du code pénal ;

-  des évasions de personnes d'un lieu de détention ou de placement dans lequel elles séjournaient en application d'une décision de justice.

Par ailleurs, l'inscription est également possible pour les besoins d'une enquête de police judiciaire : soit dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance ou d'une commission rogatoire ; soit dans le cadre de la coordination de recherches criminelles sur tout le territoire dévolue aux officiers de police judiciaire des divisions et des offices centraux de la direction centrale de la police judiciaire ; soit en cas d'une disparition dans des conditions inquiétantes.

b) Les inscriptions à la demande des autorités administratives

Les autorités administratives peuvent demander l'inscription au FPR des personnes suivantes :

-  les étrangers faisant l'objet : d'une mesure d'expulsion ; d'une reconduite à la frontière non exécutée ; d'une opposition à l'entrée sur le territoire en raison de la menace à l'ordre public que constitue leur présence ; d'une opposition à résidence ; d'une mesure d'interdiction de séjour ;

-  les redevables de pension alimentaire ou d'impôts directs et débiteurs de toutes sommes, n'ayant pas le caractère fiscal, et dues à l'État, aux collectivités locales et à leurs établissements publics ;

-  les mineurs ayant quitté leur domicile ou s'étant soustraits à l'autorité des personnes qui en ont la garde ou dont la sortie du territoire est interdite ;

-  les malades mentaux à placer d'office en établissement psychiatrique ou les évadés de ces établissements ;

-  les personnes disparues et recherchées à la demande d'un des membres de leur famille ;

-  les personnes faisant l'objet de mesures administratives relatives au permis de conduire devant leur être notifiées ;

-  les personnes recherchées pour prévenir des menaces pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État, dès lorsque des informations ou des indices réels ont été recueillies à leur égard.

Enfin, les inscriptions à la demande des autorités militaires ne peuvent concerner que les déserteurs et les insoumis.

Au total, cette énumération des hypothèses permettant l'inscription d'une personne au FPR, certes conséquente, demeure toutefois partielle et n'est jamais obligatoire. Or, comme l'a fort justement indiqué le rapport de la commission des Lois du Sénat, « il semble que l'inscription des mesures et peines se fasse dans des conditions très variables » (30), puisqu'elle implique une initiative des juridictions pour alimenter le fichier. Cette situation n'est pas satisfaisante car elle conduit à limiter les informations dont disposent les services de police et de gendarmerie, ce qui peut avoir pour conséquence de permettre à des personnes dont la dangerosité est réelle ou qui sont en danger, à l'instar des mineurs en fugue, d'échapper à leur interpellation à l'occasion d'un contrôle de police donnant lieu à la consultation du FPR.

2. ... que le projet de loi rend obligatoire dans certaines hypothèses

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre l'insécurité et la mobilité géographique des personnes recherchées, le présent article a pour objet de rendre obligatoire l'inscription au FPR dans trois hypothèses :

· lorsque la personne fait l'objet d'une peine d'interdiction de séjour prise en application des dispositions de l'article 131-31 du code pénal ;

· lorsque la personne fait l'objet d'une peine d'interdiction de pénétrer dans une enceinte où se déroule une manifestation sportive en application des dispositions de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ;

· lorsque la personne placée sous contrôle judiciaire en application des dispositions de l'article 138 du code de procédure pénale est astreinte aux obligations suivantes :

-  ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ;

-  ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;

-  ne pas se rendre dans certains lieux ou ne se rendre que dans certains lieux déterminés par le juge d'instruction ;

-  s'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules ;

-  s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction, ainsi que d'entrer en relation avec elle, de quelque manière que ce soit ;

-  ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice de mandats électifs et de responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ;

-  ne pas détenir ou porter une arme.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur augmentant le nombre de catégories de décisions judiciaires devant donner lieu à une inscription au fichier des personnes recherchées. Seraient notamment concernés les délinquants sexuels soumis à une mesure de limitation de leur mobilité géographique, ainsi que les personnes placées sous le régime de la libération conditionnelle (amendement n° 76).

Elle a ensuite été saisie de l'amendement n° 32 présenté par M. Gérard Léonard, tendant à mettre à la disposition des agents des douanes, dans le cadre des missions de contrôle auxquelles ils sont habilités, les données inscrites dans le fichier des personnes recherchées. M. Xavier de Roux s'étant étonné de la multiplication des dispositions conférant aux agents des douanes des prérogatives d'officier de police judiciaire, sans qu'ils en aient ni le statut, ni les obligations, M. Jean-Paul Garraud a rappelé que nombre de comportements délictueux ou criminels se traduisaient par des infractions douanières et qu'il était dès lors naturel que les douaniers bénéficient de moyens d'intervention similaires à ceux dont sont dotées les forces de police et de gendarmerie. En écho à ces propos, M. Gérard Léonard a souligné que son amendement répondait, non aux revendications d'un corps de la fonction publique, mais à des situations précises, notamment en matière de trafic de stupéfiants.

La Commission a adopté cet amendement, puis l'article 11 ainsi modifié.

Article 12

Transmission de données à caractère personnel
à des organismes internationaux ou des services de police étrangers

Le développement de la dimension internationale de la criminalité organisée doit conduire les services de police ou de gendarmerie en charge des enquêtes à mettre en commun leurs moyens d'investigation et leurs informations.

S'agissant des pays membres de l'Union européenne, Europol constitue l'instrument privilégié de la coopération policière. En effet, l'article premier de la convention du 26 juillet 1995, ratifiée en vertu de la loi n° 97-1089 du 27 novembre 1997, dispose qu'Europol a pour objectif d'améliorer « l'efficacité des services compétents des États membres et leur coopération en ce qui concerne la prévention contre le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants et d'autres formes graves de la criminalité internationale. » À cette fin, l'article 3 de la convention prévoit notamment qu'Europol a pour mission de « faciliter l'échange d'information entre les Etats membres ; collecter, rassembler et analyser des informations et des renseignements » et de «  gérer les recueils d'informations concernant des données ». L'article 6 de la convention précise les catégories de fichiers qu'Europol est habilité à gérer : il s'agit de « fichiers de travail » ; d'un « système d'index » ainsi que d'un « système d'informations ». Ce dernier ne doit comporter que les données « nécessaires à l'accomplissement des fonctions d'Europol » et concerne, notamment, les personnes qui sont « soupçonnées d'avoir commis une infraction ou participé à une infraction relevant de la compétence » de l'office européen.

Toutefois, il revient aux « unités nationales », créées dans chaque État membre, ainsi qu'aux officiers de liaison, de fournir à Europol les informations et les renseignements qui sont nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et d'alimenter directement le système d'informations « dans le respect de leurs procédures nationales ». Or, s'agissant des fichiers de la police nationale, le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 portant création du système de traitement des infractions constatées (STIC), n'évoque pas la possibilité de communiquer tout ou partie de ses données aux organismes internationaux de coopération policière dont Europol. Compte tenu du caractère « sensible » des données figurant dans le STIC, et en dépit des dispositions de l'article 55 de la Constitution qui confère aux traités régulièrement ratifiés une autorité juridique supérieure à celle des lois, le silence du droit en vigueur constitue un obstacle sérieux, voire insurmontable, à leur transmission, ce qui n'est pas satisfaisant.

C'est pourquoi, cet article du projet autorise la transmission des données contenues dans les traitements automatisées gérés par les services de police et de gendarmerie au profit « des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire, ou à des services de police étrangers ». Toutefois, la possibilité de transmettre de telles données est soumise aux conditions suivantes :

-  elle doit intervenir dans le cadre « des engagements internationaux régulièrement introduits dans l'ordre juridique interne ». Dès lors, la transmission vers un État tiers de données personnelles contenues dans les fichiers français de police ou de gendarmerie supposera l'adoption préalable d'un instrument de droit international avec l'État concerné ainsi que sa ratification législative ;

-  les services destinataires des données doivent présenter pour la protection des données personnelles « des garanties équivalentes à celle du doit interne ». Cette condition, qui a pour objet de s'assurer que les systèmes juridiques étrangers offrent une protection comparable en matière de protection de la vie privée et des libertés publiques, appelle néanmoins quelques précisions.

En effet, la notion de « garanties équivalentes » est à rapprocher de celle de « niveau de protection adéquat » figurant à l'article 25 de la directive 95/46 CE du 24 octobre 1995 (31) relatif au transfert des données vers des États non-membres de l'Union européenne, que l'article 12 du projet de loi portant transposition de ladite directive, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 30 janvier 2002, a traduit par « un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes ». Pour autant, la question demeure de savoir sur quel fondement et par qui le caractère « équivalent » des garanties offertes sera apprécié. À cet égard, on observera que l'article l2 du projet de loi de transposition précise que le caractère suffisant du niveau de protection assuré par un État est apprécié par le responsable du traitement « en fonction notamment des dispositions en vigueur dans cet État, des mesures de sécurité qui y sont appliquées, des caractéristiques propres du traitement, telles que ses fins et sa durée ainsi que de la nature, de l'origine et de la destination des données traitées. » Or, le présent article est silencieux sur ce point mais ceci tient au fait, selon les explications fournies à votre rapporteur, qu'il relève de la compétence des traités internationaux de déterminer ces critères et les modalités de transfert des données.

Par ailleurs, et comme l'a souligné le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, « il conviendra de veiller à ce que l'effacement ou la rectification de certaines données soient signalés aux organismes internationaux ou services de police étrangers auxquels ces données auraient été transmises ».

Enfin, s'il est hautement souhaitable de prévoir la transmission de données en direction d'organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou de services de police étrangers, il apparaît également opportun d'autoriser, réciproquement, les services de la police et de la gendarmerie françaises à recevoir des informations de leur part. C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 77).

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13

(art. 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995)

Consultation des fichiers de police judiciaire à des fins administratives ou pour l'exercice de missions ou d'interventions de sécurité

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, le précédent gouvernement a fait adopter par le Parlement, dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la sécurité quotidienne, des dispositions destinées à renforcer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Les effets de ces mesures sont limités dans le temps et devraient expirer le 31 décembre 2003. Ainsi, l'article 28 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 insère un nouvel article 17-1 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation sur la sécurité (LOPS), qui a pour objet d'autoriser la consultation des fichiers de police judiciaire à des fins d'enquête administrative dans les domaines de la sécurité. Le présent article a pour objet de pérenniser ces dispositions tout en élargissant leur champ d'application.

À cet effet, son premier paragraphe supprime les dispositions de l'article 28 de la loi du 15 novembre 2001 précitée afin d'insérer une nouvelle rédaction de l'article 17-1 de la LOPS, dont le dispositif devient pérenne et est prévu par le paragraphe II du présent article.

a) Une reprise des dispositions en vigueur

Le premier alinéa de l'article 17-1 nouveau reprend quasi littéralement le dispositif issu de la loi du 15 novembre 2001. Ainsi, peuvent être précédées d'enquêtes administratives, les décisions d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation prévues par des dispositions législatives ou réglementaires concernant :

-  soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ;

-  soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, par exemple des ports ou des aéroports ;

-  soit l'utilisation de matériels ou de produits présentant un caractère dangereux, comme les armes ou certains produits chimiques. À ce titre, il convient de faire mention des dispositions de l'article 31 du présent projet de loi, qui insère un article 15-2 nouveau dans le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, des armes et munitions, et qui tend à autoriser les agents habilités de la police et de la gendarmerie nationales à consulter les traitements de données prévus à l'article 9 du présent projet pour les besoins de l'instruction des demandes d'autorisation ou de renouvellement d'acquisition ou de détention d'armes.

On précisera, à ce stade, que les enquêtes administratives dont il est question ont pour objet de « vérifier que le comportement des intéressés n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées ».

À ces dispositions connues, deux ajouts substantiels sont apportés par le présent article :

-  d'une part, les décisions de « recrutement » des personnes précitées peuvent également être précédées d'enquêtes administratives. Cette disposition est de bon sens car, s'agissant de fonctions particulièrement sensibles et de la prévention de graves troubles à la sécurité publique, il serait quelque peu paradoxal que seule l'affectation des personnes concernées, et non leur recrutement, autorise la conduite d'enquêtes administratives ;

-  à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement prévoyant que les « emplois privés relevant des domaines des jeux, paris et courses » figurent également parmi la liste des fonctions susceptibles de faire l'objet d'une enquête administrative.

La Commission a adopté un amendement présenté par M. Christian Estrosi, étendant au domaine des « activités privées réglementées » en matière de jeux, paris et courses, la possibilité pour les services de sécurité de procéder à des enquêtes administratives et de consulter les traitements automatisés (amendement n° 78). Le rapporteur a fait observer que cette extension présentait l'avantage de couvrir non seulement les personnes physiques, mais également les personnes morales intervenant dans ce secteur, ce qui renforcerait la lutte contre le blanchiment d'argent sale. M. Michel Hunault s'étant interrogé sur les conditions effectives de mise en oeuvre d'une telle disposition, le rapporteur a souligné qu'elle s'inscrirait naturellement dans les procédures d'agrément existantes, tandis que M. Georges Fenech en a fait ressortir la cohérence avec l'inscription au casier judicaire des personnes morales condamnées pour des infractions antérieures. M. Bruno Le Roux a indiqué que son groupe s'opposerait à l'ensemble de l'article 13, qu'il jugeait dangereux, à moins que les procédures d'enquête qu'il prévoyait soient rigoureusement encadrées et les cas d'enquêtes limitativement énumérés. M. Francis Delattre a répondu que la CNIL ne s'était pas opposé aux dispositions de l'article 13, mais qu'elle avait simplement exprimé le souhait d'un meilleur encadrement des conditions d'accès aux fichiers définis à l'article 9. Soulignant qu'un fichier trop largement accessible risquait de voir son contenu affaibli d'autant, il a proposé d'accroître les garanties en instaurant une obligation d'informer les personnes des consultations les concernant. À son initiative, la Commission a adopté un amendement en ce sens (amendement n° 80) avant de rejeter un amendement de M. Christian Vanneste visant à substituer à la faculté actuellement prévue, une obligation pour l'administration de procéder à une enquête dans les cas définis au premier alinéa de l'article 17-1 nouveau, le rapporteur lui ayant opposé l'impossibilité matérielle, pour l'administration, de se soumettre à une telle obligation.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur étendant la procédure d'enquête administrative aux personnes susceptibles d'accéder ponctuellement à une zone protégée ou de bénéficier d'une autorisation temporaire d'utilisation de matériels ou de produits dangereux, compte tenu d'un sous-amendement de M. Christian Vanneste rendant obligatoire l'enquête administrative préalable au recrutement de certains emplois ou fonctions dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'État (amendement n° 79).

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 17-1 nouveau de la LOPS précise qu'un décret en Conseil d'État fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels les enquêtes administratives peuvent donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mis en oeuvre par la police et la gendarmerie nationale en application de l'article 9 du présent projet. Comme le prévoit déjà l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 en vigueur, il est indiqué que cette consultation peut porter « sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la nation ». Ainsi, le décret n° 2002-424 du 28 mars 2002, pris pour l'application de l'actuel article 17-1, fixe la liste des emplois pouvant donner lieu à consultation des fichiers jusqu'au 31 décembre 2003. Il s'agit, notamment, de l'affectation des Préfets et sous-préfets, des fonctionnaires et agents contractuels de la police nationale, des agents des douanes, des militaires et agents de police municipale. Au titre des décisions d'agrément, les emplois visés sont ceux des agents de surveillance et de gardiennage et des convoyeurs de fonds. Enfin, reprenant également le droit en vigueur, la nouvelle rédaction de l'article 17-1 prévoit que la consultation des traitements automatisés de la police et de la gendarmerie peut également être effectuée pour l'exercice de missions ou d'intervention lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à « l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens ».

b) Une extension des hypothèses autorisant la consultation administrative des traitements de police judiciaire

Les troisième et dernier alinéas de l'article 17-1 nouveau prévoient deux nouvelles hypothèses autorisant la consultation administrative des fichiers de police judiciaire :

· La première concerne « l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ». S'agissant de mesures liées à l'entrée et à la résidence sur le sol de la République, il est parfaitement légitime que les autorités administratives en charge de l'instruction de ces demandes puissent accéder à des informations relatives au comportement du requérant. Toutefois, dans le silence du projet de loi, une interrogation demeure quant aux effets de droit susceptibles d'être induits par cette consultation.

À cet égard, le président Pascal Clément a rappelé que le paragraphe 1 de l'article 15 de la directive 95/46 du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, dispose que les États membres « reconnaissent à toute personne le droit de ne pas être soumise à une décision produisant des effets juridiques à son égard ou l'affectant de manière significative, prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données ». De même, l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit qu' « aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ». Il a donc estimé que, dans la mesure où une décision de rejet par l'administration ne pouvait se fonder sur la seule consultation du fichier, il était inutile d'encadrer davantage le dispositif proposé par le projet de loi.

La Commission a adopté un amendement de M. Christian Vanneste instaurant une obligation, et non une faculté, pour l'administration, de consulter les fichiers dans le cadre d'une procédure d'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française, de délivrance ou de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, et de nomination ou de promotion dans les ordres nationaux (amendement n° 81).

Elle a ensuite examiné l'amendement de M. Francis Delattre obligeant l'autorité administrative compétente à s'informer auprès du procureur de la République des suites données à une procédure judiciaire en cours, dès lors que la consultation d'un fichier aura fait apparaître des données relatives à une telle procédure. L'auteur de l'amendement ayant fait valoir que le simple fait d'être inscrit sur un fichier ne devait pas être dirimant à l'égard du candidat à un emploi public ou à toute autorisation mentionnés à l'article 13, M. Georges Fenech a douté du caractère praticable de ce dispositif, eu égard au secret de l'enquête et de l'instruction que le procureur de la République ne manquerait pas d'opposer. Après que M. Francis Delattre, convaincu par cet argument, eut retiré son amendement et que M. Bruno Le Roux l'eut repris, doutant de la validité de l'argument opposé, la Commission a rejeté cet amendement.

