Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Séance unique du mardi 22 juillet 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

1. Responsabilité environnementale

M. Alain Gest, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Discussion générale

M. Serge Poignant

Mme Marie-Line Reynaud

M. Yves Cochet

M. Jean Dionis du Séjour

M. André Chassaigne

Texte de la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

2. Modernisation de l’économie

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Discussion générale

M. Michel Bouvard

M. François Brottes

M. Daniel Paul

M. Jean Dionis du Séjour

Mme Catherine Vautrin

M. Nicolas Forissier

M. Philippe Folliot

Texte de la commission mixte paritaire

Vote sur l'ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Responsabilité environnementale

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement (n° 1034).

La parole est à M. Alain Gest, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Alain Gest, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, au terme du processus législatif consacré au projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, il me revient de vous présenter les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire, qui s'est réunie au Sénat le 8 juillet 2008.

En premier lieu, je souhaiterais souligner l'excellente qualité de notre collaboration avec nos collègues sénateurs, notamment avec le rapporteur Jean Bizet, qui nous a permis d'approfondir encore notre réflexion, particulièrement à propos du dispositif Natura 2000. Je souhaite également remercier le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de l’Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, dont l'expérience et la sensibilité environnementale m'ont été précieuses pour l'examen d'un texte technique, préparé dans des délais restreints.

Les débats en commission mixte paritaire ont porté sur trois sujets.

Tout d'abord, la discussion a concerné l'article 4 bis, introduit dans le projet de loi par le Sénat, afin de permettre aux collectivités territoriales de se constituer partie civile en cas de dommage environnemental sur leur territoire. Notre assemblée avait adopté l'amendement du Gouvernement visant à subordonner l'action des collectivités à celle de l'État, mais le rapporteur du Sénat a souhaité revenir au texte voté par la Haute Assemblée en supprimant la restriction introduite par le Gouvernement. Votre rapporteur a rappelé, d’une part, que cet amendement aurait plutôt eu sa place dans un texte à caractère pénal et, d’autre part, que le Gouvernement craignait une multiplication des contentieux entre collectivités locales. Toutefois, compte tenu de la sensibilité du sujet, et de la position unanime de nos collègues sénateurs, la commission mixte paritaire a finalement adopté à l'unanimité l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat.

La deuxième modification apportée par la commission mixte paritaire concerne l'article 6 consacré à l’application de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite MARPOL, destinée à sanctionner les pollutions causées par les navires. Comme vous le savez, à l'initiative de votre rapporteur, l'échelle des sanctions a été reconstruite dans le sens d'un sévère renforcement des amendes et d'une suppression des peines carcérales, pour les cas où la convention de Montego Bay faisait échapper les pavillons étrangers à la sévérité de la loi française. Malgré les réserves du Gouvernement, l'ensemble du dispositif avait été voté à l'unanimité par notre assemblée. De surcroît, la commission mixte paritaire a unanimement adopté un amendement du groupe socialiste du Sénat, relevant du même esprit. Ainsi, le montant des amendes prévues en répression des pollutions dues aux rejets de substances nuisibles en colis, comme aux rejets d'ordures, est augmenté.

Enfin, à la demande commune de votre rapporteur et de son homologue du Sénat, la commission mixte paritaire est revenue sur le dispositif Natura 2000. Notre assemblée, finalement convaincue de la nécessité d'adapter notre législation, avait donné son accord sur la notion de « manifestations et interventions dans le milieu naturel » pour les études d'incidence, prévues dans le cadre de Natura 2000. La commission mixte paritaire a confirmé cette approche : elle souhaite ainsi avoir mis le droit français en conformité avec l'article 6.3 de la directive 92/43/CEE. Par amendement, la commission mixte paritaire a simplement ajouté au dispositif la consultation des organisations professionnelles et des organismes et établissements publics exerçant leurs activités dans les domaines agricole, sylvicole, touristique, des cultures marines, de la pêche, de la chasse et de l'extraction. Monsieur le ministre d’État, nous avons noté avec intérêt l'engagement pris, ici même, par madame la secrétaire d'État, Nathalie Kosciusko-Morizet, de ne pas faire figurer la chasse dans le décret définissant les activités soumises à l'obligation d'évaluation.

Il reste que le monde de la pêche demeure dans l'incertitude sur le point de savoir si la charge de l'évaluation des études reposera ou non sur chaque pêcheur. Peut-être pourriez-vous profiter de ce dernier débat, monsieur le ministre d’État, pour rassurer une profession très malmenée ces temps derniers, et pour nous assurer que seuls les documents de planification dont l'élaboration ou la révision aura été prescrite après l'entrée en vigueur de la loi seront concernés par le dispositif.

Le reste du texte voté par notre assemblée ayant été adopté par la commission mixte paritaire, il m'appartient, mes chers collègues, de vous inviter à voter ce texte de loi qui transpose dans notre droit une exigence nouvelle et originale en matière de prévention et de réparation de dommages causés aux biens inappropriables et qui permet à notre pays d’être en conformité sur plusieurs sujets relatifs à la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici arrivés au terme d'un travail législatif extrêmement important qui a mobilisé députés et sénateurs pendant plusieurs semaines, sur un sujet capital pour la France et pour l'Europe. Les conditions d’examen de ce projet de loi ont souvent été difficiles, puisque le temps nous était compté.Je remercie donc d'autant plus les membres de la commission des affaires économiques, son président, Patrick Ollier, et bien évidemment le rapporteur, Alain Gest. Vous avez accompli un travail intense, sur un sujet complexe et technique, touchant à peu près à toutes les parties du code de l'environnement et situé à la croisée de toutes les branches de notre droit.

En quelques semaines, et après une période de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, le droit français de l'environnement vient de gagner plusieurs années de maturité à un moment clé, c'est-à-dire deux mois avant le grand débat parlementaire du 7 octobre prochain autour du Grenelle de l’environnement, et trois semaines après le début de la présidence française de l’Union européenne, durant laquelle la France a désormais sous sa responsabilité le plus grand réservoir de biodiversité au monde.

C'est donc dans un contexte inédit que le projet de loi soumis à vos suffrages, et qui sera, je l’espère, adopté, engagera une grande évolution – d’aucuns parlent de révolution écologique, économique et philosophique – avec, à la clé, un renversement total de l'ordre des priorités.

Ce texte est un grand texte du « passage à l'acte », en attendant bien sûr les débats complémentaires sur le Grenelle de l’environnement. En effet, il reconnaît explicitement le principe du « pollueur-payeur » inscrit dans la Charte de l'environnement, de même que l'existence d'un préjudice écologique totalement déconnecté du seul préjudice économique. Il reconnaît aussi explicitement que la biodiversité a un prix, qu'elle rend des services inestimables à la collectivité, qu'elle constitue à la fois notre première assurance vie et notre première ressource économique.

Ce projet de loi met en place en place l'un des dispositifs de protection les plus complets en Europe.

En effet, il crée un nouveau dispositif de police administrative avec des obligations précises en matière de prévention et de réparation des dommages causés aux sols, aux eaux, aux espèces et aux habitats naturels.

Il renforce aussi les dispositions de notre dispositif de protection de la qualité de l'air, de protection de la faune et de la flore réprimant les pollutions marines par les navires, en élargissant le champ des contrôles possibles sur les activités susceptibles de présenter un risque sur les sites Natura 2000.

Il introduit également, à la demande du Sénat, la possibilité pour les collectivités locales d'intervenir en justice pour faire valoir leurs intérêts environnementaux.

Dernier élément de ce dispositif : le Gouvernement sera habilité à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à plusieurs règlements communautaires, notamment dans le domaine des transferts de déchets, des produits chimiques et des produits biocides.

Je ne reprendrai pas en détail toutes les avancées du texte, mais j’insisterai sur trois points, pour conclure.

Tout d’abord, je répondrai à M. le rapporteur qu’il n’y aura évidemment pas de besoins complémentaires au-delà de ceux qui ont été exprimés.

M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Par ailleurs, une grande partie des ordonnances et des décrets sont en cours d’élaboration et, pour certains, en voie d’achèvement. Ils feront évidemment l’objet d’une concertation approfondie,…

Mme Catherine Vautrin. Très bien ! Voilà du concret !

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. …comme s’y était engagée Nathalie Kosciusko-Morizet devant votre assemblée. J’espère, du reste, que cette concertation aura abouti avant que nous ne nous retrouvions au mois d’octobre.

Enfin, il y a la bataille de l’exécution et de l’application du texte sur le terrain, qui relèvent en grande partie des services du ministère. Grâce à la réorganisation territoriale de celui-ci, nous disposons maintenant d’un outil opérationnel et totalement transversal, adapté à l’ensemble des sujets.

Je suis évidemment très heureux que ce projet de loi, capital et nécessaire, puisse être adopté aussi rapidement, et je remercie à nouveau le rapporteur et la commission pour le travail qu’ils ont fourni dans des délais, il est vrai, très brefs. Je vous donne rendez-vous au mois d’octobre prochain pour poursuivre nos débats dans un cadre plus large, même si les sujets que nous aborderons ne seront finalement pas si éloignés de ceux que vous avez eu à traiter lors de l’examen de ce projet de loi. En réalité, nous sommes déjà entrés dans la phase d’application du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, outre la directive européenne d’avril 2004 sur la responsabilité environnementale et, plus spécialement, sur la prévention et la réparation des dommages environnementaux, ce projet de loi permet de transposer, après les deux lectures au Sénat et à l’Assemblée, plusieurs autres directives sur les pollutions des navires, de l’air, de l’ozone, sur le marché européen des émissions de carbone, les biocides, le règlement Reach et Natura 2000.

Après le débat du Grenelle de l’environnement et en ce début de présidence européenne française, ce projet de loi aboutit au bon moment, et le groupe UMP s’en félicite.

La directive de 2004 impose, en application du principe pollueur-payeur, que les dommages écologiques graves, la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et souterraines ainsi qu’aux espèces et habitats naturels protégés soient prévenus et que des mesures de réparation soient imposées pour permettre un retour du milieu naturel à son état d’origine.

Sont exclus du champ d’application de la directive le transport des hydrocarbures et le nucléaire, qui font l’objet de conventions internationales, de même que les dommages causés par un conflit armé ou par des phénomènes naturels de nature exceptionnelle.

Ce projet de loi pose les principes de la responsabilité sans faute et avec faute. Un lien de causalité doit être établi entre dommages et activité des exploitants. Une autorité compétente, en l’espèce le préfet, doit pouvoir obliger l’exploitant à prendre les mesures de prévention et de réparation nécessaires.

En ce qui concerne la transposition des autres directives, députés et sénateurs se sont accordés à souligner leur pertinence. Je citerai notamment les articles 4 bis, 6 et 13.

L’article 4 bis permet aux collectivités territoriales de se constituer partie civile pour se prévaloir d’un préjudice lié à un dommage environnemental survenant sur le territoire sur lequel elles exercent leurs compétences. Le député de Loire-Atlantique que je suis ne peut que s’en féliciter, notamment après la catastrophe de l’Erika. Néanmoins, je souhaiterais que l’on veille à ce que cette disposition n’encourage pas une collectivité à agir contre une autre.

S’agissant de l’article 6, je remercie notre rapporteur, Alain Gest, d’avoir proposé d’augmenter et d’harmoniser les sanctions des pollutions marines, afin qu’elles s’appliquent de manière identique, que les navires en cause soient sous pavillon français ou étranger. C’est un article très important.

Quant à l’article 13, Mme Kosciusko-Morizet nous avait bien précisé qu’une liste serait établie. Aussi souhaiterais-je, comme Alain Gest, que la chasse et la pêche soient exclues des « manifestations et interventions dans le milieu naturel et le paysage ». Un amendement visait, par ailleurs, à mieux associer les organisations professionnelles. Nous espérons que cette disposition permettra de prévenir d’éventuelles interdictions édictées par Bruxelles en matière d’activités perturbantes. C’est, en tout cas, ce que nous avons fait valoir lors de la commission mixte paritaire.

Monsieur le ministre d’État, ce texte, amendé par nous-mêmes et par nos collègues sénateurs, est, certes, technique, comme vous l’avez dit vous-même, mais sa portée est loin d’être négligeable. C’est en effet la première fois qu’une directive, transposée en droit français, reconnaît la réparation du dommage causé à l’environnement en tant que tel, ainsi que les nécessaires prévention et réparation des atteintes aux milieux naturels.

Je témoigne à nouveau de l’important travail accompli par le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, Alain Gest, sous l’égide toujours éclairée du président Patrick Ollier. Ce texte, que certains auraient souhaité plus contraignant, d’autres plus souple, m’apparaît comme équilibré. Il permettra une bonne application des directives européennes transposées. Il tient compte de notre développement économique dans le respect de notre environnement, à court, à moyen et à long terme. Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrice Martin-Lalande. Un vote durable ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud.

Mme Marie-Line Reynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme du processus législatif concernant le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale.

Si les échanges ont été constructifs, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, les avancées obtenues restent, à mon sens, bien insuffisantes. Sans revenir sur les arguments que nous avons développés au cours de nos débats, je rappellerai que la transposition des directives s’est faite a minima et qu’elle ne reflète pas l’essence des textes européens. La méthode de travail qui nous a été imposée, et qui a consisté à transposer huit directives et règlements, dont sept par voie d’amendements au Sénat, est très critiquable. L’importance du sujet traité, tant pour notre environnement que pour celui des générations futures, aurait mérité une approche plus constructive.

Le projet de loi se caractérise par une constante : la restriction du principe pollueur-payeur à sa plus simple expression. Vous avez ainsi systématiquement refusé, monsieur le ministre d’État, tous les amendements de notre groupe qui visaient à rendre responsables les sociétés mères des filiales afin d’éviter qu’une catastrophe similaire à celle de Noyelles-Godault ne soit une nouvelle fois supportée par le contribuable.

La majorité s’est montrée réticente pour aller au terme de la démarche engagée, estimant que l’activité économique doit toujours primer sur les considérations environnementales, contrairement au principe de protection de l’environnement mis en avant par les textes européens.

M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire. C’est faux ! On ne peut pas dire cela !

Mme Marie-Line Reynaud. C’est en tout cas notre avis.

Nous pouvons néanmoins constater quelques avancées.

M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire. Ah ! Tout de même !

Mme Marie-Line Reynaud. Nous avons ainsi rétabli, lors de la commission mixte paritaire, la rédaction sénatoriale de l’article 4 bis, qui permet aux collectivités territoriales de se porter partie civile, et donc de saisir la justice en cas de pollution sur leur territoire. Cette mesure répond à une forte attente des élus locaux, qui sont souvent démunis face à l’ampleur et aux coûts des catastrophes environnementales qu’ils subissent.

Nos travaux ont également permis d’augmenter considérablement et d’harmoniser, quelle que soit la nationalité des capitaines de navires – et je salue à cet égard l’initiative de notre rapporteur –, les amendes sanctionnant les navires pollueurs convaincus de rejet de substances nuisibles et d’ordures en mer. Ceci, je l’espère, permettra de mieux responsabiliser les armateurs et les sociétés aux comportements encore trop souvent irrespectueux de nos océans.

Monsieur le rapporteur, même si vous nous avez apporté des garanties sur l’absence de sanctuarisation des espaces classés Natura 2000 et sur le maintien des activités de pêche et de chasse dans ces zones, nous resterons très vigilants. Nous avons également apprécié que vous acceptiez que les organisations compétentes en matière de tourisme soient associées, en tant que parties prenantes, à la gestion des sites Natura 2000.

Nous souhaitons la mise en place rapide des lanceurs d’alerte, auxquels le Gouvernement s’est engagé à répondre favorablement lors du débat au Sénat. Ces dispositifs permettront aux associations de porter à la connaissance d’une administration une présomption de dommage, mais également de donner vie à une véritable démocratie écologique.

Toutefois, les insuffisances du texte, en l’état actuel de sa rédaction, restent assez nombreuses.

Comme je viens de le dénoncer, le principe pollueur-payeur, qui est au cœur de la directive, est transposé a minima.

De même, nous étions favorables à la suppression des dispositions de l’article 14 relatives à la gestion des espaces à vocation naturelle pérenne dans les ports autonomes, qui vont éloigner le Conservatoire du littoral et les associations de protection de la nature de la gestion des espaces sensibles dans les grands ports français. Ces structures, dont le rôle avéré est de faire de la prévention et d’avertir les autorités publiques en cas de risque, sont clairement affaiblies.

Par ailleurs, nous regrettons que le règlement REACH, qui aura une forte incidence sur notre environnement et notre santé, soit transposé en droit interne par une simple ordonnance et des décrets. Ce texte ne peut être traité à la légère, car nous savons que les grandes industries chimiques et pharmaceutiques s’y étaient très fortement opposées.

Enfin, à l’article 15, s’agissant des demandes d’agrément ou d’autorisation pour les organismes génétiquement modifiés, je déplore que la notion de « lieu » ait été remplacée par celle de « localisation parcellaire », alors que cette modification avait été introduite par un de nos rares amendements adoptés à l’Assemblée nationale.

L’occasion nous sera donnée de reprendre ces discussions, que vous nous avez refusées sur REACH et sur bien d’autres sujets, lors de l’examen des textes qui donneront suite au Grenelle de l’environnement à la rentrée d’octobre. Un certain nombre d’avancées écologiques ont été listées lors de cette rencontre et nous espérons que vous serez fidèles à vos engagements.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical et citoyen maintient sa position et votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrice Martin-Lalande. C’est regrettable ! Tout cela n’est pas très cohérent !

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le ministre d’État, la France avait pris du retard dans la transposition de ce texte communautaire dans notre droit national. Il est donc positif que l’on ait enfin pu mener ce débat sur la question de la responsabilité environnementale.

Pendant des mois, vous avez négligé cette directive et, avec elle, son principe central, qui découle d’une éthique de la responsabilité : le principe pollueur-payeur. Souhaitant présenter rapidement à la Commission européenne un texte transposant la directive de 2004, vous avez opté pour une transposition a minima, que l’on pourrait qualifier de « clés en main », pour éviter une procédure en manquement, surtout que vous présidez maintenant la partie « développement durable » et « écologie environnementale » de l’Union européenne.

Ce que je déplore ici, c’est le manque d’ambition de ce texte. Il aurait été plus conforme à l’ambition de la France – puisque nous nous avons l’habitude de nous autoproclamer précepteurs du monde –, mais aussi plus courageux et plus honnête, notamment au regard des espoirs, dont on ne sait pas encore s’ils se réaliseront un jour, qu’a pu faire naître le Grenelle, d’aller plus loin que les simples objectifs de la directive,

Ainsi, la question de l’assurance obligatoire constitue une impasse dans le texte que vous nous proposez. Il s’agit d’un oubli central en matière de garanties financières. C’était pourtant une question déterminante pour parvenir à mettre en œuvre le principe de l’article 4 de la Charte de l’environnement, élevé au rang de principe constitutionnel, selon lequel « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement » – une charte dont Nathalie Kosciusko-Morizet est la mère, et Jacques Chirac le père (Sourires.) À l’origine, il s’agissait d’ailleurs plutôt d’un principe de réparation que du principe « pollueur-payeur » que nous connaissons actuellement.

La directive 2004/35 prévoyait que les États membres prennent des mesures visant à encourager le développement d’instruments et de marchés de garantie financière, y compris des mécanismes financiers couvrant les cas d’insolvabilité. Le projet de transposition tel qu’il nous est proposé faillit à cette mission. Il s’agit d’une renonciation pure et simple à imposer des garanties. Par cette omission, vous multipliez les cas potentiels d’insolvabilité du pollueur. On peut souligner aussi les problèmes juridiques soulevés par les sites industriels orphelins, qui ne trouvent pas de réponse dans votre texte. Il faudra mener de difficiles recherches pour savoir qui a pollué, à partir de quand et pendant combien de temps. Autant dire que, désormais, il sera impossible de savoir et qu’il reviendra donc à la collectivité de payer.

Nos amis espagnols ont été bien plus déterminés que vous dans les dispositions prises. Monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, j’aimerais aujourd’hui vous demander ce qui vous a empêchés de prévoir les mêmes dispositions que celles de la transposition espagnole. Je sais que vous avez déjà répondu à cette question mais, en politique comme ailleurs, il y a toujours des répétitions.

M. Alain Gest, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est la base de la pédagogie !

M. Yves Cochet. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, et je suis bien placé pour le savoir, moi qui ai enseigné pendant vingt-cinq ans : la répétition est essentielle à tout apprentissage – encore n’est-elle pas toujours synonyme de réussite.

Nous sommes aujourd’hui au dernier jour de la discussion sur cette loi portant sur la responsabilité environnementale. En plus des faiblesses du texte que je viens de mentionner, je déplore le manque de mobilisation autour d’un sujet d’une telle gravité. Derrière des événements spectaculaires comme les catastrophes de Seveso, d’AZF, ou de l’Erika, se cachent également des pollutions beaucoup moins visibles, car évoluant de façon chronique et sournoise, mais tout aussi dévastatrices : des pollutions de long terme comme l’utilisation intense de pesticides, la contamination transgénique – dont nous avons beaucoup parlé il y a quelques mois – la destruction des forêts, l’accumulation des déchets toxiques et radioactifs. Parmi les derniers exemples en date, on peut citer celui de la pollution du Rhône et de plusieurs autres rivières par le PCB, qui va avoir de graves conséquences, ou encore les fuites radioactives détectées dernièrement à Tricastin et dans la Drôme. Comme on le voit, la vallée du Rhône, couloir de l’industrie chimique et du nucléaire, est souvent le cadre de graves cas de pollution, dont les conséquences se font sentir jusque sur les plages de Camargue.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Aborder la transposition de cette directive aurait mérité plus d’élan et de souffle pour contrer les menaces prédatrices des groupes industriels et endiguer cette logique de profit qui fait de l’environnement une simple variable d’ajustement. C’est pourquoi nous voterons contre le projet de loi. (M. André Chassaigne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous arrivons à l’issue de l’examen de ce projet de loi qui traduit dans notre législation le principe « pollueur-payeur ». Le travail des parlementaires a été constructif et efficace. Je salue en particulier celui accompli par le rapporteur Alain Gest, notamment en ce qui concerne les affaires maritimes, qui constituent un enjeu majeur pour notre pays.

Cette transposition va nous faire passer du statut de mauvais élève à celui d’élève tout juste correct. Rattraper le milieu de la classe est bien le moins au moment de prendre la présidence de l’Union européenne, mais il n’y a pas de quoi bomber le torse pour autant : nous avons encore quelques difficultés en matière de conformité avec le droit communautaire. Ainsi, en matière environnementale, nous restons toujours sous le coup de six procédures pour infractions graves.

Devant la méfiance croissante des citoyens envers le processus européen, il importe de leur montrer que l’Europe n’est pas qu’une belle idée. Montrons notamment à nos jeunes qu’elle est utile, protectrice et efficace.

M. Daniel Paul. Il commence à être temps !

M. Jean Dionis du Séjour. Soyons plus constants dans notre rapport à l’Europe ! L’Europe actuelle n’est peut-être pas celle dont nous avons rêvé lorsque nous étions jeunes militants, mais construire un espace juridique intégré, notamment dans le domaine de l’environnement, est un immense et beau chantier auquel nous participons avec enthousiasme.

Concernant la directive et le projet de loi, la responsabilité étant au cœur de la tradition centriste, nous réaffirmons notre soutien à ce texte qui transpose honnêtement la directive de 2004, à laquelle les sénateurs ont ajouté huit autres directives.

Certes, des critiques peuvent être faites et des questions peuvent être soulevées. J’en rappellerai une seule, que j’avais déjà évoquée lors de la discussion générale et qui nous tient à cœur pour plusieurs raisons : il s’agit du choix de ne pas faire entrer dans notre législation le principe de l’exonération de la responsabilité pour respect de permis ou d’autorisation de mise sur le marché. Ainsi, un exploitant agricole ayant toujours respecté les prescriptions relatives à l’utilisation d’une molécule active pourra tout de même voir sa responsabilité engagée. Pourquoi mettre sur un pied d’égalité ceux qui s’emploient à respecter les prescriptions en vigueur et ceux qui ne le font pas ? Cela n’est pas de nature à encourager les bonnes pratiques en matière d’exploitation agricole ! Comment peut-on condamner une personne utilisant un produit autorisé par les agences nationales et européennes, dans le respect des recommandations d’utilisation ?

En outre, c’est une manière trop facile d’exonérer de leur responsabilité les autorités étatiques chargées de délivrer les autorisations et les permis, quelle que soit la prudence dont celles-ci font preuve. Bien des catastrophes ont résulté de cette organisation en matière de santé publique. Vous avez eu, lors de nos travaux, la courtoisie de vous engager à rouvrir le chantier de la responsabilité des agences d’agrément, et je vous en remercie au nom des centristes, monsieur le ministre d’État. Nous évoquerons à nouveau cette question, qui nous paraît d’importance, lors des débats sur le Grenelle en matière de gouvernance.

Ce texte visant à transposer une directive européenne est comparable au programme imposé d’un patineur sur glace, un programme imposé que l’on peut estimer réussi. Attendons maintenant un programme libre qui s’inspire du Grenelle de l’environnement. Par respect de notre tradition centriste, nous ne retarderons pas la transposition de la directive européenne. C’est pourquoi le groupe Nouveau Centre apportera son soutien au texte qui nous est présenté.

M. Philippe Vitel. Cela ne nous laisse pas de glace !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, comme je l’ai répété à plusieurs reprises au cours des débats, il faut véritablement se féliciter de cette avancée que représente la directive européenne sur la responsabilité environnementale. On considère enfin que le milieu naturel peut être victime de préjudices engageant une responsabilité civile au même titre que la personne humaine. La nature n’est plus seulement un facteur de risques pour l’homme à l’occasion d’inondations ou de tremblements de terre. Elle n’est plus une simple zone d’agrément pour buveurs d’air annuellement bucoliques.

