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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 16 octobre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement.

Réforme des régimes spéciaux de retraite

Mme Bérengère Poletti, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Pluralisme des médias

M. Didier Mathus, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

franchises médicales

Mme Martine Billard, M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

stock-options

M. Philippe Vigier, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Budget

MM. Jérôme Chartier, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Filière porcine

MM. Yannick Favennec, Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

Financement de la filière nucléaire

M. François Brottes, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Filière aéronautique

M. Serge Poignant, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Pouvoir d’achat des retraités

MM. Jean-Pierre Soisson, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Réforme de la carte judiciaire

M. Olivier Dussopt, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Accessibilité des bâtiments

Mmes Valérie Rosso-Debord, Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Politique fiscale

M. Christian Bataille, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

2. Prestation de serment de juges de la Cour de justice de la République.

Présidence de M. Marc Laffineur

3. Calendrier des travaux de l’Assemblée.

4. Projet de loi de finances pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.

MM. Jean-Pierre Brard, le président.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

Exception d’irrecevabilité

MM. François de Rugy, le ministre, Jérôme Chartier, Jean-Pierre Brard, Charles de Courson, Alain Claeys.

MM. Jean-Pierre Brard, le président.

Rejet de l’exception d’irrecevabilité.

Question préalable

MM. Jérôme Cahuzac, le ministre, Mme la ministre, MM. Louis Giscard d’Estaing, Patrick Roy, François de Rugy. – Rejet.

5. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Réforme des régimes spéciaux de retraite

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Bien que la France soit l’un des pays européens où le nombre de naissances est le plus élevé, sa population vieillit, ce qui met en péril le financement de nos systèmes de retraite.

La réforme générale de nos régimes de retraite s’est imposée à nous depuis plusieurs années. Il fallait avoir le courage de l’entreprendre ! Aujourd’hui, après les réformes de 1993 et 2003, il nous faut, au nom du principe d’égalité, engager celle des régimes spéciaux. Nous avons tous des efforts à fournir !

Votre méthode, monsieur le ministre, ne peut souffrir aucun reproche. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est la méthode de Maître Patelin !

M. Jean Glavany. Alors, pourquoi poser une question ?

Mme Bérengère Poletti. Vous avez rencontré les organisations syndicales et les entreprises concernées, puis vous avez débattu avec le Parlement. Un document d’orientation précisant le cadre général de la réforme a été remis aux partenaires, ouvrant ainsi la deuxième phase des négociations.

Des efforts seront demandés, notamment en ce qui concerne la durée de cotisation ; mais des avancées attendues depuis longtemps par les salariés seront aussi proposées : par exemple, la liberté de choix pour l’âge du départ.

La mise en œuvre des précédentes réformes a nécessité plusieurs années. Que syndicats et entreprises demandent que la réforme des régimes spéciaux soit progressive est légitime. Actuellement, les organisations syndicales négocient avec les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et nous savons que vous attendez leurs propositions.

Alors que la France se prépare à un « jeudi noir » dans les transports en commun, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser l’état d’avancement des négociations et les objectifs que vous poursuivez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Voilà un bon petit soldat !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Jean-Pierre Brard. Maître Patelin !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Madame la députée, cette réforme vise à placer l’ensemble des Français sur un pied d’égalité en matière de retraite, en particulier quant à la durée de cotisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Certains cotisant aujourd’hui quarante années, tout le monde doit cotiser quarante années : chacun l’aura compris, c’est une question de justice sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jacques Desallangre. Et les stock-options, c’est de la justice sociale ? Vous avez un culot !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Son deuxième objectif, tout aussi important, est de garantir l’avenir des retraites des agents des régimes spéciaux. Si l’on ne fait rien, personne ne pourra, dans dix ans ou quinze ans, leur garantir le même niveau de pension, d’autant qu’ils sont soumis au même déséquilibre démographique que les autres salariés : 1,1 million de retraités pour 500 000 cotisants. Comment pourrait-on éviter de réformer ? Au fond d’eux-mêmes, les agents concernés savent bien que leurs régimes doivent être réformés.

La méthode que nous avons choisie repose sur la détermination – cette réforme, tant attendue, est indispensable –, mais aussi sur la discussion, la négociation et le dialogue. Le document d’orientation que j’ai mis sur la table, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, fait suite à quatre-vingts heures de discussions avec les parlementaires – ici même, le 3 octobre – et avec les directions des entreprises et les organisations syndicales. Je me suis aussi rendu sur le terrain, à la rencontre des agents, car il est important de bien comprendre leurs attentes et leurs inquiétudes. Bien sûr, on leur demande des efforts ; mais il faut aussi leur faire passer le message que, contrairement à ce qui peut se dire ou s’écrire ici ou là, s’ils accomplissent une carrière complète, ils bénéficieront d’une pension de retraite complète. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Notre exigence est le pouvoir d’achat – et nous y sommes fidèles.

Il y a également de la place, comme vous l’avez souligné, madame la députée, pour des négociations au niveau des entreprises.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a plus rien à négocier !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nous devons en effet être capables de faire du sur-mesure – notamment pour envisager la deuxième partie de la carrière de ces agents, si on leur demande de travailler plus longtemps.

Sachez que ma porte reste ouverte aux partenaires sociaux…

M. Roland Muzeau. Elle sera ouverte le 18 octobre ? Négociez jeudi prochain !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. … et que, si nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout de cette réforme, nous sommes tout autant déterminés à pratiquer jusqu’au bout le dialogue. C’est ainsi que l’on réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pluralisme des médias

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Didier Mathus. Monsieur le Premier ministre, un sondage paru ce matin fait état de la défiance des Français à l’égard des médias, qu’ils estiment, à 62 %, dépendants du pouvoir politique. On peut les comprendre, à l’énumération des propriétaires des principaux groupes de presse : M. Lagardère, qui, selon ses propres dires, considère le Président Sarkozy « comme un frère » ; M. Dassault, sénateur UMP ; M. Bouygues, témoin du mariage de M. Sarkozy (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), tout comme M. Arnault, qui s’apprête à prendre le contrôle des Échos. (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues ! Laissez s’exprimer l’orateur !

M. Didier Mathus. Ce sont des faits !

M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Mathus !

M. Didier Mathus. Le respect du pluralisme doit être une ardente préoccupation pour toute démocratie. Or il est aujourd’hui mis à mal en France, et l’accaparement des médias par le Président de la République prend une tournure inquiétante. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Celui-ci occupe radios et télévisions à sa guise : l’Institut national de l’audiovisuel a comptabilisé 224 interventions télévisées en quatre mois !

M. Richard Mallié. Jaloux !

M. Didier Mathus. Par une sorte de tour de passe-passe, ces interventions massives, permanentes et méthodiques ne sont même pas prises en compte par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour contrôler le respect du pluralisme sur les ondes – mission dont il est chargé par la loi ! (Mêmes mouvements.)

M. Richard Mallié. Vous n’avez rien à dire !

M. Didier Mathus. M. Sarkozy revendique aujourd’hui d’être le principal chef de l’exécutif – c’est lui qui le dit –, ravalant le Premier ministre et son Gouvernement au rang de collaborateurs subalternes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Ferrand. Avez-vous une question à poser ?

M. Didier Mathus. La contrepartie élémentaire de cette posture devrait être que son temps de parole soit pris en compte pour ce qu’il est, celui du principal chef de l’exécutif, et comptabilisé avec celui du Gouvernement. Mais le CSA, qui aurait dû être le premier à s’interroger sur cette situation, est aujourd’hui présidé par l’ancien directeur de cabinet d’un Premier ministre UMP. C’est dire son indépendance ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Posez votre question, monsieur Mathus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Didier Mathus. Qui plus est, paradoxe des paradoxes pour une instance chargée du respect du pluralisme, le CSA est intégralement composé de personnalités désignées par des membres de l’UMP !

M. le président. Quelle est votre question, monsieur Mathus ?

M. Didier Mathus. J’y viens, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos intentions pour remédier à cette situation plutôt singulière en démocratie ? Allez-vous demander au CSA d’assumer enfin les responsabilités que lui confie la loi, ou nous proposer sa dissolution et la constitution d’une autorité enfin pluraliste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je dois dire que j’ai pris connaissance avec beaucoup de perplexité de ce sondage. Lorsque j’écoute la radio ou que je lis la presse, je n’ai pas du tout l’impression que les médias soient écrasés par le pouvoir politique ; j’ai, au contraire, le sentiment d’une grande indépendance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

S’agissant du temps de parole du Président de la République, le CSA – organisme dont, depuis sa création en 1989, nul ne peut, je crois, mettre en cause l’indépendance (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean Glavany. Tu parles !

Mme la ministre de la culture et de la communication. …considère qu’il n’entre dans aucune des catégories donnant lieu à décompte : à savoir le Gouvernement, la majorité et l’opposition parlementaires. Ce faisant, le CSA ne fait que se conformer à un arrêt du Conseil d’État selon lequel « en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’État dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je rappelle à ce propos que le Président de la République a été démocratiquement – et massivement – élu et qu’il est le président de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le CSA ne peut qu’appliquer cette jurisprudence – en l’état actuel de nos institutions, évidemment. Une commission de réflexion sur la réforme de nos institutions travaille actuellement sous l’autorité de M. Balladur ; s’il advenait qu’elle propose une évolution du statut du Président de la République, nous serions évidemment amenés à la traduire dans la loi. Mais ce n’est pas le cas pour le moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Franchises médicales

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Martine Billard. En l'absence de Mme la ministre de la santé, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Gouvernement a décidé d’instaurer de nouvelles franchises pour les médicaments et les actes paramédicaux, sous prétexte d’un excès de prescription. Or vos mesures ne visent pas à réduire la surconsommation médicale, mais uniquement à diminuer les remboursements pris en charge par l'assurance maladie. Cette logique, loin de prendre en compte les exigences de santé, est purement comptable.

Avec ces franchises, vous prétendez responsabiliser les assurés sociaux. Or appliquer une franchise, c'est décourager la prévention et dissuader les patients de se faire soigner pour des maladies apparemment bénignes mais qui, faute de soins, risquent de s'aggraver. C'est l’inverse d'une politique cohérente de santé publique ! Ce ne sont pas les malades qui sont irresponsables, mais ce Gouvernement, qui, de plus, est cynique ! (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Vous avez décidé que ni les malades atteints d'affection de longue durée, ni les victimes d'accidents du travail, ni les victimes de maladies professionnelles ne seront exonérés de ces franchises. Comment peut-on glorifier le travail et pénaliser les salariés malades de leur travail ? Comment prétendre responsabiliser des victimes alors que les coupables n'ont été ni jugés ni même recherchés ? Aucun procès au pénal n'a été engagé contre les responsables des centaines de morts de l'amiante ! Le Gouvernement se targue pourtant constamment d'être aux côtés des victimes ! Mais la France qui se lève tôt est usée par le travail et veut arriver à la retraite en bonne santé.

Monsieur le Premier ministre, vous justifiez les cinquante euros annuels de nouvelles franchises pour financer la lutte contre la maladie d'Alzheimer. Or les personnes qui souffrent de cette maladie ne seront même pas exonérées de franchise ! C’est un comble !

Pouvez-vous nous expliquer quelle est la responsabilité des victimes d'accidents du travail dans leur maladie, des victimes des maladies professionnelles – notamment des victimes de l'amiante –, des malades atteint de cancers liés à des causes environnementales ? Pourquoi persister dans la voie d'une maîtrise comptable des dépenses de santé dont on constate chaque année le terrible échec ? N'est-il pas temps, pour assurer l'avenir de notre système solidaire, d'engager un Grenelle de la santé réunissant l’ensemble des acteurs, assurés, professionnels, syndicats, patronat et associations de victimes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la députée, la franchise est utile, nécessaire et courageuse. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Paul Bacquet. Vous n’y croyez même pas !

M. Patrick Roy. La franchise, c’est une taxe !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Comme vous le savez, cette franchise doit nous permettre de financer les grandes priorités de santé publique que sont la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et la lutte contre le cancer. Personne ne conteste l’importance des besoins dans ces domaines. La franchise constitue un effort de solidarité de tous pour y répondre, sans reporter, comme on l’a fait si souvent, la charge du financement sur nos enfants.

M. Jacques Desallangre. Et les stock-options, c’est un effort de solidarité ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Dire, comme on l’entend parfois et comme vous le suggérez, que la franchise limitera l’accès aux soins n’est pas sérieux.

Cela relève du fantasme et je vais vous le prouver. Pour protéger les plus fragiles, les bénéficiaires de la couverture maladie complémentaire associée à la CMU ne paieront pas la franchise, de même que les enfants et les femmes enceintes. Ce seront au total près de 15 millions de nos compatriotes qui en seront exonérés.

De plus, en vue de protéger les plus malades, son montant ne pourra excéder le plafond de 50 euros par an, ce qui représente quelque 4 euros par mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Pour commencer !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Par ailleurs, ceux qui sont pris en charge à 100 % dans le cadre des affections de longue durée continueront à bénéficier de l’exonération du ticket modérateur. Les dépenses de santé restant à leur charge seront donc très faibles et nous irons encore plus loin dans la prise en charge de leur maladie, grâce notamment aux ressources supplémentaires procurées par la franchise.

Il est au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : nous devons lutter plus rapidement et plus efficacement en y consacrant davantage de moyens contre la maladie d’Alzheimer et le cancer, tout en donnant à celles et à ceux qui souffrent la possibilité de connaître une fin digne grâce aux soins palliatifs – les élus locaux que nous sommes presque tous savent que c’est loin d’être toujours le cas.

Les familles touchées par ces tragédies comprendront mieux que personne la réalité des politiques que nous menons en vue d’atteindre ces objectifs. Une bonne politique, madame la députée, allie la lucidité au courage. Notre volonté est de faire face aux dépenses nouvelles : c’est la raison d’être de la franchise médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Stocks-options

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, suite aux récentes affaires qui ont émaillé l'actualité économique – je pense évidemment à EADS –, le Nouveau Centre souhaite définir les conditions d'un débat sur les stock-options sans arrière-pensée idéologique ni idée préconçue.

On ne saurait être opposé par principe aux stock-options car elles permettent, dans les start-ups par exemple, de récompenser la prise de risque et l'innovation et d'apporter un complément utile de rémunération.

M. Jean Glavany. Il n’y a pas de stocks-options dans les start-ups !

M. Philippe Vigier. Toutefois, être favorable au principe des stock-options ne signifie pas qu’on en accepte toutes les dérives – j’insiste sur le mot.

Il y a donc urgence à encadrer la pratique des stock-options en y introduisant une plus grande transparence afin de mettre un terme aux nombreux scandales financiers qui ont émaillé l'actualité récente, en raison du comportement de certains dirigeants disposant d’informations privilégiées. Nous sommes dans une situation de faillite morale, et j'associe à mes propos Stéphane Demilly qui s'est engagé avec force sur cette question.

Dans le cas précis d'EADS, qu’on ait pu gagner autant d'argent par une spéculation sans risque est un véritable pied de nez à tous ceux qui se lèvent tôt pour aller au travail ou qui veulent travailler plus pour gagner plus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Madame la ministre, dans un souci de plus grande transparence de notre vie économique, le Nouveau Centre fait deux propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La première consiste à reprendre l'idée d’Édouard Balladur d’interdire à un dirigeant de lever ou de céder ses options tant qu'il est en fonction, c'est-à-dire tant qu'il se trouve en position de bénéficier d'une information privilégiée. La seconde vise à accroître la fiscalité sur les stock-options.

Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ces deux propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que les stocks-options sont un outil très utile et efficace dans les grandes entreprises comme dans les jeunes pousses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Lagardère !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. La France s’honore de disposer d’un outil internationalement reconnu qui figure dans la plupart des droits des sociétés de tous les grands pays développés.

Cela étant, je tiens à vous répondre sur trois points.

En matière de sanctions, tout d’abord, un titulaire de stocks-options qui a enfreint les règles de droit applicables en la matière lorsqu’il a levé son option ou vendu ses actions doit être sanctionné de la manière la plus sévère. L’Autorité des marchés financiers doit faire à son égard son travail en toute indépendance.

Ensuite, en ce qui concerne la gouvernance des entreprises, vous avez raison de noter que le régime des stocks-options doit être rigoureusement encadré. La plupart des entreprises françaises y sont du reste très attentives et ont des codes internes permettant de réguler les modes de cession des actions et de levée d’option. En décembre 2006, dans le cadre d’un débat de nuit auquel participait M. Balladur, l’Assemblée a voté un texte qui prévoit l’alternative suivante : le conseil d’administration d’une société peut décider ou d’interdire la levée de l’option à ceux des cadres dirigeants qui en bénéficient ou de les obliger, s’ils ont levé leur option, à conserver tout ou partie de leurs actions durant toute la durée de leur mandat.

Enfin, la fiscalité applicable aujourd'hui au régime des stocks-options – je tiens à être claire sur ce point – doit être appréciée à la lumière de ce qui se pratique dans les autres pays du monde (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) car c’est un élément d’attractivité. Toutefois, le Gouvernement n’est pas du tout opposé à l’examen d’un projet de taxation des stocks-options. Éric Woerth et moi-même aurons ce débat avec vous lors de la discussion du projet de loi de finances, puis du projet de loi de finances de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Budget

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le président socialiste de la commission des finances vous avait demandé, ainsi qu'à Mme Lagarde, un rapport sur les conséquences réelles de l’application de l’article 1er de la loi, votée cet été, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, relatif à l’exonération de charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires. Vous fondant sur une analyse incontestable de trente et une pages, Mme Lagarde et vous-même lui avez répondu que la mesure engendrerait une croissance nette du pouvoir d’achat pour tous les Français qui effectueront ces heures supplémentaires. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Avec cette loi et le projet de loi de finances pour 2008, qui nous sera présenté cet après-midi et dont la discussion occupera les semaines à venir, nous abordons le premier budget d’une rupture tranquille (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) en ce que les 9 milliards d’euros supplémentaires de pouvoir d’achat qui vont rejoindre la poche des Français, pour la première fois, ne seront pas financés par une augmentation de l’emprunt, le projet de budget proposant au contraire une réduction de celui-ci.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelle est la question ?

M. Jérôme Chartier. Monsieur le ministre, j’entends évoquer depuis quelques jours, notamment par les représentants du parti socialiste, l’existence possible d’un budget B à côté du budget A – certains d’entre eux, déjà, avaient évoqué lors de la campagne référendaire sur la constitution européenne l’existence d’un plan B. Monsieur le ministre, existe-t-il bien un budget A et un budget B ou le budget qui nous est présenté est-il sincère et réaliste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, ce budget est un budget de vérité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), qui prend en compte la situation réelle, sur les plans national et international.

M. Jean Glavany. Droit dans les bottes !

M. Arnaud Montebourg. Et la faillite ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Quelle est cette situation ? Les déficits publics ont atteint aujourd'hui un niveau inacceptable, tandis que les prélèvements obligatoires amputent le pouvoir d’achat de nos concitoyens et entravent la compétitivité de nos entreprises. Quant au niveau de la dépense publique, il est devenu insupportable compte tenu de celui de nos principaux partenaires.

Il convient donc de s’attaquer à tous ces maux de façon résolue et coordonnée. Il faut pour cela baisser les prélèvements et investir massivement pour l’avenir en poursuivant la réduction des déficits grâce à un effort accru sur les dépenses publiques. Tel est le sens du projet de budget dont l’examen s’ouvre cet après-midi.

Car regarder la situation en face, cela suppose qu’on évalue les recettes et les dépenses en toute transparence ou, pour reprendre le mot que vous avez employé, monsieur le député, en toute sincérité. Il s’agit en effet de construire un budget indiscutablement sincère – c’est ce à quoi nous nous sommes attelés.

Or ce projet de budget est sincère car il repose sur des hypothèses de croissance réalistes et incontestables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – je parle sous le contrôle de Christine Lagarde, qui présentera ce projet avec moi. Les indicateurs sont bien orientés et la croissance des derniers trimestres – je l’espère du moins – sera bonne, d’autant que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, entrée en application il y a à peine deux mois, produira ses effets. Ce projet de budget est également sincère parce que les prévisions de recettes sont établies de façon plus prudente que les années précédentes par rapport à l’accroissement de l’activité. Il est enfin sincère parce que toutes les dépenses sont évaluées de la manière la plus juste, le projet prenant entièrement en compte la progression inéluctable de certains postes comme les pensions ou les intérêts de la dette – le PLFSS fera preuve de la même sincérité.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le ministre.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, il n’y a pas un budget A et un budget B. Il y a le budget de la France, dont le projet sera présenté cet après-midi en toute sincérité : il est à la fois sérieux et ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Filière porcine

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, la filière porcine traverse une fois encore une crise très grave en raison de la hausse du prix des matières premières alimentaires. Les conséquences sur les coûts de production des élevages porcins du doublement en quelques mois du prix des céréales sont telles qu'il menace l'existence même de la filière française. Si les éleveurs ne parviennent pas, en aval de la grande distribution, à répercuter rapidement la hausse des prix des matières premières, ils sont condamnés.

Jamais l'écart entre le prix de vente et le prix de revient n'a été aussi grand. En 2006, pour un prix moyen de l'aliment à 158 euros la tonne, le coût de production d'un kilo de carcasse de porc était de 1,24 euro. Cet été pour un prix moyen de l'aliment à 235 euros la tonne, il a bondi à 1,57 euro par kilo. Dans le même temps, le prix payé aux éleveurs est passé de 1,40 euro à 1,24 euro, ce qui représentait déjà une perte de 20 euros par cochon produit. Le cours du kilo de porc est aujourd'hui à 1,10 euro le kilo et la perte est désormais de 34 centimes d'euros.

Or, bien que ce secteur d’activité soit important pour notre alimentation, notre agriculture et notre économie – un élevage de cent truies représente environ sept emplois indirects –, il attire de moins en moins de jeunes. Ainsi, en 2006, il n'y a eu qu'une seule installation en Mayenne et jusqu'à présent aucune en 2007, alors que 35 % des producteurs de porcs seront bientôt à la retraite.

Compte tenu du caractère préoccupant de la situation, pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si des mesures d'urgence, telles que des aides à l'exportation, vont être prises tant au plan national qu'au plan européen, afin de redonner à la filière porcine, aujourd'hui asphyxiée, de véritables perspectives d'avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la crise porcine actuelle que vous avez décrite et qui, en effet, est une des plus graves que notre pays ait traversées depuis de longues années, est due – vous avez eu raison de la noter – à l’augmentation des matières premières alimentaires, qui n’est pas répercutée dans le prix de vente.

C’est pourquoi, afin d’accompagner les éleveurs, dont vous êtes, avec un grand nombre de députés et de sénateurs, à juste titre les porte-parole, le Gouvernement propose une réponse en trois temps.

Premièrement, j’ai demandé à la Commission européenne de déclencher le plus rapidement possible des mécanismes de soutien au stockage privé ainsi qu’aux exportations par le système des restitutions. Nous attendons une réponse en début de semaine prochaine, lors du conseil des ministres à Luxembourg.

Deuxièmement, en dépit des difficultés budgétaires que vous connaissez, j’ai dégagé 500 000 euros pour des allégements de charges et 2 millions d’euros pour des reports de charge.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est dérisoire !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Enfin, je réunirai demain l’ensemble de la filière porcine avec les distributeurs, en vue de rechercher les moyens de débloquer le marché, grâce notamment à des opérations de promotion. D’autres mesures de soutien pourront également être envisagées.

Telles sont les trois orientations sur lesquelles le Gouvernement travaille de façon solidaire en vue d’aider cette filière qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Financement de la filière nucléaire

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, tout le monde sait jouer au Monopoly. On utilise de faux billets pour construire un monopole, de fausses maisons et de faux hôtels, et on joue aux dés – c’est pratique – sa sortie de prison lorsqu’on a fait une mauvaise pioche. Souvenez-vous que la règle de ce jeu n’interdit pas de piocher dans la caisse de la communauté – c’est même vivement conseillé. Reste que quand la caisse de la communauté c’est la caisse de l’État, il convient de s’interroger sur les pratiques actuelles – répétées – d’un « Monopoly entre amis » qui prend des proportions assez indécentes.

Témoins de mariage, parrains des enfants, compagnons de villégiature (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), Martin Bouygues, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère, Bernard Arnault, Albert Frère (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) : la liste est longue des familiers du Président directement impliqués dans ces « arrangements entre amis » qui ne sont jamais contrôlés ni par le Parlement ni par personne ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Énergie, télécommunications, médias, tous ces secteurs impliquent le pouvoir (Mêmes mouvements)

M. Philippe Briand. Et alors ?

M. François Brottes. …parce que l’État est actionnaire ou parce que c’est lui qui donne les autorisations d’exploitation. Eh oui, privatisation de Gaz de France et bientôt d’EDF, fréquences de télécommunications obtenues par Bolloré,…

M. Philippe Briand. C’est une honte de dire cela !

M. François Brottes. …suppression annoncée des dispositifs anti-concentration dans les médias, comportement de Lagardère chez EADS, cautionné par l’État, comme cela a été confirmé par l’intéressé lui-même ce week-end, et maintenant entrée prochaine de Bouygues dans le capital d’AREVA (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Philippe Briand. Et Patrice Pelat, c’était qui ?

M. François Brottes. …notre concepteur et constructeur de centrales nucléaires, c’est-à-dire dans cette filière nucléaire qui devait rester publique ! C’était même, souvenez-vous, l’argument principal de Patrick Devedjian pour s’opposer à la fusion EDF-GDF,…

M. Philippe Briand. Et la MNEF ?

M. le président. Monsieur Briand, je vous en prie !

M. François Brottes. …un argument toujours en ligne, d’ailleurs, sur son blog où il explique que, en cas de fusion EDF-GDF, « Bruxelles nous obligerait à céder sur le marché un certain nombre de centrales nucléaires ».

M. Philippe Briand. C’est honteux, monsieur Brottes !

M. François Brottes. Le ministre Sarkozy, en 2004, ajoutait – écoutez bien – qu’« une centrale téléphonique n’avait rien de commun avec une centrale nucléaire » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je suis désolé, mais, si Bouygues rachète AREVA, cette affirmation risque d’être rapidement démentie. Mme Lagarde nous a d’ailleurs indiqué sans sourciller, en commission des affaires économiques, qu’une entreprise privée pourrait fort bien, désormais, détenir une partie du parc nucléaire français. (Brouhaha sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’affaire est grave. Pour nous, l’État doit rester le garant d’un haut niveau de sûreté des installations nucléaires, niveau qui ne doit en aucun cas dépendre de la seule rentabilité financière. Or, aujourd’hui, l’avenir de toute la filière nucléaire est soumis à des tractations occultes qui inquiètent vivement les salariés et qui semblent agacer aussi nos partenaires européens. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quelle est votre question, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. J’y viens, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, au nom de la sécurité des Français, nous vous demandons des comptes : avec quelles garanties de transparence et avec quel intérêt pour l’État et pour les Français allez-vous continuer ce « Monopoly entre amis » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), sachant que, pour nous, l’industrie nucléaire n’autorise aucune manœuvre improvisée ou d’opportunité ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mes chers collègues, si la provocation est un art que l’on pratique volontiers ici, je vous prie néanmoins de vous montrer attentifs à la réponse de Mme la ministre et de l’écouter en silence. Le débat ne pourra qu’y gagner en clarté. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député Brottes, je suis contente que vous me posiez cette question. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je n’en suis d’ailleurs pas surprise puisque se trouve dans votre circonscription, à Romans-sur-Isère (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

M. Pascal Terrasse. Ce n’est sa circonscription !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …une usine qui appartient au groupe AREVA. Votre souci est donc légitime, et je le partage.

Je souhaite vous indiquer (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. le président. Poursuivez, madame la ministre !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …qu’AREVA dispose au même titre qu’EDF, d’une excellente compétence technique en matière nucléaire et que nous avons tout intérêt à valoriser l’excellence de cette filière, aujourd’hui en mesure d’exporter, grâce à des acteurs comme AREVA et EDF, tout ce qui concourt au cycle de production, de l’amont – la construction des centrales – à l’aval.

Le nucléaire bénéficie lui-même, d’ailleurs, d’un contexte international tout à fait favorable. En effet, autrefois considéré comme une énergie redoutable,…

M. Michel Sapin. Ce n’est pas la question !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …il est aujourd’hui considéré comme une énergie propre.

Dans cette perspective, il est de notre devoir de donner à cette entreprise les moyens de financer le développement de son activité dans un contexte de compétitivité certes favorable pour elle mais où elle doit affronter la rude concurrence d’entreprises telles que Westinghouse ou Toshiba, qui, aux États-Unis et au Japon, tentent de lui prendre des parts de marché.

Nous devons donc mener une réflexion d’ensemble sur l’accès à de meilleurs financements. Une étude est en cours, qui se poursuivra. Toutes les pistes seront explorées afin de définir les meilleurs scénarios de financement. Cela étant, il n’y a pas d’urgence, et aucune décision n’est sur le point d’être arrêtée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Filière aéronautique

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Serge Poignant. Ma question s’adresse à Mme le ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

M. Jean-Pierre Brard. Encore !

M. Serge Poignant. Après retards, péripéties et commentaires, qui ne seront pas l’objet de mon propos, Airbus a livré hier le premier exemplaire de son A380 – le plus gros avion de ligne de l’histoire –, à Singapore Airlines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.) L’appareil partira aujourd’hui de Toulouse pour Singapour, d’où il effectuera son premier vol commercial le 25 octobre en ralliant Sydney.

Madame le ministre, ce formidable événement, qui sera suivi de nombreuses livraisons, si j’en crois le nombre de commandes fermes et d’engagements provenant de clients d’Europe, d’Asie et du Golfe, montre de nouveau combien notre industrie aéronautique peut être attractive et exemplaire sur le marché international.

Au-delà de cette heureuse concrétisation, au-delà de la fierté légitime de tous ceux qui ont contribué à ce succès – je pense notamment aux salariés de mon département, la Loire-Atlantique –, je souhaite savoir quelles retombées notre commerce extérieur, qui a besoin d’un nouvel élan, peut en escompter et dans quelle mesure le tissu industriel aéronautique français pourra en tirer bénéfice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, comme vous, je me réjouis de la livraison du premier Airbus 380 à Singapore Airlines. Nous pouvons féliciter tous les salariés – employés comme cadres – de cette entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Leur métier, leur fierté, la nôtre, c’est de construire des avions et de les vendre.

Aussi avons-nous de bonnes raisons de nous réjouir puisque – sauf erreur de ma part – plus de 185 A380, pour plus de 40 milliards d’euros, sont actuellement en commande ferme.

M. Roland Muzeau. Et les 10 000 licenciements ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Au brillant succès de l’A380 s’ajoutent les lancements de l’A320, de l’A330, de l’A340 et la perspective du lancement de l’A350, avion de la génération suivante.

M. Jacques Desallangre. Et le licenciement de 10 000 personnes ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Tous les salariés de l’entreprise méritent donc toutes nos félicitations, d’autant que, compte tenu de l’augmentation de la demande mondiale en avions, le carnet de commandes, d’ici à 2010, augmentera de deux tiers.

Airbus n’est pas l’histoire d’une seule entreprise. Y participent également tous les sous-traitants. À cet égard, à la demande de François Fillon, nous avons préparé, Jean-Louis Borloo et moi-même, un plan annoncé la semaine dernière par le Premier ministre à Marignane sur le site d’Eurocoptère, qui appartient également au groupe EADS. Ce plan de soutien représente quelque 1,5 milliard d’euros, qui seront consacrés, pendant cinq ans, à trois objectifs principaux : renforcer plus de 200 petites et moyennes entreprises qui concourent à la fabrication de l’ensemble des avions avec Airbus comme co-traitant principal ; mobiliser les acteurs industriels et financiers pour favoriser le développement de la filière ; enfin, augmenter sensiblement l’implication financière de l’État, notamment en matière de recherche, d’innovation et de développement.

M. le président. Je vous remercie…

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Ainsi, comme je l’ai dit, derrière l’A380, c’est toute la filière aéronautique des sous-traitants que nous pouvons féliciter et que l’État français, à la demande du Premier ministre, s’efforcera de soutenir au cours des cinq prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)

Pouvoir d’achat des retraités

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, je souhaite attirer votre attention sur la situation des retraités (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), les plus modestes ayant du mal à faire face à leurs dépenses courantes, notamment de logement et de chauffage.

M. Pascal Terrasse. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Soisson. Une telle situation est l’une des préoccupations majeures des députés UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), peut-être plus proches que d’autres des difficultés des Français et plus proches du terrain. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Associations et syndicats manifestent leurs inquiétudes et estiment en particulier que la revalorisation prévue des pensions ne permettrait pas de maintenir le pouvoir d’achat des retraités.

Monsieur le ministre, qu’en est-il exactement ? Le pouvoir d’achat des retraités sera-t-il bien garanti par les mécanismes de revalorisation en vigueur ? (« Non ! » et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Avant de crier, chers collègues, attendez la réponse du ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans quel délai le Gouvernement entend-il réunir la conférence prévue par la loi d’août 2003 pour faire le point sur cette question ?

Enfin, quelles sont les intentions du Gouvernement dans le cadre du rendez-vous de 2008 pour garantir à ceux qui ont travaillé toute leur vie un niveau de ressources satisfaisant ? Le groupe UMP, unanime, attend votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur Soisson, nous avons, vis-à-vis des retraités, une responsabilité non seulement morale et sociale, mais aussi légale. Vous l’avez souligné : la réforme de 2003 présentée par François Fillon – et que vous avez votée – prévoit la garantie du pouvoir d’achat des retraités.

M. Patrick Roy. La pauvreté augmente !

M. le président. Monsieur Roy, je vous en prie.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Je ne me contente pas de l’affirmer puisque c’est écrit noir sur blanc dans le texte et puisqu’il existe une autre garantie : la commission de revalorisation des pensions, mise en place par la loi, se réunira fin novembre ou début décembre.

M. Pascal Terrasse. Donc après l’examen du PLFSS !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. J’attends que les partenaires sociaux désignent tous leurs représentants. C’est cette commission – donc les partenaires sociaux – qui diront si, oui ou non, le pouvoir d’achat est garanti. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement prendra ses responsabilités et vous proposera d’augmenter les pensions des retraités sans attendre un an mais dès le rendez-vous prévu pour le 1er semestre 2008.

La vérité, c’est que la loi nous fait obligation d’inscrire, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année prochaine, 1,1 % d’augmentation. En effet, l’an dernier, les pensions ont augmenté plus vite que l’inflation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela dit, j’y insiste, il faut dire clairement la vérité aux parlementaires comme à l’ensemble des Français qui nous écoutent.

M. Pascal Terrasse. 1,1 %, nous le leur dirons !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Si le pouvoir d’achat n’est pas garanti – et les partenaires sociaux le diront –, le Gouvernement augmentera le taux des pensions dès cette année. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire). En effet, le pouvoir d’achat, il ne suffit pas d’en parler, il ne suffit pas de crier, mais il faut le garantir, et c’est ce que nous voulons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)

Réforme de la carte judiciaire

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Olivier Dussopt. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Mais avant de la poser, permettez-moi de m’associer aux propos de Mme Lagarde : nous aussi, nous sommes particulièrement solidaires des salariés d’EADS et nous leur sommes reconnaissants, tout spécialement quand ils sont victimes de l’incurie de leurs dirigeants et de certains de leurs actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Permettez-moi également de lui préciser, pour son information, que Romans-sur-Isère…

M. le président. Pouvez-vous poser votre question, mon cher collègue ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas le droit de faire ça, monsieur le président ! Le député a deux minutes, un point c’est tout !

M. Jean-Pierre Kucheida. Ce n’est pas acceptable !

M. Olivier Dussopt. J’y arrive, monsieur le président. Romans-sur-Isère, donc, est dans la Drôme et non dans l’Isère.

Madame la garde des sceaux, vous avez demandé cet été aux chefs de cour et aux préfets d’organiser une concertation sur la réforme de la carte judiciaire, et ce en lien avec les élus locaux.

Nous avons été surpris de constater que leurs recommandations n’étaient pas accessibles au grand public malgré ce que vous avez répondu, la semaine dernière, à notre collègue Bernard Lesterlin.

Cette semaine, nous comprenons mieux cette absence de publicité. En effet, vous avez débuté un tour de France qui se traduit par des coupes sombres pour la justice de proximité.

Le Nord-Pas-de-Calais, la Bourgogne et le Centre ont déjà eu à subir vos visites et vos annonces. Ainsi, vous avez annoncé la suppression de vingt-cinq tribunaux d’instance, alors que la semaine dernière, vous vous étiez engagée, devant nous, à poursuivre la concertation et à travailler dans la transparence.

Le maintien d’une justice de proximité efficace et accessible à tous, afin de bien arbitrer les conflits du quotidien, mérite mieux que la hache que vous maniez et les coupes sombres que vous lui infligez.

M. Michel Bouvard. On dit « les coupes claires » !

M. Olivier Dussopt. Je vous le dis sans détour, madame la ministre, ne comptez pas sur nous, sur notre groupe, pour cautionner votre entreprise de déménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ne comptez pas sur nous pour cautionner les vingt-deux plans sociaux de la justice que vous êtes en train de mettre en place, région par région.

Après les 15 milliards du paquet fiscal, après l’annonce des franchises médicales, ce sont encore les territoires ruraux et les citoyens les plus modestes qui vont devoir payer la facture et être privés d’un nouveau service public. Ce sont eux qui vont également devoir payer le carburant nécessaire pour se rapprocher des tribunaux plus éloignés.

D’ailleurs, à ce propos, comment comptez-vous financer les investissements immobiliers colossaux rendus nécessaires par le regroupement des tribunaux, et ce après ce que le Premier ministre lui-même nous a dit de l’état de nos finances ?

Comment comptez-vous garantir sérieusement et réellement une justice de proximité efficace et accessible pour tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la concertation a commencé le 27 juin dernier par l’installation du comité consultatif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les préfets et les chefs de cour ont entamé une concertation avec tous les acteurs locaux, qu’il s’agisse des acteurs du monde judiciaire ou des élus. Des contributions, des propositions, des rapports m’ont été remis. Nous les avons analysés, tribunal par tribunal, cour d’appel par cour d’appel, ville par ville. Je me rends dans chaque cour d’appel en faisant ces propositions…

M. Jean-Pierre Kucheida. Honteuses !

Mme la garde des sceaux. …à la suite des rapports qui m’ont été remis.

La concertation continue. Par exemple, vos collègues MM. Paul et Sauvadet doivent me remettre des contre-propositions en ce qui concerne leurs départements.

La justice publique de proximité ne sera pas remise en cause. S’agissant des tutelles, le greffier et le magistrat se déplaceront chez toutes les personnes qui seront placées sous tutelle, qu’elles soient dans un hôpital, dans un hôpital spécialisé, en maison de retraite ou à leur domicile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne pouvez pas croire cela !

Mme la garde des sceaux. Pour les personnes les plus modestes et les plus démunies, le juge et le greffier se déplaceront auprès du justiciable. Il n’y a pas de remise en cause de la justice publique de proximité.

Pour nous, la concertation, ce n’est pas ne rien faire,…

M. Frédéric Cuvillier. C’est mal faire !

Mme la garde des sceaux. …c’est réformer la justice dans l’intérêt du justiciable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Accessibilité des bâtiments

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Rosso-Debord. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité.

La loi du 11 février 2005 a posé un objectif ambitieux pour notre société : faire enfin de la personne handicapée un citoyen à part entière et lui permettre d’accéder le plus aisément possible aux bâtiments tant publics que privés.

Cette accessibilité doit également concerner les personnes âgées vieillissantes qui perdent de leur mobilité et les mères ou pères de famille avec une poussette.

Madame la secrétaire d’État, Xavier Bertrand et vous-même avez souhaité aller plus vite dans cet engagement au service d’une égalité des chances que les personnes handicapées souhaitent avec ardeur.

Ce volontarisme ne saurait toutefois effacer les difficultés existantes, même si celles-ci ne doivent jamais nous inciter à reculer. Il faut simplement les avoir présentes à l’esprit : coût important, voire parfois très élevé ; problématique des bâtiments historiques ; calendrier de rénovation du patrimoine plus long que les engagements fixés par la loi ; adaptation aux différentes formes du handicap, qui peut être sensoriel, physique, psychique ou mental.

Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, madame la secrétaire d’État, nous sommes tous ici convaincus de l’attente qui existe et de la nécessité de développer avec tous les acteurs concernés une stratégie de facilitation de la mise en œuvre du droit à l’accessibilité pour tous.

Aussi, puisque nous avons un devoir tant de transparence que d’efficacité à l’égard de nos concitoyens, notamment ceux souffrant d’un handicap, je souhaiterais connaître la méthode qui sera la vôtre pour traduire concrètement cet engagement d’une nation solidaire et équitable.

Dans cette démarche vous pourrez compter sur mon soutien et, j’en suis convaincue, sur celui de l’ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Madame la députée, vous avez raison : l’accessibilité est non seulement un droit pour les personnes handicapées, mais aussi une chance pour tous. Nous devons cesser d’envisager cette question uniquement sous l’angle de la contrainte ou de la revendication catégorielle. Qu’il s’agisse des familles ou des personnes âgées, ce sont des millions de personnes qui sont concernées. L’accessibilité, c’est la qualité d’usage pour tous. C’est aussi un aspect du développement durable, que nous voulons promouvoir.

C’est pourquoi le Gouvernement a choisi d’accélérer ses efforts en matière d’accessibilité. Il le fait par une triple démarche.

Tout d’abord, et à l’initiative de Xavier Bertrand, nous avons, cet été, annoncé notre volonté d’avancer de deux ans, à la fin de l’année 2008, la date butoir pour l’établissement des diagnostics d’accessibilité dans les bâtiments recevant du public. Je veux faire aboutir ce décret pour la prochaine réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le 24 octobre prochain. Certains jugent intenable ce raccourcissement des délais. Je crois au contraire qu’une clarification est nécessaire. Il ne s’agit pas d’avancer la date butoir des travaux, mais d’inciter tous les propriétaires concernés à prévoir de les planifier dès maintenant. Car si nous attendions 2011, il serait sans doute trop tard pour les réaliser.

En deuxième lieu, nous avons demandé aux préfets de s’assurer avant la fin de l’année de l’installation des commissions communales d’accessibilité. Ils devront nous communiquer les plans d’action départementaux avant le mois de juin 2008. Parallèlement, nous pourrons cofinancer ces travaux d’accessibilité grâce au fonds interministériel pour l’accessibilité des bâtiments publics.

Enfin, j’aurai une priorité, celle de l’accessibilité des locaux professionnels. En effet, elle conditionne l’accès à l’emploi des personnes handicapées. C’est là un chantier qui nous tient tous à cœur, et particulièrement à vous, madame la députée, je le sais.

Je veux également rassurer les personnes handicapées : nous respecterons la loi, dans sa lettre comme dans son esprit. Cela veut dire l’accessibilité totale dans les bâtiments neufs, et la mise en accessibilité de l’ancien au fur et à mesure des travaux de rénovation du bâti.

Oui, l’accessibilité aura un coût. Mais nous travaillons actuellement à des solutions pour aider les collectivités et les employeurs privés à y faire face. Pour cela, nous voulons mobiliser le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, ainsi que l’AGEFIPH, qui dispose de fonds importants pour aider à l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Mon objectif, celui de Xavier Bertrand, c’est que les avancées de la loi de 2005 se traduisent rapidement et de façon concrète dans la vie de tous les Français, handicapés ou pas. Et bien sûr, pour y parvenir, nous savons pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des élus que vous êtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Bataille. Madame la ministre de l’économie et des finances…

M. Patrick Roy. Et de la faillite !

M. Christian Bataille. …en ces derniers mois de l’année, de nombreux contribuables achèvent de payer leur impôt sur le revenu. Beaucoup croyaient à la baisse annoncée par le gouvernement de droite ou par le Président de la République alors qu’il était encore candidat. D’autres espéraient une stabilisation de leur imposition. Ils ont pu constater que les baisses ne les concernaient pas et ont eu la mauvaise surprise de recevoir en juillet, une fois les élections passées, une imposition en hausse sensible.

Pire, beaucoup de nos concitoyens qui n’étaient pas imposables sur le revenu le sont maintenant, par votre volonté. Ces ajustements à la hausse démentent les annonces triomphales de baisse des impôts que vous, ou vos amis, aviez faites en début d’année.

M. Lucien Degauchy. Et si on parlait un peu des hausses d’impôts dans les régions à majorité socialiste ?

M. Christian Bataille. Cette situation contraste fort avec celle de contribuables aisés qui bénéficient de spectaculaires baisses d’imposition grâce au bouclier fiscal. A qui cette mesure profite-t-elle ?

Dans ma seule région, le Nord-Pas-de-Calais, représentant 4 millions d’habitants, un petit nombre de contribuables, 111 exactement, ont bénéficié de la part de vos services fiscaux, de ce que l’on a habillé du terme pudique de restitution. Ils ont reçu un chèque de remboursement de leurs impôts. Une bonne centaine, donc, mais avec un gros paquet chacun : près de 100 000 euros en moyenne, avec un maximum qu’on devine bien plus élevé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Oui, oui, vous avez bien entendu : des centaines de milliers d’euros de remboursements à une petite minorité, sous forme de chèques du Gouvernement. Ce dispositif s’accroîtra encore l’année prochaine.

M. Frédéric Cuvillier. C’est une honte !

M. Christian Bataille. Quel contraste avec la masse des petits qui vont payer plus !

Alors, madame la ministre, entendez-vous corriger, dans ce pays, l’injustice fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la politique du Gouvernement en matière de fiscalité. Il est parfaitement légitime que les Français sachent à quoi sert leur impôt, combien ils paient d’impôt, quelle en est l’assiette, et qui le paie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Dans ce domaine, je voudrais vous soumettre trois chiffres très simples : 2006, 44,2 % ; 2007, 44 % ; 2008, 43,7 %. Si ça, ce n’est pas une diminution des prélèvements obligatoires, c’est que je ne sais plus compter !

Quel est l’objectif du Gouvernement ? Il est évidemment de maîtriser la dépense publique, de maîtriser le déficit et, ce faisant – il n’y a pas incompatibilité –, de réduire l’impôt.

À cet égard, je voudrais simplement vous dire deux choses. Premièrement, le bouclier fiscal dont vous avez parlé bénéficie à 235 000 personnes, dont 200 000 ne sont pas assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune. Il bénéficie donc à beaucoup de contribuables qui ne sont pas fortunés.

Deuxième observation, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, que le Parlement a adoptée cet été, bénéficie, pour 93 % de son financement, à une très grande majorité de Français. L’augmentation de la rémunération par le triple bonus sur les heures supplémentaires – plus 25 %, pas de charges sociales, pas d’impôt –, cela bénéficie à ceux qui font des heures supplémentaires. Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, cela bénéficie à tous ceux qui achètent une résidence principale. Et l’abattement sur les successions, la diminution des droits, cela bénéficie à tous les contribuables.

Vous le voyez, nous souhaitons augmenter le pouvoir d’achat, réduire la pression fiscale, et, ce faisant, réduire les charges d’impôt qui pèsent sur les Français.

Je voudrais en profiter pour répondre d’un mot à ce qu’a dit M. le député Dussopt. Il me semble qu’une entreprise, c’est un tout. Il est un peu curieux de féliciter ceux qui ont concouru à la fabrication de l’A380 tout en condamnant « l’incurie » des dirigeants. Il faut dissocier la gestion du patrimoine et la direction d’une entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Je vous rappelle qu’à seize heures quinze aura lieu la prestation de serment des juges à la Cour de justice de la République.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Prestation de serment de juges
de la Cour de justice de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle la prestation de serment des six juges titulaires de la Cour de justice de la République et de cinq juges suppléants.

M. Garraud m’a fait savoir qu’il ne pouvait être présent aujourd’hui. Sa prestation de serment aura lieu ultérieurement.

Aux termes de l’article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».

Je prie Mmes et MM. les juges de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et, levant la main droite, de répondre par les mots : « Je le jure ».

Pour les juges titulaires :

J’appelle M. Tony Dreyfus. (M. Tony Dreyfus se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Francis Hillmeyer. (M. Francis Hillmeyer se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Philippe Houillon. (M. Philippe Houillon se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle Mme Marie-Anne Montchamp. (Mme Marie-Anne Montchamp se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. André Vallini. (M. André Vallini se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Jean-Luc Warsmann. (M. Jean-Luc Warsmann se lève et dit : « Je le jure. »)

Pour les juges suppléants :

J’appelle Mme Arlette Grosskost. (Mme Arlette Grosskost se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Thierry Lazaro. (M. Thierry Lazaro se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Jean-Yves Le Bouillonnec. (M. Jean-Yves Le Bouillonnec se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Noël Mamère. (M. Noël Mamère se lève et dit : « Je le jure. »)

J’appelle M. Pierre Morel-A-L’Huissier. (M. Pierre Morel-A-L’Huissier se lève et dit : « Je le jure. »)

Acte est donné par l’Assemblée nationale du serment qui vient d’être prêté devant elle.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Calendrier des travaux de l’Assemblée

M. le président. La Conférence des Présidents propose à l’Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l’article 28, alinéa 2, de la Constitution :

– du vendredi 21 décembre 2007 au mardi 8 janvier 2008 ;

– pendant la campagne des élections municipales et cantonales, du samedi 9 février au dimanche 23 mars ;

– enfin, du samedi 19 avril au dimanche 27 avril.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

4

Projet de loi de finances pour 2008

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2008 (nos 189, 276).

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, la France est en déficit.

M. Michel Pajon et M. Patrick Roy. En faillite !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Elle est en déficit de travail, de compétitivité et d’efficacité publique,…

M. Michel Pajon. Ce n’est pas brillant !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …déficits de fond à l’origine de celui de nos finances publiques. C’est à ces trois déficits de fond que s’attaque le projet de loi de finances que j’ai l’honneur de vous présenter avec Christine Lagarde. Cette ambition globale, nous la mettons au service d’un double objectif : renforcer notre croissance et maîtriser durablement nos dépenses publiques. Nous poursuivons ces deux objectifs de concert, car ils sont étroitement complémentaires, indissociables. En effet, on ne rétablira pas durablement les équilibres budgétaires en asphyxiant la croissance ; on ne bâtira pas une économie solide sans mettre en ordre nos finances publiques ni mettre en place une fiscalité compétitive. C’est en faisant autant pour relancer la croissance que pour freiner la dépense que nous placerons notre pays sur une trajectoire de rétablissement durable de l’équilibre des comptes publics.

M. Patrick Roy. C’est mal parti !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. La croissance, il faut aller la chercher. La conjoncture internationale ne fait pas tout ; sinon, la croissance française aurait été bien supérieure ces vingt dernières années. Pour 2008, nous avons fait le choix d’une baisse modérée des déficits afin de rétablir les conditions d’une croissance forte en France. Je m’étonne de voir tant de nouveaux partisans d’une politique malthusienne : ayons plutôt confiance en l’avenir et investissons ! Il y a certes un coût immédiat, mais c’est une condition pour engranger des profits à venir. C’est, du reste, exactement la définition de l’investissement. Pourquoi les bénéfices de l’audace seraient-ils réservés au seul secteur privé ?

Le déficit de l’État passera de 42 milliards en loi de finances initiale pour 2007 à 41,7 milliards en 2008, et celui de l’ensemble des administrations publiques sera ramené à 2,3 % du PIB, contre 2,4 % cette année.

À ceux qui en douteraient, je dis que ces objectifs seront tenus parce que notre prévision de croissance est très raisonnable – Christine Lagarde y reviendra – et que nos prévisions de recettes sont volontairement prudentes. M. le rapporteur général a d’ailleurs noté qu’elles progressent bien moins vite par rapport à l’activité que ce que l’on a pu constater dans les années récentes. Enfin, nous faisons un effort sans précédent pour maîtriser la dépense. Regardez les réformes de structure que nous avons lancées, les redéploiements et les mesures inscrites dans le PLF comme dans le PLFSS ; regardez le rapport sur la dépense que nous avons justement ajouté à ce projet de loi cette année pour éclairer précisément cette question : vous verrez que nos prévisions sont bien étayées. J’ajoute que nous disposons avec la LOLF d’un outil efficace, la réserve de précaution, qui est renforcée dans le projet de loi de finances pour 2008.

Les recettes et les dépenses de ce projet de budget ont été élaborées en toute transparence. C’est un budget sincère parce qu’il repose sur des hypothèses de croissance réalistes, sur des prévisions de recettes prudentes et sur des dépenses évaluées au plus juste.

Pour muscler la croissance, nous devons nous attaquer au déficit de travail et au déficit de compétitivité.

Le PLF 2008 agit sur les deux composantes d’une économie de marché, l’offre et la demande – souvent d’ailleurs indissociables, et j’y insiste –, par trois grandes séries de mesures : nous revalorisons le travail et le pouvoir d’achat, nous renforçons les leviers de croissance et nous consolidons le tissu des entreprises.

Les 35 heures ont dévalué le travail et limité la progression du pouvoir d'achat. En finançant la baisse massive des prélèvements inscrite dans la loi du 21 août 2007, le PLF 2008 poursuit la démarche que nous avons engagée pour revaloriser le travail et les rémunérations du travail.

Cette baisse nous permettra d'alléger nos prélèvements obligatoires, qui sont encore parmi les plus élevés d'Europe.

Cette démarche sera complétée par l'encouragement de l'emploi des seniors, dont le dispositif vous sera présenté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, car c'est aussi l'une des clefs de l'équilibre durable de nos régimes de retraite.

Avec une conjoncture internationale moins porteuse, les mesures de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat trouvent, aujourd’hui, encore davantage leur justification. Leur effet se fera d'autant plus sentir que ce sont des mesures équitables, qui s'adressent, pour la plupart d'entre elles, aux ménages modestes et aux classes moyennes, …

M. Lionnel Luca. Absolument !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …c'est-à-dire à ceux dont le revenu est employé en majeure partie à la consommation.

C'est le cas, à l'évidence, de l'exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires.

C'est le cas aussi de la mesure facilitant l'accès à la propriété. Sinon, elle ne prendrait pas la forme d'un crédit d'impôt, elle ne serait pas cumulable avec le prêt à taux zéro et elle ne serait pas plafonnée !

Quant au bouclier fiscal, je rappelle que, sur les 235 000 contribuables potentiellement concernés – Mme Lagarde l’a dit tout à l’heure en répondant à une question –, 200 000 ne sont pas redevables de l'ISF. J'ai d'ailleurs demandé à mes services d'engager une campagne de communication et d’information auprès des contribuables, pour que cette mesure touche l'ensemble de son public.

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous devons préserver notre progressivité fiscale et nous attaquer aux inégalités injustifiées de rémunération.

C'est pourquoi nous avons réglementé les parachutes dorés.

C'est pourquoi nous sommes favorables à l'assujettissement des stock-options, à une cotisation patronale. Nous y pourvoirons dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

C'est pourquoi aussi ce projet de loi contient d'autres mesures fiscales allant dans le sens de l'équité. C'est le cas de la suppression de la déduction des amendes infligées aux entreprises de leurs bénéfices soumis à l'impôt ; c'est le cas également de la décharge de solidarité fiscale entre les époux, pour tenir compte de situations parfois dramatiques.

Mais nous devons, dans le même temps, veiller à ne pas porter atteinte aux sources mêmes de la production de revenu. Il faut donc trouver un meilleur équilibre entre éthique républicaine et efficacité économique, un équilibre qui soit porteur d'égalité par le haut, et non pas un équilibre qui aligne tout le monde par le bas.

Le travail et le pouvoir d'achat sont les leviers de la croissance au présent. Nous devons, dans le même temps, renforcer les leviers de la croissance à venir. Quels sont-ils ?

Dans l’économie de la connaissance, la recherche et l'innovation sont les facteurs clés de la compétitivité. Ce projet de loi fait des choix clairs et volontaristes en ce sens, avec plusieurs mesures phares.

Côté fiscal – Mme Christine Lagarde y reviendra de façon plus approfondie –, nous renforçons l'ensemble des maillons de la chaîne de la recherche, avec, notamment, l'amplification très forte du crédit d'impôt recherche.

Côté dépenses, nous augmentons de 1,8 milliard d’euros les dotations à l'enseignement supérieur et à la recherche, pour accompagner notamment la réforme des universités adoptée cet été. L'objectif que nous poursuivrons tout au long du quinquennat est de faire de nos universités des centres d'excellence, offrant à la fois de meilleures perspectives professionnelles aux étudiants et des partenaires de premier plan aux entreprises pour les soutenir sur la scène mondiale, car elles sont, elles aussi, en compétition.

Si l’on ajoute les dépenses d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir progressent dans ce budget de 6 %, soit presque quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État. Elles s'élèvent désormais à 39 milliards d’euros, soit un niveau proche du déficit budgétaire. Si l’on ne peut, évidemment, en aucun cas se réjouir de ce déficit, on doit en revanche constater qu'il est de plus en plus lié à des dépenses d'investissement, et non pas au fonctionnement courant.

Enfin, troisième axe de la dynamisation de notre économie. Nous consolidons le tissu des entreprises par trois mesures.

D’abord, la baisse de la taxe professionnelle, votée il y a deux ans, et dont le PLF 2008 prend en compte l'impact croissant pour le budget de l'État, porté à 2 milliards en 2008.

Ensuite, la simplification et l'harmonisation des règles relatives aux pactes d'actionnaires ; cette mesure va favoriser la pérennité des entreprises, notamment des PME, puisque ce sont elles qui sont visées, car elles sont souvent fragilisées au moment de leur transmission.

Enfin, la modernisation de la fiscalité des dividendes va dynamiser l'épargne en l'orientant davantage vers le financement des entreprises. Cette disposition a suscité des débats au sein de votre commission des finances. Nous examinerons ensemble attentivement les propositions de modification que vous avez formulées.

L'idée centrale, à laquelle je reste attaché, tout comme, je le sais, la plupart des députés de la commission des finances, c'est d'avoir un régime fiscal homogène pour les revenus d'actions et les revenus de ce qu'on appelle les produits de taux, c'est-à-dire les obligations et les SICAV de court terme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. C’est indispensable !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il est, en effet, paradoxal et injuste que les revenus moins risqués profitent aujourd'hui d'un traitement fiscal plus favorable que les revenus plus risqués.

M. Michel Bouvard. Absolument !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il faut évidemment donner la préférence au risque. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour autant, investir dans la croissance n'est crédible et efficace que si nos mesures s'inscrivent dans un cadre maîtrisé pour l’ensemble de nos finances publiques. Nous avons donc procédé à d'importants redéploiements en recherchant l’efficacité dans toutes les dépenses de fonctionnement et d’intervention.

Concrètement, les dépenses de l'État seront stabilisées en volume, c'est-à-dire qu'elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Compte tenu de la croissance, le poids de la dépense publique dans le PIB sera ramené, sur deux ans, de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008.

L'innovation, c'est que cette stabilisation en euros constants s'appliquera, pour la première fois, à un périmètre élargi de dépenses, qui comprendra, outre les dépenses du budget général, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et les prélèvements sur recettes pour les collectivités locales. Sur ce périmètre très large, qui représente 335 milliards d’euros en 2007, les dépenses n'augmenteront que de 5,5 milliards en 2008.

Il est donc tout à fait clair que nous approfondissons les efforts antérieurs puisque, sur ce nouveau périmètre, les dépenses ont augmenté en moyenne de 1,1 % en volume entre 1999 et 2006 et encore de 0,2 % en 2007, alors qu’elles augmenteront de zéro volume en 2008.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est ce que cela signifie en français ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. La réponse, monsieur Brard, figure dans le budget.

Cette maîtrise renforcée s'inscrira dans la durée. Notre objectif est de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique – celle de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales – pendant les cinq prochaines années. Nous ramènerons la progression de l’augmentation de la dépense publique à un peu plus de 1 % en volume, alors qu'elle était supérieure à 2 % par an ces dix dernières années. Diminuer par deux le rythme d’évolution des dépenses publiques, c’est la clef du retour à l’équilibre, en dehors de la croissance, en 2012.

Cette stabilisation n’est pas une petite affaire. Cela ne s’obtient pas facilement. Elle est d'autant plus exigeante qu'elle s'inscrit dans un contexte complexe, puisque l’on assiste, d’une part, à une hausse des taux d'intérêt, qui renchérit de 1,6 milliard la charge de la dette en 2008 par rapport à 2007, et, d’autre part, à l'accélération des départs en retraite des fonctionnaires, qui augmente en 2008 les versements consacrés aux pensions de 2 milliards d’euros par rapport à 2007.

Cette stabilisation est d'autant plus importante, enfin, qu'elle s'accompagne d'un effort accru de sincérité et de clarté budgétaires.

Les dispositifs gérés par les organismes sociaux mais financés par l'État – je pense à un certain nombre de minima sociaux ou encore aux aides au logement – étaient, jusqu'à maintenant, régulièrement sous-estimés dans leur montant en loi de finances initiale.

Dans le PLF 2008, nous remettons à niveau la budgétisation de ces dispositifs, en leur affectant 1,2 milliard supplémentaire. Le budget de l'aide médicale d'État, par exemple, inscrit en loi de finances initiale passe ainsi de 233 à 413 millions d’euros.

La progression de ces trois postes – charges d'intérêt de la dette, pensions, rééquilibrage des dispositifs sociaux – saturent presque à eux seuls la marge de progression de 5,5 milliards autorisée par le zéro volume, c’est-à-dire par la prise en compte de l’inflation pour les dépenses.

M. Jean-Pierre Brard. Zéro volume, cela ne veut rien dire !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Néanmoins, cette stabilisation exigeante n'empêche ni le financement de nos priorités – la recherche et l'enseignement supérieur – ni des mesures ciblées qui correspondent à des attentes fortes des Français.

Le budget de la justice, par exemple, progresse ainsi de 4,6 %, afin, notamment, de poursuivre le programme de construction et d'augmentation des capacités de l'administration pénitentiaire, parce que la sécurité est la première des libertés et qu'elle est une condition indispensable de notre prospérité.

Et nous dégagerons 140 millions d’euros de moyens nouveaux pour la mise en place des études dirigées et l'accueil des élèves après seize heures dans les collèges, parce que mieux instruire, c'est mieux préparer l'avenir de notre pays.

Ainsi, nous tenons notre double objectif de relance de la croissance et de maîtrise raisonnée des dépenses, en accomplissant un triple effort de redéploiement de l'action de l'État, de clarification de ses engagements et de rationalisation de l'ensemble des politiques publiques.

Les dépenses publiques représentent plus de la moitié de la richesse nationale. Il est indispensable, pour le service public comme pour notre économie, que ces dépenses soient plus réactives, mieux assumées aussi lorsqu'elles ont été engagées et plus productives. Parce qu'un euro « public » doit être aussi efficace, voire davantage d’une certaine façon, qu'un euro « privé ». Parce que les devoirs que nous impose le service public sont plus exigeants encore que ne le sont les lois du marché pour le secteur privé.

Nous faisons également un effort de redéploiement, en adaptant de façon réactive nos politiques publiques à l'évolution du contexte économique et social et en étendant l'effort de maîtrise à l'ensemble de la dépense publique.

Je citerai deux exemples.

Premier exemple : au sein des dépenses d'intervention de la politique de l'emploi, des efforts de rationalisation sont opérés, notamment par une réduction raisonnée et progressive du nombre des emplois aidés, pour tenir compte de la poursuite de l'amélioration du marché du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Deuxième exemple de mesure structurante et structurelle : nous indexons les concours de l'État aux collectivités territoriales sur les prix seuls, soit la norme que l'État s'impose à lui-même.

En contrepartie, les collectivités locales seront davantage associées, grâce à la Conférence nationale des exécutifs, aux décisions de l'État qui peuvent avoir un impact financier sur leurs comptes, notamment les réglementations liées à la sécurité ou à l'environnement.

M. Patrick Roy. Vous ne manquez pas d’air !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous faisons aussi un effort de clarification et de sincérité dans les comptes, avec, outre la remise à niveau des dispositifs sociaux évoqués tout à l’heure, le remboursement de la totalité de la dette de l'État à la sécurité sociale, soit 5,1 milliards d’euros. C'est chose faite depuis le 5 octobre dernier. Je m’y étais engagé devant vous au moment du débat d’orientation budgétaire.

Nous compensons intégralement la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires et sur les heures supplémentaires.

Enfin, tous les ministères se sont engagés dans un effort de rationalisation de leurs interventions et de recherche systématique de gains de productivité.

Cette démarche s'inscrit dans le prolongement des stratégies ministérielles de réforme et des conclusions des audits de modernisation lancés en 2005. Elle nous permet de réduire les effectifs de l'État dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des années passées : 22 900 départs en retraite ne seront pas remplacés, contre 11 200 en 2007, soit un départ à la retraite sur trois, pour une économie en année pleine de 716 millions d’euros. Tout cela, je tiens à le préciser, sans reporter de charges – je sais qu’il s’agit là de quelque chose de sensible, et vous avez raison – vers les opérateurs de l'État, puisque leurs effectifs seront stabilisés. Vous pourrez le constater dans le « document jaune » qui leur est consacré et qui vient de vous être transmis.

Conformément à l'engagement du Président de la République, les fonctionnaires bénéficieront d'un intéressement à hauteur de 50 % de l'économie générée par cet effort de maîtrise des effectifs.

M. Jean-Pierre Brard. C’est-à-dire des cacahuètes !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Parce qu'une fonction publique efficace, c'est aussi une fonction publique plus valorisée.

La révision générale des politiques publiques, que nous avons lancée le 10 juillet dernier, nous permettra aussi de franchir une étape supplémentaire en matière d'efficacité de la dépense publique au cours de toutes les années à venir. Les décisions de réforme qui en découleront seront mises en œuvre, pour la première fois, dans le cadre d'une programmation budgétaire pluriannuelle, qui couvrira les années 2009-2012.

C'est par cette recherche constante et permanente d'une plus grande efficacité dans les dépenses que nous parviendrons à restaurer l'équilibre des finances publiques en 2012, au plus tard, tout en continuant de répondre aux attentes de nos concitoyens.

Nous devons enfin changer d'échelle dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Cette fraude a un coût financier considérable.

M. Jean-Pierre Brard. La mafia russe !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Elle a aussi un coût moral. Elle mine l'esprit de responsabilité et le sens de la solidarité qui fondent notre protection sociale et notre pacte républicain.

Comment pouvons-nous demander aux Français davantage de solidarité si nous ne nous attaquons pas plus efficacement à ceux qui en profitent injustement ?

M. Jean-Pierre Brard. Peut-être allez-vous vous en prendre à la mafia russe ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié la mission de piloter la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale.

Cette fraude profite souvent des cloisonnements entre services fiscaux et organismes de sécurité sociale. Le périmètre étendu du ministère des comptes publics nous donne les moyens d'améliorer la qualité des collaborations entre ces services. Il nous donne les moyens de lutter plus efficacement contre toutes les fraudes, celles qui escamotent des prélèvements comme celles qui détournent des prestations.

M. Jean-Pierre Brard. Denis Gautier-Sauvagnac n’a qu’à bien se tenir !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous avons inscrit une première série de mesures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous développons les échanges d'informations entre les services, nous donnons plus de pouvoirs de contrôle aux agents et nous renforçons les sanctions. Et je vous proposerai de continuer cette action dans le projet de loi de finances rectificative.

Avant de conclure, je voudrais insister sur la façon dont je souhaiterais que nous travaillions ensemble, Gouvernement et Parlement, sur le premier budget de cette législature et sur les suivants.

La recherche de l'efficacité dans l'ensemble de nos dépenses publiques passe par une implication très forte de votre assemblée, dans sa double mission d’élaboration de la loi et de contrôle de l’action du Gouvernement.

Vous avez refondé notre constitution budgétaire en introduisant avec la LOLF la culture du résultat dans la gestion des politiques publiques.

Vous contribuez à l'assainissement des finances publiques en exerçant, depuis plusieurs années, un contrôle vigilant sur leur évolution, et je tiens, à cet égard, à saluer le travail rigoureux de votre rapporteur général, Gilles Carrez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. Il fallait le dire !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Et j’y associe votre président de la commission des finances, Didier Migaud.

Nous comptons maintenant sur votre soutien…

M. Patrick Roy. Pour le soutien, on verra !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …et sur votre action pour poursuivre le redressement des finances publiques.

M. Louis Giscard d'Estaing. Très bien !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est pourquoi nous vous avons associé à l'exercice de révision générale des politiques publiques, auquel le rapporteur général participe activement : c’est indispensable.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez nous rendre complices !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité, dans un geste d'ouverture – que nous ne regrettons pas –, que la présidence de la commission des finances soit confiée à une personnalité de l'opposition, et non des moindres !

M. Jean-Pierre Brard. Brillante et compétente ! Vous devriez le prendre au Gouvernement ! (Sourires.)

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est pourquoi, enfin, nous souhaitons que la procédure budgétaire soit rénovée afin de donner plus de poids à la loi de règlement, conformément aux conclusions et aux initiatives de votre commission des finances. À quoi bon, en effet, voter des crédits si l’on n'évalue pas ensuite précisément l'efficacité de leur emploi ? Ce rééquilibrage permettra désormais de nous concentrer autant sur les résultats des politiques publiques que sur les moyens engagés.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Mesdames et messieurs les députés, pour que la France avance plus sûrement sur le chemin du redressement financier, il faut qu'elle se fonde sur des bases plus équilibrées et plus efficaces.

Plus équilibrées, avec des recettes plus dynamiques d'un côté – grâce à plus de travail et de croissance – et des dépenses moins lourdes de l'autre – grâce à une maîtrise renforcée de nos finances publiques.

Plus efficaces aussi, grâce aux réformes de fond que nous lançons pour muscler l'économie, moderniser l'État et libérer les énergies.

C'est tout le sens de ce projet de loi de finances pour 2008, qui se veut, à la fois, ambitieux et équilibré dans ses objectifs, volontariste et cohérent dans ses choix, rigoureux et efficace dans sa démarche.

Oui, nous faisons résolument le choix de l'avenir en pariant sur la croissance. C'est un pari audacieux, mais calculé, car nous mettons tous les atouts de notre côté. C’est aussi un pari maîtrisé car nous disposons, avec les réformes que nous engageons, de toutes les cartes nécessaires au redressement durable des comptes publics.

Investir dans la croissance et dans l'avenir sans compromettre la baisse des déficits publics : tout l'enjeu de ce budget est de se tenir sur cette ligne de crête en évitant le double écueil de la maîtrise comptable et du « toujours plus » de dépenses.

C'est en avançant sur cette ligne de crête ambitieuse que nous quitterons définitivement les plaines maussades de la croissance molle et que nous échapperons aux abîmes des déficits continuels.

M. Michel Piron. Belle métaphore !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est en nous tenant résolument à cette ligne que nous laisserons à nos enfants une France qui ne sera pas déclassée,…

M. Jean-Claude Sandrier. Cela fait cinq ans que vous essayez sans succès !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …qui ne sera pas appauvrie, une France qui aura retrouvé la confiance et sera tournée vers l'avenir. Bref, une France au sommet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Brard.

(M. Jean-Pierre Brard s’exprime en anglais.)

M. le président. Monsieur Brard, vos propos ne figureront pas au compte rendu car vous ne vous exprimez pas en français.

La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, Éric Woerth vient de vous présenter les efforts que l'État va entreprendre…

M. Patrick Roy. C’est surtout les Français qui vont devoir faire des efforts !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …pour maîtriser les dépenses publiques, rétablir l'équilibre budgétaire et financer les dépenses d'avenir.

Il me revient de vous exposer comment ce projet de loi de finances vient appuyer les réformes structurelles destinées à dynamiser notre économie. Je voudrais saluer ici le président et le rapporteur général de votre commission des finances et les remercier pour la qualité de leur travail et leur esprit de coopération. Comme je l’ai dit devant la commission, nous avons deux objectifs : une gestion rigoureuse de nos dépenses publiques et la recherche déterminée d'une croissance vigoureuse.

M. Patrick Roy. C’est mal parti !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Notre pays a largement les moyens de gagner, dans les prochaines années, le point de croissance supplémentaire qui lui donnera les marges de manœuvre dont il a besoin.

Un point de croissance en plus, c'est comme si chaque actif en France créait, par son seul travail, 750 euros de richesse supplémentaire chaque année. Les richesses, il faut d'abord les produire avant de pouvoir les partager.

M. Patrick Roy. Mais votre conception du partage est très particulière !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Un point de croissance en plus, ce n'est pas un simple affichage. C'est, très concrètement, du pouvoir d'achat pour les salariés, de l'emploi pour ceux qui en cherchent, des financements disponibles pour les entreprises qui en ont besoin, et de l'espoir pour tous nos concitoyens.

La loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat que vous avez votée il y a un peu plus de deux mois…

M. Patrick Roy. Que certains ont votée !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …constituait, comme je vous l'avais dit alors, la première étape de cette politique de croissance. Du pouvoir d'achat, nous en avons donné aux salariés, aux nouveaux propriétaires, aux étudiants, ainsi qu'à tous ceux qui héritent. De l'emploi, nous en créerons grâce à la mesure concernant les heures supplémentaires. Des financements, nous en avons dirigé vers les PME avec la possibilité d’y investir une partie de l’ISF au bénéfice des sociétés qui ont besoin de capitaux.

De l'espoir, je ne doute pas que nous en ayons donné à tous nos concitoyens. Je dis bien : tous nos concitoyens. Je vous rappelle que plus de 90 % des mesures contenues dans la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat » du 21 août 2007 leur sont destinées.

Après cette première étape, nous abordons la deuxième : le budget, qui établit un cadre sain pour une croissance durable. Le reste suivra dans les prochains mois, avec notamment la loi sur la consommation que je présenterai dans quelques semaines en compagnie de Luc Chatel, ainsi que la grande loi de modernisation de l'économie française, qui devrait être prête au printemps.

Ce que je veux vous dire aujourd'hui tient en trois points.

Premier point : notre budget est axé sur la compétitivité, le pouvoir d'achat et l'emploi.

Deuxième point : notre budget est un budget compact.

Troisième point : notre dynamique de réformes viendra alimenter la croissance.

Tout d'abord : ce budget reflète les principaux axes de notre action : la compétitivité, le pouvoir d'achat et l'emploi.

Nous voulons améliorer la compétitivité de notre économie. La voie de la compétitivité passe inéluctablement par l'innovation, la recherche et des investissements audacieux dans les technologies de demain. Elle passe aussi par la promotion d'un bon environnement économique et social, avec des régulations imposées au marché et des garanties données aux individus.

Notre projet de loi de finances contient une série de dispositions pour favoriser l'innovation. J’en citerai quelques-unes, comme mon collègue Éric Woerth m’y a invitée.

Les inventeurs qui apportent un brevet à une entreprise seront totalement exonérés d'impôt sur la plus-value au bout de huit ans. Les cessions de brevet bénéficieront du même taux réduit à 15 % que les concessions de brevet. La création du statut de Jeune Entreprise Universitaire permettra aux étudiants ou aux chercheurs qui montent leur entreprise de bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux que celui de Jeune entreprise innovante.

La mesure-phare attendue par les entreprises, c'est la réforme du crédit impôt recherche. Afin de le rendre encore plus avantageux, et plus simple à utiliser pour les entreprises, nous supprimons la part en accroissement, et nous triplons le taux du crédit d'impôt sur la part en volume, qui sera porté à 30 % jusqu'à 100 millions d’euros de dépenses de recherche et développement – au-delà de 100 millions, il est de 5 %. Cette réforme représente pour la France un véritable investissement, évalué à 800 millions d’euros en 2009 et à 1,3 milliard d’euros en régime de croisière. La France d’aujourd’hui investit dans la France de demain.

Je vais vous donner un exemple : 30 % de crédit d'impôt, cela permet à une entreprise, avec le budget destiné à deux chercheurs, de constituer une équipe de trois.

Voilà ce que je voulais vous dire sur la compétitivité.

Ensuite, nous voulons aussi augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

M. Patrick Roy. C’est raté !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le pouvoir d'achat passe par la rémunération et les prix.

M. Jean-Pierre Brard. Lagardère !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. La mesure sur les heures supplémentaires est entrée en vigueur le 1er octobre, et le décret d'application pour les salariés du secteur privé le 24 septembre. Une circulaire – ACOSS – de la direction de la sécurité sociale précise le dispositif. Tous les éléments d’information sont disponibles. Dès la fin du mois, de nombreux salariés pourront voir la différence sur leur feuille de paye.

M. Jean-Claude Sandrier. Qui paye ?

M. Patrick Roy. Et ceux qui n’ont pas d’emploi ou ceux à qui on refuse des heures supplémentaires ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Ils auront un triple bonus : les heures supplémentaires seront mieux payées, sans impôt ni charges sociales.

Nous devons réussir, dans les mois à venir, à développer par ce biais l'activité de notre pays. Afin de rendre le nouveau système plus pratique pour les entreprises, nous avons diffusé l'information sous plusieurs formes : sous forme papier, avec plus d’un million de notices déjà envoyées vers les plus petites entreprises ; sous forme électronique, par le biais des sites Internet déjà utilisés par les entreprises ; sous forme téléphonique, avec la mise en place d'un numéro unique national, qui reçoit en moyenne 600 appels par jour.

M. Jean-Pierre Brard. Heureusement que le Gouvernement est là !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je vous rappelle qu'avec notre mesure, un salarié payé au SMIC qui décide de travailler quatre heures de plus par semaine parce que son employeur le lui demandera…

M. Patrick Roy. Et si l’employeur refuse ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …touchera plus de 2 000 euros supplémentaires par an, soit l'équivalent d'un treizième, et presque d'un quatorzième mois.

L'autre facette du pouvoir d'achat, c'est le coût de la vie. Nous allons renforcer la concurrence sur le marché des biens et des services pour faire baisser les prix.

Ce projet de loi de finances propose des mesures en faveur du pouvoir d'achat, comme la revalorisation de la prime pour l'emploi.

La mesure-phare que nous vous proposons d'adopter dans ce projet de loi de finances, c'est de doubler le taux du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, qui passera de 20 % à 40 % la première année. Pour un couple avec deux enfants empruntant 200 000 euros sur vingt ans au taux de 4 %, l'avantage fiscal pourra ainsi atteindre 3 400 euros la première année, ce qui diminuera le coût total du crédit de près de 10 %.

Ce crédit d'impôt n'est pas seulement une mesure de pouvoir d'achat. C'est aussi la clé de voûte de cette « France de propriétaires » que le Président de la République nous avait promise durant sa campagne.

Après vous avoir parlé de compétitivité et de pouvoir d'achat, j'aimerais maintenant en venir à la priorité des priorités : l'emploi.

M. Patrick Roy. Raté !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. L'objectif que nous souhaitons atteindre, c'est de parvenir au plein-emploi d'ici à la fin du quinquennat.

M. Jean-Pierre Brard. Vous y croyez ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Oui, j’y crois !

M. Jean-Pierre Brard. Sœur Anne…

M. Lionnel Luca. Vous êtes mal placé pour dire cela, monsieur Brard !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Conformément à la volonté du Président de la République, j'ai déjà engagé un vaste chantier en faveur de l'emploi. La réforme du service public de l'emploi sera au cœur de mon action dans les semaines et les mois à venir, pour aboutir à un marché de l’emploi efficace au profit des demandeurs d’emploi et de l’entreprise qui recrute.

M. Patrick Roy. Encore raté !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. J'ai exposé il y a quinze jours aux membres de votre commission des affaires sociales les grandes lignes d'une fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, qui devrait être sur les rails d'ici à la fin de l'année au terme d’un processus de concertation dans lequel nous sommes engagés. Notre objectif, c'est de garantir du travail pour toute la vie, sans promettre nécessairement le même travail toute la vie,…

M. Patrick Roy. Raté !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …mais en facilitant l'alternance des périodes d'emploi et des périodes de formation, la formation étant l’affaire de toute la vie. En tout état de cause, je me consacrerai à ce projet pendant toute l’année 2008.

Ce projet de loi de finances comporte deux grands programmes à l'emploi : « Accès et retour à l'emploi », et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », pour un coût total de 11 milliards d’euros.

La mesure-phare que les salariés attendent de ce projet de loi de finances, c'est le renforcement des possibilités de formation, qui s'inscrit dans la réforme globale de la formation professionnelle. Pour les jeunes, les dispositifs d'alternance seront revus à la hausse, avec 285 000 contrats d'apprentissage et 140 000 contrats de professionnalisation. Pour les salariés les plus en difficulté, le budget 2008 prévoit une augmentation conséquente des moyens alloués aux demandeurs d'emploi en fin de droits, qui passeront de 115 millions d’euros à 200 millions d’euros.

Je vous ai parlé de trois mesures-phares : la réforme du crédit impôt recherche, le doublement du taux du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et le renforcement des dispositifs de formation. Ces réformes-ci comme les autres, le Gouvernement entend les mener avec détermination et dans le bon ordre.

La grande nouveauté de ce budget, c'est qu'il est compact. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. En français, qu’est-ce que ça veut dire ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je vais vous l’expliquer, monsieur Brard.

Un budget compact, c'est la condition première d'une gestion rigoureuse des finances publiques, comme vous l’a expliqué tout à l’heure mon collègue Éric Woerth. En allant à l'essentiel, ce budget nous permet de dégager les économies nécessaires pour réduire la dette, ramenée dès l'année prochaine de 64,2 % à 64 % du PIB.

M. Jean-Pierre Brard. Vous marchez comme les crabes !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Un budget compact, c'est aussi un budget qui se concentre sur des actions ciblées et concrètes, au lieu de saupoudrer l'argent public sur des mesures trop nombreuses qui n'ont de réformes que le nom.

Un budget compact, c'est enfin un budget qui épargne le contribuable. En 2008, le taux des prélèvements obligatoires devrait reculer de 0,3 point pour s'établir à 43,7 % du PIB.

M. Jean-Pierre Brard. Mme Bettencourt vous dit merci !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Une des fonctions essentielles de l'État est de servir de tremplin à nos concitoyens. À cet égard, notre budget joue pleinement son rôle.

C'est un tremplin pour les chercheurs, encouragés à déposer des brevets, à créer des entreprises, en un mot à mettre leur intelligence au service de notre économie.

C'est un tremplin pour les nouveaux accédants à la propriété, dont l'effort financier sera pour une large part allégé la première année.

C'est un tremplin pour les salariés, plus mobiles, mieux payés et, nous l’espérons, mieux formés.

Ce budget est finalement un tremplin pour tous ceux qui veulent travailler.

M. Jean-Claude Sandrier. Ils tomberont de haut !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. L'État investit dans le travail comme jamais il ne l'avait fait auparavant, à travers les heures supplémentaires, mais aussi la prime pour l'emploi, le revenu de solidarité active ou la modernisation du service public de l'emploi.

J’aimerais maintenant vous donner quelques indications à propos des chiffres retenus pour l’élaboration de ce budget, en particulier sur la croissance, car nous pensons que celle-ci sera alimentée par la dynamique des réformes que nous avons commencé d’engager.

Le Gouvernement estime prudent de construire le projet de loi de finances pour 2008 sur une croissance comprise entre 2 % et 2, 5 %, avec un point médian à 2, 25 %. Notre objectif – qui est partagé par vous tous, j’en suis certaine – est bien sûr d'atteindre le haut de cette fourchette,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est une fourche pour les privilégiés !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …voire d’aller au-delà.

Cette prévision est tout à fait compatible avec celles des économistes indépendants de notre pays, qui sont comprises entre 1,6 % et 2,6 %.

J'entends parfois dire que nos hypothèses de croissance seraient trop optimistes. Permettez-moi de vous présenter les choses différemment : nos prévisions ne cèdent pas au défaitisme ambiant. Je ne crois pas, moi, qu'il faille être pessimiste pour avoir l'air intelligent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Cahuzac. Le contraire est-il vrai ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Les derniers indicateurs économiques ne font que confirmer nos hypothèses. Tous ensemble, nous pouvons nous en réjouir.

M. Jean-Pierre Brard. « Tous ensemble », c’est pour jeudi, madame ! (Sourires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Réjouissons-nous de nos bons résultats de croissance, monsieur Brard.

Sur le plan national, le troisième trimestre paraît déjà très prometteur, avec une consommation des ménages particulièrement vigoureuse et une production industrielle beaucoup plus dynamique qu'au deuxième trimestre. Les enquêtes d'opinions indiquent que le climat des affaires est excellent, tant dans le secteur de l’industrie que dans celui des services.

Enfin, et je voudrais que nous nous en réjouissions tous, au mois de septembre, le nombre de créations d'entreprises a de nouveau atteint un niveau historique, battant le record du mois précédent. Quel meilleur signe de confiance !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. François Goulard. C’est important !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je maintiens donc l'objectif de croissance du Gouvernement pour 2007 dans une fourchette comprise entre 2 % et 2,5 %, même si je pense que nous nous serons probablement proches du bas de cette fourchette.

Bien entendu, la croissance ne tient pas seulement aux facteurs intérieurs. Elle dépend aussi de la situation internationale. Celle-ci devrait nous être plutôt favorable l'année prochaine, avec une croissance du PIB mondial estimée à 4,4 % et une croissance du commerce mondial estimée à 7,4 %.

M. Jean-Pierre Brard. Tout ça grâce à nos camarades chinois !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. L’environnement international nous sera sans doute plus favorable que ne le laissent supposer certaines gazettes.

L'activité des États-Unis devrait croître de façon très graduelle, une fois absorbées les conséquences de la crise dans le secteur immobilier américain, comme nous le disent nos collègues d’outre-atlantique. Une croissance chinoise supérieure à 10 % devrait continuer à tirer la croissance de l’Asie. La demande mondiale à destination de la zone euro est donc appelée à se redresser significativement en 2008.

D'autre part, je ne pense pas que les tensions observées récemment sur les marchés hypothèquent sérieusement la croissance française. Ces tensions sont nées de crédits immobiliers très risqués accordés aux ménages américains les moins solvables, produits sans équivalent en Europe et en France. Il en est résulté des difficultés de liquidité et des problèmes de confiance entre les opérateurs monétaires et financiers sur les marchés internationaux. Je constate que le niveau de solvabilité des entreprises françaises est élevé et que notre système bancaire est solide. Selon toutes nos observations, le recours au crédit ne pose pas de difficultés majeures et ne se fait pas à des taux significativement différents de ceux qui étaient pratiqués avant la crise. Enfin, la conduite de la politique monétaire par tous les acteurs de la zone euro a été exemplaire. Elle a certainement contribué à stabiliser la situation.

Si la croissance nous vient en partie de l'étranger, elle ne vient pas seule : il faut la chercher, en procédant à des réformes, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, mais aussi en discutant, en négociant avec nos différents partenaires, et en convenant avec eux, particulièrement en Europe, de stratégies communes. Depuis la rentrée, j'y consacre une grande partie de mon temps, même si ce n'est pas la plus visible.

Je voudrais vous indiquer en quelques mots de quelle manière nous essayons de convaincre nos partenaires de mettre en place les fondamentaux qui permettront à la croissance française de se développer.

À Porto, j'ai expliqué à nos partenaires européens l'esprit du budget que je viens de vous présenter, et, croyez-moi, ils l'ont parfaitement compris.

M. Jean-Pierre Brard. Vous leur parliez en français ou en anglais ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Notre méthode est de mener de front assainissement des finances publiques – qu’ils souhaiteraient sans doute approfondir – et réformes structurelles – qu’ils applaudissent des deux mains – afin de retrouver le chemin d'une croissance solide et durable.

À Berlin, avec mon homologue allemand, nous nous sommes mis d'accord sur la nécessité de renforcer la transparence des marchés financiers, qui me paraît être la condition indispensable d'une croissance saine. Nous ferons des propositions en ce sens.

À Pékin, j'ai plaidé devant les responsables chinois pour une croissance équilibrée à l'échelle mondiale où tous les pays respecteraient les mêmes règles du jeu.

M. Jean-Pierre Brard. Les avez-vous convaincus ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Cette croissance équilibrée, je n’ai pas hésité à leur dire qu'elle passe par une évolution de leur politique de change, en particulier, et du panier de monnaies auxquelles est accroché le yuan.

À Luxembourg, avec nos partenaires de l'Eurogroupe, nous avons débattu sans préjugés des évolutions de l'euro. Le message de la France a été entendu : le taux de change doit refléter les fondamentaux économiques. C'est la seule manière de garantir aux pays de la zone une croissance juste au regard de leurs performances économiques.

À Washington, où je pars à la fin de la semaine…

M. Jean-Pierre Brard. Retour à la maison !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …participer au G 7 des ministres des finances, je délivrerai les mêmes messages, et j'inviterai mes homologues à définir en commun les orientations indispensables pour parvenir à une croissance vigoureuse de l'économie mondiale. Je me flatte que tous les Européens puissent, ce jour-là, parler d’une même voix.

Pour finir, je voudrais simplement vous dire, mesdames et messieurs les députés, que ce budget, nous y croyons, comme nous croyons dans les forces de notre pays.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un acte de foi !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Pourquoi y croyons-nous ?

Parce que c'est un budget sérieux, qui ne dilapide pas l'argent des contribuables, comme vous l’a dit Éric Woerth.

Parce que c'est un budget honnête, qui ne cache pas à nos concitoyens l'état de nos comptes et qui leur indique la manière dont nous allons les redresser.

M. Alain Cacheux. 13 milliards de cadeaux fiscaux, est-ce bien honnête ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Enfin, parce que c'est un budget ambitieux, qui va permettre de mener à bien les grandes réformes voulues par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et par la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Jean-Pierre Brard. Lui au moins, il parle en français !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je ferai d’emblée deux observations.

Tout d’abord, ce projet de budget pour 2008 s’appuie, et renforce même, les règles de bonne gouvernance budgétaire que nous avons su mettre en œuvre tout au long de la précédente législature. Nous devons nous souvenir d’une chose, chers collègues : les déficits dont nous avons hérité en 2002 s’élevaient à 50 milliards d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)...

M. Patrick Roy. C’est pour cela que vous faites des cadeaux aux héritiers !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et, en 2006, nous avons exécuté la loi de finances de l’État avec un déficit réduit à 36 milliards d’euros. Jamais n’avait été opérée au cours d’une législature une telle réduction budgétaire, il faut le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ensuite, deuxième observation, vous l’avez très bien dit, madame la ministre, ce projet de budget s’inscrit pleinement dans la stratégie de redressement économique que nous avons initiée, avec le vote, dès le mois de juillet, de la loi visant à promouvoir le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat.

M. Patrick Roy. Sans oublier les cadeaux fiscaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On ne peut comprendre la cohérence, la solidité de ce budget si on ne le relie pas à ces excellentes dispositions, que nous avons mises en œuvre le plus rapidement possible. Je pense en particulier, car c’est une mesure emblématique, à l’exonération des heures supplémentaires, en vigueur depuis le 1er octobre dernier.

Ce budget s’appuie sur les acquis de la précédente législature pour poursuivre et, je l’espère, bientôt accélérer le rétablissement de nos finances publiques. Nos comptes publics sont encore fragiles, même s’ils ont été considérablement assainis au cours des cinq dernières années. C’est parce que nous avons réussi cet assainissement que nous avons pu mettre en œuvre, dès le mois de juillet, les mesures extrêmement ambitieuses d’exonération des heures supplémentaires et de revalorisation du travail et du pouvoir d’achat. Je rappelle à cet égard que, dans le projet de budget qui nous est présenté, ces mesures de baisse de prélèvements fiscaux et sociaux représentent près de 9 milliards d’euros.

Il nous faut donc absolument continuer d’appliquer les excellents principes de bonne gouvernance budgétaire que nous avons mis en œuvre ces dernières années.

Ces principes reposent sur trois outils.

Le premier outil est la maîtrise de la dépense. Une norme générale d’évolution des dépenses de l’État est fixée chaque année. Elle ne doit pas être supérieure à l’inflation. Mais une prévision est une chose, une exécution en est une autre. Et s’il y a un enseignement à tirer de la LOLF, c’est que nous devons, nous parlementaires, faire encore plus attention à l’exécution qu’à la prévision. Or que s’est-il passé ? Chaque année, nous avons respecté, à l’euro près, la prévision de dépense que nous avions votée dans le budget. C’est d’ailleurs un signe de respect de l’exécutif à l’égard du Parlement.

Le deuxième outil consiste tout simplement à faire des prévisions de recettes prudentes qui laissent espérer que, en exécution, le résultat sera meilleur que la prévision. C’est ainsi que nous avons procédé depuis 2004 et je pense qu’il en ira de même en 2007 mais aussi en 2008 – j’en dirai un mot dans quelques instants.

Le troisième outil, lui aussi tout simple, vise à contenir le déficit à un niveau tel qu’il n’aggrave pas le phénomène de boule-de-neige de l’endettement. Le déficit permet au pire de stabiliser, au mieux de diminuer la dette par rapport au PIB. D’autre part, et c’est un point essentiel auquel je sais le président de la commission des finances très attaché, il faut que nous soyons en excédent primaire. Autrement dit, si l’on ne tient pas compte des intérêts de la dette, donc du passé, les dépenses doivent, en tout état de cause, rester inférieures aux recettes.

M. François Goulard. Très juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous l’avez dit, madame la ministre, monsieur le ministre, ce budget est sincère. Il est bâti sur une fourchette de croissance pour 2008 de 2 % à 2,5 % et une prévision de recettes fiscales pour 2008, quant à elle, très prudente.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le taux d’élasticité entre croissance et recettes qui a été retenu, est de 1,3 %, alors qu’il a été de près de 2 % en 2006 et qu’il sera probablement bien au-dessus de 1,3 % en 2007. Je prends le pari qu’une fois de plus les recettes seront largement au rendez-vous.

M. Jean-Pierre Brard. On voit que le rapporteur général a lu Pascal !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le déficit est bâti pour stabiliser la dette.

Le Gouvernement a eu tout à fait raison de fixer des prévisions prudentes en raison des résultats assez décevants constatés dans la zone euro au deuxième trimestre et de la crise financière de cet été. Mais, madame la ministre, je suis persuadé que c’est une crise financière localisée sur certains types de prêts spécifiques aux États-Unis et que les effets de diffusion à l’économie devraient être limités.

Notre effort s’est fait en deux temps : la relance de la croissance en juillet ; le projet de budget aujourd’hui, lequel ne prévoit pas de nouvelles baisses d’impôts en dehors du crédit impôt recherche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faudrait pas exagérer quand même !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce projet de budget absorbe la totalité du coût des baisses de prélèvements prévues dans la loi TEPA que nous avons votée en juillet.

Bien entendu, nous franchissons une étape supplémentaire en termes de maîtrise de la dépense.

Comme Mme Lagarde l’a affirmé à Porto devant nos partenaires européens il y a trois semaines,…

M. Jean-Pierre Brard. La ministre sait convaincre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …ce budget s’inscrit clairement dans la stratégie pluriannuelle de redressement de nos finances publiques voulue par le Gouvernement. Cette stratégie, simple à exprimer,…

M. Jérôme Cahuzac. Pourtant, vous ne semblez pas très à l’aise !

M. Alain Cacheux. C’est laborieux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …est bâtie sur trois principes.

Premièrement, une fois mis en place cet investissement sur l’avenir que constitue la loi TEPA qui prévoit la revalorisation du travail et donc de la croissance, toute baisse supplémentaire d’impôt ou de prélèvement sera subordonnée à l’objet prioritaire d’équilibre des finances publiques.

Deuxièmement, dès lors que des surplus de recettes sont dégagés, ceux-ci devront obligatoirement être affectés à la baisse du déficit.

Enfin, le rythme d’augmentation des dépenses publiques dans leur ensemble – y compris la dépense sociale et celle des collectivités locales – devra avoir été réduit de moitié d’ici à 2010-2012.

Quelques mots maintenant sur la maîtrise de la dépense.

Le présent budget franchit une étape supplémentaire. Auparavant, la maîtrise de la dépense ne portait que sur la partie dépenses stricto sensu et ne prenait pas en compte les prélèvements sur recette. Une grande partie des dépenses de l’État – je pense en particulier au concours aux collectivités locales ou au financement du budget de l’Europe – n’était pas comptée dans la norme des dépenses. Elles le seront désormais. En conséquence, le périmètre des dépenses qui n’évolueront pas plus vite que l’inflation passera de 270 à plus de 330 milliards d’euros. Bien sûr, cela exigera un effort de la part des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous y voilà.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais c’est tout à fait normal ! Il faut bien penser que, en la matière, l’État et les collectivités territoriales sont profondément solidaires.

M. Hervé de Charette. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La proposition du Gouvernement est parfaitement honnête…

M. Alain Néri. Non, elle est malhonnête !

M. Michel Piron. Elle est raisonnable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …puisque le concours de l’État aux collectivités locales continuera à être indexé sur l’évolution des prix, qui est de 1,6 %, et que la dotation globale de fonctionnement continuera, elle, à l’être sur les prix et sur la moitié de la croissance. Cela nous permettra de poursuivre un objectif que nous avons eu l’honneur d’inscrire dans la Constitution sous la précédente législature, celui de la péréquation,…

M. Michel Vergnier. Parlons-en !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …puisqu’il y a trop de disparités entre les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous continuerons notamment d’augmenter rapidement la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.

M. Alain Néri. Et les départements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La dotation globale des départements est préservée…

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et la dotation de péréquation urbaine ainsi que la dotation de fonctionnement minimale seront garanties. Ne vous inquiétez donc pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Michel Vergnier. Les riches paieront moins d’impôts !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ces conditions, il reste une marge de manœuvre sur les dépenses de 5,5 milliards d’euros. Toutefois, deux postes liés au passé en absorberont, à eux seuls, les deux tiers : d’une part, les pensions, qui augmenteront mécaniquement de 2 milliards d’euros ; d’autre part, et ce phénomène nouveau doit nous conduire à réfléchir, les intérêts de la dette, qui progresseront de 1,6 milliard d’euros.

M. Michel Piron. C’est beaucoup !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour la première fois depuis cinq ans, les intérêts de la dette franchiront le cap des 40 milliards d’euros. Au cours des dernières années, nous avons pu profiter des baisses de taux d’intérêt et des renégociations de dette. Mais cette époque est révolue. Raison de plus pour être très attentif et limiter le recours à l’emprunt.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons également de gros efforts à faire s’agissant des effectifs. L’objectif de notre majorité est de parvenir le plus rapidement possible à ne remplacer qu’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Dans ce budget 2008, la mise en œuvre de ce principe est plus limitée puisqu’un fonctionnaire sur trois seulement ne sera pas remplacé. L’économie réalisée sera de l’ordre de 450 millions d’euros, dont la moitié sera restituée aux fonctionnaires en fonction sous forme d’un intéressement à la qualité de leur activité.

L’objectif qui consiste à parvenir à ne remplacer qu’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux et qui est absolument nécessaire pour redresser les finances de l’État ne pourra être mis en œuvre à partir de 2009 que s’il s’appuie sur une démarche préalable de réforme bien identifiée.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je citerai par exemple le regroupement d’administrations centrales. À cet effet, je salue le travail fait par M. Woerth, qui a annoncé, il y a quinze jours, la fusion de la DGI et de la DGCP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons beaucoup à faire en matière de réorganisation des services extérieurs de l’État. Je sais que M. Piron notamment a des propositions à faire sur le regroupement d’un certain nombre de services déconcentrés. Je pense aussi que nous devons revoir les différentes interventions de l’État, qui représentent 60 milliards d’euros. Le travail en cours dans le cadre de la révision générale des politiques publiques est décisif. J’y reviendrai dans un instant.

Comme le disait fort bien Laurent Fabius, en 1999, concernant le premier travail qui a engagé la LOLF, « il faut dépenser mieux pour dépenser moins ».

M. Laurent Fabius. Effectivement !

M. François Goulard. On a eu un Fabius libéral !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La dématérialisation des procédures fiscales a permis de réaliser des gains de productivité considérables puisque le pourcentages de recettes de TVA, d’impôts sur les sociétés et de taxes sur les salaires acquitté par téléprocédure est aujourd’hui de 70 %. Ce seul chiffre montre toutes les améliorations possibles en matière de gestion.

M. François Goulard. Disons-le : il s’agit de réaliser des économies !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je veux maintenant aborder un de nos sujets de préoccupations : entre 2002 et 2006, la réduction des effectifs de l’État est allée de pair avec l’augmentation des effectifs de ses opérateurs, ce qui est intolérable.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même si le phénomène est moins marqué en 2007, on constate que l’effectif de l’État a été réduit de 12 000 postes équivalent temps plein, mais que celui des opérateurs a augmenté de près de 3 000 personnes. C’est la raison pour laquelle lorsque, en juillet dernier, nous avons examiné la loi de règlement de 2006, nous avons voté à l’unanimité une disposition prévoyant que l’« annexe jaune » jointe au projet de loi de finances mentionne également les effectifs des opérateurs. Nous serons extrêmement vigilants et nous vérifierons qu’il n’y a pas de phénomène de vases communicants et que la baisse des effectifs ici ne se traduit pas là par une augmentation.

Dans cette enveloppe de dépenses, qui est très contrainte, le Gouvernement a su mettre l’accent sur quelques fonctions régaliennes. Un effort est engagé en faveur de la justice, de la recherche et l’enseignement supérieur, avec une progression de près de 2 milliards d’euros des crédits.

Un mot de la révision générale des politiques publiques, sur laquelle nous fondons de grands espoirs car c’est vraiment la clef de la réussite en matière de maîtrise des dépenses.

D’abord, la nouvelle organisation gouvernementale est une bonne chose. Pour la première fois, nous avons, en la personne d’Éric Woerth, un ministre chargé des comptes de l’État, des comptes sociaux et de la fonction publique. Le travail de révision générale des politiques publiques est conduit et préparé au plus haut niveau puisqu’il se déroule dans une commission coprésidée par le secrétaire général de l’Élysée…

M. Jean-Pierre Brard. Qu’y fait Claude Guéant ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et le directeur de cabinet du Premier ministre. Chaque ministre apporte le meilleur de lui-même avec toujours ce même objectif : dépenser moins en dépensant mieux.

Pour répondre à votre question, monsieur Brard, cette commission sera présidée au plus haut niveau, c'est-à-dire par le Président de la République lui-même,...

M. Jean-Pierre Brard. Il viole la Constitution !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...ce qui permet d’espérer des résultats tangibles.

Cette démarche est rendue possible grâce à la LOLF, instrument d’évaluation, de contrôle, qui est aussi, du point de vue des gestionnaires et des administrations, un outil de management public extrêmement efficace. Dans la mesure où cette loi organique n’a été votée, imaginée, mise en œuvre qu’avec une forte implication du Parlement, je voudrais, à mon tour, dire à quel point la mobilisation de chacun de nous sur le contrôle et l’évaluation de la dépense publique doit devenir une partie essentielle de notre travail de parlementaire.

Quelques mots sur les recettes.

L’essentiel des mesures réside dans la loi relative au temps de travail et au pouvoir d’achat, la loi TEPA. Le Gouvernement, dans toute sa sagesse, n’a proposé de nouvelles mesures – d’ailleurs limitées, à l’exception du crédit d’impôt recherche – que pour autant qu’elles soient autofinancées par d’autres mesures, dites de rendement. Je salue son sens des responsabilités.

Les mesures qui sont proposées pour 2008 n’ont qu’un but : l’amélioration du pouvoir d’achat.

Il faut vraiment mettre un terme à un faux procès. Certains ont osé parler de « cadeaux fiscaux ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des cadeaux tout court !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Regardons objectivement les choses. L’essentiel du texte TEPA concerne les heures supplémentaires. À qui s’adresse cette mesure ? Avant tout aux ouvriers, aux employés, aux classes moyennes.

M. Alain Cacheux. Et qui va payer ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un exemple ? Prenons un salarié célibataire au SMIC travaillant trente-neuf heures dans une entreprise de moins de vingt salariés. C’est souvent le cas car la plupart d’entre elles ne sont pas passées aux 35 heures. S’il maintient son horaire de travail, il gagnera en année pleine presque trois quarts d’un SMIC supplémentaire.

M. Henri Emmanuelli. Oh ! la la !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’il parvient à travailler deux heures et demie de plus par mois – seulement –, il bénéficiera d’un treizième mois.

M. Jean-Pierre Brard. Et le patron ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si le même salarié de cette PME, qui était à 35 heures, passe à trente-neuf heures, il aura touché à la fin de l’année deux mois de SMIC supplémentaires.

M. Henri Emmanuelli. Je vous ai expliqué que c’était faux !

M. Alain Cacheux. C’est moins que le bouclier fiscal !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Eh bien, mes chers collègues, jamais vous n’avez été capables, entre 1997 et 2002, de faire un effort aussi important en faveur des travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Venons-en au déficit, en légère réduction par rapport à celui de 2007 : 41,7 milliards, contre 42 milliards prévus.

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes gêné, très gêné.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je souhaite ardemment, madame la ministre, monsieur le ministre, que, tout comme en 2004, 2005, 2006 et 2007, nous restions, en exécution, en dessous de 40 milliards d’euros.

Pourquoi ? C’est à ce niveau que l’on est assuré de stopper l’effet « boule de neige » du poids de la dette par rapport au PIB. En effet, les intérêts de la dette représentant un peu plus de 40 milliards, un déficit contenu dans cette limite signifie que nous sommes en excédent primaire. Ce sont là des jalons essentiels de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques et le meilleur moyen de respecter l’objectif, à la fois ambitieux et nécessaire, de revenir pour l’année 2008 à un déficit global de 2,3 points de PIB pour l’ensemble des administrations publiques, conformément à l’engagement pris envers nos partenaires européens.

Je terminerai par quelques mots sur différentes mesures du projet de loi pour 2008.

S’agissant des ménages, l’essentiel des mesures est tourné vers le pouvoir d’achat, avec la revalorisation non seulement du barème de l’impôt sur le revenu, mais encore de la prime pour l’emploi. Nous poursuivons l’effort que nous avons, au cours de la précédente législature, résolument engagé au bénéfice du travail, par le biais de la prime pour l’emploi. Je rappelle les chiffres : un peu plus de 2 milliards d’euros en 2002 au titre de la PPE, plus de 4,5 milliards d’euros en 2008.

La réforme du crédit d’impôt recherche ouvre, à côté du pouvoir d’achat, un second volet : celui de la compétitivité de nos entreprises.

Vous l’avez dit, madame la ministre, c’est une réforme extraordinairement puissante, qui nous rendra, sur ce point, les plus performants de toute l’Union européenne,...

M. Jean-Pierre Brard. Wonderwoman et Superman !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, le taux de crédit d’impôt sera porté à 30 % de l’assiette, qui sera elle-même élargie. Les entreprises se plaignent depuis des années des difficultés rencontrées avec l’administration fiscale pour déterminer ce qui entre dans le cadre du dispositif. Les procédures ont été adaptées pour permettre aux entreprises de connaître la position de l’administration dans un délai beaucoup plus court, et rendre plus extensive la notion de crédit d’impôt recherche. Il s’agit de la mesure phare destinée aux entreprises, et elle est excellente.

M. François Goulard. C’est vrai.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis sûr que, désormais, grâce au développement de la recherche et de l’innovation, notre pays connaîtra un surcroît de croissance,...

M. François Goulard. Tout à fait exact.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...d’autant que le dispositif sera accompagné d’un ensemble cohérent de petites mesures, mais dont les effets seront importants : l’alignement des cessions de brevet sur les concessions, du point de vue des plus-values, avec une taxation à 15 %, et la possibilité d’exonérer complètement, au bout d’un certain délai, l’inventeur d’un brevet qu’il a cédé à une entreprise, de façon à mieux lier l’inventeur et l’entreprise qui développe l’invention.

Un mot enfin, sur un sujet qui m’est très cher : les engagements de conservation, les pactes d’actionnaires. Je relève une grande continuité dans le travail du précédent rapporteur général du budget, aujourd’hui président de la commission des finances, et celui de son successeur. Nous sommes partis d’un même constat.

Dès 2000, le président de la commission des finances s’est indigné de voir des entreprises familiales, de grosses PME, disparaître ou passer sous la coupe de multinationales étrangères, avec à la clef, des délocalisations d’emplois, au motif que les héritiers, incapables de payer les droits de succession, étaient, la mort dans l’âme, acculés à la vente. À partir de là, l’entreprise était inexorablement vouée à la délocalisation. Didier Migaud a pris le problème à bras-le-corps et il a conçu le dispositif dit « pacte Migaud », avec un abattement de 50 % sur les droits de succession.

J’ai poursuivi dans cette voie en 2003, en étendant le mécanisme aux donations. Notre priorité absolue, si nous voulons conserver notre tissu de PME familiales – ce sont elles qui créent des emplois dans notre pays –, doit être d’en assurer la pérennité en facilitant les successions et les donations. Et je n’ai pas hésité, malgré les débats idéologiques stériles auxquels cela a donné lieu, à étendre le mécanisme à l’ISF, qui était aussi un puissant facteur de délocalisation et de perte d’emplois.

Mme Marie-Anne Montchamp. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous nous proposez une mesure qui améliorera encore la pérennité de ces engagements, gage de la pérennité de ces entreprises et de la conservation de nos emplois. Nous ne pouvons que nous en féliciter. J’espère que, sur un tel sujet, nous éviterons dorénavant les polémiques idéologiques ! Si nous voulons faire du bon travail, il faut agir de façon pragmatique, en apportant des réponses concrètes là où c’est nécessaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Goulard. Voilà des propos modernes !

M. Henri Emmanuelli. On vous expliquera le mécanisme du LBO !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il en va de même de l’imposition des dividendes. La majorité de la commission des finances a été très sensible au vœu du Gouvernement d’harmoniser la fiscalité des dividendes et celle des produits à taux fixe. Il était en effet aberrant de taxer davantage l’investissement en actions, autrement dit la prise de risque, que l’investissement sûr, par exemple en obligations d’État.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’avez-vous fait pendant six ans ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout le monde en convient. Mais l’inconvénient de la formule que vous nous proposiez était que l’alignement à 16 % conduisait à une perte définitive de recettes à partir de 2009. Or, comme vous, nous sommes totalement attachés au retour à une trajectoire de redressement de nos finances publiques. Même pour 200 millions seulement, nous devons être extrêmement vigilants sur le principe. Nous vous proposerons donc un amendement qui procédera à l’unification – elle est nécessaire au plan économique –, mais au taux de 18 %, ce qui garantira qu’il n’y aura aucune perte budgétaire au-delà du gain ponctuel en trésorerie pour l’année 2008, qui sera limité à 600 millions d’euros. J’espère que vous serez d’accord, madame la ministre, monsieur le ministre, pour suivre cette proposition.

M. Henri Emmanuelli. C’est pour les portefeuilles supérieurs à 500 000 euros !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’évoquerai un dernier point, madame la ministre, monsieur le ministre, qui n’a pas été évoqué : le droit à décharge de responsabilité solidaire en cas de rupture de la vie commune, qui sera reconnu dans cette loi de finances. C’est un sujet sur lequel Jean-François Mancel notamment a beaucoup travaillé. Je me réjouis de voir, une fois de plus, que les propositions de parlementaires, quand elles ont été bien étudiées, sont relayées par le Gouvernement. Désormais, le conjoint, ou le partenaire pacsé, poursuivi en qualité de débiteur solidaire d’une dette fiscale issue de la communauté de vie, sera en droit de demander une répartition équitable de cette dette en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale, qui lui est réclamée, et les revenus ou le patrimoine dont il dispose.

Mme Marie-Anne Montchamp. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Chacun d’entre nous, dans ses permanences, a été alerté sur ce sujet, qui a été souligné largement par le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, dans son rapport. Je remercie le Gouvernement d’apporter une solution à ce problème.

En conclusion, ce projet de budget est, je le répète, parfaitement cohérent. Il s’inscrit dans une stratégie de relance de la croissance et de la compétitivité de notre pays, dans le prolongement des mesures que nous avons votées dès juillet dernier. Il s’inscrit aussi dans une stratégie de rétablissement des comptes publics, fondée sur les règles de bonne gouvernance, qui ont fait le succès de la précédente législature. C’est pourquoi la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à voter le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je serai très bref.

M. Henri Emmanuelli. En allemand, maintenant !

(M. Jean-Pierre Brard prononce une phrase en allemand.)

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, vous avez cru bon, monsieur le président, de dire que mon propos ne figurerait pas au compte rendu des débats, parce qu’il n’était pas exprimé en français. Je voudrais savoir sur quoi vous vous appuyez pour avoir pris une telle décision.

M. le président. Je vous rappelle que nous sommes au Parlement français.

M. Jean-Pierre Brard. Je vais y revenir, comme un disque rayé !

M. Henri Emmanuelli. « Stock options », ce n’est pas du français.

M. Jean-Pierre Brard. « Zéro volume » non plus !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, permettez-moi, au début de la discussion budgétaire, de formuler quelques observations, quelques préoccupations, quelques interrogations. Leur tonalité sera passablement différente de celle empruntée par les orateurs qui m’ont précédé.

M. Patrick Roy. Ce sera le ton de la vérité !

M. Yves Censi. Le ton ne suffit pas !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce projet de loi de finances vient après le vote en urgence, cet été, du « paquet fiscal », qui consiste pour l’essentiel en des baisses d’impôt massives, particulièrement ciblées sur un certain nombre de contribuables. Elles sont censées créer un « choc de confiance » pour provoquer un « choc de croissance ». Les interrogations sur l’efficacité de telles mesures sont nombreuses, j’y reviendrai, alors que nous connaissons un endettement record et un déficit persistant du budget et des comptes publics.

Se priver d’un tel montant de recettes, que vous avez vous-mêmes estimé, en régime de croisière, à 15 milliards d’euros et faire une pause dans l’amélioration de nos comptes publics pourrait se justifier à la condition que la croissance – le point en plus – soit au rendez-vous. Or votre projet de loi de finances est bâti sur une hypothèse de croissance de 2,25 %, inférieure à celle prévue dans le scénario bas de la programmation pluriannuelle des finances publiques depuis plusieurs années. Si choc il y a, madame la ministre, c’est surtout celui de l’inquiétude et de la perplexité. Ce scepticisme est encore renforcé du fait que votre scénario pour 2008 exclut pratiquement tout effet négatif de la crise financière partie cet été des États-Unis.

Ainsi lit-on, dans le rapport économique et financier, que « les canaux de propagation du ralentissement américain vers l’Union européenne semblent pour le moment peu actifs », et que « la zone euro apparaît bien placée pour absorber le ralentissement américain ». Or votre optimisme n’est pas partagé par beaucoup d’observateurs ni par beaucoup d’économistes, qui redoutent que la crise financière ne soit pas terminée et qu’elle ait des conséquences non seulement aux États-Unis, mais également en Europe, y compris en France. J’en veux pour preuve le débat que nous avons organisé à la commission des finances : au départ, les propos introductifs du gouverneur de la Banque de France, du président de l’Autorité des marchés financiers, des banquiers présents, étant plutôt optimistes, mais, dans un second temps, leurs analyses étant beaucoup plus nuancées, ils reconnaissaient eux-mêmes qu’il était vraisemblable que la crise financière aurait des répercussions sur le taux de croissance en Europe, plus particulièrement en France.

La France a des performances économiques qui sont en deçà de la moyenne des pays de la zone euro. Et pourtant, vous vous êtes succédé à vous-mêmes ! J’ai été quelque peu surpris, monsieur le ministre du budget et des comptes publics, de vous entendre commencer ce débat en disant que la France était confrontée à une situation de triple déficit – le terme est déjà plus faible que celui utilisé par le Premier ministre : la France « en faillite ». Mais en entendant « triple déficit », je me demandais : à qui ont-ils succédé ? Pourquoi sommes-nous dans cette situation de triple déficit ? Qui gouvernaient notre pays avant l’élection présidentielle ? En cherchant (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je me suis rendu compte que le gouvernement précédent comportait beaucoup de membres de l’UMP…

M. Hervé de Charette. Quelle perspicacité ! C’est Hercule Poirot ! (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En cherchant bien, j’y ai retrouvé Mme Lagarde et M. Woerth.

Monsieur le ministre, vous allez très loin, et je reconnais votre franchise, dans l’exercice d’autocritique. Je crois que rarement un responsable politique était allé aussi loin dans l’appréciation de son propre bilan.

M. Yves Censi. Si, Jospin !

M. Henri Emmanuelli. C’est loin ! Pourquoi pas Léon Blum ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce scepticisme, madame la ministre, monsieur le ministre, semble également partagé par nos partenaires européens. Nous avons plutôt tendance à nous faire tancer par l’Eurogroupe et par la Commission, à la suite notamment du report de 2010 à 2012 du retour à l’équilibre de nos finances publiques. Ils se sont montrés plutôt sceptiques devant le rapport que vous leur avez présenté sur les perspectives pluriannuelles, rapport que j’avais d’ailleurs qualifié de « vrai conte de Noël ». La faiblesse de la croissance française et la situation de nos comptes publics suscitent des inquiétudes, ainsi que nos affichages quand on regarde ce que vous nous présentez : un déficit prévisionnel plus élevé que celui de 2007 en exécution. Il n’y a pas de quoi se vanter, et d’ailleurs le rapporteur général vient de montrer du doigt cette différence…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Migaud, depuis quatre ans, on est constamment meilleurs en exécution !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …en souhaitant qu’en exécution, le résultat soit meilleur. La dette est plutôt stabilisée, mais à un niveau très élevé.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, vous affichez une certaine baisse, mais nous avons tous l’expérience de ces chiffres : en fait, ces baisses sont rarement confirmées par la réalité. Encore convient-il d’observer que, toujours selon le rapport économique et financier, d’ici à la fin de la législature, vous prévoyez une légère baisse du taux des prélèvements obligatoires, de 43,7 % fin 2008 à 43,4 % en 2012. Mais j’ai quelques difficultés à retrouver les quatre points de baisse sur lesquels s’était engagé le candidat Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle.

M. Jean-Claude Sandrier. L’élection est passée !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Peut-être aurez-vous l’occasion, dans le cadre du débat, de nous dire si l’engagement de diminuer de quatre points le taux de prélèvements obligatoires est toujours d’actualité.

Le commissaire européen Joachim Almunia a exprimé ses doutes sur la réalité du déficit prévu en 2008, en disant qu’il sera vraisemblablement légèrement supérieur aux chiffres présentés par le gouvernement français.

De même, les conjoncturistes réunis au sein de la Conférence économique de la nation éclairent votre projet de budget d’un jour différent, en soulignant notamment que les déficits pourraient être supérieurs en 2007 aux chiffres de 2006, et se creuser encore en 2008 pour se rapprocher des 3 %.

Quant aux instituts qui se fondent sur une perspective de croissance en ligne avec la vôtre ou supérieure – l’honnêteté oblige à reconnaître qu’il y a effectivement des économistes qui pensent que nous pouvons atteindre 2,25 % de croissance en 2008, et même des instituts de conjoncture qui prévoient 2,5 % ou 2,6 % –, ils pronostiquent parallèlement une dégradation plus importante des comptes, avec un déficit supérieur à 3 %. C’est, je le reconnais, pour moi un sujet d’interrogation : comment, alors même qu’ils ont des hypothèses de croissance plus optimistes que la vôtre, ces instituts de conjoncture peuvent-ils arriver à des chiffres de déficits et d’endettement supérieurs aux vôtres ? Où est l’erreur ? Y a-t-il de votre part surestimation des recettes ou sous-estimation des dépenses ?

M. Jean-Pierre Brard. Les deux !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il serait intéressant que vous puissiez nous apporter des explications sur ce point.

De même, le rapport très intéressant de notre rapporteur général envisage trois scénarios, dont le plus pessimiste, malheureusement le plus vraisemblable,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est vous !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …prévoit un déficit de 3,1 %.

M. Michel Piron. Parce que notre rapporteur général n’est pas dogmatique !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le rapporteur général, J’ai beaucoup apprécié votre expression dans la presse, preuve que vous avez quelques interrogations sur vos propres hypothèses de croissance : vous avez dit que vous croisiez les doigts pour que les hypothèses se réalisent.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans vos rangs, certains prient !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je ne savais que l’on faisait un budget en croisant les doigts.

M. Jean-Pierre Brard. Il y en a qui le font en se prenant les pieds dans le tapis !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. S’agissant de la dette, madame la ministre, monsieur le ministre, je me réfère à votre rapport économique et financier, lequel souligne que le solde stabilisant ne sera pas atteint en 2007 et que l’effet boule de neige devrait malheureusement continuer à jouer. En 2008, le solde stabilisant serait, selon vos propres termes, « à 2,6 % », c’est-à-dire plutôt loin de vos propres hypothèses de croissance.

En fait, le budget que vous nous présentez nous semble surtout un budget de continuité par rapport aux précédents, en aucun cas un budget de rupture, comme l’a écrit le rapporteur général. Je lui donne acte de cette franchise. Il est plutôt logique avec les positions qu’il a défendues sous la législature précédente, puisque lui n’a pas oublié qu’il s’est succédé à lui-même. Il n’a pas le même art dans l’autocritique que M. Woerth. Si c’est un budget de continuité,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Continuité dans la bonne gouvernance !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas de la continuité, mais de l’entêtement !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …vous nous paraissez continuer dans l’erreur de stratégie économique que vous aviez commencé à faire sous la législature précédente.

En effet, notre économie souffre de la faiblesse de son appareil productif, du manque de compétitivité de ses entreprises, de leur manque d’investissements, de leur faiblesse à l’exportation. Elle souffre aussi d’un défaut d’investissement public dans la recherche, dans l’innovation, dans l’éducation et dans la formation. Tout le monde convient qu’il ne faut pas opposer la demande et l’offre. Encore faut-il avoir une réelle politique de la demande et une réelle politique de l’offre. Or je déplore une politique de la demande mal conçue, mal ciblée, et la quasi-inexistence d’une politique de l’offre, à l’exception, j’en conviens, de la mesure relative au crédit d’impôt recherche.

Agir en direction de la demande : bien sûr ! Mais avec la loi TEPA votée en juillet dernier, vous donnez bien peu à ceux qui consomment et beaucoup à ceux qui épargnent ! Le taux d’épargne des ménages augmente en 2007 ; il ne diminuera pas en 2008 : il va atteindre le taux de 16,1 %. Est-ce favoriser le travail que d’encourager l’épargne et de favoriser un tel taux d’épargne ?

Quant à la part qui peut revenir à la consommation, elle risque de ne servir en rien à favoriser la croissance si l’appareil productif ne peut y répondre faute d’avoir bénéficié d’une politique de l’offre forte et cohérente. On a beau chercher dans le projet de loi de finances que vous présentez, on a quelques difficultés à y trouver des mesures tendant à conforter la compétitivité des entreprises. Vous avez exprimé un certain nombre de propositions dans le cadre de la campagne, mais, dans ce projet de loi de finances, il n’y a rien pour aider nos entreprises.

Je vois même dans les chiffres du PLF relatifs à l’évolution du pouvoir d’achat et des salaires une preuve de l’erreur commise et, d’une certaine façon, de votre propre manque de confiance dans votre politique et dans l’efficacité des mesures que vous proposez.

En effet, le pouvoir d’achat devrait progresser de 2,5 % en 2008, soit moins fortement qu’en 2007 puisqu’il sera alors de 2,8 % – je me permets de rappeler qu’entre 1998 et 2002, l’évolution du pouvoir d’achat était supérieure à trois points, soit 3,2 %. C’est l’illustration du scepticisme que vous éprouvez vis-à-vis de votre propre politique, y compris par rapport aux mesures inscrites dans le paquet fiscal.

Je veux revenir aussi sur votre mesure concernant les heures supplémentaires : pourquoi avez-vous retenu un volume de crédits qui correspond au volume d’heures supplémentaires actuelles ? Vous confortez ainsi notre raisonnement : votre mesure n’a qu’un effet d’aubaine puisque son coût, celui que vous inscrivez dans le PLF, n’enregistre même pas une augmentation d’un volume d’heures supplémentaires possible.

Il y a là une certaine incohérence dans la présentation de vos mesures.

Et ce qui est vrai du pouvoir d’achat l’est également des salaires puisque, dans ce que vous proposez, le pouvoir d’achat du salaire moyen devrait ralentir en 2008 à plus 1,7 % contre 2 % en 2007. J’avoue ne pas bien comprendre comment cette évolution du pouvoir d’achat du salaire moyen est compatible avec votre slogan « Travailler plus pour gagner plus », puisque vos propres hypothèses prévoient que les Français ne gagneront pas davantage l’année prochaine.

J’ajoute que, concernant le besoin d’investissement, la remise en cause des moyens financiers des collectivités locales, qui assurent 72 % de l’investissement public – nous ne le disons pas suffisamment –…

M. Michel Vergnier. Très juste ! Il faut sans arrêt le répéter !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …augure mal de l’évolution de cette composante essentielle de l’investissement en France, alors même que tout le monde reconnaît qu’elle est indispensable.

Dans le discours que vous tenez sur les dépenses publiques, je trouve qu’il est un peu trop facile d’accuser les collectivités locales d’être responsables de la situation de nos comptes publics, à partir du moment où leur part reste extrêmement faible. Parler d’équilibre budgétaire revient à considérer le solde : la différence entre les recettes et les dépenses. Si la France doit tenir ses engagements en matière de réduction des déficits, il ne faut pas s’intéresser aux seules dépenses, mais il convient aussi de ne pas prendre des mesures fiscales à la fois injustes et inefficaces qui retirent à l’État des marges de manœuvre, de la capacité à agir.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot des prélèvements obligatoires.

Le Président de la République vous a invités, madame la ministre, monsieur le ministre, à revoir l’ensemble des prélèvements obligatoires. Chiche ! Il est nécessaire d’engager un débat sur un meilleur équilibre entre la fiscalité progressive et proportionnelle, entre la fiscalité directe et indirecte. Pour la première fois en 2008, le produit de l’impôt sur le revenu ne sera plus la deuxième mais la troisième recette fiscale du budget de l’État, après la TVA et l’impôt sur les sociétés. Cela illustre, une fois de plus, la réduction du poids de l’impôt progressif dans les recettes fiscales de notre pays. Le bouclier fiscal amplifie encore ce phénomène.

M. Alain Cacheux. L’injustice grandit !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous devons débattre d’une cotisation minimale sur l’impôt sur le revenu. Pour ma part, je continuerai à plaider pour une réforme de l’impôt sur le revenu, afin d’en faire un impôt citoyen plus équitable, mieux réparti, assorti d’un impôt minimum alternatif, rapproché de la CSG et prélevé à la source. Je regrette que vous ayez clos le débat sur la cotisation minimale sur l’impôt sur le revenu avant même de l’avoir lancé.

M. Jean-Pierre Brard. C’est anormal !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous remercie du rapport que vous nous avez présenté, mais je crois qu’il mérite examen. Est-il légitime, normal, de pouvoir échapper totalement à l’impôt sur le revenu lorsqu’on bénéficie de revenus confortables ? Il nous faudra apporter une réponse à cette question.

De même, il est nécessaire de réformer la fiscalité locale, de plus en plus archaïque et injuste. Vous ne formulez aucune proposition à ce sujet.

Il me paraît également indispensable – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre du budget – que nous puissions en finir avec les conditions actuelles de l’examen de la loi de finances initiale qui est, notamment, beaucoup trop éloigné de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour ma part, je souhaiterais que l’on puisse rapprocher les volets « recettes » du PLF et du PLFSS, afin d’améliorer le pilotage et la cohérence de l’ensemble de nos prélèvements. C’est dans la logique de la création d’un ministère des comptes publics, et cela apporterait plus de cohérence au débat sur l’ensemble de nos prélèvements obligatoires.

Pour conclure, je voudrais vous poser quelques questions, madame la ministre, monsieur le ministre.

Pourriez-vous nous aider à trouver la traduction du choc de confiance dans le projet de loi de finances pour 2008 ? Pourquoi croyez-vous si peu dans les résultats de votre politique ? Pourquoi beaucoup d’experts prévoient-ils des déficits plus élevés que ceux que vous anticipez, en partant pourtant d’hypothèses de croissance plus optimistes que les vôtres ? Qu’en sera-t-il si vos hypothèses de croissance ne se confirment pas ? Votre budget est-il un budget de rupture ou de continuité ? Si c’est un budget de rupture, avec quoi rompt-il ? Si c’est un budget de continuité, alors nous vous donnons rendez-vous au moment de son exécution, et je crains que l’année 2008 ne soit plus difficile encore que vous ne l’avez prévu pour la France et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que s’ouvre la discussion du projet de loi de finances pour l’année à venir, j’ai l’honneur de défendre, au nom des députés Verts du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, une exception d’irrecevabilité.

Madame la ministre, monsieur le ministre, après vos déclarations qualifiant ce budget de « premier jalon sur le chemin de l’assainissement des finances publiques », nous aurions pu croire que celui-ci constituerait une rupture avec ce que votre majorité a fait depuis cinq ans. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, aime à répéter qu’il a été élu pour rompre avec ce qui avait été fait depuis vingt-cinq ans. En réalité, en matière budgétaire, vous faites avec lui la même chose que MM. Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin avant vous, mais en pire ! En effet, vous continuez à faire glisser le budget de l’État sur la mauvaise pente de l’aggravation du déficit.

Le Premier ministre lui-même – un homme qui a pourtant été plusieurs fois ministre entre 2002 et 2007 – l’a déclaré : l’État est en situation de faillite. Ce n’est pas le fruit du hasard, ni même du fait d’accidents économiques qui seraient intervenus en dehors de votre volonté. Non, c’est le résultat d’une politique continue qui consiste à priver l’État des moyens de sa politique, en accordant des baisses d’impôts d’autant plus irresponsables qu’elles ne profitent qu’aux plus hauts revenus. Vous ajoutez l’inefficacité économique à l’injustice sociale, ce qui, avouez-le, est une performance dont la France se passerait bien !

M. Jean-Pierre Brard. Ils en sont fiers !

M. François de Rugy. Les Français ne sont pas dupes. Ils peuvent supporter la vérité, comme dirait François Fillon. Mais encore faudrait-il que vous ne cherchiez pas à la cacher ! Votre incohérence politique laisse songeur, à un tel niveau de responsabilité : vous commencez par mettre le feu aux finances publiques en juillet, avant de vouloir jouer les pompiers en septembre !

M. Henri Emmanuelli. C’est la cigale et la fourmi !

M. François de Rugy. Vous n’êtes tout simplement pas crédibles dans cette tâche. Si encore vous aviez creusé le déficit après avoir engagé – rêvons un peu – un plan d’investissements massifs dans les transports, le logement, la politique de la ville, l’université, bref, partout où existent des besoins d’équipement, si vous aviez décidé d’augmenter les dépenses de solidarité, on pourrait discuter des moyens de financer une telle politique ! Dans la mesure où elle préparerait l’avenir, une certaine augmentation temporaire du déficit serait tout à fait justifiée. On pourrait la tolérer et même en attendre une hausse des recettes futures, grâce au développement d’activités induites. Mais vous empruntez pour financer des cadeaux fiscaux : vous augmentez la charge de la dette – 42,4 milliards d’euros par an – pour financer des baisses de recettes qui vont aller s’aggravant, année après année ! C’est mécanique. Cela s’apparente à de la cavalerie financière, je ne vois pas d’autres mot pour le qualifier votre attitude !

Vous le savez comme moi, cette politique n’est pas tenable dans la durée. En fait, en cette fin d’année 2007, avec ce projet de budget pour 2008, vous semblez quasiment paralysés, comme tétanisés par votre persévérance dans l’erreur économique et budgétaire.

M. Yves Albarello. Pas du tout !

M. François de Rugy. En matière de politique budgétaire et fiscale, le temps de l’action semble s’être arrêté le 4 août 2007. Non pas pour cause d’abolition des privilèges comme lors du fameux 4 août 1789 : ce serait plutôt la distribution de nouveaux privilèges fiscaux aux privilégiés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. La vérité, ça fait mal !

M. François de Rugy. Et depuis le vote de ces cadeaux fiscaux, la pendule budgétaire de votre gouvernement semble s’être arrêtée. Rien sur les nouvelles recettes. Rien sur une vraie réforme de la fiscalité qu’elle soit locale ou nationale. Rien sur la fiscalité écologique. Rien sur l’utilisation de la fiscalité comme instrument de justice sociale. Rien pour les classes moyennes et les petits salaires, sinon une hausse des prélèvements, déguisée en franchises médicales. Rien sur les stock-options, malgré les recommandations de M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un républicain, lui !

M. François de Rugy. Mon sentiment est qu’en fait ce surplace est dû à une étrange neutralisation, sans doute voulue par le Président de la République lorsqu’il a séparé le ministère de l’économie de celui du budget et des comptes publics. On a l’impression que, depuis cet été, Mme Lagarde, ministre des cadeaux fiscaux, piaffe d’impatience pour en distribuer de nouveaux, tandis que M. Woerth, ministre des tours de vis budgétaires, piaffe d’impatience pour en faire subir de nouveaux aux Français !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Au moins, nous piaffons de concert !

M. François de Rugy. Or, il y a de cela quinze ans, vous le savez comme moi, la France s’est engagée à respecter le pacte de stabilité et de croissance pour l’Union économique et monétaire européenne. Les engagements de notre pays sont d’ailleurs gravés dans notre Constitution. En cela, l’exception d’irrecevabilité que je défends est donc pleinement justifiée. La France s’est engagée à limiter sa dette publique à 60 % maximum de son produit intérieur brut alors que, grâce à vos efforts – si l’on peut dire –, notre dette publique atteint désormais 64 % de notre PIB.

La France n’a pas signé ce pacte de stabilité pour respecter une sorte de dogme européiste, mais tout simplement parce que c’est son intérêt. C’est le meilleur moyen d’éviter d’alourdir nos finances publiques par des intérêts d’emprunt grandissants – nous venons d’en parler. Cet alourdissement, ce sont les Français qui le paieront. En la matière, il n’existe pas d’échappatoire. Demain, sans doute après les élections municipales de mars prochain, un très grand nombre de nos compatriotes paieront des impôts nouveaux. En tout cas, j’aimerais que vous disiez la vérité aux Français sur ce sujet. Il ne faudrait pas qu’il y ait un projet de loi de finances en octobre 2007 et un autre en avril 2008.

Éviter l’explosion des déficits et de la dette, c’est aussi se donner les moyens de baisser les taux d’intérêt en Europe. Peut-être qu’à vos yeux – je n’ose pas le croire – les taux d’intérêt offrent l’avantage d’augmenter les revenus des rentiers, de ceux qui placent leur argent, de l’épargne comme l’a dit le président de la commission des finances avant moi. Mais ils présentent l’immense inconvénient – convenez-en avec moi – de rendre l’accès au crédit de plus en plus difficile pour les classes moyennes, pour les consommateurs, mais aussi pour les entrepreneurs, ceux qui créent des activités nouvelles en investissant. Or, dans la France d’aujourd’hui, l’investissement des entreprises est à la traîne, ce qui freine directement l’activité et l’emploi.

Vous me direz que les critiques venant des bancs de l’opposition ne sont pas une nouveauté. Peut-être ne méritent-elles même pas une réponse ? C’est ce qui s’était produit lors du débat d’orientation budgétaire : monsieur le ministre, vous m’aviez rétorqué qu’il n’existait pas d’autre politique possible. C’était comme ça, il n’y en avait qu’une ! Pourtant, quand on se réfère à l’Europe, comme vous aimez à le faire dans d’autres domaines, on constate beaucoup de différences dans les politiques fiscales et budgétaires. Surtout, il existe une autre politique possible que cette course au déficit et à la dette.

Comme moi, vous avez sans doute pu lire, dans différents médias, les propos d’un certain nombre de députés de votre majorité, par exemple de nos collègues du Nouveau Centre. Ils ne sont plus très nombreux à cette heure…

M. Charles de Courson. Je suis là, mon cher collègue !

M. François de Rugy. …mais, ils se sont exprimés. Le ministre Hervé Morin, lui-même, n’a-t-il pas trouvé que ce budget n’était pas raisonnable du fait ce cette aggravation de la dette ? Jean-Christophe Lagarde n’a-t-il pas déclaré : « Ce budget n’est jamais que celui de l’an passé avec les 15 milliards d’euros de paquet fiscal en plus dans le déficit » ? Il n’avait d’ailleurs pas voté le budget de l’an dernier, pas plus que Charles de Courson. En somme, voilà la facture du véritable colis piégé pour les finances de l’État dont nous avions parlé en juillet dernier. Nous la payons maintenant. Nous savons qui en pâtira à l’avenir : l’ensemble des Français.

Par ailleurs, on peut noter une certaine mauvaise foi dans l’exposé des motifs de votre projet…

M. Jean-Pierre Brard. Le mot « certaine » est trop modéré !

M. François de Rugy. Vous savez que je suis un modéré, cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard. Cela m’inquiète d’ailleurs !

M. François de Rugy. Vous parliez, monsieur le ministre, d’un solde budgétaire en amélioration de 300 millions d’euros par rapport à la loi de finance initiale de 2007, pour un déficit de 41,7 au lieu de 42 milliards d’euros. Alors que, si l’on regarde la loi de finance révisée, celle qui a été effectivement appliquée 2007, il n’y a pas une amélioration mais une aggravation du déficit de plus de 3 milliards d’euros.

Vous souvenez-vous, monsieur le ministre, du débat d’orientation budgétaire auquel nous avions participé en juillet dernier ? Le rapporteur général, qui pourrait le confirmer, écrivait dans son rapport d’information : « Les montants distribués en 2008 épuisent » – le mot n’est pas faible – « les marges de manœuvre “durables” disponibles […]. À ce titre, les arbitrages rendus » – on imagine par qui – « contraignent les choix budgétaires de l’ensemble de la législature » – et pas seulement ceux de cette année. Traduit en français de tous les jours – car nos concitoyens ont le droit de savoir ce que vous leur préparez –, cela signifie à peu près qu’en raison des cadeaux fiscaux que vous avez accordés au mois de juillet dernier en moins d’une semaine, nous sommes pieds et poings liés jusqu’en 2012. Et peut-être même au-delà car, comme l’ajoutait le rapporteur général, « si la croissance faiblissait » – risque que l’on ne saurait exclure, même si, lorsque j’en parlais en juillet dernier, certains collègues de la majorité me répondaient que je ne tenais pas compte du choc de confiance : nous en reparlerons ! –, « l’ajustement budgétaire nécessaire au reflux de la dette publique à l’horizon 2012 serait probablement hors de portée ». On ne peut être plus clair.

Vous nous parliez donc, en juillet dernier, d’un choc de confiance. Cela devait être la recette magique – au sens premier de ce terme – des baisses d'impôts. Nous y sommes ! Nous pouvons aujourd’hui mesurer les premiers effets, ou plutôt l’absence d’effets de vos mesures : le choc de confiance, nous l’attendons toujours !

M. Patrick Roy. Il reste le choc, mais sans la confiance !

M. François de Rugy. Et sans doute, dans quelques mois, le coup de bambou fiscal !

Toutes les études d’opinion montrent d’ailleurs – et comme le Président de la République en est très friand, cela n’a pu lui échapper – que les Français n’ont jamais été aussi inquiets et préoccupés par la question du pouvoir d’achat qu’aujourd’hui.

Alors que nous attendons toujours votre fameux choc de croissance – qui devait succéder au choc de confiance –, les experts tablent sur une croissance inférieure à 2 % – 1,8 ou 1,9 % –, alors qu’en bon disciple de la méthode Coué, vous continuez à essayer de nous faire croire que l'on pourrait se situer entre 2 et 2,5 % en 2008. Lorsque l'on sait ce que peuvent représenter ces quelques dixièmes de différence, on peut en effet s’inquiéter.

Vous me pardonnerez de vous rappeler certaines réalités, mais celles-ci nous rattrapent tous, vous comme nous même si c’est à vous, madame la ministre, d’y faire face dans les responsabilités que vous occupez. S’agissant de mesures d’austérité ou de rigueur – on ne sait quel mot employer – à venir, vous avez évoqué un plan de rigueur. Vous commencez donc à lever le voile, comme en témoignent les tours de vis, chers à M. Woerth, dans l’éducation nationale, pour ne prendre qu’un exemple dans la continuité, hélas, de ces cinq dernières années : alors que, si l’on en croit certains comparatifs, les performances françaises ne sont pas forcément les meilleures en Europe ou dans le monde, ce sont encore 11 200 postes d’enseignant qui vont être supprimés.

M. Patrick Roy. Bel effort pour l’éducation !

M. Nicolas Forissier. Il n’y a jamais eu autant de postes !

M. François de Rugy. Et M. Darcos essaie de nous faire croire que l’on va faire mieux avec moins ! Mais chacun sait, à tout le moins ceux qui ont été parents d’élève, enseignants ou simplement élèves – nous l’avons tous été –,…

M. Jean-Pierre Brard. Parfois, on se le demande !

M. François de Rugy. …que l’on apprend plus difficilement dans des classes plus chargées. Je vois donc mal comment faire mieux s’il y a proportionnellement moins d’enseignants devant les élèves ou les étudiants. Sans compter le millier de postes administratifs qui vont aussi être supprimés dans l’éducation nationale. On pourra toujours multiplier les grands discours sur la sécurité dans les établissements scolaires, mais ils seront sans valeur et sans effet si la présence humaine recule, notamment du fait des suppressions de postes de surveillant ou de conseiller d'éducation.

Autres perdants, les chômeurs de longue durée et les jeunes sans qualification. Avoir supprimé les emplois-jeunes il y a cinq ans ne vous a pas suffi, puisque, aujourd'hui, les contrats d'avenir ou les contrats d'accompagnement vers l'emploi vont être réduits de 30 000.

Comme vous l’avez encore rappelé lors des questions au Gouvernement, madame la ministre, vous avez choisi, au début de l’été, d’encourager les heures supplémentaires – pour un coût exorbitant – plutôt que la création nette d'emplois nouveaux : il faut en effet le dire aux Français, c’est l’un ou l’autre puisque les commandes, et donc l’emploi dans les entreprises, ne sont pas extensibles à l’infini. Imaginez un seul instant ce que l'on aurait pu faire en affectant les 4 ou 5 milliards d'euros dépensés au titre de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires au soutien et à la création d'activités nouvelles et durables, dans les écotechnologies par exemple. Il y a donc bien, monsieur le ministre, deux politiques différentes en matière d’emploi.

Au passage, s’agissant des heures supplémentaires, avez-vous lu, madame la ministre, un rapport indépendant commandé par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise Renault ? Ce rapport conclut que 20 % des personnes interrogées dans le technocentre – c’est-à-dire des ingénieurs et des cadres – de Renault à Guyancourt travaillent au-delà du nombre d'heures hebdomadaires prévues, et que l’entreprise aurait reconnu le rôle du dépassement des horaires dans les suicides qu’elle a malheureusement connus. Et il ne s’agit, je le répète, que d’emplois de cadres ou d’ingénieurs : imaginez les effets de votre mesure sur des ouvriers ou des employés déjà soumis à des cadences difficiles. Ce n’est pas céder au misérabilisme que de le dire : tous ceux qui sont allés dans des entreprises savent que certaines d’entre elles imposent de telles cadences, et que l’intensification du travail n’est pas une vue de l’esprit. L’effet de la mesure relative aux heures supplémentaires s’ajoutera ainsi à des conditions de travail déjà bien dégradées dans certains secteurs, comme le bâtiment ou la grande distribution : on peut imaginer quel en sera le résultat s’agissant de la santé au travail. En tout état de cause, je ne crois pas qu’il s’agisse de la meilleure façon de « revaloriser le travail » – votre leitmotiv.

Comme nous vous l'avons déjà dit, les recettes vont pâtir du paquet fiscal, et ce alors que les gouvernements précédents avaient déjà entrepris, à l'initiative, d’ailleurs, de Nicolas Sarkozy – qui était alors à votre place en cumulant vos deux fonctions, madame la ministre et monsieur le ministre, puisqu’il était en charge de l’économie et des finances –, de réduire le nombre des tranches de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, réduction que votre projet de loi pérennise. Nous proposerons au contraire, en soutenant les amendements de nos collègues Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard à ce sujet, d’augmenter, non pas l’impôt sur le revenu, mais le nombre des tranches, afin d’accroître sa progressivité et donc de le rendre plus juste socialement. Cette progressivité, contre laquelle vous luttez avec acharnement depuis cinq ans, met à mal tant l'équité entre les citoyens et les contribuables que la justice sociale. Or je rappelle que l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui fait partie intégrante de notre Constitution – et j’en reviens donc aux motifs de cette exception d’irrecevabilité –, dispose que la contribution « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. François de Rugy. En juillet dernier, vous nous aviez promis, madame la ministre, de faire des propositions visant à instituer un impôt minimum sur le revenu, afin que certains hauts revenus n’y échappent plus à la faveur du bouclier fiscal ou de niches. Vous avez pourtant abandonné cette idée, puisque le présent projet de loi de finances ne comporte aucune disposition en ce sens.

M. Patrick Roy. On préfère les cadeaux aux amis !

M. François de Rugy. On pourra au moins admettre que votre politique a malheureusement une cohérence, celle de nous mener vers une société de rentiers, où l'héritier est préféré au salarié mais aussi à l'entrepreneur – ce qui est plus étonnant de votre part, mais force est bien de le constater. J'aimerais simplement vous rappeler que les pays européens les plus prospères, ceux qui ont le niveau de vie le plus élevé – quelle que soit, d'ailleurs, la couleur politique de leur gouvernement –, c’est-à-dire les pays scandinaves, sont aussi ceux où la progressivité de l'impôt est la plus forte et la fiscalité environnementale la plus développée. Vous devriez suivre cette voie. Tout cela, nous l’avions dit lors de l’examen du projet de loi « Travail, emploi et pouvoir d’achat ». Vous aviez déjà refusé de nous écouter, et vous le refusez toujours, même si l’on en jugera dans les débats à venir. Notre voix est pourtant celle du bon sens budgétaire et fiscal : on ne peut en effet, année après année, continuer à creuser les déficits en distribuant ainsi des cadeaux fiscaux de plusieurs milliards d’euros.

Ce projet de loi de finances n'est donc pas innovant et il ne fait qu'amplifier les mesures déjà consenties cet été. Ainsi, pour faire face à la décision du Conseil constitutionnel interdisant la rétroactivité de la mesure relative à la récupération des intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale – ce sur quoi nous vous avions pourtant mise en garde –, vous proposez de faire passer de 20 à 40 % la possibilité de récupération, que celle-ci se traduise par une réduction ou un crédit d’impôt. Vous avez présenté cela comme une contrepartie à la décision, pourtant prévisible, du Conseil constitutionnel. En l’occurrence, cela ne changera strictement rien à la situation des Français qui ont déjà investi, il y a un an ou plus, dans l’acquisition de leur résidence principale : une fois encore, ils seront exclus du dispositif.

Je me permets par ailleurs de l’observer au passage : la technique qui consiste à dire, quand on ne tient pas une promesse, que c'est la faute du Conseil constitutionnel serait risible dans une cour d'école. Mais quand c’est le Président de la République qui le soutient, alors qu’il est supposé être le gardien de la Constitution, cela devient très grave : je rappelle en effet qu’il a déclaré dans une interview que, s’agissant du non-respect de sa promesse, les Français n’avaient qu’à demander des comptes au Conseil constitutionnel. Ma conviction est qu’il savait très bien à quoi s’en tenir lorsque la mesure a été intégrée au projet de loi TEPA, et que vous avez tenté de faire croire que vous tiendriez vos promesses.

Les Français ne sont sans doute pas dupes de ces artifices de langage. L'heure de vérité approche. Les promesses sur le pouvoir d'achat se sont transformées en cadeaux fiscaux aux plus riches. Face aux franchises médicales payées par tous et à la hausse prévisible – car inévitable – de la fiscalité pour les classes moyennes, le mirage des heures supplémentaires ne suffira plus.

En ce qui concerne l'immobilier, vous feriez mieux de prendre des mesures nouvelles, comme celles que nous avons déjà proposées, et que nous défendrons à nouveau au cours de ce débat. Je pense par exemple à l'isolation des logements neufs comme anciens, et ce afin de ne pas opposer ceux qui acquièrent un logement nouveau et ceux qui en ont déjà un, locataires et propriétaires ; au soutien, par exemple par le biais d’un crédit d’impôt, à l'installation de dispositifs de production individuelle d'énergies renouvelables. Cela aurait le triple avantage de contribuer à l’objectif unanimement partagé – du moins dans les déclarations – de la lutte contre l'effet de serre, de développer de nouvelles filières dans le bâtiment – et d’y créer ainsi des emplois –, et de réduire, enfin, la facture énergétique des ménages, donc de dégager du pouvoir d'achat durable. Vous voyez qu’en ce domaine, d’autres voies que celles que vous avez suivies sont possibles.

Le paquet fiscal du mois de juillet avait déjà été une occasion ratée ; ce projet de budget pour 2008 en est une autre. Pourtant, chacun reconnaît qu’il y a urgence. Sans compter qu’à la crise financière de cet été, que l’on a évoquée tout à l’heure à cette tribune, s’ajoute l'inexorable montée des prix du pétrole, lequel a de nouveau atteint des sommets ces jours-ci avec un baril à plus de 85 dollars.

Qu’attendez-vous pour agir, alors que le Prix Nobel de la paix a été attribué à Al Gore ? Hélas, madame la ministre, vous préférez déclarer votre flamme à M. Jacques Attali en approuvant les propositions de sa commission.

M. Jean-Pierre Brard. Une flamme tragique !

M. François de Rugy. Croyez-vous que l’on puisse faire du neuf avec de vieilles recettes,…

M. Jean-Pierre Brard. Le recyclage, c’est écologique ! (Sourires.)

M. François de Rugy. …que l’on puisse préparer l’avenir, comme devrait le faire un gouvernement à l’occasion du projet de loi de finances, en revenant en arrière, par exemple sur le principe de précaution – dont l’inscription dans notre Constitution avait été plutôt consensuelle ?

Comment imaginer que l’on donnera du pouvoir d’achat en accentuant encore la domination des hyper et des supermarchés, qui est fondée sur l’asphyxie des producteurs et la délocalisation à outrance de la production, la plupart des produits manufacturés provenant de pays de main-d’œuvre à bas coût ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, dites la vérité aux Français ! Dites-leur la vérité sur la façon dont vous allez financer le déficit, sur les tours de vis à venir, sur les nouveaux impôts que vous préparez, sur la TVA et le cafouillage du Gouvernement sur ce sujet ! Les Français ont le droit de savoir si, après la pseudo-paralysie actuelle due à l’approche des élections municipales, vous allez leur proposer ce fameux plan de rigueur et d’austérité !

Arrêtez votre course folle vers l’abîme budgétaire, et écoutez la voix de l’Assemblée car, c’est bien connu, c’est la voix de la sagesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur de Rugy, votre conservatisme et votre pessimisme sont préoccupants. Vous me paraissez bien triste, et j’ai l’impression que vous ne croyez pas à l’avenir de la France. Vous semblez condamné à la fatalité, et c’est très inquiétant.

Notre politique économique est fondée sur une idée très simple : pour gagner du pouvoir d’achat et de la croissance, il faut travailler plus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cette idée vous échappe, semble-t-il, et elle est assez nouvelle dans notre pays – tout au moins depuis une vingtaine d’années. Christine Lagarde l’a défendue avec brio au mois de juillet, et nous la traduisons dans ce projet de loi de finances.

Les mesures fiscales, encore une fois, ce n’est pas un coût, mais un investissement.

M. Patrick Roy. Un investissement auquel vous ne croyez pas !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Un investissement, cela consiste à accepter à un moment donné de payer un coût pour en bénéficier par la suite et profiter de ses fruits. C’est aussi décider de rompre avec un système qui ne fonctionne pas, nous le savons bien.

M. Jean-Claude Sandrier. Cela fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pour gagner ce point de croissance supplémentaire dont elle a besoin, la France doit procéder autrement. Si elle continue à faire ce qu’elle a fait jusqu’à présent, nous constaterons, encore une fois, un déficit de croissance, un déficit de confiance, un déficit d’emploi et de pouvoir d’achat. Nous ne pouvons nous en satisfaire !

Nous ne sommes ni paralysés, ni tétanisés. Si nous acceptons un risque, celui de la pause dans les déficits des finances publiques, c’est que ce risque contient un germe de développement. Et nous sommes persuadés que demain la France retrouvera le chemin de la croissance.

M. Patrick Roy. C’est la méthode Coué !

M. Alain Néri. Demain, on rase gratis !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Cela, nous en sommes également persuadés, ne relève pas uniquement des mesures en faveur des heures supplémentaires, mais d’une politique d’ensemble cohérente : rendre les universités plus autonomes, lancer le Grenelle de l’environnement, mener des politiques structurelles dans chaque ministère, c’est libérer la croissance. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ! Ce projet de budget est un jalon sur ce chemin-là.

Vous dites que nous nous trompons. Et si c’était vous qui vous trompiez ?

M. Alain Néri. Cela fait cinq ans que vous vous trompez !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Et si vous aviez tort de ne pas avoir confiance, de ne pas croire que la France peut travailler plus,…

M. Patrick Roy. Depuis cinq ans, on finit par avoir un doute !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …tort de considérer la stagnation du pouvoir d’achat comme une fatalité, tort de ne pas croire que les Français veulent rendre à la France sa compétitivité ? Vous ne croyez pas en l’avenir de notre pays, et cela me désole.

Selon vous, Mme Lagarde représenterait une politique de relance, et moi un tour de vis. N’étant pas très bricoleur, je ne sais pas ce que représente un tour de vis, mais je sais ce qu’est la maîtrise de la dépense publique : celle que nous initions aujourd’hui n’a jamais été entreprise. Les dépenses publiques n’ont jamais été autant évaluées, auditées, sélectionnées. La révision générale des politiques publiques, Gilles Carrez l’a très bien démontré, va nous y conduire, et nous l’anticipons dans ce projet de budget, monsieur Brard, avec la politique du « zéro volume », c’est-à-dire un budget stable compte tenu de l’inflation. En dehors des pensions, des charges de l’intérêt de la dette et des dépenses sociales, les dépenses de l’État seront maintenues en euros courants. C’est un effort tout à fait inusité.

M. Alain Néri. Supprimez le paquet fiscal, vous gagnerez 15 milliards !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le même effort de maîtrise a été fait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les dépenses d’assurance maladie et les retraites.

Les dépenses publiques ont atteint un niveau qui rend notre pays improductif. Trop de dépense publique tue la croissance, et cela provoque des déficits incompatibles avec le développement.

M. Alain Néri. À qui la faute ? À vos cadeaux fiscaux !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Dans ce projet de budget, nous disons la vérité sur les dépenses et sur les recettes.

M. Patrick Roy. Cela dure depuis cinq ans !

M. Alain Néri. Dites-nous la vérité sur le paquet fiscal !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Vous craignez que la croissance ne soit pas au rendez-vous. Pour le cas où elle serait plus faible que prévu, notre évaluation des recettes reste suffisamment prudente, comme l’a souligné Gilles Carrez. Les taux d’élasticité retenus par rapport au produit intérieur brut sont inférieurs à ceux que nous avions retenus en 2006 et 2007. Avec ambition mais avec prudence, sans laisser-faire ni fuite en avant, nous disons la vérité aux Français et préparons la France pour une politique de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Il y a plusieurs façons de traiter les motions de procédure. La première est enrichissante et dynamique, et je ne doute pas que la question préalable le sera. Il y a également des motions comme celle que nous venons d’entendre : M. de Rugy, avec son fatalisme, nous a plutôt endormis. Nous le regrettons, parce que le premier projet de budget d’une législature est l’occasion d’interroger le Gouvernement, qui répond toujours de manière constructive, on l’a vu lors de la discussion du projet de loi sur le travail et le pouvoir d’achat.

J’attendais de cette exception d’irrecevabilité qu’elle nous permette d’engager un vrai débat sur les objectifs de croissance et pose de vrais problèmes. Par exemple, le baril de pétrole à 86 dollars, hier, à New York, ou les 80 milliards de dollars consacrés par l’administration américaine pour lutter contre la crise des subprimes : tout cela peut avoir des conséquences sur la croissance en France, donc sur le budget. Heureusement, M. Woerth a très bien répondu aux questions que vous n’avez pas posées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…

M. Alain Claeys. Tout va bien !

M. Michel Vergnier. Quel donneur de leçons !

M. Jérôme Chartier. …et a apporté les réponses que nous attendions à de vraies interrogations.

M. Michel Vergnier. Et si vous vous trompiez ?

M. Jérôme Chartier. À propos du paquet fiscal, vous avez dressé un tableau si noir de ce qui nous attend qu’il m’a fait penser à la chanson de Leonard Cohen, Everybody knows : tout le monde sait que c’est fichu d’avance et qu’il n’y a plus rien à faire…

L’OFCE, dont l’indépendance est reconnue par tous, indique que 37 % des salariés vont bénéficier des heures supplémentaires et complémentaires…

M. Alain Néri. Mais qui décide des heures supplémentaires ?

M. Jérôme Chartier. …et que le gain de ces seuls salariés représentera 1,8 point de pouvoir d’achat en 2008. Or vous dites que nous ne faisons rien pour le pouvoir d’achat et que cela n’aura aucun effet sur la croissance : vous nous expliquerez pourquoi lors d’une prochaine motion ! Vous nous expliquerez aussi comment fonctionne la croissance française et pourquoi une hausse du pouvoir d’achat ne stimulerait pas la croissance.

Vous nous expliquerez aussi comment les dépenses d’avenir – dépenses à moyen et long terme – que comporte ce projet de budget – pour l’université, pour l’innovation – n’auront pas d’effet pour une croissance durable.

M. Alain Claeys. Baratin !

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas du baratin : c’est l’innovation, l’avenir de notre outil industriel, qui entraînera une croissance durable.

M. Michel Vergnier. Un peu de modestie !

M. Jérôme Chartier. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, bien sûr. Dans un premier temps, il y a le soutien à la croissance par le pouvoir d’achat, et ces 9 milliards – et non 15 milliards – que nous avons votés. Dans un second temps, il y a les mesures structurelles pour la production, que le Gouvernement a commencé à prendre.

M. Jean-Claude Sandrier. Qu’a-t-il fait pendant cinq ans ?

M. Jérôme Chartier. Je voudrais dire un mot sur le bouclier fiscal, sur lequel j’ai tout entendu. J’aimerais effacer certaines images d’Épinal – j’en demande pardon au maire d’Épinal. Ce n’est pas faire preuve d’obscurantisme économique que de vouloir défendre le bouclier fiscal, et je vais vous en apporter la preuve.

J’ai demandé à un spécialiste parisien en délocalisation fiscale le bilan des deux dernières années. Voilà ce qu’il m’a répondu : « Je peux vous indiquer que dans une année normale, je connaissais en moyenne vingt dossiers de délocalisation par an, pour toutes les raisons fiscales que vous connaissez. En revanche, pour le deuxième semestre 2007, le nombre de délocalisations dont j’aurai connaissance ne dépassera pas le nombre de deux. Cela signifie qu’il y a une prise de conscience d’un rapprochement de notre fiscalité des normes européennes. Il faut continuer pour la France cette politique, et les délocalisations vont quasiment disparaître. Pour mémoire, chaque délocalisation dont j’ai pu avoir connaissance a porté sur des sorties de capitaux dépassant en moyenne les cinquante millions d’euros par contribuable. »

Voilà, chers amis, le résultat d’une politique volontariste, qui ose briser certains tabous.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Chartier !

M. Jérôme Chartier. Je termine !

Pour vous, dès qu’on parle de toucher à l’ISF, il s’agit de faire des cadeaux aux riches ! Le Gouvernement a eu le courage de mettre en place, dans le projet de loi sur la croissance et l’emploi, un bouclier fiscal à hauteur de 50 %. Je suis heureux de constater que les effets de cette politique sont visibles, et je suis satisfait que le Gouvernement ait bien voulu répondre aux questions que vous n’avez pas posées.

Le Gouvernement peut compter sur le soutien de sa majorité à ce projet de budget, et le groupe UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j’attends toujours la réponse à la question que je vous ai posée tout à l’heure.

Mes chers collègues, je vais vous lire une citation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela ne vous fera pas de mal ! « Ceux qui ont appris à échanger des mots ont moins envie de s’échanger des coups », écrit Régis Debray dans son dernier livre L’obscénité démocratique. Vous êtes autistes : vous n’entendez pas les souffrances dans notre pays. À force d’humilier les gens pour qui les fins de mois commencent au début, qui sont de plus en plus inquiets pour l’avenir de leurs enfants, qui ne savent pas ce qu’ils vont leur donner à manger le lendemain, vous les poussez à la révolte et vous mettez la démocratie en danger.

J’espère que vous ne serez pas complètement sourds au message qui sera délivré dans nos rues après-demain. Certains d’entre vous ne veulent pas l’entendre, ce en quoi ils ont tort, car le réveil sera brutal. N’oubliez pas que nous sommes, depuis des siècles, le pays des jacqueries et que celles-ci, en raison de l’injustice des politiques menées, refont surface périodiquement. Tout à l’heure, j’ai entendu Mme Lagarde, en réponse à une question, s’enorgueillir des baisses d’impôt. Mais à qui s’adressent-elles ? Aux privilégiés ! Mme la ministre ose s’enorgueillir de ce qu’on rend de l’argent à des gens qui ne savent pas où placer leurs sous, tellement ils sont riches ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En Alsace, vous avez rendu en moyenne 46 903 euros à des gens qui étaient déjà « étoffés » ; à Paris, 91 554 euros ; dans le Limousin – on se demande pourquoi il y a tant de riches dans le Limousin ! – 91 673 euros ! Et je pourrais vous donner bien d’autres exemples. Oui, ceux auxquels vous consacrez toute votre énergie, ce sont ces privilégiés arrogants, qui piétinent les plus pauvres ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vos hurlements sont un hommage aux causes que nous défendons !

Votre régime, madame, monsieur les ministres, c’est celui des injustices, celui des fins de mois impossibles pour les petites gens, et de plus en plus pour les classes moyennes. Votre régime, c’est celui des Lagardère, Denis Gautier-Sauvagnac, Tapie, Léone Meyer, Cromback et consorts, qui ont les moyens d’offrir des vacances à ceux qui ont l’indignité de les accepter ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qui, parmi nous, accepterait qu’on lui offre des vacances, alors que la moitié des Français n’a pas les moyens d’y aller ? (Mêmes mouvements.) Vous hurlez parce que vous ne voulez pas entendre la souffrance qui émane des entrailles de notre pays. Oui, c’est bien un régime de rupture, celle de nos institutions républicaines ! Quelle âpreté montrez-vous à défaire le tissu social de notre pays !

Maîtrise des dépenses, dites-vous. En réalité, vous tarissez les recettes et vous démantelez la cohésion sociale, en sacrifiant l’école, la santé et les retraites. Vous ne voulez pas garantir des conditions de vie dignes aux plus modestes. Les heures supplémentaires sont l’exemple parfait de l’hypocrisie d’État : comme l’a dit Didier Migaud, vous n’en avez pas prévu plus en 2008 ! Comment mieux dire que vous ne croyez pas à votre discours sur les heures supplémentaires ?

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Absolument, monsieur le président. D’ailleurs, compte tenu de leur réaction, je constate que j’irrite les oreilles de mes collègues de la majorité !

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous affichez cette hypocrisie d’État avec arrogance. En réalité, vous organisez la possibilité pour les entreprises de se soustraire à leur devoir de solidarité. Vous creusez les écarts pour mieux justifier vos politiques.

Notre rôle ici, c’est de combattre votre politique en faveur des privilégiés et des nouveaux riches, des parvenus, qui plus est mâtinés d’inculture, dont vous êtes les porte-voix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Quel talent oratoire !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je rappellerai, une fois encore, qu’une exception d’irrecevabilité vise à démontrer que le projet de loi de finances contient des dispositions anticonstitutionnelles. On attend toujours – mais en vain – de la part du collègue qui soutient la motion, les arguments en la matière. Certes, nous sommes habitués, mais on peut se demander parfois à quoi sert une exception d’irrecevabilité…

M. François de Rugy. Demandez donc au Conseil constitutionnel !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, le propos de notre collègue n’est pas cohérent.

Monsieur de Rugy, vous ne pouvez pas nous reprocher une insuffisance de moyens tout en déplorant l’état de nos finances publiques. Dites-nous plutôt quels impôts vous voudriez augmenter, sachant que notre taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés au monde, et je vous le démontrerai, sans doute demain, dans mon intervention. Hélas, il ne baissera pas en 2007, la croissance étant moindre que prévue et, dans l’hypothèse d’une poursuite de la baisse l’année prochaine, celle-ci sera probablement réduite, malgré les mesures que nous aurons prises.

Dans notre pays, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale est également l’un des plus élevés au monde.

M. Jean-Pierre Brard. Que faites-vous de l’école ? Et de l’hôpital ?

M. Charles de Courson. Ce qui différencie la majorité de l’opposition, c’est que vous avez soutenu, pendant des années, l’idée que l’augmentation continue de la part des dépenses publiques dans le revenu national était un gage de solidarité et d’amélioration des services publics. Si c’était vrai, la France devrait être extrêmement solidaire ! Hélas, ce n’est pas le cas. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et votre grande faiblesse, c’est de ne pas oser poser les problèmes de fond concernant l’efficacité de la dépense publique et la nécessité d’une réforme.

M. François de Rugy. Que dire de l’efficacité des baisses d’impôt…

M. Charles de Courson. Nous pouvons avoir des divergences, mais cette question est incontournable. Dans son fameux article attaquant la « gauche dépensophile », Laurent Fabius expliquait qu’elle était le meilleur gage de l’échec de la gauche.

M. Jean-Pierre Brard. Tout le monde peut se tromper !

M. Charles de Courson. Le pays gagnerait à ce qu’elle fasse une révolution culturelle en la matière ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous dites que les finances publiques sont en piteux état, ce qui est vrai…

M. Alain Néri. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est François Fillon ! Il a même parlé de faillite !

M. Charles de Courson. Nous partageons tous ce diagnostic : il est incontestable. Vous ne pouvez donc qu’en tirer les conséquences pour les recettes et les dépenses.

Voilà pour la faiblesse de vos critiques sur la gestion des finances publiques !

Au Nouveau Centre, au contraire, nous avons proposé des économies supplémentaires, afin de réduire le déficit plus vite que ne le propose le Gouvernement. On peut être pour ou contre, mais il faut au moins en débattre. Je pense que l’Assemblée nationale se grandirait si nous faisions tous notre révolution culturelle : au lieu de dire qu’il n’y a jamais assez d’argent, il suffirait de supprimer les dépenses là où elles ne font pas la preuve de leur efficacité, et de gérer mieux.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Claeys. Le groupe socialiste votera l’exception d’irrecevabilité.

Monsieur le ministre, vous nous avez reproché d’être pessimistes et conservateurs. Nous voterons cette exception non parce que nous sommes pessimistes ou conservateurs, mais pour une seule raison : votre budget n’est pas sincère.

M. Georges Tron. Vous dites cela depuis des années !

M. Alain Claeys. Et cela mérite débat. Je vous donne rendez-vous en avril prochain…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous y serons !

M. Alain Claeys. …et nous verrons alors apparaître des mesures que vous aurez été conduits à prendre et que vous cachez aujourd’hui à nos concitoyens.

Ce budget n’est pas sincère, parce que vous êtes, madame, monsieur les ministres, pris en tenaille entre vos promesses électorales et la crise financière qui sévit aujourd’hui en Europe. Didier Migaud a montré avec talent que votre bouclier fiscal – d’un montant de 15 milliards d’euros – ne relève ni d’une politique d’offre ni d’une politique de demande. Vous allez porter ces mesures durant toute l’année 2008, mais elles n’auront aucun effet de levier sur la politique économique.

S’agissant de votre deuxième promesse électorale, celle concernant les heures supplémentaires, vous avez avoué, lors même de la présentation de votre budget, que le stock d’heures supplémentaires que vous prévoyez pour 2008 sera identique à celui de 2007 – hypothèse confirmée en commission des finances.

Ces deux promesses électorales plombent, d’entrée, votre budget. Tous les chiffres que vous avancez ne pourront être atteints. Vous nous demandez de délibérer sur un budget qui n’est pas sincère et qui ne pourra pas être réalisé sans prendre un certain nombre de mesures au cours de l’année 2008, ce que vous cachez aujourd’hui à nos concitoyens. C’est ce que nous démontrerons tout au long du débat.

Voilà pourquoi nous voterons l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j’attends de vous, qui êtes un homme courtois, une réponse à ma question de tout à l’heure.

M. le président. Monsieur Brard, nous avons voté, lors d’un Congrès du Parlement, en 1992, une modification de notre Constitution dont le premier alinéa de l’article 2 dispose que « La langue de la République est le français ».

Il y a déjà eu de telles interventions dans notre assemblée, et mes prédécesseurs à cette place ont répondu de la même façon.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008 s’inscrit-il dans la tradition des projets de budget que le Parlement a l’habitude d’examiner ? Autrement dit, le pouvoir exécutif, dont c’est le devoir, fait-il de ce projet un acte fort qui va engager des politiques publiques, assumer les décisions déjà prises ou celles qu’on nous demande de voter dans le présent texte ? En ce moment essentiel de la vie parlementaire où nous devons voter le consentement à l’impôt, le Parlement est-il réellement en mesure d’examiner ce projet de budget ?

Ce qu’on peut en dire, chacun avec ses mots – et nous avons tous apprécié la finesse du discours du rapporteur général (Sourires) –, c’est que ce projet de loi de finances pour 2008 est un intermède. C’est un intermède discret, pas vraiment consistant, entre ce qu’on a demandé au Parlement de voter il y a quelques mois et ce qu’on lui demandera de voter l’an prochain, sans doute au printemps – mais de toute façon après les élections municipales et cantonales.

C’est un intermède décevant, car ses auteurs n’assument pas les conséquences de leurs choix antérieurs. En réalité, nous assistons, en ce début de législature, à une curieuse répétition de ce à quoi nous avons assisté en 2002. Cette année-là, en effet, dans la même précipitation, avec la même urgence et pour les mêmes raisons – relancer la croissance, rétablir la confiance, équilibrer les comptes publics, améliorer la compétitivité des entreprises –, les mêmes ont demandé aux mêmes de voter en bloc une réduction de l’impôt sur le revenu à hauteur de 5 milliards d’euros – une mesure qui, à l’instar du paquet fiscal adopté cet été, n’était ni financée, ni gagée.

Le résultat de cette politique fut un échec : vos discours appelant à la nécessaire rupture en matière de finances publiques prouvent bien qu’à vos yeux, les pratiques de ces cinq dernières années n’ont pas été satisfaisantes – et sur ce point, au moins, nous ne pouvons que tomber d’accord. Or la cause principale de la dégradation des comptes publics n’est-elle pas précisément à rechercher dans ces dépenses malheureusement acceptées par le Parlement, et qui ont pesé, année après année, sur le budget de l’État – d’autant que, dans le même temps, la réforme de M. Bertrand et de M. Douste-Blazy pour redresser les comptes de la sécurité sociale a eu les résultats que l’on sait ?

En dépit d’intentions que je devine sincères (Murmures sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), nous risquons donc de voir se répéter le même scénario : un déficit budgétaire que l’on peine à résorber ; un déficit de la sécurité sociale qui ne fait que se creuser. Faut-il rappeler, mes chers collègues, que la loi votée en 2004 par la majorité prévoyait l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2007 ? Or le déficit n’a jamais été aussi élevé depuis 1945 : 15 milliards d’euros, si l’on veut bien compter le Fonds de solidarité vieillesse et le Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Dès lors, le déficit global – et donc la dette – ne peuvent aller que s’aggravant. À ce sujet, monsieur le rapporteur général, comment pouvez-vous parler d’un assainissement des comptes publics quand la dette a progressé de 8 points de PIB en cinq ans ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je maintiens mon propos.

M. Jérôme Cahuzac. Si telle est votre conception de l’assainissement, il y a de quoi s’inquiéter lorsque vous promettez la restauration prochaine des finances publiques.

Pourquoi cette aggravation de la dette ? Parce qu’il s’est produit il y a cinq ans ce que nombre d’entre nous craignent de voir se reproduire : des dépenses excessives, mal ciblées, proposées et votées dans l’urgence et la précipitation, et qui pèsent inévitablement non seulement sur les comptes de l’année en cours, mais aussi sur les suivantes. Même les prélèvements obligatoires, en dépit de la réduction de l’impôt sur le revenu, ont augmenté d’un point de PIB pendant cette période, les collectivités locales n’en étant responsables, si j’en crois le rapport rédigé par Philippe Valletoux pour le Conseil économique et social, qu’à hauteur de 0,2 point – un chiffre que personne, sur ces bancs, n’a d’ailleurs contesté.

Dette publique en augmentation, prélèvements obligatoires qui s’alourdissent, moindre compétitivité de nos entreprises… Quand l’économie s’oriente de cette façon, le commerce extérieur est le dernier indicateur à réagir, mais il le fait de manière significative. Or, ces trois dernières années, le déficit du commerce extérieur nous a coûté un peu plus de 1,5 point de PIB de croissance. C’est historique : jamais, depuis trente ans, la situation n’avait été aussi lamentable. Et que l’on ne vienne pas accuser le taux de change entre l’euro et le dollar : dans des conditions identiques, le commerce extérieur de l’Allemagne est, lui, florissant.

Personne ne veut revivre le scénario qui s’est joué sous l’ancienne législature. On peut le craindre, cependant, au vu de ce projet de budget, de cet intermède inconsistant, dépourvu de mesures significatives.

Notre collègue Jérôme Chartier nous appelait à examiner les conditions de la croissance : prêtons-nous à l’exercice, essayons de comprendre pourquoi notre pays a un problème en ce domaine. Votre prédécesseur, monsieur Woerth, voulait que nous allions chercher la croissance « au fond de nous ». J’ignore s’il y est parvenu pour ce qui le concerne, mais nous n’en voyons pas les résultats ! Plus récemment, c’est le Président de la République qui, avec le ton martial qui lui est coutumier, souhaitait « chercher la croissance avec les dents »…

M. Jean-Pierre Brard. Lui-même les a très longues !

M. Jérôme Cahuzac. De tels propos ont peut-être du succès dans certains préaux, mais ils ne sont guère sérieux. Il vaudrait mieux éviter d’employer des expressions aussi triviales sur un problème aussi grave, faute de décourager ceux qui veulent sincèrement s’en occuper.

La croissance, ce n’est donc pas une question de molaire, de canine ou d’incisive, mais la conjonction d’une plus grande consommation des ménages, de l’augmentation de l’investissement des entreprises et d’un commerce extérieur qui, pour une fois, ne serait pas déficitaire. Cette conjonction aura-t-elle lieu en 2008 ? C’est le pari que vous avez fait, d’abord avec le vote du projet de loi relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, et maintenant avec ce projet de budget. Mais Didier Migaud, en se fondant sur un document très bien réalisé fourni par le ministère de l’économie et des finances, a montré qu’il n’en serait rien.

La consommation des ménages sera-t-elle plus forte l’année prochaine ? Comment cela serait-il possible, alors que vos propres chiffres, monsieur le ministre du budget, font état d’une croissance plus faible de leur pouvoir d’achat – 2,5 % contre 2,8 % cette année –, d’autant que, si nous espérons tous une croissance de 2 % en 2007, la lucidité nous fait craindre un résultat plus proche de 1,8 % ?

Le salaire moyen par tête, qui a progressé cette année de 3,3 %, devrait, selon vos prévisions, augmenter de 3,4 % l’année prochaine. Croyez-vous vraiment que ce dixième de point supplémentaire pourrait avoir d’heureuses conséquences pour la consommation des ménages, et donc pour la croissance économique ? Évidemment pas ! Ce sera d’autant moins le cas que vous refusez de réévaluer le SMIC et la prime pour l’emploi au-delà de l’inflation !

M. Jérôme Chartier. Voilà bien le dernier sujet que vous êtes en droit d’aborder !

M. Jérôme Cahuzac. De même, comment pouvez-vous attendre des miracles de la disposition relative à la défiscalisation des heures supplémentaires tout en reconnaissant qu’il n’y en aura pas davantage l’année prochaine ? De deux choses l’une : ou le Gouvernement ne prend pas aux sérieux les engagements du Président de la République – pourtant fraîchement élu –, …

M. Jean-Pierre Brard. Il aurait bien raison !

M. Jérôme Cahuzac. …ou bien son projet de budget est d’une imprévoyance confinant à la coupable insincérité – au sens où l’entend la Constitution. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de la consommation des ménages ne sera pas de nature à redresser l’économie dans les proportions que vous imaginez ni, donc, à réduire la dette, financer les réformes ou assurer la trésorerie des fins de mois de l’État – lequel en est réduit, en ce qui concerne par exemple les contrats de plan, à demander aux régions de payer à sa place !

Il en est de l’investissement dans les entreprises comme de la consommation des ménages. Tout d’abord, à l’exception du crédit impôt recherche, sur lequel je ferai le même commentaire que Didier Migaud, la question n’est abordée que par le biais d’une réduction supplémentaire – une de plus ! – de l’assiette de l’ISF. Il serait temps d’avoir un débat définitif sur l’impôt sur la fortune, dont vous dénoncez sans cesse les méfaits sans vous résoudre à le supprimer. Manifestement, ce débat devrait d’abord avoir lieu entre vous. Nous pourrons toutefois vous interroger sur l’opportunité de renoncer, dans l’état actuel de nos finances publiques, à une recette annuelle de 4 milliards d’euros. Et poser la question, c’est y répondre.

J’en reviens aux entreprises. Peut-on s’attendre à une augmentation des investissements en 2008 ? Là encore, pour répondre à cette question, il suffit de consulter les annexes des rapports économiques et financiers fournis par vos services. Le taux de marge des entreprises tend à se dégrader : 30,2 % contre 30,7 %, et 30,1 % en 2008. Leur taux d’autofinancement s’effondre, passant de 79,1 % à un peu moins de 60 %. Quant à leur endettement, il est passé de 107 à 110 % de la valeur ajoutée entre 2005 et 2006. Autrement dit, les entreprises ne disposent pas des ressources qui leur permettraient d’investir. Le crédit y pourvoira, paraît-il. Mais on peut déceler, sur ce point, certaines contradictions entre les deux ministres : M. Woerth note qu’en raison des tensions à prévoir sur le marché du crédit, la charge pour le budget de l’État au titre des intérêts va s’alourdir de 1,3 milliard d’euros ; de son côté, Mme Lagarde indique que les conditions des crédits ne devraient pas être modifiées dans notre pays.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Pas significativement.

M. Jérôme Cahuzac. Ainsi, les changements relatifs au crédit seraient suffisants pour alourdir la charge de l’État, mais n’affecteraient en rien la situation des entreprises ? Quelle conclusion en tirer, sinon que les discours des ministres n’ont pas été écrits par la même personne ? (Sourires.)

En réalité, et chacun le sait, il est impossible que la crise financière partie des États-Unis ne conduise pas, en France comme ailleurs, à un durcissement du crédit. Dans un tel contexte, les entreprises ne risquent guère d’investir suffisamment pour stimuler la croissance, d’autant qu’aucune disposition n’est prévue dans le projet de budget pour infléchir cette évolution.

Troisième élément, le commerce extérieur : les chiffres du ministère de l’économie et des finances sont tout à fait éclairants. Le commerce extérieur continuera de se dégrader l’année prochaine et ne contribuera donc pas au renforcement de la croissance. À cet égard, je me permets de vous signaler, mes chers collègues, que la situation s’est sensiblement aggravée ces derniers temps, alors que nos importations croissent six fois plus vite que nos exportations. Rien n’est fait, me semble-t-il, dans ce projet de budget pour empêcher une évolution que je considère néfaste pour l’économie de notre pays. C’est une des raisons supplémentaires pour laquelle je crois effectivement légitime de considérer ce budget comme un intermède quelque peu inconsistant et pâlichon. En dépit des efforts des ministres qui mettent beaucoup de cœur à l’ouvrage et ne cessent d’expliquer qu’il est décisif, personne sur ces bancs n’y croit. Certains le diront ici, d’autres le penseront ailleurs.

Mais la réalité est bien là, car la croissance économique ne sera pas au rendez-vous et le dire n’est pas faire preuve d’un quelconque pessimisme et encore moins manquer de patriotisme : c’est simplement jouer notre rôle de parlementaires consistant à étudier les chiffres que vous nous fournissez pour en déduire un certain nombre de principes difficilement contestables. Ce n’est pas faire preuve de pessimisme que d’affirmer que, non seulement ce projet de loi de finances n’engage aucune politique publique majeure nouvelle, mais que, de surcroît, il n’assume même pas celles qui ont été engagées, il y a quelques mois pour l’essentiel, voire ces dernières années.

Alors que faire ? Les motions de procédure ont au moins ceci de bon qu’elles permettent de poser un certain nombre de questions. Au fond, le principal reproche que nous puissions adresser aujourd’hui au Gouvernement, c’est de ne pas avoir saisi l’occasion de ce projet de budget pour faire les choix importants. De la même manière qu’en 2002, il semble qu’il n’ait pas tiré en 2007 les conséquences des textes adoptés dans l’été et dans l’urgence. C’est en tout cas l’impression que donne le Gouvernement à la représentation nationale. Ce projet de budget s’avère donc quelque peu inconsistant, car le propre d’un budget, c’est tout de même de faire des choix importants, non seulement pour l’année qui vient, mais, plus structurellement, pour toutes les années à venir. Ce projet de budget ne correspond pas à ce critère. Ces choix ne sont pas faits. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, là encore, avec une franchise qui, finalement, vous honore, vous indiquez ce que sera – peut-être devrais-je dire : ce que serait – la croissance de ce pays l’année prochaine. Vous nous annoncez une croissance à 2,25 %, donc quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro qui sera, l’année prochaine, de 2,3 %. Or, mes chers collègues, ces cinq dernières années, la croissance de notre pays a systématiquement été inférieure de 0,8 à un point de PIB à la moyenne de la zone euro. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux annexes économiques et financières que l’on peut facilement se procurer au service de la distribution, grâce aux bons soins du ministère de l’économie et des finances. Au nom de quoi l’écart de croissance entre la moyenne de la zone euro et la nôtre serait soudain de 0,05 point l’année prochaine quand elle a été de plus ou moins un point ces cinq dernières années ? Pouvez-vous m’expliquer quelles mesures de ce budget, ou quelles mesures prises auparavant pourraient expliquer que nous réduisions tout d’un coup notre écart avec la moyenne de la zone euro ? Il n’y a pas d’explications, sauf à contester les chiffres du ministère de l’économie et des finances qui convient lui-même qu’il n’y aura pas de pouvoir d’achat supplémentaire, qu’il n’y aura pas d’investissement dans les entreprises et que le commerce extérieur continuera à se dégrader. Comment, dans ces conditions, allons-nous combler notre retard, d’autant que, on l’a vu, au-delà du durcissement des conditions du crédit et au-delà de la parité entre l’euro et le dollar, c’est bien évidemment le prix du baril qui finira par poser de très sérieuses difficultés à notre économie.

Le Gouvernement ne fait donc pas ces choix. Il ne fait pas davantage un choix souhaité par Didier Migaud. En effet, quelle politique économique menez-vous ? Est-ce une politique de la demande, une politique de l’offre ou les deux ? Il ne s’agit pas de porter un jugement sur les avantages ou les inconvénients de l’une et de l’autre. Ces deux politiques ont leurs avantages et inconvénients respectifs. Chacune peut apporter un plus à notre pays. La seule chose qui n’apporte rien, c’est de ne pas choisir ! Or, dans ce budget, vous ne choisissez pas : pas de pouvoir d’achat, pas d’investissement !

Vous avez la majorité, chers collègues, c’est-à-dire que vous avez le pouvoir de faire ou de défaire la loi.

M. Jean-Pierre Brard. Ils croient l’avoir !

M. Jérôme Cahuzac. Vous avez le pouvoir de décider ce qui sera ou ne sera pas en vous astreignant naturellement à une certaine fidélité ou loyauté à l’égard du pouvoir exécutif. Mais si le pouvoir législatif existe, c’est qu’il a tout de même une autonomie. Vous êtes tous dépositaires d’une partie de la légitimité du suffrage universel, et donc rien ne vous oblige à accepter les non-choix faits aujourd’hui par ce gouvernement. La situation est intéressante car vous avez la possibilité de choisir et par suite d’assumer les conséquences des décisions votées cet été, à commencer, de façon conjoncturelle, par un train massif de privatisations. Certains parlent d’EDF, d’autres de la Caisse des dépôts – mais on a pu constater que ce grand organisme public pouvait avoir quelque utilité quand il s’agissait de tirer d’affaire celui qui est plus qu’un ami et presque un frère ! Tout cela est tout à fait temporaire. On sait bien que les privatisations sont une bouée qui ne se gonfle qu’une fois et qu’elle ne permet guère de surnager qu’une année, et encore même pas toujours. Ce n’est donc pas évidemment dans cette direction que je vous conseillerai, pour ma part, de vous orienter. Il vous est, en revanche, possible de faire un choix que le Gouvernement ne veut pas faire publiquement. Mais nous sommes en droit de vous le demander. Voulez-vous revenir sur des dispositions non financées, non gagées et qui lestent les finances publiques dans des conditions tout à fait insupportables, ou acceptez-vous, par anticipation, dès l’année prochaine – naturellement après les élections locales – de voter un plan de rigueur ? L’expression n’est pas de moi, mais de Mme Lagarde, cédant à un accès de franchise aussi rafraîchissante, reconnaissons-le, que brève. Si vous acceptez de maintenir les mesures votées cet été, alors vous devrez voter le plan de rigueur l’année prochaine après les élections locales et vous en serez comptables, évidemment devant l’ensemble des Français, mais peut-être d’abord et avant tout devant celles et ceux qui vous ont fait confiance et qui, probablement, n’attendaient pas ce type de décision de votre part.

Vous devez faire un deuxième choix, puisque le Gouvernement s’y refuse : il est naturellement impensable que ce pays ne connaisse pas d’orientation économique bien définie. Faites-vous une politique de la demande ou de l’offre ? Débattons-en ensemble, puisque c’est dans cette enceinte que les choses finissent par se décider.

Si je vous demande d’adopter la question préalable, c’est parce que vous ne pourrez faire ces choix que si elle est votée. À supposer que je ne vous aie pas convaincus – ce que je regretterais naturellement –, je me permettrai de vous livrer un dernier argument qui, je l’espère, vous permettra peut-être de réfléchir un peu plus avant d’émettre votre vote.

Nous le savons tous, une commission ad hoc a été constituée pour réfléchir à un éventuel renforcement des pouvoirs du Parlement. Ses membres n’ont jamais siégé dans cet hémicycle, ou y ont siégé, mais n’y siégeront plus. (Sourires.) Ce sont, pour l’essentiel, des gens qui ne se sont jamais présentés devant les électeurs. Vous avez la possibilité de leur montrer que vous n’avez finalement pas besoin de gens qui n’ont aucune expérience de la vie publique, non pour prendre le pouvoir, mais tout simplement pour exercer celui qui est le vôtre. C’est à ce choix, mes chers collègues, que je vous engage.

M. Georges Tron. C’est un peu excessif !

M. Jérôme Cahuzac. C’est ce choix que j’aimerais vous voir faire en votant la question préalable. Débattre entre nous afin de savoir ce que seront nos choix et ce que sera notre politique économique de l’offre ou de la demande pour les années à venir, n’est-ce pas démontrer à ceux qui pourraient en douter que, oui, c’est bien ici que le pouvoir réside ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je veux bien recevoir des leçons, parce que cela peut toujours être intéressant. Je ne suis pas le chantre de l’héritage,…

M. Manuel Valls. Il n’y a plus d’héritage !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …mais il faudrait quand même se souvenir de la situation que nous avons connue. Rappelons-nous tout de même ce qui s’est passé en 2002 et dans quelles conditions nous avons trouvé les finances de notre pays.

M. Georges Tron. Bien sûr !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Ainsi, 15 milliards d’euros de dépenses non budgétées sont malheureusement venues soutenir le déficit. Avant de nous donner des leçons de sincérité, remémorez-vous quelque peu ce qu’a été l’année 2002 : 10 milliards de surévaluation de recettes, 4,5 milliards de dépenses non prévues.

M. Georges Tron. C’est vrai !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Trois primes de Noël ont dû être assumées par cette majorité.

M. Georges Tron. Absolument !

M. Manuel Valls. Le Père Noël-Georges Tron ! (Sourires.)

M. Georges Tron. Les charges ont augmenté de 7 % !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. L’APA n’était pas financée. Ce sont ainsi de nombreuses bombes à retardement, de mines qui avaient été placées sur le chemin de la majorité, laquelle a dû les assumer.

M. Manuel Valls. Assumez-vous la rupture, oui ou non ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je veux bien recevoir de telles leçons, mais il ne s’agit pas pour autant de faire de la provocation ! Il y a des limites à la malhonnêteté intellectuelle !

Nous assumons parfaitement ce budget. M. Cahuzac a qualifié ce budget d’« intermède inconsistant ». C’est une drôle de formule, dont je n’appréhende pas l’exacte signification. Je connais exactement le contenu de ce budget. Nous entendons ainsi relancer le travail grâce aux mesures de fiscalité réduite. Nous voulons une France davantage tournée vers la propriété immobilière, qui assume donc les crédits d’impôt immobiliers, une France qui assume également le crédit d’impôt recherche. C’est le budget d’une France qui accepte de financer un certain nombre d’éléments qui lui permettront de retrouver le chemin de la croissance. Ce n’est pas inconsistant : ce sont des mesures structurelles, ce qui n’est pas rien. C’est une volonté forte qui prouve que nous sommes tendus vers l’avenir.

Une chose m’étonne : j’entends dire qu’il n’y a pas de sincérité. J’avoue ne pas comprendre. Jamais budget n’a été aussi sincère. Jamais nous n’avons construit avec autant de réalisme le niveau de la dépense. À vous entendre, nous nous trompons. Or rembourser l’ensemble des dettes de l’État à la sécurité sociale, revenir à des taux de dépenses réalistes s’agissant des prestations sociales dépensées par la sécurité sociale, mais remboursées par l’État, me semble sincère et réaliste ! Il est trop facile de vouloir échapper à la dépense ! Or il n’y a pas ce type d’échappatoire dans ce budget. Quand on augmente la norme de dépenses, c’est pour indiquer clairement que les contraintes pèseront sur un volume de dépenses plus important, et donc que nous l’acceptons. Tout cela va dans le sens d’une clarification et d’une sincérité accrues.

Vous nous dites que nous ne croyons pas à cette croissance et que nous fondons nos perspectives budgétaires sur une croissance qui n’existera pas parce qu’elle trop importante. Je considère que 2,25 % de croissance est une vision assez prudente de la croissance. Elle correspond à ce que disent beaucoup d’économistes, Christine Lagarde pourra le confirmer. Il est normal, lorsque l’on fait des prévisions et que l’on veut une exécution budgétaire de qualité, de s’appuyer sur des hypothèses ambitieuses, mais prudentes.

Vous nous dites que nous prenons des risques, mais que nous ne faisons pas assez de choix. Je ne comprends pas très bien vos propos. Tout ce dont je suis certain, c’est que ce budget est un jalon essentiel dans la réduction des dépenses publiques et dans l’obtention de la croissance que nous souhaitons tous développer. Mais ce n’est pas l’élément unique : d’autres réformes, d’ailleurs peu coûteuses, viendront en leur temps consolider la croissance.

J’en viens, enfin, aux heures supplémentaires. Nos hypothèses sont fondées sur un volume d’heures supplémentaires qui correspond à ce que l’on connaît aujourd’hui. Là aussi, c’est une volonté de prudence. Comment pourrait-on travailler autrement ? Une heure supplémentaire, et je tiens à le préciser, n’est pas un acquis, car le compteur est remis à zéro chaque année. Peut-être aura-t-on une bonne surprise, donc un peu plus d’heures supplémentaires. La réserve de précaution permise par la LOLF passe de 5 à 7 milliards d’euros pour permettre, par exemple de rembourser à la sécurité sociale la contrepartie des coûts éventuels de ces heures supplémentaires. Ces coûts seraient d’ailleurs les bienvenus parce que cela signifierait que la France aurait retrouvé le chemin d’un volume de travail supplémentaire, donc d’une croissance et d’un pouvoir d’achat plus important. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je me félicite tout d’abord de la clarté des tableaux et des annexes du rapport, que tout le monde a pu consulter, ce qui permet d’apprécier la sincérité de ce budget et d’avoir un vrai débat.

M. Jérôme Cahuzac. Dont acte !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Notre action s’inscrit dans une trajectoire pluriannuelle qui nous permet d’arriver à l’échéance de 2012 au plus tard, 2010 si la croissance le permet, à un déficit zéro et à un endettement égal à 60 % du produit intérieur brut. C’est l’objectif que nous avons confirmé à nos partenaires européens.

Le principe, je l’ai évoqué tout à l’heure, c’est une gestion rigoureuse des finances publiques et une croissance la plus vigoureuse possible de l’économie française.

On a beaucoup glosé au cours des dernières minutes sur la croissance. Elle est alimentée essentiellement par trois moteurs : la consommation, l’investissement et les exportations.

Reportons-nous aux pages 21 et 47 du rapport, et regardons tous les chiffres, pas seulement ceux qui descendent, mais aussi ceux qui montent.

Si les chiffres de la consommation sont en moins forte hausse que ce que nous aurions pu imaginer, c’est tout simplement que la croissance a été très fortement alimentée par la consommation des ménages en 2007. On s’en réjouit, et il n’y a aucune raison de la brider, mais, de même qu’un arbre ne monte pas jusqu’au ciel, on ne peut pas espérer que la consommation soit seule à nous tirer en avant.

L’investissement, en revanche, et c’est conforté par les perspectives d’investissement des industriels eux-mêmes et par les chiffres records de créations d’entreprises en août et en septembre, va constituer un relais très fort de la croissance en 2008, cela figure très clairement dans l’ensemble des tableaux.

En ce qui concerne le commerce extérieur, j’observe une corrélation dont je n’ai pas pu vérifier la validité scientifique : le déficit du commerce extérieur français s’est nettement accru à partir du moment où les 35 heures sont entrées en vigueur en France. Il appartiendra à d’excellents statisticiens de le démontrer, mais c’est en tout cas une coïncidence surprenante.

Pour 2008, on a très clairement un rebond des exportations et un tassement des importations, et le commerce extérieur ne pèsera plus sur la croissance.

Notre politique consiste à améliorer le pouvoir d’achat, en redonnant du salaire par le biais de la mesure sur les heures supplémentaires, mesure populaire, qui bénéficiera à tous ceux qui effectuent des heures supplémentaires.

Pour certains, Éric Woerth et moi-même ne croirions pas au choc de confiance et au rebond de la croissance dans la mesure où la provision pour la rémunération des heures supplémentaires a été calculée en fonction du stock des heures supplémentaires de l’année précédente.

C’est d’abord pour la raison qu’a évoquée Éric Woerth à l’instant. Par ailleurs, dans certaines entreprises, grâce aux dispositions relatives aux 35 heures, ou à cause d’elles – il faudra s’interroger un jour ou l’autre sur le coût de cette mesure –, et par le biais d’accords de modulation, toute une série d’heures supplémentaires ne bénéficieront pas de ce dispositif, tout simplement parce que ce n’est pas à l’avantage des salariés.

Pour ces deux raisons, le stock qui a été pris en compte est raisonnable. Il existe par ailleurs un certain nombre de réserves qui permettront de faire face, si d’aventure, et nous l’espérons tous, comme nous espérons tous que la croissance sera au rendez-vous, la mesure entraînait une augmentation du nombre d’heures supplémentaires.

Monsieur Cahuzac, vous avez subodoré qu’il y avait peut-être l’ombre d’une dissension entre M. Woerth et moi-même sur l’appréciation des taux d’intérêt. Je vais malheureusement vous décevoir : il n’y a pas l’ombre d’une dissension entre nous. Simplement, nous relisons nos discours et nous y apportons notre touche personnelle.

L’observation de M. Woerth concernait la manière dont la charge de la dette a pu peser au cours des dernières années. La mienne portait sur le recours au crédit après les turbulences financières. J’espère qu’il ne sera pas rigidifié ou rendu plus difficile ou plus cher en raison des turbulences intervenues sur le marché américain ainsi que sur les marchés financiers par mesure de diffusion. Le Gouvernement y sera extrêmement attentif. Les banques ont pris un engagement et j’espère qu’elles le respecteront.

Nous avons fait le choix de la confiance plutôt que celui de la défiance, de l’optimisme plutôt que du pessimisme, et certainement de la réforme plutôt que de l’immobilisme. Je crois que c’est à l’honneur de notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Louis Giscard d'Estaing. Vous avez parlé de sincérité budgétaire, monsieur Cahuzac. Comme l’a relevé avec beaucoup d’à-propos le ministre des comptes publics, l’exemple du budget de 2002 devrait inciter ceux qui siégeaient alors sur les bancs de la majorité à faire preuve de modération. Le président de la commission des finances a justement relevé le fait que le rapporteur général du budget s’était succédé à lui-même, mais il était lui-même à cette époque le rapporteur général…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il y a si longtemps ! (Sourires.)

M. Louis Giscard d'Estaing. …qui rapportait le budget de 2002, présenté, faut-il le rappeler, par Laurent Fabius,…

M. Pascal Terrasse. Vous faites de la préhistoire ! C’était au siècle dernier !

M. Louis Giscard d'Estaing. …et vous étiez alors dans la majorité.

M. Marc Francina. Eh oui !

M. Louis Giscard d'Estaing. S’agissant du taux de croissance, qui ne se souvient du débat à l’automne 2001 sur la fixation du taux de croissance sur lequel était fondé le budget pour 2002, alors que tous les économistes de bon sens s’accordaient à reconnaître que le taux de croissance retenu était impossible à atteindre ?

M. Michel Vergnier. Quels économistes ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Avez-vous alors exercé le droit de vigilance critique que vous nous invitez aujourd’hui à mettre en œuvre ?

M. Michel Vergnier. C’est le passé !

M. Pascal Terrasse. Parlez-nous de l’avenir !

M. Louis Giscard d'Estaing. Si c’était le cas, nous serions heureux de relire vos propos de l’époque.

M. Michel Vergnier. Et en 1974, que s’est-il passé ? À combien était l’inflation ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Vous parlez de mesures non financées et non budgétées. Le budget de 2002, à l’évidence, est l’exemple à ne pas suivre, avec 17 % de charges non budgétées et une baisse des impôts de 16 %.

M. François de Rugy. Arrêtez de regarder dans le rétroviseur !

M. Louis Giscard d'Estaing. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qu’il y avait aussi les mesures relatives aux 35 heures et la débudgétisation du FOREC, sans oublier vos décisions concernant l’APA et le SDIS, dont chacun ici, surtout ceux qui siègent dans les conseils généraux, connaît les conséquences.

Vous prétendez que ce budget n’assume pas les choix déjà opérés. Si, il les assume totalement. Vous dites d’ailleurs qu’il prend en compte l’application de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat et ses conséquences budgétaires. Il est précisément en cohérence avec les choix déjà opérés, qui sont dans la continuité, en matière de pouvoir d’achat, des augmentations de la prime pour l’emploi et du SMIC que notre majorité a accordées depuis cinq ans.

S’il y a plus d’heures supplémentaires en 2008 qu’en 2007, grâce aux mesures incitatives qui ont été votées, ce sera un signe très encourageant, et cela confortera notre choix pour le taux de croissance.

Rappelons enfin le débat surréaliste sur les cagnottes. La France était en déficit et on a dépensé l’excédent de recettes fiscales.

Notre majorité préfère poursuivre l’effort de réduction des déficits et de revalorisation du pouvoir d’achat. Cela nous incite à rejeter les arguments sur lesquels vous avez fondé votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Roy. Vous ne serez pas surpris, le groupe socialiste votera cette question préalable, excellemment défendue par Jérôme Cahuzac.

Permettez-moi d’abord de dire que je suis toujours choqué de voir l’hilarité gagner les rangs de la droite lorsque l’on évoque la situation de millions de Français qui souffrent. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quand Jean-Pierre Brard s’exprimait, j’ai vu des sourires qui sont choquants. Tous les jours dans ma permanence, des Français qui souffrent me demandent ce que vous dites dans l’hémicycle. Je leur réponds que vous hurlez ou que, éventuellement, vous rigolez. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Rendez-nous Cahuzac !

M. Patrick Roy. Ce budget est un budget de continuité, pas de rupture. C’est le sixième de la même majorité, avec les mêmes ministres, comme l’a souligné avec grand talent Didier Migaud. Qui donc avoue au bout de cinq ans que la France est en faillite, qu’elle a un triple déficit ? Un tel constat honore ceux qui avouent l’échec mais montre bien combien ce budget n’est pas un budget de rupture et ne parie pas sur l’avenir. Il persiste dans l’erreur, plombé par ce qui a été décidé par la majorité au mois de juillet, avec la loi TEPA, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et les 15 milliards d’euros de cadeaux à ceux qui ont déjà beaucoup.

J’ai d’ailleurs été choqué, madame la ministre, que vous ne répondiez pas cet après-midi, lors de la séance des questions au Gouvernement, à une question très précise de Christian Bataille sur les remboursements fiscaux dans le Nord-Pas-de-Calais – 100 000 euros en moyenne pour une centaine de contribuables. Vous avez répondu sur un autre sujet. Selon Christian Bataille, c’est fort simple, vous ne pouvez pas répondre, parce que vous ne pouvez pas avouer la vérité sur ces cadeaux fiscaux exorbitants faits à quelques contribuables. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Non contente de plomber le budget, comme cela a été démontré avec talent par Jérôme Cahuzac, cette loi TEPA donne donc très peu à ceux qui consomment et beaucoup à ceux qui épargnent.

Pour ne citer qu’un autre exemple d’erreur du Gouvernement et de ce budget : les fameuses heures supplémentaires, censées concrétiser le slogan bien connu « Travailler plus pour gagner plus ». Premièrement, je voudrais bien que le Gouvernement me dise quel est l’intérêt de cette mesure pour les chômeurs et les salariés en contrats aidés, dont le nombre est d’ailleurs en diminution dans ce projet de budget : par définition ceux-là ne pourront pas travailler plus pour gagner plus. Au mieux, ils vont rester au même point, et certains ne pourront même plus bénéficier de ces contrats aidés.

À mes nombreux électeurs qui me disent que, pour eux, travailler plus, ce serait tout simplement avoir un boulot, ce n’est évidemment pas ce budget qui leur en donnera un.

Deuxièmement, mais vous le savez fort bien, ce n’est jamais le salarié qui décide qu’il fera des heures supplémentaires ! Vous voudriez laisser croire ici qu’un salarié peut quand ça lui chante demander à son patron de faire des heures supplémentaires ? Mais on sait bien que c’est le patron et jamais le salarié qui décide qu’il y aura des heures supplémentaires, comme l’ont dit, là encore avec un grand talent, Jérôme Cahuzac, Didier Migaud et d’autres.

M. le président. Monsieur Roy, il va falloir conclure.

M. Patrick Roy. Vous n’y croyez pas puisque vous n’avez rien prévu de plus dans ce projet de budget.

Pour conclure, je dirai que le groupe socialiste votera évidemment la question préalable, dont je suis certain de vous avoir convaincus de l’opportunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, M. Cahuzac a en effet fort bien démontré, comme M. Migaud et moi-même l’avions fait avant lui, les incohérences de ce projet de budget pour 2008.

Le plus gênant, c’est que nous n’avons toujours pas de réponse aux questions que nous avons posées. C’est pourquoi nous insistons : indiquez-nous de façon chiffrée, précise, l’effet attendu sur la croissance du paquet fiscal !

Vous nous avez reproché, monsieur Chartier, de voir tout en noir. (« En vert ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais nous regardons simplement la réalité en face. Vous reconnaissez vous-même que les prévisions de croissance pour l’année prochaine sont en baisse : c’est donc bien que le paquet fiscal n’a pas l’effet positif que vous en attendiez. Je le dis comme je le pense : je finis par me demander si vous êtes dans la rationalité économique.

M. Georges Tron. Qu’est-ce que la rationalité économique ?

M. François de Rugy. Discutons. Même si M. de Courson est parti, je suis pour ma part tout prêt à profiter de ce débat pour discuter concrètement de politique économique, fiscale et budgétaire, argument contre argument. Mais, en réalité, vous préférez la méthode Coué.

Autre question à laquelle vous n’avez toujours pas répondu : y aura-t-il, oui ou non, une politique de rigueur et de nouveaux impôts – n’ayons pas peur des mots – après les élections municipales de 2008 ?

Comment allez-vous financer le déficit ? À cette question précise, vous n’avez pas davantage répondu.

Cette absence de réponses donne l’impression que vos discours ne s’inscrivent pas dans le champ du débat économique, fiscal ou budgétaire : on est dans l’idéologie, dans le symbole pur.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Parole d’expert !

M. François de Rugy. Votre idéologie, c’est celle de la baisse d’impôt, censée tout régler : un problème, une baisse d’impôt.

M. Jérôme Chartier. Il faudrait savoir ! Vous venez de nous reprocher de vouloir augmenter les impôts !

M. François de Rugy. La réalité, c’est que ça ne marche pas, surtout pas les baisses ciblées au profit de ceux qui n’en ont pas besoin.

Il y a en revanche une réponse que vous nous servez toujours, celle du non-remplacement, d’abord d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, d’un sur trois désormais. On pourrait discuter de la pertinence de cette réponse, tous les experts ayant relevé, et M. Carrez le premier dans son rapport préalable au débat d’orientation budgétaire du mois de juillet, qu’appliquer mécaniquement cette règle à chaque ministère aboutirait à des absurdités. Mais passons.

Vous savez très bien que cette économie ne dépasserait pas quelques centaines de millions d’euros, à mettre en regard des 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux. (« C’est une obsession ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ça n’est absolument pas suffisant pour financer le déficit supplémentaire que vous avez créé.

Vous nous reprochez par ailleurs de ne pas faire de proposition, reproche classique de la majorité à l’opposition. Mais si nous ne tirions pas parti de ces débats pour éclairer l’opinion, cela ne servirait à rien.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est bien de le reconnaître !

M. François de Rugy. De tels débats vous embêtent apparemment, et vous aimeriez bien que ça aille beaucoup plus vite. Les prochaines réformes institutionnelles devraient d’ailleurs aller dans votre sens. Nous, en revanche, nous sommes là pour éclairer les Français sur les aspects du budget que vous passez sous silence en ne répondant pas à nos questions. C’est notre rôle même d’opposants, sinon à quoi servirions-nous ?

Quant aux propositions nouvelles, parlons-en : je n’ai aucun problème pour en faire, mais je voudrais d’abord dire à M. Giscard d'Estaing, à M. Woerth et à tous ceux qui ont ressorti la législature 1997-2002 (« Avec raison ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jérôme Chartier. On en paye le prix aujourd’hui !

M. François de Rugy. Ça fait cinq ans que vous gouvernez, et vous voudriez encore faire croire que la situation actuelle est due à ce qui a été fait entre 1997 et 2002.

M. Marc Francina. Depuis 1981 !

M. François de Rugy. En la matière, c’est bilan contre bilan : il y a eu sous cette législature des excédents budgétaires, au point que le Président de la République, que vous souteniez…

M. Georges Tron. Cahuzac, il était là en 2002 !

M. François de Rugy. Arrêtez de vociférer, monsieur Tron !

Le Président de la République que vous souteniez, monsieur Tron – après, il est vrai, avoir été balladurien – avait même parlé de « cagnotte », qu’il fallait redistribuer. Cela a d’ailleurs été fait, en grande partie.

Je pourrais aussi vous parler des collectivités locales que nous gérons (« Les régions ! Les impôts y ont explosé ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur de Rugy.

M. François de Rugy. J’allais le faire, mais j’ai été interrompu.

Mme Marie-Louise Fort. Les impôts des régions ont augmenté de 60 % !

M. François de Rugy. Il faudrait que les interruptions s’arrêtent aussi.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut décompter les interruptions du temps de parole dont dispose notre collègue !

M. François de Rugy. Je vous invite, même si M. de Courson n’est plus là pour m’entendre, à considérer la politique que nous menons dans les collectivités locales. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous ne sommes ni des obsédés de l’impôt, ni des obsédés de la dépense : nous répondons concrètement aux besoins des Français.

Pour conclure, et puisque vous voulez des propositions (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Rugy.

M. François de Rugy. Parlons quand même de la progressivité de l’impôt, parlons de la taxation des stock options, parlons de l’imposition de tous les revenus …

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Rugy, s’il vous plaît !

M. François de Rugy. …des dividendes, des plus-values immobilières, parlons de la CSG, de tout ce dont vous ne voulez jamais parler ! Parlons de la fiscalité écologique, que vous renvoyez toujours à plus tard ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Qu’est-ce que ça serait si vous étiez des obsédés de l’impôt !

M. François de Rugy. Parlons de l’harmonisation fiscale en Europe : vous ne faites rien dans ce domaine.

M. le président. Monsieur de Rugy…

M. François de Rugy. Alors oui, monsieur le président, nous avons en effet une autre approche, un autre projet et d’autres propositions, et c’est pourquoi nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Francina. Il fallait gagner les élections !

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

5

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, n° 189 :

Rapport, n° 276, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)