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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 17 juin 2010

Deuxième séance du jeudi 17 juin 2010

Présidence de Mme Danielle Bousquet
vice-présidente

Mme la présidente . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Suspension de la commercialisation des biberons à base de bisphénol A

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A (n os 2390, 2616).

La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mes collègues Roselyne Bachelot, ministre de la santé, actuellement en Afrique du Sud, et Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’écologie, retenue au Sénat par le débat sur les nanotechnologies.

La question de la sécurité sanitaire est primordiale pour tout État, qui a le devoir de protéger sa population contre les risques de santé publique. À cet égard, le Gouvernement accorde une attention toute particulière au problème du bisphénol A. Cette préoccupation, nous la partageons avec la représentation nationale tout entière, comme en témoigne la proposition de loi dont nous allons débattre et que la Haute Assemblée a adoptée le 24 mars dernier.

Dès 2008, Roselyne Bachelot avait saisi l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments de ce sujet, et en particulier de la migration du bisphénol A des biberons vers leur contenu.

Plus récemment, comme vous l’avez fort bien rappelé dans votre rapport, monsieur le rapporteur, l’AFSSA a rendu une série d’avis sur la question pour intégrer les dernières données scientifiques, et rend compte très régulièrement des travaux qu’elle conduit dans ce cadre. Dans ce contexte, elle a organisé des échanges avec les associations qui se sont mobilisées sur ce sujet.

De son côté, le ministère chargé du développement durable a également saisi l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail pour évaluer l’exposition potentielle de la population générale du fait de l’environnement, ainsi que les substituts possibles à cette substance.

Le Gouvernement a bien entendu la demande du Parlement et a d’ailleurs donné un avis favorable à l’inclusion, dans les dispositions de la loi Grenelle 2, de l’article 1 er de la proposition de loi, qui en constitue l’essentiel. Sa vigilance sur cette question est donc totale, et je souhaite que notre débat vous permette de la mesurer.

La question est celle de l’impact des substances chimiques, notamment sur le développement hormonal des enfants. C’est un vrai problème, que nous devons traiter de manière raisonnée.

Permettez-moi de commencer par rappeler les termes du débat.

Le bisphénol A est un produit entrant dans la fabrication du polycarbonate et de certaines résines. Il est largement utilisé dans des matériaux en contact avec des aliments : biberons, vaisselle, récipients plastiques, revêtement intérieur de boîtes de conserve. Il est aussi utilisé dans d’autres produits, tels que les papiers thermiques.

Le caractère de perturbateur endocrinien du bisphénol A est connu depuis les débuts de son utilisation. Cela veut dire que l’on sait, depuis longtemps, qu’un organisme exposé à une certaine quantité de bisphénol A peut voir son système hormonal perturbé. Ce type d’effet des substances chimiques suscite une attention croissante de la part des experts et des pouvoirs publics. Le Gouvernement a d’ailleurs récemment saisi l’INSERM d’une étude sur l’ensemble des perturbateurs endocriniens.

L’usage courant du bisphénol A a cependant toujours été considéré comme étant sans conséquences sanitaires. En effet, ce produit ne migre qu’en faibles quantités du contenant, dans lequel il se trouve, vers le contenu, qui est consommé.

Le polycarbonate est largement utilisé dans des dispositifs au contact des aliments et des liquides : biberons, vaisselle, récipients destinés au four à micro-ondes, boîtes pour la conservation des aliments.

Les résines, quant à elles, font l’objet de deux types d’emploi. Elles sont utilisées en tant que revêtement de surfaces, notamment dans les cannettes, les boîtes de conserve, certaines canalisations d’eau, conteneurs d’eau potable et cuves à vin. Elles assurent également l’étanchéité de récipients en verre.

Toutes les études scientifiques confirment la très faible migration du bisphénol A vers les contenus. Elles montrent en effet que la quantité de bisphénol A trouvée dans les solides ou les liquides avec lesquels il est en contact est largement inférieure à la dose journalière tolérable définie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Quel que soit le mode d’alimentation, l’exposition des nourrissons est très inférieure à cette dose journalière tolérable.

Toutefois, des questions nouvelles sont désormais posées sur les effets de ce produit à faibles doses. En effet, des publications récentes, portant notamment sur le rat, font état de signaux d’alerte après une exposition in utero et postnatale, et ce à des doses inférieures à la dose journalière tolérable.

Les conséquences de cette exposition sur la santé humaine ne sont pas avérées à ce stade, d’autant que le métabolisme du bisphénol A est très différent chez le rat, sur lequel les expérimentations ont été menées, et chez l’homme.

Face à ces signaux d’alerte, l’État s’est mobilisé. L’AFSSA s’est lancée dans un travail de collecte de données concernant l’exposition de la femme enceinte et du nourrisson au bisphénol A. Elle travaille également sur l’interprétation des effets subtils observés sur des animaux de laboratoire. Par ailleurs, l’AFSSET a été saisie par le ministère de l’environnement afin d’évaluer l’ensemble des usages pouvant conduire à une exposition environnementale au bisphénol A et d’identifier l’existence de substituts ainsi que les dangers associés à ces substituts.

C’est aussi pourquoi le Gouvernement a accepté un amendement tendant à suspendre la mise sur le marché de biberons contenant du bisphénol A lors de la discussion par votre assemblée du projet de loi « Grenelle 2 », suite à l’adoption de la proposition de loi à l’unanimité par le Sénat. Des substituts au bisphénol A existent pour les biberons et sont largement commercialisés.

Mais aller au-delà de ces dispositions ne serait pas justifié à ce stade. Nous devons en effet asseoir nos décisions sur des processus d’expertise solides et agir en lien avec les autres pays européens.

Plusieurs amendements tendent à une interdiction plus large du bisphénol A. Je sais que la commission des affaires sociales a rejeté ces propositions mais a exprimé – en particulier par la voix de son président, que je remercie pour son implication très forte sur ce sujet – son souhait de disposer de davantage d’informations quant aux actions mises en œuvre par le Gouvernement. Je vais m’efforcer de répondre à cette demande.

C’est pourquoi, partant du principe que les décisions publiques sont d’autant meilleures qu’elles sont éclairées par tous les avis techniques nécessaires, le Gouvernement s’engage à revenir devant votre assemblée, en janvier 2011, pour vous rendre compte du résultat de l’ensemble de ces travaux et décider, avec l’ensemble de la représentation nationale, sur la base des éléments dont nous disposerons, de l’opportunité de faire évoluer la réglementation de ce produit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chères et chers collègues – les premières étant cet après-midi majoritaires (Sourires) , disons-le d’emblée : la présente proposition de loi, déposée par le sénateur Yvon Collin et adoptée à l’unanimité par le Sénat avec l’accord du Gouvernement, constitue une réelle avancée qui mérite d’être saluée. Toutefois, il ne nous paraîtrait pas opportun ni cohérent de la voter en l’état.

Ce texte tendant à suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de bisphénol A, marque, pour la France, la fin heureuse d’un certain attentisme face aux risques d’un composé chimique très proche du Distilbène de sinistre mémoire.

Face aux inquiétudes croissantes de nos concitoyens et au trouble né de la publication d’études scientifiques de plus en plus nombreuses, réalisées sur l’animal mais également sur des cellules humaines, impliquant le bisphénol A dans divers problèmes de santé – cancer, diabète, atteinte à la reproduction ou troubles neuro-comportementaux – et faisant état, selon l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de « signaux d’alerte après une exposition in utero et postnatale à des doses inférieures à celle sur laquelle se fonde la dose journalière tolérable », Mme Bachelot, ministre de la santé, affirmait encore, le 31 mars 2009, devant la représentation nationale : « Les études fiables existent ; elles concluent, en l’état actuel des connaissances scientifiques, à l’innocuité des biberons en bisphénol A. » Je crois qu’il n’est plus possible aujourd’hui de soutenir une telle position, et qu’il faut aller un peu plus loin que ce qui a été voté en première lecture au Sénat.

Le tout récent rapport préliminaire de l’INSERM, en date du 2 juin 2010, relatif aux effets du bisphénol A sur la reproduction, souligne que des études toxicologiques menées chez l’animal mettent l’accent sur les conséquences possibles d’une exposition au bisphénol A in utero et pendant la lactation, susceptibles d’interférer directement avec le développement de l’embryon puis du fœtus et de provoquer des effets à long terme sur la reproduction du jeune et de l’adulte, tandis qu’une étude menée sur l’espèce humaine vient de rapporter, chez des hommes consultant pour infertilité, des niveaux élevés de bisphénol A associés à une modification des taux d’hormones impliquées dans la reproduction.

Tenant compte de ces toutes dernières études scientifiques, dont certaines sont parues après le vote du texte en première lecture au Sénat, qui suggèrent une sensibilité potentielle accrue au bisphénol A pour les nouveau-nés et les nourrissons dans la phase de développement de leurs systèmes nerveux et reproducteur, et du fait que le risque de migration du bisphénol A contenu dans un plastique alimentaire est d’autant plus important que ce plastique est intensément chauffé, le texte qui nous est proposé élimine l’une des sources d’exposition au bisphénol A d’une catégorie particulièrement sensible de la population et réduit donc utilement les risques d’effets nocifs sur leur santé.

Ayant été le premier maire de France à interdire, par arrêté municipal en date du 22 juin 2009, la vente et l’utilisation de biberons contenant du bisphénol A dans ma commune de Saint-Jean, en Haute-Garonne, et ayant été rejoint depuis par une douzaine de communes, je ne peux qu’être favorable à l’extension de cette mesure à l’ensemble du territoire national.

C’est d’ailleurs pourquoi j’ai déposé, lors de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, un amendement reprenant in extenso l’article 1 er de la présente proposition de loi, amendement que l’Assemblée nationale a adopté et que la commission mixte paritaire a quelque peu modifié cette semaine en prévoyant un délai pour sa mise en œuvre – délai qui, je dois le reconnaître, est très court.

Hormis la date d’entrée en vigueur, cette disposition n’a pas été remise en cause. Le dispositif de l’article 1 er , suspendant la commercialisation des biberons au bisphénol A entrera donc en vigueur au 1 er  janvier 2011, à moins que l’Assemblée ne décide son application immédiate, dès la parution de ce texte au Journal officiel .

Dès lors, il n’y a aucune justification à vouloir adopter conforme une proposition de loi dont le dispositif central a déjà été adopté par le Parlement. S’il faut éviter les lois bavardes, évitons de légiférer aujourd’hui. C’est bien parce que ce texte mérite d’être complété que nous sommes réunis.

Je sais que la proposition de loi que nous examinons comporte également un article 2, qui élargit la problématique du bisphénol A à l’évaluation de l’ensemble des perturbateurs endocriniens, ce qui est une bonne chose, mais cet article a une portée limitée puisqu’il se borne à demander au Gouvernement de rédiger, au plus tard le 1 er  janvier 2011, une sorte de rapport de synthèse de l’expertise que réalise actuellement l’INSERM sur les perturbateurs endocriniens en général, présentant les mesures prises et envisagées pour diminuer l’exposition humaine à ces produits.

Nous disposerons des conclusions de cette expertise collective de l’INSERM à l’automne 2010 et nous pourrons nous en servir utilement, le moment venu, comme aide à la décision sur d’autres perturbateurs endocriniens que le bisphénol A, et ce même en l’absence du rapport du Gouvernement, dont il convient peut-être parfois aussi de simplifier la tâche.

Non seulement, donc, il ne serait pas opportun de se borner à voter ce texte dans sa rédaction actuelle, mais ce serait faire preuve d’une grande incohérence. N’oublions pas en effet que, si l’unanimité s’est dégagée, tant au Sénat qu’en commission des affaires sociales – le président Méhaignerie y a d’ailleurs été particulièrement attentif – sur la nécessité de suspendre rapidement la commercialisation des biberons au bisphénol A, c’est bien parce que les signaux d’alerte lancés par les différentes agences sanitaires françaises et internationales ont été jugés suffisamment inquiétants.

Ils auraient pu, comme l’ont fait devant moi les représentants de la filière plastique lors de leur audition – à laquelle Mme Antier assistait également –, considérer qu’il ne s’agissait là que de signaux d’alerte mais que la preuve absolue de la toxicité du bisphénol A n’était pas encore apportée.

Au lieu de cela, sénateurs et députés ont décidé d’appliquer, en l’espèce, le principe de précaution désormais inscrit dans notre bloc de constitutionnalité, et le Gouvernement ne s’y est pas opposé.

Dès lors, comment les Français pourraient-ils comprendre que nous nous arrêtions au milieu du gué en n’offrant aux nourrissons qu’une protection minimale, nous intéressant au seul mode de contamination par le biberon, sans nous préoccuper des autres modes ?

La suspension de l’utilisation des biberons contenant du bisphénol A ne suffira pas à résoudre le problème. M. Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l’université de Bordeaux et expert auprès de l’AFSSA, n’a-t-il pas clairement affirmé que « c’est avant tout par l’intermédiaire de la mère que l’enfant est exposé au bisphénol A in utero , durant la gestation, mais également lors de l’allaitement, et là, le biberon n’intervient pas » ?

La seule suspension de l’utilisation des biberons à base de bisphénol A ne règlera donc pas le problème, puisque des études scientifiques ont démontré le risque de contamination in utero à travers la barrière placentaire.

Le professeur Patrick Fénichel, chef du service d’endocrinologie du CHU de Nice, nous a ainsi appris, lors de son audition, qu’une étude, qui sera bientôt publiée, a mis en évidence, par des dosages réalisés dans le sang de cordon ombilical d’une centaine de bébés à la maternité de Nice, la présence de bisphénol A dans 90 % des échantillons.

Le biberon n’est donc pas la seule source de contamination. Le lait en est une autre, qu’il soit maternel – par le biais de l’exposition des mères aux produits alimentaires en contact avec des revêtements intérieurs contenant du bisphénol A – ou maternisé – du fait de l’utilisation de cette substance pour assurer l’étanchéité des boîtes de poudre de lait. Pour cette raison, interdire les seuls contenants alimentaires à base de bisphénol A destinés aux enfants de moins de trois ans, sur le modèle de la législation du Danemark, ne serait qu’un pis-aller, qui n’éliminerait pas le risque de contamination par la mère.

Selon un avis de l’AFSSA du 29 janvier 2010, l’exposition au bisphénol A des nourrissons par l’intermédiaire du biberon est bien plus faible que celle par le lait maternel ou le lait maternisé.

Pour cette raison, je vous proposerai dans quelques instants, madame la secrétaire d’État, d’accepter un amendement consistant à suspendre, à compter du 1 er  janvier 2012, la fabrication, l’importation, l’offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de contenants alimentaires produits à base de bisphénol A jusqu’à l’adoption par l’AFSSA – comme, au fond, vous l’avez souhaité, madame la secrétaire d’État –, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

La rédaction de cet amendement peut sembler, à première vue, assez proche de celle de la proposition de loi initialement déposée par le sénateur Collin, dont le Sénat a considérablement limité le champ d’application.

Plusieurs arguments avaient été avancés, à l’époque, notamment par la ministre de la santé, pour repousser une interdiction globale du bisphénol A dans la composition de l’ensemble des plastiques alimentaires.

Il a tout d’abord été soutenu que l’interdiction générale des plastiques alimentaires contenant du bisphénol A serait incompatible avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Or, outre que mon amendement ne propose qu’une suspension temporaire de l’utilisation de contenants alimentaires à base de bisphénol A, l’article 18 du règlement du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires prévoit la possibilité pour les États de prendre provisoirement des « mesures de sauvegarde » consistant à suspendre un produit qui présenterait, suite à de nouvelles données ou à une nouvelle évaluation des données existantes, un danger pour la santé, ce qui est bien le cas du bisphénol A.

Vous noterez enfin que le risque contentieux serait le même si l’on se limitait aux biberons et que le Gouvernement s’est déjà déclaré prêt – sur un autre sujet, il est vrai – à encourir un tel risque lorsqu’il estime que l’enjeu en vaut la peine.

Il a également été avancé, pour écarter l’interdiction générale du bisphénol A dans tous les plastiques alimentaires, que l’innocuité des matériaux utilisables en remplacement des plastiques et des résines contenant du bisphénol A n’aurait pas encore été suffisamment étudiée. Cet argument est plus recevable que le précédent, mais la période transitoire que je vous propose d’instaurer avant l’entrée en vigueur de la suspension, le 1 er  janvier 2012, permettra à l’ensemble des autorités de contrôle concernées de poursuivre leurs travaux de recherche et laissera aux industriels la possibilité d’adapter leur processus de fabrication. Ils ont d’ailleurs déjà commencé à le faire, comme ils me l’ont déclaré lors de leur audition, et comme les y engage la Food and Drug Administration des États-unis, qui souhaite faciliter le développement de produits de remplacement pour réduire la présence de cette substance dans l’ensemble des récipients alimentaires.

Vous pouvez le constater vous-mêmes, aucun argument sérieux ne résiste à l’analyse ni ne justifie de remettre à plus tard une mesure de santé publique aussi attendue. Le Danemark a déjà interdit temporairement, à compter du 1 er  juillet 2010, le bisphénol A dans tous les produits en contact avec les aliments destinés aux enfants de moins de trois ans. L’État du Connecticut a interdit, à compter du 1 er  octobre 2011, la fabrication et la vente de contenants alimentaires comportant du bisphénol A. Enfin, le président de l’agence fédérale allemande pour l’environnement vient de recommander, le 9 juin dernier, d’utiliser dès à présent, des produits de substitution par mesure de précaution.

Mes chers collègues, vous avez estimé, lors de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, que les signaux d’alerte relatifs au bisphénol A étaient suffisamment inquiétants pour justifier la suspension de la commercialisation des biberons comportant cette substance. Si vous voulez être vraiment cohérents, vous vous honorerez, en votant aujourd’hui l’amendement que je vous propose avec certains députés UMP et NC, de prendre une disposition garantissant efficacement, comme le prévoit le Préambule de la Constitution de 1946, la protection de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous voici aujourd’hui réunis pour examiner une proposition de loi tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A.

Je souhaite tout d’abord rendre hommage à notre rapporteur Gérard Bapt qui, dès le 8 juin 2009, a été le premier parlementaire à alerter Mme la ministre de la santé sur la nécessité et l’urgence de bannir l’utilisation de biberons fabriqués à partir de ce produit.

Je salue la qualité de son rapport, remarquablement argumenté sur le plan scientifique, qui doit nous permettre, tant au regard de la législation européenne que des conséquences économiques des décisions que nous avons à prendre, d’agir en toute responsabilité.

Devant l’absence de réponse des pouvoirs publics, Gérard Bapt a été également le premier maire à interdire dans sa commune l’utilisation et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A. Il est utile de le rappeler, sachant que d’autres villes, comme Paris ou Besançon, ont également pris de telles mesures.

Les pouvoirs publics se mobilisent enfin depuis mars 2010, avec l’adoption par le Sénat de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Cependant, si le texte initial, présenté en première lecture au Sénat, prévoyait d’interdire le bisphénol A dans l’ensemble des plastiques alimentaires, la majorité de droite de la Haute Assemblée en a réduit le champ d’application, puisqu’il ne s’agit plus que de suspendre la commercialisation de biberons à base de bisphénol A.

Je le regrette très fortement, tout comme je regrette que notre commission des affaires sociales ait rejeté, lorsqu’elle a examiné la proposition de loi le 9 juin dernier, l’amendement de notre rapporteur tendant à suspendre, à compter du 1 er  janvier 2012, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A autres que les biberons jusqu’à l’adoption par l’AFSSA d’un avis motivé permettant d’autoriser à nouveau ces opérations. Votre proposition, monsieur le rapporteur, était pourtant conforme au principe de précaution.

Dans le cadre de la loi « Grenelle 2 », un amendement a été adopté, à l’initiative de Gérard Bapt, pour suspendre la vente de biberons fabriqués à base de bisphénol A. Cette mesure de bon sens sera donc effective dès la promulgation de ladite loi, et nous nous en réjouissons tous.

Cependant, les bébés peuvent hélas être exposés au bisphénol A dans d’autres circonstances. L’AFSSA a ainsi mis en évidence que l’enfant y était surtout exposé par l’intermédiaire de sa mère, durant la gestation et pendant l’allaitement.

Toujours selon l’AFSSA, le risque d’intoxication du nouveau-né au bisphénol A serait dix fois plus élevé par l’intermédiaire du lait maternel, et vingt fois plus par celui du lait maternisé, que par le biberon lui-même.

Ces données doivent nous faire réfléchir, chers collègues, surtout au vu des conséquences de ces intoxications sur le plan endocrinien.

L’amendement du rapporteur prévoyait de suspendre la fabrication de contenants alimentaires à base de bisphénol A à compter du 1 er  janvier 2012, ce qui aurait permis aux autorités de contrôle de poursuivre leurs travaux sur l’innocuité des matériaux de substitution et aux industriels d’adapter leurs processus de fabrication.

L’adoption de cet amendement aurait été cohérente avec la suspension de la commercialisation des biberons à base de bisphénol A, au nom du principe de précaution élevé désormais au rang constitutionnel, au nom également de la protection de l’enfant, consacrée par le Préambule de la Constitution de 1946, au nom enfin de la protection de l’ensemble de nos concitoyens.

Nous sommes ici face à un enjeu de santé publique dont nous ne mesurons pas encore pleinement les dégâts potentiels. Loin de moi tout catastrophisme, mais j’en appelle à notre responsabilité collective. Les autorités de contrôle telles que l’AFSSA ou la Food and Drug Administration ne reconnaissaient pas, jusque très récemment, la nocivité du bisphénol A. Ce n’est qu’en 2010 que la FDA a fait part d’incertitudes concernant les risques présentés par le bisphénol A, en évoquant des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des fœtus.

De même, ce n’est que le 29 janvier 2010 que l’AFSSA a émis de premiers signaux d’alerte quant aux effets toxiques du bisphénol A. L’INSERM évoque quant à elle, dans un avis publié ce mois, ses effets sur la reproduction à des doses d’exposition très largement inférieures aux doses journalières admissibles et fixées par l’AFSSA – c’est-à-dire 50 nanogrammes par kilo et par jour.

De ce fait, je soutiens bien évidemment notre rapporteur lorsqu’il souhaite le lancement d’une réflexion sur cette fameuse « dose journalière admissible ».

En refusant son amendement en commission, chers collègues de la majorité, vous avez réduit la portée du texte à une infime partie de la question : l’intoxication du jeune enfant par le bisphénol A. N’oublions pas que des mesures d’interdiction générale touchant ce produit sont d’ores et déjà prises par certains États américains, mais aussi par le Danemark et par le Costa Rica.

Le rejet de notre amendement est d’autant plus difficile à comprendre que certains députés issus de vos rangs, tant du groupe Nouveau Centre que du groupe UMP, ont présenté des amendements visant eux aussi à interdire tous les contenants alimentaires à base de bisphénol A. Je me tourne vers notre collègue Edwige Antier qui, s’appuyant sur son expérience personnelle et professionnelle, a démontré de façon tout à fait convaincante combien ce produit était toxique – sur le plan endocrinien – pour le nourrisson, et en particulier pour l’appareil génital du jeune enfant.

C’est bien la preuve qu’il y a débat, que subsistent des incertitudes, pour le moins, sur les effets réels de ce produit. En tant que responsables politiques, nous ne devons pas négliger les signaux d’alerte lancés par les différentes autorités de contrôle. C’est pourquoi Gérard Bapt présentera tout à l’heure son amendement, que naturellement je voterai et vous invite à voter aussi.

En l’état actuel des connaissances scientifiques, médicales, nous ne savons pas précisément comment cet enjeu primordial des effets toxiques du bisphénol A va évoluer.

Qui eût dit il y a quelques mois, au moment où les différentes autorités de contrôle niaient les effets toxiques de ce produit, que nous nous retrouverions aujourd’hui, 17 juin 2010, pour adopter cette proposition de loi ?

Ensemble, réfléchissons à bon escient, quand les autorités de contrôle, au regard de nouvelles études, tirent maintenant la sonnette d’alarme. En tant qu’élus de la nation, nous avons le devoir de protéger nos concitoyens.

Pour conclure, je souhaite mettre l’accent sur les nombreuses études menées par des laboratoires de recherche académique à partir de protocoles expérimentaux variés montrant, sur l’animal et sur des cellules humaines, des effets du bisphénol A susceptibles de favoriser le déclenchement de cancers, de diabètes, de dysfonctionnements de la reproduction ou encore de troubles neuro-comportementaux.

Je souhaite que nous ayons ces données à l’esprit au moment où nous déciderons, en toute responsabilité, de voter ou non l’amendement du rapporteur. Pour ma part, je le voterai, j’y insiste, et je vous exhorte tous à le voter. Il relève d’un principe de précaution élémentaire, assorti de mesures intéressantes dans la mesure où son auteur a indiqué que nous pourrions revenir si besoin était, après l’évaluation des expérimentations, sur l’interdiction du bisphénol A dans la production des plastiques alimentaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous aurions l’air malins !

Mme Catherine Génisson. En attendant, nous avons un devoir de précaution à respecter. Quand on ne sait pas, on attend !

M. Jacques Domergue. Qu’est-ce que cela signifie ?

Mme Catherine Génisson. Qu’il faut faire des expériences, mon cher collègue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il n’est pas fréquent que, dans cet hémicycle, nous soyons sur le point de voter un texte à l’unanimité.

Mme Michèle Delaunay et Mme Catherine Génisson. Sur les biberons seulement !

M. Jacques Domergue. J’espère qu’il en ira ici comme au Sénat, où la proposition de loi du sénateur Collin visant à interdire la vente de biberons contenant du bisphénol A a été adoptée à l’unanimité.

Nous sommes également réunis pour comprendre pourquoi, alors que le texte a été proposé par nos collègues socialistes, ces derniers reviennent sur le contexte et les limites de l’interdiction de ce produit, et pourquoi le dépôt de plusieurs amendements – un en particulier – justifie cette discussion.

Mme Michèle Delaunay. C’est parce que nous disposons de nouvelles études !

M. Jacques Domergue. Peu de pays, avant le nôtre, ont décidé d’interdire la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A : le Costa Rica, certains États américains, le Canada, le Danemark…

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas rien !

M. Jacques Domergue. Il est normal que le Gouvernement, à la suite de l’alerte lancée par notre collègue Bapt – et j’avais participé à sa rencontre avec un chercheur américain qui l’avait informé sur le sujet – ait réagi. Nous devons l’en féliciter.

Mme Catherine Génisson. Dites plutôt qu’il a suivi !

M. Jean Mallot. Sous la pression !

M. Jacques Domergue. Que le Gouvernement soit alerté par des gens de droite ou des gens de gauche, l’important est qu’il réagisse ! Vous devriez vous en réjouir !

Mme Michèle Delaunay. Nous nous en réjouissons !

M. Jacques Domergue. Je ne suis pas là pour polémiquer, mais pour tenter de favoriser le consensus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Nous ne faisons pas de polémique, nous apportons des précisions !

Mme la présidente. Seul M. Domergue a la parole !

M. Jacques Domergue. Lors de l’examen du projet sur l’environnement, la représentation nationale avait souligné – à l’instar du rapporteur – l’existence de signaux d’alerte quant à la dangerosité du bisphénol A afin de suspendre sa commercialisation.

Parmi les troubles observés, on relèvera ceux concernant la sphère génitale, le système hormonal. Il ne faut pas s’en étonner, puisque la molécule de base du bisphénol A est proche des œstrogènes. On observe également des conséquences, moins précisément connues, sur le système cardio-vasculaire, d’autres sur la prolifération de cellules de testicules humains en culture. Enfin, des études de filiation chez le rat tendent à mettre en cause une modification de la fertilité des espèces.

Il est certain que ces éléments, qui constituent une alerte, doivent être confirmés par des études plus importantes chez l’homme. Tout ce qui est observé chez l’animal n’est pas extrapolable directement à l’homme.

M. Jean Mallot. Et réciproquement ! (Sourires.)

M. Jacques Domergue. Une différence importante existe entre la notion d’alerte et le principe de précaution inscrit dans la Constitution, et sur lequel je m’étais abstenu en raison des risques qu’il comporte pour l’innovation dans tous les domaines. Il est normal que, pour ces raisons de précaution, le Gouvernement puisse réagir.

Comment devons-nous appréhender le problème ?

Si nous devions voter dans l’instant le texte, il recueillerait l’unanimité. Pourquoi donc vouloir étendre l’interdiction au-delà du biberon ?

M. Jean Mallot. Parce que c’est opportun !

M. Jacques Domergue. Pour justifier une interdiction totale, nous devrions d’une part disposer d’éléments scientifiques suffisants, et extrapolables à l’homme, et d’autre part être certains que les industriels pourront proposer des solutions alternatives pour compenser l’interdiction.

Si nous ne tenions pas compte de ces éléments, nous ferions montre d’une certaine irresponsabilité,…

M. Jean Mallot. Pas du tout !

M. Jacques Domergue. …notre attitude se résumant à interdire sans nous préoccuper de ce qui se passera ensuite.

Si nous sommes d’accord sur l’importance du sujet et sur la nécessité d’interdire les biberons produits à base de bisphénol A, nous devons demeurer prudents. La commission a auditionné les différentes parties, j’ai moi-même reçu hier M. André Cicolella, rapporteur du réseau environnement-santé, et chacun a présenté des arguments convaincants sur la nécessité de confirmer les preuves de toxicité, essentiellement in vitro et animale, pour justifier une extension de l’interdiction.

À l’opposé, les industriels reconnaissent aujourd’hui pouvoir fabriquer des biberons sans bisphénol A. Le problème est donc réglé puisque l’interdiction entraînera les industriels à produire de tels biberons. La protection des plus vulnérables – les enfants –, qui pourraient être victimes d’une contamination quotidienne et continue, sera donc assurée.

Reste le problème de la contamination par le lait maternel, mise en avant par les scientifiques. Elle se ferait à travers les aliments absorbés par la mère. Il faudrait que nous disposions de davantage de précisions sur cette contamination.

Mme Catherine Génisson. Justement !

M. Jacques Domergue. Les scientifiques nous donnent cette information, mais soulignent qu’en contrepartie, lorsque le bisphénol A est présent dans le corps humain à la suite d’une ingestion, le produit est éliminé dans les vingt-quatre heures. Il faudrait donc imaginer une situation dans laquelle, tous les jours, la mère absorberait des boîtes de conserve, boirait du coca-cola,…

M. Gérard Bapt, rapporteur . C’est le cas !

M. Jacques Domergue. …cette situation ne correspondant pas forcément à la réalité. Sur ce point, il suffirait de disposer d’une information bien documentée, sans pour autant aller jusqu’à l’interdiction du film protecteur qui se trouve à l’intérieur de toutes les boîtes de conserve et des canettes et qui permet la conservation du produit, au prétexte de sa toxicité.

M. Jean Mallot. Vous aller donc présenter un contre-amendement ?

M. Jacques Domergue. Il est de notre devoir de demander aux industriels de trouver des solutions alternatives. En revanche, et contrairement à ce qu’affirme Mme Génisson, interdire puis revenir peu après sur cette interdiction ne serait pas crédible.

Mme Catherine Génisson. Votre raisonnement n’est en rien scientifique !

M. Jacques Domergue. Autant nous désirons tous instaurer la protection la plus rapide qui soit pour les enfants, autant, sur le reste, nous devons nous montrer très prudents.

M. Jean Mallot. En cela, vous êtes justement très imprudents !

M. Jacques Domergue. C’est pourquoi, si nous étions amenés à voter un ou plusieurs amendements qui remettraient en cause le texte et qui entraîneraient à nouveau des navettes entre le Sénat et l’Assemblée, nous ne ferions que retarder une décision…

Mme Catherine Génisson. Mais non, c’est dans le Grenelle 2 !

M. Jacques Domergue. …que nous pouvons prendre aujourd’hui et qui nous permettra de régler définitivement la question de l’interdiction des biberons au bisphénol A.

Mme Catherine Génisson. Votre argument ne tient pas !

M. Jacques Domergue. Il importe de tenir compte de tous ces éléments, et je souhaite, dans le cadre du texte proposé par Gérard Bapt et malgré ses remarques, que nous votions le texte en l’état, ce qui nous permettrait de montrer, sur un sujet de santé publique, que droite et gauche sont capables de se rassembler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert. Intervenant quelques minutes après notre collègue Gérard Bapt,…

M. Jean Mallot. Qui fut brillant !

Mme Françoise Imbert. …je mesure combien nous, députés de la Haute-Garonne, avons été sensibilisés à la très probable nocivité de ce composé chimique organique de synthèse qu’est le bisphénol A.

Surtout, je mesure combien, dans notre département, dans les crèches de Toulouse et de plusieurs autres collectivités, dont celle qu’administre Gérard Bapt, les élus se sont montrés vigilants et responsables : en appliquant le principe de précaution, ils ont remplacé les biberons en plastique contenant cette substance.

Madame la secrétaire d’État, il y a un peu plus d’un an, vous avez répondu à une question que je vous avais posée sur l’utilisation de biberons contenant du bisphénol A. Vous précisiez alors que les évaluations, en matière de sécurité, reposaient sur l’examen de toutes les données toxicologiques disponibles par le groupe scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, compétent pour les additifs alimentaires et les matériaux en contact avec les aliments. Selon vous, il n’y avait donc pas lieu, à ce moment-là, de prendre des dispositions à l’encontre de ce produit.

Mme la ministre de la santé a elle-même, un peu plus tard, après la décision du gouvernement canadien d’interdire les biberons en plastique rigide contenant du bisphénol A, saisi l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

En octobre 2008, l’AFSSA ne remettait pas en cause la sécurité des matériaux au contact des denrées alimentaires, pas même celle des biberons susceptibles d’être chauffés. Depuis, de nouvelles études scientifiques ont mis en lumière les risques liés à l’exposition au bisphénol A.

Il ne fait, en effet, plus aucun doute que cette molécule chimique, qui entre dans la composition de certains récipients à usage alimentaire, tels que biberons, vaisselle en plastique, revêtements de boîtes métalliques de conservation, bouteilles d’eau ou des canalisations, est susceptible de causer des problèmes hormonaux graves à l’animal et à l’homme.

Ce produit peut agir sur les cellules humaines et être impliqué dans divers problèmes de santé, y compris à des valeurs inférieures aux doses admises par la réglementation européenne. Un rapport préliminaire de l’INSERM, dans l’attente d’une expertise plus approfondie, confirme son caractère de perturbateur endocrinien, dont de premiers effets toxiques pour la santé ont été détectés, il me semble utile de le préciser, il y a plus de vingt ans.

En janvier 2010, l’AFSSA fait état de « signaux d’alerte », tout en précisant que les conséquences de ces signaux pour la santé humaine ne sont pas clairement établies.

Il est grand temps que, nous appuyant sur plusieurs expertises scientifiques sérieuses qui démontrent l’existence de risques importants pour la santé de l’homme, et tout particulièrement celle des bébés et des enfants à naître, nous prenions notre responsabilité de législateur.

La présente proposition de loi a déjà été votée, à l’unanimité, par le Sénat. La suspension de l’utilisation de biberons à base de bisphénol A a été également introduite, récemment, dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Comme vous l’avez déclaré, madame la secrétaire d’État, le principe de précaution ne consiste pas à prendre des décisions d’interdiction à la moindre alerte. Mais aujourd’hui, nous savons qu’il y va de la santé de la population, et notamment de celle des nourrissons.

Ne devons-nous pas aller plus loin, et suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché, à titre gratuit ou onéreux, de contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A, autres que les biberons ? Gérard Bapt, toujours lui – je crois en son immense compétence sur ce sujet sensible –, nous propose d’en décider ainsi jusqu’à l’adoption par l’AFSSA d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

Je suis persuadée, pour ma part, que nous devons aller dans ce sens, soutenus par un nombre de plus en plus important d’associations, de parents ou tout simplement de femmes et d’hommes sensibles et conscients de la nécessité de préserver notre santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, abundans cautela non nocet : abondance de précaution ne nuit pas. J’avoue que j’ai toujours plaisir à me référer au latin, qui, par sa concision, son absence de blabla et sa sagesse, nous encourage. Mais, dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, j’ajouterais volontiers la formule moins concise, mais tout à fait signifiante, qui sert de précepte au réseau des « villes santé » de l’OMS : mettre la santé au cœur des décisions politiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Combien de fois avons-nous déjà évoqué cette formule quand il s’agissait de limiter la publicité pour les produits gras et sucrés ou, plus récemment, quand nous avons légalisé les jeux en ligne, et surtout la publicité qui les entoure ?

Le budget de la sécurité sociale s’en porterait mieux, et plus encore les Français.

La santé, atout maître de tous les plans de relance du monde, premier outil pour l’avenir, doit constamment passer avant les intérêts privés.

Abondance de précaution ne nuit pas. Son absence, au contraire, peut être génératrice de beaucoup de dommages. Le jeune âge, la période de développement et de multiplication cellulaire, est de ce point de vue un formidable multiplicateur. Notre vigilance en ce domaine doit aller en proportion inverse de l’âge des personnes concernées.

La structure chimique du bisphénol A, son noyau phénolique, est en lui-même un signe d’alerte. Il s’agit d’une substance présente dans toutes sortes de contenants en plastique, dans la fine pellicule plastique qui tapisse les boîtes de conserve métalliques, les canettes de soda, ainsi que dans divers récipients alimentaires et d’autres produits de consommation. L’agence sanitaire américaine, la redoutable Food and Drug Administration , qui avait déclaré cette substance sans danger en 2008, a conclu récemment à des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des fœtus. Elle a recommandé, en janvier 2010, que les autorités publiques prennent des mesures pour réduire l’exposition à cette substance.

Aujourd’hui, l’implication du bisphénol A dans de nombreux problèmes de santé est démontrée par des études scientifiques et des publications internationales. Troubles de la fertilité, asthme, défauts de la fonction intestinale, maladies cardiovasculaires, obésité, réduction de l’efficacité des traitements anticancéreux et troubles du comportement en sont quelques exemples. Ces études conduisent, dans leur quasi-totalité, à la conclusion qu’il faut diviser par 5 000 la dose journalière de bisphénol A. Sans vouloir susciter l’inquiétude, encore moins la psychose, bien souvent prompte à saisir nos contemporains, je dirai que chaque journée qui passe représente donc un danger potentiel, en particulier pour les enfants. Le bisphénol A est ainsi proscrit au Canada pour la fabrication des biberons depuis 2008.

Un rapport de l’INSERM, très opportunément demandé par Mme la ministre de la santé, doit être publié à l’automne. Cependant, vous le savez, les études épidémiologiques permettant de confirmer ou d’infirmer, chez l’homme, les effets à long terme du bisphénol A observés chez l’animal, n’apporteront pas forcément de réponses avant de nombreuses années. Nous ne pouvons, nous ne devons pas attendre plus longtemps et prendre le risque de mettre en danger la santé de nos concitoyens et des enfants à naître, alors qu’aucune nécessité économique décisive ne nous y contraint.

Consciente qu’il ne pouvait qu’être souhaitable de ne pas perdre de temps, y compris au niveau local, j’ai, calmement et avec le souci de ne pas créer d’anxiété, proposé en février dernier au maire de Bordeaux d’interdire, à l’exemple de Gérard Bapt,…

M. Jean Mallot. Gérard Bapt est un exemple pour nous tous !

Mme Michèle Delaunay. …par arrêté municipal, l’usage de biberons susceptibles de contenir du bisphénol A. J’avais en effet constaté, dans les structures bordelaises, que les parents apportaient eux-mêmes leurs biberons et qu’aucune information ne leur était délivrée sur les potentiels dangers des biberons en plastique.

Non seulement je souscris pleinement, avec l’ensemble de notre groupe, à cette proposition de loi, mais nous soutenons très logiquement l’amendement qui va vous être présenté par Gérard Bapt, tendant à suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de l’ensemble des contenants de denrées alimentaires à base de bisphénol A, et ce seulement à compter du 1 er  janvier 2012.

On le sait depuis les travaux bordelais du professeur Narbonne, le biberon n’est pas la seule, ni même la principale, source d’exposition des nouveaux-nés et des nourrissons : le lait maternel constitue aussi une voie importante d’exposition, par le biais de l’exposition des femmes à ce produit, ainsi que le lait en poudre via le bisphénol A utilisé pour l’étanchéité des boîtes.

Par ailleurs, cette loi doit être l’occasion d’alerter et d’informer nos concitoyens qui se perdent dans les diverses études sur le sujet ou qui n’ont pas le temps de s’y intéresser. Les alerter sur les dangers des plastiques chauffés, par exemple, les inciter à utiliser des contenants en carton ou en verre, aura un double intérêt au sens du développement durable. Non seulement cette information favorisera le recyclage à l’infini et évitera diverses formes de pollution, mais elle concourra également à ce que j’appelle la santé durable, celle que l’on peut entretenir par des comportements, des choix simples et éclairés.

Non seulement les contenants plastiques, du moins certains d’entre eux, présentent ce risque de contenir du bisphénol, mais leur abus a quelque peu perverti la relation que nous avons avec ces actes simples que sont manger et boire, et facilité l’accumulation de matières inutiles que l’on jette au lieu de les réutiliser. Et je dis cela en étant pleine consciente qu’il faut de fortes températures pour produire du verre, et que son transport est producteur de CO 2 .

Enfin, nous le savons, le bisphénol A n’est probablement pas seul en cause. Il n’est que l’un des perturbateurs endocriniens potentiels, et les plastiques alimentaires ne constituent que l’une des sources d’exposition humaine.

L’expertise collective de l’INSERM, portant sur cinquante-cinq produits, nous amènera peut-être à prendre de nouvelles mesures. Mais n’hésitons pas, aujourd’hui, conjointement, sur tous ces bancs, à prendre celle-ci, au nom de ce principe simple de précaution, qui relève non seulement de notre Constitution, mais, mieux encore, du bon sens. C’est pour cela que j’espère non seulement que nous voterons cette proposition de loi à l’unanimité, mais aussi que nous l’amenderons positivement à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la réunion du comité de la prévention et de la précaution du 20 décembre 2002, Mme Bachelot, alors ministre de l’écologie et du développement durable, avait dit l’intérêt qu’elle portait aux travaux de ce comité et avait demandé à celui-ci de s’intéresser de façon approfondie aux risques présentés par les substances ayant une action de perturbateur endocrinien. Huit ans ont passé. Les choses ont évolué. Je pense que Mme Bachelot est toujours sur cette même ligne.

Je le pense d’autant plus qu’elle a récemment rappelé, sur France-Culture, que, parmi les différents facteurs expliquant l’augmentation de l’espérance de vie de nos concitoyens, l’apport thérapeutique n’était que de 15 % : tout le reste relevant de l’environnement, ou encore des substances, connues ou inconnues, que nous ingurgitons. Nous sommes donc ici au cœur du sujet. Et je ne doute pas, madame Létard, que vous vous ferez la porte-parole de Mme Bachelot si celle-ci a des choses à dire sur ce sujet.

M. Jean Mallot. Elle doit en avoir !

Mme Catherine Lemorton. Je salue la présence du président de notre commission, qui avait conclu nos travaux par ces mots : « Le sujet mérite vraiment un débat en séance publique. » Je vous remercie, monsieur le président de la commission, d’être parmi nous.

Je voudrais revenir sur les échanges qui ont eu lieu en commission. Je vais reprendre les propos de notre collègue Valérie Boyer…

M. Jacques Domergue. Dommage qu’elle ne soit pas là aujourd’hui !

Mme Catherine Lemorton. C’est dommage, en effet, mais il nous arrive à tous d’avoir des impératifs qui nous empêchent d’être présents en séance publique.

Quoi qu’il en soit, je sais que Valérie Boyer est très intéressée par les problèmes d’obésité, et il a été démontré que le bisphénol A avait des incidences sur l’obésité. « Il faudrait aussi développer des mesures d’incitation en direction des industriels, peut-être en leur fixant des délais, suggère-t-elle. Certains d’entre eux se sont adressés à l’ensemble de nos collègues pour dire qu’ils n’étaient pas prêts à cette suppression. Mais nous savons qu’avec un peu d’encouragements, ils peuvent se montrer créatifs. Enfin, et surtout, il faut que l’AFSSA se prononce clairement et complètement sur le sujet. Nous pourrons alors évidemment en rediscuter ».

Autrement plus surprenants, les propos de notre collègue de la majorité Dominique Tian, alors qu’on parle de santé publique, de troubles endocriniens chez les bébés, qui seront un jour nos futurs concitoyens…

Mme Michèle Delaunay. Qui peuvent être ses propres enfants !

Mme Catherine Lemorton. « Y a-t-il une solution industrielle de rechange ? Avant de prendre une telle décision, a-t-on fait une étude d’impact ? », demande-t-il en commission. Comment M. Tian peut-il poser une question pareille sur un sujet de santé publique d’une telle gravité ?

Mme Michèle Delaunay. Alors qu’il s’agit des bébés !

M. Christian Eckert. Honteux !

Mme Catherine Lemorton. Ces derniers mois, nous n’avons pas hésité à pousser le principe de précaution assez loin en raison de la pandémie de grippe A. Je souhaite qu’il soit appliqué de la même manière sur le sujet que mon ami Gérard Bapt a soulevé. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.

À cet égard, nous devons nous interroger sur le comportement de l’AFSSA qui semble connaître en son sein des conflits d’intérêts. Alors que le Canada interdisait en octobre 2008la vente des biberons contenant du bisphénol A, en France, l’AFSSA déclarait, dans un avis publié le 13 novembre 2008, qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter : « Les quantités de bisphénol A libérées dans le lait sont très inférieures au seuil d’exposition fixé en Europe ». Petit détail gênant : la moitié des treize membres de son comité d’experts travaillait alors régulièrement avec l’industrie – deux d’entre eux en tant que salariés d’une agence de conseil pour l’industrie agroalimentaire et les contenants, un autre comme toxicologue à temps plein chez Arkema.

M. Jean Mallot. Allons bon !

Mme Catherine Lemorton. Si ce n’est pas ce que l’on appelle des liens d’intérêt…

La direction de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires de l’AFSSA est tombée des nues : pour elle, Arkema était une entreprise de toxicologie et non l’ex-branche chimie du groupe Total qui précisément travaille dans le plastique !

M. Jean Mallot. Et voilà !

Mme Catherine Lemorton. Il y a donc vraiment un problème avec ces experts dont on attend les avis pour prendre des décisions relevant du principe de précaution constitutionnel.

M. Jean Mallot. Un grave problème !

Mme Catherine Lemorton. Nous ne sommes pas toujours exemplaires en matière de retrait de produits du marché, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments. Ainsi, nous avons été le dernier pays à retirer du marché le Distilbène, qui a causé des dégâts dramatiques ; nous sommes encore un des derniers pays à tolérer l’association dextropropoxyphène-paracétamol, responsable de cas de mortalité par surdosage, alors que d’autres pays de l’Union européenne l’ont retirée de leur marché depuis 2004.

Mes chers collègues, pour une fois au moins, soyons exemplaires en matière de santé publique, allons plus loin que la proposition de loi en acceptant les amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je remercie tous mes collègues qui ont participé à ce débat, dont on a vu en commission qu’il soulevait beaucoup de questions. L’unanimité s’est exprimée d’emblée sur la suspension de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A, Jacques Domergue l’a rappelé.

Faut-il aller au-delà ? C’est la question posée par la proposition de loi de notre collègue Gérard Bapt. Nos collègues ont été très sensibles aux propos d’Edwige Antier sur les tétines et sucettes dont nos enfants et petits-enfants usent allègrement pour s’endormir le soir. Ils ont également entendu l’argument du rapporteur rappelant les décisions prises au Canada et dans le Connecticut. Si ces décisions sont encore théoriques, car différées dans le temps et non encore applicables aujourd’hui, elles ne nous ont pas moins interpellés sur la possibilité et les conséquences, que nous devons mesurer, de l’élargissement de cette mesure aux contenants industriels.

La conclusion que je serais tenté de vous proposer, madame la secrétaire d’État, ne doit pas être très éloignée de votre propre proposition. Rappelons d’abord que de telles décisions relèvent du domaine réglementaire et non législatif, le Parlement jouant le rôle d’aiguillon et de contrôle. La meilleure solution serait de vous demander de travailler rapidement sur les expertises – qui peuvent être, c’est vrai, plus ou moins variées –, sur une négociation européenne, nécessaire si nous ne voulons pas être condamnés pour protectionnisme, et sur des projets de règlement, étant entendu qu’une date doit être arrêtée. C’est d’ailleurs la condition du vote de certains de nos collègues. Avant la fin de l’année, nous devons être capables d’aller plus loin sur les propositions d’Edwige Antier, mais aussi, à la lumière des négociations avec les industriels, de prendre une réglementation qui nous placera en tête des pays européens sur les problèmes de santé. Ce délai de six mois me paraît suffisant pour faire un travail sérieux. Voilà, me semble-t-il, une synthèse des propositions de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, comme les parlementaires, le Gouvernement porte à la santé de nos concitoyens une attention toute particulière, attention redoublée lorsque sont en cause les nourrissons et les populations particulièrement sensibles. Ces questions, intérêt général oblige, font toujours consensus.

Au nom du principe de précaution, faut-il étendre à l’ensemble des plastiques alimentaires l’interdiction prévue dans la proposition de loi ? En l’état actuel, le Gouvernement y voit plusieurs problèmes.

Tout d’abord, une inconnue pèse sur les produits alternatifs au bisphénol A, dont l’évaluation est globalement beaucoup moins avancée : il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal. Si les études qui vont se dérouler dans les mois qui viennent font apparaître qu’une solution alternative au bisphénol est nécessaire, il faudra bien que celle-ci fasse elle-même l’objet d’analyses scientifiques poussées. Remplacer le bisphénol, oui ; mais, pour l’heure, nous n’avons aucune certitude que les produits de substitution sont moins dangereux. Ne brûlons donc pas les étapes et attendons que tous les éléments soient versés au dossier. Nous devons prendre des décisions qui apportent davantage de sécurité en matière de santé publique, et non des risques de nature différente. Du reste l’AFSSA indique clairement dans son rapport du 23 mars 2010 : « Afin de réduire l’exposition des personnes au bisphénol A, l’AFSSA rappelle l’importance d’un processus rigoureux d’évaluation des risques de tout produit candidat à sa substitution ».

Un autre problème est l’absence de produit de remplacement pour les résines à base de bisphénol A, qui, en apportant une étanchéité aux récipients en verre, garantissent la salubrité des aliments.

S’agissant des biberons, le problème est tout à fait différent puisqu’un substitut existe avec le verre précisément, matériau inerte qui, dans de bonnes conditions d’utilisation, ne présente pas de risque sanitaire. Dans ce cas précis, les conditions de substitution sont bien réunies pour aller dans le sens de la proposition de loi en discussion.

Pierre Méhaignerie a rappelé que certains pays se seraient prononcés pour une suspension de mise sur le marché. À ma connaissance, parmi ceux qui ont annoncé leur intention d’en limiter l’utilisation dans les biberons, le Danemark et l’État du Connecticut, auraient pris des mesures concernant les plastiques en contact avec les aliments destinés aux enfants de moins de trois ans. Mais ces mesures ne sont pas encore appliquées ; le Connecticut les a même repoussées à octobre 2011, dans l’attente de solutions alternatives fiables.

Monsieur Bapt, je ne suis pas insensible à vos arguments, mais je souhaite qu’une décision soit prise sur la base d’une expertise partagée, celle qui fera l’objet du rapport au Parlement prévu à l’article 2 de la proposition de loi. Rien n’empê chera alors de prendre des mesures applicables dès le 1 er  janvier 2012, comme vous le suggérez par amendement. Quelle que soit la décision qui sera prise, il importe qu’elle soit fondée sur les études auxquelles vous avez tous fait allusion.

Faisons preuve de bon sens, attachons-nous à prendre les mesures dans le bon ordre : les biberons tout de suite, puisque nous avons le matériau de substitution, le reste le plus rapidement possible afin de protéger les populations les plus sensibles. Ainsi, nous jouerons notre rôle en assumant notre responsabilité et en assurant une précaution maximale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Réserve des votes en application de l’article 96 du règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Madame la présidente, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et en application de l’article 96 du règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve du vote…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ça recommence !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. …sur les articles et les amendements en discussion.

Mme Catherine Lemorton. Pas sur ce sujet !

M. Jean Mallot. Ce n’est pas sérieux ! La majorité est plus nombreuse que nous !

Mme la présidente. La réserve est de droit.

Article 1 er

Mme la présidente. La parole est à Mme Edwige Antier, inscrite sur l’article 1 er

Mme Edwige Antier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné M. Méhaignerie, président de la commission, le retrait de la commercialisation des biberons pouvant contenir du bisphénol A s’impose à nous.

Mais il faudrait qu’il soit accompagné d’un étiquetage obligatoire de ces petites sucettes, si tendres dans la bouche des nourrissons, que les parents affublent de quantité de jolis noms. Ces sucettes sont mastiquées, donc à la chaleur humaine, par des centaines de milliers de bébés à longueur de journée, de nuit, de mois et même d’année pour beaucoup d’entre eux.

Un certain nombre de fabricants affichent déjà sur leur emballage l’absence du bisphénol A. Mais nous en avons trouvé d’autres qui utilisent les polycarbonates au BPA dans la fabrication de ces sucettes. Je vous demande d’assortir cette loi d’une obligation d’étiquetage des sucettes, tétines, « tototes » et autres « tututes », comme les appellent les parents, afin qu’ils soient totalement informés.

Cet étiquetage pour un produit aussi intime et quotidien permettra de mettre en garde le public, les parents, les usagers qui passent devant les présentoirs des grandes surfaces et des pharmacies. On y trouve déjà sur certaines boîtes la mention « sans bisphénol A » : les parents s’interrogent, cela les fait réfléchir. Et l’on ne peut pas invoquer le fait qu’il n’existe pas de produit de substitution, dans la mesure où, comme pour les biberons, il existe déjà des sucettes sans bisphénol A.

Je vous demande, madame la secrétaire d’État, d’établir au plus vite le règlement d’étiquetage de ces sucettes, afin qu’il soit parfaitement clair dès que cette proposition de loi sera votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Je réponds tout d’abord sur le cas particulier des tétines et sucettes soulevé par Mme Antier.

Les experts indiquent que dans les parties souples des tétines et sucettes, celles qui sont à l’intérieur de la bouche de l’enfant, il n’y a pas de bisphénol A. Les polycarbonates à base de bisphénol A sont des plastiques durs. En revanche, certaines parties de ces tétines et sucettes, qui ne sont pas censées entrer dans la bouche, peuvent être en plastique susceptible de contenir du bisphénol A.

Je souscris pleinement à l’idée que des parents qui le souhaitent puissent choisir des produits qui ne contiennent pas de bisphénol A. Mais ces questions relèvent de la compétence de la Commission européenne et ne peuvent relever de la voie législative en France. Cela dit, je peux m’engager à faire en sorte que le Gouvernement saisisse la Commission européenne, avant la rentrée scolaire 2010, d’une demande de mise en chantier d’un étiquetage spécifique des matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et contenant du bisphénol A.

Cette sollicitation de la Commission européenne s’accompagnera d’un engagement du Gouvernement à revenir devant le Parlement, début janvier, lors de l’examen du rapport remis au Parlement, avant de prendre les mesures réglementaires nécessaires.

Je voudrais ensuite vous apporter quelques éléments complémentaires sur toutes les mesures de gestion sur lesquelles le Gouvernement peut s’engager.

Avant de mettre en place des mesures définitives interdisant du bisphénol A dans les matériaux en contact avec les denrées alimentaires, des dispositions préventives seront prises pour abaisser le niveau d’exposition de la population. Les services du ministère de la santé étudient les possibilités de modifier par voie réglementaire la limite autorisée de migration spécifique du bisphénol A dans les aliments, actuellement fixé à 0,6 milligramme par kilogramme d’aliment. L’AFSSA a été chargée de collecter les données sur les matériaux les moins « relarguants ».

Pour ce qui est de l’information du public, le ministère de la santé diffusera en juin 2010 une plaquette à destination des femmes enceintes listant les bonnes pratiques pour éviter l’exposition au bisphénol A pendant la grossesse et durant les premiers mois de l’enfant. Quelques gestes simples peuvent contribuer à éviter l’exposition des femmes enceintes et des nourrissons. Si ce n’est pas la seule mesure à prendre, c’est un complément indispensable aux autres démarches sur lesquelles nous travaillons.

Il faudra sans aucun doute progresser sur la question de l’étiquetage. C’est pour cela, madame Antier, que nous irons plus vite et plus loin avec la Commission européenne.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. J’ai écouté attentivement les explications des uns et des autres.

L’amendement n° 3 vise à obtenir la suppression pure et simple du bisphénol A dans tous les produits plastiques en contact avec des denrées alimentaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur . L’amendement de M. Charasse et de ses collègues a été repoussé par la commission dans le cadre de l’article 88. Mais je ferai deux remarques qui devraient permettre à Mme Jeanny Marc de le retirer au profit de celui que je vais présenter. Premièrement, la dénomination « plastique alimentaire » est une conception un peu illogique – il n’existe pas de plastiques alimentaires en soi : il s’agit de contenants alimentaires fabriqués avec des plastiques à base de bisphénol A ; deuxièmement, votre amendement ne prévoit aucune période transitoire permettant à la production de s’adapter.

Je voudrais maintenant faire remarquer à Mme la secrétaire d’État et à M. Méhaignerie que sans l’initiative de notre collègue M. Collin et des membres de son groupe au Sénat, nous ne discuterions pas aujourd’hui de la suspension de la commercialisation des biberons ; nous serions toujours en attente de la décision de l’autorité relavant du ministère de la santé. Autrement dit, je comprends que l’on nous renvoie au règlement, mais l’initiative parlementaire est fort utile – ce n’est pas M. le président de la commission qui me démentira –, y compris pour mettre l’épée dans les reins des industriels et les presser de trouver des solutions sans trop nous faire attendre – on se souvient de ce qu’il en a été avec l’amiante, et de ses conséquences.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. L’amendement n° 3 pose le principe d’une interdiction générale sans délai de tous les plastiques alimentaires contenant du bisphénol A.

Grâce aux expertises conduites en France et à l’étranger, il est établi que les nourrissons sont exposés au bisphénol A par l’usage de biberons. Cependant, la part de la contribution des plastiques alimentaires à l’exposition des mères en France n’est pas encore évaluée.

Les données figurant dans le rapport de l’AFSSA, auquel il est fait référence, proviennent des USA, du Japon, du Canada, dont les études alimentaires peuvent différer des nôtres. Le ministère de la santé a d’ailleurs saisi l’AFSSA pour préciser les données françaises relatives à l’exposition alimentaire. Les premiers résultats devraient, je l’ai déjà dit, être disponibles dans les prochaines semaines.

Je ne reviens pas sur toutes les expertises, qui ont été rappelées durant la discussion générale. Les résultats des différentes saisines de l’AFSSET et d’autres agences sont attendus dans les mois et les semaines à venir. Des mesures appropriées et proportionnées pourront alors être définies et fondées sur une évaluation du risque.

Cette démarche raisonnée vise à limiter l’exposition de façon cohérente, et de ne pas remplacer un risque par un autre plus néfaste – cela a été tout l’objet de notre débat.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut donner un avis favorable à l’amendement n° 3. Il partage avec vous le souci de suivre cette question avec beaucoup d’attention, mais sur des fondements scientifiques avérés et avec des solutions de substitution.

(Le vote sur l’amendement n° 3 est réservé.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 4.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt, rapporteur . Cet amendement a recueilli en commission l’assentiment de députés de groupes très différents ; c’est dire s’il ne procède d’aucune approche partisane.

Pour aller plus loin dans la protection des organismes en développement, in utero , post-natal et jusqu’au stade de la puberté, au moment où il est le plus sensible à l’action hormonale, il est essentiel d’éviter le contact avec les agents perturbateurs et notamment le bisphénol A.

Le bisphénol A fait, depuis des années, l’objet d’études dans tous les pays : on se souvient de l’appel de Chapel Hill en 2007, à l’initiative de Ana Soto que M. Domergue lui-même m’a amenée un jour et qui m’a sensibilisé à ce problème avec le réseau environnement-santé. Il est important d’entendre ces signaux d’alerte de scientifiques internationalement reconnus.

Les agences officielles sont un peu figées dans des procédures qui relèvent certes de bonnes pratiques, mais qui excluent parfois des études universitaires au motif que celles-ci ne répondent pas à ces exigences de bonnes pratiques ni aux règles de l’OCDE, tout simplement parce que cela revient trop cher – il faut également réfléchir à cet aspect des choses. Les responsables du laboratoire INRA de Toulouse, qui avaient montré pour la première fois au monde les effets du bisphénol sur la perméabilité de la barrière intestinale humaine, ont abandonné, il y a trois ou quatre ans, les bonnes pratiques de laboratoire, qui leur coûtent 20 à 25 % plus cher. Ils préfèrent faire plus d’études à moindre coût…

Au bout du compte, seules les études exclusivement financées par l’industrie peuvent répondre à ces exigences de bonnes pratiques – quitte à les abandonner en cours de route, on l’a vu, si elles se révèlent par trop négatives !

L’amendement n° 4 vise à substituer à l’article 1 er aux mots : « biberons produits à base de bisphénol A sont suspendues » les mots : « contenants de denrées alimentaires produits à partir de bisphénol A autres que les biberons sont suspendues, à compter du 1 er  janvier 2012, ». Il appartiendra ensuite à l’AFSSA de rendre un avis motivé autorisant à nouveau leur commercialisation.

Est-il trop tôt pour prendre une telle décision ? Je vois, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, que vous êtes tout aussi en alerte et conscients que nous de la nécessité de protéger la santé. Mais vous nous renvoyez à un débat en janvier 2011 – encore ne sera-ce qu’un débat, non une occasion de production législative. Retirer cet amendement au profit d’un débat, où il n’y aura ni vote ni amendements, reviendrait à désarmer d’ores et déjà cette initiative parlementaire provenant du Sénat, dont je ne peux que me féliciter.

Un autre argument a été avancé : les autres États auraient fixé des échéances plus lointaines. C’est oublier qu’au Canada, l’interdiction des biberons à base de bisphénol A est en vigueur depuis mars 2010. Quant à l’État du Connecticut que vous avez cité, madame la secrétaire d’État, il fixe effectivement au 1 er  octobre 2011 la date d’interdiction de la fabrication et de la vente des contenants de denrées alimentaires, mais c’est plus tôt que ce propose mon amendement ; et sa décision remonte à mai 2009, autrement dit à plus d’un an. Autrement dit, ces considérations d’échéance et de date sont bousculées par le fait que de nombreux autres États.

Le Danemark vient de saisir la Commission européenne. Vous l’avez saisie vous-même pour demander la suspension de la vente des biberons contenant du Bisphénol A. Provoqueriez-vous un si grand désordre dans le fonctionnement de la Commission européenne si vous lui faisiez part de notre intention de suspendre l’utilisation de contenants alimentaires à base de bisphénol A au 1 er  janvier 2012 sous réserve d’un avis de l’AFSSA ? Il doit être permis de presser un peu la Commission lorsque l’intérêt et la santé publique sont en jeu…

Après tout, la décision unilatérale de Mme Merkel visant à interdire les ventes à découvert en matière de régulation bancaire provoque un désordre bien supérieur – cela aurait même fait reporter un dîner entre chefs d’État ! (Sourires.)

Je suis très attaché à cet amendement, madame la secrétaire d’État, qui recueille l’assentiment de nos collègues sur de nombreux bancs, même si M. Domergue m’a quelque peu déçu en laissant entendre que le principe de précaution devait passer après les préoccupations de la production industrielle.

M. Jacques Domergue. J’ai seulement dit que je ne voterai pas l’amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Les initiatives parlementaires par le biais des propositions de loi montrent combien la coproduction législative existe dans notre pays et que le travail entre le Gouvernement et le Parlement a toute son utilité ; je tenais à le saluer. L’initiative parlementaire a toujours été extrêmement utile au bon déroulement de la vie législative de notre pays.

Mme Catherine Génisson. Nous allons donc passer au vote ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. L’important est que le débat puisse s’installer, et les propositions de loi permettent de l’approfondir et de le préciser.

Votre amendement, monsieur Bapt, reprend le principe de la suspension de la mise sur le marché des biberons contenant du bisphénol A jusqu’à ce que l’AFSSA émette un avis, mais en l’étendant à tous les contenants de denrées alimentaires autres que les biberons à compter du 1 er  janvier 2012.

Je vous renvoie à la réponse que j’ai faite tout à l’heure à Pierre Méhaignerie : nous nous engageons à revenir vers vous dès le mois de janvier prochain pour faire un point sur ces sujets ; c’est du reste prévu par l’article 2 de la proposition de loi.

Le rapport qui vous sera adressé tiendra compte du travail mené par l’INSERM – dont les conclusions seront connues à l’automne 2010 –, sur les évaluations de l’exposition au bisphénol A de la population française afin d’identifier les contributeurs alimentaires majeurs, ainsi que par l’AFSSET qui a été saisie en février 2010. Le rapport s’inspirera de l’autorité européenne de sécurité des aliments qui rendra un nouvel avis sur le bisphénol A en juillet 2010, de la FDA que vous avez citée, de l’OMS qui réunit ses experts sur ce thème en octobre 2010. L’ensemble de ces analyses scientifiques seront prises en compte et nous y travaillerons dès qu’elles seront disponibles. Elles seront intégrées au rapport qui sera remis au Parlement dès le début de l’année prochaine ; nous pourrons alors sans délai mettre au point et transmettre à la Commission européenne un projet de règlement qui tirera les enseignements de nos débats et de nos réflexions visant à améliorer la qualité et la protection de la santé publique dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

M. Jacques Domergue. C’est une coalition !

Mme Catherine Lemorton. Je souhaite aller dans le sens de M. Bapt, même s’il a très bien défendu son amendement, en apportant quelques éléments supplémentaires.

Beaucoup de produits ont des effets endocriniens – les chiffres sur les troubles thyroïdiens dans notre pays depuis une trentaine d’années sont assez effrayants. Il suffit de voir la vente des produits de substitution à la thyroïde pour comprendre que ce problème est prégnant au sein de la population française, mais également dans d’autres pays.

Je tiens à saluer les débats très apaisés qui ont eu lieu en commission et à remercier particulièrement Mme Antier pour son exposé très pédagogique sur les effets du bisphénol A chez les bébés.

Je reviens sur les troubles endocriniens autres que thyroïdiens. Depuis une cinquantaine d’années, on constate une baisse inquiétante de la fertilité masculine, dans tous les pays occidentaux notamment. La cause est bien sûr multifactorielle – je ne prétends pas qu’elle soit systématiquement liée au bisphénol A. Mais des structures chimiques apparentées montrent que le bisphénol A peut être l’une de ces causes. Or les recherches sur la stérilité, dans nos cultures occidentales, mais également dans d’autres, sont plus tournées vers la femme que vers l’homme ; du coup, on ne sait pas trop comment soigner la stérilité masculine… Et lorsqu’un couple veut un enfant avec donneur, c’est évidemment la femme, et pas l’homme, qui doit subir tous les traitements ! Si donc l’amendement de M. Bapt peut contribuer à limiter les effets du bisphénol sur la fertilité masculine, j’invite la représentation nationale à défendre la cause de ces femmes soupçonnées d’être stériles alors que stérilité est le fait de l’homme !

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Il ne faut pas détourner le débat. Vous exagérez, madame Lemorton !

Mme Catherine Lemorton. Pas du tout.

M. Jean Mallot. Nous sommes en plein dedans !

M. Jacques Domergue. Je remercie M. Bapt pour le caractère modéré de ses propos ; je lui sais gré d’avoir rappelé que c’est moi lui avais adressé Mme Ana Soto à l’époque des premières investigations sur la toxicité du bisphénol A. Ana Soto m’avait été recommandée par le docteur Laurent Chevallier, nutritionniste à Montpellier et par Charles Sultan, pédiatre que notre collègue Edwige Antier connaît bien, qui se battent pour définir les risques et les dangers du bisphénol A chez le nourrisson.

Cela dit, restons dans la modération ; ce serait un consensus de bon aloi si ce texte était adopté sans aller au-delà de limites que nous ne maîtrisons pas. Nous sommes tous désireux de protéger l’ensemble de la population ; Encore faut-il que nous sachions comment. Émettre des vœux pieux en fixant une date butoir sans avoir de réponse sur les moyens de substitution ne serait pas faire preuve de responsabilité.

M. Jean Mallot. C’est ce que vous faites qui est irresponsable !

M. Jacques Domergue. C’est pourquoi la position adoptée par Mme le secrétaire d’État me paraît tout à fait raisonnable.

Mme Michèle Delaunay. Ne faisons rien alors !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Ce débat est utile, nécessaire, conforme à la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement. Mais en tant que président de la commission des affaires sociales et ancien ministre de la justice, je suis très respectueux de la fonction législative et réglementaire. Or nous sommes, il faut le rappeler, dans le domaine du réglementaire. Mais si nous voulons que le débat de janvier soit utile, madame la secrétaire d’État, il faut que nos propositions soient transmises à la Commission suffisamment tôt pour que vous veniez devant la représentation nationale avec des projets de règlement.

M. Jean Mallot. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. On aurait tort de tarder au motif qu’il reste des incertitudes. Les règlements devront vraiment avoir été préparés au moment où le nouveau débat aura lieu à l’Assemblée nationale.

(Le vote sur l’amendement n° 4 est réservé.) (Le vote sur l’article 1 er est réservé.)

Article 2

(Le vote sur l’article 2 est réservé.)

Titre

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 5.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt, rapporteur . Cet amendement visait à modifier le titre de la proposition de loi dans la mesure où mon amendement précédent aurait été adopté. On ne peut pas dire qu’il a été rejeté puisque le vote a été réservé…

M. Jean Mallot. C’est cela, la réserve ! Il n’est plus possible de débattre !

M. Gérard Bapt, rapporteur . …mais cela permet au moins de débattre. Il faut reconnaître que Mme la secrétaire d’État et M. le président de la commission ont ouvert le débat.

M. Jacques Domergue. Un débat gratuit : on fait des hypothèses sur des votes qui n’ont pas eu lieu…

M. Jean Mallot. On fait des hypothèses sur des votes qui n’ont pas eu lieu !

M. Gérard Bapt, rapporteur . J’apprécie le changement d’attitude du Gouvernement sur ce problème depuis un an, notamment si je me réfère à des réponses à des questions au Gouvernement posées par M. Jean-Christophe Lagarde ou par moi-même.

Je me réjouis qu’une date butoir ait été fixée, à partir de laquelle des mesures réglementaires allant dans le sens que nous souhaitons seront prises. Si cet engagement ne tenait pas, le seul intérêt de notre débat d’aujourd’hui serait de voter l’article 2, implicitement contenu par la demande du Gouvernement d’expertise collective à l’INSERM. Autant dire que nous aurions délibéré pour rien.

La mesure votée dans le Grenelle à l’occasion de la CMP a introduit un délai. Si nous votons l’article 1 er tel qu’il nous vient du Sénat, la mesure sera d’application immédiate. Je me demande à ce propos ce qui a conduit la CMP à introduire un délai pour l’application de la suspension provisoire de la commercialisation des biberons au bisphénol A.

M. Jean Mallot. On peut se le demander en effet !

M. Gérard Bapt, rapporteur . Cela m’interpelle. Je craignais que le Gouvernement ne vienne nous proposer un amendement visant à se mettre à l’équerre avec le vote de la CMP. Ce n’est pas le cas, je l’en remercie et je me félicite de voir cette mesure, que j’ai prise dans ma commune avec quelques autres maires de manière quelque peu aventureuse, devenir d’application immédiate sur l’ensemble de notre territoire.

M. Jean Mallot. Tout à fait !

M. Gérard Bapt, rapporteur . La CMP, m’a-t-on dit, aurait voulu répondre à une sollicitation de l’industrie.

M. Jean Mallot. Aïe ! Aïe ! Aïe !

M. Gérard Bapt, rapporteur . Sur des problèmes de santé publique de cet ordre, je soutiens que les représentants des industries sont aveugles. Désormais, la pression des consommateurs, les exigences des citoyens…

Mme Catherine Lemorton. Exigences légitimes !

M. Gérard Bapt, rapporteur . …et les alertes des scientifiques rendent les manœuvres de ce genre totalement contre-performantes.

Tout récemment, en faisant les courses avec mon éposue dans un supermarché proche de ma commune, j’ai trouvé des bouteilles d’eau minérale –je ne citerai pas la marque – portant une collerette en carton affichant « bouteille sans bisphénol », alors que l’on sait très bien que les bouteilles de ce type n’en contiennent pas ! Ce n’était qu’une démarche publicitaire.

M. Jacques Domergue. C’est pareil pour les sucettes…

M. Gérard Bapt, rapporteur . Mme Lemorton a eu raison d’évoquer les conflits d’intérêt et la façon inacceptable dont des « comités d’experts » peuvent être liés à l’industrie : il faut que la représentation nationale statue sur l’indépendance et la transparence de l’expertise.

Mme Catherine Lemorton. Mme Boyer l’a dit également.

M. Gérard Bapt, rapporteur . Quant au vote de mon amendement, il reste, hélas ! suspendu au sort de l’amendement n° 4.

M. Jean Mallot. Il faut lever la réserve !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Par la force des choses, et compte tenu du débat précédent, cet amendement devient effectivement sans objet.

M. Jean Mallot. Non !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. Pour ce qui est du calendrier, nous prenons l’engagement de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour, au vu des rapports qui nous seront rendus, revenir devant vous avec un projet de règlement qui sera transmis à la Commission européenne.

M. Jean Mallot. Quand ? La semaine prochaine ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. En revanche, nous ne serons pas en mesure de vous faire part du retour de la Commission : le délai est trop court. Mais nous ferons tout pour que le projet de règlement vous soit communiqué en même temps que le rapport au Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Nous discutons beaucoup des travaux de recherche. Mais par la loi du 29 décembre 1986 – cela ne date pas d’hier – et celle du 18 décembre 1989, nous nous sommes déjà dotés des outils pour mesurer l’évolution du nombre de malformations urogénitales chez le nouveau-né ou de cas de puberté précoce chez la petite fille. Ces outils statistiques ne coûtent pas cher, ils existent d’ores et déjà : ces documents doivent obligatoirement être remplis et transmis à tous les médecins de PMI. Or depuis quinze ans, on ne les réclame plus aux pédiatres : ils vieillissent dans les carnets de santé. Aucun conseil général ne s’en soucie. Je vous conseille d’aller à la pêche, de vérifier où en est l’exécution de ces lois si vous voulez disposer de statistiques qui vous montreront si ces malformations, qui alarment pédiatres et urologues infantiles, augmentent ou pas. Peut-être serions-nous rassurés, qui sait ?

M. Jean Mallot. Nous sommes de moins en moins rassurés !

Mme Edwige Antier. Les outils, vous les avez votés ; mais les mesures prévues ne sont pas appliquées.

Elles l’ont été au cours des premières années : pendant quinze ans, si les formulaires n’étaient pas remplis, les PMI les réclamaient aux parents, qui venaient à leur tour nous les demander. Mais maintenant, ils pourrissent dans les carnets de santé et les médecins sont découragés de les remplir, puisqu’ils ne sont jamais réclamés.

M. Jean Mallot. Et voilà !

(Le vote sur l’amendement n° 5 est réservé.)

M. Jean Mallot. Tous les votes sont réservés : c’est intéressant !

Application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Madame la présidente, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur le texte adopté par la commission, à l’exclusion de tout amendement.

M. Jean Mallot. Mme la secrétaire d’État n’aime décidément pas les votes !

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

M. Jean Mallot. C’est vraiment n’importe quoi !

Mme la présidente. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mercredi 23 juin, après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 22 juin à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma