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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 12 juillet 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1. Travail, emploi et pouvoir d'achat. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 4, 62)

discussion des articles (suite)

Article 4 (suite)

Amendements de suppression nos 125, 298, 348 et 401 : M. Jean-Claude Sandrier, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François de Rugy, Jean-Pierre Brard, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi ; M. Jean-Yves Le Bouillonnec. – Rejet par scrutin.

Amendement n° 176 : MM. Jacques Myard, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Christophe Sirugue, Jean-Pierre Brard, Jérôme Chartier. – Rejet.

Amendement n° 126 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet

Amendement n° 33 : MM. Jacques Myard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 32 : MM. Jacques Myard, Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 300 : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 299. – Rejet.

Rappels au règlement

M. Jean-Louis Idiart, Jérôme Chartier.

Reprise de la discussion

M. le rapporteur général.

Amendement n° 64 : Mme Marie-Anne Montchamp, M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement modifié.

Mme Danièle Hoffman-Rispal.

M. Jean-Pierre Brard.

Amendement n° 443 : MM. Thierry Lazaro, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 188 rectifié. – Adoption.

Amendement n° 355 : MM. Louis Giscard d’Estaing, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Brard, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Charles de Courson. – Adoption de l’amendement modifié.

Amendements nos 444 et 445 : MM. Thierry Lazaro, le rapporteur général, Mme la ministre. – Retrait de l’amendement n° 444.

MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, Roland Muzeau, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement n° 445 modifié.

M. Jean-Louis Idiart.

Suspension et reprise de la séance

M. Jean-Louis Idiart.

Amendement n° 21 : MM. Yves Censi, le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Alain Cacheux, Roland Muzeau. – Rejet.

Amendement n° 65 : M. le rapporteur général, Mme la ministre, MM. Charles de Courson, Jean-Yves Le Bouillonnec. – Adoption.

Rappels au règlement

MM. Arnaud Montebourg, Jean-François Copé, Jean-Pierre Brard, Mme la ministre, M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Reprise de la discussion

Amendement n° 189 rectifié. – Adoption.

Amendement n°66 : M. le rapporteur général, Mme la ministre, M. Alain Cacheux. – Adoption.

Amendement n° 67 : M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement modifié.

Amendement n° 68 : M. le rapporteur général, Mme la ministre, Mme Sandrine Mazetier. – Adoption.

MM. Jean-Louis Idiart, Charles de Courson, Mme la ministre, MM. Alain Cacheux, Jérôme Chartier.

Suspension et reprise de la séance

MM. Alain Cacheux, Michel Bouvard.

Amendement n° 190 rectifié. – Adoption. 

Amendement n° 409 : MM. Jean-Claude Sandrier, Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre.

Demande de vérification du quorum

M. le président.

Le quorum n’est pas atteint.

Le vote sur l’amendement n° 409 est reporté à la prochaine séance.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances


PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Travail, emploi et pouvoir d’achat

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (nos 4, 62).

Discussion des articles (suite)

Article 4 (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits sur l’article 4. Nous abordons donc l’examen des amendements.

Je suis d’abord saisi de quatre amendements identiques, nos 125, 298, 348 et 401, tendant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 125.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, mes chers collègues, cet article 4, c'est Noël avant l'heure dans les beaux quartiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. C’est oublier la météo actuelle !

M. Jacques Myard. Nous sommes un État laïque, monsieur Sandrier !

M. Jean-Claude Sandrier. La réforme des successions et des donations, d’un coût fiscal particulièrement élevé et d'une efficacité restant à vérifier dans la pratique en termes de consommation et d’emplois, sera en effet d'un rendement important pour les contribuables concernés.

Les quelques éléments que j’apporterai à l’appui de mes dires, madame la ministre, proviennent de vos propres services puisqu’ils sont tirés des données figurant dans l'annuaire statistique de la direction générale des impôts.

Selon ces statistiques, les réseaux comptables du Trésor et des impôts auront ainsi collecté 1 401 millions d'euros au titre des donations et 7 266 millions d'euros au titre des successions en 2006. Le palmarès de la répartition des droits de mutation parle de lui-même. Pour les donations, les dix premiers départements de collecte sont Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône, les Alpes-Maritimes, les Yvelines, le Var, la Gironde, la Haute-Savoie et l'Isère. Pour les droits sur succession, l'ordre est le suivant : Paris, les Hauts-de-Seine, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Yvelines, le Rhône, le Val-de-Marne, le Var, le Nord et la Gironde.

La fortune et les gros patrimoines sont, à l’évidence, concentrés dans des endroits bien précis du pays, huit départements apparaissant dans les deux classements, même s’il existe bien entendu de fortes disparités au sein de chacun d’eux.

L'allégement des droits de succession, il faut le souligner, va profondément favoriser des ménages qui n'ont déjà pas besoin de tant de sollicitude. Rappelons en effet, pour mémoire, que, sur 540 000 décès enregistrés chaque année dans notre pays, 350 000 conduisent à l'ouverture d'une succession et moins de 145 000 au paiement de droits par les héritiers ou conjoints survivants, soit à peu près un quart. Sachant que le montant moyen de droits acquittés par succession effectivement imposée est d'un peu plus de 50 000 euros, une réduction de moitié des droits concernés équivaut donc à un cadeau qui, soit dit en passant, sera, en moyenne, de plus de 25 000 euros.

Concrètement, seront désormais exonérés de droits les patrimoines les plus faiblement imposés, c'est-à-dire ceux transmis par les couches moyennes supérieures, toutes catégories qui ont constitué l'essentiel de leur patrimoine grâce à leur activité professionnelle et qui ne sont des victimes que pour n’avoir pas diversifié suffisamment leurs placements ou pour avoir négligé les délices de l'exonération liée au placement en assurance-vie.

Quant aux fortunes de caractère dynastique, à défaut d’avoir pu obtenir l’exonération totale, elles bénéficieront des mesures de relèvement des abattements.

On aboutit ainsi à cette situation : d’un côté, plus de droits à payer pour les quelque 70 000 successions annuelles aujourd'hui faiblement ou moyennement imposées, tandis que, d’un autre côté, beaucoup moins de droits à verser pour les grosses successions, soit une quinzaine de milliers par an, qui génèrent la moitié, ou peu s'en faut, des droits perçus.

C'est là – faut-il le souligner ? – tout le contraire de la justice fiscale, principe constitutionnel qui constitue pourtant l'un des éléments essentiels de notre droit fiscal. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 4.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour défendre l’amendement identique n° 298.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, force est de constater, hors de toute idéologie, que nous ne sommes pas, avec l’article 4, dans la nouveauté, mais dans la continuité – et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous demandons la suppression de cet article –, car cela fait en effet cinq ans que cette majorité, ou celle qui l’a précédée, multiplie les mesures favorables aux héritiers.

M. Jacques Myard. Tant mieux ! (Sourires.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les patrimoines moyens et modestes étant d'ores et déjà exonérés de droits de succession, les mesures votées n’ont à chaque fois concerné que les héritages les plus importants. Elles n'ont rien apporté de plus en matière de successions moyennes, puisqu’elles n’ont commencé à jouer que pour les 20 % de transmissions les plus importantes. Je citerai à ce propos quelques exemples.

Ainsi, la loi de finances de 2003 a multiplié par deux l'abattement de 15 000 euros sur les dons en numéraire aux petits enfants, pour le porter à 30 000 euros par bénéficiaire.

La loi d'orientation pour le soutien à la consommation et à l'investissement, votée en 2004 à l'initiative du Président de la République actuel, prévoyait une mesure temporaire d'exonération totale des dons en argent de 20 000 euros aux enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, voire aux neveux et nièces. D'abord prolongé et majoré à 30 000 euros, ce dispositif temporaire a été rendu applicable jusqu'en 2010, à condition que le don soit réinvesti par son bénéficiaire dans une entreprise.

Surtout, l'article 14 de la loi de finances de 2005 a permis, là encore à Nicolas Sarkozy, de mettre en œuvre un allégement conséquent de la fiscalité sur les transmissions pour un coût de plus de 630 millions d'euros.

Plus récemment, l'article 8 de la loi de finances de 2006 a réduit de dix à six ans le délai de dispense de rapport fiscal des donations antérieures permettant à nouveau l'application à plein des taux et des abattements favorables.

Notre problème, c’est que ne bénéficiera de vos mesures, comme le soulignait Jean-Louis Idiart, que ce 1 % des détenteurs qui possède 13 % du patrimoine total.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas votre problème, vous n’avez pas gagné les élections !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous n’avons peut-être pas gagné les élections, mais ce texte a tout de même pour objectif de relancer à travers plusieurs mesures l’économie du pays. Or, tandis que l’on fait des cadeaux fiscaux à des gens qui disposent déjà de larges moyens, on entend parler pour bientôt, pour ne prendre que quelques exemples, d’une TVA sociale et d’un texte sur le cinquième risque qu’est la perte d’autonomie dont on peut se demander, dans ces conditions, comment il pourra être financé.

D’un côté, on exonère des foyers qui ont les moyens, et, d’un autre côté, on n’augmente pas le SMIC ou si peu –2 % au 1er juillet – pour les plus modestes. Est-ce cela que signifie « travailler plus pour gagner plus » ? Tandis que celles et ceux qui connaissent des conditions de travail parfois difficiles devront fournir des efforts supplémentaires, on prévoit en faveur de foyers fiscaux qui disposent déjà de moyens importants des exonérations qui coûteront à l’État 1,8 milliard.

Vraiment, on ne voit pas très bien ni comment de tels cadeaux, qui coûtent très cher à l’État et creusent la dette publique, pourraient aider à relancer la croissance et l’investissement, ni comment, dans ces conditions, celles et ceux qui en auraient le plus besoin pourraient enfin être aidés.

Ce que nous souhaiterions, nous, c’est que l’on s’occupe de ces personnes-là.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 348, également de suppression de l’article 4.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous demandons clairement la suppression de l’article 4, car celui-ci soulève de nombreux problèmes.

Sur la forme d’abord, le projet de loi constitue à lui seul, ainsi que je l’ai indiqué dans la discussion générale, une véritable forme de publicité mensongère. C’est particulièrement vrai avec cet article dans la mesure où le Gouvernement entretient la confusion dans l’esprit des Français en prétendant que 95 % des ménages seraient concernés. Or – et c’est également notre rôle que de démystifier de telles assertions – cette mesure ne concernera qu’une part infime des ménages, en plus de ceux qui bénéficient déjà d’une exonération des droits de mutation.

Sur le fond, ensuite, mon opposition est d’ordre quasiment philosophique. Je le dis comme je le pense, plus l’héritage est important, plus l’injustice est grande. C’est même, à mes yeux, l’injustice par excellence.

M. Jacques Myard. La propriété, c’est le vol !

M. François de Rugy. Au nom de quoi recevrait-on de l’argent sans avoir en rien contribué à le gagner ? Au nom de quoi bénéficierait-on d’un patrimoine sans avoir contribué une seule seconde à le constituer ?

M. André Schneider. Que faites-vous des parents ?

M. François de Rugy. Vous avez inventé là un nouveau slogan : « gagner plus sans travailler » !

M. Jacques Myard. Et Mitterrand, que disait-il ?

M. François de Rugy. L’un de nos anciens collègues, M. Madelin, avait parlé, je me souviens, du retour de la corvée pour la Pentecôte. Voilà qu’après avoir déjà inventé le « travailler plus pour gagner moins » ou, en tout cas, « pour ne pas gagner plus », vous inventez le « gagner plus sans travailler » !

Et tout cela – ma collègue en a dit quelques mots avant moi – pour quelle efficacité économique ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune !

M. François de Rugy. Alors que le projet de loi s’intitule « Travail, emploi et pouvoir d’achat », quel en sera l’effet sur le pouvoir d’achat ? Quant à l’emploi, j’attends que l’on me démontre quels emplois directs ou indirects pourront être créés avec la mesure proposée. Le comble est atteint avec le travail : j’aimerais en effet que l’on me dise en quoi bénéficier d’un capital sans avoir jamais travaillé va revaloriser le travail. Il s’agit plutôt selon moi d’une dévalorisation du travail. Un seul exemple suffira pour le démontrer.

Mme la ministre indiquait dans son discours de présentation qu’il s’agissait, avec le projet de loi, de revaloriser le travail et le pouvoir d’achat à toutes les étapes de la vie. Imaginons deux étudiants qui, ayant le même âge et appartenant à la même université ou à la même grande école, décident de travailler pendant l’été. Première injustice : le premier étudiant a un seul parent qui travaille ; l’argent qu’il va gagner sera exonéré d’impôt, mais de toute façon ses parents n’en payaient pas, tandis que ceux de son camarade, tous deux cadres supérieurs, eux bénéficieront de l’exonération d’impôt.

M. Jacques Myard. Et alors ?

M. François de Rugy. Je comprends que cela vous gêne.

M. Jacques Myard. Pas du tout ! Votre raisonnement est archaïque !

M. Philippe Vitel. Et absurde !

M. François de Rugy. Nos deux étudiants entrent maintenant dans la vie active et ont besoin d’un véhicule. Les parents de l’un peuvent lui faire une donation de 20 000 euros sans la moindre taxation, l’autre n’a pas cette chance : nouvelle inégalité.

M. Jacques Myard. Il faut supprimer toutes les voitures !

M. Philippe Vitel. Vive l’égalité à la naissance et le retour à Lénine !

M. Jacques Myard. Au soviétisme idéologique !

M. le président. Laissez parler M. de Rugy.

M. François de Rugy.  Nous sommes ici pour débattre au fond de l’impact des mesures que vous proposez.

M. Jacques Myard. Vous touchez le fond, c’est sûr !

M. François de Rugy. Lorsqu’ils voudront acquérir un logement, l’un touchera peut-être un héritage sans taxation,…

M. Philippe Vitel. De gens qui auront travaillé toute leur vie ! Votre raisonnement est vraiment stupide et grotesque !

M. François de Rugy. …qui lui constituera un apport personnel – et il bénéficiera en plus de la récupération des intérêts d’emprunt – pendant que l’autre…

M. Jacques Myard. Paiera des droits de succession ?

M. Jean-Pierre Brard. Les laquais sont toujours pires que les maîtres !

M. le président. Laissez M. de Rugy conclure sa démonstration.

M. François de Rugy. …aura eu besoin d’emprunter deux fois plus, ce qui creusera encore l’inégalité.

La démonstration est claire.

M. Yves Censi. Aucun sens des réalités !

M. François de Rugy. Cette mesure aura un coût : 2 milliards d’euros en année pleine, en 2008, avec sans doute à la clé des hausses de taxes pour tous, comme l’a dit ma collègue. Mais c’est sans compter l’effet boule de neige de ce genre de mesure.

M. Philippe Vitel. Sur le pouvoir d’achat surtout !

M. François de Rugy. Les patrimoines immobiliers en particulier prenant de la valeur, elle deviendra beaucoup plus coûteuse dans le temps. C’est pourquoi je propose de supprimer cette mesure et de consacrer les 2 milliards d’euros, par exemple, à l’accueil des personnes âgées dans les maisons de retraite ou à leur maintien à domicile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Démago ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vitel. Supprimez la propriété, c’est plus simple !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 401.

M. Jérôme Chartier. Enfin quelqu’un qui soutient l’héritage ! (Rires.)

M. Jacques Myard. L’héritage culturel !

M. Jean-Pierre Brard. Ce débat est très intéressant. Les éructations et les vociférations montrent que nous mettons le doigt là où cela fait mal. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce qui bat dans la poitrine de ces gens-là, monsieur le président, c’est une porte de coffre-fort. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Parfois, on peut entendre un déclic quand ils font la combinaison. Dans nos rangs, nous ne savons pas trop comment fonctionne un coffre-fort (Mêmes mouvements), tandis qu’eux, ils n’oublient jamais le code ! Jamais ils n’ont eu à faire venir une entreprise pour ouvrir le coffre parce qu’ils en auraient oublié la combinaison. Et surtout, ils savent ce qu’il y a dedans.

M. Jacques Myard. Il y a des coffres qui sont encore plus fermés que les coffres capitalistes, notamment du côté du Crédit du Nord !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Laffitte, député-maire de Maisons-Myard, ou le contraire,…

M. Jacques Myard. Vive le grand capital, vous avez raison !

M. Jean-Pierre Brard. Il l’a dit, monsieur le président ! Il a avoué après maintes allusions subliminales ! C’est très important pour le Journal officiel. Mais j’aimerais ne plus être interrompu.

L’article 4, même s’il le dispute avec quelques autres, est l'un des plus symboliques et des plus injustes du projet loi, en raison du très faible nombre de contribuables payant aujourd'hui des droits de succession. Environ 90 % des successions au profit du conjoint survivant, 80 % des successions en ligne directe et 75 % de l'ensemble des successions étant déjà exonérées, les dispositions proposées ne bénéficieront qu'aux contribuables les plus aisés et accroîtront la concentration des patrimoines. Les exemples foisonnent, hélas ! Le président Didier Migaud a d'ailleurs indiqué, lors de l'examen de cet article en commission, que l'extension de l'exonération ne concernerait probablement que 5 % environ des successions. Le chiffre de 95 % est donc une entourloupe…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. …puisque, pour impressionner le bon peuple, vous ajoutez les personnes qui vont bénéficier de l’exonération à celles qui en profitent déjà. Vous espérez que, pendant l’été, nos concitoyens seront endormis, mais n’oubliez pas, monsieur Myard,…

M. Jacques Myard. Présent !

M. Jean-Pierre Brard. …que nous sommes le pays des jacqueries.

M. Jacques Myard. Oui ! Et le peuple se révoltera contre l’idéologie surannée ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Savez-vous ce que fait Jacquou le croquant avec les privilégiés ?

M. Jacques Myard. Oui, c’est moi ! Et nous prendrons le capital ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez vous en souvenir et préparer la retraite.

M. Jacques Myard. N’ayez crainte ! Allons !

M. Jean-Pierre Brard. Dans Libération, le 29 juin dernier, interrogé sur les mesures particulières qu’il jugeait inefficaces dans le projet de paquet fiscal, Thomas Philippon, économiste, spécialiste en économie financière, répondait : « La suppression des droits de succession. Elle ne va profiter qu'au 5 % des contribuables les plus riches. La déduction des intérêts d'emprunt immobilier est aussi très bien perçue. Mais si le but est de faciliter l'accès au logement aux Français les plus modestes, le but risque là aussi de ne pas être atteint. » Il ajoutait, et cela va évoquer des souvenirs à Mme Lagarde : « Cette déduction a été mise en place aux États-Unis, et des économistes ont montré qu'elle n'avait pas amélioré l'accès au logement. C'est inefficace. » C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cet article inefficace et injuste. Mais, en matière d’injustice sociale, vous semblez engagés dans une course à l’échalote pour battre vos propres records, établis en particulier grâce à Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’économie et des finances.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission a repoussé tous ces amendements de suppression parce que l’article 4 propose d’excellentes mesures.

Ce sont d’abord des mesures justes, monsieur Brard,…

M. Philippe Vitel. C’est un mot qu’il ne connaît pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …que nous assumons totalement.

N’est-il pas juste d’exonérer enfin de droits de succession le conjoint survivant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous étions le seul pays à continuer de le taxer !

M. Jacques Myard. Ils veulent faire périr les veuves !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. N’est-il pas juste d’aligner les couples pacsés sur les couples mariés ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On vous l’a demandé pendant cinq ans, vous avez toujours refusé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est donc juste, vous en convenez.

N’est-il pas juste enfin de majorer l’abattement sur la part de chaque enfant ?

Mme Marie-Anne Montchamp. Exactement ! Ce n’est que justice !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Telles sont les trois mesures principales de ce dispositif. Grâce à elles, 95 % des successions seront exonérées. C’est très précisément ce qu’avait proposé aux Français le candidat à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy. Une fois de plus, les promesses sont strictement respectées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

N’est-il pas juste aussi d’exonérer le fruit d’une vie de travail ? (« Si ! » sur les mêmes bancs.)

M. André Schneider. Les impôts ont été payés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vais vous donner des chiffres simples et incontestables.

M. Jean-Pierre Brard. Moi aussi, je vais vous en donner !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour une famille de deux enfants, l’exonération totale portera sur un patrimoine de 600 000 euros maximum, montant dont on peut considérer qu’il correspond au fruit d’une vie de labeur bien remplie.

N’est-il pas juste également de conserver le barème actuel pour les grosses successions – ce que vous semblez avoir oublié –, barème le plus élevé de tous les pays développés ? Ainsi, il suffit que la part d’un enfant dépasse de 15 000 euros l’abattement de 150 000 euros, donc qu’elle représente 165 000 euros, pour atteindre le taux de 20 % ; avec quelques dizaines de milliers supplémentaires, on passe à 40 %. Nous avons donc, en matière de succession, le barème le plus progressif.

M. Jacques Myard. Il faut supprimer tout cela !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Myard, dans une démocratie, il est juste de ne pas instaurer une aristocratie héréditaire de l’argent. Nous sommes trop attachés au mérite, à l’effort pour ne pas considérer que, d’une génération sur l’autre, il convient d’avoir une redistribution. C’est pourquoi – et si vous aviez été objectifs, madame, messieurs de l’opposition, vous l’auriez mentionné dans vos interventions –,…

M. Philippe Vitel. À l’impossible nul n’est tenu !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …après le vote de la loi, sur un peu plus de 7 milliards d’euros de droits de succession, il en subsistera 5,5 milliards,…

M. Jacques Myard. C’est trop !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …qui porteront sur les fortunes les plus importantes.

M. Jacques Myard. Faites travailler les riches !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce faisant, nous retrouvons l’essence d’une certaine conception libérale de l’économie.

M. Jean-Louis Idiart. Ah, voilà !

M. Philippe Vitel. Et alors ? Il n’y a pas de honte à être libéral !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mme la ministre le sait mieux que moi, de généreux chefs d’entreprise américains, comme Bill Gates ou Warren Buffet, ont toujours estimé que si leurs enfants devaient bénéficier d’un minimum de succession, il était légitime que le reste puisse être repris par la communauté, grâce à laquelle leurs entreprises ont connu le succès.

M. Jacques Myard. Un coffre-fort n’a jamais suivi un cercueil !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre système est parfaitement équilibré. Les droits de succession ne sont pas démantelés : les gros patrimoines continueront d’être imposés ; un conjoint survivant ne paiera plus jamais de droits de succession, iniquité que nous souhaitions supprimer ; et, enfin, au terme d’une vie de labeur, les droits de succession seront supprimés pour transmettre un patrimoine aux enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. M. le rapporteur général s’est magnifiquement exprimé sur cette mesure effectivement juste, qui fait partie des promesses électorales faites par le candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République. Une fois de plus, les promesses sont tenues, dans des délais extrêmement rapides qui plus est.

Je voudrais revenir sur un commentaire de M. de Rugy, qui s’étonnait que l’on parle de la valeur du travail à l’occasion d’une modification des droits de mutation – étant précisé ici qu’il ne s’agit pas de supprimer les droits de mutation, puisqu’ils continuent à s’appliquer sur les très grosses successions, mais seulement de prévoir un mécanisme d’abattement permettant à ceux qui ont longuement travaillé de transmettre les fruits de leur travail.

Le lien est très clair. On travaille toujours pour quelque chose ou pour quelqu’un. Quand on est enfant, on travaille pour son maître, pour ses parents. Quand on est plus grand, on travaille pour son foyer, pour constituer un capital. Quand on est un peu plus vieux, on travaille pour ses enfants et pour leur transmettre ce que l’on a accumulé au cours de sa vie.

C’est la raison pour laquelle je me suis aventurée à dire que le patrimoine était peut-être le développement durable de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Une autre disposition de l’article 4 me paraît importante : celle qui permet la donation, pendant la durée de la vie, de 20 000 euros en franchise de droits, sous certaines conditions d’âge. C’est une disposition véritablement intéressante car elle permet à ceux qui ont accumulé au cours de leur vie, grâce à leur travail, d’aider ceux qui vont se lancer dans l’existence. Cette disposition avait été prévue de manière très temporaire pendant les années 2004 – 2005. Nous proposons de l’étendre pour aider au début de la constitution d’un patrimoine par chacun de ceux qui peuvent légitimement y aspirer. Il n’y a aucune honte à cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le labeur !

En vous écoutant, madame, je pensais à La Fontaine dans Le Laboureur et ses enfants. Mais, lui était moral car il fixait comme objectif à ses enfants de cultiver la terre et de vivre de leur travail. Vous, vous ne proposez pas du tout cela.

Depuis qu’il est député, M. Carrez progresse chaque année dans sa manière de faire prendre des vessies pour des lanternes. Il nous dit : « Dorénavant, les conjoints survivants ne seront plus taxés. » Mais, comme vous le savez, la plupart font une donation au dernier vivant et ne sont pas taxés.

M. Jacques Myard. Pas toujours !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Myard, je n’ai pas l’habitude de fréquenter les très riches. Vous êtes certainement plus expert que moi en ce domaine.

Il est très intéressant de voir M. le rapporteur général manifester autant d’attention pour les pacsés. Je suis sûr que même M. de Courson en est ému. Pensez-vous pour autant faire oublier comment vous avez combattu le Pacs ?

Vous n’avez pas dit la vérité. Les grosses successions vont bénéficier aussi des mesures proposées. Certes, elles ne seront pas totalement exonérées, mais, comme le dit M. de Courson, ces gens sont tellement riches que le bénéfice supplémentaire est presque mesquin. Je suis sûr, que désintéressés comme ils le sont, ils laisseront volontairement le montant de la ristourne au fisc.

Pour montrer à quel point ce que vous proposez est inique, je vais lire quelques lignes d’un article paru dans Challenges à propos de François-Henri – le fils de François Pinault.

« Le 26 avril 2006, François Pinault inaugure son musée du Palazzo Grassi à Venise. Tout le gotha des affaires, des arts et de l’aristocratie est convié. Mais PPR est toujours en quête de stars capables de donner à l’événement une aura planétaire. Coup de chance ! Les actrices du western Bandidas, Salma Hayek et Pénélope Cruz, sont à Rome.

« Salma accepte d’être la cavalière de François-Henri, le riche héritier. Galant homme, François-Henri va la chercher à son hôtel et la conduit en bâteau-taxi jusqu’au palais paternel. » (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

À Montreuil, quand on va chercher sa dulcinée, c’est pour l’emmener dans un trois pièces de nos HLM.

« Dans la salle du dîner... » – je suis sûr que M. Martin Hirsch y serait sensible – « ...920 convives... » – ce n’est pas une annexe des Restos du Cœur – « ...sont groupés par tables de dix, devant des bouteilles de Château Latour 1988 et un repas concocté par Pierre Gagnaire. »

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Monsieur le président, vous ne pouvez pas le laisser continuer !

M. Jean-Pierre Brard. Dix mois plus tard, l’attaché de presse de l’actrice révèle l’incroyable nouvelle : les amoureux se sont fiancés et attendent un heureux événement pour l’automne.

M. Yves Censi. Monsieur le Président, de tels propos ne peuvent pas figurer au Journal officiel !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle est la conclusion de l’article ? La troisième génération Pinault aura du sang latino. Le prince charmant du conte n’a d’autres lettres de noblesse – mais l’exemple vient de haut, puisque le président a dit à qui voulait l’entendre qu’il n’était pas un intello, ce que l’on savait déjà (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – que son titre de PDG et les 10,3 milliards d’euros de fortune de son père.

Où avez-vous vu que l’héritier, même pour faire plaisir à sa dulcinée demande de nouvelles réductions sur les droits de succession ? C’est de l’idéologie. C’est votre amour des riches, c’est votre sentiment de soumission (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), tellement intégré que vous vous mettez spontanément à plat ventre devant les riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard, il n’est plus l’heure de nous lire la presse du cœur.

M. Jean-Pierre Brard. C’était Challenges !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui, j’en suis sûr, va revenir au fond du débat.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame Lagarde, nous sommes attentifs à vos propos. Lors d’une interview donnée sur une excellente radio nationale, un matin, vous arguiez du fait que vous alliez provoquer un allégement de droits de succession pour 90 % des Français. Vous commettiez là une erreur d’appréciation – je ne qualifie vos propos que de cette manière. Il est fallacieux de dire que la disposition que nous sommes en train d’examiner va provoquer cet effet-là. C’est inexact. J’expliquerai pourquoi tout à l’heure.

Vous adoptez une stratégie consistant à laisser croire à tous les Français que, d’un seul coup, 90 % d’entre eux vont être exonérés de droits de succession. Or c’est un mensonge. Actuellement, 80 % des successions en ligne directe sont exonérées – 90 % des successions entre époux – et la moyenne globale est de 75 %. Cela signifie donc que seulement 15 % des successions vont entrer dans ce dispositif. Telle est la réalité.

Depuis des décennies, des dispositifs législatifs ont favorisé les successions en ligne directe, provoqué des exonérations. La loi de finances de 2005 – M. Sarkozy était alors ministre des finances – avait prévu un abattement général de 50 000 euros. D’autres dispositifs ont été évoqués tout à l’heure.

Je suis pour la clarté. Vous, vous utilisez la technique de « l’écran de fumée » avec le dispositif que vous mettez en place. Vous présentez des mesures de manière fallacieuse pour faire croire qu’elles profiteront à tout le monde – ce qui est faux.

Je le répète, 75 % des personnes ne sont pas concernées par ce dispositif. Vous ne leur apportez donc rien de plus.

M. Jérôme Chartier. C’est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Personne ne peut contester cette réalité.

Je poursuis mon argumentation. Le patrimoine moyen transmis en 2000 était de 99 700 euros – cela a été rappelé à deux reprises. Une succession sur deux est d’un montant inférieur à 62 000 euros. Madame la ministre, si l’on veut s’intéresser à la situation des Français, ce sont ces chiffres qu’il faut prendre en considération.

Les droits s’appliquent sur chacune des parts transmises, et non directement sur la totalité. C’est une technique que connaissent bien les praticiens du droit. Les droits payés sont loin d’être confiscatoires. Le taux de confiscation est actuellement de 12,6 % sur l’ensemble des successions. Ce chiffre montre la part prélevée, en moyenne, sur l’ensemble des successions.

M. Jacques Myard. C’est trop !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par ailleurs, 10 % des plus riches détenteurs de capital possèdent 46 % du patrimoine. Leur patrimoine est supérieur à 82 000 euros. Parmi ces plus riches, 1 % d’entre eux a un patrimoine supérieur à 1,270 million d’euros. Je ne les insulte pas, je cite simplement des éléments de réflexion.

M. Yves Censi. À force de le répéter, vous les insultez un peu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ensemble, ils possèdent 13 % du total du patrimoine.

Les 10 % les plus modestes de notre pays possèdent moins de 900 euros par mois. Je cite tous ces chiffres pour faciliter la compréhension du dispositif.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le dispositif que vous nous proposez d’adopter. Cela démontre que la majorité des Français n’est pas concernée par celui-ci, lequel n’aura d’effets que pour la partie la plus aisée de la population. Je le répète, je n’insulte personne, il s’agit d’une réalité économique.

M. Yves Censi. À force de le répéter, on commence à avoir des doutes !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est parce que cette réalité économique existe que, depuis des siècles, la République a considéré qu’à l’occasion de ces transmissions de patrimoines, une petite partie – 12,6 % –…

M. Jacques Myard. C’est trop !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …pouvait être reprise pour entrer dans un processus de distribution, action par laquelle le pays reverse à la société ce prélèvement infime. Il s’agit d’un partage sociétal, d’un partage républicain.

Je ne trouve, mes chers collègues, aucune injustice à cela. Le fait d’altérer l’efficacité de la solidarité montre que l’écran de fumée s’épaissit.

Vous connaissez la règle juridique ! « Le mort saisit le vif. » Qui avez-vous saisi avec ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Sur le vote des amendements nos 125, 298, 348 et 401, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Monsieur Brard, monsieur Le Bouillonnec, il n’a échappé à personne que votre argumentaire n’était pas contre les amendements de suppression. Je vous ai laissé vous exprimer longuement, comme auparavant dans les interventions sur l’article 4. Je compte donc sur vous pour que nous puissions examiner les amendements suivants avec la célérité nécessaire, puisque chacun se sera exprimé préalablement sur le fond du débat.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements identiques nos 125, 298, 348 et 401.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Les amendements de suppression sont rejetés.

Je suis saisi d'un amendement n° 176.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Pour me démarquer clairement de l’obscurantisme idéologique que l’on vient de subir pendant de nombreuses minutes, je vous propose rien de moins que de supprimer les droits de succession !

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Jacques Myard. Madame la ministre, j’ai déjà évoqué pendant la discussion générale la nécessité pour la France de muscler ses investissements…

M. Roland Muzeau. Dans les banques suisses.

M. Jacques Myard. …car la formation du capital est trop basse dans notre pays. Elle ne croît que de un à deux points depuis une dizaine années. D’où l’atonie de la croissance dans ce pays. À cela, vous le savez, il faut ajouter une fiscalité excessive qui pèse sur le patrimoine, qu’il s’agisse de l’ISF ou des droits de succession.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vivent les riches !

M. Jacques Myard. Contrairement à ce qui vient d’être dit, cela joue un rôle dans l’atonie des investissements.

M. Roland Muzeau. Pour sûr !

M. Jacques Myard. En dépit des procédures et les dispositions prises ces dernières années, les droits de succession tuent un nombre considérable d’entreprises et le pacte des actionnaires n’est absolument pas suffisant pour permettre à ces outils productifs de perdurer au moment de la transmission de génération à génération.

Je suis extrêmement surpris des attaques de la gauche contre votre projet de loi, madame la ministre. J’eusse aimé que, nos collègues de l’opposition s’inspirassent des socialistes italiens ou suédois, qui ont supprimé les droits de succession.

M. Roland Muzeau et M. Jean-Louis Idiart. En Italie, c’était Berlusconi !

M. Jacques Myard. Aussi, quand ils nous disent qu’au nom de la République, il faut les maintenir et les augmenter, je ne peux m’empêcher de leur conseiller d’imiter leurs collègues de l’Internationale socialiste, d’aller voir ce qui se passe en Italie et en Suède et de faire l’aggiornamento nécessaire pour sortir de l’obscurantisme qu’ils distillent à longueur de temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

À M. Brard, homme cultivé s’il en est et que je respecte car nous sommes deux républicains laïques, …

M. Roland Muzeau. Ce n’est pas sûr !

M. Jacques Myard. …je voudrais rappeler que l’auteur de la plus belle apologie du capital, fut Karl Marx. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je vous invite à le relire, mon cher collègue, notamment son éloge des capitalistes qui savent investir, contrairement à ce que vous avez dit.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez dû le lire à l’envers !

M. Alain Cacheux. Il n’a, en effet, pas tout compris !

M. Jacques Myard. Voilà la raison pour laquelle il faut avoir la raison au cœur et forcer les capitalistes à investir au lieu de les montrer du doigt à longueur de temps et de stigmatiser quelques personnes qui ne sont que des exceptions.

M. Jean-Louis Idiart. Détrompez-vous, ils n’investiront pas !

M. Jacques Myard. Vive le grand capital, mesdames et messieurs ! (Exclamations et rires sur plusieurs bancs.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si Jacques Myard était membre de la commission des finances, je suis sûr que la commission aurait voté cet amendement. Mais, en son absence, elle a donné un avis défavorable. (Sourires.)

M. Jacques Myard. Cela m’étonne !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. L’amendement de Jacques Myard est très tentant ! (« Ah » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. Il est comique !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. De nombreux pays ont suivi ce mouvement et ont supprimé les droits de succession, pas seulement l’Italie et la Suède : le Portugal, la Slovaquie, l’Australie et les États-unis ont fait de même.

M. Jacques Myard. En effet !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. On peut avoir tort ou raison, mais il est toujours utile de tenir compte de ce qui se passe dans d’autres pays.

M. Alain Cacheux. Aux États-unis notamment !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Malheureusement, en raison des contraintes budgétaires qui sont les nôtres…

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ah ! Vous voulez en tenir compte ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …et parce que nous souhaitons maintenir un pourcentage de successions soumises à des droits de mutation, je suis au regret de donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. L’amendement de notre collègue Myard présente au moins l’intérêt de prolonger les propos tenus par Nicolas Sarkozy pendant la campagne électorale. Je me rappelle, en effet, qu’il a parlé de la suppression pure et simple des droits de succession.

M. Alain Cacheux. Tout à fait !

M. Christophe Sirugue. Telle fut déjà sa position sous le gouvernement Balladur lorsqu’il souhaitait favoriser la France des propriétaires, en s’inspirant notamment de l’exemple des conservateurs américains – Mme la ministre vient de les citer – qui mènent, avec George Bush, un combat contre le prétendu « impôt sur la mort ».

M. Jacques Myard. Et les Italiens ?

M. Roland Muzeau. Berlusconi !

M. Christophe Sirugue. Votre position s’inscrit dans le droit-fil des cadeaux que vous avez proposés tout au long de nos échanges depuis le début de l’examen du projet de loi. La mesure proposée est parfaitement injuste…

M. Jacques Myard. Quel rétrograde !

M. Christophe Sirugue. …car source d’inégalités.

La proposition de M. Myard a le mérite de dire clairement les choses. Les droits de succession embarrassent la majorité.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas du tout !

M. Yves Albarello. Nous sommes décomplexés !

M. Christophe Sirugue. En effet ! Vous avez le mérite de le reconnaître et vous défendez toujours les mêmes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Schneider. Et la gauche caviar ?

M. Christophe Sirugue. Les droits de succession ne concernent qu’un petit nombre, et vous le savez bien. Cela dit, je remercie notre collègue Myard d’avoir dévoilé votre position politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche .)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard à qui je demanderai d’être tout aussi synthétique et avec les élans du cœur qu’on lui connaît.

M. Jean-Pierre Brard. Plutôt du cœur que du coffre-fort ! (Sourires.) Je pense aux pauvres qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts du fait de la logique que vous défendez.

M. Philippe Pemezec. Cela vous arrange ! C’est votre fonds de commerce !

M. Jean-Pierre Brard. Permettez-moi de relever une inexactitude dans vos propos, madame la ministre, monsieur le rapporteur. Vous avez dit que cette mesure correspond aux engagements du candidat Sarkozy. Ce n’est pas exact.

M. Alain Cacheux. En effet !

M. Jean-Pierre Brard. C’est Jacques Myard qui a raison.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Il est le seul à reprendre la proposition du candidat Sarkozy. Mais il est vrai que ce que vous avez dit, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, laisse augurer de ce que nous réserve la suite de la législature.

L’amendement de M. Myard est conforme aux promesses du candidat Sarkozy. Mais ce candidat a fait preuve de sens politique. S’étant rendu compte entre les deux tours que certaines propositions n’étaient pas « vendables » à ce jour, il les a présentées autrement.

Vous nous reprochez de ne brandir que quelques « exceptions » monsieur Myard : ce n’est pas vrai !

M. Jacques Myard. Si !

M. Jean-Pierre Brard. Nous y reviendrons !

Quant au riche héritier dont je parlais tout l’heure, son héritage représente un million d’années au SMIC. Et cela ne vous arrache pas une larme, ne provoque aucune émotion !

M. Jacques Myard. Cela ne me gêne pas, je ne suis pas concerné.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous allez nous faire croire qu’il a gagné cela par son dur labeur, à la sueur de son front, en se levant tôt le matin et grâce à des heures supplémentaires détaxées ? (Rires sur plusieurs bancs.)

M. Philippe Vitel. Oui !

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez bien que ce n’est pas vrai. Vous êtes dans la propagande et le spectacle…

M. Jacques Myard. Vous êtes un spécialiste !

M. André Schneider. C’est un intermittent du spectacle !

M. Philippe Vitel. Ce serait une intermittent, nous aurions au moins quelques moments de répit !

M. Jean-Pierre Brard. …afin d’endormir nos compatriotes. Telle n’est pas la réalité, et des exemples, nous en avons à la pelle qui montrent comment les grandes fortunes ont augmenté, alors que dans le même temps, votre politique a conduit à 300 000 RMIstes supplémentaires entre 2002 à 2007 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et vous, monsieur Myard, vous confondez ou faites semblant de confondre le capital industriel et le capital rentier !

M. Jacques Myard. Non !

M. Jean-Pierre Brard. Puisque je crois savoir que vous êtes germaniste,...

M. Jacques Myard. Jawohl !

M. Jean-Pierre Brard. …je vous propose une lecture du Capital plus approfondie que le simple survol dont vous vous êtes contenté. Je ne suis pas sûr, en effet, que vous ayez bien compris la loi de la valeur et de la plus-value telle que Marx la définit !

M. Jacques Myard. Marx a toujours fait l’apologie du capitalisme, notamment du capitalisme britannique !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous propose, une fois que vous en aurez fait une étude plus approfondie, que nous invitions Mme Lagarde pour en parler ! Mais sur la base d’un digest pour ne pas trop abuser de son temps libre ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Quand vous voulez !

M. Richard Dell'Agnola. Marx est mort !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je ne répondrai pas aux envolées lyriques de M. Brard, mais je voudrais apporter une précision.

M. Brard a son livre rouge, nous avons pour notre part le livre bleu. Page huit, je lis : nous supprimerons les droits de succession et de donation pour toutes les familles à l’exception des plus riches. Telle était la promesse de M. Sarkozy et c’est exactement le sens de ce projet de loi et de cet article.

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’avons pas la même définition de la richesse !

M. Jérôme Chartier. Vous avez donc fait une mauvaise interprétation de la pensée du Président de la République. C’est la raison pour laquelle avant de procéder au vote, il me semblait important d’éclaircir ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Myard. J’ai été le seul à voter pour ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 126.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. II n'est pas difficile d'administrer la preuve que seuls les ménages aisés bénéficieront de votre réforme des droits de succession. Plusieurs orateurs, à gauche, en ont fait la démonstration.

Cette réforme ne fait que poursuivre le travail de sape de la fiscalité du patrimoine, déjà largement entamée sous la précédente législature.

Rappelons, en effet, que depuis quelques années les mesures d'allégement se sont succédé : instauration d'un abattement général de 50 000 euros sur le patrimoine transmissible, relèvement de l'abattement préexistant de 46 000 à 50 000 euros, mise en place d'un dispositif de donation défiscalisée à hauteur de 30 000 euros, toutes mesures directement inspirées de politiques menées par George Bush aux États-Unis ou Silvio Berlusconi en Italie. Entre parenthèses, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, madame la ministre, ce ne sont pas ces pays qui nous suivraient, mais bien votre gouvernement qui s’inspire de ces politiques ultra-libérales.

Ces politiques ultra-libérales ne visent au fond qu'un seul objectif : supprimer à terme, purement et simplement, les droits de succession, pour ne pas dire l'ensemble des éléments de la fiscalité du patrimoine, l’avant-garde étant aujourd’hui représentée par M. Myard aujourd’hui,…

M. Jacques Myard. Je suis à l’avant-garde du prolétariat !

M. Roland Muzeau. …l’un des pourfendeurs de la BCE, ce qui ne manquera pas de provoquer des discussions passionnantes et passionnées dans les heures qui vont suivre !

M. Jacques Myard. Je suis un jacobin !

M. Roland Muzeau. Que vous osiez, à partir de ce constat, vous revendiquer de la défense de la valeur travail, a assurément de quoi faire sourire, même les moins avertis de nos concitoyens.

Cela étant, nous ne pouvons que saluer le tour de force démagogique qui a consisté à surfer sur la vague du populisme anti-fiscal pour emporter l'adhésion de nombreux Français à des mesures qui pourtant ne les concernent pas – ce qui est très fort –, étant donné qu’elles n’auront aucun effet, vous le savez fort bien, sur leur porte-monnaie.

La vérité, c'est que contrairement à l’affirmation répandue selon laquelle les droits de succession seraient trop lourds et pénalisent les familles modestes et les classes moyennes, toutes les études menées, tant au Sénat que par votre ministère, madame la ministre, montrent une toute autre réalité.

La réalité, c'est que les patrimoines, petits et moyens, bénéficient déjà d'abattements importants.

M. Alain Cacheux. Évidemment !

M. Roland Muzeau. Un abattement global de 50 000 euros et des abattements individuels de 76 000 euros pour le conjoint survivant et de 50 000 euros par enfant. En d'autres termes, les patrimoines petits et moyens sont déjà non imposables. Ce qui signifie en retour que vos mesures ne visent, en définitive, que les patrimoines les plus importants – défendus par M. Myard – ceux qui se situent au somment de la hiérarchie des revenus.

M. Yves Censi. Pas des revenus !

M. Roland Muzeau. Bref, ces quelque 10 % de Français qui concentrent 46 % du patrimoine. On se rapproche des cent familles !

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Vous entendez clairement favoriser un nombre restreint de contribuables, au détriment des autres. Les Français ne doivent pas être dupes : nombreux sont les parlementaires de votre majorité à défendre publiquement l'idée de compenser les pertes de recettes induites par votre politique de défiscalisation par l'augmentation de certains droits indirects taxant la consommation. La TVA anti-sociale en est un avatar, particulièrement révélateur.

M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Exonérer les gros patrimoines et les héritiers pour imposer les consommateurs et ceux qui vivent du fruit de leur travail, voilà le transfert d'imposition que vous vous apprêtez à mettre en œuvre.

Les conséquences de tels transferts ne posent pas simplement des problèmes budgétaires, ils ont pour conséquence directe d’aggraver les inégalités. Chacun sait en effet que la distribution des patrimoines est beaucoup plus inégalitaire que celle des revenus : 10 % des Français les plus riches détiennent, nous l'avons dit, près de 46 % du patrimoine et les 3 % des plus riches, 36 % du patrimoine financier. À l'inverse, 50 % des moins riches, la moitié de la population française, n'en détiennent que 9 %.

Ces chiffres se passent de commentaires. Ils disent combien vos mesures sont injustes et privées de tout motif d'intérêt général. C'est pourquoi nous proposons par cet amendement la suppression pure et simple des trente-deux premiers alinéas de l’article 4.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33. Est-il défendu ?

M. Jacques Myard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, n os 450, 451, 452, 32 et 98, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

Les amendements n os 450, 451 et 452 ne sont pas défendus. L’amendement n° 32 l’est-il ?

M. Jacques Myard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission  sur l’amendement n° 32 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Même avis.

M. le président. L’amendement n° 98 n’est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je m’amuse de cette série d’amendements qui jouent sur des substitutions de montants, car je me souviens que, il y a quelques mois, lorsque l’opposition déposait des amendements semblables, on lui reprochait de faire de l’obstruction. Certains de nos collègues de la majorité feraient- ils eux aussi de l’obstruction ?

M. Michel Bouvard. C’est bien pour cela que personne ne les défend !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà une chose très intéressante. Au-delà des apparences, la rupture se fait sur les problématiques budgétaires. Si je n’étais pas effrayé par les conséquences que cela implique, je prendrai rendez-vous dans deux ans pour voir ce qu’il est advenu de telles propositions. En attendant, surveillons les futures lois de finances car il est presque certain que, d’une manière ou d’une autre, vous parviendrez à ce que vous visez : supprimer la quasi-totalité des droits de succession pour les plus favorisés.

M. Alain Cacheux. Et nous nous y opposerons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 300.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour le défendre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je reprends les arguments évoqués tout à l’heure. Si le but est bien de prendre en compte la situation de la majorité de Français, voilà une mesure qui paraîtra raisonnable car elle affecte seulement 1 % de la population.

Pour les 1 % des ménages les plus riches – qui détiennent un patrimoine supérieur à 1,270 million, soit 13 % du total du patrimoine –, nous proposons d’introduire un plafonnement de l’abattement à 50 000 euros par part et d’instituer un abattement de 100 000 euros sur la part du conjoint survivant ou du partenaire lié par un PACS – ajout destiné à montrer que nous sommes attentifs aux préoccupations que Mme Boutin doit désormais partager avec le reste du Gouvernement.

M. le président. Pourriez-vous défendre également l’amendement n° 299, qui procède du même esprit que l’amendement n° 300 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 300 et n° 299 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. Jean-Louis Idiart. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, nous examinons les amendements à un rythme soutenu. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Halte aux cadences infernales !

M. Jean-Louis Idiart. Si vous trouvez qu’il faut aller encore plus vite, dites-le nous : nous nous organiserons en conséquence.

Certes, nous avons déposé beaucoup d’amendements, mais notre collègue Le Bouillonnec en a défendu deux en même temps.

M. le président. Avec son accord, monsieur Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Et je me tourne vers le rapporteur général et Mme la ministre, qui sont des gens courtois, pour leur dire que je considère qu’ils traitent un peu nos propositions par le mépris, c’est le moins que l’on puisse dire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous vous avons répondu tout à l’heure !

M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi ne pas établir un débat ? Pourquoi ne développez-vous pas les raisons de vos désaccords ? Tout cela fait tout de même partie du jeu démocratique.

M. Yves Censi. Ce n’est plus un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Jean-Louis Idiart. C’est, paraît-il,  la rupture. Mais, en fait, c’est la rupture avec le XXIe siècle ! Je suis très surpris d’assister avec cette majorité ultra-conservatrice à un retour au XIXe siècle.

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. Jean-Louis Idiart. Lorsque l’on parle de coffres-forts, de patrimoines, l’agitation, la tension sont palpables dans ses rangs. Des amendements surgissent ici et là qu’il faudra recaser plus tard.

M. Roland Muzeau. Ma cassette, ma cassette !

M. Jean-Louis Idiart. Tous ces cadeaux qui sont proposés, nous ne pouvons les laisser se multiplier car, en 2008, au lendemain des élections municipales, il faudra bien payer la facture. Or nous avons très bien sûr quel type d’impôts elle pésera : sur les impôts indirects et la TVA.

M. Yves Censi. Vous essayez laborieusement de réveiller vos troupes !

M. Jean-Louis Idiart. Vous allez recommencer la même erreur que Juppé en 1995 car vous ne changez pas. La seule nouveauté, c’est que vous consentez maintenant, en vous en inspirant mal, à considérer l’exemple de pays sur lesquels vous disiez autrefois les pires choses.

Monsieur le président, de grâce, que M. le rapporteur et Mme la ministre aient la décence républicaine de répondre à certains de nos amendements. Sinon, nous serions obligés de le réclamer de manière plus véhémente.

M. Yves Censi. M. Idiart se « gremetzise » !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, vous avez remarquablement présidé la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Fayot !

M. Jérôme Chartier. Vous avez laissé chacun s’exprimer, notamment M. Le Bouillonnec qui a pris la parole à plusieurs reprises pour donner son point de vue de manière approfondie et, je dois même dire, de manière intéressante.

Cependant, je ne peux rejoindre le propos de M. Idiart. C’est un ancien parlementaire qui connaît parfaitement la procédure. Il a depuis longtemps l’habitude d’entendre ce type de réponses, dans le cadre des débats en commission des finances ou des séances publiques, de la part du rapporteur général comme du ministre concerné. Cela ne l’a jamais choqué jusqu’à présent. Pourquoi s’en offusque-t-il subitement ?

J’estime pour ma part que lorsque les amendements le nécessitent, il est légitime de laisser du temps au débat, au sein de notre assemblée, comme vous le faites, monsieur le président. Mais lorsqu’il s’agit d’amendements de procédure ou de position, il est inutile que nous y consacrions trop de temps.

Monsieur le président, vous présidez remarquablement, je tenais à vous en remercier, tout en saluant le travail et la précision des réponses du rapporteur général et de Mme la ministre.

M. le président. Monsieur Idiart, il ne vous a pas échappé que j’ai laissé largement le temps au débat. Vous avez la parole.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur Chartier, je n’ai jamais remis en cause la présidence.

M. Yves Censi. Si, tout à l’heure !

M. Jean-Louis Idiart. Et je n’apprécie pas le mépris que vous manifestez à notre égard.

Nous demandons simplement que le débat puisse s’instaurer et nous nous tournons vers le rapporteur général et Mme la ministre afin qu’ils s’expriment plus longuement sur nos propositions. Nous avons nous aussi le droit d’être respectés : nous sommes tous des élus du peuple. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Idiart, je voudrais vous faire part du petit calcul que j’ai effectué pendant vous parliez. Votre amendement n° 300 laisse penser qu’il n’y aurait pas de droits de succession perçus pour un actif successoral de 1,270 million. Or pour un actif de 700 000 euros, les droits à acquitter, avec deux enfants, seront de 42 170 euros ; et pour un actif de 1,270 million d’euros, compte tenu de la progressivité, ils seront au moins de 100 000 euros. Ne venez pas nous dire ensuite que les droits de succession sont supprimés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 64.

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le soutenir.

Mme Marie-Anne Montchamp. Transmettre à un enfant ou à un proche handicapé le fruit du travail de toute une vie mérite d’être encouragé. C’est en effet la façon pour le donateur de contribuer à donner à la personne handicapée les moyens d’une vie autonome. Mais c’est également alléger d’autant la charge qui pourrait incomber un jour à la puissance publique. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Excellent amendement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le Gouvernement est également favorable à cet excellent amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

M. Michel Bouvard. Mais l’amendement a déjà été voté !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je comprends la préoccupation de Mme Montchamp, qui a été ministre chargée des personnes handicapées. Mais combien de personnes handicapées sont-elles concernées par la mesure proposée ? Sans doute faudrait-il aller plus loin aujourd’hui que la loi du 11 février 2005 – ce que vous avez tenté de faire, madame Montchamp, je ne le remets pas en cause – en essayant tous ensemble de faire profiter de la solidarité nationale celles et ceux qui n’auront jamais la chance de bénéficier d’un héritage.

M. le président. Les amendements n os 453, 454 et 455 de M. Gatignol sont-ils défendus ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur le président, je les reprends.

M. Michel Bouvard. Mais c’est impossible, leur auteur n’est pas présent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Brard, ne connaissez-vous donc pas le règlement : cela est rappelé sur la feuille jaune !

M. le président. Vous ne pouvez pas les reprendre, monsieur Brard. C’est le règlement, vous le connaissez comme moi. Nous avons quelques années de Parlement derrière nous, vous et moi.

M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais vous-même, monsieur le président, avez hésité car vous avez bien compris qu’il fallait me donner la parole tant ces amendement sont iniques.

Dès lors que vous les avez mis en appétit, madame la ministre, les gens de la majorité sont insatiables ! Imaginez : ces amendements visent à consentir un abattement aux neveux, nièces, oncles, tantes, cousins de la tante à Jules, tout cela pour faire échapper les fortunes de leur juste contribution à la solidarité nationale. Quel égoïsme de classe !

M. le président. L’amendement n° 99 n’est pas défendu.

Je suis saisi d’un amendement n° 443.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour le soutenir.

M. Thierry Lazaro. L’amendement est défendu.

Monsieur Brard, vos propos sont parfaitement scandaleux. Il n’y a rien de répréhensible à ce qu’il y ait une certaine solidarité…

M. Jean-Pierre Brard. Entre riches !

M. Thierry Lazaro. …au sein d’une famille.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 456, 457 et 458 ne sont pas défendus.

Nous en venons à un amendement rédactionnel n° 188 rectifié de la commission.

L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 455.

La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing. Cet amendement vise à élever le montant de la donation en espèce à 30 000 euros, dans un souci de cohérence et pour prendre exemple sur le dispositif qui avait été élaboré par Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, et qui avait permis ce processus de donation. Chacun sait ici à quel point cette mesure avait montré son utilité puisqu’elle avait permis à des jeunes ménages d’acquérir un bien de consommation ou d’équipement ou encore un bien immobilier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et il lève le gage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Roland Muzeau. C’est honteux !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Lazaro s’indignait à l’instant qu’on ne puisse pas répartir davantage le patrimoine au sein de sa famille.

M. Thierry Lazaro. Je suis fils d’ouvrier, monsieur Brard !

M. Jean-Michel Fourgous. M. Brard est pour le démantèlement de la famille !

M. Jean-Pierre Brard. Mais c’est perdre de vue une forme supérieure de solidarité, celle qui intègre l’intérêt général dans le cadre de la nation tout entière. Au lieu de rester entre soi, il faut surmonter les égoïsmes et partager avec tous ceux qui en ont besoin !

M. Giscard d’Estaing nous propose d’augmenter les donations en espèce. J’ai fait voter, durant la législature 1997-2002, un amendement visant à interdire tout versement en espèce supérieur à 3 000 euros, afin d’éviter tout blanchiment d’argent d’origine incertaine. Je ne vois donc pas comment aujourd’hui on pourrait faire des donations en espèce. Cela me semble tomber sous le coup de la loi. Je m’étonne que M. Giscard d’Estaing fasse une telle proposition. Si encore il avait parlé de chèque ! Tout cela ne me semble pas très moral !

M. le président. Monsieur Brard, je vous rappelle que nous sommes ici précisément pour écrire la loi.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je suis moi aussi très étonnée que l’on puisse faire une donation de 30 000 euros en espèce. D’autant que, en matière de comptabilité, les règles applicables sont très strictes – je rappelle que j’ai été comptable. D’un côté, on a limité l’augmentation du SMIC au 1er juillet à 2 %, tandis que de l’autre on propose de porter de 20 000 à 30 000 euros le montant de la donation en espèce.

On a tout fait à une époque pour éviter la constitution de bas de laine et faire en sorte que l’argent soit versé sur un compte épargne et qu’il permette de faire fructifier notre économie. D’où pourraient donc provenir de telles sommes aujourd’hui ? On peut s’interroger sur le fonctionnement de l’économie de notre pays.

M. Philippe Vitel. Dans les campagnes, les personnes âgées ont des bas de laine !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je crois qu’il règne ici une certaine confusion.

La notion de donation en espèce n’a rien à voir avec une donation « en fraîche ».

M. Jean-Pierre Brard. Quel langage, mon cher collègue !

M. Charles de Courson. Ce dont on parle, monsieur Brard, s’appelle le don manuel, expression qui date du xviiie siècle et qui ne fait pas du tout référence à des valises de billets ! Il s’agit d’un acte devant notaire qui fait l’objet d’un versement par chèque.

M. André Schneider. Évidemment !

M. Yves Censi. Certains en sont restés au xviiie !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ajoute que ce don ne peut être effectué qu’une seule fois, contrairement à une donation qui peut être faite tous les six ans. La portée de cette mesure est donc limitée, et elle ne se fait pas avec de la fraîche ! (« Encore heureux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 355, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 444 et 445.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour les soutenir.

M. Thierry Lazaro. Le fils d’ouvrier sans fortune personnelle que je suis n’a pas de honte à siéger à droite de cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez grand tort !

M. Thierry Lazaro. Je propose, avec l’amendement n° 444, de supprimer l’alinéa 20 de l’article 4 car je considère qu’il y a une forme de ségrégation à l’égard des donateurs âgés de plus de soixante-cinq ans à laquelle je n’ai pas trouvé d’explication.

S’agissant de l’amendement n° 445, il convient d’élargir la mesure proposée aux mineurs ayant fait l’objet d’une mesure d’émancipation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a adopté l’amendement n° 445, qui est excellent, mais rejeté l’amendement n° 444.

La loi de 2004 pour le soutien à la consommation et à l’investissement ne prévoyait pas de condition d’âge, tout simplement parce que la mesure était ponctuelle ; elle n’était ouverte que jusqu’au 31 décembre. Comme il s’agit là d’une mesure pérenne et que notre souci est d’encourager les donations, il faut prévoir une limite d’âge. Du reste, les notaires vous diront que plus on vieillit, moins on a tendance à donner.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le Gouvernement a la même position que le rapporteur général.

J’ajoute que la limite a été fixée à soixante-cinq ans pour les raisons indiquées par M. le rapporteur général. Il s’agit d’inciter à donner suffisamment tôt…

M. Jean-Pierre Brard. En fraîche ou en espèce ? (Sourires.)

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …pour que les jeunes ménages puissent s’installer et s’épanouir dans leur existence personnelle et professionnelle.

Monsieur Lazaro, je vous propose de retirer l’amendement n° 444, sinon j’en recommanderai le rejet.

Quant à l’amendement n° 445, je le trouve excellent et je lève le gage.

M. le président. Monsieur Lazaro, retirez-vous l’amendement n° 444 ?

M. Thierry Lazaro. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 444 est retiré.

La parole est à M. Jean-Yves le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si nous ignorons totalement l’impact exact et le coût de ces amendements, nous avons bien compris, en revanche, que la stratégie consistait à balayer très large et à faire redescendre petit à petit le niveau d’abattement pour voir jusqu’où le Gouvernement pouvait céder, ce qu’il n’a pas fait du reste. D’abord, on propose un abattement de 50 000 euros, puis si la disposition n’est pas adoptée de 40 000 euros, puis de 30 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la grande braderie de Lille !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Telle disposition prévoit d’aider les enfants, telle autre les neveux et nièces. Tout cela est d’une grande bassesse, hormis quand il s’agit des personnes handicapées. En fait, vous faites marcher les machines à calculer à la porte d’entrée des études notariales. C’est à cela que la représentation nationale se consacre depuis une heure. On a parlé pour qui ?

M. François Brottes. Pour 20 % des Français !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et vous osez intituler votre texte « projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » ! Il me semblait que le « choc économique » dont il est question dans plusieurs rapports devait permettre de relancer l’investissement dans l’économie, dans nos usines. Or vous vous livrez plutôt à des calculs mesquins, même si, en tant qu’avocat, je n’ignore pas que, même drapé de toute la dignité possible, il est difficile d’échapper aux petits calculs en matière de successions.

Je ne comprends pas le sens des amendements qui viennent de nous être soumis, si ce n’est qu’il y a une volonté de régler un problème là pour un enfant, là pour un neveu. Je n’ai pas l’impression que les droits de succession, qui sont une institution républicaine, avaient à l’origine d’autre sens que de porter cet enjeu du partage d’une infime partie du patrimoine. Je pense qu’on est en dessous des enjeux, y compris de ceux qui ont été annoncés par le Gouvernement.

En ce qui concerne l’amendement n° 445, je m’interroge sur l’élargissement du dispositif aux mineurs émancipés et j’espère que le Gouvernement s’est bien penché sur la portée d’une telle mesure avant de donner son accord. Je me demande s’il est raisonnable que l’émancipation soit assimilée à la majorité dans le dispositif de la succession. Je rappelle en effet que celui qui est émancipé peut recevoir et donner.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, attention aux captations !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je me pose la même question que mon collègue Le Bouillonnec : combien ça coûte ? En disant cela, je pense à une émission populaire, diffusée sur la chaîne du Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dans laquelle on y dénonce des scandales en s’interrogeant sur le coût d’un fonctionnaire, d’une infirmière ou d’un policier – à qui les heures supplémentaires ne sont pas payées ? La presse a annoncé au départ un chiffrage autour de 11 milliards d’euros, conforme, madame la ministre, aux éléments que vous avez fournis lors de votre audition par la commission des finances, audition à laquelle assistaient les membres de la commission des affaires sociales. Le rapporteur général du budget a ensuite procédé à un réajustement, en parlant de 13 ou 14 milliards d’euros. Nous en sommes aujourd’hui à 15 milliards bon poids !

Mais c’est sans compter, madame la ministre, tout ce que vous avez lâché depuis le début de nos travaux, sans aucune estimation. Vous avez beau demander l’impossible à vos services, ils ne peuvent pas vous donner de chiffres. On sait seulement qui va payer l’addition à la fin : les couches populaires ! Soit par une suppression plus importante que prévu des emplois publics ; soit par une augmentation de taxes, par exemple la TVA dite sociale,...

M. Alain Cacheux. La TVA antisociale !

M. Roland Muzeau. ...auxquelles elles auront droit quoi qu’il arrive ; soit par la CSG, qui augmentera au 1er janvier 2008 et au 1er janvier 2009 ; soit par d’autres taxations diverses et variées, ou encore par des transferts de charges non compensées vers les départements ou les régions. Bref, vous y arriverez : vous bouclerez le budget de l’État, coûte que coûte.

M. Alain Cacheux. À quel prix pour les travailleurs ?

M. Roland Muzeau. Au début de nos débats, Jean-Pierre Brard a dit son effroi devant le rapport entre les cadeaux fiscaux – à l’époque, il s’agissait de 14 milliards, mais ces chiffres sont dépassés ; nous en étions à 15 milliards il y a une heure, où en sommes-nous maintenant ? – et les 25 malheureux millions d’euros que vous allez accorder au pauvre M. Martin Hirsch pour expérimenter le revenu social d’activité. Ce rapport était de 1 à 600 !

M. Yves Censi. Vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’une expérimentation.

M. Roland Muzeau. Quelle tête fera M. Hirsch quand vous allez refuser ce que nous ne manquerons pas de vous demander pour lui : le relèvement des plafonds du RSA pour ramener à l’emploi des gens qui sont en extrême difficulté ?

M. Michel Bouvard. Et si nous passions au vote ?

M. Roland Muzeau. Proposer seulement 25 millions d’euros pour une expérimentation dans une vingtaine de départements – sachant que le traitement proposé aux plus fragiles variera en fonction de leur lieu de résidence –, c’est lamentable ! Où est l’égalité républicaine ? Là encore, il n’y a pas d’étude d’impact, que dalle !

M. Jean-Pierre Brard. C’est au doigt mouillé !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre, la représentation nationale a le droit de savoir, même si la majorité s’en moque, le coût des gages que vous avez accepté de lever depuis des heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Mesdames et messieurs les députés, une rectification, d’abord, sur les chiffres que j’aurais cités devant la commission des finances, monsieur Muzeau : je parle depuis l’origine de 10,1 milliards, soit 13,5 milliards en année pleine. La presse a pu se faire l’écho d’autres chiffres, mais je m’en suis tenue à ceux-là.

M. Michel Bouvard. Tout à fait ! Relisez le procès-verbal de l’audition, mesdames, messieurs de l’opposition !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. En ce qui concerne l’abattement supplémentaire en faveur des handicapés, il coûtera de l’ordre de 20 millions d’euros.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est le montant du RSA !

M. Alain Cacheux. Donnez-les plutôt à M. Hirsch !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Quant au relèvement de 20 000 euros à 30 000 euros de la franchise pour les dons manuels, payés par des moyens légitimes, le chiffrage est de 2 millions d’euros pour l’année 2007 et de 5 millions pour 2008. Il est bien évident que, pour ce type de mesure, il faut faire des hypothèses.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, je vous demande, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, il nous a semblé nécessaire de nous réunir pour faire le point sur le débat. Il se passe ce soir dans cet hémicycle des choses particulièrement graves puisque le pourcentage d’héritiers directs – conjoints et enfants – exonérés de droits de succession, qui est déjà est évalué à 89 %, va passer à plus de 93,7 %, soit quatre points d’augmentation. Nous renonçons à des sommes considérables pour 4 % des Français. Il s’agit d’une sorte de hold-up sur l’argent des Français !

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

M. Jean-Louis Idiart. Qui sont-ils ces héritiers ? Vous citez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, à la page 182, un exemple particulièrement éloquent que nous aimerions voir confirmer par Mme la ministre.

M. le rapporteur général nous indique qu’« un patrimoine de 1,5 million d’euros a pu être transmis par un couple à ses deux enfants, en franchise de droits. Si l’ensemble avait été transmis par succession, comme indiqué dans un exemple précédent, le montant des droits à payer, en cumulant la première et la deuxième succession, se serait élevé à 113 200 euros (200 370 euros avant la présente réforme). » Madame la ministre, pouvez-vous confirmer ces chiffres ?

Une telle situation est grave, et même choquante. À un moment où notre pays traverse des difficultés, où les finances publiques sont dans un état critique, vous faites des cadeaux énormes à une toute petite fraction de la population.

M. François Brottes. 4 % !

M. Jean-Louis Idiart. Et vous osez faire figurer de telles mesures dans un texte sur l’emploi et le pouvoir d’achat ! En vérité, vous faites un cadeau magnifique à une toute petite partie de la population, pour honorer quelques promesses électorales.

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. Yves Censi. Ridicule !

M. Jean-Louis Idiart. Nous tenons à dénoncer fortement et solennellement une telle politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Alain Cacheux. J’observe que la ministre ne conteste pas les chiffres !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°21.

La parole est à M.  Yves Censi, pour le soutenir.

M. Yves Censi. La discussion précédente me permet d’entrer directement dans le vif du sujet. Plutôt que de pouvoir d’achat, je préfère parler de revenu disponible des ménages, qui est bien ce que l’article 4 souhaite préserver. À mon collègue Le Bouillonnec qui, lorsque nous évoquions tout à l’heure des montants assez faibles, parlait de « bassesse », je rappelle que ce revenu disponible est évidemment d’autant moins important que les revenus réguliers sont faibles. Quand on a de forts revenus, on n’a pas de problèmes de disponibilité financière ! Or, plus le revenu disponible est faible, plus il est difficile pour un ménage d’acquitter des droits de succession, par exemple lorsqu’il hérite d’une maison.

Mon amendement porte sur l’assurance-vie, qui concerne quelque dix millions de Français – et pas seulement les plus fortunés. Comme vous le savez, sur le plan strictement juridique, les sommes versées aux bénéficiaires au décès de l’assuré ne font pas partie de la succession et sont à ce titre exonérées de droits de succession, que les intéressés soient parents du défunt ou non. Au-delà d’un certain seuil cependant, elles font l’objet d’un prélèvement spécifique de 20 %, et l’article 757 B du code général des impôts soumet aux droits de succession, suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire et l’assuré, les primes versées au-delà d’un âge dit « élevé » – qui est actuellement fixé à 70 ans – pour la fraction excédant 30 500 euros. Or 70 ans n’est pas un âge particulièrement avancé aujourd’hui. L’amendement n° 21 propose de porter cet âge de 70 à 75 ans afin de tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie depuis 1991, date à laquelle cette mesure a été prise. Cette proposition respecte l’état d’esprit général de l’article 4 qui, je le répète, souhaite protéger le revenu disponible des ménages.

M. Roland Muzeau. Cela ne concerne pas les ouvriers !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement parce qu’elle ne souhaite pas provoquer une refonte partielle de l’assurance-vie. Une réflexion sur l’ensemble des dispositifs d’épargne sera bientôt engagée. C’est dans ce cadre que d’éventuelles modifications seront apportées à l’assurance-vie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. À la suite de M. Idiart, je voudrais dire à quel point je suis choqué par la multitude d’amendements déposés par nos collègues de la majorité. Le projet gouvernemental procure déjà d’immenses avantages à une petite minorité de Français. Et l’on passe des heures à vouloir en rajouter encore ! La citoyenneté est faite de droits et de devoirs, ces devoirs étant proportionnés aux moyens de chacun.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Alain Cacheux. Cela signifie que ceux qui ont davantage de moyens ont davantage de devoirs – et le premier d’entre eux est de payer l’impôt, lequel sert à financer les services qui profitent à tous. Cela ne signifie pas pour autant que ceux qui ont moins de moyens n’ont aucun devoir – ou alors c’est l’assistance. Mais comment voulez-vous que, devant le spectacle que vous donnez, les gens qui vivent dans les HLM des banlieues n’aient pas le sentiment qu’il existe deux poids et deux mesures, et que certains s’arrogent tous les droits ? Comment voulez-vous qu’ils ne suivent pas le mauvais exemple ? Comment oserait-on alors les rappeler à leurs devoirs de citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Exclamations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. François Brottes. C’est dur d’admettre la réalité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne peux pas ne pas réagir aux interventions de MM. Idiart et Cacheux. Soyons sérieux !

M. Alain Cacheux. Mais nous le sommes !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Depuis une heure et demie que nous examinons ce dispositif, nous n’avons accepté que deux amendements représentant une dépense supplémentaire. Le premier, d’un coût de 20 millions d’euros, est l’excellent amendement de Marie-Anne Montchamp en faveur des handicapés. Le second, qui concerne l’abattement sur les dons manuels de 20 000 à 30 000 euros, coûte 5 millions d’euros. Autrement dit, votre colère est provoquée par l’amendement sur les handicapés de Mme Montchamp. Je trouve cela anormal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Cacheux. C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je trouve profondément injuste la défiance et le manque de confiance dont font preuve le Gouvernement et la majorité à l’égard de MM. Marini, de Raincourt, de Rohan et quelques autres qui conduisent dans notre pays la bataille pour l’allègement, voire la suppression de l’ISF.

M. Michel Bouvard. Vous n’êtes pas au Sénat ici ! Nous sommes, nous, élus au suffrage universel direct !

M. Roland Muzeau. Arrêtez, monsieur Bouvard, vous allez choquer M. Copé !

Vous avez peut-être demandé l’urgence sur ce texte, mais il faudra bien qu’il soit examiné par le Sénat. Le lobbying jouera à fond !

Pour ce qui est de l’amendement sur les handicapés, je trouve que vous ne manquez pas d’air ! J’ai participé de bout en bout aux débats sur la révision de la loi de 1975, et je me souviens que le gouvernement de l’époque avait refusé tous les amendements, non seulement ceux de l’opposition, mais aussi ceux des centristes et du président de la commission des affaires sociales – Nicolas About qui ne conservera peut-être pas longtemps son poste car vous ne l’aimez pas beaucoup... – visant à faciliter l’accompagnement 24 heures sur 24 des handicapés, au motif qu’ils coûtaient trop cher ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Retournez au Sénat !

M. Roland Muzeau. Eh oui, je sais de quoi je parle, parce que j’ai assisté à ces débats, monsieur Bouvard ! Mais vous pouvez toujours les relire, le Journal officiel est fait pour cela !

Le Gouvernement et la majorité s’offusquent de notre réaction quand nous voyons lâcher ainsi les cordons de la bourse, sans même que Mme la ministre cherche à compter.

Mme la ministre de l’économie, des finances et du travail. Si !

M. Roland Muzeau. En l’occurrence, c’est vous qui manquez de sens des responsabilités…

M. Alain Cacheux. Et de pudeur !

M. Roland Muzeau. …parce que cette loi de 1975 n’a pas été révisée il y a dix ans, mais récemment ! Souvenez-vous de ce que vous disiez à l’époque ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 65.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement et les suivants sont techniques. Ils concernent le dispositif visant à moraliser les donations s’agissant des stock-options.

M. Roland Muzeau. Les ouvriers ne sont pas concernés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En tout cas, ce point important n’avait encore jamais été traité ! Il ne l’avait pas été, par exemple, dans la loi sur les nouvelles régulations économiques. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Cacheux. Vous ne vous intéressez qu’à une minorité de Français ! Les catégories populaires ne vous intéressent pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De quoi s’agit-il ? Les plus-values de cessions d’actions issues de levées d’options bénéficient d’un régime d’imposition spécifique dès lors que la levée a lieu au moins quatre ans après l’attribution. Nous nous sommes aperçus que, dans certains cas, la levée de l’option était immédiatement suivie d’une donation. Or le droit fiscal veut que les droits de mutation purgent ceux dus au titre des plus-values. Les plus-values réalisées entre l’attribution et la levée d’option peuvent ainsi se trouver totalement exonérées. Le dispositif proposé par le Gouvernement met fin à cette situation anormale, mais sa rédaction appelle quelques précisions techniques qui font l’objet de ces amendements.

La première, objet de l’amendement n° 65, souhaite éviter qu’il y ait double imposition dans le cas où quatre années ne se sont pas écoulées entre l’attribution et la levée de l’option, et que le régime spécifique ne s’applique donc pas.

M. Alain Cacheux. Combien de personnes sont concernées par cette mesure ? Les catégories populaires ne détiennent pas beaucoup de stock-options !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le rapporteur général pourrait-il nous préciser à quelle date s’appliqueront ces dispositions ? Parce que, soit dit entre nous, beaucoup de gens ont été choqués par les pratiques de certains – les grands patrons, pour ne pas les nommer…

M. Alain Cacheux. Nommons-les ! De telles pratiques sont scandaleuses !

M. Charles de Courson. …qui, disposant de stock-options considérables, ont échappé à la taxation des plus-values en transmettant immédiatement après la levée de l’option les sommes à leurs enfants, grâce au mécanisme décrit par M. le rapporteur général. C’est effectivement très choquant. Le dispositif que propose le Gouvernement devrait donc, je le pense, recevoir l’assentiment général. Je souhaiterais cependant que M. le rapporteur général nous précise à quelles dates s’appliqueront les nouvelles dispositions, en ce qui concerne les levées d’option et les donations.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les nouvelles dispositions s’appliquent à compter du 20 juin, mais pour les attributions, non pour les levées.

M. Alain Cacheux. C’est une petite moralisation ! Enfin, c’est mieux que rien…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est une moralisation qui s’inscrit dans la durée, monsieur Cacheux.

M. Alain Cacheux. Et que proposez-vous aux millions de Français qui font partie des catégories populaires ? Rien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Combien d’opérations sont concernées par ce dispositif ? Nous réclamons des chiffres ! Cessez d’évoquer des mesures dont l’Assemblée, et je ne parle pas seulement de l’opposition, ignore l’impact !

Par ailleurs, je suis offusqué, monsieur Carrez, de la façon dont vous interprétez notre réaction à l’amendement de Mme Montchamp. Je me permets de vous rappeler que j’en ai parlé – et ce n’était pas seulement par solidarité val-de-marnaise ! – comme d’un « rayon de soleil dans cette bassesse ». Le Journal officiel en fera foi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela étant dit, je vous demande à vous, monsieur Carrez – mais vous ne pourrez pas me répondre ! – et à vous, madame la ministre, de nous dire d’où vous sortez ce chiffre de 20 millions d’euros pour le coût de l’amendement en faveur des handicapés. C’est une demande insistante, car nous ne croyons pas à ce chiffre.

Je pense que ce chiffre est totalement inexact même si je ne crois pas que vous l’ayez volontairement donné comme tel. Les services de l’État, vos services, madame la ministre, peuvent-ils nous dire combien de successions ayant pour bénéficiaire un handicapé ont été ouvertes en 2006, ainsi que le montant des droits correspondants ? Nous pouvons vous croire, mais à condition que vous justifiiez les chiffres que vous avancez.

M. Alain Cacheux. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous voulons en effet pouvoir calculer le coût des mesures déjà prévues avant que demain matin ne s’ouvre un autre débat, sur le RSA.

M. Alain Cacheux. Il n’y aura plus de sous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il nous faudra alors comparer le nombre de ceux dont le RSA améliorera la situation au nombre de ceux qui auront bénéficié des autres avantages – la majorité.

Ce que nous demandons, dans ce débat, c’est la vérité, qui consiste, par exemple, à annoncer le montant de l’avantage fiscal accordé aux handicapés et le nombre des bénéficiaires. Je le répète : le chiffre que vous nous avez donné ne correspond à rien, madame la ministre.

Monsieur le rapporteur général, sachez que nous n’oublierons pas, en octobre, de vous rappeler les termes de ce débat, notamment tous les amendements votés en faveur de telle ou telle catégorie – les neveux, les nièces, les grands-parents – en vue de leur faire gagner quelques euros supplémentaires.

Dans le cas où nous n’obtiendrions pas ce chiffrage, nous serions conduits à penser que les mesures que vous prenez, notamment dans le cadre de l’amendement n° 65, visant apparemment à vous opposer à certains procédés des actionnaires, ne concernent de fait qu’une infime partie des transferts et ne présentent donc aucun intérêt véritable. Nous le ferons savoir aux Français !

M. Jacques Myard. Nous avons compris !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La principale vérité à nos yeux, c’est que vous servez la soupe à 10 % des Français…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Même pas !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …– mes collègues ont raison de me corriger : à moins de 10 % des Français –, et que l’addition sera supportée par tous les autres ou presque. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Cacheux. Et vous irez parler de citoyenneté dans les banlieues !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous avez le droit de vous interroger, mais si vous revenez sans cesse sur les débats qui ont déjà été tranchés par des votes, ce n’est pas demain matin qu’aura lieu celui portant sur le RSA, mais demain soir !

M. Alain Cacheux. Ce n’est pas grave !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avons pas eu de réponse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement est adopté.)

Rappels au règlement

M. Arnaud Montebourg. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce soir le Président de la République a présenté à Épinal sa conception du fonctionnement des institutions républicaines. Il a évoqué non sans gravité un principe qui nous est cher à tous, celui de la responsabilité dans le débat démocratique.

Le débat qui nous occupe actuellement, dans lequel j’arrive tardivement mais que j’ai suivi à distance... (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jacques Myard. Par télépathie !

M. Arnaud Montebourg. ...a soulevé des questions récurrentes – vous l’avez vous-même noté, monsieur le président – sur les conséquences, non seulement pour les finances publiques mais aussi pour le pacte social, des mesures proposées. Cela n’a rien de honteux et c’est du reste une obligation pour le Gouvernement d’éclairer la représentation nationale, c'est-à-dire en fin de compte les citoyens, sur les conséquences attendues des mesures préconisées, en matière sociale et économique comme en termes de finances publiques, et ce afin que les députés, qu’ils siègent de ce côté-ci ou de ce côté-là de l’hémicycle, puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause sans que naisse dans l’opinion publique un sentiment d’injustice ou, du moins, d’inefficacité.

La question qui a été posée par mes collègues de l’opposition est la suivante. Alors qu’il y a dans notre pays 500 000 décès par an, 89 % des successions sont aujourd’hui exonérées de droits. Or les 4 % supplémentaires que vous voulez exonérer ne représentent que 20 000 successions.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Cela a déjà été dit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous le sauriez si vous aviez été là !

M. Arnaud Montebourg. Laissez-moi terminer mon raisonnement, monsieur le rapporteur général.

Cela représente 1,7 milliard d’euros d’allégements,…

M. Alain Cacheux. C’est une belle somme !

M. Arnaud Montebourg. …soit un chèque de 85 000 euros pour chacune de ces successions !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Montebourg. Je le répète : pour 4 % des successions !

Je me permettrai de piquer amicalement la curiosité de Mme la ministre en évoquant un personnage important aux États-Unis d’Amérique, où elle a fait une partie de sa carrière lorsqu’elle n’était pas encore engagée dans l’action publique. Madame la ministre, vous apprendrai-je que l’ancien PDG de General Motors, Kirk Kerkorian, une des plus importantes fortunes des États-Unis, milliardaire parmi les milliardaires, a expliqué au soir de sa vie, après avoir quitté son fauteuil de chairman, que, voulant absolument encourager ses enfants à apprendre la valeur du travail – ces mots doivent vous rappeler quelque chose, ou plutôt quelqu’un ! –, il les déshériterait totalement afin de ne pas leur donner le goût de la rente facile ? Il a décidé de léguer la totalité de sa fortune à l’État !

M. Yves Censi. Manipulation !

M. Arnaud Montebourg. C’est une déclaration publique qui a donné lieu à un portrait complet du personnage dans un grand journal du soir. Il s’agit là du reste d’une très belle illustration de L’Émile de Rousseau.

Madame la ministre, comment se fait-il que vous défendiez une politique qui est aux antipodes des idées d’un homme comme Kerkorian, dont vous avez dû, à un titre ou à un autre dans la carrière qui a été la vôtre, vous sentir proche des idées libérales ? Votre discours de quasi-politique générale que vous avez prononcé à cette tribune il y a quelques jours semblait du reste du Abraham Lincoln dans le texte.

Expliquez-nous, je vous en conjure, madame la ministre, en quoi il est d’intérêt général de faire un chèque de 85 000 euros aux 20 000 familles les plus riches de France – soit 4 % des successions ! Nous attendons des explications pour que tous ceux qui ne bénéficieront pas de ces excès de votre part puissent comprendre votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur divers bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur Montebourg, vous avez prononcé avec le talent et l’humour que nous vous connaissons un discours qui aurait pu être tenu par votre arrière-grand-père, tant il paraît d’un autre temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Cacheux. Pour vous, la solidarité, c’est d’un autre temps !

M. Jean-François Copé. En évoquant, à juste titre, l’intervention du Président de la République à Épinal, vous avez relevé ce mot magnifique : responsabilité. Je tiens à vous dire juste une chose à ce sujet : ce mot responsabilité nous engage tous, sur tous les bancs. Chacun a la sienne, sans nul doute. La vôtre est de vous opposer – vous faites du mieux que vous pouvez, en faisant un bel effort oratoire –, la nôtre est de mettre en œuvre une politique pour laquelle les Français nous ont tracé une feuille de route. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur divers bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Parmi les engagements que nous avons pris devant eux, en toute transparence et en toute connaissance de cause, il y a ces dispositions sur les droits de succession, dans les pourcentages et dans les termes que nous leur avons annoncés. Ils les connaissaient donc parfaitement et ils ont souhaité l’adoption de ces mesures en portant Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et en lui donnant la majorité dont il a besoin à l’Assemblée nationale pour mettre en œuvre ses réformes.

Monsieur Montebourg, les heures passent et c’est un bonheur de débattre avec vous de toutes ces questions essentielles pour l’avenir de la France. Toutefois je souhaite simplement rappeler que sur ce sujet notre détermination est totale, parce qu’il est de notre responsabilité de mettre en œuvre les réformes sur lesquelles les Français attendent des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, notre débat prend une très mauvaise tournure et n’est pas loin de susciter en nous une certaine nausée. Nous venons d’entendre M. Copé, qui est un sarkozyste de fraîche date. Il fait donc du zèle pour rattraper son retard.

M. Alain Cacheux. Il a l’ardeur des nouveaux convertis !

M. Jean-Pierre Brard. Celui vers lequel il s’est tourné n’a pas eu à fournir un grand effort pour le convertir !

J’en reviens à notre sujet : ce soir, il y a auprès des deux ministres six conseillers de Bercy, dont Mme la directrice du service de la législation fiscale, et le Gouvernement n’est pas capable de nous donner une explication claire sur ces 20 millions de cadeaux fiscaux ! Vous plongez dans les caisses de l’État les mains grandes ouvertes ! Vous mangez la tête dans l’auge ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez ricaner, vous esclaffer, pendant que les gens les plus modestes ne savent pas comment ils vont finir le mois ! Telle est la réalité !

M. Philippe Pemezec. Vous pérorez !

M. Jean-Pierre Brard. Que vous tourniez cette réalité en dérision me fait penser à cette célèbre séquence du film d’Eisenstein,…

M. Jacques Myard. Apocalypse now !

M. Jean-Pierre Brard.Le Cuirassé Potemkine, lorsqu’on voit sur les marches d’Odessa les bourgeoises crever les yeux des révolutionnaires abattus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Bramez ! Bramez !

L’ardeur avec laquelle, profitant de la trêve estivale, vous faites passer vos mesures, en vous disant que ce qui sera pris maintenant ne sera plus à prendre, quel spectacle indécent, d’autant que, demain, c’est en piécettes que vous mesurerez les efforts que vous ferez en direction des plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous reviendrons pour égrener les mesures que vous avez multipliées depuis votre arrivée au pouvoir non tant pour éviter d’écorner les grandes fortunes, que pour tout simplement les renforcer encore !

Madame Lagarde, vous nous avez dit qu’il ne fallait plus penser. Permettez-moi toutefois, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, de solliciter votre attention et votre réflexion en vous lisant ces quelques brèves lignes : « Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques. Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières » – c'est-à-dire la pensée – « et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. » Écoutez bien, il s’agit des nouveaux riches et des parvenus, que vous fréquentez : « Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous » : Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique. Et il ajoute – écoutez bien, monsieur Copé, vous qui avez été séduit pas le discours d’Épinal – : « Si à ce moment critique un ambitieux habile vient à s’emparer du pouvoir,… »

M. Jacques Myard. Montebourg ! (Rires sur divers bancs.)

M. Jean-Pierre Brard. … « il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte ». Mettez un nom, très contemporain, sur cette réflexion profonde d’Alexis de Tocqueville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jacques Myard. Les héros sont fatigués !

M. le président. La parole est à Mme la ministre. Puis nous reprendrons la discussion des amendements.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Que, parfois, vous m’interpelliez de manière quelque peu discourtoise ou que vous me traitiez un tant soit peu d’étrangère…

M. Jean-Pierre Brard. C’est de l’auto-intégration !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. .. n’a finalement que peu d’importance. Que vous mettiez en cause mon administration me dérange beaucoup plus ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. N’avez-vous pas prévenu vos fonctionnaires que vous alliez en supprimer un sur deux ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. En ce qui concerne l’estimation du coût résultant du triplement de l’abattement prévu pour les handicapés – les 20 millions que j’ai évoqués –, la direction générale des impôts s’est appuyée sur les statistiques et sur les enquêtes auxquelles elle procède auprès des directions des services fiscaux, l’hypothèse étant naturellement que le nombre de personnes handicapées pour 2007 et 2008 serait le même que celui de 2006.

M. Jean-Pierre Brard. Combien, précisément ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. J’y viens, monsieur Brard !

Je ne dispose pas du chiffrage dans mon dossier mais je me ferai un plaisir de vous le faire parvenir dès que possible dans les conditions de transparence qui président à tous nos échanges avec la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Comme c’est vous qui avez demandé ce chiffrage, monsieur Le Bouillonnec, je vous donne la parole.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la ministre, vous devez ce chiffre à la représentation nationale et notamment à ceux qui, comme moi, vous l’ont demandé. En outre, il devra figurer sur l’instrumentum qui fera foi – le Journal officiel.

Nous considérons que votre chiffre est une approximation ; il ne peut pas correspondre à une réalité.

M. Michel Bouvard. Si vous-même en avez un, donnez-le nous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toutefois, vous nous convaincrez éventuellement quand vous nous le donnerez. Dès lors, je vous dirai volontiers, le cas échéant, que les analyses de vos services étaient pertinentes. Nous devons considérer néanmoins que, pour l’instant, ce n’est pas possible. Je souhaite donc que le membre du Gouvernement qui siégera demain à votre place, si vous n’êtes pas vous-même présente, puisse formellement nous donner cette information afin qu’elle figure bien au Journal officiel.

En effet, pour le moment, une vraie incertitude demeure sur le contenu et donc l’efficacité du dispositif fiscal mis en place. Or nous voulons nous en assurer, ne serait-ce que pour établir des comparaisons avec le dispositif du RSA.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 189 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 189 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 66.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 66 consiste à préciser les conditions d’appréciation du seuil de cession au-delà duquel les plus-values d’acquisition d’actions réalisées lors de la levée d’options sont imposables. Le texte tel qu’il est rédigé peut receler une ambiguïté quant au type de plus-value qui dépasse le seuil de 20 000 euros. Il est donc rappelé que le seuil vaut pour l’ensemble des plus-values : mobilières, de cession de stocks, d’acquisition de stocks-options ou d’acquisition d’actions gratuites.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Une nouvelle fois, cet amendement montre qu’on ne s’intéresse qu’à une infime minorité de nos concitoyens.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais non !

M. Alain Cacheux. Il s’agit, en l’espèce, des sociétés holdings. Déjà 89 % de nos concitoyens étaient exonérés de droits de succession et, depuis maintenant deux heures, avec l’adoption de toute une série d’amendements, la majorité essaie d’augmenter encore les avantages accordés.

Je vous concède, monsieur le rapporteur général, ainsi qu’à vous, madame la ministre, que vous essayez de résister. Mais vous avez ouvert les vannes. La réalité – à laquelle vous n’échapperez pas –, c’est que l’on accorde un chèque de 85 000 euros à chacune des 20 000 personnes concernées par vos amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous n’avez pas écouté ce que je vous ai dit tout à l’heure, monsieur Cacheux ! La partie dont nous parlons et sur laquelle je propose un amendement vise à réparer un oubli de la loi sur les nouvelles régulations économiques.

M. Alain Cacheux. Moi je vous parle d’une manière générale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pendant toute la législature précédente nous n’avons absolument pas touché au régime des stocks-options,…

M. Alain Cacheux. Les catégories populaires ne sont pas concernées par les stocks-options !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …défini par ladite loi.

Je vous ai expliqué il y a un instant, si vous voulez bien m’écouter, monsieur Cacheux – nous n’allons pas continuer ce dialogue de sourds ! –, que nous avions observé depuis l’adoption de cette loi, un certain nombre de montages d’optimisation fiscale consistant à opérer une donation immédiatement après la levée d’option.

M. Alain Cacheux. C’est cela !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous corrigeons cet effet pervers !

M. Alain Cacheux. Et pour les millions de défavorisés, que proposez-vous ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de moralisation.

M. Arnaud Montebourg. C’est un amendement de démoralisation !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Aussi ne mélangez pas tout ! De grâce, tâchons de rester dans le sujet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 67.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 67 vise à maintenir les taux réduits d’imposition en cas de rachat d’entreprise par les salariés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Avis favorable. Je lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 68.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 68 vise à limiter la possibilité d’imputer la moins-value de cession de stocks-options sur la plus-value d’acquisition au montant de cette plus-value d’acquisition. Il s’inscrit dans un ensemble d’amendements qui, je le répète, vise à la moralisation du régime fiscal des stocks-options.

M. Alain Cacheux. Et pour ceux qui habitent dans les banlieues, vous proposez quoi ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le rapporteur général, tout cela n’a rien à voir avec la morale.

M. Alain Cacheux. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier. Depuis le début de la discussion, nous frisons l’obscénité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Cacheux. L’indécence !

Mme Sandrine Mazetier. Des milliards et des milliards d’euros sont dépensés en faveur d’une catégorie de privilégiés.

M. Alain Cacheux. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier. Nous avons évoqué tout à l’heure les personnes handicapées.

M. Yves Censi. Ça nous rappelle Ségolène Royal !

Mme Sandrine Mazetier. Pendant la campagne présidentielle – nous n’avons pas beaucoup parlé de télévision ce soir –, un petit héros de la télévision est mort : Grégory Lemarchal, atteint d’une maladie pour le moment incurable, la mucoviscidose. Sa mort a provoqué une émotion immense dans tout le pays. TF1 lui a consacré une soirée et des milliers de petites gens ont donné et donné de petits chèques, de petites sommes qui représentaient beaucoup pour leurs petits budgets.

M. André Schneider. Quel est le rapport avec le débat ?

Mme Sandrine Mazetier. L’ensemble des dons a atteint la somme de 10 millions d’euros, soit le montant du chèque de remboursement que vous avez adressé à l’une des premières fortunes de France en vertu des dispositions relatives au bouclier fiscal, alors à 60 % !

Dès lors, monsieur Carrez, ne parlez pas de moralisation ! Parce que la morale n’a rien à voir avec tout cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Madame la ministre, nous vous avons écoutée et vous n’avez toujours pas donné le chiffre que nous vous avons demandé. Nous souhaitons l’obtenir ce soir. Vous ne pouvez pas soutenir, avec une administration aussi performante et aussi moderne que la nôtre – et c’est un ancien fonctionnaire de cette administration qui pose la question –, que vous n’êtes pas en mesure de le faire.

Nous nous trouvons à un moment particulièrement important du débat où vous nous proposez de renoncer à des recettes ; or, nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour décider. De plus, nous n’aurions sans doute pas posé la question avec autant d’insistance si M. le rapporteur général avait usé d’un autre ton pour nous répondre.

M. Alain Cacheux et M. Roland Muzeau. C’est vrai !

M. Jérôme Chartier. C’est une mesure de rétorsion, en somme !

M. Jean-Louis Idiart. Voilà pour la méthode.

Nous souhaitons ce chiffre parce que le débat s’articule autour de lui.

M. Alain Cacheux. Très bien !

M. Jean-Louis Idiart. Vous avez choisi l’ordre des articles, or nous voulons dès à présent les éléments dont nous aurons besoin pour la suite de la discussion afin de savoir de quelle manière nous prononcer.

M. Yves Censi. Pourquoi ne pas l’avoir demandé en commission ?

M. Jean-Louis Idiart. Ne nous affirmez donc pas, madame la ministre, que ce n’est pas possible ; ne nous dites pas que vous n’avez pas ce chiffre ; ne soutenez pas que nous remettons en cause l’administration – n’en êtes-vous pas le chef ?

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, si l’on ne nous donne pas ce chiffre, nous allons demander une suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis quelque peu étonné par ce débat. Ceux qui liront le rapport de notre collègue Carrez pourront constater que sur 1,6 milliard d’euros d’exonérations, 950 millions d’euros représentent le relèvement de 50 000 euros à 150 000 euros de l’abattement par enfant.

Ainsi, monsieur Montebourg, le calcul est très simple. Le barème allant de 5 % à 40 %, une augmentation de 100 000 euros donne une fourchette de 5 % de 100 000 euros, c’est-à-dire de 5 000 euros à 40 % de 100 000 euros, à savoir 40 000 euros. Il ne s’agit donc pas du tout du chiffre que vous indiquez. Voilà l’essentiel de la mesure…

M. Alain Cacheux. Et on veut faire comprendre tout cela à des millions de pauvres !

M. Charles de Courson. …dont la portée se trouve un peu réduite, d’ailleurs, par la suppression de l’abattement global de 50 000 euros.

M. Alain Cacheux. C’est indécent !

M. Charles de Courson. Monsieur Montebourg, si vous n’avez qu’un seul enfant, ce n’est pas 100 000 euros…

M. Arnaud Montebourg. J’en ai deux !

M. Charles de Courson. Eh bien, si vous en avez deux, leur abattement s’élève à 150 000 euros, mais ils perdent chacun la moitié de l’ancien abattement global et il reste une augmentation de 75 000 euros par personne, à savoir de 5 % à 20 % de cette somme, soit, au maximum, 20 000 euros.

M. Alain Cacheux. Il n’y aura pas grand monde dans les banlieues pour comprendre de telles démonstrations !

M. Charles de Courson. Monsieur Cacheux, vous pourriez écouter : je réponds à M. Montebourg.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’a pas lu le rapport !

M. Charles de Courson. Vous aurez toutes les informations souhaitées dans le rapport, y compris sur les autres mesures, notamment celle valables entre conjoints : de même que précédemment, il faut multiplier le différentiel par le taux.

M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez être ministre, monsieur de Courson !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Nous avons demandé un chiffre à Mme la ministre et ne l’avons toujours pas ; aussi demandons-nous une suspension de séance.

M. le président. Mme la ministre vous a répondu…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, non !

M. le président. …et a pris un engagement ; mais la suspension est de droit, monsieur Idiart.

M. Jean-Louis Idiart. Si tout est aussi simple que le prétend le Nouveau Centre par la voix de M. de Courson, je suppose que le Gouvernement et l’administration doivent pouvoir donner le chiffrage.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, je vous ai donné ce chiffre et même à deux reprises : il s’agit d’une somme de 20 millions d’euros. Nous sommes en train de discuter du triplement de l’abattement concernant les handicapés. Je vous ai également indiqué la méthode retenue par l’administration.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, mais il n’a pas écouté !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Il s’agit d’une méthode utilisée par la DGI, fondée à la fois sur les statistiques et sur le résultat d’enquêtes effectuées auprès des DSF, le tout sur la base du nombre de handicapés concernés au titre de l’année 2006.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. M. Idiart est sourd !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je m’engage ici même à vous donner les éléments chiffrés dès demain matin afin que vous puissiez comparer le montant correspondant aux handicapés et le montant qui sera consacré à la RSA.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On ne peut être plus précis !

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Si, monsieur le rapporteur général, on peut être plus précis !

Que le chiffre de 20 millions d’euros soit une approximation vraisemblable, je ne le conteste pas ; mais nous voulons savoir combien de personnes sont concernées par cette disposition.

M. André Schneider. Vous aurez le chiffre demain matin !

M. Alain Cacheux. J’imagine que le taux de personnes handicapées exonérées est égal lui aussi – ou supérieur, compte tenu du fait que leur niveau de vie est nettement inférieur à la moyenne des autres Français – à 89 % de l’ensemble de la population. Sachant que le dispositif prévu coûte 20 millions d’euros, nous souhaitons savoir combien de personnes seront concernées, afin de connaître le montant du chèque qui sera accordé à chacune.

M. le président. Monsieur Cacheux, Mme la ministre vient de vous dire qu’elle allait vous donner ce chiffre demain en séance.

M. Alain Cacheux. Nous le demandons ce soir !

M. Jacques Myard. Le législatif n’a pas à formuler d’injonction à l’exécutif !

M. Jean-Louis Idiart. Je confirme ma demande de suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Vous n’allez tout de même pas bloquer le débat ! Mme la ministre vous a dit qu’elle vous fournirait les éléments que vous demandez, il ne faut quand même pas exagérer ! L’amendement a été voté. Que cherchez-vous au juste, à bloquer le débat ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dans ce cas continuez vos démarches d’obstruction comme vous savez si bien le faire,…

M. André Schneider. Eh oui !

M. Jérôme Chartier. …partez, faites ce que vous voulez, donnez de la voix…

M. François Brottes. Nous avons besoin de transparence !

M. Jérôme Chartier. Bref, je souhaite néanmoins que nous puissions continuer ! En effet, tous ensemble, ce soir, nous avons très bien travaillé, avons fait progresser le débat, avons su écouter vos interventions lorsqu’elles le méritaient.

M. François Brottes. Fanfaron !

M. Jérôme Chartier. Dès lors, puisque nous avons vraiment contribué à enrichir ce texte, poursuivons ! Et daignez accepter que l’information que vous souhaitez ne puisse vous être fournie que sous vingt-quatre heures, ce qui n’est tout de même pas énorme ! Laissez se dérouler le travail de l’Assemblée !

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Ce que nous cherchons ? Mais à éclairer l’opinion sur la nature des mesures que vous proposez : elles sont injustes, scandaleuses et indécentes (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) car elles sont destinées à une infime minorité de Français.

M. Jérôme Chartier. Attendez quelques heures !

M. Alain Cacheux. C’est pour le démontrer que nous voulons, en plus du coût de la mesure, connaître le nombre de personnes concernées. Puisque nous n’avons pas de réponse, nous demandons une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à minuit, est reprise le vendredi 13 juillet 2007 à zéro heure cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Nous prenons acte de ce que le Gouvernement n’est pas en mesure ce soir de préciser le nombre de personnes concernées par le dispositif qu’il propose. Nous ne cherchons pas à faire de l’obstruction…

M. Jérôme Chartier. Si !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Juste un peu !

M. Alain Cacheux.… mais à éclairer l’opinion sur la nature véritablement scandaleuse des amendements que vous proposez.

Nous vous demandons, madame la ministre, de nous indiquer le nombre de personnes concernées demain, dès neuf heures trente, à la reprise de nos travaux… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. C’est un ultimatum !

M. Alain Cacheux. …pour faire comprendre à l’opinion que tout ce dont nous parlons depuis deux heures ne concerne qu’une infime minorité de personnes. C’est un très mauvais exemple de citoyenneté que nous donnons là. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Demain, si les banlieues venaient à s’embraser de nouveau…

M. André Schneider. C’est de la préméditation !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Pyromane !

M. Jean-Louis Idiart. Les pyromanes sont de votre côté !

M. Alain Cacheux. …on appellera les jeunes à la citoyenneté ! Depuis deux heures, les amendements que vous nous proposez nous donnent le sentiment qu’une infime minorité a tous les droits et aucun devoir.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Nos collègues de l’opposition réclament de la transparence sur les chiffres. Chers collègues, si vous avez des doutes quant aux chiffres que vous a donnés Mme la ministre ou si vous les considérez comme incomplets, vous pouvez utiliser les instruments mis à la disposition du Parlement par la loi organique sur les lois de finances. Demandez à Didier Migaud, président de la commission des finances, qui appartient à l’opposition, de diligenter un contrôle sur pièces et sur place pour obtenir l’ensemble des informations dont vous avez besoin. Ce sont les droits du Parlement. Cela permettra de poursuivre cette discussion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008 et d’alimenter vos propres argumentations.

M. François Brottes. Ce n’est pas sérieux !

M. Michel Bouvard. Je suis étonné de vos réactions, car la loi organique a accordé des pouvoirs aux commissions parlementaires. Dans ces conditions, cessez de faire des injonctions au Gouvernement et de retarder nos travaux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne disiez pas cela à une autre époque, lorsque vous étiez dans l’opposition !

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Monsieur le président, notre débat se prolonge parce que nous avons du mal à nous faire comprendre. Nous n’avons pas mis en doute l’estimation de Mme la ministre, mais demandé avec persévérance le nombre de personnes concernées afin de démontrer le caractère particulièrement injuste des mesures proposées dans cet article 4. Plus de 89 % des successions étant déjà exonérées, la mesure ne concerne en fait que 4 % de nos concitoyens.

M. le président. Nous avons pris acte de ce message, plusieurs fois répété. Nous allons donc poursuivre notre débat.

Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 190 rectifié, du rapporteur général.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 409.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, sur cet amendement, je vous demanderai un scrutin public et je vous prierai de bien vouloir faire vérifier le quorum.

M. Jean-Pierre Brard. Je vais maintenant défendre l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Mais auparavant, je voudrais faire une mise au point : contrairement à ce qu’a laissé entendre Mme la ministre, je n’ai jamais mis en cause ses services, et les fonctionnaires de Bercy le savent bien. Ce n’est pas moi qui réduis l’effectif des fonctionnaires du ministère ni qui rends si difficiles leurs conditions de travail ! Le rythme violent que vous leur imposez, madame la ministre, ne leur permet pas de travailler dans des conditions convenables, vous le savez. C’est vous qui attaquez les services publics ! Nous n’avons vraiment pas de leçons à recevoir à ce sujet – ce serait parler de corde dans la maison d’un pendu.

« Je propose que chacun puisse transmettre à ses enfants sans aucun droit de succession le patrimoine constitué tout au long d’une vie de travail ». Tels sont les mots prononcés par Nicolas Sarkozy le 22 juin 2006 à Agen.

Monsieur Copé, vous êtes un nouveau converti : lorsque M. Sarkozy tint ces propos, vous ne l’écoutiez pas encore – vous n’avez écouté que la dernière version, un peu plus prudente…

Selon les économistes de debat2007.fr, site de l’Institut de l’entreprise dédié à l’élection présidentielle, la suppression totale des droits de succession coûterait entre 6,3 et 6,65 milliards d’euros à l’État. C’est une estimation « à la louche » – un peu comme la réponse du Gouvernement – selon Jean-Damien Pô, responsable du site Internet. Le calcul est simple : en 2005, les recettes fiscales étaient de 7,338 milliards. Selon ce spécialiste, « on évalue le coût de la mesure entre 90 et 95 % de cette somme, sachant qu’on peut imaginer un plafonnement ».

François Fillon met en avant le fait que les héritiers dépenseront cet argent et paieront ainsi la TVA. François Fillon, qui est un homme averti…

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard. …ne croit pas un mot de ce qu’il dit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les approximations du Président de la République se poursuivent avec l’expression « vie de travail ». On pense évidemment aux revenus accumulés par les ménages au cours d’une vie de salariat. Or, estime Vincent Drezet, chargé de la fiscalité au Syndicat national unifié des impôts, « il est impossible d’édicter une règle fiscale qui dissocierait ces revenus des autres ». Selon lui, la mesure toucherait forcément l’ensemble des biens à transmettre et pas seulement ceux issus du travail. C’est donc une formule de propagande. C’est grave !

Au-delà du manque à gagner pour l’État, Vincent Drezet pointe l’augmentation des inégalités qui découlerait de la suppression de cet impôt. Il est vrai que vous n’avez cure de réduire les inégalités…

Même Alain Lambert, ancien ministre délégué au budget, que nous avons bien connu dans cet hémicycle – il est presque aussi libéral qu’Hervé Novelli – reconnaît qu’il faut bien continuer à prélever quelques impôts « sauf à ce que l’État n’ait plus les moyens d’accomplir ses missions ».

Selon le rapport que M. Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, a consacré en 2002 aux successions et aux donations, près de 90 % des transmissions entre époux et 80 % des transmissions en ligne directe – de parents à enfants – n’avaient donné lieu à aucune perception de droits de succession en 2000.

Lorsque vous dites que 95 % de personnes ne paieront plus les droits de succession, c’est de la propagande, puisque déjà près de 90 % n’en paient pas ! Les fameuses classes moyennes ne sont donc pas concernées par cette mesure qui, comme les autres, vise une minorité de contribuables, parmi lesquels on trouve les grands bénéficiaires de vos promesses et de vos cadeaux fiscaux.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter notre amendement, qui propose d’écarter les ayants droit les plus fortunés du bénéfice des dispositions prévues à l’article 4.

Monsieur Copé et chers collègues de l’UMP, cessez de nous dire qu’en votant pour Nicolas Sarkozy, les Français ont voté pour votre paquet cadeau ! Si vous le contestez, je vous propose d’aller à la rencontre des habitants des HLM de Meaux et de comparer devant eux les cadeaux que vous faites aux plus riches, chiffres à l’appui, avec quelques documents publiés par Challenges – comme ceux que je vous ai déjà montrés, et ce que vous prévoyez pour le RSA !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Défavorable.

Demande de vérification du quorum

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande, faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l’amendement n° 409.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Compte tenu de l’heure, je vais renvoyer ce vote à ce matin et lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :

Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 13 juillet 2007, à zéro heure vingt.)