Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 26 octobre 2009

Projet de loi de finances Première partie

Séance du lundi 26 octobre 2009

Présidence de M. Maurice Leroy
vice-président

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Projet de loi de finances Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010 (n os 1946, 1967).

Samedi après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n°593, portant article additionnel après l’article 11.

Application de l’article 95 du règlement

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, en application de l’article 95 du règlement de votre assemblée, le Gouvernement, après avoir prévenu M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, demande la réserve de la discussion des amendements portant articles additionnels après l’article 11, de l’article 12 et des amendements portant articles additionnels après l’article 12, afin qu’elle puisse avoir lieu en présence de Mme la ministre de l’économie, retenue par une réunion avec des industriels.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous comprenons fort bien la position du Gouvernement: les amendements que nous nous apprêtions à examiner sont en effet davantage du ressort de Mme Christine Lagarde dont l’absence – et je remercie M. de Raincourt de m’en avoir préalablement informé – est parfaitement justifiée. La réserve étant de droit, nous n’avons nullement l’intention de protester contre cette décision.

Qu’il me soit simplement permis, monsieur le président, de former un double vœu avant que nos débats ne reprennent.

Premièrement, je souhaiterais que la suppression de la prime accordée aux salariés du privé dans les départements d’outre-mer par le biais d’une imputation sur la prime pour l’emploi, sujet sur lequel nous avons terminé notre discussion samedi, fasse l’objet le plus rapidement possible d’une expertise par les services concernés. La paix civile étant rétablie dans ces départements, il ne faudrait que cette disposition puisse être l’occasion de la compromettre.

Deuxièmement, nous allons examiner un sujet délicat sur le plan technique et sensible sur le plan politique, dont le Gouvernement a choisi de faire un emblème de sa politique: le bouclier fiscal. Si nous acceptons que les amendements s’y rapportant soient réservés, nous solliciterons votre indulgence, monsieur le président, afin que le débat puisse se dérouler sans précipitation, dans de bonnes conditions pour les uns et les autres.

M. le président. Monsieur Cahuzac, vous savez pouvoir compter sur la vigilance de la présidence.

M. le président. Nous verrons le moment venu, monsieur de Courson.

La réserve étant de droit, nous en venons à l’article 13.

Article 13

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n os 108, 191, 367.

Les deux premiers sont défendus.

La parole est à M. Michel Sapin, pour soutenir l’amendement n°367.

M. Michel Sapin. Il n’aura échappé à aucun d’entre nous, et certainement pas à vous, monsieur le président, qui présidez un conseil général, que l’évolution de la dotation globale de fonctionnement n’est pas un sujet mineur pour les finances de nos collectivités locales.

Pour la première fois dans l’histoire de cette dotation, le Gouvernement propose un taux d’évolution qui n’est ni légèrement supérieur ni même égal au taux prévisionnel de l’inflation, mais moitié moindre. Ce choix est particulièrement préoccupant pour l’ensemble des collectivités locales car la fixation de l’évolution de la DGF à un niveau ridiculement bas vient s’ajouter à de nombreuses autres décisions, comme la réforme de la taxe professionnelle, dont les effets cumulés placent nos collectivités dans une très grave situation.

Voilà pourquoi nous demandons au Gouvernement et à l’Assemblée de bien vouloir rétablir un taux au moins égal à celui de l’inflation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire . La commission a rejeté ces amendements.

Je voudrais faire deux observations en réponse à M. Sapin.

Premièrement, il ne faut pas oublier que le total des concours de l’État aux collectivités territoriales évolue dans ce budget au même rythme que l’inflation, soit une augmentation de 1,2 %. Cela signifie que l’État ne les traite pas de manière trop rigoureuse puisqu’elles bénéficient de l’évolution générale des finances publiques.

Deuxièmement, je rappelle que la DGF a toujours été indexée sur la croissance et l’inflation. Nous avons nourri l’espoir que l’indexation soit fixée à 50 % de la croissance, toutefois elle n’a jamais atteint plus d’un tiers. Je vous renvoie aux nombreux débats qui ont eu lieu à ce sujet ces dix dernières années. Mais imaginez un instant que le Gouvernement ait conservé ce type d’indexation: la DGF n’aurait pu augmenter en 2010. Notre pays ayant connu une croissance négative pour la première fois depuis que la DGF existe, l’application des règles habituelles aurait en effet conduit à une augmentation nulle. Le Gouvernement dans un mouvement de générosité, très limité certes, a proposé un taux de 0, 6 %, soit la moitié de l’inflation, ce qui est plus favorable que si l’indexation était restée fondée sur le taux de croissance.

Nous en viendrons à d’autres amendements qui permettront d’améliorer le menu de la DGF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Comme le dit le rapporteur général, si nous avions maintenu les règles d’indexation antérieures, la DGF serait inférieure de 0, 6 % à ce qu’elle sera, ce qui aurait représenté 300 à 400 millions d’euros en moins pour les collectivités locales.

La règle que nous avons retenue nous paraît bonne. Nous avons mesuré l’ensemble de ce qui revient aux collectivités locales, que ce soit à travers des dotations ou à travers le fonds de compensation de la TVA, pour aboutir au taux de 1, 2 %, soit le montant de l’inflation. Déduction faite des sommes dues par l’État aux collectivités au titre du remboursement de la TVA, il reste 300 à 400 millions d’euros supplémentaires, ce qui représente une augmentation de 0,6 % de la DGF, soit la moitié de l’inflation.

Cette règle présente le double avantage de préserver les collectivités locales et d’être claire. Nous appliquons à la relation entre collectivités locales et État la même règle que l’État s’applique à lui-même.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Sapin.

M. Michel Sapin. Monsieur le ministre, nous nous souviendrons de votre raisonnement l’année prochaine, en espérant toutefois que la croissance sera positive, car je crains que vous ne vouliez appliquer la même règle, quelle que soit la conjoncture. Nous verrons alors quelle jurisprudence sera retenue: la règle de la moitié de l’inflation ou la règle de l’évolution en fonction du taux de croissance.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je n’ai jamais dit qu’appliquer un taux égal à la moitié de l’inflation constituait une règle.

M. Jérôme Cahuzac. Juste une politique intelligente alors!

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Au nom du groupe Nouveau Centre, je veux appeler l’attention sur le problème des futures règles d’indexation.

L’alinéa 2 de l’article 13 prévoit une dérogation à l’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales, lequel précise que la DGF est indexée sur le taux de l’inflation. La question est de savoir ce qui se passera à partir de l’année 2011, car la rédaction actuelle du projet de loi de finances semble impliquer un retour à l’indexation sur le taux de l’inflation.

Or, comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans la discussion générale, on ne pourra redresser la situation des finances publiques sans passer du principe du « zéro volume » au principe du « zéro valeur » pour l’ensemble des dépenses de l’État. Il faut poser les vraies questions et raisonner en termes de parallélisme. Comment demander à l’État de continuer à aider les collectivités territoriales alors qu’il subit une chute de 25 % de ses propres recettes? Si les conseils généraux devaient faire face à une telle diminution, ne réduiraient-ils pas leurs dépenses? Un retour à l’indexation sur l’inflation n’est pas tenable à moyen et long termes: ayons le courage d’affronter les dures réalités de la situation de nos finances publiques.

Le Gouvernement pourrait-il nous éclairer sur le type d’indexation qui s’appliquera à partir de 2011?

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous fixons une règle pour l’année prochaine et nous verrons par la suite ce qu’il en sera les années suivantes. L’idée générale est un décrochage par rapport à l’inflation, ce qui ne nous empêche pas d’entretenir un dialogue avec le Parlement et les élus locaux à chaque projet de loi de finances.

Nous voulons aujourd’hui décrocher de l’inflation à laquelle nous étions en quelques sortes arrimés. Ce n’était pas une bonne politique.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je trouve l’argument choquant. C’est l’État qui est responsable du déficit, pas les collectivités locales! Regardons la réalité en face. Les collectivités locales investissent, elles n’ont le droit de s’endetter que pour investir, règles que l’État ne s’impose plus du tout puisqu’il finance toutes ses dépenses courantes par le déficit. Faire peser sur les collectivités locales une politique financière que l’État est incapable de tenir est aberrant.

L’État s’était fixé pour objectif le zéro volume: au nom de quoi impose-t-il aux communes et aux collectivités locales d’avoir des pertes? Cela n’a aucun sens et ce n’est pas cohérent avec la situation financière des collectivités.

M. le président. Je vous donne brièvement la parole, monsieur de Courson, avant de consulter l’Assemblée sur les amendements.

M. Charles de Courson. Les comptes consolidés des collectivités territoriales – régions, départements, communes – s’élèvent à 200 milliards. Connaissez-vous le montant des transferts de l’État qui leur sont destinés? Presque 100 milliards, ce qui signifie que la moitié de leur financement vient de l’État. Vous voyez bien que lorsque l’on perd 25 % des recettes, il faut partager l’effort entre tous, et il serait irresponsable de laisser croire, comme notre cher collègue, que les collectivités territoriales ne dépendent pas à hauteur de 50 % directement du budget de l’État. Notre collègue, ancien ministre du budget si ma mémoire est bonne (M. Michel Sapin fait un signe de dénégation) , n’est pas responsable lorsqu’il tient de tels propos. Vous seriez au pouvoir, que feriez-vous? Augmenteriez-vous de 3 % les dotations aux collectivités territoriales alors que le déficit de l’État s’élève à 140 milliards cette année et est fixé à 116 l’année prochaine? Soyons raisonnables et partageons les efforts, sinon nous ne redresserons jamais les finances publiques.

M. Michel Sapin. Nous n’avons jamais fait 140 milliards de déficit à notre époque.

M. le président. Pour éclairer mon collègue et ami Charles de Courson, je lui rappelle que M. Sapin était ministre de l’économie et des finances.

La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Sans chercher à polémiquer, je voudrais répondre à Pierre-Alain Muet que certaines dépenses des collectivités territoriales posent problème, en particulier celles des régions. La direction générale des collectivités locales a ainsi pointé, dans une note que j’ai évoquée lors de la discussion générale, la croissance de leurs dépenses entre 2008 et 2009 à 14,4 % pour les dépenses de personnel, 8,3 % pour les frais de fonctionnement et moins 0,2 % pour les dépenses d’investissement. La part consécutive aux transferts de compétences s’élèverait à seulement 30 % selon la DGCL. Reste un accroissement des deux tiers sur lequel il faudra s’interroger.

(Les amendements identiques n os 108, 191 et 367 ne sont pas adoptés.) (L'article 13 est adopté.)

Après l'article 13

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 69 troisième rectification.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cet amendement vise à améliorer la dotation globale de fonctionnement, sous l’aspect péréquation et non sous l’aspect dotation forfaitaire. Il tend à créer une recette supplémentaire de 131 millions qui permettra, par affectation à la dotation d’aménagement de la DGF, de majorer en 2010 la dotation de solidarité urbaine, à proportion la dotation de solidarité rurale et, enfin, la dotation nationale de péréquation.

Comment s’y prend-on?

D’une part, nous mobilisons des recettes qui viennent des dotations d’investissement. En effet, dans la proposition du Gouvernement, les dotations d’investissement, en particulier la dotation d’équipement des collèges, celle des lycées, et surtout la dotation globale d’équipement progressent de 1,2 % alors que, d’habitude, en tout cas pour les deux premières, elles sont indexées sur la formation brute de capital fixe qui, vous le savez, a diminué de 2 % suite à la crise. Il vous est donc proposé, non pas, bien entendu, de revenir à moins 2 % mais d’en rester à une actualisation zéro.

D’autre part, comme nous l’avions fait l’an dernier, nous mobilisons une partie de la compensation de la part salaires qui va aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, puisque ces fonds départementaux, à partir de 2011, fonctionneront sur la base d’une nouvelle mécanique issue de la réforme de la taxe. Il s’agit aussi de limiter l’indexation de tout un ensemble de dotations satellites de la DGF, comme la dotation générale de décentralisation.

Ces différents mouvements sont opérés, monsieur le président, par les amendements n os  70 à l’article 14 et 71 à l’article 16, mais il est plus cohérent de présenter l’ensemble.

Cela nous permet de dégager une masse de 131 millions d’euros, qui est absolument nécessaire pour répartir la DGF. En effet, nous aurons en 2010 la dernière vague des effets du recensement de la population: le nombre d’habitants sera majoré dans toutes les villes, et partant la DGF par habitant. Cette dernière tranche de recensement est liée aux résidences secondaires, qui n’avaient pas encore été prises en compte en 2009. Nous devons par ailleurs tenir compte d’un autre phénomène, l’extension de l’intercommunalité. Quand de nouvelles intercommunalités se créent, ou quand des intercommunalités transforment leurs quatre taxes en TPU, la DGF par habitant est majorée. Cela représente 113 millions et la prise en compte des résidences secondaires une soixantaine de millions. Nous avons donc besoin, si l’on veut pouvoir majorer la DSU et la DSR, d’injecter des fonds, sinon, après service dû au titre du recensement complémentaire et de l’intercommunalité, il ne resterait plus rien pour la péréquation.

Voilà l’économie générale de cet amendement, qui se borne à créer une masse globale de recettes de 131 millions et à les affecter directement à la part péréquation de la DGF. Nous examinerons ensuite les deux amendements visant à corriger les différentes indexations qui permettent d’abonder ces 131 millions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Cet amendement respecte le schéma que le Gouvernement propose. Il modifie simplement la répartition au sein de l’enveloppe allouée aux collectivités, sur-vitaminant peut-être la DGF et diminuant un certain nombre d’autres dotations. Je n’y vois pas d’inconvénient et je m’en remets à la sagesse du Parlement.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Bien entendu, je ne suis pas opposé à l’augmentation de la DSU, mais on a le sentiment qu’avec la proposition de minorer de 5,85 % des compensations d’exonérations, vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre, car ce sont les villes les plus en difficulté qui seront concernées. Que compense-t-on en effet? Souvent les personnes qui ne paient pas la taxe d’habitation, souvent les entreprises installées en zone franche. Beaucoup d’exonérations sont compensées dans les quartiers les plus sensibles. Que la DSU augmente, c’est très bien, mais si, parallèlement, les dotations et les compensations baissent, j’ai bien peur que, comme en 2009, les communes les plus fragiles soient les plus touchées. Je ne suis pas sûr qu’il faille cette année augmenter la DGF en prenant en compte la population et les résidences secondaires. Il y avait, à mon avis, un autre message à faire passer.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Une nouvelle fois, on voit bien que le rapporteur général essaie d’améliorer la situation, comme il l’avait fait lors du débat sur la taxe professionnelle lorsqu’il avait mesuré les dangers inhérents à la mauvaise rédaction de l’article 2. Le Gouvernement ne l’avait malheureusement pas entendu. Bon nombre de parlementaires, y compris de la majorité, y ont vu un mauvais présage pour l’avenir des collectivités locales.

Il est difficile d’être contre cet amendement, mais il intervient à la marge car, depuis le début de la discussion sur les collectivités locales, c’est plutôt le négatif qui l’emporte sur le positif. S’agissant de la DGF, nous pourrions, à la limite, entendre un certain nombre d’arguments si, dans le même temps, la dette de l’État vis-à-vis des collectivités locales n’augmentait pas. Il faut bien mettre en exergue aujourd’hui que, depuis les dernières lois de décentralisation, celles de M. Raffarin, les nouvelles responsabilités transférées aux collectivités locales n’ont pas été compensées à l’euro près, comme disait l’autre à l’époque - je salue d’ailleurs son arrivée. (Sourires.)

On voit bien quelle orientation vous voulez donner, monsieur le rapporteur général, mais dès lors que l’on refuse de supprimer le ticket modérateur ou de tenir compte de la dette de l’État vis-à-vis des collectivités locales avant d’examiner ce que devrait être la hauteur de la DGF, on aboutit à un amendement mal calibré qui n’est pas à niveau.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il est indispensable d’adopter l’amendement de Gilles Carrez sinon – ceux qui s’intéressent aux travaux du Comité des finances locales le savent – nous n’aurions plus aucune marge de manœuvre. Une fois tenu compte, en effet, du recensement et d’autres éléments, il reste à peine 30 millions sur un peu plus de 50 milliards, autant dire rien.

La solution très modérée de notre rapporteur général consiste à y ajouter 130 millions, ce qui donne 150 ou 160 millions à répartir. Nous serons bien contents de les avoir pour augmenter la DSU et la DSR. Son amendement est de bon sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Que M. Pupponi se rassure: les exonérations de taxe d’habitation ne sont pas concernées, car nous les avons toujours sorties des variables d’ajustement. En fait, l’effort demandé sur les variables porte sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et la compensation BNC moins de cinq salariés; il concerne donc essentiellement les communes qui payaient beaucoup de taxe professionnelle. Les communes à population défavorisée seront les moins touchées.

En revanche, grâce à cette réaffectation, on devrait pouvoir maintenir une dotation de solidarité urbaine à 70 millions d’euros en 2010, à savoir le même montant qu’en 2009 – du moins je l’espère. En y ajoutant la dotation de développement urbain, on resterait à 120 millions. En tant que président du CFL, je ferai tout mon possible pour qu’on maintienne l’effort de solidarité urbaine et rurale au travers de ces deux dotations.

Quant aux résidences secondaires, la loi votée en 1999 a prévu de procéder en deux temps: résidences principales puis résidences secondaires. Je vous rappelle que le rapporteur de ce texte était M. René Dosière.

(L'amendement n° 69 troisième rectification est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°431.

M. Michel Sapin. Il est défendu.

(L'amendement n° 431, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 14

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 70 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que je viens de présenter.

(L’amendement n° 70 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 14, amendé, est adopté.)

Article 15

M. le président. À l’article 15, la parole est à M. Claude Bartolone, pour soutenir l’amendement n°250.

M. Claude Bartolone. Il s’agit, là encore, d’en finir avec les bonnes intentions et l’oral de rattrapage: on ne peut se contenter d’une compensation partielle en ce qui concerne le RMI et le RSA. Les départements en assument la charge à la place de l’État et il va de soi que la compensation doit s’effectuer à l’euro près. Le financement par les départements du RMI puis du RSA résulte de la mise en œuvre d’une politique voulue par l’État.

Le présent amendement a donc pour but de supprimer le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion et de rétablir le principe de compensation intégrale des transferts de charge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable. La commission a rappelé, au cours d’une réunion à laquelle vous assistiez, monsieur Bartolone, que le FMDI était prolongé pour 2010 et doté de 500 millions d’euros. Même si cet effort vous paraît insuffisant, il va au-delà des strictes règles de compensation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Défavorable. Je vous rappelle, monsieur Bartolone, que l’État n’a pas de dette vis-à-vis des collectivités territoriales. Une dette se constate; or, en l’occurrence, aucun document ne l’établit. Vous n’usez donc pas d’un vocabulaire financier. Vous pouvez seulement affirmer, éventuellement, que l’État ne compense pas en temps voulu des dépenses locales qui évoluent plus vite.

Pour ce qui concerne votre amendement, je reprends les propos du rapporteur général pour rappeler que le FMDI est prolongé d’un an et doté de 500 millions d’euros. Le RSA lui-même étant compensé pour sa partie supplémentaire à hauteur de 500 ou 600 millions d’euros, on voit que l’État va bien au-delà d’une simple compensation, compte tenu d’une situation sociale qui a conduit à une augmentation du coût du RMI supérieure à celle des dotations elles-mêmes. La commission des comptes, composée d’élus de l’opposition et de la majorité, l’a d’ailleurs vérifié.

On ne peut donc parler de dette de l’État vis-à-vis des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Laissez-moi prendre un autre exemple, monsieur le ministre, qui vous montrera en quoi on peut bien parler de dette de l’État vis-à-vis des collectivités locales: certains départements de la région parisienne doivent assumer une dépense en augmentation de près de 200 % cette année pour l’accueil des mineurs étrangers isolés. Or cette responsabilité ne leur incombe en aucun cas. Seulement, certains mineurs étrangers isolés arrivant à Roissy, dans le département de Seine-Saint-Denis, sont confiés à un juge qui, ne sachant qu’en faire, appelle le département et l’ASE à son secours.

Reconnaissez que le lien est pour le moins fragile entre cette responsabilité et l’activité propre à un département. Il s’agit bien là d’une action supplémentaire exercée par un département à la place de l’État. À ce titre, je pense que davantage de clarté politique permettrait de faire comprendre à nos concitoyens les hausses de fiscalité de certaines collectivités. Il faut savoir quelles responsabilités elles assument au nom de l’État et les charges de ce fait induites.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement peut-il nous donner une explication sur un dispositif de bon sens prévu par cet article: l’instauration d’un mécanisme d’écrêtement devant assurer une péréquation horizontale entre les départements, autrement dit, un mécanisme consistant à prendre aux départements surcompensés pour donner aux départements sous-compensés?

Le rapport ne dit pas quels sont les départements concernés. Sont-ils nombreux? Les sommes en jeu sont-elles significatives? Avons-nous une idée de la portée du III de l’article 15? Peut-on répondre ou bien le dispositif en question n’est-il que théorique?

M. le président. Bien. Je vais mettre l’amendement aux voix.

M. Charles de Courson. J’aimerais que M. le ministre me réponde…

M. le président. Je ne peux l’y contraindre, monsieur de Courson.

(L’amendement n°250 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai l’impression que le brouhaha ambiant a empêché le rapporteur et le ministre de bien entendre ma question. Permettez-moi, monsieur le président, de la formuler à nouveau.

Le Gouvernement a prévu dans cet article un dispositif d’écrêtement des départements surcompensés. J’ai lu le rapport avec grande attention et il ne donne pas le nombre de ces départements. S’agit-il d’un mécanisme purement théorique ou bien a-t-on une idée de ce nombre?

En outre, la surcompensation n’est-elle pas liée au fait que certains départements ont réalisé de très gros efforts d’insertion? Le mécanisme proposé paraît de bon sens, mais n’aboutit-il pas en réalité à sanctionner les plus vertueux?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Non, monsieur de Courson, il ne s’agit pas de sanctionner les départements les plus vertueux. Je tiens à votre disposition la liste des 25 départements écrêtés.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je ne voudrais pas contredire le rapporteur général mais l’on me dit que les départements écrêtés sont au nombre de trois. Nous vérifierons. Les Bouches-du-Rhône et les Alpes Maritimes en font partie, le troisième restant à identifier. De toute façon, il me semble que nous ne répondons pas à la même question.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je confirme qu’il s’agit d’une autre question.

M. le président. Le Comité des finances locales fera le point…

(L’article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. À l’article 16, je suis saisi de deux amendements de suppression.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n°356.

M. François Pupponi. L’article 16 réduit le montant des compensations d’exonérations de fiscalité locale que le rapporteur général vient d’évoquer. Voilà pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour soutenir l’amendement n°450.

M. Pierre Gosnat. Dans le prolongement du dispositif introduit par la loi de finances pour 2009, l’article 16 propose de diminuer les taux de compensation de certaines exonérations de fiscalité directe locale. Il s’agit précisément des dotations de compensation de la taxe professionnelle, de la réduction pour la création d’établissements, de la réduction de la fraction imposable des recettes de la taxe professionnelle et, enfin, des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties et non-bâties.

L’exposé des motifs de l’article précise qu’il est « retenu un abattement de 3,6 % supplémentaires par rapport à l’évolution prévue par la loi de finances pour 2009 ». Cette évolution a été en réalité de 17 % et si, l’année dernière, le Gouvernement avait fait adopter cette première diminution relativement discrètement, il propose cette année de mettre fin à une importante source de recettes pour les collectivités locales avec la suppression de la taxe professionnelle, mais aussi la diminution de ce que l’État doit compenser aux collectivités s’agissant d’exonérations qu’elles n’ont pas choisi d’octroyer.

À ce stade, c’est bien plus qu’une réforme des collectivités locales que vous projetez, c’est leur disparition. Les députés du groupe GDR reconnaissent la valeur des collectivités locales et le rôle fondamental qu’elles jouent en matière d’investissement, d’emploi et de missions qu’elles accomplissent au service des populations.

Nous proposons donc la suppression de l’article 16.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable dans la mesure où l’article 16 permet au périmètre des concours financiers aux collectivités locales de respecter la norme de 1,2 % d’évolution que l’État lui assigne pour 2010.

(Les amendements identiques n os 356 et450, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C’est le second amendement de cohérence de la mesure permettant d’augmenter les dotations de péréquation.

(L’amendement n° 71, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 16, amendé, est adopté.)

Après l’article 16

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 16.

Les amendements n os 363 rectifié et 473 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n°363 rectifié.

M. François Pupponi. L’exonération pendant quinze, voire vingt ans des taxes foncières sur les propriétés bâties, prévue par les articles1384 A, 1384 C et 1384 D du code général des impôts, favorise la construction de logements sociaux. Ces compensations, totales pour les communes, ne le sont plus depuis plusieurs années. Ainsi, les communes exemplaires ayant construit de nombreux logements sociaux déplorent aujourd’hui une perte sèche. L’amendement prévoit donc que ce type d’exonération ne pénalise pas les collectivités locales et que la compensation se fasse à l’euro près, selon l’expression consacrée dans cet hémicycle..

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. L’amendement n°473 tend à revenir sur le dispositif introduit par les alinéas 1 à 8 de l’article 48 de la loi de finances pour 2009 qui prévoient que certaines exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties ne soient plus intégralement compensées par l’État. Dans ce scandale de la minoration des compensations d’exonérations en faveur des collectivités locales, la question de la taxe foncière sur les propriétés bâties tient une place à part. En l’espèce, en effet, les conséquences seront particulièrement fortes pour les collectivités accueillant un important patrimoine de logements sociaux, dont je rappelle que les bailleurs sont souvent exonérés de payer la TFPB.

Or, déjà l’année dernière, ces collectivités s’étaient senties visées par le projet du Gouvernement de modifier les critères d’attribution de la dotation de solidarité urbaine. Le taux de logements sociaux ne comptant plus parmi ces critères, 238 communes se sont trouvées exclues du bénéfice de la DSU.

Il est vrai qu’en elle-même, la taxe foncière sur les propriétés bâties – tout comme la taxe d’habitation – pose une question de fond: comment justifier l’obligation de payer un impôt au simple motif qu’on doit se loger, et a fortiori sans qu’il soit tenu compte de ses ressources?

L’alternative consisterait à revoir le calcul des bases des propriétés non-bâties, dont le niveau est plutôt faible, alors qu’elles pourraient représenter un véritable capital foncier. Mais nous ne pouvons nier que la TFPB représente une part importante des ressources des collectivités locales. Dans l’attente, on ne peut pénaliser l’engagement de certaines en faveur du logement social. Je vais y revenir en défendant un amendement relatif à la prochaine cession du patrimoine de logements de la société Icade à un consortium de bailleurs sociaux.

Nous proposons donc à l’Assemblée de voter cet amendement proposant que le dispositif de minoration prévu à l’article 48 du projet de loi de finances ne s’applique pas aux compensations d’exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission les a tous les deux rejetés. Ils posent indirectement le problème d’Icade. En attendant que le Gouvernement y revienne à l’occasion d’un prochain amendement, je vais répondre à propos de la difficulté que nous rencontrons avec la cession du patrimoine de cette société.

Ce dernier, construit parfois depuis vingt ou trente ans, fait l’objet de cessions à différents bailleurs, du fait qu’Icade souhaite se retirer de cette fonction. Parmi ceux-ci, une majorité sont des bailleurs sociaux. À l’occasion de leur cession aux bailleurs sociaux, ces logements vont être conventionnés en logements sociaux. Ils ont souvent été construits dans les années 70 ou 80 avec des financements de logements intermédiaires qui ne conféraient pas le statut de logements sociaux. Alors que le bâtiment et les locataires restent les mêmes – il y a un parc important en région parisienne où, compte tenu de la tension sur le marché du logement, il y a très peu de rotation –, le conventionnement déclenche une exonération de foncier bâti et donc un manque à gagner pour les communes où est implanté ce patrimoine. Pour certaines communes comme Bagneux ou Sucy-en-Brie dans le Val-de-Marne, cela concerne des centaines de logements et représenterait un manque à gagner insupportable.

Nous cherchons une solution depuis quelques mois. L’État pourrait compenser intégralement la perte de recettes subie par la collectivité locale parce qu’un immeuble qui rapportait du foncier bâti n’en rapporte plus du jour au lendemain à la suite d’une simple transformation juridique.

Cette compensation devrait être intégrale. En effet, les compensations de foncier bâti ne se font que sous réserve de l’application d’une franchise. La perte doit être supérieure à 10 % de la recette totale de foncier bâti pour que cela enclenche une compensation par l’État. Il faudrait trouver une solution dans laquelle l’État compense la perte dès le premier euro, sans tenir compte de la franchise. Sinon, cela risque de poser des problèmes pour le budget d’un certain nombre de communes où plusieurs centaines de logements sont concernés.

J’ai une autre requête à vous présenter, monsieur le ministre, c’est que cette compensation, même si elle n’est que de quelques millions d’euros, ne soit pas imputée sur l’enveloppe normée. Icade est une filiale de la Caisse des dépôts. Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession de ce patrimoine entrent donc dans les comptes de la Caisse des dépôts. Comme l’État est son actionnaire principal, si je puis dire, cela va se traduire par un peu plus de contribution représentative sur l’impôt sur les sociétés et un peu plus de dividendes de la part de la Caisse des dépôts. J’ai chiffré la recette pour l’État à quelques centaines de millions. Je souhaiterais que vous nous disiez clairement que la compensation ne sera pas imputée sur la masse globale des concours de l’État. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . J’ai reçu les trente-six maires des communes concernées par cette vente de 26000 logements par la société Icade, vente qui conduirait à exonérer totalement ces logements de taxe sur le foncier bâti, sans compensation. Je m’étais engagé vis-à-vis d’eux à essayer de trouver une solution. Celle que nous proposons ne satisfait pas totalement les élus concernés, comme toujours, mais c’est une réponse sérieuse qui devrait les satisfaire au moins partiellement. Il s’agirait d’appliquer les mêmes règles que pour d’autres types de logements, dans d’autres types de circonstances.