M. Yves Cochet. Magnifique !

M. André Chassaigne. Elle participe bien plutôt d’un équilibre global, dont l’homme n’est qu’une composante et qu’il doit donc contribuer à assurer.

M. Yves Cochet. Excellent !

M. André Chassaigne. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, cette introduction ne constitue qu’une première étape de mon approche dialectique. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. C’était trop beau !

M. André Chassaigne. Je regrette en effet que, lors de l’examen des articles au Sénat et à l’Assemblée, cette logique n’ait pas été poursuivie jusqu’à son terme. Les amendements que nous avons déposés en ce sens n’ont malheureusement pas été retenus et le texte sort de cet examen quasiment inchangé par rapport au projet de loi initial. Les scellés sont restés intacts !

Je sais que nous le répétons inlassablement lors de chaque examen de projet de loi, mais je suis obligé d’y revenir à nouveau : à quoi sert le Parlement si les députés de la majorité se contentent invariablement d’obéir aux injonctions d’un gouvernement qui a décidé par avance que les amendements de l’opposition sont nuls et non avenus, même quand leur intérêt est reconnu ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ça va changer !

M. André Chassaigne. Certes, sur ce projet de loi, l’ostracisme que j’évoque a été renforcé par le fait que les amendements sont arrivés en discussion quelques semaines après l’adoption de l’excellent amendement n° 252 ! (Sourires.)

Ainsi, la directive n’interdisait pas à chaque État de désigner des habitats ou espèces non énumérés aux annexes de ces directives. C’est pourquoi nous avons proposé d’étendre le principe de la responsabilité environnementale au-delà des zones Natura 2000, en intégrant d’autres sites remarquables tels que les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les réserves naturelles et les ZNIEFF. Cet amendement a été rejeté au motif qu’il serait redondant. Or, contrairement à ce qu’a affirmé le Gouvernement lors des débats, le champ d’application de la directive est loin de recouvrir tous ces sites. Il ne fallait surtout pas remplir la coquille !

De même, le texte laisse entendre que seul l’exploitant ayant juridiquement et directement en charge l’exploitation est concerné. Mais, dans ce cas, qu’en est-il de l’exploitant de fait, c’est-à-dire de l’exploitant qui conduit et décide réellement, alors qu’il n’est pas l’exploitant de droit ? Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, le principe du « pollueur-payeur » ne doit pas occulter celui du « décideur-payeur ».

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Il en est ainsi des sociétés mères donneuses d’ordre comme dans l’affaire Metaleurop. Dans notre économie de plus en plus filialisée, où les financiers décident de la réalité des projets, cette question est loin d’être accessoire. À notre proposition d’amendement, M. le ministre d’État a répondu par un acte de foi : la disposition sera débattue à l’échelon européen. Mais peut-on vous faire confiance dans la mesure où cette question n’a pas été mise à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union ?

Il me faut souligner un paradoxe : alors que les donneurs d’ordre sont écartés de toute responsabilité, à l’inverse, les petites et moyennes entreprises se verront appliquer l’obligation de remise en état sans même prendre en compte les moyens financiers dont elles disposent. Ainsi, vous avez refusé d’appliquer l’article de la directive selon lequel les exploitants et maisons mères ont l’obligation de constituer des garanties financières destinées à assurer le financement des mesures de prévention et de réparation.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Si les dégâts sont trop importants, comment les petites entreprises pourront-elles alors faire face ? Ici encore, vous n’apportez aucune réponse. Vous avez sans doute compris que le paradoxe n’est pas que je défende le monde de l’entreprise sous sa forme de capitalisme des métiers, du savoir-faire, des produits, si vital pour notre territoire.

Enfin, le critère de la réparation dépend d'une appréciation collective du dommage. Nous avons donc proposé que le public puisse apporter ses appréciations, suggestions et contre-propositions.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Bref, avec cette transposition a minima, la directive européenne est en réalité totalement vidée de son contenu. La Grande-Bretagne a effectué il y a quelque temps une étude prospective sur les implications de la directive et a abouti à une trentaine de cas. Le texte si réducteur que nous examinons aujourd'hui aura-t-il tout bonnement à s'appliquer en France ?

Sous le beau titre de « responsabilité environnementale », ce projet de loi tient davantage du Canada Dry (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : il a la couleur de la responsabilité environnementale, le goût de la responsabilité environnementale, mais ce n'est pas de la responsabilité environnementale. Au final, ne s’agit-il pas plutôt d’irresponsabilité gouvernementale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Notre responsabilité de députés communistes et républicains est donc aujourd'hui de ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Modernisation de l’économie

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’économie (n° 1062).

La parole est à M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, chers collègues, n’ayant pas le temps en dix minutes de passer en revue plus de cent cinquante articles, je m’arrêterai sur quelques points forts du texte.

Sur le statut de l’auto-entrepreneur, nous maintenons le rehaussement des seuils du régime de la micro-imposition introduit par l'Assemblée nationale.

S’agissant de la dispense d’immatriculation aux registres de publicité légale, nous avons retenu l’extension à toute personne ayant une activité commerciale ou artisanale s'exerçant dans le cadre du régime de la micro-imposition.

En ce qui concerne le visa fiscal, nous n’avons pris aucune disposition, compte tenu des désaccords entre les parties, mais nous tenons à ce que ce problème soit réglé d’ici à la fin de l’année.

En matière de délais de paiement, nous saluons le fait que le Sénat ait accepté le retour à la rigueur et à la disposition votée par l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire n’introduisant que trois légères modifications : la possibilité de modifier par accord interprofessionnel le point de départ à partir duquel est calculé le délai de paiement ; l’entrée en vigueur de la suppression des dérogations aux accords interprofessionnels le 1er mars 2009 et non plus le 1er janvier 2009, pour le cas où ces accords prendraient plus de temps que prévu ; l’obligation pour les entreprises ayant accepté d’avoir un commissaire aux comptes de publier des informations sur les délais de paiement.

Nous avons introduit dans le texte une disposition sur les « entreprises intermédiaires ».

Les vide-greniers pourront avoir lieu deux fois par an, au lieu de quatre ; il suffira pour les particuliers de faire une simple déclaration au maire.

M. Louis Guédon. Merci, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. À propos des commissaires aux comptes et des SAS, l’accord a, là encore, été total entre le Sénat et l’Assemblée nationale.

Sachant, madame la ministre, que vous vous êtes engagée à ce que le Sénat et l’Assemblée soient associés à la rédaction des décrets, nous vous faisons part de notre souhait unanime que les seuils de déclenchement soient identiques tant pour l'obligation d'avoir recours à un commissaire aux comptes que pour l'application de diligences allégées, soit 20 salariés, 2 millions d'euros de chiffre d’affaires et 1 million d'euro de total de bilan.

J’en arrive à présent au titre II, qui concerne la négociabilité, et salue ici l’ensemble des acteurs politiques et économiques, qui ont su apprécier la qualité du travail des députés sur la libre mais loyale négociabilité.

Concernant l’Autorité de la concurrence, madame la ministre, la commission mixte paritaire a reconnu l’intérêt d’insérer dans la loi un certain nombre des dispositions de l’ordonnance que vous nous aviez soumise avant la première lecture du texte. J’insiste simplement sur le fait qu’il ne peut y avoir d’Autorité de la concurrence efficace sans un minimum de moyens supplémentaires, en l’occurrence soixante-dix agents au moins, et non pas dix ou vingt.

Nous avons pris plusieurs dispositions sur la TACA, qui deviendrait la TASCOM, en rétablissant notamment à 5 000 mètres carrés, et non plus à 3 000 mètres carrés comme l’avait voulu le Sénat, la superficie à partir de laquelle s'applique la majoration de taxe.

Quant à l’urbanisme commercial, dont s’est particulièrement occupé Patrick Ollier, président de notre commission des affaires économiques, le Sénat et l’Assemblée ont su dépasser leurs différends sur l’article 27. Grâce à la bonne volonté des uns, des autres et du Gouvernement, nous sommes revenus à la position de l’Assemblée nationale. Nous avons pris acte de l’engagement du Gouvernement de proposer, dans un délai de six mois, un texte intégrant dans le code de l’urbanisme des dispositions sur l’urbanisme commercial. C’est une petite révolution !

Quant aux mesures transitoires, votées par l’Assemblée sous l’impulsion de Patrick Ollier et de votre rapporteur, nous avons simplement changé le fait que ce ne sont plus les communes de 15 000 mais de 20 000 habitants qui pourront saisir la commission départementale d’aménagement communal. Ces dispositions seront applicables dès la publication de la loi.

Nous avons voté une disposition sur les foires, salons et congrès. En revanche, la CMP a supprimé la disposition sur les voitures de petite remise, compte tenu de l’engagement du ministre de l’intérieur de régler cette anomalie avant de quitter ses fonctions.

M. François Brottes. C’est pour bientôt ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Sur le titre III et la mobilisation de l'attractivité au service de la croissance, l’amendement Numéricable n’a pas été adopté, car, malgré des heures de débat, aucune solution satisfaisante n’a été trouvée.

La commission mixte paritaire a rétabli à l’unanimité l’obligation d’équipement des téléviseurs à la norme de compression MPEG4, qui avait également été adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité. Les téléviseurs devront obligatoirement être équipés d’ici à décembre 2012, au lieu de décembre 2011.

Sur les dispositions concernant le livret A, la CMP est parvenue à un accord, comme sur les taxes communales sur la publicité, disposition insérée par le Sénat. Nous pensons néanmoins que des améliorations doivent encore être apportées, mais la commission mixte paritaire a adopté l’amendement de M. Marini.

En conclusion, nous sommes passés de quarante à cent trente articles au moins. Plutôt que de nous opposer les uns aux autres, nous avons fait preuve d’une belle unanimité dans la volonté de faire bouger les lignes pour adapter l’environnement législatif aux nouveaux défis économiques. Dans ce souci de modernisation, les acteurs économiques vont devoir adopter de nouveaux modèles économiques, fondés sur le bon sens et le juste prix.

Enfin, en cette fin de session, c’est d’une seule voix – et, parfois, une voix, cela compte ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – que nous voulons remercier M. Ollier et la commission des affaires économiques. Je remercie également l’ensemble des députés de l’UMP, qui m’ont beaucoup soutenu au cours de ce long travail entamé au mois de février 2008, et salue, monsieur Brottes, la loyauté de l’ensemble des parlementaires de l’opposition, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

M. Jean Dionis du Séjour. Et les centristes ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Vous avez raison, monsieur Dionis du Séjour, vous qui faites à vous seul et de manière exemplaire le travail de tout un groupe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je salue enfin l’attitude exemplaire du Sénat, de MM. Larcher, Marini et Béteille et de Mme Lamure, qui ont su accepter les arguments responsables que nous leur opposions.

C’est à vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que j’adresserai mes derniers remerciements. Nous vous remercions de nous avoir fait confiance, d’avoir respecté notre légitime autorité et de faire en sorte que cette « coproduction » entre le Parlement et le Gouvernement soit au service des entreprises, des consommateurs et du développement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voici arrivés, après son passage en commission mixte paritaire, à l’étape ultime de l’élaboration de la loi de modernisation de l'économie. Ce n’est pas sans émotion que je prends la parole devant vous, car nous y avons consacré beaucoup d’énergie, de temps et d’inventivité, tout cela dans la perspective – bien comprise par tous, je l’espère – d’améliorer la compétitivité de la France et la capacité des entreprises à relever les défis mondiaux auxquels elles sont confrontés, l’une et l’autre étant déterminantes pour que notre pays tienne son rang dans la compétition internationale.

J’étais heureuse, hier, de constater que le dernier rapport du FMI, qui commençait l’an dernier par : « France is on the move » – M. Brard n’étant pas là, je me permets un peu d’anglais –, confirme cette année que la France est en mouvement et qu’il y a tout lieu d’accélérer les réformes structurelles qui concourent à son attractivité.

J’ai assisté ce matin à la présentation du rapport sur l’attractivité de notre pays, rédigé par l’un des plus grands cabinets comptables internationaux. Celui-ci conclue aux réels progrès effectués par notre pays en matière d’attractivité, pour les investisseurs étrangers désireux de s’implanter en France. Leur choix est guidé par une multitude de critères, dont la plupart sont affectés par les dispositions contenues dans la loi de modernisation de l’économie.

Certes, nous traversons une passe économique internationale difficile, et les indicateurs de croissance et d’inflation ne sont pas aussi bons que nous le souhaiterions. Mais, dans ce contexte difficile, la France résiste plutôt mieux que les autres pays de l’Union européenne, en particulier depuis le mois d’août 2007.

Je prendrai à titre d’exemple le chiffre des créations d'entreprise. En 2007, 320 000 nouvelles entreprises se sont créées. Au cours des quatre premiers mois de l’année 2008, pour lesquels nous possédons des chiffres à jour, ce mouvement ne s’est pas ralenti malgré le climat extérieur troublé.

J’ajoute que le FMI a révisé de 0,2 point à la hausse les perspectives de croissance de la France, pour les années 2008 et 2009, alors qu’elles sont restées inchangées pour les autres pays. J’y vois là également un signe du regard favorable que l’extérieur porte sur les réformes que nous avons engagées.

La loi que vous vous apprêtez à voter vise à moderniser l’économie, objectif auquel concourent l’ensemble des titres qui composent le texte. Elle se fonde, vous vous en souvenez, sur trois principes déterminants : la productivité, l’attractivité et l’employabilité.

Je ferai deux rappels concernant la productivité. Notre économie pèche par ses capacités de recherche, de développement et d'innovation. Les réformes que vous avez votées et qui sont applicables depuis le 1er janvier 2008 permettent notamment aux investisseurs de bénéficier de 30 % de crédit d’impôt recherche sur toutes les dépenses affectées à la recherche et au développement. Cette mesure doit renforcer la compétitivité de notre territoire, l’un des plus compétitif au sein de l’OCDE. D’autre part, la modernisation du marché du travail que nous avons engagée et que vous examinez actuellement concourt également à cet impératif de productivité.

Nos efforts pour l’employabilité s’appuient sur trois piliers : la réforme du marché de l’emploi, avec la réforme de l’ANPE et des ASSEDIC, qui sera définitivement applicable à compter du 1er janvier 2009 ; l’offre raisonnable d’emploi, que vous avez votée tout récemment ; le projet de loi sur la formation professionnelle, enfin, qui devrait vous être présenté avant la fin de l’année.

Quant à l'attractivité, nous travaillons à réformer plusieurs principes de notre fiscalité afin d’inciter davantage les entreprises à investir dans notre pays.

Enfin, pour décrire le paysage dans lequel viendra s’inscrire la LME, je voudrais rappeler deux mesures particulières qui me sont chères, votées lors de la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat. D’une part, le mécanisme des heures supplémentaires. Aujourd’hui, on le sait, six entreprises sur dix ont recours à ce mécanisme selon le nouveau modèle exonération de charges, exonération fiscale, majoration de 25 % dans toutes les entreprises. D’autre part, la possibilité offerte aux contribuables redevables de l’ISF d’investir dans le capital des petites et moyennes entreprises. On le sait aussi, cette mesure a connu un réel succès puisque c’est près de 1 milliard d’euros qui a été investi dans les PME de France, soit directement sous forme de ce love money que j’ai eu le plaisir de décrire devant votre assemblée l’été dernier, soit sous forme d’investissements dans des FCP ou des FCPI, tels qu’ils ont été votés en loi de finances 2008.

Tel est le contexte dans lequel que votre assemblée et le Sénat, dûment représentés, ont contribué à améliorer, à clarifier les dispositions sur lesquelles vous allez vous prononcer aujourd’hui.

J’aimerais maintenant remercier l’ensemble des parlementaires. D’abord, ceux de la majorité, de l’UMP au Nouveau Centre, qui, malgré le degré de solitude au cours de certaines nuits (Sourires sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ont largement contribué au débat. Merci à tous d’avoir travaillé sur ce texte. Merci, bien sûr, à l’opposition d’avoir été présente, constructive, mais aussi réceptive.

Je remercie au premier chef le président Ollier. Vous avez fait preuve, monsieur le président de la commission, d’une qualité d’écoute,…

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Merci, madame.

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …d’une remarquable capacité à créer des consensus sur un texte particulièrement difficile et sur lequel les intérêts étaient divergents.

Je tiens aussi à distinguer les efforts entrepris par le rapporteur Jean-Paul Charié. Depuis l’origine, peut-être même avant février, vous avez été, monsieur le rapporteur, un soutien sans faille, vous avez évolué intellectuellement au regard de ce texte. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Mais si !

Nous évoquons ensemble ces questions depuis plusieurs années et, sur certains sujets, vous avez, je le répète, monsieur le rapporteur, évolué intellectuellement pour mieux apprécier la réalité économique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est vrai, je le reconnais !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Vous avez surtout contribué à faire évoluer un certain nombre de vos collègues, leur permettant de mieux appréhender les efforts que nous essayons de mettre en œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Je voudrais remercier et féliciter les rapporteurs Nicolas Forissier et Éric Ciotti, respectivement rapporteur pour avis de la commission des finances et rapporteur pour avis de la commission des lois, pour leurs efforts, leur soutien et leur grande intelligence d’un texte complexe dont chacun des titres nécessitait une expertise particulière.

Vous avez tous été très actifs en amont, contribuant à ce que Jean-François Copé, à qui j’adresse aussi mes remerciements, a appelé la « coproduction ». J’espère que nous montrons un peu un chemin, qui sera certainement amélioré car améliorable. Pendant des débats qui ont duré des jours et des nuits, se prolongeant parfois jusqu’au petit matin, nous avons mis en œuvre cette coproduction.

Durant la discussion de ce texte, je vous avais parlé de la coproduction, dont nous étions fiers, mais aussi de la post-production, qui, soyez-en sûrs, prendra plusieurs formes. D’une part, la forme de travaux d’examen et d’évaluation sur les effets des réformes que nous appliquons, auxquels vous serez conviés à participer. D’autre part, la poursuite de la participation de Jean-Paul Charié, auquel le Premier ministre souhaite confier une mission auprès de moi pour examiner l’intégration de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme et pour vérifier que nous mettons effectivement en œuvre ce texte dans l’ensemble des régions.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. En outre, j’ai demandé à tous les services qui dépendent de ma responsabilité de faire tous leurs efforts nécessaires à la mise en œuvre de l’ensemble des textes d’application, décrets et arrêtés, avant la fin de l’année civile 2008. Même si ce sera, je vous l’avoue, un effort considérable, le texte balayant de manière très large de nombreux secteurs d’activité,…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …je souhaite absolument que ce texte soit effectif et utilisable dès le début de l’année 2009 pour celles des mesures nécessitant des textes d’application.

Vous avez considérablement travaillé. Avec 2 500 amendements examinés et 17 séances de nuit, nous n'avons pas, les uns et les autres, ménagé nos efforts ! Les débats ont duré au total 149 heures, soit presque sept jours et sept nuits non-stop... Et je me garderai bien entendu de souligner l'excellent nombre de voix obtenu à l'Assemblée nationale – j’en ai été un instant, je vous l’avoue, assez fière.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Bravo !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Cela prouve du moins, outre la fierté que nous pouvons en tirer, l'intense mobilisation sur les bancs de cette assemblée pour ce texte, qui contribue, je le crois, à poser d’autres éléments du socle de notre stratégie économique que j’ai eu l’occasion de défendre à plusieurs reprises.

De cet examen, ce texte est sorti plus fort, mieux équilibré, et plus précis.

Un texte plus fort, d’abord.

Notre mesure sur l'auto-entrepreneur, qui va permettre à tous ceux qui le souhaitent de devenir, en plus de leur activité régulière, leur propre patron, a été rendue encore plus efficace par le relèvement des seuils. Vous avez relevé le seuil de la micro-entreprise à 80 000 euros pour les activités commerciales et à 32 000 euros pour les activités de service, et vous avez indexé ces seuils sur l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu, bonne mesure pour dynamiser la situation de l’auto-entrepreneur. De plus, vous avez autorisé le Gouvernement à étendre sans délai la fiducie aux personnes physiques, en particulier aux commerçants et aux artisans qui n'ont pas créé de société.

Le Sénat a imaginé de nouvelles mesures de simplification pour l'auto-entrepreneur, comme la généralisation de la dispense d'immatriculation, ou la dispense d'obligations comptables. Surtout, il a exonéré les auto-entrepreneurs de la taxe professionnelle durant les trois premières années d’exercice, rendant le taux forfaitaire de prélèvement efficace et vraiment libératoire de tout autre prélèvement !

Ces modifications expliquent l'essentiel du surcoût de 150 millions d’euros de la loi par rapport au projet initial du Gouvernement. Je pense que c’est un bon investissement, qui sera susceptible de générer de la création de valeur dans notre économie.

Autre exemple de mesure renforcée : celle en faveur des impatriés, dont le statut a été rendu un peu plus attractif par le Sénat.

Enfin, je suis heureuse que, grâce aux efforts de mon collègue Hervé Novelli, la catégorie des « entreprises de taille intermédiaire » trouve enfin sa place dans une loi ; j’y vois là des prémices importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Hervé Novelli et moi-même avons effectivement pour objectif de contribuer à la création et au développement de 2 000 entreprises de plus de 500 salariés. Ces entreprises de taille moyenne trouveront, je l’espère, leur place dans notre économie grâce aux conditions privilégiées des dispositifs de cette loi.

Un texte mieux équilibré, ensuite.

Vous avez installé les garde-fous nécessaires pour que la réforme de l'urbanisme commercial se déroule dans les meilleures conditions, ne rencontre pas d’hostilité systématique. Le seuil des 1 000 mètres carrés est conservé pour la libre installation des surfaces commerciales, mais, en deçà de ce seuil, les maires des communes de moins de 20 000 habitants auront la possibilité de saisir la CDAC « nouvelle façon » s'ils craignent que le projet ne soit pas conforme aux critères de développement durable et d'aménagement du territoire prévus par la loi. De plus, le droit de préemption des maires est renforcé. Un certain nombre de garanties ont été données aux petits commerçants, notamment sur le renforcement du FISAC. Enfin, nous l’espérons, la concurrence entre les grandes surfaces sera accrue, ce qui constitue, nous semble-t-il, un des leviers efficaces pour faire baisser les prix dans une économie libre, mais ce sera, nous l’espérons aussi, une concurrence civilisée, et non pas une concurrence sauvage !

Dans le même souci d'équilibre, les mesures sur la négociabilité ont été clarifiées pour qu'une vraie négociation des prix puisse avoir lieu, sans que s'installe systématiquement la loi du plus fort.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. De plus, les maires pourront dénoncer les abus de situation dominante devant la nouvelle Autorité de la concurrence, dont les pouvoirs sont renforcés, et les pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs seront beaucoup plus lourdement sanctionnées.

Enfin, la réforme du livret A a été judicieusement enrichie de mesures en direction des PME et des publics les plus fragiles. Vous avez renforcé l'obligation pour les banques d'utiliser les ressources non centralisées du livret A et du livret de développement durable pour financer les petites et moyennes entreprises. Pour les publics fragiles, vous avez renforcé le droit opposable au compte.

Un texte plus précis, enfin.

Sur de nombreux sujets, vous avez intégré directement dans la loi des dispositions qui étaient normalement reportées à des ordonnances ultérieures. Je pense en particulier à la réforme du régime des incapacités commerciales, mais aussi à la mise en place de la nouvelle autorité de la concurrence, qui, désormais, voit son rôle consacré par la loi.

Je vous le répète : un beau travail de coproduction dont nous pouvons, ensemble, être fiers ; un travail de post-production, auquel je vous engage, et auquel je nous engage ; la perspective, nous l’espérons, de gains de croissance que nous avons chiffrés à + 0,3 %, grâce à la mise en œuvre effective de ce texte ; enfin, un gain de pouvoir d’achat par ménage de 1 000 euros par an à partir de 2009, estimation réalisée par le Fonds monétaire international d’après ses calculs basés sur la mise en œuvre de l’ensemble des textes de nature à restructurer notre économie.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, je tiens d’abord à remercier Catherine Vautrin et tous mes autres collègues inscrits dans la discussion générale d’avoir accepté une modification de l’ordre de passage des orateurs, les contraintes de fin de session, notamment la réunion de la commission mixte paritaire sur la loi de règlement, m’obligeant à m’exprimer avant les autres.

Madame la ministre, au terme des travaux de la commission mixte paritaire, je voudrais limiter mon propos au titre IV de ce projet de loi. Ce titre IV concernait à la fois la gouvernance de la Caisse des dépôts et la réforme du livret A, sujets sensibles pour le Parlement puisque la Caisse des dépôts est placée sous l’autorité de la représentation nationale, mais aussi parce que la gouvernance de la Caisse ne fait pas l’objet de réformes fréquentes. Celle-ci n’avait globalement pas changé depuis plus d’un siècle et le livret A lui-même était quasiment le même dans son fonctionnement depuis son origine.

Beaucoup de craintes avaient été exprimées au tout début de la discussion. Aujourd’hui, nous pouvons faire le constat que ces craintes sont levées.

S’agissant de la réforme de la gouvernance de la Caisse, cette dernière ressort avec un contrôle accru du Parlement. L’autorité du Parlement est renforcée, tout d’abord par la présence d’un élu supplémentaire ; le Sénat aura dorénavant deux représentants, ce qui ouvre une possibilité de représentation de l’opposition.

M. François Brottes. Quelle ouverture ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard. C’est une ouverture, disais-je, pour l’opposition car, malheureusement, l’amendement qui avait été adopté à l’Assemblée nationale prévoyant cette représentation de l’opposition à l’Assemblée et au Sénat n’a pas pu être maintenu pour les deux assemblées ; il a été maintenu pour l’Assemblée nationale, ce dont je me réjouis, et j’en remercie les membres de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Une heure de débat pour ça !

M. Michel Bouvard. Par ailleurs, l’Assemblée nationale et le Sénat auront la possibilité de faire désigner par l’intermédiaire leur président des personnalités qualifiées, cela signifiant que la représentation issue de l’Assemblée nationale et du Sénat dans la nouvelle commission de surveillance sera plus importante que par le passé.

La commission mixte paritaire a également bien voulu entendre ma proposition sur le maintien de l’actuelle représentation de la Cour des comptes au sein de cette institution.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Michel Bouvard. S’agissant du livret A, je pense que la réforme conforte la place de la Caisse des dépôts dans le financement du logement social et apporte les garanties nécessaires pour le financement du logement social et de la politique de la ville.

M. René Couanau. On peut l’espérer !

M. Michel Bouvard. En effet, si une répartition différente des ressources est prévue entre la part centralisée à la Caisse des dépôts et la part conservée par les établissements bancaires, la part centralisée à la Caisse ne sera pas moins importante que par le passé et un niveau plancher de ressources, non garanti auparavant, est introduit grâce à ce texte. En effet, auparavant, lorsque des phénomènes de décollecte se produisaient, la décollecte impactait directement nos capacités à financer le logement social. Aujourd’hui, une garantie de ressources est inscrite dans le texte, ce dont il faut se réjouir. Néanmoins, le projet de loi, grâce aux améliorations apportées par le Parlement, a également conforté une transparence sur l’usage qui est fait des ressources de l’épargne réglementée par les établissements bancaires.

Chacun savait, depuis des années, que l’usage qui était fait par les banques des ressources de l’ancien CODEVI –devenu Livret de développement durable – n’était pas totalement transparent : nous n’avions aucune preuve qu’il servait bien à financer les missions d’intérêt général définies par le législateur. Aujourd’hui, cette obligation d’usage de la ressource de l’épargne réglementée est inscrite dans la loi, notamment à l’initiative de Nicolas Forissier, pour des missions d’intérêt général clairement établies, telles que le financement des PME, qui est la priorité du Gouvernement, et celui des économies d’énergie. Le Parlement devra être attentif à la mise en œuvre de cette clarification.

Je remercie chacune et chacun d’avoir compris les enjeux qui, dans le titre IV, s’attachaient au maintien de la primauté du Parlement sur la Caisse des dépôts, et au maintien du rôle central que joue cette institution dans le financement du logement social et de la politique de la ville. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, le texte est plus fort, mieux équilibré, plus précis : nous ne pouvons que nous nous en réjouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la ministre, nous ne pouvons qu’apprécier votre courtoisie. Toutefois, nous sommes ici pour expliquer aux Français la politique que mènent le Gouvernement et la majorité. Chacun est dans son rôle.

Nous arrivons au terme de la salve législative de l’été 2008. Comme de coutume, vous avez tiré beaucoup de cartouches pour que, au cœur de l’été, personne ne puisse compter les balles (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais votre application à faire tout – et parfois un peu n’importe quoi – dans l’urgence vous aura permis d’aboutir à vos fins, et d’atteindre votre cible au détriment de l’intérêt d’une large majorité de nos concitoyens. (« Allons ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. René Couanau. Mauvais joueur !

M. François Brottes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout a été organisé au cordeau. C’est la technique que j’utilisais lorsque je repiquais des salades avec mon grand-père, dans son jardin de cheminot : cela facilitait la cueillette lorsqu’elles avaient poussé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette vielle technique vous garantit donc une belle moisson de réformes législatives, toutes plus injustes les unes que les autres.

Après la célèbre formule « à l’euro près », nous connaissons, depuis Versailles hier, la formule « à une voix près ». (Mêmes mouvements.)

M. Michel Bouvard. Deux voix !

M. François Brottes. C’est parfois un peu serré, c’est souvent confus, c’est toujours très abondant, mais, petit à petit, votre majorité, avec méticulosité et cohérence, modifie assez fondamentalement les valeurs et les droits.

M. Michel Bouvard. Demandez à Jack Lang ce qu’il en pense !

M. François Brottes. Elle impose à marche forcée, et souvent avec une bonne dose de populisme et pas mal d’à propos – il faut toujours reconnaître le talent de ses adversaires –, sa vision d’un monde où seule compte la gloire de ceux qui gagnent beaucoup d’argent, les autres étant forcément des fainéants, des gens qui font exprès d’être malades ou de se faire licencier. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Vous faites dans la nuance !

M. François Brottes. Voyez, par exemple, M. Dassault et les propos qu’il a tenus au Sénat.

Inutile de lire entre les lignes pour ne pas s’étonner de quelques coïncidences pour la seule journée d’aujourd’hui. Dans quelques instants, le vote de cette loi va banaliser le livret A avec toutes ses conséquences néfastes – sur lesquelles je reviendrai. Dans la même journée, vous signez avec La Poste un contrat dit « de service public », qui, en réalité, n’est qu’un rideau de fumée avant la privatisation annoncée de La Poste…

M. Michel Bouvard. Ce qu’a fait M. Schröder en Allemagne !

M. François Brottes. …et c’est aujourd’hui, aussi, que la fusion GDF-Suez fait son entrée en Bourse. M. Sarkozy nous avait pourtant promis, ici même, que GDF ne serait jamais privatisée : vous ne manquerez pas de nous faire la même promesse pour La Poste. Voilà pour le contexte.

Il y a un an, à quelques heures près, la majorité votait le fameux « paquet fiscal » : chaque année, cela prive le budget de l’État de 15 milliards d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et c’est l’une des raisons qui vous empêchent actuellement de boucler votre budget.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas ce qui est dit dans la loi de règlement !

M. François Brottes. Ce mois-ci – avec cette loi LME qui en est le couronnement –, vous aurez voté le « paquet fatal ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous vous êtes doté, en effet, de « l’arme fatale » contre les plus vulnérables, ceux qui n’ont pas la chance d’être bien nés, ceux qui n’ont ni stock-options ni avoir fiscal. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.

M. François Brottes. Merci de faire respecter le silence, monsieur le président.

Le paquet fatal, ne vous en déplaise, est fatal pour une élaboration claire et sereine de la loi. Le président du groupe UMP disait lui-même hier, à la tribune du Congrès, à propos des travaux du Parlement, que « cette pièce commence à ennuyer tout le monde », que « c’est toujours la même histoire ». J’ignore s’il songeait à ce recours systématique à la procédure d’urgence, qui permet de faire adopter à la va-vite, au cœur de l’été, le maximum de mesures qu’il vaut mieux ne pas trop divulguer avant de les appliquer. En l’espèce, je défie l’excellent rapporteur lui-même de nous montrer le texte final complet sur lequel nous allons nous prononcer tout à l’heure. Nous n’en disposons pas. Cent cinquante articles, 117 amendements adoptés en commission mixte paritaire, des pages entières qui n’auront été débattues qu’au Sénat, telles les dispositions sur la publicité dans les villes, la réforme du régime des incapacités commerciales et industrielles, qui touche un pan entier du code pénal, ou la transformation complète des règles contenues dans le code du commerce, pour définir les infractions ne relevant pas du code pénal. Je sais bien que votre majorité revendique une coproduction législative – ce n’est, désormais, qu’une postproduction – afin de s’accorder avec le Gouvernement dès la rédaction du texte initial, mais il suffit de voir le nombre de désaccords qui surgissent entre cette majorité et ce gouvernement, et qui renvoient leur règlement à des rapports, à de nouveaux groupes de travail ou, tout simplement, à plus tard, pour se demander ce que cela donnerait s’il n’y avait cette fameuse coproduction. Avec ce système, notre assemblée aura été interdite de débat sur tous ces aspects essentiels du droit.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Non !

M. François Brottes. Bien sûr que si, pour tout ce qui a été examiné au Sénat et qui n’a pas été vu ici.

Et vous voulez nous donner des leçons de revalorisation du travail parlementaire ! Ce n’est pas sérieux. Cette manière de légiférer fabrique de la mauvaise loi, sur la forme autant que sur le fond. D’autant – Michel Bouvard ne me contredira pas – que le texte final renie les conclusions d’un long travail commun et unanime de trois commissions de l’Assemblée nationale, en particulier sur la réforme nécessaire du Conseil supérieur de la statistique.

Ce paquet est fatal pour les consommateurs. Eux aussi seront les dindons d’une mauvaise farce, alors que le texte était prétendument destiné à améliorer leur pouvoir d’achat – mois après mois –, comme le prétend, sur les ondes, la propagande gouvernementale. Trois exemples suffisent à le démontrer. C’est d’abord votre refus répété de mettre en œuvre les modalités d’organisation légale de l’action de groupe : vous répugnez en fait à voir les consommateurs s’organiser face aux fournisseurs qui abusent, de même que vous avez interdit de relever les prix, en toute transparence, pour pouvoir mieux les comparer. C’est ensuite votre refus de vous attaquer franchement au monopole des centrales d’achats, qui font la loi des prix d’achat et des prix de vente dans la grande distribution : ç’aurait pourtant été une vraie réforme au service des consommateurs. C’est enfin cette inconséquence qui consiste à favoriser l’émergence de nouveaux « auto-entrepreneurs » qui n’auront pas de numéro d’immatriculation professionnelle, ni même de qualification et de compétences particulières pour aller accomplir, chez leurs clients, des prestations de service pour lesquelles ils ne pourront pas fournir de garantie de bonne fin.

Ce paquet est fatal pour les commerçants de proximité, qui vont subir de plein fouet l’implantation anarchique des moyennes surfaces. Vous créez l’illusion de donner de nouveaux champs d’action pour le FISAC, le fond d’intervention destiné à les soutenir.

M. René Couanau. Il n’a pas tout à fait tort !

M. François Brottes. Je reconnais que ces nouvelles compétences d’intervention sont les bienvenues, mais si la TACA, désormais appelée TASCOM – taxe d’aide sur les surfaces commerciales –, taxera davantage les grands distributeurs, elle n’alimentera pas davantage le FISAC, puisqu’elle lui attribuera à peine 15 % des fonds collectés. En réalité, elle viendra nourrir le budget de l’État sans rien apporter de plus au petit commerce.

M. Michel Bouvard. Attendez de voir la loi de finances !

M. François Brottes. Ce paquet est fatal pour les artisans. Quelle mouche vous a piqués pour que vous méprisiez les artisans (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – la première entreprise de France – au point de leur jeter dans les jambes une nouvelle catégorie de pseudo-entrepreneurs – les auto-entrepreneurs – qui pourront cumuler leurs activités d’entrepreneur avec un salaire ou une retraite…

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire, et M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est faux !

M. François Brottes. …sans payer normalement les charges que les autres acquittent ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ils paieront un forfait !

M. François Brottes. Ainsi, ils pourront casser les prix et faire une concurrence déloyale à tout va, la loi n’imposant pas de contraintes de qualification pour exercer leurs tâches.

Après quoi certains, dans la majorité, auront le culot de faire l’apologie de l’apprentissage, alors que ce nouveau statut d’auto-entrepreneur est une provocation pour ceux qui exercent honnêtement un métier qu’ils ont appris avec passion, courage et acharnement. Dès les premières malfaçons, les premiers abus, c’est la réputation de tous qui sera mise en cause.

Ce paquet est fatal pour les entreprises et les producteurs. Certes, ce texte comporte des mesures destinées à réduire les délais de paiement, mais permettez-moi de douter de la réalité de leur mise en œuvre face à de gros clients récalcitrants. La loi donne un droit, mais pas les moyens de l’appliquer. C’est donc un nouveau droit virtuel, comme le droit au logement ou le droit au compte bancaire, un nouveau droit de la bonne conscience pour faire des effets de tribune – les pêcheurs et quelques autres professionnels voient très bien de quoi je parle.

Mais la cerise sur le gâteau en matière de mépris pour les producteurs et les entreprises, c’est la fameuse mesure signée LME – Leclerc Michel-Édouard –, que les fournisseurs des grandes surfaces pourront signer furax. (Rires.) Je veux parler de la négociabilité des conditions générales de vente, où l’acheteur – toujours les centrales d’achats – pourront facilement imposer leurs conditions tout en continuant d’exiger ce droit d’entrée qui ressemble au bakchich et qui s’appelle le référencement, autrement dit le droit de figurer dans le catalogue avant d’avoir vendu quoi que ce soit.

Ce paquet est fatal pour le logement social. Souvenez-vous que l’abbé Pierre était venu dans ces tribunes – c’était à peu près à la même période – s’insurger contre la modification de la loi SRU. Or ce gouvernement va prochainement réaliser cette modification : Mme Boutin l’a annoncé, et cette annonce constitue un renoncement à la construction de locatif social.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. C’est faux, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Vous êtes un expert, monsieur le président de la commission.

À l’époque de la création de la Banque Postale, je vous avais prévenu que la manière dont vous la mettiez en œuvre aurait comme conséquence la banalisation du livret A. Vous m’aviez un peu moqué, disant que j’exagérais. Aujourd’hui, nous y sommes. Je lis, ici ou là, que l’augmentation du taux de rémunération du livret A et sa mise à disposition dans toutes les banques sont deux bonnes nouvelles pour les Français : ceux qui s’expriment ainsi ne prennent leurs informations qu’à Bercy ou à l’UMP. D’une part, l’augmentation du taux est directement liée à l’augmentation galopante de l’inflation, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat. D’autre part, la distribution du livret A par toutes les banques – mais, rappelons-le, à la tête du client, puisque seule la Banque Postale aura l’obligation d’accueillir tout le monde – va en réalité organiser le siphonnage des meilleurs clients du livret A par les banques qui proposeront d’autres produits. À terme, cela fragilisera le financement du logement social, d’autant que ce n’est plus 100 % de la collecte qui seront dédiés à son financement.

Ce paquet est fatal pour les plus démunis. Comment ignorer que 7,9 millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, et parmi eux des mères de famille monoparentale qui travaillent souvent en temps partiel non choisi dans la grande distribution ? Ce n’est pas avec une mesure législative qui confirme le droit au compte et au chéquier que vous allez les rassurer. La complexité de ce droit exigera que l’on ait mis un pactole financier de côté pour avoir la patience de le revendiquer, et un pactole d’études supérieures dans son CV pour que l’on comprenne comment le faire valoir. Les plus démunis continueront à être les exclus du réseau bancaire classique et seront de moins en moins désirés à La Poste : en effet, les bureaux de plein exercice sont de moins en moins nombreux ; d’autre part, la qualité de l’accueil est placée sous la contrainte de la rentabilité, future privatisation oblige ; enfin, les petits retraits risquent de ne plus être gratuits, comme nous l’a confirmé en CMP le rapporteur du budget du Sénat.

Après la tentative avortée de création stigmatisante d’un livret pour les pauvres, voici venu le temps de la débancarisation organisée des plus démunis et de leur dignité abandonnée.

Ce paquet est fatal pour les salariés. Dans la série « travailler plus pour gagner moins », vous aurez atteint des sommets au cours de ce mois de juillet. En un mois, de texte en texte, vous aurez fait glisser les seuils sociaux et porté atteinte à la représentation des salariés par les délégués du personnel. Vous aurez scié les accords de branche pour rendre plus vulnérables les salariés, dans un cadre d’accord entreprise par entreprise. Le Congrès d’hier a d’ailleurs fait la démonstration que les pressions individuelles étaient les plus efficaces. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous créez le dumping social intérieur, pour travailler plus sans gagner plus. La majorité n’a-t-elle pas décidé, il y a quelques jours, d’annuler dès le 31 décembre 2009 – c’est demain – tous les accords existants pour imposer une nouvelle négociation, après avoir validé dans le même temps à Bruxelles la semaine de 65 heures ?

Vous faites tout pour que soit imposé aux salariés au forfait jours de travailler 282 jours au lieu de 218 jours par an. Inutile de vous démontrer que les week-ends et les jours fériés seront affectés. Pour être cohérents – et vous l’êtes toujours –, vous avez remis en cause le repos compensateur, confondant la notion d’aménagement du temps de travail avec la nécessaire préservation de la santé des salariés. Vous passez en force, contre l’avis des syndicats. Aujourd’hui, vous parachevez l’œuvre dans ce texte de loi. Le statut de l’auto-entrepreneur sera une facilité pour supprimer le statut de salarié. Vous élargissez la présomption de travail non salarié à ce nouveau statut, et vous niez ainsi la réalité de la subordination : vous avez même fait cela ! Vous permettrez à certaines entreprises de convaincre leurs salariés de devenir des tâcherons, sous le prétexte – douce illusion ! – qu’ils vont devenir leur propre patron.

Que dire de ces demandeurs d’emploi, à qui des employeurs diront : « Revenez me voir lorsque vos allocations chômage auront diminué : cela me permettra de vous embaucher à vil prix, puisque vous ne pourrez plus refuser cette offre d’emploi, même si elle n’est pas payée cher et même si le poste est situé loin de chez vous » ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le temps me manque pour multiplier les exemples démontrant la logique et la cohérence de votre action politique : toujours plus de vulnérabilité pour les salariés, toujours moins de reconnaissance de la qualification, même chez les artisans, et toujours plus de contrainte sur les collectivités locales, qui, souvent, sont le dernier rempart contre le basculement dans la misère. Elles aussi, vous ne les avez pas loupées dans votre paquet fatal : suppression des tribunaux, suppression des garnisons, privatisation de La Poste, diminution des fonds pour le logement, obligation de se substituer aux fonctionnaires d’État dans le champ de l’éducation, diminution annoncée de leur dotation. Pour elles, ce n’est pas un Grenelle, c’est un orage de grêle de mauvaises nouvelles. (Sourires.)

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le paquet fiscal va coûter cher tous les ans au budget de l’État : moins d’emplois, moins de recherche, moins d’éducation, moins de sécurité, moins de service public.

M. Louis Guédon. Plus de pouvoir d’achat, plus de travail ! Respectez le choix des électeurs !

M. François Brottes. Le paquet fatal, tel que je viens de le décrire, va coûter cher aux Français, qui, bientôt, n’en pourront plus d’être traités avec autant de mépris et de désinvolture. Inutile de vous préciser que, pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette loi de modernisation d’une économie de la précarité organisée par vos soins en fonds de commerce politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est très décevant ! C’est du grand socialisme, mais du petit Brottes !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est, à quelques jours près, l’anniversaire du paquet fiscal, synonyme de plus de 13 milliards d’euros de cadeaux fiscaux.

M. Louis Guédon. Pour l’emploi !

M. Daniel Paul. Vous poursuivez avec la loi dite de modernisation de l'économie : banalisation du livret A, cadeaux à la grande distribution, mise à mal d’un certain nombre de professions, comme la profession de commissaire aux comptes, statuts dérogatoires au droit commun pour certaines catégories d'entrepreneurs…

M. Michel Bouvard. Le PC défend les commissaires aux comptes maintenant ? C’est une révolution ! Avant, il défendait les commissaires du peuple ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Vous appelez cela, madame la ministre, mettre « la France en mouvement ». C'était déjà ce que vous promettiez l'an passé, avec la loi TEPA.

En fait de « modernisation », si vous refusez obstinément toute hausse substantielle du SMIC, vous rejetez toute idée de taxation des stock options et des bénéfices des compagnies pétrolières, alors que celles-ci continuent d'engranger des bénéfices faramineux ; vous accordez des aides tout aussi colossales aux entreprises sans contrepartie en termes de salaires ; vous remettez en cause les droits des salariés ; vous supprimez plus de 30 000 postes dans la fonction publique ; vous portez des atteintes répétées à la protection sociale ; vous prévoyez de transformer La Poste en société anonyme ; vous faites porter des menaces sur l'audiovisuel public ; vous privatisez GDF, cela se concrétise aujourd’hui même. Voilà la réalité de votre politique. Sans compter que se confirme, jour après jour, et par vos propres organismes d’études, l’ancrage dans notre pays de la pauvreté, avec des écarts grandissants entre les 10 % de citoyens les plus riches et les 10 % de citoyens les plus pauvres.

La loi de modernisation économique est sur la même ligne.

Avec la réforme des négociations commerciales, vous renforcez la mainmise de la grande distribution sur la chaîne de production. Sous le terme trompeur de « négociabilité », c'est la loi du plus fort qui se cache, et l'étranglement des petits fournisseurs. Tout cela sans aucune assurance que les consommateurs bénéficieront au bout de la chaîne des baisses de prix imposées aux producteurs !

La réforme de l'urbanisme commercial vient, elle aussi, largement déréguler le secteur économique. Certes, l'Assemblée et le Sénat ont mis quelques garde-fous au fil des amendements, mais la consultation des commissions départementales d'aménagement commercial ne sera plus obligatoire pour les établissements de moins de 1 000 mètres carrés ; elle sera seulement possible, en fonction du bon vouloir du maire.

Finalement, au nom de la libéralisation de la croissance, les considérations relatives à l'aménagement urbain et les réflexions sur les conditions d'emploi et de travail dans les hard discount sont balayées d'un revers de manche. C’est d’ailleurs ce que répond Philippe Moreau, président de la CGPME de Loire-Atlantique, au journaliste qui lui pose la question : « Croyez-vous à la baisse des prix avec davantage de supermarchés » ? Il répond : « Non ! Depuis de nombreuses années le nombre de mètres carrés des grandes surfaces ne cesse d’augmenter sans que les prix baissent. »

M. Michel Terrot. Eh oui !

M. Daniel Paul. « Et il ne fait aucun doute que porter de 300 à 1 000 mètres carrés la possibilité de créer des commerces sans passage en CDEC profitera essentiellement aux magasins de petite taille existants qui en profiteront pour s’agrandir. »

M. Michel Terrot. Ca c’est vrai !

M. Daniel Paul. « L’État ne s’attaque pas à la source du mal qui provient de la puissance et des ententes entre les cinq centrales d’achat dominant la grande distribution française. Pas plus d’ailleurs qu’on ne s’étonne de la montée en puissance des marques distributeurs faisant fi de la propriété industrielle de leurs créateurs d’origine. »

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. C’est ce qu’on fait avec l’article 21 !

M. Daniel Paul. Et pour parfaire le tout, votre texte avalise une réforme des autorités de contrôle, avec la création d'une « autorité de la concurrence ». Même le président du Conseil de la concurrence s'interroge sur les moyens qui lui seront dévolus pour exister ! Pourtant, pour assurer la protection du consommateur et le respect des règles de la concurrence, des moyens humains suffisants sont nécessaires.

Finalement, dans ce texte, la seule logique en vigueur est celle du libre marché. La libération des énergies que vous appelez de vos vœux, c'est en fait la loi de la jungle : le consommateur face à la grande distribution, les fournisseurs face aux centrales d'achat toutes puissantes, les petits commerçants face à la concurrence des enseignes de hard discount, en attendant la remise en cause que vous voulez imposer du repos dominical pour l'ensemble des salariés du commerce.

Vous avez tout au long de ce texte rejeté toutes nos propositions.

Pour dynamiser l'économie, pourquoi n'avoir abordé aucune réforme de l'accès aux crédits des PME, et plus particulièrement des TPE ? Ces entreprises constituent une force vive pour notre pays, mais leurs difficultés sont parfois fortes, entre les pressions des donneurs d'ordre et la concurrence des grands groupes. Pourquoi n'avoir pas consenti une hausse plus importante que celle que vous avez prévue pour le FISAC afin de les soutenir ?

Comment ne pas faire le lien entre la question des commerces de proximité et votre politique de démantèlement des services publics, qui contribue à l'assèchement de la vie des quartiers, mais aussi de la vie rurale et montagnarde ? En effet, vous ne jugez les services publics qu'à l'aune de leur rentabilité financière. Et dès lors qu'ils sont jugés trop peu rentables, ils sont fermés ou appauvris. Cela aussi nuit aux commerces de proximité !

Votre seul levier d'action, c'est le développement de la concurrence et de la déréglementation, qui, à vos yeux, ne peut que faire baisser les prix et relancer la croissance.

Autre gagnant de votre texte : le secteur bancaire. Alors que rien ne vous y obligeait, vous lui offrez le livret A, produit d'appel sans pareil, sans aucune garantie réelle sur la qualité du service rendu par les banques. Et en décentralisant la collecte de ce livret, vous leur consentez un cadeau de plusieurs milliards d'euros en liquidités ! Là encore, ce ne sont pas les petits épargnants qui seront gagnants, pas plus que le réseau postal. Et, au même moment, nous apprenons que La Poste deviendrait une société anonyme.

M. Michel Terrot. Ce n’est pas une injure !

M. Daniel Paul. Sombre perspective !

À l'inquiétude des Français devant l'évolution de leur pouvoir d'achat, vous répondez par un statut dit « d'auto-entrepreneur », sans immatriculation au registre du commerce, sans cotisation sociale ou fiscale, pour compléter les fins de mois, en complément d'un temps partiel non choisi, ou d'une maigre pension de retraite.

Cette proposition suscite, à juste titre, une réaction outrée de la Fédération française du bâtiment. Ainsi, le président de la fédération française du bâtiment de ma région, la région havraise que vous connaissez bien, écrit, et il s’adresse évidemment à l’ensemble des adhérents à cette structure : « Nous attirons également votre attention sur l'une des dispositions de la loi de modernisation économique en cours d'examen par le Parlement, concernant l'instauration d'un statut dit “d'auto entrepreneur”.

« Sous des prétextes de simplification administrative et d'encouragement à la création d'entreprise,…

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Très bien !

M. Daniel Paul. Sous les prétextes, monsieur le secrétaire d’État.

…cette disposition permettrait de dispenser d'immatriculation au registre du commerce ou des métiers l'exercice de petites activités en cumul d'une situation de salarié ou de retraite.

« La profession tout entière dénonce la concurrence déloyale…

M. François Brottes. Il a raison !

M. Daniel Paul. … qui résulterait de l'activité de ces “entrepreneurs” amateurs, dépourvus de qualification…

M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Oh !

M. Daniel Paul. …et d'assurance professionnelle. »

Je tiens à votre disposition ce document signé du président de la Fédération française du bâtiment.

M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Vous défendez les gros ?

M. Daniel Paul. Quant à l’UPA, voici l’extrait du communiqué diffusé à l’issue de la réunion des présidents des UPA territoriales le 27 juin :

« Ils ont rejeté catégoriquement la création du statut de l'auto-entrepreneur qui, en instaurant un régime dérogatoire au profit des petites activités, impose une concurrence déloyale aux entreprises existantes et menace un tissu économique aujourd'hui performant.

« Ils ont dénoncé la libéralisation de l’implantation des grandes surfaces alors que la France détient déjà le record européen de mètres carrés par habitant.

« Ils se sont opposés à l'ouverture généralisée des commerces et des grandes surfaces le dimanche et ont appelé au lancement d'un plan de développement de l'économie de proximité incluant tous les domaines : emploi, qualité de vie, commerce urbanisme, déplacements. »

Oui, monsieur le secrétaire d’État, c’est ça la position de l’UPA.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Il est vrai qu’avec vos propositions, vous poursuivez d’autres objectifs, beaucoup moins avouables : poursuivre le « détricotage » des 35 heures, sortir de plus en plus de salariés des dispositions solidaires du monde du travail, poursuivre la déconnexion du financement de la protection sociale, des cotisations des entreprises et des salariés. C’est cela qui est derrière votre projet de loi.

Au-delà de l'apparence « fourre-tout » de votre texte, vous avez une logique implacable : adapter notre pays, notre société, nos concitoyens, aux exigences d'un capitalisme qui entend avoir les mains libres, dans un contexte de mondialisation financière et de concurrence exacerbée.

J’ai eu l’occasion tout au long de ce texte d’aborder ce que vous entendez par « modernisation ». Ce que vous appelez « modernisation » n'est rien d'autre qu'un recul social sans précédent. Nous n’avons pas la même conception de la modernisation.

Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Eh oui !

M. Daniel Paul. Nous voterons donc quant à nous contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’associe Luc Chatel qui a bien œuvré pour cette loi, mes chers collègues, nous allons voter une loi qui doit permettre à notre économie de continuer sa modernisation. Nous pouvons débattre sur la modernisation, elle est quand même souhaitable. Le groupe Nouveau Centre considère que ce texte, sur les sujets traités, est à la hauteur des enjeux. Nous avons, même si nous sommes un petit groupe, des sensibilités différentes, et Philippe Folliot fera entendre tout à l’heure une autre sensibilité que la sensibilité majoritaire de notre groupe, que je représente.

M. François Brottes. Comme hier quoi !

M. Jean Dionis du Séjour. Le travail des parlementaires a été long et difficile mais, au final, constructif et efficace. Nous considérons que les mesures contenues dans cette loi vont dans le bon sens et ne méritent pas l’agressivité dont elle a été l’objet de la part de notre collègue Brottes.

M. Serge Poignant. Ça, c’est vrai.

Mme Catherine Vautrin. On peut le dire.

M. Jean Dionis du Séjour. Le propos était plus calme chez M. Paul.

Pour notre part, nous considérons que la loi va dans le bon sens. Nous avons d’ailleurs été au Nouveau Centre assez prophétiques. Depuis des années, nous étions seuls au début puis nous avons été rejoints par de nombreux parlementaires, notamment du groupe UMP, nous disions qu’il fallait supprimer les marges arrière. La loi Galland avait abouti à des dérives aux effets ravageurs. Nous l’avions dénoncé, c’était un des nids de la corruption à la française. Mais, au-delà de cette pratique inacceptable, c’était tout simplement un mécanisme inflationniste. En permettant l’entente entre les grands industriels et les grandes antennes de la distribution, les marges arrières avaient un effet inflationniste direct, au détriment du consommateur. Cela explique en partie le niveau des prix élevé en France comparativement à ses voisins européens aux économies comparables. Or le niveau des prix proposé aux consommateurs était quand même le sujet que nous devions traiter. C’est pourquoi je trouve l’expression de l’opposition largement hors sujet.

M. François Brottes. Oh !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est mon avis.

M. le président. Monsieur Brottes, M. Dionis du Séjour a le droit de s’exprimer comme il le veut, comme vous d’ailleurs.

M. François Brottes. Vous parlez pour lui, mais pas pour les autres.

M. le président. Non, il parle pour lui, monsieur Brottes. Vous, vous n’avez pas la parole.

M. François Brottes. Ce n’est pas un magistrat, c’est un parlementaire !

M. le président. Monsieur Brottes ! Pas de leçon !

M. François Brottes. Pas de mise en cause. Vous n’avez pas à me faire ce genre de remarques, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Brottes, calmez-vous.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous ne faisons pas d’illusion sur le rapport de force qui existe entre le monde de la distribution et le monde de la production en France. Mais ce texte, qui permettra de mettre en place et d’organiser la négociabilité, de supprimer les marges arrières au profit du « triple net », constitue une avancée majeure, que nous soutenons pleinement.

Certes, nous étions un peu, nous l’avions dit, madame la ministre, comme Caton l’Ancien, répétant de manière un peu obsessionnelle retrocommissio delenda est. Maintenant, nous pourrons dire retrocommissio deleta est, et c’est quand même un jour historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela dit, c’est sans état d’âme ni illusion – il y aura bien sûr des effets pervers, toute résolution d’un problème entraînant elle-même un nouveau problème – que nous tournons la page des marges arrière. Ne sous-estimons pas l’ampleur ni l’impact de cette négociation.

L’autre grande réforme concerne l’urbanisme commercial. Nous étions majoritairement favorables au passage à 1 000 mètres carrés, pour avoir étudié le problème de très près et constaté que 90 % des dossiers recevaient finalement l’autorisation de la CDEC. Il faut être logique et cohérent : on ne peut pas souhaiter l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, en dénonçant l’absence de concurrence dans trois quarts des bassins de vie locaux, et ne pas faire le nécessaire pour ouvrir à la concurrence, ne serait-ce que modestement, les bassins de vie soumis au monopole d’une enseigne. Sur ce point aussi, le texte va dans le bon sens, d’autant qu’il modernise l’encadrement de la concurrence en créant une autorité chargée de la contrôler. Nous soutenons l’autorité de régulation. Le texte final permet un véritable contrôle sur son organisation, ce qui va dans le sens que nous défendons. Soyez assurés que nous serons extrêmement vigilants sur l’ordonnance organisant les pouvoirs de cette Haute autorité de la concurrence, qui ne doit pas être un « machin » de plus, mais un véritable arbitre de la concurrence nationale et locale.

Nous sommes aussi satisfaits du travail, pourtant modeste et quelque peu parisien, accompli sur le titre III, notamment sur la fibre optique. La tentation de satisfaire les « amendements Numéricable » a été finalement repoussée. La décision est bonne, comme le texte lui-même. Nous avons d’ailleurs contribué à son amélioration en imposant que la localisation du point de mutualisation se situe en dehors des limites privées de l’immeuble.

Ne nous mentons pas, cependant, et ne faisons pas passer le texte pour ce qu’il n’est pas. Il ne met pas en œuvre une véritable politique nationale de déploiement de la fibre optique, qu’il est pourtant urgent de construire, compte tenu des enjeux à venir : télévision sur internet, vidéo à la demande et en ligne, tous usages qui structureront les années à venir. Nous appelons de nos vœux un texte organisant la politique nationale de la fibre optique et nous espérons être entendus.

Nous sommes satisfaits de la première partie du texte et des mesures destinées aux auto-entrepreneurs. Je relaie la voix de Charles de Courson, qui insiste sur le fait que l’examen de la loi de finances doit donner l’occasion de rouvrir les débats sur le patrimoine d’affectation sur la réserve spéciale d’autofinancement. Le groupe Nouveau Centre approuve l’ouverture de la collecte du Livret A, les dispositions modernisant la gouvernance de la Caisse des dépôts, ainsi que les mesures en faveur de l’attractivité de l’industrie financière.

Nous n’avons qu’un regret tardif, bien que nous saluions le travail considérable effectué par la commission, notamment par son président et son rapporteur. Il concerne un amendement un peu bizarre qui porte sur les vide-greniers.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. C’est une décision délibérée !

M. Jean Dionis du Séjour. La CMP a en effet adopté de manière trop rapide une mesure qui vise à limiter à deux par an, le nombre de vide-greniers auxquels une personne peut participer comme exposant. Il s’agit d’une erreur de dernière minute, qu’il faudra corriger.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Ce n’est pas une erreur !

M. Jean Dionis du Séjour. Une telle mesure me semble incompréhensible dans le monde dans lequel nous vivons. Elle va à l’encontre d’un mouvement de fond, né au sein de la société civile, qui se manifeste par ailleurs avec beaucoup d’acuité sur internet. Dix millions de Français vont sur eBay, et nous essaierions de limiter les vide-greniers à deux par personnes et par an ! Je vous le dis en tant qu’élu du Sud-Ouest : les vide-greniers sont un lieu de sociabilité dans les villes et les villages, ainsi qu’une composante non négligeable du tourisme. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a certes un problème – né du vol et des receleurs –…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Évidemment !

M. Jean Dionis du Séjour. …et il faut prévoir un encadrement.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Il n’y en a aucun, aujourd’hui !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais ce n’est pas la bonne mesure, à notre sens. D’autant que personne ne dispose des moyens administratifs de vérifier que quelqu’un – M. Dionis, par exemple – en est à son deuxième vide-greniers et qu’il prépare le troisième. Le contrôle sera donc impossible.

M. Loïc Bouvard. Très juste !

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Vous avez peut-être un très grand grenier, mais tout le monde ne peut pas en dire autant !

M. Jean Dionis du Séjour. Certes ! Les Dionis ont un grand grenier. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je crois que, en votant une telle mesure, nous nous sommes un peu laissés aller. Par le biais du vecteur législatif que vous choisirez, madame la ministre, vous corrigerez cette petite erreur.

En dehors de ces réserves de dernière minute, le texte va dans le bon sens. Il propose des mesures efficaces en faveur du pouvoir d’achat des consommateurs, et le Nouveau Centre le votera avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous achevons l’examen d’un projet de loi que je qualifierai de texte clé de la session parlementaire qui s’achève.

Sur le fond, vous l’aviez annoncé, madame la ministre, le Gouvernement entend moderniser notre économie pour gagner le fameux point de croissance qui doit permettre d’augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Sur la forme, il s’agit de notre premier exercice de coproduction législative, et je dois avouer que nous avons pris goût à cette nouvelle manière de travailler les textes très en amont.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très juste !

Mme Catherine Vautrin. Nous avons débattu dans l’hémicycle pendant plus de quarante-cinq heures, en première lecture, près de 1 500 amendements. Je salue la mobilisation de nos rapporteurs, particulièrement le travail de Jean-Paul Charié et la grande mobilisation du président Patrick Ollier, qui a cherché en permanence un consensus constructif.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Merci.

Mme Catherine Vautrin. Les sénateurs ont, de leur côté, étudié plus de 1 000 amendements. C’est dire que l’implication des parlementaires a été forte, dans tous les groupes. Le moins qu’on puisse dire – je le signale amicalement à M. Brottes – est que nous n’avons pas été interdits de débat sur ce texte.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Merci de le reconnaître !

M. François Brottes. Nous n’avons pas pu revoir le texte du Sénat !

Mme Catherine Vautrin. La commission mixte paritaire a finalisé, jeudi dernier, les derniers arbitrages avec nos collègues du Sénat. En première lecture, nous avions souligné, monsieur le secrétaire d’État, combien le titre Ier permettait de simplifier la vie de ceux qui font notre économie au quotidien. La discussion au Sénat et à la commission mixte paritaire a offert l’occasion de préciser en particulier le rôle du CFE. Vous nous avez proposé de mieux distinguer le patrimoine du chef d’entreprise. M. Dionis a rappelé que nous avons souhaité aller jusqu’à la notion de patrimoine d’affectation. Nous avons noté votre engagement à ce sujet, ainsi que sur la réserve d’autofinancement. Vous savez que nous sommes convenus d’un délai. Je suis certaine que vous le respecterez.

Nous avons également eu plusieurs discussions sur le centre de gestion agréé, sur la surévaluation de 1,25 % de l’assiette de l'impôt pour les entreprises qui utilisent un expert-comptable indépendant et sur la délivrance du visa fiscal. Je pense que nous avons adopté une position de sagesse, en soulignant la volonté de transparence des entreprises adhérentes de CCGA et des OGA, et en nous gardant de toute modification à la hâte, au détour d’un texte dont ce n’était pas forcément l’objet.

Quant aux délais de paiement, qui constituent encore à ce jour une des toutes premières sources de défaillance de nos entreprises, le texte apporte de véritables avancées. J’ai été très sensible à ce que nous respections, notamment en matière viticole, les accords des interprofessions. Parmi les points restant en discussion, figuraient les missions des commissaires aux comptes dans les SAS. Nous avions ébauché une première solution. Mais je salue le travail des sénateurs, qui ont fixé les seuils d’exonération de contrôle à vingt salariés, 2 millions de chiffre d’affaire et 1 million d’euros au bilan. Désormais, les choses sont claires.

Nous le savons tous : le deuxième pilier de la croissance est la mobilisation de la concurrence.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Il est bon de le rappeler !

Mme Catherine Vautrin. Celle-ci a pour corollaire la protection des consommateurs, à laquelle, sur tous les bancs, nous sommes très attachés. C'est pourquoi l’action de groupe, si elle est encadrée pour éviter les dérives des systèmes anglo-saxons, permet clairement d’assurer une meilleure prise en charge des intérêts individuels. Son inscription dans le droit français est très attendue par nos concitoyens et le secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation s’est engagé à la réaliser.

M. François Brottes. Un engagement de plus !

Mme Catherine Vautrin. Nous devons en reparler dans les prochains mois. J’appelle votre attention à ce sujet, madame la ministre : il faut ouvrir ce débat afin de faire le tour de tous les problèmes.

D’autres l’ont évoqué : une avancée importante a été réalisée grâce à la suppression des marges arrière, dans un seul objectif, dont nous pouvons être fiers : le bénéfice des consommateurs.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Bien sûr !

Mme Catherine Vautrin. Supprimer les marges arrière, c’est limiter l’inflation et donc redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

Je ne peux pas ne pas revenir sur l’urbanisme commercial. Vous nous avez proposé de faciliter la concurrence pour améliorer le pouvoir d’achat. Mais nous avons voulu aller plus loin en mettant en place une nouvelle dynamique pour nos territoires. En effet, tout en constatant, comme vous, que les textes en vigueur ne fonctionnaient pas, nous avons voulu adopter la démarche la plus constructive possible, en permettant aux acteurs de terrain d’intervenir. Avec les sénateurs, nous avons trouvé un équilibre, en rapprochant l’urbanisme commercial et l’urbanisme général. Tel est le fondement de notre raisonnement. Cet élément essentiel pour l’avenir sera au centre du texte que vous nous proposerez dans les mois qui viennent. Il faut résolument considérer l’urbanisme commercial comme un outil d’aménagement du territoire.

Pendant la période de transition, nous avions besoin de nous organiser. La rédaction du texte de la commission mixte paritaire, qui a précisé les dispositions adoptées tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, permet aux maires des communes de moins de 20 000 habitants, aux présidents d’EPCI qui ont la compétence d’urbanisme et aux présidents d’EPCI chargés du SCOT de conserver la capacité d’intervention en matière d’urbanisme commercial. Grâce à cette nouvelle approche, nous nous dirigeons réellement vers une dynamique totalement nouvelle pour nos territoires. Nous avons également soustrait tous les équipements hôteliers à ces régimes d’autorisation. Nous savons tous combien le tourisme est un segment privilégié du développement de notre économie.

Il est clair que l’attractivité de nos territoires est un outil pour la croissance. Ce texte nous permet d’afficher notre volonté forte d’améliorer la couverture numérique du territoire et de développer une véritable économie de l’immatériel, qui représente un enjeu stratégique. Il conviendra bien sûr de poursuivre cet effort, mais, en matière d’équipement, deux principes nous ont guidés : la mutualisation des équipements et le respect du choix des propriétaires.

En matière financière, tout notre groupe a été animé, pendant la discussion, par la volonté que la réforme du Livret A renforce les ressources dédiées au financement du logement social.

M. François Brottes. Allons donc ! Vous n’y croyez pas vous-mêmes !

Mme Catherine Vautrin. De ce fait, contrairement à ce que voudraient faire croire certains de nos collègues, au prix d’un amalgame caricatural, ce texte représente réellement une avancée pour la modernisation de notre économie : simplification des démarches administratives pour les petites entreprises, amélioration de la santé financière des entreprises, notamment du fait de la réduction des délais de paiement, mobilisation de la concurrence au profit des consommateurs, meilleure attractivité de nos territoires et meilleure mobilisation des financements potentiels.

En mobilisant les entreprises, en stimulant les financements pour la croissance et en développant l’économie de l’immatériel, vous encouragez la modernisation de notre société. Mieux encore, vous avez su innover sur la méthode. Non seulement notre groupe vous en remercie, mais il veillera à ce que celle-ci dure. Et, non seulement nous voterons ce texte, mais nous veillerons au respect des engagements que vous avez bien voulu prendre devant la représentation nationale, qu’il s’agisse de la sortie des décrets ou des textes à venir.

En décidant de moderniser notre économie, chers collègues, nous avons définitivement choisi de nous mobiliser pour la croissance de notre pays, et donc pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, quelques mots très brefs pour conclure cette discussion générale. Sans répéter les propos très justes de Mme Vautrin, je tiens à m’exprimer en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, et à saluer à ce titre le travail qui a été effectué en son sein. Mais je veux aussi, à titre personnel, faire part de quelques souhaits que nous sommes plusieurs à formuler.

Je tiens tout d’abord à souligner que, contrairement à ce que j’ai pu entendre de la part de certains orateurs, ce texte est un bon texte puisque, allant de l’avant, il est à la fois visionnaire et pragmatique. Loin de s’attaquer seulement à quelques points, sa démarche est globale. Toutefois, madame la ministre, comme je vous l’ai déjà dit, ce bon texte ne saurait être qu’une première étape. Il faut continuer le travail engagé dans le cadre de ce projet de loi de modernisation de l’économie afin que le terme de la présente législature soit également celui du travail de modernisation, de clarification et de simplification de l’environnement économique, juridique et fiscal de nos entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises. Je le répète : il nous faudrait une LME par an ! Même si cela peut paraître quelque peu superfétatoire ou représenter aux yeux d’un grand nombre beaucoup de travail, c’est seulement de cette façon que nous pourrons poursuivre et achever le travail de clarification que vous avez engagé à l’occasion de ce texte. Madame la ministre, je compte sur vous ! Même si je m’exprime à titre personnel, je sais que je relaie un sentiment profond en affirmant que nous ne voulons pas que la loi de modernisation de l’économie, tout en étant un bon geste, soit un geste unique. Il faut aller jusqu’au bout et il y a encore beaucoup à faire.

Une bonne loi est une loi qui est appliquée rapidement, c'est-à-dire dont tous les textes d’application sont rapidement publiés, ce qui n’a pas toujours été le cas. Je relève l’engagement que vous avez pris d’achever la rédaction des textes d’application de la LME dans tous les domaines avant la fin de l’année 2008 : je vous en remercie par avance, mais sachez – je vous le dis avec force – que nous serons vigilants et que la commission des finances souhaite être associée à la rédaction de ces textes – je ne doute pas que le président Patrick Ollier sera lui-même très actif et vigilant sur le sujet au nom de la commission des affaires économiques.

Nous serons également vigilants en ce qui concerne non seulement le respect des engagements pris mais également la mise en œuvre à la fois de l’esprit et de la lettre du texte. Comme l’a souligné Michel Bouvard, sur la question de l’utilisation par les banques des fonds non centralisés de l’épargne réglementé – le livret A et le LDD –, le travail de la commission des finances a permis de renforcer le texte et d’équilibrer la réforme du livret A, qui repose sur un triptyque important : l’élargissement de la base de centralisation aux crédits de la politique de la ville, des mesures très importantes, que nous avons voulu voir figurer dans la loi, sur la cessibilité et le « droit au compte » et, troisième élément, l’obligation pour les banques d’employer les fonds non centralisés à la création et au développement d’entreprises et aux économies d’énergie. Madame la ministre, nous ferons preuve d’une très grande vigilance sur la mise en œuvre de toutes ces mesures, la rédaction du texte issue de l’Assemblée nationale prévoyant, du reste – je tiens à vous le rappeler –, que si ces fonds ne sont pas utilisés comme la loi le prévoit, notamment pour la création et le développement des entreprises, ils devront être recentralisés et servir aux missions directes de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous souhaitons donc, madame la ministre, être associés à la mise en œuvre du texte, compte tenu de tout ce que l’Assemblée nationale, grâce notamment au travail de la commission des finances, et le Sénat ont pu lui apporter. Notre vigilance portera sur la garantie du logement social, la bonne utilisation de l’épargne réglementé, le suivi de la réforme de la Caisse des dépôts et consignations et la mise en application des ordonnances de réforme de la place financière de Paris. Il ne faut pas – je le répète – que cette loi soit une fin. C’est une étape. Nous aurons, je l’espère, peut-être au travers d’un nouveau projet de loi de modernisation de l’économie, des lois de finances ou d’autres textes, à continuer le travail entrepris, notamment sur trois sujets sur lesquels, monsieur le secrétaire d'État, à l’occasion de la discussion, vous avez pris des engagements que Catherine Vautrin a rappelés.

Il s’agit tout d’abord de la question de l’entreprise individuelle, que le texte n’a pas permis de trancher, même si elle a été débattue. Voilà des années qu’on l’évoque ! Des engagements avaient pourtant été pris, notamment à la suite d’un amendement que j’avais proposé, afin que, dans le cadre de la prochaine loi de finances, les questions de la réserve spéciale d’autofinancement et le patrimoine d’affectation soient clarifiées. C’est une attente très forte de la part des entrepreneurs individuels qui n’a toujours pas été réglée. Il faudra tenir les engagements pris !

Je me suis également battu – Hervé Novelli le sait – sur la question du relèvement des seuils des plafonds de l’avantage Madelin, en vue de mieux cibler les avantages offerts dans le cadre de l’impôt sur le revenu vers les entreprises en amorçage : c’est là en effet le maillon le plus faible de la chaîne de financement des entreprises. Nous devrons clore ce débat à l’occasion du projet de loi de finances pour 2009.

Enfin, madame la ministre, subsiste la question de la transmission des petites et moyennes entreprises. Ce texte a permis de faire des avancées importantes : il faut continuer en ce sens.

Ce texte, je le répète, est un bon texte. Nous devrons continuer ensemble ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nombreux sont les orateurs qui se sont exprimés pour développer les aspects positifs du texte. Je ne les reprendrai pas ces aspects, me contentant d’évoquer celui qu’a proposé Jean Dionis du Séjour, relatif à la création d’une Haute autorité de la concurrence en vue de redistribuer des cessions d’actifs dans des situations de quasi monopole de grandes surfaces sur certaines parties du territoire.

En ce qui concerne la façon dont se sont déroulés nos débats, je tiens à rappeler que le titre II a été examiné nuitamment, entre minuit et cinq heures du matin. Alors que l’actualité a mis en valeur le rôle du Parlement, une telle façon de légiférer, de plus dans le cadre d’un texte pour lequel l’urgence a été déclarée, ce qui interdit une deuxième lecture, n’est pas satisfaisante.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne la forme, ce texte corrige certaines des dispositions de la loi dite Chatel I, que nous avons votée en début d’année et dont nous ne connaissons pas encore les effets. Cela ne peut que nous interpeller parce que nous instaurons de fait une forme d’instabilité juridique vis-à-vis de l’ensemble des acteurs et des entrepreneurs, qui vivent dans une incertitude permanente quant à la stabilité de textes qui changent alors même que ceux qui ont été adoptés ne sont pas encore appliqués !

Sur le fond, je ne reviendrai pas sur les inquiétudes que nous pouvons nourrir sur l’avenir du commerce de proximité. Je me contenterai de renouveler les réserves que j’avais exprimées lors de lecture du texte sur le passage de 300 à 1 000 mètres carrés, qui déstabilisera très fortement non seulement le commerce de centre ville mais également et surtout le commerce rural. Nous n’avons pas mesuré toute la portée de l’adoption de cette mesure.

M. René Couanau. Vous avez raison !

M. Philippe Folliot. Je me dois de relayer les inquiétudes à ce sujet.

De même, la généralisation des soldes entraînera, pour le consommateur, une certaine illisibilité. De fait, demain, il y aura soldes dix mois sur douze de manière totale ou partielle sur le territoire d’une commune, ce qui risque de provoquer des incompréhensions.

Je ne reviendrai pas non plus sur la problématique de l’urbanisme, notamment sur le fait que l’entrée de nos villes est bien souvent défigurée et qu’il conviendra, dans le cadre d’un futur texte, d’y remédier. Que dire également des inquiétudes relatives au statut de l’auto-entrepreneur, notamment dans le secteur de l’artisanat ?

M. François Brottes. Il faut en parler !

M. Philippe Folliot. Enfin, le texte a en partie abordé ce sujet essentiel qu’est la politique de financement du logement social : il devra l’être plus complètement dans le cadre d’un futur projet de loi que nous présentera Mme la ministre du logement et de la ville.

Le groupe Nouveau Centre a décidé de laisser à ses membres la liberté de vote. J’exprime donc une position personnelle. De même que le général de Gaulle, à son époque, disait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », de même, aujourd'hui, elle ne doit pas se faire en fonction des intérêts du caddie de M. Michel-Édouard Leclerc. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisi.

Cet amendement, n° 1, du Gouvernement est rédactionnel.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 23 juillet 2008, à quinze heures :

Discussion de trois projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.)