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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 11 juillet 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1. Travail, emploi et pouvoir d'achat. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 4, 62)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Brard, le président, Jean-Louis Idiart.

Reprise de la discussion

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

motion de renvoi en commission

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jérôme Cahuzac, Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme ; Jacques Domergue, Charles de Courson, Jean-Claude Sandrier, Gaëtan Gorce. – Rejet.

Rappels au règlement

MM. Jean-Louis Idiart, Jean-Pierre Brard, le président.

Suspension et reprise de la séance

M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

discussion des articles

Article 1er

Mme Martine Billard, MM. Henri Nayrou, Michel Liebgott, Pierre-Alain Muet, Paul Giacobbi, Gaëtan Gorce, Mme Annick Girardin.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances


PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Travail, emploi et pouvoir d’achat

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (nos 4, 62).

La parole est à Madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai, comme vous, écouté hier avec beaucoup d’attention toutes les questions et, avant d’y répondre, je voudrais saluer le formidable travail des rapporteurs, en particulier celui de M. Gilles Carrez, rapporteur général, dont le brillant exposé m’aurait – si je ne l’avais déjà été – entièrement convaincue de l’utilité et de l’opportunité du projet de loi qui vous est soumis.

Surnommé ici ou là « paquet fiscal », il n’est, vous l'aurez compris, ni un paquet cadeau pour les riches, ni un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences. Il s’agit bien plutôt d’une boîte à outils dans laquelle ceux qui travaillent pourront trouver ce qu'ils cherchent. Je suis heureuse que M. Binetruy y ait déjà pioché des outils adaptés à sa circonscription. C'est à travers de telles applications concrètes, et non avec de simples théories générales, que l'on peut juger une loi.

Comme je vous l'ai annoncé hier, je répondrai à l’ensemble des questions qui ont été posées en une seule fois, dans un souci d'efficacité.

S’agissant d’abord de l’important sujet de la constitutionnalité du texte, je vous propose de la considérer article par article, lorsque cela s'avérera nécessaire. Je rappelle au passage que, jusqu’à preuve du contraire, le seul juge de la constitutionnalité est à ce jour le Conseil constitutionnel, mais je comprends que la constitutionnalité, ou l’inconstitutionnalité du texte soient invoquées pour meubler les débats ultérieurs. Je souligne en outre que le Conseil d'État a validé notre projet de loi dans toutes ses dispositions.

Je répondrai d’ores et déjà sur deux points particuliers.

Premièrement, le financement de la protection sociale. Le Gouvernement a annoncé clairement qu'il y aurait compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, conformément à la loi Veil de 1994. Les modalités devront en être fixées soit dans le projet de loi de finances, soit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. De ce fait, les salariés continueront à voir leurs droits sociaux ouverts, en particulier pour tout ce qui concerne le régime des retraites. La déduction des cotisations de sécurité sociale, j’insiste sur ce point, ne fera pas perdre des droits à la retraite aux salariés, qu’ils continueront à acquérir au fur et à mesure du temps travaillé. Le rapport de Gilles Carrez le souligne excellemment.

Deuxièmement, notre texte, que le Conseil d’État a validé, je le répète, respecte les principes d'égalité et de progressivité de l’impôt, de même que son caractère non confiscatoire – notion qui a été élaborée par le Conseil constitutionnel lui-même.

Venons-en maintenant aux arguments techniques avancés dans l’exception d’irrecevabilité et la question préalable.

M. Diefenbacher a déjà tout dit – et très bien – sur l'opportunité de ces deux motions de procédure : si l'on ne parlait pas du travail, sujet essentiel s'il en est à l'identité et à la force d'un pays, alors de quoi pourrait-on bien parler à l'Assemblée nationale ? On ne peut pas éternellement se contenter d'arguties idéologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Louis Idiart. Vous en savez quelque chose !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Encore une fois, notre projet est un projet concret, pragmatique, et c'est pour cela qu'il intéresse vivement les Français.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est bien vrai !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Sa légitimité, notre projet la puise dans l’engagement du Président de la République et de l'ensemble de la majorité.

Notre projet de loi s'inscrit dans la droite ligne des engagements pris devant les Français par le candidat à la Présidence de la République, souscrits à nouveau quand il a été élu, puis repris par le Premier ministre dans son discours de politique générale devant votre assemblée et devant le Sénat. Ce texte constitue, je l’ai dit, le premier wagon du train de la réforme. D’autres wagons viendront s’y accrocher, dans l’intention de moderniser notre pays, comme l’a si bien rappelé M. Chartier.

Parmi ces mesures, figurera, je le dis pour rassurer certains d’entre vous, la sécurisation des parcours professionnels : sur ce sujet, les négociations entre les partenaires sociaux – puisque c’est là que le débat doit ne nouer – sont en cours et elles se dérouleront jusqu’à la fin de l'année, date à laquelle nous espérons des propositions de leur part.

Je suis assurée, et je vous remercie car c'est pour moi un réel réconfort, de pouvoir compter sur le soutien sans faille de tous les parlementaires de la majorité,...

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas si sûr !

M. Jean-Louis Idiart. Pour le premier texte de la législature, c’est plutôt banal !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...qui auront à cœur de mettre en œuvre le programme présidentiel sur lequel ils ont, eux aussi, été élus.

En m’en tenant à l’analyse économique, je ferai avec humilité quelques observations sur les dispositions fiscales du texte.

D’aucuns ont préconisé des mesures ciblées sur l’offre, d’autres sur la demande. Notre texte prévoit en réalité une politique économique équilibrée, pragmatique, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – et non pas dogmatique ou idéologique, qui serait exclusivement keynésienne ou friedmanienne. La politique doit reposer sur les deux piliers de l'offre et de la demande.

M. Patrick Lemasle. Cela consiste-t-il à alléger l’ISF ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Ne considérer que l’une au détriment de l'autre me semble relever d'un dogmatisme dangereux.

Dans le même esprit, nous avons proposé tout un train de réformes tout en nous en tenant à la consolidation budgétaire, comme nous l’avons indiqué à Bruxelles à nos partenaires européens,...

M. Jean-Louis Idiart. Peut-on savoir ce qu’ils vous ont dit ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...dans le respect des rendez-vous pris.

En faveur de l’offre, la première mesure consiste à permettre aux contribuables redevables de l’ISF d’investir dans les PME, dans le but de faciliter leur financement, leur accès à la trésorerie et la consolidation de leur fonds de roulement, ce dont ces entreprises ont tant besoin.

La deuxième mesure vise, afin d’améliorer l’offre française, à alléger...

M. Patrick Lemasle. L’ISF !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...le coût du travail. N’est-ce pas précisément le but de la déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires : tout simplement faire en sorte que le travail soit plus compétitif ?

La troisième mesure tend à mettre l’accent sur la recherche et l'innovation, en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises et, au-delà, « l’offre France ». Les contribuables redevables de l’ISF pourront ainsi verser leur contribution – dans la limite de 50 000 euros – à des organismes de recherche d’utilité publique et à des organismes d’enseignement supérieur.

M. Jean-Pierre Door. Très bonne mesure !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Tant il est vrai, comme l'a rappelé M. Myard, « le travail appelle le travail ».

L’action sur la demande se traduit d’abord par le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt : c'est une mesure de pouvoir d'achat, qui allège la dette de ceux qui, par le biais d’un emprunt, ont, au cours des cinq dernières années, accédé ou vont accéder à la propriété.

Une précision sur la portée de la loi. J’ai beaucoup entendu dire hier qu’il s’agissait d’un « paquet cadeau fiscal ».

M. Alain Cacheux. C’est la vérité !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je voudrais vous démontrer par une analyse comptable du texte, que nos mesurent s’adressent à tous les Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),...

M. Claude Gatignol. C’est exact !

M. Patrick Lemasle. Tous les Français ne paient pas l’ISF !

M. Roland Muzeau. La presse de ce matin ne s’y est pas trompée !

M. le président. Écoutez Mme la ministre ! Chacun pourra s’exprimer au cours du débat.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...et non pas à une petite minorité, celle des grosses fortunes ou des grandes familles.

Le premier poste, en termes d’impact budgétaire, correspond à celui des heures supplémentaires : 49 % du coût du projet. Or cette mesure s'adresse à tous les salariés. Pratiquement, c’est donc la moitié du coût du projet de loi qui concerne 15 millions de salariés du secteur privé et, si l’on inclut ceux du secteur public, cela fait 22 millions de salariés au total !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’y croyez pas vous-même !

Mme Martine Billard. Refaites vos calculs !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Certains d’entre vous ont indiqué qu’un tiers des salariés seulement faisaient aujourd’hui des heures supplémentaires. Cela ne m’a pas échappé. L’objet de cette loi consiste précisément à encourager le travail, à inciter ceux qui le souhaitent à faire des heures supplémentaires...

M. Roland Muzeau. Relisez le code du travail : c’est l’employeur qui décide ! Que faites-vous du lien de subordination ?

Mme Martine Billard. Ce ne sont pas les salariés qui choisissent !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...dans la mesure, en effet, où les heures supplémentaires sont nécessaires et où l’employeur les requiert.

Merci, monsieur Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, d'avoir rappelé toute l'utilité économique et sociale des heures supplémentaires !

J'en profite aussi pour rassurer M. de Courson : le Gouvernement n'a pas oublié les salariés qui ne sont pas soumis aux règles de droit commun en matière de durée du travail, notamment les journalistes et autres professions particulières. Tel est l'objet du point 6 du I de l'article 1er. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de la discussion des articles.

Par ailleurs, le Gouvernement a été attentif à maintenir une égalité de traitement entre les salariés, en prenant en compte les taux de majoration – taux conventionnel ou, à défaut, légal – pratiqués par leur entreprise.

Bien sûr, la mesure permettra aux entreprises qui le souhaitent de majorer leur taux si celui-ci est inférieur au taux légal, comme les exonérations les y incitent. Le premier poste du projet de loi affecte donc 49 % de son coût total aux heures supplémentaires dont peuvent bénéficier – je le rappelle – 22 millions de salariés dès lors, évidemment, que leur travail requière l’exécution d’heures supplémentaires.

Le deuxième poste principal, celui du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, s’élève à 28 % du coût estimé du projet de loi. Cette mesure concerne tous ceux qui achèteront un logement à titre de résidence principale ou qui l’ont acquis depuis moins de cinq ans, puisque nous avons limité le bénéfice du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts aux cinq premières années.

M. Jean-Pierre Brard. Les RMIstes seront comblés !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur Bapt, à mon avis ce crédit d’impôt ne fera pas monter les prix de l’immobilier. Vous avez cité la FNAIM : vous avez eu raison. Permettez-moi de vous imiter en me référant à un passage particulièrement intéressant de la Lettre de conjoncture de la FNAIM de juillet 2007,…

M. Jean-Pierre Brard. Après Confucius, la FNAIM !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. ...lequel indique que, même si l’avantage fiscal généré par la mesure reste non inflationniste, il est de nature à favoriser la consommation et à générer des effets directs sur la croissance. Je le rappelle : entrer dans la logique qui conduit de la confiance à la croissance, puis à l’emploi, tel est l’objectif de ce projet.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est plus de la confiance, c’est de la foi aveugle.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le troisième poste important en termes de financement, ce sont les droits de mutation à titre gratuit, qui mobiliseront 16 % du coût total du projet et concerneront 95 % des successions.

D’un côté, le projet de loi s’adresse donc à 22 millions de salariés et à tous les Français désireux d’acquérir une maison principale – ils y aspirent pour la plupart –, de l’autre, il permet de faire entrer 95 % des successions dans le champ des mesures qu’il prévoit en matière de droits de mutation à titre gratuit.

M. Jean-Pierre Brard. Elles étaient déjà exonérées : vous affabulez !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. M. Brard fait son petit Gremetz !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Brard !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Faisons un peu d’arithmétique : 49 + 28 + 16, ce sont 93 % des mesures du projet de loi qui concernent tous les salariés, tous les futurs propriétaires et presque tous ceux qui héritent. On ne peut, je crois, répondre plus clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Les courtisans se manifestent ! Mais Mme la ministre nous trompe : c’est Pinocchia !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur Méhaignerie, vous avez cité John Rawls. Je souhaite quant à moi évoquer sa théorie de la justice et son principe du « voile d’ignorance », en vue de le lever et de vous répondre en toute transparence sur les différents points que vous avez soulevés.

Le premier concerne l’impôt minimum.

J’ai annoncé dans mon intervention initiale, laquelle, il est vrai, a parfois été couverte, ici ou là, de remarques, que je suis prête à travailler avec vous sur le sujet. C’est un engagement que vous pouvez prendre d’autant plus au sérieux que votre expérience et votre réflexion nous seront précieuses dans le travail que nous effectuerons sur ce texte.

Quant au deuxième point, la modulation et le repos compensateur, nous aurons l’occasion de l’examiner lors de l’examen de l’article premier. Je tiens toutefois à vous préciser d’ores et déjà que les salariés couverts par un accord de modulation pourront effectivement bénéficier des exonérations prévues pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de la limite hebdomadaire ou annuelle du temps de travail. C’est la logique même des accords de modulation que de faire fluctuer la durée hebdomadaire de travail sur l’ensemble de l’année civile.

Plus généralement, aucun accord de branche n’interdira à une entreprise de choisir entre repos compensateur et paiement des heures supplémentaires et toutes pourront donc bien bénéficier des exonérations fiscales et sociales prévues par le projet de loi, soit immédiatement, soit en renégociant leur propre accord, si celui-ci est plutôt orienté vers le repos compensateur. De même, monsieur de Courson, les salariés des entreprises de transport routier effectuent de la trente-sixième à la trente-neuvième heures des heures dites d’équivalence, qui correspondent à des temps d’arrêt durant les opérations de chargement et de déchargement : il ne s’agit donc pas à proprement parler d’heures de conduite.

Mme Martine Billard. Le déchargement, c’est du travail !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Les dispositions applicables aux déductions et aux exonérations des heures supplémentaires s’appliqueront naturellement à partir de la trente-neuvième heure, et non dès la trente-sixième heure.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des heures travaillées pour le plaisir !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je tiens à ce propos à rappeler à chacun que nous examinons un texte à prédominance fiscale : notre objectif n’est donc pas de profiter de son examen pour proposer des modifications substantielles du code du travail. Du reste, des dispositions votées par l’Assemblée l’année dernière imposent que toute modification du code du travail soit désormais soumise à une consultation avec les organisations syndicales. Il est donc hors de question de chercher à modifier, ne serait-ce qu’à la marge, les dispositions du code du travail. Ce texte en reste aux domaines économique et fiscal.

Monsieur Sébastien Huyghe, en ce qui concerne les parachutes dorés, je tiens à rappeler que les textes ne fixent aujourd’hui en la matière aucun critère ni ne prévoient, du reste, des règles d’appréciation des performances des dirigeants des entreprises. Le projet de loi du Gouvernement vise à modifier la situation actuelle de manière significative, notamment en prévoyant que le conseil d’administration fixe les conditions de performance des dirigeants et en apprécie le respect. Vous m’avez interrogé sur l’opportunité de confier cette responsabilité à l’assemblée générale des actionnaires. Il me semble que les conditions de performance varieront naturellement d’un secteur à l’autre : la performance d’une entreprise industrielle n’est pas celle d’une entreprise de services ou d’un groupe de la grande distribution. Or le conseil d’administration étant l’organe qui connaît le mieux l’environnement de l’entreprise, il me paraît de ce fait l’instance le mieux à même de fixer les critères permettant d’évaluer la performance. Par ailleurs la présence, au sein de ce conseil, de personnalités indépendantes,…

M. Jean-Pierre Brard. Indépendantes du capital, évidemment !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …comme, bien souvent, l’existence, toujours en son sein, du comité de rémunération, permettent de renforcer l’objectivité de ses décisions. Je rappellerai également que le conseil d’administration est l’émanation des actionnaires, puisque chacun de ses membres est désigné par l’assemblée générale des actionnaires, à l’égard desquels ils sont redevables de leur gestion.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la démocratie !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Dans la mesure où nous en sommes au premier temps de l’élaboration d’une nouvelle dimension dans l’appréciation des performances des dirigeants d’entreprises, nous pouvons nous demander si la meilleure façon de pratiquer n’est pas de confier à l’organe qui est le plus à même de suivre au quotidien la gestion de l’entreprise la tâche de fixer les critères d’appréciation : nous pourrons ainsi déterminer si ce système n’est pas le meilleur pour éviter les abus auxquels nous avons déjà assisté.

M. Jean-Pierre Brard. On reste entre soi !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, vous me demandez où se trouve la rupture. Vous évoquez la continuité dans l’action.

M. Patrick Lemasle. C’est la réalité ! Vous étiez déjà ministre sous la précédente législature !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Or, pour vous avoir écouté du banc du Gouvernement parler à la tribune en tant que président de la commission des finances ou vous voir en ce moment assis en face de moi, je me dis que le simple fait que la présidence de la commission des finances n’ait pas été confiée à un représentant de la majorité, comme cela a toujours été le cas sous tous les gouvernements, est déjà un symbole de rupture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Jérôme Chartier. Ça, c’est envoyé !

Mme Martine Billard. C’est surtout facile ! Vous comptez nous resservir cet argument pendant cinq ans ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. La rupture, c’est aussi savoir ouvrir les yeux, agir en conformité avec la réalité et communiquer aux membres des commissions et à l’ensemble de nos concitoyens les informations disponibles. Nous continuerons à le faire. La rupture, c’est travailler ensemble au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je précise que des expertises ont été effectuées et qu’elles ont conduit à des conclusions.

M. Patrick Lemasle. Vous avez dit le contraire devant la commission des finances !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous pouvons évidemment remonter dans le temps et trouver des conclusions contradictoires : les batailles d’experts existeront toujours, surtout sur des sujets aussi importants. Toutefois, ne comptez pas sur moi pour les trancher en qualité d’expert : je n’en ai ni les compétences ni les moyens et je ne serais pas dans mon rôle si je le faisais.

De plus, les débats d’experts ne doivent pas masquer les débats politiques. Or c’est d’un débat politique qu’il s’agit aujourd’hui. Le Président de la République et la majorité ont, ensemble, proposé des solutions aux Français : ils les ont choisies en élisant Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République et en reconduisant l’actuelle majorité à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Alain Cacheux. Pourquoi nous réunir alors ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le président de la commission des finances, vous m’avez également interrogée sur la prime pour l’emploi, qui peut constituer une part importante de la rémunération. Nous avons procédé à une modélisation afin de savoir dans quelle mesure la rémunération est ou non affectée par l’avantage salarial, social et fiscal des heures supplémentaires après exonération. Or la modélisation nous a permis de confirmer que, net de PPE, l’avantage salarial, social et fiscal des heures supplémentaires est incontestable. Mes services ont étudié avec précision la question et si tel est votre souhait je mettrai à votre disposition l’étude à laquelle ils ont procédé.

Je voudrais maintenant répondre à M. Idiart (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.). Monsieur Idiart, je suis déçue que vous n’ayez pas perçu la cohérence de mon intervention.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. M. Idiart n’a rien compris.

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’hommage du vice à la vertu !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. M. Brard nous invite à penser : nous allons évidemment penser. Je vous invite aussi, quant à moi, à agir. Le fil que j’ai suivi lors de mon intervention d’hier était pourtant simple : « tout travail mérite un salaire » et « tout salaire mérite un travail ». Aucun principe ne peut être plus clair et nous l’avons décliné au travers de toutes les mesures que nous vous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Patrick Lemasle. Les revenus du capital n’impliquent pas toujours un travail !

M. Jean-Pierre Brard et M. Jean-Louis Idiart. Effectivement !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur Brard et monsieur Idiart, j’en ai assez d’entendre parler de « cadeau fiscal ». Où est le cadeau fiscal quand nous proposons de contrôler mieux et davantage les parachutes dorés ?

M. Patrick Lemasle. Le candidat Sarkozy avait promis de les interdire !

Mme Martine Billard. C’est vrai !

M. le président. Madame Billard, veuillez laisser Mme la ministre s’exprimer.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Où est le cadeau quand nous augmentons les heures supplémentaires et que nous créons le revenu de solidarité active ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Où est-il enfin quand nous proposons aux Français un crédit d’impôt plafonné sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition de leur résidence principale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Je souhaite maintenant évoquer un point technique concernant les effets annexes sur les avantages sociaux.

L’exonération des heures supplémentaires ne touche pas le revenu fiscal de référence, qui sert de base au calcul des diverses aides. Toutefois, lorsqu’on gagne plus, il convient évidemment qu’il en soit tenu compte selon les règles habituelles afin que les aides soient ajustées à la rémunération perçue. Il n’est rien de plus normal que de se référer à la capacité contributive réelle du contribuable.

Quant au bouclier fiscal (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), je me permettrai de faire une réponse synthétique à quelques-unes des interventions, avec l’espoir de couvrir l’ensemble des questions qui ont été posées.

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez enfin commencer à répondre. Il est temps !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur Brard, c’est un sujet qui vous inquiète visiblement beaucoup ! (« Il y a de quoi ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Martine Billard. Il inquiète également les finances de la France !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Alors que la mesure ne concerne que 4 % du volet financier du projet de loi, vous y avez consacré près de 50 % de votre temps de parole !

M. Jean-Pierre Brard. C’est qu’il s’agit du symbole même de votre politique de classe !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Vous faites de l’idéologie !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Heureusement, notre majorité a rétabli l’équilibre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Des béni-oui-oui !

M. Jean-Louis Idiart. On peut supprimer l’opposition !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Heureusement, notre majorité est constructive et « inventive », pour reprendre votre mot, monsieur Bouvard.

En ce qui concerne plus précisément l’ISF et le bouclier fiscal, je rappellerai tout d’abord que le projet du Gouvernement ne comprend pas l’autoliquidation du bouclier fiscal. Du reste, même si elle était appliquée, je ne crois pas qu’une telle mesure générerait de la fraude.

M. Jean-Pierre Brard. Désavouée !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous n’avons d’ailleurs proposé ni de supprimer les contrôles fiscaux ni les postes des fonctionnaires qui s’y consacrent, que je sache !

Ensuite, en ce qui concerne les résultats du bouclier fiscal, je tiens à rappeler que ceux dont nous disposons à ce jour ne sont pas véritablement significatifs, du fait que la mesure n’est applicable que depuis le 1er janvier 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Toujours est-il que M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et les services fiscaux travaillent actuellement sous ma responsabilité afin que tous ceux qui y ont droit en soient avisés et puissent choisir, s’ils le souhaitent, d’en bénéficier.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a aucun risque !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Enfin, en ce qui concerne l’intégration éventuelle de la CSG et de la CRDS, le Conseil constitutionnel a affirmé dans sa décision sur le bouclier fiscal que l’impôt ne devait pas être confiscatoire. Le taux de 50 % apparaissant très raisonnable, il convient qu’il soit strictement respecté. Réintégrer des dispositions sur le côté reviendrait à augmenter un bouclier que nous souhaitons maintenir à 50 %. Faut-il rappeler qu’en Allemagne le bouclier fiscal à 50 % a valeur constitutionnelle ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur. C’est vrai !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Enfin, la CSG et la CRDS ont bien la nature d’impôts pesant directement sur les revenus – le Conseil constitutionnel en a d’ailleurs jugé ainsi.

M. Patrick Lemasle. Vous supprimez l’ISF !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. J’en viens à la compensation budgétaire. Je vous ai indiqué comment les mesures seront financées : d’un côté par la diminution des dépenses publiques et, de l’autre, par un surplus de recettes résultant d’une augmentation de la croissance, générant une hausse du PIB. Je n’ai pas tout à fait confondu l’augmentation du PIB avec la recette fiscale en résultant.

M. Patrick Lemasle. Nous ferons les comptes !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Eh oui ! Augmentation de la croissance parce que j’y crois,…

M. Jean-Pierre Brard. Ah, la foi ! Confessez-vous !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …et que je suis convaincue que nos mesures porteront rapidement leurs fruits. Ce que j’espère, c’est que nous serons rapidement entraînés dans le cercle vertueux de la croissance…

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a pas de vertu là où est le vice !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …et que nous ne sombrerons pas dans la spirale vicieuse du doute et de la procrastination.

Je partage, monsieur Giscard d’Estaing,…

M. Jean-Pierre Brard. Il n’est pas là, il fait la grasse matinée !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …votre optimisme, et je vous remercie de l’avoir affiché avec autant d’énergie à une heure aussi tardive.

Je souhaite, mesdames et messieurs les députés, conclure comme j’avais commencé.

Confiance, croissance, emploi : c’est dans cet ordre que nous devons procéder car c’est de la confiance que naît la croissance et de la croissance que peut naître l’emploi. La confiance, c’est d’abord un choc de confiance. Or les différentes analyses d’opinion nous démontrent que la confiance, cela se gagne et que nous sommes en train de la gagner.

Je souhaite de tout cœur avec vous, monsieur Censi, que les professionnels se mobilisent rapidement, dès la promulgation de la loi, pour donner son plein effet à ce choc. En effet, M. Taugourdeau nous l’a rappelé, c’est d’abord du moral de nos concitoyens – les salariés comme les chefs d’entreprise – que dépend l’essor d’une croissance forte, d’une croissance durable, la seule susceptible de garantir la création d’emplois.

La confiance, c’est le pays qui nous l’a accordée. Nous saurons la gagner et nous saurons la mettre à profit. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j’attire votre attention sur le déroulement de nos travaux.

Il existe des règles, madame la ministre, dans cet hémicycle. Ainsi, lorsque les députés l’interrogent, le ou la ministre doit répondre.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agissait d’invectives !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez pu entendre, monsieur le président, que nos interventions d’hier étaient très pointues ; or nous n’avons entendu aucune réponse à nos interventions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’étaient des insultes !

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons entendu la ministre égrener des poncifs comme on égrène les grains d’un chapelet. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

« Choc de confiance », « j’y crois » : des incantations, des actes de foi, mais à nos démonstrations précises, madame la ministre, à nos questions sur ce que rapporte à son bénéficiaire le bouclier fiscal, pas de réponse,…

M. Jean-Louis Idiart. Eh non !

M. Jean-Pierre Brard. …sinon pour dire qu’il est trop tôt pour savoir. Reste que ce qu’on sait vérifie ce que nous avions prévu.

M. le président. Monsieur Brard, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Si ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En effet, après avoir été confrontés, hier, au mutisme de la ministre, on nous sert aujourd’hui des paroles pour ne rien dire et, surtout, pour ne pas répondre à nos interventions.

M. le président. Permettez-moi, monsieur Brard,…

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, monsieur le président, surtout ainsi sollicité !

M. le président. …de souligner qu’il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Idiart. Si ! Il y vient !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais non ! C’est du théâtre !

M. le président. Ce n’est pas à vous, monsieur Brard, qui êtes un parlementaire chevronné, que je vais l’apprendre, le Gouvernement s’exprime quand il le souhaite et dit ce qu’il veut. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aucun article du règlement n’oblige le ministre à répondre à une motion de procédure ou à quelque autre interpellation. Mme Lagarde vient de s’exprimer ; elle aura l’occasion de le faire à nouveau et vous pourrez l’interpeller au cours du débat.

Je prends donc acte de vos propos, mais ils ne s’appuient sur aucun article du règlement de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Denis Jacquat. C’est exact !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’était du « Brard-ratin » !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Idiart. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Nous avons interpellé Mme la ministre hier. Or même si, apparemment, aucune disposition du règlement ne prévoit qu’elle doive nous répondre, je note que, depuis quatorze ans que je suis ici, c’est la première fois que je constate ce genre d’attitude et que j’assiste à un exercice aussi déplorable. Aujourd’hui, nous n’entendons même pas, madame la ministre, que vous nous répondiez, mais seulement que vous nous disiez quelques mots à propos de nos interventions.

Je ne serais pas intervenu si Mme la ministre n’avait pas soutenu que le seul lieu où l’on puisse juger de la constitutionnalité des textes était le Conseil constitutionnel et que certains, dont moi, en l’occurrence, puisque j’ai défendu l’exception d’irrecevabilité, étaient intervenus pour « meubler le débat ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous rappelle, madame la ministre, l’article 91, alinéa 4, du règlement : « Il ne peut ensuite être mis en discussion et aux voix qu’une seule exception d’irrecevabilité dont l’objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles et une seule question préalable, dont l’objet est de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. »

Aussi, madame la ministre, n’avons-nous fait que remplir notre devoir ! M. de Courson a d’ailleurs repris une partie de mes arguments. (« Excellemment ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Je voulais simplement rappeler cela : nous accomplissons notre devoir, madame la ministre, et si vous considérez que le vôtre est de ne pas nous répondre à l’instant, nous sommes pour notre part ici pour faire respecter les règles et nous sommes ici pour dire ce que nous pensons parce que nous représentons une large partie de l’opinion publique française. Ce n’est en effet pas parce que Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République que tous les autres doivent se taire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous avez le droit de vous laisser « caporaliser » ; ce n’est pas notre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine .)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Alain Néri. Mais qui va répondre à nos collègues ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai entendu de nombreuses interventions au cours de la discussion générale et le fait que des réformes comme le revenu de solidarité active soient devenues un enjeu dans le cadre de la discussion de grands textes, au début d’une législature, me paraît très important au regard des efforts que nous avons dû fournir ces dernières années pour faire en sorte que ces sujets ne soient pas considérés comme périphériques, appréhendés uniquement à travers les clichés relatifs aux travailleurs pauvres ou aux allocataires des minima sociaux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je tiens à remercier ceux qui, que ce soit pour les approuver ou pour les critiquer, se sont référés aux travaux que nous avions menés il y a quelques années au sein d’une commission d’étude. J’ai entendu dans vos interventions que vous vous étiez approprié ces travaux, vous érigeant en gardiens vigilants de l’avancement des réformes, dans le respect du consensus difficilement atteint entre syndicats, associations, employeurs et associations familiales.

Déjà, opposition et majorité avaient cherché une voie d’espoir pour nos concitoyens en très grande difficulté, sans commencer par les fustiger.

M. Jean-Pierre Brard. Sans perdre une partie des pages de votre rapport !

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Je remercie les très nombreux députés présents lors des travaux des commissions, sous la présidence de Pierre Méhaignerie, l’un des pionniers du RMI, et de Didier Migaud, l’un des inspirateurs de la prime pour l’emploi. Je remercie également Dominique Tian et Jean-Charles Taugourdeau pour avoir apporté ces exigences dans leur travail de rapporteurs.

Je vais maintenant tâcher de répondre aux grandes questions soulevées au fil de vos interventions.

La première concerne la portée des dispositions du texte qui vous est soumis. Didier Migaud, Jean-Pierre Brard, Marisol Touraine, Étienne Pinte et d’autres parlementaires nous ont demandé pourquoi nous nous étions limités à ces premières dispositions et pourquoi nous n’allions pas d’emblée plus loin.

En ce qui concerne la portée de la démarche, d’où viennent les dispositions qui vous sont proposées ? Elles émanent des constats établis par les premiers conseils généraux avec lesquels nous avons travaillé cette année, de gauche comme de droite. Ils ont permis de définir une première série de dispositions. Je disais souvent à ce propos que l’on nous avait entrouvert une fenêtre obstruée néanmoins par un grillage – grillage symbolisant ici le fait qu’une partie seulement des allocataires du RMI des bénéficiaires de l’allocation de parent isolé était concernée par ces dispositions, à cause de contraintes techniques, juridiques et financières.

Les propositions que nous avons faites n’ont pas été conçues dans un bureau. Nous avons repris tous les constats réalisés sur le terrain en nous demandant de quelle manière modifier les textes pour rendre les mesures proposées possibles. Je peux vous garantir que si, il y a six mois, on avait dit à ces conseils généraux, à ces travailleurs sociaux que, six mois plus tard, on aurait la possibilité de faire sauter les verrous dont ils sont victimes, ils n’y auraient pas cru, ou alors ils auraient applaudi des deux mains.

Voilà ce que nous avons tenu à faire d’emblée.

M. Alain Néri. Reste la question du financement !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous y reviendrons.

J’insiste encore quelques instants sur notre démarche. Vous avez posé la question – que je comprends très bien – de savoir si, en avançant de la sorte, on se rapproche de l’objectif général consistant à diminuer le nombre de travailleurs pauvres et à faire en sorte que les minima sociaux n’« enferment » pas leurs bénéficiaires mais qu’on donne la possibilité aux uns et aux autres de travailler. N’allons-nous pas, au contraire, nous détourner de cet objectif en menant une réforme pour solde de tout compte ? La question se pose bien dans les termes que vous avez choisis.

Si vous relisez notre rapport de l’époque – et vous en êtes maintenant des lecteurs attentifs –, vous pourrez constater que nous n’avons jamais changé d’avis sur ce point, les difficultés auxquelles nous allions être confrontés ayant alors été bien identifiées.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous n’avions pas suggéré l’atteinte immédiate de l’objectif final. Nous avions affirmé qu’il fallait d’abord vérifier que les dispositifs envisagés marchaient ou non. Nous estimions en effet que nous n’avions pas le droit de demander la mobilisation de plusieurs milliards d’euros si c’était pour réitérer des expériences dépourvues de résultats. Il valait donc mieux user d’une méthode graduelle pour mesurer l’efficacité des premiers financements, dans quelques territoires, sur quelques populations concernées, avant d’aller éventuellement plus loin, forts de certitudes non théoriques mais pratiques, celles qui permettent d’avancer qu’il y a plus de gens en mesure de travailler et moins de gens en situation de pauvreté, moins dont la dignité a été bafouée.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous vous donnons donc rendez-vous pour les étapes suivantes. Il ne s’agit pas d’un changement de pied mais du choix délibéré d’une méthode.

M. Michel Bouvard et M. Alain Joyandet. Très bien !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Aussi nous sommes-nous posé la question de savoir si nous devions intégrer la catégorie des travailleurs pauvres et celle des autres allocataires de minima sociaux dans le dispositif. Je remarque d’ailleurs qu’aucun amendement n’a été déposé pour proposer des solutions à cet égard.

Mme Martine Billard. On ne peut pas à cause de l’article 40 de la Constitution !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. On peut bien déposer des amendements en ce sens, quitte à ce qu’ils soient refusés ensuite !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous ne voulions pas bouleverser un dispositif très complexe. Vous avez pu constater, à propos des différents mécanismes de primes pour l’emploi, que certaines mesures pouvaient finalement se retourner contre ceux que nous sommes censés aider. Nous préférons donc prendre le temps de la concertation et du travail pour pouvoir agir sans générer d’effets pervers.

J’en viens directement à la question du financement. Vous avez posé à cet égard plusieurs questions.

Première question : l’argent mis sur la table par le Gouvernement permettra-t-il d’atteindre les objectifs fixés ?

Deuxième question : le dispositif pèsera-t-il sur les finances des conseils généraux ?

Mme Pascale Crozon. Oui !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Troisième question : lorsqu’il sera nécessaire d’aller plus loin, en sera-t-on capable ?

Quatrième question, enfin : ne méconnaît-on pas la problématique du transfert des dépenses au moment des transferts de compétences ?

Christophe Sirugue, qui préside la commission sociale de l’Assemblée des départements de France, est particulièrement attentif à ces questions, et nous en discutons avec lui comme avec la présidente, Mme Lebreton, et l’ensemble des membres du bureau de l’ADF depuis plusieurs mois, et même de manière très rapprochée ces dernières semaines, afin d’étudier les moyens d’avancer.

M. Alain Néri. Parler, c’est bien, mais payer serait mieux ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. C’est bien ce que l’on va faire !

Tout d’abord, de combien disposions-nous l’année dernière pour accompagner les premiers départements qui se lançaient dans l’expérimentation ? De 600 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard. Rien !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. De combien disposons-nous maintenant ? De 25 millions d’euros.

M. Jean-Pierre Brard. Trois fois rien !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Pour ceux qui ont le goût des multiplications, cela revient à multiplier l’effort par quarante au moins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez le ministre s’exprimer, je vous prie !

M. Jean-Pierre Brard. Il n’est pas ministre ! Il n’a pas voulu l’être et il a eu raison !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Ce que nous finançons avec ce montant, c’est l’accompagnement de départements qui sont volontaires pour utiliser les marges de manœuvre juridiques nouvelles. Dois-je rappeler que, pour certaines personnes, l’État n’avait pas à intervenir financièrement dans un domaine qui relevait uniquement des compétences des conseils généraux ? Le financement prévu couvre, à cet égard, une grande partie des dépenses.

M. Michel Ménard. La moitié !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous l’avons même calculé assez large, et l’on commence d’ailleurs à en voir le résultat sur le terrain : le fait de lever l’obstacle que constituait le phénomène de trappe à inactivité aide les allocataires du RMI à ne plus être à la charge entière des conseils généraux. Devenues en effet des personnes qui travaillent, l’intervention du conseil général, encore une fois prise en charge à plus de la moitié par l’État, n’a plus à être à hauteur du RMI à taux plein.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Absolument !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. C’est donc une véritable machine à économies que l’on met en place dans le domaine social, sans pour autant que cela se fasse sur le dos des personnes concernées, puisque celles-ci vont voir leur revenu global augmenter. Là réside d’ailleurs toute la différence avec la situation actuelle : réaliser des économies en matière sociale sans que cela se fasse au détriment des gens en difficulté. Nous pouvons en effet vous le garantir, tableaux à l’appui : leurs revenus vont augmenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Un vrai parachute doré !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Voilà déjà longtemps que l’on a soulevé la question de savoir si, à la suite de la décentralisation du RMI, l’État avait tenu ou non ses engagements.

M. Alain Néri. Non !

Mme Martine Billard. Il manque 1 milliard !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Je le redis solennellement, nous allons, d’ici à l’année prochaine, préparer une réforme globale des minima sociaux. Dans ce cadre, nous serons conduits à regarder où en sont les compteurs, c’est-à-dire à examiner, de manière impartiale, ce qui s’est passé compte tenu de l’augmentation de l’effectif des allocataires du RMI et de l’évolution des différentes recettes. Ainsi n’aurons-nous pas à revenir devant vous avec cette réforme globale sans avoir purgé le problème.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Il conviendra, ensuite, de se pencher sur les sommes en cause et sur les moyens de les régler.

D’ici là, je vous demande à la fois de ne pas nous faire de procès d’intention et de ne pas prendre en otage les premières expérimentations au motif qu’il y a des sujets qui nous dépassent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Laissez faire les expérimentations, et écoutez plutôt toutes ces personnes qui disent avoir retrouvé l’espoir parce que cela leur apportera une bouffée d’oxygène. Ne leur ôtons pas cet oxygène au moment où l’on commence à le leur apporter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Joyandet. Voilà un point qui devrait faire l’unanimité.

Mme Huguette Bello. Et l’outre-mer ?

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Laurent Hénart, Charles de Courson et Mme Hoffman-Rispal, par exemple, ont posé la question des droits connexes et des contrats aidés.

Nous avons essayé de dénombrer les aides concernées. Nous sommes arrivés à plus d’une cinquantaine. Nous nous sommes dit que si, d’emblée, nous donnions un coup de pied dans la fourmilière, nous courrions deux risques : d’une part, que cela coûte beaucoup plus cher, y compris pour les collectivités locales, et, d’autre part, que l’on passe, en croyant bien faire, à côté de cas de figure spécifiques. En modifiant en effet les modes de calcul des prestations dans un souci de simplification, nous pourrions pénaliser des personnes en difficulté pour lesquelles une aide prenait justement en compte leur cas un peu particulier.

Aussi, ce que nous proposons est assez simple. Dans les territoires qui seront volontaires pour l’expérimentation, nous proposerons aux différentes collectivités locales – et M. Pinte a eu raison de souligner qu’il ne fallait pas oublier les communes et les agglomérations de communes – d’examiner avec elles les barèmes selon lesquels leurs aides fonctionnent, notamment pour éviter tout effet de seuil. Lorsqu’un tarif gratuit, par exemple, a été instauré pour certaines personnes en fonction de leur statut, on pourrait ainsi envisager qu’il soit plutôt dégressif compte tenu des revenus.

Ce qu’il faut, c’est que ce que l’on va simplifier d’un côté ne soit pas annulé de l’autre par d’autres mécanismes du fait de certaines pesanteurs ou habitudes.

Nous pourrons, sur la base de ces expérimentations, revenir devant vous en vous disant soit que cela peut se faire spontanément, sans qu'il soit besoin de légiférer, puisque certaines collectivités auront donné l’exemple, soit qu’il est nécessaire de légiférer parce que ce n’est que comme cela que l’on pourra simplifier, à condition bien sûr que le législateur considère comme juste ce à quoi l’on veut contraindre.

C’est à cette démarche pragmatique que nous proposons de vous associer tout au long de l’année. En nous donnant concrètement votre avis sur telle ou telle aide et sur tel ou tel tarif, nous pourrons, qu'il s’agisse des transports ou encore des cantines, mettre un peu d’ordre dans toute une série de tarifs ou d’aides qui, aujourd’hui, répondent à des barèmes par trop différents.

Pour ce qui est des contrats aidés, le texte adopté le 7 mars 2007 a déjà permis aux départements qui se sont déclarés volontaires d’expérimenter ce qui s’apparente à un contrat unique d’insertion. C’est un point sur lequel on pourra, si vous êtes demandeurs, aller plus loin, car on ne peut plus supporter ces dispositifs qui sont plafonnés à vingt-six heures quand les gens veulent travailler à plein temps, qui imposent d’être resté pendant quelque temps dans un dispositif particulier avant de pouvoir bénéficier du dispositif d’ensemble, ou qui empêchent d’aller travailler sous contrats aidés dans le secteur marchand alors que l’on pourrait y négocier avec les entreprises des engagements en termes de formation et de pérennité d’emploi.

Soyez assurés que vous nous trouverez à vos côtés pour avancer et pour passer peut-être de l’expérimentation à la généralisation le plus rapidement possible.

M. Alain Néri. Vous voulez réduire le nombre des contrats aidés ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Des questions ont été posées concernant l’allocation de retour à l’activité, l’ARA, mise en place outre-mer. Nous connaissons bien ce dispositif dont une évaluation récente a montré combien il était intéressant. Ce mécanisme, qui permet de conjuguer revenus du travail et revenus de solidarité en outre-mer, est un des éléments qui ont inspiré la démarche que nous allons entreprendre. Nous en partageons en effet la philosophie, et nous continuerons à le regarder de près.

Mme Huguette Bello. Regarder ne suffit pas !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Regarder le dispositif de près est déjà plus important que l’ignorer. Ce que je veux dire par là, c’est que nous regarderons s’il peut être transposé tel quel ou s’il faudra l’adapter pour tenir compte des enseignements des programmes expérimentaux.

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes dans la contemplation, comme les carmélites !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous ne sommes absolument pas dans la contemplation : nous sommes dans l’action.

J’en viens aux inquiétudes de portée générale qui se sont manifestées, car nous nous sommes nous-mêmes posé la question de savoir s’il fallait aller aussi vite. Il nous a semblé que nous n’avions pas le droit de rater l’opportunité d’inscrire dès à présent des dispositions nouvelles dans la loi si nous ne voulions pas nous retrouver avec des conseils généraux et des travailleurs sociaux en panne et avec des allocataires du RMI pénalisés, tout simplement parce que nous aurions voulu peaufiner le dispositif afin qu’il soit le plus complet possible. Voilà pourquoi nous avons estimé qu'il fallait démarrer d’emblée.

Je prends ici l’engagement que nous serons fidèles aux travaux, aux préconisations et au consensus de la commission que j’ai présidée.

Je suis prêt à prendre sur moi les attaques qui portent sur des choix personnels. En revanche, s’agissant d’un sujet dont on a réussi au cours des derniers mois à faire en sorte qu’il soit porté petit à petit, et non sans difficulté, par les différents candidats et candidates à l’élection présidentielle, ce que je vous demande solennellement, c’est que s’engage sans œillères et sans politique politicienne ce travail sur le revenu de solidarité active, sachant que des conseils généraux de droite et de gauche ont estimé que cela en valait la peine. Maintenant que l’on a eu l’audace de travailler sur ce sujet-là, sans que l’on ne m’ait d’ailleurs jamais demandé des comptes sur ce point, il faut arriver, comme dans les conseils généraux où la gauche a voté avec la droite et inversement, à faire en sorte que le dispositif avance.

Si vous voulez m’attaquer, attaquez-moi. Je ne vous demande qu’une chose : c’est que les allocataires du RMI, les bénéficiaires de l’allocation de parent isolé ou de l’allocation pour adulte handicapé et les travailleurs pauvres ne soient pas les victimes de balles perdues, des victimes collatérales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Visez-moi si vous le voulez, mais ne les visez pas eux ! Continuez comme avant à faire en sorte que des progrès puissent être engrangés afin qu’il y ait moins de pauvreté !

Une lettre signée du Président de la République et du Premier ministre reprend les objectifs qui ont été fixés par la commission que j’ai présidée.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Alors, qu’ils paient !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Engueulez-moi si ces objectifs ne sont pas tenus, mais, s’il vous plaît, facilitez ma tâche afin que les progrès nécessaires puissent être réalisés ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour une durée qui ne pourra excéder trente minutes.

M. Pierre Bourguignon. Où est passée Mme la ministre ?

M. le président. Le Gouvernement est représenté, mon cher collègue.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission que j’ai l’honneur de défendre au nom du groupe socialiste, radical et citoyen n’a évidemment pas pour finalité d’empêcher le Gouvernement d’accomplir sa tâche et la majorité de le soutenir. Elle ne vise pas non plus à demander le rejet du projet de loi que nous examinons. Elle a, au contraire, pour but de rendre hommage à l’ambition affichée, qui est considérable, en demandant que lui soit consacré le temps requis pour l’examen d’un texte, semble-t-il, fondateur. Ce texte porte tout de même sur une quinzaine de milliards d’euros, ce qui n’est pas rien, montant qui a d’ailleurs évolué : de 11 milliards puis 10 milliards après le Conseil des ministres, à 13 milliards lors de l’examen en commission des finances et 13,6 milliards quelques jours plus tard, nous en sommes aujourd’hui à 15 milliards, d’après les estimations du président de la commission des finances. Ce dernier a, certes, été élu grâce à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, à laquelle ont adhéré les parlementaires de la majorité,...

M. Jean-Pierre Brard. Disons qu’ils se sont soumis !

M. Jérôme Cahuzac. …mais cette élection, qui est une forme d’hommage rendu à la compétence d’un homme, ne fait pas de celui-ci votre obligé et ne le contraint pas à approuver tous vos choix. Ou alors, c’était une supercherie ! Au demeurant, 15 milliards d’euros, c’était le chiffre avancé par le candidat élu par les Français le 6 mai. Il y a donc une certaine cohérence entre les montants annoncés de part et d’autre, même si la hausse n’est pas terminée.

Ainsi, s’agissant des dispositions relatives aux heures supplémentaires, notre excellent collègue Charles de Courson, que je salue, a estimé hier que, si l’on y ajoutait les heures supplémentaires effectuées dans le secteur public et celles des travailleurs à temps partiel, c’était en réalité une majoration de 50 % du coût des heures supplémentaires qu’il nous faudrait envisager. Nous n’en serions donc plus à 15 milliards, mais à 18 milliards d’euros. Ne barguignons pas : pour financer cela, il faut un point de PIB. Où allez-vous le trouver ? En réponse, Mme Lagarde, dont je regrette l’absence, nous a livré un discours assez convenu, classique pour toute majorité qui s’installe et sur lequel je reviendrai dans ma conclusion, entre le slogan et l’acte de foi.

Le slogan, dont je constate d’ailleurs qu’il est de moins en moins repris, est que ces mesures seraient gagées par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique. Il a eu une certaine efficacité électorale, mais je crains qu’il n’en ait moins sur le plan économique et financier. Faute de temps, la commission n’a pas pu entrer dans le détail, ni s’interroger notamment sur le point suivant : de quels fonctionnaires parlons-nous ? Certainement pas de ceux de la fonction publique hospitalière, sauf à ce que vous nous expliquiez, monsieur le haut-commissaire, qu’il y a trop d’infirmières, trop d’aides-soignantes, trop de médecins, trop d’urgentistes. Tel n’étant pas évidemment le cas, et la fonction publique hospitalière ne peut être concernée par cette ambition forcenée. La fonction publique territoriale pas davantage, eu égard au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités.

Il ne peut donc s’agir que de la fonction publique d’État. Or François Chérèque, dont chacun reconnaît l’objectivité et l’ouverture d’esprit,…

M. Jean-Pierre Brard. Si tant est que l’on considère qu’une serpillière a l’esprit ouvert !

M. Jérôme Cahuzac. …faisait remarquer que, dans la fonction publique d’État, un fonctionnaire sur deux est un enseignant. Autrement dit, en ne remplaçant pas un départ en retraite sur deux, vous vous apprêtez benoîtement à supprimer un poste d’enseignant sur quatre. Vous ne le ferez pas ! Y parviendriez-vous – au prix de scandales dans les circonscriptions des uns et des autres – que vous n’en tireriez pas 15 ou 18 milliards d’euros, mais, dans le meilleur des cas, 1 milliard d’euros dans l’immédiat et 3 milliards en vitesse de croisière, soit de cinq à six fois moins. Ce n’est donc pas cette mesure d’économie qui permettra de gager ces 15 à 18 milliards d’euros.

Seule la croissance le permettrait. Et voici l’acte de foi que délivre Mme Lagarde à chacune de ses interventions, que ce soit dans la presse, en commission des finances ou à cette tribune : notre pays va retrouver la croissance, que nos voisins ne cherchent plus pour la connaître depuis de nombreuses années. Et comment allons-nous faire ? Serait-ce grâce au commerce extérieur ? Mme Lagarde, qui connaît bien le sujet, s’est bien gardée de l’évoquer, puisque le commerce extérieur « contribue », si j’ose dire, de façon négative à la croissance de notre pays à hauteur d’un point de PIB ces deux dernières années. Là n’est donc pas la solution. Serait-ce grâce à l’investissement dans les entreprises ? Il est, certes, évoqué, mais dans les débats plus que dans le texte lui-même, celui-ci ne contenant, en réalité, pas grand-chose en faveur des entreprises. L’investissement y est évoqué non comme une finalité mais comme un moyen de réduire – encore et toujours – l’assiette de l’ISF. Or certains de nos collègues s’étonnent, après l’avoir réduite, que cet impôt rapporte de moins en moins. Quoi de surprenant ? Quand l’assiette se réduit, à coût égal, le rendement en subit les conséquences et le ratio coût-rendement se dégrade ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) La finalité est bien de réduire l’assiette de l’ISF et l’amendement qui a été adopté, ce que je regrette, en commission des finances, y contribue encore.

Mes chers collègues, puisque vous en êtes à des actes fondateurs, puisque la rupture est à l’ordre du jour, assumez : supprimez purement et simplement l’ISF, ce serait moins hypocrite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Au moins, nous aurions un vrai débat sur le sujet. Finissons-en avec les débats hypocrites, avec votre façon insidieuse de vider l’assiette de toute substance pour pouvoir constater que, cet impôt ne rapportant plus rien, le supprimer ferait faire des économies. Arrêtons l’hypocrisie collective : assumez vos choix, laissez l’Assemblée en débattre et la population en juger lors des prochaines élections.

Si ni le commerce extérieur ni l’investissement dans les entreprises ne peuvent permettre le moindre acquis de croissance, la solution passe donc par la consommation. Penser gagner un point de produit intérieur brut uniquement grâce aux mesures en sa faveur est un acte de foi sympathique et respectable, mais celui-ci va se heurter aux faits, au mur des finances publiques notamment. Quoi que vous disiez et quelles que soient les croyances que vous nous assenez, de façon sympathique et touchante, comme vient de le faire M. le haut-commissaire, tout cela est peu crédible. Comment imaginer qu’avec une croissance envisagée de 2,5 % l’année prochaine, notre pays puisse tout à la fois diminuer son stock de dette considérable – nous en sommes à 65 % –, financer cette mesure pour un point de PIB et les autres dépenses à venir, notamment celles relatives aux universités – sur lesquelles nous pourrons peut-être nous retrouver, à condition naturellement que les financements soient réels et non pas hypothétiques. Nous n’arriverons pas, en 2008, avec la croissance envisagée de 2,5 %, et à nous désendetter et à financer ce que vous proposez. C’est impossible ! Il faut beaucoup de foi pour l’imaginer sincèrement et davantage encore pour oser le dire dans cette enceinte.

Ces propos généraux, que je m’excuse d’avoir tenus devant vous, car ils auraient, naturellement, eu davantage leur place en commission, s’appliquent à chacune des mesures considérées dans le détail.

Prenons les parachutes dorés. À ce sujet, il est extraordinaire de constater que nous ne sommes plus considérés comme des greffiers scrupuleux, comptables de la parole d’un candidat élu à la Présidence de la République, comme pour le bouclier fiscal ou les heures supplémentaires. Tout à coup, on nous demande de faire preuve d’adaptation et de souplesse. En réalité, ces parachutes dorés, contrairement aux engagements pris, ne seront pas interdits.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh non !

M. Jérôme Cahuzac. Ils resteront possibles et nous connaîtrons les errements que nous avons déjà connus, tout simplement parce que ceux à qui Mme la ministre suggère d’élaborer des critères sont ceux-là mêmes qui ont déjà accordé ces rémunérations extravagantes et qui ne manquent ni de moyens ni d’imagination. Rien ne changera en la matière et la parole du candidat ne sera pas respectée. Les propos que nous avons entendus sont sympathiques, mais ils ne reposent pas sur la moindre réalité. En toute hypothèse, on ne saurait compter sur cette mesure pour relancer la consommation et obtenir ce point de croissance dont nous avons besoin, sauf à ce que notre pays continue à s’endetter dans des proportions tout à fait inquiétantes.

Une deuxième mesure sympathique concerne les étudiants. J’ai cru comprendre en commission que 80 millions d’euros y seraient consacrés en année pleine, alors qu’en séance publique on nous a annoncé 40 millions. Voilà une nouvelle preuve d’improvisation, que je regrette, pour un texte qui va coûter de 15 à 18 milliards d’euros et qui aurait nécessité un travail en commission beaucoup plus fouillé et minutieux. Aucun distinguo n’est fait entre étudiants autonomes et étudiants rattachés à un foyer fiscal. On peut comprendre que la collectivité aide des collégiens, des lycéens, des étudiants, qui sont contraints d’exercer une activité professionnelle pour financer leurs études. Mais que dire de ceux qui sont rattachés à un foyer fiscal relevant de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu ? Cette défiscalisation massive, que va-t-elle leur apporter qu’ils n’aient déjà ? Ce coût, même s’il est relativement modeste, je n’en vois pas la légitimité. Ne comptez pas non plus sur cette mesure pour augmenter la consommation et obtenir un gain de croissance permettant un désendettement et le financement du programme que vous souhaitez mettre en œuvre.

Comme troisième mesure, nous avons le bouclier fiscal, pour 800 millions d’euros. Nous ne connaissons pas dans le détail – Mme la ministre vient elle-même de le dire – les effets du bouclier fiscal à 60 % que, déjà, on nous demande de voter au pas de charge un bouclier fiscal à 50 % ! On espérait 100 000 bénéficiaires, ils sont moins de 2 000 ; on estimait le coût à 450 millions d’euros, il sera finalement de 100 millions d’euros. Certes, 100 millions d’euros dépensés au lieu de 450 millions, c’est une bonne nouvelle, mais moins de 2 000 bénéficiaires contre 100 000, c’en est une mauvaise. Qu’espérez-vous donc de ce pouvoir d’achat considérable que vous vous apprêtez à accorder à des gens qui ont déjà tout ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Rien !

Nous n’aurons ni croissance supplémentaire, ni moyens supplémentaires et pas de marge dans les finances publiques supérieure à celle dont nous pouvons d’ores et déjà disposer. Rien ne sera obtenu de surcroît. Il aurait fallu, à tout le moins, attendre une évaluation objective par la commission du bouclier fiscal à 60 % avant de se précipiter sur un bouclier fiscal à 50 %.

La quatrième mesure est l’exonération des droits de succession. Ils étaient quatre Français sur cinq, neuf conjoints sur dix à être totalement exonérés. Vous voulez qu’ils soient cinq sur cinq et dix sur dix. Vous êtes majoritaires, et ces dispositions seront votées. Le coût en sera d’un peu moins de 1 milliard d’euros. Les finances commencent déjà à souffrir. Là encore, qu’espérez-vous de cette redistribution massive de pouvoir d’achat vers une catégorie de la population qui ne vit pas – nous venons de parler du RSA – dans les conditions les plus pathétiques et les plus tragiques ? Il ne s’agit pas, naturellement, d’opposer les uns aux autres, ceux qui sont dans la misère ou dans le besoin et ceux qui nagent dans l’opulence, ce qui, après tout, peut parfois être mérité. Il n’y a pas de jugement moral à porter en la matière. Mais en tant que comptable des finances publiques, la représentation nationale n’est-elle pas fondée à s’interroger sur l’opportunité de voter dans la précipitation cette mesure de 1 milliard d’euros dans l’espoir d’une croissance supplémentaire ? Ce choc fondateur, cette rupture que vous appelez de vos vœux ne contribueront-ils pas, en fait, à rompre le mur de la dette que l’on veut infranchissable ?

La déductibilité des intérêts d’emprunt pour la résidence principale est la cinquième mesure. Sur ce sujet, il y a eu un changement curieux, presque insidieux, de discours de la part du Gouvernement et de nos collègues de la majorité. C’était, d’abord et avant tout, une mesure d’incitation à l’accession à la propriété. Qui ne souscrirait pas à cela ? Chacun sait dans quelle incertitude se trouvent les familles qui, n’étant pas propriétaires, se demandent de quoi demain sera fait. Or ce n’est plus une mesure d’accession à la propriété, c’est purement et simplement une mesure de pouvoir d’achat : 1,8 milliard d’euros l’année prochaine, 3,2 milliards en vitesse de croisière. Ce pouvoir d’achat, à qui sera-t-il distribué ? On ne le sait pas. Quelle proportion de la population au regard des revenus va en profiter le plus ? On ne sait pas. Que vont faire de cette aubaine les foyers qui ont déjà contracté des emprunts et qui n’avaient pas eu besoin de cette incitation ? On ne sait pas.

M. Jacques Domergue. Vous irez leur expliquer cela !

M. Jérôme Cahuzac. On ne sait rien de tout cela ! C’est le travail en commission qui aurait dû permettre de le préciser.

Mes chers collègues, si vous avez la réponse, si vous savez précisément où iront ces 3,2 milliards d’euros et quelle partie de la population, au regard de ses revenus, en bénéficiera le plus, dites-le, au lieu de vous agacer, de vous indigner, lorsque nous posons ces questions, qui sont, me semble-t-il, parfaitement légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Une question posée par les parlementaires les plus aguerris de cet hémicycle concerne les intérêts d’emprunt. C’est naturellement dans les premières années que les ménages qui s’endettent pour acquérir leur résidence principale acquittent la plus lourde charge des remboursements d’emprunt. C’est donc naturellement dans les premières années que les organismes bancaires vont augmenter leur taux. Cet effort de la collectivité aura pour finalité première de neutraliser cette augmentation des taux. Cette mesure considérable, qui représente 3,2 milliards d’euros en vitesse de croisière, va profiter non pas aux populations dont vous portez, monsieur le haut-commissaire, d’une certaine manière le destin, mais d’abord et avant tout à des organismes bancaires. Je n’avais pas remarqué, ces derniers mois, que, dans notre pays, ces entreprises avaient le plus besoin d’aides publiques, directes ou indirectes – loin s’en faut ! (Sourires.)

Que proposez-vous pour éviter que les banques, d’une certaine manière, ne « cannibalisent », les premières années, via les intérêts d’emprunts, l’aide publique que vous vous apprêtez à voter ? Que ferez-vous si les taux d’intérêt augmentent dans des proportions tout à fait déraisonnables ? Cette aide publique serait en réalité dirigée d’abord vers les organismes bancaires, par l’intermédiaire des ménages qui se sont endettés. Vous n’avez apporté aucune réponse à ces questions qui ne sont pas, me semble-t-il, totalement inutiles, au risque de lasser certains collègues de la majorité.

Notre collègue Charles de Courson a évoqué les heures supplémentaires et regretté que rien ne soit prévu pour la fonction publique dans le projet initial, pas plus que pour les heures complémentaires destinées aux salariés à temps partiel. La majoration du coût sera donc de 50 %. Il ne s’agit plus de 6 milliards d’euros mais de 9 milliards d’euros.

Aujourd’hui, 37 % des salariés font des heures supplémentaires. La moyenne des heures supplémentaires est de 57 heures par an, alors que la législature précédente les a décontingentées à près de 250 heures. Qu’espérez-vous de cette mesure ? Une hausse du pouvoir d’achat ? C’est très bien pour ceux qui bénéficieront de ces heures supplémentaires. Mais, là encore, aucune étude d’impact n’a été réalisée, non plus que d’études statistiques.

Dans le rapport présenté au Parlement figurent des exemples curieux. Un salarié effectuant 35 heures à qui seraient proposées quatre heures supplémentaires par semaine, tout au long de l’année, verrait son revenu augmenté de 2 500 euros. C’est effectivement très séduisant. Mais, si l’on y regarde de plus près, on n’aboutit pas au même résultat. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui a procédé à la même étude, parvient au chiffre de 2 150 euros. Certes, c’est encore beaucoup ! Mais cela concerne en fait les salariés des petites et moyennes entreprises, celles précisément dans lesquelles les 35 heures ne s’appliquent pas, celles où l’exemple cité ne peut exister puisque ces salariés effectuent déjà 39 heures. Dans les PME, cela ne sera pas le cas – l’ACOSS l’a indiqué très clairement. Je vous renvoie à cette étude préalable au projet de loi que nous examinons.

L’ACOSS arrive à la conclusion que, en année pleine, le gain de pouvoir d’achat sera de moins de 650 euros par an et par salarié. Certes, ce n’est pas rien ! Mais n’annoncez pas la somme de 2 500 euros, car ce serait comme une escroquerie à l’espoir pour ces salariés qui pensent percevoir cette somme, alors que leur fiche de paie sera augmentée de moins de 600 euros !

Il y a ensuite le RSA, le « petit cousin de province », celui que l’on a invité à monter à la capitale et qui vient « s’asseoir à la table des grands ». Je parle naturellement du RSA, et non, bien sûr, de vous, monsieur le haut-commissaire. (Sourires.)

Cette mesure coûte 25 millions d’euros. Vous venez de calculer devant nous que le coefficient multiplicateur par rapport à l’année prochaine était de 30. Mais quel est le coefficient multiplicateur par rapport à l’ensemble du coût de ce paquet fiscal, c’est-à-dire de 15 milliards d’euros ? Plus de 60 !

Il y aurait 50 000 à 55 000 bénéficiaires du RSA pour un public global estimé à 1,4 million. Que vient faire le revenu de solidarité active dans ce paquet fiscal ? Le coût n’a rien à voir avec ce que nous venons d’envisager. L’effet sera sans aucune mesure sur les finances publiques.

Il fallait probablement faire le revenu solidaire d’activité. Pardonnez-moi, monsieur le haut-commissaire, mais j’ai le sentiment que vous faites des publics concernés un rempart pour éviter d’être atteint par les critiques légitimes qui pourraient être formulées par ceux qui observent, judicieusement je crois, que votre texte n’a rigoureusement rien à voir avec le projet de loi. Il pèse 25 millions d’euros par rapport à ceux qui émargent à 800 millions d’euros pour le bouclier fiscal (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), à près d’un milliard d’euros pour l’exonération des droits de succession, à plus de trois milliards d’euros pour la déductibilité des intérêts d’emprunts, à près de 9 milliards d’euros pour les heures supplémentaires.

Que faites-vous donc là autour de cette table avec vos petits, vos misérables 25 millions d’euros, quand on connaît les besoins existants. Le RSA est « monté à la capitale », mais ne peut prétendre au même festin et ne dispose pas des mêmes couverts.

C’est la raison pour laquelle nous aurions pu demander en commission, si nous en avions eu le temps, la disjonction de cette partie du texte du reste du projet, car la philosophie qui les anime de même que les moyens sont totalement différents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen),

Monsieur le haut-commissaire, vous qui portez le RSA, considérez votre situation. Vous ne siégez pas au même banc que les autres ministres (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ; Mme la ministre et M. le secrétaire d’État à la consommation font des signes de dénégation), puisque M. le secrétaire d’État à la consommation, qui était à côté de vous, vient de rejoindre Mme Lagarde.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vos propos sont honteux !

M. Jérôme Cahuzac. Pardonnez-moi, chers collègues de la majorité, si je vous ai énervés.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est du guignol !

M. Jérôme Cahuzac. Vous m’avez écouté jusque-là avec une patience dont je vous remercie, alors que ce que j’avais à vous dire n’était pas très agréable à entendre.

Madame la ministre, un projet de loi de 15 à 18 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! C’est précisément parce que vous avez l’ambition de le faire voter par la représentation nationale que vous revient le devoir de faire en sorte que les choses se passent bien.

M. Daniel Mach. Vous avez perdu votre crédibilité !

M. Jérôme Cahuzac. Il ne convient pas qu’il soit voté dans un acte de foi, presque à l’aveugle, puisque c’est au fond ce que vous demandez à chacun, mais en conscience et en parfaite connaissance de cause, tant sur les conséquences pour les finances publiques que pour les publics concernés.

Madame la ministre, vous avez tenu un discours qui m’inquiète. Il reproduit, en effet, des erreurs que tous, sur tous les bancs, toutes majorités confondues, ont toujours commises.

Cette erreur consiste à penser que les Français, parce qu’ils ont choisi un candidat plutôt qu’un autre, une majorité plutôt qu’une autre, ont approuvé en tout point et sans réserve la totalité du programme qui leur a été présenté.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Jérôme Cahuzac. Cette erreur, madame la ministre, a déjà été commise par d’autres majorités, et d’autres, je le crains, la commettront après vous.

En 1981, un Président de la République fut élu. Il avait dans son programme la suppression de l’école privée. Les Français ne l’ont pas voulue. Et pourtant ils avaient voulu M. François Mitterrand.

En 1996, un Premier ministre, actuellement maire de Bordeaux, a souhaité présenter un projet dont il pensait que les Français voulaient, puisque celui-ci avait fait partie du programme du Président de la République élu l’année précédente. Les Français ne l’ont pas voulu.

Vous vous apprêtez, me semble-t-il, à commettre la même erreur. Vous estimez que les Français adhèrent en tout point au programme de la majorité et vous n’avez de cesse de vouloir l’appliquer sans nuance.

C’est ainsi, me semble-t-il, que toutes les majorités – peut-être la vôtre, mesdames, messieurs, ne soyons pas à ce point certains de l’avenir – ont commis des erreurs, des maladresses contreproductives dues à des décisions trop hâtives. La hâte, c’est finalement ce qui caractérise avec son coût le projet de loi, dont je demande le renvoi en commission.

La hâte n’est certainement pas bonne conseillère.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. La différence, c’est que nous avons dit avant ce que nous ferions après.

M. Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, l’histoire n’est jamais écrite par les seuls vainqueurs du moment. L’histoire est écrite par tous. C’est pour cela et parce que nous sommes, nous aussi, comptables de cette histoire devant le peuple français que je demande, au nom du groupe socialiste, le renvoi en commission de ce projet de loi. Le travail doit être accompli sérieusement, sereinement, sans polémique, en appréciant les coûts, en sachant précisément ce qu’il adviendra. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Aujourd’hui, vous nous demandez un saut dans l’inconnu.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous ne croyez même pas ce que vous dites !

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, entre une réforme hardie et un saut dans l’inconnu, il y a la place pour les réponses aux questions que je vous ai posées et auxquelles vous n’avez pas répondu jusqu’à maintenant.

Il y a la place, je crois, pour un discours plus raisonnable, qui consiste à reconnaître sans réserve la légitimité de la majorité parlementaire et celle du Président de la République élu. Personne ne la conteste et ne la contestera dans les cinq ans qui viennent.

Mais, nonobstant cette légitimité, l’opposition a des droits à faire valoir, des remarques à faire, des suggestions à formuler. Je vous demanderai, mes chers collègues de la majorité, de les accueillir avec un petit peu moins de morgue et d’arrogance. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Chartier. C’est vous qui avez commencé !

M. Jérôme Cahuzac. C’est un trait commun à toutes les majorités lorsqu’elles s’installent.

Dans l’euphorie de la victoire récente, tout paraît possible et tout semble aisé. Cette euphorie – vingt-cinq ans d’histoire politique de la VRépublique pourrait vous le rappeler – est rarement durable pour la majorité.

La confiance que les Français ont pu placer dans cette majorité et qui existe tout naturellement au début de la mandature s’étiole à mesure que l’euphorie se réduit.

Madame la ministre, je le répète, la motion de renvoi en commission que j’ai l’honneur de présenter n’a ni pour vocation de bloquer votre action, ni d’empêcher le soutien de la majorité dont vous vous réclamez. C’est simplement un appel à la sagesse. Je vous remercie de bien vouloir l’entendre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Vous avez, monsieur Cahuzac, au début de votre intervention, que je préfère retenir par rapport à quelques propos empreints d’un certain mépris à l’encontre de mon collègue haut-commissaire, rendu hommage à l’ambition de ce texte, en indiquant qu’il s’agissait d’un texte fondateur.

M. Henri Nayrou. Fossoyeur !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. C’est effectivement, à plusieurs titres, un texte fondateur. D’abord, il respecte intégralement les engagements du Président de la République pris pendant la campagne présidentielle.

C’est ensuite un texte fondateur parce que, comme l’a rappelé Mme la ministre dans ses interventions, il relance la croissance et la confiance dans notre pays.

M. Jean-Claude Sandrier. Cela fait cinq ans que cela dure !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous assumons pleinement nos choix ; d’autant plus qu’ils ont été validés par les Français lors des quatre tours de scrutins, ces dernières semaines.

L’étude d’impact que vous évoquez régulièrement, c’est sans doute cette confiance massive accordée par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Bourguignon. C’est de l’autisme !

M. Guy Geoffroy. Ce sont des engagements, ce ne sont pas des « promesses » !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Ce texte présente le grand mérite de sortir du leurre du partage du travail, qui a miné notre pays depuis vingt-cinq ans, qui a fait tant de mal économiquement, tant de mal dans les esprits et qui a bloqué, dans notre pays, les salaires depuis plus de cinq ans.

Ce modèle social tel qu’on le décrivait, ce système de partage du travail n’a été repris par personne au monde.

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ? En 1789 aussi, nous étions pionniers !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous préférons aujourd’hui, comme cela a été indiqué hier à plusieurs reprises, investir un peu plus de 13 milliards d’euros dans la croissance et l’emploi, pour libérer les énergies, le potentiel économique et de croissance dans notre pays, plutôt que les 11 milliards destinés aux 35 heures, qui ont verrouillé le travail dans notre pays, empêché les gens de travailler et bloqué les entreprises dans leur croissance.

Vous avez évoqué, monsieur le député, la question des finances publiques et du financement de ce programme. Je doute que nous ayons des leçons à recevoir en la matière. Je voudrais me livrer à un bref rappel, sous le contrôle de M. le rapporteur général, de la sincérité des budgets primitifs en année électorale. Le budget de l’année 2007 sera exécuté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Jean-Marie Le Guen. Voulez-vous que nous parlions de la sincérité de vos comptes sociaux ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Il n’en était pas de même lors de l’élaboration du budget de 2002, pour lequel une loi de loi de finances rectificative de 7,5 milliards d’euros a été nécessaire car le budget primitif initié n’était pas sincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette majorité a engagé des réformes considérables en matière de stabilisation et de baisse de la dépense publique. Cela reste un objectif du Président de la République, qu’il est allé défendre cette semaine encore, avec Mme la ministre de l’économie et des finances à Bruxelles.

Enfin, s’agissant de la question du pouvoir d’achat que vous avez évoquée, monsieur le député, nous allons, en effet, ne vous en déplaise, redonner du pouvoir d’achat aux Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Ce projet de loi va faire sauter un certain nombre de verrous et libérer les entreprises qui ont de la croissance, de la créativité et de l’activité en réserve.

M. Jean-Pierre Balligand. Ça, c’est présomptueux !

M. Daniel Mach. Non, ambitieux !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. En fait, libérer l’emploi et le pouvoir d’achat, tel est l’un des objectifs de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Domergue. En écoutant M. Cahuzac, j’ai eu le sentiment qu’il ne s’arrêterait jamais !

M. Jean-Louis Idiart. Et vous, vous parlez pour ne rien dire !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui, car notre collègue a été brillant !

M. Jacques Domergue. J’ai regretté que sa présentation théâtrale, l’énergie qu’il a déployée dans son plaidoyer extraordinaire contre une réforme attendue par tous les Français depuis maintenant plusieurs années (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) n’aient pas été utilisées positivement pour faire ressortir les éléments qui vont permettre à la France et aux Français de reprendre confiance en leur avenir.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jacques Domergue. Monsieur Cahuzac, vous avez commencé par rendre hommage au texte et à ceux qui l’ont rédigé. Vous avez souligné aussi la cohérence qu’il y avait entre l’investissement réalisé – car c’est bien d’investissement qu’il s’agit : 13 milliards d’euros, ce n’est pas rien – et les promesses de campagne du Président de la République. Vous auriez dû poursuivre dans cette voie et souligner que ce texte fondateur permettra à la France et aux Français de reprendre confiance en leur avenir ainsi qu’en une notion que vous avez dévalorisée pendant cinq ans : celle du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, la France a besoin de travail ! Oui, la France a besoin de recréer des emplois.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n’est pas ce à quoi nous assistons !

M. Jacques Domergue. Mais, monsieur Cahuzac, nous n’avons pas la même conception de l’emploi. Pour vous, c’est de l’emploi public, de l’emploi que l’on décrète (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen),…

M. Roland Muzeau. Toujours la même rengaine !

M. Jacques Domergue. …de l’emploi qui n’a pas à être productif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Or ce dont notre pays a besoin, c’est de créer de l’activité et des richesses (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), c’est de faire en sorte que ceux qui ont quitté le territoire parce qu’ils n’avaient pas les moyens de s’exprimer puissent revenir en France et y créer de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes le parti des émigrés, le parti de l’étranger !

M. Jacques Domergue. Redonnons confiance aux entreprises. C’est ainsi que nous ferons naître les futurs emplois. Redonnons confiance aux Français pour qu’ils travaillent davantage. Telles sont les valeurs de ce texte fondateur sur lequel nous aurons à nous prononcer.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Jacques Domergue. Jamais un texte n’a été autant discuté en commission ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Pas moins de quatre commissions se sont prononcées.

M. Jean-Louis Idiart. On ne dispose d’aucun élément !

M. Jacques Domergue. Elles ont pu l’analyser, l’amender et le faire évoluer pour aller dans le sens des vœux exprimés par le Président de la République pendant la campagne électorale.

Monsieur Cahuzac, allez expliquer aux millions de Français qui vont bénéficier de la déduction fiscale sur les intérêts d’emprunt que ce n’est pas une bonne mesure !

M. Philippe Plisson. Cela concerne 2 000 personnes !

M. Jacques Domergue. Allez expliquer aux Français qui ne peuvent augmenter leur pouvoir d’achat parce qu’ils n’ont pas la possibilité de travailler plus, que les heures supplémentaires ne leur permettront pas de mieux gagner leur vie !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Ce n’est pas ça qui va augmenter leur pouvoir d’achat !

M. Jean-Louis Idiart. Vous aviez cinq ans pour le faire !

M. Jacques Domergue. Oui, monsieur Cahuzac, les Français attendent que nous prenions nos responsabilités. Mais soyons courageux : allons jusqu’au bout. Faisons en sorte que le pays se reprenne et créons une dynamique favorable à l’emploi et à l’activité.

M. Jean-Pierre Balligand. Vous étiez au pouvoir pendant cinq ans !

M. Jacques Domergue. N’allons pas à l’encontre des attentes des Français. La confiance est en train de naître ; c’est ainsi que la reprise économique sera au rendez-vous. Cet investissement de 13 milliards, nous le rentabiliserons dans les mois et les années qui viennent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) C’est cela la nouvelle façon de gérer un pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Plisson. Comme vous l’avez fait pendant cinq ans !

M. Jacques Domergue. Certes, je comprends que cela vous surprenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ne décourageons personne. Ne soyons pas négatifs. Nous sommes dans un monde où les choses vont vite. Vous avez parlé pendant une demi-heure. Vous auriez pu tout aussi bien exprimer les mêmes idées en cinq minutes. Oui, le temps compte ! Oui, le temps presse !

M. Philippe Plisson. Vous n’avez rien à dire. Là aussi, on pourrait gagner du temps !

M. Jacques Domergue. Oui, nous devons nous hâter, car, si nous ne nous adaptons pas au monde dans lequel nous vivons, la France entière sera en difficulté !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. Jacques Domergue. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejette cette motion de renvoi en commission, qui ne changera rien. Prenons, au contraire, nos responsabilités en séance publique. Faisons en sorte que la France se ressaisisse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Pour ma part, je voudrais féliciter M. Cahuzac ! Pourquoi ? Parce qu’il a fait acte de repentance. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Il a, en effet, reconnu que François Mitterrand – le prince de l’ambiguïté comme on le surnommait – …

M. Jérôme Cahuzac. Je sais qu’il vous obsède ! Mais n’est pas prince qui veut !

M. Charles de Courson. …s’était fait élire en sachant parfaitement que ce qu’il promettait ne pourrait pas être financé.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Eh oui !

M. Charles de Courson. Je vais même plus loin, monsieur Cahuzac. Vous vous découvrez soudainement vertueux. Mais que ne l’avez-vous été durant la campagne présidentielle ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Eh oui !

M. Charles de Courson. Pourquoi n’avez-vous jamais posé une question toute simple à Ségolène Royal : comment allait-elle financer les 62 milliards que représentaient ses promesses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ne vous reproche pas aujourd’hui de poser la question du financement, monsieur Cahuzac. Je l’ai moi-même longuement développée lors de mon intervention en m’interrogeant sur la manière dont seront financés les 13 milliards – selon moi, un peu plus – que représentent les mesures de ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Il se trouve que, contrairement à vous, moi, j’ai donné une réponse et j’ai fait des propositions au nom du groupe du Nouveau Centre.

M. Jérôme Cahuzac. Et M. Bayrou ?

M. Jean-Pierre Balligand. Ne sois pas trop méchant ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Vous n’allez jamais au fond des choses. Or, en politique, il faut toujours se méfier des effets boomerang, monsieur Cahuzac !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Certainement !

M. Charles de Courson. En tout état de cause, je constate que vous n’avez toujours pas répondu sur les 62 milliards de dépenses de Mme Royal !

Permettez-moi de revenir, pour la troisième fois, à votre argument consistant à dire que cette majorité ne travaille que pour les riches.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Eh oui !

M. Charles de Courson. Mais, monsieur Cahuzac, qui fait des heures supplémentaires – mesure qui représente la moitié du coût de l’ensemble des mesures – : les milliardaires ?

M. Jean-Pierre Brard. Ils en profitent !

M. Charles de Courson. Vous savez parfaitement que cela concerne un tiers des salariés, c’est-à-dire 8 millions de personnes, qui sont, pour la plupart d’entre eux, des gens modestes. Ce sont eux qui font des heures supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Qui acquiert sa maison, monsieur Cahuzac ? Uniquement les riches ? Mais vous oubliez que 57 % des Français sont propriétaires ! De plus, la mesure est plafonnée à un montant de prêts qui correspond à l’achat d’un logement de 150 000 euros. Monsieur Cahuzac, 150 000 euros, c’est le prix moyen actuel d’un logement en France ! Alors, cessez de dire que ce sont des mesures pour les riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. Mme Lagarde a parlé de 800 000 euros !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, cette mesure prend la forme d’un crédit d’impôt. Ainsi, tout le monde en bénéficiera : imposables comme non imposables.

Et je peux vous certifier que le crédit d’impôt n’intéresse absolument pas les riches. Que représentent pour eux 1 500 ou 1 800 euros de réduction d’impôt ? Ce n’est donc pas leur problème.

M. Jean-Pierre Brard. Ils sont âpres au gain, ces gens-là !

M. Charles de Courson. Alors, cessez de dire que cette mesure est pour les riches ! Elle bénéficie clairement aux personnes les plus modestes, en particulier aux non imposables.

Ce que vous avez dit à propos des étudiants n’est, là encore, pas très sérieux, monsieur Cahuzac. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) En effet, la mesure est plafonnée à trois SMIC. Elle bénéficiera aux étudiants qui font leur propre déclaration d’impôt. La mesure est donc intéressante pour eux. Lorsque l’on est seul dans la vie et que l’on gagne 1 SMIC, 1,2 ou 1,3 SMIC pour financer ses études, on est imposable, monsieur Cahuzac.

Or, avec la mesure prévue, l’étudiant ne sera plus imposable. Là encore, elle n’intéresse pas la toute petite minorité issue des couches sociales les plus élevées. Cela ne représente en effet rien pour elles. C’est négligeable. Donc, cessez de répéter que cette mesure est destinée aux riches !

J’en viens aux deux mesures dont vous parlez exclusivement, si bien que l’on peut croire que le paquet fiscal ne comporte que deux mesures : le bouclier fiscal et les droits de succession.

M. le rapporteur nous annonce un coût de l’ordre de 800 millions d’euros pour le bouclier fiscal. Je me permets de rappeler que l’on nous avait expliqué l’année dernière que le bouclier fiscal à 60 % coûterait 400 millions. Or nous en sommes à 100 millions d’euros pour 1 750 personnes.

M. Henri Nayrou. À quoi cela sert-il alors ?

M. Charles de Courson. Je suis de ceux qui pensent que, s’il est voté en l’état, il sera beaucoup moins coûteux. Si l’on finit à 400 millions, cela représentera 3 % du coût de l’ensemble des mesures de ce texte.

M. Philippe Plisson et Mme Chantal Robin-Rodrigo. Alors, pourquoi ?

M. Charles de Courson. Pourtant, vous ne parlez que de cela. Alors, mes chers collègues, un peu de sérieux.

Quant aux droits de succession, vous savez parfaitement, mon cher collègue, que plus des trois quarts des ménages ont déjà fait une donation au dernier vivant. Toute une série de mesures qui permettent d’obtenir le même résultat existent donc déjà.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi en rajouter ?

M. Charles de Courson. Alors, cessez de dire que le paquet fiscal est massivement destiné aux couches sociales les plus aisées ! Ce n’est pas exact. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera la motion de renvoi en commission. Une seule raison suffirait pour justifier le renvoi en commission : l’inquiétante incertitude concernant le financement des mesures envisagées.

M. Jean-Pierre Soisson. Cela vous va bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Inquiétante incertitude sur les recettes d’abord, qui sont exclusivement fondées sur un hypothétique gain de croissance. Des études très sérieuses – Natixis, HSBC France – contestent d’ores et déjà vos hypothèses de croissance. Première incertitude.

La deuxième incertitude porte sur les dépenses. Vous prétendez vouloir baisser la dépense publique – cela fait plaisir à un certain nombre de personnes – sans préciser de quelle dépense publique il s’agit, même si l’on a une vague idée de ce qui se profile avec le budget pour 2008. Ce que l’on sait, c’est qu’il y aura moins de postes dans les écoles, qu’un certain nombre d’hôpitaux ont déjà reçu leur dotation de l’État, laquelle est inférieure à l’augmentation de l’inflation. On sait que, en matière de justice, des menaces pèsent sur les cours d’appel et les tribunaux d’instance ainsi que sur les dotations des collectivités, qui sont les principaux investisseurs dans notre pays.

Ajoutons-y le silence assourdissant concernant la TVA dite « sociale » et la vente du patrimoine national – 16 milliards d’euros l’an dernier, 3 milliards d’actions France Télécom, on parle d’actions d’EDF – qui accompagne votre politique.

Cette raison à elle seule suffirait à justifier la motion de renvoi en commission, mais je vais prendre un autre exemple, celui du malheureux réfugié fiscal qui s’expatrie en Grande-Bretagne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Vous avez précisé, madame la ministre, qu’il prenait l’Eurostar à la gare du Nord et qu’il allait en Grande-Bretagne pour faire des affaires, dans le secteur bancaire notamment. Mais vous avez oublié de préciser que ce réfugié fiscal revient chaque soir en France. Pourquoi ? Pour une raison très simple : un cadre supérieur sur six quitte la Grande-Bretagne. Savez-vous pourquoi il quitte ce pays, et pas forcément pour des paradis fiscaux ? Il quitte un pays en voie de tiers-mondisation, en ce qui concerne la santé, les transports ou le développement inquiétant de la criminalité, par exemple.

La Grande-Bretagne est certainement un paradis pour les riches, mais il est clair que ce n’en est pas un pour les pauvres : 22 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. S’agissant de la baisse du chômage, tout le monde sait ici comment les statistiques ont été truquées : deux millions de travailleurs ne sont plus comptabilisés car ils ont été déclarés inaptes et ont reçu une indemnité. Voilà le pays que vous nous donnez en exemple !

Vous commettez deux erreurs, liées à votre idéologie : faire croire qu’enrichir les riches permettra, d’une part, de créer des richesses et, d’autre part, de mieux celles-ci. Le problème n’est pas d’être pour ou contre les riches, comme je l’ai entendu dire hier par un de nos collègues de l’UMP, mais de savoir qui crée des richesses et comment elles sont réparties. Or, aujourd’hui, les inégalités se creusent partout dans le monde, aux États-Unis et en Grande-Bretagne comme dans notre pays. Les chiffres ont déjà été cités, ils n’ont pas été contestés ; je ne les reprendrai pas.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Les richesses, c’est le travail qui les crée. Or, aujourd’hui, le travail est moins rémunéré que les dividendes : les profits du CAC 40 ont augmenté de 250 % depuis quatre ans, les dividendes de plus de 100 %, les salaires de ces entreprises n’ont progressé que de 6,6 %. Plutôt que de favoriser le travail, vous aidez les rentiers et les oisifs. C’est toute la différence entre vous et nous.

Nous voterons donc la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, au moment où vous me donnez la parole, je voudrais à la différence des membres du Gouvernement et de mes collègues de l’UMP saluer l’exercice auquel s’est livré Jérôme Cahuzac, non seulement en raison du talent dont il a fait preuve, mais aussi, mesdames et messieurs de la majorité, en raison de la précision de ses arguments et de ses questions, ce qui vous gêne le plus.

Le débat que nous voulons engager avec vous, qui devrait être l’honneur de cette assemblée, sur le coût et l’impact réels de vos mesures…

M. Michel Bouvard. Et celui des 35 heures !

M. Gaëtan Gorce. …et la capacité de nos finances à supporter les dépenses qu’elles engagent, vous vous efforcez de le contourner. Vous employez pour cela – de manière paradoxale puisque vous êtes aux responsabilités – un argument qui est d’abord idéologique et politique, quand nous vous parlons d’enjeux économiques, fiscaux et sociaux. Votre seule justification est de dire que les mesures proposées figuraient dans le programme du Président de la République,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est toute la différence entre vous et nous : nous avons un programme et nous l’appliquons !

M. Gaëtan Gorce…ancien ministre de l’intérieur, ancien ministre des finances, qui participe à la gestion des affaires publiques depuis cinq ans.

Plus encore, cet engagement est fondé sur des a priori que vous ne pouvez absolument pas justifier d’un point de vue économique et technique : le premier a priori, c’est que les Français ne travailleraient pas assez ; le second, c’est que ceux qui voudraient gagner beaucoup d’argent ne pourraient obtenir une juste récompense de leurs efforts. Au fond, comme l’a bien dit Jérôme Cahuzac, vous vous attaquez directement, sans vouloir l’assumer, à la durée légale du travail, que vous contournez sans cesse, et à l’impôt de solidarité sur la fortune.

Si j’insiste sur ce point, c’est pour mieux souligner le biais extrêmement grave dans votre raisonnement et les conséquences que cela aura. Nous savons bien que vos assertions sont fausses. « Les Français ne travaillent pas suffisamment » : non, nous ne sommes pas suffisamment nombreux à travailler. Et c’est la qualité du travail qui peut être mise en question – insuffisance des formations proposées aux salariés, insuffisance des investissements réalisés dans les entreprises. « Les riches ne sont pas suffisamment riches » : Le Monde publiait hier les conclusions d’un rapport du CNRS montrant que les écarts de patrimoine et de revenus n’avaient jamais été aussi élevés.

Le problème, c’est qu’à partir de tels fondements, vous justifiez des dépenses qui représenteront pour la collectivité nationale un coût considérable, difficile à évaluer, dont l’efficacité est extrêmement douteuse. Notre rôle est de vous rappeler à vos responsabilités. Pouvons-nous aujourd’hui nous permettre, dans la situation où vous avez placé depuis cinq ans nos finances publiques et nos finances sociales, un « paquet fiscal » – dont on ignore s’il sera de 11, 12, 13, 15 ou 16 milliards d’euros – sans que l’on sache quelle compensation vous prévoyez pour la sécurité sociale…

M. Michel Bouvard. Ce sera plus facile que pour le FOREC !

M. Gaëtan Gorce…et quel gage pour les finances publiques ?

Dans l’intérêt du pays, et du Parlement dont les débats devraient être autres que ces affrontements idéologiques un peu surannés sur la réduction du temps de travail,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. Gaëtan Gorce…vous devriez nous répondre précisément. Comment comptez-vous compenser le manque à gagner pour la protection sociale que vont représenter les exonérations de cotisations introduites dans votre projet alors que le déficit cumulé a atteint un niveau record ? J’ai posé la question à plusieurs reprises à Mme la ministre de l’économie et des finances, tout comme mon collègue Jérôme Cahuzac : nous n’avons pas obtenu de réponse. Pourtant, cette réponse, vous devrez bien nous l’apporter cet automne. Il serait logique que les Français et les parlementaires soient mis au courant de vos intentions auparavant : y aura-t-il de nouveaux prélèvements sur les ménages pour combler le déficit que vous allez creuser ? Selon quelles règles de justice et de solidarité, qui semblent aujourd’hui vous inspirer, déterminerez-vous ces prélèvements ?

M. Lionnel Luca. Quelles arguties !

M. Gaëtan Gorce. Le niveau d’endettement va croître, le déficit public augmentera encore cette année. Il serait dès lors intéressant de savoir quelle est la nature exacte des engagements que le Président de la République a pris à Bruxelles, car j’entends dire ici ou là qu’il en aurait pris.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gorce.

M. Lionnel Luca. Il s’écoute parler !

M. Gaëtan Gorce. Dans l’intérêt du Parlement et de nos finances publiques, il serait utile, sur ces questions précises, qui n’ont rien d’idéologique ou de polémique, d’avoir des réponses précises. Car ce qui est en jeu, c’est l’avenir de nos finances publiques, de nos finances sociales et, d’une certaine manière, ce qui est peut-être moins grave, votre crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. Jean-Louis Idiart. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, il ne vous aura pas échappé que nous travaillons dans des conditions un peu particulières : nous siégeons ce matin alors que des réunions de groupe sont prévues. Je sollicite donc une suspension de séance d’une demi-heure afin que nous puissions participer à la réunion du groupe socialiste, radical et citoyen.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je souligne que, contrairement à ce que prétend M. Jacques Domergue, nous ne travaillons pas dans des conditions idéales, puisque nous travaillons dans l’urgence, comme l’a souligné Charles-Amédée de Courson.

Au nom de Jean-Claude Sandrier, je demande donc une suspension de séance d’une heure pour réunir les actionnaires de notre conseil d’administration, madame la ministre. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Brard, je vous rappelle que vous n’avez pas de délégation de votre groupe. Vous n’êtes donc pas habilité à demander une suspension de séance. Mais M. Idiart a celle du groupe socialiste, radical et citoyen : sa demande est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, avant que ne s’engage la discussion des articles, je souhaite préciser très brièvement les critères que j’ai retenus pour appliquer l’article 40 de la Constitution aux quelque 470 amendements qui ont été déposés sur le présent projet de loi.

Comme j’ai pu l’indiquer aux membres de la commission des finances lors de la réunion du 5 juillet dernier, tout amendement ayant pour conséquence une perte de recettes doit être correctement gagé. Cette exigence est formelle, mais pas seulement : il s’agit d’une véritable responsabilisation qui oblige chacun d’entre nous à mesurer la portée financière d’un amendement. J’ai donc dû déclarer irrecevables 54 amendements, la plupart parce qu’ils n’étaient pas gagés.

Pour le reste, tout amendement entraînant l’aggravation d’une charge publique, ne pouvant pas être gagé, tombe alors directement sous le couperet de l’article 40. C’est le cas dès qu’une disposition prévoit une dépense supplémentaire pour l’État, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale. Je réponds en cela à Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, qui exprimait quelques regrets devant l’absence de propositions des députés sur le revenu de solidarité active.

S’agissant de la compensation financière du RSA aux départements, je crois avoir fait preuve de souplesse compte tenu des engagements qui ont été pris par le Gouvernement lors de la réunion commune de la commission des finances et de la commission des affaires sociales le 4 juillet dernier.

Enfin, pour que les choses soient bien claires s’agissant de l’interprétation de l’article 40 de la Constitution, j’enverrai un courrier à tous nos collègues, ainsi qu’aux présidents de groupe, pour leur rappeler les règles et les obligations qui incombent aux auteurs d’amendements.

En outre, dans le même souci de transparence, j’espère pouvoir prochainement indiquer sommairement les raisons de l’irrecevabilité de tout amendement déposé, ce qui permettrait éventuellement à son auteur d’y apporter les corrections nécessaires.

Malgré tout, il reste 410 amendements à examiner. Je nous souhaite un bon débat ! (Sourires.)

Discussion des articles

M. le président. Nous en venons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. L’article 1er prévoit des exonérations fiscales et des réductions de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, au nom de « travailler plus pour gagner plus ». Avouez que c’est la moindre des choses, car, si l’on devait travailler plus pour ne pas gagner plus, cela poserait problème ! Je rappelle que c’est M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, qui avait réduit, en 2002, la majoration des heures supplémentaires de 25 à 10 % – à l’époque, il s’agissait de travailler plus pour gagner moins. Vous ne faites que rétablir l’ancien taux.

Vous prétendez qu’encourager les heures supplémentaires revient à valoriser le travail et que c’est la seule manière de gagner plus. Au contraire, cela veut dire que les bas salaires ne peuvent pas, par leur seul travail, subvenir à leurs besoins ni à ceux de leur famille en matière d’éducation, de santé, etc. Nous sommes donc en désaccord sur la façon de valoriser le travail.

La disposition que vous proposez risque aussi d’entraîner un blocage du taux horaire des salaires, les patrons considérant alors que les salariés n’auront qu’à travailler plus pour gagner plus.

J’en viens enfin au problème des temps partiels contraints, qui concernent, on le sait, à 80 % des femmes. Nous avions déjà abordé cette question dans la précédente législature, lors de l’examen du texte sur l’égalité salariale. Rien n’avait alors été envisagé pour que les femmes puissent obtenir des temps pleins. Ici, tout ce que vous proposez, ce sont des heures complémentaires. Or, comme pour les heures supplémentaires, ce sont les chefs d’entreprise qui décideront s’il peut ou non y avoir heures complémentaires et qui pourra en bénéficier.

Bref, pour tous les petits salaires, pour toutes ces femmes qui sont à temps partiel contraint, le moins que l’on puisse dire, c’est que la revalorisation du travail ne passe par cet article de loi !

En plus, madame la ministre, opposer heures supplémentaires et temps libre est économiquement absurde parce que je vous ferai remarquer que ce processus de réduction du temps de travail court sur un siècle. Vous êtes en train de nous dire qu’il faut revenir dessus et retourner à l’époque où nous travaillions 40 heures, 45 heures, 48 heures par semaine – c’est même écrit dans le rapport –, c’est-à-dire atteindre le maximum autorisé par les textes européens.

C’est économiquement absurde parce que la réduction du temps de travail a permis le développement de secteurs économiques nouveaux : les salariés qui travaillent un peu moins peuvent consacrer ce temps libéré au bénévolat – nous en avons besoin dans notre société, et vos gouvernements des cinq dernières années n’ont pas arrêté d’y faire appel. Mais, pour pouvoir faire du bénévolat, faut-il encore avoir du temps libre. Ce n’est pas en travaillant 48 heures par semaine qu’on augmentera le nombre de bénévoles. La réduction du temps de travail permet aussi, par exemple, de faire du bricolage, du jardinage, secteurs qui, justement, ont explosé depuis la réduction du temps de travail et ont créé massivement de l’emploi. Ce sont en plus des secteurs à emplois non délocalisables, ce qui est particulièrement intéressant. Je pourrais prendre bien d’autres exemples d’activités qui, grâce à la réduction du temps de travail, se sont développées de manière très importante en créant de tels emplois.

Autre conséquence de cet article : l’inégalité des salariés devant les heures supplémentaires. En effet, faut-il encore être imposable pour que votre dispositif ait un intérêt, puisque vous proposez une défiscalisation, et non un crédit d’impôt. Quant à la défiscalisation des heures complémentaires prévue dans l’alinéa 5, c’est à se demander si vous êtes sérieuse ! Croyez-vous vraiment que les salariés qui en sont à essayer d’obtenir des heures complémentaires soient imposables ? De qui se moque-t-on ? Par contre, pour ceux qui ont des salaires plus élevés et qui vont pouvoir accomplir des heures supplémentaires défiscalisées, c’est différent. Vous introduisez ainsi des inégalités entre salariés et des inégalités devant l’impôt.

S’agissant de la réduction des cotisations salariales, votre réponse ne m’a pas complètement convaincue.

M. le président. Madame Billard, je vous prie de conclure.

Mme Martine Billard. Je vais conclure, monsieur le président.

Vous nous dites, madame la ministre, que les salariés ne perdront pas de droits à la retraite : mais c’est la loi, puisqu’ils cotisent ! C’est donc bien le moins qu’ils ne perdent pas leurs droits.

M. Jérôme Chartier. Ça n’a pas toujours été le cas, madame Billard !

Mme Martine Billard. Je termine en rappelant que dans le rapport de la commission des finances, pages 81 et 82, il y a un flou concernant la compensation des exonérations, notamment pour les régimes de retraite complémentaire et l’ASSEDIC. Nous aimerions obtenir des réponses plus précises que des envolées sur des points qui, finalement, ne posent pas de problème.

M. Alain Cacheux. Très bonnes questions !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque orateur ne dispose que de cinq minutes.

M. Alain Cacheux. Mais ce sont des sujets importants, monsieur le président ! Il y en a pour 15 milliards d’euros !

M. le président. Compte tenu du nombre d’orateurs inscrits, je vous demande de vous en tenir à ce temps et, quand je vous rappelle à l’ordre, de conclure – comme l’a fait d’ailleurs Mme Billard.

La parole est à M. Henri Nayrou, pour cinq minutes.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, si le sujet n’était pas sérieux, et même souvent dramatique, on pourrait trouver drôle le titre de votre projet de loi en raison des mots qui y figurent : travail, emploi, pouvoir d’achat. L’article 1er traite de ce qui constitue selon vous, madame la ministre, l’arme décisive contre les fléaux qui rongent notre économie, les « cinq C » : chômage, consommation, croissance, comptes publics et comptes sociaux. Toute aussi étonnante est la phrase au début de l’exposé des motifs : « L’augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage […] ». Les exemples danois et hollandais devraient permettre à l’auteur de cette phrase de concourir au grand prix de l’humour noir.

Je ne vais pas revenir ici sur les divers errements que me collègues ont déjà soulignés, mais je tiens à insister sur plusieurs points.

D’abord sur le fond : vous êtes partie du principe que, pour stimuler le pouvoir d’achat, la consommation et la croissance, il fallait travailler plus. Principe contestable, mais, après tout, pourquoi ne pas essayer ? Or voilà que vous choisissez le levier des heures supplémentaires, qui n’est, ni plus ni moins, qu’une action de pacotille parce que ce n’est pas un levier mais une conséquence. En effet, ce ne sont pas les heures supplémentaires qui créent la croissance, mais c’est la croissance qui débouche sur l’emploi et son lot d’heures supplémentaires.

Deuxième choix négatif : permettre à quelques-uns de travailler plus au détriment du plus grand nombre. Parce que cela ne permettra pas d’agir efficacement sur le triptyque travail-emploi-pouvoir d’achat.

Troisième élément contestable dans cet article 1er : les ruptures du principe d’égalité fiscale et sociale, et le non-respect des dispositions constitutionnelles, qui promettent à votre texte le même sort qu’au CNE, lequel trône désormais au chapitre des fausses bonnes idées de l’UMP, conformément à ce que nous vous avions dit et répété en 2005.

Pour conclure, je ferai deux commentaires.

Premièrement, en ce début de législature, vous commettez les mêmes fautes qu’en 2002, lorsque le Gouvernement nous avait assurés que, en baissant l’impôt sur le revenu au profit avéré des contribuables les plus aisés, il allait relancer la machine économique. C’était une supercherie !

Enfin, je suis sidéré par le caractère élastique de la notion de rupture, théorisée par M. Sarkozy mais prudemment appliqué par le Président de la République. L’essentiel de vos argumentaires tourne autour des 35 heures. Toute votre misérable stratégie exposée ici (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jérôme Chartier. Ne soyez pas excessif, monsieur Nayrou ! Même vous, vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. Henri Nayrou. …est élaborée à partir de la critique des lois sur la durée du travail. Même M. Carrez, le rapporteur général du budget, y consacre plus de dix pages dans son rapport sur ce projet de loi. Dès lors, je ne comprends toujours pas pourquoi vous n’avez pas eu le courage d’abroger la loi sur les 35 heures, qui, si elle a suscité des inconvénients pour quelques catégories de salariés – pourquoi le nier ? –, a eu le gros avantage de créer des emplois autrement plus efficaces pour notre société que vos CNE (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), CPE, CDD à répétition et autres heures supplémentaires. Un jour de 2006, M. Sarkozy a dit que ce qu’avait produit une loi, une autre pouvait le supprimer. Alors, assumez, au lieu de tourner autour du pot et de nous sortir des usines à gaz qui vont vous exploser à la figure ! Je sais aujourd’hui que la rupture économique s’arrête là où commence le risque politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je voudrais commencer en citant un article de presse révélateur de ce qu’un certain nombre de nos concitoyens ressentent. Il s’agit d’une prise de position d’un salarié de l’usine Kronenbourg. Il a cinquante-cinq ans et un fils aîné qui travaille comme saisonnier depuis dix ans dans la brasserie. Voici ce qu’il déclare : « On voudrait nous obliger à faire des heures sup alors que nos enfants n’arrivent pas à être embauchés. On marche sur la tête. » Cette opinion est largement partagée dans les milieux les plus défavorisés, en particulier parmi ceux qui cherchent un emploi ou ont des CDD, des emplois précaires, des emplois à temps partiel et qui souhaiteraient trouver un emploi à temps complet. Mais votre souci premier n’est manifestement pas de développer l’emploi. C’est bien plutôt de permettre davantage de flexibilité dans le fonctionnement des entreprises. Cela les rendra peut-être plus performantes, rémunérera mieux les dividendes des actionnaires,…

M. Jean-François Chossy. Caricature !

M. Michel Liebgott. …mais ne réglera évidemment pas le problème des salariés précaires.

Je veux également rappeler que tous les syndicats sont opposés aux réformes que vous proposez. Les formules qu’ils utilisent sont nombreuses : la CGT parle d’ « arnaque », la CFDT dit que c’est « inéquitable » et qu’on les prend pour des « andouilles » ; même la CFE-CGC déclare que « c’en est trop », notamment à propos des forfaits-jours.

Même la stratégie globale que vous adoptez soulève des questions. Madame la ministre, vous avez parlé tout à l’heure d’équilibre entre l’offre et la demande. Mais, si vous aviez vraiment le souci de l’offre, vous vous seriez d’abord préoccupée des salariés qui n’en sont plus aujourd’hui et qui sont demandeurs d’emploi,…

M. Alain Cacheux. Évidemment !

M. Michel Liebgott. …à travers notamment des mesures que nous proposions et que nous continuerons de préconiser. Lorsqu’il y a un chômage élevé, c’est une sécurité sociale professionnelle qu’il faut mettre en place. Comment imaginer des heures sup alors que tant de gens ne travaillent pas de façon régulière et n’ont pas un salaire régulier ?

Il faut donc accomplir des efforts en faveur de la formation, mais aussi et d’abord des hommes. Or vous ne parlez pas des salariés, mais exclusivement des entreprises, des structures, du fonctionnement macro-économique. Et vous savez bien que tous ceux qui pourraient espérer gagner un peu plus parce qu’ils travailleront plus verront leur niveau de vie diminuer du seul fait du coût fiscal des mesures que vous proposez. Par contre, les entreprises, elles, ne paieront pas plus d’impôts. Le bouclier fiscal leur permettra même de ne pas payer leur dû aux collectivités locales – on l’a bien compris lorsqu’on est élu local.

Nous divergeons fondamentalement de votre texte : nous, nous sommes pour une relance par la demande.

Nous condamnons également la disparition de certains dispositifs – et je regrette que M. Hirsch ne soit pas présent. Lors du dernier quinquennat, on a bien vu que vous aviez supprimé tous les emplois aidés, même si vous en aviez remis un peu à la fin, via M. Borloo, parce qu’il fallait faire un peu d’électoralisme, et, aujourd’hui, les emplois aidés disparaissent à nouveau. J’espère que vous nous expliquerez comment on fera dans les collectivités locales si ce sont les entreprises – dans les zones urbaines sensibles par exemple – qui doivent accueillir tous les jeunes demandeurs d’emploi. Il faudrait au contraire leur proposer des processus d’intégration et de professionnalisation progressifs parce que, malheureusement, vous le savez, pour des raisons diverses, ces jeunes-là ne trouveront pas d’emploi alors même que les associations sont demandeuses.

Pour terminer, je remarque que vous manquez de cohérence. Depuis plusieurs années, votre majorité crie haro sur les 35 heures. Mais y a-t-il eu, ou non, des manifestations populaires nombreuses, massives, contre les 35 heures ?

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais les salariés ont été trompés !

M. Jean-Louis Idiart. Il n’y a même pas eu de manif de l’UMP !

M. Michel Liebgott. L’honneur de ce parlement n’est-il pas de légiférer pour que nos concitoyens travaillent mieux et vivent mieux ? Tel est l’objectif du politique.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ils ont été appauvris par les 35 heures !

M. Michel Liebgott. Il ne s’agit pas forcément de plus ou de moins : sommes-nous ici pour du qualitatif ou pour du quantitatif ? Derrière vos politiques technocratiques, vous oubliez l’homme. À ce que je sache, il n’y a pas eu de manifestations contre les 35 heures. En revanche, des décisions de justice ont été rendues contre le CNE parce que, heureusement, la justice, ici ou là, peut encore être indépendante – même si elle l’est sans doute de moins en moins parce qu’elle est critiquée, y compris par les plus hauts responsables politiques de l’État. Heureusement, il existe encore une justice qui protège les salariés et les citoyens. Soyez au moins cohérent : abrogez les 35 heures, ce sera plus clair, plutôt que de nous proposer chaque année une loi qui les modifie en permettant des extensions du temps travaillé par le biais des heures supplémentaires, ou comme aujourd’hui des défiscalisations et des exonérations de cotisations sociales. Qu’inventerez-vous encore demain pour détruire ces 35 heures, qui, pourtant, je le répète, n’ont pas provoqué de manifestations massives de la population, pas plus d’ailleurs que les congés payés et les 40 heures de 1936 ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la ministre, je ne doute pas un instant qu’il y ait dans notre pays un grand nombre de salariés qui souhaitent travailler plus pour gagner plus.

M. René Couanau. Ah !

M. Pierre-Alain Muet. Mais je pense qu’ils ne sont pas concernés par cet article. Ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus, ce sont d’abord tous ceux qui ne travaillent pas parce qu’ils sont au chômage ; ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus – Mme Billard en a parlé –, ce sont tous ceux, au nombre d’un million, dont 80 % de femmes, à temps partiel contraint et souhaitant travailler à temps plein ; ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus, ce sont aussi tous les seniors qui ont été confrontés dans notre pays à une perte d’emploi et qui, au-delà de cinquante-cinq ans, n’arrivent pas à en retrouver un. Mais, dans l’article 1er, aucun dispositif ne traite de ces trois difficultés.

En favorisant les heures supplémentaires, vous allez faire le contraire de ce qu’il faudrait, c’est-à-dire que vous allez défavoriser l’emploi : dans leurs arbitrages, les entreprises vont choisir les heures supplémentaires plutôt que l’emploi.

M. Dominique Dord. Mais on ne change rien sur ce point au dispositif actuel !

M. Pierre-Alain Muet. Ce que vous faites sur les heures complémentaires, vous savez très bien que ça ne résout pas le pas le problème du temps partiel. Si on veut le résoudre, il faudrait que le temps partiel soit encadré par la négociation sociale et que ceux qui souhaitent travailler à temps plein puissent le faire. Ce n’est pas une incitation qui changera les choses puisque le temps partiel est déterminé essentiellement par l’employeur.

Donc, aucun des objectifs que vous fixez dans cette proposition « travailler plus pour gagner plus » ne se retrouve dans cette loi. Vous montez une « usine à gaz » – le terme n’est pas de moi, mais se retrouve pratiquement dans toutes les études qui ont été effectuées sur le sujet. Vos propres services expliquent qu’il s’agit d’une « usine à gaz qui aura des effets incertains sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat, pour un coût exorbitant pour les finances publiques ». Cette phrase on la retrouve aussi bien dans un rapport du Conseil d’analyse économique – qui sera, je l’espère, prochainement publié – que dans des travaux qui ont été diffusés par le ministère des finances.

Je voudrais terminer par deux remarques. « Travailler plus pour gagner plus », c’est effectivement un objectif que doit se fixer une société à l’échelle globale. Il ne s’agit pas de le faire à l’échelle individuelle, mais à l’échelle globale. C’est tout simplement viser le plein emploi.

Mais vous n’en prenez pas la route ! J’ai regardé attentivement le rapport où le rapporteur général nous explique – dans un graphique qui doit se trouver à la page 56 – que les pays qui ont retrouvé le plein emploi sont ceux qui travaillent le plus. Moi, je vous conseille de consulter la page 51, où vous avez des données totalement objectives – et non pas un graphique effectué en prenant quatre pays au hasard – sur le temps travaillé dans tous les pays.

On remarque que les deux pays qui travaillent le moins, ce sont la Hollande et la Norvège. Ces deux pays sont depuis longtemps en plein emploi. La Norvège, qui n’a pratiquement jamais connu le chômage de masse, a baissé son temps de travail de façon considérable pendant quinze années de suite, depuis la fin des années soixante-dix. La Hollande a fait la même chose. Tout le monde a eu l’occasion d’analyser les accords de Wassenaar et la politique de réduction du temps de travail menée en Hollande, qui a conduit au plein emploi depuis dix ans.

Je vous invite à regarder ces donnés car vous constaterez que les trois pays qui travaillent le plus, monsieur le rapporteur général, ce sont la Grèce, la Pologne et la Tchéquie. Or, la Grèce est championne du chômage dans l’Europe de l’Ouest, avec un taux de près de 10 % depuis cinq ans ; la Pologne détient le record de pays de l’Est, avec un taux qui a avoisiné les 20 % pendant cinq ans ; et la Tchéquie n’est pas très éloignée de ces deux pays. Cela montre que, si l’on veut aller vers le plein emploi, la réduction du temps de travail est aussi un élément.

Autre exemple : celui de la France. Regardons à la lumière de la proposition « travailler plus pour gagner plus » ce qui s’est passé à l’échelle de la société tout entière. Depuis un siècle, en France, la durée individuelle du travail a été divisée par deux. Dans le même temps, cinq millions d’empois ont été créés. C’est peu. Ainsi, le nombre total d’heures travaillées dans l’économie française a été globalement divisé par deux, en un siècle.

On constate un mouvement continu, sauf pendant une seule période de cinq ans : de 1997 à 2002, les années du gouvernement Jospin. Pendant ces années, la durée individuelle du travail a certes baissé, mais deux millions d’emplois ont été créés. Pour la première fois, la France a effectivement travaillé plus pour gagner plus. Elle a gagné plus parce que c’est la seule période où le revenu des Français, le revenu national, a crû de 3 % par an.

Vous en êtes loin aujourd’hui ! Eh bien, madame la ministre, vous devriez vous inspirer à la fois des exemples européens et de l’histoire. Le meilleur service que vous puissiez rendre à notre pays, c’est de retirer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « réhabiliter la valeur travail » et « travailler plus pour gagner plus » ont été d'excellents slogans de campagne électorale !

Leur traduction législative est un peu plus délicate. Une remarque, d’abord, sur la « valeur travail », qui n'est pas une notion moderne, mais une conception de l’économie classique, abandonnée par tous les économistes depuis la fin du XIXe siècle et qui ne subsiste plus que chez les derniers économistes marxistes de stricte obédience, que je ne pensais pas voir siéger sur les bancs de la majorité et du Gouvernement.

Le contresens n'est pas que théorique puisque l'idée persiste en France que la compétitivité internationale se fonderait uniquement sur les différences de la rémunération du travail entre les pays, conduisant à affirmer que le seul moyen d'améliorer notre compétitivité serait de réduire le coût du travail. Ce qui dénote une méconnaissance majeure des phénomènes de mondialisation, et de l’industrie et des services dans les pays émergents.

De plus, l'article 1er est une très mauvaise application du slogan « travailler plus pour gagner plus » puisque sa mise en œuvre ne permettrait guère une augmentation sensible du temps réellement travaillé. Il ne procurera pas de salaire supplémentaire, mais diminuera, au détriment des comptes publics – déjà bien abîmés –, les charges et les taxes.

Pourquoi suis-je convaincu – comme tant d’autres, comme pratiquement tous les commentateurs – que ces dispositions n'entraîneront pas une augmentation sensible du temps réellement travaillé ? Pour deux raisons simples. Premièrement : le temps de travail augmente quand les entreprises en ont besoin, pas lorsque le coût du travail diminue. Cette vérité paraît évidente à ceux qui ont travaillé dans une entreprise. Si une entreprise n'a pas de commandes, elle ne demandera pas des heures supplémentaires, même si le coût du travail diminue considérablement. On n’emploie pas les gens à ne rien faire, même lorsque c’est gratuit.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Paul Giacobbi. Cela semble pourtant avoir échappé au Gouvernement si l’on en juge par l’exposé des motifs du projet de loi.

Deuxièmement : un effet de substitution est à craindre entre les rémunérations taxées et chargées et celles exonérées de charges et de taxes. Je ne vois pas ce qui empêchera un entrepreneur qui rémunère ses salariés à 35 heures et qui, en fait, les fait travailler un peu plus, moyennant une prime de rendement chargée et taxée – ce qui est une pratique absolument universelle, notamment pour l'encadrement, y compris dans le secteur public ! –, de remplacer cette prime par une déclaration d'heures supplémentaires dont la rémunération sera, elle, exonérée de toute charge et taxe.

M. Michel Bouvard. Pure suspicion envers les chefs d’entreprises !

M. Paul Giacobbi. Ce mécanisme de substitution est évoqué succinctement en page 97 du rapport de la commission des finances. Il me paraît cependant absolument fondamental.

En définitive, ce texte n'encourage pas à « travailler plus pour gagner plus ». Il permettra, à travail constant, une exonération de charges et de taxes qui représentera, pour nos seuls comptes sociaux, une aggravation de cinq milliards d'euros du déficit. Ce qui n’est pas négligeable – mais on n’en est plus à cela près !

Très franchement, si vous souhaitez diminuer les charges et taxes sur le travail, il existe des moyens infiniment plus simples et plus efficaces de le faire. Un certain nombre d’amendements iront dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. Face à l’enthousiasme de la majorité, je ne résiste pas à la tentation de m’exprimer à nouveau pour essayer d’avoir quelques précisions. Je ne désespère pas de les obtenir avant la fin de ce débat.

Sur cet article 1er, j’ai plusieurs questions qui concernent à la fois le fondement du dispositif, son coût et son impact.

Sur le fondement du dispositif, j’ai obtenu un élément de réponse à travers les interventions de plusieurs des orateurs de la majorité et également à la lecture du rapport de M. le rapporteur général. On voit bien que, s’il n’est pas question de remettre en cause la durée légale du travail, c’est quand même bien elle qui est directement visée. Vous instruisez toujours à l’encontre de cette durée légale du travail un procès dont vous n’exposez que les thèmes de l’accusation sans jamais entendre ceux de la défense et sans jamais vous soumettre au jugement des Français sur cette question.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ah bon ?

M. Gaëtan Gorce. Nous sommes dans une volonté qui consiste, en réalité, à contourner un dispositif dont vous dites pis que pendre en culpabilisant les salariés mais dont vous gardez bien, naturellement, de remettre en cause directement les caractéristiques. Il doit y avoir à cela d’autres raisons que la seule timidité politique.

Les raisons mériteraient un véritable débat, que nous avons commencé à avoir dans la mission qui était animée, entre autres, par M. Ollier et M. Novelli. Cette mission était parvenue à cette conclusion très embarrassante pour eux : les 35 heures, pour un coût net d’environ 7 à 8 milliards d’euros en 2002, c'est-à-dire à peu près le coût des exonérations que vous allez faire porter sur les heures supplémentaires, avaient permis de créer 350 000 emplois. Ce constat, difficile à admettre, figure bel et bien dans le document qui a été publié. Ce qui m’intéressait, c’est de savoir ce que vous attendez de la mesure qui nous est proposée en termes d’impact sur l’emploi. Votre raisonnement consiste à dire que, individuellement, nous ne travaillons pas assez pour nourrir la croissance. Mais nous aurions aimé disposer d’une véritable analyse qui nous permette de savoir combien les 7 milliards d’euros – à peu près l’équivalent du coût net des 35 heures – vont permettre de créer d’emplois. Plutôt que d’avoir des déclarations d’intention et des a priori, ce serait une comparaison utile. Elle nous épargnerait des polémiques, des accusations et des procès d’intention qui n’ont pas beaucoup d’intérêt dans un débat qui est aussi un débat technique.

Ma deuxième question a trait au coût de ce dispositif. Là encore – Jérôme Cahuzac l’a dit très bien tout à l’heure – nous avons beaucoup d’incertitudes sur la manière dont les finances publiques vont être sollicitées et sur la manière dont vous allez compenser – dans les comptes de la sécurité sociale, et finalement dans le budget de l’État – les dépenses nouvelles que vous créez.

Il faut absolument que vous nous apportiez une réponse claire durant ce débat. On ne peut pas aujourd’hui inscrire entre 6 et 7 milliards d’euros pour les exonérations d’heures supplémentaires et le manque à gagner fiscal qui les accompagnera sans dire comment vous allez procéder. J’insiste sur ce point : comment éviterez-vous une aggravation de nos comptes publics et de nos comptes sociaux, qui sont dans la pire situation que nous ayons jamais connue ?

Si je pose cette question, c’est que nous devons avoir, les uns et les autres, le souci de l’équilibre de nos finances publiques et de leur évolution. Non seulement parce que le Président de la République a été amené à prendre à nouveau des engagements en la matière, dont nous ne connaissons pas le détail – et j’espère qu’à la fin de ce débat nous en aurons tous les éléments. Mais aussi et surtout parce que ce qui est en jeu, c’est la capacité de ce pays à préserver son système de protection sociale, à réduire sa dette et à faire en sorte que les ressources soient consacrées à des dépenses utiles. J’aimerais que nous ayons des réponses sur ce point.

Ma troisième série de questions concerne l’impact de ces mesures sur le pouvoir d’achat et les conditions de travail des salariés. Nous n’avons pas d’évaluations précises, madame la ministre, concernant les conséquences que vous attendez de la détaxation des heures supplémentaires sur le pouvoir d’achat des salariés. Qu’est-ce que cela va produire ? En avez-vous mesuré l’effet ? Pouvons-nous le savoir ? Pourrons-nous, par conséquent, le vérifier d’ici un an ? Serez-vous prête à faire cette évaluation ?

Il y a un impact qu’on n’évoque pas spontanément mais qu’il va bien falloir aborder aussi dans ce débat : c’est l’impact sur les conditions de travail et les conditions de vie des salariés. J’ai bien entendu les grandes déclarations enthousiastes de nombreux membres de la majorité, qui ont l’air d’oublier que l’augmentation du temps de travail entraîne une réduction du temps consacré aux loisirs, à la vie personnelle, à la famille – formes d’engagement auxquels, j’imagine, vous devez être attachés, comme nous. Cela pose la question de la société dans laquelle nous voulons vivre.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Démagogie !

M. Gaëtan Gorce. Considérons-nous que, dans cette société, la part essentielle du temps doit être consacrée à la vie économique et que la part de la consommation, de la convivialité et de l’engagement doit être réduite à rien ?

Considérons-nous que, s’agissant du travail, le salaire doit être négocié dans un rapport individuel entre l’employeur et le salarié, non par la négociation collective, et, par conséquent, se définir sur une base individuelle ?

Considérons-nous enfin que l’impact de l’augmentation de la durée du travail sur les conditions de travail, sur la santé au travail, sur les accidents de travail ne doit pas être pris en compte ? Pourtant, nous le savons bien, les conditions de travail ne cessent de se dégrader depuis des années dans ce pays et le nombre d’accidents du travail est considérable – on enregistre chaque jour près de 2 000 accidents du travail entraînant une interruption d’activité.

C’est une réalité, monsieur le rapporteur. Il est dommage que, en tant que représentant de la commission des affaires sociales, une telle question vous paraisse déplacée. On pourrait au contraire imaginer que vous la posiez vous-même ! Ce sont des sujets qui ont quand même leur importance.

Les salariés dont on parle sont des hommes et des femmes qui travaillent, qui ont une vie de famille, qui sont confrontés à des problèmes de santé. Nous savons – toutes les enquêtes le démontrent – que le stress au travail augmente, que les conditions de travail se dégradent, que l’inquiétude au travail s’accroît. On peut penser que cela a un effet direct sur la productivité horaire, qui ne s’améliore plus comme par le passé. Tout cela a donc une incidence sur la compétitivité de notre économie.

Ce ne sont pas là propos idéologiques. Je ne me livre pas à une polémique politicienne et stérile. Je vous pose, madame la ministre, des questions précises et j’espère que, dans ce débat, nous aurons des réponses, car ces sujets intéressent les salariés de ce pays.

M. le président. J’observe, mon cher collègue, que vous avez largement dépassé votre temps de parole.

J’invite à nouveau les orateurs inscrits sur l’article à respecter les cinq minutes qui leur sont imparties.

Je vous indique, par ailleurs, que la commission des finances doit se réunir à treize heures trente et que, en conséquence, Mme Annick Girardin – à qui je vais maintenant donner la parole – sera la dernière intervenante dans la séance de ce matin.

Vous avez la parole, pour cinq minutes, madame Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais souligner l’importance que revêt l’amendement n° 248, que j’ai déposé sur cet article avec mes collègues du groupe socialiste, radical et citoyen.

Vous n'êtes pas sans savoir que nos îles disposent d'un statut particulier : au-delà des compétences fiscales qui relèvent de la collectivité territoriale, ce statut se traduit aussi par un régime particulier pour la caisse de sécurité sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Or l'étude du texte montre que son adoption en l'état, sans amendement, aurait pour conséquence une applicabilité partielle de la norme : du fait des éléments du code de la sécurité sociale, du code du travail ou encore du code rural en vigueur ou non à Saint-Pierre-et-Miquelon, le dispositif visé ne prévaudrait que pour les employeurs et les salariés agricoles, au détriment des autres salariés.

La solution avancée d'une habilitation gouvernementale et d'une action par ordonnance, proposée par le ministère de l’outre-mer, est peu judicieuse. D'une part, les dispositions visées seraient applicables en l'état à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais de façon incomplète et inégale. D'autre part, cette procédure a montré ses limites : les Saint-Pierrais et les Miquelonnais ont trop souvent souffert de l'absence de transposition réglementaire, se voyant ainsi interdire l'accès promis aux mêmes droits que les autres Français. Un exemple parmi tant d'autres : les aides personnalisées au logement, votées en 1977 par cette assemblée, ne sont toujours pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, et ce malgré des années d'efforts auprès de l'administration.

Une telle situation ne saurait être tolérée, d'autant que cet amendement, qui permet de la résoudre de façon simple et immédiate, ne fait que reprendre une formulation retenue à de nombreuses reprises dans le passé, par exemple dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, votée par cette même assemblée en 2000.

M. Jérôme Lambert. Une excellente loi !

Mme Annick Girardin. Au-delà d'aspects purement administratifs, cet amendement obéit par ailleurs à un souci d'équité. Il s'impose par rapport aux exigences constitutionnelles d'égalité de nos concitoyens, tous nos concitoyens, devant la loi.

Madame la ministre, vous avez annoncé ce matin que le dispositif proposé s'adressait à tous les Français. Saint-Pierre-et-Miquelon – dois-je vous le rappeler, mes chers collègues ? – est un archipel faisant partie de la République, conscient de ses droits autant que de ses devoirs envers la nation : Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est aussi la France.

M. Dominique Dord. Très bien !

Mme Annick Girardin. Je ne vois donc pas, en l'occurrence, pourquoi les travailleurs et employeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon n'auraient pas accès aux mêmes droits que leurs compatriotes de métropole et des DOM.

Je suis donc sûre que vous serez sensible à l'impératif d'intérêt général que constitue l'adoption de cet amendement.

M. le président. Madame Girardin, je n’ai pas voulu vous interrompre, mais nous n’en sommes qu’aux orateurs inscrits sur l’article 1er : l’examen des amendements viendra plus tard. Je ne sais si vous désirerez revenir sur cet amendement, mais nous pourrons, je pense, considérer, lorsqu’il sera appelé, que vous l’avez défendu par anticipation. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Vous avez néanmoins respecté votre temps de parole, ce dont je vous félicite.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :

Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 58, de M. Sébastien Huygue, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)