Actuellement, la compensation est de 83 % en cas d’acquisition de logements anciens, ce qui est le cas des logements vendus par Icade. Je précise au passage que la Caisse des dépôts n’en possède que 60 %. Icade vend des logements à des bailleurs sociaux, essentiellement la SNI, qui les transforment en logements sociaux, et il n’y a plus alors d’imposition locale. Lorsqu’il y a des PLAI ou des PLUS dans le logement ancien, la compensation de taxe sur le foncier bâti est, je le répète, de 83 %. Lorsque ce sont des PLS, il n’y a aucune compensation, et c’est le problème pour l’opération ICADE. Nous vous proposons d’adopter la même règle que pour les PLAI et les PLUS, c’est-à-dire pour le logement très social, et de compenser à 83 % également pour ces nouveaux logements sociaux.

Compenser à 100 % créerait des difficultés car il y aurait alors moins de compensation pour le logement très social, à moins de prévoir 100 % pour tout le monde mais, sincèrement, ce n’est pas Noël en ce moment pour l’État, c’est le moins que l’on puisse dire. Je ne dis pas, monsieur Sapin, que c’est Noël pour les collectivités.

Vous serez satisfait, monsieur le rapporteur général: nous ne prendrons pas cette compensation sur l’enveloppe des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, je salue l’effort que vous faites, mais revenons un peu sur l’affaire d’Icade.

La Caisse des dépôts a financé du logement social pendant de nombreuses années et, lorsque la société Icade a décidé d’entrer en bourse, on aurait pu, on aurait même dû faire basculer tout ce patrimoine dans la SNI, qui était la société de logement social de la Caisse des dépôts. C’eût été logique. Or Icade a conservé des logements sociaux et, deux ans après, elle décide de les vendre alors qu’ils ont été payés par la Caisse des dépôts, donc par les contribuables, pendant cinquante ans.

M. Charles de Courson. Et par les locataires!

M. François Pupponi. Bien sûr.

Quant à la plus-value engendrée par la vente de ces logements, elle ira pour 40 % aux actionnaires privés. Ce n’est pas moral. Il aurait fallu à l’époque que le parc de logement social aille à la SNI.

Je trouve encore plus amoral que les collectivités locales qui accueillent le patrimoine d’Icade perdent de l’argent sur l’opération. Que la Caisse des dépôts finance au moins cette perte de recettes fiscales. Ce n’est tout de même pas aux locataires et aux municipalités de perdre de l’argent.

Icade a des logements un peu partout en Île-de-France. Nous souhaitons bien entendu que la compensation soit totale, mais il faut au moins qu’elle le soit dans les villes éligibles à la DSU et au fonds SRIF, dans les villes pauvres. À Bagneux, cela concerne plus de 2000 logements, plus de 3000 à Sarcelles. Les communes les plus pauvres perdront entre 800000 euros et un million d’euros par an pendant dix ans. On ne peut pas l’accepter, ni moralement ni financièrement. S’il ne doit pas y avoir compensation totale pour toutes les communes, que ce soit au moins le cas pour les plus fragilisées.

Nous avons, à l’occasion de cette triste affaire, découvert autre chose: les logements d’Icade et de la SNI ne sont pas pris en compte dans le calcul de la DSU. La SNI est en effet une société d’économie mixte nationale et, selon un article du code général des impôts, seuls sont pris en compte les logements des sociétés d’économie mixte locales. Par conséquent, non seulement nous avons un surcroît de logements sociaux et leur vente nous fait perdre des recettes, mais nous ne touchons pas de dotation de solidarité urbaine. Trop, c’est trop!

Il serait donc bon de revoir tout ce dossier pour que les communes accueillant plus de 60 % de logements sociaux ne soient pas pénalisées par une opération financière et boursière.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. M. Pupponi vient de révéler une situation que nous connaissons, nous, depuis deux ans. La SNI a hérité d’un certain patrimoine social, et, depuis deux ans, nous ne recevons pas de dotation de solidarité urbaine. Pour une ville qui compte 62 % de logements sociaux, la direction générale des collectivités locales a réduit administrativement le volume de ces logements de 3500 à 500, si bien qu’elle ne perçoit plus la DSU. Pour 2008, la perte, puisqu’il y a eu une compensation pour la moitié, a été de 250000 euros, pour 2009 de 500000 euros, soit 750000 euros pour une ville de 8000 habitants: vous imaginez les conséquences.

Pire encore, selon ce que nous a indiqué le préfet, comme l’on ne comptabilise plus nos logements sociaux, nous risquons de devoir payer le prélèvement opéré sur les collectivités qui n’ont pas 20 % de logements sociaux sur leur territoire.

Je n’impute la responsabilité de cette situation ni au Gouvernement ni à sa majorité, mais il y a là un problème qui mérite d’être réglé. Nous ne pouvons pas attendre une table ronde pour réexaminer le dossier, monsieur le ministre. Il faut que, dès l’année 2010, les collectivités privées de dotation de solidarité urbaine reçoivent une compensation de l’État ou de la Caisse des dépôts et consignations. Il serait anormal que le contribuable soit la première victime de ce calcul pour le moins fantaisiste.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comme d’autres collègues, j’ai déposé avec M. Lagarde un amendement pour résoudre le problème d’Icade. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, vous avez reçu les trente-six maires concernés, d’Île-de-France pour l’essentiel, et vous leur avez promis de trouver une solution.

Il me semble que deux solutions sont possibles: soit, comme vous le proposez, on essaie de trouver un critère général en cas de rachat de ce type de logements financés par des PLS; soit on prend une mesure spécifique pour Icade.

De toute façon se pose le problème des répercussions autres que fiscales. Je ne veux pas vous inquiéter mais nous devrons alors définir ce qu’est un logement social. Actuellement, hélas, il est défini par son mode de financement: c’est un logement qui a été financé à plus de 50 % par un PLAI, un PLS ou un autre dispositif d’État, ce qui fait d’ailleurs que, lorsque de généreux bienfaiteurs vous aident à le financer, il n’est pas considéré comme un logement social alors que c’en est un.

Je me demande donc si votre solution n’est pas trop générale. Ne vaudrait-il pas mieux voter un dispositif spécifique pour régler le problème d’Icade et se donner un peu de temps pour voir les autres conséquences du transfert de 26000 de ses 35000 logements? Sinon, on risque d’ouvrir la boîte de Pandore.

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Certes, ce n’est pas Noël, monsieur le ministre, mais ça l’est encore moins pour les collectivités locales, et il est absolument indispensable qu’après la vente par Icade de 26000 de ses 35000 logements, la compensation de l’exonération de taxe foncière soit intégrale. Celle que vous nous proposez a le mérite d’exister, mais elle n’est pas totale.

Les pertes potentielles, vous les connaissez. Vous avez reçu les maires franciliens et vous nous aviez laissé entendre que les nouvelles seraient meilleures que celles que vous nous annoncez aujourd’hui.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Oh non!

M. Michel Herbillon. Les pertes pour les collectivités locales sont extrêmement élevées. Toutes les villes ayant un patrimoine Icade, indépendamment de leurs sensibilités politiques, sont confrontées à ce problème. C’est une perte annuelle de plus de 1,1 million d’euros pour la ville de Bagneux; de 500000 euros pour la ville de Sucy-en-Brie, que mon excellent collègue Gilles Carrez connaît bien; de 190000 euros pour Maisons-Alfort, le tout sur quinze ans. Je vais m’arrêter là, mais je pourrais également citer l’exemple de Fontenay-sous-Bois. C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues Yannick Paternotte et Patrick Beaudouin, nous avons déposé l’amendement n°505 rectifié, qui viendra ensuite.

J’ajoute que cette opération aura pour effet d’accroître de façon parfois considérable le nombre de logements sociaux dans nombre de communes. On a parfois tendance à stigmatiser le fameux seuil de 20 %. On fustige les villes de droite, pour ne citer qu’elles, qui n’ont pas assez de logements sociaux. Or cette vente effectuée par Icade accroît mécaniquement leur nombre. Ma commune, ville de 25000 habitants qui compte déjà 22 % de logements sociaux, verra cette proportion atteindre 24 % du fait de cette opération. Car les logements Icade, dans ma commune, ne sont pas conventionnés. Aujourd’hui, ce ne sont pas du tout des logements sociaux; ils sont considérés comme des logements privés. Du fait qu’ils seront achetés par l’office public d’HLM, ils vont devenir des logements sociaux, avec toutes les charges que cela induit pour l’office.

Je demande donc, monsieur le ministre, de manière extrêmement claire – et je rejoins ainsi Charles de Courson –, que la compensation soit intégrale.

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. J’irai dans le même sens. La question posée par M. de Courson est pertinente. Si l’on adoptait – mais on le fera sans doute – une position générale, non seulement cela poserait un problème réglementaire, mais ce serait peut-être bien la porte ouverte à d’autres opérations. Or, celle-ci est gigantesque: elle porte sur 26000 logements.

Il est assez rare que des représentants de tous les groupes soient d’accord pour interpeller le Gouvernement et le rapporteur, et proposent des amendements convergents. Je ne rappellerai pas les chiffres qu’a cités mon collègue du Val-de-Marne, Michel Herbillon. Nous avons tous des cas semblables. À Villejuif, la perte est de 600000 euros par an.

D’une part, la compensation intégrale est nécessaire. D’autre part, cette opération est tout à fait particulière, et doit être traitée comme telle.

Nous verrons ensuite ce que sera l’amendement du Gouvernement. En tout état de cause, je crois que les nôtres sont tout à fait pertinents par rapport à la situation que nous connaissons. C’est la raison pour laquelle je maintiens celui qu’à présenté le groupe communiste.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Une fois de plus, voici un problème parisien auquel on essaie d’apporter une solution au niveau national.

Si j’ai bien compris, plusieurs milliers de logements appartiennent à Icade. Cette société est devenue en partie privée. Que je sache, les actionnaires privés ont payé les actions le prix qu’elles valaient. Les logements étaient inscrits au bilan de cette société. Quand j’entends dire, de l’autre côté de l’hémicycle, que les privés vont bénéficier d’un apport, je me dis qu’ils ont en fait payé ce qu’ils avaient à payer à un moment donné.

Mais voici ce qui me surprend et que je n’arrive pas à comprendre. Ces logements étaient soumis au foncier bâti. Ils vont être vendus à un bailleur social et donc être conventionnés. Soit. Mais puisqu’ils ont été construits, pour certains d’entre eux, il y a des dizaines d’années, dans les années soixante-dix ou quatre-vingt, ils vont continuer à payer un impôt foncier. Ou alors je ne comprends plus rien.

M. François Pupponi. Mais non! Ils vont bénéficier d’une exonération sur quinze ans!

M. Richard Mallié. Mais pourquoi vont-ils cesser de payer l’impôt foncier alors qu’ils sont bâtis depuis vingt ou trente ans? C’est cela qui est un peu surprenant.

M. François Pupponi. Ils vont être exonérés, et c’est justement pour cela que nous avons déposé nos amendements!

M. Richard Mallié. Eh bien, il ne faut pas les exonérer. C’est plus simple.

M. le président. Merci d’avoir éclairé l’Assemblée, monsieur Mallié. (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je vais rebondir sur l’intervention de notre collègue marseillais. Avec son regard extérieur, il pose une question pleine de bon sens, une vraie question.

Cher Richard Mallié, ce qui se passe, c’est que la société Icade vend un immeuble où les habitants continuent à résider, mais le vend au bailleur social avec un bonus qui consiste en une exonération, pour quinze ans, de la taxe sur le foncier bâti. Par conséquent, cela permet à Icade d’avoir un prix plus favorable, puisqu’il vend un bien auquel est attaché un avantage fiscal, une sorte de niche fiscale: quinze ans d’exonération.

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas aux communes de supporter le coût de cet avantage!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Quand j’ai découvert cette affaire l’été dernier, je me suis demandé pourquoi on ne supprimerait pas, tout simplement, l’exonération.

En effet, pour des habitants qui sont là depuis quinze, vingt ans, une exonération visant des immeubles qui restent inchangés ne va pas se traduire par une baisse de loyer. Elle se traduira plutôt, à mon avis, par une majoration du prix de cession.

Plutôt que de compenser l’exonération, j’avais demandé s’il ne serait pas plus simple qu’elle ne soit pas déclenchée. Apparemment, ce n’est pas la solution choisie. Cela étant, monsieur Herbillon, la solution qui a été choisie, je la trouve tout à fait loyale de la part de l’État, puisque c’est une compensation…

M. Michel Herbillon. Partielle!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Oui, mais qui joue sans faire intervenir la franchise de 10 %, donc dès le premier euro. Certes, elle n’est que de 83 %.

Par ailleurs, ces 5 millions d’euros seront pris en dehors de l’enveloppe des concours de l’État. S’ils étaient pris à l’intérieur de cette enveloppe, cela voudrait dire, par exemple, que Marseille, où il n’y pas de logements concernés par la cession d’Icade, paierait une toute petite quote-part à ce titre. Je trouve donc que la compensation est assez bonne.

Je réponds maintenant à M. Habib sur la question de la définition des logements sociaux. C’est la bouteille à l’encre, depuis des décennies. Par exemple, à Mourenx, il y a des logements appartenant, non pas à Icade, mais à la SNI, autre filiale de la Caisse des dépôts. Du fait que cette société immobilière est nationale, ces logements sociaux ne sont pas comptabilisés dans le nombre de logements sociaux au sens de la DSU. Par contre, si, dans une commune voisine, une société immobilière locale a des logements conventionnés, ceux-ci seront pris en compte dans le calcul de la DSU. Dans chacune des deux communes, ce sont pourtant exactement les mêmes logements, les mêmes conventionnements.

Mais je vous rassure, monsieur Habib: vous ne paierez pas au titre de la loi SRU. Parce que celle-ci a encore une autre définition du logement social. Par conséquent, si vos logements ne sont pas pris en compte pour le calcul de la DSU, il ne seront pas non plus pris en compte pour la pénalité.

M. le président. M. Habib est complètement rassuré, cela se voit. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je voudrais insister sur ce que propose l’État, et qui me semble d’une honnêteté rigoureuse. Je reconnais que la compensation proposée n’est pas intégrale mais, s’il en est ainsi, c’est parce que les exonérations de taxe foncière dont bénéficie le logement social ne sont pas compensées à 100 %. Partout, à Marseille et ailleurs, la compensation est de 83 %.

Je propose que l’on ne légifère par pour une opération particulière, car il y en aura d’autres. Voilà pourquoi je propose qu’à l’occasion de cette opération importante – s’il s’agissait d’une petite opération, on n’en parlerait pas –, nous fassions évoluer la législation sur la compensation des exonérations visant le logement social.

Pour les logements très sociaux – PLAI, PLUS –, les collectivités locales perçoivent une compensation à hauteur de 83 %. C’est comme cela depuis bien longtemps, et tous les élus locaux présents ici perçoivent la compensation à ce niveau.

L’opération Icade se traduit par une transmission de patrimoine importante – 26000 logements –qui pourrait conduire les collectivités à ne plus recevoir le produit de la taxe sur le foncier bâti correspondant à ces logements. Dès lors, nous recevons les collectivités concernées. Nous estimons que ce n’est pas très juste, que c’est même anormal. Et la solution que nous trouvons, c’est le droit commun. Elle consiste à considérer que l’exonération de foncier bâti sur les logements vendus dans le cadre de cette opération – mais comme d’autres qui pourraient l’être dans des opérations analogues – pourrait, en ce qui concerne le logement ancien, et dans le cadre d’un conventionnement en PLS, donner droit au même taux de compensation, c’est-à-dire 83 %.

Je pense que cette solution est logique. Encore une fois, on ne légifère par sur une opération particulière. Parce que demain, quand il y en aura une autre à Tours, à Nice, à Strasbourg, on se demandera ce qu’il faut faire. Il vaut mieux appliquer une législation qui englobe un ensemble de situations. Celle-ci le fait correctement, elle le fait bien, par une compensation à hauteur de 83 %.

J’ajoute que cette compensation, nous la sortons de la norme de dépenses. Car sinon, cela poserait un problème: cela voudrait dire que l’on met à contribution d’autres dotations. Ce n’est pas ce que nous voulons. Voilà pourquoi ce sera de l’argent qui viendra s’ajouter aux dotations.

Enfin, monsieur Pupponi, vous avez évoqué le fait que certains logements sociaux peuvent ne pas être comptabilisés pour le calcul de la DSU. Si ce que vous dites est vrai, il y a sûrement un problème, que je suis prêt à examiner avec le ministère du logement, en vue de trouver une solution en deuxième partie du PLF.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous. Je pense que l’opération Icade n’est pas une opération comme les autres. Pourquoi? Parce que c’est une société cotée en bourse qui vend du logement social. Je crois que c’est là quelque chose d’unique. Généralement, le logement social appartient à des SA HLM, ou, disons, au monde des HLM. Qu’une société privée, cotée en Bourse, vende du patrimoine social, ce n’est quasiment jamais arrivé.

Puisque des actionnaires privés vont toucher les fameuses plus-values, au nom de quoi y aurait-il un avantage fiscal rendant le prix plus intéressant pour ces financiers? C’est bien là qu’est le problème. L’exonération de taxe foncière pour une durée de quinze ans va d’abord bénéficier aux vendeurs. Est-il normal qu’un avantage fiscal soit consenti à une société privée, cotée en bourse, qui vend du logement social?

Puisque le cas est unique, il faut adopter une position unique: lorsqu’une société privée, cotée en bourse, vend du logement social, il ne doit pas y avoir d’avantage fiscal. Je partage donc l’avis du rapporteur général. Ces logements ne devraient pas bénéficier de l’exonération.

Soit on accepte notre amendement tendant à fixer la compensation à 100 %, soit on revient sur l’exonération elle-même. Que le monde des HLM bénéficie de l’exonération, c’est normal. Mais en faire bénéficier une société privée, je trouve cela anormal.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget . La société Icade, dont je ne suis pas le porte-parole, ne vend pas de logements sociaux. Elle vend des logements à des bailleurs sociaux, ce n’est pas tout à fait la même chose. Cela arrive assez régulièrement, même dans ma ville. Comme c’est une toute petite ville, l’opération ne concerne pas 26000 logements, bien sûr, mais il reste que ce cas de figure se rencontre fréquemment. C’est pourquoi je vous demande de légiférer de façon générale, et non pas pour un cas particulier.

Vous dites, monsieur Pupponi, que l’avantage fiscal permet au vendeur de dégager une plus-value supplémentaire. Nous avons regardé les choses de près, nous avons interrogé la Caisse des dépôts, car ces questions méritent évidemment d’être posées. Or il apparaît que la société Icade ne vend pas ces logements plus cher parce qu’ils feront l’objet d’une exonération donnant lieu à compensation. Le prix a été arrêté, et il doit surtout être compatible avec ce que les bailleurs sociaux sont prêts à payer. Il n’y a pas de plus-value engendrée par le fait que nous avons été à l’écoute des élus locaux. Il n’y a pas de majoration du prix.

(L'amendement n° 363 rectifié n'est pas adopté.) (L'amendement n° 473 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°767. Puis-je considérer, monsieur le ministre, que vous l’avez défendu?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n°769.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Si l’on choisit la voie plus générale proposée par le ministre, il faut tout de même neutraliser son impact sur la DSU, qu’il ne faudrait pas déstabiliser.

M. François Pupponi. Eh oui!

M. Charles de Courson. Vous avez indiqué y être tout à fait favorable, monsieur le ministre. Ne faut-il pas inscrire ce principe dans la loi, puisque l’essentiel de la réglementation relative à la DSU est législative? C’est le but de ce sous-amendement. Si vous me dites que vous pouvez le faire par voie réglementaire, je le retire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable. Les communes concernées par ces logements et qui acceptent leur conventionnement seraient pénalisées. Il n’y a aucune raison de le faire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je salue la réactivité de M. de Courson, qui rédige un sous-amendement presque aussi vite que le ministre pense. Ou ma pensée est très lente ou vous êtes très rapide, monsieur de Courson! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, je pense que cette proposition doit être expertisée. J’ai défini un principe, dont nous discuterons lors de l’examen de la deuxième partie. J’ai bien compris le problème soulevé par M. Pupponi. Il faut y apporter une réponse. Ce principe général sur des sujets compliqués a peut-être des incidences ici ou là. Je vais donc regarder avec le ministère du logement et la DGCL comment neutraliser l’impact sur la DSU.

M. le président. Retirez-vous le sous-amendement, monsieur de Courson?

M. Charles de Courson. Le ministre tenant toujours ses engagements, je veux bien le retirer. Mais il faut veiller à garder une cohérence et éviter que le plus d’un côté soit très supérieur au moins de l’autre.

(Le sous-amendement n°769 est retiré.) (L'amendement n°767 est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Mme Marylise Lebranchu. C’est rare!

M. le président. C’est bien de le relever, madame Lebranchu.

Mes chers collègues, formellement, les quatre amendements identiques qui suivent ne tombent pas, mais du fait de l’adoption unanime qui vient d’avoir lieu, puis-je les considérer comme retirés? (MM. Pupponi, Gosnat, Herbillon et de Courson, signataires des amendements, acquiescent.) Merveilleux! (Sourires.)

(Les amendements identiques n°352 rectifié, 456 rectifié, 505 rectifié et 565 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°345.

La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. La spécificité des départements tient en particulier à leur responsabilité totale dans la distribution des allocations individuelles de solidarité auxquelles a droit chaque citoyen qui en fait la demande et dont la situation individuelle correspond aux critères d’attribution. Il s’agit du revenu de solidarité active, qui a remplacé le revenu minimum d’insertion, de l’allocation parent isolé, de la prestation de compensation du handicap et de l’allocation personnalisée d’autonomie. Quiconque peut prétendre à une de ces allocations ne peut s’en voir privé, même si la collectivité départementale n’a plus la capacité financière correspondante.

On en revient, monsieur le ministre, à la remarque que je faisais tout à l’heure. Il s’agit de dispositifs d’État, d’un devoir de solidarité nationale, qu’un département populaire comme celui de Seine-Saint-Denis, dont une partie importante de la population peut prétendre au RMI ou au RSA, ne peut pas financer par ses seules recettes.

L’objet de cet amendement est de s’assurer du financement spécifique de ces dépenses de solidarité individuelles en conformité avec le pacte républicain, et de sa répartition entre les départements en fonction des besoins réels de leurs habitants.

Je reprends, monsieur le ministre, l’exemple de la Seine-Saint-Denis. Ce département va payer 37 millions d’euros de ticket modérateur parce qu’il a un taux de taxe professionnelle trop élevé. Mais pourquoi ce taux? Pour faire face aux droits qui sont accordés par la loi à une partie de sa population. Nous sommes taxés de 37 millions d’euros – alors que les Hauts-de-Seine ne paient pas le moindre euro de ticket modérateur – parce que nous sommes obligés de trouver des recettes pour payer les dépenses décidées au niveau de l’État.

Cette situation doit absolument être prise en compte, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a donné un avis défavorable. Cet amendement subtil, habile, revient sur des règles qui ont été établies il y a très longtemps en matière de compensation: une photographie, à un instant donné, donne lieu à un transfert de recettes – par exemple d’impôts tels les DMTO – pour compenser de nouvelles dépenses; puis les recettes et les dépenses vivent leur vie. Dans certains cas, les dépenses évoluent plus rapidement que les recettes mises en face, mais il existe des exemples inverses.

En revanche, nous sommes tout à fait conscients, et nous avons évoqué longuement ce sujet jeudi dernier à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle, que certains départements, notamment ruraux ou urbains, connaissant beaucoup de difficultés sociales, voient leurs dépenses sociales évoluer plus rapidement que les recettes apportées en contrepartie. C’est une des raisons pour lesquelles, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, notre assemblée, par voie d’amendement, a mis en place un dispositif de péréquation entre les départements qui n’existait pas jusqu’à présent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . C’est une discussion classique. Le rapporteur général a bien indiqué de quelle façon étaient compensées les charges nouvelles des collectivités locales: une photographie, à un moment donné, suivie d’une évolution. L’État intervient dans cette évolution à travers le FMDI, mais aussi en acceptant parfois de surcompenser – même si cela ne relève pas de la norme. Ainsi, la prestation de compensation du handicap a été surcompensée de quelque 700 millions d’euros pour l’ensemble des départements l’année dernière, et l’État n’est pas revenu sur ce dépassement. L’APA a certes généré des dépenses très importantes mais, au fond, c’est la problématique initiale de cette allocation qui est en cause.

Il s’agit d’un débat infernal et infini qu’on essaie de clarifier au fil du temps. L’État fait ce qu’il peut et ce qu’il doit vis-à-vis des collectivités locales. Aujourd’hui, en dehors des recettes affectées, il consacre 51 milliards d’euros aux collectivités locales, 57 milliards avec le FCTVA. Ces 51 milliards, concourent à l’équilibre des finances des collectivités locales. Leur déficit – ou leur besoin de financement si vous préférez – est de 8 à 9 milliards d’euros; sans les 51 milliards en dotations de toute nature de l’État, il atteindrait 60 milliards.

Raisonnant ainsi, je ne peux accepter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Monsieur le ministre, il y a un virus dans le logiciel que vous développez. Appliquons-le à la sécurité sociale, imaginons que l’on charge les départements ou les régions d’assurer la sécurité sociale de leurs habitants sur leurs fonds propres, sans péréquation nationale. Une couverture sociale, c’est une couverture nationale, comme le niveau de RMI ou de RSA, qui ne diffère pas d’un département à l’autre. Aujourd’hui, vous demandez aux départements qui comptent le plus de personnes âgées ou de bénéficiaires du RMI ou du RSA d’assurer la solidarité. Cela ne peut pas fonctionner!

C’est une des questions récurrentes que nous avons essayé d’aborder au cours des discussions. On voit bien que si l’État ne compense pas plus précisément les décisions de solidarité qu’il a arrêtées, on ne peut pas s’en sortir. Si, cette année, plusieurs départements risquent de boire la tasse au niveau financier, c’est à cela qu’on le doit. Je vous demande vraiment de regarder de plus près le niveau des dépenses des collectivités qui financent une prestation nationale sur leurs recettes.

(L'amendement n°345 n'est pas adopté.)

Article 17

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°536 rectifié.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est un appel du pied au Gouvernement et renvoie à notre longue discussion sur l’article 2. Pour trouver les 649 millions d’euros compensant toute une série de transferts, on augmente les taux de prélèvement sur la TIPP. Ce prélèvement est versé dans un fonds national et un article prévoit la répartition selon un pourcentage arrêté pour chaque département. C’est ce que l’on appelle l’autonomie financière! Mais, mes chers collègues, une dotation reviendrait exactement au même.

Il s’agit d’un débat de fond entre deux conceptions. L’une qui considère que la régulation de la dépense publique viendra d’impôts clairs, spécialisés, pesant sur les électeurs qui élisent des exécutifs ou les battent quand ceux-ci font des bêtises et augmentent trop les impôts au regard d’un niveau de services publics locaux. L’autre qui considère, comme Mme Thatcher mais pas seulement elle, qu’il faut réguler la dépense publique locale par des dotations tenues par l’État. Avec ma famille politique, nous sommes, depuis toujours, des tenants de la première.

L’objet, monsieur le ministre, n’est pas de supprimer 649 millions, mais de décider de les financer par un impôt. Nous avons fait une proposition, qui certes ne laisse pas indifférent: la taxe additionnelle à la CSG. Vous verrez qu’on sera obligé d’y venir au moins pour les départements, d’autant qu’elle est cohérente avec leurs compétences sociales.

Certains n’en veulent pas – c’est la position du ministre. Très bien! Trouvons alors un autre impôt à base locale, sinon il n’y aura plus de démocratie locale. Pourquoi voulez-vous, mes chers collègues, qu’un électeur aille voter aux élections cantonales et a fortiori régionales quand ces assemblées vivront pour 90 à 95 % de dotations de l’État? Sur quoi jugera-t-il les exécutifs locaux pour déterminer son vote?

Nous souhaitons savoir si le Gouvernement est prêt à évoluer sur ce sujet qui nous occupe depuis vingt ans et qui, depuis vingt ans, est traité à la Thatcher. Et on s’étonne que plus personne n’aille voter aux élections cantonales et régionales!

Mme Marylise Lebranchu. Très bien! Je le dis et j’applaudis!

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je suis défavorable à cet amendement qui supprimerait une procédure de régularisation qui fonctionne très bien. Notre collègue Thierry Carcenac préside la commission consultative d’évaluation des charges au sein du Comité des finances locales. Chaque année, cette commission, majoritairement composée d’élus et présidée par un élu, vérifie les ajustements. Le dispositif fonctionne bien et il n’y a pas lieu de le supprimer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’amendement de M. de Courson vise à susciter la discussion, non à être adopté. Il serait en effet paradoxal de l’adopter et, ce faisant, de réduire considérablement les recettes des départements. Le ministre du budget serait certes sensible à la possibilité de garder la TIPP pour le budget de l’État, mais cela me paraît difficilement acceptable.

En outre, il ne s’agit pas d’un problème d’autonomie des collectivités locales, la discussion au Comité des finances locales jouant un rôle très important.

L’amendement est, enfin, contraire à la Constitution, selon laquelle un transfert de compétences doit s’accompagner d’un transfert de ressources. Or les fractions de TIPP que nous vous proposons de voter forment une part de ces ressources.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Soit, je retire mon amendement, mais je constate une nouvelle fois qu’il n’y a pas de réflexion de fond. Depuis quinze ans, gouvernement après gouvernement, on bricole en la matière. À cet égard, la gauche n’a pas fait mieux que nous dans la mesure où elle n’a cessé de réduire l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Quand on est dans l’opposition, on la revendique et lorsqu’on est dans la majorité, on y renonce par peur. Voilà grosso modo le drame français.

Mme Thatcher a gagné, mes chers collègues!

(L'amendement n°536 rectifié est retiré.) (L'article 17 est adopté.)

Articles 18 et 19

(Les articles 18 et 19, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 20

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n os 248 et768, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n°248.

M. François Pupponi. Nous demandons au Gouvernement de faire un effort supplémentaire au profit des collectivités locales, notamment sur le montant des dotations pour 2010 afin de maintenir un niveau équivalent à celui de 2009 car certaines collectivités verront leurs dotations diminuer en raison des votes précédents, malgré l’adoption d’un amendement du rapporteur général. En tout état de cause, c’est insuffisant. Les concours de l’État aux collectivités locales doivent être au moins équivalents à ceux de 2009.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, pour défendre l’amendement n°768.

M. Éric Woerth, ministre du budget . L’amendement du Gouvernement vise à tirer les conséquences du vote des trois amendements précédents relatifs aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales, les amendements Carrez et Migaud en quelque sorte.

Il procède à l’ajustement du montant des dotations d’investissement, du fonds de solidarité des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles, des FDPTP, ainsi que des compensations d’exonérations. Ces mouvements permettent de dégager 131 millions d’euros affectés aux dotations d’aménagement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis défavorable à l’amendement n°248 – compte tenu des contraintes budgétaires, on ne peut guère aller au-delà de 1,2 % de hausse –, et favorable à l’amendement du Gouvernement qui tire les conséquences de ceux que nous avons adoptés précédemment.

(L'amendement n°248 n'est pas adopté.) (L'amendement n°768 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 20 est ainsi rédigé et l'amendement n°346 tombe.

Articles 21 à 30

(Les articles 21 à 30, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 31

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, inscrit sur l’article.

M. Jean Launay. L’article 31 portant sur le transfert d’un centre d’études de la délégation générale pour l’armement au commissariat à l’énergie atomique n’intéressera peut-être pas grand monde, mis à part les commissaires à la défense et moi-même, puisque ce transfert concerne la circonscription dont je suis l’élu.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et de la rationalisation de l'outil de défense, le ministre de la défense a opté pour un rattachement du centre d’études de Gramat au commissariat à l’énergie atomique, direction des applications militaires. Cette décision politique poursuit plusieurs objectifs: une meilleure maîtrise de la chaîne des armes nucléaires au profit de la défense; un meilleur positionnement de la défense sur les armes à énergie dirigée; une ouverture des activités civiles du centre d’études de Gramat au profit de la sécurité globale et, enfin, une optimisation des compétences.

L'extension du domaine couvert par la direction des applications militaires dans le cadre de l'armement nucléaire est le principal intérêt stratégique de l'opération. Cette direction maîtrise les sorties d'armes et le centre d’études de Gramat possède les compétences sur les effets sur les systèmes d'armes. L'intégration du centre d’études de Gramat à la direction des applications militaires permettra donc d'acquérir une maîtrise complète de la chaîne des armes et, ainsi, d'améliorer l'efficacité pour adapter les systèmes aux besoins futurs de la défense. Cela vaut également pour l'optimisation des produits existants car le centre d’études de Gramat valide aussi les nouvelles solutions technologiques proposées par les industriels.

Le centre d’études de Gramat a actuellement le monopole de certaines activités en amont de la direction générale de l’armement, dans les domaines des explosifs, des charges formées et de l'électromagnétisme. Le rattachement permettra à la direction des applications militaires de mieux se positionner sur les armes à énergie dirigée et sur le développement des activités civiles. Ce nouveau rattachement permettra aussi un développement des activités non nucléaires du centre d’études de Gramat, en particulier de la sécurité globale, qui est un axe stratégique du ministère de la défense. Il s'agit de mieux protéger les personnes et les biens face à des actes anti-terroristes contre des infrastructures, des structures d'avions, des réseaux de transmission ou électriques.

Ce regroupement doit permettre enfin d'optimiser les compétences et les effectifs dans certains domaines. Par exemple, la création d'un pôle de compétence en détonique assurera le maintien des compétences du domaine dans cette discipline stratégique pour le développement des charges. Le rassemblement des équipes donnera une taille critique permettant de mieux répondre aux besoins de la défense.

Dans d'autres domaines – électromagnétisme, micro-ondes de forte puissance –, des redondances pourront être supprimées et les effectifs ainsi libérés consacrés à d'autres activités stratégiques. Les compétences en matière de sécurité globale et de diversification pourront être développées et ainsi assurer une croissance des effectifs de plusieurs dizaines de personnes d'ici à 2015.

Les personnels du centre d’études de Gramat, qui seront tous intégrés à la nouvelle structure vont changer de statut – suppression de 26 statuts actuels pour passer à deux. Nous veillerons au plan local à ce que les personnels ne soient pas lésés. L’attribution d'un treizième mois et la création d'un comité d'établissement doivent contribuer à stabiliser cette opération.

En conclusion, le rattachement du centre d’études de Gramat à la direction des applications militaires du CEA, doit permettre de mieux servir la défense, d’optimiser les compétences et les effectifs, de développer les activités civiles assurant des embauches et la contractualisation avec les groupes industriels ainsi qu’avec les PME-PMI locales, nombreuses à intervenir dans ce secteur de pointe. Nous espérons conserver sur un territoire rural de causses une entité disposant de savoir-faire et de compétences reconnus.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis très favorable à l’article 31, monsieur le ministre, à une réserve près. Au III de l’article, il est précisé que le transfert de ce centre d’études ne donne lieu à aucune indemnité ou perception de droits ou de taxes. Qu’en est-il de la taxe professionnelle ou de la future contribution à la valeur ajoutée? Actuellement, la DGA ne paie pas d’impôt puisque c’est l’État. À ma connaissance, elle ne paie pas de taxe professionnelle. Or certains établissements du CEA paient la taxe professionnelle et d’autres ne la paient pas. Pourriez-vous nous dire si ce transfert entraînera l’assujettissement du centre de Gramat à la taxe professionnelle?

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je l’ignore. Nous allons vérifier et répondre dans les plus brefs délais à M. de Courson qui, comme à son habitude, a posé une question très précise. Je remercie M. Launay pour son intervention. La RGPP n’a pas que des conséquences négatives, puisque le centre d’études de la DGA est consolidé grâce à son intégration au CEA.

(L'article 31 est adopté.)

Article 32

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 32 exonère l’Office national des forêts du paiement de toute indemnité ou perception de droits, impôts ou taxes relatifs à la signature du bail lui transférant un ensemble de bâti domanial.

Comme l’indique l’excellent rapport de la commission des finances, « dans une rédaction qui rend hommage à la complexité caractérisant les règles de la propriété publique » (Sourires), le présent article fait référence à cet ensemble immobilier en énumérant, en fonction de leur statut juridique, les divers biens qui le composent et seront ainsi transférés à l’Office national des forêts. En contrepartie, l’Office paiera désormais un loyer à l’État. Il n’y a là rien à redire.

Ce qui pose problème, c’est que l’ensemble du patrimoine pourrait être, une fois rénové, cédé. L’Office national des forêts récupère un patrimoine de petites maisons forestières dont l’entretien, voire la rénovation, lui incombera et qu’à terme il pourra vendre.

Si j’appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues, c’est qu’il existe un précédent fâcheux à Paris, avec l’Imprimerie nationale. Lorsqu’un patrimoine confié à un établissement public est cédé au privé, cela fait, en général, augmenter les prix et lorsque, ensuite, l’État se rend compte qu’il a, en fait, besoin de ce patrimoine, il le rachète au privé à un prix bien supérieur! Notre collègue Jean-François Lamour pourrait le dire mieux que moi, puisqu’il s’agit de son arrondissement. L’État a ainsi perdu énormément d’argent en quelques années à peine.

Je vous mets donc en garde sur ce qui risquerait de se passer pour le patrimoine de l’ONF. Nous savons tous, depuis le Grenelle de l’environnement, qu’il faut mettre un terme au mitage des forêts, augmenter la biomasse, en particulier à proximité des villes et des grandes métropoles. Il est très dangereux que l’État se dessaisisse de ce patrimoine et qu’il imagine que l’ONF pourrait le céder. J’appelle chacun à une grande vigilance et je demande au Gouvernement de soumettre désormais toute cession à l’approbation de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à l’article 32, mais je souhaite avoir une explication. Beaucoup de communes ont été extrêmement émues lorsque le conseil d’administration de l’ONF a pris, par délibération, une position consistant à dire qu’il n’avait plus à payer le foncier non bâti aux collectivités territoriales, arguant du fait qu’il n’était pas propriétaire des forêts et qu’il revenait à l’État de payer la taxe. Cela a provoqué un vrai « bazar » dans de nombreuses communes qui possèdent des forêts domaniales.

L’article 32 est quelque peu ambigu. En droit privé, il y a deux situations: l’usufruit ou la nue-propriété. Et c’est le nu-propriétaire d’un bois qui paie les impôts, et non l’usufruitier, ce qui est bien normal puisque ce dernier ne touche pas de revenus. En parlant dans le texte de « transfert en jouissance » et non d’usufruit, vous créez une nouvelle situation juridique.

Monsieur le ministre, pourriez-vous déclarer publiquement que c’est à l’ONF de payer aux communes les impôts fonciers – c’est-à-dire le foncier non bâti, ainsi que le foncier bâti sur les immeubles construits dans les forêts‚–, conformément au droit commun? De mémoire, cela représente une cinquantaine de millions d’euros; ce n’est pas rien. Vous aviez déjà pris des engagements en ce sens lorsque nous en avions débattu.

Au regard du foncier non bâti, le transfert de jouissance est comparable à un usufruit. N’oublions pas que c’est à l’ONF que revient le produit des coupes effectuées dans les forêts domaniales, et non à l’État. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre!

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . S’agissant des ventes, madame Mazetier, ce n’est pas à la représentation nationale de décider de la vente de tel ou tel bien, sans quoi nous n’en aurions jamais fini! Cela ne relève pas du pouvoir législatif.

Nous menons une politique de ventes très active; certains d’entre vous sont du reste directement concernés, par l’intermédiaire du Conseil de l’immobilier de l’État. Ces ventes ont représenté 500 ou 600 millions d’euros cette année, et jusqu’à un milliard au cours des deux ou trois années précédentes, lorsque le marché immobilier était plus favorable. Des opérations très importantes de restructuration de nos administrations sont en cours à Paris, mais aussi dans les régions.

L’opération qui touche l’Imprimerie nationale n’a certes pas été brillante…

M. Jean Launay. Un vrai échec!

M. Éric Woerth, ministre du budget . … puisque la vente a été suivie de travaux puis d’un rachat – mais en l’espace d’une dizaine d’années.

Mme Sandrine Mazetier. Pas tant que cela!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Si: une dizaine d’années s’est écoulée entre la décision de vendre et l’achèvement de l’opération. La RGPP n’existant pas encore, la disponibilité des bâtiments n’était pas prévisible à long terme.

Vous n’avez donc pas tort, madame Mazetier, s’agissant de l’opération elle-même, qui concernait le ministère des affaires étrangères. Mais si l’État est sorti perdant de cette seule opération, les différentes opérations immobilières en jeu lui ont permis au total de réaliser une plus-value.

Quant au foncier bâti et non bâti, à mon sens, l’ONF doit le payer. Nous vous le repréciserons, mais c’est ainsi que je comprends le texte.

(L’article 32 est adopté.)

Après l'article 33

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n°200.

M. Daniel Garrigue. Cet amendement tend simplement à rappeler quelques principes essentiels applicables à toute politique d’émission d’emprunts publics.

Nos déficits et notre endettement ne cessant de s’aggraver, la logique veut que les émissions d’emprunts soient prioritairement consacrées au financement de ces déficits et à l’atténuation de la charge de cette dette. J’observe du reste que les grands emprunts émis dans le passé ont généralement eu pour objet de redéployer la dette publique pour nous donner un peu d’oxygène, et non de l’alourdir encore.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vos services disposent d’un outil extrêmement efficace: l’agence France Trésor, qui a su développer ces dernières années une politique de gestion de la dette publique fondée sur des produits généralement fongibles, bien déployés dans le temps, et une politique d’émission qui tient compte des circonstances les plus favorables. Serait-il vraiment opportun de lancer un emprunt qui romprait avec cette politique?

On parle beaucoup de la nécessité de soutenir les secteurs porteurs d’avenir; mais nous avons déjà tous les outils pour le faire, du Fonds spécial d’investissement à l’Agence nationale de recherche en passant par l’action d’OSÉO au plus près du terrain. J’ai en outre défendu la semaine dernière un amendement proposant d’affecter une plus grande part du produit de l’assurance-vie aux jeunes entreprises et aux PME les plus innovantes. Vous avez repoussé cet amendement; j’espère que vous le ferez reprendre par l’un de nos collègues du Sénat et que vous l’accepterez alors.

Si l’on veut vraiment faire de la relance par l’emprunt, même si cela est devenu très difficile à l’échelon national, on aurait pu le faire au niveau européen. En effet, si l’Union européenne n’a pas la capacité d’emprunter, la Banque européenne d’investissement en dispose et aurait pu en faire un usage efficace, notamment autour des objectifs de la stratégie de Lisbonne.

Mon amendement tend donc à rappeler que les principes d’unité et d’universalité budgétaires s’appliquent à la gestion des émissions d’emprunts publics comme à toutes les dépenses et recettes du budget. Il vise en outre à nous prémunir contre des dérives qui risqueraient de porter préjudice à l’unité et à l’évolution de nos finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission n’a pas adopté cet amendement.

Nous avons discuté de la nécessité pour l’État de recourir à l’emprunt, y compris à court terme, afin de faire face à une forte baisse des recettes par rapport aux prévisions, comme celle que nous avons connue cette année; ainsi, au lieu de 50 milliards, l’impôt sur les sociétés en a rapporté moins de 20. Il faut bien que l’État puisse combler l’écart; voilà pourquoi il fait appel au marché financier.

Or l’amendement de M. Garrigue liait la possibilité d’emprunter au déficit prévisionnel, ce qui représentait une contrainte excessive. Je sais qu’il a été corrigé mais, même dans sa nouvelle rédaction, il fait peser sur l’État une trop forte contrainte.

S’agissant de l’emprunt, nous avons beaucoup progressé depuis la LOLF, en 2001. Auparavant, en effet, le budget de l’État ne portait pas trace de l’emprunt: le remboursement en capital, par exemple celui de la dette, étant traité en opération de trésorerie, il n’apparaissait pas parmi les dépenses, à la différence de ce qui avait cours pour les budgets des communes. Depuis la LOLF, nous adoptons chaque année en loi de finances initiale ce que l’on appelle un tableau de financement, dans lequel nous autorisons une variation maximale de la dette de l’État.

Néanmoins, ce tableau n’est évidemment pas apprécié au jour le jour, mois par mois, mais en fin d’année, afin de permettre de mobiliser des dépenses au fur et à mesure. Car si les recettes ne rentrent pas toujours au rythme espéré, les dépenses, elles, sont souvent rigides – du fait de la masse salariale ou des interventions – et il faut bien pouvoir faire la soudure. Voilà pourquoi l’on recourt à l’emprunt.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . La réponse du rapporteur général est très éclairante. Monsieur Garrigue, nous aurons cette discussion lorsque nous débattrons du grand emprunt…

M. Gérard Bapt. Mais il est dans le texte!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …et en traduirons le lancement dans des textes financiers. J’imagine que vous aurez bien des choses à en dire, droite et gauche confondues, et le débat sera intéressant.

Je préciserai plusieurs règles, que j’ai déjà évoquées avec la commission des finances, soit à ce moment, soit lors de l’examen de la loi de programmation trisannuelle – dont j’espère qu’il aura lieu avant le printemps‚–, afin de nous doter de repères pour l’avenir en matière de gouvernance de nos finances publiques.

Nous aurons donc ce débat, et je souhaite que nous le préparions très activement…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous sommes prêts!

M. Éric Woerth, ministre du budget . …avec votre commission des finances et avec le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je n’ai été convaincu ni par le rapporteur général ni par le ministre.

L’objet de mon amendement n’était évidemment pas d’empêcher l’État d’émettre des emprunts, ni de plafonner cette émission. Il s’agissait seulement de proposer que les emprunts émis en 2010 ne puissent être consacrés qu’au financement du déficit budgétaire ou de la dette publique.

Or le grand emprunt, dont nous devons parler dès aujourd’hui, constitue un écart majeur par rapport aux règles d’unité et d’universalité budgétaires que je viens de rappeler (Approbations sur les bancs du groupe SRC)  : en créant des recettes, il va nous contraindre à établir un véritable budget bis. Pour éviter cette situation, il aurait fallu inclure le grand emprunt dans ce projet de loi de finances.

M. Michel Sapin. C’est plein de bon sens!

M. Daniel Garrigue. En réalité, on va créer d’autres dépenses qui aggraveront le déficit et la dette publique au lieu de les financer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Daniel Garrigue a raison. Et je comprends pourquoi ni le rapporteur général ni le ministre ne souhaitent débattre du grand emprunt: ils ne disposent d’aucun élément leur permettant d’en parler!

Là est l’anomalie fondamentale: nous, parlementaires, examinons et allons peut-être voter cette loi de finances pour 2010 sans rien savoir de ce que sera la véritable loi de finances, qui nous sera soumise lorsque les arbitrages relatifs au grand emprunt auront été rendus, au terme des travaux d’une commission où ne siège plus aucun élu! C’est une dépossession de la représentation nationale (Approbations sur les bancs du groupe SRC) : c’est au Parlement qu’il eût fallu en discuter et, le cas échéant, en décider, car c’est ici que l’on vote le consentement à l’impôt, c’est ici que l’on envisage et que l’on décide la dépense publique et les dépenses d’avenir.

Daniel Garrigue a donc raison d’essayer d’imposer quelques règles contraignantes afin de ramener le pouvoir, c’est-à-dire, en réalité, le Président de la République, à une position certes plus traditionnelle, mais à nos yeux bien plus juste et bien moins dangereuse. Aujourd’hui, on confie à des personnes actuellement dépourvues de légitimité le soin de définir l’avenir du pays: tel n’est pas leur rôle.

En outre, lors de l’examen de l’article d’équilibre, nous allons voter un déficit de 116 milliards d’euros, un stock de dette de 84 %, un déficit public de 8,5 %; mais ces chiffres ne veulent rien dire, puisqu’ils seront de toute façon modifiés par le grand emprunt – de 1 % si l’emprunt représente 20 milliards d’euros, de 5 % s’il atteint 100 milliards. On sait que Henri Guaino – qui est aussi prolixe que sa légitimité est contestable – souhaite un grand emprunt de 100 milliards. On se demande du reste au nom de quoi et au nom de qui il s’exprime aussi catégoriquement. Ces 5% supplémentaires porteraient la dette à 90 % du PIB; et cela se discute hors de cette enceinte, sans même qu’un parlementaire soit consulté?...

Daniel Garrigue a donc parfaitement raison, j’y insiste, de soulever cette question, qui doit l’être à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances…

M. Michel Sapin. Ils sont tous d’accord!

M. Jérôme Cahuzac. Ou alors, mes chers collègues, acceptons que les sujets les plus importants, qui concernent l’avenir de notre pays, ne soient désormais plus discutés que dans la presse, sur les plateaux de télévision lors d’entretiens incontrôlables ou, pire, dans la rue!

Vous êtes les premiers à regretter que certaines décisions soient prises après des manifestations de rue que vous jugez peu républicaines et qui se déroulent parfois, en effet, dans des conditions contestables. Que n’avez-vous le même réflexe lorsque vous entendez des personnes dénuées de toute légitimité vous commander de faire un choix aux prémisses duquel vous n’avez pas été associés? Daniel Garrigue a raison et nous voterons son amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Mercredi soir, nous allons pouvoir, pendant plus de deux heures lors d’une réunion conjointe des commissions de l’Assemblée, auditionner M. Michel Rocard et M. Alain Juppé, que le Président de la République a chargés de coprésider la commission sur l’emprunt national. Chacun pourra alors s’exprimer. J’ai bien entendu les arguments de Daniel Garrigue. Le débat qu’il appelle de ses vœux, nous l’aurons sans doute le moment venu, c’est-à-dire le jour où nous saurons quelle est la forme de ce grand emprunt – car, pour l’instant, nous l’ignorons – et quel est son montant, qui, pour l’instant, n’est pas défini.

M. Michel Sapin. Après! Le jour d’après!

M. Gérard Bapt. Après que nous aurons voté!

M. Jérôme Chartier. Chacun pourra ensuite faire connaître son point de vue, ce qui, en République, paraît logique.

Mme Marylise Lebranchu. Avant la loi de finances, pas après!

M. Jérôme Chartier. Et le Parlement ne sera pas seul à s’exprimer, mais tous les responsables politiques, économiques et sociaux le feront. Je découvre fréquemment dans la presse ou dans des courriers qu’on m’envoie la position de tel ou tel leader syndical sur l’orientation ou sur l’objet du grand emprunt. À la bonne heure! Que le débat ait lieu! Il aura lieu dans l’hémicycle et, avant cela, en commission, dans quarante-huit heures.

Est-il utile de définir, dès aujourd’hui, ce que sera le cadre du grand emprunt? Je ne le crois pas. Le moment n’est pas venu. Je ne doute pas que ce débat dans l’hémicycle se tiendra très vite, dans quelques semaines. Que le processus s’engage, que le contenu soit défini et que chacun nourrisse le débat: cela me semble parfaitement légitime dans une démocratie.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Merci de me redonner la parole, monsieur le président: je n’en abuserai pas. Difficile de retrancher quoi que ce soit aux propos de Jérôme Chartier qui confirme le procès que Daniel Garrigue, par son amendement, et nous-mêmes en le soutenant, nous instruisons. M. Chartier vient de décrire précisément ce que nous dénonçons. Nous allons voter, demain, le projet de loi de finances et nous commencerons à auditionner les supposés responsables du grand emprunt le lendemain. Nous voterons donc la loi de finances sans savoir ce qu’elle sera en réalité. C’est bien ce que nous déplorons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Chartier. Ce sont deux choses différentes!

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Nous avons voté, l’an dernier, une réforme constitutionnelle qui avait, en principe, pour objet de renforcer les pouvoirs du Parlement.

M. Jean-Louis Idiart. Nous, nous ne l’avons pas votée!

M. Daniel Garrigue. Or, à longueur de débats, nous constatons que, en réalité, on ne fait que revenir sur les pouvoirs du Parlement, que ce soit avec le temps programmé ou avec la présence des ministres en commission lors de l’examen des projets de loi. On dessaisit à présent le Parlement de toute une partie du débat budgétaire et du débat sur les finances publiques. On nous consulte sur le projet de loi de finances en sachant très bien que, dans quelques jours, on nous proposera quelque chose qui aura peut-être des répercussions considérables sur le financement de l’économie et qui ne figure pourtant pas dans la loi de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’amendement de notre collègue Garrigue a le mérite de poser de nouveau la question du grand emprunt et de sa liaison avec l’année 2010. Nous sommes plusieurs à nous être exprimés à ce sujet dans le cadre de la discussion générale et à avoir remarqué qu’il était un peu curieux d’examiner un projet de loi de finances alors même que se prépare quelque chose qui ne va pas manquer d’avoir un impact sur les finances publiques. J’ai été surpris d’entendre l’autre jour un conseiller, Henri Guaino, dire: « Le Président de la République ne souhaite pas augmenter les impôts, nous allons donc emprunter. » (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Tout le débat est dans ce raccourci. Dans la mesure où nous avons quelques limites en matière de dépenses et où s’est manifestée une certaine volonté de restreindre le niveau des recettes, il faut bien, si nous voulons assumer quelques dépenses nouvelles, trouver des modalités de financement. Mais un emprunt, ce n’est pas une recette budgétaire.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . C’est une recette remboursable!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est d’ailleurs toute la difficulté, et peut-être faudra-t-il le préciser à quelques-uns: l’impôt et l’emprunt, ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous aurons, je pense, l’occasion d’y revenir, mais c’est le grand mérite de l’amendement de notre collègue Garrigue de nous le rappeler.

Quant à l’audition conjointe, cette semaine, de M. Michel Rocard et de M. Alain Juppé par la commission des finances et la commission des affaires économiques, elle a été organisée autant à leur demande qu’à la nôtre. Ils ont, en effet, souhaité voir eux-mêmes comment la représentation nationale pouvait raisonner par rapport à ces sujets.

M. Gérard Bapt. Sont-ils d’accord entre eux?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il va de soi que nous aurons à en débattre en décembre, en janvier ou en février,…

M. Jérôme Cahuzac. Eux-mêmes ne le savent pas!

M. Gérard Bapt. Aux ides de mars! Ce sera la mort des finances publiques!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …à l’occasion de ce qui devra de toute façon être un nouveau texte financier. C’est bien le côté cocasse de cette situation, qui résulte d’une certaine communication. Le problème, c’est quand la communication a des répercussions en matière budgétaire et financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Les conseillers conseillent et le Gouvernement gouverne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est ainsi que cela doit fonctionner, et c’est ainsi que cela fonctionne dans le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Ce budget n’est entaché d’aucune insincérité. On nous a dit, dans la discussion générale, que, le grand emprunt n’y figurant pas, le budget n’était pas sincère. Mais n’est-il pas bon de terminer le débat budgétaire avant d’en reparler? Ce qui aurait été anormal, ç’aurait été d’intégrer le grand emprunt dans la loi de finances, car le débat est loin d’être terminé, puisqu’il va commencer. Jérôme Chartier l’a fort bien dit: il se déroulera dans cet hémicycle comme au Sénat. On peut être contre, nous sommes là pour débattre, mais une commission travaille, le Gouvernement fera des propositions et tout cela fera l’objet de décisions nationales sur la nature du grand emprunt, sur ses modalités, sur son utilité, sur les thèmes qu’il doit servir, sur les dossiers qu’il doit financer. Après quoi nous en aurons la traduction législative dans un texte financier qui vous sera proposé, monsieur le président de la commission des finances, dans les mois qui viennent, probablement au début de l’année prochaine. Nous aurons bien, alors, un budget qui aura été rectifié. L’année dernière, pour nous adapter à la crise, nous avons fait quatre collectifs. Nous nous adapterons à une politique différente, qui sera le fruit d’un débat sur l’avenir de la France et sur les secteurs que nous considérons comme très porteurs. Chacun y prendra part.

M. Garrigue dit que, dans cette affaire, le pouvoir du Parlement est piétiné. Mais le Parlement n’a jamais eu autant de pouvoirs! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Vous êtes parlementaire depuis bien longtemps, monsieur Garrigue, et vous savez que jamais les pouvoirs du Parlement n’ont été aussi importants qu’aujourd’hui. À l’époque où ils étaient moins importants, vous ne vous en plaigniez pas. Je suis donc assez surpris que vous vous plaigniez aujourd’hui. Il y a 36000 manières de prouver ce que je dis. Il suffit de se référer à la Constitution ou au règlement de l’Assemblée nationale.

M. Michel Sapin. Ce ne sont pas les textes qui comptent, c’est la pratique!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Regardez la Constitution. Les contre-pouvoirs n’ont jamais été aussi importants en France!

M. Michel Sapin. En Union Soviétique aussi, elle était belle, la Constitution!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il y a un pouvoir fort et il y a des contre-pouvoirs forts: c’est bien naturel. Que vous vouliez en faire toujours plus, je le comprends, mais c’est au Gouvernement de vous proposer des textes. Il y en aura un sur le grand emprunt. Chaque chose en son temps.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Je comprends, monsieur le ministre, que vous ayez regardé pendant toute votre intervention le groupe de la majorité, parce que j’ai entendu, aussi, le président du groupe UMP dire que, avant de se précipiter sur ce grand emprunt, il fallait faire attention, qu’il fallait regarder de près les niches, notamment les 65 milliards d’avantages accordés aux entreprises.

M. Michel Sapin. Il a raison!

M. Claude Bartolone. Quel est l’endroit où l’on doit se poser la question, si ce n’est l’Assemblée nationale, au moment du budget?

Je ne voudrais pas avoir l’air d’insister, mais je vous renvoie à la question que, au chapitre premier de son rapport général, Gilles Carrez pose, avec un certain art de l’euphémisme: « Comment éviter un endettement public de 100 % du PIB? » Quand le rapporteur général du budget se pose ce genre de question, quand le président du groupe UMP formule de telles interrogations, on est en droit de considérer que le grand emprunt aurait dû être examiné au moment de la discussion budgétaire.

(L’amendement n°200 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°256.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. J’en suis désolé, madame Lagarde, mais, avec cet amendement, nous allons reparler des banques. Nombre de parlementaires, sur tous les bancs, et une majorité de Français, quel que soit le choix qu’ils aient pu effectuer en 2007, ont vraiment cru, après le discours de Toulon, que plus rien ne se passerait comme avant. Les mots étaient forts, le ton paraissait particulièrement sincère, la situation était très grave et les engagements étaient précis. Qu’en est-il en réalité un an plus tard? Il suffit pour le savoir de lire certain journal du soir la semaine dernière et de se reporter tous les matins aux journaux économiques: un an plus tard, rien, rigoureusement rien, n’a changé.

Nous étions en séance, où M. le ministre des comptes publics représentait le Gouvernement, lorsque nous avons appris qu’une dizaine de dirigeants de la Société générale s’attribuaient des dizaines de milliers d’options, et que le prix des actions était tellement bas que, entre le moment où le conseil d’administration avait décidé l’attribution de ce plan de stock-options et le moment où nous l’avions appris, ces dirigeants avaient déjà réalisé des plus-values de quelques centaines de milliers d’euros.

Rien n’a changé, et il suffit pour s’en convaincre de constater ce que sont les montants provisionnés par nos grandes banques françaises pour distribuer primes et bonus.

Rien n’a changé, et il suffit pour s’en convaincre de se rappeler dans quelles conditions sont partis deux dirigeants d’une banque particulièrement fautive, Dexia, dont l’État, directement ou indirectement, a contribué à la recapitalisation à hauteur de 3 milliards d’euros et garanti pour 57 milliards d’euros les actifs douteux. Ces deux dirigeants sont partis, l’un avec une retraite chapeau à faire pâlir d’envie n’importe quel dirigeant bancaire, et l’autre avec un parachute doré qui lui assure un atterrissage d’une parfaite douceur. Rien, rigoureusement rien, n’a changé.

Cette année, trois mesures ont été prises et une autre a été annoncée. Première mesure: un comité d’éthique s’est constitué au MEDEF. Il ne fait rien, car il n’a pas la capacité de s’autosaisir. Aucune entreprise ne le saisit. C’est donc une mesure purement cosmétique.

Deuxième mesure: un grand superviseur des rémunérations a été nommé. J’ai déjà eu l’occasion, dans la discussion générale, d’interpeller mes collègues de l’UMP pour leur demander s’ils connaissaient son nom. Je leur pose de nouveau la question, mais ils ne risquent pas de me répondre, car il ne fait rien.

Enfin, une troisième mesure a été prise, sous la forme d’un décret primo-ministériel censé étouffer toute velléité législative du Parlement. Or ce décret n’a manifestement servi à rien.

On nous annonce maintenant, à la suite du G20, un « bonus-malus ». Certes, la formule est heureuse, mais la réalité du dispositif n’a rien à voir avec celle d’un malus; elle peut, en revanche, tout avoir d’un bonus. Un véritable malus suppose que l’on vous reprenne quelque chose. Or, dans l’hypothèse où les choses se passeraient moins bien que prévu, rien ne serait réclamé, avec ces supposés malus, aux salariés, dirigeants et traders qui se seraient vu attribuer, sous une forme ou une autre, des rémunérations extravagantes.

La formule bonus-malus peut naturellement frapper les esprits et fait gagner du temps. Cependant, normalement, un malus se caractérise par le fait que l’on vous prend quelque chose ou que l’on vous fait payer davantage. Avec ce dispositif, on ne vous reprend rien. Le cas échéant, on vous verse un peu moins. S’il faut appeler malus le fait de verser un peu moins que le montant extravagant auparavant envisagé, la formule est peut-être heureuse, mais elle ne correspond pas à une réalité que la très grande majorité de nos concitoyens souhaiterait pourtant voir prévaloir.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Nous estimons que les choses ont maintenant assez duré.

En réalité, nous sommes à la traîne. Comme je l’ai rappelé, pour avoir aidé UBS à hauteur de cinq milliards de francs suisses, les Suisses ont récupéré un milliard de francs suisses. Nous savons également que le président américain veut amputer de 80 % la rémunération des dirigeants des établissements bancaires qui ont été aidés et qu’il est proposé, toujours aux États-Unis, d’instaurer une fiscalité dissuasive, précisément pour éviter ces rémunérations extravagantes, cependant que l’Allemagne et la Grande-Bretagne elle-même s’apprêtent à prendre des mesures bien plus rigoureuses que celles que nous envisageons.

Nous déposons donc cet amendement pour que le Gouvernement s’explique, qu’il nous dise ce qu’il compte vraiment faire et qu’il nous indique dans quel délai raisonnable nous cesserons d’apprendre que, dans notre pays, tel dirigeant se trouve amasser en une année, uniquement parce qu’il s’est trouvé là, en raison du hasard plus que du mérite, une fortune qu’aucun salarié de notre pays ne peut espérer gagner en toute une vie de labeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Cahuzac nous répète et martèle que rien n’a changé. Si, monsieur Cahuzac, les choses ont beaucoup changé! Je ne prétends pas que tout a changé, mais beaucoup de changements sont intervenus ces derniers mois.

Vous semblez tout d’abord oublier, puisque c’est l’objet de votre amendement, que, par la loi de finances rectificative du printemps dernier, nous avons interdit, au terme d’un long débat parlementaire, l’attribution de stock-options aux dirigeants des banques qui ont fait l’objet d’un soutien de l’État.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Vous semblez également oublier que nous avons fortement fiscalisé les parachutes dorés, …

M. Louis Giscard d'Estaing. Également!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . … qui, il y a un an, n’étaient pas assujettis à l’impôt sur le revenu ni soumis aux charges sociales.

Dorénavant, ces parachutes dorés, liés aux indemnités de départ, sont fiscalisés à partir de six fois le plafond de la sécurité sociale. En outre, ils sont soumis aux cotisations sociales, telle la CSG.

Dès lors que le montant de l’indemnité de départ est supérieur à un million d’euros, elle est soumise dès le premier euro aux prélèvements fiscaux et sociaux. Vous le voyez donc: des changements substantiels ont eu lieu. Je ne dis pas, pour autant, qu’il ne faut pas aller plus loin. De fait, il est probable que nous irons probablement encore plus loin. Un changement radical n’en est pas moins survenu depuis un an.

Par ailleurs, votre amendement tend à subordonner le rachat de prêts consentis par la société de prises de participation de l’État, sous la forme de titres subordonnés ou d’actions ordinaires, à un accord du Gouvernement. Je vous rappelle cependant que les conventions passées avec les banques concernées stipulent que la commission bancaire doit donner son accord; cette dernière dispose donc d’un droit de veto.

M. Louis Giscard d'Estaing. Exactement!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . J’estime donc que l’amendement déposé par notre collègue Cahuzac est très largement satisfait par tous les changements que nous avons votés ces derniers mois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Avant de répondre à M. Cahuzac, je voudrais remercier l’Assemblée nationale et la commission des finances d’avoir accepté de différer l’examen des amendements après l’article 11.

S’agissant de la politique de rémunération des banques, je ne répèterai pas, monsieur Cahuzac, les propos de M. le rapporteur général, auxquels je souscris et qui rappelaient les mesures que nous avons prises, auxquelles nous avons contraint les banques et que, pour l’essentiel, vous avez reprises dans un certain nombre de textes. J’y ajouterai simplement une mesure, qui figurait également dans un texte, selon laquelle les rémunérations variables ne pouvaient en aucun cas être indexées, facteur 2 ou résultant des cours de bourse. Nous nous étions effectivement aperçus que ce mécanisme n’était pas un bon mécanisme.

Je voudrais ajouter un élément complémentaire. Aujourd’hui, qu’allons-nous faire? Nous allons demander à l’ensemble des établissements bancaires français, particulièrement aux six groupes qui ont bénéficié de renforcements des fonds propres et sont actuellement en train de procéder à leur remboursement, de lever des fonds sur le marché pour reconstituer les quasi-fonds propres dont ils effectuent actuellement le remboursement et pour respecter les ratios de fonds propres, dont nous savons parfaitement que leur niveau va être relevé, particulièrement le Tier One.

Dans ces conditions, la mise en place d’un régime qui interdirait aux seules banques françaises de distribuer un dividende ne constitue certainement pas une mesure d’attractivité de nature à convaincre les investisseurs de renforcer les fonds propres des banques. Les banques françaises doivent effectivement être attractives pour que leurs fonds propres soient renforcés et que nous ne rencontrions plus de situations critiques telles que l’insuffisance de fonds propres des banques serait une menace.

Vous avez, en outre, évoqué quelqu’un en précisant que personne ne savait son nom. Je voudrais, pour ma part, rappeler que M. Camdessus, …

M. Jérôme Cahuzac. On le saura désormais!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … personnalité extrêmement respectée, que toute notre majorité connaît, a accepté, en cet âge merveilleux de la vie professionnelle où l’on en dispose un peu, de consacrer de son temps à l’examen le plus rigoureux possible des politiques de rémunération des banques, et l’on peut compter sur lui pour faire œuvre de rigueur en la matière. Il aura la possibilité de revenir vers les établissements bancaires pour leur demander de modifier leur système de rémunération. Cette possibilité s’ajoute à celle offerte à la commission bancaire de modifier ces politiques de rémunération dès lors que les fonds propres des banques seraient insatisfaisants et mettraient toute l’économie française en péril.

Je crois donc que vos objectifs, monsieur Cahuzac, sont parfaitement atteints par l’arsenal que nous avons mis en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous avons écouté attentivement les propos de M. le rapporteur général, confirmés par Mme la ministre. Un certain nombre de mesures ont été prises; nous en avons voté quelques-unes, et nous en voterons peut-être quelques autres, dont nous espérons qu’elles arriveront à terme lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cela dit, s’agissant du renforcement des fonds propres des banques, BNP Paribas vient de procéder à une augmentation de capital et a accordé à ses actionnaires des actions au prix de 40 euros, alors que le cours de l’action BNP Paribas a oscillé, ces dernières semaines, entre 52 et 58 euros. Je pense que, dans ces conditions, si avantageuses pour les actionnaires qui bénéficient d’une telle décote de 20 % ou 30 %, le renforcement des fonds propres ne pose pas de problème. S’agissant des dirigeants, ces derniers avaient promis, en 2009, de geler leur rémunération extraordinaire. Cependant, les deux plus importants dirigeants de BNP Paribas ont exercé leurs stock-options au mois de juin 2009. Certes, ils pouvaient alléguer qu’elles allaient arriver à échéance et qu’ils ne pourraient donc plus les exercer ensuite, mais elles ne leur ont pas moins permis des gains de plusieurs centaines de millions d’euros en juin2009, en pleine crise.

S’agissant enfin de la rémunération variable des traders – un tiers versé en fonction de leurs résultats, le versement des deux autres tiers étant différé et fonction des résultats ultérieurs –, j’attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que le tiers de la part différée pourrait être réglé en actions. Cela signifie que, si la banque continue de faire de bonnes affaires au moment de la sortie de crise, le cours de l’action montant, ces traders vont également faire une bonne affaire. Ils bénéficieront en effet de la montée du cours de l’action de cette banque dans un ou deux ans. Leur rémunération sera donc bien, d’une certaine manière, fonction du cours de bourse.

Voilà pourquoi nous ne croyons pas en l’efficacité des mesures proposées en matière de régulation des bonus des traders.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Tout d’abord, puisque vous l’avez nommé, madame la ministre, ce n’est pas M. Camdessus lui-même, dont la vie et la carrière sont exemplaires, qui est en cause, c’est la discrétion de son action, mais peut-être cette discrétion est-elle le gage de l’efficacité; nous jugerons sur pièces.

Par ailleurs, s’il est exact qu’un certain nombre de mesures ont été prises, il est également vrai – vous le savez, madame la ministre – que les rémunérations fixes ont été augmentées quasiment à due concurrence des pertes potentielles en termes de bonus et de primes variables. Certes, on peut désormais afficher que les bonus et les primes des dirigeants sont moindres, mais ceux-ci ont augmenté leur rémunération fixe pratiquement à due concurrence. Vous pouvez donc dire que les choses vont mieux mais vous me faites penser à ces enfants qui cherchent à retenir de l’eau dans la main; l’eau leur file entre les doigts.

Enfin, Gérard Bapt y a fait référence, nous ne vous avons pas vue réagir – vous n’avez d’ailleurs pas répondu alors que, d’une certaine manière, nous vous interpellions à ce sujet – lorsque les deux principaux dirigeants ont quitté Dexia dans les conditions que j’ai rappelées, alors qu’ils étaient fautifs. Vous aviez pourtant solennellement affirmé, devant la commission des finances, que vous vous opposeriez vous-même, personnellement, à ce que ces dirigeants bénéficient de quoi que ce soit lors de leur départ. Sans prétendre que vous n’avez pas essayé de vous y opposer, je constate simplement qu’ils sont partis dans des conditions que les erreurs qu’ils avaient commises ne devaient, objectivement, pas permettre.

(L'amendement n° 256, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Après l’article 11 (amendements précédemment réservés)

M. le président. Nous en revenons aux amendements portant articles additionnels après l’article 11, précédemment réservés.

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. J’ai eu l’occasion, samedi dernier, d’interroger M. le ministre du budget sur les conséquences d’une mesure de taxation à taux réduit, au titre de l’impôt sur les sociétés, des plus-values de long terme provenant de la cession de titres de participation. Nous allons un peu aborder ces questions de plus-values .Pour l’instant, l’on constate, d’après les documents du ministère des finances, que le coût de ce dispositif, supposé être, avant son adoption, de 4 milliards d’euros, est passé à un peu plus de 12,5 milliards d’euros. Cela représente une différence de plus de 8 milliards d’euros!

L’amendement instaurant cette mesure avait été adopté au Sénat, pratiquement sans aucune disposition. Le ministre du budget de l’époque, M. Jean-François Copé, avait émis un avis très favorable, qualifiant l’amendement d’« excellent ».

Je ne sais pas pour qui cet amendement est « excellent » mais j’aimerais avoir quelques explications sur un surcoût de 8 milliards par rapport à l’évaluation, sinon aujourd’hui, du moins d’ici la fin de l’examen du projet de loi de finances; ces 8 milliards sont bien passés quelque part!

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Monsieur le président de la commission des finances, nous allons évidemment répondre à cette question, lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Notre réponse sera précédée d’une lettre précisant, sur ce sujet complexe à analyser, les choses par écrit. Nous sommes en train d’y travailler.

M. le président. Mes chers collègues, je vais essayer de clarifier les choses, car nombre d’entre vous me posent des questions, et j’estime qu’il est plus courtois d’évoquer le déroulement de nos travaux. À cet instant, il reste soixante-seize amendements à examiner. Habituellement, nous voguons à un rythme de quinze ou seize amendements à l’heure.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous avons fait mieux tout à l’heure!

M. le président. Oui, grâce à vous tous! Mais, monsieur le président de la commission, je me permets de le rappeler: mieux vaut prendre cinq minutes, qui nous feront gagner du temps après.

Il nous reste donc soixante-seize amendements à examiner. Je suis, bien sûr, à la disposition de l’Assemblée, et le débat aura lieu sur tous les points importants, comme le bouclier fiscal. Il ne tient qu’à vous, mes chers collègues, de faire ce que nous appelons dans notre jargon une « prolongée », jusqu’à vingt heures trente ou vingt et une heure si, en évitant une séance de nuit, cela vous facilite la vie à tous. Cela étant, je ne pourrai pas faire mieux que ce que vous aurez décidé, les uns et les autres, sur tous ces bancs.

Je vous propose d’avancer – ce que tout le monde souhaite – et, à vingt heures, nous ferons le point. Cela vous convient-il? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Quelle sagesse!

M. le président. Cela n’empêche pas le débat. Nous avons bien avancé jusqu’à présent et le fait d’être bref n’empêche pas de s’exprimer.

Nous en venons ainsi à l’examen des amendements précédemment réservés.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n°593.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, cet amendement est d’une simplicité biblique: il supprime l’ISF et crée une tranche supplémentaire à 45 % au-delà de 100000 euros. Le bouclier fiscal, qui nous fait perdre des heures de débat, n’existe que du fait de l’ISF. Ce ne sont pas mes collègues socialistes qui me contrediront, puisque ce sont eux, à juste raison, qui l’ont créé en même temps que l’ISF, avec un plafond fixé à 70 %. À l’époque, la CSG et la CRDS n’existaient pas.

L’ISF a des effets pervers qui ont amené tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, à le réformer constamment. Nos collègues socialistes ont inventé l’outil de travail pour exonérer les plus grandes fortunes françaises, nous-mêmes avons réduit l’imposition sur la résidence principale et sur l’investissement dans les PME, et l’on pourrait multiplier les exemples. Toutes ces mesures relèvent du bricolage!

La vraie solution est la méthode utilisée par nos collègues socialistes espagnols. Si cela avait été possible, j’aurais pu leur faire cosigner l’amendement que je vous présente, lequel vise à supprimer l’ISF et à créer une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu à 45 %, au-delà de 100000 euros.

D’abord, cette solution est budgétairement neutre: la perte de 3,6 milliards d’ISF est compensée par un gain de 3,6 milliards provenant de l’impôt sur le revenu. Ensuite, un tel dispositif rétablirait une vraie justice fiscale. Enfin, il permettrait une véritable efficacité économique. Car à quoi nous heurtons-nous depuis des années? L’hypothèse implicite de l’ISF est que la plupart des biens rapportent au minimum 1,5 %. Or tel n’est pas le cas, tout le monde le sait!

Mes chers collègues, la solution que je préconise est celle qui l’emportera à terme. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait tous les grands pays européens, à l’exception de quatre d’entre eux. Outre la France, il y a d’abord la Suisse, qui a un impôt sur le capital local, à taux modéré; et, comme souvent, la méthode suisse, c’est 0,5 plus 0,5, avec une assiette extrêmement réduite. Il y a également deux pays scandinaves qui appliquent encore l’ISF.

Mes chers collègues, voulons-nous être les derniers en Europe à faire cette réforme de justice sociale, fiscale et d’efficacité économique? Voulons-nous continuer à bricoler? Telle est la question posée par notre amendement. J’espère que vous serez nombreux à le voter, à droite comme à gauche.

M. le président. Et même au centre!

Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La piste évoquée par Charles de Courson dans cet amendement est très intéressante. Mais il serait prématuré de répondre dans l’immédiat à sa question, car celle-ci nécessite une réflexion approfondie. Je précise que ce n’est pas une réponse de circonstance.

D’abord, M. de Courson a raison de lier l’ISF et le bouclier fiscal. Je rappelle que ce dernier a été inventé en 1989…

M. Charles de Courson. À juste raison!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …lors du « rétablissement » de l’ISF. À l’époque, le bouclier fonctionnait de la façon suivante: l’ISF ayant été rétabli, on inscrivait au numérateur impôt sur le revenu plus ISF et on y a ajouté, lorsqu’elle a été créée deux ans après, la CSG. Au dénominateur, on inscrivait les revenus, et si le numérateur excédait 70 %, il y avait remboursement. Ce système, créé à l’époque à cause de l’ISF, ressemble fortement au bouclier fiscal. Aujourd’hui, le dispositif que nous connaissons lie clairement l’ISF et le bouclier. Mais si nous voulons nous engager dans une réforme d’importance, il est nécessaire de mener une étude approfondie. Un consensus pourrait sans doute être dégagé, mais aujourd’hui nous n’en sommes pas là.

L’amendement de Charles de Courson pèche par un excès d’optimisme, car le manque à gagner ne serait pas compensé par une seule tranche de 45 % de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, imposer notamment les salaires, alors que nous aurions supprimé une imposition du patrimoine, ne me semble pas suffisant. Il y a un équilibre à trouver par rapport à l’impôt sur le revenu, mais aussi par rapport au patrimoine, et je penserais plutôt à une fiscalité différente sur les plus-values.

Cela étant, nous disposons de nombre de pistes très intéressantes dans le rapport de la Cour des comptes de février dernier sur la fiscalité du patrimoine. Pour ma part, j’imaginerais non un triptyque, comme le propose Charles de Courson, c’est-à-dire la suppression de l’ISF et du bouclier et la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, mais un « quadriptyque », composé de ces trois derniers éléments, auxquels on ajouterait…

M. Jean-Louis Idiart. La suppression des niches fiscales!

M. Gilles Carrez, rapporteur général .… la révision de certains éléments de la fiscalité du patrimoine. Nous aurions ainsi un dispositif équilibré. Cette idée est tellement séduisante qu’elle mérite une longue réflexion. Mais peut-être y arriverons-nous un jour! Cela étant, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. La Parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, pour donner l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je reprendrai les arguments développés avec talent par M. le rapporteur général. Votre idée, monsieur de Courson, est intéressante, séduisante, et elle a en outre le mérite de la simplicité. Le problème est que, lorsqu’on additionne l’ensemble des tranches, on n’a pas tout à fait le compte. Supprimant d’un côté l’ISF et le bouclier fiscal, ajoutant de l’autre une tranche à 45 % faisant passer l’imposition des plus-values de 18 à 19 %, il manque encore au moins deux milliards d’euros.

M. Charles de Courson. Il suffit de descendre!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Certes, l’idée est simple et séduisante, mais le compte n’y est pas.

Je rejoins le propos de M. le rapporteur général. Si votre proposition, monsieur de Courson, mérite d’être examinée, ce n’est pas la philosophie qui a été retenue. Les engagements très fermes pris par le Président de la République et repris à leur compte par les membres du Gouvernement, ici présents, sont les suivants: premièrement, nous n’augmenterons pas les impôts; deuxièmement, nous maintenons le bouclier fiscal, qui constitue un véritable contrat de confiance entre le Gouvernement et les Français. Dans ces conditions, il nous paraît vraiment prématuré de vouloir réexaminer l’ensemble de l’édifice, car ces deux engagements simples sont déterminants.

En outre, si nous passions, comme l’a expliqué M. le rapporteur général d’une tranche de 40 à 45 %, voire plus, parce que le compte n’y est pas, ce serait faire le choix de l’imposition des actifs sur les revenus du travail. Or ce n’est pas non plus la philosophie sur laquelle nous avons axé notre politique.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Au moins, nous sommes d’accord sur certains constats. Oui, quand l’ISF a été créé, un bouclier fut instauré, et il était parfaitement légitime de le faire. D’ailleurs, lors des nombreux débats que nous avons eus sur le bouclier fiscal, nous avons toujours dit sur ces bancs que celui-ci n’était pas une question de principe, mais de nature et de niveau.

En revanche, nous contestons le choix fait par le Gouvernement et sa majorité de mettre sous bouclier fiscal la CSG, la CRDS et les impôts locaux. On voit aujourd’hui à quelles aberrations cela conduit. Nous contestons le niveau fixé, tout en faisant remarquer à nos collègues – nombreux sont les rapports sur ce point – que la phrase « ne pas travailler plus d’un jour sur deux pour l’État » est totalement inappropriée et, pour tout dire, malhonnête, car le bilan du bouclier fiscal en 2008 montre que ce ne sont pas ceux qui vivent de leur travail qui sont protégés par le bouclier, mais les détenteurs de patrimoine.

Mme Marylise Lebranchu. Eh oui!

M. Jérôme Cahuzac. La formule est commode, jolie, facile à retenir et tout le monde peut se sentir concerné. Mais elle est malhonnête car, à 99 % – ce chiffre est précis et émane de rapports que vous pouvez consulter si vous le souhaitez –, le bouclier fiscal bénéficie aux revenus du patrimoine, non aux revenus du travail. Nous sommes d’accord sur certains sujets, mais veillons à ne pas nous laisser emporter par des formules qui, pour être séduisantes, n’en sont pas moins totalement inexactes.

En proposant de supprimer l’ISF, Charles de Courson a au moins le courage, en tant que membre de la majorité, de faire ce qu’il croit. Car si vous avez créé le bouclier fiscal, c’est que vous n’avez pas osé supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette usine à gaz fut inventée, faute de courage politique, par l’actuelle majorité. Je le dis en vous regardant dans les yeux, mes chers collègues, et en sachant que je ne serai pas démenti: chacun d’entre vous sait parfaitement n’avoir voté le bouclier fiscal que par manque de courage pour supprimer l’ISF. Au demeurant, vous avez eu l’exemple d’un tel manque de courage au plus haut sommet de l’État puisque c’est le Président de la République lui-même qui n’a pas eu ce courage, préférant miter l’assiette de l’ISF et introduire le bouclier fiscal plutôt que de supprimer franchement cette disposition qui n’a pas vos faveurs, à ceci près que vous n’osez pas aller jusqu’au bout de la démarche!

M. Jean-Michel Fourgous. Et vous, avez-vous eu le courage de demander l’abrogation de l’ISF?

M. Jérôme Cahuzac. La solution préconisée par Charles de Courson est séduisante dans la mesure où elle supprime en miroir deux dispositifs que nous contestons, chacun de notre côté: vous contestez l’ISF, nous contestons le bouclier fiscal. D’une certaine manière, chacun pourrait y trouver son compte. Mais si l’ISF est supprimé, Mme la ministre a raison sur ce point, on ne peut pas supprimer un impôt sur le patrimoine et le remplacer par un impôt sur le revenu du travail.

Gilles Carrez indique la voie: si l’ISF doit être supprimé, il faut revoir le droit des successions, c’est-à-dire la taxation de ce que l’on appelle les plus-values latentes. Car il n’y a pas de raisons de ne pas les taxer. Dès lors, une architecture séduisante serait effectivement la suppression en miroir des deux dispositifs qui nous gênent, les uns et les autres, l’augmentation de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu pour générer des recettes et la taxation des plus-values d’un point proposée par Charles de Courson – je me permets de lui dire – de façon un peu anecdotique. En revanche, il faut revoir les dispositions prévues dans le paquet TEPA et l’exonération des droits de succession.

Bref, une vraie réforme est possible, à condition que vous rompiez avec votre position dogmatique sur le bouclier fiscal. Si vous reveniez sur ce dogme, peut-être seriez-vous surpris de voir certains revenir sur leurs positions. Mais je fais le pari, mes chers collègues, que jamais vous ne le ferez durant cette mandature!

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette. M. Cahuzac nous met en appétit et je l’en remercie! Cela tombe bien, parce que j’avais très envie de voter l’amendement de Charles de Courson. Certes, madame la ministre, le compte n’y est pas. Mais, à coup sûr, il y a un problème de positionnement politique, de logique fiscale, de philosophie fiscale, et je le comprends. Cela étant, la logique exprimée par M. de Courson correspond à ce qui serait une solution sage et utile.

Je sais d’avance ce qui va se passer: Mme la ministre l’a souligné, ce n’est pas de cette façon que le Gouvernement et le Président de la République ont vu les choses depuis le début de cette mandature. Cela ne m’avait pas échappé, mais M. le rapporteur général du budget paraissait tellement séduit par les propos de Charles de Courson, il a lui-même apporté tellement d’eau au moulin d’une vraie révision de cette situation qu’au fond…

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je suis prêt à y réfléchir.

M. Hervé de Charette. Si vous nous dites, cher collègue, que la commission des finances va s’emparer de ce problème et rendre un rapport dans un délai raisonnable, autrement dit inférieur à un an, j’aurai le sentiment de ne pas être pas venu pour rien et je voterai des deux mains le texte du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je me félicite du débat qui s’engage sur le bouclier fiscal. Des arguments vont être développés de part et d’autre et c’est une bonne chose de s’engager à débattre au fond.

Au fond, bien sûr, chacun en convient, notre situation fiscale présente un certain nombre d’inconvénients, ne serait-ce que si on la compare à l’Europe. Il faut, d’une façon ou d’une autre, trouver des solutions. Jérôme Cahuzac disait qu’il convenait de se sortir de positions dogmatiques. J’ai, quant à moi, le sentiment que nous sommes assez loin de telles positions. Nous savons que des sujets sont très chers aux Français et que certains sont, pour eux, source de grande tension. Comme pour tous les sujets de ce type, il faut, sans doute, savoir les présenter, les expliquer et en débattre.

J’observe aussi que, s’agissant de la fiscalité, nous nous trouvons dans un environnement en perpétuelle évolution. Lisez, par exemple, l’article paru ce matin dans un grand journal – Le Figaro – titrant sur la stratégie du gouvernement Merkel: baisse des impôts à hauteur de 24 milliards d’euros…

M. Gérard Bapt. Ce sont des libéraux, ce n’est pas pareil!

M. Jérôme Chartier. … et abaissement considérable des droits de succession lors de la transmission des entreprises. Bref, sur de nombreux thèmes fiscaux, on sent bien que l’Allemagne se positionne pour attirer des entrepreneurs, donc des revenus importants. Ce pays souhaite développer aujourd’hui une stratégie de localisation de l’emploi sur son territoire. Cela signifie que, pour ce qui est de la politique fiscale, nous ne nous situons plus dans un environnement franco-français, mais dans un environnement au mieux franco-européen, au pire franco-mondial. C’est ainsi que nous devons nous positionner.

L’approche de Charles de Courson combine, c’est vrai, et Gilles Carrez l’a fort bien dit, de nombreux avantages. Que l’on y réfléchisse, la réponse est oui, qu’on le fasse rapidement, la réponse est encore oui, mais nous devons également y réfléchir en ayant à l’esprit que tout le monde va évoluer en permanence. Or cela, mes chers collègues, il faut l’expliquer. Ce n’est pas juste entre dix-huit et vingt et une heures qu’on peut en débattre. C’est la raison pour laquelle il me semble nécessaire et urgent, monsieur le rapporteur général, que la commission des finances s’engage dans cette discussion…

M. Hervé de Charette. Très bien!

M. Jérôme Chartier. …pour l’année 2009-2010, afin que, oui, nous discutions de l’amendement de M. de Courson, mais également d’autres points comme le périmètre du bouclier fiscal. J’observe seulement que le limiter, dans un premier temps, au titre de l’impôt sur le revenu était dommage; un certain nombre d’autres impôts existent tout de même! Il est, en effet, normal qu’un bouclier prenne en compte l’ensemble des impôts et des ressources.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je vais conclure, monsieur le président. Je vous propose toutefois, pour respecter votre proposition, d’intervenir de façon générale sur les principes du bouclier et d’être très bref lorsque nous examinerons les autres amendements.

M. le président. Si c’est vrai par la suite, poursuivez, mon cher collègue.

M. Jérôme Chartier. Au départ, le principe du bouclier fiscal – 60 % –, chacun s’en souvient, excluait les cotisations sociales et les impôts locaux. Ce bouclier prenait-il véritablement en compte l’ensemble de la fiscalité personnelle sur les revenus? Non, chacun en convient. Il est donc très bien et parfaitement juste de le faire évoluer pour que l’ensemble de la fiscalité entre dans le périmètre. Sans doute, cela présente-t-il des inconvénients. Mais, en même temps, mes chers collègues, il s’agit de respecter le principe selon lequel un Français ne doit pas payer plus d’un euro d’impôt sur deux euros qu’il gagne. Tel est le dispositif qui a été arrêté et voté par les assemblées. Néanmoins – et j’ai bien entendu Charles de Courson –, je suis favorable à ce que l’on réfléchisse à son évolution. Mais je maintiens que ce principe est le bon, compte tenu de la situation actuelle, et il faudra le respecter longtemps. Il y a, certes, une conséquence directe avec l’ISF, cela a été dit, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle ce bouclier existe. J’insiste: il faut maintenir le principe selon lequel un Français ne doit pas payer plus d’un euro sur deux en impôt quelle que soit sa forme.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous. Il est intéressant de constater que l’on est certainement au carrefour du débat le plus pervers que l’on puisse avoir à l’Assemblée nationale. Cela fait des années que nos amis de gauche jouent avec la droite à ce jeu pervers qui consiste à nous culpabiliser. Comme M. Cahuzac le disait: « Il n’y a qu’a, si vous êtes courageux… »; c’est très drôle, monsieur Cahuzac! C’est dommage, parce qu’il y a des entrepreneurs qui ont du talent. Il est bien gentil de parler de tout cela, en ce moment, dans cet hémicycle, mais connaissez-vous le nombre de personnes qui continuent à quitter la France? Savez-vous ce qui se passe à l’étranger? Les Autrichiens ont supprimé l’ISF en 1994, le Danemark en 1996, l’Allemagne en 1997, les Pays-Bas en 2001, la Finlande et le Luxembourg en 2006, la Suède en 2007. Cette dernière s’est aperçue que, pour 500 millions de revenus, son ISF avait suscité une fuite de capitaux à hauteur de 53 milliards! Quel honneur y a-t-il mesdames, messieurs les députés, à faire partir ces talents et ces capitaux, quand on connaît le drame vécu? Je préside, à l’Assemblée nationale, le groupe d’études sur les PME et je rencontre de nombreux entrepreneurs qui souffrent et qui vont être contraints de partir. En 2007, on en a compté 843, soit 200 de plus que l’année précédente! Ce débat entre la gauche et la droite est d’une tristesse! Quels effets dévastateurs que de s’amuser à provoquer des expatriés fiscaux! Sur les dix sportifs les plus aimés des Français dans les sondages, huit sont expatriés fiscaux!

M. Jérôme Cahuzac. Et les deux autres sont au Parlement! (Sourires.)

M. Jean-Michel Fourgous. Voulez-vous continuer à jouer? Croyez-vous que quelqu’un tirera un profit électoraliste de ce jeu pervers?

Quand je demande à mes administrés quel pourcentage d’impôt sur le revenu ils considèrent comme étant normal, et ce que les gens soient riches ou pauvres, ils me répondent qu’il doit être au maximum de 30 %. Et vous culpabilisez, quant à vous, la droite qui considère qu’il ne faut pas prélever plus de 50 % d’impôt sur les revenus!

M. Pierre Gosnat. On n’a pas les mêmes chiffres!

M. Jean-Michel Fourgous. Le problème n’est pas franco-français, messieurs! Nous sommes dans un contexte de mondialisation. La croissance se gagne en attirant les capitaux et les talents. Mme Merkel, notre ami Jérôme Chartier le rappelait tout à l’heure, a compris tout cela. Ce n’est pas votre cas à tous. D’ailleurs, votre crise de crédit est là. Certains, parmi vous, l’ont cependant admis et il est encore plus pervers de leur part de continuer ce combat! Mme Merkel va donc encore développer sa croissance et attirer plus de capitaux pendant que nous nous battons sur le bouclier fiscal! Dépassons ces jeux pervers et reconnaissons que ce bouclier fiscal est un minimum! En effet, 50 %, c’est même trop et la France profonde pense que ce doit être 30 %! De grâce, arrêtons ces jeux pervers et avançons! En effet, je peux vous dire que les véritables problèmes – la capitalisation et l’aide aux fonds propres – sont encore devant nous! Nous avons besoin de garder nos talents en France, alors qu’ils continuent de partir. Combien de départs votre jeu pervers devant les Français va-t-il encore susciter?

Mme Marylise Lebranchu. Nous ne sommes pas pervers!

M. Jean-Michel Fourgous. Combien d’entreprises vont mourir? Combien d’emplois vont être détruits rien qu’en entendant ce débat qui va être médiatisé?

M. Claude Goasguen. Tout à fait!

M. le président. La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande. L’amendement de M. de Courson a au moins un mérite: il révèle le caractère illisible, incohérent et injuste de notre système fiscal. Le bouclier en est, en définitive, le symbole et l’illustration. Il aboutit à ce que les plus privilégiés – et non les fortunés de la classe moyenne – puissent échapper à la progressivité de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine. Nous devons donc engager une réflexion, non pas simplement sur le bouclier, mais sur l’ensemble de notre système fiscal. Notre impôt sur le revenu a des taux relativement élevés, mais une base étroite et dévorée par les niches fiscales votées chaque année: 70 milliards d’euros pour la loi de finances pour 2010. Notre impôt sur le patrimoine, loin d’être progressif, aboutit, à travers le bouclier fiscal, à maintenir le poids du prélèvement sur les propriétaires immobiliers et non sur les détenteurs de capitaux. Que faut-il faire? Il convient d’envisager une réforme de l’impôt sur le revenu de façon à ce que tous les revenus soient pris en compte de la même manière: revenu du capital, revenu du travail, revenu de remplacement, et ce avec des taux modérés et progressifs. Toutes les déductions – les niches fiscales – seraient alors supprimées. Le contribuable saurait alors exactement, à partir du taux affiché, ce qu’il doit payer, compte tenu de ses revenus. Le même raisonnement devrait s’appliquer sur le patrimoine: une assiette large prendrait en compte l’ensemble des biens et capitaux détenus, quelle qu’en soit l’origine, avec des taux modérés et progressifs. Il pourrait même y avoir un lien entre l’impôt sur la détention et l’impôt sur la transmission. Si nous n’engageons pas cette réforme générale de nos impôts, quelles que soient les sensibilités ici représentées, nous serons amenés à bricoler, à corriger, à amender un système fiscal qui sera de plus en plus opaque, de plus en plus complexe et de plus en plus injuste. Ce n’est pas une commission qu’il faut réunir pour savoir quoi faire du bouclier fiscal, que vous porterez sur vos épaules tout au long de la législature! Ce sera un fardeau de plus en plus considérable. En effet, quand, pour régler la dette de la sécurité sociale ou pour appeler de nouvelles recettes, compte tenu de l’ampleur des déficits, vous devrez expliquer à l’ensemble de nos concitoyens que la seule catégorie qui échappera à l’effort nécessaire sera celle des plus privilégiés, vous serez obligé de poser votre bouclier, tant il sera devenu insupportable à lever! Ce boulier ne pourra plus être préservé en l’état. Soit vous le corrigerez année après année et vous ferez une première brèche, puis une deuxième, puis une troisième, et ce bouclier aura vécu; soit vous devrez, et c’est la solution que nous proposons, envisager la refonte générale de nos impôts – impôts sur le revenu et sur le patrimoine – pour que nos concitoyens comprennent enfin qui paie l’impôt et pourquoi! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Le bouclier fiscal pose aujourd’hui un double problème: le premier, nous le percevons tous, est celui de l’équité et le second est relatif à la politique des prélèvements.

Dès qu’il a été institué, nous avons été un certain nombre de députés de la majorité, rassemblés derrière Pierre Méhaignerie, à émettre les plus grandes réserves face à l’institution du bouclier fiscal. Nous avions alors proposé des solutions alternatives portant sur les niches fiscales et sur le barème de l’impôt sur le revenu. Il a été adopté au taux de 60 %, puis abaissé au taux de 50 % et étendu à la CSG et à la CRDS. Nous mesurons aujourd’hui dans quelle difficulté il nous place. La crise fait ressentir plus que jamais son caractère profondément injuste. En effet, on pouvait considérer, voici quelques années, que le bouclier fiscal anticipait la baisse des prélèvements obligatoires, thème alors à l’ordre du jour. Aujourd’hui, face à la crise, il est normal que ceux qui en ont le plus de moyens soient sollicités pour aider les plus en difficulté. Le bouclier fiscal, qu’on le veuille ou non, ne le permet pas. On nous dit que son taux est de 50 %, mais tout le monde sait qu’il représente en réalité beaucoup moins que cela.

J’entends souvent dire: « Finalement, le bouclier fiscal, c’est très bien, parce que, lorsque l’on a travaillé pendant la moitié de l’année pour l’État, il est normal que pendant l’autre moitié on travaille pour soi. » Cela signifierait qu’à ce moment-là, le bouclier fiscal ne s’appliquerait qu’aux seuls revenus du travail. Or nous savons que ce n’est pas la réalité et que le bouclier fiscal s’applique à la totalité des revenus, y compris ceux du capital, y compris les revenus tirés des plus-values. Ce ne sont pas seulement les revenus du travail qui sont concernés par le bouclier fiscal.

M. Christian Eckert. Très bien!

M. Daniel Garrigue. Aujourd’hui, le bouclier fiscal porte atteinte à la politique des prélèvements. Nous vivrons cette situation de façon plus aiguë encore lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. À partir du moment où nous plongeons dans des déficits de plus en plus profonds, où notre endettement ne cesse de croître, la logique serait de recourir aux prélèvements à caractère général, c’est-à-dire à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés quand il s’agit du budget de l’État, la CSG et la CRDS quand il s’agit du financement de la protection sociale.

Or vous savez très bien – surtout dans les circonstances de crise que nous connaissons aujourd’hui – que si l’on augmente ces prélèvements à caractère général, le problème du bouclier fiscal se posera immédiatement, puisque ce sont justement ces prélèvements à caractère général qui actionnent le bouclier fiscal. Cela vous conduit à ne plus recourir aux prélèvements à caractère général. On le verra dans le PLFSS, où vous essayez de faire appel à toutes sortes d’autres recettes, éventuellement à des extensions de l’assiette des cotisations sociales, à un relèvement du forfait hospitalier, en ayant pour seule ambition de ne pas faire appel à la CRDS ou à la CSG.

Mme Marylise Lebranchu. Bravo!

M. Daniel Garrigue. Cette situation deviendra vite intenable compte tenu des déficits et de l’endettement dans lequel nous plongeons aujourd’hui.

Quelle solution adopter? Il faut ou suspendre le bouclier fiscal ou le supprimer, ou encore le plafonner. Effectivement, un certain nombre de personnes peuvent se trouver dans des situations anormales, comme pour l’ISF, si, alors même que leurs revenus ne sont pas considérables, elles sont touchées par un grand nombre d’impositions.

Je me rallie volontiers à la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF, à condition que l’on revoie le barème de l’impôt sur le revenu et que l’on institue, parallèlement, un impôt déclaratif annuel à taux très faible sur le capital, qui corrigerait le problème d’assiette de l’ISF, ou que l’on renforce la fiscalité sur les successions.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, j’ai écouté attentivement les débats et notamment l’intervention de M. Hollande. Comme j’avais eu l’occasion de lire quelques-unes de ses déclarations récentes sur la fiscalité, j’ai fait le lien et je souhaite réagir à mon tour et faire plusieurs remarques.

D’abord, monsieur Hollande, nous connaissons bien, les uns et les autres, le numéro classique de l’appel au grand soir fiscal. C’est l’alibi que l’on utilise pour être certain de ne jamais rien réformer. Vous le savez fort bien, votre famille politique a été aux affaires de très nombreuses années. Cette période n’a d’ailleurs pas été marquée par un souci particulier de compétitivité fiscale par rapport aux autres pays, mais plutôt par une assez forte créativité en matière d’augmentation des impôts, en vertu d’une idéologie qui, bien souvent, chez vous, ne meurt jamais.

J’ai pris quelques notes en vous écoutant décrire le paysage fiscal dont vous rêvez pour demain. Je pensais: il attend tellement de choses de cette réforme fiscale. Mais, quand on a parlé de TVA sociale, lui et ses amis ont hurlé – je me souviens encore de Laurent Fabius – lorsque nous avons fait une réforme de l’impôt sur le revenu en 2005-2006. J’étais au banc du Gouvernement à l’époque: le parti socialiste n’a pas voulu en entendre parler. Lorsque nous avons réformé et supprimé la taxe professionnelle à la fin de la semaine dernière, les socialistes ont refusé de voter cette suppression. En revanche, monsieur Hollande, je vous ai entendu faire une description assez complète. Je crois avoir compris que votre rêve serait finalement que tout le monde paie des impôts, y compris que les plus modestes en paient un peu.

M. François Hollande. Ils en paient!

M. Jean-François Copé. Monsieur Hollande, je serais très intéressé de vous entendre annoncer à la télévision que, si la gauche revenait au pouvoir, elle élargirait l’assiette de l’impôt sur le revenu, de telle manière que tous les Français en paient. Cela viendrait s’ajouter aux autres impôts et charges qu’ils paient. Sur ce sujet, non seulement je ne vous suivrai pas, mais je ne voterai pas pour vous. De toute façon, ce n’était pas prévu. (Sourires.)

Deuxième remarque, qu’est-ce qu’une bonne politique fiscale? Celle qui vise deux objectifs en même temps – c’est toute la difficulté de l’exercice, nous le savons tous, à gauche comme à droite –: d’abord un objectif de justice, ensuite un objectif de compétitivité. Si on ne fait que de la justice et pas de compétitivité ou si, à l’inverse, on ne fait que de la compétitivité et pas de justice, dans les deux cas nous avons un mauvais système fiscal. Tout notre combat consiste à faire les deux en même temps, et Dieu sait si ce n’est pas facile!

Si l’on se débarrasse quelques instants des a priori idéologiques, la réalité c’est que le système fiscal français essaie de tenir bon sur ces deux équilibres: la justice, parce qu’il faut effectivement financer par les recettes fiscales la solidarité nationale, les services publics, le fonctionnement de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale; la compétitivité, monsieur Hollande parce que la France n’est pas une île. À vous entendre, ainsi que vos copains, la France est traditionnellement un épouvantable pays de privilèges. En vous écoutant, nous sommes quelques-uns à avoir envie de vous inviter à voyager, à arrêter de considérer que la France est une sorte de clos fermé dans lequel nous nous retrouvons entre nous pour fustiger, les uns la nostalgie de l’ultralibéralisme, qui n’est vraiment plus notre préoccupation, et d’autres le post-marxisme triomphant.

Monsieur Hollande, regardez la situation fiscale de tous les pays d’Europe. Vous verrez, à cette occasion, que tout ce que nous essayons de faire, c’est de rester au niveau de la compétitivité européenne dans ce domaine.

Sinon, il y aura des délocalisations. Bien sûr, c’est toujours un plaisir, ici du côté gauche, mais même parfois du côté droit, de prendre quelques cibles: « Ces gens-là qui sont si riches, ou bien ils paient beaucoup plus d’impôts, ou bien on met leur tête au bout d’une pique parce que ce sont de mauvais Français ». Monsieur Hollande, nous avons besoin de tous les Français, quels qu’ils soient. Chaque Français est important. À force de fustiger les plus fortunés, que se passe-t-il? Comme ils en ont les moyens, ils se délocalisent. Quand ils quittent notre pays, ils ne paient plus d’impôts en France. Forcément, nous sommes contents, nous n’avons plus ces mauvais Français. Mais un problème subsiste. Sur qui retombe la charge fiscale? Sur les classes moyennes: des gens qui en ont assez de payer pour tout le monde.

Le bouclier fiscal n’a été inventé que pour limiter la casse de ces décennies de surenchère fiscale qui ont conduit à bloquer notre pays. Le bouclier fiscal ne peut se comprendre qu’ainsi, comme un principe de droit selon lequel personne ne doit payer plus de la moitié de ce qu’il gagne. Tel est l’esprit du bouclier fiscal. Si on veut l’ébrécher, il n’y aura plus de bouclier fiscal. Si on saisit tel prétexte, tel amendement, telle disposition, en prétendant que c’est uniquement sur un point précis, que se passera-t-il? Il n’y aura plus de confiance. Et les gens qui avaient vocation à revenir ne reviendront pas.

Mme Marylise Lebranchu. Qui est revenu?

M. Jean-François Copé. Et, là encore, on n’aura pas vraiment gagné dans l’efficacité de la mesure.

Dernier point que je souhaitais livrer à votre réflexion. J’entendais tout à l’heure M. de Courson et quelques autres dire: « Après tout, le bouclier fiscal, c’est une manière de limiter les dégâts » – je résume – « par rapport à l’impact de l’ISF. » C’est vrai! Nous sommes le dernier pays à avoir l’ISF. C’est effectivement un encouragement formidable à délocaliser les patrimoines de gens qui paient de l’impôt sur un revenu qu’ils ne gagnent pas, c’est-à-dire juste sur le patrimoine. Si on devait, un jour, ouvrir cette réflexion, elle aurait du sens.

Si on veut ébrécher le bouclier, à ce moment-là, revoyons l’ISF. Là, il y aurait une cohérence. Mais nous ne ferons pas l’un sans l’autre et pas à la faveur d’une nuit à l’Assemblée nationale. Travaillons-y dans la durée. Je suis prêt, avec nos collègues du Nouveau Centre et peut être même avec nos collègues de l’opposition, à réfléchir à cela. Mais pas l’un sans l’autre.

Aujourd’hui, ayons bien en tête que si le bouclier fiscal est un marqueur de ce quinquennat, c’est parce que nous voulons un système équilibré entre la justice et la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Avant de poursuivre, je désire faire le point.

J’espère avoir eu raison de laisser se dérouler le débat et je pense que tout le monde en est d’accord. Car, pour tous ceux qui suivent nos travaux, les échanges qui ont eu lieu n’en ont été que plus intéressants.

J’assume cette décision. Mais je compte sur votre sagesse pour que chacun considère les amendements n os 212 à266 comme défendus, sinon ce ne sera pas tenable.

Je suis néanmoins à votre disposition pour revenir en séance de nuit, mais cette séance sera longue car, si nous avons beaucoup discuté, nous n’avons examiné qu’un seul des 76 amendements sur lesquels l’Assemblée nationale ne s’est toujours pas prononcée.

Je vais donner la parole brièvement à M. Hollande et M. Gosnat.

Monsieur Hollande, vous avez la parole

M. François Hollande. Je vous remercie pour l’organisation de nos débats. Cela permet d’avoir un bon échange, car la question fiscale est au cœur de la confrontation démocratique que nous devons avoir entre la gauche et la droite.

Je vais brièvement reprendre cinq points de l’exposé de Jean-François Copé. Le premier point concerne la question de savoir qui doit payer l’impôt. Aujourd’hui, tous les Français paient l’impôt. Les plus modestes en paient proportionnellement beaucoup. Ils paient l’impôt de deux manières. D’abord, par la CSG, puisqu’elle s’applique à tous les revenus et qu’elle est un impôt proportionnel. Ensuite, par la TVA, puisque c’est l’impôt sur la consommation, et aussi par les cotisations sociales pour le financement de la protection sociale.

Il ne s’agit pas de demander à ceux qui paient déjà l’impôt d’en payer davantage, mais de changer la répartition de l’impôt par rapport à l’ensemble des revenus. Ne laissez pas penser, même si cela peut être commode, qu’il y aurait de la part des socialistes ou de la gauche la volonté de faire payer plus d’impôts, notamment à ceux qui en paient déjà une large part; nous voulons en répartir différemment le poids entre les différentes catégories de revenus.

M. Jean-François Copé. Encore ces méchants Français!

M. François Hollande. Ma deuxième remarque a trait à la justice. Il y a eu deux entorses graves à la justice fiscale commises par les gouvernements que vous avez soutenus. D’abord, la progressivité de l’impôt a été atténuée. Vous avez cité la réforme Villepin-Copé. Elle l’a été ensuite par les mesures qui ont été prises dans le cadre du « paquet fiscal », depuis 2007. Ces deux séries de dispositions ont largement entamé la progressivité de l’impôt.

M. Jean-François Copé. Elles ont mis la France au niveau européen!

M. Jérôme Cahuzac. Pas pour les déficits!

M. Jean-François Copé. Cela n’a rien à voir!

M. François Hollande. La même démonstration peut être faite pour ce qui concerne la place de l’impôt progressif par rapport à l’impôt proportionnel.

Aujourd’hui, la CSG a un rendement supérieur à l’impôt sur le revenu, ce qui signifie que l’impôt proportionnel a davantage de place que l’impôt progressif dans notre système fiscal. Et vous appelez cela de la justice!

Mon troisième argument concerne la compétitivité: je suis très attaché à la compétitivité de l’économie française, à tel point que, durant la période où nous étions aux responsabilités, l’équilibre du commerce extérieur était atteint. Il y avait même un excédent de nos échanges commerciaux. De 2002 jusqu'à aujourd’hui, le déficit de nos échanges extérieurs n’a cessé de s’alourdir, au point d’atteindre dix milliards d’euros en 2008. Jamais nous n’avions connu une telle dégradation de nos échanges extérieurs. Et vous nous feriez croire que vous seriez, vous, qualifiés pour la compétitivité des entreprises françaises, quand nous, nous les mettrions en cause! Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Une compétitivité, ce n’est pas simplement un dispositif fiscal, ce serait trop simple. Assurer la compétitivité, c’est d’abord encourager l’investissement, la recherche, la connaissance. Je vais vous citer une disposition qui permettrait d’améliorer singulièrement la compétitivité de l’économie française. Il suffirait de dire qu’aujourd’hui les bénéfices réinvestis sont largement détaxés par rapport au taux de l’impôt sur les sociétés et que, à l’inverse, les bénéfices distribués aux actionnaires supportent un taux d’IS supérieur. Vous nous répondrez : « C’est une mesure aberrante dans le concert fiscal européen. » Nullement! C’est la disposition que nos amis allemands ont introduites depuis longtemps pour encourager l’investissement.

M. Jean-Michel Fourgous. Il n’y a plus d’ISF en Allemagne!

M. François Hollande. Ma quatrième remarque a trait à cette fuite, qui ne réjouit personne, des plus hauts patrimoines de notre pays vers d’autres destinations. Le plus grand nombre de départs a eu lieu en 1996, et la série a également été particulièrement dramatique en 1997, tout cela avant même que nous arrivions aux responsabilités.

M. Jean-François Copé. C’est inexact!

M. François Hollande. Quelle en a été la cause? Une disposition que vous aviez fait voter: la suppression du plafonnement du plafonnement. Alain Juppé, Premier ministre, en avait pris la décision, sous la présidence de Jacques Chirac. C’est ce qui a entraîné le plus grand nombre de départs. Et même avec le bouclier fiscal, ces patrimoines ne sont jamais revenus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Bapt. Cela ne vous fait pas plaisir de l’entendre, chers collègues!

M. François Hollande. M. Copé et moi serons d’accord: le bouclier fiscal est un marqueur de la politique de Nicolas Sarkozy, de votre politique. Ce marqueur va vous rester comme une cicatrice que vous n’arriverez jamais à effacer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Schneider. C’est vous qui l’avez inventé! Quelle mauvaise foi!

M. Jean-Michel Fourgous. C’est du terrorisme! Vous nous terrorisez, monsieur Hollande!

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. M. Copé a affirmé tout à l’heure que nous évoquions un « grand soir ». Ce serait intéressant qu’il y ait un grand soir, peut-être pas maintenant, mais un autre jour.

La question, c’est de savoir si nous sommes aujourd’hui capables d’apporter de véritables réponses aux problèmes de l’économie nationale et du budget, des réponses économiques et sociales dans l’intérêt de la population, si nous sommes capables d’amorcer des réformes. Or je constate que la proposition de notre collègue de Courson provoque une levée de boucliers à droite. On a l’impression que l’on touche au veau d’or.

Je ne comprends pas votre acharnement à essayer de faire croire que ce bouclier fiscal serait juste socialement, égalitaire, alors qu’il ne touche qu’une infime partie de la population, qu’il coûte extrêmement cher, et que si vous n’avez pas tort de dire que, parmi ses bénéficiaires, il y en a dont les revenus sont modestes, et qu’ils sont même le plus grand nombre, sur ces 14000 contribuables, les 3500 qui sont en haut de l’échelle, c’est-à-dire qui possèdent un patrimoine supérieur à 7 millions d’euros, et ce grâce à leurs rentes, comme cela a été rappelé, et non par le travail, se verront restituer cette année 89 % des 610 millions de cette mesure. Elle est là, l’injustice du bouclier fiscal, à l’intérieur même du dispositif!

Ainsi, 60 % des moins fortunés se répartiront 1 % du total.

M. Jean-Michel Fourgous. Ils payent moins!

M. Pierre Gosnat. Par ailleurs, les cent foyers qui ont reçu le plus d’argent ont capté un tiers du total de la restitution. Les mille bénéficiaires les plus importants ont reçu 337 millions d’euros. Enfin, 5 % des foyers fiscaux touchent 75 % des restitutions. Voilà le problème.

Vous ne pouvez le nier, et vous savez d’ailleurs fort bien que cette question du bouclier fiscal est extrêmement sensible dans la population. Un certain nombre d’entre vous ont commencé à juste à titre à se demander s’il ne fallait pas revoir la question de la CRDS. J’espère que cette question va venir en débat. J’espère que ceux qui le disent iront jusqu’au bout et voteront les amendements que nous présenterons.

Quant à ce qui est de l’argument de la compétitivité, il me semble que tous les États fonctionnent à peu près de la même manière. J’entends dire beaucoup de choses flatteuses de la chancelière allemande. Cela n’a pas toujours été le cas dans cet hémicycle, où l’on nous fait habituellement comprendre que le gouvernement français est bien meilleur que les autres, notamment celui d’Allemagne. Aujourd’hui, on nous dit le contraire parce qu’il y a eu une interview de Mme Merkel dans Le Figaro .

M. Jean-Michel Fourgous. Il y a eu un vote en Allemagne!

M. Pierre Gosnat. L’argument de la compétitivité est inacceptable. Vous affirmez que les plus fortunés, qui ne sont d’ailleurs pas plus intelligents que les autres et n’ont pas plus de capacités, ne laisseront pas leur argent en France si on ne leur garantit pas qu’il y sera bien au chaud. C’est un encouragement à la délinquance financière.

Croyez-vous d’ailleurs qu’ils acceptent des limites? Croyez-vous qu’ils diront: « Il nous suffit d’avoir 15 % de profits supplémentaires par an »? Jamais, et vous le savez bien! Les paradis fiscaux sont faits pour ça. Nous attendons d’ailleurs toujours la « liste des 3000 », monsieur le ministre; nous espérons l’avoir bientôt.

Dans tous les cas, il n’y a aucune limite. Moralement, nous avons le droit de poser la question. Ces gens partiront s’ils ont envie de partir. Si cette « morale » prévaut, ils partiront parce qu’ils trouveront ailleurs 25 %, 30 %, 40 %, 50 % de bénéfices supplémentaires. Tout ce que vous pourrez faire sera vain parce que vous encouragez ce qui est immoral, ou amoral. Les amendements que je présenterai au nom des élus communistes tendent à un peu plus de moralisation. En attendant le grand soir, monsieur Copé!

M. Jean-François Copé. C’est M. Hollande, le grand soir, pas nous!

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. M. Jean-François Copé nous a invité à voyager en dehors de nos frontières, ce qui nous arrive, comme il le sait, parfois même avec certains de ses amis, et les choses se passent d’ailleurs remarquablement bien. À mon tour de l’inviter à voyager, mais cette fois-ci dans le temps.

Un temps pas si éloigné, il y a moins de deux ans. Vous disiez, monsieur Copé, que nous n’augmenteriez pas les impôts. Mais, la semaine dernière, vous avez voté la taxe carbone.

M. Jean-François Copé. Les prélèvements obligatoires diminuent de cinq points!

M. Jérôme Cahuzac. Vous avez aussi voté, il y a peu, la taxation sur les clefs USB, ainsi qu’une taxe sur les disques durs, une autre sur la téléphonie mobile, une autre encore sur les contrats de mutuelles, vous avez même voté une taxe sur les soins: les franchises médicales.

Puisque vous avez rendu hommage à notre créativité fiscale, permettez-moi à mon tour de rendre hommage à la vôtre: il fallait probablement être président du groupe UMP pour accepter une taxe sur les poissons, les crustacés et les mollusques! En matière de créativité, veuillez accepter cet hommage, car ce que vous avez fait là, je pense que nous n’en aurions jamais eu l’idée.

M. Jean-Michel Fourgous. Cela ne vaut pas pour la CSG!

M. Jérôme Cahuzac. Mais je vous engage aussi à un voyage un peu plus loin dans le passé. Vous devez en avoir encore le souvenir, vous étiez à l’époque membre du Gouvernement, et c’est le gouvernement auquel vous apparteniez qui a taxé de 1 euro les consultations, qui a augmenté l’assiette de la CSG pour les salariés de 95 à 97 %, qui a augmenté la CSG des retraités, et qui a inventé l’impôt confiscatoire absolu puisque vous avez créé la journée de travail intégralement non payée.

M. Jean-François Copé. Démago!

M. Jérôme Cahuzac. Si 50 %, c’est confiscatoire, quel qualificatif faut-il employer pour100 %?

Je vous ai entendu tenter de m’interpeller pour me dire que vous aviez fait baisser les prélèvements obligatoires. Je vous engage à lire le REF, le résumé économique et financier, document budgétaire émanant des services de Bercy. C’est vrai, les prélèvements obligatoires ont baissé de 42,7 à 40,7 – pour l’essentiel à la suite de l’écroulement de l’impôt sur les sociétés dû à la crise et, pour le reste, à la baisse de la TVA dans la restauration. Je devine que vous êtes fier de cette dernière mesure. Je pense que vous avez tort car ce sont 3 milliards d’euros qui ont été dépensés – beaucoup le savent – en vain. Vous considérez que c’est grâce à votre politique fiscale volontariste que les prélèvements obligatoires ont baissé entre2008 et2009, mais c’est faux. Je vous renvoie aux documents officiels d’un ministre que vous soutenez.

Nous voyagerons donc à l’extérieur de nos frontières, mais acceptez vous-même, de temps à autre, de voyager dans le temps, pour vous souvenir de ce que vous avez fait la semaine dernière ou lorsque vous étiez au Gouvernement. Un mot, enfin, de la taxe professionnelle, puisque vous l’avez évoquée. Vous avez assisté au débat la semaine dernière. Affirmer, comme vous l’avez fait, que, sur les bancs de l’opposition, nous n’étions pas prêts à réformer la taxe professionnelle, c’est tout simplement un mensonge éhonté. Nous avons soutenu l’amendement Laffineur, qui n’était rien d’autre que la réforme de la taxe professionnelle qu’après dix mois de travail des députés de toute appartenance s’apprêtaient à voter si vous n’étiez intervenu en renfort du Gouvernement pour l’empêcher.

Cette réforme aurait été transpartisane sans votre intervention. (M. Copé rit.) Nous l’aurions votée. Je devine que vous riez parce que vous n’avez pas eu le choix, vous, l’inventeur de la coproduction législative et de l’« hyper-Parlement », que de plier devant les injonctions gouvernementales, ou à tout le moins élyséennes, car vous tenez à votre statut.

Vous avez plié, et vous avez contraint vos amis, qui savaient pourtant pertinemment qu’ils avaient raison, à voter un dispositif qui n’est pas le meilleur qui se pouvait imaginer. Voilà dix mois de travail, un travail conjoint de l’UMP, du parti socialiste et d’autres sensibilités, un texte qui aurait été voté sur tous ces bancs, qui assurait, au passage, le financement des chambres de commerce et d’industrie…

M. Jean-François Copé. On ne va pas refaire le débat!

M. Claude Goasguen. C’est scandaleux!

M. Jérôme Cahuzac. Je vois qu’en disant cela, je vous gêne, puisque vous souhaitez m’interpeller,…

M. Jean-François Copé. Nous y avons passé trois jours entiers!

M. Jérôme Cahuzac. …et je cesserai donc là, mais ne dites plus devant des commissaires aux finances, quelle que soit leur appartenance, que la réforme de la taxe professionnelle n’aurait pas, le cas échéant, été votée par d’autres, car c’est faux, et vous le savez parfaitement. Je vous renvoie à la tristesse de certains de vos amis qui ont été obligés de ravaler leur fierté, après tant de travail, parce que vous le leur avez demandé, au nom, j’imagine, de la coproduction législative. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Incident!

M. Jérôme Cahuzac. Cessez de vous énerver comme cela! Nous aurions préféré vous entendre la semaine dernière de façon ordonnée, plutôt que de cette manière désordonnée aujourd’hui.

Je terminerai en reprenant le propos de François Hollande: le bouclier fiscal sera un marqueur. Si vous aviez eu le courage, monsieur Copé, de supprimer l’ISF plutôt que d’inventer le bouclier fiscal, vous auriez probablement reçu un marqueur, mais, au moins, vous n’auriez pas produit les effets délétères que le bouclier fiscal est en train d’avoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, voilà un bon petit amendement qui a fait l’objet d’un bon petit débat! (Rires.)

Je remarque que le commencement a été meilleur que la fin. Je m’explique. Tout le monde reconnaît, même à gauche, que l’ISF, c’est vraiment ce que mon père appelait un bâton merdeux. (Rires et exclamations sur divers bancs.) C’est très français, mes chers collègues!

C’est un machin qui n’est ni juste ni favorable à la compétitivité, pour reprendre les deux points soulevés par notre collègue Copé.

M. Jérôme Cahuzac. Vous n’avez pas le courage de l’abolir! Faites-le!

M. Charles de Courson. Quand au « grand soir » fiscal, comme le disait notre dernier collègue communiste ici présent, on l’attendra longtemps.

M. Jean-François Copé. Ne dites pas « collègue communiste », dites: « nos nouveaux amis »!

M. Charles de Courson. Ils ont été élus et sont des représentants de la nation comme nous tous.

M. Jérôme Cahuzac. Très bien!

M. Charles de Courson. Si cela a bien commencé, disais-je, cela a moins bien fini.

À droite et au centre, nous sommes pour récompenser le travail. Autrefois, une partie de la gauche communiait dans cette même idée; c’est peut-être un peu plus compliqué aujourd’hui.

Mes chers collègues, à quelle hauteur le travail est-il taxé? Quand on gagne 100, l’entreprise paye 142, il reste 80, et, là-dessus, si vous avez des salaires élevés, vous payez 40 % marginalement. Il vous reste donc 48. Avec 48 de 142, on est bien au-delà des 50 %! Aujourd’hui, notre système prélève jusqu’à plus des deux tiers sur le revenu du travail, pour des revenus élevés.

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait!

M. Charles de Courson. Qu’en est-il de la fiscalité sur le capital? Même avec des majorations diverses et variées, vous payez 12,1 et si vous avez l’astuce de faire des plus-values, on vous prélève 30 %. Il vous reste 70 %.

Mme Marylise Lebranchu. Voilà!

M. Charles de Courson. Nous avons essayé de réformer cela, en commission des finances. Sur les revenus du capital hors plus-values, on est péniblement à 47 ou 48 %. Nous n’avons donc pas un système juste ni compétitif.

Mme Lagarde affirme que mon amendement va pénaliser le travail. Madame la ministre, quelle est la part du travail dans les revenus qui dépassent 100000 euros? Elle s’effondre. Les revenus de 200000 ou 300000 euros sont massivement des revenus du capital, et non du travail. L’argument ne tient donc pas.

Ce qui met à mal notre système, tant en termes de justice que de compétitivité, c’est le maintien de l’ISF. Ayons donc le courage de supprimer cet impôt. Soyons plus justes, compensons. S’il faut descendre à 90000 ou passer de 45 à 47 %, ce n’est pas un problème. On le fait avec une neutralité budgétaire. Il ne faut pas perdre un sou, vu la situation dans laquelle nous sommes.

Notre collègue rapporteur général dit avec beaucoup de sagesse qu’il faudrait améliorer un peu mon amendement, en augmentant d’un point l’imposition sur les plus-values. S’il faut aller au-delà, allons-y: trois, quatre, cinq points! Il faut un équilibre d’ensemble. Nous sortirons ainsi d’un débat qui nous mine.

Quant au plafonnement du plafonnement, monsieur Cahuzac, ne rappelez pas cela! C’est l’exemple même du débat qu’il ne faut pas avoir. On a fait une connerie. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) M. Juppé a été honnête puisqu’il a reconnu son erreur, et il a tenté dès l’année suivante de la réparer. Il m’a même confié un jour que je pouvais le dire publiquement.

Il a donc essayé de corriger le tir, mais qui l’en a empêché?

M. Jérôme Cahuzac. La dissolution!

M. Charles de Courson. Pas du tout! Vous n’êtes pas au courant, mon jeune Cahuzac, vous n’étiez pas parmi nous à l’époque. C’est le président de l’Assemblée nationale d’alors qui l’a empêché de le faire. Et quand la gauche est revenue au pouvoir, elle a maintenu cette mesure au lieu de reconnaître que c’était une bêtise! On est vraiment dans ce que les uns appelleront le bal des faux-culs (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP) , les autres disant que l’on fait tout et n’importe quoi. Un peu de cohérence intellectuelle, mes chers collègues. Tout le monde reconnaît que le système de l’ISF est mort. Nous ne sommes plus que quatre pays à appliquer cet impôt. Évitons d’être le dernier à le supprimer.

M. Jérôme Cahuzac. Vous avez la majorité: faites-le! Chiche!

M. Charles de Courson. Monsieur Cahuzac, moi, je le propose.

Cela étant, j’espère que cet amendement aura contribué à apporter un peu plus de réflexion et de cohérence dans ce débat. Mais ne disons pas que l’ISF est juste et compétitif. L’ISF et le bouclier fiscal, qui en est la conséquence, aboutissent ensemble à un système injuste et non-compétitif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je remercie notre collègue de Courson car son amendement nous conduit à une série d’autres qui posent les mêmes questions. Son amendement est intéressant puisqu’il nous a permis d’avoir une discussion générale sur le bouclier fiscal, mais l’inconvénient des discussions générales, c’est de l’être trop. On l’a bien vu à travers plusieurs interventions: le fait de trop simplifier peut conduire à des contresens.

Pour ma part, je veux faire observer qu’il est maintenant établi qu’existe un lien extrêmement clair entre bouclier fiscal et ISF. Il n’en avait jamais été question pendant la campagne des élections présidentielles. Le bouclier fiscal à 50 % avait été présenté comme une mesure de bon sens et de justice. D’ailleurs, beaucoup s’y sont laissé prendre. Nous avons bien vu pendant la campagne, François Hollande en a aussi été le témoin, que beaucoup de gens qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu trouvaient tout de même cette idée pleine de bon sens. Mais elle ne correspond pas à la réalité. On le voit quand l’on examine en détail le dispositif: hormis la partie des bénéficiaires que la majorité met tout le temps en avant – des personnes propriétaires dans des situations d’extrême précarité et incapables de payer leurs impôts locaux –, et pour lesquels d’autres propositions permettraient d’aboutir au même effet que le bouclier, c’est un dispositif très concentré dans ses remboursements, et sur un public extrêmement limité. En effet, ce sont environ 1000 personnes qui se partagent les trois quarts des remboursements. Ce qui a été dit en termes de justice fiscale me semble donc tout à fait légitime et juste.

Il y a manifestement des oppositions de principe sur le bouclier fiscal. C’est un point de clivage, j’en suis d’accord. Mais même si l’on entre dans votre raisonnement, la façon dont vous calculez le bouclier est choquante. En effet, dans le calcul de l’assiette, vous ne prenez pas en compte le fait que la somme des revenus du travail et du capital a déjà été minorée par un certain nombre d’abattements. C’est une anomalie. À cet égard, je n’ai toujours pas compris le raisonnement du rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Ah bon?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le rapporteur général, vous dites que ce sujet ne relève pas de la première partie du projet de loi de finances parce qu’il aurait une portée rétroactive. Mais il ne peut être question de rétroactivité quand il s’agit d’un dispositif qui n’aurait jamais dû exister puisque le mode de calcul est vicié en profondeur dès l’origine. Normalement, le revenu aurait dû être calculé avant abattements. C’est totalement contraire à la présentation qu’en avait faite le candidat Nicolas sarkozy. Il faut donc corriger ce point.

Ce débat est très fructueux parce que, après l’article paru hier dans le Journal du dimanche , il nous a permis de constater qu’il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre le Président de la République et le président du groupe UMP, Jean-François Copé, sur la question du bouclier fiscal. Nous en prenons acte. C’est d’autant plus instructif que cette question transcende parfois certains clivages politiques traditionnels, comme on l’a vu avec le financement du RSA: elle s’est posée dans toute son injustice puisque tout le monde y contribue sauf les bénéficiaires du bouclier fiscal. Et nous risquons de connaître davantage encore demain ce que nous avons déjà connu hier car, si on poursuit la politique budgétaire et fiscale actuelle, cela risque d’entraîner des augmentations sensibles d’impôts du fait qu’on les allège par ailleurs de façon très sensible pour des publics très ciblés.

Je ne suis pas sûr que le grand soir fiscal soit nécessaire, et François Hollande ne l’a d’ailleurs pas évoqué. Mais je sais que des réformes profondes sont nécessaires. Les analyses sérieuses que nous avons menées depuis plusieurs années montrent que nous avons une fiscalité de moins en moins lisible, de plus en plus complexe, de moins en moins efficace au regard de la compétitivité économique et de l’attractivité de notre pays, et de plus en plus injuste. Elle doit être réformée en profondeur, et ce à partir d’idées simples. Tout d’abord, il faut un impôt sur le revenu, et il est sûrement souhaitable de rapprocher, voire de fusionner l’IRPP et la CSG – laquelle est aussi un impôt sur le revenu –, avec une base proportionnelle et une évolution progressive; il faut que cet impôt soit prélevé à la source, peut-être même individualisé car la politique familiale peut se traduire d’une tout autre façon. Et puis il faut un impôt sur le patrimoine, mais en en recalculant l’assiette. Toutefois je mets en garde: on ne peut pas remplacer un impôt sur le patrimoine par un impôt sur le revenu. Je suis donc en désaccord avec votre amendement, monsieur de Courson. L’idée apparaît tentante, mais elle nécessite un examen complémentaire. J’en vois certains se dire, y compris à gauche: « Tiens, pourquoi pas? ». Mais c’est plus compliqué qu’il n’y paraît car on ne peut substituer à l’ISF une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, le compte n’y serait pas.

M. François Hollande. L’impôt sur le revenu, c’est autre chose!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En effet, ces deux prélèvements sont de nature différente.

En outre, monsieur de Courson, quand vous dites que l’impôt de solidarité sur la fortune n’existe presque nulle part ailleurs, je vous rappelle qu’il y a, dans beaucoup de pays, un impôt sur le patrimoine qui prend des formes diverses. S’agissant des États-Unis, j’ai souvent l’occasion de m’en entretenir avec Dominique Strauss-Kahn, qui voit de près la fiscalité américaine.

M. Jacques Myard. Il ne paye pas d’impôts, lui!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce que vous dites n’est pas tout à fait juste, monsieur Myard. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) J’en reviens aux États-Unis: il y a un impôt sur le patrimoine payé localement, et d’un niveau relativement élevé par rapport à l’impôt fédéral. Je vous invite tous à relire le rapport de la Cour des comptes sur les impositions sur le patrimoine. Vous y verrez qu’en France l’impôt sur le patrimoine n’est pas si élevé ni si confiscatoire par rapport aux autres pays qui nous sont comparables.

Je termine en précisant que si l’idée de bouclier nous choque, nous n’avons jamais été pour un impôt confiscatoire. Nous l’avons prouvé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est en effet nous, socialistes, qui avons mis en place le plafonnement IR-ISF. Mais vous avez dénaturé ce plafonnement qu’avait institué Pierre Bérégovoy, et, surtout, vous lui avez substitué un bouclier fiscal qui n’a strictement rien à voir et qui a des effets pervers énormes en termes de justice fiscale.

Nous aurons bien sûr l’occasion de revenir sur ce sujet, qui mérite un vrai débat, nourri d’argumentations bien précises de la part de chacun d’entre nous. Mais il est vrai que la fiscalité constitue un point de divergence extrêmement forte entre les familles politiques de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n°593 n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n°212 est considéré comme défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur . Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

(L'amendement n°212 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 204 et 274.

Ils sont défendus.

(Les amendements n° s 204 et 274, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°174 deuxième rectification.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. J’ai bien compris que le bouclier fiscal n’était pas remis en cause. Mais il faut tout de même savoir que 5 % des foyers fiscaux ont reçu 74 % des sommes reversées par le fisc. On voit bien qu’il y a là une grande injustice. Notre amendement propose donc que les foyers fiscaux dont le revenu net global excède 10 millions d’euros – pardonnez du peu! – ne puissent bénéficier d’aucune exonération fiscale ou crédit d’impôt, ni, cela va de soi, du bouclier fiscal.

(L'amendement n°174, deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°202.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je tiens à développer la défense de cet amendement parce que c’est la première fois qu’il est proposé ici de plafonner le bénéfice du bouclier fiscal. Les statistiques relatives aux premières applications de ce dispositif montrent qu’environ 74 % de ceux qui en bénéficient seraient des contribuables à revenus moyens ou modestes, détenteurs d’un actif qui les fait entrer à un taux élevé dans le champ de l’ISF – on a même évoqué des RMIstes soumis à des taxes foncières élevées. Il est logique d’appliquer à ces personnes le bouclier fiscal. Mais il n’y a pas de raison d’en faire bénéficier les revenus plus élevés. Le plafonnement que je propose est relativement élevé puisqu’il correspond à la troisième tranche de l’impôt sur le revenu, soit un revenu imposable ne dépassant pas 69783 euros. Si ces contribuables étaient imposées au-delà de la moitié de ce revenu annuel, le bouclier fiscal s’appliquerait pour qu’ils ne soient pas gravement pénalisées. Mais il serait supprimé pour les personnes se situant au-dessus de la troisième tranche.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur . Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

(L'amendement n°202 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°203.

M. Daniel Garrigue. Défendu.

M. le président. Même avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(L’amendement n°203 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°198.

M. Daniel Garrigue. Défendu.

M. le président. Même avis,

défavorable.

(L’amendement n°198 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°273 rectifié.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Quelques chiffres illustrent les propos que les uns et les autres nous avons tenus, et que le président de la commission des finances a relevés à juste titre.

Le lien entre bouclier fiscal et ISF est établi et reconnu. Le bouclier fiscal a un but: neutraliser l’ISF. Le bilan de l’année 2008 le démontre: le coût du bouclier fiscal est à 97 % imputable à l’ISF alors qu’il ne l’était qu’à 91 % en 2007; 40 % de ses bénéficiaires sont imposables à l’ISF, contre 27 % l’année précédente. De plus, la moyenne des remboursements augmente au fur et à mesure que le patrimoine augmente.

Enfin, 1 % des bénéficiaires du bouclier fiscal, c'est-à-dire 190 contribuables, se sont fait restituer 140 millions d’euros. Mes chers collègues, le débat aura au moins permis d’établir le lien. Le bouclier fiscal n’a qu’un but: non pas permettre à des Français de garder la moitié de ce qu’ils gagnent et de ne pas travailler pour l’État plus d’un jour sur deux, mais neutraliser les effets de l’ISF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je voudrais revenir sur quelques éléments.

À écouter très attentivement les arguments des uns et des autres, on note clairement une différence d’ordre politique entre l’opposition et la majorité. L’opposition souhaite augmenter les impôts, et en particulier l’impôt sur le revenu, si j’ai bien compris. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour notre part, nous souhaitons maintenir l’imposition – surtout ne pas l’augmenter, et si possible la baisser. L’Allemagne est en train d’emprunter ce chemin.

L’écoute de vos arguments et la lecture attentive des amendements à venir m’inspirent aussi à cette remarque: nous souhaitons maintenir le bouclier fiscal parce que nous considérons qu’il s’agit d’un véritable contrat de confiance passé entre la majorité et les Français,…

M. Christian Eckert. Une petite partie des Français!

Mme Catherine Lemorton. Quelques-uns des Français!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … alors que vous souhaitez le transformer en passoire. Un bouclier passoire, ce n’est pas le contrat qui a été passé avec les Français. Nous souhaitons donc maintenir cet élément.

Je voudrais aussi revenir sur deux ou trois points qui ont été évoqués par M. Hollande. Je regrette qu’il soit déjà parti, après avoir fait son intervention dans les délais appropriés, mais je ne doute pas que mes propos lui seront rapportés.

S’agissant de la compétitivité, je ne peux pas le laisser indiquer qu’elle se mesure exclusivement à l’aune du commerce extérieur. Quand bien même ce serait le cas, le solde du commerce extérieur s’est tout de même détérioré de manière étonnante et concomitante à l’application des 35 heures – la corrélation sera établie.

Mme Catherine Lemorton. Et allez!

M. Jacques Myard. Eh oui!

M. Michel Diefenbacher. Très juste!

M. Jérôme Cahuzac. C’est de la provocation!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je sais que c’est une provocation. Je suis désolée, mais j’ai examiné très attentivement les évolutions du déficit du commerce extérieur et les modalités d’application de la loi sur les 35 heures. On observe une exacte corrélation entre le début de la détérioration de la balance commerciale et la mise en œuvre des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant de la compétitivité, il faut aussi regarder les chiffres récents. On s’aperçoit alors que le nombre de ceux qui ont décidé de partir, de se délocaliser pour des raisons fiscales, n’a cessé d’augmenter en 2003, 2004, 2005 et 2006. Et, en 2007, le mouvement s’arrête. Curieusement, c’est l’année d’entrée en vigueur du bouclier fiscal.

Certes, on peut considérer que cela ne sert à rien, que l’on n’a pas besoin des gros patrimoines, que l’argent n’est pas utile à l’économie. Mais on peut aussi juger utile de garder sur le territoire français certains détenteurs de patrimoines qui sont prêts à l’investir dans le pays, comme on l’a observé avec la mesure appelée ISF-PME.

Grâce aux assujettis à l’ISF qui ont investi dans des petites et moyennes entreprises, au-delà évidemment de leurs obligations fiscales au titre de l’ISF puisque l’on exigeait 100 % d’investissement pour 75 % de réduction de l’ISF, on a réussi à injecter un milliard d’euros dans le tissu économique français. Cela démontre clairement que conserver de la matière imposable en France et lui permettre éventuellement de s’investir dans les petites et moyennes entreprises était une excellente idée.

Je voudrais le redire avec force: nous revendiquons effectivement un choix politique qui consiste à avoir des prélèvements obligatoires en baisse, comme cela a été le cas au cours des dernières années – certes, la diminution de l’impôt sur les sociétés explique une partie de ce mouvement, mais nous avons aussi réduit des prélèvements obligatoires –, et à appliquer un vrai bouclier fiscal au-delà de 50 %. Ce n’est pas très compliqué.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais répondre brièvement à deux ou trois propositions, afin d’intervenir plus succinctement par la suite.

Concernant le bouclier fiscal, il y a trois sortes d’amendements. Certains sont des amendements de suppression et nous avons déjà suffisamment évoqué le contrat de confiance passé avec les Français. D’autres amendements visent à augmenter le taux à partir duquel le bouclier s’applique, en le faisant passer de 50 % à 60 % et plus.

Les derniers tendent à en réduire l’assiette, en sortant par exemple la CSG, la CRDS et en prenant certains revenus en montants bruts et non pas en montants nets catégoriels, comme le propose l’amendement n°107 que nous examinerons ultérieurement. Or il n’y pas de raison d’imposer deux fois – une fois à l’IS, et ensuite à l’ISF – et c’est bien pour cela que ces revenus sont pris pour leur volume net catégoriel.

Je ne vais pas épiloguer à l’infini. En ce qui concerne la justice fiscale évoquée par Jean-François Copé, je rappelle que c’est notre majorité qui a décidé de plafonner les niches – à la fois globalement et niche par niche. C’est bien la majorité qui a adopté cette mesure qui est clairement une mesure de justice fiscale.

M. Jacques Myard. Tout à fait!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Outre la justice et la compétitivité, nous avons un troisième principe que n’a pas évoqué Jean-François Copé tout à l’heure: nous cherchons à protéger notre environnement en faisant évoluer l’assiette fiscale pour aller d’un impôt sur la production tel qu’il est actuellement vers un impôt sur la pollution.

C’est aussi notre majorité qui a adopté ce dispositif. J’ai été vraiment triste de constater que la gauche n’a pas voté en faveur de la taxe carbone, et qu’elle n’a pas voulu engager la fiscalité française dans une voie véritablement moderne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émettra un avis défavorable à tous les amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Naturellement, nous préviendrons François Hollande que vous avez eu l’amabilité de lui répondre. Cela étant, vous savez qu’un ministre peut intervenir quand il le souhaite. Peut-être auriez-vous pu le faire quand il était présent et que le débat avait lieu grâce au président qui l’a laissé se poursuivre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lionel Tardy. François Hollande n’est jamais là! On risque d’attendre longtemps!

M. Jérôme Cahuzac. Vous savez, il est un peu tard.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, vous évoquiez un contrat de confiance. Je peux très bien comprendre qu’un engagement ayant été pris devant le pays…

M. Jean-Paul Anciaux. François Hollande est au vingt heures !

M. Jérôme Cahuzac. Vous le lui direz!

M. le président. Vous seul avez la parole, monsieur Cahuzac. Allez-y!

M. Jérôme Cahuzac. Je peux parfaitement comprendre que cet engagement ayant été pris, vous teniez à le respecter. La phrase que le Président de la République répète souvent – « Je n’ai pas été élu pour augmenter les impôts » – est forte. Mais il n’a pas non plus été élu pour voir les déficits atteindre des niveaux extravagants et le chômage exploser. N’étaient l’heure tardive et l’énervement de certains collègues, j’ajouterais qu’il n’a pas non plus été élu pour contribuer au plan de carrière de tel ou tel.

Les circonstances étant ce qu’elles sont, gouverner étant prévoir et savoir s’adapter, je ne crois pas que les Français lui en voudraient s’il revenait sur le dogme du bouclier fiscal.

M. Claude Goasguen. Il y aura des élections, on verra!

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, il ne faut pas caricaturer les positions. La nôtre ne revient pas à prôner, brut de décoffrage et toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de l’impôt sur le revenu.

Avec le même genre de raisonnement simpliste et sans nuance que celui que vous venez de tenir à l’instant – alors que ce n’est pas dans vos habitudes –, on pourrait vous répondre que, pour votre part, vous ne pensez qu’à endetter le pays, sans indiquer comment vous pourriez le désendetter.

Vous en revenez à la justice fiscale, en renfort de Jean-François Copé. Vous connaissez les chiffres comme nous: depuis 2002, la dépense fiscale a augmenté de 25 milliards d’euros, et la mesure de justice fiscale à laquelle vous faites référence a permis de récolter entre 200 et 220 millions d’euros.

Si vous estimez que ces 25 milliards d’euros – dont l’utilité n’est pas totalement justifiée, loin s’en faut! – sont compensés par ces 220 millions d’euros, on comprend pourquoi les déficits du pays atteignent de telles extrémités.

Enfin, ne rouvrons pas le débat sur la taxe carbone, prévue aux articles 5 et 6, nous sommes bien au-delà. Mais, puisque vous l’évoquez, sachez que pour notre part nous regrettons que la taxe carbone soit ce que vous en avez fait: une simple taxe additionnelle à l’ancienne TIPP.

Il est clair qu’un impôt écologique méritait mieux que cela. Cependant, elle a au moins permis de faire un constat: le compteur continue à tourner et vous êtes toujours aussi créatifs en matière de taxes, puisque c’est la seizième que vous créez depuis 2002.

M. Jacques Myard. C’est l’hommage du vice à la vertu!

(L'amendement n°273 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°211.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Je voudrais rappeler quelques chiffres et dire qu’il faut maintenant mettre des limites au bouclier fiscal. En haut de l’échelle, 14000 contribuables ont reçu globalement 412 millions d’euros de restitutions, soit 106000 euros chacun. En bas de l’échelle, quelque 8600 contribuables ont récupéré une petite restitution.

Nous proposons une mesure juste dans l’injuste, si je puis dire: plafonner la restitution annelle à 5000 euros.

(L'amendement n°211, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°262.

M. Jérôme Cahuzac. Défendu.

(L'amendement n°262, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°287 rectifié.

M. Charles de Courson. Défendu.

(L'amendement n°287 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°286 rectifié. Il est défendu.

(L'amendement n°286 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 290 et368.

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n°290.

M. Charles de Courson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour défendre l’amendement n°368.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement vise à sortir du calcul du bouclier fiscal les impôts locaux.

Personne n’a jamais imaginé de le faire. Alors qu’on sait ce qu’il en sera après la réforme de la taxe professionnelle, je voulais attirer l’attention de tous nos collègues, qui sont souvent aussi des acteurs importants dans les collectivités. À trop ficeler les collectivités locales, elles ne joueront plus le rôle essentiel que nous leur connaissons dans l’investissement civil, qu’elles assument aux trois-quarts, et dans le financement des services publics.

(Les amendements identiques n os 290 et368, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°288.

M. Charles de Courson. Défendu.

(L'amendement n°288, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°155.

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.

Mme Marie-Anne Montchamp. Madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, rarement la corrélation entre comptes publics et comptes sociaux n’a été aussi sensible.

Dès demain, dès la fin de nos débats sur le projet de loi de finances, nous entamerons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous montrera l’ampleur du besoin de financement pour 2010, puisqu’il est évalué à 65 milliards d’euros.

Nous allons nous livrer à cette étude des comptes sociaux avec l’aide du rapport de la commission Warsmann, mais aussi du rapport de la Cour des comptes qui procède d’une saisine conjointe de notre commission des affaires sociales et de notre commission des finances. Ces différents éléments montreront la nécessité de procéder à un refinancement des déficits sociaux à moindre risque.

À n’en pas douter, nous serons contraints de transférer à la CADES le boulet du découvert que nous ne saurons plus financer si les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le découvert prévisionnel est en partie construit ne tiennent pas, ou si d’aventure les taux d’intérêt remontent.

Rouvrir la CADES sera sans doute incontournable mais nécessitera une augmentation de la CRDS d’autant plus lourde que nous retarderons cette décision.

La France de 2010 n’est plus la France de 2007, car la crise économique a détruit un nombre considérable d’emplois, en particulier durant le premier trimestre de cette année: 81000 emplois détruits.

Élargir l’assiette, ne plus faire peser les recettes sociales aussi lourdement sur le travail – ce qui est actuellement le cas à 70 % – passe par l’augmentation de la performance de la CRDS. Cela devient crucial et urgent.

Mon amendement, cosigné par Jean-Luc Warsmann, procède de cette analyse. Il est volontairement ciblé. Il n’est en aucune manière dogmatique, je vous demande de le croire. Son seul objet est de donner son meilleur rendement à la CRDS, dans les meilleures conditions d’équité et de solidarité.

M. Daniel Garrigue. Très bien!

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous avons déjà discuté avec Jean-Luc Warsmann de cet amendement qui revient régulièrement. Il n’y a pas d’exception au bouclier, qui doit donc, bien évidemment, contenir la CSG et la CRDS. D’ailleurs tout le monde paie la CRDS; elle ne s’impute pas sur un impôt particulier.

Je rappelle que 50 %, c’est déjà très élevé comme plafond pour le taux de pression et de prélèvements fiscaux et sociaux.

Comme Marie-Anne Montchamp le sait, le Gouvernement est parfaitement lucide sur la situation de notre protection sociale, dont nous allons d’ailleurs discuter longuement à partir de demain.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. En remettant la question à demain, monsieur le ministre, vous bottez en touche. Le Gouvernement, dites-vous, est tout à fait lucide sur la situation de nos comptes sociaux; or, pour une progression de 5 % de la masse salariale à partir de 2012 – selon des prévisions si optimistes qu’elles en deviennent irréalistes –, le déficit restera de 30 milliards d’euros. En outre, la CADES devrait s’endetter autant d’ici à 2012 que depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Dans ces conditions, vous comprendrez que l’on doute de la lucidité du Gouvernement; mais peut-être avez-vous délibérément choisi de remettre sans cesse à plus tard ce que vous pourriez, au moins dans vos intentions, esquisser pour l’an prochain, d’autant que c’est le marché des billets de trésorerie – lequel pourrait s’avérer moins productif que vous ne l’escomptez – qui permet à l’ACOSS d’éviter la cessation de paiements. Vous pourriez au moins nous dire si vous envisagez l’une des trois solutions possibles, à savoir l’augmentation des prélèvements, le transfert vers la dette de l’État ou la création d’une autre caisse d’amortissement de la dette sociale.

L’amendement de Mme Montchamp répond à l’angoisse de nombreux députés, notamment ceux qui siègent à la commission des affaires sociales. L’état de nos finances publiques, et en particulier celui de la dette sociale, nous mène en effet droit dans le mur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je veux souligner l’importance de cet amendement déposé par Marie-Anne Montchamp et Jean-Luc Warsmann. Alors que notre assemblée commencera demain d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la situation est si difficile que l’on ne sait même plus comment répartir la dette entre l’ACOSS et la CADES. Des mesures sont donc impératives. La logique voudrait que l’on augmente la CRDS, mais le Gouvernement n’ose le faire car il craint, ce faisant, de déclencher le bouclier fiscal pour certains contribuables; or de nombreux Français vivent très mal ce qu’ils considèrent comme des atteintes à l’équité.

Nous sommes donc dans une impasse, laquelle nous conduira à des déficits et un endettement insupportables. La raison voudrait donc que notre assemblée adopte cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Les chiffres sont connus: les comptes sociaux accuseront, en 2010, un déficit prévisionnel de 30 à 31 milliards d’euros, et les creux de trésorerie atteindront 60 milliards. Lors des auditions de la commission des finances, la Caisse des dépôts a déclaré être en mesure d’apurer seulement la moitié de ces derniers, soit 30 milliards d’euros. Restent donc 30 autres milliards à trouver sur les marchés financiers pour payer les retraites et les différentes prestations. Combien coûteront ces emprunts sur le marché? Vous avez transféré une partie de la dette à la CADES en y associant les ressources correspondantes – 1,2 % de CSG –; mais vous ne pouvez plus renouveler cette opération qui consiste à créer un trou pour en combler un autre. Comment faire d’ici à 2012, monsieur le ministre? Il vous faudra expliquer aux Français que de l’argent public fera prospérer les banques via les frais financiers. Tout cela n’est absolument pas raisonnable.

(L'amendement n°155 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°289 rectifié.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’amendement est défendu.

(L'amendement n°289 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n°291 est-il lui aussi défendu, monsieur de Courson?

M. Charles de Courson. Oui monsieur le président.

(L'amendement n°291, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°107.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Certains contribuables touchent des revenus qui ne sont pas intégralement pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal. Or la logique de celui-ci n’est pas d’amplifier un avantage fiscal, mais de prendre en compte la capacité contributive réelle de la personne qui en bénéficie.

Il s’agit donc, par cet amendement, de remettre en cause l’une des possibilités de minorer ses revenus pour bénéficier d’un droit à restitution plus important. Faute de procéder à cet ajustement du bouclier fiscal dans la première partie de la loi de finances, certains contribuables continueront de bénéficier, en 2010, de chèques de restitution calculés selon des modalités qui, je pense, ne correspondent pas à l’intention initiale du législateur.

Il serait fâcheux d’évacuer une fois de plus d’un revers de main un sujet dont chacun avait reconnu l’importance lors de la discussion du dernier projet de loi de finances.

(L'amendement n°107, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour défendre l’amendement n°260.

M. Jérôme Cahuzac. Défendu.

(L'amendement n°260, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°263.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement démontre la malfaçon du bouclier fiscal, à supposer que l’on en accepte l’injustice. Si l’on souscrit aux propos que le Président de la République tient un jour sur deux, on doit voter cet amendement. Au nom de quoi, en effet, les revenus de référence d’un bénéficiaire du bouclier fiscal seraient-ils diminués de sa retraite par capitalisation, laquelle n’est par définition pas obligatoire mais volontaire? Il s’agit là d’un double bénéfice et d’une double injustice.

(L'amendement n°263, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je veux bien que l’on aille vite mais,…

M. Gérard Bapt. On va trop vite!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. ...sur tous les bancs, chacun s’accorde à reconnaître que le revenu de référence pour le calcul du bouclier fiscal est un vrai sujet: on ne peut donc sans cesse le différer, ni se contenter d’un avis défavorable sèchement asséné. Il faut motiver cette position.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Bien que votre assemblée vienne d’examiner l’amendement n°263 je m’efforcerai, monsieur le président de la commission, de vous répondre sur le n°107. Il s’agit d’un problème qui n’est pas technique mais de fond. Vous souhaitez inclure dans l’assiette du bouclier fiscal les revenus distribués tels que les dividendes, l’autre amendement portant sur les cotisations. En somme, vous proposez de retenir ces revenus, non pour le montant net soumis à l’impôt sur le revenu, mais pour le montant brut, c’est-à-dire, notamment, avant l’application de l’abattement de 40 % sur les dividendes.

M. Jérôme Cahuzac. Non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si, monsieur Cahuzac: c’est l’objet de l’amendement n°107. Le Gouvernement estime que seul le montant net des dividendes doit être pris en compte, car l’imposition a déjà été réglée, au titre de l’abattement, dans le cadre de l’impôt sur les sociétés. Réintégrer l’abattement dans le calcul des revenus de référence pour l’ISF équivaudrait, non à un double bénéfice, mais à une double peine.

Quant à l’amendement n°263 de M. Cahuzac, il proposait d’exclure du revenu pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal les cotisations d’épargne retraite individuelle facultatives, notamment les cotisations versées sur un PERP, un plan d’épargne retraite populaire. Il convient de s’assurer que le bouclier fiscal n’est pas détourné de son objet en permettant des optimisations que ni le Parlement ni le Gouvernement ne souhaitent. À cet égard, je ne crois pas que la situation que vous proposez de corriger puisse être considérée comme une anomalie ou une source d’optimisation fiscale. Les contribuables qui versent des cotisations sur une épargne retraite se dessaisissent effectivement de ces sommes.

M. Jérôme Cahuzac. Volontairement!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il s’agit, je vous le rappelle, de « produits tunnels » à imposition différée, dont le dénouement n’intervient sous forme obligatoire de rente viagère qu’à compter du départ à la retraite des souscripteurs. Les avances y sont interdites, ce qui témoigne d’un véritable dessaisissement des contribuables concernés. Je ne crois donc pas que ces sommes doivent être intégrées à leurs revenus réels, d’autant qu’elles seront soumises à l’impôt sur le revenu dès leur départ en retraite.

Ces deux amendements obéissent au fond à une même logique, laquelle vise à soumettre deux fois, donc indûment, certaines sommes à l’impôt, même s’il s’agit, dans le premier cas, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur la fortune, et, dans le second, de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je ne veux pas prolonger inutilement ce débat, d’autant que nous l’aurons en examinant la seconde partie du projet de loi de finances et la question du revenu fiscal de référence.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En effet.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. J’espère d’ailleurs que M. le rapporteur général défendra certaines propositions avec moi.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Oui, il y a des corrections techniques à apporter.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je ne suis pas entièrement convaincu par votre argumentation, madame la ministre; mais nous en reparlerons.

M. le président. J’appelle maintenant l’amendement n°261.

M. Jérôme Cahuzac. Défendu.

(L'amendement n°261, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Puis-je considérer que l’amendement n°259 est lui aussi défendu, monsieur Cahuzac?

M. Jérôme Cahuzac. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n°259, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. J’appelle l’amendement n°266.

M. Jérôme Cahuzac. Défendu également.

(L'amendement n°266, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n os 597, deuxième rectification, et 249, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n°597, deuxième rectification.

M. Charles de Courson. C’est à juste titre que le Gouvernement a décidé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’assujettir à la CSG et à la CRDS les plus-values réalisées sur les cessions de valeurs mobilières jusqu’à un montant de 25000 euros par an, lesquelles étaient jusqu’à présent exonérées. Cependant, il n’a pas prévu d’assujettir ces mêmes plus-values à l’impôt sur le revenu. C’est dommage, car il est préférable que l’assiette de la CSG et de la CRDS soit cohérente avec celle de l’impôt sur le revenu.

Certains revenus sont assujettis à l’impôt sur le revenu mais pas à la CSG; pour d’autres, c’est l’inverse. Essayons d’uniformiser les assiettes: c’est à quoi vise le présent amendement.

M. le président. Puis-je considérer que l’amendement n°249 est défendu, monsieur Cahuzac?

M. Jérôme Cahuzac. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable. La commission a estimé que le sujet relevait du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2010.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Éric Woerth, ministre du budget . Défavorable.

Le Gouvernement a en effet décidé de soumettre à des charges, dès le premier euro, les plus-values de cession mobilières. Il y va de l’universalité de la CSG. Du point de vue fiscal, en revanche, on peut considérer que le dispositif incite à la constitution de petits portefeuilles. C’est là, me semble-t-il, un juste équilibre. La presse s’est fait l’écho de cette question, et nous verrons ce qu’il en est avec la discussion du PLFSS. Reste que, je le répète, l’assujettissement de ces plus-values, dès le premier euro, à la CSG et à la CRDS – donc au taux de 12,1 % – me semble légitime.

(L'amendement n°597, deuxième rectification, n'est pas adopté.) (L'amendement n°249 n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il est vingt heures quinze et notre assemblée a encore quarante-quatre amendements à examiner, sans oublier la seconde délibération. Ou nous y consacrons une séance de nuit, ou nous prolongeons la présente séance: je suis à la disposition de l’Assemblée. (« On finit! » sur plusieurs bancs.)

Je veux bien prolonger la séance, mais chacun doit jouer le jeu dans la présentation des amendements. (Assentiment.) Soyons corrects non seulement à l’égard de tous nos collègues mais aussi des personnels: je tiens à le dire à la place où je me trouve.

Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 125 et452 rectifié.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l’amendement n°125.

M. Lionel Tardy. Une petite activité économique se développe souvent à partir d’une entreprise individuelle, laquelle est assujettie à une imposition sur le revenu, et, quand son activité s’accroît, l’entrepreneur peut avoir besoin de constituer une société. Or ce mouvement est freiné par l’imposition qui vient frapper les apports en activité. La question va notamment se poser dans les années qui viennent pour les autoentrepreneurs. Ceux qui voudront passer un cap professionnel en faisant de leur activité un métier à part entière ne devraient pas être ponctionnés fiscalement au moment où ils auront le plus besoin d’argent.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n°452 rectifié.

M. Michel Bouvard. Je considère que M. Tardy l’a déjà défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé ces amendements, estimant qu’un changement de statut juridique – en l’occurrence du statut d’entrepreneur individuel à celui de personne morale – n’implique pas de transformer le report de plus-value en exonération.

Ce serait tout d’abord injuste: un entrepreneur individuel qui ne basculerait pas dans le régime de la société ne bénéficierait d’aucune exonération.

En outre, le passage de l’entreprise individuelle à la société n’est pas pénalisé puisque la plus-value fait l’objet d’un simple report, autrement dit elle n’est fiscalisée que le jour où elle est effective.

Enfin, monsieur Tardy, je vous rappelle que de très nombreux progrès ont été faits ces dernières années en matière d’exonération des plus-values professionnelles, qu’elles soient liées au chiffre d’affaires ou à la valeur de l’entreprise. Par exemple, les cessions d’entreprise dont la valeur est inférieure à 300000 euros sont totalement exonérées d’imposition sur les plus-values.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur général, défavorable.

M. le président. Les amendements sont-ils maintenus?

M. Lionel Tardy. Nous les retirons, monsieur le président.

(Les amendements n°125 et452 rectifié sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°186.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. À l’issue de la crise, nous constatons que les banques comme le CAC se portent plutôt mieux. Pour rétablir l’équilibre des finances publiques, il nous apparaît nécessaire de revenir non seulement sur le paquet fiscal mais également sur les multiples réformes menées depuis le début des années 2000 dans le but d’alléger la fiscalité des plus riches.

Ramener les impôts sur le revenu et sur le patrimoine à leur niveau de l’an 2000 rapporterait, rappelons-le, environ 30 milliards d’euros par an, soit plus de la moitié du déficit public constaté en 2008. Toutefois, je ne crois pas que la majorité soit prête à aller dans cette direction. Nous vous proposons donc d’adopter un amendement mesuré consistant à ramener au taux de 19 % l’imposition du montant net des plus-values à long terme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

Je voudrais faire observer à M. Gosnat que refiscaliser les plus-values obligerait à autoriser la déductibilité des moins-values. Or, comme depuis deux ans de nombreuses moins-values ont été enregistrées, l’État serait perdant.

Il est donc préférable d’en rester au système d’exonération actuel dans lequel les moins-values, en contrepartie, ne sont pas déductibles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable également.

(L'amendement n°186 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°123 rectifié.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le montant des frais d’obsèques déductible des successions est actuellement fixé à 1500 euros. Réévalué en 2002, il n’a pas évolué depuis et ne correspond plus à la réalité des tarifs pratiqués. Je propose donc une augmentation pour le rapprocher du coût moyen actuel d’une cérémonie d’obsèques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a rejeté cet amendement, comme elle l’avait fait l’an dernier. Je vous rappelle, monsieur Tardy, que la dernière réévaluation avait été de 600 euros. De surcroît, elle est forfaitaire: l’abattement est appliqué, qu’il y ait un contrat d’assurance ou non. Il correspond aux frais d’obsèques moyens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

(L'amendement n°123 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°183.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Madame la ministre, lors de votre arrivée au Gouvernement, en 2007, vous nous expliquiez au moment du vote des dispositions relatives aux réductions d’ISF pour les personnes investissant dans le capital des PME qu’il fallait « transformer l’impôt de solidarité sur la fortune en capital pour les PME ». Les avantages du dispositif devaient être à l’origine réservés aux investissements directs des particuliers dans une PME avec, à la clef, une réduction fiscale de 75 % jusqu’à un plafond de 50000 euros. En février2008, l’exonération a été étendue aux holdings et aux fonds d’investissement, lesquels ont transformé le dispositif en machine à défiscaliser sans risque et à générer des redevances supplémentaires pour les intermédiaires financiers.

Les résultats ont été en apparence flatteurs avec 1,2 million d’euros d’investissements. Mais le bilan a été pour le moins problématique: un coût faramineux – un manque à gagner pour l’État de 660 millions d’euros – et des résultats nuls puisque la plupart des PME désireuses d’attirer des fonds par le biais de votre dispositif n’en ont généralement pas trouvé. En réalité, il a surtout constitué un moyen détourné de supprimer progressivement l’ISF. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.

(L'amendement n°183, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°185.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Cet amendement est défendu.

(L'amendement n°185, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°275.

M. Dominique Baert. Défendu.

(L'amendement n°275, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°173.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Ces dernières années, l’impôt de solidarité sur la fortune a connu une hausse continuelle du nombre de ses redevables et, paradoxalement, une baisse de son produit. En 2008, près de 656000 foyers, déclarant 770000 euros de revenus et plus, sur les 33 millions de contribuables ont ainsi payé l’ISF – soit 7,2 % de plus que l’année précédente – alors que celui-ci a rapporté 3,8 milliards d’euros contre 4,03 milliards d’euros en 2007.

Le paradoxe n’est qu’apparent. La baisse du produit de l’ISF est la conséquence du bouclier fiscal et du système de réductions mis en place pour investir dans les PME, dont le plafond a doublé sans qu’aucun bilan critique ait été dressé.

Malgré une hausse de 91 % en cinq ans du nombre de foyers redevables, cet impôt est resté sans effet pour ce qui est de l’expatriation fiscale. Rapporté au nombre de contribuables à l’ISF, le nombre de départs demeure marginal – un taux de 0,12 % depuis le début des années 2000.

L’argument selon lequel l’ISF présenterait un caractère confiscatoire en l’absence de bouclier fiscal ne tient donc pas. C’est l’inverse qu’il faut affirmer: la mise en œuvre du bouclier fiscal a permis le développement des stratégies de défiscalisation. Autrement dit, le bouclier fiscal est utilisé comme une super niche fiscale.

Dans une période de crise, ces effets d’aubaine sont choquants. Ils montrent que l’impôt de solidarité sur la fortune a été vidé de son sens: il n’a plus rien de solidaire. C’est afin de lui rendre ce caractère que nous proposons dans cet amendement de lui appliquer une majoration différenciée, qui n’atteindrait toutefois sa pleine efficacité qu’avec la suppression du bouclier fiscal, plus que jamais prioritaire.

(L'amendement n°173, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°443.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’améliorer le dispositif existant pour soutenir les fonds propres des PME qui, en cette période difficile, n’accèdent pas facilement au crédit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a souhaité s’en tenir au plafond de 50000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous partageons votre objectif de renforcer les fonds propres des PME, monsieur de Courson, et nous estimons, dans le principe, que cette disposition est bonne. Cela dit, elle ne bénéficierait qu’aux 1689 contribuables qui atteignent le plafond et qui seraient seuls à pouvoir augmenter leur dotation. Pour cette raison, je vous suggère de retirer cet amendement.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur de Courson?

M. Charles de Courson. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n°443 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os  66 rectifié et 161, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 66 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je laisse le soin à M. Bouvard, signataire d’un amendement identique, de donner les explications.

M. le président. La parole est donc à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n°161, deuxième rectification.

M. Michel Bouvard. Cet amendement entend répondre au problème de la limitation à cinquante du nombre des associés ou actionnaires pour les holdings ISF. Nous considérons que ce plafond est aujourd’hui devenu un handicap, et c’est là un point de désaccord avec le Sénat.

Un autre amendement porte sur les fonds investis par les holdings constituées de cent associés ou actionnaires. Depuis que le plafond a été ramené à cinquante, une incertitude porte sur les fonds constitués avant la révision législative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement est favorable et lève le gage.

(Les amendements identiques n os  66 rectifié et 161, deuxième rectification, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os  67 rectifié et 84.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 67 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cet amendement vise à porter de six à douze mois le délai permettant de bénéficier d’une déduction du fait de la modification des seuils applicables aux holdings. Il nous semble que cette modification ne pose aucun problème.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n° 84.

M. Michel Bouvard. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement est favorable et lève également le gage.

(Les amendements identiques n os  67 rectifié et 84, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os  86 rectifié et 470.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n° 86 rectifié.

M. Olivier Carré. Cet amendement a pour but d’élargir l’accès aux fonds d’investissement de proximité, fonds communs de placement dans l’investissement et autres aux titres donnant accès au capital et non pas simplement aux actions, même transformées à partir d’obligations convertibles.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l’amendement n°470.

M. Michel Bouvard. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

M. Olivier Carré. Je retire l’amendement.

M. Michel Bouvard. Moi de même.

(Les amendements n os 86 rectifié et 470 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 68 rectifié. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cet amendement tend à étendre la réduction de l’ISF aux associations reconnues d’utilité publique. C’est un problème que nous avions déjà examiné lors de la loi TEPA. Dès l’origine avait été évoqué le fait que ces associations qui travaillent dans le domaine de la création et de l’accompagnement d’entreprises ne pouvaient pas bénéficier du mécanisme de la réduction de l’ISF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement pour une raison assez simple: nous souhaitons réserver le mécanisme ISF- PME au financement et au renforcement du financement des petites et moyennes entreprises, et non en étendre démesurément le champ, en particulier en direction d’associations reconnues d’utilité publique de financement et d’accompagnement de la création et de la reprise d’entreprises dont la liste serait à fixer par décret. Nous devons essayer de cibler ce mécanisme au maximum sur le tissu économique, sur les entreprises, et ne pas commencer à ouvrir des brèches, sinon nous ne compterons plus les associations en faveur desquelles de très bons plaideurs voudront étendre le mécanisme. Il me semble au contraire qu’il faut lui conserver sa pureté, qu’il serve à financer les petites et moyennes entreprises, et rien d’autre.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je saisis bien votre crainte, madame la ministre, d’ouvrir des brèches. L’administration du ministère des finances avance d’ailleurs assez souvent cet argument, ce qui peut se comprendre. En l’occurrence, nous sommes face à des réseaux parfaitement identifiés et nous proposons justement d’en fixer la liste par décret pour éviter la contamination. Réseau Entreprendre, France Active et l’Association pour le droit à l’initiative économique sont des structures qui accompagnent la création d’entreprise – expertise des dossiers en amont, mise à disposition des créateurs de chefs d’entreprise bénévoles, systèmes de prêts d’honneur. Ces structures sont d’ailleurs aujourd’hui financées en partie par des organismes publics et elles présentent une véritable valeur ajoutée. Nous sommes en cohérence avec le désir de conforter des PME, de développer des entreprises. J’ajoute que souvent des financements d’État, de la Caisse des dépôts, accompagnent ces réseaux. On le voit bien aujourd’hui, face à la demande qui s’accroît, ces financements ne sont pas suffisants. C’est par ailleurs une façon de renforcer la validation économique en permettant justement aux holdings ISF, à un certain nombre de fonds, de s’investir dans ce travail. Nous avons en même temps un transfert de fonds, de ressources, et un transfert de savoir-faire et de compétences. Il serait dommage de ne pas ouvrir cette possibilité, c’est pourquoi je me permets d’insister, monsieur le président, malgré l’heure avancée de nos travaux.

M. le président. L’heure avancée n’empêche pas le débat, surtout lorsque l’on traite de sujets importants.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la ministre, faites un geste pour la bonne cause. Laissez les gens donner à ces structures, s’ils le veulent. Seront-ils nombreux d’ailleurs? Le risque de dérive, de surcroît, est inexistant puisque vous-même habiliterez les associations. Franchement, il ne s’agit là que d’une petite mesure qui va dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je souscris aux propos de Michel Bouvard et Charles de Courson, d’autant plus que je préside un comité de bassin d’emploi qui soutient la création d’entreprises. Vous voulez conserver la pureté du dispositif par lequel certains pourraient échapper à l’impôt sur la fortune en renforçant les fonds propres des PME. Au fond, les réseaux de ce type rejoignent l’intention des business angels dont vous avez loué les initiatives, madame la ministre. Parce que la création d’entreprise souffre et que, surtout en période de crise, les créateurs sont souvent des demandeurs d’emploi, quand ils ne sont pas allocataires sociaux, vous devriez faire le geste réclamé par MM. Bouvard et de Courson.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Les organismes qui bénéficient de ce mécanisme sont finalement assez nombreux, en tout cas ceux participant à l’effort en faveur de la recherche et de l’insertion des personnes: établissements de recherche et d’enseignement supérieur, fondations, entreprises, ateliers et chantiers d’insertion, entreprises adaptées, agence nationale de la recherche et associations intermédiaires. Y ajouter les associations qui vont aider à la création d’entreprises en France, comme le réseau France Initiative, pour leur permettre de bénéficier du dispositif ISF serait bienvenu. Je ne pense pas que cette mesure serait très coûteuse, même si je n’en suis pas sûr, mais en tout cas elle complèterait parfaitement le dispositif recherché s’agissant de l’encouragement à la création et pourquoi pas, à terme, la reprise d’entreprise. Je rappelle que la commission des finances a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il me semblait logique de réserver la déduction au titre de l’ISF au financement des petites et moyennes entreprises ainsi qu’à un certain nombre d’organismes dont nous avions délimité le champ lors du vote de la loi de finances à l’époque, et de réserver l’avantage de la déduction d’impôt sur le revenu de 66 % dans la limite de 20 % du revenu lorsque l’on donne à une association. Donc déduction d’impôt sur le revenu au titre de l’association, déduction d’ISF au titre de la PME. C’était plus logique. Cependant, si vous souhaitez en élargir le champ, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 68 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°277.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Une grande partie des transmissions se réalise aujourd’hui au travers de l’assurance-vie, qui permet de léguer jusqu’à 152500 euros en franchise de droits. Afin d’éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à défiscaliser totalement toutes les successions, il est proposé de limiter la possibilité de transmettre un patrimoine en exonération totale de droits au travers de l’assurance-vie à un montant comparable à celui retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dite, soit 100000 euros.

(L'amendement n° 277, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°458. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. J’ai déjà défendu tout à l’heure cet amendement visant à régulariser la situation des sociétés qui avaient décidé des levées de fonds avant l’abaissement de cent à cinquante du nombre des actionnaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis, et je lève le gage.

(L'amendement n°458, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson pour présenter les amendements n os 563 rectifié et 562 rectifié.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement nous propose, à l’article 12, une mesure, traditionnelle dans notre République, qui est d’exonérer de droits les successions des soldats morts au combat, notamment en Afghanistan. Nos amendements tendent à étendre cette disposition aux forces de l’ordre et aux gardiens de prison qui meurent dans l’exercice de leurs fonctions.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°215.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. L’article 12 exonère de droits de mutation les successions des militaires décédés dans des opérations extérieures ou dans les trois années suivant la fin de celles-ci. Ce délai nous paraît trop court. En effet, les militaires engagés dans des opérations extérieures sont aujourd’hui exposés à des risques très divers. L’utilisation croissante d’armes chimiques, bactériologiques et nucléaires induit des risques qui peuvent avoir des conséquences sur des périodes très longues, comme en témoignent les syndromes graves et parfois mortels qui ont frappé des milliers de militaires de la coalition engagée dans la guerre du Golfe. Nous proposons de porter le délai de trois à cinquante ans dès lors que la cause du décès est rattachable à un risque résultant de ces opérations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis. Je précise toutefois qu’il ne s’agit pas d’exclure les uns ou les autres qui décèdent dans l’exercice de leurs fonctions, mais simplement d’adapter l’exonération déjà prévue à l’article 796 du code général des impôts relatif aux militaires décédés en temps ou par fait de guerre, et de prévoir la situation non pas d’un temps ou fait de guerre, mais d’une participation à une opération extérieure. Il s’agit donc d’une adaptation aux modifications des interventions des forces armées.

(L'amendement n° 563 rectifié n'est pas adopté, non plus que l’amendement n°562 rectifié et l’amendement n°215.) (L'article 12 est adopté.)

Après l'article 12

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n os 216, 285 et 284, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Gosnat pour soutenir l’amendement n°216

M. Pierre Gosnat. Les volumes de transactions en 2007 ont atteint un niveau record: 3250 milliards de dollars. L’activité financière est de plus en plus découplée de l’économie réelle et remplit de moins en moins sa fonction de financement des entreprises. En l’absence de toute taxation et grâce aux paradis fiscaux, les profits considérables réalisés suite aux transactions sur devises n’engendrent aucun coût pour les opérateurs financiers mais génèrent des coûts sociaux et économiques redoutables. Ce projet de loi de finances offre l’occasion rêvée d’activer le dispositif existant dans notre droit fiscal et conforme à la taxe Tobin afin de limiter les effets pervers de la spéculation et de fournir une nouvelle recette fiscale. L’article 235 ter ZD du code général des impôts prévoit un tel dispositif mais ne l’associe à aucun taux, ce qui rend la taxe virtuelle. Nous proposons par cet amendement de fixer ce taux à 0,08 % afin de rendre la taxe Tobin enfin effective. Ce taux est modéré, notamment pour créer un effet d’appel en direction de nos partenaires. Pour être pleinement efficace, cette taxe doit en effet être appliquée par un grand nombre pays.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac pour soutenir les amendements n°285 et n°284.

M. Jérôme Cahuzac. Parmi les objectifs que le Président de la République, et avec lui d’autres chefs européens de gouvernement ou d’État, s’est fixés après le G20 figure la taxation d’un certain nombre de transactions financières et, à présent, de paradis fiscaux. Cet amendement est un amendement d’appel au Gouvernement pour lui demander dans quel délai et sous quelles modalités il pense pouvoir ou devoir mettre en œuvre la taxation de transactions financières émanant de pays jugés non coopératifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable également. Monsieur Cahuzac, vous avez pu constater qu’une disposition du communiqué de Pittsburgh spécifie que les contributions financières doivent être examinées sur les transactions financières. Cette disposition diffère de ce que prévoit le code général des impôts puisqu’il s’agit d’imposer les transactions de change; or ce n’est pas sur les transactions de change qu’il faudrait trouver une assiette mais sur d’autres transactions.

Un groupe de travail rassemblant des représentants de plus de 36 pays, sous l’autorité conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’économie, en étudie les modalités d’application, sachant que ce type de dispositif ne présente un intérêt évident que si le plus grand nombre de pays participent à l’opération et non un nombre restreint comme c’est le cas pour la taxe sur les billets d’avion.

M. Michel Bouvard. Tout à fait!

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Vous venez, madame la ministre, d’évoquer la taxe sur les billets d’avion. Pouvez-vous nous confirmer l’information qui suscite une grande inquiétude parmi les ONG engagées dans la lutte contre le sida et en faveur de l’accès aux médicaments pour les enfants et les familles africaines notamment, selon laquelle le Gouvernement, par décret, minorerait de 30 millions d’euros la taxe dite taxe Chirac sur les billets d’avion, qui a largement contribué, au cours de ces deux dernières années, à faire en sorte que davantage d’enfants aient accès à la trithérapie en Afrique noire?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je n’ai aucun détail sur l’information que vous rapportez. Le mieux serait de la vérifier auprès du ministère des affaires étrangères, qui gère cette taxe. Il est évident que son produit doit être affecté à la lutte contre le sida, et en particulier dans les pays d’Afrique subsaharienne. L’objet de cette taxe n’a pas été modifié à ma connaissance et je vous informerai de ce qu’il en est par écrit.

(L’amendement n°216 n’est pas adopté.) (L'amendement n°285 n’est pas adopté.) (L'amendement n°284 n’est pas adopté.)

Article 34 et état A annexé

M. le président. Sur l’article 34 et l’état A annexé, la parole est à M. le ministre du budget pour soutenir l’amendement n°771.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je vais vous présenter l’amendement à l’article d’équilibre, lequel article sera de nouveau modifié en seconde délibération. Il s’agit ici de faire le point sur les dispositions votées au cours du débat.

Les recettes brutes sont globalement majorées de 335 millions d’euros.

Les amendements relatifs à la réforme de la taxe professionnelle conduisent à réduire les recettes fiscales brutes de 17 millions d’euros, diminution qui s’explique notamment par des exonérations de cotisation supplémentaires – 90 millions d’euros – et de cotisations locales d’activité – 10 millions d’euros –, et la diminution des frais d’assiette sur la cotisation supplémentaire – 51 millions d’euros.

En sens inverse, la suppression du plafonnement sur la valeur ajoutée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7,6 millions d’euros conduit à une augmentation des recettes fiscales brutes de 126 millions d’euros.

L’élargissement de l’assiette des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux aux installations de production d’énergie dont la puissance est inférieure à 50 mégawatts et supérieure à 10 mégawatts conduit à une augmentation de 8 millions d’euros.

Les nouvelles impositions pesant sur les établissements de crédit conduiraient à une augmentation des recettes de 704 millions d’euros.

La création d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes de bicyclettes conduirait à une baisse de cet impôt de 200 millions d’euros.

Les débats relatifs à la taxe carbone ont conduit à diminuer les recettes fiscales brutes de 252 millions d’euros – 34 millions d’euros sont liés à la suppression de la TGAP sur les carburants dans les DOM; 8 millions d’euros à l’exonération de taxe carbone pour les entreprises de valorisation de la biomasse; 10 millions d’euros au titre de l’instauration d’une exonération de taxe carbone pour les personnes à mobilité réduite et les personnes de petite taille utilisant un véhicule personnel en l’absence de réseau de transport public adapté.

Enfin, les recettes sont minorées de 200 millions d’euros au titre de la suppression de la TGAP pour les transporteurs routiers, en partie compensée en année pleine par la diminution d’un remboursement de TIPP aux transporteurs routiers.

En ce qui concerne les concours de l’État aux collectivités locales, je me félicite que le schéma alternatif proposé par le rapporteur général ne remette pas en cause la norme d’évolution de 0,6 % des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales hors FCTVA.

Nous maintenons le décrochage des dotations de fonctionnement par rapport à l’inflation. Globalement, compte tenu de cet amendement, la DGF progresse de 131 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. Cet abondement de la DGF est financé par le gel des dotations d’investissement, de quelques dotations de fonctionnement et de diverses autres mesures.

En deuxième partie, nous diminuerons en conséquence les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » de 12 millions d’euros et ceux de la mission « Travail et emploi », au titre de la DGD « Formation professionnelle », de 10 millions d’euros.

Les remboursements et dégrèvements sont minorés de 256 millions d’euros, correspondant à la diminution des remboursements de TIPP aux transporteurs routiers en contrepartie de leur assujettissement à la TGAP.

À l’issue de nos débats, dont je tiens à saluer la grande qualité, le déficit prévisionnel pour 2010 s’établirait ainsi, avant la seconde délibération, à 115,54 milliards d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . L’amendement que vient de nous présenter M. Woerth reprend très exactement les différents mouvements auxquels nous avons procédé la semaine dernière et ce soir, et qui conduisent à une amélioration, à savoir une diminution…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Provisoire…

M. Gilles Carrez, rapporteur général . …du déficit budgétaire de 494 millions d’euros. Il est néanmoins probable que cette diminution ne durera que quelques minutes puisque l’amélioration constatée était notamment liée au vote d’un amendement visant à surtaxer les banques de 10 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Louis Idiart. Ah!

M. Dominique Baert. Son éventuel rejet en seconde délibération va manquer aux recettes!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Si jamais cet amendement devait être concerné par la seconde délibération et, cette fois, rejeté, l’évolution du solde budgétaire irait en sens inverse, c’est-à-dire dans celui d’une légère dégradation.

M. Jérôme Cahuzac. Il y en a pour 300 millions d’euros!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Pour le reste, tout est en ordre.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vais m’exprimer sur l’amendement n°771 du Gouvernement puisque, s’il était voté, le mien tomberait.

Mon amendement n°582 rectifié avait pour objet de réduire de 5 milliards d’euros le déficit budgétaire de l’État, dont 3,5 milliards d’euros obtenus sur les niches fiscales et 1,5 milliard sur les niches sociales – c’est-à-dire sur les cotisations sociales patronales des grandes entreprises. On ne peut pas être de ceux qui soutiennent à bon droit le caractère insoutenable d’un déficit de 115 milliards d’euros soit 101 ou 102 milliards d’euros hors plan de relance, sans aider le Gouvernement et en particulier Éric Woerth à réduire les dépenses. Faute de quoi on est dépourvu de crédibilité.

L’amendement n°582 rectifié, si je comprends bien, tomberait au cas où l’amendement n°771 serait adopté.

M. le président. C’est pourquoi j’ai eu l’élégance de vous donner la parole, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Je vous en remercie, monsieur le président, mais je peux toujours transformer mon amendement en sous-amendement à celui du Gouvernement.

M. le président. Je regrette, monsieur de Courson.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Avant que nous n’entamions, au terme de ce débat, une seconde délibération, je constate, pour reprendre les propos de M. de Courson, que la situation des comptes publics est catastrophique. Un de nos collègues propose d’améliorer le solde budgétaire de l’État et, pour avoir été présent lorsqu’il a exposé ses idées au cours de la discussion générale ou à l’instant en présentant un amendement, je ne peux que regretter la fin de non-recevoir qui lui a été opposée par le Gouvernement alors même que celui-ci n’a rien suggéré ni rien retenu de nos propositions.

Je le regrette infiniment et je comprends la démarche de Charles de Courson qui consiste à limiter la dépense fiscale en réduisant les niches fiscales. Nous nous associerons à son amendement parce que nous estimons que, faute de réduire la dépense fiscale, il faudra inévitablement augmenter les impôts – extrémité à laquelle aucun pouvoir ne se résout très facilement.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Bien sûr, nous ne pouvons que partager les objectifs poursuivis par Charles de Courson, par le groupe Nouveau Centre et, je suppose, par le groupe UMP. Nous devons réduire les déficits. Seulement, réduire de 5 milliards les dépenses de l’État, ça ne se fait pas comme ça! Et Charles-Amédée de Courson le sait très bien. La politique que nous menons nous a permis de contenir l’ensemble des dépenses de l’État dans les normes que vous connaissez. C’est la première fois que nous parvenons à respecter ces normes, hors plan de relance il est vrai. Il faudra donc, bien sûr, que nous veillions à leur respect une fois que le plan de relance n’aura plus d’objet.

Nous devrons aller plus loin encore dans notre travail d’appropriation de la dépense publique. Nous voyons bien que nos débats portent assez peu sur la réduction des dépenses. Les propositions concernent généralement la réduction globale de la dépense fiscale – vous n’êtes pas concerné, monsieur de Courson –, mais beaucoup moins nombreuses sont les propositions précises en la matière parce qu’on se rend compte que leur mise en œuvre serait difficile. Quant aux dépenses de l’État elles-mêmes, je note une quasi-absence de propositions très claires étant donné leur rigidité.

La priorité du présent budget consiste à faire sortir la France de la crise; c’est la marque politique de ce texte. Aucun assainissement des finances publiques françaises n’est possible sans sortie de crise, sans retour à un taux de croissance normal qui nous permettra de créer à nouveau de la richesse et donc des ressources fiscales.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je ne peux pas rester muet face à l’appel lancé par le ministre à la majorité pour qu’elle suggère des pistes d’économies pour l’an prochain. J’ai bien entendu le message adressé à l’Assemblée, à la majorité comme à l’opposition.

Toutes les idées visant à réduire raisonnablement la dépense publique seront les bienvenues l’an prochain.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Toute idée n’est pas une bonne idée!

M. Jérôme Chartier. Le groupe UMP a lancé les états généraux de la dépense publique et traduira les conclusions de ces états généraux en amendements pour la discussion du budget de l’an prochain; je suis convaincu qu’ils bénéficieront du soutien du Gouvernement, ce dont je me réjouis par avance.

M. Jérôme Cahuzac. Il n’y aura qu’à demander à M. Laffineur de les présenter!

(L’amendement n°771 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n°582 rectifié tombe.

Je suis saisi d'un amendement n°770.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable à la nouvelle rédaction.

(L'amendement n° 770 est adopté.) (L'article 34 et l’état A annexé, amendés, sont adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures, est reprise à vingt et une heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 119, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération des articles 2, 4  bis et 8  ter , ainsi que de l’article 34 et de l’état A annexé.

La seconde délibération est de droit. Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

Article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mesdames, messieurs les députés, je vous demande de bien vouloir modifier la rédaction des alinéas 626, 642 et 659 de l’article 2, telle qu’issue de l’amendement n° 45 de la commission des finances.

Le texte initial de l’article 2 prévoyait logiquement que le solde de cotisation minimale de taxe professionnelle était pris en compte dans le calcul de la garantie individuelle de ressources. À la suite d’une erreur matérielle, l’amendement n° 45 de la commission des finances a modifié ces dispositions de manière asymétrique. S’il conserve bien le reversement aux collectivités territoriales du solde de CMTP, la prise en compte des ressources correspondantes dans la garantie individuelle de ressources est supprimée pour les communes, les EPCI et les départements, alors qu’elle est conservée pour les régions.

Je vous propose de corriger en conséquence le calcul de la garantie individuelle de ressources des communes, des EPCI et des départements, pour tenir compte, au titre des ressources, après réforme, des collectivités, du solde de CMTP.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Très favorable à cet amendement. Comme je l’avais expliqué à l’occasion de la présentation de la réforme, les choses sont rendues difficiles par le fait que se chevauchent le système actuel et le nouveau. Pour que la réforme de la taxe professionnelle s’applique aux entreprises dès l’année prochaine, c’est dès le 1 er  janvier 2010 qu’intervient la mise en place de la contribution économique territoriale sous ses deux volets: la contribution locale d’activité et la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée. Or les entreprises bénéficieront en 2010 d’un dégrèvement de l’État au titre de la taxe professionnelle qu’elles ont payée en 2009, le dégrèvement étant assis sur la valeur ajoutée. En effet, on ne connaîtra, pour une entreprise, la taxe professionnelle définitive 2009, et surtout la valeur ajoutée définitive 2009, qu’au début de l’année 2010. Donc, le dégrèvement au titre de l’ancienne taxe professionnelle 2009, n’interviendra qu’au printemps 2010, alors que sera déjà mise en place la nouvelle taxe professionnelle. Dans la correction, nous n’avions pas fait la bonne articulation entre les deux systèmes.

(L'amendement n° 2 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Je vous demande de bien vouloir modifier la disposition tendant à dispenser un contribuable ayant acquitté un montant de cotisation locale d’activité inférieur à celui dont il est redevable du paiement du complément d’impôt et de l’intérêt. Le Gouvernement vous propose de conserver la dispense de paiement d’intérêts de retard, car il est bien naturel de ne pas pénaliser un contribuable du fait des erreurs commises lors du calcul initial de l’impôt. En revanche, il ne lui paraît pas souhaitable de dispenser les contribuables du paiement du principal légalement dû au prétexte que l’administration s’est trompée et alors même qu’elle entend corriger son erreur.

En l’état, le texte adopté priverait les budgets des collectivités territoriales des rôles supplémentaires correspondants, mais surtout il introduirait une rupture d’égalité qui pourrait constituer un dangereux précédent. Tenir compte de l’erreur ne peut pas dispenser de l’impôt lui-même.

M. Dominique Baert. Exceptionnellement, je suis d’accord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable. Il s’agissait d’un amendement de notre collègue Marc Laffineur. Ainsi est trouvé un point d’équilibre: un contribuable est totalement de bonne foi; on découvre plusieurs années plus tard que, suite à une erreur de l’administration, il aurait dû payer plus; dans sa grande générosité, l’État propose de le faire payer quand même mais de l’exempter des intérêts de retard. N’est-ce pas bien? (Sourires.)

M. Michel Bouvard. Quel progrès!

(L'amendement n° 5 est adopté.) (L'article 2, amendé, est adopté.)

Article 4 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’article 4 bis a été adopté, vous vous en souvenez, à la suite d’une erreur matérielle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , reconnue d’ailleurs.

M. Claude Bartolone. Heureusement que celui qui l’a commise n’est pas ministre de la défense! (Rires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il visait à instaurer, pour l’année 2010 uniquement, une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 10 % supplémentaires à la charge des établissements de crédit agréés par le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Nous avons eu un long débat à ce sujet.

À l’inverse, le Gouvernement a proposé vendredi, et vous l’avez adoptée, la création d’une contribution sur les banques pour qu’elles financent dorénavant le coût de leur supervision. C’est une contribution pérenne, non délocalisable puisqu’elle est déterminée sur les exigences de fonds propres, et qui permettrait à la France de rejoindre les treize pays européens qui ont déjà un système du même type.

M. Christian Eckert. Cela n’a rien à voir!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Son montant serait variable, entre 100 et 150 millions d’euros. On sait aujourd’hui que le coût de cette supervision est d’environ 104 millions d’euros; à la suite du G20 et du renforcement des exigences en matière de supervision, le coût sera majoré.

M. Christian Eckert. Ce n’est ni de même nature ni de même ampleur.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est pour cette raison que vous avez très légitimement accepté cette proposition.

Le Gouvernement est déterminé à ce que les banques soient mises à contribution, soyons très clairs.

M. Jérôme Cahuzac. C’est cela, quand elles vous voient, elles ont peur!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il ne s’agit pas d’éviter de les taxer. C’est si vrai que, dans le texte relatif à la régulation bancaire qui sera soumis à votre examen cet hiver, un mécanisme, qui sera soumis à la consultation de la Place, prévoira notamment que le coût supplémentaire lié à l’augmentation de la garantie des dépôts, qui est actuellement de 70000 euros et qui passera à 100000 euros pour chaque compte à compter du 1 er  janvier 2011, soit financé par les banques.

M. Lucien Degauchy. C’est bien!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’entends déjà certaines voix s’élever pour dire que les Américains eux-mêmes sont en train d’envisager de taxer les banques.

M. Christian Eckert. Même les Anglais!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je vous invite à regarder très précisément ce qui est envisagé par M. le gouverneur Ben Bernanke: faire financer par les établissements bancaires le coût de la réorganisation. Le mécanisme de réorganisation, c’est tout ce qui concerne les procédures collectives auxquelles sont soumises les banques. Aux Etats-Unis, aujourd’hui, un peu plus de cent établissements bancaires sont en réorganisation ou en liquidation, dont sept banques régionales. C’est dans ce contexte que M. Bernanke considère que les établissements bancaires doivent financer les frais de réorganisation et le coût de leur liquidation.

De la même manière, dans le cadre de la supervision révisée à la mode Jacques de la Rosière, les pays de l’Union européenne vont être amenés à mettre en place un mécanisme de financement qui fera supporter la charge de la réorganisation et de la liquidation des établissements bancaires à l’échelon européen par la profession bancaire elle-même. En tout cas, c’est un des projets qui est à l’examen actuellement. Il est d’ailleurs dans la lignée de ce qu’a pu indiquer Adair Turner, le président de la FSA – l’équivalent de la Commission bancaire –, demandant que le secteur lui-même prenne en charge les coûts de la réorganisation dans le cadre de procédures collectives.

M. Yves Censi. C’est efficace!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Trois étages de financement seront donc envisagés: le premier que vous venez de voter, le deuxième qui fera partie du projet de loi sur la régulation bancaire que je soumettrai à l’examen de votre assemblée, le troisième qui est à l’étude au niveau européen pour permettre la prise en charge des coûts liés à la liquidation d’établissements bancaires. La situation des banques est parfaitement encadrée par ce dispositif à trois étages. Je vous invite donc à voter l’amendement n° 3 et à supprimer ainsi l’article 4 bis .

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Au Parlement, nous n’aimons jamais les deuxièmes délibérations, encore moins lorsqu’un vrai sujet de fond fait l’objet d’une conviction partagée, bien au-delà des rangs de la gauche dans le cas présent.

Madame la ministre, on ne peut expliquer un vote par une simple erreur matérielle, d’autant que notre amendement avait été adopté majoritairement par la commission des finances. Le groupe Nouveau Centre l’avait voté, un certain nombre de députés UMP s’étaient pour le moins abstenus dans ce débat. La deuxième délibération n’y mettra pas fin, vous le savez. Vous-même, vous nous donnez d’autres rendez-vous. Avant même ces rendez-vous, vous en aurez un devant le Sénat. Les sénateurs, même s’ils ne sont pas confrontés de la même façon que nous au suffrage universel direct, se promènent tout de même dans leurs circonscriptions, ils entendent ce qu’on y dit.

M. Jérôme Cahuzac. M. Marini y pourvoira!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’imputation aux banques du coût de la supervision bancaire et financière, et de l’augmentation de la garantie des dépôts, qui peut s’inscrire effectivement dans des dispositifs mis en place sur le plan international, était complémentaire de notre amendement.

Pour notre part, nous ne demandions pas une taxe supplémentaire pour le plaisir de taxer. D’ailleurs, je trouve étrange l’observation de M. Copé dans la presse d’hier, expliquant qu’il est bizarre de taxer les banques au moment où elles retrouvent des bénéfices. Ce qui serait surtout bizarre, c’est de les taxer au moment où elles vont mal. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Il était légitime de les soutenir.

Cet amendement a eu un large écho dans l’opinion, tout simplement parce qu’il demandait que l’État, c’est-à-dire le contribuable, soit associé aux bénéfices retrouvés et consolidés des banques grâce au soutien massif de l’État et de la puissance publique. Je regrette, une fois de plus, que vous le refusiez. C’était une contrepartie de la part des banques, qui pouvait tout à fait se concevoir compte tenu de ce soutien massif. Madame la ministre, vous avez évoqué Ben Bernanke. Les États-Unis ont voté en termes de contreparties, notamment pour le remboursement des aides publiques, des modalités différentes de celles de la France et qui prévoient ce type de clause. Les Pays-Bas et la Suisse aussi.

Notre assemblée va voter la suppression de l’article, malheureusement. Mais je pense que nous aurons d’autres rendez-vous parce que le problème est réel et qu’on ne peut pas l’écarter par un seul vote. Je regrette le choix de cette procédure s’agissant d’un vrai débat de fond. L’État, le contribuable ont des droits car c’est de l’argent public. L’argent public n’est l’argent de personne, c’est l’argent de tout le monde. Quand on investit l’argent de tout le monde, il est normal qu’il soit associé aux rrésultats au même titre que les actionnaires privés lorsqu’il a contribué à un retour à meilleure fortune.

C’était une proposition de bon sens et de justice. Je regrette que nous n’allions pas jusqu’au bout. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 3, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Le président Migaud pense aux contribuables, moi je pense à ceux qui produisent les richesses, c’est-à-dire les entrepreneurs et les artisans.

M. Patrick Braouezec. Et leurs salariés!

M. Jean-Charles Taugourdeau. Chaque fois qu’on veut imposer un prélèvement sur un système, qu’il soit bancaire ou de distribution, cela se retourne toujours, à un moment ou à un autre, contre les entreprises.

Or, l’an dernier, le Gouvernement a mis en place quelque chose de formidable: la médiation nationale du crédit, dont on ne parle pas assez. Elle a permis de sauver des milliers d’entreprises et des milliers d’emplois. Elle a aussi fait beaucoup évoluer les esprits, que ce soit au niveau des trésoreries générales, de la Banque de France ou des organismes bancaires, qui ont appris à se mettre autour d’une table, à rencontrer les chefs d’entreprise et à parler de leurs problèmes.

Comme je l’avais suggéré à Mme la ministre de l’économie, il faudrait poursuivre le dialogue plutôt que de taxer les banques au moment où elles ont des résultats, dont elles ont besoin pour financer les entreprises. Il faut continuer, étendre cette médiation nationale et ne surtout pas l’abandonner. Il faut faire en sorte que les banques puissent, demain, prendre une part non négligeable du crédit inter-entreprises, dont on a parlé l’année dernière.

Qu’est-ce que le crédit inter-entreprises? C’est le fournisseur qui fait crédit à son client. Ce rôle-là est normalement dévolu à la banque. La banque devrait, petit à petit, en prendre une plus grande part.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, vous avez beaucoup parlé de la contribution à laquelle les banques vont souscrire pour financer leur supervision. Mais en vous écoutant, je me suis pris à relire votre amendement et j’ai constaté qu’il n’y est nullement question de cela.

Puisque vous l’avez évoquée, je le dis très nettement au nom de mon groupe, nous sommes d’accord avec cette mesure. Elle n’a d’ailleurs pas posé de difficulté, la semaine dernière, quand il s’est agi de la voter. Nous la trouvons normale. Aux États-Unis, comme en France bientôt, les banques devront financer le coût de leur supervision. Il n’y a rien de choquant à cela.

Au demeurant, vous aviez annoncé cette mesure le lendemain ou le surlendemain du vote par la commission des finances de l’amendement prévoyant la surtaxe de 10 % sur les banques. J’imagine que vous l’aviez fait pour compléter le dispositif adopté, car il ne s’agit pas du tout de la même chose. Vous souhaitez faire payer par les banques le coût de leur supervision. Nous, nous estimons que l’État, c’est-à-dire le contribuable, a le droit de demander aux banques une prime, un résultat pour leur retour à meilleure fortune, un retour que ces banques doivent à la puissance publique.

Cet amendement trouve son origine dans ce qui fut une faute de votre part. En dépit de nos demandes, vous avez renforcé le capital des banques sans entrer au capital lui-même ou, plus exactement, en utilisant des véhicules – des taux super-subordonnés ou des actions préférentielles – qui ne donnent ni le droit de vote, ni le droit de représentation au conseil d’administration, ni même le droit de vendre les actions préférentielles avec la plus-value que le cours de bourse permettrait peut-être d’espérer, celle-ci étant limitée à 20 %. Vous avez ainsi cumulé les inconvénients sans obtenir l’avantage du retour à meilleure fortune.

Si vous étiez entrés pleinement au capital des banques, comme nous vous l’avions suggéré, l’État aurait réalisé une plus-value de l’ordre de 8 à 10 milliards d’euros, l’État c’est-à-dire les contribuables. Qui y aurait perdu? Personne! Pas les entreprises, qui sont financées par les banques. Pas davantage les banques elles-mêmes, qui auraient eu affaire à des actionnaires fiables et confiants, puisqu’ils achetaient à un cours relativement bas et ne vendaient qu’une fois la situation rétablie. Personne n’y aurait perdu. Tout le monde y aurait gagné: l’État et les contribuables. Vous ne l’avez pas fait pour des raisons que l’on sait idéologiques, que nous respectons, même si nous ne les partageons pas.

Comme vous n’avez pas acquiescé à cette idée, qui nous semblait de bonne gestion, nous vous avons suggéré de taxer les bénéfices des banques à hauteur de 10 %, pour un produit d’un peu plus de 700 millions d’euros, ce qui – si cette disposition était maintenue – permettrait d’alléger, de peu certes, mais néanmoins d’alléger, le déficit budgétaire de l’année prochaine.

Vous ne l’acceptez pas et vous avez indiqué qu’il y aurait d’autres rendez-vous. Là encore, je vous donne raison, si je suis en total désaccord avec vous sur l’attitude à avoir quant à la surtaxation des banques.

Nous avons rendez-vous dès maintenant et nous verrons à l’occasion de ce scrutin public ce qu’il en est, même si, chacun le sait, il y a peu doute sur le résultat. Vous aurez un rendez-vous devant le Sénat.

Puis, mes chers collègues, l’ensemble des parlementaires, des responsables politiques, des ministres, le Président de la République auront des rendez-vous devant le pays, qui ne comprend pas comment, ayant été appelé à la rescousse pour sauver les banques, il ne profite pas lui-même, en l’occurrence l’État et les contribuables, de ce retour à meilleure fortune. Le pays ne comprend pas votre rejet, mes chers collègues.

Madame la ministre, expliquer l’adoption de l’amendement, la semaine dernière, par une erreur technique n’est évidemment pas correct. Après tout, vous ne savez pas, parmi ceux qui ont voté pour ou contre, qui, le cas échéant, aurait peut-être émis un vote contraire. Limiter la portée de ce vote n’est pas recevable et fait d’ailleurs porter une responsabilité excessive sur les épaules – il les a certes larges – d’un de nos collègues. Il a pris cela avec humour. C’est une preuve d’intelligence, mais lui imputer à lui seul cette la responsabilité est incorrect à son égard et à notre égard.

Un dernier mot pour prévenir un débat inutile. Nous ne considérons pas la deuxième délibération comme un déni de démocratie. J’ai pu le lire ici ou là. Je ne partage pas ce point de vue. Cette procédure fait partie de notre règlement, qui découle lui-même de la Constitution. Nous sommes dans un pays démocratique. La Constitution est ce qu’elle est, mais ce n’est pas un déni de démocratie. Cette procédure existe pour une seule et simple raison: contraindre la majorité. Chaque fois que le Gouvernement est en délicatesse avec sa majorité, il demande une deuxième délibération, voire un vote bloqué – mais nous n’en sommes pas là – pour la contraindre. Ce n’est pas ainsi qu’il contraindra le pays. Le pays ne comprend pas votre choix. Nous saurons lui expliquer les raisons pour lesquelles vous l’avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, économiquement la proposition du Gouvernement – 104 millions au titre de la supervision en contrepartie d’une non-taxation à titre exceptionnel estimée autour de 600 ou 700 millions – est à peu près équivalente. La rente, si je puis dire, est à peu près la même, si ce n’est que les frais de supervision seront une charge déductible, ce que n’aurait pas été la taxe.

Mais la thèse du Gouvernement n’est défendable que dans la mesure où il s’engage devant la représentation nationale à faire également payer la garantie de dépôt aux banques. C’est ainsi que cela fonctionne dans beaucoup de pays. Le risque systémique est un problème encore plus considérable. Il n’est pas normal qu’il soit systématiquement à la charge du contribuable dans beaucoup de pays, pas tous.

Madame la ministre, si vous vous engagez sur ces deux points: une rémunération significative de la garantie de dépôt et une rémunération significative pour constituer un fonds – comme il en existe dans beaucoup de pays, mais pas en France – pour faire face au risque systémique et dédommager l’État quand il est obligé d’intervenir, votre amendement est votable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Madame la ministre, j’assume totalement, comme beaucoup de mes collègues UMP, le vote que j’ai émis, la semaine dernière, contre l’amendement de surtaxation.

Je voudrais revenir sur trois points.

Premièrement, il n’y a pas eu de pertes pour le contribuable, loin s’en faut – le rapport de la Cour des comptes le mentionne – dans la mécanique d’aides mise en place au travers de la Société de financement de l’économie française et de la Société de prise de participation de l’État.

Deuxièmement, et on le sait bien, la situation des banques françaises ne justifiait pas une intervention comparable à celles qui ont pu exister aux États-Unis, en Belgique, en Suisse, parce que le niveau de fonds propres des banques françaises était en moyenne à 8 %, quand il était à 4 % au niveau de l’Union européenne. S’agissant de Dexia, la seule banque pour laquelle la situation était vraiment critique car elle risquait de disparaître, l’État est entré au capital avec sa responsabilité d’actionnaire, y compris en faisant changer la direction de l’établissement bancaire.

M. Jérôme Cahuzac. À quel prix?

M. Michel Bouvard. Je pense que ce sera une affaire. Nous verrons que cet investissement s’avérera rentable dans la durée, grâce au travail de redressement engagé par Pierre Mariani.

Dans ces conditions, et à partir du moment où l’État, au titre de la solidarité de place, afin de ne pas identifier le maillon faible, avait demandé à toutes les banques d’accepter ces aides, il n’y avait pas de raison d’ajouter une surtaxation allant au-delà des taux d’intérêt à des banques qui auraient pu passer la crise sans cettenintervention. L’intervention de l’État était destinée à toutes les banques uniquement pour éviter qu’il y ait identification et affaiblissement de tel ou tel établissement financier.

En l’occurrence, la mécanique proposée par l’amendement de nos collègues est la taxation de ceux qui sont déjà revenus à une situation bénéficiaire. Ce sont justement, pour partie, ceux qui avaient le moins besoin de l’intervention de l’État. Nous sommes donc dans une situation paradoxale.

Le premier rendez-vous est d’abord celui des fonds propres. Nous savons depuis le sommet de Pittsburgh qu’il n’est pas achevé. Il y aura vraisemblablement, de la part des Américains, et peut-être avec le soutien de l’Union européenne si nous ne résistons pas suffisamment, une remontée du niveau des fonds propres des banques. Dès lors que nous prenons une partie du résultat sous forme de surtaxation, nous privons les établissements financiers d’une partie de fonds propres supplémentaires qui gagent leur capacité à prêter aux entreprises, alors que c’est l’enjeu essentiel.

S’agissant de l’intervention de l’État, nous avons un deuxième rendez-vous, puisque le rapport de la Cour des comptes à ce sujet annonce un second rapport, afin de faire le point sur la réalisation des titres super-subordonnés et des actions préférentielles. Si nous devions prendre des décisions, au-delà de celle, courageuse que propose le Gouvernement pour faire assumer par les banques la totalité des charges liées à l’exercice de la régulation et du contrôle, je pense que c’est à ce moment-là qu’il faudrait le faire plutôt qu’aujourd’hui, alors que la crise n’est pas terminée, qu’un certain nombre d’établissements sont encore convalescents et que la priorité pour les banques est de pouvoir consentir des prêts aux entreprises.

Nous avons là de vrais rendez-vous sur l’utilisation de l’épargne réglementée, sur la durée des prêts, sur leur taux. Ce sont, à mon avis, des sujets bien plus importants que celui que l’on évoque ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur de Courson, vous m’avez interrogé sur les deux engagements que je viens de prendre.

Premièrement, pour le financement par les banques de l’augmentation de la garantie des dépôts, la réponse est oui. Cette mesure figurera dans le projet de loi sur la régulation bancaire qui sera soumis cet hiver à votre examen.

Deuxièmement, la prise en charge du risque systémique par le secteur lui-même est un mécanisme que nous devons évidemment mettre en place à l’échelon européen. Nous y réfléchissons. Dès lors qu’il l’aura été au niveau européen – et nous nous en ferons les avocats, car je considère personnellement que le risque systémique doit être largement assuré par la profession – nous l’appliquerons bien sûr au niveau national. Mais je pense qu’il faut d’abord passer par l’échelon européen. Je voudrais me tourner une dernière fois vers Jérôme Cahuzac…

M. Jérôme Cahuzac. Pas pour la dernière fois, j’espère!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non, nous nous retrouverons à coup sûr, avec un plaisir partagé, je n’en doute pas un seul instant. En tout cas, en ce qui me concerne, le plaisir est grand.

Les Français comprennent très bien un certain nombre de choses. Premièrement, nous avons maintenu le système bancaire en place. Deuxièmement, nous avons encaissé 1,4 milliard d’euros sur les intérêts des prêts que nous avons consentis ou sur les actions préférentielles sans droit de vote que nous avons mises en place, tout simplement parce que les banques n’exigeaient pas autre chose, puisqu’elles étaient suffisamment solides et non pas en état de quasi-faillite, comme un certain nombre de leurs concurrentes en Suisse, en Allemagne, aux États-Unis. Dans ces conditions, il n’était pas nécessaire d’aller au-delà ou de faire de la spéculation.

M. Jérôme Cahuzac. Vous ne serez pas comprise.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 3.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 134 Nombre de suffrages exprimés 132 Majorité absolue 67 Pour l’adoption 81 Contre 51 (L'amendement n° 3 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 bis est supprimé.

Article 8 ter

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4, visant à supprimer l’article 8 ter.

La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth ministre du budget. Il s’agit, comme le précédent, d’un amendement à forte dose émotionnelle. (Sourires.) Il a pour objet de supprimer l’article 8 ter et de revenir à un taux de TVA normal pour les ventes de vélos. Le coût de cette mesure est estimé à 200 millions. Elle est contraire au droit communautaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis favorable.

(L'amendement n° 4 est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 8 ter est supprimé.

Article 34 et état A annexé

M. le président. Sur l’article 34 et état A annexé, la parole est à M. le ministre pour présenter l’amendement n°1.

M. Éric Woerth, ministre du budget . Cet amendement a pour objet de traduire dans le tableau relatif à l’équilibre du budget de l’État et dans l’état A annexé les incidences sur l’équilibre budgétaire des modifications intervenues au cours de la seconde délibération de la première partie du projet de loi de finances.

Ces modifications ont pour effet, premièrement, de minorer de 600 millions d’euros la ligne « impôt sur les sociétés » compte tenu de la suppression de la taxe additionnelle à cet impôt de 10% sur les établissements de crédit; deuxièmement, de majorer de 200 millions d’euros la ligne « taxe sur la valeur ajoutée » compte tenu de la suppression du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente de bicyclettes. Au total, le déficit de l’État s’établit à 115, 9 milliards d’euros, soit une amélioration de 94 millions d’euros par rapport au projet de loi initial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Une fois de plus, j’observe qu’au terme de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, les députés ont permis de réduire le déficit (Sourires ) , modestement, certes. Mais chaque année, avec ténacité, nous gagnons cinquante, cent, deux cents millions. J’espère qu’un jour viendra où nous le ferons diminuer de quelques milliards! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 1 est adopté.) (L'article 34 et l’état A annexé, amendés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2010.Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances auront lieu le mardi 27 octobre 2009, après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 27 octobre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur la première partie du projet de loi de finances pour 2010 ;

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale
Claude Azéma