· La seconde s'applique « au titre des mesures de protection ou de défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de défense visées à l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. » L'article précité confère au Premier ministre le soin de préparer en permanence et de mettre en oeuvre la défense civile. Il est responsable à ce titre de l'ordre public, de la protection matérielle et morale des personnes et de la sauvegarde des installations et ressources d'intérêt général. En outre, en cas de menace portant sur une ou plusieurs installations prioritaires de défense, le commandement militaire désigné à cet effet peut être chargé, par décret en conseil des ministres, de la responsabilité de l'ordre public et de la coordination des mesures de défense civile avec les mesures militaires de défense à l'intérieur du ou des secteurs de sécurité délimités autour de ces installations par le Président de la République en comité de défense.

Enfin, en ce qui concerne les personnes habilitées à effectuer ces consultations à des fins administratives, l'avant dernier alinéa de l'article 17-1 nouveau prévoit qu'il s'agit, d'une part, des agents de la police et de la gendarmerie nationales « spécialement habilitées à cet effet » et, d'autre part, des « personnels investis de missions de police administrative » dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. À ceux qui éprouveraient des réserves quant à l'élargissement des personnels susceptibles de consulter lesdits traitements, on rappellera simplement que le fait, pour quiconque, de faire un usage détourné des informations figurant dans les traitements est puni de d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende en application des dispositions de l'article 226-21 du code pénal. De même, le fait de porter tort à la personne en divulguant des données la concernant est passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende comme le prévoit l'article 226-22 du même code. Enfin, s'agissant des fonctionnaires de la police nationale, des sanctions disciplinaires peuvent également être prononcées à leur encontre sur le fondement des dispositions du décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant création du code de déontologie de la police nationale.

La Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14

Dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques de véhicules

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur, les vols liés à l'automobile et aux deux roues à moteur, qui représentaient plus de 45 % de l'ensemble des vols en 2001, ont, certes, diminué de 16,57 % au mois d'octobre 2002 par rapport au même mois en 2001 mais demeurent toutefois à niveau élevé, de l'ordre de 23 000 faits. Afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre cette forme massive de délinquance, la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure indique, notamment, au titre des mesures tendant à la prise en compte des formes nouvelles de la criminalité, que le « dispositif permettant la localisation des véhicules volés reste une nécessité du fait de l'augmentation de ce type de délinquance. Sa mise en place sera opérée dans les meilleurs délais en partenariat avec les constructeurs, les compagnies d'assurance et les opérateurs conventionnés ».

Le présent article a précisément pour objet de se conformer à ces engagements en autorisant la mise en oeuvre de « dispositifs fixes et permanents de contrôle automatisé de données signalétiques de véhicules permettant la vérification systématique au fichier des véhicules volés ». Ainsi que le précise l'étude d'impact du projet de loi, il s'agit de permettre la « reconnaissance automatisée des plaques d'immatriculation de véhicules couplé[e] avec le fichier des véhicules volés ». Ces dispositifs auront donc pour effet de multiplier les possibilités de contrôle des véhicules sans pour autant porter atteinte aux libertés individuelles, notamment celle de circuler librement, puisque seules les immatriculations de ceux signalés comme étant volés seront traités, à l'exclusion de toutes les autres.

Par ailleurs, le présent article énumère de façon non limitative les lieux où de tels dispositifs sont susceptibles d'être installés. Il s'agit de tous les « points appropriés du territoire » et, notamment :

- des zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ;

- les grands axes de transit national et international.

On rappellera que la direction nationale des recherches des enquêtes douanières met en oeuvre depuis 1995 un système de lecture automatique des plaques minéralogiques de tous les véhicules qui empruntent le tunnel sous la manche dans le sens France / Royaume-Uni afin de les confronter à un fichier de véhicules signalés qui a reçu un avis favorable de la CNIL (32). Ce système est destiné à faciliter les contrôles douaniers, notamment pour la lutter « contre les trafics d'armes, d'explosifs ou de stupéfiants ».

Enfin, l'emploi temporaire de dispositifs mobiles de même nature est autorisé pour la préservation de l'ordre public « à l'occasion d'évènements particuliers ou de grands rassemblements de personnes ». Comme l'a clairement indiqué le ministre de l'intérieur au Sénat, il s'agit d'éviter que des manifestations réunissant un nombre considérable de personnes, par exemple en matière sportive ou syndicale, « drainent parfois des personnes qui viennent non pas pour l'objet du rassemblement, mais pour bien d'autres motifs »(33), notamment criminels. Un décret en Conseil d'État, pris « après avis de la CNIL » a précisé le Sénat, déterminera les conditions d'application du présent article, notamment la durée de conservation des données relatives aux véhicules.

La Commission a adopté l'amendement n° 31 présenté par M. Gérard Léonard, tendant à mettre à la disposition des agents des douanes, dans le cadre des missions de contrôle auxquelles ils sont habilités, les données signalétiques des véhicules volés inscrites dans le fichier des véhicules volés de la police et de la gendarmerie nationale, avant de rejeter un amendement de M. Thierry Mariani devenu sans objet.

Elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Après l'article 14

La Commission a rejeté l'amendement de M. Christian Vanneste autorisant l'exploitant d'un réseau de transports publics de voyageurs à consulter le fichier des comptes bancaires pour les besoins de la procédure de transaction prévue par le code de procédure pénale, le rapporteur ayant fait valoir que cet amendement permettait à une entreprise d'accéder aux mêmes fichiers que le fisc.

Chapitre IV

Dispositions relatives aux moyens de la police technique et scientifique

Article additionnel avant l'article 15

(art. 706-47-1 [nouveau] du code de procédure pénale)

Dépistage du VIH chez les personnes poursuivies pour viol

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Alain Marsaud instituant un dépistage systématique du virus de l'immuno-déficience humaine chez les personnes poursuivies pour viol.

M. Jean-Paul Garraud a souligné que les victimes de viol subissaient un traumatisme supplémentaire en étant obligées de suivre un traitement préventif très lourd pour se prémunir de toute contamination éventuelle, observant que l'amendement proposé reprenait les recommandations formulées récemment par l'Académie de médecine.

Après que le rapporteur eut jugé tout à fait justifiée la disposition proposée, la Commission a adopté l'amendement (amendement n° 82).

Article 15

(art. 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale)

Extension du fichier national automatisé des empreintes génétiques

Cet article étend le champ d'application du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Il autorise, notamment, la conservation des empreintes des personnes soupçonnées d'avoir commis certaines infractions. Par ailleurs, le Sénat a élargi les possibilités de rapprochement avec les données incluses dans le fichier.

Dans le cadre de ses travaux préparatoires à l'examen du présent projet de loi, le rapporteur s'est rendu, le 14 novembre 2002, à Écully, au siège de la sous-direction de la police technique et scientifique. Il a constaté, sur place, l'insuffisante exploitation des potentialités du FNAEG pour l'élucidation des crimes et des délits. Favorable à un nouvel élargissement de son champ d'application, en faveur duquel il plaide depuis plusieurs années, il rappelle que le dispositif fait l'objet de nombreuses garanties sur le plan des libertés individuelles et que les outils modernes d'investigation permettent, non seulement de confondre des coupables, mais, également, d'innocenter des personnes suspectées à tort.

1. Le fichier des empreintes génétiques

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (34). Il est destiné à centraliser :

-  Les « traces génétiques » recueillies sur les scènes d'infractions dont l'auteur n'a pu être identifié : on précisera, dès à présent, que l'expression « traces génétiques », jugée inappropriée par les scientifiques, a été remplacée, au Sénat, à l'initiative du Gouvernement, par les mots : « empreintes génétiques issues des traces biologiques ».

-  Les empreintes génétiques des personnes définitivement condamnées pour certaines infractions.

Les profils génétiques ainsi collectés constituent une base de données placée sous le contrôle d'un magistrat, qui doit faciliter l'identification et la recherche des auteurs de crimes ou délits. En effet, les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants de nature à motiver leur mise en examen pour certaines infractions peuvent faire l'objet, à la demande du juge d'instruction ou du procureur de la République, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier, sans toutefois pouvoir être conservées.

La liste des infractions pour lesquelles ce prélèvement peut être ordonné ne visait initialement que les crimes sexuels. Dans le cadre de l'examen de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le rapporteur avait déposé un amendement étendant très largement ce champ d'application (35), ce qui avait conduit le Gouvernement de l'époque à avancer dans ce sens, bien que de façon beaucoup plus modeste : l'article 56 de ladite loi a élargi le champ du fichier aux atteintes les plus graves contre les personnes ou les biens.

Pourtant, il apparaît clairement que ce cadre légal est encore trop restrictif et qu'il ne permet pas d'exploiter les potentialités du FNAEG. Les limites les plus évidentes sont le caractère trop restreint de la liste des infractions visées et l'impossibilité de conserver les empreintes des personnes suspectées. Elles expliquent pourquoi le FNAEG ne centralise aujourd'hui qu'environ 2 100 empreintes et 160 traces génétiques.

2. Les modifications apportées par le projet de loi

Le projet de loi modifie les articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale et, ce faisant, apporte des réponses aux deux limites précitées qui réduisent le degré de performance du FNAEG.

Article 706-54 du code de procédure pénale

Personnes susceptibles de faire l'objet d'un prélèvement

L'article 706-54 du code de procédure pénale fait l'objet des modifications présentées ci-après.

· Les empreintes génétiques des personnes suspectées d'avoir commis une infraction entrant dans le champ d'application du fichier pourront, désormais, être conservées. Des possibilités de rapprochement élargies ont été introduites par le Sénat.

Comme on l'a vu, le FNAEG ne centralise aujourd'hui que les empreintes de personnes définitivement condamnées et donc, pour la plupart, incarcérées. Conscient de cette limite, le Gouvernement a proposé que, désormais, les empreintes des personnes à l'encontre desquelles il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu'elles ont commis une infraction entrant dans le champ du fichier puissent également être conservées. Ce changement s'accompagne des deux garanties suivantes :

-  La conservation des empreintes des suspects est conçue comme une faculté, et non une obligation, à la différence de ce qui est prévu pour les personnes condamnées. La décision appartiendra à un officier de police judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction ; l'OPJ pourra également, selon les mêmes modalités, faire procéder à un rapprochement sans que l'empreinte de la personne suspectée soit conservée dans le fichier.

-  Une procédure permettant l'effacement des empreintes, « lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier », est prévue. L'effacement résultera d'une instruction du procureur de la République agissant d'office ou à la demande de l'intéressé ; dans la seconde hypothèse, l'intéressé sera tenu informé de la décision prise par le procureur de la République et pourra saisir, s'il n'obtient pas satisfaction, le juge des libertés et de la détention, dont la décision pourra elle-même être contestée devant le président de la chambre de l'instruction.

Le Sénat a approuvé cette orientation mais a adopté deux amendements qui élargissent de façon importante sa portée :

-  Le premier, présenté par M. Alex Türk, prévoit que les personnes dont les empreintes seront susceptibles d'être inscrites au FNAEG, autres que les personnes condamnées, sont celles qui remplissent les critères, plus restrictifs, d'une mise en examen, et non pas les simples suspects, qui peuvent être mis en garde-à-vue (ou faire l'objet d'un contrôle d'identité), comme le prévoyait le texte initial. En conséquence, les mots : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont [commis une infraction] », ont été remplacés par les mots : « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient ...». Ce choix va dans le sens de certaines préoccupations exprimées, notamment, par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

-  Le second, présenté par le rapporteur du Sénat, prévoit que l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il existe une raison plausible de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit (définition du suspect, qui peut être placé en garde-à-vue) pourra faire l'objet d'un rapprochement (c'est-à-dire d'une simple comparaison, sans conservation de l'empreinte dans le fichier) avec les données incluses au FNAEG. Il s'agit d'une avancée déterminante puisque, dès lors, les informations contenues dans le fichier pourront être utilisées pour tous les crimes et délits.

· Le fichier contiendra également les traces génétiques relevées à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort (article 74 du code de procédure pénale) ou d'une disparition (articles 74-1 et 80-4 du même code), ainsi que les empreintes pouvant correspondre aux personnes décédées ou recherchées.

· Il est précisé que les empreintes conservées dans le fichier ne pourront être réalisées qu'à partir de segments d'ADN non codants, à l'exception du segment correspondant au marqueur du sexe. Jusqu'à présent, cette exigence, sur laquelle le rapporteur reviendra, n'avait été fixée que par la voie réglementaire (article R 53-13 du code de procédure pénale) : son importance justifiait qu'elle soit consacrée par le législateur.

Article 706-55 du code de procédure pénale

Infractions à l'occasion desquelles un prélèvement peut être effectué

L'article 706-55 du code de procédure pénale fixe la liste des infractions pour lesquelles une personne condamnée (ou suspectée) peut être soumise à un prélèvement biologique à des fins de rapprochement ou d'insertion dans le FNAEG.

Initialement, comme on l'a vu, cette liste ne visait que les crimes sexuels. Elle a été élargie par l'article 56 de la loi du 15 novembre 2001 aux atteintes volontaires à la vie de la personne, tortures, actes de barbarie et violences volontaires, crimes de vol, extorsions et destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes et actes de terrorisme.

Le présent article propose de viser également : les violences, menaces d'atteinte aux personnes, trafic de stupéfiants, atteintes aux libertés de la personne et proxénétisme ; les vols, extorsions, destructions et détériorations, menaces d'atteinte aux biens ; les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et l'association de malfaiteurs ; les délits en matière d'armes et d'explosifs ; le recel ou le blanchiment des infractions précitées.

Article 706-56 du code de procédure pénale

Sanction en cas de refus de prélèvement

L'article 706-56 du code de procédure pénale, qui a également été inséré par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, rend passible de six mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende (deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende en cas de crime) le fait, de la part d'une personne condamnée, de refuser de se soumettre à un prélèvement biologique permettant la prise d'empreintes génétiques.

Le présent article étend, par coordination, cette disposition aux personnes suspectées et prévoit que la peine ainsi infligée se cumulera, sans possibilité de confusion, avec celles que la personne subissait ou qui ont été prononcées à son encontre.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant de six mois à un an d'emprisonnement et de 7 500 € à 15 000 € d'amende les peines encourues en cas de refus de se soumettre à un prélèvement biologique. Le président Pascal Clément a regretté, de manière générale, l'alourdissement systématique des peines actuellement en vigueur, estimant qu'il convenait de conserver une certaine proportionnalité entre l'infraction et la sanction (amendement n° 84).

Il convient de préciser, par ailleurs, que le Sénat a organisé, à l'initiative de son rapporteur, le mode opératoire des prélèvements biologiques : ils seront réalisés par un OPJ ou une personne placée sous son contrôle ; l'analyse sera effectuée par une personne habilitée prêtant serment ou par un expert.

3. Vers une nouvelle extension du FNAEG

Les modifications apportées aux articles 706-54 et suivants du code de procédure pénale sont déterminantes. Elles permettent d'envisager que le FNAEG devienne, enfin, l'instrument d'élucidation des crimes et des délits qu'il aurait dû être dès l'origine.

Pourtant, le rapporteur considère qu'il est possible d'élargir davantage encore son champ d'application. Les objections soulevées à l'encontre d'une telle évolution ne lui paraissent pas pertinentes : les craintes que suscite la constitution d'une collection de profils génétiques relèvent largement du fantasme.

De manière générale, on rappellera que tant le Conseil de l'Europe que l'Union européenne ont recommandé aux États membres de créer des bases de données ADN nationales.

Comme on l'a vu, il est également explicitement prévu que l'ADN analysé ne sera pas codant : il ne s'agit donc que d'un code sans signification biologique, les analyses ne pouvant s'effectuer sur les segments spécifiques permettant, par exemple, de déterminer l'existence d'anomalies génétiques. Cette précaution est d'ailleurs requise par la recommandation R(92)1 du comité des ministres du Conseil de l'Europe et les résolutions du 9 juin 1997 et du 25 juin 2001 du Conseil de l'Union européenne. Il n'est pas inutile, à ce stade, de rappeler les termes de cette dernière résolution, auxquels la France se conforme scrupuleusement : « Lors de l'échange des résultats des analyses d'ADN, les États membres sont instamment invités à limiter les résultats des analyses d'ADN aux segments chromosomiques ne contenant aucun facteur d'expression de l'information génétique, c'est-à-dire ne fournissant pas, en l'état actuel des connaissances, d'informations sur des caractéristiques héréditaires spécifiques. (...) Si l'évolution scientifique venait à révéler que l'un des marqueurs d'ADN recommandés dans la présente résolution fournit des informations sur des caractéristiques héréditaires spécifiques, il serait recommandé aux États membres de ne plus utiliser ce marqueur lors de l'échange des résultats des analyses d'ADN ».

Au demeurant, ce débat est relativement dépassé dans bien des pays. Une analyse comparative réalisée l'année dernière par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (36) a montré que, dans les pays anglo-saxons notamment, l'étude des profils d'ADN est devenue une activité de routine au sein des laboratoires de sciences médico-légales. En Angleterre, depuis 1995, des prélèvements d'ADN peuvent être opérés sur toute personne accusée d'un délit justiciable d'une peine d'emprisonnement : selon les informations recueillies par le service des affaires européennes de l'Assemblée nationale, la base comprend aujourd'hui environ 2 millions de profils d'ADN et permet d'établir chaque semaine quelques 900 concordances entre celui d'un suspect et un crime ou un délit commis (voir la note du service des affaires européennes publiée en annexe).

De fait, la fiabilité des empreintes génétiques en matière judiciaire est quasi-absolue, dès lors qu'une grande rigueur s'impose dans le recueil des éléments biologiques, leur conservation et les méthodes d'analyse. Dans le rapport précité, l'Office d'évaluation, après avoir apprécié toutes les limites du système, concluait d'ailleurs que : « Rien ne permet de mettre en doute la validité d'un dispositif qui met à la disposition des juges des outils d'investigation efficaces maniés par des techniciens compétents ». Les erreurs d'identification ne peuvent provenir que de fausses manipulations car les techniques utilisées sont d'une fiabilité totale ; dès lors, le croisement des analyses permet d'approcher le risque zéro.

En définitive, les empreintes génétiques sont aujourd'hui ce qu'étaient les empreintes digitales au XXe siècle, bien que les deux méthodes d'investigation soient complémentaires. Il est donc très surprenant que certaines questions soient posées pour le FNAEG alors que des précautions identiques ne sont pas réclamées pour le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

En conséquence, le rapporteur recommande un nouvel élargissement du champ d'application du fichier des empreintes génétiques à certains crimes et délits qui ne sont pas encore visés. Il s'associe, par ailleurs, à la recommandation suivante formulée par le rapporteur du Sénat : « Il convient que le Gouvernement prenne dès à présent des dispositions pratiques pour éviter que l'extension prévue par la présente loi n'aboutisse à une impossibilité d'alimenter convenablement le fichier faute de moyens matériels et humains suffisants ».

