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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 3 février 2010

Questions au Gouvernement

Première séance du mercredi 3 février 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Délocalisations et fermetures d’entreprises

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Notre pays connaît un marasme social, une dette record de 150 milliards d’euros et un taux de chômage exceptionnellement inquiétant.

M. Patrick Roy. Hélas!

Mme Sylvia Pinel. Les derniers chiffres s’accordent tous sur un point : c’est du jamais vu !

Dans ce contexte, on ne compte plus les Français qui subissent la précarité et l’injustice sociales. Nombreux sont, en effet, ceux qui, dans mon département comme ailleurs, ont perdu leur emploi ou, à l’image des salariés de l’entreprise montalbanaise Bouyer, se réveillent tous les jours en proie à l’angoisse de le perdre.

Voilà déjà plus d’un an que la crise financière nous a rattrapés. Derrière les belles promesses présidentielles et les cadeaux aux grands patrons, se cache, pour nos concitoyens, une cruelle réalité !

La réalité, aujourd’hui, c’est un million de chômeurs abandonnés par l’État et des sites de production qui ferment au profit d’entreprises toujours plus avides de rentabilité. L’économie virtuelle a supplanté l’économie réelle en balayant d’un revers toute considération sociale, familiale et humaine.

La stratégie est parfaitement rodée, et le mouvement malheureusement bien engagé, puisque tous les prétextes sont invoqués pour délocaliser nos emplois. C’est la logique poursuivie aujourd’hui par le plan « Ambition 2012 » du groupe AXA, qui révèle une volonté de transférer 1500 emplois au Maroc et organise, au passage, la fermeture d’un certain nombre de sites dont celui de Tarn-et-Garonne.

Le même objectif conduit EADS à exercer une pression déloyale sur ses PME sous-traitantes, jusqu’à les inviter à la délocalisation pour garantir le maintien de leurs contrats.

Alors, monsieur le Premier ministre, en matière d’emploi, pourquoi ne pas affronter la réalité, pourquoi ne pas dire la vérité et agir en sincérité face à la détresse de nos concitoyens victimes du pouvoir de quelques initiés? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour réguler l’économie de marché et prendre les décisions dont la France et les Français ont plus que jamais besoin? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.

M. Patrick Roy. Et de l’emploi sacrifié!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Madame la députée Sylvia Pinel, la réalité, c’est tout d’abord que, partant de votre département et de votre région, vous essayez de tout amalgamer.

Vous parlez, en premier lieu, de la compagnie d’assurance AXA, qui essaie, dans le dialogue avec ses salariés, de recentrer ses activités sur deux territoires de votre région. Lorsque l’on préside une région, lorsque l’on préside deux départements, il ne faut pas se défausser de ses responsabilités locales sur l’État. La question est de votre responsabilité, et non de celle de l’État. (« Très bien! » sur les bancs du groupe UMP.)

Vous mélangez ce dossier avec celui de l’entreprise industrielle Bouyer, spécialisée dans les composants électroniques, dont les salariés nous ont clairement signalé qu’ils soupçonnaient des transferts financiers peu clairs entre la société et ses actionnaires. Je le dis: si les actionnaires n’ont pas agi de manière correcte, il faudra que la justice puisse faire son travail. Nous y veillerons.

Quant au groupe EADS, qu’il me soit permis de vous rappeler que l’État n’a pas attendu la crise pour soutenir le secteur aéronautique. Aerofund II a été créé il y a deux ans déjà pour soutenir les sous-traitants aéronautiques en renforçant leurs fonds propres, et l’État soutient activement les programmes de recherche et de développement, vecteurs essentiels de l’activité électronique. Avec EADS, nous avons la chance d’avoir un vrai champion en Europe.

Permettez-moi donc simplement, madame la députée, de vous dire que je ne vous comprends pas (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) car, entre 1997 et 2002, alors que vous gouverniez la France avec M. Jospin et que nous étions en pleine croissance, vous n’avez pas saisi cette opportunité pour apporter votre soutien aux entreprises et lutter contre les délocalisations. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) En revanche, vous avez voté contre la suppression de la taxe professionnelle et le soutien à l’assouplissement des 35 heures, qui sont pourtant deux vraies mesures en faveur des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Programme de stabilité économique

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Madame la ministre, vous étiez hier à Bruxelles pour détailler votre programme de stabilité pour les années 2011, 2012 et 2013 et pour préciser quel chemin la France va emprunter pour réduire effectivement son déficit public de plus de cinq points et le ramener ainsi sous la barre des 3 % du produit intérieur brut.

Membre de la commission des affaires sociales compétente pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je souhaite rappeler – cela ne me semble pas inutile – que le déficit de l’État concerne également la sécurité sociale, à laquelle on consacre chaque année 50 milliards d’euros.

Le déficit public est donc l’affaire de tous, qu’il s’agisse des acteurs de la sphère publique, des acteurs de la sphère sociale ou des acteurs locaux. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a proposé, la semaine dernière, lors de la conférence des déficits publics, la constitution de groupes de travail chargés de porter un diagnostic partagé. Cet état des lieux doit nous permettre de définir les choix politiques qui permettront à notre pays de mettre enfin un terme à trente-cinq années de déficit structurel. Comme beaucoup de mes collègues, je déplore que les représentants des régions et des départements dirigés par la gauche aient refusé de participer à cette conférence.

Madame la ministre, à l’heure de la « règle des trois R » – relance, réforme et…

M. Patrick Roy. Ralentissement!

M. Jean-Pierre Door. …redressement –, pouvez-vous nous détailler le programme de stabilité que vous avez fait parvenir à la Commission européenne et nous réaffirmer votre engagement de mener une politique budgétaire qui nous permette de sortir de la crise et surtout de maîtriser nos dépenses publiques? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député Jean-Pierre Door, j’ai effectivement remis à la Commission européenne le programme de stabilité qui décrit notre stratégie budgétaire pour les trois années à venir, dans le cadre de nos prévisions économiques.

Elle repose sur trois piliers essentiels: tout d’abord, poursuivre la relance en 2010, comme nous le recommandent l’ensemble des organisations internationales; ensuite, restaurer les finances publiques, ce pour quoi tout un programme de redressement, dont j’ai pu communiquer le détail à la Commission européenne, avec notamment une règle d’équilibre que le Président de la République a souhaité instauré pour toutes les administrations, a été mis en place; enfin, poursuivre la réforme de l’économie pour agir non seulement sur les dépenses mais aussi sur les recettes. Il est question ici, non pas d’instaurer un prélèvement supplémentaire‚– nous nous y refusons car nous ne voulons pas étrangler la fragile croissance dont nous bénéficions actuellement –, mais de favoriser une croissance nouvelle, fondée sur l’innovation, l’amélioration de la productivité et de l’attractivité de la France. Ainsi pourrons-nous, à la faveur de cette croissance retrouvée, encaisser davantage de recettes.

Il est clair que, dans ce cadre-là, la réforme des retraites sera aussi un objectif important, détaillé dans le programme de stabilité.

Vous l’avez dit, s’engager contre les déficits publics, tous les déficits publics, est de la responsabilité de tous: État, organismes sociaux, collectivités locales, ces dernières étant bénéficiaires d’un certain nombre de deniers publics. Il est donc bien dommage que certaines collectivités territoriales n’aient pas jugé bon de s’associer à l’effort engagé par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Délocalisations

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le Premier ministre, les annonces de suppressions d’emplois sont récurrentes et des entreprises utilisent ce climat de crise pour restructurer afin d’augmenter leurs marges bénéficiaires. Elles suppriment des emplois, concentrent des productions, invitent leurs personnels à parcourir des centaines de kilomètres pour conserver leur emploi ou encore mettent en place des plans de délocalisation de productions à l’étranger.

Dans l’automobile, ce sont des sous-traitants de niveau 3, puis 2, enfin 1 qui délocalisent. Nous en arrivons au point où nous nous demandons quand les dernières usines d’assemblage et les bureaux d’études quitteront le pays. Ce qui est valable pour l’automobile l’est aussi pour l’aéronautique et d’autres industries.

Le Président de la République et le ministre chargé de l’industrie communiquent sur la sauvegarde de l’emploi industriel, mais la position de Total montre que ce cycle ne cessera pas de lui-même. Vos actions sur la fiscalité et autres exonérations de cotisations sociales n’y font rien, sauf à alimenter toujours plus les actionnaires.

Exclure du champ légal les licenciements économiques dans les entreprises ayant réalisé des bénéfices, distribué des dividendes ou reçu de l’argent public pour lesquelles vous n’avez exigé aucun engagement sur le long terme, créer un commissariat de planification écologique de l’économie, instaurer une taxe sur les produits réimportés calculée en fonction des écarts de salaires et de protection sociale entre pays: ce que vous nous présentez comme des victoires ne sont que des sursis à l’après élections régionales. Personne n’est dupe!

Quand le Gouvernement va-t-il assurer une réelle gouvernance de l’emploi industriel? En bref, monsieur le Premier ministre, que comptez-vous mettre en place pour garantir, le maintien, le développement, la mutation des emplois industriels dans notre pays?

On nous dit aussi que les choses bougent chez Renault, notamment Sandouville. Pouvez-vous nous éclairer aussi sur ce sujet? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Patrick Roy. Et des délocalisations!

M. le président. Monsieur Roy, je vous adresse, au titre de l’article 71 du règlement, un rappel à l’ordre! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez la parole, monsieur le ministre!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député, vous venez de souligner que le Gouvernement agit, ce dont je vous remercie puisque vous avez ainsi rappelé l’ensemble des initiatives qu’il a prises. Nous ne différons pas: Total réorganisera bien des activités qui maintiendront l’emploi de manière équivalente et qui développeront le site de Dunkerque sur la raffinerie des Flandres.

Puisque vous avez parlé de Renault, je vous répondrai plus précisément sur ce sujet.

Après avoir obtenu de la direction de Renault que la Clio 4 soit produite pour le marché français et pour une part du marché européen sur le site de Flins, le Président de la République, lors de sa visite à Sandouville, a pris l’engagement que ce site ne fermerait pas. Cet engagement sera respecté. J’ai reçu, hier, les représentants des salariés de Sandouville. Je rencontrerai, ce soir, le directeur général de Renault pour évoquer ce sujet.

Le véhicule haut de gamme – aujourd’hui, la Laguna et l’Espace et, demain, la nouvelle Safrane – et le véhicule utilitaire, pour lequel je vous rappelle que nous avons enregistré, au mois de janvier, une augmentation de 8 % de la production et de la vente par rapport à janvier2009 – ce qui démontre que nos entreprises se portent mieux – sont autant de productions que nous allons faire prospérer sur le site de Sandouville, grande plateforme logistique située au bord du Canal Seine-Nord et raccordée par le ferroviaire et le transport routier.

Oui, lorsque le Gouvernement volontaire agit avec une vraie stratégie industrielle, il préserve l’emploi et la production, en France, pour la France, au nom d’une grande industrie française! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Déficits publics

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, avec l'organisation de la conférence sur les déficits publics, le 28 janvier dernier, le Gouvernement vient de démontrer qu'il plaçait la réduction de nos déficits publics au cœur de ses préoccupations. Le groupe Nouveau Centre sera particulièrement vigilant sur les mesures qui seront mises en place, lors de la seconde conférence en avril prochain.

Je veux à mon tour, après Jean-Pierre Door, dénoncer l’attitude irresponsable de certains élus de l'opposition qui ont fait le choix de boycotter cette conférence. Je pense, bien sûr, aux présidents des assemblées des départements et des régions de France qui veulent se dégager de toute responsabilité dans l'aggravation du déficit des collectivités locales dont ils ont la charge et dont les dépenses augmentent au rythme de 6 % par an.

Mes chers collègues de l'opposition, une question aussi importante engage la responsabilité de tous les acteurs publics de notre pays. Faire d'un enjeu aussi décisif pour les générations futures une affaire politicienne et se renvoyer la balle pour savoir qui est coupable n'est pas acceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de Courson. Très bien!

M. Philippe Vigier. Le combat pour la réduction de nos déficits n'est pas l'apanage d'un parti; ce combat, ce n'est pas celui de la majorité contre l'opposition; ce combat, c'est celui de la France tout entière, face à elle-même et face à son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) L'Allemagne, notre principal partenaire, vient de prendre des mesures courageuses.

Mes chers collègues, il est un moment où il faut dépasser les clivages politiques habituels. Je tiens à saluer le courage du président de la commission des finances qui, dans un grand quotidien économique, a déclaré que l’État et les collectivités territoriales devaient retrouver ensemble le chemin du désendettement.

Monsieur le ministre, quelles règles le Gouvernement entend-il fixer avec les collectivités locales pour limiter l'évolution de leurs dépenses au moment même où le Premier ministre vient de transmettre à Bruxelles le programme de stabilité de la France pour la période 2010-2013? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le député, votre question nous appelle tout simplement à la responsabilité entre les acteurs de la dépense publique.

Le Président de la République a organisé, la semaine dernière, une conférence sur le déficit public.

M. Bruno Le Roux. Le trésorier de l’UMP!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Étaient présents les présidents de caisses de sécurité sociale, les représentants de l’État avec le Premier ministre et, bien évidemment, mais malheureusement uniquement, la représentation des maires de France. Les départements, comme les régions, ont, en effet, décidé de ne pas s’associer à cette conférence. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est bien regrettable. Ce n’est pas ainsi que l’on résoudra nos problèmes.

L’État est évidemment responsable d’une grande majorité de la dépense publique. (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. C’est le seul responsable!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il paie, en effet, tous les frais de fonctionnement de la nation. Quand un département décide de construire un collège, l’État paie les professeurs qui y enseignent. Il est, en conséquence, parfaitement naturel que l’État souffre d’un déficit supplémentaire.

De plus, quand l’État affronte une crise telle que celle que nous connaissons actuellement, c’est bien aussi lui qui joue, en réalité, le rôle d’absorbeur de crise pour les collectivités locales. Les collectivités locales ont-elles vu en grande partie leurs ressources publiques diminuer? Non, pas vraiment! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’État a, en effet, compensé les effets de la crise pour les collectivités locales, ce qui représente, pour lui, 60 milliards d’euros de recettes en moins! Il joue donc son rôle vis-à-vis des collectivités et il continuera à le faire.

Plusieurs députés du groupe SRC. Payez vos dettes!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il faut simplement que les collectivités acceptent à un moment donné d’avoir un débat responsable, un débat adulte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La conférence des finances publiques aura pour vocation, par l’intermédiaire d’un groupe qui en aura la charge, de purger les débats, de faire en sorte que les malentendus s’estompent pour que nous puissions, enfin, aboutir ensemble à de véritables solutions! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Disparition d’un opposant au Tchad

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, cela fait deux ans que je vous pose régulièrement la même et lancinante question: qu’est devenu Ibni Oumar Mahamat Saleh, arrêté le 3 février 2008 par les forces de l’armée tchadienne, et qui a disparu depuis lors sans que l’on ait obtenu la moindre information? Je veux d’ailleurs saluer la présence dans les tribunes de ses enfants. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

Que sont devenues les promesses du Président de la République, réitérées dans cet hémicycle à de nombreuses reprises par le ministre des affaires étrangères, d’obtenir que toute la lumière soit faite sur les conditions de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh?

Pourquoi les conclusions de la commission d’enquête rendues à l’été 2008 n’ont-elles pas subi le commencement du début d’une application?

La France, parce qu’elle a des liens particuliers avec le Tchad, sait ce qui s’est passé, et elle doit dire ce qui s’est passé. Seule la vérité nous permettra de briser le mur du silence qu’est en train d’ériger le régime tchadien autour du sort d’Ibni Oumar Mahamat Saleh.

En entrant dans cette assemblée, qui a voté un jour d’août la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, nous avons implicitement prêté le serment de dénoncer tous les attentats perpétrés contre les droits de l’Homme et de lutter contre eux. Ibni Oumar n’est pas simplement un opposant tchadien. Il est aujourd’hui le symbole de ceux qui sont suppliciés parce qu’ils luttent pour la liberté contre des régimes politiques qui n’ont aucun sens de leurs responsabilités et du respect de leurs peuples, et de ceux qui veulent les diriger dans le respect du droit.

Il ne faut plus nous proposer des réponses dilatoires. Ce n’est pas de la justice tchadienne que viendra la réponse. Êtes-vous prêt à déclassifier les documents qui nous ont été transmis par l’ambassade de France et les autorités militaires et qui sont de nature à nous dire comment et pourquoi Ibni Oumar Mahamat Saleh a disparu et a probablement été assassiné? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers autres bancs.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, en l’absence de Bernard Kouchner, qui m’a demandé de répondre en son nom, voici les éléments que je peux vous donner sur la situation de M. Ibni Oumar Saleh, deux ans jour pour jour après sa disparition lors des événements qui se sont déroulés au Tchad en février2008.

Comme vous le savez, trois personnes ont disparu lors d’une attaque de N’Djamena par des éléments rebelles, M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, le président Lol Mahamat Choua, retrouvé à la suite de l’intervention de la France, et M. Yorongar, que nous avons retrouvé au Cameroun. C’est donc le cas de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh qui mobilise aujourd’hui notre attention.

Le Président Sarkozy et Bernard Kouchner ont prouvé leur engagement personnel sur ce dossier depuis deux ans. Le ministre des affaires étrangères est intervenu à plusieurs reprises auprès du Président Deby dès février2008 (« C’est faux! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) pour que soient retrouvés les disparus politiques. Il a reçu et aidé Mme Saleh et ses enfants.

Les efforts de sensibilisation de la France semblent avoir été fructueux. Nous constatons une mobilisation constante des autorités tchadiennes pour rechercher la vérité. Le Premier ministre tchadien, M. Youssouf Saleh Abbas, s’est engagé à ce que tous les éléments soient livrés à la justice. Un expert français a participé à la rédaction du rapport de la commission d’enquête pendant l’été 2008…

M. Henri Emmanuelli. Et les résultats?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. …et les travaux d’enquête judiciaire en cours ont abouti à de nombreuses auditions. Il est d’ailleurs envisagé que le Président Deby apporte lui-même un témoignage.

Je n’oublie pas pour autant la situation de Mme Saleh et de ses enfants, que je salue. Leurs dossiers sont actuellement traités. Nous souhaitons qu’ils soient assurés de notre détermination à leur permettre de séjourner dignement et en sécurité sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas répondu à la question!

Sécurisation des établissements scolaires

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yanick Paternotte. Ma question s’adresse à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale.

Hier, une nouvelle fois, monsieur le ministre, l’Île-de-France a été le théâtre d’une violence scolaire. À Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, un lycéen a été projeté au sol, roué de coups et poignardé à la cuisse par sept individus qui s’étaient introduits dans l’établissement.

Récemment encore, dans ma circonscription, à Gonesse, le lycée René-Cassin a connu des situations de violence.

Depuis la rentrée scolaire, plusieurs lycéens ont été violemment agressés par des bandes de jeunes.

Or, s’il y a un lieu qui doit être protégé de toute forme de violence, un lieu qu’entre tous, il faut sanctuariser, c’est bien l’école.

Je déplore qu’hier, les collectivités locales, la région et le département, se soient renvoyé la balle sur le sujet, le département étant propriétaire du site et la région responsable du lycée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec Brice Hortefeux, vous avez souhaité sécuriser les abords des établissements à risque pour éviter les intrusions de bandes violentes. Ainsi, près de 200 collèges et lycées considérés comme particulièrement vulnérables ont élaboré des plans pour endiguer une violence qui ne s’arrête plus aux portes des établissements. Des mesures portant essentiellement sur les abords, les clôtures, voire la vidéo-prévention, ont donc été prises.

De plus, vous avez mis en place des équipes mobiles de sécurité qui viennent accompagner les personnels d’encadrement dans les lycées. Elles étaient d’ailleurs présentes dès hier sur les lieux de l’agression.

Malheureusement, il est impossible de se prémunir contre la violence lâche et aveugle. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les mesures déjà prises pour lutter contre ces faits intolérables qui traumatisent victimes et familles? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, l’agression dont a été victime hier un élève de troisième au sein de la cité scolaire Adolphe-Chérioux témoigne d’une nouvelle forme de violence que nous constatons dans les établissements scolaires: intrusion de membres extérieurs à un établissement et agression avec arme.

Quelque part, cette agression conforte la stratégie de sanctuarisation de nos établissements que j’ai mise en place avec Brice Hortefeux depuis la rentrée. Nous avons créé les équipes mobiles de sécurité, qui sont placées auprès des recteurs et interviennent sur les lieux de crise.

M. Jérôme Lambert. Elles arrivent après!

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Composées pour moitié de personnels de l’éducation nationale et pour moitié de personnels de la police et de la gendarmerie, elles peuvent, en amont,…

M. Jérôme Lambert. Non!

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. …empêcher des situations de dégénérer et sont appréciées sur le terrain.

Nous avons également mis en place avec l’Institut des hautes études de sécurité un programme de formation des personnels d’encadrement. Plus de 400 chefs d’établissement seront formés avant la fin de l’année aux situations de crise.

Enfin, nous avons accéléré le programme de diagnostic de sécurité dans les établissements, qui permet ensuite de prendre des mesures efficaces. Pour cet établissement, il avait été préconisé au mois de mai la mise en place d’une clôture, et je ne peux que regretter que, depuis, le département, qui est propriétaire du site, et le conseil régional, qui a la gestion des lycées, aient cru bon de temporiser sur ce sujet. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons besoin que chacun prenne ses responsabilités, l’État prendra les siennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Violence dans les stades

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Madame la secrétaire d’État chargée des sports, une succession d’événements graves ont affecté ces derniers mois et dernières semaines le déroulement de plusieurs matchs de football, certains ayant dû même être interrompus.

La violence avait, me semble-t-il, plutôt régressé ces dernières années, mais force est de constater qu’elle a repris de plus belle avec la saison actuelle, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des stades, et ce malgré tous les efforts déployés par les dirigeants des clubs et de la Ligue nationale de football ainsi que par les pouvoirs publics.

Les violences qui ont suivi le derby de la Côte d’Azur entre Nice et Monaco, samedi dernier, sont absolument inacceptables. Après le coup de sifflet final, ce ne sont pas moins de deux cents énergumènes qui ont envahi la pelouse du stade Louis II, s’en prenant violemment aux forces de l’ordre et tentant de s’approcher des supporters adverses. C’est clair: ces individus n’ont rien à faire dans les stades.

Le groupe du Nouveau Centre demande l’application stricte de la loi de 2006 qui permet aux pouvoirs publics de prendre des mesures préventives, comme cela se fait en Angleterre depuis déjà une dizaine d’années.

Chacun s’accorde à dire que la violence doit être bannie des stades et du sport en général. Le sport est porteur de valeurs positives, notamment pour la jeunesse. Aussi de telles dérives sont-elles tout à fait inacceptables.

Nous ne pouvons pas en rester à ce triste constat. Tous les acteurs concernés doivent agir de concert, et c’est dans ce cadre que nous attendons la fermeté requise à l’égard des fauteurs de troubles.

Nous avons pu noter, madame la secrétaire d’État, votre demande de dissolution des groupes de supporters en cause. Nous appuyons cette décision. La violence n’a pas sa place dans les enceintes sportives. Il faut permettre aux vrais supporters de se rendre au stade en toute sérénité, en famille, et ainsi protéger le sport.

Pourriez-vous par ailleurs nous indiquer les conclusions que vous inspire le congrès national des associations de supporters, organisé à votre initiative la semaine dernière au Stade de France? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports. Monsieur le député, ce week-end, l’image du football et de tous ceux qui aiment cette discipline a été une nouvelle fois défigurée. Ce ne sont pas des supporteurs qui ont provoqué les violences et dégradations au stade Louis II de Monaco; ce sont tout simplement des délinquants.

Lutter contre ce fléau est une nécessité. C’est la raison pour laquelle, depuis le début, je travaille en étroite coordination avec mes collègues de l’intérieur et de la justice. À la répression la plus ferme – je salue à cet égard la création par le ministre de l’intérieur de la division nationale de lutte contre le hooliganisme – j’ai choisi d’associer la voie du dialogue.

C’est d’une répression ciblée dont nous avons besoin. Pour cela, nous devons savoir agir avec ceux qui sont respectueux de la loi. Tel a été l’esprit du premier congrès des associations nationales de supporteurs qui s’est en effet tenu jeudi dernier au Stade de France et dont l’objectif était de réunir autour d’une même table, dans de mêmes groupes de travail, les instances du football, les associations de supporteurs et les pouvoirs publics. Toutes ces personnes ont clairement montré qu’il était possible d’établir un pacte de responsabilité entre ces différents acteurs.

Notre réponse aux événements de samedi sera très ferme. Toutes les mesures seront prises pour que ces excités au comportement inacceptable soient sévèrement sanctionnés dès que nous aurons reçu les résultats des enquêtes en cours.

Vous avez raison de souligner la nécessité d’appliquer la loi de 2006 de façon stricte et rigoureuse. Je peux vous assurer qu’avec Brice Hortefeux et Michèle Alliot-Marie, nous partageons la même fermeté.

Néanmoins il y n’a pas que le Gouvernement qui doive agir. Les instances du football doivent aussi appliquer leurs propres règles de diligence et de fermeté. C’est dans un effort de concertation que nous parviendrons à endiguer ces phénomènes de violence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Réforme des collectivités

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, député non inscrit.

Plusieurs députés du groupe de l’UMP . Une chanson!

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, j’appelle votre attention et celle du Gouvernement sur la réforme en cours des collectivités territoriales, de leurs compétences et moyens financiers, et de l’élection de leurs représentants.

Campagne électorale oblige, je laboure actuellement les terres d’Aquitaine. Je ressens un profond sentiment d’inquiétude au niveau des populations, en particulier celles du monde rural et des banlieues. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Ce sentiment est totalement différent de celui exprimé par la centaine de personnes qui répondent systématiquement à toutes les invitations de concertation préfectorale et qui ont fini par adopter le même discours que le nôtre.

Cette inquiétude tient surtout au problème de la présence et de la proximité de l’élu. Ces gens ont vu partir par vagues successives le curé (Murmures), l’instituteur, le bureau de poste, le petit commerce. Ils voient maintenant partir le médecin, qui sera suivi du pharmacien. Il leur reste leur mairie et la permanence du conseil général. (Mêmes mouvements.)

Faut-il suivre une fois de plus – peut-être la fois de trop? – les cartons de la technostructure qui aurait vendu ce projet à n’importe quel gouvernement? Ce projet de loi semble beaucoup plus entériner un état des lieux que préparer un destin à notre pays.

Est-ce cette France-là que les Français veulent vraiment? Les 500000 élus au suffrage universel de la France sont autant de sentinelles de la République. « Très bien! » sur les bancs du groupe SRC.) Ils traitent à la fois de l’homme et de l’intégrité de notre territoire. La majorité d’entre eux sont des bénévoles.

Ce vrai problème qui nous est posé n’a pas reçu, en l’état, de réponse à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, ainsi que vous le savez, le débat sur la réforme des collectivités territoriales est engagé en ce moment même – cet après-midi encore – au Sénat, et les principes en ont été adoptés puisque plusieurs articles ont d’ores et déjà été votés.

Une vérité que je souhaite vous rappeler, c’est qu’il n’est pas question d’opposer les territoires urbains aux espaces ruraux, ni aux élus ruraux, qui sont les premiers acteurs de proximité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce que nous proposons aux communes, c’est tout d’abord, de s’unir volontairement dans le cadre de l’intercommunalité, ce qui ne pourra que renforcer leur poids et leur rôle. (Mêmes mouvements.)

Ensuite, nous voulons – je le répète car cela a été souvent déformé ou mal présenté, parfois avec beaucoup d’arrière-pensées – réaffirmer le rôle des conseils généraux dans le soutien aux communes rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il est vrai que nous voulons mieux encadrer les financements croisés, mais c’est pour plus d’efficacité et de rapidité.

M. Henri Emmanuelli. Ouais, ouais!

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’ajoute, d’ailleurs, que nous renforcerons les mécanismes de péréquation au bénéfice des territoires les moins avantagés.

Enfin, le conseiller territorial siégera à la fois au conseil général et au conseil régional; il représentera donc non seulement la population mais aussi, ce qui répond à votre préoccupation, les territoires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La réforme est aujourd’hui engagée. Elle mérite un débat apaisé et serein. Ce qui dicte notre conduite, monsieur le député, c’est notre volonté d’alléger, de simplifier et de renforcer notre démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Participation des banques au plan de rigueur triennal

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, avant d’adresser ma question à Mme Lagarde, j’indique à M. Lellouche qu’il n’a pas répondu à la question de Gaëtan Gorce sur la déclassification des documents relatifs à la disparition de M. Mahamat Saleh.

M. Henri Emmanuelli. En effet!

M. Jérôme Cahuzac. En ne répondant pas, craignez, monsieur le secrétaire d’État, que les autorités françaises n’apparaissent comme ayant peur de l’émergence de la vérité. Nous en serions tous profondément désolés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Madame Lagarde, ma question porte sur deux sujets: la taxation des banques et le plan d’austérité triennal que vous venez de transmettre aux autorités communautaires à Bruxelles. Mais ces deux sujets n’en font qu’un en réalité: celui de la juste répartition des efforts que les Français vont devoir consentir pour rétablir nos finances publiques, qui sont dans une situation que notre pays n’a jamais connu, même en temps de guerre.

Depuis dix ans, les banques cotisent à un fonds de garantie des déposants. Cette disposition, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, a pour but de sécuriser l’argent que les Français confient aux banques. Depuis l’année dernière, l’opposition vous demande de taxer les banques qui ont su trouver l’adresse des Français quand il s’est agi de leur demander de les sauver, mais qui semblent aujourd’hui les ignorer, avec votre concours, quand il s’agit de contribuer à l’effort de redressement du pays. Or depuis la semaine dernière, nous savons qu’en dépit de votre engagement, vous avez décidé de confondre et l’une et l’autre, c’est-à-dire de ne pas demander d’effort supplémentaire au secteur bancaire.

Madame Lagarde, vous faites cela au moment où vous transmettez à Bruxelles un plan de rigueur triennal qui va frapper tous les Français. Dès lors que vous refusez de demander aux banques d’y contribuer, dites-nous quels efforts vous allez demander aux fonctionnaires en matière de politique salariale, aux hôpitaux en matière de politique de l’emploi, aux retraités en matière de revalorisation des pensions? Je ne vous pose même pas la question de ce qu’il en sera pour les collectivités locales puisque vous avez décidé d’en faire la variable d’ajustement et le coupable de la situation des finances du pays alors même que c’est l’État, et non pas elles, qui s’est endetté.

M. Richard Mallié. C’est de la paranoïa, monsieur Cahuzac!

M. Jérôme Cahuzac. Je vous remercie, madame la ministre, de nous dire ce que sera ce plan de rigueur triennal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Christine Lagarde pourrait comme moi répondre à cette question, mais nous allons nous répartir la tâche: elle répondra à tout ce qui relève des banques dans quelques minutes, lors de la reprise de la discussion sur le collectif. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Vous ne dites pas un mot de l’effort des banques dans le collectif!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Monsieur Cahuzac, un mot d’abord sur la dépense publique. Celle-ci est évidemment très importante en France, nul ne peut le contester. Notre dépense publique par habitant est une des plus importantes au monde. L’effort que nous devons impulser, et dont nous avons informé les autorités européennes, doit porter sur deux points.

Tout d’abord, il s’agit d’assurer la reprise. C’est la priorité absolue car sans croissance, il n’y a pas de lutte possible contre les déficits publics, ni en France ni dans aucun autre pays en Europe.

M. Jean-Paul Lecoq. Arrêtez le gâchis financier!

M. Éric Woerth, ministre du budget . La croissance constitue donc un élément primordial, et c’est sur ce point que le Gouvernement de François Fillon concentre son énergie et toutes les énergies de l’État.

Et puis nous devons bien évidemment ne pas choisir le chemin de l’augmentation des impôts, dans un pays déjà surtaxé. Nous devons choisir celui de la réduction de la dépense. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Mais la réduction de la dépense ne signifie pas pour nous des coupes brutales ou claires: il s’agit de contenir, de maîtriser et de piloter l’évolution de cette dépense. En France, la dépense publique représente environ 16500 euros par habitant; elle progresse, bon an mal an, quoique l’on fasse, de 500 à 700 euros chaque année. Pour revenir à une situation financière plus tenable, il faut diviser par deux le rythme de cette évolution.

Il ne s’agit donc pas d’un plan de rigueur, mais d’une manière sérieuse de voir les choses. Les Français n’auront pas à se serrer la ceinture comme vous et vos collègues le dîtes parfois.

M. Henri Emmanuelli. Si!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous ferons simplement en sorte que la dépense publique soit mieux maîtrisée. C’est la clef de la réforme des finances publiques en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Raymond Durand. Très bien!

Logements sociaux

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Carré. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme.

Monsieur le secrétaire d’État, ce matin vous présentiez la nouvelle politique en matière de construction de logements sociaux en faisant le parallèle avec le plan de cohésion sociale initié par Jean Louis Borloo. En 2009, 120000 logements sociaux ont été lancés et financés. C’est près de trois fois plus qu’il y a dix ans, époque où pourtant la situation économique n’était pas la même qu’aujourd’hui. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Albert Facon. Allons, monsieur Carré!

M. Olivier Carré. Malgré tout, le bilan actuel ne doit pas occulter les grandes difficultés que rencontrent encore des milliers de familles pour bien se loger.

M. Michel Lefait. Et le plan Borloo?

M. Olivier Carré. Les problèmes se concentrent souvent dans les mêmes villes et dans les mêmes bassins d’habitat, où les aides soutiennent un effort de construction qui reste insuffisant par rapport à la demande.

Votre nouvelle politique va désormais tenir compte de ces déséquilibres et mettre l’accent sur les territoires où l’offre est très insuffisante au regard de la demande. Cela m’amène à vous poser deux questions.

Quels sont les moyens de cette nouvelle politique et suffiront-ils à répondre aux besoins de nos concitoyens?

Par ailleurs, la plupart des communes ne se trouvent pas dans des zone tendues, notamment en milieu rural. Ne craignez-vous donc pas que cette politique accentue les déséquilibres existant entre les territoires? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur Olivier Carré, vous avez raison de rappeler l’importance du plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo en 2005. Il aura permis de financer 500000 logements sociaux en cinq ans; en 2009, vous venez de le dire, 120000 logements sociaux ont été financés,…

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et la maison Borloo?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. …c’est-à-dire trois fois plus qu’à l’époque où Lionel Jospin était Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce plan de cohésion sociale nous aura permis de rattraper le retard accumulé et, dans 90 % des départements, de régler la crise du logement.

Ce matin, j’ai présenté la programmation pour 2010 de la production de logements sociaux. Quelle est notre idée principale? Produire là où c’est nécessaire. En effet, aujourd’hui, nous produisons à peine 25 % de logements sociaux dans les zones les plus tendues, et 75 % dans des zones où, objectivement, une telle production n’est pas indispensable.

M. Michel Lefait. À qui la faute, monsieur le secrétaire d’État?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cela ne veut pas dire que nous allons oublier le monde rural. C’est la raison pour laquelle la semaine dernière, Jean-Louis Borloo, Valérie Létard et moi-même avons présenté un plan spécifique visant à réhabiliter les logements des propriétaires occupants aux revenus modestes dans les zones rurales. Ce plan est doté de 1,5 milliard d’euros.

Quel est l’objectif de notre politique? Produire des logements neufs là où c’est nécessaire, et réhabiliter dans les zones rurales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. C’est du bla-bla!

Logement social

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme vient de nous apprendre une grande nouvelle: il n’y a plus de crise du logement! Pourtant, la Fondation Abbé Pierre a présenté lundi son quinzième rapport, un véritable acte d'accusation à l'égard du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Fidèle à votre stratégie libérale et à votre approche mercantile de l'habitat, vous avez annoncé, la semaine passée, la vente de 40000 logements sociaux par an. Lundi dernier, à la Fondation Abbé Pierre, les réactions hostiles qui ponctuaient vos propos signifiaient qu'aucun acteur du logement n'accepte désormais vos dérobades et vos perpétuels effets d'annonce.

Ce matin encore, vous avez vanté les 4,7 milliards d'euros que l'État débloquerait pour le logement social cette année. Ces dépenses ou ces « non-recettes », déjà inscrites dans le budget 2010, confondent scandaleusement les subventions directes, en diminution constante, et les autres dispositifs sur la taxe foncière, le taux réduit de TVA ou les prêts de la Caisse des dépôts. Ce n'est pas de l'argent en plus pour le logement social! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les vraies questions demeurent. L'État veut-il engager immédiatement des crédits permettant la construction de logements très sociaux? Veut-il investir dans la construction de ces logements pour éviter de dépenser un million d'euros chaque jour pour l’hébergement en hôtels? Veut-il mettre un terme au scandale des logements vacants?

Les budgets de l'État « ne vont pas exploser donc il faut trouver de l'argent ailleurs », avez-vous dit l’autre jour. Trouver de l'argent ailleurs, vous le faites déjà: baisses successives du budget pour la construction de logements sociaux; pillage des fonds des sociétés de crédits, du 1 % (« Eh oui! » sur les bancs du groupe SRC.); menaces de prélèvements sur les bailleurs sociaux; banalisation du livret A.

Actuellement, ce sont les collectivités qui pallient cet abandon de l'État. Si vous ponctionnez leurs recettes, vous serez responsables de l’aggravation de la crise du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

On connaît la formule: lorsqu'on aide les plus modestes c'est de l'assistanat…

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme .

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir posé cette question avec le sens de la mesure qui vous caractérise. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Elle me permettra de rétablir quelques vérités.

D’abord, vous pointez le désengagement de l’État. Je vous rappelle, monsieur Le Bouillonnec, que le budget pour 2010 est en augmentation de 7 %.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez de mentir! Respectez les gens!

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vous vous concentrez exclusivement sur les aides à la pierre qui représentent 600 millions d’euros. Or l’application d’une TVA à 5,5 %, revient à consacrer 2 milliards d’euros au logement social.

Oui, monsieur Le Bouillonnec, l’exonération de taxe foncière représente un milliard d’euros, tout comme les prêts bonifiés, et le montant des APL s’élève à 5 milliards d’euros.

En résumé, l’État a investi 10 milliards d’euros dans le logement social en 2010, ce qui représente une augmentation de 7 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) C’est cela la vérité des chiffres, monsieur Le Bouillonnec!

Ensuite, vous nous accusez de vouloir vendre une partie du patrimoine. Eh oui, monsieur Le Bouillonnec, nous pensons que même les locataires de logements sociaux ont le droit de devenir propriétaires! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils ont ce droit, comme tous les Français. Nous souhaitons cette France de propriétaires, monsieur Le Bouillonnec!

De plus, un logement vendu c’est deux logements construits.

M. Henri Emmanuelli et M. Albert Facon. On vend d’abord!

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Si nous souhaitons accentuer la construction de logements sociaux dans les zones les plus tendues, il nous faudra vendre une partie de notre patrimoine. Voilà notre objectif.

Mme Aubry parle de donner la priorité au logement social; nous le faisons en construisant 120000 logements sociaux cette année, alors qu’il ne s’en construisait que 40000 par an lorsqu’elle était membre du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Rapport sur la contraception et l'avortement

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre de la santé et des sports, les Françaises sont les femmes qui, en Europe, utilisent le plus les moyens contraceptifs. En même temps, parmi celles qui subissent une interruption volontaire de grossesse, deux sur trois déclarent être sous contraception.

À plusieurs reprises, vous avez apporté des réponses à ces questions, notamment sur la revalorisation de l'acte d'IVG, mais aussi sur le remboursement de la contraception et sur la diffusion d'information par une campagne télévisuelle.

La loi Hôpital, patient, santé et territoires a favorisé l'accès à la contraception dans les universités, a permis aux sages-femmes de la prescrire et autorisé les infirmières et les pharmaciens à renouveler une prescription.

Pourtant les mauvais chiffres persistent: plus de 200000 IVG sont pratiquées chaque année en France. C'est la raison pour laquelle, vous avez chargé l'inspection générale des affaires sociales de rédiger un rapport d'évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des IVG.

Ce rapport, très attendu, vous a été remis hier matin. Il confirme un cruel manque d'information et d'éducation notamment chez les jeunes. À titre d'exemple, les obligations légales concernant l'éducation sexuelle dans les établissements scolaires ne sont que très partiellement appliquées.

Nous devons aussi rester très vigilants pour que, partout sur le territoire, l'offre médicale en matière d'accès à l'IVG ne se réduise pas.

C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite connaître les mesures que vous comptez prendre au regard des conclusions de ce nouveau rapport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

M. Patrick Roy et M. Régis Juanico. Et des franchises médicales!

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la députée Bérangère Poletti, vous êtes une militante infatigable des droits des femmes (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC), et vous savez bien que l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse est un droit sur lequel il faut être continuellement vigilant.

Le rapport de l’IGAS nous a montré que des progrès considérables ont été accomplis mais qu’il en reste à faire.

Depuis mon arrivée en responsabilités, j’ai multiplié les lieux de prescription et de remboursement des moyens de contraception, particulièrement de la contraception orale. J’ai admis au remboursement la pilule de troisième génération: une première, il y a quelques mois; une deuxième, il y a quelques semaines. J’ai organisé des campagnes d’information annuelles. En ce qui concerne l’avortement, j’ai augmenté le forfait de prise en charge de 60 % et multiplié les structures capables de pratiquer l’IVG médicamenteuse.

Ces progrès sont importants mais insuffisants; nous allons les poursuivre notamment en ce qui concerne le déficit d’information que vous avez pointé.

Avec Nadine Morano, nous allons renforcer les centres de planification familiale. Avec Luc Chatel et Martin Hirsch, nous allons lancer une campagne d’information spécifique dans les écoles. Nous allons encore augmenter – au minimum de 10 % – le forfait de prise en charge de l’IVG.

Pour répondre à la grande disparité dans l’accès à la contraception, nous allons permettre à la médecine générale de proposer des consultations anonymes et gratuites aux jeunes filles.

Voyez, madame Poletti, nous allons nous battre pour que ce droit des femmes reste effectif. Il faut continuellement se battre pour ce droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Décret relatif au statut des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, depuis bientôt dix ans, vous menez, en matière de services publics, une politique contraire à l’intérêt de la France.

M. Jean-Marc Roubaud. Oh!

M. Patrick Roy. Eh oui!

M. Bernard Derosier. Vos récentes intentions ont mis dans l’inquiétude près de cinq millions de Françaises et de Français: les fonctionnaires, qui travaillent pour le service public. Or le 25 janvier dernier, le Président de la République, qui était sur un plateau de télévision avec quelques invités triés sur le volet, a rassuré un enseignant qui, contractuel depuis six ans, réclame une véritable reconnaissance de son travail: « Il s’agit d’une situation anormale », a-t-il déclaré. Or 841700 fonctionnaires contractuels sont actuellement dans la même situation.

Le Président de la République a ajouté qu’il était prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous, vous ne l’avez jamais fait!

M. Bernard Derosier. Nous sommes en plein paradoxe. (Approbations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) En effet, vous faites parallèlement en sorte qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne soit pas remplacé, vous dénoncez les collectivités territoriales qui recrutent des fonctionnaires, vous licenciez, déjà, les ouvriers d’État qui relèvent du ministère de la défense, et vous annoncez ce projet de décret qui organise le licenciement des fonctionnaires, sans que ceux-ci puissent bénéficier de la protection qu’offrent, dans le secteur privé, les plans sociaux. Vous estimez, selon vos propos de ce matin sur une radio périphérique, qu’il s’agit d’un faux procès intenté au Gouvernement. Mais, monsieur le Premier ministre, jusqu’alors, une commission paritaire se réunissait quand intervenaient des mouvements relatifs aux fonctionnaires.

Ma question est simple: quand et comment allez-vous mettre en œuvre les orientations fixées par le Président de la République? Allez-vous retirer ce projet de décret qui menace cinq millions de fonctionnaires? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Vous ne manquez pas d’aplomb, monsieur Derosier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Vous êtes le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, c’est-à-dire le président des fonctionnaires qui travaillent dans les collectivités locales.

M. Bernard Roman. Et alors?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Or qui emploie le plus de contractuels? Les collectivités locales! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Qui, monsieur le président de la fonction publique territoriale, met en œuvre les procédures de licenciement les plus dures pour les fonctionnaires? La fonction publique territoriale! (« Ah! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Parce que, lorsqu’un fonctionnaire territorial perd son emploi, son dossier est remis au centre de gestion. On lui fait alors trois propositions d’emploi; si elles ne sont pas acceptées, c’est le licenciement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous n’avez jamais trouvé à y redire! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Le licenciement des fonctionnaires est inscrit dans leur statut; et vous savez qui a introduit cette disposition? M. Mauroy, Premier ministre socialiste, et son ministre de la fonction publique, M. Anicet Le Pors, membre du parti communiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Bref, je le répète, vous ne manquez pas d’aplomb. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Laissez-moi vous expliquer le dispositif prévu. Nous voulons qu’un fonctionnaire d’État qui n’a plus de travail pour telle ou telle raison – parce que l’administration se réforme, par exemple – soit normalement pris en charge et réorienté dans sa vie professionnelle. L’État devra alors lui proposer trois fonctions nouvelles, en prenant en compte ce qu’il est, son expérience, son lieu de résidence et sa situation familiale. S’il refuse ces trois propositions, il sera mis en disponibilité: il n’est pas licencié et reste donc fonctionnaire. C’est seulement lorsque, une fois mis en disponibilité, il refuse trois nouveaux postes qu’il peut être licencié, et ce après avis de la commission administrative. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Fusion région-département en Guyane et en Martinique

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alfred Almont. Monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, comme vous le savez, les dimanches 10 et 24 janvier derniers, les électeurs de Martinique et de Guyane étaient appelés à se prononcer sur deux questions majeures ayant trait à leur statut au sein de la République, avec un accent particulier mis sur la gouvernance locale.

Dans les deux cas, les réponses ont été très claires: le 10 janvier, 80 % des électeurs martiniquais et 70 % des électeurs guyanais ont dit « Non » au passage à l'article 74 de notre Constitution, dit de « spécialité législative ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.) Les populations concernées entendent, en vérité, que les lois votées par la représentation nationale soient appliquées de droit dans leur département et leur région, au nom de l'égalité des droits et de la cohésion.

Le 24 janvier, s’agissant de la fusion entre le département et la région, c'est le « Oui » qui l'a largement emporté, mettant ainsi un terme à la région monodépartementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Les électeurs ont compris l'intérêt de simplifier un système devenu trop complexe pour être efficace, tout en ayant la garantie constitutionnelle d'être inscrits dans un régime d'identité législative. Ils ont fait le choix d'une évolution souple et réaliste, assortie d’une logique d'adaptation qui tienne compte d'irréductibles particularismes et promeuve, enfin, un autre modèle de développement. Le Président de la République n'a d'ailleurs pas manqué de souligner, en évoquant la réforme territoriale en cours, que « la Guyane et la Martinique [étaient] en avance sur la métropole ».

Vient à présent, monsieur le ministre, le temps de la mise en place de cette nouvelle collectivité.

M. Henri Emmanuelli. Vous l’avez refusée en 1982!

M. Alfred Almont. Nous souhaitons donc connaître dans quel cadre seront organisés les échanges entre les actuelles collectivités locales concernées et le Gouvernement. Par ailleurs, comment celui-ci entend-il travailler avec les parlementaires martiniquais et guyanais pour préparer le projet de loi ordinaire qui fixera l'organisation et le fonctionnement de la future collectivité? Enfin, un calendrier prévisionnel est-il à ce jour arrêté? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Vous avez raison, monsieur Almont: c’est sans équivoque et sans ambiguïté que les électeurs de la Martinique et de la Guyane se sont prononcés au mois de janvier dernier.

Le 10 janvier, nos compatriotes ont refusé d’entrer dans la logique d’autonomie qui était pourtant défendue par la majorité des élus réunis en congrès. Ils ont en revanche approuvé, à une très large majorité, la réorganisation administrative proposée par le Président de la République le 24 juin dernier, laquelle consiste à fusionner la région et le département en une collectivité unique, sans que soit remis en cause le principe de l’identité législative. Ce choix est clair, et il sera donc respecté.

Que va-t-il se passer concrètement? Je déposerai, avec Marie-Luce Penchard, un projet de loi avant la fin de l’année. Des discussions avec l’ensemble des élus concernés s’engageront dès le lendemain des élections régionales. Mais l’orientation du texte sera fidèle à l’expression des électeurs: la Martinique et la Guyane resteront donc régies, je le répète, par le principe de l’identité législative.

Par ailleurs, le Président de la République se rendra, au cours des prochaines semaines, dans votre département de la Martinique; il aura donc l’occasion de préciser le calendrier et la méthode retenue.

Les Martiniquais et les Guyanais se sont exprimés librement; ils ont dit « Oui » à l’adaptation, à l’évolution et à la simplification,…

M. Jean Mallot. Mais « Non » à Hortefeux!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. …mais ont aussi manifesté, comme vous le souhaitiez vous-même, leur attachement à la volonté exprimée par la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Revenus des agriculteurs

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Quéré. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. J’y associe Mmes Marie-Line Reynaud, Laurence Dumont, Gisèle Biémouret et MM. Philippe Duron, Jérôme Lambert et Philippe Martin. Je souhaite l’interroger sur les injustices de toutes sortes que connaît le monde agricole et qui aggravent chaque fois un peu plus sa précarisation.

Nous, socialistes, avons le souci de consacrer toute l’attention due à l’agriculture, moteur de notre économie et de nos territoires. Nous l’avons prouvé notamment par notre proposition de loi sur les retraites complémentaires aux conjoints et aides familiaux, que vous n’avez pas votée, ce que nous regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Souvent sacrifiés, les agriculteurs doivent composer avec quelques belles promesses, rarement suivies d’effets.

M. Patrick Roy. Eh oui!

Mme Catherine Quéré. Un exemple: les vins de liqueur et la fiscalité différenciée. Des produits tels que le pineau des Charentes, produit dans ma région, mais aussi le floc, le macvin, le pommeau sont taxés – écoutez-moi bien, mes chers camarades (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – soixante-trois fois plus que des vins aromatisés de type Martini. Pour ces produits, la taxe se monte à 233 euros par hectolitre, alors qu’elle n’est que de 3 euros pour les produits industriels concurrents. Avec le principe d’indexation systématique annuelle mis en place en 2009, l’écart se creuse, et vous le savez très bien.

Ce problème est déjà ancien et les agriculteurs s’exaspèrent. Leurs parts de marché diminuent, car cette injustice fiscale a bel et bien des conséquences. Soyons réalistes: comment des producteurs du terroir peuvent-ils résister à une telle distorsion sur le marché?

Il existe des solutions. La France a fait reconnaître par la Cour de justice des Communautés européennes…

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée – je n’irai pas jusqu’à dire: « chère camarade » –, votre question concerne le revenu des agriculteurs, qui, nous le savons, traversent une période difficile. En 2009, ils ont perdu 34 % de leurs revenus; dans certains métiers, la chute a dépassé 50 %.

Face à cela, Bruno Le Maire – que je dois excuser, puisqu’il est à Angers…

M. Maxime Gremetz. En campagne électorale!

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. …à l’assemblée générale de la Fédération nationale bovine – a mis en place, sous l’autorité du Premier ministre, une politique visant d’abord à répondre à l’urgence, avec le plan de soutien exceptionnel annoncé par le Président de la République à Poligny. Ce plan fonctionne bien, puisqu’un prêt de 1 milliard d’euros a été débloqué et que, sur les 650 millions d’euros de soutien budgétaire prévus, 620 ont déjà été accordés.

Cette politique doit également se traduire par un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui sera prochainement débattu au Parlement et qui permettra la mise en œuvre de mesures structurelles pour stabiliser les prix et mieux répartir la valeur ajoutée sur l’ensemble des filières.

Enfin, nous menons une politique de régulation des marchés au niveau européen. La France a pris, en la matière, l’initiative d’un combat qui vise à maintenir une régulation européenne sur l’ensemble des marchés. Je pense notamment à l’appel de Paris lancé par Bruno Le Maire 10 décembre dernier. Le 17 février, il installera un groupe de réflexion sur l’avenir de la PAC.

Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement ne laissera pas tomber nos agriculteurs, qui, dans la crise que nous traversons, sont particulièrement exposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Passage à la TNT dans les régions

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Mathis. Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, la région Alsace vient de basculer dans la télévision numérique terrestre. Avec 1,8 million d’habitants, représentant environ 700000 foyers, cette région a ainsi été la première à devoir s’adapter à une nouvelle offre de télévision qui, dans bien des cas, implique davantage qu’un simple réglage technique et impose un équipement particulier. Le passage au tout numérique est donc un enjeu sociétal fort. Tous les foyers du territoire vont devoir s’y adapter, la fin de l’analogique étant prévue pour novembre 2011.

Pouvez-vous nous expliquer, madame la secrétaire d’État, comment s’est déroulé ce transfert? Y a-t-il eu des écrans noirs et des laissés-pour-compte de la TNT? Quels sont les chiffres de bonne réception?

Par ailleurs, vous êtes à l’origine d’un dispositif d’aide au passage à la TNT dans la loi relative à la lutte contre la fracture numérique. Un fonds d’aide sans conditions de ressources a notamment été mis en place pour couvrir les foyers situés en zone d’ombre. En outre, un dispositif d’accompagnement des personnes fragiles et d’aides aux personnes les plus démunies a été mis en œuvre.

Au regard de l’expérience alsacienne, pouvez-vous nous assurer que le dispositif d’accompagnement et d’aide est suffisant et que le maillage du territoire est actuellement bien organisé? Pouvez-vous également nous donner le bilan de l’action du GIP France Télé Numérique pour cette première région, située en zone frontalière, dont la cartographie présente à la fois des zones denses, moyennement denses et rurales?

J’aimerais connaître votre éclairage, madame la secrétaire d’État, car les élus ne souhaitent pas rester des spectateurs passifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique. Monsieur Mathis, dans la nuit de lundi à mardi, l’Alsace passait à la télévision tout numérique.

M. Régis Juanico. Vivement qu’elle passe entièrement à gauche! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Elle inaugurait ainsi un mouvement qui concernera toutes les régions, la Basse-Normandie le 9 mars, les Pays-de-la-Loire le 18 mai, la Bretagne le 8 juin et ainsi de suite.

J’étais, hier, à Strasbourg, pour vérifier le bon déroulement des opérations. L’engagement du Premier ministre, qui souhaitait que tous les Français aient accès à la télévision tout numérique dans des conditions équitables, est tenu. Les trente et un émetteurs d’Alsace sont passés au numérique dans les délais, en dépit de conditions météorologiques qui rendaient les opérations assez difficiles. Je tiens à remercier l’ensemble des équipes techniques, celles des diffuseurs, celles du CSA, qui ont accompli ce travail.

M. Jean-Pierre Brard. Et Sarkozy, il n’y a pas moyen de le remercier aussi, au passage?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. J’ai pu mesurer personnellement la qualité de l’information du public, qui a été assurée sur le terrain, dans toutes les communes, notamment grâce à un centre d’appel du GIP France Télé Numérique. Depuis hier, quatre mille appels téléphoniques ont été reçus et traités. La moitié concernait la remémorisation des chaînes, rendue nécessaire par la modification des fréquences. Un tiers émanait de personnes de plus de soixante-cinq ans, et l’assistance humaine et technique qui a été mise en place pour ces publics, dans le cadre d’un partenariat avec La Poste, a été une vraie réussite.

C’est la première fois, monsieur le député, que l’ensemble du dispositif d’accompagnement financier de l’État, qui a été voté dans cet hémicycle, était mis en place, notamment l’aide sans conditions de ressources pour l’équipement des paraboles, votée à l’occasion de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique.

Certes, on peut toujours faire mieux, et je veux notamment mieux anticiper le passage au tout numérique dans les logements collectifs. Cela fera l’objet, demain, d’une table ronde à laquelle participera mon collègue Benoist Apparu.

Mesdames et messieurs les députés, le passage au tout numérique pour tous est bien engagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, au cours de cette séance de questions au Gouvernement, après que j’ai eu adressé un rappel à l’ordre à notre collègue Patrick Roy, certains de ses voisins ont cru heureux de faire circuler sur leurs épaules la veste écarlate qu’il portait. Cet enfantillage n’est pas digne de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il ne l’honore pas et n’est certainement pas à la hauteur de ce qu’attendent de nous ceux qui nous ont fait l’honneur de nous élire pour siéger dans cette enceinte. (Mêmes mouvements.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Projet de loi de finances rectificative pour 2010 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010. (n os 2239, 2268).

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

M. Jean Launay. Ministre du chômage aussi!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, mesdames, messieurs les députés, outre les réponses aux questions et objections qui ont été émises lors des séances d’hier, je voudrais vous donner quelques précisions sur le cadrage macroéconomique qui nous a inspirés pour préparer certaines des modifications figurant dans ce projet de loi de finances rectificative et que vous retrouverez dans le programme de stabilité que j’ai soumis à la Commission européenne dans le cadre de nos obligations à l’égard de nos partenaires.

Je veux en particulier revenir sur des éléments de cadrage concernant la stratégie budgétaire et économique que j’ai essayé d’exposer tout à l’heure et qui consiste, d’abord, à soutenir l’effort de relance que nous avons engagé en 2009 et que nous poursuivrons au début de l’année 2010; ensuite, à redresser les comptes publics et, enfin, à poursuivre l’effort de réforme nécessaire pour soutenir la croissance.

S’agissant du cadrage macroéconomique international, certains indicateurs se redressent, en particulier aux États-Unis où les stocks commencent à se reconstituer, et ce mouvement concerne aussi la France, ce qui nous a amené à réviser certains de nos chiffres. Nous avons ainsi pu constater que la reprise avait commencé au deuxième trimestre 2009 et s’était poursuivie au troisième trimestre. Courant février, nous aurons les chiffres précis de la croissance du quatrième trimestre qui confirmera ce mouvement de reprise. Dans ces conditions, un réexamen de nos prévisions était parfaitement légitime.

Après mûr examen de l’ensemble des moteurs de la croissance, nous avons donc considéré que nous étions parfaitement fondés à réviser à 1,4 % notre prévision de croissance pour 2010. Dans ce cadre, nous avons considéré que la consommation des ménages, qui n’a jamais fléchi pendant toute l’année 2009, je vous le rappelle, qui n’a jamais été négative, progresserait, elle aussi, de 1,4 %; que l’investissement des entreprises, qui a quant à lui fortement chuté pendant l’année 2009 – moins 7,8 % – se stabiliserait, augmenterait même très légèrement dans le secteur privé. Nous avons bien l’intention de soutenir l’effort d’investissement public pendant l’année 2010 dans le cadre de l’application, jusqu’à son terme, du plan de relance que nous allons mettre en œuvre comme nous nous y sommes engagés vis-à-vis de nos concitoyens et des instances internationales.

J’insiste sur la nécessaire relance pendant l’année 2010. Nous aurons à mener un subtil exercice d’engagement-désengagement. C’est ce que nous suggère fortement le Fonds monétaire international et c’est aussi ce que nous recommande la Commission européenne. Dans un contexte où la croissance économique est fragile avec une prévision de 1,4 % seulement, où la demande adressée à la France est en augmentation mais avec certains aléas à la baisse, il nous faut impérativement nous dégager du plan de relance de manière délicate, subtile, graduelle, en opérant une transition, afin de ne pas freiner ce mouvement de reprise de la croissance. C’est exactement pour la même raison que nous n’avons pas l’intention d’augmenter les prélèvements obligatoires dans le cadre de la politique de redressement des finances publiques que nous engageons et qui constitue le deuxième axe de notre politique économique. En effet, nous ne souhaitons pas brider ce mouvement de croissance qui doit se développer.

J’ai entendu certaines contrevérités selon lesquelles nous ne ferions rien en matière de politique de l’emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas que vous ne faites rien: c’est catastrophique!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est faire un bien mauvais procès à la politique active engagée, dont l’objectif principal n’est certes pas de mettre les plus de cinquante-cinq ans en préretraite, comme l’ont fait des politiques de l’emploi antérieures, mais bien de tenter, par tous les moyens, de maintenir les gens dans l’emploi. Pour ce faire, nous avons augmenté les indemnisations des salariés bénéficiant de l’activité partielle et la prise en charge pour les entreprises; nous avons allongé la durée du bénéfice de cette activité partielle et mis en place un régime que nous allons tenter de développer pendant l’année 2010: l’activité partielle de longue durée – APLD –, période à l’issue de laquelle l’entreprise s’engage à conserve le salarié dans l’emploi. En effet, notre politique vise non pas à allonger les cotisations pour qu’un système d’assistance prenne le relais d’un autre système d’assistance, mais bien à maintenir les salariés dans l’emploi par tous les moyens en couplant les périodes de diminution d’activité avec des périodes de formation professionnelle. C’est de cette façon que nous obtiendrons des résultats sur une politique de soutien de la croissance.

M. Jean-Pierre Brard. Madame Lagarde: 400000 chômeurs de plus, quelle belle réussite!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La politique de redressement des comptes publics est ainsi parfaitement compatible et cohérente avec ce projet de loi de finances rectificative qui vise à engager de nouvelles dépenses. Celles-ci sont des dépenses d’avenir qui comportent un coefficient multiplicateur, d’une part, parce que l’on associe l’investissement public à concurrence de 35 milliards d’euros et l’investissement privé pour atteindre 60 milliards d’euros au total; d’autre part, parce que ces dépenses portent sur des secteurs d’activité où, à moyen terme, l’effet multiplicateur sera réel. Certaines études académiques ont ainsi permis de chiffrer l’effet multiplicateur sur la croissance de telle ou telle catégorie de dépenses.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez lu ça dans les Évangiles! C’est la multiplication des pains!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce n’est pas dans les Évangiles, monsieur Brard; c’est un calcul auquel se livrent le Conseil d’analyse économique, l’OCDE, des chercheurs, des économistes, et je n’ai pas la prétention de me substituer à leur réflexion, je ne fais que la partager avec vous!

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera le cinquième Évangile selon Sainte Christine!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Voilà pour ce qui concerne la politique de l’emploi. M. Muet a indiqué hier que celle-ci n’avait pas donné de résultats. Je précise que l’augmentation du chômage a été légèrement supérieure à 22 % au cours de l’année 2009 mais que le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté non pas de 800000, mais de 370000. Cette politique de maintien dans l’emploi, de formation professionnelle, de concentration sur des bassins d’emploi grâce aux contrats de transition professionnelle et aux conventions de reclassement personnalisé est ciblée sur le maintien dans l’emploi et l’amélioration de la formation professionnelle des salariés qui en bénéficient.

Toujours sur cette question de la politique économique, j’ai aussi entendu que les heures supplémentaires avaient plutôt contribué à détruire de l’emploi. Je sais bien qu’une partie de cet hémicycle n’aime pas du tout le texte qui a été voté par l’ensemble …

M. Alain Rodet. Non!

M. Jean-Pierre Brard. Pas par l’ensemble précisément! C’est un contresens, madame Lagarde!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les contresens sont parfois révélateurs, monsieur Brard, comme les lapsus!

M. Jean-Pierre Brard. Allez voir votre psy!

M. le président. Monsieur Brard, nous écoutons Mme Lagarde!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En la matière, ce que nous avons souhaité faire, et il est indispensable que cet instrument soit toujours disponible, c’est libérer de la flexibilité et éviter aux entreprises d’être contraintes par la limitation des 35 heures et les conséquences financières qui en résultent.

M. Jérôme Chartier. Très bien!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cette flexibilité va bien entendu nous servir dans un contexte de reprise économique, car si l’on peut inciter les entreprises, en particulier les TPE, à embaucher, on ne peut les y forcer. Le mouvement de reprise est classique en économie. Nous aurons, d’abord, une reprise de l’intérim, que l’on observe d’ailleurs déjà depuis maintenant trois mois, puis un recours supplémentaire à un temps de travail plus long, ce qui occupera sans aucun doute des salariés qui sont, pour partie, en activité partielle. Évidemment, le mécanisme des heures supplémentaires exonérées de charges salariales et de charges fiscales pour ceux qui en bénéficient encouragera puissamment la reprise.

Je voudrais maintenant vous livrer certaines prévisions en matière d’emploi. Ayant entendu parler de ces plus 800000 demandeurs d’emploi sur l’année 2009, je vous rappelle que, selon Pôle emploi, le chiffre des destructions d’emplois salariés sur cette même année est de 373000. Ne laissons donc pas circuler des chiffres qui n’ont ni queue ni tête!

M. Jean-Pierre Brard. Plus les emplois à temps partiel.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La prévision que nous faisons pour 2010, en termes de destruction d’emplois salariés, serait ramenée de 373000 en 2009 à 71000. C’est évidemment encore beaucoup trop, mais c’est cinq fois moins qu’en 2009. Et si l’on observe les variations du nombre des demandeurs d’emploi au cours de chacun des trimestres sur l’année 2009, on s’aperçoit que la courbe est très fortement descendante puisque ce nombre a été divisé par quatre entre le premier et le quatrième trimestre 2009.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la descente aux enfers!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Voilà les chiffres que je voulais vous donner sur le cadrage économique.

Par ailleurs, certains d’entre vous ont évoqué la question du financement des entreprises, des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire notamment. Bien sûr, nous pourrons compter sur le Fonds stratégique d’investissement et sur la Caisse des dépôts et consignations qui vient renforcer les fonds propres des PME et des ETI par l’intermédiaire de certains fonds, notamment le Fonds de consolidation des entreprises. Cela dit, j’ai bien l’intention, en 2010, d’élever ce débat au niveau européen et d’encourager nos partenaires à mettre en place un Small Business Listing Act – SBLA.

M. Jean-Pierre Brard. Oh là, là!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce n’est pas moi qui ai inventé ce terme, monsieur Brard! Ce sont les Anglais qui me l’ont volé, si je puis dire! Nous avons décidé de pousser le marché obligataire afin de permettre aux entreprises françaises, notamment aux ETI, de passer par le marché des financements…

M. Jean-Pierre Brard. Fournissez-leur une traduction quand même!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …pour éviter les lourdeurs, les traductions, les formalités et l’obstacle que constitue la difficulté du recours au marché financier pour un certain nombre de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Small Business Listing Act permettra à des entreprises petites, moyennes et de taille intermédiaire de se financer sur les marchés extérieurs à des conditions simplifiées sans passer par le truchement des banques, et sans la lourdeur de l’introduction sur les marchés financiers qui est en général l’apanage des grosses entreprises.

M. Philippe Vigier. Excellent!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’observation de l’année 2009 fait apparaître un recours renforcé au marché obligataire de la part des entreprises de taille intermédiaire et des grandes entreprises, au détriment du financement bancaire, contrairement aux habitudes de l’économie française.

M. Jean-Pierre Brard. Après l’exégèse développée, quelle en est la traduction synthétique?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il s’agira d’un accès simplifié au marché boursier pour les petites et moyennes entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. On y arrive.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je voudrais profiter de la présence de M. Muet pour revenir sur sa proposition faite hier d’abandonner l’objectif de faire de Paris une grande place financière, qui figurait dans le rapport Attali. Je suis en profond désaccord avec lui sur ce point. La France a traversé la crise dans des circonstances qui ont été bien plus stables et bien plus sécurisantes pour les opérateurs, banques ou entreprises, grâce à une meilleure supervision, de meilleurs acteurs de supervision, et un meilleur respect des règles. Nous avons donc tout intérêt à développer la place financière de Paris, et à faire de cet ensemble de stabilité et de sécurité un élément d’attractivité.

J’ai récemment réuni les représentants des entreprises et des banques, et nous avons pris la décision de faciliter les émissions obligataires en France. Elles représentent une partie croissante du financement des grandes entreprises: auparavant, 80 % du financement provenait des banques, et 20 % d’émissions obligataires. Cette proportion s’est presque inversée avec la crise financière. Nous avons tout intérêt à créer une bourse pour les obligations des entreprises européennes, pour renforcer la transparence et la liquidité de ce marché. À cet égard, 24 des 40 entreprises françaises constituant le CAC 40 se sont engagées à concentrer 50 % de leurs émissions sur ce marché, ce qui me paraît une excellente chose.

Nonobstant vos réticences à l’égard de la place financière de Paris, dont je persiste à penser qu’elle est un facteur d’attractivité et de sécurité, les entreprises françaises sont donc déterminées à utiliser Paris comme centre de financement. Pourquoi pas Paris plutôt que le Luxembourg, par exemple?

M. Henri Emmanuelli. Il y a encore de beaux jours pour le Luxembourg!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Permettez-moi maintenant d’aborder une question qui a été soulevée dans les débats et sur laquelle vous avez eu la gentillesse de poser un morceau de question d’actualité. Il s’agit de l’article 1 er concernant la taxation de la rémunération variable des opérateurs de marchés.

Rappelons la chronologie. Les banques françaises ont eu besoin des pouvoirs publics durant l’année 2009 pour réamorcer les mécanismes de financement interbancaire et renforcer leurs fonds propres. Précisons ici qu’à la différence des systèmes bancaires américain, britannique, ou de certains autres, les banques françaises n’étaient pas en situation de devoir être sauvées, ou bailed out comme diraient les Anglais ou les Américains, c’est-à-dire sauvées de la faillite.

M. Jérôme Cahuzac. C’est ce qu’elles disent! Pourquoi ont-elles eu besoin de telles sommes d’argent?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est dans ces conditions que nous avons mis en place d’une part des mécanismes de prêt sur lesquels nous avons engagé la garantie de l’État, pour permettre le refinancement; et d’autre part des mécanismes de titres super-subordonnés qui venaient en quasi-fonds propres pour soutenir les établissements bancaires français.

M. Emmanuelli, vous indiquiez hier que de ce fait, j’avais en quelque sorte été « plumée » par les banques.

M. Henri Emmanuelli. Pas vous, les contribuables!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Rappelons-nous un instant de la situation qui prévalait alors. Il est vrai que si nous avions participé au capital des banques, et signalé ainsi que nos banques étaient dans un état délétère et qu’elles avaient besoin de l’État pour renforcer leur capital sous forme de prise de participation, le signal aurait été catastrophique et aurait probablement précipité des mouvements de marché qu’il est difficile de contrôler.

M. Henri Emmanuelli. Ça ne tient pas la route!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Deuxièmement, lorsque l’on prend une participation directe dans un établissement quel qu’il soit, on fait soit le pari de la hausse, soit celui de la baisse. À l’époque rares sont ceux qui auraient parié sur l’une ou l’autre possibilité.

M. Henri Emmanuelli. Vous nous prenez pour des imbéciles!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il aurait été bien hasardeux de la part de l’État français de spéculer sur la hausse du titre des établissements bancaires en prenant une participation directe au capital. Je considère que nous avions un devoir de prudence et de précaution en ce qui concerne les fonds publics, et l’essentiel était de garantir que nous récupérions ce que nous avions versé, ce qui n’a pas toujours été le cas concernant les banques, comme nous le prouvent d’autres exemples. (« Quels exemples? » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Le Crédit Lyonnais, par exemple!

M. Henri Emmanuelli. Le Crédit Lyonnais, c’est vous! C’est M. Balladur qui a créé la structure de défaisance.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non seulement nous souhaitions récupérer les fonds, mais également en obtenir rémunération. Près de 2,3 milliards d’euros d’intérêts et de dividendes ont ainsi été récupérés auprès d’un secteur bancaire qui n’avait pas besoin d’être stigmatisé au cours de cette opération.

Voilà le paysage dans lequel nous évoluions, sachant que les opérateurs bancaires sont généralement des opérateurs nationaux avec des activités multinationales et se trouvent en concurrence directe avec un certain nombre d’autres opérateurs américains, anglais, suisses, japonais, allemands et autres. Il n’est donc pas question de mettre nos banques en situation de désavantage compétitif par rapport aux autres, car de toutes les façons nous avons besoin de la finance, et de la finance internationale, pour faire fonctionner l’économie, comme la crise l’a prouvé.

C’est donc dans ces conditions qu’au G8 et aux G20 successifs, ainsi que dans le cadre de la réunion du 25 août 2009, convoquée à l’initiative du Président de la République, et qui a rassemblé l’ensemble des banques, un certain nombre de règles ont été prévues, notamment concernant la rémunération des opérateurs de marché. Pour répondre à M. Vigier, l’arrêté du 3 novembre 2009 a bien mis en place un système de bonus/malus et un système qui oblige à différer une partie de la rémunération dans le temps pour que ceux qui en bénéficient soient effectivement mis à l’épreuve du temps, et qu’ils ne soient autorisés à recevoir leur rémunération que sous réserve du résultat positif de l’opération à laquelle ils ont contribué.

Ainsi, le mécanisme du bonus/malus, celui de l’interdiction des garanties, et l’exigence de l’approbation de l’ensemble des plans par les conseils d’administration des banques sont effectifs, et ne constituent pas une alternative au système prévu à l’article 1 er .

Cet article 1 er est l’application du principe qu’a évoqué le Président de la République au sortir de la réunion du 25 août. Il avait déclaré qu’il demanderait aux partenaires de l’ensemble des pays de l’Union Européenne ainsi qu’aux États-Unis de mettre en place un mécanisme de taxation des bonus des opérateurs de marché afin de renforcer la sécurité des déposants. Ce sont exactement les termes des engagements pris à l’époque.

Au fil du temps, les Britanniques s’y sont engagés, et nous nous y engageons également. C’est dans ce contexte, et alors que j’avais effectivement déclaré lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 qu’il fallait mettre en place un système assurant le fonds de garantie des dépôts pour permettre de limiter les risques à l’égard de nos concitoyens, que nous avons prévu l’article 1 er .

Rappelons que les établissements bancaires sont assujettis à plusieurs charges financières. Premièrement, vous avez voté à juste titre dans cet hémicycle une taxe qui les oblige à financer le coût de leur supervision.

M. Christian Eckert. Ça ne leur coûte pas cher!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Deuxièmement, de tous les secteurs industriels et des services, le secteur financier est probablement le seul auquel ne bénéficie pas la réforme de la taxe professionnelle, puisqu’il sera payeur net d’environ 150 millions d’euros supplémentaires.

M. Jérôme Cahuzac. Les pauvres!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Troisièmement, nous mettons en place au titre de l’article 1 er la taxation sur la rémunération variable des opérateurs de marché, dont les banques seront redevables.

Rappelons également que contrairement à leurs homologues britanniques, les banques françaises sont assujetties à la taxe sur les salaires.

Toutes ces taxations particulières au secteur bancaire sont légitimes, et nous souhaitions les diriger particulièrement vers le renforcement du fonds de garantie des dépôts.

J’en viens donc à l’article 1 er . Nous avons entendu un certain nombre de députés de la majorité sur cette question, et il existait une confusion qui nous a amenés à dissocier la taxation sur la rémunération variable des opérateurs de marché et l’augmentation du fonds de garantie des dépôts. Je proposerai dans le cadre d’un amendement gouvernemental une affectation spécifique à un fonds de dotation permettant le financement des petites et moyennes entreprises par le canal d’OSEO. Cela me paraît approprié pour souligner le caractère exceptionnel de la taxation: nous avons connu une année exceptionnelle, des concours exceptionnels, une taxation exceptionnelle qui vient en dotation exceptionnelle sur un secteur d’activité qui a besoin de financement et auquel on sait qu’OSEO a apporté un soutien absolument indéfectible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. René Couanau. Très bien!

M. Louis Giscard d'Estaing. C’était nécessaire.

M. Henri Emmanuelli. En fait, on continue dans l’habillage.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non, ce n’est pas du tout de l’habillage. Soyez patient M. Emmanuelli, je vais pouvoir vous expliquer avec moult détails, à l’occasion de l’amendement qui sera probablement examiné après le dîner, de quelle manière le mécanisme fonctionne, et ne constitue ni un « foutage de gueule » – expression que je crois avoir entendu prononcer – ni de la poudre aux yeux, ni une opération de mystification. C’est en étroite collaboration et en bonne intelligence avec un certain nombre de députés de la majorité que nous avons pu mettre en place un système utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Beaucoup ont dit lors de la discussion générale qu’il y avait insincérité de la loi de finances 2010, notamment M. Bartolone et d’autres orateurs.

M. Roland Muzeau. Comme les précédentes.

M. Éric Woerth, ministre du budget . S’il y avait eu insincérité, le Conseil constitutionnel n’aurait pas validé la loi de finances. Le budget était sincère au moment où il a été voté.

M. Michel Sapin. Il y a plusieurs sincérités successives. C’est du pur Sarkozy.

M. Éric Woerth, ministre du budget . J’avais indiqué moi-même que nous définissions un programme d’investissement, qu’il n’était pas encore fixé, et qu’il donnerait lieu à un collectif budgétaire lorsqu’il le serait. Les choses sont donc bien claires. Je remercie d’ailleurs Gilles Carrez d’avoir plusieurs fois indiqué qu’il fallait aller vite, ce qui est bien le cas.

Concernant de ce programme d’investissement, il ne s’agit pas de spéculation comme je l’ai entendu dire.

M. Jean-Pierre Brard. En voilà un gros mot!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il s’agit d’intervenir très massivement dans le moins de temps possible pour que cet investissement porte ses effets sur la croissance et permette de compenser les retards stratégiques qui ont été diagnostiqués. C’est ainsi que le choix a été fait de la nature des investissements, mais aussi des modalités de ces investissements. Je comprends que rien ne trouve grâce aux yeux de M. Brard, mais il s’agit d’un investissement dans l’avenir qui ne s’est jamais vu à un tel niveau. C’est la première fois que l’on concentre de manière aussi nette des dépenses d’investissement, et nous l’assumons.

Monsieur Bouvard, ces investissements d’avenir représenteront presque sept fois les investissements moyens annuels de l’État.

Contrairement à ce que beaucoup ont pu dire, la France ne pouvait pas attendre. Nous avons eu raison de ne pas étaler ces investissements sur plusieurs années, car c’est leur impact qui compte. Le Royaume-Uni et l’Allemagne mènent d’ailleurs des politiques qui s’inspirent de la nôtre.

Je constate que je n’ai pas entendu beaucoup d’intervenants contester nos choix relatifs à l’utilisation de l’emprunt. Quelques réserves ont été émises concernant les infrastructures de transport, mais nous assumons notre décision: elles ne sont pas financées par le grand emprunt puisqu’elles le sont déjà, par exemple, dans le cadre de la politique budgétaire ou de l’AFITF, l’agence pour le financement des infrastructures de transport de France.

M. Henri Emmanuelli. L’AFITF n’a plus de ressources!

M. Éric Woerth, ministre du budget . M. Martin-Lalande s’est félicité que le numérique constitue un axe majeur de nos choix. Une enveloppe de 4,5 milliards d’euros y est consacrée. Nous voulons dans ce domaine mener une politique extrêmement ambitieuse.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai, et c’est sans précèdent!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Cela est également vrai pour ce qui concerne les internats d’excellence et, plus globalement, pour notre politique d’excellence concernant l’éducation nationale et l’enseignement supérieur.

Monsieur le rapporteur général, monsieur Michel Bouvard, l’opération Campus avance bien. Les appels à projets ont déjà permis d’opérer la sélection de ces derniers, et les montants des dotations ont été fixés. Actuellement les sites travaillent à la finalisation de leurs schémas directeurs et de leurs schémas d’aménagement. Dans le plan de relance, 75 millions d’euros sont consacrés au financement de ces études. La signature de conventions de site formalisant les engagements de tous les acteurs constitue la prochaine étape pour laquelle les préfets de région ont été mandatés. Finalement, les premiers contrats de partenariats public-privé pourront être signés dès 2011, et les travaux seront engagés dans la foulée.

Je vous accorde que ce processus est long et relativement lourd mais, dans le respect de l’ensemble des dispositions légales, un peu de temps est nécessaire, au départ, pour mettre en place de telles opérations. En général, les choses s’accélèrent ensuite.

D’ailleurs, en ce qui concerne les infrastructures de transport nous ne sommes pas en retard par rapport à nos voisins.

La gouvernance du programme d’investissement a donné lieu à des critiques selon lesquelles nous pratiquions la débudgétisation. Il n’en est rien: le collectif budgétaire est bien un acte budgétaire, vous en êtes saisis et, conformément à la loi, nous en discutons avec la représentation nationale, ce qui est bien la moindre des choses.

Certes, pour la mise en œuvre des dépenses, nous avons recours à des opérateurs qui existent déjà, mais que n’auriez-vous dit si nous avions créé de nouvelles agences! Nous avons respecté les compétences des uns et des autres, et les opérateurs en question ont déjà une expertise et une compétence qui leur permettent d’investir, l’État n’a donc pas à le faire directement. Ces opérateurs ne sont pas des coquilles vides et, en la matière, l’expertise de la Caisse des dépôts a été très précieuse.

J’en viens au financement du grand emprunt dont les modalités sont très claires, même si Henri Emmanuelli ne semblait pas partager cette opinion.

Le remboursement des banques s’élève à 13 milliards d’euros, mais ce n’est pas à vous que je vais expliquer la différence entre une recette budgétaire et une ressource de trésorerie. Ces 13 milliards existent bien; ils sont sur le compte du Trésor et ils constituent une ressource de trésorerie. Il reste donc 22 milliards d’euros à financer, sur les 35 milliards d’euros du grand emprunt. Ce financement se fera grâce à un emprunt à moyen et long termes, ce qui correspond bien à la nature de l’investissement. Dans les arbitrages de l’agence France Trésor, cet emprunt se substitue aux emprunts à court terme, et les 22 milliards d’euros se retrouvent bien dans l’augmentation du plafond d’endettement à moyen et long termes votée par le Parlement.

Les intérêts d’emprunt supplémentaires liés au grand emprunt sont compensés pour 500 millions d’euros. Il s’agit d’une bonne mesure. Annick Girardin m’a paru s’opposer à cette compensation, mais je précise qu’il ne s’agit pas d’amputer l’investissement de 500 millions. Elle estime qu’il est préférable d’affecter cette somme à d’autres dépenses. Certes, mais, en réalité, le grand emprunt est une priorité: pour augmenter les dépenses d’investissement nous réduisons les dépenses de fonctionnement des montants équivalents aux intérêts. Il s’agit d’ailleurs, pour 2010, d’intérêts que nous ne pouvons qu’évaluer de la façon la plus efficace possible. J’insiste sur le fait que ce surcoût de fonctionnement est bien gagé au-delà de la réserve de précaution.

Monsieur Didier Migaud, vous avez affirmé qu’il ne s’agissait finalement là que de dettes et de dépenses. Vous avez raison, il n’y a rien de magique dans ce que nous vous présentons, mais l’impact du grand emprunt reste limité, pour 2010, à environ 5 milliards d’euros sur la dette, selon le rythme de décaissement, et à 2 à 2,5 milliards d’euros sur le déficit, c'est-à-dire 0,1 % du PIB.

Discussion des articles

Première partie

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. En accord avec le rapporteur général de la commission des finances, le Gouver nement, et l’ensemble des groupes, je demande, au nom de la commission de finances, la réserve de l’ensemble des amendements avant l’article 1 er afin d’examiner immédiatement les amendements à l’article 1 er .

Monsieur le président, je vous demande cinq minutes de suspension de séance.

M. le président. En application de l’article 95 du règlement, la commission demande la réserve de la discussion des amendements portant articles additionnels avant l’article 1 er . La réserve est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1 er

M. le président. La parole est à M. René Couanau, premier orateur inscrit sur l’article 1 er .

M. René Couanau. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, monsieur le ministre du budget, la question centrale soulevée par l’article 1 er concerne le lien établi entre la création d’une taxe exceptionnelle sur les bonus des opérateurs de marché et le versement des deux tiers de son produit au fonds de garantie des dépôts bancaires, lequel doit, selon nous, être alimenté par les banques elles-mêmes.

Cette disposition a suscité de nombreuses réserves et, de ma part, une réelle opposition, car elle me semble transformer un engagement solennel du Président de la République – la taxation des bonus – en un arrangement avec les banques qui exonère celles-ci de leurs responsabilités s’agissant à la fois du dépôt de garantie et de la fixation des bonus. Nous parlions de justice fiscale madame la ministre, et l’on nous a répondu: « donnant-donnant ». Selon moi, ce n’était pas acceptable.

Un amendement a été adopté par la commission des finances, à l’initiative de son président, qui supprime le versement du produit de la taxe au fonds de garantie. J’ai voté cet amendement.

Par ailleurs, nous y reviendrons dans un cadre plus large, mais vous avez tenu, me semble-t-il, à réaffirmer le caractère exceptionnel de cette taxation, limitée à cette année. Or, j’ai cru comprendre qu’une taxe exceptionnelle supposait un fléchage, une affectation en termes budgétaires. Le rapporteur général, Gilles Carrez, qui ne manque jamais d’imagination pour faire avancer la discussion, a donc suggéré que le produit de cette taxe, soit 360 millions d’euros, soit affecté à l’établissement public OSEO, destiné à soutenir les PME. Vous venez d’indiquer que le Gouvernement retiendrait cette proposition, et je m’y associerai volontiers. Toutefois, je souhaiterais que vous-même ou le rapporteur général nous précisiez quel sera, après le versement à OSEO, le solde positif pour le budget de l’État.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. L’article 1 er suscitera certainement autant de débats en séance publique qu’il en a provoqué en commission des finances. On ne vote pas une nouvelle taxe pour le plaisir, même si la majorité, qui en a créé vingt-deux ou vingt-trois depuis 2007, ne craint pas forcément d’en voter une vingt-quatrième.

Une taxe doit avoir une finalité. Nous avions cru comprendre, sur les bancs de l’opposition et, me semble-t-il, sur ceux de la majorité, qu’il s’agissait, en l’espèce, de dissuader les opérateurs d’organismes bancaires ou financiers d’adopter des comportements dont on sait qu’ils ont été en grande partie à l’origine de la crise financière puis économique qui a ravagé le monde entier et notre pays en particulier. Nous savons désormais que la finalité de cette taxe telle qu’elle est prévue par le Gouvernement, que ce soit dans l’article du projet de loi ou dans son amendement, n’a plus rien à voir avec une tentative de moralisation ou de responsabilisation. En effet, elle porte sur les rémunérations versées en 2009 – on ne peut pas modifier les comportements passés – et, dans la mesure où elle est exceptionnelle, le Gouvernement prenant bien soin d’indiquer aux acteurs bancaires que cette taxe ne s’appliquera que cette année, il n’y a aucune raison qu’elle modifie en quoi que ce soit le comportement des opérateurs cette année. L’objectif de moralisation et de responsabilisation des acteurs a ainsi été abandonné en chemin par le Gouvernement.

Mais une taxe peut également avoir pour finalité de soulager les finances publiques. Il en a été ainsi lorsque les classes moyennes ont été mises à contribution, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, pour financer le RSA ou lorsque les opérateurs de téléphonie ont été taxés pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions. Une politique était décidée; une taxe était créée pour la financer. Or, en l’espèce, elle ne soulagera pas les finances publiques, puisqu’en tout état de cause, la taxe proposée par le Gouvernement ne sera pas affectée au budget général: destinée, dans un premier temps, à abonder le fonds de garantie des dépôts, elle sera finalement affectée à OSEO. La finalité consistant à demander aux banques de contribuer à l’assainissement de nos finances publiques a donc été également abandonnée en chemin par le Gouvernement. C’est étonnant, car non seulement les banques le peuvent – l’année 2009 fut en effet exceptionnellement bonne pour elles, si l’on en juge par le niveau des bonus provisionnés: près d’un milliard d’euros –, mais elles le doivent.

M. le président. Merci, monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, ce débat est important et il doit avoir lieu.

M. le président. Sept autres orateurs sont inscrits sur l’article 1 er , monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Je vous promets que l’examen des autres amendements sera beaucoup plus rapide.

Non seulement les banques peuvent concourir à l’assainissement des finances publiques, disais-je, mais elles le doivent, car les Français, qui ont su participer par leurs subsides à leur sauvetage, ont aujourd’hui besoin de leur contribution.

Par ailleurs, quelle est l’assiette de cette taxe, madame la ministre: s’agit-il uniquement des bonus versés ou bien des bonus versés et des bonus éventuellement différés? Les bonus en cash seront-ils les seuls pris en compte ou faut-il y ajouter les bonus en actions? Si nous en connaissons le montant – entre 600 et 650 millions d’euros –, nous en ignorons la nature, et je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions à ce sujet.

Enfin, il n’est plus prévu que la taxe soit affectée au fonds de garantie des dépôts: les cotisations volontaires des banques y pourvoient. À ce propos, nous avons bien compris que l’article 1 er aurait instauré une opération totalement neutre pour les banques, puisqu’il aurait remplacé une cotisation volontaire par une taxe, dont l’assiette aurait été déductible au titre de l’impôt sur les sociétés. Quoi qu’il en soit, je souhaiterais, comme notre collègue Couanau, que vous nous précisiez si la dotation de l’État à OSEO sera diminuée à due concurrence ou maintenue, afin que nous puissions mesurer l’effort consenti par les banques et l’économie budgétaire réalisée.

Au total, compte tenu de l’abandon par le Gouvernement des finalités de la taxe, compte tenu du montant de celle-ci au regard des bonus provisionnés, des résultats des banques et du niveau de rémunération des banquiers – personnel brillant que vous défendez avec constance, qu’il s’agisse de dirigeants de banques ou de grandes entreprises, quitte à changer d’avis à l’occasion – et compte tenu du fait que le budget de l’État n’y gagnera pas un centime, on a le sentiment, madame la ministre – et je reprends bien volontiers l’expression que vous avez utilisée tout à l’heure – que vous vous moquez du monde (« Oh! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Revenons à l’origine de cette taxe. Puisque la crise actuelle est née de l’irresponsabilité du système financier et qu’elle se traduit, partout dans le monde, par une explosion des déficits publics, il était normal de considérer qu’une fois revenues à une situation plus favorable grâce au sauvetage des États, les banques contribuent à la réduction du déficit. C’est pourquoi le président de la commission des finances avait proposé de taxer de 10 % les profits qu’elles ont réalisés en 2009 Au reste, nous aurions pu nous passer d’une telle taxe si l’État français était intervenu en achetant des actions des banques. Il aurait en effet réalisé un bénéfice mérité compte tenu de son intervention et très supérieur au produit d’une taxe quelle qu’elle soit.

Vous proposez de remplacer cette taxe sur les profits des banques par une taxe dite « sur les bonus bancaires ». C’est de la communication! En réalité, il s’agit d’une taxe sur les banques. Certes, son assiette porte sur les bonus, mais les bonus eux-mêmes ne seront pas taxés: la taxe ne contribuera donc pas forcément à responsabiliser les traders.

En outre, le projet initial du Gouvernement ressemble tout de même à un petit arrangement entre amis, pour reprendre le terme utilisé par mon collègue Couanau. En effet, le prélèvement prévu se serait substitué à une contribution que les banques devaient de toute façon verser. Heureusement, l’amendement adopté par la commission des finances vous a obligés à revenir à une conception plus saine de la taxation.

Cet amendement prévoit d’affecter le produit de la taxe au budget général, s’inscrivant ainsi dans la logique d’une réduction du déficit public. Or, aujourd’hui, vous nous proposez de l’affecter à OSEO. Tout d’abord, cette proposition est quelque peu choquante au regard du principe d’universalité, qui est tout de même une règle budgétaire fondamentale. Ensuite, c’est un sacré aveu d’échec, puisqu’en proposant de taxer les banques pour financer un organisme qui contribue au financement des PME, vous reconnaissez que les banques n’ont pas respecté leur engagement d’accorder des crédits aux PME. La logique voudrait que cette taxe soit affectée au budget de l’État, ainsi que le propose le président de la commission des finances dans son amendement.

Au fond, on comprend bien votre démarche: la taxe sur les bonus, c’était de la communication; l’affectation de son produit à OSEO, c’est encore de la communication. Pendant la crise, il y a au moins une chose qui ne change pas: la capacité du Gouvernement à communiquer tout le temps, sur tout et n’importe quoi! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . Jaloux!

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Un certain nombre de choses ont déjà été dites. Je souhaiterais, quant à moi, rappeler brièvement au moins un point.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur général, on peine à trouver dans votre rapport le montant global des rémunérations concernées. Il faut chercher longtemps avant de tomber sur ces 725 millions d’euros qui constitueraient la base taxable, celle-ci n’étant que la fraction qui excède un montant annuel plancher. Bref, c’est extrêmement complexe. En tout état de cause, ceux qui perçoivent ces rémunérations ne paieront rien, mes chers collègues! C’est là une première opération d’enfumage, diraient certains. Le Gouvernement veut faire croire aux Français qu’il va taxer les bonus. Non! Il instaure une taxe sur les banques, pour une année, et une année seulement. Ce qui choque les Français, me semble-t-il, ce n’est pas forcément que les banques gagnent de l’argent, mais que leurs bénéfices soient calculés après la distribution de revenus pharaoniques à un certain nombre d’opérateurs. C’est la première contradiction du Gouvernement.

La seconde contradiction consistait à faire en sorte que cette taxe se substitue à une cotisation obligatoire des établissements bancaires. Il semblerait que, même dans les rangs de la majorité, on se soit aperçu qu’il y avait là une escroquerie, au moins intellectuelle.

Cette escroquerie, vous prétendez la faire disparaître en affectant le produit de la taxe à OSEO. Mais comme l’a très bien expliqué Pierre-Alain Muet, cela ne fait que mettre en évidence les défaillances des banques en matière d’investissement et de prise de risque, bref, dans le rôle qu’elles devraient jouer en matière de soutien à l’économie, notamment à l’égard des PME. Nous attendons des réponses aux questions très précises qui vous ont été posées: premièrement, allez-vous réduire d’autant la dotation de l’État à OSEO? Deuxièmement, allez-vous solliciter le décaissement des banques pour la partie complémentaire qui sera nécessaire à l’abondement du Fonds de garantie des dépôts, représentant, si j’ai bonne mémoire, 270 millions d’euros? Si vous répondez à côté de la plaque à ces deux questions très précises, tout le monde aura compris qu’il s’agit d’une opération blanche.

M. le président. Merci, cher collègue.

M. Christian Eckert. J’ai pratiquement terminé, monsieur le président. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine: les bénéficiaires de ces rémunérations astronomiques ne paieront pas plus d’impôts, pas plus de taxes.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Madame la ministre, vous avez dit que les prélèvements obligatoires n’augmenteraient pas, mais ce n’est pas tout à fait exact: votre plan de redressement à Bruxelles prévoit 46 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires, soit 2,3 % du PIB.

Par ailleurs, on est en droit de se demander qui gouverne, dans ce pays: est-ce l’Association française des banques, ou le Gouvernement? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Cahuzac. Il a raison!

M. Charles de La Verpillière. Mais non, il a trente ans de retard! Sa pendule s’est arrêtée en 1981!

M. Henri Emmanuelli. Quand on voit que le mécanisme d’aide aux banques va rapporter 8 milliards d’euros aux actionnaires au détriment des contribuables, on peut se poser la question! De même, s’il n’y avait pas eu l’amendement de la commission des finances pour se mettre en travers d’une opération de substitution, ce sont à nouveau 270 millions d’euros, provenant de la taxe sur les bonus des traders, qui auraient été affectés au fonds de garantie des dépôts bancaires! Cet exemple concret montre qu’il est tout à fait justifié de se poser certaines questions. Comme l’a dit M. Eckert, nous voulons également savoir si le Fonds de garantie va tout de même être abondé par les banques.

Quant à l’amendement que vous avez déposé pour essayer de camoufler ce qui s’est passé en commission des finances, où vous avez rencontré certaines difficultés – c’est le moins que l’on puisse dire – vous auriez pu procéder différemment. Ainsi, vous auriez pu vous contenter d’affecter la taxe au budget général de l’État; au lieu de quoi, la communication étant devenue une priorité absolue compte tenu de l’état de nos finances publiques, vous avez choisi de faire l’inverse, en affectant la taxe à OSEO avant de diminuer la dotation budgétaire de l’État. Cela revient exactement au même, sauf en termes de communication! Vous semblez ne rien faire d’autre que de l’habillage, madame la ministre! Quant à l’argument que vous avez invoqué tout à l’heure, selon lequel il aurait été dommageable, psychologiquement, de procéder autrement, je vous rappelle que d’autres États, ayant avec le secteur financier les mêmes rapports que nous, l’ont pourtant fait! Nous ne sommes pas une île au milieu de l’océan! Vous avez choisi de faire ce que d’autres États n’ont pas fait, et je vous tiens pour redevable de 8 milliards d’euros envers les finances publiques! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, nous abordons un sujet sur lequel nous aurons de multiples occasions de revenir au cours de la discussion: 360 millions d’euros, de quoi faire pleurer dans les chaumières les âmes sensibles de l’UMP! En réalité, si l’on examine les choses d’un peu plus près, seuls seront taxés les traders ayant touché un bonus supérieur à 27500 euros, ce qui représente plus de deux ans du salaire d’un smicard – le salaire touché actuellement par près de la majorité de Français qui, eux, ne bénéficient pas de « petits arrangements », pour reprendre l’expression de notre collègue Couanau!

La mesure, assortie d’un amendement, que vous proposez, vise avant tout à nous occuper pour dissimuler le fait que tout continue comme avant, et je ne suis pas le seul à le penser. Ainsi, Dominique Strauss-Kahn a rappelé que face à certains risques, il fallait mettre en place des mesures temporaires de contrôle des capitaux pour éviter que ne se forme une nouvelle bulle. Même les ministres des G7 – dont vous faites partie, madame la ministre – disent craindre le retour des comportements à risque des banques sur le marché. Enfin, Dominique Strauss-Kahn – qui devient pour vous une référence aussi incontournable que l’est Michel Rocard – a déclaré: « mon inquiétude est que, dans six ou douze mois, tout le monde ait repris son activité comme avant et que l’on ait oublié les leçons de la crise financière ».

On parle des bonus, mais on néglige de mentionner les bénéfices extraordinaires réalisés en 2009! Vous voudriez faire oublier que vous vous êtes opposée à l’impôt exceptionnel de 10 % sur les bénéfices, que nous avions pourtant voté en commission des finances dans le cadre du projet de loi de finances 2010! Vous amusez la galerie, vous amusez les médias – qui, il est vrai, se laissent volontiers anesthésier, à l’exception peut-être des médias parlementaires, sans doute plus éclairés que les autres – avec des histoires à dormir debout. Votre seul objectif est de permettre aux banquiers de se soustraire à leur devoir de solidarité, car au fond, rien ne change dans les règles de fonctionnement des banques: ainsi, rien, ou pratiquement rien, n’est modifié dans le mécanisme des stock-options. Dans le même temps, vous nous dites que l’argent sera affecté à OSEO. Mais si OSEO se caractérise par une chose, c’est bien par sa frilosité!

M. Philippe Vigier. Oh!

M. Jean-Pierre Brard. Chez vous comme ailleurs, monsieur Vigier, des entreprises porteuses de projets demandent à être soutenues. Mais ce ne sont pas les entreprises présentant de beaux dossiers qui reçoivent des aides, mais celles qui ne demandent rien!

M. Philippe Vigier. Caricature!

M. Jean-Pierre Brard. Malheureusement, nous en restons à l’idéologie. Vous qui appréciez ce genre de lectures, madame la ministre, je vous propose de relire ce que disait David de Rothschild il y a deux ou trois semaines (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) . M. de Rothschild‚– une référence pour vous, ou bien je suis en train de perdre tous mes repères! – déclarait que tout était reparti comme avant, à une différence près: la prochaine fois, les États n’auront plus rien sous la pédale! En tolérant que tout reprenne comme avant, c’est un saut dans le gouffre que vous préparez pour nos peuples! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tout cela pour procéder à des purges terribles remettant en cause notre contrat social, sans penser un instant au peuple, dont vous vous fichez bien! Seuls ceux qui détiennent le capital ont de l’importance à vos yeux, seuls comptent vos amis, ceux que vous représentez ici avec zèle et talent! Car du talent, vous en avez, madame Lagarde, dès lors qu’il s’agit de défendre vos obligés – je veux parler de vos obligés sur le plan moral, bien évidemment.

M. Roland Muzeau et M. Michel Issindou. Très bien!

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, oui, le système financier a failli, personne ne peut le nier. Où a-t-il failli? D’abord et avant tout aux États-Unis…

M. Jean-Pierre Brard. Non!

M. François Goulard. …et ce ne sont pas les banques françaises qui sont à l’origine de la crise.

M. Henri Emmanuelli. Non, bien sûr, elles n’y sont pour rien!

M. Roland Muzeau. Elles ont les deux pieds dedans!

M. François Goulard. Il est facile de proposer de prélever de l’argent pour punir, en quelque sorte, les banques.

M. Jean-Pierre Brard. Il s’agit d’une contribution, pas d’une punition!

M. François Goulard. La démagogie est une voie facile, que certains sont toujours tentés d’emprunter. Mais regardons la réalité: devons-nous, parce que les erreurs et les fautes commises…

M. Roland Muzeau. Les escroqueries!

M. François Goulard. …principalement aux États-Unis, ont conduit à une crise, parce que le système de contrôle et de régulation international est affecté de vices, pénaliser les banques françaises par rapport aux autres? C’est la question à laquelle nous devons répondre, mes chers collègues!

M. Roland Muzeau. Relisez le discours de Sarkozy à Davos.

M. François Goulard. Il serait, à mon sens, suicidaire, et à tout le moins contre-productif, contraire à l’intérêt national, de pénaliser les banques françaises, alors même que dans d’autres pays, les impositions que vous voulez faire peser sur les banques n’existent pas et n’existeront jamais. C’est une question de réalisme, une question d’intérêt national!

M. Jean-Pierre Brard. Ah non! Relisez Anatole France!

M. François Goulard. Sommes-nous prêts à affaiblir un secteur aussi important, par les emplois qu’il représente, par l’activité qu’il génère en France et par l’appui qu’il apporte aux entreprises françaises? Voulons-nous affaiblir le système bancaire français par rapport aux autres, c’est la question à laquelle nous devons répondre!

Je vous entends bien, monsieur Brard…

M. Jean-Pierre Brard. Ah!

M. François Goulard. …et il faut reconnaître qu’en sauvant le système financier, les États du monde entier ont sans doute rendu service aux actionnaires qui, sans cette intervention, auraient perdu leur capital. Mais si tous les États, notamment le nôtre, sont intervenus, c’est avant tout pour sauver l’économie mondiale, et ils ont eu raison de le faire! Faites donc preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle, et prenez en considération l’intérêt du secteur financier français…

M. Jean-Pierre Brard. Un peu de générosité pour les banquiers!

M. François Goulard. …un secteur extrêmement important pour notre économie, d’un excellent niveau technique – le meilleur niveau mondial – plus moral, plus éthique que bien d’autres…

M. Jean-Pierre Brard. Moral! Oh là là!

M. François Goulard. Je demande par conséquent que l’on suive les propositions du Gouvernement, des propositions parfaitement raisonnables et qui ne pénaliseront pas le système bancaire français par rapport à ses concurrents internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. M. Goulard se prend pour La Rochefoucauld!

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. L’article 1 er répond à une double problématique: il s’agit, d’une part, de tirer les conséquences directes de la crise financière internationale sur l’économie française et le secteur bancaire, en particulier en matière de distribution de bonus; d’autre part, de concourir, à la suite des recommandations et préconisations du G20, à un renforcement de la garantie de protection des déposants.

Pour ce qui est de l’évolution des comportements et de l’institution d’une taxe exceptionnelle, il est à noter que cette taxe s’appliquera effectivement aux bonus distribués en ce début d’année 2010, sur la base des résultats obtenus en 2009 par les établissements bancaires. Il était donc parfaitement légitime que cette taxe s’applique de façon exceptionnelle, pour stigmatiser les comportements jugés excessifs durant cette période.

M. Jean-Pierre Brard. Écoutez la voix de la sagesse, monsieur Goulard!

M. Louis Giscard d’Estaing. Cependant, il faut être précis: cette taxe, qui s’appliquera aux volumes des bonus qui étaient susceptibles d’être distribués, viendra par conséquent en déduction de ces bonus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Mais non!

M. Henri Emmanuelli. Pas nécessairement!

M. Louis Giscard d’Estaing. Bien sûr que si, puisque ce sera une charge à assumer par rapport aux bonus dont la distribution était prévisionnelle.

La question du renforcement de la protection des dépôts a été évoquée lors de votre audition en commission des finances, madame la ministre. Le Fonds de garantie des dépôts institué en 1999 doit faire l’objet d’une augmentation de sa dotation: les dépôts seront désormais protégés à hauteur de 100000 euros au lieu des 70000 euros actuels, au moyen d’une augmentation des cotisations.

Enfin, je me réjouis que le Gouvernement ait trouvé la bonne solution en affectant le produit de cette taxe à la dotation d’OSEO, conformément à nos vœux.

M. René Couanau. Très bien!

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble avoir entendu dire dans cet hémicycle, l’année dernière, lorsqu’il a été décidé de soutenir les banques, que des contreparties étaient nécessaires. Vous devriez être heureux, monsieur Muet, de constater que cela n’était pas que de la communication: aujourd’hui, on demande aux banques de mettre 360 millions d’euros sur la table au moyen d’un prélèvement sur les bonus…

M. Jean-Pierre Brard. Une poignée de cacahouètes!

M. Philippe Vigier. Cet argent, c’est du sonnant et trébuchant, il va bien être prélevé sur l’exercice 2009!

Par ailleurs – la question a été posée très clairement tout à l’heure et vous avez commencé à nous en expliquer la raison, madame la ministre‚– les sommes seraient attribuées, non plus au fonds de garantie, mais à OSEO.

Les questions que je souhaite vous poser sont donc simples et certaines ont déjà été posées par nos collègues.

La première est la suivante: est-ce que, oui ou non, les banques vont devoir payer ces 270 millions d’euros? Si ce n’est pas le cas, chacun fera la soustraction!

La seconde a déjà été formulée par René Couanau: s’agira-t-il, oui ou non, d’une somme supplémentaire pour OSEO? Si la réponse est oui, et si j’ai bien compris ce qui se profile dans le grand emprunt, ce sera autant d’argent en moins que l’on devra emprunter, puisque, dans le cadre de ce grand emprunt, un abondement était prévu pour les crédits d’OSEO.

M. Louis Giscard d’Estaing. Très bien!

M. Philippe Vigier. Voilà qui devrait faire plaisir à l’opposition! En tout cas, personnellement, si on désendette l’État ou si l’opération de transfert à OSEO se révèle neutre, je n’y vois rien à redire et je ne pense pas que quiconque s’en plaigne!

Sur la question de la moralisation, j’espère, mes chers collègues, que vous voterez les amendements que nous avons déposés et qui visent justement à faire en sorte que les banques ne soient pas les seules à être responsabilisées: les traders doivent l’être également. Les amendements qui arrivent vous donneront donc la possibilité de vous exprimer sur ce sujet, notamment à travers la proposition que nous faisons de sortir cette part de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, de façon à ce que la mesure qui consiste à taxer les banques ne soit pas amputée d’un tiers de sa portée.

Pour conclure, madame la ministre, nous disons oui à l’affectation de cette taxe à OSEO, à partir du moment où vous renforcez cet établissement et où l’opération sera blanche pour l’État français; oui, à la condition que les banques continueront bien à abonder le fonds à hauteur de 270 millions d’euros, dans le respect de la réglementation européenne. Si ces conditions sont remplies, nous soutiendrons votre proposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Certains de nos collègues de la majorité semblent avoir manqué deux épisodes. (Sourires.)

Le premier s’est joué il y a un peu plus d’un an, quand nous avons auditionné en commission des finances le président de la Fédération bancaire française, accompagné de sa directrice générale. Il s’agissait alors de M. Pauget, qui était par ailleurs directeur général de Crédit agricole S.A. M. Pauget se trouvait déjà dans une position difficile, puisque le Crédit agricole avait subi une dépréciation d’actifs – c'est-à-dire, en fait, une perte‚– de 7 milliards sur le marché des crédits hypothécaires américains.

Mais les responsables du réseau du Crédit agricole ne sont pas restés les bras ballants comme la majorité. Qu’ont-ils fait? Ils ont débarqué M. Pauget. Et comment l’ont-ils remplacé? pas en envoyant un chasseur de têtes parcourir les grandes écoles de commerce; ils ont choisi pour lui succéder le directeur général d’une caisse régionale du Crédit agricole. Cela montre bien que le bon sens, que le Crédit agricole avait quelque peu perdu, lui est revenu!

Le second épisode a eu lieu lorsque nous avons auditionné l’an dernier en commission des finances les directeurs généraux et les présidents des grands réseaux bancaires. Nous avions alors pu constater que ces dirigeants, en particulier ceux des caisses d’épargne et des banques populaires, « plombées » par la tragique affaire de Natixis, s’attendaient de la part du monde politique, notamment des députés – et en particulier ceux de la commission des finances‚–, à des sanctions très rudes. Or, aujourd’hui, c’est tout juste si on leur passe le gain de crin sur le dos! À vrai dire, ce serait plutôt un gant de velours! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jean-Pierre Brard. Qui va s’exprimer avec componction!

M. Jérôme Chartier. En premier lieu, je voudrais dire – une fois n’est pas coutume‚– tout le plaisir que j’ai eu à écouter les propos de mon collègue François Goulard, dans lesquels je me reconnais absolument et auxquels je n’ai rien à ajouter.

M. Dominique Baert. Ça va, on ne vous dérange pas trop? (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. Entre vous, il y a un appel, celui du parquet!

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Chartier!

M. Jérôme Chartier. En second lieu, je rappellerai quelques éléments du contexte qui a conduit le Gouvernement à déposer l’amendement dont il est question et dont nous discuterons tout à l’heure.

Je suis convaincu que Mme la ministre de l’économie aura toutes les réponses aux questions qui ont été soulevées par nos collègues du groupe SRC.

M. Roland Muzeau. Vous ramez dur, là! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Idolâtre!

M. Jérôme Chartier. Je m’interroge toutefois sur un point. J’avais cru comprendre que les socialistes étaient clairement opposés à l’affectation du produit de la taxe au fonds de garantie des dépôts, ce qu’ils ont d’ailleurs souligné en commission des finances, ainsi qu’à plusieurs reprises lors de la discussion générale.

M. Christian Eckert et M. Henri Emmanuelli. Nous n’étions pas les seuls!

M. Jérôme Cahuzac. Il y avait même des UMP!

M. Jérôme Chartier. En effet, vous n’étiez pas les seuls. Mais voici qu’on nous propose une affectation qui me semble particulièrement vertueuse, dans la mesure où la taxe exceptionnelle sur les bonus des traders – à circonstances exceptionnelles, taxe exceptionnelle‚– va être affectée au renforcement des fonds propres des petites et moyennes entreprises de France par le truchement d’OSEO.

M. Henri Emmanuelli. Par le budget général, c’est pareil!

M. Jérôme Chartier. Alors que cela correspond finalement à l’attente de la très grande majorité des parlementaires de cet hémicycle, maintes fois exprimée sur tous les bancs, voilà que j’entends encore des termes comme « subterfuge » ou « dissimulation »…

M. Henri Emmanuelli. Bidonnage!

M. Jérôme Chartier. …sur les bancs de l’opposition.

Alors, de deux choses l’une:…

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue!

M. Jérôme Chartier. …soit vous êtes très mal informés,…

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui n’avez rien compris!

M. Jérôme Chartier. …auquel cas les différentes prises de parole, de notre côté de l’hémicycle, ont heureusement permis de vous éclairer, avant que les propos de Mme la ministre et du rapporteur général achèvent sans doute de le faire; soit vous êtes de mauvaise foi.

Sincèrement, chers collègues, je préfère la première option, car je n’ose imaginer que, dans un débat aussi important, vous puissiez, ne serait-ce qu’un seul instant, être de mauvaise foi!

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire . Je souhaiterais apporter quelques précisions.

Premièrement, la taxe sur les bonus octroyés aux opérateurs de marchés est une taxe exceptionnelle, versée au titre de l’exercice2009, au cours duquel les banques ont bénéficié du soutien de l’État.

Deuxièmement, comme l’a très bien rappelé François Goulard, les banques françaises, pendant l’année2009, ont versé au budget de l’État 2,3 milliards d’euros. Il faut comparer cette somme avec le coût – de l’ordre de 90 milliards d’euros‚– supporté par le contribuable américain, mais aussi avec les dizaines de milliards qu’a dû payer le contribuable britannique, ou encore avec la perte, qui est aujourd’hui masquée mais qui se chiffre elle aussi en milliards d’euros, subie par les Länder allemands, avec les Sparkassen !

Bref, nous sommes en France dans une situation exceptionnelle: le contribuable n’a pas eu à payer pour que l’on sorte de cette passe difficile. Je crois qu’il faut vraiment rappeler cette spécificité française.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il était prévu que cette taxe exceptionnelle soit affectée de deux manières par l’article 1 er de ce collectif budgétaire: d’une part, à hauteur de 270 millions d’euros, sur le fonds de garantie des dépôts, et, d’autre part, à hauteur de 90 millions d’euros, sur le budget de l’État.

La commission des finances a estimé, madame la ministre, que la totalité des 360 millions d’euros devait être affectée au budget de l’État.

M. Henri Emmanuelli. Cela revient au même!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Vous nous soumettez donc un amendement qui, si j’ai bien compris, affecte ces 360 millions d’euros à OSEO. Je rappelle qu’il s’agit d’un établissement public industriel et commercial. L’opération – je le dis sous le contrôle du président de notre commission des finances‚– est tout à fait conforme à la LOLF, puisque l’on peut parfaitement affecter le produit d’une taxe à un EPIC poursuivant un but d’intérêt général.

M. Henri Emmanuelli. Et on va diminuer la dotation budgétaire d’OSEO!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cette disposition, mes chers collègues, a donc tout à fait sa place dans le présent collectif budgétaire. En effet, on y trouve, au titre de l’utilisation du grand emprunt national, une affectation de 500 millions d’euros – sur les 35 milliards prévus‚– en fonds propres, versés sur le programme « Croissance des PME (dotation OSEO) ».

M. Henri Emmanuelli. Voilà! Vous avez compris maintenant, monsieur Chartier? (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous sommes donc tout à fait dans la logique budgétaire, qui va consister, dès lors que les 360 millions d’euros produits par cette taxe auront été affectés à OSEO, à soustraire ce montant des 500 millions qui figurent dans le collectif.

M. Christian Eckert. Eh voilà!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Jérôme Cahuzac est suffisamment averti en matière budgétaire pour savoir qu’une diminution de dépenses et une augmentation de recettes ont exactement le même résultat du point de vue du déficit!

M. Christian Eckert. Quelle mascarade!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Par conséquent, madame la ministre, d’un point de vue strictement budgétaire, la solution que vous nous proposez va tout à fait dans le sens souhaité par la commission des finances.

J’ajoute que, du point de vue de l’opportunité, elle a un autre avantage car OSEO travaille essentiellement en direction des petites et moyennes entreprises. Le fait d’affecter ces fonds à OSEO va donc permettre de mieux développer ce secteur.

M. Henri Emmanuelli. On fait ce que les banques ne font pas!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Monsieur Emmanuelli, vous ne devriez pas dire cela, car nous venons justement d’avoir les chiffres, très intéressants, de l’évolution des encours des prêts consentis par les banques françaises aux PME pendant l’année2009: ils ont augmenté de presque 3 %.

Si vous rapportez cette donnée à la situation de l’Allemagne,…

M. Henri Emmanuelli. Ah bon! Vous avez les chiffres allemands, vous?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …du Royaume-Uni, et plus généralement de tous les pays d’Europe, notamment ceux de la zone euro, vous verrez que tous ces États ont connu une diminution des encours des prêts aux PME. Par conséquent, arrêtons de clouer sans arrêt les banques françaises au pilori, comme l’a très bien dit François Goulard. C’est vraiment absurde!

Enfin, je me tourne vers mes collègues de l’opposition pour leur poser une question. Monsieur Eckert, vous avez parlé du fonds de garantie des dépôts. Eh bien j’ai essayé de voir comment il avait été doté lors de sa création, par une loi datant de1999.

M. Henri Emmanuelli. En effet!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le Premier ministre de l’époque avait dit qu’il fallait lui consacrer 10 milliards de francs, c’est-à-dire 1,5 milliards d’euros. J’ai essayé de comprendre, en lisant tous les rapports, la raison de cette somme: pourquoi 10 milliards de francs? Quelle était la relation entre cette somme et les encours de l’époque?

J’espère que vous pourrez nous apporter la réponse, car je n’en ai, pour ma part, trouvé aucune! J’ai donc le sentiment que la dotation du fonds de garantie décidée en1999 était totalement discrétionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Ce n’est vrai!

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce que ça prouve pour aujourd’hui?

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est évident qu’il existe des divergences entre les uns et les autres sur les modalités du soutien au secteur bancaire et financier. Pour autant, tout le monde reconnaît que ce soutien a été utile et que le Gouvernement a bien fait d’agir. Ce que certains peuvent contester, ce sont, je le répète, les modalités…

M. Henri Emmanuelli. Voilà!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …et l’absence de contreparties suffisantes, surtout si l’on compare ce qui a été fait en France avec ce qui a été fait dans d’autres pays.

M. Henri Emmanuelli. Voilà!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Mais ce n’est pas le sujet de ce soir et nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur cette question.

M. Henri Emmanuelli. C’est quand même un peu le sujet! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je m’en tiendrai donc aux deux aspects abordés par l’article 1 er de ce projet de loi: l’abondement du fonds de garantie des dépôts suite à l’augmentation du plafond d’indemnisation et la taxation exceptionnelle des bonus versés en2009.

Je vous remercie, madame la ministre, de vous rallier à la position de la commission des finances – car il s’agit bien de cela.

M. Henri Emmanuelli. Avec en plus un petit tour de passe-passe; mais cela revient au même!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Pourquoi la commission des finances s’est-elle, de façon majoritaire, prononcée en faveur de l’amendement en question? C’est parce que nous n’avons pas compris pourquoi ces deux sujets étaient mélangés.

En effet, tout ce qui touche à l’abondement du fonds de garantie relève normalement d’une réglementation européenne: il s’agit d’une cotisation qui est, non pas volontaire, mais obligatoire. De plus, le fait de porter la garantie à100000 euros – contre 700000 auparavant‚–devrait conduire à abonder ce fonds à travers une cotisation qui, me semble-t-il, n’est pas déductible de l’impôt sur les sociétés.

M. Jérôme Cahuzac. Les trois septièmes!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le second aspect concerne la taxation exceptionnelle sur les bonus versés en2009 par les banques.

Ce qui nous a surpris, madame la ministre, c’est que l’on confonde ces deux choses, et que, comme par hasard, les sommes soient les mêmes pour l’une et pour l’autre!

M. Henri Emmanuelli. C’est un miracle! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Comme par hasard, la taxation exceptionnelle des bonus versés en2009 – résultat d’une initiative franco-anglaise, ou anglo-française si l’on préfère, entre le Président de la République française et le Premier ministre britannique‚– coïncide parfaitement, à l’euro près, comme dirait Jean-François Copé, avec la somme nécessaire pour compléter l’abondement du fonds de garantie! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. Comme c’est étrange!

M. Patrice Martin-Lalande. Le monde est bien fait…

M. Jean-Pierre Brard. Quel monde idéal en effet! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est effectivement à croire, madame la ministre, que le monde est bien fait! Voilà qui est tout de même assez remarquable… Mais, comme on sait bien que tout n’est pas quand même idéal dans ce monde, la majorité des membres de la commission des finances s’est interrogée.

Nous avons donc souhaité que les choses soient bien distinguées. La tribune libre du Président de la République et du Premier ministre britannique ne fait d’ailleurs jamais de lien entre la taxation exceptionnelle sur les bonus et le fonds de garantie.

M. Henri Emmanuelli. Ils sont plus malins!

M. Pierre-Alain Muet. Sarkozy a été trahi! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. D’une certaine façon, cet article 1 er n’était donc pas tout à fait conforme à la pensée du Président de la République. (Exclamations et sourires sur de nombreux bancs.)

M. Jérôme Chartier. Tout est dit!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’amendement de la commission des finances permet de distinguer la cotisation au fonds de garantie d’une part, et la taxation exceptionnelle de l’autre; il permet de faire de cette dernière une réalité, à hauteur de 360 millions – moins les 90 millions déductibles au titre de l’impôt sur les sociétés.

Merci, madame la ministre, d’entendre sur ce point la commission des finances. Mais pourquoi, alors même que nous sommes d’accord sur le fond, le Gouvernement présente-t-il un amendement?

L’essentiel, je crois, est d’avoir satisfaction sur le fond…

M. Jérôme Chartier. C’est bien de le reconnaître.

M. Gérard Bapt. Une fois de plus, la commission des finances est foulée aux pieds!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …même si on peut, bien sûr, se demander pourquoi cet amendement a été déposé.

Si je comprends bien, madame la ministre, votre amendement permet d’insister davantage sur le caractère exceptionnel de cette taxation exceptionnelle sur les bonus.

M. Dominique Baert. C’est un habillage!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce caractère exceptionnel est pourtant déjà inscrit à l’article 1 er : le terme est prononcé. Il m’a également semblé que le Président de la République, dans sa tribune libre, le disait aussi. D’une certaine façon, cet amendement marque un manque de confiance envers votre article 1 er , et envers le Président de la République: pourquoi douter de sa parole, puisqu’il affirme que cette taxation sera exceptionnelle? (Exclamations et sourires sur de nombreux bancs.)

M. Henri Emmanuelli. Parce qu’il arrive qu’on ait raison de douter de sa parole!

M. François Goulard. C’est le principe de précaution. (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. C’est le principe de Proglio! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cette précision me paraît donc superfétatoire: on pouvait s’en tenir à la rédaction de la commission des finances.

D’une certaine façon, cela ne change rien; mais, au lieu de passer par le budget de l’État, on établit un lien plus direct entre cette taxation et l’abondement des crédits d’OSEO.

M. Jean-Marie Binetruy. Ce n’est pas une mauvaise chose!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Si j’étais banquier, je me dirais que cela illustre la défaillance des banques dans leur mission de crédit aux entreprises: je ne suis pas sûr que cette liaison directe soit si pertinente que cela, au regard de l’image des banques dans l’opinion publique, qui constate leur défaillance dans le financement des entreprises.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On aurait pu, je crois, s’en tenir à une affectation au budget de l’État. C’est d’ailleurs la solution anglaise, adoptée par Gordon Brown: le dispositif est identique, mais les fonds sont affectés au budget de l’État.

M. Philippe Vigier. C’est exact.

M. Jérôme Cahuzac. C’est d’ailleurs ce que demande Copé!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Mais ne boudons pas notre plaisir: le Gouvernement a entendu la commission des finances; vous le dites dans l’exposé des motifs de votre amendement, le budget de l’État y gagne 270 millions d’euros nets. J’estime donc que nous avons satisfaction sur le fond, tout au moins sur ce point très particulier.

M. Jean-Pierre Brard. C’est très ponctuel!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En ce qui me concerne, je m’en réjouis. Je voudrais néanmoins poser quelques questions complémentaires.

Dans la mesure où le produit de la taxe sur l’assiette des bonus est affecté à OSEO, comment le fonds de garantie sera-t-il abondé en 2010?

Je précise, au passage, à notre rapporteur général que les 10 milliards qu’il évoquait tout à l’heure ont été attribués au pif! C’était un forfait, en quelque sorte.

M. Henri Emmanuelli. En espérant qu’il suffirait!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En espérant qu’il suffirait, et d’ailleurs il a suffi: le fonds de garantie a été en réalité assez peu sollicité pour le moment.

Il est donc intéressant de savoir comment le fonds sera abondé en 2010: y aura-t-il un appel à cotisations supplémentaires, pour prendre en compte l’augmentation du plafond? Quel sera le régime fiscal de ces cotisations, au regard de l’impôt sur les sociétés? Aujourd’hui, elles ne sont, je crois, pas déductibles; cette règle continuera-t-elle d’être appliquée? Enfin, les contributions des banques sont-elles rémunérées, et de quelle manière?

Afin de nous assurer que la commission des finances a satisfaction sur le fond, il est important que nous puissions obtenir les réponses à ces questions sur le fonds de garantie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 49.

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nous avons beaucoup parlé de moralisation, de changements de comportement. Cet amendement vise à répartir la charge de la taxe sur les rémunérations variables des opérateurs de marché à la fois sur les établissements de crédit et sur leurs salariés professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise.

Nous croyons important que le gain des opérateurs de marché soit proportionnel au risque encouru. Cet amendement doit donc être considéré comme un amendement de responsabilisation des deux parties prenantes, c’est-à-dire des opérateurs de marché et des établissements de crédit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement, pour des raisons évidentes. Nous avons fait le calcul: cette taxe est en effet assise sur les bonus bruts, donc aussi sur les charges sociales – qu’on peut estimer à 50 %; en comptant en sus l’impôt sur le revenu, avec une tranche marginale de 40 %, voire 30 %, l’imposition se monterait à plus de 100 %! Cela ne fonctionne donc pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’heure est à la pédagogie: il faut expliquer ce qui est en train de se passer.

Philippe Vigier et ses collègues du Nouveau Centre font semblant d’être plus radicaux, si j’ose dire, que l’UMP. Mais, même si le rapporteur général dit que cette taxe serait confiscatoire, nous sommes dans l’épaisseur du trait!

Quelle est la réalité, qui montre que nous assistons à une mise en scène juste assez habile pour endormir les gogos? C’est que les traders vont bien.

Prenons la situation aux États-Unis – un pays que vous connaissez très bien, madame Lagarde: sans se tromper, on peut raisonner par analogie. Les bonus devraient y atteindre des niveaux équivalents à ceux de 2007, avant le choc financier. Sans pouvoir pousser la comparaison jusqu’au bout, savez-vous que, pour payer les bonus, les cinq plus grands établissements financiers américains ont mis de côté 62 milliards d’euros?

Les taxations dont on parle sont donc ridicules.

Certains établissements – et, madame Lagarde, je voudrais que vous nous disiez si on ne risque pas de voir chez nous de telles pratiques – envisagent de scinder en deux l’enveloppe de primes, avec un premier versement au mois de mars2010, et un second au mois de janvier2011. Eh oui, l’année 2010 est exceptionnelle: il suffit donc de reporter le paiement de la seconde partie au 1 er  janvier 2011 pour être exonéré de toute contribution – ou plutôt au 2 janvier, sinon il faudrait donner une prime, puisque le 1 er  janvier serait travaillé!

En réalité, en France, seules les aides de l’État ont permis aux banques de réaliser des profits en 2009: sans la protection de l’État, la situation devenait périlleuse!

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Je conclus en éclairant d’un autre fait notre débat: il s’agit toujours de faire preuve de pédagogie.

Selon le cabinet de chasseurs de têtes Humblot Grant Alexander – que Mme Lagarde connaît mieux que moi – la proportion d’actions dans les bonus devrait augmenter de 25 % à 50 % aux États-Unis. À Londres et à Paris, deux tiers des bonus seront des actions, contre un tiers auparavant. Pour l’économiste Thomas Philippon, c’est un « habillage pour ne pas choquer davantage l’opinion ».

Mme la présidente. Merci.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est que du spectacle!

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 49, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Je voudrais m’exprimer contre l’amendement de M. Vigier et de ses collègues.

On voit bien qu’il y a, dans l’esprit de cet amendement, une volonté de sanction – qui correspond, sans doute, à une tendance de l’opinion qui se dit que certains ont joué avec l’argent sur les marchés, et ont mis en péril l’économie mondiale.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas une tendance, c’est du bon sens!

M. François Goulard. Je voudrais faire observer que, tel que l’amendement est rédigé, il pénaliserait – il y a une volonté de pénaliser – des gens qui, par leur travail, protègent la banque contre les risques de défaillance.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la meilleure!

M. François Goulard. Je donne un exemple. Quand il s’agit de protéger le bilan d’une banque contre les risques de variation de taux, ce sont des traders, dans des salles de marché, qui s’y emploient – avec talent, sinon ils n’auraient pas de bonus. Or ces risques sont pour les banques des risques majeurs. Les traders contribuent ainsi à la solidité de l’établissement.

M. Jean-Pierre Brard et M. Henri Emmanuelli. Mais non!

M. François Goulard. Vous voulez pénaliser des gens dont la fonction même est de garantir la sécurité financière de l’établissement: c’est vous montrer déconnectés des réalités, voire moralisateurs. Ce n’est pas l’objet de ce texte: en recherchant un certain effet, vous vous trompez, et votre amendement irait à l’encontre de l’objectif recherché.

M. Jean-Pierre Brard. M. Goulard commercialise ses indulgences. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur Goulard, je veux vous dire: loin de moi cette idée-là!

M. Jean-Pierre Brard. Oh oui, mon Dieu! (Sourires.)

M. Philippe Vigier. Je ne suis pas un grand lecteur de Challenges , avec beaucoup de références sur le grand capital! Mais, monsieur Goulard, il y a eu des dérapages dans le secteur bancaire; les banques françaises ont plutôt mieux résisté que les autres – très bien. Une taxation exceptionnelle, qui n’est pas de la communication, se met en place.

Mais il s’agit aussi de changer les comportements. Oui ou non, les mêmes dérives peuvent-elles revenir demain?

Nous proposons donc simplement d’instaurer, dans le cadre de cette taxation exceptionnelle des bonus, une double responsabilisation. Il ne s’agit pas de désigner des méchants. Mais il faut ouvrir le débat de la pérennisation, parce que là-dessus nous ne pourrons pas agir seuls, à l’échelle française: c’est à l’échelle européenne qu’il faudra agir.

Ne voyez donc pas dans cet amendement la volonté de froncer les sourcils face au monde bancaire. Ne dites pas non plus qu’ils ont été parfaitement exemplaires au cours de l’année 2009! Je pourrais citer moult exemples: dans les entreprises, dans les territoires, dans les collectivités locales, on a vécu le resserrement du crédit.

On a souvent parlé de contreparties. Nul ne doit s’exonérer de la moralisation: ni les banquiers, ni nous!

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 49.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 73 Nombre de suffrages exprimés 73 Majorité absolue 37 Pour l’adoption 26 Contre 47 (L’amendement n° 49 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n os  7, 55 et118, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n os  7 et 55 sont identiques.

La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cet amendement a déjà été défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour présenter l’amendement n° 55.

M. Philippe Vigier. Je serai rapide puisque nous en avons déjà parlé et que Mme la ministre s’en est remis à la grande sagesse de l’amendement de la commission des finances.

Je voudrais juste rappeler qu’en commission des finances, nous avions voté un amendement qui prévoyait que ces bonus soient affectés au budget de l’État et non au fonds de garantie. Comme quoi, monsieur Brard, la doctrine que vous énoncez ne se vérifie pas toujours.

Mme la ministre nous a parfaitement éclairés sur la façon dont elle comptait affecter cette taxe. Je précise qu’au Royaume-Uni, Gordon Brown propose exactement les mêmes dispositions que celles que nous prévoyons.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n°118 et donner l’avis du Gouvernement sur les amendements n os  7 et 55.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si vous permettez, madame la présidente, je donnerai auparavant quelques éléments concernant l’article 1 er et je répondrai à certaines des observations formulées dans le cadre des prises de parole qui ont précédé l’examen des amendements.

En préalable, je vous renverrai, monsieur Emmanuelli, au programme de stabilisation, qui indique très clairement, page 24, que l’augmentation des prélèvements obligatoires est le résultat tout simplement de la reprise de la croissance et qu’il n’est pas question d’augmenter les prélèvements obligatoires par l’effet d’une augmentation de la charge fiscale, recours que nous rejetons par principe comme je l’ai expliqué tout à l’heure.

M. Dominique Baert. Les produits de Bercy augmentent quand même!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En revanche, vous l’aurez sans doute noté, nous envisageons d’examiner, dans le cadre du programme de stabilité, au titre des années 2011, 2012 et 2013, la pertinence des niches pour réduire, à concurrence de 2 milliards d’euros par an, les avantages fiscaux consentis au titre de niches sociales ou fiscales qui ne seraient pas d’une grande utilité.

M. Henri Emmanuelli. Deux milliards à chaque fois?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En outre, comme l’a excellemment souligné M. le rapporteur général, le principe de non-affectation peut être battu en brèche et, dans ce cas, il est parfaitement conforme à l’application de la LOLF.

Sur l’article 1 er proprement dit, j’aimerais que l’on se souvienne de celui qui a été à l’initiative de la taxation exceptionnelle, que l’on dissèque, que l’on voue aux gémonies et jette aux orties.

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui avez « balancé » un amendement sur la taxation des banques!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est le Président de la République qui, le 25 août, à l’occasion d’une réunion de tous les banquiers de la place qu’il a organisée en urgence après la publication des provisions sur bonus qui étaient annoncées à l’époque, a pris l’initiative de la taxation sur les bonus.

M. Henri Emmanuelli. Après avoir « balancé » l’amendement « 2 milliards »!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est le Président de la République qui a pris l’initiative. Je rappelle d’ailleurs au passage qu’à l’occasion d’un communiqué de conseil des ministres, le lien entre la taxation des bonus, d’une part, et le nécessaire renforcement de la sécurité, en particulier dans la perspective où cette taxation des bonus pouvait s’effectuer sur un plan mondial, d’autre part, avait été clairement établi. Nous n’y sommes pas encore, c’est un autre chapitre du débat, que nous aurons, je n’en doute pas, sous l’autorité notamment de Dominique Strauss-Kahn, au titre des travaux engagés par le Fonds monétaire international sur un mécanisme d’assurance.

La finalité de la taxation sur les bonus est toujours la même. Si des banques ou des établissements de crédits visés par l’article 1 er souhaitaient ne pas distribuer de bonus en 2010 au titre de l’exercice 2009, contrevenant peut-être en cela à certaines dispositions contractuelles qu’ils ont convenues avec leurs opérateurs de marché, ils ont la liberté de le faire. Le caractère incitatif du processus existe toujours et répond à la même finalité: cette fiscalité est une incitation à ne pas verser de bonus.

Pourquoi a-t-on ciblé et fléché dans un premier temps le mécanisme de la taxation sur les rémunérations variables vers le renforcement du fonds de garantie des dépôts? Tout simplement pour faire en sorte que ceux qui prennent le plus de risques, et qui par conséquent rémunèrent le plus à ce titre, contribuent le plus au renforcement du fonds de garantie des dépôts.

Je comprends les réserves de certains, mais, dès lors que la taxation est de 50 %, il est clair que les banques vont diminuer, probablement à concurrence de 50 %, les sommes qui seront distribuées.

M. François Goulard. Eh oui!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Des chasseurs de tête et autres fiscalistes ou spécialistes de ressources humaines et de rémunérations feront peut-être preuve de créativité pour essayer de faire un peu mieux, à la marge, je vous l’accorde.

M. Christian Eckert. Certains fiscalistes savent faire en effet!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Néanmoins, dans le principe, on sera autour des 50 %.

En plus, ces bonus n’arrivent pas bruts dans les poches des opérateurs de marché. Il y a quand même des charges sociales.

M. François Goulard. Les impôts!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Et puis l’IRPP, à condition évidemment que les opérateurs de marché résident sur le territoire fiscal. C’est bien la raison pour laquelle nous asseyons la fiscalité au titre des banques, c’est-à-dire des établissements payeurs, et non pas sur les bénéficiaires qui, par nature et compte tenu des différentes missions effectuées par les uns et les autres, peuvent organiser leur résidence fiscale autrement.

M. Henri Emmanuelli. On peut leur faire confiance.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est donc un principe d’efficacité qui nous a inspirés.

En ce qui concerne les modalités, je regrette que M. Cahuzac ne soit plus là puisqu’il m’avait en particulier interrogée sur la question, mais vous lui rapporterez mon propos.

M. Dominique Baert. Bien sûr!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’assiette est constituée par toute rémunération variable supérieure au plafond annuel de 27500 euros – cette somme n’a pas été choisie au hasard, elle correspond tout simplement à la conversion en euros des 25000 livres retenues en Grande-Bretagne, nous sommes là sur une parité franco-britannique – quel qu’en soit le mode de paiement, c’est-à-dire en cash ou en actions, et quelle qu’en soit la date de paiement, c’est-à-dire payée en mars2010 ou par l’application du mécanisme de malus qui consiste à différer 50 % du paiement du bonus sur deux exercices, comme cela a été prévu par l’arrêté du 3 novembre 2009. Je le rappelle, celui-ci résultait précisément de conventions que la France a poussées, notamment en tant que présidente de l’Union européenne, à l’occasion des délibérations du G20.

Le montant de la taxation, je l’ai indiqué, est de 50 %. Son caractère est bien sûr exceptionnel: à circonstances exceptionnelles, concours exceptionnels et taxation exceptionnelle.

J’en reviens à la subtilité que vous évoquiez tout à l’heure sur la parole donnée et la parole crue. Je trouve assez logique le mécanisme proposé par le biais de l’amendement n°118, qui consiste à dire que les sommes prélevées au titre de la taxation sur les rémunérations variables seront affectées à OSEO, qui a passé l’essentiel de la fin de l’année 2008 et de toute l’année 2009 à renforcer le financement des petites et moyennes entreprises dont on sait pertinemment, les uns et les autres, que ce sont elles qui emploient et font le plus d’efforts en matière de recherche et développement avec le plus de résultats.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui, à la place des banques!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il était logique que les sommes prélevées à titre incitatif, pour améliorer notamment la politique de rémunérations, soient versées sous forme de dotations à OSEO.

M. Henri Emmanuelli. C’est mesquin!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Allons jusqu’au bout du raisonnement: les 360 millions d’euros attendus au titre de ce prélèvement – en l’état de nos informations évidemment puisqu’il se peut que les banques décident de verser beaucoup moins de bonus même si c’est peu probable – seront bien affectés à la dotation des capitaux d’OSEO.

M. Henri Emmanuelli. On a compris!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je préfère le répéter pour que ce soit bien clair dans l’esprit de chacun et que cela figure au compte rendu.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez également nous dire que vous allez diminuer la dotation!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Et la dotation d’un montant de 500 millions d’euros qui avait été prévue dans le cadre du Grand emprunt baissera d’autant, de telle sorte qu’il faudra 140 millions d’euros pour arriver à la somme totale de 500 millions d’euros. Voilà le mécanisme que je vous propose.

M. Henri Emmanuelli. C’est un jeu d’écriture.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je précise, pour être complète, qu’au titre du renforcement du fonds de garantie, je vais, par voie d’arrêté comme on l’a fait les années précédentes et depuis la mise en place du fonds, appeler des fonds supplémentaires, au titre de l’année 2010, de la même manière que je le ferai en augmentation pour l’année 2011, selon les rythmes habituels, pour faire en sorte que le fonds de garantie des dépôts soit bien augmenté à concurrence de ce qui sera nécessaire.

M. Henri Emmanuelli. Quels sont les chiffres?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’objectif est de répondre à la directive européenne que nous transposerons rapidement, qui fait passer de 70000 à 100000 euros la garantie par compte – je rappelle que cette mesure entre en vigueur le 31 décembre 2010.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sous réserve de l’accord du président de la commission, je serais prêt à retirer l’amendement n° 7 de la commission au profit de l’amendement n°118.

Mme la présidente. Madame la ministre, vous préférez, j’imagine, l’amendement n°118 aux amendements n os  7 et 55?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Vigier, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 55?

M. Philippe Vigier. Oui, madame la présidente.

(Les amendements n os  7 et 55 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir donné le détail complet de l’augmentation des prélèvements obligatoires. J’avais réagi parce que vous aviez affirmé qu’ils n’augmenteraient pas.

Par ailleurs, je voudrais dire que tout cela me paraît très mesquin. L’amendement qu’avait voté la commission des finances dotait le budget général, lequel pouvait doter OSEO, mais pour ne pas que l’on puisse dire que la proposition venait de la commission des finances, vous avez imaginé cet amendement, qui, j’en conviens, revient au même puisque l’on va diminuer ensuite la dotation du budget général.

M. Guy Lefrand. Jésuite!

M. Henri Emmanuelli. C’est vraiment petit!

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Emmanuelli, il ne s’agit pas de mesquinerie. Ce dispositif que nous avions travaillé, a été repris à la suite de la décision prise au sein de la commission des finances sur proposition du président de la commission des finances, et nous en avons débattu longuement avec des membres de la majorité qui émettaient certains souhaits. C’est dans le cadre de cet excellent dialogue entre le Gouvernement et sa majorité que nous avons fait cette proposition. Il ne s’agit pas d’une mesquinerie.

M. Henri Emmanuelli. Si!

M. Guy Lefrand. Très bien, madame la ministre.

M. Gérard Bapt. S’il n’y avait pas eu la proposition de la commission des finances…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, je continue sur le registre de la pédagogie. Non pour vous éclairer, parce que vous avez ce qu’il faut pour cela, mais parce que vous passez votre temps à essayer d’obscurcir l’horizon.

Vous avez parlé des actions, des bonus qui seront taxés, mais vous n’avez pas parlé d’augmentation des salaires. Or il apparaît, dans un excellent article publié dans Le Monde , documenté par le correspondant du journal à Londres, que, pour afficher des bonus moins importants tout en préservant les rémunérations de leurs traders, certains établissements, en Europe comme aux États-Unis, ont augmenté leurs salaires – et là, il s’agit, non pas de rémunérations variables, mais d’arnaques organisées par les banquiers.

Voici ce qu’on peut lire: « les traders employés à Paris par des banques françaises […] s’apprêtent à toucher, en mars, entre 900 millions et 1 milliard d’euros de primes. C’est l’équivalent de ce que 62000 personnes payées au SMIC touchent pendant un an. […] ce milliard représente un bonus annuel d’environ 285700 euros par trader, soit 17 fois le SMIC annuel. » Selon Thierry Carlier-Lacour, du cabinet de chasseurs de têtes évoqué précédemment, « les bonus moyens de 150 à 200 traders stars de Paris en 2010 devraient même plutôt se situer entre 550000 et 650000 euros. Le million d’euros devrait être atteint et dépassé pour quelques-uns. »

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je termine, madame la présidente.

Savez-vous combien gagne un maître de conférence à l’École centrale à Paris? 2800 euros par mois. D’un côté, voilà comment vous rémunérez les futurs prix Nobel, de l’autre, voilà ce que vous donnez aux cupides, aux avides qui nous ont plongés dans la difficulté.

M. Gérard Bapt. Il a raison, c’est choquant! Où est l’attractivité française?

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n°118, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mme la ministre a répondu à un certain nombre de questions, mais il reste des interrogations. J’en profite d’ailleurs pour répondre au rapporteur général, qui tout à l’heure s’interrogeait sur la fixation du fonds de garantie à hauteur de 10 milliards de francs à l’époque.

Je crois, monsieur le rapporteur général, qu’il ne devrait pas être très difficile de demander à la Commission bancaire de faire le calcul, puisqu’elle est chargée de vérifier, dans chaque établissement bancaire, si ces garanties ont effectivement été souscrites en bonne et due forme. Il suffirait donc de faire une multiplication, ce qui est relativement simple. On pourrait alors voir si le montant de 1,6 milliard d’euros correspond bien au nombre de comptes multiplié par 70000 ou 100000 euros.

La question reste posée, madame la ministre: pourriez-vous nous dire quel va être le montant soit des cotisations soit des certificats d’association que vous allez demander aux banques de souscrire pour le fonds de garantie à la fin de cette année, compte tenu du fait, d’une part, que le montant de la garantie des dépôts passe de 70000 à 100000 euros et, d’autre part, que le nombre de comptes augmente également, comme l’a signalé M. le rapporteur général dans son rapport?

Il serait utile que vous nous donniez au moins une estimation.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 118.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 69 Nombre de suffrages exprimés 49 Majorité absolue 25 Pour l’adoption 49 Contre 0 (L'amendement n°118 est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Les applaudissements que nous venons d’entendre témoignent d’un contresens. S’abstenir n’est pas approuver, d’autant que nous avons dénoncé l’immoralité de cette politique envisagée dans sa globalité.

Mme la présidente. Monsieur Brard, ce propos relève plus d’une explication de vote que d’un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, ce n’est pas une explication de vote, c’est un commentaire sur la réaction de nos collègues du groupe UMP, qui éclaire la suite de la discussion.

M. Jacques Lamblin. Jésuite! Dialecticien!

M. Charles de La Verpillière. Jésuite!

M. Jean-Pierre Brard. Il me semble que notre débat gagnerait en sérieux si l’hagiographie et l’idolâtrie ne régnaient pas à ce point sur les bancs du groupe UMP.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, en entendant Jérôme Chartier, je me disais…

Mme la présidente. Vous n’avez plus la parole, monsieur Brard.

Je suis saisie de deux amendements, n os  30 et 54, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le président de la commission des finances, pour présenter l’amendement n° 30.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’amendement n° 30 vise à faire en sorte que la taxation exceptionnelle ne soit pas déductible de l’impôt sur les sociétés. Pour en revenir à la tribune libre co-signée par le Président de la République et par le Premier ministre britannique, j’ai pu constater que le dispositif anglais prévoit que la taxe n’est pas déductible de l’impôt sur les sociétés. Pour que l’engagement d’instaurer un dispositif analogue en France et Grande-Bretagne soit tenu, je propose donc que la taxation française ne soit pas déductible de l’impôt sur les sociétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l’amendement n° 54.

M. Philippe Vigier. Cet amendement tend, comme celui de M. le président de la commission des finances, à insérer, après l’alinéa 1, l’alinéa suivant: « Cette taxe n’est pas déductible au titre de l’impôt sur les sociétés. »

Nous nous rejoignons donc, monsieur le président de la commission, et notre amendement procède des mêmes raisons que le vôtre: il s’agit de faire en sorte que le dispositif français soit identique à celui instauré au Royaume-Uni.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a rejeté ces deux amendements pour une raison de principe extrêmement importante: les impôts et taxes de toutes sortes doivent être déductibles, il n’est pas possible de payer un impôt sur l’impôt. C’est là un principe de base.

Certes, les amendes et les pénalités ne sont, en revanche, pas déductibles, mais la taxe dont il est question, comme l’a très bien dit, tout à l’heure, René Couanau, n’est pas une taxe punitive. Il s’agit d’une taxe exceptionnelle qui participe du soutien que l’État a apporté aux banques au cours de l’exercice 2009 et n’est en rien un dispositif de répression à l’encontre de nos banques, qui n’ont pas fauté.

Par conséquent, aucune raison ne saurait justifier que cette taxe échappe au principe général de déductibilité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. le rapporteur général, qui tiennent au principe de déductibilité des impôts et taxes ne présentant pas un caractère de pénalité.

S’y ajoute cependant une autre raison. Si l’on compare la France et la Grande-Bretagne, il faut considérer l’ensemble des taxations auxquelles sont soumises les sommes ayant le caractère de rémunération. Or les banques françaises sont soumises à une taxe sur les salaires, une couche de prélèvement supplémentaire de 10 %, à laquelle les banques anglaises ne sont évidemment pas soumises.

Il serait peut-être bon que les amendements soient retirés. À défaut, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je vous prie, madame la ministre, de m’excuser de revenir sur la dotation du fonds de garantie mais quelque chose m’échappe totalement.

Vous avez annoncé que vous prendriez des mesures réglementaires à propos de la dotation du fonds en capital. J’ai cru comprendre que vous ne saviez pas, au moment où nous parlons, ce que serait cette dotation et, par conséquent, que vous ignoriez le montant de l’imputation faite sur les fonds des banques. Pourquoi alors aviez-vous fléché 270 millions d’euros vers le fonds de garantie? Avant-hier, vous saviez et, aujourd’hui, vous ne savez plus! J’aimerais que vous m’expliquiez cela.

Je le dis publiquement: je crains que, à la suite du vote de l’amendement de la commission des finances, l’on ait abandonné le fléchage ou, plus exactement, que l’on ait complètement réorienté cette somme – vers OSEO ou le budget général, peu importe – et que les cotisations ne soient plus appelées à concurrence de 270 millions d’euros. Ce sera là une bonne contrepartie pour les banques, qui continuent – ne vous inquiétez pas pour elles, monsieur Goulard – à être bien traitées par ce gouvernement.

(Les amendements n os  30 et 54, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n°51.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour but de faire réfléchir sur la part fixe et la part variable. On peut effectivement substituer une part de rémunération fixe à une part de rémunération variable. Les auteurs de l’amendement entendent donc attirer l’attention du Gouvernement sur cette difficulté technique.

On peut toujours dire qu’il s’agit d’une mesure rétroactive, puisqu’elle porte sur des montants d’intéressement versés au titre de l’année 2009, même si une partie n’est pas versée en 2009 et pourrait être réduite en 2010 en cas de baisse des marchés. Nous instaurons donc un impôt sur une somme éventuelle, ce qui est tout de même assez original. Nous voudrions en tout cas savoir quel est le point de vue du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement émet un avis défavorable mais, puisque M. Charles-Amédée de Courson me le demande, je lui donnerai le sentiment du Gouvernement sur le sujet.

Rappelons-nous la finalité de cette disposition. Il s’agit d’inciter à davantage de mesure en matière de prise de risques. Or la prise de risques est généralement rémunérée par la partie variable, et pas par la partie fixe. C’est donc vraiment la partie variable qui doit être la cible de cette taxe, et pas la partie fixe. On peut, certes, imaginer des tentatives de contournement, de débordement, etc., mais elles me paraissent relever, en grande partie, de l’improbable, car l’augmentation de la rémunération fixe lie l’employeur pour l’avenir. Or je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt des directions des ressources humaines d’opter pour une telle politique salariale.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable. Je vous remercie cependant, monsieur de Courson, d’avoir évoqué un sujet dont, me semble-t-il, il faut effectivement débattre. Certes, de multiples voies de contournement peuvent être envisagées dans le cadre de politiques de rémunération inventives, mais j’espère que les redevables de la taxe ne s’y engageront pas. Ce serait fort dommage.

M. Charles de Courson. Compte tenu de ces explications, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. J’en prends acte, monsieur de Courson.

(L'amendement n° 51 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n°111.

M. Dominique Baert. Il est défendu, madame la présidente.

(L'amendement n° 111, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n°113.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement concerne la pérennité de la taxe.

On comprend bien l’instauration une taxe exceptionnelle sur les résultats des banques pour compenser le fait que les déficits sont, en grande partie, dus aux dérives financières qui ont provoqué la récession. Cependant, lorsqu’une taxe est instaurée sur les bonus afin d’inciter à des comportements structurellement plus respectueux, aucune raison ne saurait justifier que cette taxe ne soit prélevée qu’une seule fois.

Le prélèvement exceptionnel de 10 % sur les résultats des banques était justifié par le fait que les citoyens, qui avaient joué comme le rôle d’un assureur en dernier ressort lors d’un accident automobile et, ainsi, préservé les banques de la faillite, étaient en droit d’attendre que celles-ci contribuent un peu plus à la réduction de déficits dont une bonne part procède de la crise. Cependant, nous discutons maintenant d’une taxe structurelle, visant à moraliser le comportement des banques en matière de versement de bonus, ou, du moins, à le responsabiliser. Il n’y a aucune raison de la limiter à une seule année.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Il s’agit là d’un point extrêmement important. Il n’est pas possible d’alourdir excessivement et dans notre seul pays la fiscalité des banques. Je voudrais attirer votre attention, monsieur Muet, sur plusieurs faits.

Tout d’abord, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, le secteur financier, banques et assurances, paiera chaque année 150 millions d’euros supplémentaires, à compter de l’année 2010.

M. Henri Emmanuelli. Les pauvres!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C’est, avec celui de l’intérim, le seul secteur pour lequel la réforme de la taxe professionnelle se traduit par une augmentation du montant des sommes acquittées.

M. Henri Emmanuelli. C’est terrible!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ensuite, dans le cadre de la loi de finances pour 2010, nous avons adopté une taxe concernant la supervision des banques. Son montant sera de 100 millions d’euros en 2010 mais pourra augmenter jusqu’à atteindre 150 millions d’euros dans les prochaines années. Si elle est tout à fait légitime, cette taxe n’en est pas moins un élément du paysage fiscal des banques. Pour l’État, elle se traduira par un gain, puisque les banques paieront désormais le coût de leur supervision, ce qui n’était pas le cas auparavant, avec la Commission bancaire. Cela représente autant de recettes supplémentaires pour le budget de l’État, et une charge en moins pour la Banque de France.

Mme la ministre a également évoqué la spécificité française de la taxe sur les salaires. Il convient effectivement de comparer notre environnement fiscal à celui des autres pays européens – voire à la zone euro.

M. Henri Emmanuelli. Cette fiscalité dramatique n’empêche pas les banques d’engranger des milliards d’euros de bénéfices!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . D’autre part, la question des bonus ne se traite pas seulement par des moyens fiscaux. Elle se règle avant tout par la voie règlementaire. Or quel est aujourd’hui le seul pays au monde qui ait interdit les bonus garantis, différé les bonus sur plusieurs années et précisé leurs modalités d’attribution, en prévoyant notamment une attribution sous la forme d’actions? C’est la France, avec l’arrêté du 3 novembre 2009. Nous sommes les premiers à avoir instauré une telle réglementation. À ma connaissance, mais je parle sous votre contrôle, madame la ministre, aucun État n’a encore adopté un dispositif opérationnel sur les bonus. Et celui-ci s’applique aux bonus calculés au titre de l’exercice 2009.

À un moment, sauf à se tirer une balle dans le pied, il faut arrêter l’acharnement fiscal et considérer que la banque et l’assurance sont aussi une industrie. Elles représentent, en termes d’emplois, 30000 à 40000 embauches chaque année, des investissements considérables et une très forte valeur ajoutée pour quelques milliers de métiers extrêmement pointus. Vous le savez, monsieur Muet, car vous avez vous-même défendu ces thèses en d’autres temps! Dans le cadre de la compétition internationale, nous devons tout faire pour éviter qu’une industrie dotée d’un savoir-faire, de grandes capacités et d’une forte expertise ne se délocalise !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement pour les raisons évoquées par le rapporteur général.

Je tiens simplement à souligner à nouveau le caractère exceptionnel de l’année 2009, le caractère exceptionnel des concours de l’État, le caractère exceptionnel des résultats de 2009 et, enfin, le caractère exceptionnel de cette taxation au titre de l’année 2009. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est hostile au principe de pérennité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jean-Pierre Brard. Le griot de l’UMP! (Sourires.)

M. Jérôme Chartier. Le groupe UMP ne votera pas cet amendement pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées par le rapporteur général et par Mme la ministre. L’argument, qui me paraît absolument décisif, tient dans la concurrence mondiale à laquelle se livrent les places financières. Il y a lieu, c’est vrai, d’instaurer cette taxe sur les bonus des traders, mais pour la seule année 2009. Il n’est en effet pas question d’affaiblir le réseau bancaire français et surtout la place financière de Paris.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Selon vous, madame la ministre, le Président de la République aurait été le premier à parler de la taxation des traders. Mais replaçons les événements dans l’ordre chronologique. Je vous rappelle tout de même que, lors de l’examen de la loi de finances, vous avez refusé un amendement du président de la commission des finances tendant à taxer les bénéfices des banques. C’est après ce refus qu’il a été envisagé de taxer les traders.

En outre, je veux bien entendre le discours qui consiste à dire qu’il ne faut pas massacrer notre système bancaire. Toutefois, lorsque M. le rapporteur général parle d’acharnement fiscal s’agissant des 150 millions d’euros pour l’ensemble du système bancaire et des assurances, alors que la seule Société générale a annoncé 4 milliards d’euros de bénéfices pour neuf mois en 2009, on se demande dans quel monde on vit!

M. Jean Launay. Cela dépasse l’entendement!

M. Henri Emmanuelli. Le bénéfice des banques sera supérieur à 10 ou 15 milliards d’euros cumulés et vous nous parlez d’acharnement fiscal pour 150 millions d’euros! Ce n’est pas sérieux! Je pense que vous faites une mauvaise affaire. L’opinion publique a très bien compris qui était à l’origine de la crise, qui tire les marrons du feu, constate que cela « recommence comme en 40 » et attend du Gouvernement qu’il mette de l’ordre.

Quant au courage, je veux bien, monsieur Carrez, que la France soit le seul pays à avoir adopté un tel dispositif. Le Président des États-Unis vient d’annoncer un certain nombre de dispositions en direction du secteur bancaire à la demande, non d’un gauchiste, mais de M. Volcker, ancien président de la Réserve fédérale. Vous imaginez bien que ce qu’il propose est autrement plus douloureux pour le système bancaire que les malheureuses broutilles dont nous sommes en train de parler. Elles seront, de plus, une falsification, car je reste convaincu, messieurs de la majorité qui vous êtes indignés de ce que la taxation des traders se substituerait au fonds de garantie, qu’à l’arrivée, ce sera la même chose. La taxe sera affectée au budget général ou à OSEO, peu importe, mais vous verrez que les banques ne participeront pas au fonds de garantie. La substitution se fera tout de même, car elles finiront par avoir gain de cause sur tous les sujets.

M. Jérôme Chartier. Mais non!

M. Henri Emmanuelli. Mais si!

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n°113, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le rapporteur général s’est exprimé avec beaucoup de passion. De quoi ou de qui nous a-t-il parlé? De la nouvelle fiscalisation frappant ces pauvres femmes qui ont élevé des enfants, alors qu’elles étaient seules et qui vont être maintenant taxées par le Gouvernement?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C’est faux!

M. Jean-Pierre Brard. Des victimes d’accidents du travail qui vont voir leurs indemnités imposées? Non, absolument pas! Il nous parle d’acharnement fiscal pour les privilégiés, qui ont bénéficié du bouclier fiscal et de toute une série de mesures. Je sens bien, mes chers collègues, que je vous mets au supplice à chaque fois que je vous rappelle vos turpitudes. Compte tenu des pouvoirs que vous nous avez laissés depuis la réforme constitutionnelle, notre rôle principal est de faire de la pédagogie pour éclairer nos concitoyens sur chaque mesure que vous prenez afin qu’ils se rappellent, quand ils devront choisir, chacune de vos mauvaises actions. Dieu sait que, depuis 2002, il y a de quoi en faire plusieurs volumes reliés en dépit des efforts de M. Chartier pour tresser des lauriers à Mme Lagarde ou à M. Goulard!

Madame Lagarde, ce n’est pas au bord des grands lacs, à Chicago, par exemple, que vous pourrez faire cette expérience très enrichissante. En entendant M. Chartier, je pensais me trouver dans un foyer malien de Montreuil où la personnalité en visite…

Mme la présidente. Merci de conclure!

M. Jean-Pierre Brard. …subit les assauts du griot qui chante ses louanges sans même la connaître! Madame Lagarde, vous bénéficiez du griot Chartier! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Madame la présidente, permettez-moi de revenir sur l’amendement n°118. Je tiens vraiment à saluer de nouveau, dans le droit fil de ce que vient de dire M. Brard, le travail qui a été accompli par Christine Lagarde…

M. Jean-Pierre Brard. Il faut le marabouter pour qu’il se taise! (Rires.)

M. Jérôme Chartier. …et la majorité. Je voudrais souligner que c’est grâce à Gilles Carrez et à votre serviteur, mais aussi à Christine Lagarde et aux parlementaires membres de la commission des finances qui étaient, hier soir, présents dans l’hémicycle, que le débat a eu lieu pour la préparation de cet amendement. Une solution extrêmement constructive a pu ainsi être trouvée.

M. Henri Emmanuelli. C’est faux!

M. Jérôme Chartier. Elle est essentielle parce qu’il me semble particulièrement symbolique de flécher la taxation sur les bonus des traders vers le financement des petites et moyennes entreprises françaises par le truchement d’OSEO. Les fonds propres, c’est vrai, ont beaucoup manqué aux entreprises françaises au cœur de la crise, en dépit de tout ce que le Gouvernement a pu faire pour soutenir les réseaux bancaires. Le fait que cette taxation supplémentaire bénéficie aux PME françaises n’est que justice! La majorité UMP votera, bien sûr, contre l’amendement proposé.

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’aurions pas pu terminer la journée sans cela! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je répondrai d’un mot aux arguments de M. le député Emmanuelli. Il faut tout de même cesser de faire l’amalgame entre ce qui se passe aux États-Unis et ce qui se passe en France, et ce pour de multiples raisons.

M. Henri Emmanuelli. Cela vous arrange!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cela a commencé aux États-Unis…

M. Henri Emmanuelli. Et Dexia? Et Natixis?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … et les banques françaises, comme d’autres en Europe, ont été très largement victimes d’un certain nombre d’agissements tolérés par le système de supervision américain et encouragés par des mécanismes en vigueur aux États-Unis.

De surcroît, en dépit de tout le respect que l’on peut avoir pour le Président Obama, la partie variable de la rémunération des opérateurs de marché est-elle taxée aux États-Unis? Absolument pas! Le plan Obama prévoit, premièrement, le remboursement de la perte sèche subie par le contribuable américain au titre du plan de sauvetage des banques en quasi-faillite. Ce n’est pas du tout le cas en France.

M. Jérôme Chartier. Absolument!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce plan propose, deuxièmement, de séparer les activités de banque de détail et de banque d’affaires pour restaurer, d’une certaine manière, le Glass-Steagall Act, proposition de Paul Volcker. Or il se trouve que nos banques, selon le modèle mixte – banque de détail et banque d’affaire – ont plutôt mieux résisté à la crise que toutes celles qui étaient séparées. J’en veux pour preuve Lehman Brothers, qui n’était pas du tout une banque de détail: c’est pourtant par elle que le malheur est arrivé, si j’ose dire. Enfin, troisième mesure que la France approuve d’ailleurs vivement: la juste concurrence entre les opérateurs en fonction de la taille des banques.

Évitons donc l’amalgame entre ce qui s’est passé aux États-Unis et ce qui s’est passé en France et entre les propositions du Président Obama et celles dont la France a bien souvent été à l’origine, en particulier concernant les règles applicables aux bonus des opérateurs de marché. Pas de bonus garanti, bonus-malus, détermination par le conseil d’administration, telles sont les mesures prises par la France. Soyons justes et attribuons-en le mérite à ceux qui en sont à l’origine!

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n°113.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 58 Nombre de suffrages exprimés 58 Majorité absolue 30 Pour l’adoption 20 Contre 38 (L’amendement n°113 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 59 rectifié.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il s’agit, par cet amendement d’appel, de préciser ce que l’on appelle « les professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise ». En effet, un certain nombre de professionnels – courtiers et intermédiaires divers – jouent notamment le rôle d’intermédiaire sans prendre pour autant de risques sur l’évolution des valeurs des titres dont ils assurent les transactions.

Cette définition est identique à celle donnée dans l’arrêté du 3 novembre dernier relatif aux modalités de versement des bonus et méritera probablement d’être expliquée dans une circulaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur le rapporteur général, je vais vous fournir les explications qui vous permettront de conclure que votre amendement est satisfait puisque vous souhaitez exclure les activités de back-office et de courtage de l’assiette de la taxe.

Il s’agit bien en l’espèce, et je vous donne une réponse technique, des professionnels qui engagent leur établissement pour l’exercice de services et activités de marché, comme la négociation pour comptes propres et dont l’activité comporte des risques significatifs. C’est, vous l’avez noté, la même définition que celle qui est prévue par l’arrêté du 3 novembre 2009 que nous avions pris pour ancrer les règles de place et encadrer les bonus.

Très concrètement, peuvent entrer dans le champ de la taxe les activités des négociateurs, des traders sur les marchés des changes, de taux ou d’actions, ou sur les marchés dérivés, que ce soit pour le compte propre de l’établissement ou pour le compte de clients de celui-ci; les activités des vendeurs institutionnels, dits sales , qui, en salle de marché, engagent l’établissement vis-à-vis de ses clients sont également essentiellement concernées. Ces activités seront ainsi taxées si elles sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’établissement. A contrario , ne relèvent pas du champ de la taxe, les activités de post-marché appelées également back-office  ou encore celles de contrôle interne des risques, dites de middle-office . Sont également exclues les activités de courtage, donc celles qui se bornent à mettre en relation deux parties, ainsi que celles de conseil en gestion ou en fusion-acquisition. Les analystes financiers qui publient des documents de recherche ou d’analyse en interne ou pour les clients de l’établissement ne relèvent pas non plus du champ d’application de la taxe.

Au bénéfice de ces explications, je vous propose de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Maintenez-vous cet amendement, monsieur le rapporteur général?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Non, je retire cet amendement d’appel, madame la présidente.

(L’amendement n° 59 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n os  33 et 50.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 33.

M. Jérôme Chartier. On vient de l’évoquer, c’est une redite!

M. Jean-Pierre Brard. Même au maillet, on a du mal à vous faire entrer les bons arguments dans la tête, monsieur Chartier. Je recommence donc!

M. Jérôme Chartier. C’est votre côté stakhanoviste!

M. Jean-Pierre Brard. La taxe que vous nous proposez, madame la ministre, n’est pas pérenne puisqu’elle sera uniquement due pour les rémunérations versées au titre de l’année 2009. Elle est exceptionnelle, non par son niveau ou son caractère juste, mais par sa brièveté. Cette circonstance prive évidemment votre mesure de tout effet sur les pratiques en matière de rémunération des opérateurs de marché.

S’ils le souhaitent, les établissements de crédit peuvent d’ailleurs dès à présent, au titre de l’année 2010, compenser l’effet de cette taxe par le versement de rémunérations exceptionnelles plus juteuses encore, et vous ne nous avez pas contredits sur ce point.

Vous avez du reste prévu que ce serait aux banques d’acquitter cette taxe et non aux opérateurs de marché eux-mêmes. Libre à elles, donc, de répercuter ou non le montant de cette taxe sur la rémunération des salariés.

Certains banquiers annoncent déjà, sous couvert d’anonymat, qu’il leur importe au premier chef de « rester concurrentiels en matière de rémunération ».

On ne peut pas dire que de tels propos augurent d’un changement de comportement des banques, qui estiment donc parfaitement normal de verser chaque année plusieurs centaines de milliers d’euros de bonus à certains de leurs salariés, parfois au-delà d’un million d’euros, on l’a vu tout à l’heure.

Rappelons en effet que, selon vos propres estimations, les quelque 2500 opérateurs de marché concernés par la taxe exceptionnelle, qui recevront donc un bonus supérieur au seuil de 27500 euros, devraient recevoir 317500 euros de bonus en moyenne au titre de 2009.

Il convient de mettre un terme une fois pour toutes à la pratique du versement de bonus somptuaires. La taxation doit nécessairement devenir pérenne et avoir un taux beaucoup plus élevé.

Cela dit, je suis très étonné de ne pas vous avoir encore entendu dire, avec des trémolos dans la voix, qu’il faut aller le lundi matin à la gare du Nord avant le départ de l’Eurostar…

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n° 50

M. Charles de Courson. Tout d’abord, nous sommes parfaitement conscients qu’un impôt permanent franco-français en la matière peut déclencher des catastrophes.

M. Henri Emmanuelli. Des catastrophes?

M. Charles de Courson. On nous a expliqué que cet impôt avait pour objet d’inciter les banques à réduire le montant des bonus. Le président de l’Association française des banques est d’ailleurs venu lui-même nous annoncer qu’il réduisait d’environ un tiers le bonus de ses salariés concernés par le dispositif.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous le croyez?

M. Charles de Courson. Je vous répète ce qu’il nous a dit!

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes prudent!

M. Charles de Courson. Nous étions plusieurs à en être témoin.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce que cela prouve?

M. Charles de Courson. Si cet impôt a pour objet de réduire le montant des bonus, pourquoi ne le crée-t-on que pour un an?

Par ailleurs, si des banques jouent le jeu, êtes-vous sûre, madame la ministre, que ce sera toujours le cas? Comment allez-vous vérifier? Certaines ne le joueront peut-être que partiellement et d’autres pas du tout.

Profondément attachés à l’Union européenne et à son renforcement, nous voyons bien que, si l’on ne met pas en place un dispositif communautaire, on ne peut prendre qu’une petite mesure temporaire de façon à ne pas déstabiliser les personnes visées qui, sinon, iraient ailleurs.

Pourriez-vous donc nous expliquer un peu la cohérence d’un mécanisme applicable uniquement pendant un an?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

(Les amendements identiques n os  33 et 50, rejetés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°112.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. L’amendement est défendu.

(L’amendement n°112, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°110.

M. Dominique Baert. Il est défendu.

(L’amendement n°110, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 32.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je voulais vous faire remarquer tout à l’heure, madame la ministre, mais le micro a été coupé, que vous ne nous parliez plus de ces talents formidables qui prenaient leurs jambes à leur cou pour aller jusqu’à Londres. Vous ne m’avez pas davantage répondu sur la modestie des rémunérations des futurs nobélisables. Il faut croire que mieux vaut être cupide qu’intelligent et avoir porté l’avenir de l’intelligence française.

Barack Obama, le Président des États-Unis, que, comme Nicolas Sarkozy, vous n’aimez pas beaucoup, si j’ai bien compris, a annoncé le mois dernier une nouvelle taxe sur les banques. Elle s’appliquera pendant dix ans et devrait, selon les prévisions du Trésor américain, rapporter 117 milliards de dollars afin de compenser l’aide qui a été apportée aux banquiers.

Les Américains ont en effet été très choqués par les bonus versés aux États-Unis. Selon le Wall Street Journal , la rémunération des financiers aurait atteint 145 milliards de dollars l’an dernier, soit davantage qu’en 2007, année record d’avant la crise.

Après cette annonce, les projets français et anglais de taxation des bonus des traders pendant une seule année apparaissent dérisoires: la taxe que vous nous proposez devrait rapporter 360 millions d’euros, soit, même si ce n’est pas sur la même durée, 0,45 % de la taxe américaine.

Les ministres européens devraient discuter en avril prochain d’une proposition suédoise, sur laquelle nous aimerions recueillir votre avis. Soutiendrez-vous cette proposition, qui va beaucoup plus loin que vos positions actuelles?

En attendant, nous vous proposons d’adopter le présent amendement, qui supprime la référence au montant de 27500 euros.

(L’amendement n° 32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 40.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre, ce qui n’est pas courtois vis-à-vis de nos collègues suédois. Cela leur aurait permis de se préparer à vous répondre. Vous êtes dans un ensemble, l’Union européenne, où chacun doit écouter l’autre. Quand on fait ailleurs des propositions meilleures que nos propres pratiques, il faut être ouvert.

Quel sort réserverez-vous donc aux propositions suédoises?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Brard, c’est beaucoup plus par respect pour le dialogue au sein de cette assemblée que je vais vous répondre parce que j’examine attentivement par ailleurs la proposition de mon collègue Anders Borg.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes une femme fort courtoise.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Plusieurs projets sont à l’étude. La proposition suédoise, qui est un mécanisme d’assurance nationale, sera probablement mise en œuvre. Elle est soumise à l’ensemble des partenaires européens. Des travaux ont également été engagés par la Commission européenne pour mettre en place un système similaire. Un troisième chantier est ouvert, dont les finalités sont du même ordre mais dont le champ d’application est évidemment bien plus vaste. C’est le même mécanisme qui est à l’étude au niveau du Fonds monétaire international, sous l’autorité de Dominique Strauss-Kahn.

Je ne sais pas quelle sera la solution la plus appropriée, mais il est évident que c’est un autre chantier et un autre débat que nous devrons avoir puisqu’il est fait référence au risque systémique que posent les opérations d’un certain nombre de banques et au mécanisme d’assurance que l’on peut mettre en place au niveau des professions.

(L’amendement n° 40 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 39.

Vous avez eu une réponse cette fois-ci, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Moi qui suis normand, je peux parler en connaissance de cause: ce n’est même pas une réponse de normand, c’est une réponse de gascon…

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce que cela veut dire? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. …car on ne sait toujours pas quelle sera la position française.

Vous avez du talent, madame la ministre, personne ne le conteste, et vous faites preuve d’un certain brio,…

M. Jacques Lamblin. D’un brio certain!

M. Jean-Pierre Brard. …pour nous expliquer les textes. Vous faites des exégèses et, s’il y avait davantage de parité dans la Sainte église catholique, je suis sûr que vous auriez votre place pour interpréter les Évangiles.

Hélas, nous ne savons toujours pas ce que sera la position française, parmi l’une des trois pistes qui sont ouvertes et, sur ce point, j’aurais souhaité vous entendre.

Évidemment, pour le taux de taxation, nous sommes beaucoup plus audacieux que vous. S’enrichir sans raison est immoral et laisser un bonus de 5 %, c’est aller jusqu’aux limites que la morale peut accepter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Au moment où nous allons débattre du dernier amendement sur l’article 1 er , je voulais souligner que le groupe UMP se félicite de l’adoption à l’unanimité de l’amendement présenté par le Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C’est ce qui a été annoncé, je m’en remets à la présidence.

Cet amendement très important a permis de mettre en place, conformément au souhait qu’a exprimé le Président de la République le 25 août dernier, une taxation des bonus des traders, et d’affecter le produit de cette taxe exceptionnelle, pour l’année 2009, aux fonds propres des petites et moyennes entreprises de France.

La CGPME, qui s’est exprimée tout à l’heure, soutient pleinement cet amendement, et le groupe UMP se félicite de la démarche entreprise, une démarche de clarté, une démarche politique, qui montre tout l’engagement de la majorité et du Gouvernement derrière les petites et moyennes entreprises de France, et donne de la cohérence à cette taxe qui, je le redis, doit être exceptionnelle afin que la place financière de Paris ne sorte pas affaiblie.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Vous faites preuve, monsieur Chartier, d’une naïveté un peu affligeante. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. On se serait cru à la maternelle!

M. Jérôme Chartier. Naïveté? Ce n’est pas très respectueux!

M. Christian Eckert. Nous avons bien expliqué tout à l’heure, mais vous n’étiez pas là, je crois, combien cette opération relevait de l’habillage, pour ne pas dire de l’escroquerie intellectuelle.

M. Jérôme Chartier. Pourquoi avoir voté pour?

M. Henri Emmanuelli. S’abstenir, ce n’est pas voter pour!

M. Jacques Lamblin. Il fallait voter contre!

M. Christian Eckert. Selon vous, la CGPME se félicite que ces fonds aillent à OSEO. Je veux bien, sauf que Mme la ministre nous a expliqué que, de toute façon, il était prévu d’affecter 500 millions d’euros à OSEO dans l’un des articles suivants et que les 360 millions d’euros viendront en déduction de ces 500 millions. C’est donc une opération blanche.

M. Henri Emmanuelli. Absolument!

M. Christian Eckert. Madame la ministre, je suis au regret de vous dire que vous n’avez toujours pas répondu à notre interpellation. D’après vous, combien les banques devront-elles mettre dans le fonds de garantie des dépôts d’ici à la fin de cette année? C’est une question essentielle car, si ce montant était minoré de la taxe que vous appelez taxe sur les bonus mais qui est simplement assise sur les bonus, qui ne taxe pas les traders,…

M. Jérôme Chartier. Elle taxe les bonus!

M. Christian Eckert. …ce serait une opération de gribouille.

À quelle hauteur allez-vous demander aux banques de doter le fonds de garantie des dépôts? C’est une question fondamentale.

(L’amendement n° 39 n’est pas adopté.) (L’article 1 er , amendé, est adopté.)

M. Henri Emmanuelli. Nous avons voté contre cet article!

Après l'article 1 er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 52, portant article additionnel après l’article 1 er .

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je vais défendre en même temps l’amendement n° 53.

Mme la présidente. Je vous en remercie.

M. Charles de Courson. Ces deux amendements ont pour objectif de me permettre de poser deux questions au Gouvernement.

Le premier concerne le système de garantie des dépôts en France. En raison de la crise, il a été décidé de remonter la garantie de 70000 à 100000 euros.

On nous a dit que, d’après les calculs, il était nécessaire de majorer le fonds de 260 millions.

M. Henri Emmanuelli. Oui, c’est ce qu’on nous a dit à Bercy!

M. Charles de Courson. Ce fonds disposant actuellement d’un peu plus de 1,6 milliard, il s’agirait donc de le porter à environ 1,880 milliard.

Ce qui serait intéressant, c’est de comparer les niveaux de protection en Europe, car les fonds de garantie sont calculés de façon incroyablement variée. Certains pays ont des montants plus élevés, voire beaucoup plus élevés, d’autres des montants plus bas. Et je n’ai d’ailleurs jamais réussi à comprendre comment on avait calculé ce fameux 1,880 million pour100000 euros de garantie.

L’amendement n° 52 a donc pour objet de demander au Gouvernement un rapport qui nous éclairerait sur le système de calcul. Je crois d’ailleurs qu’un groupe est actuellement en train de travailler au niveau communautaire pour comparer les systèmes et tenter de les homogénéiser.

L’amendement n° 53 a un tout autre objet: il s’agit de savoir comment l’on peut éviter de faire payer au contribuable le coût de ce que l’on appelle une « crise systémique », de l’effondrement d’une ou de plusieurs banques.

Il y a deux approches. Pour les uns, qui sont probablement ceux qui possèdent la sagesse, il faut fortement augmenter les capitaux propres des banques de façon à les moduler en fonction des risques encourus et, en particulier, de demander sur les opérations spéculatives des fonds propres beaucoup plus élevés qu’actuellement. C’est une façon possible de sécuriser l’ensemble du système. Les autres favorisent le système assurantiel, qui a tout de même ce grave inconvénient qu’il risque de faire porter à ceux qui gèrent bien les conséquences des fautes de ceux qui gèrent mal.

L’amendement n° 53 a donc pour objet d’étudier les moyens de répercuter sur les banques européennes – je dis européennes car ce n’est pas dans un cadre national que l’on y parviendra – le coût de la crise financière et, plus largement, d’une éventuelle crise systémique. Nous souhaitons connaître, madame la ministre, votre position ainsi que l’évolution des débats communautaires sur le sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable. Ce type de sujets ne peut faire l’objet d’annexes supplémentaires en loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable également.

Il s’agit d’un problème important sur lequel on ne peut en effet raisonner en Franco-Français. Il faut impérativement élargir le débat au niveau de l’Union européenne et même au-delà, car certains opérateurs peu éloignés de l’Union sont déterminants par la taille de leurs établissements bancaires. Certains établissements américains opérant de manière transnationale devraient être ainsi inclus dans un système de limitation des risques systémiques.

La garantie des dépôts fonctionne de manière différente d’un pays à l’autre. En France, en Espagne, en Allemagne, il existe des fonds de garantie constitués qui peuvent fonctionner en cas de survenance d’un sinistre. En revanche, en Grande-Bretagne, par exemple, où l’exposition au risque n’est pas négligeable, compte tenu de la taille des opérateurs et du marché financier, les appels de cotisations et les contributions des établissements n’interviennent qu’après la survenance du sinistre. Il y a donc une énorme disparité entre les différents pays de l’Union.

C’est pourquoi une commission est en train d’examiner, au niveau européen, les modalités d’harmonisation possibles entre les différents fonds de garantie, voire la constitution d’un fonds unique, en tenant compte des inconvénients que M. de Courson a évoqués, à savoir que les bons gestionnaires risquent de payer pour les établissements moins bien gérés.

Cela me permet de répondre également à son interrogation concernant les appels de contributions. J’appelle régulièrement par voie d’arrêté des contributions pour alimenter le fonds de garantie. J’appellerai bien entendu davantage de contributions pour répondre aux exigences de la directive communautaire faisant passer de 70000 à 100000 euros la garantie des dépôts. Je ne peux vous dire précisément aujourd’hui quel sera le montant,…

M. Henri Emmanuelli. Alors pourquoi avez-vous fléché?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …pour une raison très simple: c’est que l’on peut soit faire une règle de trois, soit, comme ce fut le cas lorsque vous aviez mis en place ce fonds de garantie, consulter la Commission bancaire pour ajuster au mieux les appels de garantie que nous devrons effectuer. C’est exactement ce à quoi je procéderai, avec une date d’entrée en vigueur dont je vous rappelle qu’elle a été fixée au 31 décembre 2010. Ces appels de contributions auront bien lieu.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je veux bien retirer l’amendement n° 52, mais il faudra, madame la ministre, dès que vous aurez pris votre décision, que vous communiquiez le montant au président de la commission des finances, qui nous en informera.

Vous avez au fond confirmé ce que le rapporteur général et toute la commission pensaient, à savoir que les 260 millions ne correspondent pas à un calcul mécanique, pas plus que les 10 milliards de francs qui avaient à l’époque été fixés au doigt mouillé. Il faut en finir avec le doigt mouillé! Et si nous pouvions le faire dans un cadre communautaire, dès que la commission aura tranché, ce serait encore mieux. En contrepartie de cela, j’accepte de retirer l’amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 53, vous n’avez pas répondu sur le choix entre le système assurantiel et celui des capitaux propres. Il me semble que, si nous voulons une économie de responsabilité, il faut jouer sur le niveau des capitaux propres, car le système assurantiel a des effets très pervers. Je retire également cet amendement; vous nous ferez un commentaire dès qu’il y aura du nouveau au niveau communautaire.

(Les amendements n os  52 et 53 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous sommes à deux jours d’une réunion du G7, au Canada, où sera abordée la question de l’augmentation des capitaux propres et de leur nature, car il faut parvenir à des mécanismes d’harmonisation entre les différents établissements.

Sur le plan des principes, nous sommes favorables à un mécanisme du type « Bâle II amélioré », si je puis dire, c’est-à-dire un mécanisme qui tienne compte des opérations réalisées, permette un ajustement fin de la nature des risques pris par les établissements et prévoie des pondérations en fonction de la nature des activités. On peut en particulier imaginer que des opérations pour compte propre ou des profils de risque particuliers nécessitent des augmentations de capitaux propres par rapport à d’autres activités beaucoup plus sûres.

Cette gestion du risque par l’augmentation différentielle des capitaux propres nous paraît être une bonne approche, mais ce n’est peut-être pas la seule. Il faut, par conséquent, rester ouverts aux propositions de la Commission européenne et de la Suède, dont les termes ne sont pas encore bien précisés, ainsi qu’aux mécanismes suggérés par le Fonds monétaire international, pour voir comment intégrer, éventuellement, un mécanisme de garantie supplémentaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Madame la ministre, nous avons fait une démonstration claire et posé une question simple. Le Gouvernement avait, dans un premier temps, présenté un texte dans lequel 270 millions d’euros étaient fléchés vers le fonds de garantie. Je ne peux imaginer que ce calcul relevait du hasard. Vous ne pouvez affirmer, il y a huit jours, que le fonds de garantie nécessite 270 millions et nous dire aujourd’hui que l’on ne sait pas combien il faut! Ou bien vous vous êtes trompée au moment d’élaborer le collectif budgétaire, ou bien vous vous moquez de nous aujourd’hui.

Ce n’est pas une chicaya. Nous voulons savoir s’il ne va pas y avoir pour les banques une contrepartie à la taxation: d’un côté, elles paieraient la taxe sur les traders mais, de l’autre, exonérées des cotisations au fonds de garantie, elles ne feraient pas une si mauvaise affaire, la taxation étant en outre déductible. C’est le fond du débat, et nous aimerions obtenir une réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Emmanuelli, ce débat relève du fantasme.

M. Henri Emmanuelli. Ah bon? Je parle pourtant de faits réels!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Accordez-moi que j’essaie de participer au débat de la manière la plus active, la plus positive et la plus informée possible.

Quand je vous dis que je ne sais pas exactement ce que sera ce montant, je vous indique aussi que l’échéance du 31 décembre tient toujours et que ce montant sera très probablement proche de 270 millions d’euros, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins. Nous allons travailler avec la Commission bancaire. De même, dans le cadre des travaux conduits par la Commission européenne sur l’harmonisation des différents systèmes, nous souhaitons parvenir à un mécanisme qui tienne la route et soit à peu près le même pour l’ensemble des pays de l’Union.

M. Henri Emmanuelli. C’est mieux, merci!

Mme la présidente. Nous en revenons aux amendements portant articles additionnels avant l’article 1 er , précédemment réservés.

Avant l’article 1 er (amendements précédemment réservés)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Jacques Lamblin. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du projet de loi de finances rectificative puisqu’il vise à maintenir la compétitivité de notre industrie lourde. Certaines filières industrielles lourdes ont besoin de beaucoup de chaleur et, pour diminuer le prix de revient de cette chaleur, elles peuvent faire appel à des systèmes de cogénération pour la produire.

Le principe est simple: des combustibles fossiles sont brûlés, ce qui produit à la fois de la chaleur, qui est utilisée dans la filière industrielle, et de l’électricité, vendue aux distributeurs. Le problème tient au fait que les producteurs centralisés d’électricité sont exonérés des taxes intérieures sur la consommation du gaz naturel et du charbon, alors que les industries lourdes les paient.

Par conséquent, lorsqu’il s’agit de vendre sur le marché libre cette électricité, hors obligation de rachat, au prix du marché, il y a une distorsion de concurrence entre l’électricité produite par ces industriels et celle produite par les producteurs centralisés.

Il conviendrait de rétablir l’équité entre ces deux systèmes de production en exonérant ces industriels des taxes en question. Depuis 2003, une directive européenne invite d’ailleurs à exonérer de taxation les consommateurs de produits fossiles lorsque ces produits sont utilisés en cogénération.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable, car l’alignement paraît logique. En revanche, la commission n’a aucune idée du coût que peut représenter une telle mesure. Il paraît modeste dans l’immédiat, mais nous ne savons pas ce qu’il pourrait devenir plus tard.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement n’est pas vraiment favorable à cet amendement. J’éclairerai la commission en indiquant que le coût potentiel d’une telle mesure est de 40 millions d’euros, ce qui n’est pas totalement négligeable. L’impact budgétaire est amené à monter en puissance jusqu’à 40 millions d’euros, au moment où les contrats de rachat par EDF arriveront à échéance, en 2012.

La situation de la cogénération doit par ailleurs faire l’objet d’un examen approfondi dans le cadre plus global des réflexions menées actuellement sur la contribution carbone. Il nous semble qu’elle devrait recevoir une réponse dans ce cadre plutôt qu’à l’occasion d’un amendement au projet de loi de finances rectificative.

Au bénéfice de ces explications, je demande le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Accédez-vous à cette demande, monsieur Lamblin?

M. Jacques Lamblin. J’accepte de retirer l’amendement. Permettez-moi seulement de souligner que si le coût budgétaire de cette mesure est élevé, c’est que la dépense est elle-même élevée pour les industries lourdes.

Je parle en connaissance de cause puisque c’est dans ma circonscription que se trouve l’ensemble de la production française de soude et de carbonate de sodium, matières premières assez simples à produire et extrêmement utiles dans la production de verre. Les marges bénéficiaires de ces entreprises, qui représentent à peu près mille emplois, avec les emplois dérivés, sont extrêmement faibles: de l’ordre de 100000 à 200000 euros pour le compte de résultat d’une usine. Pouvoir bénéficier d’une telle exonération aurait du sens pour elles.

Je compte évidemment sur l’engagement que vous venez de prendre, madame la ministre, pour faire patienter les industriels concernés.

(L’amendement n o 1 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n os  38, 92 et 91, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 38.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, vous avez demandé que l’on vous fasse crédit de votre implication dans le débat. Personne ne peut le contester.

Je vais maintenant évoquer un sujet qui va vous rappeler des souvenirs liés à vos premiers pas dans cet hémicycle. Rappelez-vous le débat sur le bouclier fiscal. Nous, la gauche, avions réussi à faire comprendre au peuple que vous étiez en train de faire un coup tordu. Depuis, vous avez acquis du métier. Vous avez extraordinairement progressé dans votre capacité à embrumer l’opinion.

L’objet de cet amendement est simple: il s’agit de proposer la suppression du bouclier fiscal. À l’heure où le Gouvernement s’engage à réduire de 2 milliards d’euros par an, entre2011 et2013, les niches fiscales et sociales, c’est-à-dire tout cet éventail de dispositifs dérogatoires qui représentent un manque à gagner pour les caisses du pays, mais tout en annonçant un plan de rigueur qui risque de plomber l’activité, la suppression d’un dispositif aussi absurde que le bouclier fiscal s’impose. En effet, même modeste, il représente à lui seul une dépense fiscale équivalente à l’ensemble des annulations de crédits prévus au projet de loi de finances initial et dans celui que nous examinons.

M. Dominique Baert. Absolument!

M. Jean-Pierre Brard. Jusqu’à quand allez-vous continuer de défendre l’indéfendable et à ne pas dire la vérité aux Français en expliquant que le bouclier fiscal bénéficie à une majorité de personnes aux faibles revenus? Vous savez bien que ce n’est pas vrai. Sur les 14000 bénéficiaires du bouclier fiscal, les 3500 contribuables du haut de l’échelle, ceux qui disposent d’un patrimoine de plus de 7 millions d’euros, raflent la mise…

Mme la présidente. Je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Brard. …et se verront cette année encore restituer 89 % des 610 millions d’euros que coûte ce dispositif inique.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous le demandez avec tant d’insistance, madame la présidente, ce sera ma conclusion. Mais vous voyez bien, madame la ministre, qu’il s’agirait d’une mesure de justice pour que cette caste ne continue pas à bénéficier de privilèges injustes.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, nous sommes étonnés d’avoir découvert le programme de stabilité de la France pour 2010 à 2013 dans la presse. Il est tout de même curieux qu’au moment où nous examinons un collectif budgétaire, nous découvrions dans la presse que vous êtes allée à Bruxelles pour annoncer ce que vous avez appelé un programme de stabilité qui, après décodage, se révèle l’annonce d’une politique de rigueur. Je comprends bien que la proximité d’échéances électorales vous incite à ne pas divulguer à la représentation nationale les éléments de votre politique d’austérité future qui va peser sur les ménages, mais comme marque de respect et de revalorisation de la fonction du Parlement, on a tout de même connu mieux.

Notre amendement vise à supprimer le bouclier fiscal, cette disposition insupportable. Nous y sommes opposés par principe. Nous ne vous lâcherons pas sur cette question. Certes, on aurait peut-être pu comprendre un tel dispositif dans une période où la croissance était encore assez nettement positive, mais il en va différemment en période de crise économique majeure. Les Français ont déjà prouvé qu’ils étaient capables de consentir à des efforts. Cependant les efforts doivent être partagés. Or comment leur demander d’admettre la fiscalisation des indemnités journalières et le déremboursement accru des dépenses de santé alors même que vous continuez à défendre le bouclier fiscal et que l’on assiste à un certain nombre de dérives majeures?

À ce sujet, nous n’avons pas fini d’entendre parler et d’évoquer l’affaire Proglio. Nous apprenons aujourd’hui que nous avons commis une erreur en lui demandant de ne pas cumuler ses deux salaires puisqu’il a pris sa retraite de chez Véolia et, finalement, il percevra plus que ce qu’il aurait eu avant.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 91.

M. Jean Launay. Madame la ministre, vous n’êtes tout de même pas étonnée que nous reposions la question du bouclier fiscal. Votre acharnement à le défendre n’a d’égal que le nôtre à le faire tomber. Ce n’est pas seulement une question de symbole parce que ce texte, considéré par la majorité comme sa marque de fabrique au début du quinquennat,…

M. Henri Emmanuelli. C’est la marque de fabrique du sarkozysme!

M. Jean Launay. …constitue pour nous votre péché originel. Son effet se fait toujours sentir, notamment avec l’affaiblissement de nos marges de manœuvre, ce qui vous amène aujourd’hui à recourir à un emprunt national pour relancer les dépenses d’investissement et les dépenses d’avenir alors même qu’il y aurait eu moyen de consacrer à ces objectifs – que nous ne mettons pas en cause – une partie des dépenses courantes.

En outre, ce débat sur le bouclier fiscal est l’occasion pour nous de réaffirmer que nous tenons à la progressivité de l’impôt, en particulier de l’impôt sur le revenu, largement entamée par tous les processus que vous avez mis en œuvre. Ce dispositif est une manœuvre pour démanteler de fait l’impôt de solidarité sur la fortune dont vous n’avez pas osé ou voulu assumer la suppression. Le bouclier fiscal vise les ménages les plus aisés, imposés à l’ISF. L’argument selon lequel bon nombre de personnes en bénéficieraient ne tient pas: vous savez très bien qu’un très petit nombre bénéficient de la plus grande part de ce bouclier. La suppression de ce dispositif injuste nous permettrait de retrouver des marges de manœuvre utiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Nous avons déjà eu ce débat trois fois au cours des dernières semaines.

M. Jean Launay. On continuera!

M. Dominique Baert. Votre argumentation ne nourrit pas le débat, monsieur le rapporteur général!

(Les amendements n os  38, 92 et 91, repoussés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 46.

M. Jean-Pierre Brard. Dans la tradition dont je suis issu, on appelle la politique que vous défendez, madame la ministre, une politique de classe. Et nous n’appartenons pas à la même.

M. Franck Gilard. Vous n’êtes pas sérieux, monsieur Brard!

M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, je répète que la ministre et moi n’appartenons pas à la même classe. Sachant d’où vous venez, vous êtes vous-même à contre-rôle. Vous n’avez aucune raison d’être sur les bancs de l’UMP. Votre histoire personnelle, qui est tout à votre honneur, aurait dû vous conduire ici et pas à droite.

Mme la présidente. Monsieur Brard, veuillez présenter l’amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Je reviens à mon sujet.

Comme vous le savez, les cent foyers qui ont reçu le plus d’argent de la part du fisc au titre du bouclier fiscal ont capté, à eux seuls, plus du tiers du total des restitutions, recevant un chèque de 1,15 million d’euros en moyenne. Mieux, les mille bénéficiaires les plus importants ont reçu, à eux seuls, 337,2 millions d’euros. Cela signifie que 5 % du total des foyers fiscaux qui ont fait jouer le bouclier ont reçu 74 % des sommes reversées par le fisc. Voilà qui est parfaitement scandaleux.

Je sais que M. Obama n’est pas votre référence, madame la ministre – la mienne non plus –, mais quand vous avez un bon exemple ailleurs, pourquoi ne pas l’étudier? M. Obama a proposé des mesures pour que les personnes les plus fortunées, soit les foyers fiscaux dont le revenu net global excède 10 millions d’euros, ne puissent bénéficier d’aucune exonération fiscale ni d’aucun crédit d’impôt, y compris, cela va de soi, d’un bouclier fiscal. Voilà un bon exemple à suivre. De telles mesures ne sont pas promues que par le Président des États-Unis. Ainsi, M. Marini a suggéré que l’État impose un emprunt à taux zéro, ou à taux très faible, aux ménages les plus aisés!

M. Henri Emmanuelli. Ah, c’est étonnant!

M. Jean-Pierre Brard. À tel point que quand j’ai lu « UC » dans les comptes rendus du Sénat, j’ai cru que cela voulait dire « Union communiste »! (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Brard!

Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis défavorable car cet amendement a reçu satisfaction, certes partiellement,…

M. Jean-Pierre Brard. Très partiellement!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …avec le plafonnement des niches fiscales porté à 20000 euros plus 8 % du revenu imposable.

(L’amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 79.

M. François Scellier. C’est un amendement de cohérence. En effet, le dispositif d’aide à l’investissement locatif prévu à l’article 199 septvicies du code général des impôts a un petit frère: le dispositif concernant l’investissement locatif intermédiaire, adossé au dispositif principal. Or ce dernier offre la possibilité de bénéficier de réductions d’impôt même si la location concerne un membre de la famille, à condition qu’il ne soit pas membre du même foyer fiscal que le propriétaire, alors que ce n’est pas permis dans le dispositif intermédiaire. Il y aurait intérêt à ce que les deux soient calqués l’un sur l’autre, d’autant que le dispositif intermédiaire prévoit un plafonnement du loyer et un plafonnement des revenus du locataire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission, dans un souci de cohérence, a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Tout en reconnaissant aux mécanismes Scellier tous leurs mérites, en particulier le fait qu’ils ont été, surtout pendant l’année 2009, bien utiles au secteur de la construction de logements locatifs, il ne nous paraît pas raisonnable d’accepter l’amendement. En effet, le « Scellier intermédiaire », pour reprendre votre expression,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C’est-à-dire le « Scellier social »

M. Jean-Pierre Brard. C’est le comble de la célébrité, mon cher collègue! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …autrement dit le « Scellier social », se justifie puisqu’il est consenti sous plafond à des personnes aux revenus particulièrement modestes. Il est donc normal qu’il ouvre droit à des exemptions et à des exonérations plus importantes que dans le Scellier dit « normal ». Permettre le bénéfice du « Scellier social », qui est une espèce de Scellier avec bonus, à des locations consenties à des membres de la famille ne nous paraît pas raisonnable,…

M. Henri Emmanuelli. On ne saurait pas où on va!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …même si ce souci de cohérence vous honore. Je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Scellier, maintenez-vous votre amendement?

M. François Scellier. Maintenir la situation actuelle a pour effet pervers que l’investisseur qui veut louer à ses proches ne plafonne pas ses loyers, ce qui ne correspond pas au double caractère social présent dans le dispositif intermédiaire. Je maintiens l’amendement.

(L’amendement n° 79 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n°100.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement, comme le suivant que défendra mon collègue Jean Launay, est destiné à lancer un débat sur l’abus d’endettement des acteurs financiers et des entreprises, une des causes principales de la crise. En effet renforcer les fonds propres des entreprises nécessite de s’interroger sur notre dispositif fiscal puisque la déduction de l’impôt sur les sociétés des intérêts d’emprunt, sans aucun plafonnement, favorise l’endettement. L’entreprise a ainsi intérêt à profiter de l’effet de levier créé, y compris pour racheter d’autres sociétés. Je rappelle que d’autres pays prévoient un plafond à la déduction des intérêts d’emprunt.

L’amendement propose donc de limiter la déductibilité à 50 % des sommes empruntées, et à 50 % la perte d’assiette liée aux emprunts. Nous ouvrons un débat qui mérite d’être poursuivi par notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement d’appel – comme l’a qualifié M. Muet lui-même – qui est rédigé de façon brutale.

M. Michel Bouvard. C’est un vrai sujet!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En revanche, parlant sous le contrôle du président Migaud, j’indique que la commission a décidé de lancer une étude portant à la fois sur la déductibilité des intérêts, donc sur l’incitation au recours à l’emprunt, et sur l’encouragement à augmenter les fonds propres, notamment en ne distribuant pas une partie des bénéfices de l’entreprise.

Cette étude extrêmement importante est inscrite au programme de nos travaux de 2010.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je réitère évidemment l’engagement que j’avais pris à l’occasion de l’examen du PLF pour 2010, puisque j’avais proposé à M. le président de la commission des finances, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, que nous travaillions ensemble sur cette question de la déductibilité des intérêts d’emprunt.

Vous soulevez, à juste titre, un problème important mais dont le maniement est délicat: les conséquences peuvent être redoutables, en cas d’amendement rédigé de manière brutale.

Le vôtre l’est un peu et il aboutirait à sanctionner abruptement l’entreprise quelle que soit la finalité de l’emprunt contracté, qu’il s’agisse de financer un développement important ou de distribuer des dividendes aux actionnaires. Ce serait très néfaste, en particulier pour des entreprises en développement.

Je souhaite que nous puissions en débattre au sein de la commission des finances, d’ici au PLF pour 2011.

(L’amendement n°100 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Jean Launay. Ce débat que vous voulez lancer, je souhaite l’illustrer ce soir avec l’exemple d’une entreprise qui n’est pas anodine et qui est présente un peu partout sur le territoire national: Télédiffusion de France.

Mon propos d’aujourd’hui rejoindra l’intervention sur le chômage et la dette que j’ai faite hier dans la discussion générale.

TDF se trouve confrontée à un plan de restructuration. L’évolution passée de cette entreprise la place dans la tourmente du mécanisme appelé LBO, c’est-à-dire l’effet de levier par externalisation de la dette.

Souvenons-nous: de 1974 à 2009, les salariés de TDF sont passés du monopole de l’ORTF à un EPIC, puis à France Télécom qui a finalement vendu l’entreprise à un groupe d’investisseurs via ce montage LBO subi d’ailleurs à deux reprises, en2002 et2006.

Je ne vais pas décrire les mécanismes complets de ces LBO – sinon je dépasserais mon temps de parole – mais je veux évoquer leurs conséquences: malgré l’amélioration de sa productivité, l’entreprise est en difficulté car sa gestion à courte vue a conduit à privilégier la rentabilité immédiate et à supprimer la recherche et le développement.

Rappelons qu’avant les LBO cette entreprise était qualifiée de « machine à cash » par certains journaux financiers, qu’elle ne portait aucune dette et que ses bénéfices finançaient totalement ses investissements lourds en infrastructures.

En soutenant ces amendements, nous voulons souligner le caractère périlleux de ces opérations de rachats par LBO. Dans la conjoncture dégradée que nous traversons et qui est liée à la crise du capitalisme financier, de nombreuses sociétés rachetées par des fonds d’investissement avec un fort recours à l’emprunt connaissent des situations de surendettement.

C’est ce qui s’est passé pour TDF. Par cet amendement, nous voulons montrer qu’une entreprise emblématique de notre patrimoine industriel et ses salariés disséminés sur l’ensemble du territoire national…

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Dominique Baert. C’est intéressant!

M. Jean Launay. …subissent des difficultés aggravées par le LBO.

L’objectif de cet amendement précis, un peu moins lourd que le précédent, est de décourager les opérations de LBO les plus risquées, en supprimant l’avantage fiscal lié à la déductibilité des intérêts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ma réponse sera la même que pour l’amendement précédent car les montages en LBO s’inscrivent dans la question globale du recours à la dette de préférence à l’augmentation des fonds propres.

(L’amendement n° 93, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir l’amendement n°115.

M. Henri Emmanuelli. Cet amendement s’inspire d’une idée dont on nous a dit qu’elle était fausse: privilégier le bénéfice réinvesti par rapport au bénéfice distribué. On nous a expliqué un peu sommairement que ce n’était pas réaliste, pas praticable. Nous pensons l’inverse.

Madame la ministre, malgré ses déboires actuels sur le plan financier, notre pays possède la particularité d’avoir un taux d’épargne complètement ahurissant: 16 % à 17 % du PIB. J’y ai fait allusion lors de la discussion générale, hier soir, sans me faire d’illusion: le débat ne va pas s’ouvrir sur l’effondrement de l’investissement privé et public et sur la montée corrélative du taux d’épargne.

Pourtant, notre amendement serait une façon de donner un coup de fouet à nos investissements productifs. Notre pays se porterait mieux avec un peu moins d’épargne et un peu plus d’investissements. Vous devriez y réfléchir sérieusement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La question posée par cet amendement est réglée.

M. Henri Emmanuelli. Comment cela, réglée?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ce dispositif d’exonération d’IS a été supprimé dans le cadre du collectif de fin d’année 2009.

(L’amendement n°115, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour défendre l’amendement n°107.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet amendement a trait à la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail, et je vais revenir sur ce sujet sur lequel nous avons déjà réagi.

Nous considérons que cette mesure est inacceptable et choquante dans la mesure où elle va pénaliser des personnes qui ont été victimes d’accidents dans le cadre de leur travail. Cela ressemble à une provocation de la justifier en utilisant, comme vous le faites, la notion d’équité, sachant qu’il existe dans notre pays des niches fiscales représentant près de 75 milliards d’euros en 2010.

Ce ne sont pas les 130 millions d’euros à attendre de cette mesure qui vont colmater la brèche des finances publiques. En revanche, c’est un signal extrêmement dur qui est envoyé à toutes celles et ceux qui sont qualifiés par la terminologie légale de victimes d’accidents du travail.

Maintenir ce dispositif en l’état, c’est en réalité considérer que ce qui arrive aux victimes d’accidents du travail est normal. Nous souhaitons rappeler que le revenu de substitution est de l’ordre de 60 % du salaire; y ajouter de la fiscalisation ne serait pas acceptable.

Nos comptes sociaux sont déficitaires de près de 30 milliards d’euros et ceux de l’État de près de 150 milliards d’euros en 2010. Pourtant, la dizaine de milliards d’euros de pertes de recettes fiscales de la loi TEPA est maintenue, alors qu’elle concerne des gens qui vivent de leurs rentes et qui ne travaillent pas.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je souhaite rappeler qu’en 2007, 622 salariés ont péri dans un accident du travail.

Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental, consulté par le président de l’Assemblée nationale, s’est montré défavorable à cette mesure. C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. Dominique Baert. C’est bien dommage!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je rappelle à Mme Carrillon-Couvreur que le dispositif qui a été voté en fin d’année dernière est parfaitement équilibré…

M. Christian Eckert. Non!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …puisqu’il n’a fiscalisé que la partie revenu de remplacement, de substitution, c’est-à-dire en moyenne les 50 %.

Il s’agissait, par souci d’équité, d’aligner ce dispositif fiscal sur celui appliqué aux indemnités pour maladie ou maternité, et sur le régime des fonctionnaires et des travailleurs indépendants dont les indemnités au titre d’accidents du travail sont fiscalisées dans les mêmes conditions.

Donc vous voyez bien que le mot équité est tout à fait approprié.

M. Henri Emmanuelli. Non on ne voit pas! C’est scandaleux!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je ne vais quand même pas laisser passer ça!

Monsieur le rapporteur général, je voudrais que vous mesuriez l’étendue de votre déshérence. Tout à l’heure, vous nous avez parlé d’acharnement fiscal à propos de 150 millions d’euros sur les banques. À l’instant, vous nous parlez d’équité à propos de 130 millions d’euros que paieront les accidentés du travail.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Là je vous parle de femmes en congés maternité!

M. Henri Emmanuelli. Vous devriez vous ressaisir parce que, par moments, vous passez les limites.

Puisque nous parlons d’équité, je veux revenir une seconde sur l’imbroglio Proglio.

M. Michel Bouvard. Quel rapport?

M. Henri Emmanuelli. Nous avons appris, non pas avec satisfaction, que M. Proglio avait renoncé à son second salaire, c’est-à-dire à 450000 euros, et que le malheureux homme se trouvait désormais simplement pourvu d’un salaire de 1,6 million d’euros. Si ce que rapporte la presse est exact – donc sous réserve – il aurait renoncé à 450000 euros pour pouvoir bénéficier d’une retraite d’un million d’euros. Le malheureux est donc passé de quelque 2,1 millions d’euros à 2,6 millions d’euros annuels.

Je ne suis pas chargé de veiller sur les intérêts électoraux de la majorité, mais vous devriez quand même vous rendre compte que les gens ne comprennent plus.

M. Germinal Peiro. C’est scandaleux!

M. Henri Emmanuelli. Dans un pays où le salaire moyen se situe à 1800 euros mensuels, devoir expliquer que des personnages perçoivent 2,6 millions d’euros par an m’inspire cette conclusion: M. Proglio a pété les plombs, ce qui est particulièrement grave pour un dirigeant d’EDF; on risque la panne! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n°107 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement arrive à point nommé après les échanges que nous venons d’avoir sur la fiscalité des indemnités d’accidents du travail.

Je me souviens bien de la discussion choquante que nous avons eue en commission pour déterminer quelle fraction des indemnités d’accidents du travail représentait une réparation et quelle fraction représentait un revenu qu’il fallait taxer. En revanche, sur les heures supplémentaires, pas d’états d’âme, tout est défiscalisé! En comparant les deux débats, j’attends toujours qu’on m’explique la logique qui sous-tend la défiscalisation des heures supplémentaires.

De plus, dans le cas d’une récession telle que celle que nous vivons, les entreprises commencent habituellement par réduire les heures supplémentaires avant de licencier. En France, il s’est passé le contraire à cause de ce dispositif qui est une aberration économique mais aussi une profonde injustice comme en témoigne la discussion précédente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, bien entendu.

Monsieur Muet, j’ai du mal à comprendre qu’un économiste distingué comme vous…

M. Dominique Baert. Et talentueux!

M. Michel Bouvard. Émérite également!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …reste toujours dans cette même logique.

Si j’en juge par l’exposé sommaire de cet amendement, vous tenez le même raisonnement qu’à propos des 35 heures.

Vous avez une vision malthusienne du travail, partant du principe que la quantité de travail est limitée. Selon vous, la réduction du temps de travail permet donc de créer des emplois supplémentaires; de même que faciliter le recours aux heures supplémentaires pour les uns revient à prendre du travail aux autres.

Cette vision statique de l’économie est démentie par les faits…

M. Henri Emmanuelli. Mais non puisque ces heures sont moins chères!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …et par toutes les études, y compris – et c’est là que vous m’étonnez, monsieur Muet – par les études théoriques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Regardez l’évolution du chômage!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Comme vous l’imaginez, c’est un avis défavorable.

Cependant, je tiens à répondre à M. Muet à propos du recours aux heures supplémentaires qui constituerait un obstacle en période de crise.

En 2008, les heures supplémentaires ont rapporté un peu plus de 2,8 milliards d’euros à leurs bénéficiaires …

M. Christian Eckert. Elles ont coûté combien à l’État?

M. Henri Emmanuelli. Et les chômeurs, vous les comptez où?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … pour environ 725 millions d’heures supplémentaires effectuées.

Pour 2009, nous n’avons pas encore le chiffre précis mais il devrait être d’environ 10 % inférieur. Il ne faut donc pas imaginer que ce volume d’heures supplémentaires a été fixe et qu’il a constitué un obstacle.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce que dit la DARES!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il a bien été utilisé comme un mécanisme flexible.

Pour l’enseigner régulièrement, vous savez très bien qu’on ne peut pas comparer la démarche d’un chef d’entreprise qui envisage un licenciement ou un recrutement, et celle d’un chef d’entreprise qui projette de recourir ou pas à des heures supplémentaires. Ils ne s’inscrivent pas du tout dans la même logique.

J’ajoute que l’autre mécanisme utilisé pour différer les licenciements a été, et plus encore en 2009, le recours au chômage partiel et à l’activité partielle, fût-elle de longue durée.

M. Henri Emmanuelli. Ça, c’est autre chose!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Toujours est-il que c’est la combinaison des deux mécanismes – heures supplémentaires et activité partielle – qui permet le minimum de flexibilité que les 35 heures, elles, ne donnaient pas.

Je sais que je ne vous ai pas convaincus,…

M. Henri Emmanuelli. Non, et les Français non plus, d’ailleurs!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …mais peu importe: vous ne m’aviez pas davantage convaincue sur les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez raison sur un point, monsieur le rapporteur général: la politique menée est à l’opposé de celle qui consiste à réduire le temps de travail ou à inciter à le faire.

Dans une situation de chômage de masse, la politique la plus logique est de faire primer l’emploi sur le temps de travail: c’est ce que nous avons fait de 1997 à 2002, période au cours de laquelle, je le rappelle, 2 millions d’emplois ont été créés, dont 350000 à 400000 par la réduction du temps de travail: les études économiques les plus sérieuses le montrent, comme celle de la DARES.

S’agissant des heures supplémentaires, si vous meniez la même politique dans une période de forte croissance, où les capacités de production sont sous tension, on pourrait à la rigueur la comprendre; mais ce n’est pas le cas!

M. Dominique Baert. En effet!

M. Pierre-Alain Muet. C’est même l’inverse: alors que nous sommes en pleine récession, vous conduisez une politique dont plusieurs études économétriques sérieuses – celles de l’INSEE, par exemple – indiquent qu’elle détruit 90000 emplois. Les comparaisons sont édifiantes. L’Allemagne a connu en 2009 une récession deux fois plus forte que la France; or son taux de chômage, en données harmonisées, est resté stable – 7,5 % en juillet2008 et 7,6 % aujourd’hui – alors que, en France, il est passé de 7,5 % en juillet2008 à 10 % aujourd’hui: le résultat est clair!

Au début de la récession, la France a connu des licenciements massifs; l’Allemagne, elle, a utilisé la réduction des heures supplémentaires et, bien sûr, le temps partiel, dont nous avons d’ailleurs dit qu’il fallait aussi l’encourager.

Tous ceux qui se pencheront un jour sur la période actuelle diront que votre politique est absurde du point de vue économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 87 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour défendre l’amendement n° 86.

M. Henri Emmanuelli. Défendu.

(L’amendement n° 86, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n° 89.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet amendement est essentiel.

M. Dominique Baert. Tout à fait!

M. Christian Eckert. La disposition visée suscite l’étonnement de certains de nos concitoyens: tous nos collègues peuvent en témoigner, y compris ceux de la majorité, lesquels, d’ailleurs, se sont également interrogés à son sujet lors des longues discussions en commission des finances.

Mme la ministre ou M. le rapporteur général pourraient-ils nous renseigner sur le coût de la mesure? Il y a en effet des hésitations sur ce point, même si l’on évoquait, me semble-t-il, quelques centaines de millions d’euros. L’acharnement fiscal dont parlait Henri Emmanuelli portait sur une somme à peu près équivalente.

L’équité, dont on parle tant, voudrait que l’on reconduise la demi-part supplémentaire dont bénéficiait jusqu’alors toute personne ayant élevé seule un enfant. C’est la même équité que l’on va invoquer pour comparer les différentes situations, telles que le veuvage ou la séparation; mais l’équité consiste pour vous, chers collègues de la majorité, à tout aligner par le bas!

M. Germinal Peiro. Eh oui!

M. Christian Eckert. L’autre solution serait de le faire par le haut. Nous ne parlons pas de personnes aisées, de contribuables concernés par le bouclier fiscal, mais de personnes qui, ayant élevé seules un enfant, bénéficiaient d’une demi-part supplémentaire: tous nos collègues devraient être d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

La demi-part, monsieur Eckert, n’est pas supprimée: elle est maintenue pour les personnes seules, qui ont élevé seules un enfant pendant au moins cinq ans. Elle est en revanche supprimée pour les personnes qui n’ont pas élevé seules un enfant et qui, après que l’enfant eut quitté le foyer, ont connu une séparation ou un divorce: il n’y a en effet aucune raison pour que ces personnes, qui à aucun moment n’ont élevé un enfant seules, bénéficient de la demi-part à vie.

En clair, c’est par souci d’équité que nous revenons sur ce dispositif fiscal.

M. Henri Emmanuelli. Allons, ne parlez pas d’équité!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Les personnes dont vous parlez, monsieur le rapporteur général, ont tout de même élevé un enfant: vous oubliez de le préciser!

M. Charles de La Verpillière. Pas la seule!

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’a pas compris!

M. Henri Emmanuelli. Si! M. le rapporteur général a évoqué les personnes qui ont élevé seules un enfant; mais on peut avoir élevé un enfant en couple et se voir, plus tard, privé de la demi-part supplémentaire!

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas la même situation!

M. Henri Emmanuelli. On exclut donc du dispositif les personnes qui ont élevé un enfant en couple. C’est tout de même une drôle de conception de l’équité.

(L’amendement n° 89 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma