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(Application de l’article 120 du Règlement)
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.
M. le président Didier Migaud. Monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, je suis heureux de vous accueillir, avec M. Serge Poignant, vice-président de la Commission des affaires économiques, représentant son président, M. Patrick Ollier, en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2010.
Je note que c’est la première fois que cette mission est examinée en commission élargie. Pour que le débat puisse prendre l’ampleur nécessaire, en laissant à chacun de nos collègues la possibilité de s’exprimer, nous disposons de la matinée et, éventuellement, du début de l’après-midi jusque vers dix-sept heures.
Comme vous le savez, la procédure de commission élargie nous donne une chance d’avoir un dialogue vivant et direct entre le Gouvernement et les députés, à condition que les questions, comme les réponses, soient à la fois complètes et concises. Nos rapporteurs ont mis leurs projets de rapports écrits à disposition de nos collègues. Ils pourront donc d’entrée de jeu vous poser quelques questions, monsieur le ministre, sans exposé liminaire.
J’en profite pour rendre hommage, aux noms de l’ensemble des présidents de commission, au travail réalisé par les rapporteurs spéciaux et pour avis : en effet, en plus du rapport qu’ils rédigent à l’occasion de la présentation des crédits de mission, ils accomplissent, tout au long de l’année, un travail d’appréciation des crédits proposés et de suivi, de contrôle et d’évaluation de l’application de ces mêmes crédits.
Avant de leur laisser la parole, je veux dire combien ce budget est présenté dans une situation de tension entre la crise conjoncturelle immédiate que connaissent de nombreuses entreprises agricoles, notamment les producteurs laitiers, et l’obligation où se trouve l’État, dans une perspective de long terme, de préparer l’avenir de l’agriculture dans le cadre européen. La mission « Agriculture », qui comporte une forte part de crédits d’intervention, est particulièrement sujette à cette tension du court et du long terme.
Dans les circonscriptions dans lesquelles nous sommes élus, nous sentons la détresse de beaucoup d’agriculteurs et nous entendons leurs préoccupations quant à leur présent et leur avenir.
Au-delà des mesures de soutien ou de sauvetage des filières agricoles le plus en difficulté, c’est la question de la régulation des marchés qui se trouve posée à la fois sur le plan européen dans le cadre de l’organisation mondiale et sur le plan national.
M. Serge Poignant, vice-président de la Commission des affaires économiques. Je veux, tout d’abord, exprimer, au nom de la Commission des affaires économiques, notre joie d’accueillir, avec vous, monsieur le président de la Commission des finances, le ministre de l’agriculture. L’examen du budget de ce ministère est toujours un moment important pour nous.
La crise est profonde et multisectorielle. Vous travaillez, monsieur le ministre, à l’élaboration d’un projet de loi de modernisation agricole qui, cette année, rend encore plus important l’exercice auquel nous nous livrons.
Votre tâche est difficile car le budget de 2010 doit à la fois tenir compte des décisions du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts entrepris en faveur d’une agriculture durable, répondre aux situations d’urgence et dégager un certain nombre d’économies.
Le Président de la République a fait hier un certain nombre d’annonces qui devraient – je l’espère vraiment – redonner des perspectives au monde agricole et vous permettre de disposer de marges de manœuvre suffisantes pour mener à bien votre mission. Vous aurez l’occasion, au cours de la discussion, de nous en parler.
Enfin, je tiens, à mon tour, à saluer le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux et pour avis.
M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial sur les politiques de l’agriculture et le compte spécial « Développement agricole et rural ». Comme l’a souligné M. Serge Poignant, notre agriculture se trouve à un tournant. Toutes les productions sont aujourd’hui dans une situation de grande difficulté, voire de crise grave. Vous avez su, monsieur le ministre, agir et réagir avec énergie et en engageant les moyens nécessaires.
Les mesures annoncées mardi par le Président de la République me paraissent très importantes. Elles me semblent aller dans le sens de ce qui est attendu par le monde agricole et évitent ainsi au rapporteur spécial que je suis de déposer, comme il l’avait envisagé, un amendement tendant à faciliter une année « blanche ».
Au-delà de la réponse à l’urgence et de l’« oxygène » à rendre à nos agriculteurs, il faut que nous nous attachions collectivement, avec tout à la fois rigueur et ambition, à donner à l’agriculture française les outils de l’avenir. Ce sera certainement le rôle de la loi de modernisation agricole.
J’insiste sur le fait que les outils que nous devons donner à l’agriculture ne doivent pas servir simplement, comme je l’entends parfois, à assurer la souveraineté alimentaire de la France et la sécurité alimentaire européenne, mais elles doivent également permettre de faire de l’agriculture un élément majeur de notre économie contribuant à relever le défi alimentaire mondial, lequel sera considérable dans les trente prochaines années.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du budget : les rapports de la Commission des finances et de la Commission des affaires économiques fournissent des détails et des analyses de celui-ci.
Je souhaite vous poser, monsieur le ministre, cinq questions principales sur des sujets qui me paraissent appeler des éclaircissements de votre part.
Je parlerai d’abord des mécanismes régulateurs dont a besoin l’agriculture française et qui seront certainement au cœur du projet de loi de modernisation agricole et des débats des prochains mois et des prochaines années concernant l’agriculture : il s’agit de tout ce qui peut, d’une part, favoriser l’épargne de précaution des professionnels et, d’autre part, renforcer la couverture assurancielle de la profession agricole. La déduction pour aléas – DPA – et l’assurance récolte sont déjà en place et permettent de répondre à beaucoup de questions qui se posaient ces dernières années. Mais il faut aller plus loin.
La DPA n’est-elle pas surestimée dans le projet annuel de performances pour 2010 ? Alors qu’elle était estimée à 1 million d’euros pour 2009, le chiffre prévu pour 2010 est de 100 millions d’euros. Le coût de la DPA aurait été utilisé en 2007 par une centaine de bénéficiaires, selon le ministère du budget. Sur quelle base repose la nouvelle estimation ? Cet instrument sera-t-il bien diffusé dans la population agricole en 2010 ? Son extension aux aléas économiques aura-t-elle une place dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture ?
Ma deuxième série de questions portera sur l’épargne de précaution et tous les dispositifs de sécurisation de nos exploitants face aux aléas économiques, climatiques et autres. Le dispositif du suivi de l’assurance récolte montre que le taux de pénétration de cette couverture est beaucoup moins élevé qu’attendu. Par rapport à 2009, les valeurs cibles ont même dû être abaissées dans le projet annuel de performances. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? N’avez-vous pas placé trop d’espoir dans l’assurance récolte alors que les exploitants sont si peu nombreux à en contracter une ?
Troisièmement, dans le domaine forestier, la tempête de 1999 a renchéri le prix de l’assurance et fait baisser le taux de couverture des parcelles. Ne faut-il pas inciter les sylviculteurs à se couvrir ? Ce serait une solution plus intéressante à moyen terme pour le budget de l’État que les 180 millions d’euros d’indemnisation mobilisés après la tempête Klaus de janvier 2009.
Quatrièmement, la prime herbagère agro-environnementale – PHAE – va désormais être cofinancée à 75 % par le budget de l’Union européenne dans le cadre du bilan de santé. Je veux me faire ici l’écho de l’inquiétude de nombreux professionnels, notamment dans le secteur de l’élevage, qui s’étonnent que le projet de budget ne prévoie pas d’autorisations d’engagement en matière de PHAE pour 2010. Cela peut poser un problème au regard des besoins de renouvellement de certains contrats de PHAE ou des souhaits d’installation de jeunes agriculteurs ou de modernisation de certains agriculteurs de leur mode d’exploitation. Pouvez-vous nous rassurer ?
Cinquièmement, le Président de la République a annoncé mardi un plan de financement de 1,650 million d’euros, composé de 1 milliard d’euros de prêts bancaires « bonifiés » et de 650 millions d’euros de soutiens exceptionnels, et souhaité une rapide mise en œuvre de celui-ci. Pouvez-vous nous indiquer les traductions budgétaires de ces annonces que vous envisagez tant dans le projet de loi de finances initiale que dans le projet de loi de finances rectificative ?
M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Mes questions commenceront là où se sont terminées celles de M. Forissier, à savoir l’articulation entre les annonces du Président de la République et l’exercice auquel nous nous livrons aujourd’hui.
Le Président de la République a clairement indiqué qu’il souhaitait que l’ensemble du dispositif qu’il a annoncé soit mis en œuvre en 2009, ce qui tendrait à indiquer qu’il ne concerne pas le budget de 2010. Il est important que vous nous apportiez des précisions à ce sujet.
Un certain nombre de dispositifs précisément destinés à soutenir les filières ou les exploitations en difficulté sont en diminution ou en stagnation dans le projet de budget pour 2010 que nous examinons aujourd’hui : les crédits d’intervention de FranceAgriMer sont en baisse de 20 millions d’euros en crédits de paiement, le dispositif AGRIDIFF tombe à moins de 4 millions d’euros, le fonds d’allégement des charges reste stable à 8 millions d’euros. Ces dispositifs particuliers vont-ils être revalorisés à la suite des engagements du Président de la République ?
L’autre volet de mes questions, après l’audition de Mme Jouanno hier soir, dans cette même salle, sur les crédits de l’écologie, concernera l’articulation entre les missions pilotées par le ministère de l’agriculture et les objectifs du développement durable. Je m’interroge sur trois dispositifs qui participent à cet objectif.
Le premier est le plan de performance énergétique des exploitations agricoles. L’an passé, son financement reposait sur les crédits dégagés dans le cadre du plan de relance, mais 60 % du coût des diagnostics énergétiques restaient néanmoins à la charge des exploitants. Cette année, 38 millions d’euros en autorisations d’engagement et 28 millions d’euros en crédits de paiement sont inscrits au sein de l’action 13 du programme 154, représentant l’équivalent du quart de la taxe carbone qui ne sera pas remboursé mais compensé aux agriculteurs. Est-ce là un mécanisme de financement pérenne ? Quelles actions seront précisément financées par ce biais, sachant que les besoins sont estimés à 85 millions d’euros ?
Le deuxième dispositif est le plan Ecophyto 2018, pour lequel 206 millions d’euros doivent être mobilisés sur la période 2008-2011. Dans cette perspective, la loi de finances pour 2009 a attribué à l’ONEMA – Office national de l’eau et des milieux aquatiques – le surplus perçu au titre de la redevance pour pollutions diffuses pour un montant annuel estimé à 33 millions d’euros. Comment ce dispositif a-t-il fonctionné en 2009 et quels sont les financements attendus pour 2010 ?
Je souhaitais également vous interroger sur la fin du dispositif de la PHAE et m’associe donc à la question posée par M. Forissier.
Un projet de loi de modernisation agricole va prochainement être soumis à la représentation nationale. Dans cette perspective, il semble indispensable de disposer d’une évaluation chiffrée des principales mesures adoptées dans le cadre de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006. La Commission des affaires économiques en a elle-même fourni, en 2008, un premier bilan dans le cadre du suivi de l’application des lois. Celui-ci soulignait notamment l’intérêt des dispositifs de soutien à la conversion et au maintien en agriculture biologique, dispositifs qui ont été, depuis lors, renforcés dans le cadre du Grenelle de l’environnement et qui bénéficient aujourd’hui d’efforts financiers importants. Il montrait également que le crédit d’impôt remplacement avait su trouver son public. Toutefois, celui-ci doit s’arrêter en 2010. Est-il prévu de le prolonger, voire de le pérenniser ?
En revanche, s’agissant du plan crédit transmission, destiné à faire bénéficier d’une réduction d’impôt l’agriculteur qui cède son exploitation agricole dans le cadre d’une transmission progressive à un jeune agriculteur, le rapport que j’avais élaboré conjointement avec M. Jean Gaubert en montrait clairement les faiblesses. À cet égard, le projet annuel de performance ne présente aucune estimation chiffrée de cette dépense fiscale dont seulement douze ménages auraient bénéficié en 2008. L’installation, et donc la transmission, étant une priorité pour notre agriculture, comptez-vous amender ce dispositif dans le cadre du PLMA ?
Enfin, alors que les distorsions de concurrence intracommunautaires constituent un sujet sensible pour de nombreuses filières, je souhaiterais savoir où sont passés les crédits de fonctionnement de l’Observatoire des distorsions, autre création de la loi d’orientation agricole, qui étaient auparavant inscrits sur l’action 02 du programme 215 et qui n’y figurent plus cette année.
M. Thierry Benoit, suppléant M. Philippe Vigier, rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire. Je veux, tout d’abord, vous exprimer ma sympathie, monsieur le ministre. Je vous ai félicité, il y a quelques semaines, en Commission des affaires économiques, d’avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Vous êtes un jeune ministre. Vous arrivez dans un contexte tourmenté que la France n’a pas connu depuis 1929 qui a entraîné une crise agricole profonde qui touche, nous le savons tous, toutes les productions.
Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » a pour objet, non seulement la qualité des aliments, mais également la sécurité sanitaire de ceux-ci. Le projet de loi de finances pour 2010 témoigne des réalisations accomplies en ce domaine. Ainsi, les dernières farines animales stockées à la suite de la crise de la vache folle seront éliminées en 2010.
La réforme du service public de l’équarrissage, entrée en vigueur en juillet 2009, s’appliquera également en 2010 pour la première fois en année pleine. Ce sont en moyenne 40 millions d’euros d’économies attendues chaque année.
Quelques questions demeurent cependant en suspens.
Premièrement, en outre-mer, les cadavres d’animaux continuent d’être enlevés dans les exploitations. La réforme de l’équarrissage ne devrait-elle pas être étendue à tout le territoire national ?
Deuxièmement, le projet de loi de finances prévoit seulement 11 millions d’euros pour financer la seconde campagne de vaccination contre la fièvre catarrhale ovine. Comment cette mesure, qui a fait ses preuves l’an dernier, trouvera-t-elle le complément de financement nécessaire ? Quels sont les concours européens attendus ? Des crédits seront-ils inscrits dans un prochain collectif budgétaire ?
Troisièmement, sous l’effet de la révision générale des politiques publiques, le paysage institutionnel du programme devrait être remodelé en 2010. Quand aura lieu la fusion entre l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments – AFSSA – et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail – AFSSET ? Quelles sont les économies attendues de ce rapprochement ?
M. Louis Guédon. Votre budget global, monsieur le ministre, augmente de 5,9 % pour s’établir à 5 milliards d’euros.
J’interviendrai plus particulièrement sur le secteur de la pêche, qui me paraît abandonné dans la crise actuelle.
La politique commune de la pêche – PCP – doit comprendre que la France, avec un littoral qui est le plus important d'Europe, doit défendre ses activités.
Vingt ans après la mise en œuvre les plans opérationnels pluriannuels – POP –, que constatons-nous ? Près de la moitié de nos bateaux sont détruits et nos ports sont plongés dans des déficits d'exploitation par manque d'apport.
En 2008, avec 625 emplois de moins, la pêche représente encore 24 196 marins. Un emploi à la mer induit trois emplois à terre : dans la construction, le ravitaillement et la production.
Le secteur de la pêche, c’est encore près de 7 400 navires dont près de 5 000 en métropole. Bien que 25 % soient vétustes, ils ont quand même débarqué 567 000 tonnes.
Comment accepter le moratoire sur l'anchois, alors que ce poisson est en abondance dans des zones inhabituelles ?
Comment être satisfait du tardif moratoire moralisateur du thon rouge en Méditerranée appliqué aveuglément en Atlantique, où sa présence est récurrente ?
Comment être rassuré sur l'envolée du pétrole quand la solidarité nationale du FPAP – fonds de prévention des aléas de la pêche – est condamné par l'Europe ?
Le budget que nous examinons accentue les contrôles. Nos marins les accepteraient plus facilement s'ils s’appliquaient de manière identique à tous les navires, quel que soit leur pavillon.
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche préconise une meilleure compréhension entre marins et scientifiques. Je n'ai cessé de réclamer cette réunion, associée aux élus du littoral. Si le rapprochement des deux premiers est évident, les élus du littoral responsables de son aménagement, de la défense de la population, appelés à l'aide dans les périodes difficiles, doivent être associés aux mesures préventives. Dans les processus de décision, la société civile doit cesser de s'opposer aux professionnels et aux producteurs.
La connaissance de la mer donnait au marin une souplesse d'adaptation face à la mobilité des espèces. La rigidité des quotas paralyse le navire à quai si l'espèce autorisée est absente.
Le budget de 2009 était un budget amplifié par l'exceptionnel plan pour une pêche durable et responsable. Ce programme disparu, votre budget pour 2010 est en légère augmentation, sachant que pourront être à nouveau sollicités les excédents du plan précédent non utilisés.
Les enjeux de l'année 2010 portent sur une réforme des organisations professionnelles. Ces organisations exemplaires sont inadaptées par les réductions du nombre de bateaux et de marins. Elles demandent des regroupements entre les échelons portuaires, départementaux et régionaux, dans une structure nationale.
La réforme de la PCP, introduite déjà dans la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines de 1997, doit mettre en œuvre une nouvelle gouvernance. La répétition dogmatique d'un principe de surcapacité des flottes de pêche devient inacceptable. Elle entraîne la destruction de navires aujourd'hui performants.
C'est dans la transparence avec nos professionnels qu'on équilibrera d'ici à 2015 la production retenue et l'exploitation des stocks halieutiques.
La pêche s'engageant à lutter contre l'émission des gaz à effets de serre, elle devrait bénéficier d'une suppression de la taxe carbone, pour être assujettie aux dispositifs de quotas prévus par le protocole de Kyoto.
La suppression, en 2010, de crédits pour les contrats bleus entraînerait la disparition de mesures favorisant des pratiques de pêche plus responsables et plus contraignantes, de même que la contribution pour une pêche durable adoptée dans le PLFR 2007.
Nous ne pouvons revivre l'épisode de l’interdiction du filet maillant dérivant, qui ne reposait sur aucun argument scientifique. Nous souhaitons donc la transparence sur la présence du thon rouge en Atlantique. Nous craignons que l’on ne stigmatise la pêche au chalut en négligeant la profondeur de la pêche concernée. Nous vivons mal le marché du merlu, déstabilisé après la reconstitution du stock.
La filière attend, pour se protéger des importations, la naissance d'un label « produit de la pêche française ».
On peut présager des jours difficiles en 2010. Les professionnels entendent expérimenter de nouvelles méthodes de pêche et réorganiser les circuits de distribution. En concurrence avec une aquaculture en développement constant et des importations pour lesquelles les contraintes ne semblent pas comparables à celles qui pèsent sur eux, les pêcheurs attendent l’équité.
Le littoral est le siège d'une activité conchylicole importante, qui souffre depuis peu de la chute des taux de reproduction et de la dégradation du milieu, la croissance de l'algue verte s’ajoutant aux pathologies virales et aux crépidules, tous facteurs de mortalité des naissains et des juvéniles. Nous saluons le dispositif important de soutien à nos entreprises entré en vigueur en 2008. L’Ifremer, les universités et les centres techniques régionaux essayent d’analyser ce phénomène ; il serait nécessaire de prévoir un programme d'étude pour redonner confiance aux ostréiculteurs et assurer la pérennité de la conchyliculture, une activité qui emploie 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers dans 3 120 entreprises.
La promotion de la pêche doit aller de pair avec le développement de l'aquaculture. Sa pérennité suppose la maîtrise des apports nutritifs et de la qualité des eaux. Cette complémentarité rendra la France indépendante des productions extérieures qui déstabilisent notre marché.
Dans la loi d'orientation sur la pêche, le mareyage apparaissait déjà comme un maillon faible de la filière. Son rôle est pourtant primordial pour maîtriser, réguler, maintenir les cours et écouler la production. Sa fragilité est accentuée par une absence de trésorerie chronique, due à ce que les mareyeurs doivent régler à court terme la pêche débarquée mais consentir des délais de paiements à la distribution.
La population du littoral, qui ne peut espérer les emplois de la grande industrie absente de nos rivages, doit pouvoir vivre de ces filières. Elle souhaite donc voir se moderniser les secteurs indispensables à son équilibre.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre détermination et votre souci d'harmonisation du territoire, et en particulier du littoral. Le groupe UMP soutiendra votre action et votera votre budget.
M. Germinal Peiro. L’examen du budget de l’agriculture pour 2010 se fait dans un contexte très particulier, celui d’une crise agricole sans précédent, et avec une chronologie remarquable puisque notre réunion se tient deux jours après que le Président de la République a prononcé à Poligny un discours axé sur la régulation. Mes collègues du groupe SRC vous interrogeront, monsieur le ministre, sur la baisse des moyens alloués à l’enseignement agricole, sur les restrictions demandées à l’Office national des forêts, sur le devenir de la prime herbagère agro-environnementale et sur l’avenir de la pêche.
Pour ma part, je m’attarderai sur le discours fait à Poligny, qui marque en effet une sorte de revanche pour nous qui, depuis des décennies, demandions davantage de régulation mais qui, jusqu’à présent, nous heurtions à une fin de non-recevoir des tenants d’une approche extrêmement libérale de l’économie, selon lesquels le marché réglerait tout. Nous ne pouvons que nous réjouir que le Président de la République se rallie finalement aux idées que nous défendons depuis si longtemps. Seulement, on lit en creux dans ce discours la totale impuissance de celui qui l’a prononcé. De quels moyens de régulation dispose-t-on en effet dans un monde réglé par l’OMC, une organisation qui s’est précisément employée à démanteler tous les outils de régulation et qui continue de le faire, pour nous amener à un monde où n’existeront plus aucunes contraintes sociales et environnementales ni pratiquement aucune contrainte sanitaire ? Autant dire qu’il y a un grand écart entre ce discours qui se veut protectionniste et la politique de l’Union européenne, qui continue de privilégier la dérégulation.
Interrogé hier sur la crise agricole, vous avez souligné, Monsieur le ministre, que nous ne produirons jamais de la viande moins cher que l’Argentine ou le Brésil. Vous avez parfaitement raison, et cela signifie que nous sommes confrontés à un choix : soit nous continuons d’ouvrir notre marché comme nous le faisons actuellement et les trois quarts de l’agriculture française et européenne disparaîtront, soit nous nous efforçons de réorganiser le monde autrement, ce dont le réchauffement climatique nous donne l’occasion.
Le temps est venu de supprimer les déplacements inutiles. Il est absurde de faire faire un trajet de 22 000 kilomètres à de la viande de mouton pour l’importer en Europe alors que nos éleveurs crèvent ! Il en va de même pour les fruits que nous importons de Chine, d’Afrique du Sud ou du Chili.
La relocalisation des productions agricoles est une urgence environnementale ; elle est aussi nécessaire pour trouver une solution à la crise alimentaire mondiale. Depuis trente ans, on a voulu nous faire croire que l’ouverture des marchés agricoles internationaux permettrait de régler le problème de la faim dans le monde. On observe l’exact contraire puisque, loin d’avoir été résolu, le problème s’est considérablement aggravé. L’Afrique, qui était autosuffisante dans les années soixante-dix est désormais entièrement dépendante sur le plan agricole. Elle a en quelque sorte été recolonisée, les pays africains étant contraints, pour nourrir leur population, d’importer nos surplus de céréale ou de poudre de lait. Il est grand temps de suivre les recommandations de la FAO et de produire sur place pour permettre aux peuples d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie de vivre de leurs productions vivrières.
L’urgence est aussi celle de l’équilibre des territoires. La planète compte 2,5 milliards de paysans dont beaucoup trop sont obligés, poussés par la misère, de quitter leurs terres pour gagner les mégalopoles où, le plus souvent, ils viennent s’entasser dans des bidonvilles. Cela se voit au Mexique, en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Pour cette raison aussi, la relocalisation des productions agricoles s’impose.
À Poligny, le Président de la République a parlé d’instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe. « Chiche ! », serais-je tenté de dire. Il faut, en effet, taxer les transports aérien et maritime qui ont, je le rappelle, été exclus du protocole de Kyoto. J’espère que la position de la France au sommet de Copenhague sera celle-là car, si cette approche n’est pas retenue, aucun budget, aucun emplâtre n’empêchera la disparition programmée de l’économie agricole en France.
J’en viens au plan de soutien annoncé par le Président de la République. Je m’interroge en premier lieu sur sa compatibilité avec la réglementation communautaire. En effet, si M. Sarkozy a pris soin de préciser que le remboursement des aides annoncées ne serait pas réclamé aux agriculteurs dans quelques années, la Commission européenne a indiqué qu’elle examinerait ce plan avec attention pour s’assurer que les mesures prévues sont compatibles avec les règles européennes. Un travail préalable à l’annonce du plan a-t-il eu lieu ? Les annonces faites pourront-elles être effectivement appliquées ?
Le Président de la République a annoncé l’allégement, à hauteur de 50 millions, des cotisations dues à la MSA. Quelle contrepartie est prévue pour la mutuelle, déjà endettée de manière quasiment irréversible ? Prévoit-on en fait une nouvelle autorisation d’endettement, ou une réelle aide de l’État ? Par ailleurs, il a été dit que l'État consacrerait 200 millions d'euros à l'allégement des charges d'intérêts d'emprunt et à l'aide à la restructuration en 2009 et en 2010, mais aussi que ces mesures seraient prise au cas par cas – selon quels critères ? La même question vaut pour l’allégement annoncé de la taxe sur le foncier non bâti. Autre chose : les allégements de TIPP et de TICGN (taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel), qui devraient porter sur 170 millions d’euros, seront-ils des allégements supplémentaires ou du « recyclage » ?
Permettez-moi de ne rien dire de l’ « énorme cadeau » aux agriculteurs que représenterait le « remboursement » de 120 millions de taxe carbone ; la ficelle est si grosse que le procédé en devient risible. En réalité, les agriculteurs vont bel et bien payer la taxe carbone, mais ils n’en payeront que 25 %. Où est le cadeau ?
Un mot, d’autre part, sur les retraites agricoles. Les vieux agriculteurs nous réclame à ce sujet une lisibilité inexistante à ce jour. Il en résulte une très forte frustration des intéressés, mis dans l’incapacité de savoir à quoi ils doivent s’attendre. L’année dernière, 155 millions sur trois ans avaient été annoncés, mais ce montant a été dilué au point d’en devenir invisible. Sans nul doute, il est temps d’étendre le régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiales.
Ma conclusion portera sur la filière tabac, dont la survie est en jeu. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accordé un rendez-vous à M. Antoine Herth et à moi-même, qui suis président du groupe d’études sur le tabac. L’Union européenne a décidé de réduire de moitié l’aide à la tabaculture, qui représente 3 000 entreprises en France et qui est à l’agonie. La filière ne survivra pas sans cette aide. Au moment où le Gouvernement décide d’augmenter de 6 % le prix des cigarettes, ne pourrait-on trouver le 0,4 % de fiscalité nécessaire à sa survie ? L’Europe ne produit que le quart du tabac qu’elle consomme. On peut certes prendre des mesures telles que l’on réduira la production locale à néant, mais qui peut croire que l’on réglera ainsi le problème du tabagisme ? Dans le même temps, tous les tabaculteurs seront au RSA, et ce sera un mauvais coup porté à la France.
M. André Chassaigne. Je prends la parole au nom de la Gauche démocrate et républicaine pour montrer que le projet de budget de l’agriculture qui nous est soumis contredit le discours prononcé par le Président de la République à Poligny. Reprenons donc ce qui a été dit.
« La crise que traverse l’ensemble du secteur agricole n’est pas une simple crise conjoncturelle […] Cette crise est une crise structurelle. » Il en est bien ainsi ; mais, malgré cela, le projet de budget pour 2010 est identique au budget de 2009, dans un contexte de crise sans précédent. Le décalage est difficile à comprendre entre l'ampleur de ce qui est nécessaire pour sortir l'agriculture française de ses difficultés et le maintien de l'étiage budgétaire. On constate certes certaines hausses des crédits de paiement, pour la filière forêt par exemple, mais cela dissimule des baisses inacceptables, de 62 millions d’euros pour le programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » et de 17 millions d’euros pour le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Est-ce ainsi que l’on compte agir sur les causes structurelles de la crise ?
Il faudrait, nous dit-on, « privilégier une agriculture de production respectueuse de l’environnement ». Or, qu’en est-il de l’action 11 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » ? Le projet de budget ne marque aucune volonté de garantir le maintien ou le développement de productions agricoles sur tous les territoires avec des prix rémunérateurs, et encore moins pour les productions sous signe de qualité, compte tenu des prix d'achat des productions. La part des superficies cultivées en agriculture biologique – c’est l’indicateur de performance retenu – prévoit 3,5 % de la SAU en bio en 2010, alors que l’estimation de la réalisation en 2008 n’est que de 2,12 %. Conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement, la cible est de 6 % en 2012 ; faute de moyens suffisants, comment croire que la SAU en bio doublera en deux ans ?
J’en viens au programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires. « Nous allons engager » , a indiqué M. Sarkozy à Poligny « 1 milliard d’euros de prêts de trésorerie, de consolidation ou de restructuration d’encours », à quoi s’ajoutera la prise en charge « d’intérêts d’emprunt et de cotisations sociales ». Or le budget consacré à l'action 12 « Gestion des crises et des aléas de la production », fixé à 75 millions d'euros, n'évolue pas ! Toutes les mesures annoncées seront-elles donc financées hors budget , par des mesures d’urgence ?
Le montant de l’aide aux exploitations en difficulté est proprement ridicule au regard des besoins des dizaines de milliers d’exploitations concernées. Il en va de même du montant alloué au fonds d'allégement de charges.
La phrase : « Je souhaite préserver la priorité en faveur d’une politique d’installation sans laquelle il n’y aurait pas d’avenir pour notre agriculture » a une saveur particulière, sachant que les crédits de paiement prévus pour l'action 13 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » sont en baisse de 8 millions d’euros , alors même que les cessations d'activité se multiplient et que les charges liées à l’installation augmentent fortement. Les prix, catastrophiques, excluant toute possibilité de bon démarrage des exploitations, le décalage est total entre le projet de budget et les propos du Chef de l’État.
« Notre troisième ambition », nous a-t-il aussi été dit à Poligny, « sera le maintien de l’activité de production dans les territoires fragiles, en particulier dans les zones herbagères et de montagnes ». Or les crédits de paiement alloués à l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires » baisseront de 50 % en 2010 pour la PHAE, et aucune autorisation d’engagement n’est prévue ! Le précédent ministre s'était engagé à maintenir ce soutien, en plus de la création du soutien à l'herbe dans le cadre du premier pilier de la DPU herbe. Cette décision simplement comptable, alors que le cofinancement européen de la PHAE est porté à 75 %, va porter atteinte aux revenus des éleveurs de zones de montagne comme des éleveurs allaitants du grand Massif central, avec une perte sèche annuelle moyenne estimée à 2 600 euros par exploitation.
Et encore : « Notre premier objectif est d’affirmer une préférence communautaire renouvelée. La préférence communautaire, ce n’est pas un gros mot, elle repose sur le respect de normes sanitaires, sur le respect de normes environnementales. » Or le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation »est amputé de 17 millions d’euros, à la suite, notamment, du transfert de la charge de l'équarrissage aux producteurs. Ce programme est sous-doté au regard des enjeux sanitaires, et les moyens alloués à l'action « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » sont dérisoires au regard des crises à répétition.
La contradiction est totale entre la volonté affirmée de renforcer les contrôles sanitaires et la baisse de moyens sans précédent des services vétérinaires. À titre d’exemple, le ministère prévoit de ne remplacer que deux agents des directions départementales des services vétérinaires sur les 333 départs en retraite prévus pour la période 2009-2011 ! Comment ne pas voir dans ce chiffre le reflet d'une politique d’ajustement comptable, au mépris des enjeux sanitaires ?
J’en viens à la mission interministérielle « Enseignement technique et agricole », pour observer que la hausse de 1,2 % des crédits de paiement pour l'enseignement agricole public n’enrayera aucunement la diminution du nombre de postes d'enseignants, ni les effets des restructurations en cours. Ce budget entérine le déclin de l'enseignement agricole – alors même qu’en cette rentrée plusieurs centaines d’élèves ont été refusés dans les établissements de l'enseignement agricole public. Ce dernier connaît un recul sans précédent, ne scolarisant plus que 37 % des élèves de l'enseignement agricole contre plus de 40 % en 2002. C’est que près de 300 fermetures de classes ont eu lieu depuis cette date, dans une logique purement comptable, sans prise en compte des besoins. Le dogme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a aussi rendu exsangues les services administratifs qui, dans nombre d'établissements, ne sont aujourd'hui plus en mesure de fonctionner. L'offre publique de formation est en recul, sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif. Les nombreux enseignements facultatifs supprimés et les nombreux dédoublements non respectés entraînent une dégradation inacceptable des conditions de formation.
En conclusion, ce projet de budget n’est en aucun domaine à la hauteur des enjeux ; il est aussi en décalage total avec le discours prononcé par le Président de la République à Poligny, que je suis fortement tenté de qualifier de démagogique. Ce projet poursuit la dynamique de baisse généralisée des moyens de la politique agricole de l’État en maintenant un volume budgétaire étal. C’est aussi le support d’un grave jeu de yoyo entre les différents programmes et les différentes actions, consistant à donner un peu aux uns une année, un peu aux autres l’année suivante, sans perspective de long terme pour l'ensemble des filières.
J’en ai fait la démonstration, le budget qui nous est soumis ne peut relever les grands défis de l’agriculture. S’agissant de la régulation des marchés et des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, il ne donne aucune réponse. Pour le maintien, l’installation et le développement des productions sur tous les territoires, aucune réponse non plus, et même une régression ; pas davantage de réponse pour ce qui est des défis environnementaux, sanitaires et alimentaires du XXIe siècle, ni pour ce qui concerne la promotion de l'enseignement et de la recherche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Toutes les interventions l’ont montré, chacun est conscient que nous sommes à un moment charnière de l’histoire de l’agriculture française et européenne. Dans le contexte que nous connaissons, celui de crise la plus grave qu’ait connue l’agriculture au cours des trente dernières années, la question qui nous est posée est de savoir si nous voulons conserver une agriculture en France et en Europe. Toutes nos décisions – et pas seulement les décisions financières et le budget – doivent être analysées à cette aune.
J’ai constaté au cours des discussions avec mes homologues européens une ligne de fracture très nette. Certains estiment qu’il est de l’intérêt stratégique européen de réduire les crédits de la PAC pour les rediriger vers la recherche, l’éducation, la science, le spatial et, pour ce faire, d’importer les produits agricoles d’Amérique du Sud, d’Asie ou des États-Unis. D’autres, conduits par la France, considèrent au contraire que les moyens de la PAC doivent être maintenus pour assurer la sécurité alimentaire des 500 millions d’Européens. Là est le débat de fond, et c’est dans cette perspective que je répondrai aux questions qui m’ont été posées.
Vous m’avez interrogé, monsieur Forissier, sur les objectifs du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le premier est de fixer une nouvelle mission à notre agriculture – celle de garantir la sécurité alimentaire de tous les Français. Je veux que ce texte nous donne l’occasion de définir une politique publique de l’alimentation en regroupant les moyens jusque-là éclatés de la sécurité sanitaire, de la qualité nutritionnelle, de recommandations nutritionnelles à l’adresse notamment des services collectifs. La démarche est identique à celle qui a prévalu en matière de sécurité routière : après nous être pendant longtemps limités à deux préceptes – le port de la ceinture de sécurité et la restriction de l’imprégnation alcoolique au volant –, nous avons considéré que cela ne suffisait pas et nous avons défini une politique de sécurité routière complète, qui a donné des résultats. Nous souhaitons procéder de la même manière pour ce qui concerne la sécurité alimentaire, en rassemblant des recommandations aujourd’hui éparses.
Le second objectif, c’est de donner un élan nouveau à l’agriculture française au moyen de décisions stratégiques, structurelles, mais limitées, dont nous devons débattre le plus largement possible. Et mes portes sont grandes ouvertes pour poursuivre la discussion avant la discussion au Parlement.
Il s’agit tout d’abord de la compétitivité de l’agriculture française qui passe par l’organisation des filières, le coût du travail, les liens entre producteurs et industriels qu’il faut clarifier par le biais de la contractualisation. L’obligation de contractualisation n’existe pas aujourd'hui dans certaines filières, et l’absence de contrat, c'est-à-dire d’engagement financier et de garantie des volumes, nuit aux producteurs qui n’ont pas de revenu défini sur plusieurs années.
Il faut également veiller à la préservation des terres agricoles. La France – première puissance agricole européenne, première puissance exportatrice agricole mondiale – est paradoxalement l’un des seuls pays à n’avoir aucun système national de gestion de ses terres agricoles. Ce n’est pas acceptable. Il faut donc bâtir ensemble un dispositif.
Et, pour faire la transition avec les questions techniques posées par le rapporteur, les systèmes assuranciels sont, à mes yeux, insuffisants dans l’agriculture. Or leurs carences mettent les exploitants en difficulté dès qu’une crise se produit.
Plus précisément, je suis favorable à la généralisation de l’assurance récolte et aux autres outils que nous pourrions mettre en place. Nous avons porté le taux de subvention de l’assurance récolte de 30 % à 40 %, et même à 45 % pour les jeunes agriculteurs. Nous avons réussi à introduire dans le premier pilier de la PAC la couverture des risques climatiques et sanitaires. Et nous avons obtenu 100 millions supplémentaires de crédits communautaires au titre de l’assurance récolte. Cela porte le taux de subvention à 65 %. À un tel niveau, il est possible d’étendre le dispositif de façon significative, en particulier au secteur viticole. Si nous voulons être efficaces, nous ne pouvons nous contenter de l’assurance récolte : elle ne répond pas forcément aux attentes de tous les exploitants ciblés et ne concerne pas, par définition, tous les agriculteurs.
Je propose donc de nous appuyer sur le développement de la dotation pour aléas – la DPA – afin de répondre aux besoins de couverture du risque économique auquel sont soumis les agriculteurs. C’est aujourd'hui l’instrument le plus efficace. Et il a le mérite d’exister. Ses défauts font qu’il est peu employé car il ne répond pas aux attentes des producteurs.
Ma proposition – et elle figurera dans le projet de loi – est double.
D’une part, étendre la dotation pour aléas aux aléas économiques. Et je réponds directement à la proposition de Nicolas Forissier : c’est une bonne idée. C’est l’instrument le plus simple et le plus rapide. Or nous n’avons pas un mois à perdre.
D’autre part, modifier les règles de fonctionnement de la dotation pour aléas en jouant sur deux curseurs, dont la position n’est pas encore arrêtée et sera discutée au Parlement. Premier curseur : le montant de la cotisation annuelle défiscalisée ouverte aux producteurs. Il est pour le moment de 23 000 euros et il doit être possible de faire évoluer ce plafond. Second curseur : le plafond global, qui est pour le moment limité à 150 000 euros. Il serait bon de le remonter de manière significative pour faire en sorte que la dotation pour aléas élargie aux aléas économiques soit plus attractive pour les exploitants, et devienne un vrai instrument de couverture du risque économique. Le dispositif actuel se limite aux risques mineurs et ne couvre pas les risques majeurs de variation des prix, donc des revenus.
Telles sont les propositions sur lesquelles nous pouvons travailler dans le cadre de la préparation de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
S’agissant de l’assurance de la sylviculture, le problème est simple, mais la solution compliquée. Ce problème vient notamment de la faible rentabilité du secteur, qui explique les fortes réticences des assureurs à s’engager, et celles, encore plus fortes, de l’État à servir de garant en dernier recours. La couverture offerte est pour l’instant tout à fait insuffisante. J’ai demandé, après la tempête Klaus, d’examiner la possibilité d’une assurance couvrant toute la sylviculture. Le rapport me sera remis fin novembre. Je souhaite que la loi de modernisation soit, quelles que soient les difficultés, l’occasion de mettre en place une assurance sylvicole spécifique et de répondre ainsi aux attentes du secteur.
En ce qui concerne les annonces du Président de la République, et les modalités de financement, il est prévu que les mesures figurent en loi de finances rectificative. Cette option reste en débat au niveau interministériel, mais elle est la plus probable.
M. Herth m’a posé des questions très concrètes sur le plan de performance énergétique. Nous avons prévu 38 millions d’euros en AE et 28 millions en CP. Les financements nécessaires s’étaleront sur cinq ans.
Le plan Ecophyto 2018 vise à réduire de 50 % l’usage des produits phytosanitaires, si possible en dix ans. À charge pour le ministre de l’agriculture de définir année après année la liste des produits utilisés, ou non. Ce sont 216 millions d’euros qui ont été prévus pour financer le programme sur la période. Le programme national annuel sera arrêté chaque année au 31 décembre.
La PHAE est un sujet majeur et je mesure l’inquiétude des producteurs d’après les remontées qui nous sont parvenues de partout en France. Sont aujourd'hui en cours 63 000 contrats herbagers, pour un montant moyen de 4 100 euros, soit 76 euros par hectare avec un plafonnement à 100 hectares par département. Le montant total est de 260 millions d’euros en 2010. Vous avez dans le PLF pour 2010 les crédits nécessaires au versement de la PHAE, conformément aux engagements qui ont été pris. La seule difficulté, je la reconnais, ce sont les contrats qui arrivent à échéance en 2010. L’obstacle est à la fois budgétaire et réglementaire au regard de la Commission européenne. Je n’ai pas encore la solution mais j’ai pris l’engagement auprès des exploitants concernés de trouver une solution compatible avec les règlements communautaires et qui maintienne le même niveau de financement. Je ne suis pas sûr que la PHAE sera conservée en l’état, mais nous trouverons un dispositif similaire car il est indispensable à la poursuite de l’activité des exploitations.
En ce qui concerne le crédit d’impôt remplacement, nous avons préparé, pour le prolonger, un amendement au projet de loi de modernisation. Ce serait une bonne chose, mais je ne peux pas garantir que l’arbitrage nous sera favorable.
Le programme 215 « Observatoire des prix et des marges » constitue une vraie avancée. Mais il faut en mesurer les limites pour l’améliorer. Nous devons d’abord être capables de tirer toutes les conséquences des constats qu’il aura dressés. Je vous ferai une proposition pour durcir le fonctionnement de cet observatoire dans le secteur des produits agricoles. C’est la condition sine qua non pour faire évoluer les pratiques. Les résultats recueillis doivent encore être clarifiés, mais les conséquences pratiques de son travail ne sont pas suffisantes.
Thierry Benoit m’a interrogé sur l’équarrissage. La libéralisation du service public de l’équarrissage, qui a été engagée à l’issue des marchés publics en juillet 2009, ne concerne pas l’outre-mer. Au regard des coûts qui sont beaucoup plus élevés qu’en métropole, il serait raisonnable de ne pas envisager d’évolution avant 2012, pour se laisser le temps de trouver le moyen de limiter le risque d’augmentation des coûts à l’occasion du transfert de responsabilité.
En ce qui concerne la fièvre catarrhale ovine, le choix que j’ai annoncé à Cournon, au sommet de l’élevage, part du constat que cette maladie a eu une incidence désastreuse sur l’économie des filières ovine et bovine. Elle leur aura coûté en 2008 de l’ordre de 530 millions d’euros. L’État est intervenu pour compenser, mais ce n’est pas la meilleure façon de procéder.
Nous avons lancé une première campagne de vaccination obligatoire par les vétérinaires entre le 15 décembre 2008 et le 30 avril 2009. Elle a été l’occasion de dénombrer 73 foyers infectieux, contre 24 000 en 2008. La conclusion est claire : ce type de campagne est efficace. Du coup, j’ai décidé, même si les réactions sont souvent mitigées, de poursuivre la vaccination obligatoire. À partir du moment où elle obtient des résultats, il est de la responsabilité de l’État de garantir la vaccination obligatoire.
J’ai décidé ensuite, ce qui n’était pas facile non plus, que la vaccination serait faite par les vétérinaires. Pourquoi ? Parce que, sinon, il n’y a pas de certification à l’exportation des bovins, et surtout des veaux, ce qui leur fait perdre entre 30 % et 50 % de leur valeur, déjà amputée par la crise. Quant à l’idée de ne vacciner que les veaux destinés à l’exportation, elle n’est pas praticable car il y aura toujours un soupçon. Je souhaite que l’on s’engage dans des modifications réglementaires qui permettront petit à petit aux éleveurs de pratiquer eux-mêmes la vaccination. Mais une responsabilité aussi lourde ne peut pas être transférée du jour au lendemain. S’agissant d’une campagne obligatoire, il est préférable que ce soit les vétérinaires qui vaccinent. Pour les autres campagnes, on pourrait envisager de faire appel aux éleveurs, mais il faut agir avec méthode et en discuter. Ce sera l’objet des assises que je réunirai en janvier.
Enfin, le coût global de la campagne est de l’ordre de 96 millions d’euros pour le budget de l’État – sachant qu’une partie du coût des vaccins est prise en charge par la Commission européenne –, c'est-à-dire qu’elle ne coûtera rien aux éleveurs.
Sur la fusion entre l’AFSSA et l’AFSSET, j’ai eu l’occasion de rapporter à la Commission des finances en 2007 et 2008. Il existe entre ces deux agences des synergies véritables : sur les produits chimiques et les pesticides, sur l’eau – celle que l’on boit est du ressort de l’AFSSA et celle des piscines de celui de l’AFSSET… C’est pourquoi la fusion est prévue pour 2010, sans réduction d’effectifs.
Monsieur Guédon, la pêche est trop souvent négligée. J’ai donc souhaité que le projet de loi de modernisation de l’agriculture, présenté comme tel en février, devienne une loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. L’une va avec l’autre. De la même façon que je suis convaincu qu’il faut conserver une agriculture forte, je suis convaincu qu’il faudra se battre pour maintenir une pêche vivante sur tout notre littoral. C’est un objectif essentiel.
Nous avons aujourd'hui une opposition encore trop forte entre, d’un côté, les scientifiques, les défenseurs de l’environnement et, de l’autre, les pêcheurs. Je pense, quitte à surprendre, que leurs intérêts sont communs. Les pêcheurs n’ont aucun intérêt à piller la ressource halieutique, non plus que les scientifiques à voir la pêche disparaître de nos côtes. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche proposera donc la création d’un conseil d’orientation scientifique qui amènera les pêcheurs, les scientifiques et les responsables d’association à travailler ensemble à la définition de la ressource halieutique et à son évaluation. Il faut dépasser les procès d’intention qu’ils se font les uns aux autres. La position du ministre n’est d’ailleurs pas confortable, entre les pêcheurs qui lui expliquent que la ressource en cabillaud a explosé, que c’est un poisson vorace qu’il faut continuer à pêcher pour limiter ses dégâts, et les scientifiques qui font état d’une diminution drastique de la ressource en cabillaud et déclarent qu’il est urgent d’arrêter la pêche. Cette présentation est un peu sommaire mais il faut à tout prix sortir des antagonismes frontaux en discutant dans un cadre défini par l’État.
Pour ce qui est de l’organisation des professionnels, oui, je suis favorable à une réorganisation. Les professionnels eux-mêmes s’y sont attelés depuis plusieurs mois et ils ont accompli un travail remarquable, conduit notamment par le président du Comité national des pêches et des élevages marins, Pierre-Georges Dachicourt. Il faut améliorer les relations entre les comités locaux, départementaux et régionaux en simplifiant les échelons.
L’exonération de taxe carbone n’est pas de 100 %, elle est de 75 %. Mais le produit de la taxe acquittée par les pêcheurs et les agriculteurs leur sera reversé pour les aider à investir dans les économies d’énergie, en particulier, s’agissant des pêcheurs, dans la motorisation de leurs bateaux. Sous réserve des arbitrages qui seront rendus, j’ai demandé qu’une partie des fonds levés par le grand emprunt soit fléchée vers les économies d’énergie dans le secteur de l’agriculture et de la pêche. Nous devons passer d’une flotte puissante et polluante à des bateaux moins polluants et moins puissants, mais adaptés à la pêche. La moitié du prix du poisson payé à l’étal couvre le coût du carburant.
Autre question technique, la pêche au chalut sur laquelle nous avons demandé un rapport à Philippe Boënnec. Celui-ci doit nous aider à trouver les moyens de maintenir une pêche au chalut conforme aux exigences du développement durable, c'est-à-dire qui ne racle pas trop les fonds marins. Je suis hostile à une interdiction.
Quant au label « Pêche France », j’y suis favorable. Il faut que les professionnels lui donnent une existence, et nous soutiendrons toutes leurs initiatives en ce sens. Il faudrait, à mon sens, que son introduction s’accompagne d’un meilleur étiquetage. Aujourd'hui, chez le poissonnier, il n’y a aucune indication précise qui permette de savoir si le poisson a été congelé ou non. Il est simplement marqué qu’il ne doit pas être congelé. Je préférerais que soit précisé si le produit a été congelé, éventuellement la date de congélation et la provenance.
Pour la conchyliculture, se posent deux questions vitales.
Première question : les pathologies virales qui se sont développées depuis plusieurs mois dans certaines régions, notamment en Normandie. Nous devons faire le maximum pour éviter la surmortalité des naissains et des jeunes huîtres de moins d’un an. Nous avons demandé à l’Ifremer et au groupement de recherches conchylicoles, que nous avons mis en place à cette occasion, d’examiner les raisons de la surpathologie virale chez les naissains et les juvéniles dans certains bassins conchylicoles français, et d’apporter des solutions concrètes, qui, sans vouloir anticiper sur les conclusions, pourraient passer par l’implantation d’une nouvelle souche.
Seconde question majeure : la sécurité sanitaire des coquillages et les tests que nous pratiquons sur eux. Invariablement, ces tests donnent lieu à un débat animé au mois d’août entre les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon, qui défendent légitimement leur intérêt, et le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, qui est d’abord celui de l’alimentation, et qui, à ce titre, est soucieux de la sécurité sanitaire des consommateurs, tout en veillant à l’intérêt économique de la filière. Il est temps de passer d’un test qui ne permet pas d’identifier clairement la raison de la toxicité, c'est-à-dire celui de la souris, à un test chimique, plus précis. Cela fait des années que l’on en parle.
J’ai organisé une première réunion à Bruxelles de tous les scientifiques responsables de la sécurité sanitaire des coquillages pour qu’ils examinent la mise en place d’un nouveau test chimique en remplacement de celui de la souris. Je suis déterminé à aboutir dans les meilleurs délais possibles. Mais il ne faut pas se cacher les difficultés. Elles sont d’ordre scientifique – même s’il semble que le test chimique soit pratiquement disponible –, mais surtout d’ordre politique et réglementaire. Certains États membres préfèrent ne pas se soumettre à un test chimique, plus précis et plus contraignant. Il faut lever ces obstacles le plus vite possible. J’ai pris l’engagement auprès des ostréiculteurs du bassin d’Arcachon que le test chimique serait disponible au début de l’année 2010. Nous ferons tout pour qu’il en soit ainsi. Nous comptons ainsi mettre fin au feuilleton de l’huître du bassin d’Arcachon et du test de la souris, qui dure maintenant depuis plusieurs années.
Oui, je suis favorable au développement de l’aquaculture parce qu’elle constitue pour les pêcheurs un complément d’activité utile. Mais nous devrons veiller au respect du développement durable car il faut avoir en tête qu’un kilo de poisson d’élevage nécessite un kilo de farine de poisson. Cela étant, il y va de l’intérêt de la filière économique puisque les pêcheurs français ne peuvent pas se contenter de pêcher 100 ou 120 jours par an et, le reste de l’année, se tourner les pouces. Par ailleurs, aujourd'hui, nous n’assurons qu’entre 20 % et 25 % de notre consommation de poisson. Tout le reste est importé, et c’est la filière où le taux d’importation est le plus élevé. Inverser la tendance au nom de la sécurité alimentaire, que je considère comme un objectif stratégique, serait une bonne chose.
Vous m’avez longuement interrogé, monsieur Peiro, sur la régulation et la PAC. Je le répète avec force, l’avenir de l’agriculture française se joue en Europe, pas ailleurs. Nous devons vraiment avoir conscience des débats très vifs qui ont commencé dans les États membres et au sein de la Commission, sur l’avenir de la politique agricole commune – je vous renvoie à cet égard au rapport de la Commission – et sur le montant du budget alloué à la PAC. Avec ses 55 milliards d’euros, il représente aujourd'hui 32 % du budget total de l’Union européenne, donc de très loin la première politique intégrée de l’Europe. Je rappelle pour mémoire que ce pourcentage était de 64 % il y a encore une vingtaine d’années. En simplifiant à l’extrême, ce sont deux voies qui sont proposées et qui ouvrent sur deux options politiques. Nous pouvons nous retrouver, au-delà des étiquettes politiques des uns et des autres, sur un même choix pour l’agriculture européenne. C’est même indispensable si l’on veut gagner une bataille qui promet d’être longue et difficile.
Le premier choix est économique et financier. Une partie des États membres juge que la réforme de la PAC en 2013 doit obéir à une seule règle, qui est la réduction des subventions. En passant de 55 milliards d’euros à une quarantaine de milliards, on pourra redistribuer l’argent devenu disponible à d’autres politiques communautaires, comme les universités, la recherche, l’espace, qui revêtent une importance majeure. J’estime qu’il s’agit là du degré zéro du raisonnement politique, et je le dis avec force. Ce n’est pas parce que le spatial, les universités ou la recherche sont stratégiques que, tout d’un coup, la sécurité alimentaire des Européens devient moins stratégique. Ce n’est pas au moment où le G8 de L’Aquila, le G20 ensuite, débloquent 15 milliards pour la sécurité alimentaire et estiment que la faim dans le monde est une des questions géopolitiques majeures des années à venir que l’Union européenne doit réduire la voilure pour défendre son agriculture.
Ce n’est pas au moment où la faim dans le monde ne manquera pas de soulever des problèmes moraux de sécurité dans les pays en voie de développement que nous devrons réduire les budgets alloués à l’agriculture en laissant entendre que celle-ci serait une activité négligeable pour l’Europe ! J’estime, au contraire, que ce secteur est stratégique pour la vitalité économique du continent – au même titre que l’industrie – et pour sa sécurité : comment imaginer un projet politique commun sans que l’Europe puisse nourrir ses 500 millions de citoyens ?
L’autre option, quant à elle, tend à sécuriser les crédits de la PAC, quitte à envisager des ressources complémentaires.
Derrière ces grandes orientations financières, il y a deux objectifs.
Le premier : la concurrence totale par les prix et la domination des seules règles du marché considéré comme le laisser-faire. Nous devrions ainsi parvenir à fournir des productions aussi peu chères que celles d’Amérique latine ou d’Asie. Or, nous savons fort bien que cela ne sera jamais le cas, nos règles – si respectables soient-elles – étant contraignantes et coûteuses. Une telle option reviendrait bien évidemment à ruiner l’agriculture européenne. Comparez, par exemple, une exploitation laitière hors de l’Union avec une ferme française : serions-nous prêts à parquer 2 000 vaches en stabulation qui sont en fait de véritables « pis sur tréteaux » ? Ce n’est pas beau à voir, je vous le garantis, et ce n’est conforme ni à la sécurité sanitaire, ni au bien-être de l’animal, ni à la défense de l’environnement !
Le second : refonder la PAC en politique alimentaire et agricole européenne en ayant pour objectif une alimentation saine pour 500 millions d’Européens – je vous rappelle que de 20 à 30 millions d’entre eux, aujourd’hui, ne sont pas correctement nourris –, mais également la sécurité sanitaire – la crise de la « vache folle » a coûté 1 milliard par an à notre budget – et, enfin, la sécurité environnementale, l’agriculture devant participer au développement durable. Cela a naturellement un coût que nous nous devons d’assumer à travers la PAC, certes, mais aussi la taxe carbone aux frontières. Le véritable libre échange, en effet, c’est lorsque les mêmes règles s’appliquent à tous. Si nous ne voulons pas que nos agriculteurs disparaissent, nous devons accepter de compenser le surcoût qui leur incombe pour mettre aux normes leurs exploitations, respecter l’environnement, garantir la traçabilité des aliments ainsi que la sécurité sanitaire, ou aménager des zones rurales défavorisées.
Je considère, par ailleurs, que la compatibilité entre le plan du Président de la République et les règles européennes est totale – je ne prendrai quant à moi aucune décision qui ne serait pas conforme à ces dernières –, les mesures préconisées ayant par ailleurs fait l’objet d’une évaluation juridique très stricte. De surcroît, j’ai obtenu le doublement de l’aide de minimis dont le plafond était jusqu’alors de 7 500 euros par exploitation pendant trois ans.
Si l’expression « au cas par cas » figure à plusieurs reprises dans le discours du Président de la République, c’est qu’il s’agit de cibler les exploitations les plus fragiles, lesquelles, paradoxalement, sont souvent les plus dynamiques – les agriculteurs qui ont investi 250 000 euros dans la mise aux normes de leur exploitation sont aujourd’hui au bord du gouffre et nous devons les aider en priorité. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que la dépense publique se fasse à bon escient.
S’agissant de la TIPP et de la TICGN, je vous confirme que 270 millions ont d’ores et déjà été prévus.
Le retour des 25 % de la taxe carbone sera par ailleurs intégralement reversé aux agriculteurs sous forme d’aides à l’investissement dans les économies d’énergie.
Des avancées ont également eu lieu en ce qui concerne les retraites agricoles grâce à la garantie d’un montant minimum de retraite égal, au 1er avril 2009, à 639 euros mensuels pour les chefs d’exploitation et à 508 euros pour les conjoints et les aides familiaux. Parce que des améliorations sont encore possibles, nous examinons avec l’ensemble des représentants des retraités agricoles les actions qui pourrait être menées en ce sens.
La filière tabac, quant à elle, est importante ; nous aurons l’occasion d’en reparler.
Monsieur Chassaigne, je vous rappelle que le budget global pour 2010 comprend 491 millions supplémentaires en AE et 280 millions en CP par rapport à la programmation triennale.
Nous avons en outre réalisé des efforts considérables en faveur de l’agriculture biologique même si, ce marché étant très dynamique avec une croissance annuelle de 30 % environ, il importe de veiller à l’équilibre entre les différentes filières : nous avons ainsi déplafonné les aides à la reconversion – 7 600 euros par exploitation –, nous avons ajouté une enveloppe de 12 millions par an sur trois ans, mais également un crédit exceptionnel de trois millions pour 2009, et le crédit d’impôt, avec un plafond de 4 000 euros, a quant à lui été doublé.
Je continuerai de soutenir la filière bio car c’est une filière d’avenir. Je suis cependant soucieux de l’équilibre avec les autres filières, qui n’ont pas forcément les mêmes débouchés.
S’agissant de la lutte contre les maladies animales, 96 millions sont débloqués pour la vaccination obligatoire FCO. Par ailleurs, le bilan de santé de la PAC inclut désormais le fonds sanitaire européen qui dispose de 40 millions.
Enfin, j’ai obtenu de haute lutte le déblocage de 60 EQTP en faveur de l’enseignement technique agricole pour la rentrée de 2009, ce qui a permis d’accueillir 400 élèves supplémentaires. J’ai également lancé les assises de l’enseignement agricole public dont les conclusions seront rendues dans le courant du mois de décembre : elles permettront de fixer de nouvelles missions et de nouveaux objectifs pour un enseignement dont le malaise est patent alors qu’il est déterminant pour l’avenir de notre agriculture.
M. le président Didier Migaud. Je vous remercie pour ces réponses très précises.
M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Si je comprends fort bien la logique qui est la vôtre, monsieur le ministre, je suis néanmoins un peu surpris par sa relative étroitesse : ne faut-il pas développer une vision planétaire pour notre agriculture et celle de l’Europe ? C’est précisément parce que la sécurité sanitaire et alimentaire sont décisives que notre agriculture, par la coopération ou l’investissement, doit contribuer à répondre au défi alimentaire mondial ! Outre que dans trente à quarante ans notre planète comptera 3 milliards d’habitants de plus – alors que 1 milliard d’êtres humains ne mangent pas aujourd’hui à leur faim –, il convient de tenir compte de l’évolution qualitative des modes de consommation tels qu’ils se font jour dans les pays émergents comme l’Inde ou la Chine, où de 300 à 400 millions de consommateurs sont au diapason des consommateurs européens.
Enfin, envisagez-vous de renforcer les actions structurantes pour les filières agro-alimentaires « de la fourche à la fourchette » ?
M. Jean Gaubert. Si l’avenir de notre agriculture se joue en effet en Europe, il dépend également de l’OMC, dont les décisions influent considérablement sur les marges qui permettront ou non d’aider l’agriculture européenne.
Comment, à ce propos, interprétez-vous les décisions prises cette semaine par Mariann Fischer Boel ? En quoi le Conseil des ministres européens et le Gouvernement en ont-ils été parties prenantes ? La question se pose, en effet, dès lors qu’il est de plus en plus question de régulation et que Mme la commissaire européen ne diminue de façon drastique les aides à l’exportation des produits laitiers.
En outre, pouvez-vous faire le point sur le dossier Entremont ?
Quid de la crise porcine ?
Enfin, le renvoi de l’examen de la question de la dotation pour aléas (DPA) à la LMA ne risque-t-il pas, en fait, de la repousser au PLF pour 2011 alors qu’il y a urgence – tel n’est pas le cas, en revanche, du relèvement du plafond : nombre de paysans voudraient bien, en effet, avoir en caisse les 150 000 euros ! J’ajoute que le dispositif dit de la moyenne trisannuelle, en la matière, peut être très intéressant.
M. Jean-Claude Bouchet. Je vous remercie de votre intervention ainsi que de votre implication, monsieur le ministre.
Je rappelle que le secteur des fruits et légumes emploie directement 400 000 personnes et que la perte des revenus s’est en l’occurrence chiffrée en 2007 à 49 % et, en 2008, à 20 %. Au cours de son déplacement dans le Jura, le Chef de l’État a annoncé l’exonération de la totalité des cotisations dues à la MSA pour les travailleurs saisonniers. Cette décision, qui permettra aux entreprises françaises d’améliorer leur compétitivité, n’est toutefois pas suffisante : son seul ciblage sur les travailleurs saisonniers va en effet à l’encontre des efforts accomplis pour pérenniser les emplois, former des salariés qualifiés et contribuer ainsi à lutter contre le chômage. Je rappelle également que la part du coût de la main-d’œuvre dans celui de la production est comprise entre 50 % et 70 % et que la proportion des travailleurs saisonniers dans le secteur des fruits et légumes s’élève à 40 % contre 60 % pour les emplois permanents – il est, en Allemagne, de 90 %. Comme l’a dit le Président de la République, cet effort devra donc être accompagné par d’autres mesures structurelles, de même que la LMA devra prévoir la mise en œuvre de dispositifs d’allégement global et permanent du coût de l’emploi salarié.
Enfin, s’agissant des exploitations de fruits et légumes, mais également de viticulture – peu mécanisées et fortes consommatrices de main-d’œuvre –, il est indispensable d’intégrer à la LMA le projet de réduction des charges par compensation des charges sociales – parts patronale et salariale – sous forme de crédit de TVA : outre que cela favorisera l’adaptation de ces secteurs à différents cas de figure, ce dispositif ne se déclenchera qu’en cas de crise.
Mme Frédérique Massat. La suppression des aides de démarrage aux associations foncières pastorales et aux groupements pastoraux n’est pas de bonne politique alors que ce sont là des outils indispensables à l’aménagement du territoire et à l’installation de nouveaux éleveurs et agriculteurs. Cela est par ailleurs d’autant plus dommageable que cette ligne budgétaire sert également à financer des aides d’urgence destinées à lutter contre les grands prédateurs. J’ajoute que le barème de ces aides n’avait pas été réactualisé depuis douze ans.
Si la hausse de 10,14 % du budget du programme 149 « Forêt » s’explique par l’augmentation de l’action 3 relative aux conséquences de la tempête Klaus, le budget de l’action 2 « Régime forestier et patrimoine forestier domanial » affiche quant à lui une baisse conséquente qui se cumule avec la diminution des moyens attribués à l’ONF – 500 suppressions de postes sont prévus –, le Premier ministre demandant en effet à l’Office d’accroître sa productivité.
Le budget de l’action 4 « Prévention des risques et protection de la forêt » baisse de 10 %, diminution à laquelle s’ajoute le désengagement progressif de l’État alors qu’il va de la lutte contre les incendies de forêts et des travaux de restauration des terrains, en montagne notamment. Les collectivités territoriales doivent-elles donc s’attendre à un transfert de charges ?
Enfin, depuis l’épizootie de fièvre catarrhale ovine, les éleveurs attendent toujours les 30 millions qui devaient leur être versés.
M. Robert Lecou. Le budget dont nous discutons est essentiel car la France est une nation agricole, verte, nourricière. Il s’agit d’un secteur fondamental de notre économie, indispensable pour répondre aux défis alimentaires mondiaux.
Nous sommes à un tournant : comment imaginer, en effet, que les prix de ventes soient inférieurs aux prix de revient et que les revenus continuent de baisser ? Qui peut accepter une situation pareille ? Nous avons donc plus que jamais besoin d’une politique volontariste comme la vôtre, monsieur le ministre.
Dans le Languedoc-Roussillon, qui est le plus grand vignoble de France, la désespérance gagne. Si certains parviennent à tirer leur épingle du jeu parce que la qualité a payé, d’autres n’ont pour perspective que l’arrachage, l’installation de fermes photovoltaïques sur leur propriété ou la cession immobilière. Quel signal envoyer à ces viticulteurs qui sont également désavantagés par rapport à leurs concurrents en raison du coût de la main-d’œuvre et des produits phytosanitaires utilisés ?
S’agissant de la pêche, ne peut-on envisager une extension de la zone réglementée des douze milles ? Ne peut-on également rendre la Méditerranée aux Méditerranéens en montrant, peut-être à travers la prud’homie, que les acteurs locaux sont parfaitement responsables ?
Quid de la conchyliculture dans le bassin de Thau ?
Enfin, l’État peut-il impulser auprès des collectivités territoriales une démarche volontariste afin que les abattoirs ne ferment pas ?
M. William Dumas. Les problèmes ne datent pas d’hier : nous dénonçons en effet depuis des années la baisse des prix à la production. Or, toutes les filières sont aujourd’hui touchées, la dérégulation des marchés et l’avidité des puissantes centrales d’achat de la grande distribution étant selon moi en très grande partie responsables de cette situation – comme nous l’avons d’ailleurs constaté avec la LME, laquelle a surtout bénéficié à ces grands groupes alors qu’elle devait relancer la consommation par la baisse des prix.
Dans le Gard, près de 5 000 agriculteurs exploitent 60 000 hectares de vignes et 15 000 hectares de vergers et de cultures maraîchères. Des centaines d’entreprises agro-alimentaires en dépendent, de même que des milliers d’emplois. Or, avec un rythme d’arrachage de 2 000 hectare par an, 10 % du vignoble a disparu. Le phénomène ne fait hélas que s’accélérer compte tenu de la mévente du vin et du vieillissement de la population. Si l’agriculture, comme l’a dit le Président de la République, a façonné nos paysages, les arrachages le dégradent. Outre que les friches peuvent entraîner des risques d’incendie, les traumatismes sociaux et économiques sont bien réels.
Comment retrouver des partenariats avec les agriculteurs pour entretenir ces friches ? Le CTE mis en place il y a quelques années était une bonne formule ; quels nouveaux outils contractuels pouvez-vous nous proposer pour promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement et contribuant à l’aménagement du territoire comme au tourisme, premier secteur d’activité dans mon département ?
Pourquoi nos productions viticoles, arboricoles et maraîchères ne pourraient-elles pas bénéficier des aides de la PAC ?
Quid de l’exonération de taxe foncière sur les vignes non productives ?
Le désengagement de l’État sur l’assurance récolte est une très mauvaise initiative en cette période très difficile. Il faudrait plutôt encourager les agriculteurs à s’assurer, par la création d’une assurance contre les risques économiques.
Concernant les CUMA, les syndicats demandent que les crédits consacrés aux prêts bonifiés soient maintenus à 4 millions d’euros, alors que vous ne prévoyez que 3 millions.
Il y a cinquante ans, un visionnaire, Philippe Lamour, avait proposé au général de Gaulle la création de la Compagnie du Bas-Rhône Languedoc. Aujourd’hui, pour la survie de l’agriculture méditerranéenne soumise à des sécheresses sévères, les chambres d’agriculture demandent à l’État un plan stratégique volontariste concernant l’hydraulique agricole.
M. Jean-Pierre Decool. Notre assemblée vient d’adopter, dans la première partie du projet de loi de finances, la mise en place de la taxe carbone. Cette contribution, utile et juste parce qu’intégralement compensée, participe d’une politique environnementale audacieuse. Je souhaite cependant appeler votre attention sur le problème des biocarburants. Cette énergie renouvelable, contribuant à l’indépendance énergétique de la France, possède des atouts reconnus sur le plan environnemental, tout en étant porteuse d’avenir pour l’agriculture. Dans le Nord-Pas-de-Calais, 2 % de la surface agricole utile sont affectés aux biocarburants, soit 17 000 hectares, répartis entre la betterave industrielle et le blé. Il s’agit d’un véritable marché et d’une part significative de l’emploi agricole de la région.
Je comprends donc mal que les biocarburants soient assujettis à la taxe carbone. Est-il vraiment opportun d’appliquer une fiscalité écologie à une source d’énergie « verte » ? Si la grande majorité de la profession agricole se réjouit des mesures annoncées par le Président de la République cette semaine, j’ai chaque jour l’occasion de constater les inquiétudes des exploitants à ce sujet.
Du fait de la généralisation des essences éthanolées, conduisant à une légère hausse des volumes annuels d’essence consommés, il semble que l’éthanol supporte une fiscalité supérieure à celle de l’essence.
Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à la demande de la profession de porter l’exonération partielle de taxe intérieure sur la consommation applicable à l’éthanol à un minimum de 20 euros par hectolitre ?
Mme Sylvia Pinel. La crise que traverse l’agriculture française est d’une exceptionnelle ampleur. Au-delà de la production laitière, toutes les filières sont touchées, en particulier l’arboriculture et la viticulture, qui dans mon département rencontrent de graves difficultés. La politique européenne de dérégulation des marchés agricoles et les aléas spéculatifs au niveau international ont conduit des milliers d’exploitants à la perspective d’une disparition quasi certaine, résultant de l’absence de visibilité sur les cours des produits, de coûts de production trop élevés, des charges fiscales et salariales, du poids de l’endettement, de la chute vertigineuse des revenus et de trésoreries dans le rouge. La détresse des agriculteurs n’a pas suscité de réponses adaptées, et les moyens inscrits dans le projet de loi de finances sont insuffisants.
Dans le Tarn-et-Garonne comme dans un grand nombre de départements français, l’agriculture est un pilier fondamental de l’activité économique, dont dépendent non seulement l’identité, mais aussi l’équilibre, le dynamisme et à terme la survie de nos territoires ruraux. Nous attendons donc des mesures concrètes, susceptibles de jeter les bases d’une véritable reconstruction. Quel soutien comptez-vous apporter à l’arboriculture fruitière ?
Le plan annoncé par le Président de la République, dont le contenu aurait pu être décidé plus tôt et qui intervient en dehors du projet de loi de finances, suscite l’inquiétude quant à sa mise en œuvre effective. Nous aimerions savoir comment les crédits seront engagés, dans quel cadre, dans quel délai et sous quelles conditions.
Les craintes sont d’autant plus grandes qu’une nouvelle phase de dérégulation a été dictée par la Commission européenne dans le cadre de la PAC, alors que la France présidait l’Union européenne.
Au-delà de l’urgence, il est essentiel de créer les conditions d’un développement agricole raisonné et solidaire. Pour cela, nous devons favoriser le renouvellement et l’adaptation des exploitations, qui garantissent une gestion équilibrée des territoires, miser sur l’enseignement public agricole, valoriser la qualité des produits, soutenir la compétitivité. Et nous devons offrir des marchés à la filière des fruits et légumes par un allégement de ses normes de production et du niveau de ses charges.
Enfin, je souhaiterais connaître votre position sur la création d’une assurance récolte obligatoire pour lutter contre les aléas climatiques et sanitaires.
M. Michel Diefenbacher. Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à partager votre analyse sur la sécurité alimentaire. Je salue votre franchise lorsque vous dites que l’agriculture européenne sera durablement plus chère que la plupart des agricultures de monde. Le problème est de savoir qui va payer le différentiel entre les cours mondiaux et les cours européens. La première solution est de faire appel au contribuable, mais lequel ? Si c’est le contribuable européen, il faut que nos partenaires l’acceptent. On peut aussi imaginer une renationalisation de la politique agricole, qui serait une véritable révolution en Europe. L’autre possibilité est de mettre à contribution les consommateurs eux-mêmes, mais on ne peut le faire que si l’on revient à un système protectionniste, ou en tout cas préférentiel : sincèrement, est-ce envisageable dans le contexte européen et mondial que nous connaissons ?
Un mot sur l’assurance récolte. C’est une petite révolution, puisqu’il s’agit de passer d’un système d’intervention budgétaire à un système d’assurance contractuelle. Les périodes de transition sont toujours difficiles, et nous sommes en retard dans la mise en place de cette assurance. Le système ne peut marcher que si, d’une part, il est attractif – j’ai bien noté la volonté du Gouvernement à cet égard – et si, d’autre part, on mène une action intense d’information des agriculteurs. Or je constate sur le terrain que beaucoup d’agriculteurs ne sont pas suffisamment informés.
Je terminerai par une observation sur la tabaculture. Ce qui est en cause, ce n’est pas seulement une filière agricole : c’est le devenir d’un certain nombre d’exploitations de polyculture. Dans l’état de crise où se trouvent actuellement la plupart des marchés, la tabaculture est un élément de stabilité des revenus pour de nombreuses exploitations. Si cet élément de stabilité devait disparaître, l’équilibre de ces exploitations serait gravement compromis.
Mme Annick Girardin. Je voudrais relayer aujourd’hui la profonde inquiétude des acteurs du secteur halieutique à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est indispensable d’accélérer l’accompagnement et la restructuration de la filière, qui doit faire face à de nombreux handicaps. Les professionnels de la pêche et de l’aquaculture de l’archipel n’ont bénéficié d’aucune des mesures du plan « pêche », en dépit de mes demandes. Par ailleurs, nous ne bénéficions d’aucune des aides, notamment à l’exportation, qui compensent en partie l’isolement des DOM dans le cadre de leur statut européen de régions ultrapériphériques (RUP) et du programme POSEIDOM. Enfin, l’activité à Saint-Pierre-et-Miquelon est soumise aux aléas du taux de change avec le dollar, que nous subissons doublement, sur l’importation des produits nécessaires à l’activité et sur l’exportation des produits finis. Cette instabilité nous pousse bien évidemment à nous tourner vers les débouchés de la zone euro, mais là encore l’absence de filière d’exportation fiable est une barrière structurelle au développement des activités, que nous ne surmonterons pas sans un accompagnement public résolu.
En réponse à mes questions, votre prédécesseur m’avait indiqué que l’État avait prévu un peu plus de 1 million d’euros pour la pêche et l’aquaculture dans le contrat de projets 2007-2013 . Ce n’est pas sérieux : ce n’est pas avec 1 million d’euros étalés sur sept ans que l’on va pouvoir compenser nos divers handicaps structurels ! Des aides complémentaires ont été apportées au coup par coup et dans l’urgence, mais ce n’est pas satisfaisant. Nous avons besoin d’une véritable plan stratégique.
Ce plan devrait comporter plusieurs éléments. Tout d’abord, un dispositif d’aide à la recherche et à l’expérimentation de la pêche et de l’élevage de nouvelles espèces, ainsi qu’à la modernisation de la flotte artisanale et industrielle, associée à une meilleure gestion de nos quotas. Ensuite, un soutien à la mise aux normes et à la modernisation des usines de traitement et de valorisation, en cohérence avec la politique de quotas et la transformation de nouvelles espèces. En troisième lieu, un soutien fort au transport des produits exportés notamment vers l’Europe, et la levée des barrières phytosanitaires liées à cette exportation. Enfin, un accompagnement commercial, notamment par la création d’un label national et européen, assurant la reconnaissance de nos produits de qualité exceptionnelle.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que nous puissions approfondir ensemble ces différentes questions et que des mesures soient prises dans le cadre de la loi de modernisation – dont j’espère que, cette fois, elle n’oubliera pas notre archipel.
M. Jean-Luc Reitzer. Ma question concerne les pensions de réversion versées aux agricultrices veuves, dans le cas où les bénéficiaires ont obtenu un revenu exceptionnel. En effet, de très nombreuses agricultrices se sont adressées aux caisses de retraite agricole pour leur demander une régularisation de leur situation lorsque leur conjoint décédé relevait de plusieurs catégories et, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ces caisses ont été amenées à verser des rappels, dans la limite de la prescription quinquennale. Ces revenus dont la perception a été différée font l’objet d’une imposition exceptionnelle, de telle sorte que ces agricultrices sont amenées à rendre sous forme d’impôts une partie des sommes obtenues. Eu égard à la situation précaire de ces veuves, je serais heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez nous préciser la mesure que vous entendez prendre pour réparer cette injustice.
Je voudrais enfin appuyer les propos de notre collègue Antoine Herth concernant la reconduction des primes herbagères agro-environnementales destinées aux agriculteurs de montagne. Mon collègue Jean-Louis Christ et moi avons rencontré tout récemment vos services à ce sujet. L’inquiétude est grande dans les milieux agricoles, notamment pour les contrats arrivant à échéance, mais également parmi les jeunes qui souhaiteraient s’installer. Dans notre département, environ 280 agriculteurs pourraient être concernés par les difficultés que vous avez évoquées. Vous avez annoncé votre volonté de régler ce problème ; pouvez-vous nous apporter des précisions ?
M. Louis-Joseph Manscour. Ma première question concerne la pêche. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés que rencontrent les marins-pêcheurs de la Martinique à la suite de deux arrêtés pris par le préfet de région, interdisant la pêche sous toutes ses formes dans toutes les rivières ainsi que dans certaines zones côtières. Des mesures similaires avaient déjà été prises l’année dernière concernant les végétaux, notamment les légumes racines, dont le taux de LMR (limite maximale de résidus) était supérieur aux normes ; les agriculteurs en ont été pénalisés dans leur revenu et attendent toujours une indemnisation. Je ne remets pas en cause les arrêtés pris par le préfet pour des raisons de santé publique, en vertu du principe de précaution. J’observe néanmoins qu’une sorte de psychose s’est installée sur notre territoire à propos de cette affaire de chlordécone, et que les consommateurs ont fui les étals. Quel accompagnement financier avez-vous prévu dans ce projet de budget pour aider ce secteur, déjà en si grande difficulté ?
S’agissant de l’agriculture, le Président de la République a proposé mardi dernier la mise en œuvre d’un plan de financement ambitieux, en affirmant : « Je refuse que l’agriculture française soit emportée par la crise. » Dans son discours de huit pages, il n’y a pas un mot sur l’agriculture domienne. Sans doute fait-elle partie de l’agriculture française, mais elle a des spécificités justifiant des mesures particulières. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture contiendra-t-il un volet spécifique pour l’outre-mer ?
Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre, j’ai été ravie de vous entendre dire que les problèmes de la pêche étaient négligés dans notre pays et que vous alliez vous battre pour que les choses changent. Je vous rappelle cependant le plan « pêche durable et responsable » de votre prédécesseur, M. Barnier, qui avait été doté de 310 millions d’euros sur deux ans, comprenant en particulier une mesure de 230 millions pour moderniser, restructurer et assurer la viabilité économique de la flotte.
Nous manquons de visibilité sur les actions qui ont été menées dans le cadre de ce plan, qui se termine à la fin de l’année. Au-delà des mesures techniques, on a surtout constaté un affaiblissement économique du secteur par la perte de navires, avec le plan de sortie de flotte, la perte de tonnages et la perte de valeur, et l’on ne peut éviter des questionnements sur le désir de conserver l’activité de pêche en France.
Où en sont la consommation des crédits affectés à ce plan et la réalisation des quinze mesures qui avaient été annoncées?
Alors qu’une réunion avait été organisée en urgence le 24 décembre de l’année dernière pour mettre en place les plans de sauvetage et de restructuration, que puis-je dire aux 120 patrons et équipages qui avaient été retenus et qui n’ont toujours pas de réponse ?
Quels sont les moyens alloués aux « contrats bleus », mesure phare du plan, « euro-compatible » ? Pourquoi aucun versement n’a-t-il été effectué à ce jour ?
Plutôt que d’encourager les inscriptions au plan de sortie de flotte, il faudrait consacrer davantage d’argent, notamment, à l’installation des jeunes. Quant aux dispositifs de cessation anticipée d’activité et d’allocation complémentaire de ressources, il semble qu’ils ne soient pas dotés des moyens nécessaires.
Enfin, quels sont les moyens dédiés au renforcement des contrôles contre les importations illégales ?
M. Jean-Marie Morisset. Les associations d’éleveurs s’inquiètent de ce que, dans le cadre de la future loi de modernisation agricole, on envisage de faire du transfert de propriété entre agriculteurs et organisations de producteurs une condition d’agrément de celles-ci par les pouvoirs publics. On risque ainsi de faire purement et simplement disparaître les organisations de producteurs non commerciales que sont les associations d’éleveurs. Celles-ci sont pourtant l’un des modes d’organisation des producteurs reconnus par la loi d’orientation agricole de 2006.
On ne saurait s’appuyer sur un seul modèle de commercialisation. Est-il dans votre intention, monsieur le ministre, de modifier les conditions d’agrément des organisations de producteurs ? Allez-vous continuer à reconnaître les associations d’éleveurs en tant qu’OP non commerciales ?
M. Henri Nayrou. Dans son discours de Poligny, le Président de la République n’a fait qu’évoquer dans son principe un « soutien différencié » en faveur des territoires fragiles, en particulier des zones de montagne. J’aimerais donc avoir des informations concrètes sur trois points.
S’agissant tout d’abord de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), les crédits de la ligne baissent de 60 millions, au motif que la part du cofinancement communautaire passe de 55 à 75 %. Il est regrettable de ne pas saisir cette occasion pour mener une politique plus ambitieuse. Sans doute la majorité des 60 000 contrats PHAE a-t-elle fait l’objet de renouvellement en 2008, mais les fonds qui restent disponibles pour permettre la reconduction des contrats restants – soit un flux moyen de 2 500 contrats par an jusqu’en 2012 – ne permettent pas de proposer ce type d’aide à de nouveaux bénéficiaires. Aujourd’hui, 7 500 contrats PHAE sont menacés de non-reconduction et aucune demande nouvelle ne pourra être prise en compte, ce qui laisse à penser que le Gouvernement renoncerait à défendre le maintien de cette prime dans la PAC de l’après-2013. Une vingtaine de millions d’euros en crédits d’engagement sur cinq ans pourrait régler le problème du renouvellement ; la mobilisation de 5 millions dans ce budget 2010 est donc cruciale.
En ce qui concerne la restauration des terrains de montagne (RTM), il faudrait clarifier les responsabilités entre le ministère de l’agriculture et celui de l’écologie. La convention financière pluriannuelle 2007-2011 conclue entre le ministère de l’agriculture et l’Office national des forêts prévoit que la part d’autofinancement des services RTM passe de 28 % en 2008 à 54 % en 2011, mais une nouvelle dépense obligatoire, liée à la cotisation solidaire au régime de retraite, vient altérer ce financement. Cela équivaudra en 2011 à un prélèvement de 20 % sur les missions à financer. Par ailleurs, nous déplorons que rien n’ait été prévu dans le plan de relance de M. Devedjian pour les travaux RTM.
Enfin, au moment où la suppression de 730 postes est prévue dans votre ministère en 2010, les élus de l’ANEM réitérèrent leur demande que le poste, vacant depuis avril dernier, du « référent montagne » soit enfin pourvu au sein de votre équipe.
M. Yannick Favennec. Le plan de revalorisation des petites retraites agricoles a permis à de nombreux retraités d’atteindre un niveau de revenu plus décent. Néanmoins, les conditions ajoutées par voie réglementaire aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 limitent le champ de la mesure. Je prendrai deux exemples.
Dans le système actuellement en vigueur, les années de « conjoint collaborateur » rachetées sont revalorisées comme années de « conjoint participant aux travaux ». En conséquence, les personnes ayant racheté parfois jusqu’à neuf années n’ont constaté aucune majoration de leur retraite par rapport à celles qui n’en ont pas racheté. Cette situation suscite une légitime incompréhension chez les personnes qui ont fait l’effort de racheter des années de « conjoint collaborateur ».
Quant aux personnes ayant des carrières de chef d’exploitation incomplètes, leurs années de chef d’exploitation sont moins bien revalorisées que celles de conjoint collaborateur.
Pour corriger ces anomalies, ne pourrait-on pas, tout d’abord, aligner le plafond de pension de 750 euros sur celui prévu par la majoration de la réversion, à savoir 800 euros ? Pourrait-on, ensuite, ne pas exclure du bénéfice de la majoration 2009 les personnes retraitées depuis le 1er janvier 2002 qui ne bénéficient pas d’une retraite à taux plein dans les régimes des non-salariés agricoles ? Enfin, serait-il possible de revaloriser au minimum supérieur les années rachetées en qualité de conjoint collaborateur ainsi que les années de chef d’exploitation, sans exiger que ces personnes aient eu ce statut pendant une durée minimum ?
M. Gabriel Biancheri. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous faire directement part de toute la sympathie que vous m’inspirez. Je l’ai évoquée, dimanche dernier, auprès de jeunes agriculteurs qui m’interrogeaient sur vous et qui, à mes yeux, devraient constituer le « fil rouge » de la loi de modernisation agricole. En effet, alors qu’ils sont les acteurs de la sécurité alimentaire de demain, ce sont eux qui connaissent, à l’heure actuelle, la situation la plus difficile dans le monde agricole – je pense notamment à ceux qui ont investi pour se spécialiser afin de répondre aux nouvelles normes qui ne cessent de s’empiler les unes sur les autres. Le secteur de la production animale est plus particulièrement touché parce qu’il concerne des territoires où il est impossible de se reconvertir : j’ai rendu visite récemment à un jeune producteur de lait qui a investi 300 000 euros dans des bâtiments. En cas de cessation d’activité, son investissement sera perdu.
Dans le secteur des phytosanitaires, nous rencontrons des difficultés en raison du caractère franco-français des mesures les concernant. Il serait souhaitable que l’évolution des règles se fasse au plan européen, sous peine de porter préjudice aux producteurs français.
J’ai, par ailleurs, sensibilisé depuis 2002 tous les ministres de l’agriculture au problème sanitaire posé par la sharka, dont il convient d’examiner de nouveau les incidences sur les fruits – vous rencontrerez bientôt les producteurs à ce sujet.
Enfin, MM. Germinal Peiro et Michel Diefenbacher ont évoqué les problèmes rencontrés par la production tabacole, qui est condamnée si nous ne lui trouvons pas de nouveaux débouchés. C’est la raison pour laquelle il conviendra un jour de réexaminer sans tabou la production du tabac OGM à des fins médicales, pour une utilisation dans des produits de substitution – hémoglobine ou collagène, notamment.
M. Jean-Yves Cousin. Ma question rejoint celle de M. Jean-Pierre Decool relative à l’application de la taxe carbone sur les biocarburants : ne pensez-vous pas que la pédagogie d’attaque en ce domaine doive viser à dissuader l’achat d’énergie fossile ?
M. Marc Francina. Ma question concerne les pêcheurs professionnels en eau douce du lac Léman, dossier récurrent de votre ministère. Je rappellerai que les poissons de l’espèce omble chevalier ont été contaminés aux PCB il y a deux ans. Or, si la pêche avait été interdite du côté français, elle ne l’avait pas été du côté suisse, les poissons, chacun le sait, respectant les frontières ! Les pêcheurs du Lac Léman et ceux du lac du Bourget demandent à passer du statut de pêcheurs agricoles à celui de pêcheurs professionnels : où en est leur dossier, monsieur le ministre ?
M. Jean Proriol. Monsieur le ministre, tous, nous saluons votre courage.
La question de l’installation des jeunes agriculteurs met en cause le renouvellement des générations. Or leur état d’esprit actuel, ainsi que celui des porteurs de projets, est d’attendre que les choses se passent. Quelles propositions pouvez-vous leur faire pour les décider à franchir le pas de l’installation ?
Je sais que vous avez récemment modifié les procédures du dispositif d’accompagnement des porteurs de projets avec le plan de professionnalisation personnalisé. Toutefois, un blocage d’ordre moral persiste. Quels arguments faire valoir pour les convaincre de s’installer, d’autant que la moitié à peine des 15 000 installations françaises serait aidée ?
M. Jean Gaubert. Ma question, qui concerne la pêche côtière et agite les pêcheurs dans ma région, porte sur la difficulté qu’il y a à concilier la pêche à la coquille Saint-Jacques et l’installation de parcs éoliens maritimes. Il convient de rappeler que la coquille Saint-Jacques est un produit fragile qui fuit les zones d’excavations. Or il sera nécessaire d’en réaliser à la fois pour planter les éoliennes et pour conduire l’électricité à terre. C’est la raison pour laquelle les pêcheurs se sont également opposés à l’exploitation du banc de maërl dans la baie de Saint-Brieuc.
À ce premier problème s’en ajoute un second, lié à la sécurité : les fonds marins bougent beaucoup, surtout dans cette baie. Or la coquille Saint-Jacques est pêchée avec des engins traînants, des dragues, que les pêcheurs remontent sur les côtés du bateau. En cas de croche, le renversement de celui-ci est inévitable. Vos services ont été alertés et, même si un autre ministère évoque un faux argument, il convient de prendre ce problème au sérieux.
Alors que la pêche, notamment la pêche côtière, connaît déjà de graves difficultés, il ne faudrait pas que l’installation en mer, par ceux qui n’en veulent pas chez eux, de parcs éoliens entraîne la disparition d’un produit dont chacun connaît la qualité et qui a fait, grâce au conseil général des Côtes-d’Armor, depuis vingt ans l’objet d’efforts constants de la part des pêcheurs en termes d’organisation et de réglementation – une réglementation qu’ils respectent, ce qui est un exploit dans ce domaine.
M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je souhaite présenter deux amendements, très raisonnables, que je déposerai en Commission des finances et qui visent à opérer à l’intérieur du budget de l’agriculture deux transferts de crédits à hauteur de 700 000 euros chacun.
Le premier vise à maintenir l’effort budgétaire consacré au soutien aux coopératives d’utilisation de matériel agricole – CUMA –, lesquelles jouent un rôle positif qui n’est pas toujours estimé à sa juste valeur à l’intérieur de la grande famille agricole. Je rappelle que cet important effort budgétaire en faveur d’un investissement raisonné dans le matériel agricole repose sur le partage des moyens et, de ce fait, bénéficie aux petites et moyennes exploitations.
À la suite d’un amendement que j’avais déposé l’an dernier, l’effort avait été porté à 3,7 millions d’euros. Cette année, 3 millions d’euros seulement sont inscrits dans le projet de loi de finances. Je vous propose de revenir au montant de 2009 en prélevant 700 000 euros sur la dotation de l’action n° 3 relative à l’amélioration de la gestion des forêts, qui ne consommera pas l’intégralité des crédits qui lui sont affectés.
Le second amendement concerne le soutien à l’installation des jeunes agriculteurs. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit d’allouer aux associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles – ADASEA – 14 millions d’euros pour leur fonctionnement et leurs moyens d’intervention. Or il convient de rappeler que des efforts très importants ont déjà été demandés à ces associations ces dernières années, alors qu’elles jouent un rôle important dans l’accompagnement de la politique d’installation, qui est une priorité. Chacun sait également qu’on a demandé aux ADASEA d’assurer une meilleure coordination avec les chambres et que, de plus, un travail de simplification du paysage administratif professionnel est en cours, notamment dans les départements. Il convient toutefois de respecter les étapes : des crédits à hauteur de 14 millions d’euros ne permettraient pas aux ADASEA d’être efficaces en termes d’accompagnement de la politique d’installation. C’est pourquoi je vous propose de transférer sur cette action 700 000 euros en provenance de l’action 1 « Moyens de l’administration centrale ».
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Je suis favorable aux investissements en commun, notamment dans le cadre des CUMA, parce que le surinvestissement autonome dans le matériel agricole explique souvent les difficultés rencontrées par des exploitations qui auraient dû prévoir de partager leur matériel avec leurs voisins. C’est pourquoi, dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je vous proposerai de modifier la dotation pour investissements afin d’éviter le surinvestissement dans le matériel agricole. S’il est bien d’investir dans les coopératives et les stocks de non-renouvelables – sujet important notamment pour la viticulture où il faudrait peut-être augmenter les possibilités en la matière –, il convient en revanche d’éviter le surinvestissement dans les matériels agricoles. Je préférerais toutefois que ce transfert se fasse en gestion, car le fait de retirer des crédits à la forêt risquerait d’être mal interprété.
Il en est de même pour les ADASEA : je ne suis pas opposé sur le fond à votre proposition, mais il convient de régler la question du financement sans donner l’impression à l’administration du ministère de l’agriculture qu’on va la dépouiller de 700 000 euros.
M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Vous êtes évidemment libre, monsieur le ministre, de déterminer les modalités de financement de ces deux mesures. Je retiens toutefois de vos propos que vous ne formulez à l’encontre de celles-ci aucune objection de principe.
Je tiens du reste à saluer les efforts considérables, voire exemplaires, qui ont été réalisés en termes de réorganisation par l’administration du ministère de l’agriculture dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Ces efforts ne sont pas suffisamment connus de la représentation nationale.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Je le répète : je suis d’accord sur le fond avec les mesures que vous préconisez. Il convient toutefois d’en fixer les modalités de financement, soit en gestion, soit par des transferts à l’intérieur du budget pour 2010, mais en en prévoyant d’autres que ceux que vous avez proposés.
Je rappelle que le ministère de l’agriculture et de la pêche a vu la suppression de 730 postes en 2010.
En ce qui concerne la nécessité de disposer désormais, dans le domaine de la sécurité alimentaire, d’une vision planétaire, je suis évidemment d’accord. Il faut répondre au défi alimentaire non seulement au plan européen mais également au plan mondial.
Je me permets simplement de rappeler que la question de la recherche en biotechnologie ne doit pas être écartée du débat sur l’avenir de l’agriculture française et européenne.
Je vous annonce du reste que j’ai décidé de mettre en place un groupe de réflexion à haut niveau sur l’avenir de la politique agricole commune. Si nous voulons obtenir gain de cause dans cet enjeu stratégique majeur, il convient de porter le débat au niveau de la société française en demandant notamment à des responsables scientifiques et politiques ainsi qu’à des philosophes d’y participer. Rien ne serait plus préjudiciable au débat sur la PAC que de rester enfermé dans le milieu technique agricole : une telle démarche signerait notre perte.
Monsieur Gaubert, en ce qui concerne la crise laitière, la baisse des aides aux exportations, annoncée par Mme Fischer Boel, Commissaire chargée de l’agriculture, lors du dernier comité de gestion, repose sur l’augmentation de 15 % du cours des produits dérivés du lait – beurre et poudre – sur le marché mondial.
La société Entremont, quant à elle, qui emploie plus de 4 000 salariés, est une entreprise majeure de transformation du lait, qui doit être rachetée par Sodiaal, une organisation coopérative. Un accord d’exclusivité a été signé il y a quelques semaines, mais il faut maintenant que les discussions aboutissent et que le projet soit définitivement conclu afin que, le plus rapidement possible, des garanties puissent être données aux producteurs. Toutefois, je ne peux pas vous assurer que les discussions iront à leur terme. Si Entremont-Sodiaal finit par former un ensemble coopératif important qui s’ajoute à d’autres entreprises industrielles privées très performantes, comme Lactalis, nous renforcerons de manière équilibrée le paysage de l’industrie laitière en France.
La crise porcine est une des crises agricoles les plus graves, à l’heure où le prix du kilo de porc tourne autour de 1 euro et risque de passer sous cette barre. Cette filière connaît de plus des difficultés considérables d’ordre environnemental, avec la question des nitrates en Bretagne et le débat, par ailleurs légitime, sur les algues vertes. Je tiens toutefois à rappeler que les agriculteurs bretons ont fait en la matière depuis des années des efforts considérables et que les taux de nitrates dans l’eau sont désormais largement inférieurs aux normes européennes. Si l’on juge, pour des raisons politiques, que ce n’est pas suffisant et qu’il convient d’aller encore plus loin, il ne faut pas accuser les agriculteurs, à qui on ne saurait demander tout et son contraire. Il faudrait, dans ce cas, les aider de manière significative.
La filière se heurte également en France à un coût d’abattage si élevé qu’il peut être financièrement plus intéressant pour les producteurs de faire abattre les porcs dans le nord de l’Allemagne qu’à côté de chez eux, ce qui est préjudiciable en termes de développement durable, notamment d’émission de CO2, et pose la question de la compétitivité de nos abattoirs par rapport à nos partenaires européens, notamment nos voisins Allemands.
Il convient par ailleurs de noter la volonté de certains de nos partenaires hors Union européenne de devenir autonomes sur le plan alimentaire. Il est dès lors paradoxal que, dans le même temps, l’Europe s’interroge sur le sujet ! C’est ainsi que la Russie construit actuellement, avec l’aide des Allemands, à l’ouest de Moscou, un des plus gigantesques centres de production de porcs afin de ne plus avoir à importer de porcs français.
Dernier problème pour ce secteur à forte exportation : la parité euro-dollar. La revalorisation, depuis plusieurs mois, de l’euro par rapport au dollar est préjudiciable à tous les secteurs à l’exportation particulièrement sensibles à la parité monétaire : il s’agit des secteurs à faible valeur ajoutée, dont fait précisément partie la filière porcine.
Cette filière a donc besoin d’un plan d’accompagnement important et nous veillerons à ce que lui soit accordé un volet spécifique dans le cadre des mesures relatives à l’agriculture que le Président de la République annoncera.
En ce qui concerne la dotation pour aléas, je souhaite, pour la forme, son introduction dans la loi de modernisation de l’agriculture, mais le plafond de 150 000 euros devra faire l’objet d’une discussion.
Le déplafonnement est à mes yeux nécessaire, pour la filière céréales comme pour d’autres secteurs qui souffrent de la modicité de ce plafond. Le débat sur le montant du déplafonnement devra toutefois prendre en considération l’équilibre entre le déplafonnement global et le plafonnement annuel. Quoi qu’il en soit, il faudra bouger les curseurs si l’on veut vraiment que l’extension de la DPA aux aléas économiques soit efficace.
Monsieur Bouchet, les exonérations pour l’emploi de travailleurs saisonniers, qui représentent 170 millions d’euros à la charge du budget de l’État, sont liées au statut agricole, ce qui nous permet de rester dans les clous européens. En effet, comme l’actuel dispositif TO-DE – travailleurs occasionnels-demandeurs d’emplois – respecte avec peine le cadre des règles européennes, j’ai pour souci de l’y faire entrer complètement.
J’ai proposé à cette fin au Président de la République et au Premier ministre de faire porter l’exonération non plus sur les seuls travailleurs saisonniers du secteur des fruits et légumes mais aussi sur ceux de l’ensemble du secteur agricole afin de rendre le dispositif compatible avec les règles communautaires.
Je sais que cette mesure paraît insuffisante aux producteurs de fruits et légumes, qui souhaitent l’ouverture d’une réflexion sur la question de l’allégement du coût du travail pour les emplois durables. Je suis prêt à engager une telle réflexion, qui devra partir d’une comparaison avec ce qui se fait en la matière chez nos partenaires européens. Les délais sont évidemment trop courts pour introduire cette réflexion dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture car toute évolution sur le coût du travail pour les emplois non saisonniers dans le secteur des fruits et légumes ou plus généralement dans le secteur agricole exigera plusieurs mois d’études pour que l’on trouve les solutions adéquates et, éventuellement, pour les expérimenter avant de les mettre définitivement en application.
En Allemagne, je tiens à le noter, dans les filières concernées le salaire minimum n’existe pas, la durée du travail est de quarante-cinq heures par semaine et la forte main-d’œuvre européenne importée, notamment de Pologne, n’est pas assujettie au droit social allemand. Les écarts de compétitivité sont dès lors très importants. Il s’agit donc de sujets sensibles qui ne pourront pas être résolus en quelques semaines. Je suis néanmoins prêt à étudier toutes les solutions qu’on me proposera, y compris celle que vous avez mentionnée.
Si forte que soit l’attente, il ne faut pas se précipiter ! Attendons au contraire de disposer de tous les éléments d’analyse nécessaires afin de ne pas nous tromper dans les choix que nous ferons sur ce sujet qui est, je le répète, très sensible.
Madame Massat, les crédits des associations foncières pastorales en zone de montagne seront maintenus par redéploiement. Si ces sommes ne sont pas très importantes – de l’ordre de 200 000 euros par an –, elles remplissent toutefois leur rôle.
La subvention de l’Office national des forêts sera, quant à elle, maintenue à hauteur de 172,3 millions d’euros. Nous avons demandé à l’ONF un effort en matière de restructuration : il se poursuit dans de bonnes conditions. S’agissant des versements non effectués pour la fièvre catarrhale ovine à hauteur de 30 millions d’euros, j’ai saisi FranceAgriMer ainsi que ses directions départementales. Les sommes en attente seront versées avant la fin du mois de novembre.
Monsieur Lecou, les problèmes de la viticulture dans le Languedoc-Roussillon dépasse cette seule région, où je souhaite d’ailleurs effectuer bientôt un déplacement en vue d’examiner les solutions structurelles à apporter à cette filière, pour laquelle l’arrachage massif des vignes et leur remplacement par des panneaux solaires ne représentent pas l’option la plus réjouissante. Les solutions passent notamment par le développement des vins de cépages et des vins de marques. Je n’ignore pas les controverses sur le sujet, c’est la raison pour laquelle je souhaite les aborder avec les exploitants eux-mêmes. Toutefois, si la simple valorisation des appellations très locales avait été la solution, la filière ne connaîtrait pas les difficultés qui sont les siennes aujourd’hui.
Il convient également d’améliorer les aides et le marketing à l’exportation.
Le regroupement institutionnel – j’aborde tous les sujets délicats – me paraît, lui aussi, essentiel. Il se heurte à une forte résistance locale – je ne l’ignore pas –, mais il faut bien procéder aux aménagements nécessaires pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux.
En ce qui concerne les produits phytosanitaires, je souhaite que nous nous engagions le plus rapidement possible vers une harmonisation européenne par le haut. S’il est très bien, en effet, que la France donne l’exemple en la matière et que l’Europe le reconnaisse, il serait encore mieux que nos grands voisins acceptent d’être soumis à la même liste des produits phytosanitaires autorisés et interdits que nous.
Michel Barnier a fait un travail remarquable pour engager la France dans un plan phytosanitaire qui la met à la pointe des États qui refusent toute dégradation des sols et évitent tout risque sanitaire par l’interdiction d’un nombre très important de produits. Nous devons désormais faire porter notre effort sur l’harmonisation européenne, faute de quoi nous connaîtrons bientôt de graves difficultés en termes de compétitivité par rapport à nos voisins européens.
Le bassin de Thau fait évidemment partie des soucis que nous procure la filière conchylicole. Je suis cette question de près.
En ce qui concerne les abattoirs, nous devons veiller à ne pas sortir du cadre des règles européennes. Toute aide directe d’État en direction des abattoirs est impossible. La question de l’étiquetage, de l’origine et de la relocalisation, notamment des produits bovins, peut concourir à améliorer la situation de la filière de la viande et aider à la revalorisation et au maintien des abattoirs. J’ai évoqué cette question hier avec le président du groupe Charal, M. Bigard.
En ce qui concerne les assurances récoltes, je tiens à vous rassurer : il n’y a aucun désengagement de l’État en la matière. Ce dernier a au contraire la volonté de les développer, au plan national comme au plan européen, puisqu’il a obtenu de l’Europe 100 millions d’euros de crédits qui nous permettront de réduire le taux de participation des agriculteurs et d’augmenter le taux de subvention.
Alors que 3,3 millions d'euros étaient programmés en 2008 au profit des CUMA, c’est 4 millions d'euros que nous avons finalement inscrits. À la suite d’un amendement adopté à l’initiative de votre rapporteur spécial, Nicolas Forissier, ce montant a été renouvelé en 2009 par la loi de finances initiale. La prévision des besoins pour 2010 est, il est vrai, plus faible. L’amendement que le rapporteur spécial vient de proposer répond à votre préoccupation.
Monsieur Decool, j’ai défendu l’idée qu’une fiscalité écologique sur les carburants verts n’était pas très logique. Je n’ai pas été entendu au niveau interministériel. L’absence de fiscalité écologique sur les carburants verts répondrait en effet à une logique politique.
Madame Pinel, une évolution de la fiscalité et l’allégement des charges qui pèsent sur le secteur saisonnier constituent la meilleure solution pour soutenir le secteur arboricole.
La création d’un système d’assurance récolte obligatoire nécessite la mise sur pied d’un dispositif de réassurance par l’État ; celui-ci y est aujourd’hui assez peu enclin. De plus, nombre d’exploitants agricoles y sont extrêmement réticents.
Sans fermer la voie à sa mise en place, le plus sage me paraît être d’augmenter les possibilités d’accès à l’assurance récolte – grâce à la meilleure prise en charge que nous avons instituée, notamment pour les jeunes agriculteurs – et d’étendre la dotation pour aléas aux aléas économiques.
Monsieur Diefenbacher, je ne suis pas favorable à la renationalisation de la politique agricole commune. Renationaliser le premier budget communautaire serait revenir en arrière.
La manipulation est un peu commode. Aux yeux de certains États membres, n’étant pas un secteur stratégique, l’agriculture doit moins peser sur le budget communautaire, et son soutien éventuel relever des États. C’est pour moi, je le répète, le degré zéro de la réflexion politique. C’est l’acceptation du recul de l’Europe et des budgets communautaires.
La mise en œuvre d’une telle démarche s’accompagnerait par ailleurs de difficultés budgétaires massives.
En 2012 et 2013, la question de la réduction de la dette et des déficits publics sera posée. Comment l’État français accepterait-il alors une nouvelle charge financière qui se chiffrerait en milliards d’euros ?
Il est de plus totalement illogique de la part de l’Union européenne de nous demander de prendre en charge une considérable dépense d’aides agricoles supplémentaires tout en acceptant que les critères de convergence, de dette et de déficit publics restent inchangés.
Le raisonnement est, en termes structurels, le même que celui, conjoncturel, que tenait l’Union lorsqu’elle rappelait les États à l’ordre en raison de leurs déficits budgétaires, tout en les incitant à accroître leur effort public en faveur de la relance économique. Tout raisonnement politique doit conserver un minimum de cohérence. D’autres solutions doivent être recherchées.
Madame Girardin, les questions que vous avez posées sur Saint-Pierre-et-Miquelon méritent en effet un débat. Je vous propose que nous y consacrions un peu de temps ensemble.
Plusieurs d’entre vous, notamment M. Reitzer, m’ont fait part des difficultés qui touchent les pensions de réversion. Une partie de leur augmentation a en effet pour conséquence l’accroissement de la charge d’impôt sur le revenu des personnes qui les touchent.
Je vous propose comme solution que chaque contribuable puisse bénéficier du système du quotient prévu par le code général des impôts. Il permet d’atténuer les effets de la progressivité de l’impôt. En pratique, l’impôt correspondant au revenu exceptionnel ou différé qui résulte de ces pensions de réversion sera calculé en ajoutant le quart de ce revenu au revenu net global courant de l’année, et en multipliant ensuite la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. Ce dispositif, dont je vous communiquerai les éléments techniques, permet d’atténuer les effets négatifs de la mesure d’augmentation des pensions de réversion.
Monsieur Manscour, dans toutes mes décisions en matière de sécurité sanitaire, c’est d’abord l’impératif de sécurité sanitaire total qui s’impose. Sur ce principe, aucune marge de manœuvre n’est envisageable, je l’ai expliqué aux habitants de la Martinique comme aux ostréiculteurs du bassin d’Arcachon. Je ne ferai courir aucun risque de sécurité alimentaire aux consommateurs français. La France, je le rappelle, est le pays au monde où la sécurité alimentaire est la meilleure, où le nombre d’intoxications ou de pathologies liées à l’ingestion d’aliments est le plus faible. Ce résultat très positif mérite d’être défendu. Il oblige le ministre de l’alimentation à prendre parfois des décisions un peu difficiles.
S’agissant du chlordécone, nous veillons à la fois à garantir la sécurité sanitaire totale, bien sûr, mais aussi à limiter autant que possible l’impact économique des décisions ; nous avons volontairement pris des mesures restreintes et non d’interdiction totale.
J’attends aussi l’avis définitif de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; il doit être rendu d’ici à la fin de l’année.
Enfin, le Président de la République a accepté ma proposition de faire de l’agriculture ultramarine l’un des points forts de l’ordre du jour des états généraux de l’outre-mer.
Madame Le Loch, le plan français de sauvetage et de restructuration de la pêche a été approuvé par la Commission européenne en octobre. En accord avec les règlements de l’Union européenne, il sera complété par la mise en œuvre de programmes d’adaptation de la flotte ; 20,5 millions d'euros y seront consacrés, répartis entre 18 millions d'euros d’aide à la sortie de flotte et 2,5 millions d'euros pour des audits techniques.
J’ai décidé de continuer à mettre en œuvre en 2010 les « contrats bleus », dus à une excellente initiative de mon prédécesseur. Les reports de crédits dont nous disposons permettent de les prolonger. Sept millions d'euros y seront consacrés. Il serait utile que les collectivités territoriales qui le souhaitent puissent participer au cofinancement de ces très efficaces instruments de soutien de la pêche.
Les importations illégales sont un sujet de préoccupation majeur. J’ai demandé à la Commission européenne de veiller avec vigilance au strict respect des règles sanitaires d’importation et de contrôle au passage des frontières nationales. Cela vaut non seulement pour la pêche, mais aussi pour les coquillages. Cet été, des huîtres soumises au « test de la souris » ont été interdites à la consommation pendant que des coquillages importés d’Europe du Nord soumis, eux, au « test du rat » continuaient d’être importés. Or, la résistance du rat à certaines toxines est supérieure à celle de la souris. Nous avons donc imposé, pour tous les coquillages, une pratique unifiée des tests.
Lors du dernier Conseil des ministres de l’agriculture et de la pêche, à Luxembourg, j’ai attiré l’attention de la Commission sur les quotas de pêche. L’application, à partir du 1er janvier 2010, du nouveau règlement n’est concevable qu’à la condition qu’ils soient respectés par tous les États membres et pour toutes les espèces. Nous mettrons en place les dispositifs nécessaires à cette fin.
Monsieur Morisset, le dossier des association d’éleveurs et des organisations de producteurs est hautement sensible.
Je n’ai pas l’intention d’imposer des mesures qui susciteraient dans la profession des réactions extrêmement négatives. Lorsque, dans une filière, la création d’une organisation de producteurs non commerciale doit être vécue comme une difficulté majeure, je n’en imposerai pas.
En revanche, j’ai du mal à comprendre que la filière de l’élevage puisse se plaindre d’un rapport de force défavorable aux producteurs et favorable aux industriels – les prix de vente peuvent être à perte – , et en même temps réclamer que chaque éleveur garde le droit d’aller défendre seul le prix de ses carcasses en tête-à-tête avec un industriel commercialisant la moitié de la production bovine française. Pour moi, ce n’est pas la meilleure méthode pour défendre les intérêts de producteurs. J’aimerais en parler de nouveau avec la Fédération nationale bovine. Cependant, chacun doit prendre ses responsabilités. Je prendrai les miennes en respectant la position des éleveurs ; je n’imposerai pas d’organisation. Mais qu’ils cessent alors de se plaindre ! D’autres filières, quant à elles, souhaitent mieux s’organiser, regrouper les producteurs, élaborer des contrats. Pour moi, elles réussiront mieux à faire face.
Monsieur Nayrou, je pense vous avoir répondu sur la prime herbagère agro-environnementale et la reconduction des contrats jusqu’à la fin 2010. Une réponse concrète sera apportée aux interrogations des exploitants.
Les travaux nécessaires à la restauration de terres de montagne doivent être engagés. Le budget qui y est consacré passe de 3,9 millions d'euros en 2009 à 3,3 millions d'euros en 2010. Il diminue donc de 600 000 euros. Cette diminution est cependant compensée par des crédits attribués à l’ONF.
Le poste de référent montagne, actuellement vacant, sera pourvu dans les prochains jours. C’est un interlocuteur très important et utile.
Monsieur Favennec, des réponses très concrètes ont été apportées à vos préoccupations à propos des retraites les plus modestes.
À la suite d’un arbitrage – qui n’a pas été forcément facile à obtenir –, le plafond de revenus pour l’application des mesures de revalorisation sera relevé de 750 à 800 euros. Cette décision bénéficiera dès 2010 à 60 000 retraités agricoles supplémentaires, pour un coût de 17 millions d'euros.
Une deuxième mesure favorable concerne les conjoints qui ont opté pour le statut de collaborateur dans les délais impartis lors de la création du statut et qui auront procédé au rachat avant le 1er janvier 2009 de périodes de conjoint participant aux travaux antérieures au 1er janvier 1999 au titre de la retraite proportionnelle.
Enfin, la troisième mesure positive permettra de reverser aux personnes veuves 54 % des points de retraite complémentaire obligatoire attribués à titre gratuit au conjoint décédé. Actuellement, la réversion n’est attribuée que sur les points obtenus par cotisation, à la condition que le chef d’exploitation soit devenu retraité avant le 1er janvier 2003.
Monsieur Biancheri, nous soutenons bien sûr l’installation des jeunes agriculteurs. Nous utilisons des instruments diversifiés, tels que les prêts à taux bonifié ou la dotation aux jeunes agriculteurs. Des dispositions spécifiques sont aussi prévues en leur faveur au sein du plan d’urgence annoncé par le Président de la République.
J’ai répondu, je crois, sur les produits phytosanitaires. Dans notre volonté d’être en pointe en matière environnementale, nous devons être très attentifs à conserver un certain équilibre et à rester en harmonie avec nos partenaires européens. La fragilisation de nos filières ne doit pas être le prix de l’exemplarité.
Un plan national de lutte contre la sharka est en cours d’élaboration. Je vous tiendrai informé dès qu’il sera disponible.
Monsieur Cousin, je crois avoir déjà donné ma position à l’égard de la taxe carbone sur les biocarburants.
Monsieur Francina, je ne suis pas un spécialiste de la pêche professionnelle en eau douce. Des pêcheurs professionnels travaillent déjà, je crois, sur le lac Léman. Je vous répondrai après une étude plus approfondie.
Monsieur Proriol, le Gouvernement est très attentif à la situation des jeunes agriculteurs. Toutes les mesures du plan d’urgence ont été calibrées pour répondre à leurs attentes ; je les ai consultés attentivement au préalable. Nous avons fait en sorte qu’ils soient correctement traités.
Monsieur Gaubert, j’examinerai les modalités de conciliation de l’implantation de parcs éoliens en pleine mer et de la pêche à la coquille Saint-Jacques ; celle-ci, je le sais, est un élément clé de la vitalité économique des ports du nord de la France.
M. Gabriel Biancheri. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question sur le tabac OGM.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. J’organise mercredi prochain une réunion sur cette question très difficile. Je vous y invite. Les producteurs de tabac sont peu nombreux en Europe. Nous sommes isolés et ne pouvons réunir que peu de soutiens. Toutes les options peuvent être étudiées, y compris celle que vous proposez.
M. le président Didier Migaud. Au nom de tous nos collègues, je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette discussion approfondie, franche, précise et directe.
La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures vingt-cinq.
Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret