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M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
M. le président . La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Annick Girardin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre, car elle concerne la présomption d’usurpation de nationalité française que ce gouvernement fait désormais planer sur un grand nombre de nos concitoyens.
M. Michel Lefait. C’est scandaleux!
Mme Annick Girardin. Alors que le débat sur l’identité nationale vient de se clore dans l’embarras le plus total, offrant comme seule conclusion à des mois de défouloir xénophobe, mortifère pour la République,…
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux!
Mme Annick Girardin. …la création d’une commission supplémentaire – encore une! – (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), voilà que des centaines de milliers de Françaises et de Français sont aujourd’hui officiellement traités comme des sous-citoyens (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) qui, certes, seraient Français… mais pas aussi Français que les autres!
Nous faisons face ici à un problème majeur dont le président du groupe socialiste et radical, Jean-Marc Ayrault, a déjà saisi M. le Premier ministre par courrier. Nous attendons encore les actions concrètes et urgentes qui s’imposent.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, nous sommes très concernés par l’application de ce décret discriminatoire (« C’est faux! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) qui fait d’un bon nombre de nos concitoyens des présumés usurpateurs de nationalité. Rien que ça!
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux!
Mme Annick Girardin. En effet, une part importante des habitants de notre archipel d’Amérique du Nord en seront victimes du fait qu’eux, ou leurs parents, sont nés au Canada voisin, le plus souvent pour des raisons médicales, lors d’une évacuation sanitaire. Je ne peux tolérer cette humiliation. C’est une atteinte à notre identité!
Et que dire des Français, de tous les territoires, qui ont choisi de servir ou de représenter la France à l’étranger? Méritent-ils que leur choix ou leurs fonctions fassent de leurs enfants des sous-Français auxquels on demandera à chaque renouvellement de passeport ou de carte d’identité de fournir des documents qui, dans certains cas, n’existent plus?
Personne sur ces bancs ne contredira le caractère scandaleux et discriminatoire de cette réglementation. Alors non, l’urgence n’est pas à la création d’une nouvelle mission!
Ma question est simple: comment le Gouvernement compte-t-il aujourd’hui rectifier le tir, pour ne plus infliger cette situation inacceptable à des centaines de milliers de nos compatriotes? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Bernard Roman. Pas de mensonges, pas de faux-fuyants, monsieur le ministre! Dites la vérité!
M. le président. Monsieur Roman, je vous en prie!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la députée, je vous répondrai précisément, peut-être sur un ton un peu plus mesuré! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez raison sur un point: il existe encore, ici ou là, quelques tracasseries qui sont parfaitement inacceptables parce qu’elles sont souvent vécues comme des blessures, et parfois même comme des humiliations. Dès que j’en ai été informé, j’ai répondu à Serge Blisko.
J’ai adressé aux préfets, le 2 décembre, des instructions écrites pour que les règles soient assouplies. Il est vrai qu’il faut aller plus loin et mettre fin définitivement à ces errements. Pour cela, j’ai agi dans trois directions.
Premièrement, j’ai donné, hier, de nouvelles instructions écrites très précises pour que, dès maintenant, il suffise à la personne qui se présente au guichet d’être titulaire d’une carte nationale d’identité plastifiée ou d’un passeport électronique pour obtenir le renouvellement, sauf s’il y a un doute sur l’authenticité de ces pièces. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marc Ayrault. Enfin!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Deuxièmement, j’ai demandé aux préfets de réunir les cadres et les agents de guichet pour leur transmettre personnellement ces nouvelles instructions.
Troisièmement, ces mesures seront gravées dans le marbre. Je saisirai en effet le Conseil d’État dans les tout prochains jours pour qu’il prenne un décret les récapitulant. Il n’y aura donc plus de problème. L’égalité devant la loi sera respectée et, surtout, nous aurons une marque concrète du respect de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Marc Joulaud. Monsieur le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, il y a 18 mois, une crise financière internationale brutale et sans précédent venait impacter profondément l'économie mondiale, européenne et française.
Pour faire face à cette crise, la mobilisation et le volontarisme du Président de la République et du Gouvernement se sont notamment traduits par la mise en œuvre très rapide du plan de relance français, dont vous assurez la mise en œuvre et le suivi.
Nous avons fait le choix de la relance par l'investissement, contrairement à ce que préconisaient nos adversaires. Et c'est ce choix: l'investissement dans l'économie, le soutien aux entreprises, les conventions FCTVA, qui a permis à la France d'être 1'un des pays le moins touchés par la crise dans la zone de l'Union européenne.
Vous avez annoncé la semaine dernière que plus de 31 milliards avaient déjà été injectés dans l'économie grâce au plan de relance et que plus de 1500 chantiers avaient commencé. C'est cet avancement rapide du plan de relance qui a fait son succès.
Alors que vous vous apprêtez à remettre le quatrième rapport trimestriel au Parlement, et je tiens d'ailleurs à vous remercier de tenir régulièrement le Parlement au courant de l’avancée de ce plan, pouvez-vous nous faire un point d'étape des actions que vous avez engagées et de leurs résultats?
M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance . Monsieur Joulaud, je confirme les perspectives que vous avez tracées. La relance a été l’affaire de l’ensemble de la nation, qui s’est mobilisée tout entière pour résister à la crise, et cela doit être salué.
À ce jour, 32 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie; plus de 1500 chantiers, pilotés par l’État, ont été lancés et 750 sont déjà achevés; 2,5 milliards d’euros ont été investis par les entreprises publiques.
M. Pierre Gosnat. Et les collectivités locales?...
M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance . Et dans le cadre du remboursement anticipé de la TVA auquel l’État a consacré 3,8 milliards, les collectivités locales ont déjà investi 42 milliards sur les 54 milliards engagés. Je le dis sans peine: toutes les collectivités ont participé à cet effort, et je le salue.
M. Henri Emmanuelli. Enfin!
M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance . Quelque 15 milliards d’euros ont été versés aux entreprises au titre des mesures fiscales; 3,8 milliards d’euros de prêts ont été garantis par Oséo à 16837 entreprises; 600000 primes à la casse ont été distribuées au cours de 2009, dont les deux tiers au profit de constructeurs nationaux; 5100000 foyers ont bénéficié d’une réduction d’impôt sur le revenu; plus de quatre millions de foyers à faible revenu ont bénéficié d’une aide exceptionnelle.
Les résultats sont simples. En 2009, le monde entier était en récession. En Europe, la récession était en moyenne de 4 %. En France, elle a été de 2,2 %, tandis qu’en Grande-Bretagne, dont certains avaient soutenu les choix politiques, elle a été de 4,6 %. La France a les meilleurs résultats, c’est dire le succès du plan du Président de la République!
M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre Gosnat. Ce matin, monsieur le ministre de l’éducation nationale, j’ai reçu les professeurs, parents et élèves du lycée Chérioux de Vitry qui manifestaient suite à l’agression d’un élève le 2 février dernier. Hier, vous les avez également reçus, mais vous ne les avez pas entendus.
Que demandent-ils? Onze surveillants supplémentaires, soit un surveillant pour soixante-dix élèves, la moindre des choses dans un établissement de 1500 élèves, classé en zone prévention violence. Ces recrutements permettraient d’assurer la sécurité du lieu, d’ouvrir un foyer des lycéens, car il n’en existe pas, et toutes les salles d’étude surveillée fermées faute de personnel.
Que proposez-vous? La création de deux postes de surveillant, ainsi que de six postes de médiateur à temps partiel, personnels sans diplôme, payés 622 euros par mois et sous contrat d’un an. Vous refusez de transformer ces six emplois précaires en trois emplois de surveillants, car le maître mot de votre politique est: précarité.
M. Daniel Paul. C’est scandaleux!
M. Pierre Gosnat. Or on ne peut affecter dans des établissements en difficulté des personnels eux-mêmes en difficulté. Pire, vous maniez la provocation en déclarant en grève d’office les professeurs qui usent légitimement de leur droit de retrait. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Stoppez donc cette politique de casse de l’éducation nationale! Embauchez professeurs et surveillants, car les caméras et autres portiques de sécurité ne remplaceront jamais l’humain dans les établissements scolaires. Écoutez le malaise qui s’exprime: le mouvement s’étend au-delà du lycée Chérioux; demain, c’est toute l’académie de Créteil qui sera en grève, et quarante établissements sont déjà mobilisés en Seine-Saint-Denis.
Ma question est simple: allez-vous enfin accorder au lycée Chérioux les postes de surveillant nécessaires? Plus généralement, allez-vous enfin prendre en compte les revendications des enseignants à l’échelle nationale? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, rappelons d’abord les faits: la semaine dernière, une bande d’individus cagoulés s’est introduite au lycée Chérioux, dans un parc regroupant vingt-deux bâtiments répartis sur une trentaine d’hectares, et a agressé un des élèves à l’arme blanche. Nous avons donc affaire à une intrusion extérieure au lycée. Ce n’est pas la première, puisque déjà, à l’automne dernier, des individus s’étaient introduits dans l’établissement.
M. Christian Bataille. Répondez à la question plutôt que de nous raconter des histoires!
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Face à cette situation, à plusieurs reprises, les professeurs et le chef d’établissement ont demandé la sécurisation du lycée. Au mois de mai dernier, l’éducation nationale avait réalisé un diagnostic de sécurité qui avait lui-même préconisé la mise en place d’une clôture et l’installation d’une vidéoprotection. Les collectivités locales ont décidé de construire cette clôture; je m’en réjouis, bien que cette décision soit un peu tardive.
M. Maxime Gremetz. Répondez sur les postes de surveillant!
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. J’ai reçu hier les représentants du lycée Chérioux. Je leur ai annoncé, que compte tenu de la situation particulière de l’établissement, nous étions prêts à des efforts spécifiques, et notamment à porter de dix-neuf à vingt-huit personnes le personnel d’encadrement et de vie scolaire.
M. Bernard Roman. Des emplois précaires!
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Je rappelle qu’il y a 180 adultes sur le site. La sécurité et la vie scolaire, c’est l’affaire de tous, et la lutte contre l’insécurité à l’école doit être menée à plusieurs niveaux. C’est la politique que nous menons avec Brice Hortefeux. Et la meilleure des réponses que nous pouvons faire aux enseignants,…
M. Maxime Gremetz. Vous ne les écoutez jamais!
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. …c’est l’unité de la représentation nationale face à la violence à l’école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Olivier Jardé. Je voudrais associer à ma question mes collègues Jean-Luc Préel et Claude Leteurtre.
Madame la ministre de la santé et des sports, l’égal accès à des soins de qualité est un droit pour tous les Français. Or, actuellement, deux problèmes majeurs se posent.
Il y a d’abord celui de la démographie médicale, car il existe de véritables déserts médicaux en France, et la Somme, par exemple, compte quatre cantons qui n’ont plus de médecin.
Il y a ensuite le problème de la permanence des soins, c'est-à-dire de l’accès à un médecin ou à une infirmière quel que soit le jour, jours fériés compris, et quelle que soit l’heure.
Lors des débats sur la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », des dispositions concrètes ont été adoptées pour remédier à ces deux problèmes.
Ainsi, il est prévu de favoriser la création de maisons médicales, qui permettent une forme moderne de l’exercice de la médecine, et d’étendre les bourses pour les étudiants en médecine qui acceptent de s’installer dans des territoires à faible densité médicale. Cependant, à ce jour, les décrets d’application ne sont toujours pas sortis.
Pourtant, il y a urgence, d’autant qu’à côté des déserts médicaux en milieu rural, on voit de plus en plus souvent la désertification médicale gagner les zones périurbaines et sensibles. On me rapportait récemment qu’à Drancy, dans le 93, il n’y avait plus que dix-sept médecins pour 48000 habitants.
Madame la ministre, quelles seront vos actions concrètes pour remédier en urgence à toutes ces inégalités? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Jardé, vous êtes élu d’une région qui connaît des problèmes de démographie médicale particulièrement aigus et où le taux de médecins est très inférieur à la moyenne nationale.
Vous avez participé activement aux débats lors de l’examen de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », promulguée le 21 juillet dernier, et vous avez donc contribué à l’élaboration des outils que nous mettons actuellement en place.
Il s’agit d’abord des contrats de service public. Le Président de la République rappelait hier, lors de son déplacement dans le Loir-et-Cher, que 400 bourses seront attribuées chaque année, pendant dix ans, pour que les agences régionales de santé disposent de médecins dans les régions souffrant d’une pénurie. Les contrats signés entre les médecins et les ARS permettront par exemple, comme vous le souligniez, de développer les maisons médicales.
M. Maurice Leroy. Très bien!
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous libérerons aussi du temps médical grâce au partage des tâches, aux coopérations et à la télémédecine.
Les schémas régionaux d’organisation sanitaire permettront d’optimiser les aides et de les concentrer là où les besoins se font sentir: dans les zones rurales mais aussi – vous avez raison de le signaler – dans les zones urbaines.
Dans ce cadre, nous traiterons la question de la permanence des soins avec les ARS. Nous avons en effet réussi le prodige de construire un système extrêmement coûteux et, globalement, trop souvent inefficace. Au plus près du terrain, les ARS organiseront la permanence des soins avec les médecins et les élus, selon les spécificités locales, en proposant si nécessaire une rémunération différenciée.
Tous les décrets paraîtront avant le 1 er avril, c'est-à-dire avant la mise en place des agences régionales de santé: j’en prends ici l’engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Élisabeth Guigou. La spéculation s'est déchaînée, d'abord contre la Grèce puis contre l'Espagne et le Portugal. Manifestement, les marchés testent la capacité de résistance et de riposte de la zone euro. Cette crise, la plus grave depuis le début des années quatre-vingt-dix, est aussi un test pour la capacité d'initiative politique de l'Union européenne.
Pour contrer la spéculation, il est temps de passer aux actes.
Les trois G 20 qui se sont réunis depuis novembre2008 ont adopté des résolutions sur la régulation financière. Mais depuis, les États et l'Union européenne tergiversent. Aucune décision n'a été prise ni appliquée.
Dans l'Union européenne, rien sur les hedge funds , qui ne sont toujours pas réglementés.
Quant aux paradis fiscaux, où sont domiciliés 80 % de ces fonds spéculatifs, ils existent toujours.
Les autorités européennes de contrôle, proposées par le rapport Larosière, ne sont toujours pas en place.
Aucune initiative n'a été prise, ni en France ni ailleurs en Europe, pour séparer les activités purement financières des banques, de leurs activités de prêt aux ménages et aux entreprises, comme l’a demandé le président Obama aux États-Unis.
Ces atermoiements sont dangereux car, au final, ce sont les contribuables qui auront à en faire les frais.
Demain, le Conseil européen se réunit à Bruxelles. Le Premier ministre va-t-il exiger que l’Union européenne ne se défausse pas sur le Fonds monétaire international mais prenne la responsabilité d’aider la Grèce contre la spéculation et décide la création d'un fonds monétaire européen?
Demandera-t-il que les règles et contrôles indispensables à la régulation des marchés financiers soient enfin, et de toute urgence, mis en place?
Formulera-t-il des propositions pour que l'Union européenne tout entière se dote d'un gouvernement économique pour mettre fin à la concurrence fiscale mortelle entre États membres, pour qu’elle dispose d'un budget et d'une capacité d'emprunt propres afin de financer les investissements d'avenir, de créer une communauté européenne de l'énergie et de bâtir un nouveau modèle de croissance durable?
Allez-vous enfin, ici en France, et demain, à Bruxelles, passer des paroles aux actes? Allez-vous anticiper les événements au lieu de les subir? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame Élisabeth Guigou, vous connaissez, comme nous tous, les évolutions erratiques des cours des obligations grecques et des primes d’assurance sur le risque de défaut de la Grèce qui agitent actuellement les marchés.
D’autres États sont concernés par ces mouvements créés, pour partie, par la constitution de positions spéculatives par quelques acteurs, notamment des hedge funds .
On peut, pour le moins, s’étonner qu’après avoir connu, en 2007 et 2008, la plus grave crise financière depuis 1929, les marchés et les établissements financiers, dont certains ne doivent leur survie qu’à l’intervention massive des États, se retrouvent aujourd’hui en position de spéculer contre ces derniers et contre l’euro, modèle de stabilité monétaire.
Sur le fond, la Commission a adopté la semaine dernière un ensemble de recommandations concernant la Grèce; elles seront examinées avec attention par l’Eurogroupe et le Conseil ÉCOFIN, les 15 et 16 février. Le Premier ministre grec est aujourd’hui à Paris, et je tiens à saluer les efforts de son gouvernement en faveur d’une plus grande rigueur budgétaire et économique, comme l’indique le programme de stabilité grec remis à la Commission le 15 janvier.
Nous faisons confiance aux autorités grecques pour se conformer aux recommandations de la Commission. L’ensemble des pays de la zone euro apporte un soutien politique aux efforts accomplis par les autorités grecques; il s’agit de leur intérêt commun. Nous continuerons de suivre de près la situation, et la Grèce devra s’appliquer à mettre en œuvre ces recommandations.
Ces événements renforcent la conviction du Gouvernement que l’Europe doit compléter sa régulation en matière de hedge funds …
M. Jean Glavany. Quelle régulation?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ces mesures figurent parmi les initiatives communes prises par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy lors du conseil des ministres franco-allemand de la semaine dernière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, ce matin même, vous avez présenté en conseil des ministres la liste des onze sites retenus pour l’ouverture, en septembre2010, d’internats d’excellence. Huit de ces établissements doivent accueillir des élèves dès l’âge du collège.
Ce programme éducatif original, conçu en lien avec la politique de la ville, a été créé dans le cadre de la dynamique Espoir banlieues. Les internats d’excellence ont en effet vocation à accueillir les élèves issus des établissements des zones d’éducation prioritaire et des quartiers relevant de la politique de la ville qui ne disposent pas des conditions matérielles favorables leur permettant d’exprimer tout leur potentiel. Ils doivent offrir à terme aux élèves des quartiers de la politique de la ville la possibilité d’être accueillis dans le cadre d’un projet éducatif leur donnant les conditions de la réussite scolaire.
En ma qualité de présidente des groupements d’intérêt public et d’adjointe au maire de Marseille en charge de la politique de la ville et de la rénovation urbaine, qui travaille beaucoup sur la mixité sociale, je me réjouis de la mise en place de ce dispositif.
Parmi les onze sites retenus, l’un se situe en région PACA: à Barcelonnette, cher Daniel Spagnou.
Le premier internat d’excellence avait ouvert en Seine-et-Marne, à Sourdun. Ainsi que le Président de la République l’a annoncé en décembre dernier, le Gouvernement s’engage à poursuivre dans cette voie. Le bilan de la première étape est encourageant. Près de 700 élèves ont bénéficié de ce dispositif depuis septembre2008. Les effectifs des internats de réussite éducative initiés en 2005 ont ainsi plus que doublé en une seule année. Une seconde étape a été lancée à la rentrée de septembre2009.
Ce dispositif illustre la politique du Gouvernement et la cohérence de son action, puisqu’il associe Xavier Darcos, Fadela Amara et vous-même, monsieur le ministre de l’éducation nationale. Pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement de s’engager pleinement dans la multiplication de ces internats d’excellence et nous exposer votre feuille de route? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Paul Bacquet. Attention, c’est une question piège! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. (« Allô! Allô! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous avez raison d’indiquer que les internats d’excellence sont un projet phare du Gouvernement, initié par le Président de la République. Ce matin, avec Fadela Amara, nous avons fait le point sur l’état d’avancement de ce dossier et communiqué la liste des onze sites qui accueilleront ces établissements à la rentrée prochaine.
Ce concept nouveau est très important. Il s’agit d’accueillir des élèves méritants, issus de familles modestes et auxquels leur entourage n’offre pas les possibilités de réussir à l’école, alors qu’ils ont un réel potentiel d’évolution. À ces élèves – nous en connaissons tous dans nos départements – qui ne sont pas forcément pris en charge par leurs familles, mais qui ont un potentiel de réussite à l’école, nous allons proposer un environnement qui leur permettra de s’épanouir et de réussir. Ils bénéficieront ainsi d’une équipe pédagogique volontaire, d’un accompagnement personnalisé, d’un soutien scolaire et de la possibilité d’avoir accès à des activités sportives et culturelles, dans un environnement de travail favorable – sur un campus, par exemple, comme c’est le cas sur le site de Sourdun, que vous avez évoqué.
Avec Fadela Amara, nous avons débloqué, dans le cadre du grand emprunt, 500 millions d’euros qui seront consacrés aux internats d’excellence, lesquels offriront à terme 20000 places.
Avec ce programme, l’objectif de l’éducation nationale est de revenir aux fondamentaux,…
M. Christian Bataille. Vous n’êtes pas convaincant!
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. …à nos sources: favoriser l’égalité des chances en offrant des possibilités de réussite scolaire à des enfants issus de milieux défavorisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Yvan Lachaud. Monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, vous n’êtes pas sans savoir que les agriculteurs, en particulier les arboriculteurs, ont perdu, depuis deux ans, quasiment 50 % de leurs revenus. Aujourd’hui, je souhaite attirer votre attention sur la situation des arboriculteurs dont les vergers ont été atteints par le virus de la sharka, plus particulièrement dans le sud de la France, notamment dans la Drôme et le Gard.
Je rappelle à mes collègues que la sharka – à ne pas confondre avec la burka (Sourires) – est un virus qui détruit la fleur, annihile la production de l’arbre et provoque sa mort. La seule façon d’enrayer son expansion est la destruction totale du verger et le gel de toute production sur les terres concernées.
Dans les deux départements que je viens de citer, des milliers d’hectares, exploités par plus de trois cents familles, sont touchés. Le coût des dégâts s’élève à 50 millions. Dans l’est du département du Gard, une seule des quarante familles encore présentes il y a quelques années a pu conserver son exploitation. Ces personnes vivent une véritable catastrophe sanitaire, dont les répercussions sociales sont extrêmement graves.
Monsieur le ministre, je sais que vous allez recevoir les arboriculteurs dans quelques semaines, mais pouvez-vous nous indiquer dès aujourd’hui les mesures que vous comptez prendre pour les aider à surmonter cette crise sanitaire qui, je l’espère, sera considérée comme telle par le Gouvernement? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, le virus de la sharka frappe en effet des centaines d’hectares arboricoles dans le sud de la France depuis des années. Ainsi que j’ai eu l’occasion de le leur rappeler lors du congrès des producteurs de fruits qui s’est tenu à Valence il y a quelques jours, tous les arboriculteurs savent qu’ils peuvent compter sur le soutien du Gouvernement.
Ainsi, nous avons pris trois décisions concrètes pour répondre aux attentes et au désarroi des exploitants du sud de la France.
Premièrement, nous reconduirons intégralement, en 2010, l’indemnisation à l’hectare qui avait été mise en place par le Gouvernement dans les années précédentes. Chaque arboriculteur recevra ainsi, en cas de destruction de son verger, 5000 euros à l’hectare.
Deuxièmement – et c’est sans doute la décision la plus importante, la véritable réponse aux attentes des arboriculteurs de cette région –, nous allons mettre en place, dès que les professionnels se seront mis d’accord, une caisse de solidarité pour les arboriculteurs dont les exploitations sont touchées par le virus de la sharka. Cette caisse est la première réponse pérenne, que les arboriculteurs attendent depuis des années, aux problèmes posés par ce virus. L’État l’abondera à hauteur de 65 %, contre 50 % pour les caisses de solidarité ordinaires. Ce dispositif permettra d’offrir une meilleure indemnisation à l’hectare à chaque arboriculteur touché par le virus de la sharka.
Troisièmement, je recevrai, à leur demande, le 3 février prochain, tous les arboriculteurs, notamment ceux du Gard et de la Drôme, concernés par le virus, de façon à étudier les solutions à apporter aux situations de surendettement ainsi que les aides à la reconversion dont pourraient bénéficier les arboriculteurs qui souhaiteraient se tourner vers une autre activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Goua, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Marc Goua. Ma question s’adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. (« Et trésorier de l’UMP! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, M. Pichon nous a présenté hier le rapport public de la Cour des comptes pour 2010. Ses conclusions corroborent les analyses que nous avons présentées et défendues à de nombreuses reprises dans cet hémicycle: contrairement à vos affirmations, la Cour des comptes confirme que l’aggravation de la situation financière de notre pays ne provient pas exclusivement de la crise.
Le déficit structurel, qui représente 50 % du déficit global, soit 4 % du PIB, s’est dégradé de 0,6 point entre2008 et2009. Cette dégradation est essentiellement due à la baisse pérenne des impôts que vous pratiquez au profit des classes aisées depuis quelques années – notamment le bouclier fiscal – mais également aux nombreuses niches fiscales représentant un manque à gagner pour le budget de l’État, passé en quelques années de 50 à 70, voire 80 milliards.
M. Michel Sapin. Absolument!
M. Marc Goua. Ces déficits cumulés entraînent une aggravation de la dette publique qui, selon la Cour des comptes, pourrait approcher 100 % du produit intérieur brut en 2013, pour atteindre 2000 milliards. La Cour confirme l’emballement de la dette en 2009. Or, l’an passé, elle avait précisé qu’une dette dépassant 90 % du PIB deviendrait ingérable et croîtrait de façon exponentielle. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe SRC.)
En accordant de nombreux cadeaux fiscaux aux plus fortunés, vous dégradez la situation financière de notre pays, ce qui vous amène à présenter, sous la pression de Bruxelles, un plan de rigueur de nos finances sans précédent. Ce plan prévoit de comprimer la dépense publique de 50 milliards d’euros!
Monsieur le ministre, comptez-vous continuer, voire accentuer votre politique désastreuse, consistant à faire payer vos erreurs par les classes moyennes et populaires, tandis que vous accumulez les cadeaux envers les plus riches, ou allez-vous enfin mener une politique conforme à l’intérêt de la France? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Monsieur le député, avec la Cour des comptes, c’est une question de méthode: ce n’est pas forcément la méthode du Gouvernement qui est fausse, et celle de la Cour des comptes qui est juste! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je conteste l’analyse de la Cour des comptes sur l’évolution du déficit. La crise explique l’intégralité de l’augmentation du déficit public entre2008 et2009: 100 % de la crise explique 100 % de l’augmentation du déficit! (« Non! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Allons, écoutez la réponse de M. le ministre!
M. Éric Woerth, ministre du budget . Le plan de relance coûte 1,2 point de PIB. Au-delà du plan de relance, il y a l’ampleur de la chute des recettes fiscales. C’est sur ce point que nous avons un différend avec la Cour des comptes. Pour notre part, nous considérons que la chute des recettes fiscales et sociales entre l’année 2008 et l’année 2009 est entièrement due à la crise. (« C’est faux! » sur les bancs du groupe SRC.)
La chute des recettes fiscales et sociales n’est pas proportionnelle à la chute de l’activité. Quand vous perdez 60 % de l’impôt sur les sociétés, quand vous perdez – comme cela a été le cas pour les collectivités locales – 30 % sur les droits de mutation, il se produit forcément un surajustement négatif des recettes, dont la Cour des comptes n’a pas suffisamment tenu compte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, les niches fiscales qui ont été votées en 2009 sont compensées par les niches fiscales qui ont été supprimées en 2009. (« Non! » sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Georges Colombier. Ma question s’adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. En avril dernier, au moment le plus fort de la crise, le Gouvernement, dans le cadre d’un véritable plan d’urgence, a mis en place un certain nombre de mesures, destinées à limiter l’impact de la crise sur l’emploi des jeunes, parce que ce sont les plus menacés en période de ralentissement économique.
Vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d’État, que l’alternance, l’apprentissage et les contrats de professionnalisation soient au cœur de ce plan d’action, au moyen d’aides financières simples et directes, destinées à inciter les entreprises à recruter et former des jeunes. Comme nous le constatons sur le terrain, les jeunes formés en alternance sont particulièrement recherchés par les entreprises, parce qu’en complément d’une formation théorique ils disposent d’une expérience pratique qui les rend rapidement opérationnels dans l’entreprise. Vous avez pu vous en rendre compte en visitant, il y a quelques jours, le CFA des métiers du bâtiment à Bourgoin-Jallieu, dans l’Isère. Pourtant, l’alternance reste encore trop souvent cantonnée à certaines formations et ne bénéficie pas de la reconnaissance qu’elle devrait avoir, comme c’est le cas en Allemagne par exemple.
Pourriez-vous nous indiquer où nous en sommes dans la mise en œuvre du plan d’urgence pour l’emploi des jeunes et quelles mesures vous comptez prendre pour donner un nouvel élan à l’apprentissage? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.
M. Jean-Pierre Brard. Un jeune ministre plein d’avenir!
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, l’année 2009 avait commencé avec de très fortes inquiétudes quant au chômage des jeunes. Nous nous sommes battus, et depuis juin, mois après mois, le taux de chômage des jeunes a reculé, ce qui nous permet de terminer l’année avec 27000 jeunes demandeurs d’emploi de moins par rapport à juin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C’est l’effet du plan de mobilisation qui a été lancé par le Président de la République, sur lequel Fadela Amara, Martin Hirsch et moi-même avons travaillé. Ce plan reposait sur une solution simple, que vous avez évoquée: miser sur l’apprentissage. Trop souvent par le passé, en matière d’emploi des jeunes, la seule solution a consisté à inciter les jeunes à rester un peu plus longtemps sur les bancs de la faculté, afin qu’ils ne viennent pas grossir les statistiques du chômage. Nous n’avons pas voulu faire le choix de ce type de gestion du chômage et de l’emploi, préférant favoriser l’apprentissage.
Favoriser l’apprentissage parce que ce sont de bonnes formations; favoriser l’apprentissage parce que ce sont des formations en lien avec l’entreprise; favoriser l’apprentissage parce que ce sont des formations rémunérées; enfin et surtout, favoriser l’apprentissage parce que cela débouche deux fois plus vite sur un emploi pour nos étudiants.
Les résultats de ce choix sont d’ores et déjà visibles: alors que le début de l’année 2009 avait été marqué par un recul de 40 % de l’apprentissage, nous avons terminé l’année avec une amélioration de 3 % par rapport à l’année précédente. Ces résultats obtenus grâce à la mobilisation de tous sont impressionnants, mais il faut pouvoir continuer, notamment en lançant, comme vous l’avez indiqué, les ateliers de l’apprentissage, destinés à identifier les blocages sur le terrain qui empêchent le développement et l’orientation de nos jeunes en direction de ces filières.
Des efforts ont été fournis par les chambres des métiers et les entreprises, ainsi que grâce à la mobilisation du Gouvernement…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et les régions?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. En revanche, trop de régions n’ont pas joué le jeu, ce que je regrette. L’apprentissage est une belle cause qui nécessite la mobilisation de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bruno Le Roux. J’aurais pu interroger M. Woerth, tant sa réponse à Marc Goua a été gênée et emmêlée quant aux constatations faites par la Cour des comptes. (« Bravo! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais j’ai peur que, si je lui pose cette question à nouveau, il ne veuille supprimer la Cour des comptes, ou alors y nommer un ministre ou un secrétaire d’État pour mieux la contrôler! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Philippe Briand. Vous n’avez rien compris!
M. Bruno Le Roux. Ma question s’adresse donc à M. le ministre de l’éducation nationale, qui ne semble pas avoir pris la mesure de la crise scolaire qui se déroule aujourd’hui dans notre pays.
Peut-être faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, qu’au lycée Adolphe-Chérioux, comme partout ailleurs, la seule revendication des enseignants et le seul souhait des parents, c’est que les établissements scolaires puissent disposer des moyens de travailler pour assurer la réussite des élèves. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Et s’il faut quelques exemples pris ailleurs pour que vous ne particularisiez pas les choses, alors je les choisirai dans ma circonscription. Trouvez-vous normal qu’à Saint-Ouen – et ce n’est pas un cas isolé‚–, depuis le 1 er octobre dernier, ce soient 661 demi-journées qui n’aient pas été remplacées dans les établissements scolaires du primaire? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Trouvez-vous normal que des élèves du cours préparatoire n’aient pas cours pendant plus de quinze jours de façon régulière dans cette même ville, du fait du manque de moyens mis à leur disposition?
Et si je cite la ville de Saint-Ouen, ces exemples se retrouvent malheureusement partout ailleurs sur notre territoire. Dans les collèges et lycées, ce sont des problèmes de sécurité qui se posent par manque de surveillants, mais aussi en raison des non-remplacements.
Alors, vous caricaturez; vous dites qu’on ne peut pas mettre un surveillant derrière chaque élève. Nous, monsieur le ministre, nous nous contenterions que vous doubliez les moyens dans les établissements sensibles et que vous assuriez les remplacements quand les professeurs sont absents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quand allez-vous prendre la mesure de la faillite dans laquelle vous mettez l’éducation nationale? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Le Roux, vous avez enfourché le cheval des moyens, je vais donc vous répondre sur les moyens.
M. Christian Paul. C’est effrayant: il a toujours raison!
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Sur la période 2002-2009, le nombre de conseillers principaux d’éducation est passé de 9598 au début2002 à 11967 au début2009. (« C’est faux! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais également rappeler que le Gouvernement a créé au printemps dernier 5000 postes de médiateurs de réussite scolaire et que, avec Brice Hortefeux, nous avons créé à la dernière rentrée les équipes mobiles de sécurité, soit à nouveau 500 postes supplémentaires. (Mêmes mouvements.)
La réalité, monsieur Le Roux, c’est que l’insécurité, ce n’est pas uniquement une affaire de moyens.
M. Bruno Le Roux. Et l’éducation?
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. C’est une responsabilité qui est partagée; notre devoir, c’est d’agir en même temps dans plusieurs directions,…
M. Christian Bataille. Vous ne répondez pas à la question!
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. …et c’est ce que nous faisons avec Brice Hortefeux quand nous mettons en place le plan de sanctuarisation des établissements…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les associations?
M. Philippe Plisson. Vous supprimez 40000 postes dans l’éducation nationale!
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. …ou quand, à la fin de cette année, la totalité de nos lycées et collèges auront bénéficié d’un diagnostic qui permettra des préconisations adaptées à la situation locale de chaque établissement pour en sécuriser l’accès.
Je pense aussi à notre volonté de permettre aux 400 chefs d’établissements comptant parmi les plus sensibles de bénéficier d’une formation adaptée, en l’occurrence d’une formation à la gestion de crise, que nous avons créée car elle n’existait pas.
M. Bruno Le Roux. Et les remplacements?
M. le président. Monsieur Le Roux, écoutez la réponse à votre question!
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Je pense encore à notre volonté de créer les équipes mobiles de sécurité, qui sont, en quelques semaines, devenues indispensables dans nos établissements.
M. Philippe Plisson. Et les suppressions de postes?
M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Vous voyez donc, monsieur le député, qu’il ne s’agit pas de déclamer en permanence en disant qu’il faut des moyens, toujours des moyens: ces moyens, il faut les adapter. C’est ce que nous faisons, au lycée Adolphe‑Chérioux et ailleurs, mais il faut aussi mener une politique globale de lutte contre l’insécurité, et c’est ce que le Gouvernement fait, à l’école comme ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Bruno Le Roux. On aimerait entendre parler d’éducation de temps en temps!
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Goujon. Ma question s’adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports.
La santé est évidemment une préoccupation majeure de nos concitoyens. C’est une priorité du Président de la République. Notre système hospitalier doit encore mieux répondre aux attentes, comme il doit permettre l’égal accès aux soins.
Madame la ministre, vous avez détaillé ce matin même, à l’hôpital Necker en pleine reconstruction, le bilan de la première tranche du plan Hôpital 2012 – soit près de 5 milliards d’investissements‚– et annoncé le lancement de la seconde tranche. D’ici à2012, ce ne sont pas moins de 10 milliards qui financeront la modernisation de l’hôpital.
À Paris, concerné au premier chef par cette restructuration, des rumeurs ont circulé; c’était parfois même de la désinformation organisée,…
Un député du groupe UMP. Encore Le Guen!
M. Philippe Goujon. …ce qui n’est peut-être pas étranger à la campagne des régionales, suscitant l’inquiétude des personnels et de l’ensemble des Parisiens, qui sont attachés, comme tous les Français, à leur système hospitalier.
Les hôpitaux parisiens doivent eux aussi offrir une meilleure qualité, une meilleure sécurité des soins et un meilleur accueil du public. La réforme menée par l’AP-HP devra aussi nécessairement tenir compte du besoin de proximité et proposer des projets cohérents de reconversion des sites, notamment pour l’Hôtel-Dieu et l’hôpital Bichat.
Je souhaite, avec mes collègues Jean-Fançois Lamour et Bernard Debré notamment, mais aussi, bien sûr, avec beaucoup d’autres, que le plan stratégique de l’AP-HP2010-2014 parvienne à concilier ces objectifs qui peuvent sembler en apparence contradictoires.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La question!
M. Philippe Goujon. Aussi, afin de rétablir la vérité sur ces dossiers, je vous demande de nous indiquer, madame la ministre, comment le plan Hôpital2012 accompagnera la rénovation de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire,…
M. Jean Glavany. Encore une question surprise!
M. Philippe Goujon. …mais aussi comment le ministère contribuera aux projets parisiens en préservant le devenir des personnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
M. Jean Glavany. Qui va être vraiment déstabilisée par cette question!
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Philippe Goujon, vous êtes également maire du 15 e arrondissement de Paris, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) et nous visitions ce matin le chantier du pôle mère-enfant Laennec de l’hôpital Necker.
M. Jean Glavany. C’est vraiment la brosse à reluire!
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est une opération emblématique du plan Hôpital2012, puisqu’il s’agit d’une restructuration-construction qui va mobiliser un chantier de 183 millions d’euros, avec une subvention de 91,5 millions d’euros.
La première tranche du plan Hôpital2012 est en train de s’achever. Elle mobilise 4,575 milliards d’euros, avec 2,2 milliards de subventions. Nous aidons donc à la fois des projets immobiliers de construction ou reconstruction, avec 160 projets, la rénovation des systèmes d’information, avec 480 programmes de rénovation ou de mise en place de systèmes d’information, et – ce qui très important‚– la mise en sécurité.
Vous me permettrez à cet égard, et alors que Haïti vient d’être le théâtre d’un drame épouvantable, de mettre l’accent sur la Guadeloupe et la Martinique, où la mise en sécurité au regard des normes parasismiques est quelque chose de très important, qui va mobiliser près de 1 milliard d’euros. J’y tiens absolument: la sécurité n’est pas négociable.
Pour ce qui concerne l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le conseil exécutif a proposé un plan avec des restructurations et des rénovations qui a reçu un vote positif de la majorité de la communauté médicale. Pour autant, rien n’est décidé. Ces propositions du conseil exécutif sont en train d’être étudiées par les autres acteurs de la communauté médicale, le ministère, les services et, bien entendu, l’agence régionale de santé, qui va exprimer son avis.
C’est seulement une fois que tous ces avis auront été recueillis – encore une fois, rien n’est décidé‚– et après consultation du nouveau conseil de surveillance, qui sera élu en avril, que la décision sera prise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Christiane Taubira. Je m’adresse à M. le Premier ministre, d’abord parce que ma question vise à confirmer un propos du Président de la République, ensuite parce que la réponse à ma question intéresse l’ensemble des électeurs de Guyane et de Martinique.
Les consultations des 10 et 24 janvier ont inscrit la Guyane et la Martinique dans un processus particulier, déconnecté de la réforme territoriale à venir et donc du calendrier national. Les élections régionales constituent par conséquent dans ces deux territoires une transition vers la collectivité unique.
Le 25 janvier, le Président de la République a déclaré par communiqué avoir demandé à la ministre de l’outre-mer de « proposer une loi » – il ne dit pas un projet de loi – « au Parlement avant la fin de cette année. » Ces propos ont été repris par la ministre de l’outre-mer le jour même, par le porte-parole du Gouvernement à l’issue du conseil des ministres le 27 janvier, et par le ministre de l’intérieur ici même la semaine dernière. Tous les trois ont confirmé cette échéance de la fin de l’année 2010.
On peut donc considérer qu’il s’agit là de la parole de l’exécutif, présidentiel et gouvernemental.
Le Président de la République se rendra en Guyane la semaine prochaine. Il y restera moins de trois heures. Au vu du contenu et de la nature de son programme, on comprend qu’il n’a pas prévu de nous entretenir des devoirs qui lui incombent en sa qualité de gardien des institutions et de garant de la clarté et de la sincérité du scrutin!
Je vous demande donc de nous dire selon quel calendrier l’organisation du scrutin pour la nouvelle collectivité pourra être faite, une fois la loi ordinaire votée. Un délai de douze à dix-huit mois est tout à fait concevable.
Pour éviter que vous ne détourniez ma question, et que vous ne fassiez le dégagement habituel sur les collectivités locales, je vous rappelle qu’il ne s’agit pas ici de dire qu’elles ont démérité – mais il est vrai qu’en entendant le ministre du budget parler de la Cour des comptes, on comprend que le traitement hautain à l’égard de l’opposition et des contre-pouvoirs relève d’une vraie culture du Gouvernement. J’espère que vous nous répondrez sur le calendrier de l’établissement de cette nouvelle collectivité! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Comme vous l’avez indiqué, le chef de l’État se rendra la semaine prochaine en Guyane…
Mme Catherine Coutelle. Trois heures!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …dans le cadre d’un déplacement qui le conduira d’Haïti en Martinique, et qui a deux objectifs.
D’abord, quelques semaines après la catastrophe dont Haïti a été victime, le Président de la République rencontrera les autorités haïtiennes et, surtout, rendra hommage aux départements français d’Amérique qui ont joué un rôle très important dans l’aide apportée au territoire haïtien. Dans un second temps, le Président de la République se rendra à la Martinique et en Guyane pour tirer concrètement les conséquences du message adressé par les électeurs de ces deux départements lors des référendums des 10 et 24 janvier.
Vous le savez, madame la députée, les électeurs ont exprimé à cette occasion un message fort, un message d’attachement profond à la République, à ses institutions et à l’application des lois nationales. Ce message est clair et sans ambiguïté.
Nos compatriotes de ces deux territoires ont aussi approuvé la fusion du département et de la région. Cela signifie qu’ils attendent une véritable simplification institutionnelle, tout en restant très attachés au principe de l’identité législative. Cette réforme a été proposée par le Président, elle a été approuvée par les électeurs; elle doit être mise en œuvre.
À l’occasion de ce déplacement, le Président de la République, devant l’ensemble des élus – des élus, bien sûr, de toutes les sensibilités, majorité et opposition réunies – aura l’occasion de préciser à la fois le calendrier et la méthode de travail qui permettra de mener à bien ce changement.
Je vous confirme que Marie-Luce Penchard, qui est en ce moment en Guadeloupe, et moi-même vous présenterons un projet de loi avant la fin de cette année. C’est un signal fort, destiné à montrer que la volonté des électeurs sera respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, le régime social des indépendants est un organisme couvrant la protection sociale des artisans, commerçants et professions libérales, auquel quatre millions de chefs d’entreprise indépendants sont affiliés. Unifié depuis juillet2006, le RSI a mis en place au mois de janvier2008 le principe d’un interlocuteur social unique, avec pour objectif la simplification des démarches administratives.
Le RSI effectue une mission de service public en gérant la protection sociale obligatoire de plus de quatre millions de chefs d’entreprise indépendants et de leurs ayants-droit, ce qui le place au deuxième rang des régimes de protection sociale en France par le nombre de personnes assurées.
La création de ce régime social constitue une véritable avancée en matière de règlement des cotisations, notamment en raison de l’avantage résidant dans le fait de relever d’un régime unique plutôt que de régimes multiples.
Mais la crise économique que nous connaissons n’a pas facilité les choses. En effet, les entreprises indépendantes ne sont pas épargnées et sont confrontées à des problèmes pour faire face au paiement de leurs cotisations.
Je me réjouis de voir que le Gouvernement a pris en compte toutes les difficultés, notamment avec la mise en place du régime des auto-entrepreneurs, qui permet aux travailleurs indépendants le souhaitant de régler leurs cotisations ou leurs contributions sociales « au fil de l’eau », c’est-à-dire en fonction du chiffre d’affaires réalisé.
Pouvez-vous nous indiquer quels sont les moyens mis en œuvre pour soutenir ce secteur majeur dans l’économie française? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien!
M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Vous avez raison, madame la députée, d’insister sur le rôle majeur joué par les petites entreprises, par ce million et demi de travailleurs indépendants qui, aujourd’hui, contribuent largement à la croissance économique et à la création d’emplois.
Le régime social des indépendants a été créé en 2006, comme vous l’avez rappelé, et l’interlocuteur social unique en 2008. Ainsi, un seul interlocuteur traite l’affiliation et le recouvrement des cotisations sociales.
Mme Laure de La Raudière. Très bien!
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Force est de reconnaître que des dysfonctionnements sont survenus, puisque les échanges entre les systèmes informatiques de l’URSSAF et du régime social des indépendants ont mal fonctionné. Dans quelques jours, le 24 février très exactement, Éric Woerth et moi-même recevrons les représentants de l’ensemble des régimes concernés pour mettre fin le plus rapidement possible à ces problèmes.
En effet, les travailleurs indépendants payent à la crise un lourd tribut: un quart des défaillances d’entreprises les concernent. C’est pourquoi, ce matin, j’ai été très heureux d’enregistrer le vote, en commission des affaires économiques, sans aucune opposition, du projet de loi portant création d’un nouveau régime, celui de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui protègera à l’avenir le patrimoine personnel de ce million et demi de travailleurs indépendants.
Je voudrais enfin vous dire que, le 17 février, je pourrai annoncer des mesures visant à substituer enfin à la caution personnelle de ces entrepreneurs individuels une caution collective. Ainsi, nous aurons rétabli l’équité dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme Laure de La Raudière. Bravo!
M. Michel Herbillon et M. Jean-Claude Lenoir. Voilà une bonne mesure!
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Luc Pérat. Monsieur le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, fin 2006, Nicolas Sarkozy, alors candidat à l’élection présidentielle, promettait lors d’un meeting à Charleville-Mézières: « Je veux, si je suis élu Président, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. » Il ajoutait même: « Le droit à l’hébergement, c’est une obligation humaine. Si on n’est plus choqué quand quelqu’un n’a plus de toit lorsqu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s’en trouvera mis en cause. »
Monsieur le secrétaire d’État, plus de trois ans se sont écoulés. Qu’avez-vous fait pour que cette promesse devienne réalité?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Rien!
M. Jean-Luc Pérat. Je n’ai même pas besoin de répondre.
Selon le collectif Les Morts de la Rue, plus de 370 personnes sans domicile fixe sont mortes en France en 2009, plus de quinze depuis le début de cette année, la plupart à cause du froid, toutes à cause de la pauvreté. Tel est le bilan de la faillite de ce gouvernement et du Président de la République sur la question des sans-abri et des mal logés.
Et ce ne sont pas vos vingt propositions de novembre pour l’organisation d’un « service public de l’hébergement et de l’accès au logement en faveur des plus démunis » qui changeront ce constat d’échec.
En effet, le budget de la mission « Ville et logement » pour 2010 trahit vos réelles priorités:
Une baisse de 15 % des crédits dédiés au financement de la construction de logements locatifs sociaux.
M. Michel Sapin. Eh oui!
M. Jean-Luc Pérat. Une baisse des crédits accordés à la prévention de l’exclusion, à l’insertion des personnes vulnérables, aux dispositifs d’accompagnement social et d’hébergement d’urgence.
M. Michel Sapin. Eh oui!
M. Jean-Luc Pérat. Un maintien en revanche des niches fiscales pour plus de 11 milliards d’euros, sans aucune contrepartie sociale et sans efficacité réellement démontrée.
M. Michel Sapin. Eh oui!
M. Jean-Luc Pérat. Monsieur le secrétaire d’État, 3,5 millions de Français souffrent du mal-logement, sans doute 100000 sont sans domicile. Quand allez-vous enfin entendre leur appel au secours? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le député, voilà vingt ans que notre pays n’a pas connu un hiver aussi long et aussi rigoureux que celui que nous traversons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Gouvernement est pleinement mobilisé, je puis vous l’assurer, pour répondre aux besoins de nos concitoyens les plus fragiles.
Dès le 15 décembre, j’ai demandé aux préfets qu’il n’y ait aucun refus d’hébergement, que toutes les demandes soient acceptées, conformément aux annonces du Président de la République. L’ensemble des acteurs, l’État bien sûr mais également les partenaires associatifs et les collectivités locales, ont répondu à cette demande de mobilisation.
Mais nous ne nous contentons pas de gérer des situations hivernales. Notre engagement s’exprime toute l’année, pas simplement du 1 er décembre au 31 mars.
En 2010, la nation concentrera ses efforts pour 1,1 milliard d’euros au bénéfice des plus démunis – cela représente un doublement de l’effort budgétaire de l’État – grâce au plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo.
M. Maxime Gremetz. Arrêtez! Vous nous prenez pour des enfants de chœur!
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ainsi, 108000 places d’hébergement seront ouvertes toute l’année, ce qui représente un doublement de nos places en l’espace de moins de quatre années. Nous prévoyons en outre d’ouvrir 10000 places supplémentaires pour l’hiver.
M. Daniel Paul. Et pour les chômeurs, et pour les pauvres?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Mais nous souhaitons aller beaucoup plus loin. Nous voulons sortir de la logique comptable et simplement hivernale. Nous voulons offrir aux sans-abri un dispositif toute l’année. Avec l’ensemble du monde associatif, nous avons négocié pendant de très longs mois pour élaborer, ensemble, vingt propositions que nous sommes en train de mettre en place.
M. Maxime Gremetz. Boutin était mieux que vous!
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. L’objectif principal de notre démarche est de sortir de la stricte logique de l’hébergement pour passer à la logique du logement d’abord. Voilà l’engagement du Gouvernement, et cet engagement n’a jamais été aussi fort.
M. Jean Glavany. La logique de la période hivernale? On la ressortira, celle-là!
M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Bernard Reynès. Monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, le monde agricole traverse une crise extrêmement grave: les revenus agricoles ont subi en 2009 une baisse de 34 %; 75000 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année – c’est deux fois plus que dans les années soixante.
La filière des fruits et légumes est particulièrement sinistrée, elle perd chaque année 10 % de surfaces agricoles. Selon les régions, le chiffre de perte de surfaces peut atteindre 20 %. C’est tout un pan de notre patrimoine agricole qui est en train de disparaître.
Pour faire face à cette situation, monsieur le ministre, vous venez de présenter le projet de loi de modernisation de l’agriculture dont le vote est prévu avant l’été. La renégociation de la politique agricole commune est également prévue pour 2013.
Le projet de loi LMA vise notamment à desserrer les contraintes de la politique tarifaire pratiquée par la grande distribution et à stabiliser le revenu des agriculteurs. Il doit permettre à l’agriculteur de connaître à l’avance les volumes de livraisons et le prix auquel sa production sera achetée, et ainsi de mieux anticiper d’éventuels retournements du marché.
Pour renforcer la compétitivité des agriculteurs et mieux peser face aux industriels et à la grande distribution, le projet de loi favorise la fusion d’organisations de producteurs et renforce le rôle des interprofessions agricoles.
Ce texte doit aussi permettre à la France, première puissance agricole et agroalimentaire européenne, de répondre au défi de la sécurité alimentaire.
Il faut cependant veiller à ne pas créer de distorsions de concurrence avec nos partenaires européens.
M. Jean Dionis du Séjour. Très bien!
M. Bernard Reynès. Si ces mesures vont dans le bon sens, une mesure d’urgence s’impose toutefois, celle de relancer la TVA sociale à titre expérimental pour les fruits et légumes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer votre position sur cette disposition? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la filière des fruits et légumes est une des filières qui sont aujourd’hui les plus frappées par la crise agricole que traverse notre pays. Nous sommes donc fermement décidés à soutenir cette filière, comme je l’ai indiqué à ses responsables il y a quelques jours.
Nous la soutiendrons par une mesure de réorganisation des producteurs de façon qu’ils soient plus forts pour négocier avec l’aval de la filière.
Nous soutiendrons la filière en rééquilibrant les pouvoirs sur l’ensemble de la filière de façon à avoir une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Il n’est pas normal qu’aujourd’hui un producteur de pommes produise ses pommes pour 80 centimes d’euro le kilo, les revende 60 centimes au distributeur et les retrouve à 1,60 euro sur l’étal pour le consommateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous soutiendrons également la filière en prenant les mesures nécessaires quant au coût du travail dans la filière.
M. Henri Emmanuelli. Et la loi LMA alors?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Nous avons pris, à l’initiative du Président de la République et du Premier ministre, une décision forte sur le coût du travail occasionnel.
M. Roland Muzeau. Vous faites quoi?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Nous avons ramené le coût du travail occasionnel au 1 er janvier de cette année d’un peu plus de 11 euros à 9,26 euros l’heure grâce à une exonération supplémentaire des charges sur le coût du travail occasionnel. C’est un effort massif de l’État, de plus de 170 millions d’euros par an, pour soutenir la filière. C’est la moitié du chemin.
L’autre moitié du chemin, c’est la réflexion que nous devons avoir sur le coût du travail permanent. J’ai commencé à regarder les distorsions qui existent entre les différents pays européens pour voir quelle était exactement la situation, et nous en tirerons toutes les conséquences. Dans un deuxième temps, nous allons mettre sur pied un groupe de travail avec des experts, des économistes, des responsables de la filière, pour examiner toutes les propositions utiles qui peuvent être mises en œuvre pour alléger le coût du travail permanent dans la filière des fruits et légumes. Nous en tirerons toutes les conséquences avant la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n os 1697, 2271, 1861).
Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures vingt-neuf minutes pour le groupe UMP, neuf heures quarante-neuf minutes pour le groupe SRC, cinq heures et six minutes pour le groupe GDR, trois heures et vingt-six minutes pour le groupe Nouveau Centre et quarante-deux minutes pour les députés non inscrits.
Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, je veux d’abord saluer dans ce texte les dispositions de lutte contre l’insécurité routière, qui fait chaque année plus de morts en France que tous les crimes réunis. C’est d’ailleurs l’une des rares parties du texte où vous n’êtes pas décalé par rapport à la réalité douloureuse de l’insécurité en France aujourd’hui.
À l’instar de Delphine Batho et de Manuel Valls, je vous appelle à affronter le réel tel qu’il est et à rompre avec l’inanité de la politique du chiffre. D’une part en effet, utiliser des indicateurs de performance comme vous le faites, en particulier le taux d’élucidation, c’est porter une responsabilité directe dans l’explosion du nombre de gardes à vue. D’autre part, répéter en boucle que tout va bien, à défaut de tromper l’opinion, malheureusement aux prises avec l’explosion de la violence, finit par vous intoxiquer vous-même.
On se demande même si la première salle de shoot légale en France, comme l’évoquait notre collègue Goujon hier, n’est pas cet hémicycle, du moins les bancs de l’UMP et du Nouveau Centre, ou le banc des ministres.
Grisés par des indicateurs qui ne correspondent à rien, vous passez totalement à côté d’une réalité cruelle pour nos concitoyens : 50 % de violences contre les personnes en plus depuis 2002 !
Delphine Batho vous l’a dit : cette explosion aurait dû être la première des priorités de la LOPPSI.
Vous êtes malheureusement dans le commentaire ou l’évitement : vous rappeliez hier que les mineurs représentent la moitié des effectifs des bandes violentes mais vous n’étiez pas là quand l’Assemblée délibérait de ce phénomène.
Pire, en première comme en deuxième lecture, le Gouvernement a fait casser par une deuxième délibération des mesures de bon sens élaborées et votées par les députés de tous bords sur l’occupation des halls d’immeuble.
Vous soutenez que la peur de la sanction est la meilleure des préventions et vous ne cessez d’alourdir les peines encourues par les mineurs. La vérité est que jamais les mineurs n’ont été aussi violents ni aussi tragiquement victimes que ces dernières années.
Rappelons brièvement les événements des derniers mois.
12 janvier 2009: un lycéen est poignardé en Mayenne.
10 mars: une vingtaine de mineurs armés de barres de fer font irruption dans un collège à Gagny pour tabasser des élèves.
19 mars: une bande s’introduit dans l’enceinte du collège Pablo Picasso à Garges-lès-Gonesse, là encore pour tabasser un élève à coup de marteau.
14 avril: un mineur est mortellement poignardé gare de Lyon par d’autres mineurs.
13 mai: un lycéen de 17 ans est grièvement blessé au couteau par un autre mineur à Champigny-sur-Marne.
15 mai: un collégien de 13 ans poignarde une enseignante en Haute-Garonne.
25 juin: un collégien de 13 ans est agressé au couteau par un élève exclu du même collège que lui.
6 janvier 2010: un mineur est agressé au couteau par d’autres mineurs dans un centre commercial de Cergy-Pontoise.
8 janvier: Hakim, 18 ans, est mortellement poignardé par un autre élève dans son lycée au Kremlin-Bicêtre.
2 février: un élève de 14 ans est agressé à l’arme blanche au lycée Adolphe Chérioux à Vitry. Trois mineurs ont été mis en examen.
6 février: Malik, 17 ans, meurt poignardé par un autre mineur, porte de Saint-Cloud.
J’arrête là cet épouvantable énoncé dont le seul objectif était de vous rappeler que la violence des jeunes pose un vrai problème tout comme la banalisation du port de l’arme blanche. Malheureusement, aucune disposition de votre projet ne s’attaque à cette question que vous traitez même avec une certaine désinvolture.
Je vous ai adressé, le 22 septembre dernier, une question écrite sur l’ouverture dans mon arrondissement d’un commerce de vente d’armes factices sur le même trottoir qu’un collège et une école primaire, pour vous demander de faire appliquer une circulaire de 1998 donnant instruction au préfet d’interdire par arrêté le port et le transport de ces objets dans les lieux publics, dans les établissements scolaires et leurs abords.
Cinq mois plus tard, vous n’avez toujours pas répondu!
Cessez de vous griser à coup de lois et d’amendements de circonstance et soutenez la police au lieu de laisser croire qu’elle reste inerte devant un mineur de moins de treize ans seul en pleine nuit dans la rue. Ce n’est pas le cas, vous le savez.
Inlassablement nous ferons et nous défendrons des propositions. Nous avions déposé sur les violences en bandes et les violences scolaires quinze propositions contre les zones de non droit et pour la police des quartiers, contre les violences juvéniles et pour la prévention et la sanction précoce, contre la loi du silence et pour de nouvelles protections des victimes. Elles représentaient et représentent toujours une vraie stratégie de mobilisation pour lutter concrètement, avec tous les acteurs concernés, contre ces phénomènes. Vous les avez toutes rejetées.
À nouveau, parce que nous, nous n’abandonnons pas le terrain, nous formulons une trentaine de propositions, notamment celle de donner aux forces de police les moyens de faire respecter la règle plutôt que de multiplier les lois à mesure que sont supprimés des postes dans l’éducation nationale, la police et la gendarmerie.
Changez. Dégrisez-vous. Nos enfants s’arment et nos enfants meurent ! Parlons des vrais sujets et des vraies solutions. Nous n’attendons que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre, vous avez réaffirmé votre volonté de favoriser le développement massif de la vidéoprotection, notamment comme outil de lutte contre la délinquance. Je me réjouis de cette initiative qui contribuera à renforcer considérablement la sécurité de nos concitoyens sur notre territoire.
Je souhaiterais toutefois appeler votre attention sur un point fondamental.
Rappelons avant tout que, dans nos sociétés démocratiques, l’amélioration du niveau de sécurité collective doit s’accompagner et s’équilibrer par le renforcement des garanties des droits et libertés. Pour cette raison, le rôle joué par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés dans la régulation de la vidéoprotection doit être réaffirmé. En effet, autorité indépendante, la CNIL est parfaitement compétente pour encadrer et contrôler les modalités des dispositifs de vidéosurveillance. Elle dispose de contrôleurs experts habilités par le Premier ministre.
De surcroît, la CNIL est une autorité administrative indépendante, notamment par sa composition collégiale, pluraliste, et affranchie de la tutelle de toute institution ou ministère, à la différence de la commission nationale de vidéosurveillance, prévue dans le projet de loi.
Alors que le nombre de caméras de surveillance augmente et que l’on recourt de plus en plus souvent à ce dispositif, la protection des libertés individuelles et de la vie privée de nos concitoyens est plus que jamais d’actualité.
La CNIL possède une longue expérience des problématiques liées à la vidéosurveillance. En 2009 elle a examiné plus de 3000 dossiers et reçu près de 200 plaintes reçues.
Je m’étonne par conséquent que ce projet de loi préconise de créer une nouvelle autorité chargée de réguler la vidéosurveillance.
N’y a t-il pas là un doublon, en matière de compétences comme en matière budgétaire? À l’heure où nous voulons tous réduire le nombre des autorités administratives indépendantes ou apparentées, je m’interroge sur l’opportunité d’en créer une nouvelle.
Alors que le ministre du budget a lancé la révision générale des politiques publiques en 2008, et que le Premier ministre a très récemment rappelé l’urgence de réduire nos dépenses publiques pour revenir à l’équilibre en 2020, pourquoi créer une lourde dépense supplémentaire ?
Je rappelle d’ailleurs que, dans le rapport qu’ils ont remis à Michèle Alliot-Marie en janvier 2009, les sénateurs Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier recommandaient de réunir les compétences de contrôle et d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire sous la seule autorité de la CNIL, tout en clarifiant par ailleurs le régime juridique de la vidéosurveillance afin d’en améliorer l’efficacité, de renforcer le droit des personnes et de simplifier son fonctionnement.
Les commissions départementales manquent de moyens et ne sont pas réellement permanentes. Leur jurisprudence peut varier d’un département à l’autre.
Forte de son expérience en matière d’analyse de l’équilibre fondamental entre sécurité et liberté, la CNIL me semble avoir toute légitimité pour assumer cette compétence.
De surcroît, selon un sondage réalisé en mars 2008, 79 % des Français seraient favorables à ce que les dispositifs de vidéosurveillance soient placés sous le contrôle d’un organisme indépendant pour parer à toute dérive. Selon ce même sondage, la CNIL serait l’organisme indépendant le plus indiqué pour assurer ce contrôle.
Enfin, la création d’une telle commission pose le problème de son indépendance. Est-il souhaitable qu’une nouvelle autorité, sous tutelle du Gouvernement, soit en charge du contrôle de la vidéoprotection? Elle serait rapidement raillée par l’opinion pour manque de neutralité et le Gouvernement pourrait être accusé de s’en servir à son avantage.
Dans ces conditions, il ne semble pas exister d’autre solution que d’attribuer cette compétence à la CNIL, sous la forme du «contrôle par évocation», qu’a défini son président, Alex Türk. La CNIL serait ainsi chargée d’observer, tout au long de l’année et en collaboration avec les commissions départementales, les développements de la vidéosurveillance, d’examiner les autorisations attribuées, d’étudier les nouveaux processus technologiques se mettant en place, de recenser les secteurs d’activité dans lesquels il existe de forts développements et les domaines dans lesquels elle reçoit le plus de plaintes, enfin de procéder à des contrôles ciblés. La CNIL pourrait alors rendre un rapport annuel aux pouvoirs publics et aux commissions départementales afin de leur faire part de ses observations et de ses recommandations dans des domaines spécifiques et sur les points à corriger ou améliorer.
Les commissions départementales pourraient ainsi harmoniser leurs propres jurisprudences en tenant compte de la synthèse de contrôles effectués par la CNIL.
Monsieur le ministre, au regard des arguments que je viens d’évoquer, il va sans dire que le souci de la CNIL est de trouver un véritable équilibre entre les contrôles et la garantie des droits individuels.
Ces considérations mises à part, la vidéoprotection reste un remarquable auxiliaire des forces de l’ordre et, naturellement, je souscris à la mise en œuvre de ce dispositif visant à garantir la sécurité de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Michel Liebgott. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, après nos échanges d’hier soir, je me demande si le recours à une nouvelle loi se révèle bien nécessaire. À entendre l’ensemble de nos collègues, de droite comme de gauche, on a vraiment l’impression que rien ne va. Pour les uns, notamment les députés UMP, la situation nécessite absolument une loi nouvelle tant la situation est catastrophique. On constate du reste, dans nos communes, que l’insécurité progresse, contrairement à ce que prétend le Gouvernement.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est stupide de dire cela!
M. Michel Liebgott. Pour les autres, et j’en fais partie, une loi n’est pas nécessaire puisqu’il suffit de mettre en œuvre les moyens à notre disposition pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
Je suis maire d’une commune comprenant une zone urbaine sensible, paradoxalement en zone gendarmerie alors qu’elle devrait se situer en zone police puisqu’elle compte plus de 10000 habitants. Je suis également élu député dans une circonscription où c’est la police, essentiellement, qui intervient. Or j’ai le sentiment que, dans l’une et l’autre zones, une coordination de tous les partenaires fait défaut.
Alors nous tâchons localement d’y pourvoir. Dans le cadre du comité local de prévention de la délinquance, en lien avec les services judiciaires, avec les acteurs de la prévention, si nous parvenons à limiter les dégâts, c’est parce que nous faisons preuve d’un bon sens dont le Gouvernement me paraît plutôt dépourvu. Du coup, faute de bon sens et faute de moyens, on « pond » des textes, donnant l’illusion qu’on s’intéresse à la question alors qu’il ne s’agit que de masquer les réalités.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Grotesque!
M. Michel Liebgott. Avant d’en venir à ce qui, dans ce projet, me paraît aberrant, laissez-moi vous indiquer ce qu’il conviendrait de faire au niveau local.
Il faudrait tout d’abord permettre à nos gendarmes et à nos policiers de se loger correctement afin que leurs conditions de travail puissent être qualifiées de normales. Pendant des années, en tant que maire, puisque l’État n’avait pas les moyens de les loger dans la caserne où se trouvaient quelques militaires, j’ai mis des logements communaux à la disposition des gendarmes.
Aujourd’hui encore, alors qu’une communauté de brigade – couvrant d’autres communes que la mienne – a pris le relais de la brigade de gendarmerie locale, la construction d’une gendarmerie reste à l’ordre du jour parce qu’une autre commune veut récupérer des locaux habités par des gendarmes. Certes, les gendarmes n’occupent plus de maisons individuelles mises à disposition par la commune, mais habitent dans deux endroits différents. Or l’État se révèle incapable de construire la caserne que cette situation rend indispensable, alors que, par ailleurs, il se méfie des bailleurs sociaux qui, en Moselle, ont jusqu’à présent construit des casernes.
De surcroît, l’État refuse de reconnaître qu’il n’est plus en mesure de payer les loyers. Il propose tout simplement à la collectivité locale principale, c’est-à-dire au maire que je suis, de construire cette caserne, ce qui représente au bas mot de trois à cinq millions d’euros. C’est hors de question à ce prix, d’autant que nous ne disposons pas des textes de la hiérarchie de la gendarmerie qui nous permettraient de savoir dans quel cadre juridique nous pourrions le faire.
Contraints de nous débrouiller, nous n’avons pu échapper à des solutions farfelues puisque le groupement départemental de gendarmerie est allé jusqu’à inviter, pour ne pas dire convoquer, un certain nombre de promoteurs privés éventuellement intéressés par la construction d’une caserne de gendarmerie, cela sans leur indiquer quel serait le plan de financement! Bien entendu, le maire n’a pas été prévenu d’une telle démarche. Si je m’en suis offusqué, nous n’en avons pas moins continué de travailler.
Ainsi, nous avons pris contact avec le groupe Eiffage, qui construit les gendarmeries, mais qui ne nous a toujours pas fait de propositions, faute d’instructions précises de l’État et notamment de la hiérarchie de la gendarmerie. Si l’amélioration de la situation implique qu’on loge décemment les gendarmes, il en va de même pour nos concitoyens.
J’ai eu la chance d’être en 2005, dans le Grand Est, le premier maire bénéficiaire de l’ANRU. Il s’agissait de requalifier un quartier en difficulté. Or aujourd’hui les règles changent et nous ne parvenons pas à boucler le dispositif ANRU. Je lance donc un appel, depuis cette tribune, monsieur le ministre: avant d’édicter de nouveaux textes, encore faudrait-il loger ces gendarmes ou ces policiers dans des conditions décentes et permettre aux habitants de ces quartiers, j’insiste, d’être eux-mêmes logés dans des conditions satisfaisantes.
Je souhaite insister ensuite sur la question des effectifs. Dans les quartiers sensibles, on affecte souvent de jeunes gendarmes et même quelquefois des gendarmettes. Vous imaginez bien que face à des adultes très revendicatifs et parfois authentiques délinquants, ces jeunes gendarmettes et gendarmes, tout juste sortis de l’école, ne font pas le poids. Nous sommes confrontés à une demande d’effectifs importants et expérimentés de la part des gendarmes eux-mêmes, gendarmes dont je me fais ici le porte-parole.
J’ai récemment vécu un événement assez cocasse. Je me suis retrouvé, dans une des rues plutôt tranquilles de ma commune, en sortant de la mairie, en présence d’une voiture brûlée. Les sapeurs-pompiers sont arrivés les premiers, les gendarmes dans la foulée. Alors que je m’enquerrais auprès des riverains de la situation, aucun des gendarmes ne s’est adressé à moi, ne me connaissant pas plus que je ne les connaissais. Je me suis alors rendu compte que j’avais affaire à des gendarmes qui, manifestement, ne connaissaient pas la ville. Ils venaient en effet de Dijon, à 250 kilomètres de là. Ils m’ont informé qu’ils allaient passer le relais à leurs collègues pour mener l’enquête.
Autre point sur lequel je souhaite insister, il convient de réaliser un travail de proximité. Vous vous souvenez sûrement des émeutes de 2005, à la suite desquelles les gendarmes ont fait valoir l’importance de la présence d’éducateurs dans la rue, en particulier pendant la nuit. Le capitaine du groupement de mon département lui-même a rempli cette fonction et je lui en sais gré car, travaillant avec le club de prévention, les centres sociaux, les prêtres-ouvriers, les imams, bref, avec l’ensemble des acteurs locaux, il a réalisé une tâche extraordinaire qui va à l’encontre de la philosophie du présent texte.
Or je vous rappelle que ces quartiers ont avant tout besoin de lien social, d’emplois aidés. Les jeunes de treize ans ne sont pas ceux qui nous posent le plus de problèmes, au contraire des jeunes adultes, à moins qu’ils ne trouvent une vie sociale dans des associations, en particulier sportives.
Avant d’en venir à une critique plus radicale du texte, laissez-moi revenir sur une mesure que nous avons prise il y a quelque temps: l’achat d’un radar. Nombre de nos collègues de droite eux-mêmes ont fini par admettre que les radars servaient à sanctionner les braves gens qui dépassent de seulement deux ou trois kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée. Eh bien, ces gens en ont marre d’être sanctionnés.
Il est vrai que cette pratique permet d’augmenter le taux d’élucidation puisqu’un PV, par nature, c’est 100 % d’élucidation. Voilà qui permet de faire du chiffre, de faire rentrer de l’argent et donne l’illusion de l’efficacité de la police et de la gendarmerie.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce n’est pas du tout cela!
M. Michel Liebgott. Ces gens se font interpeller par les forces de l’ordre à la sortie de l’hypermarché, le samedi, alors qu’ils dépassent légèrement la vitesse autorisée. Cependant que, bien sûr, dans la ZUS que j’évoquais tout à l’heure, personne n’est arrêté quand bien même on y roule à des vitesses scandaleuses, souvent sans permis et dans des voitures volées.
Le vrai problème qui se pose dans nos quartiers est un problème de moyens.
Vous avez souvent dénoncé les gendarmes qui jouaient au football avec les populations locales. Je pense qu’en termes de prévention il peut au contraire se révéler plus utile que les jeunes passent leur temps sur un terrain de football que dans la rue, la nuit, à casser des réverbères ou à perpétrer quelque forfait.
Or, en souhaitant établir un « couvre-feu » pour les mineurs de treize ans, que proposez-vous sinon de faire jouer le rôle de nounous aux gendarmes et aux policiers?
Mme Sandrine Mazetier. C’est ce qu’ils font déjà et ce n’est pas normal!
M. Michel Liebgott. Vous proposez aux gendarmes et aux policiers de faire la leçon à ces enfants, de leur expliquer que ce n’est pas bien de sortir la nuit, avant de les ramener chez leurs parents auxquels il sera conseillé de mieux les éduquer.
De mon point de vue, les policiers et les gendarmes n’ont pas à s’occuper des enfants mineurs de treize ans et moins; leur rôle reste d’arrêter les vrais délinquants. Et votre rôle à vous, dans cette perspective, est de nous donner les moyens d’un accompagnement pédagogique en faveur de ces enfants à la dérive, souvent parce qu’on ne s’occupe pas correctement d’eux au-delà du temps scolaire. Il faut certes discuter avec les parents mais je ne crois pas que les policiers et les gendarmes – à moins qu’ils ne soient en sureffectifs et formés à cette fin – soient les mieux à même de discuter psychologie avec les parents.
En ce qui concerne la vidéosurveillance, je l’ai moi-même expérimentée dans ma commune et j’y suis plutôt favorable de façon certes mesurée, après vérification que l’endroit en question nécessite vraiment d’être surveillé. Cependant, je ne souhaite pas la généralisation de ce dispositif, laquelle vous servira de prétexte pour, à nouveau, comprimer les effectifs des gendarmes, lesquels resteront derrière leur écran et ne se trouveront plus sur le terrain pour créer du lien social.
En Moselle, une commune d’à peu près la même dimension que la mienne, a fait le choix d’une police municipale comptant une vingtaine de membres pourvus de véhicules « quatre-quatre ». Or on ne vit pas mieux dans cette ville que dans la mienne ou dans d’autres, administrées par des élus de gauche qui, comme moi, ont décidé que les acteurs de la prévention, ceux de la sécurité et les élus locaux devaient travailler ensemble et non pas les uns contre les autres.
Il ne faut pas laisser accroire que tous les enfants sont des délinquants potentiels alors que le fond du problème réside dans l’oisiveté d’adultes qui parfois relèvent plus de la psychiatrie que de la police.
Votre texte montre que vous vous trompez du tout au tout. Il vous faut vous agiter, faire croire que vous vous intéressez à une situation qui se dégrade mais qui se dégrade parce que vous n’appliquez pas les bonnes méthodes alors qu’il convient d’affecter des effectifs à la hauteur des nécessités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lasbordes.
M. Pierre Lasbordes. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi sur la performance et la sécurité intérieure est un texte des plus importants et ce, à bien des égards.
Son ambition consiste à renforcer les moyens de notre politique de sécurité et de l’adapter aux nouvelles formes de délinquance qui prolifèrent, via , notamment, les réseaux modernes de télécommunication. N’oublions pas que, bien souvent, les progrès que l’homme réalise, il les utilise aussi pour se livrer aux dérives les plus choquantes.
Je pense en particulier à ce phénomène appelé communément cybercriminalité et pour lequel une modernisation des mesures de sécurité se révélerait indispensable. La Toile est devenue le nouveau terrain de jeu des criminels en tout genre et, dans ce contexte, Éric Ciotti, rapporteur de ce projet de loi, a utilisé la bonne formule: la lutte contre la délinquance est à présent une véritable guerre de mouvement.
Depuis quelques années, on observe un accroissement des cas d’usurpation d’identité: plus de 200000 victimes seraient concernées, chiffre colossal. Les techniques des usurpateurs sont bien rodées, et parmi elles le phishing – email émanant faussement de sa banque ou de son fournisseur d’accès à internet. Les dégâts, tant financiers que moraux, sont considérables.
Le projet de loi, en créant deux nouvelles infractions relatives à l’usurpation d’identité numérique, s’engage résolument dans la lutte contre ce phénomène. Mais le hacking n’est qu’une partie des faits d’usurpation, et il conviendra d’agir également sur l’appropriation de l’identité par papiers. Surtout, c’est une véritable éducation à la vigilance de nos concitoyens que nous devons développer : une étude du CREDOC a ainsi révélé que trop de Français, y compris les entreprises, connaissent le risque mais n’adoptent pas les bons réflexes pour s’en prémunir.
Autre fléau observé, et pas le moins grave : la diffusion, la transmission et la « consommation » d’images pédophiles sont en progression constante. Certes, des moyens sont mis en œuvre dans notre pays pour lutter contre ce phénomène, mais à l’heure de la mondialisation et du développement des échanges transfontaliers, toute action cantonnée à l’espace national ne pourrait avoir l’efficacité escomptée.
Aujourd’hui, la France affiche de bons résultats dans cette lutte, grâce notamment à la traque et à l’appréhension des criminels par les services de police et de gendarmerie. Mais à l’instar d’un certain nombre de nos voisins européens, il convenait d’introduire la possibilité du blocage des sites et contenus à caractère pédo-pornographique par les fournisseurs d’accès à internet. C’est chose faite grâce à ce projet de loi.
Il conviendra également, monsieur le ministre, de rassurer nos concitoyens quant aux conséquences de cette disposition sur leur liberté de communication et notamment sur les risques de « surblocage ». La sécurité de l’espace numérique passe en effet nécessairement par un équilibre entre protection et détection et entre surveillance et respect des libertés individuelles.
En tout état de cause, avec ce projet de loi, le ministère a pris pleinement la mesure de la gravité du phénomène et de l’urgence qui s’impose dans l’appréhension de ces comportements. Il donne ainsi tout son sens à l’adage qui veut que l’esprit de responsabilité soit le pendant de la liberté.
Autre point majeur du projet de loi : l’allocation de moyens supplémentaires au service de la politique de sécurité. A cet effet, des enveloppes seront ouvertes chaque année entre 2009 et 2013. Assurément, ces dispositions vont dans le bon sens, même si un œil attentif devra être gardé sur l’évolution des besoins des personnels concernés, compte tenu notamment de leurs nouvelles prérogatives. Matériels ou humains, les moyens alloués doivent aller de pair avec le dévouement dont ces derniers font preuve alors que leurs conditions de travail ne sont pas toujours des plus facile.
Lors de mes récentes rencontres avec les personnels de gendarmerie et de police de ma circonscription, le sentiment prédominant a été celui d’une adhésion aux nouvelles mesures, qui doivent néanmoins s’accompagner de moyens informatiques opérationnels. Or, ce n’est pas toujours le cas, monsieur le ministre. Aussi doit-on être soucieux du fonctionnement effectif de ces dispositifs, de la facilité à corriger leurs dysfonctionnements. Nous devons, enfin, nous assurer d’une meilleure facilité de fourniture de moyens supplémentaires, aujourd’hui trop complexe.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité de nos concitoyens, garante de notre pacte social, nous incombe d’être réactifs et de nous adapter au temps. Le texte proposé répond pleinement à cette nécessité. J’émets le souhait que les mesures qui y sont prévues soientt très vite suivies d’effets et facilement applicables : j’y insiste, il faut prendre garde de ne pas reproduire les difficultés d’application que l’on observe sur le terrain pour certains textes, je pense en particulier à la loi interdisant le regroupement dans les halls d’immeuble, qui fonctionne uniquement sur le principe de la récidive. La loi doit être aussi simple, lisible et évaluable que possible. Nos concitoyens attendent cette réforme de pied ferme, ne les décevons pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en guise d’entrée en matière, je me permettrai de citer le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, qui viennent conjointement d’appeler « les parlementaires et tous les citoyens soucieux du respect des équilibres démocratiques à s’opposer fermement à ce nouveau projet liberticide qui nous prépare une société du contrôle ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne m’attacherai, pour ma part, qu’aux dispositions qui visent à lutter contre la cybercriminalité car, ne serait-ce que sur ce sujet, il y a de quoi dire!
En ce qui concerne le délit d’usurpation d’identité sur le net, l’inquiétude vient tout d’abord de la notion même, qui n’est pas définie dans le texte, de ce qu’est l’identité d’un tiers ou les données qui lui sont personnelles sur internet. Ainsi, la crainte que ce texte permette de sanctionner les détournements parodiques, fréquents sur le web, s’est légitimement installée. Si ce risque relève du fantasme, il faudra alors lever le doute en précisant, par voie d’amendement, les dispositions de l’article 2 lorsqu’il viendra en discussion.
De fait, c’est à l’article 3 qu’apparaît de manière plus flagrante la tonalité générale du projet de loi : une méfiance à l’égard de tout ce qui vient d’internet. Il s’agit en effet, dans cet article, d’aligner, tenez-vous bien, les peines relatives à certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle quand ils sont commis par voie de communication au public en ligne, c’est-à-dire sur internet, sur celles déjà applicables lorsque le délit est commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou l’animal. On mesure toute la disproportion. La seule utilisation d’internet en la matière devient en soi une circonstance aggravante.
Comment pouvez-vous le justifier ? Internet n’est qu’un moyen de diffusion, un moyen de communication. Si l’on peut concéder qu’il rend la contrefaçon plus facile, cela ne change ni la nature ni la gravité du délit au point d’en aggraver les sanctions pénales.
Nous sommes inquiets quand, à nouveau et de manière répétée, nous assistons, au sein de cet hémicycle mais aussi dans le débat public, à une mise au banc des accusés de ce média qu’est internet. Nous avons vu, avec HADOPI et la censure historique du Conseil constitutionnel, jusqu’où l’aveuglement pouvait conduire.
Lorsque Jean-François Copé déclare qu’ « internet est un danger pour la démocratie », et quand Henri Guaino soutient que la transparence d’internet est « le début du totalitarisme », il y a là une diabolisation qui révèle combien vous est insupportable l’idée qu’internet est un moyen de communication que vous ne pouvez maîtriser, que vous ne pouvez contrôler.
Nulle candeur dans notre propos, car nous considérons qu’internet n’est après tout que le reflet d’une société où le meilleur côtoie le pire.
M. Christian Vanneste. Comme la langue d’Ésope.
M. Patrick Bloche. Et vous nous trouverez toujours au premier rang de ceux qui combattent la diffusion des idées racistes et antisémites, et des images pédopornographiques sur internet. Mais là encore, il est nécessaire d’être clair sur les moyens. De justes causes doivent-elles nécessairement renvoyer à des dispositifs de filtrage, comme le disait le Président de la République le mois dernier lorsqu’il présentait ses vœux au monde de la culture, ou à des mécanismes d’autocensure sous couvert de responsabilisation des hébergeurs, comme l’a suggéré le Premier ministre plus récemment? Nous le contestons d’autant plus que nous considérons que la neutralité du réseau est un enjeu central pour la liberté d’expression et de communication.
À cet égard, nous nous réjouissons que l’amendement de notre collègue Tardy visant à ce que seul un juge puisse accorder le blocage de l’accès à un site ait été adopté en commission. Nous sommes néanmoins très surpris de lire dans le rapport que la rédaction de cet article devra être modifiée en séance publique. Ce serait non seulement un retour en arrière regrettable, mais, au-delà, un risque pris par le Gouvernement, puisque, en envisageant de confier à une autorité administrative ce pouvoir de sanction débouchant sur un possible filtrage de l’accès à internet, il se heurterait, à n’en pas douter, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Quoi qu’il en soit, il nous semble incontournable de préciser que la « liste noire » établie doit bien être constituée d’URL précises, et non de domaines entiers. En effet, à défaut, en voulant filtrer un site « pédopornographique », il y aura un risque non négligeable que soit bloqués non seulement une adresse mais le domaine tout entier qui contient d’autres sites parfaitement légaux. C’est d’ailleurs pour ne pas prendre ce risque trop important de surblocage qu’en Allemagne, le président Horst Köhler a refusé de promulguer la loi connue sous le nom d’ Internetsperren-Gesetz.
Au-delà, comment ne pas avouer notre perplexité en constatant que vous vous attaquez, dans ce texte, uniquement aux moyens de diffusion de contenus illégaux? Ces dispositions ne s’attaquent ainsi qu’à la manifestation, au moyen de diffusion, et non à la cause – les auteurs des contenus en question –, ni aux conséquences, celles qui affectent les victimes.
C’est sans aucun doute là que se situent toutes les limites de l’exercice que vous nous imposez soudainement à la veille des élections régionales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron.
M. Gérard Gaudron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure arrive en discussion bien que, pour la septième année consécutive, la délinquance soit en baisse. En effet, elle a baissé de 14,4 % depuis 2002, même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde.
Mme Sandrine Mazetier. Qu’est-ce que ça veut dire, ça?
M. Christian Vanneste. Que ça ne fait pas plaisir aux délinquants!
M. Gérard Gaudron. La sécurité est un droit pour tous, et ce projet de loi va permettre de réactualiser la stratégie et les moyens déployés contre la délinquance qui, hélas, est toujours présente dans de nombreux secteurs et s’adapte en fonction des événements.
Certes, c’est encore un nouveau texte, mais, comme chacun le constate, la délinquance sait s’adapter et mute : les menaces changent de nature, se multiplient, et pour que les forces de l’ordre soient les plus réactives possible, l’aménagement des textes est nécessaire. C’est un gage d’efficacité.
Le phénomène des bandes en est d’ailleurs une excellente illustration. Il démontre que la criminalité est mobile, qu’elle peut frapper partout et à tout moment !
Pour aider les forces de police dans leur lutte contre la délinquance, la vidéoprotection est un outil approprié, et l’objectif de triplement de ce dispositif est parfaitement légitime : le retard pris par rapport à d’autres pays en la matière est à cet égard regrettable.
Plus près de chez nous, dans de plus en plus de communes, à Aulnay-sous-Bois par exemple, la vidéoprotection est désormais acceptée par tous. Pourtant, au moment où je l’ai fait installer, en 2004, l’opposition de gauche a crié au loup. J’en ai entendu quelques-unes! Les plus grandes critiques fusaient sur les atteintes portées aux libertés fondamentales, à une époque où dans n’importe quel supermarché on est filmé. C’est assez extraordinaire.
Aujourd’hui, la population réclame l’extension du périmètre d’installation de la vidéoprotection car, chacun le constate, les villes dotées de ce dispositif ont vu leur délinquance baisser et le sentiment d’insécurité diminuer dans les espaces vidéosurveillés.
D’ici à 2011, ce sont près de 60000 caméras de vidéoprotection qui seront installées sur l’ensemble du territoire, contre 20000 aujourd’hui. Ce triplement va dans le sens souhaité par la population, y compris par celle de Seine-Saint-Denis.
Mais lutter contre l’insécurité, cela suppose encore et avant tout des moyens humains et matériels en nombre suffisant. Le département de la Seine-Saint-Denis est particulièrement demandeur, vous le savez bien, monsieur le ministre. Et même si des efforts ont été faits dans ce domaine, même si, par exemple, le Stade de France est désormais surveillé par des équipes spécifiques lors des grandes manifestations, ce qui ne désorganise plus le fonctionnement de nos commissariats les jours de match, le besoin de moyens supplémentaires reste réel en Seine-Saint-Denis.
La création d’une police d’agglomération assurant la sécurité de plus de 6 millions de personnes sous la houlette du préfet de police est un gage d’amélioration de l’efficacité de la lutte contre l’insécurité.
Dans un autre domaine, le renforcement des pouvoirs de la police municipale va également dans le bon sens. Les polices municipales doivent continuer d’agir en cohérence et en bonne intelligence avec la police nationale.
Cependant, il faudra rapidement revaloriser le statut des policiers municipaux, notamment en termes de grilles indiciaires, lesquelles devraient être alignées sur celles de la police nationale. C’est actuellement l’une des principales revendications des policiers municipaux, et compte tenu de la proximité de leur travail avec la police nationale, cette revendication me semble légitime.
La question du couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans n’est plus taboue, même si la responsabilité des parents est en cause, et qu’elle reste pleine et entière. La société ne peut plus tolérer que de jeunes enfants errent la nuit, encore à vingt-trois heures, risquant de mauvaises rencontres, risquant de faire de mauvais coups, et faisant ainsi augmenter le sentiment d’insécurité.
Il était donc important d’avoir la possibilité d’organiser ce couvre-feu-là où il est nécessaire. Pour l’avoir utilisé, je sais que c’est une mesure efficace. On a vu des parents descendre des immeubles avant l’heure fatidique pour récupérer leurs jeunes enfants, ce que, sans cette mesure, ils n’auraient jamais fait.
Ces dernières semaines, des actes d’une violence inadmissible ont été perpétrés dans les stades, malgré nombre de mesures préventives. Il convient donc de rendre celles-ci encore plus efficaces, en associant et en responsabilisant davantage les acteurs sportifs, ainsi qu’en étant encore plus dur avec les fauteurs de troubles.
Il y a quelques jours, 1’agression ignoble de deux personnes âgées a ému nos concitoyens. S’en prendre à des personnes faibles est un acte odieux et là aussi, il faut rendre plus sévère la répression de tels actes, comme vous le proposez, monsieur le ministre.
Vos propositions concernant la cybercriminalité, l’usurpation d’identité, la lutte contre les délinquants de la route vont naturellement dans le bon sens. Je ne m’y attarderai pas, d’autres l’ont déjà dit.
Monsieur le ministre, le Gouvernement et notre majorité se sont engagés auprès de nos concitoyens pour leur assurer tranquillité et sécurité sur l’ensemble du territoire national. C’est notre mission. Ce projet de loi va dans le bon sens et recueille donc notre soutien.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Merci.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax.
M. Jacques Valax. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour légiférer sur l’énième loi sécuritaire du gouvernement Fillon-Sarkozy. Des lois sécuritaires, depuis 2002, il y en a eu dix-sept, qui tentent, prétendument et en vain,…
M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République . Pas en vain, avec efficacité!
M. Jacques Valax. …de faire face aux problèmes de délinquance et de déviance. En réalité, votre politique de « sécurité globale », de « tolérance zéro » agit comme une torpille en détruisant le peu qui existe déjà et en réduisant à néant toute tentative de perfectionnement de la société, notamment en matière de criminalité. En effet, et c’est le plus gros reproche que je me permets de vous faire, monsieur le ministre, vous organisez les pratiques policières et judiciaires comme des pratiques militaires. Ces pratiques ne sont pas et ne seront jamais des outils efficaces pour lutter contre la criminalité locale et la petite délinquance, qui sont sources de maux quotidiens pour nos concitoyens.
Les chiffres – que vous utilisez pourtant à des fins plus ou moins propagandistes – sont contre vous.
M. André Wojciechowski. Mieux vaut entendre cela qu’être sourd!
M. Jacques Valax. Le dernier bilan annuel de l’observatoire national de la délinquance le montre. Vous n’en retenez qu’une seule catégorie de crime, celle des atteintes aux biens. Sur ce sujet, je le concède, la baisse serait significative, mais nous connaissons les raisons objectives pour lesquelles ces atteintes aux biens matériels vont décroissant. Toutefois, vous oubliez de citer la totalité du rapport d’Alain Bauer. Ainsi, nous, socialistes, sommes obligés de faire remarquer que les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont augmenté de 16 % depuis l’arrivée au ministère de l’intérieur en 2002 de M. Sarkozy. Voilà votre méthode: tromper l’opinion et mettre en place des stratégies inefficaces voire contreproductives!
M. André Wojciechowski. Qu’ont fait les autres?
M. Jacques Valax. Le tout répressif que vous prônez nous paraît une tentation facile et dangereuse. Facile, car elle vous permet d’instiller dans la population un climat d’insécurité – thème de campagne que vous manipulez avec volupté, en vue de toucher une certaine catégorie d’électeurs. Dernièrement, monsieur le ministre, vous avez clairement voulu aguicher, pardonnez-moi l’expression, la population des aînés en prévoyant dans ce projet de loi fourre-tout un amendement émotionnel aggravant les peines en cas d’atteintes aux personnes âgées.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Si vous êtes contre, dites-le!
M. Jacques Valax. Au-delà de l’aspect juridique de cet amendement, qui me semble anticonstitutionnel,…
M. André Wojciechowski. Facile!
M. Jacques Valax. …il existait dans la loi, suffisamment de réponses pour parer et sanctionner ce type d’actes honteux, sur la qualification desquels nous sommes d’accord. Écoutez-moi, monsieur le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je vous écoute, c’est passionnant!
M. Jacques Valax. J’ai été avocat pendant trente ans, et j’ai souvent protesté contre des citations juridiques incomplètes, des citations directes qui ne visaient pas l’ensemble des poursuites. S’agissant du problème des agressions contre les aînés, ce sont tout bêtement les circonstances aggravantes qui peuvent être invoquées lors de la citation à comparaître ou lors de l’audience au tribunal. Elles répondent parfaitement au problème juridique que vous semblez vouloir résoudre aujourd’hui par une nouvelle disposition législative.
Votre politique répressive, épidermique, qui vogue au gré des faits divers, nous paraît n’avoir pour seule ambition que la communication. C’est la réalité!
Mais elle nous semble être aussi le fruit d’une réflexion plus dangereuse et plus difficile à percevoir pour l’homme de la rue – ce n’est pas péjoratif dans ma bouche. Cette façon de faire est dangereuse, car elle met en place plusieurs dispositions aux conséquences désastreuses, des mesures qui s’apparentent à un véritable contrôle social.
Cela concerne, en premier lieu, le contrôle des nouveaux moyens de communication. Ici, c’est internet qui est fortement mis à mal.
M. André Wojciechowski. Il faudrait déjà les mettre en place partout!
M. Jacques Valax. Selon certains, il s’agit ni plus ni moins « de l’enterrement en première classe de la notion de neutralité d’internet ». La LOPPSI 2, c’est le « cheval de Troie » qui permet, après HADOPI, une remise en cause totale de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
M. André Wojciechowski. Vous ne pouvez pas dire cela, c’est un facteur de développement!
M. Jacques Valax. Vous répondrez tout à l’heure, cher collègue.
M. André Wojciechowski. Avec grand plaisir.
M. Jacques Valax. Laissez-moi parler, car mon temps de parole est surveillé par mon propre groupe! (Sourires.)
Ainsi, l’article 4, bien que modifié a minima en commission et contre l’avis du rapporteur, va permettre la mise en place d’un filtrage total qui aura pour conséquence première le renforcement d’un marché parallèle de réseau informatique. Le non-filtrage permet aujourd’hui aux enquêteurs de pister les pédophiles; à l’inverse, le filtrage rendrait, à court terme, impossible aux enquêteurs de retrouver les traces des pédophiles. Selon un service de la gendarmerie spécialisé dans la lutte contre la pédophilie, les seuls outils efficaces restent l’augmentation des moyens humains et financiers,…
M. Claude Goasguen. Classique!
M. Jacques Valax. …et la formation de ces personnels, dont on connaît déjà la compétence et qui souhaitent être encore plus et mieux formés.
Votre projet de loi est non seulement inefficace,…
M. André Wojciechowski. Vous pouvez le voter, alors!
M. Jacques Valax. …il engendrera des désastres que nous ne mesurons encore que très peu. Pour illustrer mon propos et détendre un peu l’atmosphère, je prendrai l’exemple des colons australiens qui, ne mesurant pas la portée de leurs actes, introduisirent sur leur territoire une vingtaine de lapins d’origine anglaise. Ceux-ci finirent par se répandre par millions sur plus de la moitié du continent et devinrent un véritable fléau. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) La mise en place du filtrage ne produira pas, dans un premier temps, d’effets néfastes, puis, tout d’un coup, il y aura une véritable explosion, et les pédophiles se répandront sans risque aucun sur un système parallèle.
M. Claude Goasguen. Encore un coup des lapins!
M. Christian Vanneste. Ce seront les lapins qui sortent du chapeau!
M. Jacques Valax. En second lieu, le contrôle social s’opère par des dispositions en matière de vidéosurveillance.
M. André Wojciechowski. Les grandes oreilles sont ailleurs!
M. Jacques Valax. Les différents articles abordant le sujet mettent en lumière la volonté du Gouvernement d’étendre au privé, voire de lui confier – c’est le risque –, la possibilité de contrôler la voie publique et d’enregistrer les images. Par ce projet de loi, il veut mettre en place une « collaboration » à la sécurité, chacun devant participer de plus en plus à cette politique sécuritaire.
Ainsi, votre politique affaiblit de façon inexorable, irrémédiable et systématique la distinction entre public et privé.
M. Claude Goasguen. Tant mieux!
M. Jacques Valax. C’est la fin du monopole de la violence légitime que revendique l’État et dont la compétence en la matière est le rôle premier.
M. Jacques Valax. Cette apparition de plus en plus flagrante du privé dans les politiques de sécurité est la conséquence directe de la baisse répétée des effectifs dans la police.
D’ici à 2011, plus de 9000 postes seront supprimés. Votre projet loi doit en effet répondre à la RGPP, qui diminue considérablement le nombre des fonctionnaires de police. Vous agissez dans un but purement comptable, au détriment de la sécurité de tous. Voilà ce que nous vous reprochons.
Pour répondre à ce manque de personnels, pour faire face à la violence aux personnes qui ne cesse d’augmenter depuis l’arrivée aux responsabilités de M. Sarkozy, et aussi depuis la fin de la police de proximité que nous payons aujourd’hui au prix fort, le Gouvernement tente par tous les moyens de trouver une police de substitution. Ainsi, le Gouvernement voudrait se servir des polices municipales pour pallier cette diminution de postes dans la fonction publique.
M. André Wojciechowski. C’est faux!
M. Jacques Valax. Les policiers municipaux n’ont pas vocation à assurer le maintien de l’ordre; ils restent, à ce jour, une force de tranquillité et une police administrative au service du maire.
M. André Wojciechowski. Vous avez raison.
M. Jacques Valax. De plus, cette police est à la charge financière de la municipalité et non de l’État. Ainsi est faite la démonstration que le Gouvernement cherche à transférer ses dépenses aux collectivités locales. Une fois de plus, l’État se désengage de ses prérogatives sans attribuer de nouveaux crédits aux collectivités locales.
Une fois encore, le gouvernement Fillon-Sarkozy, après avoir muselé le Parlement, piétiné la justice,…
M. André Wojciechowski. Procès d’intention!
M. Jacques Valax. …s’apprête à piller les collectivités locales.
M. Christian Eckert. Vous êtes bien placés pour le savoir!
M. Jacques Valax. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de rétablir une politique qui conjugue prévention, répression et réinsertion. Si vous ne pouvez que me suivre sur ce terrain, monsieur le ministre, car cela figure dans le rapport, vous n’accordez pas la même signification aux mots.
Pour nous, la prévention passe par le renforcement des postes dans l’éducation nationale. C’est le premier élément de la pyramide que nous voulons construire. Nous sommes convaincus que la baisse de la délinquance trouve son origine dans une prévention précoce, notamment par la lutte contre la déscolarisation des moins de seize ans.
M. André Wojciechowski. Les médiateurs et les parents ont un rôle à jouer pour cela!
M. Jacques Valax. Quant à la répression, elle passe par la réduction des délais de sanction. C’est au premier acte délictueux que les sanctions sont les plus dissuasives, et la rapidité de la sanction permet que cette dernière soit comprise.
M. André Wojciechowski. Vous avez raison.
M. Jacques Valax. La répression passe aussi par la réhabilitation et le renforcement de la police de proximité.
M. Claude Goasguen et M. Christian Vanneste. Très bien!
M. Jacques Valax. Cette police fait aujourd’hui défaut à votre politique.
M. André Wojciechowski. M. le ministre va la faire!
M. Jacques Valax. Enfin, la réinsertion passe par le renforcement des moyens de la justice. Les aménagements de peine visent à préparer la réinsertion, lutter contre la récidive, maintenir ou restaurer les liens familiaux, sociaux et de travail. Pour cela, il faut renforcer les moyens du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
M. André Wojciechowski. Il faut d’abord construire des prisons!
M. Jacques Valax. Dans tous les cas, notre choix politique met en avant l’augmentation nécessaire des moyens humains. La lutte contre la délinquance et l’insécurité ne peut être efficace que si elle est encadrée et contrôlée par un dispositif humain en nombre suffisant et hautement qualifié.
Voilà les raisons pour lesquelles nous ne partageons pas l’analyse qui est la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Claude Goasguen et M. Christian Vanneste. Très bien!
M. André Wojciechowski. Police municipale et police nationale, même combat!
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs jours, nous revient aux oreilles un discours qui voudrait faire croire aux Français que notre État manquerait d’effectifs pour mener à bien ses missions. Puisque l’orateur qui vient de me précéder s’est, lui aussi, fait le relais de l’insuffisance de ces effectifs et que le groupe socialiste a rappelé, lors des questions au Gouvernement, l’importance qu’il fallait attacher au rapport annuelde la Cour des comptes,…
M. Bruno Le Roux. Exact!
M. Yves Nicolin. …je voudrais citer un autre de ses rapports concernant les effectifs de la fonction publique d’État, hospitalière et territoriale. Pour mémoire, en 1980, la France comptait 2173169 fonctionnaires d’État; en 2007, ils étaient 2489484, soit plus de 311000 fonctionnaires supplémentaires.
Mme Sandrine Mazetier. Pour combien de Français en plus?
M. Yves Nicolin. Comme vous êtes assez prévisibles (Sourires) , j’avais anticipé cette question: pour 13 % de Français en plus, il y a eu 14,3 % de fonctionnaires d’État supplémentaires.
Tout cela pour vous dire que, bien évidemment, non seulement l’État français ne manque pas de fonctionnaires, mais il en a accru le nombre davantage que sa population n’a augmenté, et cela dans toutes les administrations, en particulier en matière de sécurité.
Je souhaite tout d’abord, monsieur le ministre, exprimer ma satisfaction de pouvoir débattreavec vous d’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Chaque fois que nous avons une élection dans notre pays – et il y en a quasiment tous les ans – on nous fait le coup qu’il ne faudrait pas débattre à l’Assemblée nationale ou ailleurs de sujets qui intéressent les Français.
Mais la sécurité tient une place prépondérante dans le quotidien des Français. Aussi ce débat qui nous permet de faire le point sur l’action gouvernementale dans ce secteur est-il primordial.
Bien évidemment, chacun dira que les chiffres peuvent être manipulés et servir telle ou telle cause. Mais force est de constater que depuis 2002, qu’on les prenne dans un sens ou dans un autre, les chiffres de l’insécurité s’améliorent. L’insécurité, qui s’était fortement aggravée entre1981 et2001, a significativement régressé, notamment au cours des cinq dernières années. Malheureusement, beaucoup de nos concitoyens n’ont pas, en particulier dans certaines villes, ce sentiment. Il faut donc aller plus loin, dans le respect des libertés, car l’attente de protection des Français est grande.
L’action du Gouvernement est importante et je souhaite, à l’occasion de ce débat, vous dire, monsieur le ministre, que vos propositions en particulier dans le domaine de la vidéoprotection, sont attendues et bienvenues.
Le plan de développement initié par le Président de la République en 2007 a déjà permis des avancées significatives. Le fonds interministériel de prévention de la délinquance a contribué au financement de 315 projets vidéo en 2007, 310 en 2008 et 538 en 2009. Il a été abondé en 2009 pour compléter l’équipement de 75 communes et sécuriser plus de 100 établissements scolaires. En trois ans, 10000 caméras et 42 millions d’euros ont été mis au service de la sécurité quotidienne des Français dans ce seul secteur.
Aussi, l’objectif affiché de tripler d’ici 2012 le nombre de caméras installées sur le territoire, tout en renforçant les garanties de nature à assurer le respect de la vie privée des personnes filmées, est très important…
M. André Wojciechowski. C’est vrai!
M. Yves Nicolin. …et va permettre de réaliser des progrès dans la lutte contre l’insécurité. Tout le monde devrait s’en réjouir, car chacun souhaite, bien évidemment, que le calme puisse revenir dans certains quartiers et que, par conséquent, la protection des Français soit assurée.
La vidéoprotection est un outil efficace – nous le savons – pour prévenir et lutter contre la délinquance. Dans les villes où elle est présente, la délinquance baisse deux fois plus vite et 81 % des Français approuvent cette méthode.
M. André Wojciechowski. C’est très juste!
M. Yves Nicolin. Je peux témoigner des résultats obtenus grâce en partie à la vidéoprotection sur le territoire de la ville de Roanne, et à l’installation de caméras dans certains sites sensibles. Les effets ont été immédiats et lui ont permis, en 2004, d’être classée quatrième de ville de France la plus sûre.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que cette volonté qu’affiche le Gouvernement recueille mon entier soutien. C’est donc en toute confiance que je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre, comme vous le pouvez le constater, de nombreux élus de Seine-Saint-Denis et des quartiers populaires plus généralement, interviennent dans ce débat, tant les attentes sont nombreuses et tant est profond le sentiment de sérieux qui nous anime, les uns et les autres, pour aborder ce sujet.
Je formulerai plusieurs remarques.
Ma première remarque consiste à dire qu’il faut maintenant que les plus hautes autorités de l’État donnent l’exemple sur ce sujet.
J’ai très mal vécu, monsieur le ministre, je l’ai déjà dit à cette tribune à votre prédécesseur, en qualité d’élu de La Courneuve, la venue du ministre de l’intérieur de l’époque, qui avait dit qu’il fallait nettoyer une ville qui ne demandait pas à être nettoyée, mais à être sécurisée.
M. Christian Paul. Très bien!
M. Daniel Goldberg. Nous devons cesser les coups de menton, les gesticulations. Tenons-nous en là. Nos quartiers n’en peuvent plus d’être montrés du doigt. Cela exacerbe les tensions et ne règle rien sur la durée. Il ne faut pas jouer avec une question qui fait souffrir trop d’habitants dans nos villes.
La deuxième remarque que je voulais formuler est qu’il peut y avoir, j’en suis persuadé, un consensus républicain sur ces questions. Tous les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, ont accepté la coproduction sur certaines questions de sécurité depuis le lancement des premiers contrats locaux de sécurité, alors même que cette question relève pleinement de la responsabilité de l’État.
Tous ont accepté, il y a maintenant plus de quinze ans, le transfert par exemple des cartes nationales d’identité, des passeports, dans leur mairie, pour que les fonctionnaires de police soient déchargés de questions administratives pour être plus présents sur le terrain.
M. André Wojciechowski. Ce n’est pas simple!
M. Daniel Goldberg. Pour que ce consensus républicain soit possible et existe vraiment, il faut que la responsabilité soit effective et le respect de la parole donnée soit au rendez-vous.
Pour cela, il ne sert à rien d’asséner, notamment au sein des réunions de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des informations selon lesquelles les chiffres de la délinquance sont en baisse, en dépit de tous les signaux d’alerte que de nombreux élus et de nombreux habitants, notamment dans nos départements, lancent, mois après mois. On peut bien sûr mélanger tous les chiffres. Mais je constate que pour ce qui concerne les atteintes aux personnes, les vols avec violence – sans que je m’en réjouisse, croyez-le bien – la situation s’est dégradée dans nos quartiers. Des faits de plus en plus nombreux et de plus en plus violents sont constatés. Les nier décrédibilise l’action de l’État.
Acceptons des outils communs pour évaluer de manière partagée et incontestable la situation. Nous vous proposons donc la création d’un Observatoire départemental de la délinquance pour ce qui concerne la Seine-Saint-Denis.
Le deuxième point que je souhaite mettre en avant, en termes de responsabilité, concerne les effectifs et les moyens. Il ne s’agit pas de vouloir, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, mettre un agent derrière chaque citoyen. La réalité est que nous manquons de policiers dans notre département, eu égard au nombre d’habitants et aux difficultés rencontrées. Nous avons besoin de policiers plus nombreux, plus expérimentés et maintenus en poste durablement. C’est pourquoi nous demandons un véritable plan de rattrapage pour la police, mais aussi pour la justice dans notre département et nous voulons que la clarté et la transparence soient faites sur les effectifs de police et leur ventilation dans les différents commissariats. Nous espérons que vous l’accepterez, monsieur le ministre, à l’occasion de notre débat.
Le troisième point que je souhaite évoquer concerne la vidéosurveillance. Pas de faux débat entre nous, j’en ai moi-même fais installer en qualité d’élu régional dans un certain nombre de lycées dont j’avais la responsabilité. Mais la vidéosurveillance n’est pas un remède miracle. Ce n’est pas une réponse à tout, elle n’est pas non plus inutile. Je vais vous citer l’exemple de la commune dont je suis l’élu. Elle a décidé d’installer, l’année passée, treize caméras. Cela a coûté à La Courneuve 543000 euros en d’investissement et 242000 en fonctionnement, soit un total de 785000 euros, auxquels il faudra ajouter, chaque année, les dépenses de fonctionnement. La subvention accordée à cette commune pour l’installation des caméras a été de 104000 euros, soit un coût pour cette ville de 680000 euros, sur une année, pour faire fonctionner ses caméras.
Mme Delphine Batho. Et voilà!
M. Daniel Goldberg. Indépendamment de l’utilité ou non, nous sommes dans une situation que je qualifierai du « tout vidéosurveillance », et non pas de la vidéosurveillance. Il s’agit pour l’État d’une sécurité low cost.
M. Christian Eckert. Quelle démonstration!
M. Daniel Goldberg. Elle est de moindre coût pour l’État, puisqu’elle substitue la technologie à la police de proximité, elle est à moindre coût car elle fait prendre en charge sa mise en place par les municipalités.
Aucune étude sérieuse n’a permis de vérifier l’utilité du dispositif pour améliorer la prévention et éviter le passage à l’acte. En revanche – il faut le reconnaître – pour l’élucidation d’un certain nombre de faits constatés, les forces de la police nationale ont pu utiliser les images prises pendant cette année. Il faut savoir que 115 images ont été réquisitionnées par le commissariat local. Cela signifie qu’une image utilisée pour l’élucidation des faits a coûté à l’ensemble de la puissance publique 6826 euros. Sur cette somme, la ville a dépensé 5913 euros pour une seule image utilisée.
M. Manuel Valls. C’est jeter l’argent par les fenêtres!
M. Christophe Caresche. L’argent des autres!
M. Christian Paul. C’est toujours l’argent des Français!
M. Daniel Goldberg. Nous disons donc que le « tout vidéosurveillance » n’est pas la solution. C’est votre politique et, de plus, vous la faites assumer par les collectivités territoriales.
M. André Wojciechowski. C’est faux!
M. Daniel Goldberg. Je viens de le démontrer, cher collègue.
De plus, selon nous, cela ne règle rien durablement. Ce n’est pas en pointant une caméra à un endroit que l’on réglera le problème de l’insécurité dans nos quartiers.
M. André Wojciechowski. Il faut une convergence!
M. Daniel Goldberg. J’affirme, pour conclure, que nous avons besoin, particulièrement dans mon département de Seine-Saint-Denis, d’une présence humaine plus nombreuse et plus encore dans les quartiers populaires qu’ailleurs, d’une présence humaine de proximité, de quartier, de territoire – appelez-la comme vous le souhaitez –, d’une présence humaine plus nombreuse permettant de rassurer, de dissuader, qui redonne confiance et qui sanctionne.
C’est tout cela que nous avions soutenu dans la démarche de Mme Michèle Alliot-Marie lorsqu’elle avait annoncé la mise en place des UTEQ. C’est ce à quoi nous étions attentifs lorsque l’on nous a parlé de la généralisation des unités territoriales de quartiers au cours de l’année passée. C’est ce que nous ne voyons pas venir dans la réalité quotidienne que nous vivons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Manuel Valls. Ça, c’est du vécu!
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin.
Mme Catherine Vautrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité, nous le savons tous, tient, bien sûr, une place prépondérante dans les préoccupations majeures de nos concitoyens. Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez apporte des réponses très concrètes.
Pour autant, je voudrais, en quelques minutes, appeler votre attention sur un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans notre pays: l’usurpation d’identité.
Chaque année, en France, plus de 210000 Français, parmi lesquels 4,2 % pendant les dix dernières années, seraient confrontés à cette criminalité discrète mais dont les conséquences sont le plus souvent ennuyeuses et parfois dramatiques.
C’est un phénomène plus important que les cambriolages à domicile et que les vols d’automobile. Pour autant, il n’existe pas de législation spécifique pour lutter contre ces actes malveillants et souvent traumatisants pour les victimes.
Cette infraction existe depuis vingt ans, elle connaît une croissance de 40 % par an. Les usurpations d’identité seraient le plus souvent commises pour tromper les banques, obtenir des aides sociales, un permis de conduire parfois, voire se marier, ou obtenir la nationalité française.
Le coût global de ce phénomène pour la société est très élevé pour notre société. On évoque 474 millions d’euros pour les assureurs et les particuliers, 1,4 milliard de préjudice pour l’UNEDIC, d’un milliard pour la Caisse nationale d’assurance-maladie, d’un milliard pour la Caisse d’allocations familiales, soit un total de presque quatre milliards d’euros pour notre société.
On peut également examiner le coût individuel moyen d’une usurpation. Il est estimé à 2229 euros, cumulant les détournements – argent, aides sociales –, le montant des démarches administratives et judiciaires et les coûts supplémentaires générés par cet imbroglio, qu’il s’agisse des médecins, des frais postaux.
Après le remboursement par les assurances des personnes abusées, le montant moyen restant à la charge de la victime est de 1556 euros.
Je voudrais aussi insister sur les conséquences psychologiques, souvent dramatiques: 75000 personnes sont chaque année amenées à devoir faire la preuve de leur identité et il arrive que certaines victimes mettent des années à prouver à l’administration leur véritable identité, ou encore ne parviennent pas à faire effacer le préjudice de leur état civil. Je pense à une personne dont le mariage a été annulé pour cause d’usurpation et qui ne parvient pas à faire supprimer de son extrait d’état civil le fait d’avoir été mariée, alors qu’elle n’a en fait jamais été mariée.
Tout cela cause de nombreuses difficultés, 10 % des victimes sont malades et 13 % ont été assignées en justice. Un cinquième d’entre elles sont sorties particulièrement traumatisées de l’expérience.
En France, le délit d’usurpation d’identité est souvent traité de manière connexe dans le cadre d’une escroquerie ou d’un abus de confiance, contrairement à ce qui se passe par exemple au Canada, où le simple fait d’emprunter l’identité de quelqu’un est considéré comme un acte criminel puni d’une peine d’emprisonnement de dix ans.
Par ailleurs, l’article434-23 du code pénal punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amendes « le fait de prendre le nom d’un tiers » uniquement si la victime encourt une condamnation pénale du fait des actes commis par l’usurpateur.
Dans l’article 2 de votre projet de loi vous prévoyez, monsieur le ministre, de créer une nouvelle infraction relative à l’usurpation d’identité numérique face au développement du phénomène du hacking . Il s’agit d’une initiative particulièrement intéressante, mais je voudrais élargir l’infraction, qui ne prend en compte que les réseaux de communications. En effet, il me semble nécessaire de ne pas se limiter aux usurpations d’identité numérique. C’est d’ailleurs le sens de mon premier amendement à l’article 2 du projet de loi.
Un autre de mes amendements a pour objet de préciser la formulation de l’article 2. En effet, la formulation « données qui lui sont personnelles » renvoie à des données qui ne permettent pas nécessairement l’identification d’une personne ou l’atteinte à son anonymat, alors que les « données de toute nature permettant de l’identifier » sont celles que le texte nouveau souhaite protéger de l’utilisation malveillante.
Je voudrais ensuite insister sur le fait que les usurpations d’identité numérique représentent une partie infime des faits d’usurpation. Contrairement à ce que l’on pourrait penser à l’heure d’internet, le principal vecteur d’usurpation est constitué par les documents papiers, les poubelles des particuliers, et trop souvent encore celles des administrations, recèlent des trésors pour les usurpateurs!
C’est pourquoi il me semble indispensable de légiférer aussi sur l’usurpation d’identité générique qui pèse le plus sur la population, à savoir l’appropriation de l’identité d’un tiers pour se faire délivrer des documents, toucher des allocations ou contracter des emprunts.
C’est pour toutes ces raisons que je souhaite voir créer un délit d’usurpation d’identité générique puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. C’est d’ailleurs le sens de mon dernier amendement que j’ai déposé avec plusieurs de mes collègues à l’article 2, alinéa 4.
La performance de la sécurité intérieure passe aussi par une condamnation des délits; l’usurpation d’identité doit être reconnue pour être sanctionnée. Tel est le sens de mes amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de la LOPPSI appelle de ma part trois remarques. En premier lieu, je soulignerai l’axe fort de ce texte: adapter la sécurité à l’évolution de la délinquance. Face à un glaive de plus en plus mobile, international, cybernétique ou à la simple violence, la société oppose un bouclier qui présente deux faces. La première est rassurante. Il s’agit de moderniser et d’équiper. C’est le développement des moyens techniques et la rationalisation de leur utilisation qui vont permettre de continuer l’amélioration des résultats observés pratiquement de manière continue depuis 2002. C’est la vidéoprotection, ce sont les drones, c’est la concentration des personnels sur leur cœur de métier, ce sont les améliorations des fichiers qui vont accroître les performances.
Une telle évolution peut susciter une inquiétude pour les libertés individuelles. Il faut toutefois être lucide: toute société repose sur un équilibre entre liberté et contrôle social.
M. Jacques Myard. Très bien!
M. Christian Vanneste. Plus l’autonomie des individus augmente, plus leur mobilité s’accélère, plus la technique décuple leur capacité d’agir et de communiquer, plus la possibilité de la déviance et le risque de délit sont multipliés. Le village numérique mondial cher à Didier Lombard est quand même beaucoup moins sûr que le village tout court ou le village des indiens Nambikwara cher à Claude Lévi-Strauss. À l’autocontrôle initié par une éducation semblable et univoque, doit se substituer un contrôle a posteriori , plus lointain, plus matériel. Le tout est de veiller à ce qu’il ne soit pas excessif, oppressant et qu’il ne s’étende pas au-delà du danger. La LOPPSI me paraît respecter ce double objectif.
Mais le bouclier a aussi un revers qui peut faire naître une crainte plus fondée. La réponse technique ne doit pas masquer le recul de la réponse humaine.
M. Manuel Valls. Voilà!
M. Christian Vanneste. Le léger fléchissement des crédits est certes compensé par un doublement des investissements et des équipements; mais les moyens techniques ne peuvent pas tout.
M. Manuel Valls. Très juste!
M. Christian Vanneste. Je constate par exemple que si la qualité, notamment écologique, des véhicules va s’améliorer, leur nombre va diminuer de 31500 à 28500 pour la police en particulier. Le souci environnemental est louable, mais si certains évoquent aujourd’hui la pollution lumineuse, le bon sens préfère maintenir dans bien des endroits un éclairage rassurant. De même, on voit mal comment moins de véhicules pourraient assurer une plus grande présence policière.
M. Manuel Valls. En effet!
M. Christian Paul. Même M. Vanneste le dit!
M. Christian Vanneste. Or cette présence, si elle doit être mobile et non statique, est plus que jamais indispensable.
Le second point que je voulais souligner tient à la montée angoissante de la violence contre les personnes.
Mme Delphine Batho. Oui!
M. Christian Vanneste. Une situation familiale explosive, une relation tendue de voisinage, une cigarette refusée, une réprimande d’enseignant, un simple mauvais regard, et c’est le drame. La vidéoprotection permettra souvent d’arrêter l’auteur. Elle ne permettra pas d’intervenir avant que le couteau ne sorte. Si la police de proximité apparente de la fin des années 1990 avec ses adjoints de sécurité sans formation ni pouvoir a été contreproductive, la réussite de la police d’investigation remise à l’honneur par Nicolas Sarkozy n’est pas suffisante. Il ne suffit pas d’élucider les faits passés et de dissuader, il faut aussi prévenir, par l’information, par le contact, par la coproduction avec la population d’une sécurité collective. Il faut poursuivre et amplifier, monsieur le ministre, l’expérience des UTEQ. Celle qui a été implantée dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing donne satisfaction. La violence est une dérive humaine qui a besoin d’une réponse humaine. Dans tous les quartiers, même les plus sensibles, la police citoyenne doit être présente non comme une armée d’occupation avec ses drones, ses caméras et ses armes sophistiquées, mais comme un poisson dans l’eau, pour reprendre une formule de Mao Tsé-Toung.
Enfin, en troisième lieu, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, d’une véritable inquiétude. J’ai voté parfois avec enthousiasme un certain nombre de textes. Leur mise en oeuvre s’est avérée parfois bien décevante. Je citerai trois exemples. Je pensais voir remplacer les Laguna de 160000 kilomètres de la Bac de Tourcoing par les BMW et autres Audi qu’elles étaient chargées de poursuivre une fois celles-ci rattrapées et saisies. Elles sont restées à grands frais sous la garde de la justice. J’ai failli proposer un amendement contre la mendicité agressive et organisée qui envahit notamment les carrefours de la métropole lilloise. Le texte existe déjà. Il est sévère. J’observe qu’il n’est pas appliqué. Le débat sur les halls d’immeuble fut épique. Cette mesure a donné lieu à des suites judiciaires infimes: 87 condamnations seulement pour 2007. Elle était pourtant essentielle car elle permettait de mettre fin au rapport de force, lourd de menaces de représailles qui gangrène la sécurité de certains quartiers au profit des bandes et de leurs trafics. Je souhaite pour ma part qu’à l’occasion de cette nouvelle loi, vous vous engagiez, monsieur le ministre, à mettre en oeuvre ou à parfaire des dispositifs déjà votés mais insuffisamment appliqués.
M. Manuel Valls. Très juste!
M. Christian Vanneste. Il était de bon ton dans certains milieux d’épingler l’exigence légitime de sécurité, du méprisant adjectif « sécuritaire ». Cette mode a, heureusement, disparu.
M. Manuel Valls. Tout à fait.
M. Christian Vanneste. Le bon sens prévaut aujourd’hui, qui rappelle que la sécurité est la première de nos libertés et l’une des demandes les plus fortes de la société. Les débats idéologiques stériles se sont réfugiés aux extrémités irresponsables du champ politique. La discussion est devenue plus technique. Je crois cependant qu’elle ne doit pas l’être totalement, car la protection des personnes, de leur vie, de leur intégrité, de leur dignité et de leurs droits est avant tout une exigence humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, je monte à cette tribune avec l’envie de vous parler de sécurité, pas forcément de votre texte. Par rapport à la frénésie législative dont fait preuve ce Gouvernement – Delphine Batho rappelait hier qu’il y avait eu 120 modifications du code pénal depuis sept ans – je souhaiterais que l’on prenne le temps de discuter de la finalité d’une politique de sécurité: discuter pour orienter et programmer. Votre texte n’est pas entièrement condamnable et, sur un certain nombre de points, nous proposerons de l’amender. Mais il est pour le moins choquant que vous nous demandiez d’aborder des sujets très divers qui auraient demandé des débats approfondis dans le cadre du temps programmé lequel ne permettra pas d’examiner au fond les dispositions que vous proposez en 73 articles. Sans nous livrer à aucune forme d’obstruction, mais animés par le seul souhait de discuter, il ne nous sera pas possible de débattre sérieusement sur chaque article, ni même d’aller jusqu’au bout de l’examen du texte, la majorité et le Gouvernement ayant demandé de recourir au temps programmé. Ce texte est une juxtaposition d’articles qui auraient pu faire l’objet d’une quinzaine, voire d’une vingtaine de projets de loi différents!
M. Manuel Valls. Très juste!
M. Bruno Le Roux. Vous avez choisi de concentrer sans apporter la moindre cohérence à ce texte.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Pour des raisons d’efficacité.
M. Bruno Le Roux. Cette méthode ne sert en rien l’efficacité, monsieur le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Pour des raisons de rapidité!
M. Bruno Le Roux. Les sept années précédentes auraient dû vous conduire à un peu plus d’humilité.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Et celles d’avant?
M. Bruno Le Roux. Les textes d’affichage sont impossibles à mettre en œuvre, vous auriez dû vous en souvenir.
M. Jacques Myard. Et vous, qu’aviez-vous fait, mes chers collègues?
M. Bruno Le Roux. Votre méthode est donc fondamentalement critiquable.
Votre texte ne répond pas aux problématiques rencontrées sur le terrain par les élus – Daniel Goldberg, Claude Bartolone, Gérard Gaudron l’ont rappelé – en Seine-Saint-Denis, comme ailleurs. Que répondre à la question fondamentale, à savoir la montée de la violence dans notre société, qui intéresse chacun de nos interlocuteurs? Nos concitoyens s’adressent à leurs élus pour savoir ce qu’ils sont en mesure de faire pour arrêter cette tendance préoccupante. À cette question fondamentale que se pose chaque Français, votre texte n’apporte aucun élément de réponse.
M. Manuel Valls. Tout à fait.
M. Bruno Le Roux. Sur la montée de la violence et des outils mis en œuvre ces dernières années pour l’enrayer, le constat est le même: échec et impuissance.
Lorsque je parle de violence, je pense aussi aux policiers qui sont sur le terrain, dans nos quartiers. Le texte que vous proposez, monsieur le ministre, ne leur rendra pas la vie plus facile. Je regrette que vous vous intéressiez si peu aux résultats concrets. Ne serait-on pas en droit d’attendre que le patron de cette belle administration de la police nationale regroupée aujourd’hui avec la gendarmerie leur donne les moyens d’agir et de mieux faire leur travail? Or les dispositions contenues dans ce texte rendront le travail des policiers encore plus difficile parce que vous ne leur accordez aucun moyen supplémentaire. Avec cette série de nouveaux articles, ils ne manqueront pas de se poser la question de savoir comment les appliquer, ce qu’ils n’ont cessé, du reste, de faire ces dernières années compte tenu du nombre de lois nouvelles qui ont été votées. Comment peuvent-ils répondre à cette frénésie législative? Comment être efficace dans ces conditions? Voilà les questions qu’ils se posent, car les policiers, eux, recherchent toujours l’efficacité dans des circonstances pourtant particulièrement difficiles.
J’ai, pour ma part, une pensée pour ces 27 % de policiers qui ont, ces dernières années, subi des violences physiques. On leur demande d’être en première ligne: ils sont en première ligne. On leur demande d’aller là où beaucoup de services publics ne vont plus, excepté les services publics municipaux: ils y vont en dépit de conditions très dures. En tant qu’élus, il nous arrive d’être présents dans des commissariats à des heures avancées de la nuit. Lorsqu’ils répondent à un appel au numéro de police-secours dans un quartier en difficulté, ils partent à trois, monsieur le ministre, et non à quatre: ils ne le pourraient tout simplement pas Lorsque je les vois partir dans la nuit, moment particulièrement criminogène, angoissant pour des policiers qui, bien souvent, sont jeunes, occupent leur premier poste et sont au moins aussi tendus que ceux qu’ils retrouvent sur le terrain, je ne peux m’empêcher de penser que vous ne les mettez pas en situation de faire un travail efficace. Il n’est pas étonnant que les saisines de la Commission nationale de déontologie portent le plus souvent sur des faits qui se produisent la nuit dans les endroits où la délinquance est importante, des endroits où sont affectés de jeunes policiers. Les forces de police sont dans une situation dramatique: ils sont isolés et sans moyens dans des endroits qui concentrent le plus d’insécurité.
J’aurais aimé pouvoir m’entretenir avec vous, monsieur le ministre, de la finalité de l’emploi des forces de police, de la doctrine que nous devons mettre en place, sans cesse bouleversée par les textes que vous nous faites voter.
Quel peut être l’indicateur de réussite de votre action, monsieur le ministre? Avec ce texte, vous abandonnez les terrains les plus difficiles, là où la délinquance est la plus endurcie et où sévit l’économie souterraine. Lorsque l’on parle de la Seine-Saint-Denis ou de l’Essonne – Manuel Valls connaît bien ces problémes – vous ne pouvez vous contenter de nous opposer des chiffres: une augmentation en valeur absolue des effectifs de police. On pourrait discuter pendant des heures pour savoir s’il y a 600 policiers supplémentaires ici ou là. Moi je raisonne autrement. Je vous pose une question simple, monsieur le ministre, que je pose depuis quelques années: êtes-vous prêt à mettre en place une mission pluraliste pour réfléchir à la répartition des effectifs de police et de gendarmerie sur l’ensemble du territoire. Je ne vous demande pas de nous dire qu’en Seine-Saint-Denis, il y a tant de policiers supplémentaires. Je veux savoir si la répartition des effectifs de police correspond à la réalité de la carte de l’insécurité dans notre pays.
M. Manuel Valls. Voilà!
Mme Sandrine Mazetier. Très juste!
M. Bruno Le Roux. Je veux savoir si les policiers sont là où il y a le plus de problèmes. La police de proximité, mise en œuvre à la fin des années 1990, n’était pas une doctrine d’emploi de la police, mais une réorganisation des effectifs des forces de police sur le territoire qui aurait dû se réaliser plus rapidement et plus en profondeur.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à créer une mission chargée de faire la lumière sur la répartition des effectifs de police sur notre territoire, en lien avec le nombre d’actes de délinquance commis? Philippe Séguin, président de la cour des comptes, l’avait demandé lui-même en commission des lois fin 2009; c’était la seule question à laquelle votre excellent secrétaire d’État à l’intérieur n’avait pas répondu. Or c’est là où il y a le plus de délinquants qu’il devrait également y avoir, proportionnellement, le plus de policiers.
M. Manuel Valls. Voilà!
M. Bruno Le Roux. Enfin, dans ce texte, il s’agit, semble-t-il, de sanctionner la délinquance plutôt que de l’éviter; mais il s’agit moins de sanctionner réellement que d’afficher votre volonté de sanctionner.
Sur le premier point, on dit certes que la sanction permet d’éviter que l’acte puni soit de nouveau commis. Mais je doute qu’un fou qui poignarde une personne âgée à quatre-vingt-sept reprises ait commencé par consulter le code pénal afin de connaître les conséquences de son acte.
M. Jacques Myard. Il n’y a pas que des fous!
M. Bruno Le Roux. Et je doute que les délinquants de nos cités fassent de même.
Même si la politique de sécurité est moins valorisante lorsque le ministre qui la mène ne parvient pas à attacher son nom à un article de loi, elle consiste d’abord à tenter d’éviter que des actes soient commis, plutôt qu’à les sanctionner après coup. Or votre texte ne dit mot de la coproduction indispensable pour éviter les actes de délinquance.
Mais cela même n’est qu’une fiction: en réalité, vous entendez montrer votre volonté de sanctionner, mais vous sanctionnez peu. Ainsi, si les taux d’élucidation demeurent dramatiquement bas, c’est que la politique de chiffres que vous attendez de la police nationale perturbe le travail d’éluci dation. 65 % des actes de délinquance sont commis contre les biens; or le taux d’élucidation de ces actes qui touchent quotidiennement les Français, et sont ceux qui les intéressent le plus, ne dépasse pas 15 %. Les enquêtes dont ces délits font l’objet n’entraînent donc pas pour eux de conséquences concrètes, et ne débouchent sur aucune sanction puisque l’on ne retrouve pas les coupables.
Monsieur le ministre, cette loi n’est ni une loi d’orientation, ni une loi de programmation; c’est une loi d’austérité. Or vous devriez dire au Président de la République, inspirateur de cette politique de communication en matière de sécurité, que la révision générale des politiques publiques est incompatible avec une politique de sécurité digne de ce nom.
M. Christian Paul. C’est la réduction et la régression des politiques publiques!
M. Bruno Le Roux. En effet, on réduit les moyens: Delphine Batho a montré que 9000 postes étaient supprimés en 2010; Guy Geoffroy n’était pas loin de ce chiffre lorsqu’il évoquait 7000 postes.
La sécurité est particulièrement importante pour nos concitoyens. Or, quelque artifice que vous inventiez, vous ne pourrez la leur garantir sans effectifs et sans moyens, uniquement en prétendant transformer le code pénal! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Paul. Le ministre est dans les cordes!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Non, il s’endormait, car il a déjà entendu tout cela…
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à l’action quotidienne de nos forces de l’ordre, grâce aux nouveaux outils et aux nouveaux modes opératoires instaurés par la LOPSI 1, grâce à la volonté politique clairement affichée par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, un septennat de baisse de la délinquance s’est achevé à la fin de l’année dernière. En 2009 même, alors que d’aucuns prédisaient une rupture de la tendance baissière, une nouvelle diminution du nombre d’actes de délinquance a bien été enregistrée, grâce à l’impulsion donnée par le nouveau ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Voilà une bonne nouvelle pour nos concitoyens, aux yeux desquels la sécurité reste la première liberté.
Dans une société potentiellement de plus en plus violente et où la délinquance évolue sans cesse, les ministres de l’intérieur se sont attachés depuis 2002 à motiver et à mobiliser les forces de l’ordre, à trouver des solutions novatrices, tel le placement sous commandement unique de la police et de la gendarmerie nationales, et à répondre de manière ciblée à chaque type de délinquance.
Selon certains esprits chagrins, en matière de criminalité, chaque situation nouvelle n’appelle pas une réponse législative. Mais quel crédit leur attribuer, eux qui, souvent, n’ont pas vu la délinquance exploser entre 1997 et 2002? Si, pour assurer efficacement la sécurité des Français, il faut élaborer une réaction spécifique à chaque cas de délinquance, le Gouvernement et la majorité qui le soutient seraient malavisés de ne pas le faire. Car dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, ce sont les résultats qui importent, surtout pas l’idéologie. Et puisque la politique conduite depuis 2002 produit des résultats positifs, il serait tout à fait inopportun d’en changer la ligne directrice.
Nous devons donc poursuivre dans la voie tracée depuis 2002. C’est exactement la logique de la LOPPSI 2 que vous nous proposez d’adopter, Monsieur le Ministre.
Dans ce texte, on trouve des dispositions visant à perfectionner l’organisation des forces de l’ordre, telle la création d’une police d’agglomération à Paris et en petite couronne. On trouve également des dispositions offrant à nos forces de l’ordre de nouveaux outils et les moyens de s’adapter à de nouvelles formes de criminalité. Ainsi, on ne peut qu’approuver le développement des moyens de lutte contre la cybercriminalité et celui de la vidéoprotection. À ce propos, peut-on espérer que les régions s’engageront dans une démarche de partenariat avec l’État pour déployer ce dernier outil aux abords des lycées et dans les trains express régionaux?
Enfin, ce texte contient des dispositions précises et claires témoignant de priorités de sécurité publique. Deux exemples: la création d’un couvre-feu pour les mineurs de treize ans et le durcissement des sanctions encourues par les auteurs de vols visant des personnes vulnérables. Naturellement, ces deux mesures sont tout à fait satisfaisantes; elles montrent que, dans notre société, il n’est acceptable ni de se promener dans la rue après vingt-trois heures quand on a moins de treize ans et que l’insécurité ambiante ne le permet pas, ni de voler les personnes les plus vulnérables en abusant de leur faiblesse. À quel titre s’opposerait-on à ces mesures de bon sens?
Il y a un peu plus de deux mois, le Premier ministre m’a chargé – à votre demande, monsieur le ministre – d’une mission visant à identifier les nouveaux besoins en matière de sécurité suscités par le vieillissement de la population. Je rendrai mon rapport dans quelques semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Paul. Le suspens est insoutenable!
Mme Delphine Batho. Quelles sont vos conclusions?
M. Édouard Courtial. Je proposerai un plan d’action comportant de nombreuses dimensions. La réponse ne sera donc pas uniquement pénale. Mais il me paraît indispensable de durcir les sanctions pénales encourues en cas de vol de personnes vulnérables, comme le propose par le Gouvernement par un amendement adopté en commission des lois. Du reste, selon un sondage paru aujourd’hui, 80 % des Français approuvent cette mesure.
Mme Delphine Batho. Non! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Édouard Courtial. Je propose même de l’assortir, par le biais d’un amendement que j’ai déposé avec mon collègue Philippe Goujon, de la possibilité d’une peine complémentaire: l’interdiction faite à l’auteur du vol de séjourner ou de paraître dans l’environnement de la victime. En effet, il est particulièrement traumatisant pour les personnes âgées victimes d’un vol d’être confrontées au coupable.
Monsieur le ministre, grâce à cette LOPPSI 2 ambitieuse et musclée, vous voulez doter notre pays d’outils permettant d’ouvrir un second septennat consécutif de baisse de la délinquance. C’est une intention légitime et courageuse. Vous pouvez compter sur moi pour vous suivre dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christophe Caresche. Le ministre est rassuré!
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Monsieur le ministre, votre gouvernement s’est fait une spécialité – connue de tous ici – de ce que nous appelons volontiers l’illusion sécuritaire.
Dans ce registre, vous mettez en avant et offrez en spectacle des dispositifs parfois excessifs, souvent disproportionnés, toujours exagérément vendus comme des remèdes miracle. Cette surenchère est aussi une supercherie: l’attention de tous est priée de se concentrer sur les moyens, mais plus jamais sur les résultats.
Cette tentation généralisée s’applique tout particulièrement à internet et à la lutte contre la cybercriminalité, phénomène grave, complexe, dont le développement est exponentiel. Or il faut amplifier cette lutte, mais pas par n’importe quel moyen. Nous devons donc nous prémunir contre le double risque de l’excès et de l’illusion, pour mieux rechercher l’efficacité.
De ce point de vue, les articles 2, 3 et 4 de votre projet de loi se prêtent aux critiques.
Tout d’abord, il faut à tout le moins définir précisément et encadrer le délit d’usurpation d’identité numérique, auquel est consacré l’article 2. Monsieur le ministre, vous ne pouvez passer à côté des usages largement répandus dans la société. Vous le savez bien, et nous en sommes parfois victimes: sur le net, le pseudonyme est monnaie courante, de même que le pastiche, la parodie ou l’emprunt de patronyme. Pour incriminer un comportement de ce type, l’intention de nuire doit donc être manifeste. Or, à cet égard, votre texte n’est ni clair, ni simple, ni intelligible. En examinant cet article, nous n’oublierons pas que la liberté d’expression est un bien précieux et non négociable.
D’autre part, votre texte fait de l’utilisation d’internet une circonstance aggravante pour certains délits portant atteinte à la propriété intellectuelle. Sur ce point, j’appelle notre assemblée à la vigilance. Car si la lutte contre la contrefaçon est nécessaire, elle ne doit pas servir, en un sens trop étendu, de prétexte à des fins plus contestables.
Ainsi, lors de la discussion de la loi HADOPI, mes collègues socialistes et moi-même avions vigoureusement contesté la qualification de contrefaçon s’agissant d’échanges privés, non commerciaux. De même, l’article 3 doit clairement mentionner que les actes visés sont les actes commis à des fins lucratives.
L’aggravation des sanctions est tout aussi contestable. Monsieur le ministre, à l’instar d’autres membres de votre gouvernement, vous êtes irrésistiblement tenté de diaboliser internet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Myard. Ouvrez les yeux, monsieur Paul! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Paul. M. Myard succombe à la même tentation!
Sur ce point, j’invite aussi à la vigilance: l’article 3 met à mal la neutralité d’internet. Or internet, mes chers collègues, est un canal de diffusion, ni angélique, ni démoniaque. La neutralité signifie que la criminalisation n’est pas liée au support. Ce principe de neutralité du net est la clé de voûte du monde numérique; voilà pourquoi l’aggravation des sanctions ne va pas de soi.
Enfin, l’article 4 tend à lutter contre la pédopornographie sur internet par des mesures de filtrage. Contrairement à ce que certains tentent de faire croire, l’objectif de lutte contre la pédopornographie n’est pas en question, mais uniquement l’efficacité de votre proposition et le principe même du filtrage. Or votre proposition est démagogique avant d’être efficace, coûteuse avant d’être performante.
Après la responsabilité de l’hébergeur, c’est celle du fournisseur d’accès qui est en jeu. Grâce à la commission des lois, nous avons échappé – en partie seulement – aux décisions administratives court-circuitant l’autorité judiciaire. Manifestement, l’exemple d’Hadopi n’est pas resté gravé dans vos mémoires: en la matière, la décision appartient évidemment au juge, qu’il s’agisse de suspendre un site ou de procéder à un acte technique limitant l’accès.
M. Jacques Myard. L’accès, ce n’est pas la même chose que HADOPI!
M. Christian Paul. Monsieur Myard, vous êtes attentif, comme nous, à l’emploi de l’argent public.
M. Jacques Myard. Oui!
M. Christian Paul. L’Australie a créé un dispositif similaire qui a coûté 62 millions d’euros et fait la preuve de son inefficacité. Ce débat a également eu lieu en Allemagne il y a quelques mois; le ministre le sait certainement. Après avoir fait adopter une loi proche, le gouvernement allemand en a mesuré le risque pour les libertés publiques et le peu d’efficacité, et a annoncé il y a quelques jours qu’il déposerait un nouveau projet abandonnant le filtrage au profit de la suppression des contenus.
Plutôt que d’entrer dans l’engrenage du filtrage, il faudrait étudier sérieusement des solutions plus efficaces. En effet, instruits par l’histoire, nous pouvons craindre que l’extension progressive du filtrage à d’autres domaines ne mette en cause la liberté d’expression.
De nombreux experts ont évoqué les conséquences pratiques de l’article 4, en particulier le recours croissant aux réseaux cryptés, aux réseaux qui organisent l’anonymat ou aux techniques de contournement, également florissantes.
Enfin, c’est d’abord par la présence et la qualité des femmes et des hommes qui en sont chargés que l’on défend la sécurité. Cela vaut de bien d’autres volets de cette loi; plusieurs de mes collègues l’ont dit. Même contre la cybercriminalité, il faut non seulement des technologies, mais des moyens humains.
En conclusion, vous paraissez céder au vertige du cybermonde. Pourtant, il ne s’agit pas d’un autre monde, mais du nôtre. Le droit s’y applique; il doit continuer de s’y appliquer. Donnez plutôt à la France les moyens de lutter contre la criminalité sur le net, ce qui suppose de créer non une police ou une justice d’exception, mais une police et une justice efficaces et modernes. C’est votre devoir, en termes de moyens et de résultats; vous en rendrez compte devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.
Mme Henriette Martinez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsqu’une personne disparaît, qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant, la vie de sa famille bascule soudain dans le cauchemar. En France, des milliers de disparitions inquiétantes se produisent chaque année. En 2008, pas moins de 59480 inscriptions au fichier des personnes recherchées ont été faites, dont 10000 correspondent à des disparitions inquiétantes, parmi lesquelles plus de 500 concernent des enfants, exception faite des enlèvements intervenus dans le cadre familial.
Dans de trop nombreux cas, les recherches restent infructueuses, avec pour conséquence des dossiers qui se ferment après des années d’enquête, sans que la souffrance des familles puisse être apaisée.
Il est probable que, parmi ces disparitions restant sans réponse, certaines concernent des personnes décédées dont le corps n’a pas été retrouvé. Dans son rapport sur le présent projet de loi, Éric Ciotti indique que chaque année, 1000 corps ou restes humains sont inhumés sous X, tandis que 3000 à 4000 recherches de personnes disparues restent non élucidées.
Or on dispose aujourd’hui de moyens humains, techniques et scientifiques, importants et innovants, qui permettent à travers l’utilisation de fichiers informatiques d’identifier des personnes grâce à leur ADN et de comparer les empreintes génétiques des personnes enterrées sous X avec celles des personnes disparues. Grâce à la présente loi, nous allons pouvoir recourir à ces outils.
L’article 5 prévoit, en effet, le prélèvement d’empreintes génétiques sur des personnes ou restes humains non identifiés avant leur inhumation. Il autorise également le prélèvement de traces biologiques dans les lieux que des personnes faisant l’objet d’une recherche sont susceptibles d’avoir fréquentés et le prélèvement sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne, avec leur consentement. Ainsi, le présent projet de loi permettra enfin de répondre à l’attente des familles de disparus grâce aux recoupements de fichiers.
Le strict encadrement de ces prélèvements est bien évidemment nécessaire. Ses modalités sont précisées dans divers articles.
L’article 6 indique les mesures pouvant être prises par le procureur de la République en vue d’établir l’identité du défunt avant son inhumation ou sa crémation.
L’article 7 adapte les sanctions pénales prévues lorsque les procédés d’identification par empreintes génétiques ne respectent pas les conditions légales ou sont appliqués en dehors des cas légaux. Ainsi, le fait de recueillir des empreintes génétiques ou biologiques sur des ascendants, descendants ou collatéraux sans leur consentement est passible d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. La même peine est prévue en cas de recherche d’identité par empreintes génétiques réalisée en dehors d’une mesure d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire. Elle s’applique aussi quand ces recherches ne concernent pas des personnes décédées dont l’identité ne peut être établie ou des personnes décédées susceptibles de correspondre à des personnes faisant l’objet de recherches.
L’article 8 permet que soient enregistrées au fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, les empreintes génétiques recueillies à l’occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d’une disparition ainsi que les empreintes génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes décédées ou recherchées.
Cet article encadre également l’utilisation de ce fichier en précisant que « les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l’identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé et écrit des intéressés et font l’objet d’un enregistrement distinct de celui des autres empreintes génétiques conservées dans le fichier ». Dans cette hypothèse, les empreintes génétiques des parentèles ne pourront être comparées dans le FNAEG qu’avec les seules empreintes génétiques des corps non identifiés et non pas avec le reste de la base, ceci afin de ne pas confondre les différentes finalités du fichier national et de garantir les libertés individuelles.
Enfin, l’article 9, de nature technique, vise à faciliter l’alimentation du FNAEG, essentielle à son efficacité, en permettant que les personnels techniques et scientifiques puissent procéder, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, aux opérations de vérification, de prélèvement et d’enregistrement des données.
Les avancées apportées par ces différents articles constituent un réel progrès, attendu depuis de nombreuses années par les associations de familles de disparus. Je salue, monsieur le ministre, votre détermination à tout mettre en oeuvre pour qu’au terme d’une longue concertation avec les associations, ce texte inscrive dans la loi ces dispositions par lesquelles les familles peuvent désormais espérer faire un jour leur deuil et trouver un apaisement à leur immense souffrance.
Certaines disparitions restent, des années durant, des mystères, que les familles, avec la ténacité et l’énergie du désespoir, ne peuvent renoncer à voir élucider. Il en est ainsi de cette jeune femme des Hautes-Alpes prénommée Férouze qui, depuis plus de vingt ans, recherche inlassablement la trace de sa petite sœur Charazed, disparue à l’âge de dix ans à Bourgoin-Jallieu dans l’Isère, un jour tragique de juillet1987. Grâce à la persévérance de Férouze, le dossier a été rouvert et la création de la cellule 38 dans l’Isère a permis de rapprocher, vingt ans après les faits, une dizaine de disparitions d’enfants survenues à la même époque dans la même région et dans des circonstances similaires. Cette cellule doit être maintenue et pouvoir poursuivre son travail dans le cadre de la loi, qui lui permettra d’utiliser de nouveaux moyens.
Cette loi est une grande avancée, elle donne aux familles de disparus, parvenues au bout de leur douleur, la possibilité d’avoir la certitude de la mort du disparu: « Je préfère le désespoir à l’incertitude », disait Jean-Paul Sartre.
C’est en pensant à ces enfants mais aussi à ces adultes jamais retrouvés, à ces familles dont un membre a soudain disparu, c’est en saluant le combat des associations que je me réjouis de voter ce texte de loi tant attendu. Je souhaite ardemment que chacun sache raison garder lorsqu’il s’agit de créer des fichiers permettant d’apporter une solution à des enquêtes ou de clore enfin de si douloureux dossiers.
Pour terminer, madame la présidente, je citerai la devise de MANU Association : « Nul ne peut porter la peine de l’autre, mais marcher à ses cotés est toujours possible. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi répond de manière proportionnée à certaines évolutions de la criminalité en prévoyant de nouveaux moyens de lutte pour des circonstances nouvelles. Je ne reviendrai pas sur ce qu’ont dit les membres de mon groupe qui m’ont précédé à cette tribune afin d’éviter toute répétition inutile.
Je voudrais plutôt appeler votre attention, monsieur le ministre, sur un point qui touche à la sécurité intérieure de notre pays et qui concerne les gens du voyage. Vous considérerez peut-être que les amendements que j’ai déposés après l’article 24 sont des cavaliers. Ce serait vous tromper d’animal en ce qui me concerne. (Sourires.)
M. Jacques Myard. Il faudrait plutôt parler d’« hippocampe ». (Sourires.)
M. Jean-Frédéric Poisson. Un cavalier déposé par le député Poisson est un hippocampe, en effet.
M. Christian Eckert. Le mot est de nous!
M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous expose la situation: dans les franges périurbaines et rurales de la région Île-de-France, et sans doute aussi ailleurs, se développent des opérations de donation de terres à vocation agricole, au sens des plans d’occupation des sols et des plans locaux urbains, qui conduisent à l’installation sauvage de populations nomades, en dépit de toutes les règles d’urbanisme.
M. Jacques Myard. Il a raison!
M. Jean-Frédéric Poisson. Ces opérations très contestables – contestées par le procureur de la République lui-même et objet de procédures devant notaire – ont pour certaines nécessité la réquisition de la force publique pour des expulsions parfois mouvementées, comme cela a été le cas sur le territoire de ma circonscription il y a peu.
Monsieur le ministre, nous nous situons dans un cadre qui n’est pas exactement celui du projet de loi que vous présentez, j’en suis bien conscient. Néanmoins, l’existence d’un lien direct entre ces occupations et la sécurité de nos communes et la nécessité que le maire reste l’un des premiers acteurs, sinon le premier, de la sécurité sur le territoire communal m’ont conduit à proposer un strict encadrement de ces procédures de donation afin d’en assurer la publicité et de les rendre parfaitement visibles. Il faut avoir les moyens juridiques d’interdire ces pratiques, pour ne pas dire ces magouilles.
Aujourd’hui, il existe une faille de notre droit qui fait que le maire n’est pas informé des opérations de donation d’une parcelle située sur sa commune. Ainsi, aucun droit de préemption ne peut être exercé et n’importe qui peut en devenir propriétaire en dehors de toute forme de règle d’urbanisme et de sécurité.
Il est donc nécessaire de faire évoluer notre droit, comme je le propose dans les deux amendements que j’ai déposés après l’article 24. Rejoignant M. Lagarde sur l’application de l’article 40 de la Constitution, je déplore que l’un d’eux soit passé au crible de la commission des finances.
M. Jacques Myard. C’est un article scélérat!
M. Jean-Frédéric Poisson. La loi est dure mais c’est la loi… Je ne conteste pas la décision du président de la commission des finances, que je comprends. Je reviendrai sur ce sujet à l’occasion d’un rappel au règlement dans la discussion des articles. Mais je dois dire très franchement qu’il m’est difficile de considérer que la possibilité offerte à un organisme public d’engager des actions, et donc peut-être un jour des dépenses supplémentaires relève d’un accroissement de la charge publique. C’est la cuisine de l’Assemblée nationale, et ce n’est pas notre sujet.
Je souhaite que les maires, pour assurer au mieux la sécurité sur le territoire communal, puissent se voir accorder la possibilité d’être informés des donations relatives à une parcelle située sur leur commune afin d’éviter tout détournement.
Je souligne, pour finir, qu’il est plus difficile de faire appliquer la loi dans son ensemble, à commencer par le code de l’urbanisme, dans les communes rurales, où les habitants constatent sur les parcelles voisines de la leur des détournements réguliers, répétés et de longue durée, la justice mettant un certain temps à statuer.
Monsieur le ministre, je vous ai déjà saisi de cette question il y a quelque temps et je sais que votre cabinet examine diverses possibilités, mais je voulais à nouveau appeler votre attention à ce sujet. Cela dit, je voterai le projet de loi modifié par les amendements que notre assemblée adoptera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, en matière de sécurité, vous faites le choix des nouvelles technologies et vous avez raison. Mais il ne faut pas oublier que les plus belles des technologies ne valent que par le nombre des hommes mis à leur service. En l’occurrence, je suis intimement persuadé que les hommes doivent rester suffisamment nombreux pour assurer le niveau optimal de sécurité que nous attendons de la part de la police nationale et de la gendarmerie.
J’ai entendu nombre de critiques de la part des archéo-gauchistes – ils ne sont pas là aujourd’hui – dénonçant une énième loi de sécurité qui illustrerait la prétendue psychose sécuritaire du Gouvernement et de sa majorité.
Ah, qu’ils sont plaisants ces bobos donneurs de leçons qui plastronnent dans les salons et ne connaissent le peuple et l’insécurité qu’il subit qu’à travers la lorgnette de leur idéologie de soixante-huitards attardés!
M. Jean-Frédéric Poisson. Bien envoyé!
M. Serge Blisko. Comment pouvez-vous dire des choses pareilles!
M. Jacques Myard. En réalité, ces donneurs de leçons sont à l’origine de la sape du principe d’autorité, qui est au cœur de la sécurité. Le principe d’autorité, ce n’est pas simplement la matraque du gendarme, c’est la mise en œuvre, dès la maternelle, d’une instruction civique destinée à établir le libre ordonnancement des choses, en vertu duquel les enfants respectent leurs parents et leurs professeurs.
C’est pour avoir négligé cet enseignement, qui appartient aux fondamentaux de notre société et qui est aussi vieux que le monde – Platon avait des formules extraordinaires à cet égard –, que nous récoltons aujourd’hui les fruits du laxisme ambiant.
M. Serge Blisko. Que fait donc le ministre?
M. Jacques Myard. Vous avez raison de dire, monsieur le ministre, même si cela suscite les critiques, les holà! des bonnes âmes promptes à s’émouvoir, que la meilleure garantie de la sécurité est la sanction. Toute loi sans sanction est une loi méprisée et donc inutile.
M. Serge Blisko. Vive les maisons de correction!
M. Jacques Myard. Non, les bataillons d’Afrique: c’est beaucoup plus efficace, croyez-moi, et ça forme la jeunesse. Je peux vous dire que je crois davantage à la discipline militaire qu’à la prison, je vous renvoie à la proposition de loi que j’ai déposée.
J’approuve donc sans réserve votre approche et les nouvelles dispositions que vous proposez en matière de cybercriminalité. En ce domaine, nous n’échapperons toutefois pas à une convention internationale. Nous commençons dans l’ordre national, mais l’isthme étroit de l’Europe n’étant pas suffisant, il nous faut une convention internationale car chacun sait que le réseau est mondial.
J’approuve également la vidéoprotection et l’intelligence économique, qui doit être un élément moteur de notre politique industrielle, car nous sommes très en retard sur les pays anglo-saxons dans ce domaine. Vouloir mettre de l’ordre dans ce réseau me paraît une bonne chose.
Il est nécessaire également de protéger nos intérêts fondamentaux, notamment d’assurer la protection de nos agents. Ces dispositions feront, je pense, l’unanimité sur les bancs de cette assemblée, car elles sont nécessaires à la sécurité nationale, la France étant, là encore, très en retard par rapport aux pays anglo-saxons qui disposent de mesures législatives pour protéger leurs agents.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai!
M. Jacques Myard. Toutefois, s’il est légitime de lutter contre l’insécurité routière et d’être sans pitié avec celles et ceux qui conduisent sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants – tous les élus locaux vous diront que les accidents mortels sont dus, dans 90 % des cas, à l’alcool, à la drogue ou à des vitesses excessives –, je souhaite appeler votre attention sur la question des radars, qui sanctionnent les dépassements de limitation de vitesse de manière automatique. Il suffit de dépasser douze fois de quelques kilomètres une vitesse même modeste pour se voir retirer son permis de conduire. Cette automaticité n’est pas de bonne gouvernance, monsieur le ministre, et je dirai même qu’elle est idiote. J’avais déposé un amendement qui visait à apprécier le retrait du permis de conduire en fonction de la gravité des faits enregistrés de manière automatique. Mais, là encore, la commission des finances appliquant cet article scélérat qu’est l’article 40, ne me permet pas de défendre ici cet amendement qui, paraît-il, risquait de donner plus de travail aux préfets.
Il nous faut retrouver de l’intelligence dans la sanction, et l’automaticité doit cesser d’être la règle. Je compte donc sur votre sagacité et sur votre humanité pour reprendre ce chantier. Souvenez-vous de ce que disait Georges Pompidou à propos des règlements trop pointilleux: « Cessez d’emmerder les Français! ».
En matière de radars et d’automaticité des sanctions, nous sommes allés beaucoup trop loin; il nous faut revenir à une intelligence de bon aloi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Chantal Brunel. C’est courageux de le dire!
Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin.
M. François Baroin. Monsieur le ministre, un débat important s’ouvre aujourd’hui: quel rôle assigne-t-on à nos forces de sécurité et quels moyens leur attribue-t-on pour réussir cette mission? L’État a un devoir de sécurité envers nos concitoyens. C’est une mission régalienne essentielle, à laquelle nous sommes tous ici profondément attachés.
Notre discussion aurait dû venir plus tôt, la vocation d’une loi d’orientation étant d’être présentée en début de quinquennat. Voilà pourquoi je ne peux que vous féliciter et vous remercier d’avoir obtenu le temps nécessaire dans un ordre du jour déjà presque saturé pour que nous débattions sur un sujet de cette importance.
Depuis 2002, beaucoup a été fait pour moderniser la sécurité intérieure – certains le reprochent – et nous devons nous féliciter que les engagements pris alors par le président Jacques Chirac et le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy aient été mis en œuvre dans leur intégralité, ce qui prouve la pertinence d’une loi d’orientation dans le domaine de la sécurité intérieure. Nos forces de sécurité ont vu leur budget croître pour mener une véritable politique de rupture – je ne les accueille pas toutes avec bienveillance – en matière de sécurité: création des GIR, réforme de la police judiciaire, redéploiement de la police et de la gendarmerie, début de leur rapprochement, réforme des corps et des carrières, etc.
Cette politique porte encore ses fruits mais la délinquance évolue, et c’est ce qui nous rassemble aujourd’hui. Il faut donc constamment adapter le travail des forces de sécurité. C’est ce travail que vous menez, monsieur le ministre de l’intérieur, en vous appuyant chaque jour sur des policiers et gendarmes disponibles, conscients des risques qu’ils prennent. Ils peuvent être fiers de leur engagement. Nous avons le devoir de les soutenir dans leurs missions quotidiennes de maîtrise de l’ordre public.
Je me félicite de la priorité donnée par cette loi d’orientation aux investissements technologiques, à la police technique et scientifique, à la vidéoprotection, à la biométrie et aux fichiers de rapprochements, c’est-à-dire à tous ces outils modernes de lutte contre la délinquance et la criminalité.
Un mot sur la vidéoprotection. Votre bienveillante écoute vous a conduit à prendre la mesure du débat qui nous animait en commission des lois. J’ai entendu, à mon tour, votre position. L’idée selon laquelle l’État peut prendre une délibération, au nom d’un conseil municipal, pour installer une vidéoprotection, certes utile mais qui aurait pu être l’objet d’un débat municipal ou local, et pour envoyer ensuite la facture à la commune, pose deux problèmes essentiels. Premièrement, cette mesure risque d’être frappée d’inconstitutionnalité. Deuxièmement, elle contrevient au respect de la liberté locale de choisir souverainement son orientation. Dans la ville de Troyes dont je suis l’élu, j’ai mis en place un système de vidéoprotection qui n’a pas fait l’objet d’un débat gauche-droite, ni d’éléments sémantiques ou d’opposition doctrinaire entre les talibans de la surveillance et les ayatollahs de la liberté. J’approuve l’angle que vous avez défini, à savoir la lutte contre le terrorisme, la préservation des sites essentiels, notamment en matière nucléaire, mais si l’État affirme cette priorité, il lui revient d’assumer le coût du fonctionnement d’un tel dispositif. Cela me conduira à une réflexion plus large sur l’organisation des moyens adaptés pour remplir toutes ces missions.
La lutte contre l’insécurité et la criminalité est devenue une course de vitesse qui vise à éviter que les délinquants ne maîtrisent mieux que les forces de sécurité les outils technologiques. Les réseaux mafieux, la criminalité organisée disposent de moyens techniques considérables. Pour être efficaces, la police et la gendarmerie doivent pouvoir détecter les signaux faibles, être formés à la lutte contre la cybercriminalité, disposer des outils de ciblage et de traçabilité.
Il nous faut aussi leur fournir les instruments juridiques nécessaires à ce combat. Nous le devons à nos concitoyens et à ceux qui risquent leur vie. Il est indispensable que ces moyens juridiques soient octroyés aux forces de sécurité pour élucider la délinquance et la criminalité dite sérielle. Compte tenu de leur mode opératoire, pour élucider certains crimes en série, il faut non seulement des enquêteurs pour rassembler des centaines d’informations mais aussi des applications informatiques pour les croiser. L’outil informatique est indispensable à l’enquêteur. Bien sûr, les données contenues dans ces applications informatiques ne doivent pas être de même nature quand il s’agit d’élucider des meurtres en série, des agressions pour vol ou des cambriolages en série. C’est bien à la loi, c’est-à-dire à nous, législateurs, qu’il appartient de fixer le cadre juridique de ces fichiers et leurs limites; c’est au règlement de les créer au cas pas cas. Nous respectons ainsi le principe de hiérarchie des normes. Ce juste équilibre doit nous conduire à assumer avec courage la fonction qui est la nôtre.
Je me réjouis que la proposition de loi Warsmann, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, vienne compléter et préciser le régime législatif des fichiers et permette la légalisation de fichiers contre les cambriolages en série. Je pense au système Lupin élaboré à la préfecture de police, système très pertinent, très utile et très efficace.
Je me félicite qu’en matière de lutte contre la cybercriminalité, le projet de loi prévoie – enfin, oserai-je dire – le blocage des sites et contenus à caractère pédopornographique. Je ne suis pas favorable à l’intervention d’un magistrat et j’espère que le rapporteur entendra mon propos et pourra amender le texte. Il ne s’agit pas en l’occurrence de restreindre une liberté publique dont la protection nécessiterait le recours à un magistrat; le parallèle ne peut pas être fait avec la diffusion de musiques piratées car il s’agit, pour la pédopornographie, de la diffusion d’activités criminelles.
Mme Chantal Brunel. Tout à fait!
M. François Baroin. Il faut conserver sa juste dimension à ce sujet.
Je veux souligner l’importance de ces réformes pour la recherche de la performance et de l’équilibre fondamental, et rappeler que cette loi d’orientation est une étape utile et nécessaire mais n’est qu’une étape. Le plus grand des paradoxes serait de s’arrêter à la pensée de 2002 parce qu’elle a prouvé son efficacité. La sécurité se pense de manière globale; nous avons donc le devoir de travailler à créer la police de demain.
Notre majorité a adopté avec raison et courage le rapprochement entre la police et la gendarmerie, et l’intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Nous devons créer, à juste titre, la police d’agglomération car la délinquance se traite sur des bassins géographiques plus homogènes. Il est peut-être même temps de réfléchir à des zones exclusivement police et des zones exclusivement gendarmerie. Je pense même que la zone police pourrait aller dans certains endroits jusqu’au département.
Il est nécessaire de poursuivre notre effort en matière de police de proximité avec les unités territoriales de quartiers, les UTEQ. Il faut se rapprocher de l’idée inventée à l’époque par Charles Pasqua plutôt que de celle de Lionel Jospin.
Nous devons aussi nous poser la question d’une meilleure rationalisation du ministère de l’intérieur et le doter d’un secrétariat général à la sécurité intérieure, afin d’éviter les doublons inutiles. Je ne vois toujours pas l’utilité de plusieurs directions en matière de gestion de l’ordre public. Je ne pense pas non plus qu’il soit utile que plusieurs services traitent, au niveau central, de la criminalité informatique, ni qu’il faille un bureau de la sécurité routière à la police et un bureau de la sécurité routière à la gendarmerie.
Plus nous irons vers la mutualisation de l’organisation, qui donne du sens à ce rapprochement, plus nous donnerons de poids politique à ce qui me semble absolument incontournable, à savoir que le ministère de l’intérieur échappe à la RGPP.
Mme Delphine Batho. Très bien!
M. François Baroin. Ce qui est valable pour la sécurité des biens et des personnes, c’est-à-dire pour l’intérieur, est également valable pour la défense. C’est une question de priorités, de missions régaliennes. Monsieur le ministre, pesez de tout votre poids, affirmez cette priorité; nous serons là pour vous aider. En laissant aller au fil de l’eau cette évolution de la RGPP sur un sujet aussi sensible, nous aboutirions à la très difficile équation que vous auriez à résoudre, c’est-à-dire un besoin d’offrir des réponses rapides de taux d’élucidation avec de moins en moins de moyens humains et matériels. Je ne sais pas à quel moment nous arriverons à l’os, mais le trend actuel nous amènera rapidement à avoir ce débat. S’il n’est pas considéré aujourd’hui comme une priorité de la présente loi d’orientation, c’est un rendez-vous qui nous est fixé.
Monsieur le ministre, je suis presque un enfant de la maison police puisque je suis fils de commissaire de police et petit-fils de gardien de la paix. C’est un soutien sans faille que nous devons apporter aux forces de l’ordre qui assurent la sécurité de nos concitoyens au risque de leur vie. Notre majorité accompagnera avec bonheur et dans un esprit de responsabilité ce projet de loi d’orientation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Manuel Valls. Pas mal!
M. Jean-Frédéric Poisson. M. Valls approuve?...
M. Manuel Valls. Nous avons été subjugués par la critique tout en finesse de M. Baroin!
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Monsieur le ministre, mon intervention concernera les amendements que j’ai déposés avec Pierre-Alain Muet et André Vallini sur la garde à vue. Vous m’objecterez sans doute que ce n’est pas le lieu d’en parler au motif qu’une réforme de la procédure pénale est prévue. À mon tour, je vous répondrai qu’il y a une certaine urgence à aborder la question, car d’autres événements, comme celui qui s’est produit hier à Paris, interviendront sans doute dans quelques jours. L’on voit bien que les incidents se multiplient et qu’ils choquent profondément l’opinion publique mais aussi nombre de responsables politiques et de parlementaires.
La garde à vue est, certes, une procédure judiciaire qui se déroule sous le contrôle du procureur, mais dans les faits nous savons que c’est la police qui en a la responsabilité principale. Il est donc assez paradoxal de parler du fonctionnement de la police et des moyens qui sont à sa disposition pour combattre la criminalité sans évoquer cette question.
Nous pourrions donc utilement en débattre et légiférer sur cette question, d’autant plus que de nombreuses propositions sont sur la table. Le rapport Léger, par exemple, suggère de limiter la garde à vue aux délits les plus importants et je présenterai un amendement dans ce sens. D’autres propositions ont été faites, notamment par les avocats, suite à certaines décisions de la Cour européenne de justice.
La garde à vue connaît une dérive extrêmement préoccupante. Le nombre de gardes à vue a littéralement explosé ces dernières années: il s’établit aujourd’hui à environ 600000 et à 800000, voire 900000, si l’on ajoute les quelque 200000 gardes à vue qui concernent les délits routiers et qui ne sont pas prises en compte, semble-t-il, dans la statistique actuelle. C’est considérable! Nos concitoyens sont nombreux à se trouver confrontés à cette situation de manière souvent brutale – c’est un moment très difficile à vivre – et pour des délits souvent très mineurs, voire pour des infractions contraventionnelles. Nous assistons à une grande banalisation de la garde à vue, qui peut concerner beaucoup de Français.
Nous avons aussi le sentiment, monsieur le ministre, que cette procédure est utilisée d’une manière qui n’est pas conforme à l’esprit de la loi. La garde à vue devrait en effet être un moyen permettant à la police de mener ses investigations. Or, dans bien des cas, on a le sentiment qu’elle sert plutôt à impressionner, voire à intimider, que la police l’utilise comme une sorte de peine visant à ramener à la raison certaines personnes. Cela ne correspond absolument pas à l’objectif qui lui a été assigné par la loi.
Par ailleurs, certaines décisions de justice – je pense à celles de la Cour européenne des droits de l’homme – montrent que notre droit est très perfectible, s’agissant notamment de la présence de l’avocat, qui doit pouvoir assister réellement la personne mise en garde à vue, et pas uniquement de manière superficielle. Pour résoudre ces difficultés juridiques, nous vous présenterons des amendements et nous avons déposé une proposition de loi qui devrait être discutée au mois de mars dans notre niche parlementaire.
Nous avons donc l’intention de vous interpeller sur cette question, monsieur le ministre. Vous ne vous êtes d’ailleurs pas exprimé vous-même, alors que le Premier ministre et la ministre de la justice l’ont fait. Nous serions intéressés d’avoir votre point de vue. Je sais bien que le sujet relève principalement de la compétence du garde des sceaux, mais le ministre de l’intérieur a sans doute des choses à nous dire les instructions qu’il donne par circulaire aux forces de police. Il me semble fondamental d’avoir votre sentiment dans ce débat.
Mme la présidente. La parole est à M. George Pau-Langevin.
Mme George Pau-Langevin. Le moins que l’on puisse dire de ce projet de loi, monsieur le ministre, c’est qu’il suscite l’exaspération des professionnels concernés. Selon les communiqués des syndicats de la magistrature et des avocats de France, cette nouvelle loi « offre un condensé de l’idéologie primaire et dangereuse qui gouverne depuis plusieurs années le traitement des questions de sécurité. En fait de performance, ses promoteurs ont renouvelé l’exploit de concilier l’inutile et l’inacceptable au nom d’un projet de société où l’absurde le dispute à la paranoïa. »
M. Jean-Marc Roubaud. Oh! C’est excessif!
Mme George Pau-Langevin. Nous ne nous serions pas permis un jugement aussi sévère!
C’est particulièrement vrai pour les mesures qui concernent un secteur essentiel, je veux parler de la délinquance des mineurs, un secteur où votre échec est patent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et particulièrement préoccupant puisque la jeunesse constitue l’avenir de notre pays.
Depuis 2002, dans ce domaine aussi, nous voyons se succéder les lois et les déclarations martiales, mais dans ma circonscription en tout cas, le résultat n’est vraiment pas à la hauteur. Plus grave encore: la frustration et l’amertume des habitants vont croissantes à mesure que le malaise des jeunes s’extériorise par une brutalité et une agressivité qui, selon eux, s’exercent à leurs dépens.
Face à cela, vous mettez volontiers en cause le prétendu laxisme des magistrats, qui n’auraient pas une politique répressive assez ferme. Vous accumulez donc les textes pour accroître les peines encourues. En réalité, nous constatons que les poursuites contre les mineurs ont augmenté très régulièrement au fil des années puisque le nombre total de mineurs mis en cause devant les tribunaux a augmenté de 111 % entre1990 et2008. Le taux de réponse pénale est plus élevé pour les mineurs que pour les majeurs, soit 91,1 % contre 85,3 %; 51 % des affaires concernant les mineurs sont traitées par des procédures alternatives, 39 % font l’objet de poursuites et seulement 8 % sont classées pour inopportunité des poursuites.
Les établissements pénitentiaires sont pleins et nous sommes préoccupés par les suicides de mineurs en prison. Aujourd’hui, nous sommes dans un cadre répressif mais inefficace, car les comportements préoccupants continuent à proliférer. Et en même temps, comme c’est arrivé hier dans le 20 e arrondissement de Paris, une mère de famille peut craindre de voir son enfant sorti de son lit et mis en garde à vue pour une bagarre à la sortie du collège.
Pour pouvoir lutter contre cet état de fait, vous nous proposez deux mesures, je pourrais presque parler de mesurettes car nous savons parfaitement qu’elles ne changeront rien à la situation: un couvre-feu pour les mineurs de treize ans – idée que l’on voit de temps en temps ressurgir, notamment dans la presse – et une nouvelle formule de contrat de responsabilité parentale.
S’agissant du couvre-feu, vous hésitez manifestement entre deux conceptions différentes: soit un couvre-feu général imposé à tous les mineurs d’un quartier, et l’on peut alors y voir une atteinte excessive à la liberté d’aller et venir; soit une mesure ciblée pour un mineur connu des services de l’aide sociale et de la justice en raison de ses antécédents,…
M. Christian Vanneste. Mais non! C’est pour tous!
Mme George Pau-Langevin. …et dans ce cas cela signifie qu’il est déjà suivi par des professionnels compétents, donc ce couvre-feu est inutile.
M. Christian Vanneste. C’est pour le protéger!
Mme George Pau-Langevin. Croyez-vous que lorsqu’un gamin erre seul dans les rues le soir et que les policiers le croisent il ne se passe rien, que personne ne réagit?
Vous nous proposez de mettre un terme à certains comportements et cela peut sembler normal, mais en réalité ce n’est que de l’affichage.
De surcroît, quelle est la sanction que vous proposez dans une telle situation? Soit le jeune est remis à sa famille,…
Mme Marie-Louise Fort. Eh oui!
Mme George Pau-Langevin. …mais ce n’est pas la peine de faire une nouvelle loi pour le prévoir. Soit il est confié à l’aide sociale à l’enfance. Or des centaines de mineurs étrangers isolés errent dans Paris la nuit. Le problème, c’est justement de trouver un foyer où ils puissent être accueillis. Nous ne cessons d’écrire au directeur de la DASS-État, qui en est responsable, pour lui demander de prendre en charge ces mineurs pour lesquels, trop souvent, on ne peut trouver de solution.
Par ailleurs, si vous visez les mineurs qui traînent au pied des immeubles avec des groupes de majeurs pour lesquels ils font le guet, vous savez bien que nous les connaissons, que nous les voyons régulièrement…
M. Jacques Myard. Et qu’est-ce que vous faites?
Mme George Pau-Langevin. …et que très souvent la police ferme les yeux par peur d’aggraver des situations déjà tendues ou parce qu’elle préfère les surveiller pour remonter des filières. Donc, là encore, vous utilisez de grands mots, mais les choses ne sont pas si simples sur le terrain.
Quant au contrat de responsabilité parentale, on met en place un système compliqué où le procureur préviendra le préfet qui demandera au président du conseil général d’imposer aux parents ce contrat avec des obligations et une amende s’ils ne les respectent pas.
S’il s’agit de dire que les parents sont en première ligne pour régler la situation des mineurs délinquants, nous sommes tout à fait d’accord. S’il s’agit de faire en sorte que tous les professionnels compétents, les enseignants, le service social, se concertent pour trouver des solutions pour les mineurs, nous sommes tout à fait d’accord. C’est d’ailleurs ce que nous faisons avec les contrats de sécurité. Là encore, on nous dit des choses qui paraissent de bon sens mais, si cela ne marche pas, c’est que les situations sont plus compliquées.
Vous voulez pénaliser les parents démissionnaires. C’est facile à dire, mais en réalité, dans la plupart des cas, nous sommes face à des gens qui sont dans des situations économiques et sociales précaires, qui sont dépassés par des adolescents difficiles. Il faudrait les épauler plutôt que les pénaliser.
Les articles 24 bis et 24 ter traitent d’un vrai sujet. Nous ne contestons pas qu’il faille de la répression et qu’il soit nécessaire de manifester une forme d’autorité face à ces gamins difficiles. Mais pour cela, bien que M. le ministre dise toujours que les moyens ne sont pas l’essentiel, il est très important de disposer des moyens humains nécessaires.
Par ailleurs, il faut prendre à bras-le-corps les questions d’échec scolaire, de déscolarisation, d’accès aux stages, à l’emploi. Il faut prendre en compte la place que notre société est prête à faire à sa jeunesse. Il faut accompagner les couples en difficulté. Il faut des structures pour la santé psychique.
M. Jean-Marc Roubaud. Yaka! Yaka!
Mme George Pau-Langevin. Il y a énormément de choses à faire, mais cela relève d’une politique d’ensemble et vous savez parfaitement, pour être des élus locaux, que c’est ce que nous sommes obligés de faire au jour le jour si nous voulons réellement lutter contre la délinquance. Ce n’est pas par des rodomontades que nous nous en sortirons. Vous savez bien aussi que, lorsqu’il faut être efficace sur le terrain, les socialistes sont prêts à agir à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Marc Roubaud. Ça, c’est la meilleure!
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Avant de répondre à chacun des orateurs, je voudrais de nouveau remercier Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois, ainsi que Marc Joulaud, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour le travail qu’ils ont mené et pour leur engagement personnel. J’associe à ces remerciements les présidents des deux commissions et les députés qui ont apporté leur soutien aux objectifs et au contenu de ce projet de loi, en particulier M. Jacques Alain Bénisti.
J’ai souhaité assister moi-même à la totalité de la discussion générale, car je voulais être attentif à ce qui pouvait être dit tant du côté de la majorité, qui a annoncé son soutien en formulant des propositions constructives, que du côté de l’opposition. J’ai entendu de sa part des propos mesurés, mais certaines constantes m’ont frappé. Parmi celles-ci, j’ai noté l’expression de contradictions entre ses différents orateurs. J’en ai compté beaucoup, mais je me limiterai à quatre exemples de ces contradictions absolues.
Premier exemple: beaucoup d’entre vous ont dénoncé les indicateurs. M. Liebgott a même dit qu’ils ne représentaient rien.
M. Christian Vanneste. Bien sûr que si!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. J’ai tout de même un peu de mémoire, il n’y a pas si longtemps que j’ai pris mes fonctions, succédant à François Baroin (Rires) , pardon à Michèle Alliot-Marie qui lui a elle-même succédé! Je voulais citer François Baroin dès le début de mon intervention, qu’il se considère satisfait! Je reviendrai d’ailleurs sur le rôle de la garde des sceaux, répondant en cela à M. Caresche.
À l’époque où j’ai pris mes fonctions, aux mois de juin, juillet et août, lorsque les indicateurs n’étaient pas bons, j’ai vu arriver une avalanche de communiqués de la part du responsable du parti socialiste. Je dis bien du parti, monsieur Urvoas, puisque vous n’avez pas eu la parole au nom du groupe. Je m’attendais pourtant à une intervention de votre part.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cela viendra!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Vous avez en tous les cas « pondu » – un terme qui ne m’a pas choqué lorsque M. Liebgott l’a employé à mon égard – des communiqués dénonçant la faillite du Gouvernement, en vous appuyant précisément sur ces indicateurs. Et comme par hasard, lorsque ces indicateurs deviennent bons, vous les oubliez totalement. Quelle étrange amnésie! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Deuxième contradiction: j’ai entendu quelques-uns d’entre vous indiquer que la vidéoprotection était une bonne initiative, mais d’autres l’ont dénoncée. M. Pupponi – dont l’intervention était très intéressante et assez constructive, certes critique, mais son positionnement l’y oblige – nous a expliqué que la vidéoprotection marche très bien dans sa commune, tandis que madame Dumont exprimait les plus grandes réserves. Entre ces deux interventions, où est la cohérence du principal groupe d’opposition?
M. Serge Blisko. C’est cela le pluralisme!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Troisième contradiction: à vous entendre, ce projet serait à la fois inefficace et très dangereux, car attentatoire aux libertés.
M. Jacques Myard. Où est la cohérence?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Soit vous reconnaissez qu’il est efficace et dénoncez alors son orientation; soit vous expliquez qu’il est inefficace, mais ne pouvez prétendre qu’il est attentatoire aux libertés.
M. Jacques Myard. Bien sûr!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Quatrième contradiction pour l’opposition au sens plus large: pour M. Mamère, ce texte est liberticide; pour M. Valls, il ne l’est pas.
M. Manuel Valls. Absolument!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Une fois de plus, quelle est la cohérence de l’opposition?
La réalité est très simple, c’est que l’opposition n’est là que pour s’opposer, pour critiquer. J’ai entendu des témoignages intéressants et qui reposaient certainement sur une observation de la réalité vécue par chacun, mais malheureusement, je n’ai pas entendu une seule proposition laissant penser qu’il existerait une politique alternative à la politique de sécurité que nous proposons et que nous développons aujourd’hui.
M. Manuel Valls. Nous reviendrons, alors!
M. Jacques Valax. Et la compétence des maires pour la vidéosurveillance?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Madame Batho, j’ai écouté votre longue et dense intervention. Franchement, je n’y ai pas trouvé de mesure opérationnelle. J’y relève en revanche des contradictions: sur les polices municipales; sur la proposition du couvre-feu; sur les décrets de la LOPSI 2002 qui n’auraient pas été pris, ce qui est complètement inexact. Enfin, je rends hommage à votre don de prescience: vous avez critiqué le bilan de la police des territoires alors qu’elle n’est pas encore mise en place. Quel formidable talent!
M. Manuel Valls. C’est une visionnaire! (Rires.)
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Je n’osais le dire, il fallait que cela vienne de son groupe.
M. Caresche m’avait courtoisement interrompu lorsque j’évoquais la délinquance générale. Effectivement, j’ai rappelé que la délinquance générale avait baissé l’an dernier encore pour la septième année consécutive; c’est une formidable nouvelle pour le pays, et je ne comprends d’ailleurs pas que vous ne vous en réjouissiez pas. Vous m’expliquez que ce n’est pas le bon agrégat. Qu’est-ce que cela veut dire? Trois agrégats constituent un ensemble qui s’appelle la délinquance générale. Pourquoi voulez-vous à tout prix limiter le débat à un seul de ces agrégats?
S’agissant des seules atteintes volontaires à l’intégrité physique, je n’ai jamais prétendu avoir tout résolu. Je n’ai pas besoin de vous pour savoir que ces délits ont progressé. Vous avez avancé des chiffres, mais il fallait tous les donner. Certes, entre 2002 et aujourd’hui, ces atteintes ont progressé de 14 %. Mais, vous ne l’avez sûrement pas oublié, pour la seule année 2001-2002, alors que vous étiez au pouvoir, ces atteintes avaient progressé de plus de 14 % en une seule année! Soyez honnêtes, dites la vérité complète.
M. Manuel Valls. C’était il y a huit ans!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Je suis prêt à reconnaître que nous devons progresser dans la lutte contre les atteintes à l’intégrité physique, mais reconnaissez que, malheureusement, vous aviez implacablement échoué. Certes, Manuel Valls l’a reconnu hier soir avec une certaine cruauté, et j’ai senti qu’un ancien ministre dans vos rangs n’en était pas totalement satisfait.
M. Jacques Myard. À cœur vaillant…
M. Manuel Valls. Ce n’était pas Baroin, cette fois-là! (Rires.)
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. En dehors de ce qui a été exprimé ici, j’ai essayé d’être attentif aux positions avancées par le parti socialiste. J’ai donc lu avec intérêt le fascicule de M. Urvoas intitulé De la sécurité de l’État à la protection des citoyens , et je voudrais en citer deux propositions. Puisqu’on ne vous laisse pas la possibilité de les exprimer, monsieur le député, je suis obligé de vous remplacer au pied levé!
M. Jean-Christophe Lagarde. Martine l’a mis au piquet!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Vous écrivez à la page 55: « Il faudrait profondément modifier l’action des services de police parce qu’ils manquent de déontologie.». Les forces de police seront très attentives aux encouragements que vous leur adressez au nom du parti socialiste!
Vous ajoutez à la page 75: « Il faudrait une autorité partagée entre les élus et l’État sur l’emploi de la police de sécurité publique en confiant la responsabilité de la sécurité aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale. » Je laisse le soin aux fonctionnaires de la police nationale d’apprécier cette proposition qui leur ira droit au cœur.
M. Jacques Myard. C’est Vichy, ça!
M. Serge Blisko. Provocateur!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Je voudrais maintenant répondre aux orateurs autour de plusieurs thématiques qui ont émergé de cette discussion générale.
Vous avez été plusieurs à aborder la question du financement et des moyens alloués à la politique de sécurité. MM. Joulaud, Liebgott et Folliot ont évoqué en particulier les moyens attribués à la gendarmerie. Sur ce point, sachez que le budget 2010 sera supérieur au budget 2009 et qu’il garantira à cette arme un niveau d’équipement à la hauteur de ses besoins. Le parc immobilier de la gendarmerie, qu’ont évoqué Philippe Folliot et un orateur socialiste, se compose aujourd’hui de 79580 logements et 4134 casernes, et l’effort d’amélioration et de rénovation se poursuit. Au titre de la LOPSI, 140 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus en 2010, ce qui permettra une mise en chantier de près de 2000 logements cette année. Par ailleurs, 2300 logements neufs déjà engagés seront livrés en 2010. Cela témoigne de la prise en compte de cette préoccupation.
Concernant l’intelligence économique, évoquée notamment par Serge Blisko, le Gouvernement a créé une délégation à l’intelligence économique, chargée d’animer l’action interministérielle dans ce domaine. Il est en effet vital de protéger notre tissu économique dans un environnement mondialisé.
Pour rebondir sur les propos de Philippe Goujon, je dirai qu’il faut sortir de la posture qui consiste à ne parler que des effectifs. Certes, les effectifs constituent un sujet important, mais au lieu du « toujours plus », il faut privilégier, je pense, le « toujours mieux », et surtout à un meilleur coût, comme il l’a excellemment résumé dans ses propos. On ne peut ramener la question de la sécurité au seul niveau des effectifs. Un million de fonctionnaires, tous corps confondus, ont été recrutés les vingt dernières années: vous savez tous que nous ne pouvons continuer indéfiniment ainsi.
Néanmoins, je suis attentif à ce qu’il y ait une adéquation des moyens face à la délinquance. Claude Bartolone et d’autres députés de Seine-Saint-Denis, Gérard Gaudron, Patrice Calméjane, sans oublier Jean-Christophe Lagarde, m’ont fait part du manque d’effectifs dans ce département. Mais les effectifs n’ont cessé d’y croître: 600 fonctionnaires de plus en sept ans.
Mme Delphine Batho. C’est faux!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. La révision générale des politiques publiques concerne tous les ministères, le mien n’y fait pas exception. Je pense que nous pouvons toutefois appliquer la RGPP sans affecter les missions opérationnelles des forces de sécurité intérieure. Des évolutions ou des rationalisations sont encore possibles, notamment dans l’organisation des fonctions support ou des fonctions d’état-major. Ce qui compte, c’est de conserver leur pleine efficacité aux missions opérationnelles des forces de sécurité intérieure grâce un maillage territorial important. Cela n’exclut pas, comme l’a très bien dit Philippe Folliot hier, d’adapter nos dispositifs quand c’est nécessaire et justifié.
Je crois aux nouveaux modes opératoires que sont la police d’agglomération et la police des territoires. C’est un moyen d’atteindre une capacité optimale. La police d’agglomération a d’ailleurs donné des résultats pour les quatre départements de Paris et de la petite couronne. Cela permet des redéploiements d’effectifs sans affecter l’efficacité des services.
Manuel Valls et Jean-Yves Le Bouillonnec ont évoqué la politique du chiffre. Je pourrais me répéter cinq cents fois sans être compris – peut-être y a-t-il là un doigt de mauvaise foi: il ne s’agit pas de politique du chiffre, mais de culture du résultat.
M. Christophe Caresche. Quelle est la différence?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Il est vrai que cette LOPPSI II confirme la culture du résultat, en élargissant la notion de performance. La culture du résultat, vous la constatez dans la baisse continue de l’atteinte aux biens, de la délinquance de proximité, dans l’amélioration constante de l’élucidation des affaires depuis 2002. La LOPSI II s’inscrit totalement dans cette stratégie.
L’outil statistique de suivi a été abordé en plusieurs occasions. J’écoutais M. Pupponi à l’instant, lui-même ne peut croire une seule seconde que, d’un coup de baguette magique, on puisse transformer des plaintes en main courante, comme il semblait l’imaginer.
Mme Delphine Batho. Si, à hauteur de 10 %.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Persister dans cette idée serait mettre en doute la déontologie des forces de sécurité…
Mme Delphine Batho. Non, la responsabilité des ministres.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur… et l’impartialité de l’Observatoire national de la délinquance.
M. Christophe Caresche. Sur ce point, il y a débat.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Il reste que l’outil statistique de la délinquance remonte à 1972. Il présente bien évidemment des lacunes, j’en suis tout à fait conscient. Une lacune majeure même, puisqu’il ne retrace pas les nouvelles formes de la délinquance. J’ai donc annoncé le 14 janvier mon intention de l’améliorer conformément à l’avis de l’Observatoire national de la délinquance. Je veux en renforcer le caractère opérationnel; par exemple, il n’est pas normal qu’on ne puisse pas comptabiliser aujourd’hui les violences intrafamiliales et la cybercriminalité.
Monsieur Vanneste, j’ai été très attentif à vos propos, à leur conclusion positive, mais aussi à tous les arguments qui vous y ont amené. C’est une stratégie que vous avez souvent pratiquée.
Comme vous l’avez très bien dit, il faut adapter la sécurité à l’évolution de la délinquance. La question des moyens matériels est bien évidemment importante. Vous avez évoqué à juste titre les véhicules luxueux saisis sur les trafiquants qui restent à grands frais sous la garde de la justice, alors qu’ils pourraient remplacer les véhicules usés de la police ou de la gendarmerie. Vous avez totalement raison. C’est d’ailleurs pourquoi je propose de mettre sans attendre les biens matériels saisis à la disposition des services enquêteurs, en particulier les véhicules. Les biens mal acquis ne doivent pas profiter aux trafiquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Myard. Tout à fait!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Madame Hostalier, soucieuse de concilier les nécessités de l’ordre public et le respect des droits des personnes, vous avez décrit, de façon à la fois complète et juste, les défis auxquels ce projet de loi répond en termes de redéploiement des forces. Comme vous l’avez souligné, le rapprochement opérationnel et organique de la police et de la gendarmerie permet, pour la première fois, de placer sous un commandement unique les forces de sécurité intérieure. Il s’agit incontestablement d’un moyen de mieux lutter contre les nouvelles formes de délinquance.
M. Braouezec s’est interrogé sur la présence de la police dans les quartiers sensibles, et sur la lutte contre l’économie souterraine et les trafics. Il a raison: les forces de sécurité intérieure doivent être présentes partout, et la politique de sécurité doit être adaptée à chaque bassin de vie et de délinquance. C’est pourquoi, dans les quartiers sensibles, l’action de la police vise prioritairement à recueillir des informations afin d’identifier et d’interpeller les délinquants. Le démantèlement des trafics permet de saper l’économie souterraine; il constitue l’une des priorités de mon action.
J’ai récemment rencontré M. Braouezec avec qui j’ai parlé des opérations coup-de-poing engagées dans son département. Je ne veux pas trahir le secret de nos discussions, même si je sais qu’il n’en serait pas gêné, mais, contrairement aux députés du groupe socialiste qui ont affirmé que cela n’était pas suffisant, il me disait: « Il en reste toujours quelque chose. »
M. Jacques Myard. Il l’a même dit sur un plateau de télévision!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Certes, tout n’est pas résolu par ces opérations, mais le coup de pied dans la fourmilière détruit tout de même la fourmilière. Il faut un certain temps pour qu’elle se reconstitue, ce qu’elle ne fait pas à l’identique car, généralement, elle est légèrement affaiblie.
Si ces opérations ne constituent pas une solution miracle, elles sont un signal fort adressé aux délinquants, mais aussi à l’opinion publique, aux électeurs et aux administrés, parce qu’elles répondent à leur attente. Elles seront donc multipliées.
Comme l’ont rappelé Jean-Christophe Lagarde et Patrice Calméjane, les méthodes de travail de la police nationale évoluent. Je confirme que la Seine-Saint-Denis a été le premier département français à disposer d’unités territoriales de quartier – les UTEQ, également évoquées par Manuel Valls – chargées d’apporter une réponse nouvelle et concrète au problème des quartiers sensibles et des violences urbaines.
J’affirme qu’il ne s’agit pas du tout d’un « replâtrage » de la police de proximité. Certes, ces unités contribuent à développer le lien entre la police et la population, mais la logique de leur action est complètement différente de celle de la police de proximité: elles ont une mission d’investigation et d’interpellation.
Puisque j’aborde ce sujet, je précise qu’il n’a jamais été question d’interrompre le déploiement des UTEQ. En revanche, il est vrai que, lorsque j’ai pris mes fonctions – dès ma première sortie à Orly, j’ai rendu visite à une UTEQ –, j’ai demandé aux inspections du ministère de l’intérieur de procéder à une évaluation du dispositif pour préciser les modalités de son extension. Trente-cinq UTEQ sont déployés aujourd’hui, et les résultats de ces travaux me permettront de déterminer comment ce dispositif doit évoluer et s’étendre.
Alors qu’en réalité la majorité des Français plébiscitent la vidéoprotection, j’ai senti que certains s’interrogeaient sur son bien-fondé.
J’ai entendu la satisfaction de M. Pupponi, qui s’oppose cependant à l’installation de systèmes de vidéoprotection par des personnes privées, comme des responsables d’associations cultuelles, aux abords des lieux de culte, tout comme les critiques de ceux qui pensent que cette technologie viendrait se substituer aux forces de l’ordre.
Je rappelle qu’en la matière j’applique le principe de complémentarité et non une règle de subsidiarité.
Monsieur Philippe Goujon, dans un constat fort juste, vous avez affirmé: « La vidéoprotection est à la sécurité ce que la police scientifique est à la police judiciaire. Elle améliorera encore les taux d’élucidation et réduira la délinquance. » Voilà, parfaitement résumé – à l’instar des propos de Jacques Alain Bénisti –, tout l’enjeu de l’utilisation de la vidéoprotection: il s’agit d’un outil de prévention, de dissuasion et d’élucidation.
Monsieur Jean-Pierre Decool est très attaché à la CNIL. Sans doute un rapprochement régional explique-t-il son plaidoyer largement argumenté. Évidemment, personne ne conteste la compétence de l’une des plus anciennes autorités administratives indépendantes.
M. Christian Vanneste. Ni celle de son président!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Mais rendrait-on service à la CNIL en lui confiant le contrôle de plus de 10000 autorisations préfectorales de vidéoprotection délivrées tous les ans? Il me semble que les commissions départementales placées auprès des préfets font bien leur travail, au plus près du terrain, et dans de bonnes conditions. Quant à la Commission nationale de la vidéoprotection, sa vocation serait de fédérer la doctrine d’emploi des commissions départementales. À ce jour, la vidéoprotection ne relève pas du domaine de la CNIL, qui traite des questions essentielles des fichiers et des bases de données.
Mesdames, messieurs, quoi qu’il en soit, je serai attentif aux débats. Soyez assurés que le déploiement indispensable de la vidéoprotection se fera dans le respect des libertés individuelles, auxquelles, comme vous, je suis attaché.
Par ailleurs, je ne peux que soutenir l’amendement de Claude Bodin sur l’extension des finalités de la vidéoprotection.
Nous serons quasiment tous d’accord pour affirmer qu’il ne faut pas mettre les nouvelles technologies au service des criminels et des délinquants.
M. Noël Mamère a exprimé une inquiétude concernant l’article 4 du projet de loi, relatif à la procédure de blocage des sites pédopornographique. Cette disposition s’appuie sur un constat extrêmement préoccupant puisque, sur le site d’alerte, plus de 10000 internautes ont signalé volontairement être entrés fortuitement en contact avec un site pédopornographique. L’analyse de ces sites montre qu’ils sont pour la plupart hébergés à l’étranger et qu’ils sont très mobiles, donc très dangereux.
Nous devons appliquer la loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, ce que nous faisons chaque fois que cela est possible, comme pour les sites hébergés en France. Malheureusement, ce texte est devenu aujourd’hui insuffisant pour traquer le trafic international sur internet. Le projet de loi propose donc de protéger l’accès à internet, mais sans le limiter.
J’ai pu lire ou entendre ici ou là, sans que cela soit clairement dit dans l’hémicycle, que cette disposition pouvait permettre que s’instaure une sorte de censure. Nous luttons contre un crime, la pédopornographie: nous devons donc réagir vigoureusement pour protéger nos enfants. Mais il nous faut trouver des moyens d’action équilibrés qui ne remettent pas en cause le droit de l’internet.
Je répète qu’en aucun cas l’accès à internet ne sera bloqué. Seul l’accès à des sites illicites au contenu monstrueux sera interdit.
Pierre Lasbordes a appelé notre attention sur les techniques de blocage. Il a raison car il faut éviter le surblocage. Le décret d’application de la loi aura pour objet de préciser les modalités techniques du blocage, afin qu’il soit le moins coûteux possible et que les risques techniques soient maîtrisés.
Je précise à Patrick Bloche qu’il ne faut pas mettre en cause la neutralité des réseaux: la mesure proposée ne consiste en aucun cas à demander aux fournisseurs d’accès de filtrer l’information. Le blocage est une opération ciblée, demandée par l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, dans des cas bien précis.
En ce qui concerne la captation des données informatiques, j’ai été stupéfait d’entendre M. Braouezec prétendre qu’il faudrait demander à un terroriste la permission de pouvoir lire ce qu’il saisit sur son ordinateur. Les dispositions du projet de loi sont strictement limitées à la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée, et tout ce dispositif reste sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
Je souhaite saluer les interventions de plusieurs d’entre-vous relatives aux mesures de protection de nos aînés et au couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans.
Monsieur Édouard Courtial, avec beaucoup de brio, de talent et de compétence, vous avez rappelé l’importance de la sécurité des personnes âgées, tant en termes de prévention que de dissuasion et de répression.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour apporter des précisions sur l’opération « Tranquillité seniors ». Elle s’inspire de l’opération « Tranquilité vacances » qui a donné des résultats spectaculaires puisque le taux de cambriolage chez les personnes qui y participaient a atteint à peine 1 %.
Il s’agit de protéger nos aînés, en particulier ceux que la vie a isolés soit humainement, soit géographiquement. Ainsi, toute personne âgée isolée pourra se signaler auprès des services de sécurité. Un formulaire permettra de répertorier les renseignements utiles la concernant: la personne à joindre en cas de problème, le nom du médecin de famille, de la personne détenant éventuellement un double des clés… Des rondes régulières seront organisées à son domicile, et je suis favorable à ce qu’un dispositif permette à la police ou à la gendarmerie de laisser un message dans les boîtes aux lettres, notamment lors de leurs passages nocturnes – cela ne pourra que rassurer des personnes seules. Il ne s’agit pas de placer un policier derrière chacune de ces personnes vulnérables, mais d’être plus réactifs et plus attentifs.
Je remercie Jean-Claude Bouchet d’avoir fait état des préoccupations de nos concitoyens en matière de délinquance, en prenant notamment des exemples dans la ville de Cavaillon. Avec MM. Mariani, Calméjane et Bodin, il a souligné l’importance de la prévention de la délinquance des mineurs: le couvre-feu est un des moyens de cette politique. Pour aller plus loin, je citerai le contrat de responsabilité parentale proposé par le rapporteur, Éric Ciotti.
Jean-Christophe Lagarde a insisté sur le caractère exceptionnel que devait conserver l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans. Je vous rassure, monsieur le député, et je suis certain que mes propos aplaniront toutes les réserves qui ont pu être exprimées: cette mesure a bien un caractère exceptionnel et, dans le projet de loi, tout lui confère cette qualité.
Ainsi, le couvre-feu général, décidé par le préfet pour un lieu précis et pour une durée donnée, sera exceptionnel. Il faudra, par exemple, qu’il s’applique à un quartier ayant déjà connu des incidents. Par ailleurs, le préfet pourra prendre un arrêté d’interdiction de sortie visant un mineur particulier, par exemple lorsqu’un contrat de responsabilité parentale aura été conclu entre un président de conseil général et les parents d’un mineur délinquant.
Thierry Mariani, qui, à l’heure qu’il est, se trouve peut-être en campagne électorale pour devenir un parfait président de région, a parfaitement compris que nos concitoyens aspirent à une cohérence de l’action publique. Comme lui, je souhaite que la loi donne aux régions et à l’État les moyens de coordonner encore mieux leurs efforts en matière de sécurité. Je ne dis pas que rien n’a été fait, mais je pense que nous pouvons aller encore plus loin.
M. Liebgott a affirmé d’un ton martial que le nombre des infractions au code de la route expliquait la progression du taux d’élucidation. Je tiens à lui rappeler que ces infractions n’entrent en aucun cas dans le calcul de ce taux. Il arrive parfois que des affirmations soient ainsi répétées sans qu’elles aient aucun rapport avec la vérité. Il a fait allusion à la brigade de Fameck: je lui précise que l’effectif de cette brigade est passé de dix-sept à vingt-quatre personnes. Cette progression rend nécessaire la construction d’une nouvelle caserne. Le projet est à l’étude, et la commune vient tout juste de proposer un nouveau terrain à la gendarmerie.
Monsieur Valax, nous assumons totalement notre décision d’aggraver les sanctions dont sont passibles les auteurs des délits commis au préjudice de nos aînés. C’est votre droit d’être en désaccord avec nous, mais nous sommes pour cette aggravation des peines.
M. Christophe Caresche. Vous inventez un dispositif qui en fait existe déjà!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Écoutez, monsieur Caresche, lisez le texte! Voulez-vous que je vous donne un exemple? L’auteur d’un vol avec violence commis sur une personne vulnérable, par exemple une personne âgée, encourt aujourd’hui sept ans d’emprisonnement. Demain, grâce à notre projet, il encourra dix ans de prison. Trois ans de plus, c’est tout de même une aggravation, ou alors vous ne connaissez pas la langue française! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Valax. Le texte existe déjà!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Par ailleurs, s’agissant de l’amendement sur l’usurpation d’identité, que ce soit sur Internet ou dans des conditions de droit commun, qu’a évoqué Mme Vautrin, je vous annonce, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement y sera favorable.
M. Le Roux est intervenu brillamment – il faut bien le reconnaître – pour se plaindre de la faiblesse du taux d’élucidation des atteintes aux biens. Il a sans doute quitté l’hémicycle pour réfléchir aux conséquences de son souhait. En effet, la cohérence voudrait qu’il vote avec enthousiasme le dispositif relatif au logiciel de rapprochement judiciaire prévu dans le projet de loi (« Absolument! » sur les bancs du groupe UMP) , puisque cette mesure concrète permettra précisément d’améliorer le taux d’élucidation de ces délits.
Monsieur Myard, vous avez présenté avec beaucoup de talent, comme à l’accoutumée, un certain nombre de réflexions et vous avez exprimé vos convictions. Permettez-moi d’être, pour une fois, en léger désaccord avec vous. En effet, il ne faut pas toujours se fier au bon sens apparent. Vous souhaiteriez que l’on passe l’éponge sur les infractions mineures au code de la route – un dépassement de la vitesse autorisée de quelques kilomètres/heure, par exemple – et que l’on sanctionne sévèrement les infractions importantes, commises notamment sur les autoroutes, où l’on roule parfois très vite. Vous savez combien j’aimerais pouvoir vous donner satisfaction, mais sachez que seulement 5 % des accidents mortels ont lieu sur les autoroutes, les autres survenant sur les routes départementales ou en ville. Avant de prendre mes fonctions, j’étais près de rejoindre intellectuellement votre position, mais je me suis aperçu, à la lecture des statistiques, notamment au moment de la Toussaint, lorsque le nombre des tués sur les routes est reparti à la hausse – ce qui n’a finalement pas été le cas sur l’ensemble de l’année –, que les accidents mortels n’avaient pas lieu sur les autoroutes.
M. Jacques Myard. Puis-je vous poser une question, monsieur le ministre?
Mme la présidente. Vous ne pouvez pas interrompre le ministre, monsieur Myard.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Je me tourne maintenant vers un de mes prédécesseurs. Je vous remercie, monsieur Baroin, de votre soutien à la démarche engagée par le Gouvernement pour donner aux forces de sécurité intérieure de nouveaux moyens juridiques et techniques au service des Français. Chacun a des compétences propres, mais les vôtres sont particulières en ce domaine, puisque vous avez exercé les responsabilités de ministre de l’intérieur.
S’agissant de la vidéoprotection, nous partageons les mêmes objectifs et je suis persuadé que, lors de l’examen des amendements, nous parviendrons à trouver la rédaction la plus pertinente. Lorsque la lutte contre le terrorisme devient un impératif et qu’une commune s’oppose à la mise en œuvre d’un système de vidéoprotection, il faut que le dernier mot soit donné à l’État. C’est un sujet qui peut devenir terriblement dangereux et préoccupant. Nous devons donc aboutir à une rédaction commune sur ce point.
En matière de lutte contre la pédo-pornographie, je souscris globalement à votre proposition et j’émets, comme vous, quelques réserves quant à l’intervention d’un magistrat judiciaire dans la procédure de blocage des sites pédo-pornographiques, et j’insiste sur ce terme. Ce qui doit primer, c’est l’efficacité opérationnelle, donc – vous avez raison – la rapidité de l’intervention administrative. J’ai entendu votre proposition et, lorsque votre amendement viendra en discussion, je m’en remettrai, je vous l’annonce dès maintenant, à la sagesse de l’Assemblée, car je sais combien cette question est débattue.
Monsieur Caresche, j’ai bien entendu votre demande de réforme du dispositif actuel de garde à vue. Votre talent est tel que vous avez à la fois posé la question et présupposé ma réponse; j’ai donc été obligé d’en trouver une autre. Plus sérieusement, le sujet n’est pas tabou. Le ministère de l’intérieur est tout à fait prêt à accompagner une réforme qui viserait à mieux protéger les droits et la dignité des personnes, dès lors qu’elle ne nuit pas à l’efficacité des enquêtes et à la lutte contre la délinquance. Il ne s’agit pas – et je ne dis pas du tout que c’est là votre position, comprenez-moi bien – de stigmatiser le rôle des policiers et des gendarmes dans ce domaine.
En tout état de cause, sachez – et je suis certain que vous en êtes convaincu – que cette question essentielle ne pourrait être réglée en catimini par l’adoption d’un amendement à la LOPPSI. La garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, a annoncé à juste titre qu’une concertation allait s’ouvrir sur ce sujet. C’est dans le cadre de la réforme globale de la procédure pénale que nous en parlerons. Nous en sommes donc encore au stade de la réflexion, pas encore à celui de la décision.
Mme Pau-Langevin s’est exprimée avec beaucoup de sincérité, comme toujours – je m’autorise ce commentaire car j’ai travaillé avec elle lorsque j’étais ministre de l’immigration. Cependant, je suis stupéfait par certaines contradictions. En effet, elle s’est plainte que les prisons soient pleines, alors que, je suis obligé de le rappeler – et je le fais avec la plus grande honnêteté –, la gauche n’a jamais voté de crédits pour la construction de nouvelles places dans les établissements pénitentiaires.
M. Jacques Myard et M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai!
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Les seuls gardes des sceaux qui ont engagé des programmes de construction sont Albin Chalandon, Jacques Toubon, Dominique Perben et ceux du gouvernement Fillon. Pour être tout à fait honnête – et je m’étonne, du reste, de l’absence de protestations sur les bancs socialistes –, je tiens à préciser que Mme Guigou avait entrepris, lorsqu’elle était garde des sceaux, une réforme concernant l’état sanitaire des prisons. Mais, encore une fois, aucun gouvernement de gauche n’a décidé la construction de prisons. Il est donc assez étonnant que Mme Pau-Langevin nous reproche maintenant le manque de places dans ces établissements.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à chacun des intervenants. Je souhaite que la discussion des articles se déroule dans la sérénité. En tout état de cause, je le redis, j’ai écouté avec attention chacun des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale et j’ai été très heureux de participer à cette discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant que ne s’engage la discussion des articles, je souhaiterais dire quelques mots de la manière dont j’ai appliqué l’article 40 aux amendements déposés sur le projet de loi qui nous est soumis.
M. Manuel Valls. Eh oui, vous avez été mis en cause, monsieur le président!
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Laissez-moi avant tout préciser que seuls onze des trois cent un amendements déposés sur ce texte ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils créaient ou aggravaient une charge publique.
M. Philippe Folliot. Peut-être étaient-ce les plus importants!
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je souhaiterais maintenant répondre aux interrogations de deux de nos collègues, Jean-Christophe Lagarde et Jacques Myard.
Je rappelle à M. Lagarde qu’en application d’une jurisprudence constante, les initiatives parlementaires qui contraignent la dépense publique en empêchant sa diminution tombent sous le coup de l’article 40, dans la mesure où ils manifestent une intention coûteuse. Tel est le cas d’un amendement tendant à sanctuariser les effectifs de la police et de la gendarmerie. Je précise par ailleurs qu’un amendement qui prévoit la possibilité de conclure des contrats d’objectifs et de moyens pour la construction de logements sociaux conduit nécessairement à aggraver les charges publiques dès lors qu’ils appellent la mobilisation de moyens publics.
M. Jean-Christophe Lagarde. Non!
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vous pouvez ne pas partager cette analyse mais, jusqu’à preuve du contraire, c’est mon point de vue qui prime.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas une raison pour en abuser!
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Enfin, le fait que ces amendements portent sur le rapport annexé au projet de loi ne permet pas de les soustraire à l’article 40. En effet – là encore, en application d’une jurisprudence constante –, les rapports annexés au projet de loi de programmation se voient appliquer les règles de la recevabilité financière au même titre que le dispositif du projet de loi. Il s’agit en l’espèce d’un rapport sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013. Mon prédécesseur, Pierre Méhaignerie, a du reste eu l’occasion de rappeler cette règle dans son rapport sur l’application de l’article 40, puisqu’il indiquait: « Il importe peu, au regard de l’article 40, que l’amendement coûteux porte sur le dispositif du projet ou sur un rapport annexé dont un article du texte prévoit l’approbation. »
Dans un courrier qu’il m’a adressé afin de contester mes décisions, M. Lagarde évoque la décision du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école rendue en 2005. Or, dans cette décision, le Conseil a jugé que « si les engagements qui figurent dans un rapport annexé ne sont certes pas revêtus de la portée normative qui s’attache à la loi, ils ne sont toutefois pas dépourvus de toute portée normative, dès lors qu’ils trouvent leur place dans la catégorie des lois de programme ». La jurisprudence de la commission des finances conserve donc toute sa portée.
Quant à M. Myard, il m’a interrogé sur les motifs d’irrecevabilité de l’un de ses amendements permettant aux associations syndicales autorisées, les ASA, d’accorder à leurs personnels une protection juridique. Une telle protection crée une charge publique. En effet, ces structures ont le statut d’établissement public administratif, comme l’a réaffirmé l’ordonnance du 1 er juillet 2004, emploient des agents de droit public, peuvent être investies de prérogatives de puissance publique et peuvent percevoir au titre de leur financement des subventions publiques. Ces caractéristiques les placent sans aucune ambiguïté dans le champ de l’article 40.
J’espère que ces quelques éléments répondront aux interrogations soulevées, même si je me doute qu’ils ne satisferont pas les auteurs des amendements déclarés irrecevables.
M. Christophe Caresche. Ils s’en remettront!
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Mes chers collègues, faute d’avoir su convaincre une majorité d’entre vous de supprimer l’article 40, comme nous l’avions proposé avec Jean Arthuis, je m’efforce d’appliquer cette disposition avec le discernement et la souplesse qui s’imposent. Je travaille, du reste, sur des assouplissements possibles de cette règle, dans le souci de favoriser mieux encore l’initiative parlementaire. J’espère que je serai en mesure de faire un certain nombre de propositions sur ce sujet à la commission des finances .
Telles sont, madame la présidente, les quelques observations que je souhaitais faire sur les interrogations qui ont pu s’exprimer quant à la jurisprudence de la commission des finances. C’est ainsi; l’article 40 de la Constitution existe toujours et je me dois de l’appliquer.
Mme la présidente. Compte tenu du fait que ce projet de loi est discuté selon la procédure du temps programmé, je donne la parole à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Cette précision n’était pas nécessaire, madame la présidente, car on peut considérer que je fais un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 51. (Sourires.)
Je remercie sincèrement le président de la commission des finances d’avoir pris la peine de venir exposer dans l’hémicycle son interprétation de l’article 40. Je ne la partage pas pour autant, mais c’est lui le président de la commission des finances. S’agissant de la suppression de l’article 40, manque de chance, pour lui comme pour moi, car j’y étais totalement favorable. Voilà au moins un sujet sur lequel nous serons d’accord ce soir.
Je souhaite apporter des précisions sur deux points. Premièrement, monsieur le président de la commission, quand nous écrivons dans un amendement qu’il s’agit de permettre la passation de contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels avec les collectivités locales pour la construction de logements locatifs en accession sociale à la propriété réservés aux policiers, cela n’infère pas l’affectation de moyens supplémentaires; aujourd’hui, l’État confère déjà un certain nombre de moyens destinés à la construction de logements sociaux. Il s’agit simplement de permettre à une collectivité locale de conventionner avec l’État pour que soient construits des logements réservés aux policiers – ce qui n’est pas le cas actuellement –, sans moyens supplémentaires. Les lois existantes prévoient des conventionnements pour la construction de PLAI. Dans le contexte actuel, ces dispositions seraient déclarées irrecevables au titre de l’article 40!
Deuxièmement, affirmer que sanctuariser le principe de stabilisation des effectifs serait une contrainte lourde pour les charges de l’État, alors que la stabilisation elle-même est un concept relativement flou, me paraît excessif. Je ne suis pas membre de la commission des finances et n’ai donc pas l’habitude de vous voir interpréter l’article 40. Cependant, en tant que membre de la commission des lois, je suis intéressé par votre interprétation, notamment parce que j’imagine que cette loi pourrait être déférée devant le Conseil constitutionnel. Ni vous ni moi ne souhaitons le maintien de l’article 40. Dans la mesure où nous avons un problème d’interprétation, allons jusqu’au bout!
La décision du 21 avril 2005, à laquelle je me référais, indique que les annexes des lois de programmation, qui n’ont pas de portée normative, ne sont donc pas assorties de contraintes. Le nouvel alinéa ajouté au texte de l’article 34 de la Constitution, lors de la révision que nous avons votée en 2008, va encore plus loin en définissant l’objet des lois de programmation: celles-ci ne déterminent que les objectifs de l’État qui, eux non plus, ne sont pas normatifs. Vous comprenez bien que ce n’est pas un problème personnel, monsieur le président de la commission: cela aurait été la même chose avec M. Méhaignerie et cela le sera également, demain, avec un autre président. La seule question pour notre assemblée consiste à savoir si l’on peut effectivement amender les annexes sans se voir opposer l’article 40. Puisqu’il existe différentes interprétations au sein de l’Assemblée, il serait utile que le Conseil constitutionnel précise comment il souhaite que l’on interprète la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très satisfait de l’intervention du président de la commission des finances, car j’ai, moi aussi, été abasourdi par le rejet – absurde à mes yeux – de l’un de mes amendements.
Comme vous le savez, René Dosière et moi-même avons été chargés d’une mission sur les hautes autorités administratives indépendantes. Dans le cadre de cette mission, il n’est pas interdit d’imaginer de procéder à certains regroupements, de réaliser certaines économies, ou au moins d’essayer – ce à quoi vous ne serez certainement pas hostile, monsieur le président de la commission. C’est dans cette optique, et non en vertu d’une espèce de solidarité géographique, qu’il m’a semblé que l’on pouvait faire l’impasse sur la création d’une autorité de la vidéoprotection, et confier la mission correspondante à la CNIL.
En évitant la création d’une nouvelle autorité, cette mesure aurait évidemment eu pour effet de réaliser des économies. J’ai donc trouvé très curieux que l’on invoque l’article 40 pour repousser une mesure visant à faire des économies, et non des dépenses! J’aimerais vraiment que l’on m’explique pour quelle raison mystérieuse – sans doute nichée dans les arcanes des finances publiques, dont j’avoue ne pas tout connaître – on a repoussé cette mesure, présentée sous la forme de l’amendement n° 26 à l’article 18. Les explications que vous avez données pour justifier le refus d’autres amendements ne me paraissent pas pouvoir s’appliquer à celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Je remercie moi aussi M. le président de la commission des finances d’être venu nous expliquer l’état de la jurisprudence. Je voudrais simplement ajouter que si les associations de propriétaires – les ASA – sont certes qualifiées par la jurisprudence d’établissements publics, le budget ne fonctionne pas tout à fait comme vous semblez le penser. Des subventions publiques peuvent effectivement aller aux investissements; en revanche, l’ensemble du fonctionnement, notamment le paiement du personnel, est assuré par les cotisations des propriétaires privés.
Si la jurisprudence a qualifié ces associations de droit public parce qu’elles sont investies d’une mission d’intérêt général, la protection de ces agents – comme c’est le cas pour les fonctionnaires – n’aurait en aucun cas grevé le budget de l’État. C’est pourquoi je souhaite que l’on reprenne ce point et que les explications données, qui figureront au Journal officiel , me permettent de me justifier vis-à-vis de mes chers électeurs. (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je suis sensible aux remerciements qui m’ont été exprimés, et confus de retarder le début de nos travaux sur les articles de ce projet de loi.
J’ai entendu les observations qui ont été faites, et je les connaissais d’ailleurs avant même d’intervenir. Elles ne sauraient donc avoir pour effet de modifier la jurisprudence que j’ai rappelée. Je veux indiquer à M. Vanneste que sa proposition consistait, certes, en une économie, mais par rapport à une dépense supplémentaire. Dès lors que vous augmentez très sensiblement les missions d’une autorité administrative indépendante, vous créez une charge publique supplémentaire par rapport à celles résultant des missions dévolues par la loi à cette autorité administrative. C’est donc à juste titre que l’article 40 a pu vous être opposé, monsieur Vanneste.
La commission des finances va travailler – en liaison, je l’espère, avec le Conseil constitutionnel – afin de déterminer jusqu’où nous pouvons aller dans les assouplissements nécessaires, tout en respectant le principe de l’article 40, qui s’impose toujours à nous. Telles sont, madame la présidente, les précisions que je souhaitais apporter en réponse aux observations qui m’ont été faites.
Mme la présidente. Nous en venons maintenant à la discussion des articles proprement dite.
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°136 rectifié, portant article additionnel avant l’article 1 er .
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, je n’ai pu m’empêcher de voir, dans la désinvolture avec laquelle vous avez traité les interventions de l’opposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) …
M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai! Vous avez une sensibilité de première communiante!
Mme Delphine Batho. …une espèce de déception, comme si, au fond, vous rêviez d’avoir, face à vous, un groupe socialiste correspondant à l’image caricaturale, empreinte d’angélisme et de laxisme, que vous vous en faites, et que vous auriez pu utiliser comme faire-valoir. Vous êtes, depuis le début de la discussion générale, déstabilisé par le fait que vous ne trouvez pas ce à quoi vous vous attendiez. Oui, la gauche a bougé sur les questions de sécurité depuis plusieurs années,…
M. Christian Vanneste. Pas Mme Karamanli, en tout cas! Elle, c’est la vieille gauche!
Mme Delphine Batho. …elle a été à l’écoute de ses élus locaux et a tiré les leçons du passé. Il va falloir vous y habituer: il y a désormais, face à votre politique, une sécurité et une fermeté de gauche!
Aujourd’hui, le Gouvernement ne maîtrise plus la situation que nous connaissons sur le terrain. Lorsque vous avez pris vos responsabilités, je vous l’avais dit en commission. En arrivant, vous nous avez servi le discours de la franchise et de la lucidité, reconnaissant les difficultés et les échecs. Et très vite, en trafiquant les chiffres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), …
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. En trafiquant?
Mme Delphine Batho. …vous avez tourné la page de ce discours de vérité. Nous le regrettons, car cela aurait pu donner lieu à une discussion beaucoup plus intéressante. J’en veux pour preuve que les critiques que nous avons formulées dans le cadre de la discussion générale s’expriment jusque dans les rangs de la majorité.
J’en viens à l’amendement n°136 rectifié. L’opposition a beaucoup de propositions, monsieur le ministre. À tel point que lorsque vous prônez « la sécurité partout et pour tous », vous ne faites que reprendre le titre du projet socialiste sur la sécurité de l’année 2006! Comme vous le voyez, nos idées finissent parfois par faire leur chemin!
L’amendement n°136 rectifié propose une mise à jour à valeur normative – contrairement à l’annexe au projet de loi – de la définition des missions prioritaires et des orientations permanentes de la politique de sécurité. Il n’a pas été procédé à une telle mise à jour depuis plus de quinze ans, c’est-à-dire depuis la LOPS de 1995. Il propose d’abord d’établir une vraie hiérarchie des priorités en termes d’objectifs de la politique de sécurité, avec une priorité absolue donnée à la lutte contre les violences.
Par ailleurs, nous formulons deux propositions. Premièrement, la mise en place d’une vraie police de quartier, dotée de moyens d’investigation judiciaire, avec une responsabilisation des chefs de circonscription et une déconcentration des responsabilités, afin d’ajuster les modes opératoires de la police au plus près du terrain. Quant aux moyens, nous proposons, plutôt que de supprimer 8000 postes de policiers, de les affecter à la police de quartier.
Deuxièmement, nous proposons une rupture avec la politique du chiffre, au moyen de la mise en place d’un nouveau système d’évaluation de la performance de la police nationale, qui reposerait sur trois piliers: le service rendu à la population, estimé en fonction des délais d’intervention et de la satisfaction des usagers, indicateurs qui existent déjà dans de nombreux États, notamment en Grande-Bretagne et au Canada; le résultat judiciaire, comme le proposait déjà, il y a un certain temps, l’Observatoire de la délinquance, le taux d’élucidation, qui ne veut rien dire, étant abandonné au profit du taux de défèrement à la justice; la prise en compte, enfin, pour l’évaluation de la délinquance, des enquêtes de victimation, et non des faits constatés.
M. Manuel Valls. Très bien!
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je n’étonnerai personne en disant que nous préférons la stratégie de lutte contre l’insécurité énoncée par le Gouvernement dans l’article 1 er et son annexe à la proposition que vient d’exposer Mme Batho.
Sur le fond, nous avons eu une discussion générale longue – plus de quatre heures – et dense. Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame Batho, M. le ministre a apporté à chacun des orateurs une réponse personnalisée – non pas systématique – et très concrète. Il convient de lui en rendre hommage plutôt que d’employer, comme vous l’avez fait, le mot « désinvolture » pour qualifier son intervention, ce qui me paraît totalement déplacé. Bien entendu, la commission des lois a émis un avis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Madame Batho, je ne peux accepter les termes que vous avez utilisés, notamment l’expression « trafiquer les chiffres ». La plupart de vos collègues, quelle que soit leur sensibilité, souhaitent un débat serein où l’invective n’a pas sa place. L’allusion que vous venez de faire ira droit au cœur des policiers et des gendarmes – que vous visez quand vous parlez de trafiquer les chiffres, puisque ce sont eux qui nous communiquent les chiffres en question! Vous semblez faire bien peu de cas de leur déontologie. Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je maintiens le mot « trafiquer », étant précisé que les policiers et gendarmes sur le terrain ne sont en rien responsables: en réalité, ils sont victimes de la pression de la culture du chiffre. C’est vous-même qui êtes responsable, monsieur le ministre, lorsque vous convoquez un certain nombre de hauts responsables de la police nationale et leur demandez d’être imaginatifs et de faire preuve d’audace pour que les chiffres des trois derniers mois de l’année 2009 soient bien meilleurs que les chiffres des trois derniers mois de l’année 2010.
Je maintiens que les chiffres sont trafiqués, que le nombre de crimes et délits enregistrés en main courante pour l’année 2010 a augmenté de 10 %, et qu’à la fin de l’année 2009 des consignes ont été données pour faire diminuer le nombre d’infractions révélées par l’action des services, afin de parvenir à une diminution artificielle des chiffres de la délinquance. Quant à nos propositions, vous n’y avez pas répondu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.
M. Jacques Alain Bénisti. Je crois que nous ne devrions pas nous engager, les uns et les autres, dans cette polémique stérile sur les chiffres.
Je voudrais simplement dire à Mme Batho qu’elle a raison. Et ce n’est d’ailleurs pas la première fois! Quand elle dit que la priorité absolue, c’est la lutte contre la violence, elle a raison; quand on lit son amendement visant à insérer un article additionnel avant l’article 1 er , on s’aperçoit qu’il reprend pratiquement mot pour mot l’ensemble de la LOPPSI 2!
Le seul point où il y a une divergence concerne la police de quartier. Tout le monde sait aujourd’hui qu’une telle police, que le ministre de l’époque, M. Vaillant, avait mise en place, était totalement inefficace. Pourquoi? Peut-être avait-elle donné des résultats en province, mais dans les quartiers sensibles elle était notoirement inopérante parce que, lorsque la population la voyait arriver, personne ne sortait! Personne, et surtout pas les gardiens d’immeuble ou les mères de famille, qui n’iront jamais voir un policier dans un quartier au vu et au su de tout le monde.
Au contraire, lorsque ces populations veulent donner une information à la police, elles se déplacent pour le faire, afin de ne plus être dans les quartiers, sous les yeux de tous les délinquants. Elles se rendent donc dans des commissariats situés dans des lieux où elles pourront développer les informations dont elles disposent. Mais cela ne se fait surtout pas sur la chaussée!
M. Christophe Caresche. C’est assez paradoxal comme démonstration!
M. Jacques Alain Bénisti. Cela, c’est une réalité. La police de proximité de M. Vaillant n’a pas fonctionné et elle ne fonctionnera pas non plus aujourd’hui dans ce texte.
M. Claude Bodin. Ça ne fonctionnera jamais!
Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Je voulais intervenir à ce stade car le sujet est important. Mais nous aurons évidemment l’occasion de nous exprimer encore par la suite, avec Delphine Batho et aussi Jean-Jacques Urvoas car, vous le savez, comme dans certaines équipes, nous gardons des réservistes pour porter les coups les plus durs. Il faut donc les préserver!
M. Christophe Caresche. Il entrera en seconde mi-temps!
Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Valls a la parole.
M. Manuel Valls. Mais ne vous inquiétez pas, M. Urvoas interviendra!
Pour redevenir sérieux, parce que nous sommes là au cœur d’une discussion importante, je pense que l’intervention de Delphine Batho, et l’amendement que nous défendons, vont tout à fait à l’encontre – et je le regrette‚– des propos que vient de tenir M. le ministre, qui veut faire semblant de ne pas entendre nos propositions.
Nous partons d’un constat: la police dite de proximité, qui avait été préfigurée et avait commencé à être mise en place en2002, d’ailleurs sous forme expérimentale, a été ensuite, pour certaines raisons – politiques ou idéologiques, peu importe à ce stade le terme dont on les qualifie‚–, supprimée par Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’intérieur. Nous sommes d’ailleurs prêts, même si je ne sais pas si cela aurait beaucoup d’intérêt, à regarder de près les raisons pour lesquelles, à l’époque, s’était manifestée, y compris dans la hiérarchie policière, une opposition à cette police de proximité.
Or la police de quartier que Delphine Batho propose d’instaurer est différente. En termes de moyens, elle serait ciblée sur un certain nombre de quartiers et articulée avec une véritable stratégie territoriale, en lien évidemment avec les polices municipales. On lui donnerait des moyens judiciaires, ce qui n’était pas le cas – vous avez raison, monsieur Bénisti‚– de la police de proximité.
Vous le voyez, chacun évolue. Sortons donc des caricatures trop faciles et regardons de près ce qui marche et ce qui ne marche pas. Vous nous dites que la police de proximité, entre2001 et2002, n’a pas marché. Mais elle n’a pas été mise en place!
M. Manuel Valls. De notre côté, nous vous disons que la stratégie mise en place depuis2002 ne fonctionne pas.
M. Philippe Goujon. C’est faux!
M. Manuel Valls. Sur tous nos bancs, on constate une augmentation de la violence; le fait que la police s’est détachée du terrain; le mauvais climat dans la police; la rupture, à certains moments – et c’est votre responsabilité‚–, entre la police et la population. Force est de conclure qu’il y a là quelque chose qui ne va pas.
Nous vous proposons donc un changement de stratégie, avec toutefois les mêmes objectifs, à commencer par la lutte contre la violence, évidemment,…
M. Jacques Alain Bénisti. Nous sommes d’accord!
M. Manuel Valls. …contre cette violence qui ravage notre société – ou en tout cas un certain nombre de quartiers‚– et qui concerne des mineurs de plus en plus précoces.
Nous sommes tous d’accord sur le constat. Il n’y a pas ici, d’un côté, ceux qui auraient compris le problème et, de l’autre, ceux qui ne l’auraient pas saisi, ou bien encore, d’une part, ceux qui sont pour la répression et, d’autre part, ceux qui en tiennent seulement pour les libertés.
Encore une fois, le débat n’est pas là: il porte sur l’efficacité. Or la politique que vous avez conduite et les choix que vous avez faits depuis2002 – les chiffres l’attestent‚– ne fonctionne pas.
M. Philippe Goujon. C’est tout l’inverse!
M. Manuel Valls. Nous vous proposons donc un changement de stratégie, et c’est là que réside la différence, car il concerne aussi bien le nombre de postes que le déploiement territorial de la police et les missions qui lui sont assignées.
M. Jacques Alain Bénisti. C’est un autre débat!
M. Manuel Valls. La différence réside aussi dans le fait que la politique du chiffre qui est la vôtre, celle de la « performance », pour reprendre le terme de M. le ministre il y a un instant, désorganise la police, ne lui donne pas des objectifs concrets. Nous, nous vous opposons des propositions concrètes, et ce sera notre position tout au long de ce débat.
Oui à la vidéosurveillance, mais à condition qu’elle soit utilisée sous le contrôle des maires et qu’il s’agisse d’un outil, pas uniquement d’un but.
M. Jacques Alain Bénisti. Très bien! Nous sommes d’accord!
M. Manuel Valls. Oui à une action efficace, mais sans la démagogie qui consiste notamment à proposer le couvre-feu pour les mineurs, alors que l’on sait bien qu’il existe d’autres moyens pour s’occuper d’eux. D’ailleurs, cette proposition revient, d’une certaine manière, à expliquer qu’aujourd’hui les policiers ne sont pas efficaces et que, lorsqu’ils rencontrent un gamin seul dans la rue, ils ne s’en occupent pas!
Oui, enfin, à une autre stratégie territoriale – je viens de l’expliquer.
Donc le débat, encore une fois, monsieur le ministre, vous oppose à ceux qui pensent qu’il faut un changement de stratégie, qu’il ne faut pas poursuivre sur la voie qui est la vôtre car elle mène à l’échec et conduit, aujourd’hui, à des chiffres – que personne ne conteste‚– extrêmement inquiétants pour la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L’amendement n°136 rectifié n’est pas adopté.)Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:
Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma