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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du samedi 17 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Rappel au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

Après l’article 7

Amendement no 3619 à 3640

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

M. Claude Goasguen

M. Laurent Fabius

Mme Jacqueline Fraysse

Reprise de la discussion

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Demande de vérification du quorum

M. Jean-Marc Ayrault

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. François Brottes

M. Jean-Marc Ayrault

Reprise de la discussion

Amendement no 3354 à 3375

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44
de la Constitution

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles,…

M. René Dosière. Dans des conditions désastreuses !

Mme la présidente. …s’arrêtant aux amendements nos 3619 à 3640, portant article additionnel après l’article 7.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, ce rappel au règlement doit être compris comme un vœu que je formule pour le bon déroulement de la séance qui s’ouvre. Les conditions dans lesquelles nous avons délibéré cette nuit…

M. Christian Eckert. Conditions indignes !

M. Jean-Jacques Urvoas. …ne sont pas de nature à garantir la sérénité de nos débats et altèrent les décisions que nous avons pu prendre.

M. Christian Jacob. Peut-être votre attitude y est-elle pour quelque chose !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous pouvons comprendre que la majorité et le Gouvernement n’apprécient pas la stratégie choisie par notre groupe. Si nous nous opposons à ce texte, c’est parce que nous considérons, après l’avoir analysé, qu’il est de nature à altérer les droits du Parlement…

Mme Delphine Batho. Absolument !

M. Jean-Jacques Urvoas. …à restreindre notre capacité d’amender la loi, à limiter nos possibilités de l’enrichir et à amoindrir notre droit de parole.

M. Christian Jacob. Si c’est pour parler des homards !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous sommes donc en totale opposition avec la philosophie et les modalités de ce texte. Notre stratégie ne plaît pas à la majorité ? Je vais vous faire une confidence : elle n’a pas été choisie pour cela.

M. Christian Jacob. Quel aveu !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous utilisons et allons continuer à utiliser toutes les possibilités que le règlement offre à l’ensemble des députés – car il n’y a pas, dans cet hémicycle, deux catégories de députés : ceux de l’UMP, qui auraient tous les droits, et ceux de l’opposition, qui n’en auraient que certains.

Madame la présidente, nous renouvelons donc nos protestations contre la partialité avec laquelle la présidence a été exercée cette nuit.

M. Christian Jacob. Vous devriez faire le décompte des temps de parole !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est normal, les députés de la majorité ne parlent pas ! Ce sont des députés fainéants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Nous ne parlons pas, comme vous, pour ne rien dire !

M. Bruno Le Roux et M. Christophe Caresche. Fainéants !

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez M. Urvoas terminer son rappel au règlement !

M. Jean-Jacques Urvoas. Chacun l’aura compris – et les protestations de mes collègues le démontrent à l’envi –, ce que je dénonce, c’est bien la partialité de la présidence. Le règlement de l’Assemblée a été bafoué. On a refusé nos demandes de suspension de séance.

M. Philippe Cochet. C’est horrible !

M. Christian Jacob. Après tout, vous n’en avez obtenu que 110 !

M. Jean-Jacques Urvoas. Les rappels au règlement ont été interdits. On a rayé d’un trait de plume les amendements que nous avions déposés. Le Gouvernement a utilisé une disposition de la Constitution – l’article 44-2 – qui n’avait pas servi depuis des années. Il a interprété de manière éhontée la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.

Madame la présidente, permettez-moi de vous rappeler, de la manière la plus solennelle mais la plus respectueuse de la fonction que vous occupez, que les conditions dans lesquelles nous travaillons dépendent de celles dans lesquelles s’exerce la police de nos travaux – vous le savez mieux que moi, qui ne suis qu’un jeune parlementaire.

M. Christian Jacob. Ça ne se voit pas !

M. Jean-Jacques Urvoas. J’en appelle donc à la sérénité. Pour le reste, je le redis : sur ce texte, nous ne lâcherons rien ; nous nous y opposerons pied à pied ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Urvoas, vous souhaitez que nous travaillions dans la sérénité : je vous en remercie, car c’est précisément l’intention qui m’anime ce matin. Je n’étais pas là hier soir, mais je ne permettrai pas qu’on mette en cause la présidence.

Pour ce qui est des suspensions de séance, je vous rappelle que nous en sommes à trente-deux depuis le début de l’examen de ce texte. C’est une information qui a son intérêt.

Vous nous expliquez que vous ne voulez rien lâcher. C’est votre droit. Chacun doit pouvoir s’exprimer dans le respect des orateurs, quels qu’ils soient, afin que nous puissions examiner ce texte dans la plus grande sérénité.

Après l’article 7

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 3619 à 3640, visant à introduire un article additionnel après l’article 7.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 3619.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous en sommes à la moitié du projet de loi organique, et le chapitre que nous abordons concerne ce que le Gouvernement avait appelé, de manière assez surprenante, les « études préalables », mais qui, grâce à la bonne volonté du rapporteur et à la persuasion qu’il exerce sur la majorité, a été désigné d’une expression plus compréhensible : les « études d’impact ».

Permettez-moi de lire notre amendement, pour que nos collègues comprennent bien la portée du changement et du renforcement que nous proposons :

« À la demande du président de l’une des assemblées, du président de la commission permanente compétente ou du président d’un groupe parlementaire, tout projet de loi peut être soumis à une procédure d’évaluation renforcée.

« La procédure d’évaluation renforcée implique la réalisation d’une enquête publique d’une durée qui ne peut être inférieure à deux mois. Pendant cette période, l’État a la charge d’assurer la publicité de tous les avis collectés et des opinions spontanément exprimées par toute personne.

« Une procédure de consultation est également suivie. Elle permet aux autorités administratives indépendantes compétentes, à la Cour des comptes, aux juridictions qui auront à appliquer les dispositions envisagées, aux syndicats à leur demande, à l’ensemble des groupes politiques représentés dans les assemblées parlementaires à leur demande et aux associations reconnues d’utilité publique potentiellement concernées de rendre un avis sur l’intérêt et la pertinence du projet envisagé. Ces autorités publiques et civiles disposent d’un délai d’un mois pour rendre leur avis qui est rendu public.

« Les études d’impact concernant ces projets sont réalisées sur une période qui ne peut être inférieure à deux mois. »

Cet amendement entend donc simplement renforcer la procédure d’évaluation. Ce qui a été décidé cette nuit, dans des conditions fort discutables, prévoit en effet que tous ceux qui sont susceptibles d’éclairer la représentation nationale – les autorités administratives indépendantes, les organisations syndicales, les associations dont chacun connaît l’expertise – seront associés aux réflexions préalables au travail législatif.

Mme la présidente. L’amendement n° 3620 n’est pas défendu.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Mon amendement n° 3621 s’inscrit parfaitement dans la logique qu’a adoptée le groupe socialiste depuis le début de nos débats : il vise à améliorer notre capacité à faire de bonnes lois, à prendre le temps de les discuter pour que, une fois qu’elles ont été votées, leur application ne soit pas retardée et qu’elles entrent très rapidement en vigueur. Or, si le temps des débats est compté, il est difficile de faire de bonnes lois.

Bien souvent, les projets de loi dont notre assemblée est amenée à discuter sont des textes d’affichage, qui donnent lieu à un débat rapide, voire à une simple communication du Gouvernement, et qui ne sont ensuite jamais appliqués. Un rapport du Sénat en fait la triste démonstration. Nous devons donc mettre en place un processus complet. Il faut d’abord donner au Parlement tous les droits pour prendre le temps de discuter de la loi : c’est non seulement le droit d’amendement, auquel nous reviendrons dans quelques jours, mais aussi la capacité de mieux préparer l’examen de la loi.

De ce point de vue, notre amendement est d’une importance capitale. Les questions de sécurité, par exemple, donnent lieu à de multiples lois…

Mme Delphine Batho. Une véritable inflation !

M. Bruno Le Roux. …à de multiples rendez-vous, qui ne sont jamais reliés les uns aux autres. Ce problème intéresse les Français au premier chef, qui ont bien conscience que nous légiférons de façon décousue. Prenons le cas, très concret, de la législation sur les chiens dangereux. Avons-nous réglé, aujourd’hui, tous les problèmes liés aux chiens dangereux ?

M. Jean-Marie Le Guen. Pas dans la majorité ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il faut un amendement sur les muselières !

M. Bruno Le Roux. Depuis 2005, nous avons légiféré deux fois sur cette question. Pourtant, on fait encore référence à la loi de 1999, dont j’ai eu la chance d’être rapporteur, parce que les deux lois qui ont été votées depuis n’ont rien apporté, ne sont pas utilisables, n’ont pas mis d’outils nouveaux à la disposition de ceux qui sont chargés d’appliquer la loi sur le terrain ; ce n’étaient que des textes d’affichage, de communication, très éloignés de l’objectif réel d’efficacité que doit se fixer une loi.

C’est pourquoi nous proposons qu’à la demande du président d’une commission permanente ou du président d’un groupe parlementaire – car il serait bon que l’opposition exerce également ce droit – un projet de loi puisse être soumis à une évaluation renforcée. Cela contribuerait à l’amélioration du débat parlementaire, que nous défendons avec constance, et permettrait que la loi, une fois votée, soit respectée et appliquée au bénéfice de tous les Français.

Mme la présidente. L’amendement n° 3622 n’est pas défendu.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 3623.

Mme Delphine Batho. Je ne rappellerai pas les circonstances difficiles, sinon inacceptables, dans lesquelles s’est déroulé, hier soir, un débat pourtant essentiel.

Mme la présidente. Permettez-moi de vous interrompre, madame Batho. M. Urvoas a déjà évoqué cette question dans son rappel au règlement. Je lui ai répondu que je ne souhaitais pas que la présidence soit mise en cause. Je le répète ici, car c’est important pour la sérénité de nos débats.

Poursuivez, je vous prie.

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, si, à l’occasion de la défense de cet amendement, je me suis permise ce rappel à l’intention de nos collègues, c’est que le débat relatif à l’article 7 était très important, puisqu’il portait sur les études d’impact. Ces documents permettent en effet au législateur, avant même de légiférer, d’envisager les conséquences concrètes des mesures contenues dans les projets de loi du Gouvernement, d’en vérifier les moyens d’application et même le caractère applicable – ou pas. Ainsi, un certain nombre de lois récentes se sont avérées inapplicables : je pense par exemple au droit d’accueil dans les écoles ou au service minimum dans les transports.

Au cours du débat d’hier, notre collègue Laurent Fabius nous a soumis une proposition essentielle : si le Gouvernement ne respecte pas le dispositif relatif aux études d’impact, alors le projet de loi n’est pas examiné par l'Assemblée nationale, y compris lorsque ce n’est ni la majorité parlementaire, ni le président de l'Assemblée nationale qui constate que le Gouvernement ne respecte pas cette procédure, mais un président de groupe de l’opposition. Hélas, cet amendement de M. Fabius a été rejeté, ce qui nous a conduit à nous abstenir sur l’article 7 alors même que nous étions favorables aux études d’impact qu’il prévoit.

Dans ces conditions, l’amendement n° 3623 portant article additionnel après l’article 7 ajoute au dispositif simple de l’étude d’impact, tel qu’il est prévu à cet article, la possibilité, pour des projets de loi importants, de mener des études d’impact renforcées. Nous répondons ainsi à la question – à laquelle M. Warsmann n’a pas complètement répondu hier – de la possibilité pour l'Assemblée nationale de contre-évaluer les études d’impact du Gouvernement. En effet, disposera-t-elle pour cela de moyens renforcés ? Adoptera-t-elle la méthode déjà utilisée pour évaluer des lois votées, qui prévoit deux rapporteurs – l’un de la majorité et l’autre de l’opposition – et des moyens adéquats pour vérifier les informations fournies par le Gouvernement ? C’est pour ces raisons qu’au dispositif simple de l’étude d’impact, nous proposons d’ajouter la possibilité de déclencher une étude d’impact renforcée pour les lois qui ont le plus de conséquences dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière pour défendre l’amendement n° 3624.

M. René Dosière. Je me réjouis, madame la présidente, que nous puissions débattre, sous votre autorité sereine, dans des conditions bien plus satisfaisantes qu’hier soir.

M. Christian Jacob. Quelqu’un vous a donc trouvé des chaussettes propres… (Sourires.)

M. René Dosière. L’article additionnel que je propose par l’amendement n° 3624 vise à compléter l’article 7, adopté hier dans des conditions contestables, qui permet l’élaboration d’études d’impact.

Cela étant, le débat – ou ce que nous avons pu en percevoir – a révélé que ces études d’impact, qui constituent un progrès, ne sont qu’une simple déclaration d’intention, puisqu’elles n’auront aucune conséquence si elles ne sont pas appliquées. Or elle peuvent avoir une conséquence dès lors que le président de l'Assemblée nationale – issu de la majorité, ce qui est bien légitime – ou la conférence des présidents – où la majorité domine – décident de la remettre en cause.

Cette loi organique illustre l’inflexion qui affecte le fonctionnement de notre assemblée. La tradition – surtout depuis l’alternance et les cohabitations – voulait que toute modification du fonctionnement interne de l’Assemblée fît l’objet d’un consensus – ou, à tout le moins, d’une recherche de consensus aboutissant peu ou prou à l’unanimité. Désormais, avec ce texte, les choses ont changé : la gauche et la droite, l’opposition et la majorité – qui peuvent changer au gré des élections législatives – s’affrontent. Ces affrontements sont étonnants ; c’est la première fois en dix-sept années de vie parlementaire que j’observe ce phénomène.

Pourquoi se produisent-ils ? Force est de constater que nous modifions notre pratique de la Constitution. Désormais, le Président de la République « détermine et conduit la politique de la nation » – en une interprétation singulière de l’article 20 de la Constitution. Dorénavant, le pouvoir exécutif pèse sur le pouvoir législatif. Quant à la majorité, qui devrait défendre les droits du Parlement, elle reste fidèle au pouvoir exécutif et accepte que l’on bafoue les droits du Parlement.

Afin de permettre auxdites études d’impact d’être efficaces, l’amendement n° 3624 vise à ouvrir la possibilité aux présidents des groupes parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel. Naturellement, ce sont les présidents des groupes d’opposition qui sont les premiers concernés. En adoptant cet amendement, nous permettrons au Parlement d’accomplir pleinement sa tâche. À défaut, la situation actuelle perdurera : celle où, notamment pour ce qui est du fonctionnement interne du Parlement, la majorité est aux ordres du pouvoir exécutif.

Mme la présidente. Les amendements nos 3625, 3626 et 3627 ne sont pas défendus.

La parole est à M. Christophe Caresche pour défendre l’amendement n° 3628.

M. Christophe Caresche. En dépit des conditions très difficiles qui ont prévalu lors du débat d’hier soir, nous avons tous souligné l’importance du thème abordé à l’article 7. Tous ici, nous sommes convaincus que la qualité du débat législatif tient avant tout à la qualité des projets de loi qui nous sont soumis. Or, en ce domaine, force est de constater une forte dégradation au regard des exigences qui devraient être les nôtres.

Il est vrai que M. le rapporteur nous a présenté des propositions intéressantes, dont nous avons discuté en commission. L’amendement qu’il a déposé améliore sensiblement le texte du Gouvernement.

Cependant, nous voulons aller plus loin. La procédure que nous proposons ne vise pas l’ensemble des projets de loi, mais seulement ceux dont l’importance particulière justifie que l'Assemblée nationale puisse demander l’enrichissement de l’étude d’impact, afin que celle-ci donne lieu à une véritable consultation préalable de la population, par le biais d’une enquête publique. On recueillerait ainsi le sentiment de la population sur le projet de loi concerné. Voilà qui permettrait sans doute d’éviter au Gouvernement – quel qu’il soit – de découvrir après le dépôt du projet ou pendant son examen qu’il suscite de nombreuses interrogations, voire une forte réprobation. Une véritable enquête publique apporterait davantage de sécurité au Gouvernement en ce domaine. C’est d’ailleurs la procédure utilisée pour nombre de projets municipaux. Elle permettrait à la population d’exprimer son opinion et de s’approprier le projet de loi.

L’autre objet de cet amendement est de prévoir une très large consultation des acteurs de la vie civile – les forces vives, dit-on souvent. Je pense d’abord aux autorités administratives compétentes – hautes autorités ou autorités de régulation – qui, parce qu’elles disposent de pouvoirs de régulation et de sanction, sont concernées directement par l’application de la loi. Je pense aussi aux acteurs de la vie économique et sociale, qu’il s’agisse des partenaires sociaux ou des syndicats. L’étude d’impact constituerait donc une première consultation ; elle se déroulerait en un temps limité – deux mois au moins.

M. Christian Jacob. Tiens, voici M. Ayrault : nous allons avoir droit à une demande de quorum !

M. Christophe Caresche. Tel est donc l’objet de cet amendement qui améliorerait beaucoup le travail législatif sur le nombre limité de projets de loi qu’il concerne.

Mme la présidente. L’amendement n° 3629 n’est pas défendu.

La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 3630.

M. Christian Eckert. Avant de défendre cet amendement, comme m’y autorise encore l’article 44 de la Constitution, je rappelle à nos collègues que le groupe socialiste s’est abstenu sur le vote de l’article 7. On nous accuse d’obstruction, de nous opposer à tout. Hier, pourtant, si le Gouvernement et le rapporteur avaient eu la largesse d’accepter le sous-amendement de M. Fabius, le groupe socialiste aurait voté l’article 7.

M. Sébastien Huyghe. Formidable !

M. Christian Eckert. Si nous sommes amenés à proposer un article additionnel, c’est parce que nous estimons que les projets de loi n’ont pas tous la même importance. Ainsi, le projet de loi dit « HPST », pour « hôpital, patients, santé et territoires », qui devrait déterminer la politique de santé du pays tout entier, est un texte essentiel.

M. Christian Jacob. Où est le lien avec le présent texte ?

M. Christian Eckert. En regard, convenez que les textes relatifs aux chiens dangereux ou à la législation funéraire sont mineurs. Ce n’est faire injure à personne que de reconnaître divers degrés d’importance aux lois que nous examinons. Nous souhaitons donc créer une procédure d’évaluation renforcée, qui éviterait, pour les textes importants, de légiférer dans la précipitation.

Certaines lois sont inapplicables : c’est le cas du service minimum d’accueil dans les petites communes, comme vient de s’en rendre compte l’oracle élyséen – peut-être est-ce son passage au congrès des maires qui l’a éclairé. Il eût été mieux inspiré d’en tenir compte avant la discussion du texte. De même, j’évoquais hier le service minimum dans les transports publics.

M. Christophe Caresche. Excellent exemple !

M. Christian Eckert. Lors de mouvements de grève spontanés, les règles relatives aux délais d’information ou à la quasi-réquisition des non-grévistes ne peuvent évidemment pas s’appliquer.

Les lois sont peu appliquées. Un quart d’entre elles ne sont toujours pas assorties de décrets d’application. Une procédure d’évaluation renforcée permettrait sans doute de ne pas renvoyer tant de dispositions de la loi à des textes ultérieurs ou à des décrets d’application dont on sait bien qu’ils ont peine à voir le jour.

Certains, se faisant l’avocat du diable, nous objecteront que la création de cette procédure d’évaluation renforcée pourrait inciter certains présidents de groupe à en abuser afin de retarder le travail législatif, puisqu’un délai de deux mois au moins est prévu. Mais, si le Gouvernement entend effectivement améliorer la qualité de la loi au cours de sa préparation en amont, je suis prêt à accepter un sous-amendement tendant, par exemple, à fixer un nombre maximum de recours à la procédure d’évaluation renforcée par session parlementaire. Quoi qu’il en soit, l’idée de permettre aux présidents de groupe d’enclencher des mécanismes de cette nature, avec une sorte de droit de tirage pour éviter tout risque de dérapage, pourrait être utilement reprise dans nombre de dispositions du présent texte que nous examinerons plus tard.

Mme la présidente. Nous passons directement à l’amendement n° 3631. À moins que vous ne considériez, monsieur Gaubert, qu’il est déjà défendu...

M. Jean Gaubert. Madame la présidente, j’aurais aimé vous faire ce plaisir, mais ce sera pour une autre fois ! J’avais d’autres ambitions pour cette journée, qui ont été malheureusement contrariées. Je tiens au moins à pouvoir m’exprimer dans cette enceinte.

C’est la première fois que j’interviens sur ce texte, mais j’ai assisté à la plupart des séances et je m’exprimerai d’abord sur le débat en général. On nous accuse, une fois encore, de faire de l’obstruction. Je pense à une période que j’ai connue, comme nombre d’entre vous, à savoir les années 1997-2002, durant lesquelles, à droite, vous nous avez donné beaucoup de leçons ! Nous avons d’ailleurs le sentiment d’être encore des petits garçons ou des petites filles par rapport à ce qui se pratiquait sur vos bancs à l’époque.

Le vrai problème, c’est que nous avons une conception différente du Parlement. Il y a une véritable incompréhension entre nous et le Président de la République. Sans doute certains d’entre vous sont-ils mal à l’aise ; ils le disent d’ailleurs dans les couloirs de l’Assemblée, mais pas en séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’avais cru comprendre que nous étions là pour légiférer ; or j’entends depuis quelques mois défendre l’idée selon laquelle le Parlement serait là pour appliquer les décisions du Président de la République.

M. Sébastien Huyghe. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Jean Gaubert. Si, certains d’entre vous en parlent, même lors d’interventions télévisées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous vous gardez bien de le faire dans l’hémicycle.

M. Christian Jacob. Vous savez pertinemment que cette réforme vise à donner plus de pouvoirs au Parlement !

Mme la présidente. Monsieur Jacob, laissez M. Gaubert terminer !

M. Jean Gaubert. Si M. Jacob veut s’exprimer, je vous propose de lui donner la parole, madame la présidente. Nous avons tout notre temps.

Mme la présidente. C’est moi qui décide, monsieur Gaubert, et vous seul avez la parole…

M. Jean Gaubert. C’était seulement une suggestion.

M. Sébastien Huyghe. Venons-en à l’amendement !

M. Jean Gaubert. Mes chers collègues, s’il s’agit seulement d’appliquer les décrets du Président de la République…

M. Sébastien Huyghe. Il ne parle pas de l’amendement, madame la présidente !

M. René Dosière. Vous, vous voulez nous empêcher de parler !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert. Je le pourrai dès que le calme sera revenu.

Si nous ne sommes là que pour appliquer les décisions du Président de la République, il faut aller jusqu’au bout et se demander si les parlementaires sont encore nécessaires ! Est-ce que nous n’allons pas vers un régime où il y aurait un consul et des fonctionnaires chargés d’appliquer ses décisions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour notre part, nous avons une autre conception, et c’est de là que vient notre incompréhension mutuelle. Cette conception ne date pas d’hier, mais elle est renforcée par ce que nous avons vécu depuis un certain temps. Un projet de loi, c’est d’abord un texte qui doit être clair, lisible, afin que les citoyens le comprennent. Il doit être aussi applicable, ce qui veut dire qu’il vaudrait mieux en faire un peu moins, et assortir les textes de décrets permettant de les appliquer véritablement.

M. Sébastien Huyghe. Justement, c’est dans le texte !

M. Jean Gaubert. Une nouvelle loi doit, enfin, ne pas contredire la législation en vigueur. Vous le savez tous, car vous avez voté certains projets contradictoires avec des dispositions qui n’avaient pas été abrogées. Cela arrive très souvent : lors de cette législature et de la précédente, nous sommes revenus sur un certain nombre de textes – et cela se produira encore.

Je citerai trois exemples. Combien de textes sur la sécurité, cumulatifs ou contradictoires, ont-ils été votés depuis 2002 ?

Mme Delphine Batho. Onze !

M. Jean Gaubert. Quant à l’urbanisme commercial, nous en sommes au quatrième texte, et nous attendons le cinquième, qui devait arriver en janvier. L’accouchement est apparemment plus difficile que prévu ! Que dire de l’énergie, et de bien d’autres projets encore, qui montrent votre frénésie et surtout votre incapacité à les faire comprendre à nos concitoyens et à les appliquer !

C’est ce qui nous a conduits à déposer cet amendement, lequel vise à ce que nous prenions le temps, avant de proposer un texte, d’évaluer les conséquences qu’il peut avoir, de rencontrer les gens les plus concernés, bref le temps de faire ce que l’on ne fait plus depuis longtemps : élaborer d’excellentes lois, qui pourront être vraiment appliquées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 3632.

M. Jean Mallot. J’ai déposé cet amendement avec Bernard Lesterlin. Il se distingue des précédents dans la mesure où l’argumentation est différente.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est le même !

M. Jean Mallot. Nous sommes dans le droit fil de ce que le projet de loi initial voulait traiter : en effet, l’alinéa 4 de l’article 7 précise que la teneur de l’évaluation est fonction de l’ampleur de la réforme proposée. Lors de la discussion sur cet article, j’ai demandé au Gouvernement et à la commission de préciser ce qu’ils entendaient par « l’ampleur de la réforme », et par la formule, utilisée par M. Warsmann dans son rapport, de « la proportionnalité de l’évaluation ».

Chacun en convient, il est nécessaire pour certains textes de procéder à une évaluation renforcée, en lançant par exemple des enquêtes publiques ou en s’appuyant sur les travaux de certaines institutions, comme la Cour des comptes.

Pour illustrer mon propos, je vous ferai part de mon expérience personnelle de parlementaire, car il se trouve que je copréside la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Celle-ci travaille régulièrement. Notre collègue Catherine Lemorton a produit un rapport très intéressant sur le médicament, dont je vous recommande la lecture. Jean-Pierre Door a rendu un rapport sur les affections de longue durée, posant la question de savoir s’il fallait modifier le régime des ALD, aller vers la formule du bouclier sanitaire ou non. Actuellement, nous travaillons sur la prestation d’accueil des jeunes enfants. Ce travail d’évaluation, au moyen d’auditions et de différentes études, fait apparaître notamment le besoin de places en crèche – 250 000 à 300 000 sont nécessaires. Il concerne également l’évaluation des dispositifs qui ont été réformés au début des années 2000, et donc l’analyse des catégories sociales bénéficiaires des prestations. Les réformes en la matière opérées par la majorité de droite depuis 2002 ont plutôt bénéficié aux catégories sociales aisées, et il faut en tirer les conclusions.

M. Sébastien Huyghe. C’est faux !

M. Jean Mallot. Non, c’est la réalité !

M. Sébastien Huyghe. Quel rapport avec le texte ?

M. Jean Mallot. Nous devons donc faire des propositions pour améliorer la législation. Et j’y insiste, car la méthode que nous proposons, c’est-à-dire utiliser tous les moyens dont on dispose pour évaluer les lois, permet de boucler la boucle.

L’évaluation a posteriori, que certaines missions d’évaluation réalisent, permettra d’améliorer les dispositifs législatifs. Tel est le cas pour ce qui est du médicament : au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons proposé des amendements visant à rectifier les dispositifs concernant les laboratoires, les visiteurs médicaux, les moyens dont dispose la puissance publique – la Haute autorité de santé ou la Caisse nationale d’assurance maladie, par exemple – pour faire passer des messages sur la bonne utilisation des médicaments auprès des professionnels de santé, de façon à faire contrepoids. Après tout, les laboratoires ont le droit d’avoir des visiteurs médicaux, mais la puissance publique doit donner des informations objectives. Ce rééquilibrage était nécessaire, et des amendements de ce type nous ont permis d’avancer.

L’évaluation renforcée a priori nous permettra, après avoir amélioré les projets de loi, et donc les lois adoptées, de faciliter le travail des missions d’évaluation a posteriori, dont les travaux de la mission d’évaluation que je copréside. Le législateur, ayant bouclé la boucle, jouera à la fois son rôle de producteur de la loi et de contrôle de l’action de l’exécutif de manière exhaustive, ce qui lui permettra de réaliser de manière tout aussi complète le mandat que les électeurs lui ont confié.

Mme la présidente. Les amendements nos 3633 et 3634 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 3635.

M. René Dosière. Attention, elle va faire une citation ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je l’espère bien !

Mme Catherine Lemorton. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l’occasion de défendre cet amendement, que j’ai déposé avec Christian Paul.

Je me demande comment les études d’impact vont s’articuler avec les rapports issus des missions de contrôle de notre assemblée – dont vient de parler Jean Mallot –, lesquelles, selon moi, ne sont pas assez nombreuses.

Si, par exemple, nous avions fait une étude d’impact sur les franchises médicales, il y aurait eu deux façons de voir les choses.

M. Christian Eckert. Très bon exemple !

Mme Catherine Lemorton. Soit nous aboutissions à la conclusion que les franchises pouvaient effectivement engendrer des économies, auquel cas nous votions le texte. Soit nous envisagions la possibilité que nombre de nos concitoyens soient contraints de se priver de soins – ce que nous constatons après un an d’application de la loi – et nous pouvions alors nous interroger sur l’option à prendre. Fallait-il opter pour l’aspect économique ou pour l’aspect sanitaire ? Choisir la première solution, c’était prendre le risque que certains Français refusent de se soigner ou retardent leur entrée dans le système de soins. Dans ce cas, quid de la politique de prévention de santé publique ?

J’aimerais que le rapporteur réponde à cette question : comment s’articuleront les rapports des missions de contrôle avec les études d’impact, dont on ne sait toujours pas qui en aura la charge ?

Mme la présidente. L’amendement n° 3636 n’est pas défendu.

La parole est à M. Henri Jibrayel, pour soutenir l’amendement n° 3637.

M. Henri Jibrayel. Je tiens à dire, madame la présidente, que nous apprécions la sérénité de ce débat et que nous condamnons ce qui s’est passé lors de la séance d’hier soir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il nous était impossible de défendre nos amendements ou d’obtenir que l’on suspende la séance.

Je défends l’amendement n° 3637, que j’ai cosigné avec Mme Adam. Nous légiférons trop, et trop vite. Les textes sont complexes et il faut prendre le temps de rencontrer nos partenaires sur le terrain, les associations, tous ceux qui peuvent introduire de la clarté dans nos textes. Aller trop vite, comme nous le faisons actuellement, fait que l’opinion publique ressent une certaine suspicion à l’égard de nos travaux. D’autant que, dans cet hémicycle, tout le monde a la volonté de légiférer dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. Les amendements nos 3638, 3639 et 3640 ne sont pas défendus.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Madame la présidente, après Jean-Jacques Urvoas au début de cette séance, et dans le prolongement de ce que vient de dire Henri Jibrayel, je vous fais part de mon étonnement et même de mon indignation à propos de la façon dont s’est déroulée la séance d’hier soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Vous n’étiez pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut admettre qu’en démocratie nous ne partagions pas le même point de vue,…

M. Philippe Vitel. C’est un pléonasme !

M. Jean-Marc Ayrault. …ce qui est respectable et normal. Mais, je l’ai déjà dit à deux reprises au président Bernard Accoyer, cela n’autorise pas à enfreindre les règles de l’Assemblée nationale, comme cela a été le cas hier soir. C’est profondément choquant, je dirai même que c’est dangereux.

Monsieur le secrétaire d’État, vous prétendez accorder un statut à l’opposition et préserver le droit d’amendement. Mais tous vos actes, ainsi que ceux du rapporteur et de la majorité, contredisent cette intention. D’ailleurs, j’ai répondu hier officiellement par écrit à la lettre du président Accoyer. Rien dans celle-ci ne pouvant être considéré comme une avancée, je lui ai dit que nous étions disponibles pour entamer un dialogue clair et constructif. Mais cela suppose, de votre part, des concessions et la garantie du respect réel, concret, de l’opposition.

Nous ne sommes pas condamnés à un combat de tranchées si disparaît cette volonté d’écraser, d’éradiquer, voire de discréditer l’opposition et d’empêcher toute parole contredisant la communication présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Car nous ne sommes pas dans n’importe quel contexte, Jean Gaubert vient de le rappeler. Quand on lit la presse de ce matin et que l’on essaie de faire le point sur les communications présidentielles depuis quinze jours, on s’y perd ! Tout le monde s’y perd : les journalistes, les ministres, et sans doute le Président lui-même !

M. Philippe Vitel. Il n’a aucun problème !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas là bonne façon de faire fonctionner la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le recours, hier soir, à l’article 44-2 montre que le Gouvernement dispose déjà d’armes constitutionnelles puissantes…

M. Jean Mallot. Ô combien !

M. Jean-Marc Ayrault. …pour contraindre, voire museler l’opposition. Mais vous voulez davantage encore ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vos intentions, monsieur le secrétaire d’État, sont maintenant de plus en plus claires. Vous n’hésitez pas à prendre le risque de mettre en cause l’équilibre de nos institutions en proposant ce funeste projet : le fameux crédit-temps ou temps global pour l’examen des projets de loi, à savoir un temps réduit à votre convenance, donc la limitation, dans les faits, du droit d’amendement, notamment pour les députés de l’opposition, mais également pour tous les députés, représentants du peuple français, qui veulent avoir la parole libre ici, en toutes circonstances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le contexte difficile que traverse notre pays, vous devez préserver cet espace de démocratie, j’allais dire cette respiration démocratique nécessaire ! Vous ne devez pas faire des députés de simples techniciens du droit qui devraient, sur les ordres du Gouvernement et du Président, terminer vite leur travail pour que, demain, la loi, qui change tous les six mois ou tous les ans, soit votée ; ils doivent rester les porte-parole des attentes des Français, de leurs angoisses, pour proposer des solutions permettant de traiter les problèmes de la France ! Il n’existe pas qu’une solution, qui serait celle de Nicolas Sarkozy. L’opposition a les siennes. Dans quelques jours, nous allons présenter notre contre-plan de relance. Nous ferons également des propositions pour le logement, l’hôpital public, l’éducation !

Quand et où voulez-vous que nous le fassions ? Nous estimons que notre devoir est de le faire, ici, à l’Assemblée nationale, et que votre devoir est de nous écouter et de nous respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En effet, si ce n’est plus possible ici, et je crois que certains d’entre vous ont la sagesse d’y penser, cela se déroulera dans la rue et c’est vous qui en aurez pris la responsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons un Parlement, il est fait pour parler, pour débattre, pour discuter, confronter les analyses, les points de vue et les solutions !

Vous avez décidé de façon impromptue – et c’est votre responsabilité, monsieur le secrétaire d’État – de faire siéger l’Assemblée nationale un samedi, ce qui est totalement inhabituel. De nombreux députés vont revenir de loin, de leurs circonscriptions de province. Or, le samedi, les trains et les avions sont encore moins nombreux. Certains vont mettre quatre ou cinq heures pour rejoindre l’Assemblée nationale. Vous avez pris cette décision sans même l’évoquer mardi à la conférence des présidents !

M. Christian Eckert. C’est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault. Je trouve cela profondément choquant. Vous prenez la responsabilité de faire de cette journée un long tunnel ; les choses n’avanceront pas. Il est néanmoins important que tous ceux qui ont décidé de venir à l’Assemblée nationale en aient le temps. C’est la raison pour laquelle, madame la présidente, je vous demanderai, avant le vote sur les amendements, de bien vouloir vérifier le quorum. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je veux très solennellement vous redire, monsieur Ayrault, que je ne laisserai pas remettre en cause la présidence, quel que soit celui ou celle qui l’exerce.

M. Bruno Le Roux. La présidence a été partisane et partiale hier soir !

Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Le Roux !

De plus, vous le savez comme moi, monsieur Ayrault, la conférence des présidents est le lieu où nous pouvons nous exprimer sur ces sujets.

Je vous ferai enfin remarquer que, depuis maintenant une heure, l’opposition s’exprime dans la plus totale sérénité, et je souhaite que nous puissions continuer ainsi.

Je vais donner maintenant la parole à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je demanderai ensuite l’avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements identiques et je procéderai, enfin, à la vérification du quorum.

Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Ayrault, on peut tout entendre, mais pas des arguments contradictoires.

Vous avez commencé votre propos en disant que vous souhaitiez ce débat, un débat organisé et ouvert au dialogue, afin de faire bouger les lignes.

M. Jean Mallot. Oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Hier, quelles que soient les circonstances, la plupart des orateurs ont reconnu que les amendements de la commission, acceptés par le Gouvernement, relatifs aux études d’impact représentaient une avancée. Cela a été souligné en commission des lois, comme dans l’hémicycle.

M. René Dosière. C’est vrai !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. L’article 1er a, par exemple, été réécrit grâce à des amendements parlementaires qui ont reçu l’accord du Gouvernement. Cela signifie qu’en réalité, sur bien des sujets, le Gouvernement n’est pas fermé à l’évolution du texte.

M. Laurent Fabius. C’est faux !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. L’article 7 a également été modifié.

Mme Sandrine Mazetier. Mais c’est le Gouvernement qui a décidé d’appliquer l’article 44-2 !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. J’ai eu des entretiens avec nombre d’entre vous. Nous avons convenu que le Gouvernement ne serait pas fermé aux amendements modérés, discutés en commission ou dans l’hémicycle, et pouvant aboutir à une nouvelle rédaction.

M. Bruno Le Roux. Vous n’avez pas bougé !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Mais à un moment, vous avez décidé, par choix politique, que ce ne serait plus le débat, mais le mur d’amendements et la mère des batailles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Vous avez refusé tous nos amendements !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Depuis quatre jours, c’est vous qui avez décidé de faire en sorte que le débat s’éternise au lieu d’approfondir des sujets pour lesquels nous étions prêts à trouver des voies de passage. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous considérez, monsieur Ayrault, qu’une conférence des présidents, convoquée et réunie le jeudi, …

M. Jean Mallot. Convoquée à seize heures trente pour dix-sept heures !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. …qui décide que l’Assemblée siégera en séance publique le samedi, c’est un coup de force. Je suis désolé de vous répondre que nous n’y aurions pas été contraints si le débat avait normalement avancé les jours précédents, s’il n’y avait pas eu des dizaines de suspensions de séance, 130 rappels au règlement, et plusieurs demandes de vérification du quorum !

M. Henri Jibrayel. Cela n’a rien à voir !

M. Jean Mallot. On a encore toute la semaine prochaine !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Vous ne pouvez pas, d’un côté, faire de l’obstruction, refuser le débat,…

M. Jean Mallot. Il n’y a pas d’obstruction !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. …bâtir un mur d’amendements, dire que c’est la mère des batailles, et considérer, de l’autre, que le Gouvernement fait un coup de force lorsqu’il décide de poursuivre les débats le samedi afin de disposer de davantage de temps !

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est un coup de force !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. De quel côté le coup de force se situe-t-il ?

Monsieur le président Ayrault, je ne suis pas sûr que les Français comprennent que demander aux députés d’être présents le samedi pour examiner un texte qu’ils considèrent eux-mêmes comme essentiel, est un coup de force ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. Populiste !

M. Jean Mallot. Nous avons demandé à siéger le dimanche pour débattre de la proposition de loi Mallié !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Par ailleurs, le Gouvernement ne décide pas du statut de l’opposition : c’est la Constitution et ce sera le règlement des assemblées. Je suis désolé de vous le dire ! Vous êtes, comme tous les présidents de groupe, le premier à soutenir – et c’est légitime – que le Gouvernement n’a pas, par définition, à s’ingérer dans la rédaction du règlement. Or vous me demandez quasiment de rédiger le règlement ici pour éviter d’avoir à le faire ailleurs. Entendons-nous ! Tantôt le Gouvernement a trop de pouvoirs et est omnipotent, tantôt on lui demande de tout faire ! Je me contente, pour ma part, d’appliquer la règle, c’est-à-dire d’exercer les pouvoirs constitutionnels du Gouvernement.

M. René Dosière. Ce n’est pas le Gouvernement, c’est le Président de la République qui décide de tout !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Votre obsession présidentielle est sympathique, monsieur Dosière, mais elle finit par ne plus avoir de sens.

Le Gouvernement est ouvert au débat et au dialogue.

M. Bruno Le Roux. C’est nouveau !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Tout ce qui est nouveau peut vous plaire, puisque vous êtes un homme de modernité, monsieur Le Roux !

Maintenant, monsieur le président Ayrault, si décider de bloquer les débats en entrant dans un long tunnel et en demandant la vérification du quorum est un signe d’ouverture et de dialogue permettant d’aboutir à des solutions, expliquez-vous ! Nous sommes, quant à nous, je le répète, ouverts au débat. Nous sommes prêts à dialoguer sur le fond et sur la rédaction des articles. Votre attitude à vous est politique et partisane ; vous vous contentez de dire non et de faire de l’obstruction ! Vous avez dit lors de votre intervention que vous étiez prêt à avancer. Alors, avançons, trouvons des solutions et arrêtez les demandes de quorum, de suspension de séance ou de rappel au règlement ! Cela n’a pas de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. M. Ayrault a dit tout et son contraire.

Depuis le début de cette session consacrée à un texte qui ne concerne que les parlementaires – sujet important, je veux bien le croire – vous n’avez pas encore pu susciter, comme vous l’espériez, mes chers collègues, un vaste mouvement de protestation tendant à nous prouver que l’article 4 ou 5 de la loi organique était essentiel pour l’avenir des Français.

M. Bruno Le Roux. Cela les concerne tous !

M. Jean Mallot. L’impact des lois concerne tous les Français !

M. Claude Goasguen. Vous avez pourtant bien essayé de faire un amalgame avec des sujets tels que la réforme du juge d’instruction, la liberté de la presse ou la liberté syndicale….

Le temps en politique et au Parlement est un élément essentiel. Mais ce n’est pas le temps que vous jouez : vous faites de l’obstruction négative.

M. Jean Mallot. Et vous, vous pratiquez l’obstruction positive ?

M. Claude Goasguen. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez : la nature des amendements que vous avez déposés hier était quelquefois cocasse et parfois infamante pour le législateur ! Comment peut-on proposer, par un amendement à l’article 5, une tête de chapitre demandant au Gouvernement de réfléchir avant de parler ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. C’est pourtant un bon conseil !

M. Claude Goasguen. Vous, vous croyez dans un film de Walt Disney ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. M. Goasguen aurait mieux fait de réfléchir avant de parler !

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir le laisser s’exprimer !

M. Claude Goasguen. Vous réclamez un débat sérieux. Or vous avez fait le choix de l’obstruction ! Nous aurions pu nous attendre à ce qu’un président de groupe, qui a une telle expérience, fasse preuve d’un peu plus de hauteur et ait un peu plus de vision a posteriori ! Pas du tout ! À la différence de certains de vos collègues qui, hier soir, étaient peut-être venus pour discuter de l’article 7, non seulement vous ne prônez pas la modération et la réflexion, mais vous jetez de l’huile sur le feu !

M. Jean Mallot. C’est exactement le comportement de Copé !

M. Claude Goasguen. Très franchement, monsieur Ayrault, lorsqu’un président de groupe arrive ainsi en séance pour dire à ses partenaires de ne surtout pas lâcher, si cela ne s’appelle pas de l’obstruction, qu’est-ce que c’est ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous voulez faire la mère des batailles. Où est Arnaud Montebourg, qui voulait passer tout le week-end avec nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Où est Copé ?

Mme la présidente. Laissez M. Goasguen s’exprimer !

M. Claude Goasguen. Je croyais que vous seriez présents en masse, les armes à la main, M. Montebourg en tête, pour livrer la mère des batailles ! Mais vous n’êtes qu’une poignée à vous agiter et à présenter des amendements idiots, stupides et caricaturaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous voulez la mère des batailles, nous vous écouterons avec patience !

M. Jean-Marc Ayrault. Calmez-vous, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Si vous saviez comme je suis serein quand je vous regarde !

M. Jean-Marc Ayrault. Cela se voit !

M. Claude Goasguen. Vous n’étiez pas là hier et vous n’avez pas vu certains de vos collègues agresser la présidence du bas de l’hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Cela étant, l’Assemblée nationale dispose d’un règlement, et je vous demande, madame la présidente, au nom du groupe UMP, de faire une application stricte du règlement, une application conforme à la tradition de l’Assemblée nationale, et de ne pas vous laisser impressionner par toutes les manœuvres d’intimidation, comme on l’a constaté hier !

M. Jean Mallot. C’est une injonction à la présidence !

M. Bruno Le Roux. Une mise en cause directe !

M. René Dosière. Alors que Mme la présidente préside très bien !

M. Claude Goasguen. Il y a eu en effet, hier, des comportements au sein de votre groupe qui étaient de l’intimidation réelle ! En bas de la tribune, nous avons vu des députés essayer d’empêcher le président de descendre du perchoir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Un député socialiste a menacé physiquement le président de la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et vous appelez cela un travail sérieux ? Voulez-vous que je cite des noms, monsieur Ayrault ? M. Valls a menacé, hier, le président de séance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Goasguen. Comme tous les présidents de séance, j’ai pour règle de respecter scrupuleusement le règlement, et j’ai bien l’intention de continuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Laurent Fabius.

M. Laurent Fabius. La sagesse populaire a déjà répondu avec calme à M. Goasguen : tout ce qui est excessif est insignifiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je voudrais d’abord présenter mes excuses aux habitants de ma circonscription. Nous sommes en période de vœux, et j’imagine qu’un grand nombre d’entre vous avaient pris des engagements. Je devais moi-même me rendre dans quatre communes, qui méritent de figurer au Journal officiel, la jolie commune de La Londe, que certains d’entre vous connaissent peut-être, la commune de Val-de-la-Haye, la commune de La Bouille et la commune de Moulineaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je parle pour nous tous, mes chers collègues.

Maintenant, puisque vous le réclamez, je vais élever le débat.

Hier soir, même s’il n’y a pas lieu de mettre en cause tel ou tel, la séance s’est mal passée, tout simplement parce que le règlement n’a pas été respecté et qu’il y a eu des manipulations lors des votes du côté droit de l’Assemblée.

Mme la présidente. C’est une affirmation extrêmement grave.

M. Laurent Fabius. Oui, et assumée !

Mme la présidente. La conférence des présidents,…

M. Laurent Fabius. Elle en sera saisie !

Mme la présidente. …avec M. Ayrault, j’imagine, ne manquera pas d’examiner ce point, mais je ne vous laisserai pas affirmer ainsi publiquement qu’il y a des manipulations sur les votes dans notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Fabius. Madame la présidente, je le dis avec tout le respect que je dois à votre fonction, vous n’étiez pas là hier soir, mais il y a tout de même un mystère dont sera saisie la conférence des présidents. Lors d’un vote, et le film de l’Assemblée en fera foi, alors qu’il y avait vingt-sept députés présents du côté droit de l’hémicycle et que chaque député peut avoir une seule délégation de vote, il y a eu plus de cinquante-huit voix à droite au lieu de cinquante-quatre. C’est un mystère que je ne peux pas expliquer.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est scandaleux d’entendre ça !

M. Sébastien Huyghe Hier, vous étiez onze et il y a eu vingt-quatre votants !

M. Laurent Fabius. J’en viens au fond.

Dans l’opinion, le Gouvernement – encore il y a un instant par la voix de M. Karoutchi – et différents orateurs essaient d’accréditer l’idée, totalement fausse, que plus l’Assemblée nationale ou le Sénat légifère rapidement, plus les lois sont efficaces et que tout dépôt d’amendement, tout débat un peu long est de l’obstruction.

Cela peut avoir du succès dans l’opinion, c’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle vous développez cette thèse, mais toute l’histoire parlementaire dit le contraire. Les grandes lois de l’histoire, la loi sur les associations, la loi sur la presse, on a mis non pas des semaines mais des mois et même des années pour les examiner et les voter, parce que, M. Karoutchi y faisait allusion, le temps est un élément constitutif de la démocratie.

Or l’essentiel du projet de loi, contenu dans l’article 13, c’est que l’Assemblée nationale n’aura plus que quelques jours pour se prononcer et que tout ce qui ira contre sera présenté comme une obstruction.

C’est une conception de l’Assemblée nationale tout à fait contraire à nos institutions. Comme l’a souligné M. Gaubert, nous ne sommes pas là pour appliquer, le petit doigt sur la couture du pantalon, telle ou telle idée de M. le Président de la République, nous sommes là, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition, pour légiférer, avec des droits. Le Parlement, c’est le lieu de la parole. Nous devons nous exprimer calmement, mais nous avons le droit de nous exprimer.

Selon M. Karoutchi, si j’ai bien compris, nous aurions eu hier une attitude négative.

M. Claude Goasguen. Violente !

M. Laurent Fabius. Laissons de côté, parce que c’est une caricature, les accusations sur telle ou telle mise en cause physique, mais il y a une question sur laquelle vous auriez pu aller dans le bon sens, c’est celle des évaluations.

Nous avons eu un débat intéressant sur ce point. M. Warsmann a proposé qu’il y ait des évaluations plus fréquentes, plus poussées sur les textes, c’est très bien. Mais plusieurs d’entre nous ont fait remarquer que M. Juppé avait pris des circulaires en ce sens et que cela n’avait eu aucune incidence. Nous voulons simplement ajouter une phrase pour préciser que, si ces conditions ne sont pas réunies, on ne peut pas examiner le texte en question. C’est simple, c’est clair, c’est le moyen de rendre nos textes applicables. Vous refusez, ce qui signifie bien que le but de tout cet exercice, c’est à la fois de faire taire le Parlement, et en particulier l’opposition, et de nous accuser d’obstruction alors que vous faites de l’antiparlementarisme. C’est du mauvais travail et nous ne pouvons pas l’accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est caricatural !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais dire à quel point je suis choquée de la façon dont se déroulent les débats sur un texte aussi important qui, contrairement à ce que vient de dire M. Goasguen, ne concerne pas seulement les parlementaires mais aussi la République et la démocratie.

Je comprends, madame la présidente, que vous ne souhaitiez pas porter une appréciation sur vos collègues présidents, ce n’est pas votre rôle, mais les parlementaires que nous sommes doivent pouvoir le faire.

Je n’étais pas là hier pour la séance de nuit mais, d’après ce qui m’a été rapporté, ce qui s’est passé est grave. Le président a appliqué un règlement à géométrie variable, sur mesure, et ce n’est pas la tradition ici. Je ne peux que dire que c’est grave et préoccupant, d’autant que le climat était déjà extrêmement tendu hier après-midi quand j’ai quitté l’hémicycle.

Le texte dont nous débattons, texte fondamental, porte atteinte à la démocratie et au droit d’expression de tous dans cet hémicycle. Je fais d’ailleurs remarquer à mes collègues de la majorité actuelle que ces dispositions risquent de se retourner contre eux…

M. Henri Nayrou. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. …le jour où ils seront dans la minorité, ce qui peut arriver. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous devrions légiférer pour que le Parlement puisse travailler normalement, constitue un lieu de débat et de réflexion par rapport aux décisions du Président de la République et de son gouvernement. C’est le rôle du Parlement de faire les lois et de contrôler le fonctionnement de l’exécutif.

Aujourd’hui, force est de constater que nous travaillons beaucoup sur injonction du Président de la République, que les textes se succèdent à toute allure, souvent en fonction de faits divers ou même, j’oserai le dire, des décharges d’adrénaline dont le Président lui-même est victime.

L’orientation générale de tous ces textes, c’est la centralisation des pouvoirs. Je ne vais pas les énumérer mais, qu’il s’agisse de la loi sur le logement, de la loi sur l’hôpital ou de la loi sur l’audiovisuel, ils consacrent un autoritarisme et une centralisation extrêmement dangereux pour notre démocratie.

C’est une conception qui glisse vers une atteinte à la démocratie, qui est pourtant un fleuron dans notre pays. Cela inquiète beaucoup les parlementaires de l’opposition, mais aussi un certain nombre de ceux de la majorité, et cela inquiète surtout nos concitoyens. Ce qui s’est passé pour la psychiatrie, par exemple, a soulevé dans le milieu médical, toutes sensibilités politiques confondues, une indignation profondément légitime de professionnels de qualité, qui sont confrontés à des pathologies difficiles et que le Président de la République a traités de manière extrêmement méprisante.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Voilà les raisons pour lesquelles ce débat ne se passe pas bien. Je vous demande de prendre en considération nos soucis et de veiller à ce que nous puissions les exprimer, certes dans le respect mutuel mais totalement et à tout moment. C’est le rôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Nous en revenons aux amendements n°s 3619 à 3640.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais d’abord dire combien l’article 7 de ce projet de loi organique que nous avons voté hier est un progrès considérable, sinon historique, pour la manière de voter des lois dans notre pays.

Nous avons beaucoup travaillé sur cet article, et je remercie le Gouvernement de l’avoir proposé. Nous l’avons, je crois, beaucoup amélioré. Désormais, tout gouvernement qui proposera un nouveau projet de loi devra par écrit démontrer son utilité, en préciser le coût et transmettre ces éléments aux parlementaires.

Tout gouvernement, quel qu’il soit, devra d’abord, s’il a l’intention de modifier une législation, faire le point sur l’état de la législation française et européenne, parce que nous ne voulons plus partir dans une direction alors que l’Union européenne partirait dans une autre. Nous voulons avoir à chaque fois bien conscience de là où nous allons et de là où va l’Union européenne.

Il devra ensuite nous expliquer où en sont les décrets d’application, parce que nous ne souhaitons pas modifier une législation alors même que les décrets d’application ne sont pas encore pris.

Nous souhaitons aussi que tout futur gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, nous démontre quel a été son raisonnement. Le gouvernement a un objectif, il a plusieurs moyens pour l’atteindre. Il peut conclure des accords avec les collectivités locales ou avec les associations, négocier un accord avec une branche professionnelle ou faire voter une nouvelle loi. Nous souhaitons qu’il se demande, avant de proposer un nouveau projet, s’il n’y a pas d’autre solution pour atteindre les mêmes objectifs, une solution qui coûte moins cher et soit plus efficace.

Enfin, il devra mettre sur le papier l’étude des coûts ou des bénéfices de la législation, à la fois pour les administrations publiques : État, collectivités locales ou sécurité sociale, et pour les différents acteurs privés, et nous avons pensé notamment aux petites et moyennes entreprises. Je suis en effet convaincu que, si nous voulons que notre économie reparte, nous devons alléger toutes les obligations qui pèsent sur notre tissu de PME.

Voilà l’amendement que nous avons voté. Je remercie la majorité de l’avoir voté, je donne acte à l’opposition qu’elle s’est simplement abstenue. C’est un progrès, une révolution positive, considérable, attendue depuis des décennies dans notre pays. Ce n’est pas un problème de droite et de gauche. On peut jouer comme dans une cour d’école maternelle, mais nous légiférons pour l’avenir, et notre intérêt, c’est d’avoir les meilleures lois pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Quelles sont les sanctions ? C’est aussi une nouveauté. Le 23 juillet dernier, ceux qui ont voté la révision de la Constitution ont prévu une sanction qui n’existait absolument pas. Si, à l’avenir, un gouvernement arrive comme Fanfan la tulipe avec un projet de loi et une étude d’impact en une ou deux pages, visiblement bâclée, la conférence des présidents pourra refuser l’inscription du projet de loi à l’ordre du jour. Il n’y a pas d’autre cas dans la vie de la Ve République où le Parlement puisse dire au gouvernement de refaire sa copie.

Le président Fabius voudrait que n’importe quel président de groupe puisse exprimer ce refus. Cela me paraît totalement excessif. Nous ne voulons pas un système de blocage partisan par un président de groupe, nous voulons simplement qu’il y ait une discussion en conférence des présidents, et le jour où le gouvernement faute, on le renvoie à ses responsabilités.

Je ne prétends pas que le dispositif soit parfait mais je suis sûr d’une chose, c’est que c’est une révolution que nous attendions depuis des décennies dans notre pays.

Ce matin, nous sommes réunis pour examiner treize séries de vingt-deux amendements identiques à la virgule près.

M. Jean Mallot. Ne perdons donc pas de temps et avançons !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement est un droit pour chaque député, mais on peut s’étonner de ce que, alors que d’habitude une idée est débattue par le biais d’un amendement, l’opposition dépose ses amendements par séries de vingt-deux dans le but de répéter vingt-deux fois ses arguments avant que nous passions au vote. C’est comme si quelqu’un répétait vingt-deux fois la même question pour obtenir une réponse. Nous avons très respectueusement et très consciencieusement écouté répéter les mêmes choses.

M. François Brottes. Et vous ne répondez même pas !

M. Dino Cinieri. C’est de l’obstruction !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avec la présente série, il s’agit de créer une procédure d’évaluation renforcée. Mes chers collègues, la commission est contre, car c’est totalement incohérent avec le vote à l’unanimité acquis en commission des lois sur l’article 7. Le Gouvernement avait écrit dans son projet initial que la teneur de l’évaluation – de l’étude d’impact – serait fonction de l’ampleur de la réforme proposée.

M. Christian Eckert. Que veut dire le mot « ampleur » ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce qui sous-entendait qu’il y aurait des études d’impact sommaires et d’autres renforcées. Nous avons à l’unanimité supprimé en commission des lois cette disposition, parce que la définition du mot « ampleur » nous semblait vague et que nous ne voulions pas non plus accepter l’idée d’études d’impact à deux vitesses.

Le présent amendement déposé vingt-deux fois à l’identique nous propose de créer des études d’impact renforcées, ce qui sous-entend à nouveau qu’il y aurait des études d’impact minorées. Nous ne voulons pas entrer dans cette logique.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Une étude d’impact est un tout, devant répondre à un ensemble de questions ; il n’y a pas des études d’impact de première division et d’autres de seconde division. L’amendement, qui a été conçu avant le vote de la commission, n’a pas de sens, et c’est la raison pour laquelle nous y sommes opposés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Chers collègues, je vous ai écoutés avec un grand calme. La démocratie, c’est d’abord l’écoute mutuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cet amendement prévoit également une période d’enquête publique. Lorsque le Gouvernement envisage d’écrire un nouveau projet de loi, il réalise une étude, rédige son projet et le transmet au Conseil d’État, conseil du Gouvernement. Il faudrait donc que l’enquête ait lieu entre le jour où le projet sort du Conseil d’État et le jour où se tient le Conseil des ministres. Mes chers collègues, ce n’est pas réaliste, parce qu’il arrive souvent – et l’histoire a montré que c’était le cas pour des gouvernements de droite comme de gauche – que l’on ne puisse pas se permettre d’attendre l’arme au pied pendant plusieurs semaines.

En outre, autant je suis très favorable à ce que l’étude d’impact soit mise en ligne pour pouvoir être consultée par tous nos concitoyens, autant je souhaite que cela fasse partie du travail parlementaire. Nous pouvons nous répartir les rôles ainsi : le Gouvernement approfondit la loi, et nous la retravaillons en nous servant des remontées du terrain et du site Internet.

Vous voyez, mes chers collègues, que nous sommes en train de révolutionner la manière de voter les lois, en mettant en place les systèmes qui nous permettront d’associer très largement nos concitoyens.

Enfin, me tournant vers le groupe socialiste,…

M. Jean Mallot. Les députés socialistes ont enfin un visage pour le rapporteur !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …je voudrais dire que nous avons engagé la discussion des articles il y a près de vingt-neuf heures.

M. Jean Mallot. Ce n’est rien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La qualité du travail d’un Parlement ne se mesure ni au nombre de rappels au règlement ni au nombre de suspensions de séance. En vingt-huit heures, nous avons eu vingt-sept suspensions de séance et plus de 110 rappels au règlement : plus de 130 fois l’opposition a ainsi souhaité bloqué ou ralentir les débats.

M. Dino Cinieri. C’est scandaleux !

M. Jean Mallot. Il y a eu des rappels au règlement de l’UMP !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je viens d’essayer de vous dire, avec le maximum de précision et de conviction, ce que pensait la commission de cet amendement.

M. Christian Jacob. C’est autre chose qu’Ayrault et Fabius !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président Ayrault, vous savez très bien que votre demande de vérification du quorum a pour seul objectif de bloquer pendant une heure les débats de l’Assemblée,…

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …parce que nous devrons tous quitter l’hémicycle et revenir une heure après. Cette demande n’a aucun intérêt sur le fond ; elle ne vise qu’à suspendre nos débats.

Je présume toujours la bonne foi des gens. Vous nous avez expliqué que vous ne souhaitiez pas faire d’obstruction et que vous vouliez approfondir le texte. L’un d’entre vous a même rappelé que vous n’aviez pas voté contre l’article 7, vous abstenant. Monsieur le président Ayrault, je vous demande d’illustrer votre volonté de ne pas faire d’obstruction en retirant votre demande de quorum, pour permettre à l’Assemblée de poursuivre son travail et de voter sur cette série d’amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Demande de vérification du quorum

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le rapporteur, j’ai exposé les raisons pour lesquelles il me paraît nécessaire de vérifier le quorum.

M. Christian Jacob. Demander la vérification du quorum est la seule intervention que vous êtes capable de faire sans papier !

M. Jean-Marc Ayrault. D’abord, si la majorité était si mobilisée sur le sujet, ce ne seraient pas seulement trente députés de l’UMP qui seraient présents. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On a vu le rapporteur passer un temps fou à essayer de convaincre une partie de la majorité, en ne s’adressant à l’opposition qu’à la fin de son propos, pour nous mettre en cause.

Madame la présidente, je ne retire pas ma demande de quorum.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est triste !

M. Jean-Marc Ayrault. Il y a aussi la question des délais d’arrivée des députés de province. M. Brottes a mis quatre heures pour venir de l’Isère. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il faut avoir un peu de respect pour les députés qui viennent de loin.

M. Jean-Claude Lenoir. Et nous ?

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président de la commission des lois, vous recourez une fois de plus, parce que vous n’en avez pas d’autres, à l’argument de l’obstruction.

Au Sénat vient de s’achever la lecture unique de la loi sur l’audiovisuel. S’il n’y avait pas eu ce que vous appelez l’obstruction, s’il n’y avait pas eu les amendements de l’opposition à l’Assemblée nationale, le débat sur l’audiovisuel n’aurait pas intéressé l’opinion publique. Si cela a été possible, c’est parce que nous y avons consacré un certain nombre d’heures. Or combien d’heures avons-nous passées sur ce projet de loi qui pose la question grave du respect du pluralisme et de l’indépendance de la télévision ? Combien d’heures y avons-nous consacrées, nous permettant de démontrer que le Président de la République entendait nommer de façon discrétionnaire le président de la télévision et de la radio publiques, qu’au-delà de la question de la publicité à la télévision publique, un cadeau était fait à TF1 et à M6 par des plages de publicité supplémentaires, que le financement de l’audiovisuel public n’était pas garanti dans la durée ? Nous sommes des députés de la nation et nous recevons des indemnités parlementaires, dont les Français disent parfois qu’elle sont trop élevées ; eh bien, nous n’avons passé que 77 heures sur ce débat. N’est-il pas normal que nous accomplissions ce travail au service des Françaises et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous voulez nous empêcher, demain, de le faire ! Vous avez dit très clairement que, si votre réforme s’applique, cela signifie que, sur une question aussi importante que la nomination par le Président de la République du président de France Télévisions, ce n’est pas plusieurs heures que nous pourrons passer pour que le débat ait lieu non seulement ici mais dans le pays, c’est un quart d’heure ou vingt minutes à peine. Vous venez d’en faire la démonstration.

Nous combattons pour le droit à la parole, le droit au débat, pour le maintien de la capacité à éclairer les Français sur la politique du Gouvernement. Si vous défendez vos convictions, nous avons le devoir de défendre aussi les nôtres, ce qui est une façon également de défendre les citoyens, c’est-à-dire le peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Le vote sur les amendements en discussion est donc renvoyé et aura lieu dans une heure, c’est-à-dire vers midi dix.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à douze heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mes chers collègues, avant la suspension de séance, le vote sur les amendements n°s 3619 à 3640 après l’article 7 a été reporté en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Alors, on vote quand ?

M. Jean Mallot. Nous avons cinq minutes pour regagner nos places !

……………………………………………………………..

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 3619 à 3640.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(Les amendements n°s 3619 à 3640 ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Brottes, l’article 58 ne constitue pas le fondement d’un rappel au règlement. Il vous permet de dire que vous voulez faire un rappel au règlement mais, ensuite, vous devez me préciser sur quel article vous fondez votre rappel. Vous n’allez pas manquer de le faire, j’en suis sûre.

Veuillez poursuivre.

M. François Brottes. Craignant que nos débats ne s’accélèrent (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),…

M. Céleste Lett. Quel aveu !

M. François Brottes. …je souhaiterais, à ce moment de la discussion, que M. le rapporteur nous précise un point d’importance concernant les travaux d’évaluation préalable. Il s’agit d’un point que nous avons rarement évoqué au cours de nos débats, sans doute parce que si le temps des questions est long, celui des réponses est beaucoup plus court.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. François Brottes. Il ne serait pas convenable que nous n’abordions pas la question de la transposition des directives européennes.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Quoi ?

M. François Brottes. En effet, notre Parlement est de plus en plus amené à transposer des directives européennes, notamment celles qui sont étudiées par la commission des affaires économiques, dans laquelle je siège aux côtés d’un certain nombre de mes collègues. Je rappelle qu’il est des sommets européens, tel celui de Barcelone, où sont décidées des études d’impact, autrement dit des travaux d’évaluation préalable de l’évolution d’une directive européenne. En général, les directives évoluent au fil des années, et chaque modification fait l’objet d’une transposition dans notre droit positif. Il est des sujets tels que celui de la poste, du courrier ou de l’énergie, où des études d’impact, donc d’évaluation, ont été demandées par les États, mais la Commission n’a pas pris soin de les exécuter. Elle a tout de même adopté de nouvelles directives qu’elle a enjoint aux Parlements nationaux de transposer.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, et M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. François Brottes. Nous nous sommes abstenus sur l’article 7, considérant que l’évaluation préalable est une question majeure qui doit recevoir un début d’application, mais, monsieur le rapporteur, j’ai une question importante à vous poser : si l’étude d’impact de l’évolution d’une directive n’est pas réalisée au niveau de la Commission européenne, le Parlement français aura-t-il le droit de ne pas la transposer  ? Ma lecture de l’article 7, c’est que l’absence d’étude d’impact, de travaux d’évaluation préalable, nous donnerait le droit de ne pas transposer dans notre droit la directive en question. Il est très important, à ce stade de nos travaux, qu’une précision soit apportée sur ce point parce que le Parlement français, comme tous les Parlements européens, est de plus en plus amené à siéger pour transposer les directives communautaires.

Je vous remercie, madame présidente, d’avoir accepté de me donner la parole, sur le fondement d’un règlement que vous connaissez bien mieux que moi. (Sourires.)

Mme la présidente. Nous ne nous étendrons pas sur le fondement de votre rappel au règlement, monsieur Brottes.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande également la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement se fonde sur les mêmes bases que celui de François Brottes. Mon collègue a posé une question au rapporteur, et il attend une réponse. On va faire la liste des questions restées sans réponse. Vous verrez, elle est impressionnante ! Si, lorsque nous posons des questions, il n’y a jamais de réponses, ce n’est pas un vrai débat. Tout à l’heure, j’ai posé une question, M. le secrétaire d’État m’a répondu,...

M. Jean Mallot. C’est bien ! Il a répondu !

M. Jean-Marc Ayrault. …et je l’en remercie ; ensuite, le rapporteur est intervenu. Mais notre nouvelle question est restée sans réponse. Je sais bien, monsieur le rapporteur, que vous êtes occupé. Vous n’avez peut-être pas entendu M. Brottes, qui pourrait éventuellement réitérer sa question. En tout cas, il est important que vous y répondiez avant que M. Urvoas ne défende l’amendement suivant.

Mme la présidente. Monsieur Ayrault, comme vous le savez, le rapporteur est libre de répondre quand il le souhaite.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-deux amendements identiques, nos 3354 à 3375.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 3354.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’utilité de l’amendement que je m’apprête à défendre est justifiée par le comportement qu’a eu à l’instant le rapporteur.

M. Jean-Marc Ayrault. Il n’écoute pas !

M. Jean-Jacques Urvoas. Il nous a dit, avant la suspension de séance, que nous multipliions les amendements, tous identiques (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), et que nous nous livrerions donc à une manœuvre dilatoire destinée à empêcher le Parlement de travailler.

D’abord, nous en sommes aux articles additionnels après l’article 7 de ce projet de loi que nous combattons et qui comporte quatorze articles. Nous sommes à la moitié du texte, donc nous avançons. Ensuite, nous nous sommes beaucoup inspirés des méthodes employées par Jean-Luc Warsmann à l’époque où il était dans l’opposition. Nous travaillons en nous formant auprès des meilleurs maîtres. Enfin, si nous répétons nos arguments,…

M. Claude Goasguen. On peut le dire !

M. Jean-Jacques Urvoas.…c’est tout simplement parce que nous n’obtenons pas de réponses à nos questions. La pédagogie étant basée sur la répétition, nous allons réitérer nos interrogations de façon à nourrir notre réflexion.

Quel est le cœur de l’amendement n° 3354 ? Il concerne les études d’impact. L’article essentiel en la matière a été voté hier soir dans des conditions déplorables sur lesquelles je ne reviens pas. Maintenant, nous vous proposons de prévoir des enquêtes préalables sur certains projets de loi – non pas une évaluation, mais de la concertation avant que le Parlement ne soit saisi du texte. Pour faire une bonne loi, il est d’important d’avoir mûri la réflexion.

M. Gérard Gaudron. On peut faire un sondage aussi !

M. Jean-Jacques Urvoas. Prenons le texte dont nous discutons et regardons les conditions dans lesquelles le Parlement en a été saisi. Le Conseil des ministres l’a adopté le 17 décembre. Le Parlement l’a découvert le lendemain. Compte tenu des conditions dans lesquelles nous avions travaillé pendant tout l’automne et l’hiver, nous étions contraints de nous arrêter le 22 décembre : souffrez que nous ayons besoin d’un peu de repos de temps en temps. Le Parlement a repris ses travaux le 5 janvier ; le 6 janvier, nous avions le plaisir d’auditionner le secrétaire d’État Roger Karoutchi dans d’excellentes conditions : je lui donne crédit d’avoir été à la disposition du Parlement. Le lendemain, le texte était examiné en commission des lois : quatre heures de travail pendant lesquelles les socialistes, constructifs, ont déposé soixante-huit amendements.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas beaucoup !

M. Jean-Jacques Urvoas. Enfin, le projet de loi arrive en séance une semaine plus tard. Il s’est écoulé un mois entre l’adoption en conseil des ministres et l’examen en séance à l’Assemblée nationale. Un mois pour un texte qui vise à compléter la Constitution !

M. Jean Mallot. Si ce n’est pas de la précipitation !

M. Jean-Jacques Urvoas. Trouvez-vous qu’il s’agisse là de conditions raisonnables ? Pour la révision constitutionnelle du mois de juillet, nous avions très légitimement procédé à de nombreuses auditions : celle du comité Balladur qui avait inspiré la révision, mais aussi celle d’universitaires dont la fonction est de nous éclairer parce qu’ils connaissent parfois mieux que nous certains aspects.

Pour ce projet de loi, pas d’auditions mais un examen rapide en séance, à pas forcés, parce que l’ambition du Gouvernement est la même : faire en sorte que le texte soit rapidement adopté pour en masquer les dimensions pernicieuses : limitation de la liberté et du temps de parole pour les parlementaires, restriction du droit d’amendement et donc de la capacité d’enrichir la loi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous propose de voter cet amendement, même s’il comporte un manque que j’ai évoqué en commission des lois : la possibilité de demander au Conseil constitutionnel, six mois après la promulgation d’une loi, d’effectuer un toilettage des mesures adoptées, car une grande partie de nos lois sont percluses de documents qui relèvent de l’ordre réglementaire, c’est-à-dire de l’article 37 et non de l’article 34 de la Constitution.

Le rapporteur partage notre point de vue, mais il nous a expliqué qu’il n’avait pas trouvé l’accroche juridique pour introduire cette mesure dans le texte. Pourtant, si le Conseil constitutionnel pouvait faire ce toilettage six mois après la promulgation d’une loi, le secrétariat général du Gouvernement aurait plus de poids pour appeler les ministres à se limiter en matière législative.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour défendre l’amendement n° 3356.

M. Bruno Le Roux. Tout à l’heure, j’ai cité la sécurité comme exemple concret de ce qu’apporterait cette obligation d’évaluation renforcée. Je voudrais en donner un autre : le découpage des circonscriptions. La semaine dernière, le Gouvernement a été censuré sur sa première loi organique…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Oh, censuré…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Bruno Le Roux.… dont le projet a été discuté en urgence à l’Assemblée nationale, sans avoir fait l’objet de la moindre consultation démocratique. Pourtant, on peut penser que sur un tel sujet il eût été nécessaire d’ouvrir une large concertation démocratique dans le champ des partis politiques.

Le texte parvenu à l’Assemblée souffre d’un vice puisqu’il s’appuie sur une méthode remise en cause par les chiffres de recensement publiés le 31 décembre dernier, et qui font état d’une poussée démographique dans notre pays. Compte tenu du nombre de députés, limité à 577 par la Constitution, et de la création de postes pour représenter les Français qui vivent à l’étranger, le nombre des députés représentant le territoire métropolitain et l’outre-mer va diminuer.

Nous avons fait la démonstration, reprise par le Conseil constitutionnel, que la méthode du Gouvernement était porteuse, compte tenu des contraintes que je viens d’évoquer, d’une très grande distorsion démographique entre les circonscriptions.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Bruno Le Roux. C’est ainsi que certains départements comme le Nord, le Pas-de-Calais ou la Seine Maritime vont voir le nombre de leurs parlementaires diminuer, alors que leur population a augmenté.

Avec un travail d’évaluation préalable, nous aurions pu éviter ces difficultés, comme le montre l’exemple suivant : selon la méthode du Gouvernement, un département de 126 000 habitants va être doté de deux députés, représentant chacun 63 000 habitants ; un département de 374 000 habitants va avoir trois députés représentant 124 500 habitants. Le nombre d’habitants représentés par un député va donc varier du simple au double,...

M. Georges Mothron. C’est déjà le cas aujourd’hui !

M. Bruno Le Roux.…alors qu’on nous demande actuellement, tout en respectant les contraintes résultant de la Constitution, de réduire les inégalités de nos concitoyens devant le suffrage.

Voilà un exemple concret qui vient étayer notre amendement. Alors que, nous le constatons, la méthode utilisée pour le découpage électoral a été définie selon des critères partisans et ne vise pas à améliorer l’égalité devant le suffrage, voilà typiquement un sujet dont le traitement aurait bénéficié d’évaluations préalables. Celles-ci auraient permis de définir, dans le cadre fixé par la Constitution, une méthode permettant de mieux assurer le droit de suffrage de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 3357.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à améliorer la qualité de notre travail législatif, c’est-à-dire à faire en sorte que la loi réponde rapidement à son objet avec des solutions adaptées aux besoins et aux capacités du pays. Le III de notre amendement propose d’ouvrir les investigations de l’assemblée, dans le cadre d’une procédure de consultation, à certains interlocuteurs susceptibles d’éclairer son appréciation, et donc de corriger des erreurs potententielles.

Prenons l’exemple de la loi sur le droit opposable au logement. Elle a été élaborée dans des conditions qui ont produit des effets opposés à son objet. Il s’agissait de rendre enfin effective et concrète l’opposabilité d’un droit reconnu, à valeur constitutionnelle. Nous avions adhéré à la déclaration solennelle visant à reconnaître le logement comme un droit qui doit être satisfait. Mais si ce droit est créé sans changer les budgets et les procédures, et sans construire de logements supplémentaires, l’application de la loi ne peut pas être satisfaisante. Certains estiment même que la situation est pire qu’avant le vote de la loi, y compris dans les collectivités qui construisent des logements mais qui sont submergées de problèmes impossibles à résoudre.

Quel est l’objet du III de cet amendement ? Il s’agit d’organiser la consultation. Si l’on avait questionné le Conseil économique et social et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées – et leurs rapports respectifs –, la loi DALO n’aurait pas été rédigée dans les mêmes termes. Au cours des débats, lorsque nous avons évoqué les travaux du CES et du HCLPD, il n’en a pas été tenu compte.

C’est pourquoi les consultations obligatoires prévues par le III pourraient améliorer la qualité du travail législatif, lequel répondrait mieux à l’intention du législateur, parfois louable mais laminée au bout de deux ans par le caractère inapplicable d’une loi. Notre amendement propose donc de solliciter, avant l’adoption du texte, l’avis d’un certain nombre d’institutions, d’organismes ou d’établissements qui expriment la réalité sociale, économique, politique, financière et territoriale de notre pays. Leur apport permettrait d’améliorer l’œuvre du législateur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 3358.

Mme Delphine Batho. J’invite notre collègue Claude Goasguen à écouter la défense de cet amendement, ce qui lui évitera de reprocher à l’opposition de présenter des amendements idiots.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le même que les précédents, du copier-coller ! Ils sont identiques, pas idiots !

Mme Maryse Joissains-Masini. Ils sont redondants, inutiles !

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise, en les énumérant précisément, à définir les domaines qui doivent faire l’objet d’études d’impact renforcées. Dans cette liste figure notamment l’éducation nationale. Au passage, puisque notre assemblée siège un samedi, je tiens à apporter notre soutien aux manifestations qui se déroulent en ce moment même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Comme nous avions l’intention d’y participer,…

M. Christian Jacob. Sans l’obstruction, vous auriez pu le faire !

Mme Delphine Batho.… je voulais adresser ce signe aux enseignants et aux parents d’élèves qui manifestent.

M. Philippe Cochet. Démago !

Mme Delphine Batho. La sécurité figure aussi parmi les sujets sur lesquels il faut que tous ceux qui sont concernés, comme les associations et les syndicats par exemple, soient consultés. Jean-Yves Le Bouillonnec l’a très bien démontré.

Chers collègues, il est vrai que l’actuelle majorité n’a pas le monopole des textes inapplicables. Sous tous les gouvernements a joué le réflexe : un problème, une loi. Mais l’actuelle majorité, depuis 2002, a systématisé cette méthode, dans des proportions jamais vues.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ne soyez pas sectaire ! Un peu d’humilité !

Mme Delphine Batho. Il n’y a jamais eu autant de lois discutées de façon expéditive, en urgence. Il n’y a jamais eu une telle surproduction législative, bien loin de la coproduction législative. Chez vous, c’est devenu un réflexe pavlovien : un problème, une loi. Prenons l’exemple de la dernière Saint-Sylvestre, marquée par un record historique du nombre de voitures incendiées.

M. Claude Goasguen. Quel rapport avec le projet de loi ?

M. Jean-Pierre Schosteck. Et avec votre amendement ?

Mme Delphine Batho. Au lieu de s’expliquer sur sa politique en matière de sécurité, celle qui nous a conduits à une situation aussi catastrophique, le Président de la République explique qu’il faut changer la loi, inscrire encore une nouvelle disposition dans le code pénal,_…

M. Claude Goasguen. Vous voulez l’empêcher de parler ?

M. Philippe Cochet. Vive le Président de la République !

Mme Delphine Batho.…alors que le code actuel permet de condamner à des peines de prison ferme – une sanction sérieuse – ceux qui incendient des véhicules. Comble du comble, avec notre collègue Jean-Luc Warsmann, nous avons produit un travail de l’Assemblée nationale extrêmement sérieux sur ce sujet des incendies de véhicules.

L’Assemblée nationale, à l’unanimité, a décidé d’indemniser les plus modestes des victimes d’incendies de véhicules. S’agissant des événements du 1er janvier dernier, le Gouvernement, non content de vouloir nous faire légiférer de nouveau, met en cause le texte adopté à l’initiative de Jean-Luc Warsmann, en expliquant, ce qui est scandaleux, que le record historique de voitures brûlées tient à la décision de notre assemblée d’indemniser lesdites victimes. (« En effet, scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le domaine de la sécurité est l’un de ceux qui ont connu la plus importante inflation législative ; l’ordonnance de 1945, par exemple, a été modifiée six fois depuis 2002 !

M. Philippe Cochet. C’est aussi l’un des domaines où il y a le plus de résultats ! (« Et les voitures brûlées ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho. Il en va de même pour la politique d’immigration, dont la législation a été modifiée cinq fois depuis 2002.

Nous souhaitons donc que certains domaines précis fassent l’objet d’une étude d’impact renforcée, comme le permet d’ailleurs, monsieur le rapporteur, le premier alinéa de l’article 7, lequel distingue de tels domaine de ceux où une étude d’impact simple peut suffire : « un ou plusieurs documents », est-il écrit dans cet alinéa ; nous proposons, nous, de mettre en évidence les domaines dans lesquels il faut plusieurs documents et une évaluation renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l’amendement n° 3359.

Mme George Pau-Langevin. Le débat est d’importance, puisqu’il concerne la façon d’élaborer la loi. Nous pouvons, dans le contexte apaisé de ce matin, aller plus au fond des choses qu’hier, où une présidence musclée a empêché une discussion sereine.

Nos amendements visent à instituer, outre l’évaluation simple, une évaluation renforcée. Dans des domaines tels que l’immigration, où l’on remet régulièrement l’ouvrage sur le métier, certains textes peuvent attenter gravement aux libertés individuelles. En septembre 2007, notre assemblée a ainsi été convoquée en session extraordinaire pour discuter, selon la procédure d’urgence, d’un texte qui remaniait une loi de 2006 dont la plupart des décrets d’application n’étaient pas signés. Aujourd’hui encore, Thierry Mariani et moi éprouvons bien des difficultés à évaluer cette loi, car beaucoup de ses dispositions n’ont toujours pas été appliquées. Certains domaines justifient donc que l’on prenne le temps de la réflexion et du débat, ce temps que vous jugez inutile. Nous devrions nous inspirer de la sagesse d’autres peuples. Un proverbe tibétain dit : « Quand deux sages confrontent leurs idées, ils en produisent de meilleures ; le jaune et le rouge mélangés produisent une autre couleur. »

M. François Brottes et M. Jean Mallot. Très bien !

Mme George Pau-Langevin. Voilà formulée la quintessence même de ce que nous devrions faire : loin d’être le bavardage inutile que vous dénoncez, la confrontation des idées améliorerait la loi et ferait progresser la démocratie.

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l’amendement n° 3360.

Mme Marietta Karamanli. L’obligation faite au Gouvernement d’une évaluation renforcée pour des projets de loi fondamentaux permettrait d’éviter des décisions hâtives de sa part, comme c’est le cas aujourd’hui. En tant que nouvelle députée, je suis étonnée, et parfois choquée, du manque de temps pour la concertation et le débat dans notre assemblée. Depuis que l’on a la montre, on n’a plus le temps ! Or, dans notre enceinte, ce n’est pas grâce à la montre que nous prendrons la mesure de la réalité quotidienne.

Je souhaite aussi répondre au Gouvernement sur sa décision de nous faire siéger un samedi. La presse s’est récemment fait l’écho de la reprise d’activité de Mme la garde des sceaux cinq jours après son accouchement.

M. Michel Lezeau. Quel rapport avec l’amendement ?

Mme Marietta Karamanli. On a beaucoup parlé, à cette occasion, du congé maternité des femmes politiques, et l’UMP a mobilisé ses cerveaux sur la question. Dans notre assemblée, très masculine, on ne s’intéresse guère à la garde des enfants. J’ai moi-même une petite fille de vingt mois et trois autres enfants : j’ai donc fait campagne enceinte… (« Mme la présidente aussi ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Bernard Debré. Félicitations !

Mme Marietta Karamanli. …avant de rejoindre l’Assemblée, moins de six semaines après la naissance. (« Aucun rapport avec l’amendement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mes propos ont un lien avec nos débats, mes chers collègues.

La semaine, disais-je, ma plus jeune fille est en crèche. Donc, le samedi matin, j’essaie d’être avec elle, ce qui ne sera pas le cas aujourd’hui, puisque nous avons été convoqués dans la précipitation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme Karamanli terminer. Je lui signale amicalement qu’elle n’est pas la seule à avoir fait campagne enceinte, ni à avoir des enfants en très bas âge. En un mot, bravo à vous et à nous toutes ! Merci de poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marietta Karamanli. Je fais miennes vos félicitations, madame la présidente, mais je ne demande pas que l’on me regarde différemment. Nous sommes tenus de siéger, même le samedi, si la situation l’impose ; c’est normal, c’est notre travail, le président Ayrault l’a fort bien rappelé.

Mais ce qui est anormal, c’est de nous convoquer précipitamment, sans nous laisser le temps d’organiser notre travail, notamment dans notre circonscription, pour assurer notre présence sur ces bancs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En tant que députés, nous devons aussi, hommes et femmes, donner l’exemple et nous occuper de nos familles !

Mme la présidente. Ce n’est pas l’objet de l’amendement, ma chère collègue.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l’amendement n° 3363.

M. Christophe Caresche. Selon M. le rapporteur, nos amendements ne sont pas fondés car ils institueraient des études d’impact à deux vitesses.

Cet argument est contestable : nul ne peut nier que les projets sont de nature et d’importance variables. Certains d’entre eux mériteraient donc une réflexion plus approfondie en amont. On en a cité quelques-uns ; je pense pour ma part à la justice. Ces dernières années, nous avons beaucoup légiféré, et dans de mauvaises conditions. Mon collègue Geoffroy et moi venons ainsi de remettre un rapport d’information sur les peines plancher, sujet sur lequel un temps de concertation avec les professionnels nous aurait épargné, j’en suis intimement convaincu, un texte de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout a fait !

M. Christophe Caresche. On aurait ainsi évité les difficultés d’application que, de la façon la plus neutre possible, nous avons soulignées dans le rapport.

Mme Delphine Batho. Très juste !

M. Christophe Caresche. On se serait aperçu que le dispositif proposé répondait à une intention politique plutôt qu’à un traitement sérieux de la récidive.

Avec la réforme de la procédure pénale, un chantier important nous attend. Ne considérez-vous pas, monsieur le rapporteur, qu’un texte de cette nature justifierait deux mois – puisque tel est le délai que nous proposons – de concertation avec les acteurs et d’enquêtes sur le terrain ? Bref, une étude d’impact renforcée serait parfaitement légitime.

Je regrette que vous ne soyez pas plus ouverts à nos amendements, qui visent à fixer un cadre et à mesurer toutes les conséquences des dispositions que nous votons, donc à améliorer la procédure législative et le travail parlementaire : leur adoption permettrait d’éviter des problèmes, voire des erreurs de la part du Gouvernement, quelle qu’en soit la couleur politique.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

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