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur élargissant le champ du FNAEG à la traite des êtres humains, au recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables, à la mise en péril de mineurs, à l'exploitation de la mendicité et à la fabrication de fausse monnaie.

Après avoir rappelé qu'il avait demandé, dès le mois d'avril 2001, une extension de ce fichier au-delà des seules infractions à caractère sexuel, M. Christian Estrosi a regretté qu'il ne comporte aujourd'hui qu'environ 2 000 empreintes génétiques appartenant, de surcroît, le plus souvent, à des personnes condamnées à de longues peines et qui ne sortiront pas de prison avant de nombreuses années, ce qui remet en cause l'efficacité de ce fichier.

Le président Pascal Clément a rappelé que les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité bénéficiaient de remises de peine et pouvaient donc sortir de prison à un âge auquel elles sont susceptibles de récidiver.

M. Bruno Le Roux a souhaité que l'on réfléchisse aux modalités d'une utilisation non discriminante de ce fichier qui, comme celui des empreintes digitales, pourrait devenir, à terme, un instrument d'identification très large et a annoncé le dépôt d'amendements destinés, dans l'immédiat, à mieux encadrer son utilisation, en renforçant notamment le contrôle du parquet et en aménageant la procédure d'effacement.

Après avoir considéré que la prise d'empreintes génétiques n'était pas plus attentatoire à la liberté que celles d'empreintes digitales, M. Jean-Christophe Lagarde a exprimé la crainte que les moyens attribués à la police ne soient pas suffisants pour permettre un fonctionnement effectif de ce fichier. M. Xavier de Roux a rappelé que le FNAEG pouvait également innocenter des personnes injustement soupçonnées. M. Gérard Léonard s'est inquiété des modalités de transmission des informations recueillies, soulignant que l'absence de transmission directe entre les laboratoires et le fichier national, et les manipulations administratives rendues nécessaires de ce fait, accroissaient les risques d'erreurs et risquaient, en raison de l'extension du fichier envisagée, de conduire à un alourdissement de la charge de travail difficile à gérer. M. Jean-Paul Garraud a annoncé qu'il déposerait un certain nombre d'amendements techniques destinés à améliorer le fonctionnement du FNAEG.

Après s'être félicité des propos tenus par M. Bruno Le Roux sur la généralisation d'un fichier jusque-là très critiqué, M. Christian Estrosi a estimé que le FNAEG était l'outil le plus approprié pour élucider les affaires tout en protégeant les innocents, citant à l'appui de son propos un certain nombre d'affaires récentes. Tout en reconnaissant que les moyens de la police technique et scientifique étaient actuellement insuffisants, il a rappelé que la loi de finances pour 2003 augmentait sensiblement les crédits consacrés à la police, ceux-ci garantissant près de 40 % des engagements prévus par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité. La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 83).

La Commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

(art. 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale)

Prélèvements externes sur les personnes concernées par la procédure

Le présent article conforte les opérations de prélèvement externe et de signalisation que les officiers de police judiciaire (OPJ) sont appelés à réaliser dans le cadre des enquêtes judiciaires. À cet effet, il insère, dans le code de procédure pénale, les trois nouveaux articles présentés ci-après.

· L'article 55-1 reconnaît à l'OPJ, ou à une personne placée sous son contrôle, le droit de procéder, sur toute personne concernée par la procédure, à des « prélèvements externes » au cours d'une enquête de flagrance. Le refus de se soumettre à ces prélèvements sera passible de six mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende. Par ailleurs, il permet à l'OPJ de procéder, ou de faire procéder, aux opérations de signalisation nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police, selon les règles qui leur sont propres.

Le niveau de la sanction prévue est identique à celui qui est proposé par l'article 706-56 du code de procédure pénale en cas de refus de se soumettre à un prélèvement biologique permettant la prise d'empreintes génétiques. À cet égard, comme à l'article 15 du projet de loi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur qui porte de six mois à un an d'emprisonnement et de 7 500 € à 15 000 € d'amende les peines encourues en cas de refus de se soumettre à un prélèvement externe (amendement n° 85).

Toutefois, la portée de la mesure mise en oeuvre par le présent article est beaucoup plus large.

Tout d'abord, les prélèvements visés peuvent être de tous ordres. Il peut également s'agir de prélèvements buccaux, aux fins d'une expertise par empreintes génétiques : la circulaire de la Chancellerie du 4 décembre 2000 (CRIM 00-13 F1) ne considère pas, en effet, que de tels prélèvements ont une portée « interne », de nature à enfreindre le principe d'intégrité du corps humain. Il peut aussi s'agir d'empreintes digitales ou de prélèvements quelconques, y compris des spécimens d'écriture par exemple.

Par ailleurs, l'ensemble des personnes concernées par la procédure, c'est-à-dire aussi bien les témoins que les suspects, devront se soumettre à ces prélèvements.

Toutefois, les règles d'alimentation des fichiers devront respecter les principes qui président à leur utilisation. Ainsi, les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il n'existe pas de raison de soupçonner qu'elle ont commis une infraction ne pourront pas être rapprochées avec la base du FNAEG : elles ne pourront être comparées qu'avec des traces relevées sur la scène d'un crime. Des opérations de signalisation liées à d'autres types de prélèvements pourront, en revanche, être opérées en direction de fichiers différents : le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) par exemple.

· L'article 76-2 autorise ces prélèvements, selon les mêmes modalités, au cours de l'enquête préliminaire, à la demande ou sur autorisation du procureur de la République. L'article 154-1 prévoit également cette possibilité, sur commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, dans le cadre d'une information judiciaire.

La Commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Chapitre V

Dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

Article 17

(art. 22 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001)

Prolongation de l'application de dispositions concernant le terrorisme
de la loi relative à la sécurité quotidienne

Le présent article a pour objet de proroger la validité de certaines dispositions adoptées à titre provisoire dans le cadre de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et regroupées dans un chapitre V intitulé : « Dispositions renforçant la lutte contre le terrorisme ».

· Cette prorogation, qui reporte la date butoir initialement prévue du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2005, concerne les dispositions suivantes :

-  L'article 24, qui permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser, sans le consentement des personnes concernées, la mise en oeuvre de perquisitions au cours d'enquêtes préliminaires, y compris de nuit lorsqu'elles ne concernent pas des locaux d'habitation, aux fins de recherche et de poursuite des infractions à la législation sur les armes ou les stupéfiants (article 76-1 du code de procédure pénale).

-  Les articles 25 et 26, qui permettent aux OPJ, aux APJ, aux agents des douanes mais également à des agents privés agréés de procéder à des visites de personnes, bagages, frets, colis, aéronefs, véhicules, navires, en vue d'assurer la sûreté des vols et des transports maritimes (articles L. 282-8 du code de l'aviation civile et L. 323-5 du code des ports maritimes).

-  Les articles 29, 30 et 31, qui : imposent aux opérateurs d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée technique de télécommunication, sous réserve d'une demande des autorités judiciaires tendant à différer cet effacement ; permettent aux autorités judiciaires de requérir une personne qualifiée pour procéder au déchiffrement d'informations cryptées ; obligent les personnes fournissant des prestations de cryptologie à remettre aux personnes habilitées les conventions permettant le déchiffrement des données.

Toutefois, le Sénat a adopté un amendement de M. Michel Dreyfus-Schmidt qui maintient le principe, inscrit dans la loi du 15 novembre 2001, de la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation sur l'application de ces mesures au 31 décembre 2003. Un second rapport sera remis le 31 décembre 2005.

· Les autres dispositions qui figuraient dans le chapitre V précité sont pérennisées et, le cas échéant, modifiées :

-  L'article 23 relatif aux visites de véhicules au cours d'enquêtes préliminaires sous le contrôle du procureur de la République pour la recherche et la poursuite de certaines infractions, par l'article 5 du projet de loi (article 78-2-2 du code de procédure pénale).

-  L'article 27 relatif aux fouilles de bagages et aux palpations de sécurité (en cas de menaces graves pour la sécurité privée et sous réserve du consentement de la personne concernée) par des personnels agréés de certaines entreprises, par l'article 39 du projet de loi.

-  L'article 28 relatif aux motifs sur le fondement desquels les autorités administratives peuvent accéder, dans le cadre de certaines enquêtes, aux traitements automatisés de données personnelles gérés par la police et la gendarmerie, par l'article 13 du projet de loi.

-  L'article 32 relatif à l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure (auditions, interrogatoires ou confrontations par visioconférence), par l'article 35 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

-  L'article 33 relatif à la création d'une incrimination pénale de financement d'une entreprise terroriste, à la qualification terroriste de certains actes de blanchiment et délits d'initié et à la peine complémentaire de confiscation des biens du patrimoine appartenant à une personne reconnue coupable d'actes de terrorisme, par le présent article.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur pérennisant les dispositions précitées des articles 29, 30 et 31 de la loi du 15 novembre 2001 (amendement n° 86).

Elle a ensuite adopté l'article 17 ainsi modifié.

Chapitre V bis

Dispositions relatives à la lutte contre la traite
des êtres humains et le proxénétisme

[Division et intitulé nouveaux]

Article 17 bis (nouveau)

(art. 225-4-1 à 225-4-7 [nouveaux] du code pénal)

Incrimination de la traite des êtres humains

Qu'il s'agisse de la mendicité organisée, du pillage des horodateurs de certaines grandes villes ou de la prostitution sur la voie publique, chacun peut le constater par lui-même : la France connaît depuis quelques années un développement sans précédent de l'activité de réseaux criminels organisant une véritable traite des êtres humains. Ainsi, selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre des personnes se livrant à la prostitution sur la voie publique en France a considérablement augmenté et atteindrait près de 15 000 aujourd'hui. Majoritairement originaires de l'Europe de l'Est, mais aussi d'Afrique de l'Ouest, ces personnes sont acheminées et exploitées sur le territoire européen par des réseaux dont la violence n'a d'égale que la cupidité et qui considèrent les êtres humains comme des marchandises.

Afin de renforcer la lutte contre l'activité de tous les réseaux criminels implantés sur notre territoire, qui constitue l'une des priorités de la nouvelle majorité et de son Gouvernement, le Sénat a décider d'insérer dans le présent projet la plupart des dispositions de la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui, issue des travaux de la mission d'information sur les diverses formes de l'esclavage moderne (37)adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 24 janvier 2002.

Le présent article a pour objet d'insérer dans le chapitre V du titre II du livre II code pénal sept nouveaux articles tendant à définir et à réprimer la traite des être humains. On observera que ces dispositions s'insèrent avant celles relatives au proxénétisme et aux conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine : la traite des être humains constitue l'infraction préalable à la commission ultérieure d'autres crimes ou délits, dont le proxénétisme ou les conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaines.

1. Les éléments constitutifs de l'infraction

L'article 225-4-1 nouveau dispose que la traite est le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir pour la mettre à la disposition d'un tiers « même non identifié », afin :

-  soit de permettre la commission contre cette personne - que « celle-ci soit consentante ou non » a précisé le Sénat - des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail et d'hébergement contraires à sa dignité. La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la référence au consentement de la victime, son auteur ayant fait valoir que cette précision, qui s'inspire de la définition de la traite des êtres humains figurant dans la décision cadre du 19 juillet 2002, était inutile en droit français (amendement n° 87) ;

-  soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou tout délit. Cette disposition devrait permettre de sanctionner les personnes qui, à leur seul profit, en contraignent d'autres, souvent mineures, à commettre des crimes ou des délits à l'image des groupes organisés de pilleurs d'horodateurs, tous mineurs étrangers, placés sous la férule de majeurs les ayant recrutés à cet effet.

Cette définition s'inspire principalement des dispositions de deux instruments internationaux : d'une part, l'article 3 du protocole additionnel à la convention des Nations-Unies contre le crime transnational organisé, ratifiée en vertu la loi n° 2002-1041 du 6 août 2002 ; d'autre part, l'article 1er de la décision cadre du Conseil de l'Union du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains.

2. Les peines encourues sont de nature correctionnelle...

Telle que définie à l'article 225-4-1 nouveau du code pénal, la traite des être humains est punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Les peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 1 500 000 euros d'amende par l'article 225-4-2 nouveau lorsque l'infraction est commise :

-  à l'égard d'un mineur ;

-  à l'encontre d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est « apparente ou connue de son auteur » ;

-  à l'égard de plusieurs personnes ;

-  à l'égard d'une personne qui se trouvait hors du territoire ou lors de son arrivée sur le territoire de la République ;

-  lorsque la personne a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. Cette disposition s'adresse plus particulièrement aux organisateurs de la traite ayant recours au réseau Internet sur lequel ils diffusent des annonces fallacieuses de recrutement de jeunes personnes pour des emplois à l'étranger ;

-  dans ces circonstances qui exposent directement la personne à l'égard de laquelle l'infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

-  avec l'emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manoeuvres dolosives « visant l'intéressé ou sa famille », a précisé le Sénat à l'initiative du sénateur M. Michel Charasse. Votre rapporteur, tout en comprenant l'intention de l'auteur de l'amendement, s'interroge toutefois sur son bien-fondé. En effet, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne précisait pas à l'encontre de qui s'exerçaient les menaces et autres manoeuvre dolosives. Ce faisant, il s'agissait de ne pas restreindre le champ d'application de cette circonstance aggravante à certaines catégories de personnes limitativement énumérées, puisque le risque est dès lors grand de voir les auteurs de la traite exercer des représailles à l'encontre des personnes n'étant précisément pas visées par la loi. De surcroît, la notion de « famille », quoique fort commune, ne possède pas de définition juridique en droit pénal. Ainsi, le concubin de la personne victime de la traite, et lui même victime de manoeuvres dolosives exercées par le responsable du réseau criminel, appartient-il ou non à la « famille » ? Devant de telles incertitudes, dont les conséquences humaines peuvent être dramatiques, il semblerait donc préférable de compléter la notion de famille par celle de personne « en relation habituelle » avec la victime. Suivant la proposition de son rapporteur, la Commission a adopté un amendement en ce sens (amendement n° 88) ;

-  par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne victime de la traite des êtres humains ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

-  par une personne appelée à participer, de par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l'ordre public.

Il convient d'indiquer que cette énumération reprend largement la liste des circonstances aggravantes applicables au délit de proxénétisme et prévues par l'article 225-7 du code pénal. En outre, le quantum des peines encouru permet, le cas échant, de faire comparaître les auteurs de la traite devant le tribunal correctionnel selon la procédure de « comparution immédiate » prévue par les articles 395 et suivants du code procédure pénale, ce qui devrait renforcer l'efficacité de la réponse pénale apportée à cette forme de délinquance. Enfin, le nouvel article 225-4-7 dispose que la tentative de commettre le délit de traite est punie des mêmes peines que le délit lui-même. Cette précision est ici nécessaire, puisque l'article 121-4 du code pénal dispose qu'est considéré comme auteur de l'infraction la personne qui tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit.

3. ... mais deviennent criminelles lorsque les faits sont commis avec certaines circonstances aggravantes

L'article 225-4-3 nouveau prévoit que l'infraction de traite des être humains est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 millions d'euros d'amende lorsqu'elle est commise en bande organisée. Les peines sont portées à la réclusion criminelle à perpétuité et à 4 ,5 millions d'euros d'amende par l'article 225-4-4 nouveau lorsque la traite est commise en recourant à des tortures ou à de actes de barbarie.

Par ailleurs, l'article 225-4-5 dispose que, lorsque le crime ou le délit commis ou devant l'être contre la personne victime de la traite est puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à celle encourue au titre des dispositions des articles 225-4-1 à 225-4-3, l'auteur des faits de traite est passible de la sanction la plus lourde attachée aux crimes ou aux délits dont il a eu connaissance. À titre d'exemple, l'auteur de faits de traite des êtres humains, donc passible d'une peine de 7 ans d'emprisonnement, mais qui commet ce délit à l'encontre d'une personne ultérieurement victime d'un viol, encourra la peine attachée au crime de viol, soit quinze ans de réclusion criminelle, tout comme l'auteur du viol.

Enfin, la traite des êtres humains constituant parfois une activité très organisée exercée par des personnes morales, l'article 225-4-6 nouveau prévoit que celles-ci peuvent être déclarées responsable pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent alors les peines suivantes :

-  l'amende, qui peut représenter le quintuple du montant prévu pour les personnes physiques, soit un maximum de 22,5 millions d'euros si la traite est commise en ayant recours à la torture ou à des actes de barbarie ;

-  les peines prévues par l'article 131-39 du même code, notamment la dissolution, l'interdiction d'exercer une ou plusieurs activités professionnelles, le placement sous surveillance judiciaire, la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou l'affichage ou la diffusion de la décision par voie de presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle.

Après avoir adopté l'amendement rédactionnel n°22 de M. Thierry Mariani, la Commission a adopté l'article 17 bis ainsi modifié.

Articles 17 ter et 17 quater (nouveaux)

(art. 225-13 et 225-14 du code pénal)

Renforcement des sanctions des délits de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine

Les articles 225-13 et 225-14 du code pénal répriment d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, respectivement, d'obtenir d'une personne la fourniture de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli ou de lui imposer des conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaine, « en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance ». Cette dernière disposition n'est pas sans soulever certaines difficultés d'interprétation qui entravent la mise en oeuvre de la répression des ces agissements particulièrement condamnables.

En effet, pour que le délit soit constitué, il faut, non seulement, que la vulnérabilité de la victime soit établie mais également qu'il y ait eu un « abus » de celle-ci par l'auteur des faits, ce qui constitue un ensemble de conditions souvent difficiles à rassembler. C'est pourquoi, ces deux articles du projet de loi tendent à supprimer la référence à l'abus de la vulnérabilité dans les articles précités pour la remplacer par celle, plus simple, de « vulnérabilité » ou « d'état de dépendance » qui sont « apparents ou connus de l'auteur ». Cette rédaction s'inspire des dispositions du 2° de l'article 225-7 du code pénal, relatif au proxénétisme aggravé, qui est constitué lorsque l'infraction est commise à l'égard d'une personne « dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ». Il suffira donc désormais de démontrer que l'auteur des faits avait connaissance de la seule « vulnérabilité » de la victime pour que les délits des articles 225-13 et 225-14 du code pénal soient constitués, ce qui devrait permettre de renforcer leur répression tout en protégeant davantage les victimes.

Enfin, la jurisprudence n'ayant pas toujours considéré que la minorité de la victime constitue, par nature, une situation de vulnérabilité(38), on indiquera ici que l'article 17 sexies du présent projet de loi dispose que les mineurs, ou les personnes victimes à leur arrivée sur le territoire des délits prévus aux articles 225-13 et 225-14 du code pénal, sont considérés comme des personnes vulnérables. Par ailleurs, s'agissant d'infractions contraires à la dignité humaine, les quantum des peines en vigueur semblent particulièrement modestes. C'est pourquoi, ces deux articles du projet de loi prévoient de les fixer à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 17 quinquies (nouveau)

(art. 225-15 du code pénal)

Circonstances aggravantes des délits de condition de travail
et d'hébergement contraires à la dignité humaine

L'article 225-15 du code pénal prévoit que lorsque les infractions définies aux articles 225-13 et 225-14 du même code, relatifs aux conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, sont commises à l'égard de plusieurs personnes, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

Le présent article propose, en premier lieu, d'aggraver les sanctions encourues en les portant à sept ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende par cohérence avec l'aggravation des sanctions désormais encourues par les auteurs des délits précités commis à l'égard d'une seule personne et introduite par les articles 17 ter et quater du présent projet.

En second lieu, il insère les nouvelles circonstances aggravantes suivantes :

-  lorsque les infractions prévues par les articles 225-13 et 225-14 du code pénal sont commises à l'égard « d'un mineur », auquel cas elles sont punies d'une peine de 7 ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende ;

-  lorsqu'elles sont perpétrées à l'égard de plusieurs personnes dont « un ou plusieurs mineurs », auquel cas elles sont punies de 10 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 sexies (nouveau)

(art. 225-15-1 [nouveau] du code pénal)

Présomption légale de vulnérabilité de la victime mineure ou étrangère
des délits de conditions de travail ou d'hébergement
contraires à la dignité humaine

Ainsi qu'il a été indiqué dans les commentaires de l'article 17 bis du présent projet, la jurisprudence ne considère pas qu'un mineur, ou un étranger, victime de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine est, de ces seul faits, en situation de vulnérabilité. Cette interprétation n'est pas satisfaisante car c'est précisément par ce que ces victimes sont en situation de clandestinité ou de minorité qu'elles sont vulnérables et que les auteurs de ces délits parviennent à commettre leurs méfaits.

Le présent article a donc pour objet d'insérer dans le code pénal un article 225-15-1 nouveau qui dispose que sont, notamment, considérées comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance au sens des articles 225-13 et 225-14 du code pénal :

- les mineurs ;

- les personnes étrangères qui ont été victimes de tels faits à leur arrivée sur le territoire national.

Au total, la conjonction des dispositions du présent article, qui insère une présomption légale de vulnérabilité au profit des mineurs victimes des délits prévus aux articles 225-13 et 225-14 du code pénal, avec celles prévues par l'article 17 quinquies, qui rend l'auteur des ces faits passible d'une peine de 7 ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende, devrait contribuer de façon substantielle à l'amélioration de l'efficacité de l'action répressive menée en ce domaine. Toutefois, l'adverbe notamment introduit dans cette disposition une incertitude peu compatible avec le caractère strict des incriminations pénales.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 septies (nouveau)

(art. 225-25 [nouveau] du code pénal)

Confiscation des biens des auteurs des crimes ou délits de traite
des êtres humains ou de proxénétisme

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, près de 25,5 millions d'euros issus du revenu de la prostitution ont transité depuis la France vers l'étranger en 2001. En outre, le rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les différentes formes de l'esclavage moderne, citant un haut responsable d'Interpol, estimait que le revenu d'un proxénète originaire des pays d'Europe de l'Est et « contrôlant » environ 5 prostituées était de plus de 600 000 euros par an (39). Face à ces gains considérables, il est impérieux d'adapter la nature des sanctions financières susceptibles d'être prononcées à l'égard des proxénètes et des responsables des réseaux de traite des êtres humains.

Tel est l'objet du présent article qui dispose que les auteurs des infractions précitées peuvent être condamnés, à titre complémentaire, à la confiscation de « tout ou partie de leurs biens, qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ». En effet, le droit en vigueur en matière de proxénétisme n'autorise que la confiscation des biens « mobiliers ayant servi directement ou indirectement à commettre l'infraction ainsi que les produits de l'infraction détenus par une personne autre que la personne se livrant à la prostitution elle-même » (article 225-24 du code pénal).

Cette disposition témoigne de la volonté du Gouvernement de lutter avec la plus grande détermination contre les proxénètes et le revenu qu'ils retirent de leur révoltant commerce. À cet égard, les dispositions de l'article 18, sanctionnant le racolage, y compris passif, d'une peine de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, participent également de cette démarche puisqu'elles devraient avoir pour effet d'amoindrir la « profitabilité » financière de l'exploitation de la prostitution.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 octies (nouveau)

(art. 8 du code de procédure pénale)

Modification des règles de prescription en faveur des mineurs
victimes des délits de conditions de travail et d'hébergement
contraires à la dignité humaine

Les délits prévus par les articles 225-13 et 225-14 du code pénal, comme tous les délits, se prescrivent par trois ans en application des dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale. Or, ces règles sont particulièrement défavorables aux mineurs victimes de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine puisque, bien souvent, elles sont fragilisées psychologiquement et physiquement par leur épreuve et ne parviennent pas à porter plainte rapidement contre les auteurs.

C'est pourquoi, le présent article propose que, lorsque ces infractions sont commises contre les mineurs, le délai de trois ans ne commence à courir qu'à partir de leur majorité. Il complète à cette fin le deuxième alinéa de l'article 8 précité - qui énumère les délits dont la prescription ne commence à courir qu'à partir de la majorité des mineurs qui en sont les victimes - par la référence aux articles 225-4-2 (traite des êtres humains) et 225-15 du code pénal (conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine).

La Commission a adopté cet article sans modification.

Articles 17 nonies et decies (nouveaux)

(art. 706-30 et 706-36-1 [nouveau] du code de procédure pénale)

Saisie conservatoire en matière de trafic de stupéfiants,
de traite des êtres humains et de proxénétisme

Ainsi que votre rapporteur l'a clairement exprimé dans ses commentaires de l'article 17 septies, la nouvelle majorité et son Gouvernement sont déterminés à engager un combat sans relâche contre tous les réseaux qui sévissent sur notre territoire et en particulier contre ceux qui oeuvrent en matière de traite des êtres humains et de proxénétisme. À cette fin, l'adoption de dispositions tendant à renforcer les sanctions financières encourues par les auteurs de ces infractions constitue un moyen efficace de limiter leur criminelle activité en amputant sa profitabilité. Tel est l'objet de ces deux articles du projet de loi qui, pour le premier modifie l'article 706-30 du code de procédure pénale et, pour le second, insère un article 706-36-1 nouveau au sein du même code.

L'article 706-30 du code de procédure pénale détermine les modalités de la mise en oeuvre de la procédure de saisie conservatoire des biens des personnes mises en examen pour trafic de stupéfiants ou de blanchiment. Lorsqu'une information est ouverte pour ces infractions, le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui peut, sur requête du procureur de la République, ordonner, aux frais du trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur ces biens destinés à garantir le paiement des amendes encourues et l'exécution des mesures de confiscation prévues. En cas de condamnation, les saisies conservatoires sont validées et les sûretés inscrites définitivement. En revanche, la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, tout comme l'extinction de l'action publique, entraîne la mainlevée de plein droit des mesures ordonnées, aux frais du trésor.

L'article 17 nonies apporte deux modifications à ce dispositif :

- il confère au juge des libertés et de la détention les pouvoirs actuellement dévolus au président du tribunal de grande instance ou au magistrat délégué ;

- il accorde audit juge une compétence nationale pour ordonner ces saisies conservatoires. Cette extension est un gage d'efficacité, les biens des trafiquants étant rarement sis dans le ressort territorial du tribunal de grande instance saisi des faits.

Pour sa part, l'article 17 decies du projet de loi met en place un dispositif identique en cas de proxénétisme et de traite des êtres humains. À cet effet, il insère un article 706-36-1 nouveau dans le code de procédure pénale, qui reprend littéralement les dispositions de l'article 706-30 en intégrant, bien évidemment, les modifications qui y sont apportées par l'article 17 nonies du présent projet.

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 17 undecies (nouveau)

(art. L. 611-1 du code du travail)

Extension des pouvoirs de verbalisation des inspecteurs du travail

Parce que le Gouvernement a la volonté de lutter contre la criminalité organisée et le développement de l'économie souterraine, il a mis en place les groupes d'interventions régionaux (GIR) (40), qui sont composés de représentants de plusieurs administrations dont la coordination permet de faciliter la constatation des infractions et, ce faisant, renforce l'efficacité de l'action répressive. Ainsi, travaillent désormais de concert, non seulement la police et la gendarmerie nationales, mais également les services fiscaux, des douanes, de la concurrence et de la répression des fraudes et du travail et de l'emploi. Toutefois, ces mesures n'excluent pas d'éventuelles dispositions plus ponctuelles concernant les pouvoirs dévolus à l'une de ces catégories de services.

Tel est précisément l'objet du présent article qui étend les pouvoirs de constatation des infractions des inspecteurs du travail. Ces derniers ont en effet pour mission, en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code du travail, de veiller à l'application des dispositions dudit code et des lois et règlements relatifs au régime du travail et de constater, avec les agents et les officiers de police judiciaire, les infractions à ceux-ci. À ce titre, ils peuvent notamment constater certaines infractions au code de la sécurité sociale, ainsi que celles au principe de non discrimination dans le travail prévues par le 3° de l'article 225-2 du code pénal.

Afin de renforcer l'efficacité de la répression des infractions de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine prévues par les articles 225-13 et suivants du code pénal, cet article étend la compétence des inspecteurs à la constatation de ces infractions. On rappellera cependant, qu'en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 611-8 du code du travail, les inspecteurs du travail ne peuvent constater ces infractions dans les locaux d'habitation qu'après avoir reçu l'autorisation d'y pénétrer par les personnes qui les occupent.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Après l'article 17 undecies

La Commission a été saisie de l'amendement n° 49 de M. Pierre Lellouche tendant à rendre imprescriptible l'action publique des crimes sexuels commis contre les enfants. M. Guy Geoffroy a observé que cet amendement permettrait de renforcer la lutte contre les crimes pédophiles, qu'une société moderne ne peut tolérer. Le président Pascal Clément a jugé très dangereux cet amendement qui est susceptible de donner lieu à toutes sortes d'abus, et a tenu à rappeler que le droit pénal français était aussi un droit à l'oubli. Tout en considérant que cette disposition pouvait rallier l'adhésion de nombreux parlementaires, le rapporteur a estimé qu'il serait plus opportun de l'examiner dans le cadre du futur projet de loi sur la justice, cette question relevant du garde des Sceaux et a donc proposé à la Commission, qui l'a suivi, de le rejeter. Celle-ci a également rejeté, par coordination, l'amendement n° 48 de M. Pierre Lellouche créant un nouveau chapitre. Elle a ensuite rejeté les amendements nos 46 et 47 du même auteur créant une circonstance aggravante lorsque l'infraction est commise pour des motifs homophobes, le rapporteur ayant observé, comme pour les amendements précédents, que ces dispositions devaient être soumises à l'arbitrage du ministre de la justice.

Chapitre VI

Dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques

Le chapitre VI regroupe un ensemble de dispositions destinées à réprimer certaines formes insupportables de délinquance ou de criminalité. Ce faisant, il apporte des réponses fortes aux attentes des Français, qui n'acceptent plus que les comportements déviants ou agressifs ne soient pas sanctionnés.

Article additionnel avant l'article 18

(art. 131-4 du code pénal)

Peines d'emprisonnement applicables aux délits

La Commission a examiné un amendement du rapporteur créant la possibilité de prononcer une peine d'emprisonnement de deux mois. Son auteur a expliqué que la sanction minimale prévue par le code pénal était actuellement de six mois d'emprisonnement et que ce seuil apparaissait excessif pour certaines infractions qui requièrent, avant tout, des possibilités de placement en garde à vue. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 89).

Article additionnel avant l'article 18

(art. 222-16 du code pénal)

Délit d'agression sonore

La Commission a adopté un amendement de M. Gérard Léonard supprimant la condition de réitération pour la constitution du délit d'agression sonore prévu à l'article 222-16 du code pénal (amendement n° 90).

Article 18

(art. 225-10-1 [nouveau], 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal)

Incrimination du racolage et de la sollicitation de relations sexuelles
de la part d'une personne prostituée vulnérable

Le présent article a pour objet de lutter contre le développement des réseaux de proxénétisme dans notre pays et, corrélativement, de la prostitution elle-même, dont certaines manifestations sur la voie publique génèrent des troubles à la tranquillité, à l'ordre et à la sécurité publics.

À cet effet, il supprime la distinction entre les formes actives et passives de racolage, transforme celui-ci en délit et donne aux forces de l'ordre les moyens d'agir contre les réseaux. Concomitamment, il propose de réprimer le recours à la prostitution de personnes vulnérables.

Ces dispositions s'articulent avec celles des articles 28 et 29 du projet de loi, qui permettent de retirer le titre de séjour de l'étranger qui se rend coupable de proxénétisme ou de racolage sur le territoire français ou, au contraire, de régulariser la situation de celui ou celle qui accepte de porter plainte contre une personne pour proxénétisme à son encontre. L'article 29 bis prévoit, par ailleurs, de réserver des établissements d'hébergement à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains, confortant ainsi la portée des mesures prévues par le Sénat dans le cadre du nouveau chapitre V bis.

1. Une législation inadaptée

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la prostitution est une activité licite sur le territoire français. Les « maisons de tolérance », en revanche, ont été interdites par la loi n° 46-684 du 13 avril 1946.

Le législateur ne s'est pas privé, pour autant, d'intervenir en vue de prévenir les risques de trouble à l'ordre public, protéger les mineurs et sanctionner ceux qui tirent profit de la prostitution d'autrui.

a) L'interdiction du racolage actif

Si la prostitution n'est pas interdite, le racolage, en revanche, est répréhensible, car il est de nature à troubler la tranquillité, l'ordre et la sécurité publics. Il consiste, de la part d'un homme ou d'une femme, à recruter et à se procurer des clients en les incitant, en l'occurrence, à des relations sexuelles, hétérosexuelles ou homosexuelles.

De fait, dès 1946, des peines correctionnelles élevées ont été prévues à l'encontre de ceux qui, « par gestes, paroles, écrits ou tous autres moyens procèdent publiquement au racolage de personnes de l'un ou l'autre sexe en vue de les provoquer à la débauche ». En 1958, ces dispositions ont été abrogées (ordonnance n° 58-1298 du 23 décembre 1958) et, concomitamment (décret n° 58-1303 du même jour), a été introduit un double régime contraventionnel : l'un pour sanctionner le racolage « actif » ; l'autre, moins sévère, pour sanctionner le racolage « passif ». Par la suite, le niveau desdites contraventions a été relevé (décret n° 60-1247 du 25 novembre 1960), mais la distinction entre ces deux formes de racolage a subsisté.

-  Le racolage actif peut être réalisé « par tout moyen », mais il doit être non équivoque et public. Il se matérialise par des actes précis tels que des gestes ou paroles expressifs, un comportement provocateur ou une attitude exhibitionniste. Le fait peut être constitué dans tous les lieux où le public a librement accès : voies ouvertes à la circulation, parcs, squares, bars, salles de spectacle, etc.

-  Le racolage passif peut être défini comme le simple fait de provoquer la débauche sur la voie publique, y compris par une tenue vestimentaire suggestive ou une attitude particulière.

La distinction entre ces deux formes de racolage est subtile mais essentielle car, en 1994, le nouveau code pénal n'a pas repris la référence au racolage passif. La contravention d'« attitude sur la voie publique de nature à provoquer la débauche », qui avait donné lieu à de nombreuses poursuites, n'existe plus en droit français. On doit considérer que l'article R. 625-8 du code pénal ne vise que le racolage actif : « Le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles », est passible d'une contravention de cinquième classe (1 500 €, ou 3 000 € en cas de récidive) et d'un certain nombre de peines complémentaires limitativement énumérées.

Dans ce contexte, la jurisprudence a pris une place d'autant plus importante. Dès lors que la tenue vestimentaire de la prostituée paraît normale et qu'aucune parole de nature à inciter quiconque à des relations sexuelles n'a pu être retenue, le seul fait de déambuler sur la chaussée et de s'adresser à des automobilistes ou piétons qui se sont arrêtés spontanément à sa hauteur sans y être invités, ne constitue pas un fait de racolage actif (C. cass., crim., 25 juin 1996).

On ajoutera que, en vertu de leurs pouvoirs de police, les maires peuvent prendre des arrêtés pour interdire l'accès de certaines rues, à certaines heures le cas échéant, aux prostituées.

b) La protection des mineurs

La loi protège les mineurs. En effet, les articles 225-12-1 et suivants du code pénal sanctionnent de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ». La peine peut être portée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende (par exemple lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou que les faits émanent d'une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions), voire à sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque le mineur a moins de quinze ans. Ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer lorsque les délits précités sont commis par un Français à l'étranger (article 225-12-3).

c) La répression du proxénétisme

La loi sanctionne également ceux qui tirent profit de la prostitution d'autrui, la protègent ou l'aident. En application de l'article 225-5 du code pénal, le proxénétisme est puni de sept ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende. Cette peine est portée à :

-  dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende lorsque le proxénétisme est commis à l'égard d'un mineur ou d'une personne vulnérable (article 225-7) ;

-  quinze ans d'emprisonnement et 3 millions d'euros d'amende lorsqu'il est commis à l'égard d'un mineur de quinze ans (article 225-7-1) ;

-  vingt ans d'emprisonnement et 3 millions d'euros d'amende lorsqu'il est commis en bande organisée (article 225-8) ;

-  réclusion criminelle à perpétuité et 4,5 millions d'euros d'amende lorsqu'il s'accompagne de tortures ou d'actes de barbarie (article 225-9).

L'article 225-10 du code pénal rend passible, par ailleurs, de dix ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende le fait de diriger un établissement destiné à la prostitution, ou qui tolère de façon habituelle et caractérisée des personnes se livrant à cette activité.

2. Une législation inadaptée

Ce cadre légal est excessivement « permissif ». Au moins, jusqu'à une période récente, permettait-il de contenir dans des limites acceptables le développement de la prostitution. Mais tel n'est plus le cas depuis quelques années.

a) L'évolution de la prostitution

En effet, la situation de la prostitution en France a considérablement évolué. Le rapporteur a constaté ces changements en se rendant, dans le cadre de ses travaux préparatoires à l'examen du présent projet de loi, sur plusieurs lieux publics « dédiés » à la prostitution. Il s'est également longuement entretenu avec le préfet de police de Paris, le chef de la brigade de répression du proxénétisme et des représentants d'associations intervenant, à un titre ou à un autre, sur cette problématique. Le constat auquel il est parvenu rejoint, au demeurant, les observations formulées, sous la précédente législature, par la mission d'information commune sur les diverses formes de l'esclavage moderne constituée au sein de notre assemblée, qui sont rappelées ci-après (41).

· Le phénomène prend de l'ampleur. Selon des estimations communiquées à la mission d'information par l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), entre 12 000 et 15 000 personnes se prostituaient en France en 2000, dont 7 000 à Paris.

· La prostitution est aujourd'hui largement étrangère. Selon les mêmes sources, la part des étrangères dans la prostitution de voie publique était, en 2000, supérieure à 60 % à Paris et à Nice, de l'ordre de 50 % à Strasbourg, proche de 40 % à Marseille et de 30 % à Toulouse ; s'agissant des hommes, 78 % des prostitués parisiens seraient des étrangers. La mission a également constaté une évolution des nationalités représentées, faisant état de la présence croissante de ressortissants de l'Est de l'Europe (Roumains, Hongrois, Bulgares, Tchèques, Croates et Serbes au début des années 1990, Russes, Ukrainiens, Slovaques, Moldaves, Slovènes et Lettons par la suite, Albanais du Kosovo, de Macédoine et d'Albanie plus récemment) et de l'Ouest ou du centre de l'Afrique (Sierra Leone et Nigeria en particulier).

Ces caractéristiques évoluent très rapidement. À Paris, la prostitution se déplace du coeur de la capitale vers la périphérie ; dans le même temps, l'apparition massive de nationalités d'Afrique noire non francophone (ghanéennes et sierra léonaises) et des pays de l'Est européen (albanaises, kosovares) s'amplifie. À Nice, le nombre de prostituées contrôlées est passé de 308 en 2001 à 437 au 1er novembre 2002 (+ 41,88 %) ; 59 % des prostituées étaient originaires de l'Est de l'Europe en 2001, 83,5 % en 2002.

· La prostitution est organisée en réseaux. La mission a clairement indiqué que : « Les prostitués filles ou garçons, mineurs quelquefois, que l'on voit aujourd'hui sur les trottoirs des villes françaises sont pour la plupart aux mains de proxénètes ». Si des associations, à l'image de France Prostitution, dont le rapporteur a entendu les représentants le 4 décembre dernier, défendent, dans leurs statuts, des objectifs respectables en invoquant « la prostitution pratiquée librement », il reste que la terreur, la violence, les tortures psychologiques et physiques sont fréquemment pratiquées, notamment à l'encontre de jeunes femmes étrangères dont l'isolement est renforcé par la barrière linguistique et culturelle. Les responsables de ces réseaux, plus ou moins structurés, qui agissent selon des modes opératoires spécifiques, sont rarement inquiétés, d'autant qu'ils résident souvent à l'étranger et s'appuient sur de petits délinquants français pour surveiller les personnes qu'ils contraignent à se prostituer.

b) L'absence de moyens d'action

Notre législation ne permet pas de contenir cette progression de la prostitution et de protéger les victimes en luttant contre les réseaux. Les services de police sont totalement désarmés : depuis que la loi n° 2000-516 relative à la protection de la présomption d'innocence a interdit le placement des témoins en garde à vue, ils ne disposent plus d'aucun moyen pour soustraire les prostituées de leur milieu et, le cas échéant, obtenir des informations précises sur les proxénètes. Au mieux, ils parviennent à contenir les débordements sur la voie publique (exhibitionnisme et racolage actif). Les contrôles d'identité qu'ils pratiquent sont souvent à la limite de la légalité, en dehors de toute infraction. En effet, le racolage passif est la règle, le racolage actif l'exception.

Certes, les étrangers doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels ils séjournent ou circulent en France, mais encore faut-il que l'individualisation de la personne lors du contrôle se fonde, selon les critères établis par la Cour de cassation, sur « des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé... de nature à faire apparaître celui-ci comme étranger » (C. cass., crim., 25 avril 1985, Bogdan et Vuckovic). En outre, la liste des signes extérieurs pouvant fonder des contrôles a été restreinte par la jurisprudence : le fait de parler en langue étrangère ou, naturellement, d'avoir un « type » étranger ne constituent pas des éléments d'extranéité ; en revanche, sont admis comme critères le fait de circuler dans un véhicule immatriculé à l'étranger ou d'être connu des services de police comme étant en situation irrégulière.

On rappellera, en toute hypothèse, que, dans le meilleur des cas, l'article 78-3 du code pénal ne permet aux services de police de retenir une personne qui refuse ou qui se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité que le temps requis pour procéder aux vérifications nécessaires, cette rétention ne pouvant excéder quatre heures. Par ailleurs, les étrangers qui se livrent à la prostitution sur le territoire français sont souvent, en apparence ou réellement, en situation régulière au regard du droit au séjour. Venant de l'Est de l'Europe, ils ne sont pas soumis à une obligation de visa, d'autant que, selon les services de police, les jeunes femmes concernées font l'objet d'un « turn over » très rapide : ainsi, à Nice, près de 50 % des prostituées d'Europe de l'Est arrivent de Bulgarie, pays avec lequel l'obligation de visa a été supprimée l'année dernière. Nombreux sont ceux, par ailleurs, originaires de pays d'Afrique notamment, qui déposent des demandes d'asile après de l'OFPRA : durant le temps nécessaire à l'instruction de leur dossier, soit plusieurs mois voire plusieurs années, ils peuvent résider en France en toute légalité sous couvert d'un simple récépissé.

3. Les mesures proposées

Afin de lutter contre le proxénétisme et l'exploitation sexuelle, le présent article tend à supprimer toute distinction entre les formes actives et passives de racolage, et à prévoir à leur encontre un régime de sanction délictuel et non plus simplement contraventionnel. Des outils coercitifs sont ainsi mis en place, qui sont indispensables pour obtenir des informations permettant de démanteler les réseaux. Par ailleurs, une protection renforcée est instaurée pour les personnes vulnérables.

· La première mesure est mise en oeuvre par son paragraphe 1° qui, dans le projet de loi initial, proposait de créer dans le code pénal un nouvel article 225-10-1 punissant de six mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende : « Le fait, par tout moyen, y compris par sa tenue vestimentaire ou son attitude, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération ».

Au Sénat, un amendement du Gouvernement a modifié cette définition du délit de racolage : la référence à la « tenue vestimentaire », qui avait suscité des inquiétudes, a été remplacée par un renvoi plus général à « une attitude même passive ». De fait, l'« attitude », à laquelle l'ancien code pénal faisait explicitement référence, constitue bien l'élément clé du délit de racolage passif.

Toutefois, la peine d'emprisonnement de six mois qui est proposée peut sembler excessive. En effet, la pénalisation du racolage est surtout destinée à doter les forces de l'ordre d'un outil répressif pour éradiquer les zones de prostitution et soustraire de la voie publique, au moyen d'un placement en garde à vue, les personnes qui se livrent à cette activité. La durée de la garde à vue sera mise à profit pour engager avec elles un dialogue, rechercher des solutions à leur situation et, le cas échéant, obtenir des informations sur les réseaux qui les exploitent. On rappellera que, selon l'article 63 du code de procédure pénale, l'OPJ peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Le procureur de la République est informé. La retenue ne peut excéder 24 heures, le procureur pouvant prolonger ce délai, par écrit, de 24 heures supplémentaires.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ramenant de six à deux mois d'emprisonnement la peine encourue en cas de racolage (amendement n° 92).

Au cours de la garde à vue, deux instruments juridiques pourront être utilisés :

-  L'article 28 du projet de loi permet de retirer la carte de séjour des étrangers qui se rendent coupables d'actes de proxénétisme ou de racolage sur le territoire français. Ainsi est mise en oeuvre une orientation fixée par la loi du 29 août 2002, qui indiquait que : « Dans le cadre de la lutte contre le développement du proxénétisme, les auteurs de racolage actif ou de racolage passif feront l'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ».

-  L'article 29 permet de délivrer une autorisation de séjour et, le cas échéant, une carte de résident à l'étranger qui porte plainte contre une personne pour proxénétisme à son encontre. Cette mesure, positive, avait été préconisée par la mission d'information commune sur les diverses formes de l'esclavage moderne. On rappellera, à cet égard, que les articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale (modifiés par l'article 39-I-5° de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) permettent à une personne dont l'audition pourrait mettre en danger la vie ou l'intégrité physique, ou celle de sa famille, de témoigner sans que son identité apparaisse dans la procédure.

Il conviendra d'agir, néanmoins, pour que le droit d'asile ne soit plus un moyen détourné permettant de séjourner abusivement sur le territoire français et, le cas échéant, de se livrer sur notre sol à des activités délictuelles. À cet égard, l'efficacité passe nécessairement par une réduction des délais d'instruction des dossiers : une réforme des procédures d'asile devrait être présentée au début de l'année prochaine.

L'article 29 bis prévoit, enfin, de réserver des établissements d'hébergement à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains. Cette avancée, qui complète les dispositions relatives à la traite adoptées par le Sénat, est un premier pas. Il doit être conforté, comme l'a recommandé la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, par des mesures d'accompagnement social visant l'ensemble des personnes prostituées et un réengagement de l'État dans la politique de prévention, d'accueil et de réinsertion de ces personnes, y compris en termes d'accès aux soins, au logement et à une formation professionnelle.

· Les paragraphes 2°, 3° et 4° du présent article étendent la protection spécifique prévue pour les mineurs aux personnes qui présentent une particulière vulnérabilité, apparente ou connue, due à une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. Les personnes qui solliciteraient, accepteraient ou obtiendraient de leur part, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles, seraient passibles des mêmes sanctions que les clients de prostitués mineurs.

Au total, le dispositif ainsi mis en place est à la fois équilibré et efficace. La création du délit de racolage permettra aux forces de police de retenir réellement et, le cas échéant, de sanctionner les personnes qui se livrent à la prostitution. Un dialogue pourra être établi avec elles sur la base d'une logique de « donnant/donnant », qui est la seule susceptible d'apporter des résultats en matière de démantèlement des réseaux. Dès à présent, des mesures sont prises pour protéger les personnes qui accepteraient de collaborer avec les services de police. Enfin, le renforcement de la protection des personnes vulnérables était attendu par les réseaux associatifs qui interviennent en matière de prostitution. Il est significatif, au demeurant, que l'examen de ces dispositions ait fait l'objet, au Sénat, d'un débat certes non consensuel, mais dont la qualité a été saluée par plusieurs orateurs, de la majorité comme de l'opposition.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur opérant une distinction dans l'intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal entre le proxénétisme et les infractions qui en résultent, comme le racolage (amendement n° 91).

Elle a ensuite adopté l'article 18 ainsi modifié.

Après l'article 18

Un débat s'est engagé sur l'amendement n° 2 de M. Georges Fenech créant un délit de participation à un groupement ayant pour conséquence des destructions de biens, ou des blessures, ou des voies de fait sur les personnes, puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. Son auteur a observé qu'il n'existait actuellement aucun instrument juridique permettant de combattre les violences urbaines, citant l'exemple d'affrontements récents avec la police où les auteurs ont été relaxés, faute de preuve d'infractions précises.

Tout en déclarant partager l'analyse de M. Georges Fenech sur le vide juridique actuel, le rapporteur a estimé préférable de présenter cet amendement dans le cadre du futur projet de loi sur la justice, ajoutant que, de manière plus générale, il souhaitait obtenir, lors de la discussion en séance du présent texte, des engagements précis du Gouvernement sur un certain nombre de dispositions.

M. Alain Vidalies s'est interrogé sur la constitutionnalité de la disposition proposée, rappelant la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la notion de responsabilité collective.

La Commission a alors rejeté l'amendement n° 2.

Article 19

(art. 322-4-1 [nouveau] du code pénal)

Installation sans titre sur un terrain

Le présent article sanctionne pénalement les personnes qui s'installent, en vue d'y établir une habitation, sur certains terrains communaux ou privés. S'agissant des communes, l'usage des dispositions proposées est lié à la mise en oeuvre des obligations prévues par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

1. L'accueil des gens du voyage

Bien qu'il soit souvent question des gens du voyage, cette population est encore mal appréhendée, tant sur le plan statistique que sociologique.

Les Tsiganes sont les plus nombreux : ils seraient, en France, un peu moins de 350 000, 35 % d'entre eux étant sédentarisés, 35 % semi-sédentarisés, 30 % se déplaçant continuellement. La plupart d'entre eux sont de nationalité française. Originaire du nord-ouest de l'Inde, cette population s'est déplacée vers l'Europe centrale aux environs de l'an 1000 du fait de l'invasion musulmane. Plusieurs vagues de migration vers l'Europe occidentale se sont ensuite succédé : la dernière, dans les années 1960, qui s'est accélérée depuis la chute du rideau de fer, concerne de nombreux tsiganes d'origine yougoslave et roumaine (42).

Cette communauté se divise en plusieurs sous-groupes : les Manouches, présents en Italie, en Allemagne, au Benelux et dans le nord et l'ouest de la France ; les Gitans, localisés dans la péninsule ibérique, en Italie et dans le sud de la France ; les Roms, implantés en Europe centrale et principalement concernés par les migrations récentes vers l'ouest du continent. Victimes d'une ségrégation féroce dans leurs pays et contraints à la sédentarisation après la seconde guerre mondiale, ces derniers ne sont plus des gens du voyage : devenus sédentaires, et réfugiés, ils ne souhaitent pas renouer avec un nomadisme auquel ils ont dû renoncer de longue date. Les Yéniches sont, pour leur part, d'origine germanique, mais ont adopté le mode de vie et les coutumes des Tsiganes.

L'accueil des populations itinérantes a toujours soulevé des difficultés. Une première tentative pour surmonter ce problème par la voie législative, en 1990, a échoué : l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement prévoyait que les communes de plus de 5 000 habitants devraient réserver des terrains affectés au séjour et au passage de ces populations, mais cette disposition n'avait pas de caractère contraignant et n'a guère été suivie d'effets.

La loi du 5 juillet 2000 a fixé un objectif plus ambitieux : réaliser les 30 000 places jugées indispensables. D'emblée, son article 1er affirme que : « Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles ». Un schéma départemental, devant être élaboré dans les 18 mois suivant la publication de la loi, en concertation avec les élus locaux, des représentants de l'État et des gens du voyage, doit déterminer les aires d'accueil permanentes à construire et à gérer :

-  les communes de plus de 5 000 habitants, qui figurent obligatoirement au schéma départemental, doivent réaliser les aires d'accueil à construire dans un délai de deux ans suivant sa publication, le préfet pouvant se substituer à elles en cas de carence ;

-  les communes de moins de 5 000 habitants ne sont pas soumises à cette obligation mais peuvent néanmoins se doter de capacités d'accueil.

L'effort communal ouvre droit à des aides financières, l'État prenant en charge 70 % des investissements nécessaires à la réalisation des aires et une fraction des frais de fonctionnement.

Par ailleurs, les communes inscrites au schéma départemental disposent, en contrepartie, de moyens renforcés pour lutter contre le stationnement illicite. Le maire peut interdire par arrêté l'installation des caravanes sur le reste du territoire communal. La saisine du juge civil, qui statue en la forme des référés et rend une décision exécutoire à titre provisoire, dans le cadre d'un contentieux unifié avec celui des terrains privés, permet de faire ordonner l'évacuation forcée des espaces occupés, de prescrire aux occupants de rejoindre l'aire d'accueil, voire de quitter le territoire communal. Le maire peut également faire appel au juge lorsque le stationnement illicite concerne un terrain privé sans avoir à constater la carence du propriétaire à agir, dès lors que la situation est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Au vu de l'ordonnance rendue par le juge, le préfet peut accorder au maire le concours de la force publique.

Pourtant, selon des informations transmises au rapporteur par le président de la Commission consultative des gens du voyage, avec lequel il s'est entretenu le 13 novembre dernier, les aires de stationnement et d'accueil sont encore inadaptées et trop peu nombreuses :

-  Il n'existe que 116 aires permanentes d'accueil (2 669 places) et 17 aires de grand passage. Les besoins d'accueil sont estimés par la Commission consultative à 35 434 places (1 482 aires, dont 1 243 à créer et 229 à réhabiliter) ; 246 aires de grands passage seraient nécessaires.

-  29 schémas départementaux seulement ont été signés, 12 devraient l'être prochainement, 42 sont en cours d'élaboration. On rappellera, pourtant, que les schémas auraient dû être conclus avant le 6 janvier 2002 et que, passé ce délai, l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 prévoit expressément qu'ils sont approuvés par le représentant de l'État dans le département.

2. Le dispositif proposé

Trop de communes sont confrontées à l'arrivée soudaine de dizaines, voire de centaines de caravanes, conduites par de grosses cylindrées, qui s'installent sans autorisation sur des terrains publics ou privés, ou à l'implantation de campements sédentarisés dans lesquels vivent en toute illégalité des populations souvent issues d'Europe centrale. Ces phénomènes provoquent, à juste titre, l'exaspération des populations concernées.

De fait, si le mode de vie des gens du voyages doit être respecté, bien qu'il soit parfois difficile à concilier avec les exigences d'une société sédentarisée, appartenir à une communauté quelle qu'elle soit ne permet pas de s'affranchir des lois de la République et d'occuper de façon indue des terrains publics ou privés.

Certes, les engagements pris dans le cadre de la loi du 5 juillet 2000 n'ont pas tous été tenus. Mais cet échec tient largement au fait que « l'équilibre entre droits et devoirs », pourtant évoqué à l'Assemblée nationale lors de son examen (43), n'a pas été atteint. En effet, les instruments mis à la disposition des maires pour obtenir, dès lors qu'ils remplissent leurs obligations d'accueil, le respect des propriétés privées ou communales, sont trop faibles. Les procédures d'expulsion par la voie civile sont coûteuses, en particulier pour les petites communes, longues et peu efficaces.

Le présent article vient opportunément compléter et, partant, équilibrer ce dispositif en créant, dans le code pénal, un article 322-4-1 qui rend passible de six mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende « le fait de s'installer, en réunion, en vue d'y établir une habitation, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations » qui lui incombent en application de la loi du 5 juillet 2000, « soit à tout autre propriétaire » (44). Par ailleurs, « lorsque l'installation s'est faite au moyen d'un véhicule automobile », il pourra être procédé à sa saisie, sous le contrôle du parquet, dans le cadre de la procédure, en vue de sa confiscation par la juridiction pénale.

Les personnes physiques coupables de ce délit encourront deux peines complémentaires : la suspension de leur permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et, comme on l'a vu, la confiscation définitive de leur véhicule. À cet égard, le Sénat a adopté un amendement de son rapporteur qui précise que le ou « les » véhicules utilisés pour commettre l'infraction pourront faire l'objet d'une confiscation. Un sous-amendement du Gouvernement a précisé que seuls les véhicules automobiles pourront faire l'objet de cette peine complémentaire, à l'exclusion de ceux destinés à l'habitation, pour des raisons constitutionnelles déjà évoquées à propos de l'article 5 du projet de loi.

Naturellement, ces mesures ne sont pas « réservées » aux gens du voyage : toute occupation illégale d'un terrain sera susceptible d'être ainsi sanctionnée. Mais il va de soi que ceux-ci sont concernés au premier chef, comme le relevait d'ailleurs la loi du 29 août 2002, qui prévoyait que : « Pour faire face aux difficultés liées à l'accueil des gens du voyage et afin de mieux protéger la propriété de chacun, le Gouvernement proposera de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des sanctions financières, il pourra être prévu, à titre complémentaire, la confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction ».

La procédure de la confiscation éventuelle des véhicules utilisés pour l'installation sur le terrain est une sanction adaptée. Toutefois, en cas de disproportion marquée entre la valeur du véhicule et les revenus de son propriétaire, il serait également souhaitable que ce dernier soit tenu de justifier des moyens et de la légalité de son acquisition. On rappellera, à cet égard, que le principe d'une imposition des revenus fondée sur les signes extérieurs de richesse est une procédure de droit commun en matière fiscale (article 168 du code général des impôts).

Enfin, un certain nombre d'interrogations s'étant manifestées, il n'est pas inutile de rappeler les précisions apportées par le ministre de l'intérieur, au Sénat, quant aux conditions d'entrée en vigueur du dispositif pour les terrains communaux :

-  En l'absence de schéma départemental, le dispositif prévu par le présent article ne s'applique que pour les terrains privés. Lorsque le schéma existe, le texte pénal s'applique pour les terrains appartenant aux communes de moins de 5 000 habitants qui n'y sont pas inscrites ; dans les communes de plus de 5 000 habitants, il ne peut être invoqué que si les aires prévues par le schéma ont effectivement été réalisées.

-  Dans l'hypothèse d'une arrivée de gens de voyage supérieure aux capacités prévues par une aire, « les véhicules qui se présenteront au-delà de ce contingent seront en situation irrégulière et les communes pourront recourir aux dispositions de la nouvelle loi ».

-  Les grands rassemblements traditionnels, évangéliques, ne sont pas concernés par les dispositions proposées. De fait, dans l'esprit même de la loi du 5 juillet 2000, il incombe à l'État d'intervenir pour assurer leur bon déroulement ; le ministre s'est engagé à continuer de mettre à leur disposition des terrains ainsi qu'un encadrement par la police ou la gendarmerie.

En définitive, le dispositif proposé s'inscrit bien, comme l'a indiqué, au Sénat, le ministre de l'intérieur, dans « un système gagnant-gagnant : les élus réalisent des équipements pour l'accueil des gens du voyage, et l'État, en contrepartie, leur garantit, par le biais d'une procédure, une application rapide et efficace de la loi ». Des droits sont reconnus mais, consécutivement, le respect de la propriété devra être assuré de façon systématique et exemplaire.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur, tendant à donner une nouvelle rédaction à cet article, afin, d'une part, d'apporter des garanties aux communes en prévoyant que les sanctions encourues en cas d'installation sans titre s'appliqueront également et immédiatement aux occupations de terrains appartenant à celles qui ne sont pas inscrites au schéma départemental, et, d'autre part, à préciser que les véhicules ou les biens ayant servi à commettre l'infraction ne pourront être restitués sans une justification préalable des moyens et de la légalité de leur acquisition.

La Commission a également été saisie d'un amendement de M. Guy Geoffroy, précisant que le dispositif pénal envisagé dans cet article s'applique en cas d'installation d'une habitation « même temporaire », l'auteur de l'amendement ayant souligné la nécessité de protéger les communes contre ces installations sans titre dès leur implantation, et d'un amendement de M. Christian Vanneste modifiant les modalités d'application des peines complémentaires.

Indiquant que, pour sa part, il souhaitait donner un caractère contraventionnel à cette infraction, M. Bruno Le Roux s'est interrogé sur les conséquences pratiques d'une saisie de véhicules appartenant aux personnes installées sans titre sur un terrain, avant que M. Etienne Blanc fasse observer que le dispositif envisagé se heurterait au fait que, dans bien des cas, les véhicules ayant servi à commettre l'infraction sont loués. M. Jean-Christophe Lagarde ayant indiqué que le jugement prévoira les modalités de dégagement du terrain concerné, le rapporteur a précisé que celui-ci pourrait être précédé d'une saisie conservatoire, avant de proposer que son amendement soit modifié pour tenir compte des suggestions de MM. Guy Geoffroy et Christian Vaneste.

La Commission a donc adopté l'amendement du rapporteur ainsi sous-amendé (amendement n° 93) et rejeté les amendements de MM. Guy Geoffroy et Christian Vaneste, devenus sans objet.

En conséquence, la Commission a rejeté les amendements nos 35, 43, 36 et 42 présentés par M. Etienne Mourrut, tendant respectivement à : étendre ce dispositif pénal à des installations qui ne sont pas faites en réunion et qui concernent des terrains appartenant au domaine public de l'État ou d'une collectivité territoriale ; préciser qu'il peut être procédé sur le champ à la saisie du véhicule par tout officier de police judiciaire ; prévoir des sanctions plus élevées lorsque les personnes ayant occupé sans titre un terrain ont commis des dommages aux biens. Elle a également rejeté les amendements nos 23 et 24 de M. Thierry Mariani, prévoyant la saisie et la confiscation non seulement des véhicules en cause, mais également des remorques et semi-remorques qui y sont attachées.

La Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Après l'article 19

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jérôme Bignon, défendu par M. Guy Geoffroy, tendant à protéger les sites classés en les excluant du schéma départemental qui détermine les zones d'implantation des aires permanentes d'accueil des gens du voyage.

Le rapporteur ayant jugé cette disposition excessive et rappelé que les sites classés bénéficient déjà d'une réglementation très protectrice, M. Jean-Pierre Blazy a considéré, pour sa part, que d'autres raisons, telles que la proximité d'installations aéroportuaires, pourraient également justifier une telle exonération. M. Jean-Christophe Lagarde a estimé que les dispositions relatives aux sites classés permettent d'ores et déjà d'atteindre l'objectif recherché par les auteurs de l'amendement, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une interdiction formelle et générale de construction.

La Commission a donc rejeté cet amendement, ainsi que l'amendement n° 44 de M. Etienne Mourrut, tendant à modifier l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage afin d'accroître l'efficacité de la procédure d'expulsion des occupants de leur habitation mobile et de leur véhicule automobile.

Article 19 bis (nouveau)

(art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)

Extension de l'ordonnance de référé à l'ensemble des personnes
installées sans titre sur un terrain

Le présent article a été adopté, au Sénat, avec l'accord du Gouvernement, à l'initiative de M. Jean-Claude Carle. Il complète le paragraphe II de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

On rappellera que cette disposition de la « loi Besson » permet au maire d'une commune inscrite au schéma départemental et respectant les obligations qui lui incombent d'interdire, par arrêté, l'installation des caravanes sur le reste du territoire communal. Lorsque ce « zonage » n'est pas respecté, il peut saisir le juge civil, qui statue en la forme des référés et rend une décision exécutoire à titre provisoire, pouvant ordonner l'évacuation forcée des espaces occupés, prescrire aux occupants de rejoindre l'aire d'accueil, voire de quitter le territoire communal. Le juge peut également être saisi par la commune lorsque le stationnement illicite concerne un terrain privé sans avoir à constater la carence du propriétaire à agir, dès lors que la situation est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique. Au vu de l'ordonnance rendue par le juge, le préfet peut accorder au maire le concours de la force publique.

Indépendamment de la lenteur et du coût de ces recours, il apparaît que les procédures sont souvent annihilées par des changements incessants d'occupants, qui ne sont donc pas tous visés dans l'ordonnance initiale rendue par le juge, voire par des difficultés d'identification des personnes présentes sur le terrain.

En conséquence, le présent article permet au juge, « lorsque le requérant démontre l'impossibilité absolue d'identifier » les occupants du terrain, d'étendre à l'ensemble d'entre eux les effets de l'ordonnance.

Tout en approuvant pleinement cette mesure qui complète opportunément le dispositif pénal institué par l'article 19 du projet de loi, le rapporteur a souhaité en faciliter la mise en oeuvre par un assouplissement des conditions requises. À son initiative, la Commission a adopté un amendement supprimant le caractère absolu que doit revêtir l'impossibilité, pour le requérant, d'identifier les occupants du terrain pour obtenir l'extension de l'ordonnance d'évacuation (amendement n° 94). Puis elle a adopté l'article 19 bis ainsi modifié.

Après l'article 19 bis

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Francis Delattre, tendant à compléter l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 afin de préciser que chaque arrondissement de Paris est tenu de mettre une aire d'accueil à la disposition des gens du voyage. L'auteur de l'amendement a indiqué que ce sont souvent les mêmes groupes qui séjournent dans les banlieues parisiennes tout en exerçant l'activité dont ils tirent leurs revenus dans la capitale, qui s'exonère de ses obligations d'accueil. Après avoir jugé cette proposition peu réaliste et estimé qu'elle devrait également concerner les autres grandes villes de France, M. Jean-Pierre Blazy a rappelé que la loi du 5 juillet 2000 prévoyait déjà, s'agissant de l'Ile-de France, une coordination des schémas départementaux. M. Bruno Le Roux a indiqué que cet amendement soulevait la question de la nécessaire mise en place d'une péréquation entre les collectivités afin d'assurer une participation de celles d'entre elles qui n'assurent pas l'accueil des gens du voyage au financement de celui-ci par les autres collectivités. Tout en jugeant que cet amendement permettait de prendre la mesure des difficultés auxquelles sont confrontées les communes qui accueillent les gens du voyage, le rapporteur a jugé qu'il serait difficilement applicable et s'est interrogé sur sa recevabilité financière. La Commission a donc rejeté cet amendement

Article additionnel après l'article 19 bis

(art. 9 bis [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)

Compétence du maire d'une commune non inscrite
au schéma départemental pour faire évacuer un terrain privé

La Commission a été saisie de deux amendements identiques - le premier présenté par Mme Marie-Jo Zimmermann (amendement n° 12) et le second par Mme Maryse Joissains-Masini (amendement n° 96) - tendant à compléter la loi du 5 juillet 2000, afin de permettre aux maires de communes non inscrites au schéma départemental de se substituer aux propriétaires privés pour faire ordonner l'évacuation forcée d'un terrain.

M. Jean-Christophe Lagarde ayant rappelé le coût dissuasif des procédures d'évacuation pour les petites communes, M. Jean-Pierre Blazy a approuvé cette observation tout en indiquant que la loi du 5 juillet 2000 prévoyait déjà des possibilités d'action pour les maires et en exprimant la crainte que l'amendement ne conduise à déresponsabiliser les propriétaires privés. Le rapporteur ayant précisé que la loi du 5 juillet 2000 n'octroie cette compétence qu'aux communes inscrites au schéma départemental, la Commission a adopté ces amendements.

Article additionnel après l'article 19 bis

(art. 313-6-1, 313-7, 313-8 et 313-9 du code pénal)

Délit de mise à disposition d'un tiers
d'un bien immobilier appartenant à autrui

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur, tendant à rendre passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende la personne qui met à disposition d'un tiers, moyennant rémunération ou avantage en nature, des logements qui ne lui appartiennent pas.

Rappelant que cet amendement reprenait une disposition qui figurait dans l'avant-projet de loi, le rapporteur a insisté sur les difficultés que posent ces agissements aux maires et bailleurs sociaux et sur les injustices ainsi créées au détriment des ménages les plus modestes. Il a, en outre, souligné que l'amendement ne tendait pas à sanctionner le squatteur mais bien « le marchand de sommeil » qui organise ce commerce.

Se déclarant favorable à cet amendement compte tenu de la multiplication de ces pratiques, M. Jean-Christophe Lagarde a estimé que la seule sanction des personnes qui mettent à disposition ces biens ne suffit pas et a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur la possibilité de sanctionner ceux qui, à plusieurs reprises, occupent un logement dans de telles conditions ; il a indiqué qu'il soumettrait une proposition en ce sens à la Commission lors de la réunion qu'elle tiendra en application de l'article 88 du Règlement.

Après que M. Francis Delattre eut approuvé ces observations, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 95).

Article 20

(art. 433-3 du code pénal)

Menaces et actes d'intimidation commis
contre les personnes exerçant une fonction publique

Le présent article renforce les sanctions applicables en cas de menaces ou d'actes d'intimidation à l'encontre des personnes exerçant une fonction publique.

Actuellement, le premier alinéa de l'article 433-3 du code pénal rend passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre des personnes suivantes : magistrat, juré, avocat, officier public ou ministériel, militaire de la gendarmerie, fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. La menace doit être proférée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions de la personne et être soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet. La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsqu'il s'agit d'une menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes.

L'article 20 du projet de loi renforce ce « régime de protection » qui apparaît, en effet, trop restrictif, en particulier du fait de son champ d'application limité et des conditions de réitération ou de matérialisation qui sont exigées. Les trois modifications apportées au droit existant sont présentées ci-après.

· Pour être punissable au titre de l'article 433-3 du code pénal, la menace pourra être proférée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions de la personne ou, le cas échéant, « à l'encontre et du fait de ses fonctions ».

· Le bénéfice du dispositif est étendu au conjoint, aux ascendants, aux enfants et à toute autre personne vivant habituellement au domicile du titulaire de la fonction publique, ainsi qu'aux gardiens assermentés d'immeubles ou de groupes d'immeubles.

Le Sénat a accentué la portée de cette mesure en adoptant trois amendements :

-  le premier, de M. Michel Charasse, ajoute à la liste précitée les « personnes investies d'un mandat électif public » ;

-  le deuxième, présenté par son rapporteur, étend la protection à tous les gardiens d'immeubles, y compris les gardiens non assermentés des immeubles sociaux ;

-  le troisième, de M. Michel Dreyfus-Schmidt, fait référence à l'ensemble des « descendants en ligne directe » des personnes exerçant une fonction publique, et non pas uniquement à leurs enfants.

· Enfin, il n'est plus exigé que la menace soit réitérée ou matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.

Ces mesures sont de nature à contenir le développement des menaces proférées à l'encontre des agents qui incarnent l'autorité publique ou qui assument des missions de service public. De fait, au Sénat, le ministre de l'intérieur a indiqué que les « outrages » aux personnes exerçant une fonction publique ont progressé de 16 % en 1998, 13 % en 1999, 15 % en 2000 et 7 % l'année dernière.

La Commission a adopté un amendement de M. Christian Vanneste, tendant à ajouter à la liste des personnes à l'encontre desquelles proférer des menaces ou accomplir des actes d'intimidation fait l'objet de sanctions aggravées les sapeurs-pompiers et pompiers volontaires, bien que le rapporteur et le président Pascal Clément aient considérés que ces personnes étaient déjà visées par le texte (amendement n° 97).

Elle a également adopté un amendement du rapporteur tendant à inclure dans cette liste certains gardiens d'immeubles, les agents d'un exploitant de réseau de transports et des professionnels de santé (amendement n° 98).

Elle a, en revanche, rejeté l'amendement n° 37 de M. Etienne Mourrut tendant à y inclure les agents exerçant une activité de surveillance, de gardiennage ou de transports de fonds, le rapporteur ayant jugé cette précision inutile.

La Commission a ensuite adopté l'article 20 ainsi modifié.

Articles 20 bis et 20 ter (nouveaux)

(art. 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal)

Aggravations de peines en cas de meurtre, de violences ou de menaces

Le Sénat a adopté, avec l'accord du Gouvernement, deux amendements présentés par son rapporteur qui transposent sur plusieurs articles du code pénal prévoyant des peines aggravées lorsque des infractions sont commises à l'encontre de personnes exerçant une mission ou une fonction publique les changements introduits par l'article 20 en ce qui concerne les menaces.

En effet, en droit, les sanctions prévues par le code pénal pour plusieurs infractions sont aggravées lorsque celles-ci sont commises à l'encontre de certaines personnes :

-  Les infractions concernées sont : le meurtre (article 221-4 du code pénal) ; les tortures et actes de barbarie (222-3) ; les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (222-8) ; les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (222-10) ; les violences ayant entraîné une incapacité de travail pendant plus de huit jours (222-12) ; les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail (222-13).

-  Les sanctions sont aggravées lorsque les infractions précitées sont commises, notamment, sur un mineur de quinze ans, une personne vulnérable, un ascendant, un témoin, une victime ou une partie civile. Sont également visées les personnes exerçant une fonction ou une mission publique (magistrat, juré, avocat, officier public ou ministériel, militaire de la gendarmerie, fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire, agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public).

Les amendements adoptés par le Sénat étendent ces dispositions, par coordination avec les mesures mises en oeuvre à l'article 20, aux gardiens d'immeubles et aux médecins (article 20 bis), ainsi qu'aux familles des personnes précitées (article 20 ter).

À l'article 20 bis, la Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur ajoutant à la liste des personnes à l'encontre desquelles commettre des violences fait l'objet de sanctions aggravées, les gardiens d'immeubles et certains professionnels de santé. Le président Pascal Clément ayant suggéré d'y inclure les pompiers, M. Jean-Pierre Blazy s'est interrogé sur la dénomination de « gardien assermenté » figurant dans l'amendement. Le rapporteur a précisé que les pompiers étaient déjà protégés, puisqu'ils sont considérés comme des personnes chargées d'une mission de service public, et que certains bailleurs étaient tenus à des obligations de gardiennage ou de surveillance. M. Christian Decocq s'étant interrogé sur l'opportunité d'inclure dans cette liste les gardes-chasse fédéraux, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 99), tout en se réservant la faculté de le modifier ultérieurement pour en préciser la teneur. Puis elle a adopté l'article 20 bis ainsi modifié.

À l'article 20 ter, la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 100).

Elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 21

(art. L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation)

Incrimination des attroupements portant atteinte à la libre circulation
dans les parties communes d'immeubles

Le présent article tend à renforcer les moyens d'action de la police et de la gendarmerie pour rétablir l'ordre, en tant que de besoin, dans les parties communes des immeubles collectifs d'habitation. Il met en place, à cet effet, une sanction pénale qui ouvre des possibilités nouvelles en termes de placement en garde à vue et de punition des agissements les plus répréhensibles.

1. Le cadre inachevé de la loi du 15 novembre 2001

La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne comporte deux dispositions qui étaient supposées renforcer la sécurité des « halls d'immeubles » :

-  son article 51 permet aux services de police municipale de bénéficier d'une autorisation d'accès permanente, au même titre que la police et la gendarmerie nationales, dans les immeubles collectifs d'habitation (article L. 126-1 du code de la construction et de l'habitation) ;

-  son article 52 prévoit que les propriétaires ou exploitants de locaux d'habitation qui respectent leurs obligations en matière de sécurité peuvent faire appel aux services de la police ou de la gendarmerie nationales (mais pas de la police municipale) en cas d'occupation des espaces communs par des personnes qui entravent l'accès ou nuisent à la sécurité et à la tranquillité des lieux (article L. 126-2 du code de la construction et de l'habitation).

Les obligations des bailleurs ont été fixées par deux décrets consécutifs.

Le décret n° 2001-1361 du 28 décembre 2001 (article R. 127-1 du code de la construction) prévoit des obligations de gardiennage ou de surveillance. Il concerne les bailleurs qui gèrent cent logements locatifs ou plus dans un même ensemble d'immeubles situé soit dans une zone urbaine sensible, soit dans une commune dont la population dépasse 25 000 habitants ou comprise dans une aire urbaine regroupant au moins 50 000 habitants et dont au moins une commune compte plus de 15 000 habitants.

Le décret n° 2002-824 du 3 mai 2002 (article R. 127-5 du code de la construction et de l'habitation) détermine les mesures que les bailleurs doivent prendre pour éviter les « risques manifestes » pour la sécurité et la tranquillité des locaux (éclairage des entrées et parties communes, installation et entretien de systèmes limitant l'accès aux parties communes, aux caves et parcs de stationnement intérieurs).

Cette logique de complémentarité s'est révélée, néanmoins, totalement déséquilibrée, dès lors que la contrepartie accordée aux bailleurs, à savoir la possibilité d'une intervention de la force publique dans les halls d'immeubles, n'a pas été confortée par la mise en place d'une sanction pénale : le refus d'obtempérer aux injonctions des forces de l'ordre destinées à mettre fin à l'occupation indue des espaces communs n'est pas spécifiquement réprimé.

2. L'incrimination des attroupements portant atteinte à la libre circulation dans les parties communes d'immeubles

L'insuffisance du cadre d'intervention des forces de l'ordre est intolérable. Elle discrédite l'action de la police et de la gendarmerie et néglige les difficultés rencontrées, chaque jour, par des millions de Français : le stationnement de groupes, parfois menaçants, dans les parties communes des immeubles d'habitation, et l'utilisation qu'ils peuvent faire de ces lieux pour se livrer à divers trafics, sont des réalités quotidiennes dans certains quartiers. C'est la raison pour laquelle, dans la loi d'orientation du 29 août 2002, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de mieux réprimer ce type de comportements.

À cet effet, le présent article propose d'insérer, dans le code de la construction et de l'habitation, un article L. 126-3 qui rend passible de deux mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende : « les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l'entrave apportée, de manière délibérée, à l'accès et à la libre circulation des personnes ou au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, lorsqu'elles sont commises en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d'escaliers ou autres parties communes d'immeubles collectifs d'habitation ».

Cette disposition est très attendue. Le rapporteur considère qu'il était urgent, en effet, d'instituer un dispositif pénal pour permettre à l'État de rétablir l'ordre dans des lieux dont il s'est trop longtemps désintéressé. Dans le même temps, il observe que les interventions des forces de sécurité devront nécessairement prendre en compte la présence ou l'absence de lieux et de structures d'accueil pour les jeunes, afin de garantir une bonne articulation entre leur besoin, voire leur droit, de se réunir, et le devoir de ne pas troubler la tranquillité publique.

La Commission a adopté deux amendements identiques, le premier de M. Daniel Garrigue (amendement n° 45) et le second du rapporteur (amendement n° 101), tendant à permettre aux polices municipales d'intervenir également dans les parties communes des immeubles d'habitation pour disperser les rassemblements hostiles au même titre que la gendarmerie et la police nationales.

En revanche, la Commission a rejeté l'amendement n° 38 de M. Etienne Mourrut, étendant le délit institué à l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation aux faits commis devant les vitrines et entrées de locaux professionnels.

Puis la Commission a adopté l'article 21 ainsi modifié.

Après l'article 21

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde, créant un délit sanctionnant l'organisation de squats contre rémunérations, le rapporteur ayant indiqué que cette suggestion était déjà satisfaite par l'amendement adopté par la Commission après l'article 19 bis.

Article 22

(art. 225-12-5 et 225-12-6 [nouveaux], 225-21 et 227-20 du code pénal)

Incrimination de l'exploitation de la mendicité

Le présent article crée une nouvelle incrimination pénale destinée à sanctionner l'exploitation de la mendicité. Il traduit, au même titre que les dispositions relatives à la lutte contre le proxénétisme, la volonté du Gouvernement de combattre les filières mafieuses qui tirent profit de la misère d'autrui.

· Le paragraphe I insère, dans la partie du code pénal relative aux atteintes à la personne humaine, après les dispositions afférentes au proxénétisme et au recours à la prostitution d'un mineur, une nouvelle section consacrée à « L'exploitation de la mendicité ». Celle-ci comprendrait trois articles, dont le contenu est présenté ci-après.

L'article 225-12-5 définit la nouvelle incrimination d'exploitation de la mendicité comme le fait :

-  d'organiser la mendicité d'autrui en vue d'en tirer profit ;

-  de tirer profit de la mendicité d'autrui, d'en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la mendicité ;

-  d'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle mendie ou continue de le faire.

Cette définition s'inspire de la qualification pénale du proxénétisme qui figure à l'article 225-5.

De même, comme en matière de proxénétisme (article 225-6), il est proposé d'assimiler à l'exploitation de la mendicité le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en exerçant une « influence de fait, permanente ou non », sur une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité : cette notion d'influence de fait a été substituée, au Sénat, à l'initiative de M. Michel Charasse, à celle de « relation habituelle » qui figurait dans le projet initial.

Le dernier alinéa de l'article 225-12-5 prévoit que l'exploitation de la mendicité sera passible de trois années d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

L'article 225-12-6 rend passible de cinq années d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende l'exploitation de la mendicité dans un certain nombre de cas jugés aggravants, c'est-à-dire lorsqu'elle est commise :

-  à l'égard d'un mineur ;

-  à l'égard d'une personne vulnérable en raison de son âge, de son état de santé ou de grossesse notamment, dès lors que cette vulnérabilité est apparente ou connue de l'auteur de l'infraction ;

-  à l'égard de plusieurs personnes ;

-  à l'égard d'une personne qui a été incitée à se livrer à la mendicité soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée en France ;

-  par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, par une personne exerçant une autorité ou abusant de ses fonctions ;

-  avec l'emploi de la contrainte, de la violence ou de manoeuvres dolosives sur la personne se livrant à la mendicité ou, au terme d'un amendement de M. Michel Charasse adopté par le Sénat, sur sa famille ;

-  par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, sans qu'elles constituent nécessairement une bande organisée.

Ces circonstances s'inspirent également de celles qui sont prévues en matière de proxénétisme par l'article 225-7 du code pénal.

L'article 225-12-7 a été ajouté, au Sénat, à l'initiative conjointe du rapporteur et du Gouvernement. Il porte les peines prévues en matière d'exploitation de la mendicité à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende lorsque les faits sont commis en bande organisée.

· Le paragraphe I bis du présent article modifie, par coordination, l'article 225-20 du code pénal relatif aux peines complémentaires encourues par les personnes reconnues coupables d'actes de proxénétisme ou de recours à la prostitution de mineurs, afin que celles-ci soient également applicables aux infractions prévues par :

-  la section 1 bis, relative à la traite des êtres humains, qui regroupe les dispositions du chapitre V bis du projet de loi ;

-  la section 2 ter, relative à l'exploitation de la mendicité.

On rappellera que ces peines complémentaires peuvent être, notamment, l'interdiction : des droits civiques, civils et de famille ; d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans le cadre de laquelle l'infraction a été commise ; de séjourner en France ; d'exploiter un établissement ouvert au public ou utilisé par celui-ci ; de détenir ou de porter une arme.

· Dans le même esprit, le paragraphe II modifie l'article 225-21 du code pénal afin d'étendre à la traite des êtres humains et à l'exploitation de la mendicité, ainsi qu'au recours à la prostitution d'un mineur, la peine d'interdiction du territoire français (ITF) qui n'est actuellement prévue que pour le proxénétisme.

On rappellera que l'ITF peut être prononcée soit à titre définitif soit pour dix ans au plus, dans les conditions fixées par l'article 131-30 du code pénal.

· Le paragraphe III abroge l'article 227-20 du code pénal relatif aux sanctions applicables en cas de provocation d'un mineur à la mendicité. Ce délit est en effet couvert par les nouvelles dispositions mises en oeuvre par le présent article.

On soulignera, pour conclure, que le délit d'exploitation de la mendicité fait partie des motifs énumérés par l'article 28 du projet de loi comme pouvant justifier un retrait de titre de séjour.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur tendant, d'une part, à étendre le champ d'application du délit d'exploitation de la mendicité aux personnes qui ne peuvent justifier l'origine de leurs ressources alors qu'elles sont en relation habituelle avec des personnes se livrant à la mendicité (amendement n° 102) et, d'autre part, à prévoir que le fait de commettre des violences ou pressions sur un tiers pour obliger une personne à mendier constituera une circonstance aggravante de ce délit (amendement n° 103).

Puis elle adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23

(art. 312-1 [nouveau] du code pénal)

Demande de fonds sous contrainte

Le présent article crée une nouvelle sanction pénale destinée à réprimer des faits communément qualifiés de « mendicité agressive ». Cette disposition s'inscrit dans le prolongement direct des orientations tracées par la loi du 29 août 2002, qui indiquait que : « Le Gouvernement se fixe pour objectif de mieux réprimer des comportements qui affectent particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens et se sont multipliés au cours des dernières années, tels que la mendicité agressive (...) ».

À cet effet, il est donc proposé d'insérer, dans le chapitre du code pénal consacré à l'extorsion, après les sections I relatives à l'extorsion elle-même et II relative au chantage, une section II bis afférente à la « demande de fonds sous contrainte », composée d'un article unique numéroté 312-12-1.

Au terme de cet article, sera passible de six mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende : « Le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien » (45).

Cette disposition est de nature à endiguer ces phénomènes de mendicité agressive qui tendent à se développer et face auxquels les élus locaux sont relativement désarmés, les arrêtés de réglementation ou d'interdiction qu'ils peuvent prendre n'étant passibles, en toute hypothèse, que de l'amende prévue pour les contraventions de la première classe.

Certes, cette nouvelle sanction recoupe en partie celle qui est déjà prévue par l'article 312-1 du code pénal en ce qui concerne l'extorsion de fonds, définie comme « le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ». L'extorsion de fonds est passible de sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende.

Il existe, néanmoins, des différences importantes entre ces deux délits qui justifient la distinction proposée.

Tout d'abord, la référence aux faits commis en réunion ou sous la menace d'un animal dangereux est spécifique à la « demande de fonds sous contrainte ». À cet égard, le choix est fait de laisser à la jurisprudence le soin d'apprécier la dangerosité des animaux éventuellement utilisés. Toutefois, ce terme générique englobe nécessairement l'ensemble des chiens visés par les textes réglementaires pris en application de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (46).

En second lieu, le nouveau délit vise essentiellement des comportements de voie publique, bien que cette précision n'apparaisse pas dans le texte proposé par le Gouvernement et adopté par le Sénat.

Enfin, il n'est pas inutile que le législateur affirme sa volonté de lutter spécifiquement contre la mendicité agressive en adoptant une incrimination ciblée sur ce type de comportements.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, tendant à préciser que le délit de mendicité agressive ne s'applique qu'aux faits commis sur la voie publique (amendement n° 104), puis l'article 23 ainsi modifié.

Articles 24 et 25

(art. L. 2215-6 et L. 2512-14-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)

Fermeture administrative des établissements
de vente à emporter d'aliments

Le développement sauvage d'établissements de vente à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place provoque d'incontestables nuisances de toutes natures dont souffrent les riverains et qui peuvent générer des troubles à l'ordre public.

Confrontés à cette situation, les services de police disposent de moyens d'intervention inadaptés. En effet, l'article L. 3332-15 du code de la santé publique confère au représentant de l'État dans le département le pouvoir d'ordonner, par arrêté, la fermeture de débits de boisson à la suite d'infractions aux lois et règlements qui leur sont applicables ou afin de préserver l'ordre, la santé ou la moralité publics. Cette décision de fermeture administrative, dont la durée ne peut excéder 6 mois, ne peut toutefois être prononcée qu'à l'égard des établissements disposant d'une licence de débit de boisson. Or, tel n'est pas le cas des établissements de vente à emporter qui, en conséquence, ne peuvent être sanctionnés que par une contravention de première classe, ce qui n'est guère satisfaisant et faiblement dissuasif.

Les présents articles du projet de loi tendent à apporter une réponse à ces difficultés en autorisant respectivement le préfet et le préfet de police de Paris, à prendre un arrêté de fermeture administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'encontre des établissements de vente à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place dont l'activité « cause un trouble à l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics ». À cette fin, ils insèrent deux nouvelles dispositions dans le code général des collectivités locales : l'article L. 2215-6, complétant les pouvoirs de police du préfet, et l'article L. 2512-14-1, complétant ceux du préfet de police de Paris.

De surcroît, afin de renforcer l'efficacité des mesures de fermeture administratives des établissements concernés, les seconds alinéa des articles précités du code général des collectivités locales disposent que le fait, pour le propriétaire ou l'exploitant, malgré une mise en demeure du préfet ou, le cas échéant du préfet de police, de ne pas procéder à la fermeture de l'établissement est puni de 3 750 euros d'amende.

La Commission a été saisie des amendements nos 28 et 29 de M. Dominique Tian, étendant aux restaurants, cafés et bars à musique les mesures de fermeture administrative prévues par les présents articles. Le rapporteur ayant indiqué que des dispositions similaires existaient déjà dans le code de santé publique, le président Pascal Clément a souligné qu'elles tendaient à protéger les voisins de ces établissements, mais qu'elles n'étaient pas appliquées. La Commission a rejeté ces amendements, tout en chargeant le rapporteur de préparer des amendements au code de la santé publique pour répondre aux préoccupations exprimées par leur auteur. Elle a, en revanche, adopté les amendements nos 39 et 40 de M. Etienne Mourrut, rendant applicable la fermeture administrative aux établissements de vente à emporter d'aliments, qu'ils soient sédentaires ou mobiles. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Thierry Mariani, étendant cette disposition aux épiceries et commerce de détail pratiquant la vente d'alcool.

Puis elle a adopté les articles 24 et 25 ainsi modifiés.

Après les articles 24 et 25

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani, tendant à modifier l'article L. 3322-9 du code de la santé publique afin d'interdire la vente d'alcool entre 22 heures et 6 heures dans les épiceries et commerces de détail. Elle a également rejeté l'amendement n° 30 de M. Dominique Tian, tendant à insérer après l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales un nouvel article permettant au préfet de prendre un arrêté de fermeture administrative de moins de trois mois à l'encontre des établissements, restaurants, cafés ou bars à musique, non titulaires d'une autorisation de musique et dont l'activité cause un trouble à l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics.

Article 26

(art. L. 217-2 du code de la consommation)

Incrimination de l'altération de signes
permettant l'identification de marchandises

Selon les statistiques de la criminalité constatée établies par le ministère de l'intérieur, les vols commis au mois d'octobre 2002 auraient diminué de 7,29 % par rapport à ceux commis au même mois de l'année passée. Si ces résultats sont particulièrement encourageants et témoignent de l'efficacité de la politique engagée par le nouveau Gouvernement, ils ne mesurent cependant qu'une évolution favorable et non un niveau qui, malheureusement pour les victimes, demeure encore particulièrement élevé. Ainsi, 212 000 vols ont été constatés au mois d'octobre de cette année et près de 2,5 millions l'ont été en 2001, en progression de 8,04 % par rapport à l'année 2000. Cette catégorie représente les deux tiers des faits constatés et sa hausse constatée en 2001 tient, notamment, à l'inquiétant accroissement des vols avec violence subis par les particuliers sur la voie publique, et tout spécialement des vols de téléphones portables.

La lutte contre cette forme massive de délinquance relève, au premier chef, de la responsabilité de l'État, qui doit également s'appuyer sur les initiatives des professionnels concernés. Ainsi, certains opérateurs de téléphonie mobile ont élaboré des dispositifs techniques dont la mise en oeuvre permet la neutralisation à distance des téléphones grâce à l'activation d'un numéro d'identification inséré dans les boîtiers. Toutefois, d'ingénieuses modifications électroniques permettent de modifier ce numéro et, en conséquence, entravent la neutralisation des téléphones portables sans pour autant que leurs auteurs puissent faire l'objet de sanctions pénales, ce qui n'est pas acceptable.

En effet, l'article L. 217-2 du code de la consommation punit de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 euros d'amende quiconque qui aura frauduleusement supprimé, altéré ou modifié les noms, signatures, monogrammes, lettres, chiffres, numéros de série, emblèmes, signes de toute nature « apposés » sur les marchandises et servant à les identifier. Or, s'agissant des numéros d'identification des téléphones portables, ils ne sont pas apposés mais insérés dans les circuits et s'appuient sur des dispositif électroniques interactifs que la rédaction de l'article précité ne prend pas en considération.

C'est pourquoi, le présent article propose une nouvelle rédaction de cet article du code de la consommation qui, tout en reprenant l'énumération actuelle, précise que les différents signes servant à identifier les marchandises peuvent y être apposés « ou intégrés » et que la falsification qui est réprimée est celle qui entrave l'identification « de manière physique ou électronique » desdites marchandises.

Enfin, reprenant le droit en vigueur, la dernière phrase du nouvel article L. 217-2 prévoit que les complices de ce délit encourent les mêmes peines que l'auteur principal.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 27

(art. L. 32-5 [nouveau] et L. 39-2 du code des postes et télécommunications)

Neutralisation des terminaux mobiles volés

Ainsi que votre rapporteur l'a exposé dans ses commentaires de l'article précédent, la lutte contre le vol des téléphones portables doit, au-delà de l'existence et de la mise en oeuvre de mesures pénales adaptées, s'appuyer sur des dispositifs techniques pertinents élaborés par les professionnels. Or, les résultats d'ores et déjà obtenus en la matière demeurent partiels et le rapport sur les orientation de la politique de sécurité intérieure, annexé à la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure indique que, dans cette hypothèse, « il appartiendra au Gouvernement de prendre, si besoin est, les mesures nécessaires ». Tel est l'objet du présent article qui modifie à cette fin le code des postes et télécommunications.

Le 1° du premier paragraphe du présent article insère un article L. 32-5 nouveau qui oblige les opérateurs de télécommunications à « mettre en oeuvre les dispositifs techniques destinés à interdire, à l'exception des numéros d'urgence, l'accès à leurs réseaux ou à leurs services des communications émises au moyen de terminaux mobiles, identifiés et qui leur ont été volés ». À l'initiative de sa commission des Lois, le Sénat a complété ces dispositions par un second alinéa qui prévoit que l'officier de police judiciaire peut toutefois requérir des opérateurs, après accord donné par le procureur de la République ou le juge d'instruction, « de ne pas appliquer les dispositions » du premier alinéa relatives à la neutralisation des téléphones. Cette disposition s'explique par la volonté de la seconde chambre de prendre en considération l'hypothèse où le téléphone volé représente un moyen de suivre et d'identifier les criminels, auquel cas il semble fort opportun d'autoriser les services en charge des investigations à requérir le maintien en activité des téléphones volés.

Pour sa part, le 2° du même paragraphe modifie l'article L. 39-2 qui punit de 150 000 euros d'amende le fait de contrevenir aux dispositions de l'article L. 33-1 relatives à l'interdiction pour les personnes de nationalité étrangères et non membre de l'Union européenne d'acquérir plus de 20 % des parts des sociétés d'exploitation de réseaux de télécommunications ouverts au public. Afin de s'assurer de l'application des dispositions prévues par l'article L. 32-5 nouveau, le présent article complète l'article L. 39-2 en introduisant la possibilité de prononcer une amende délictuelle de 30 000 euros à l'encontre des sociétés qui contreviendraient sciemment à leur obligation de mettre en oeuvre les dispositifs techniques destinés à interdire l'accès à leur réseau ou à leurs services en cas de vol du terminal mobile. De surcroît, le dispositif proposé indique que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement de ce délit dans les conditions de droit commun prévues par l'article 121-2 du code pénal. En application des dispositions de l'article 131-38 du même code, la peine qu'elles encourent est l'amende d'un montant égal au quintuple de celui applicable aux personnes physiques, soit 150 000 euros.

Enfin, le second paragraphe offre un délai supplémentaire aux opérateurs de télécommunication pour l'élaboration des dispositifs techniques de neutralisation des téléphones volés en prévoyant que les dispositions prévues par le présent article entreront en application pour le territoire métropolitain le 1er janvier 2004 et seront complétées, le cas échant, par un décret en Conseil d'État précisant ses modalités d'application. S'agissant de l'entrée en vigueur outre-mer, ses modalités sont prévues par l'article 50 du présent projet.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 28

(art. 12 et 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)

Retrait de la carte de séjour temporaire - Reconduite à la frontière

Le présent article prévoit la possibilité de retirer le titre de séjour sous le couvert duquel certains étrangers sont autorisés à séjourner sur le territoire français, lorsqu'ils commettent des infractions graves ou que leur présence représente une menace pour l'ordre public. À cet effet, il modifie les articles 12 et 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

· Le paragraphe I complète l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de prévoir que la carte de séjour temporaire pourra être retirée à l'étranger ayant commis des faits de proxénétisme ou de racolage (articles 225-5 à 225-11 du code pénal), d'exploitation de la mendicité d'autrui (articles 225-12-5 et 225-12-6) ou de demande de fonds sous contrainte (article 312-12-1).

Annoncée par la loi d'orientation du 29 août 2002, qui faisait référence aux « mesures systématiques d'éloignement » et au « retrait définitif de tout titre de séjour » des auteurs étrangers de racolage actif ou passif, cette mesure doit permettre, plus largement, aux services de police, de lutter efficacement contre les délits précités, qui se développent souvent dans le cadre de réseaux mafieux internationaux.

S'agissant de la prostitution, la possibilité de retrait de la carte de séjour temporaire s'articule avec les dispositions prévues par l'article 29 du projet de loi, qui met en oeuvre une mesure, positive cette fois, d'octroi d'un titre de séjour à l'étranger qui porte plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis des faits de proxénétisme à son encontre.

On observera que l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit déjà le retrait de la carte de séjour de l'étranger ayant enfreint les dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail, qui interdit à tout employeur de faire travailler, directement ou indirectement, une personne non munie du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.

· Le paragraphe II complète l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de permettre aux préfets de prendre, par arrêté, une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger détenant un visa de court séjour (valable trois mois) ou non soumis à l'obligation de visa, et dont la présence sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public.

Cette disposition complète opportunément la précédente. On rappellera, en effet, qu'une proportion importante des étrangers qui se rendent coupables, en France, de proxénétisme, de racolage ou d'exploitation de la mendicité d'autrui, sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour, en particulier en qualité de ressortissant d'un pays dispensé de l'obligation de visa. Plus généralement, il ne saurait être question de tolérer la présence sur notre sol d'étrangers qui représentent, pour une raison ou pour une autre, une menace pour l'ordre public.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, étendant les possibilités de retrait du titre de séjour à de nouvelles infractions telles que la traite des êtres humains, l'exploitation de la mendicité en bande organisée ou les vols à la tire dans les transports collectifs de voyageurs (amendement n° 105).

En revanche, sur proposition de son rapporteur, elle a rejeté l'amendement n° 25 de M. Thierry Mariani, tendant à viser l'ensemble des faits revêtant une qualification criminelle ou correctionnelle tels que les violences, les agressions ou atteintes sexuelles, les trafics de stupéfiants, l'association de malfaiteurs, le terrorisme, le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité, l'extorsion de fonds, ainsi que les délits commis en bande organisée.

La Commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Après l'article 28

La Commission a rejeté l'amendement n° 41 de M. Etienne Mourut, tendant à modifier les articles du code pénal relatifs à la peine d'interdiction du territoire français, le rapporteur ayant considéré que des dispositions relatives à « la double peine » n'avaient pas leur place dans le présent projet de loi.

Article 29

Délivrance d'une autorisation de séjour à l'étranger
qui témoigne ou dépose plainte contre un proxénète

Le présent article prévoit la possibilité d'octroyer un titre de séjour à l'étranger qui porte plainte ou témoigne contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de proxénétisme (articles 225-5 à 225-10 du code pénal), sous réserve que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public.

-  Dans un premier temps, l'étranger qui acceptera de porter plainte ou de témoigner se verra délivrer une simple autorisation provisoire de séjour.

On rappellera que les articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale (modifiés par l'article 39-I-5° de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) permettent à une personne dont l'audition pourrait mettre en danger la vie ou l'intégrité physique, ou celle de sa famille, de témoigner sans que son identité apparaisse dans la procédure. Par ailleurs, des dispositions sont prévues par le présent projet de loi afin de renforcer la prise en charge et la sécurité des victimes de la traite (chapitre V bis et article 29 bis).

-  Dans un second temps, le Sénat a prévu, à l'initiative de son rapporteur, que : « En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné ». La carte de résident, prévue à la section II du chapitre II de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a une validité de dix ans ; elle est renouvelable de plein droit.

On observera que rien n'est prévu lorsque la procédure engagée n'aboutit pas à la condamnation de la personne mise en cause, mais il va de soi que, dans cette hypothèse, l'administration pourra faire usage du pouvoir d'appréciation dont elle dispose en matière d'octroi des titres de séjour. Cette capacité a d'ailleurs été confirmée par le Conseil d'État dans ses avis du 10 mai et du 22 août 1996 : « L'autorité administrative a le pouvoir de procéder à une régularisation, sauf lorsque les textes le lui interdisent expressément (...). Ainsi, cette autorité peut prendre à titre exceptionnel, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, une mesure gracieuse favorable à l'intéressé, justifiée par la situation particulière dans laquelle le demandeur établirait qu'il se trouve ».

Au total, les mesures prévues par le présent article sont importantes car elles parachèvent le dispositif d'ensemble mis en place par le projet de loi pour lutter contre les réseaux : la transformation du racolage, actif ou passif, en délit, ouvrira des possibilités de placement en garde à vue ; la faculté de retirer (article 28) ou d'octroyer (article 29) un titre de séjour en fonction des informations communiquées sur les proxénètes doit permettre de démanteler les organisations mafieuses qui agissent sur notre sol.

De fait, la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers qui participent aux procédures répressives engagées contre le proxénétisme avait déjà été recommandée, sous la précédente législature, par la mission d'information sur les formes modernes d'esclavage (47). Par la suite, une disposition dans ce sens avait été inscrite dans la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui adoptée, en première lecture, par l'Assemblée nationale, le 24 janvier 2002.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur reconnaissant aux étrangers qui acceptent de porter plainte pour proxénétisme à leur encontre, outre le droit de séjourner sur le territoire national, celui d'y exercer une activité professionnelle. Après avoir rappelé que la Commission avait déjà décidé d'abaisser la peine encourue en cas de racolage, le rapporteur a fait valoir que ce complément relatif au droit au travail illustrerait de nouveau la volonté du Gouvernement et de sa majorité de réprimer les réseaux de proxénétisme et non pas leurs victimes, contrairement à ce que certaines personnes malintentionnées ont prétendu. Il a souhaité que les étrangers qui participent aux enquêtes de police sur lesdits réseaux puissent se voir offrir une chance réelle d'insertion.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 106) et l'article 29 ainsi modifié.

Article 29 bis

(art. L. 345-1 du code de l'action sociale)

Création d'établissements sécurisés pour les victimes
de la traite des êtres humains

À l'aune des auditions qu'a menées le rapporteur, la lutte contre les réseaux de la traite des êtres humains est un objectif partagé par tous, qu'il s'agisse des pouvoirs publics, des policiers, des associations de lutte contre la prostitution ou des associations de prostituées. Or, parce que ces réseaux ont recours à une violence inouïe à l'encontre des victimes et de leur famille, il est impérieux de mettre en oeuvre des dispositifs d'accueil les protégeant.

C'est pourquoi, à l'initiative de M. Michel Dreyfus-Schmidt, le Sénat a adopté le présent article qui complète l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), en prévoyant la création d'établissements « exclusivement réservés et sécurisés afin d'accueillir les victimes de la traite des êtres humains ». On rappellera que les CHRS, au nombre de 745 unités géographiques représentant 35 000 places, ont pour mission d'accueillir les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue des les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale.

Toutefois, compte tenu, d'une part, des risques physiques encourus par les personnes qui souhaitent s'extraire des réseaux de traite et, d'autre part, de leur situation de grande vulnérabilité psychologique et sociale, le rapporteur souhaite ardemment que de tels centres sécurisés soient rapidement mis en oeuvre mais aussi complétés par des mesures sociales d'aide aux victimes.

La Commission a adopté cet article sans modification.

-> 2ème partie du rapport

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N° 0508 - Rapport sur le projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence sur la sécurité intérieure (Sénat, 1ère lecture) (M. Christian Estrosi)

1 () Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

2 () Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

3 () Décret n° 2002-890 du 15 mai 2002 relatif au Conseil de sécurité intérieure.

4 () Décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance.

5 () Décret n° 2002-889 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

6 () Circulaire du 22 mai 2002 (C 02 00129 C) relative à la mise en place de groupes d'intervention régionaux.

7 () Les mesures de redéploiement Police-Gendarmerie rendues publiques le 9 décembre 2002 concernent les départements suivants : Charente-Maritime, Hérault, Loire-Atlantique, Loiret, Mayenne, Nord, Pyrénées-Atlantiques, Var et Vendée.

8 () Voir, à ce propos, l'étude consacrée à l'investigation dans le rapport n° 261 présenté par M. Gérard Léonard, au nom de la commission des Lois, sur les crédits de la sécurité intérieure (projet de loi de finances pour 2003).

9 () Assemblée nationale, 2ème séance du mardi 10 décembre 2002.

10 () Intervention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales le 20 novembre 2002 à l'occasion des 14ème rencontres de la gendarmerie à Montluçon.

11 () Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds.

12 () Les GIR ont été institués par une circulaire du 22 mai 2002 (C 02 00129 C). Selon la loi du 29 août 2002, ils ont pour mission de lutter contre la délinquance violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, en particulier dans les zones sensibles. Ils sont associés à la lutte contre les réseaux d'immigration clandestine et prennent en charge certains délits commis par les gens du voyage.

13 () Loi n° 94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale (article 4-II).

14 () La capacité d'attribuer la qualification d'officier de police judiciaire aux agents du corps de maîtrise et d'application (ACMA) a été reconnue par la loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998, sous réserve de trois années de service effectif, alors que seuls les fonctionnaires des deux autres corps actifs étaient susceptibles, auparavant, d'en bénéficier.

15 () Voir le rapport n° 3539 du 18 janvier 2002 de M. Julien Dray.

16 () Loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité.

17 () L. Favoreu et L. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 10e édition, page 348.

18 () 19e rapport d'activité de la CNIL pour 1998, p. 68.

19 () 21e rapport d'activité de la CNIL pour 2001, p. 88.

20 () Source : instruction d'application n° 02-4564 du 2 mai 2002 du directeur général de la police nationale.

21 () Rapport n° 36, 2002-2003, de M. Jean-Patrick Courtois, p. 48.

22 () Cf. article 3, § 2 de la directive.

23 () Article 2 du décret du 5 juillet 2001.

24 () Cf. article 3 du décret 2001-583 du 5 juillet 2001 portant création du STIC.

25 () Cf. p. 49 du rapport précité.

26 () JO débats Sénat, séance du 13 novembre 2002, p. 3723.

27 () La liste de ces personnels figure aux articles 16 à 29 du code de procédure pénale et dans de nombreux textes particuliers. Il s'agit notamment de la police des chemins de fer, des services en charge de la répression des fraudes, du contrôle de l'État en mer, des inspecteurs du travail ou des ingénieurs, chefs de district et agents techniques des eaux et forêts.

28 () Ces dispositions sont modifiées par l'article 13 du présent projet.

29 () Cf. JO débats Sénat, séance du 13 novembre 2002, p. 3746.

30 () Cf. rapport n° 36, 2002-2003, de M. Jean-Patrick Courtois, p. 54.

31 () Directive relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

32 () Délibération n° 97-003 du 14 janvier 1997 modifiée par la délibération n° 98-014 du 3 mars 1998.

33 () Cf. JO Débats Sénat, séance du 14 novembre 2002, p. 3856.

34 () Voir les articles 706-54 et suivants du code de procédure pénale, le décret n° 2000-413 du 18 mai 2000 et la circulaire du garde des Sceaux du 10 octobre 2000.

35 () Voir : Assemblée nationale, Débats, 3e séance du 26 avril 2001, J.O. pages 2472 et suivantes.

36 () « La valeur scientifique de l'utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire », rapport présenté par M. Christian Cabal, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, N° 3121, juin 2001.

37 () Rapport d'information n° 3459 du 12 décembre 2001.

38 () Cf. décision de la cour d'appel de Paris du 19 octobre 2000, citée dans le rapport n° 3552 du 23 janvier 2002 de Mme Christine Lazerges, p. 19.

39 () Cf. p. 34 du rapport n° 3459 du 12 décembre 2001.

40 () Circulaire du 22 mai 2002.

41 () Rapport d'information n° 3459.

42 () « Gens du voyage : quelles solutions ? », Journal des Maires, octobre 2002.

43 () Voir le rapport n° 1620 de Mme Raymonde Le Texier, présenté au nom de la commission des Lois (31 mai 1999).

44 () En vertu de l'article 40 de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sont passibles de la procédure de comparution immédiate les délits flagrants punis d'au mois six mois d'emprisonnement.

45 () En application de l'article 40 de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sont passibles de la procédure de comparution immédiate les délits flagrants punis d'au mois six mois d'emprisonnement.

46 () Voir, en particulier, l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code.

47 () Rapport précité n° 3485.

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2ème partie du rapport


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