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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Séance unique du lundi 11 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Élisabeth Guigou

1. Régulation bancaire et financière

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Christian Eckert

M. Pierre-Alain Muet, M. Jean-Pierre Brard

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Brard

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, M. Jérôme Chartier, rapporteur, M. Louis Giscard d’Estaing, M. Christian Eckert, M. Nicolas Perruchot, M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Brard

M. Nicolas Perruchot

M. Daniel Garrigue

Mme Arlette Grosskost

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie

Discussion des articles

Article 1er

Amendement no 8

Article 2 ter A à 2 quinquies

Article 2 sexies

Amendement no 7

Article 3

Amendements nos 22, 23

Articles 4 à 5 EAA

Article 5 EA

Article 5 E

Amendement no 20

Articles 6 et 7

Article 7 bis A

Amendement no 21

Article 7 bis B

Amendement no 9

M. Christian Eckert

Articles 7 bis et 7 quater A

Article 7 quater

Amendements nos 37, 32

Article 7 quinquies A

Article 7 quinquies

Amendements nos 1, 10

Article 7 sexies

Amendements nos 2, 11

Article 7 septies A

Amendement no 12

Article 7 septies, article 7 octies AA, article 7 octies AB, article 7 octies A

Article 7 octies

Amendements nos 13, 38

Article 7 decies

Article 7 undecies

Amendements nos 4, 24

Articles 7 duodecies à 7 novodecies

Article 7 vicies

Amendements nos 36, 34, 33, 35, 39

Articles 7 unvicies à 11

Article 12 bis

Article 12 quater

Amendement no 15

Articles 12 quinquies à 18 bis B

Article 18 bis

Amendement no 30

Article 18 ter B

Article 18 ter

Amendement no 3

Article 18 quater

Article 19

Amendement no 25

Article 19 bis

Article 20

Amendement no 26

Article 21

Amendement no 27

Articles 21 bis à 22 ter

Article 23BA

Amendements nos 41, 5, 40, 6

Articles 23 à 24

Seconde Délibération

Article 7 bis A

Amendement no 1

Explications de vote

M. Christian Eckert, M. Nicolas Perruchot, M. Louis Giscard d’Estaing, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Régulation bancaire et financière

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, adopté par le Sénat, de régulation bancaire et financière (nos 2833, 2848).

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière intervient après un mois de septembre 2010 décisif en ce domaine. La conjoncture fut en effet particulièrement favorable à la mise en œuvre, tant en France que dans l’Union européenne, d’un certain nombre de décisions qui avaient été prises lors des différents G 20 qui se sont succédé depuis le début de la crise financière. Il me paraît en outre très important que ce texte puisse être examiné aujourd’hui de la manière la plus productive et efficace possible, afin de permettre à la France de débuter sa présidence du G 20 en ayant rempli l’ensemble de ses obligations, nées des engagements pris notamment lors du G 20 de Pittsburgh.

Le mois de septembre, disais-je, fut décisif. En effet, le 7 septembre, est intervenue une réforme très importante, puisque le Parlement européen a permis la création d’une instance de supervision européenne, constituée de quatre éléments : une autorité à caractère systémique, qui joue un rôle de surveillance et d’alerte, et trois autorités coordonnées chargées de superviser respectivement les banques, les assurances et les marchés boursiers. Certains redoutaient une nouvelle cacophonie européenne ; or, l’Europe s’exprime d’une seule voix pour approfondir son intégration au service de la sécurité de notre secteur financier.

Le 12 septembre, au terme d’un processus de concertation qui a réuni l’ensemble de ses membres, le Comité de Bâle a adopté une proposition de réforme qui sera soumise aux chefs d’État et de gouvernement lors du G 20 de Séoul. Cette réforme a pour objet de renforcer les réserves des banques, en particulier leurs capitaux propres, afin de leur permettre de mieux résister, le cas échéant, aux crises économiques et financières. Cet accord est un bon accord. Il a contribué à augmenter très largement le niveau exigé des capitaux propres des banques et son exécution s’étalera jusqu’en 2019, c’est-à-dire sur une période que je juge suffisamment longue pour permettre aux établissements bancaires, en particulier dans l’ensemble des pays les plus développés, y compris aux États-Unis, de se mettre en règle tout en continuant à financer l’économie, ce qui doit demeurer leur vocation principale.

Le 15 septembre, la Commission européenne a proposé deux projets de directives – l’une sur les ventes à découvert et le marché des CDS – les Credit Default Swaps – sur titres souverains, l’autre encadrant les produits dérivés de gré à gré et les infrastructures de marché. Dans le domaine des marchés financiers, l’Union européenne avance donc aussi de manière efficace.

Par ailleurs, nous sommes entrés, je l’espère, dans la dernière ligne droite de la négociation portant sur la régulation européenne des fonds alternatifs. Nous tentons de concilier les exigences de sécurité et de circulation de l’ensemble des biens et services au sein de l’Union européenne. Je précise que la France, ainsi que quelques autres pays, n’est pas disposée à ouvrir sans réserve, vérification ni supervision appropriée l’ensemble du territoire européen à un passeport qui serait fourni sans contrepartie.

Enfin, la Commission s’est engagée à proposer des améliorations concernant une directive récente sur les agences de notation, en présentant notamment un texte complémentaire destiné à traiter les questions qui ne l’ont pas été dans le premier texte, en particulier la concurrence et les conflits d’intérêts, et à garantir ainsi le bon fonctionnement de ces agences. Un chapitre particulier sera réservé aux notations des titres souverains, qui ont posé problème lors de la crise grecque.

Que ce soit à Séoul, à Bâle ou à Bruxelles, la régulation progresse, à un rythme trop lent pour certains, trop rapide pour d’autres, mais de manière concertée à l’échelon européen.

Le projet de loi de régulation bancaire et financière comporte des mesures fortes pour transposer dans notre droit national les décisions du G 20. Ainsi, pour la première fois, nous encadrons les agences de notation, que notre gendarme de la bourse – l’Autorité des marchés financiers – pourra désormais contrôler et sanctionner. Le texte permettra, pour la première fois également, de réguler les ventes à découvert, qui pourront être interdites dans des circonstances exceptionnelles. La loi interdira également les ventes à découvert à nu pour lesquelles le vendeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il disposera effectivement des titres au moment de les livrer. Nous introduisons ainsi la fameuse locate rule dans le droit français.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce que ça veut dire ? (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il s’agit de la capacité de localiser et d’apporter la preuve que l’on peut délivrer le titre sous-jacent ; nous y reviendrons.

Pour la première fois encore, la loi régulera les marchés dérivés dans notre pays. L’AMF pourra ainsi sanctionner les abus de marchés, les manipulations de cours par exemple, sur les marchés dérivés et sur les CDS. Le montant maximum des sanctions que pourront prononcer respectivement l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel sera multiplié par dix et par deux.

Le projet de loi qui vous est soumis traite désormais – ce qui n’était pas le cas en première lecture – de la réglementation relative à la finance carbone, de la rémunération des opérateurs de marchés, des offres publiques et de la sécurité des consommateurs de produits financiers. Dans tous ces domaines, le texte marque une véritable rupture avec le régime précédent.

M. Christian Eckert. N’exagérons rien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’ajoute que la loi intégrera dans le droit français l’Autorité de contrôle prudentiel – ACP –, qui résulte de la fusion des deux anciennes instances de régulation et de supervision des marchés bancaire et assurantiel.

Prendre la mesure de la crise, comme nous l’avons fait dès son origine, nous impose de rénover le dispositif français de régulation. Le projet de loi que je soumets à votre examen dote la France des moyens d’éviter les excès et les abus.

Monsieur le président, je souhaite remercier la commission des finances pour la richesse de ses travaux, accomplis sous l’impulsion décisive de son rapporteur, M. Jérôme Chartier, qui a considérablement simplifié et élagué le texte, tout en participant à un travail de pédagogie nécessaire dans une matière souvent abrupte et excessivement sophistiquée.

M. Jean-Pierre Brard. Quel tombereau d’éloges. Cela ressemble à un enterrement !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous lui devons beaucoup, car il a facilité la compréhension de ce texte et amélioré un certain nombre de ses dispositions. Avec cette loi de régulation, notre pays tournera le dos à la finance dérégulée. Il pourra ainsi se présenter à Séoul, lors de la prochaine réunion du G 20, puis prendre la présidence de celui-ci à partir du 13 novembre prochain, la tête haute, avec le sentiment du devoir au moins en partie accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jean-Pierre Brard. Il devrait y avoir autant d’éloges pour la ministre !

M. Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, permettez-moi tout d’abord de saluer votre toute première présidence.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi de régulation bancaire et financière, adopté en première lecture par notre assemblée le 10 juin dernier, a été examiné par le Sénat au cours de ses séances du 30 septembre et du 1er octobre 2010. Le délai qui a été laissé aux députés pour examiner ce projet en deuxième lecture a été incontestablement bref, puisque le texte a été mis à notre disposition le samedi 2 octobre. Toutefois, il ne faut pas s’arrêter aux apparences, car ce projet de loi est le fruit d’un travail tripartite, réunissant le Gouvernement, la Haute assemblée et l’ensemble des députés,…

M. Christian Eckert. N’exagérons rien !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. …en particulier les membres de la commission des finances. Depuis pratiquement un an, au fil des discussions, à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte a ainsi été amélioré par le rapporteur du projet de loi au Sénat, Philippe Marini, et par votre serviteur.

Sur les 92 articles que compte désormais le projet de loi, 22 ont été votés conformes, une vingtaine ont été votés « quasi conformes » – le Sénat n’y ayant apporté que de légères modifications de pure forme –, une quinzaine ont fait l’objet d’une discussion productive avec le Sénat, qui a abouti à un compromis raisonnable, et 35 sont réellement nouveaux, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou sénatoriale.

Le projet de loi de régulation bancaire et financière fera date. Il apporte un souffle nouveau, à quelques semaines du début de la présidence française du G 20, qui sera marquée par une avancée considérable de la régulation bancaire et financière au niveau européen. J’en veux pour preuve les directives et règlements qui ont été adoptés en la matière depuis deux ans, ainsi que la directive AIFM, également appelée directive « hedge funds », qui sera prochainement transposée dans le droit français après son adoption.

Les principales dispositions adoptées par le Sénat peuvent être classées en trois catégories.

La première catégorie correspond à une recherche d’amélioration de la rédaction de l’Assemblée, dans le respect de l’esprit du texte et en étroite collaboration avec votre rapporteur. Ainsi, le Sénat a introduit le principe de la publicité des audiences de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, même si le secret de l’audience restera possible dans certains cas, à la demande expresse du président de la commission des sanctions – la publicité devenant donc la règle.

Pour ce qui est des agences de notation, je me félicite de la nouvelle rédaction de l’article 3, améliorée par le Gouvernement et l’Assemblée pour éliminer un risque identifié lors de la première lecture par notre assemblée, à savoir la « délocalisation » des contrats entre une agence de notation et son client afin d’échapper à la réglementation française.

L’article 4 a été amendé pour ajouter un élément de transparence et d’information : le règlement général de l’AMF devra déterminer chaque année le régime général de rémunération des agences de notation, ce qui n’est pas anodin : c’est là un élément de transparence tout à fait décisif au regard d’événements survenus par le passé, notamment la crise des subprimes.

Si le Sénat a supprimé deux articles par lesquels notre assemblée avait demandé au Gouvernement d’établir des rapports, Mme la ministre a, quant à elle, exprimé devant la commission des finances son intérêt réel pour les sujets ayant vocation à être traités par ces rapports ; elle a d’ailleurs proposé une alternative à ces rapports formels, consistant en la production de notes d’information complètes, portant notamment sur la question des Credit Default Swaps, ou CDS. Je reviendrai sur ce point lorsque nous examinerons les amendements à ces articles.

Après l’amélioration des dispositions votées par l’Assemblée nationale, la deuxième catégorie de dispositions adoptées par le Sénat est celle relevant de la création législative, avec certaines mesures puisées à bonne source, comme dirait Philippe Marini, et d’autres relevant de positions anciennes de nos collègues de la commission des finances du Sénat.

Tout d’abord, le Sénat a institué un pouvoir de transaction de l’AMF – pour notre part, nous avions décidé, à l’issue d’un débat, de ne pas examiner cette disposition. Très encadrée, la procédure proposée est exclue dans les cas les plus graves, relevant de la compétence du juge judiciaire. La commission des finances a donc émis un avis favorable à cette disposition, qui fait désormais partie intégrante du texte.

Par ailleurs, le Sénat a introduit un article 2 sexies visant à réglementer le marché d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Ce marché en fort développement nécessitait un dispositif d’encadrement, dont nous avons parlé longuement avec Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances du Sénat. La rédaction proposée par le Sénat, qui me paraît très satisfaisante, consiste notamment à organiser la coopération entre l’Autorité des marchés financiers et la Commission de régulation de l’énergie.

Un article nouveau, l’article 7 vicies, confie au comité consultatif du secteur financier une mission d’observation des tarifs bancaires. Nombre de députés s’étant émus de l’évolution des tarifs bancaires, il était important que nous nous penchions sur cette question. La mission d’observation, organisée en concertation avec les professionnels, rendra des conclusions qui seront ensuite examinées par les commissions des finances des deux assemblées et pourront donner lieu à débat.

L’article 12 quinquies ménage une nouvelle porte de sortie aux entreprises en difficulté, en proposant d’instituer une sauvegarde financière accélérée des entreprises. J’ai vu d’un œil tout à fait favorable cette innovation juridique s’inscrivant dans le droit fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises, dont j’étais le rapporteur. En commission des finances, j’ai indiqué à Mme la ministre qu’il serait bon que les « noteurs », notamment les assureurs-crédits, suspendent les notations pendant la procédure afin de ne pas pénaliser les entreprises, et je la remercie d’avoir approuvé ma suggestion.

Enfin, la troisième catégorie de mesures est composée de modifications résultant d’une position plus mesurée que celle de votre assemblée au sujet de dispositions adoptées en première lecture. Il s’agissait de dispositions qui, je le reconnais, pouvaient sembler maximalistes, mais présentaient l’immense intérêt de provoquer le débat sur des sujets essentiels – même s’ils n’étaient pas apparus comme tels jusqu’à présent.

L’Assemblée nationale avait raccourci de J +3 à J + l le délai de règlement-livraison sur les marchés boursiers, afin d’éviter au maximum les ventes à découvert. La Haute Assemblée a estimé plus judicieux de ramener ce délai à J +2, ce qui m’est apparu comme un juste milieu, étant précisé par ailleurs que la date de mise en œuvre de cette disposition a été fixée au 1er janvier 2012.

Le Sénat a supprimé l’article 7 septies A, prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’une régulation européenne et nationale du capital-investissement. Il a bien fait, puisque la directive « hedge funds », prévoyant un certain nombre de dispositions en matière de régulation du capital investissement, doit être votée dans quelques semaines, ce qui rendra superflu le rapport initialement prévu. Je ne me suis donc pas opposé à la suppression de cet article.

Enfin, j’avais souhaité que les fonds solidaires soient investis au minimum à 10 % dans les entreprises solidaires, et non plus à 5 % minimum, comme c’est le cas actuellement. Cette proposition me paraissait tout à fait mesurée ; toutefois, la commission des finances du Sénat a souhaité que cette évolution se fasse avec davantage de progressivité, et est donc revenue aux dispositions antérieures. Devant la commission des finances de notre assemblée, Mme la ministre a bien voulu faire jouer son autorité pour qu’une évolution se fasse vers le seuil de 10 % de fonds solidaires, ce dont je la remercie ; un plancher à 8 %, constituant une bonne moyenne, paraît désormais tout à fait envisageable.

Telles sont, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les principales dispositions d’un projet de loi de régulation bancaire et financière extrêmement ambitieux et utile, qui se place dans une perspective mondiale, mais aussi et surtout européenne. Ce projet de loi doit beaucoup au travail conjoint des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat, d’une part, et du Gouvernement, d’autre part, et n’aurait pas été possible si nous n’avions pas la chance d’avoir une ministre si ouverte au dialogue et à la coproduction législative.

M. Jean-Pierre Brard. Si ce n’est pas de l’idolâtrie !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Je le répète, n’en déplaise à M. Brard, nous avons beaucoup de chance…

M. Olivier Dassault. Très bien !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. …de pouvoir collaborer si efficacement avec un ministre, surtout quand on pense à d’autres majorités qui, par le passé, se sont montrées beaucoup plus fermées que la majorité actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes subjugué, mon cher collègue !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Christian Eckert, pour une durée maximum de quinze minutes.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de revenir sur les conditions d’examen de ce texte, brièvement évoquées par M. le rapporteur. Le texte nous ayant été communiqué samedi midi, la commission s’est réunie mardi ; dans ces conditions, il était impossible de procéder à un travail de fond sérieux. D’autre part, votre obstination à vouloir absolument aboutir à un texte conforme a conduit la commission à repousser de façon systématique toutes les propositions d’amendements, y compris celles issues de vos propres rangs. Cela ne paraît guère de nature à illustrer la prétendue mise en valeur du travail parlementaire dont la majorité se prévaut par ailleurs. Quand M. Chartier évoque le travail tripartite entre le Gouvernement, la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale, il me semble qu’il a tendance à réduire la représentation nationale à sa seule personne : sans nier l’importance de son propre travail, je ne pense pas que l’on puisse parler d’un travail collégial effectué sur ce texte.

Ce texte arrive à l’ordre du jour « coincé » entre deux autres textes particulièrement lourds, à savoir la loi de programmation triennale que nous avons examinée la semaine dernière en commission et le projet de loi de finances pour 2011 que nous allons commencer à débattre dans les prochains jours. Il me paraît anormal d’examiner un texte dans ces délais.

Par ailleurs, vous avez raison, madame la ministre : depuis le premier examen de ce texte, un certain nombre de faits nouveaux sont apparus. À ceux que vous avez cités, j’en ajouterai d’autres. La première lecture de ce texte a eu lieu en même temps que le procès Kerviel ; par un curieux hasard, il se trouve que l’examen en deuxième lecture intervient au lendemain du prononcé du jugement en première instance. Je vous avais demandé, lors de la première lecture, si vous – je veux dire ceux que vous représentez – n’aviez pas un certain sentiment de culpabilité, dans la mesure où les autorités de contrôle, notamment la commission bancaire, n’avaient pas contrôlé comme il se doit la Société Générale et ses systèmes de contrôle interne. Certes, le tribunal a constaté un comportement délictueux, mais, à mon sens, les contrôleurs des traders devraient également être mis en cause.

M. Jouyet, président de l’AMF, vient d’ailleurs de déclarer que les conditions actuelles de contrôle de fonctionnement des organismes bancaires ne permettaient pas d’exclure qu’un incident du type de l’affaire Kerviel se produise à nouveau. Il a été révélé récemment que la Société Générale avait récupéré 33 % de ses pertes, soit 1,7 milliard d’euros sur les 4,9 milliards perdus en 2008 dans l’affaire Kerviel, grâce à un dispositif fiscal permettant aux sociétés de bénéficier d’une déduction d’impôt sur les sociétés en cas de pertes exceptionnelles. On a beau dire qu’à chaque fois que M. Kerviel versera un euro de dédommagement, 33 centimes d’euro reviendront au fisc, je doute que l’on parvienne un jour à un pourcentage significatif des sommes en jeu !

L’autre événement survenu depuis la première lecture de ce texte, madame la ministre, c’est que les banques ont été condamnées pour défaut de concurrence : plus de 300 millions d’euros d’amendes ont été infligés aux banques pour entente illicite sur un certain nombre de prestations fournies à leurs clients. La Banque de France elle-même a été condamnée à plus de 30 millions d’euros d’amende, alors que son principal client, pour ne pas dire le seul, est le Trésor public ! Cela veut dire que la Banque de France a été condamnée pour avoir escroqué le Trésor public, ce qui, vous en conviendrez, est pour le moins croquignolet !

Je trouve curieux qu’un texte que vous présentez comme une rupture par rapport aux comportements antérieurs n’évoque même pas de type de sujets !

Autre événement intervenu depuis : l’évolution de la réglementation de Wall Street. Certes, le processus n’est pas terminé et je sais que vous allez me dire que tout ce qui figure dans le projet de M. Obama ne sera pas mis en œuvre et qu’un certain nombre de dispositions vont disparaître. Mais tout de même !

Autre événement : notre assemblée a créé une commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation, dont les travaux ont commencé. Je doute que vous ayez ne serait-ce qu’esquissé la prise en compte des premières investigations qui ont été conduites sous la houlette de nos collègues Henri Emmanuelli et Jean-François Mancel, entre autres.

Certes, il y a eu les événements du mois de septembre, que vous avez cités. Mais nous ne devons pas avoir la même lecture de la chronologie des choses, car dans quelle partie de ce texte les décisions de septembre ont-elles été prises en compte ? Si j’y trouve bien la transcription de directives datant de 2009, je n’ai pas vu en revanche la transcription de la moindre directive du mois de septembre 2010.

Par ailleurs, à chaque fois que l’on vous propose de prendre des mesures plus sévères sur la régulation bancaire, vous nous renvoyez systématiquement un jour à l’Europe, le lendemain au G20. Or, aujourd’hui, vous nous dites qu’il est important d’adopter ce texte avant le prochain G20. Je ne sais donc plus très bien s’il faut mettre la charrue avant les bœufs, ou bien l’inverse !

Toujours est-il que, à cet égard, votre discours n’est pas très cohérent. J’y reviendrai un instant sur l’affaire des CDS et de la politique de convergence avec l’Allemagne.

Après ces premières réflexions, j’en viens au fond. Je vous disais lors de la première lecture, madame la ministre, que votre texte était un acte manqué. Eh bien, il le reste. J’ai d’ailleurs souri lorsque vous avez dit que notre collègue M. Chartier et le Sénat l’avaient « allégé », car je trouve quant à moi qu’ils l’ont considérablement alourdi : nous en sommes à plus de quatre-vingts articles et je vais revenir sur le contenu d’un certain nombre d’entre eux.

Tout d’abord, madame la ministre, votre texte ne conforte pas le rôle du Parlement. Nous avons discuté de la représentation des parlements dans différentes instances ; vous avez systématiquement écarté la présence ès qualité de parlementaires, que ce soient des députés ou des sénateurs. Je le regrette.

Ensuite, sur les fameux CDS et leur vente à découvert, je n’y comprends plus rien. Vous nous dites qu’il faut avoir une politique convergente avec nos collègues européens et vous érigez d’ailleurs en dogme, depuis quelques jours, la convergence avec l’Allemagne. Or celle-ci a interdit les ventes à découvert à nu des produits de type CDS. Pourtant, de votre côté, vous ne le faites pas et vous vous en tirez par une formule alambiquée. Notre collègue M. Brard a d’ailleurs réagi tout à l’heure aux affirmations faites à cette tribune.

Vous nous dites que le vendeur à découvert doit disposer d’« assurances raisonnables sur sa capacité à livrer ces instruments financiers. » Notons la sévérité de la formule ! Je doute qu’un tribunal ou un spécialiste, quels qu’ils soient, puissent apprécier de façon objective ce qu’est une assurance raisonnable sur la capacité à livrer des instruments financiers, mais vous allez certainement nous expliquer que tout cela est parfaitement clair et codifié.

Les articles 19 et suivants traitent de nouveaux titres, de nouvelles obligations à l’habitat. Ne serait-ce pas une nouvelle forme de titrisation ? Nous en sommes étonnés et nous n’avons pas obtenu de réponse satisfaisante. Ce n’est pas parce que des titres ou des créances concernent l’immobilier ou l’habitat qu’ils seraient dénués de tout risque, comme les expériences passées nous l’ont parfaitement démontré.

En ce qui concerne la commission des sanctions, qui a de nouveau été évoquée tout à l’heure, nous sommes bien sûr étonnés de cette idée d’une composition administrative. Tout le monde a convenu en commission que cette faculté de transaction ne faisait pas gagner de temps ; beaucoup s’étonnent et s’inquiètent du recours aux tribunaux arbitraux, y compris notre collègue et habituel donneur de leçons Charles de Courson. On sait en effet ce que cela a pu donner et j’observe au passage que nous n’avons toujours pas eu de réponse précise quant à l’enrichissement de la famille Tapie suite à la décision d’un tribunal arbitral.

Pire encore : vous introduisez dans ce texte une disposition qui consiste à dire que l’on peut faire une transaction, mais qu’elle est tout de même soumise à la commission des sanctions, qui doit déclarer si elle est bonne ou pas. Je ne vois vraiment pas l’intérêt ! Au contraire, cela jette la suspicion sur les affaires concernées.

Sur les frais bancaires – je les ai évoqués tout à l’heure –, qu’y a-t-il dans votre texte, madame la ministre ? Vous obligez les banques à écrire noir sur blanc à leurs clients, souvent captifs, à quelle sauce ils vont être mangés. Voilà en gros ce que prévoit votre texte ! Bref, on va piquer des sous aux clients en leur disant quand même avant, bien que de façon très opaque et complexe, comment on va faire pour prélever des frais bancaires.

Nous vous avions proposé un certain nombre d’amendements sur ce sujet. D’ailleurs, vous confiez la mission du suivi à un comité, dont j’ai, hélas ! oublié le nom.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Comité consultatif du secteur financier.

M. Christian Eckert. C’est cela même, madame la ministre.

Nous aurions préféré que cette mission soit confiée à l’ACP. Tel n’a pas été votre choix et nous le regrettons.

Sur les agences de notation, vous parlez de rupture. N’exagérons rien ! Vous les obligez à se déclarer. Bon. Vous les forcez à s’enregistrer. Bon. L’AMF semble toutefois dotée de moyens très limités pour procéder à ces enregistrements.

Cette mesure est donc sympathique, mais elle ne mange pas de pain et je doute des résultats. Quand j’entends qu’il s’agit d’une rupture avec les pratiques antérieures, je suis particulièrement inquiet sur la conception que vous avez de la rupture ! Nous avons eu une crise phénoménale du monde financier. La réponse que vous apportez au travers de ce texte n’est pas du tout à la hauteur de la crise que vous décrivez, que nous avons connue et que connaissent encore aujourd’hui, par voie de conséquence, nos concitoyens.

Notre collègue Nicolas Perruchot avait d’ailleurs déposé un amendement assez croquignolet, que nous aurions voté des deux mains, par lequel il demandait qu’un rapport puisse nous dire comment faire payer aux banques le prix de la crise qu’elles ont elles-mêmes engendrée. Vous l’avez écarté. Quel dommage ! Je ne savais pas que Nicolas Perruchot était un farouche gauchiste… (Sourires.) Mais enfin, vous avez tout de même reconnu qu’il y avait là un problème.

Je suis très inquiet de l’article 7 octies. Je vous l’ai dit et je vous le répète : mes chers collègues, je vous invite à réfléchir avant de voter cet article. Sans vous en donner la lecture complète, je vous rappelle qu’il autorise, pour aller vite, le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour prendre toute disposition de nature à moderniser le système financier.

Je me demande à quoi sert le Parlement ! Je sais bien que les ordonnances prises par le Gouvernement doivent être ratifiées, mais je n’en ai jamais vu qui ne l’aient pas été en temps et en heure, du moins quand on l’a demandé.

Sur les paradis fiscaux, rien !

M. Jean-Pierre Brard. Eh non ! Rien !

M. Christian Eckert. Nada. (Sourires.) Ils n’existent pas.

Je n’ai pas vu non plus la fameuse expression de « pays non coopératifs ». Pourtant, nous avions proposé un certain nombre d’amendements modestes sur ces pays. À l’arrivée, rien ; votre texte est vide.

D’ailleurs, les conventions que nous adoptons régulièrement dans cette assemblée sont elles aussi creuses.

M. Jean-Pierre Brard. Pas tant que ça !

M. Christian Eckert. Je regrette que vous n’ayez pas prêté attention aux amendements que nous vous avions proposés.

Par ailleurs, on trouve dans votre texte quelques codes de bonne conduite…

M. Jean-Pierre Brard. Rédigés par M. le curé !

M. Christian Eckert. …extrêmement sympathiques. Je ne résiste pas à l’envie de lire une partie de la page 47. Rendez-vous compte : on légifère pour dire que les conseillers en investissements financiers doivent se « comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ».

M. Jean-Pierre Brard. C’est comme les articles du code civil sur le mariage !

M. Christian Eckert. Quelle rupture !

L’alinéa suivant n’est pas mal non plus : « Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ».

Des phrases de ce genre – et je pourrais les multiplier – valaient vraiment la peine que nous nous réunissions un lundi en fin d’après-midi. Et vous présentez ce texte comme une rupture avec les pratiques antérieures !

J’en viens à ma conclusion, madame la ministre, car je sens Mme la présidente bouillir à l’idée de devoir faire un premier rappel à l’ordre à un orateur un peu long. (Sourires.)

Ma conclusion sera double.

Premièrement, à quoi est-ce que tout cela sert ? En effet, finalement, ce que vous faites, c’est valider le fait qu’il y a une économie financière qui fonctionne dans une bulle et qui brasse beaucoup d’argent. Certains en gagnent et d’autres en perdent, ce qui est en général la loi du genre, sauf si l’on gonfle ou dégonfle la bulle. Or cet argent vient de la production industrielle, qui existe encore – quoique de moins en moins, certes – dans notre pays.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Christian Eckert. Il y a là un système de pompage – si j’ose dire, et pour ne pas utiliser des mots plus grossiers – de l’argent produit par l’industrie.

La vocation de la banque, c’est de financer l’industrie, pas de la ponctionner de la valeur ajoutée de sa production pour ensuite la voir circuler de façon plus ou moins volatile et réglementée.

M. Jean-Pierre Brard. On en revient à Marx et au capitalisme rhénan !

M. Christian Eckert. Deuxièmement, nous vous avons proposé un amendement relativement simple qui tendait – c’est bien le moins – à établir un rapport sur l’opportunité de séparer l’activité des banques de dépôt, c’est-à-dire la gestion classique des banques, et l’activité relevant de l’investissement spéculatif.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Christian Eckert. Eh bien, même cela, madame la ministre, vous n’avez pas été en mesure de l’accepter. Vous n’avez pas même voulu réfléchir sur le fait qu’il y a lieu de séparer les activités bancaires, de les cloisonner de façon à protéger l’activité de dépôt – qui pourra se dérouler normalement au service de l’économie – de l’activité spéculative, qui malheureusement a contaminé l’économie.

M. Jean-Pierre Brard. Nada !

M. Christian Eckert. Cela dit, je m’excuse, madame la présidente, d’avoir dépassé mon temps de parole de deux petites minutes. Je crois d’ailleurs que M. le rapporteur avait fait de même avant moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

Pour le groupe UMP, la parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, je laisse M. Scellier s’exprimer au nom de notre groupe.

Mme la présidente. Monsieur Scellier, souhaitez-vous intervenir au titre des explications de vote ?

M. François Scellier. Non, madame la présidente.

M. Jean-Pierre Brard. Surtout, ne vous battez pas ! (Sourires.) Je comprends bien que vous n’ayez rien à dire…

Mme la présidente. Pour le groupe SRC, la parole est donc à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je ne dirai que quelques mots après la brillante intervention de Christian Eckert.

Comme il l’a très bien montré, il n’y a pas grand-chose dans ce texte de loi. Cela fait presque un an que le projet a été soumis à notre assemblée. Le Gouvernement l’avait longtemps oublié, mais, quand est arrivée la crise grecque, il s’est souvenu qu’il y avait un texte qui transposait un certain nombre de directives européennes. Ce texte a donc de nouveau émergé.

Quelques améliorations, je veux bien le reconnaître, ont été apportées par notre rapporteur. Mais, au total, on est loin de ce qu’il faudrait après une crise de l’ampleur de celle que nous avons connue. Quand on compare ce qui s’est passé aux États-Unis avec ce qui passe en Europe et dans notre pays, on se dit qu’on a fait seulement un tout petit pas vers la régulation qu’il faudrait mettre en place.

Aujourd’hui encore, le risque existe qu’une nouvelle crise se déclenche, parce que, finalement, rien n’a été changé en matière de régulation. Christian Eckert l’a dit : il n’y a rien sur les paradis fiscaux, hormis des conventions signées entre les paradis fiscaux eux-mêmes.

Qu’y a-t-il sur les agences de notation ? Pas grand-chose.

Qu’y a-t-il sur les ventes à découvert ? L’Allemagne a pris une mesure pendant un an. La France aurait pu lui emboîter le pas, d’autant qu’elle s’aligne sur le « J + 2 » allemand. Nous aurions pu aller jusqu’au bout.

Qu’y a-t-il sur les frais bancaires – sujet plus restreint, mais important pour nos concitoyens ? Rien.

Sur ce sujet pourtant vaste, il n’y a donc pas grand-chose dans ce projet de loi. Le groupe socialiste votera donc évidemment cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Comme vient de le dire Pierre-Alain Muet, rien plus rien plus rien, cela fait toujours trois fois rien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est toujours mieux que rien. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. En écoutant la brillante démonstration de Christian Eckert – j’aurais d’ailleurs certainement pu faire la même (Sourires) – je me disais qu’il était formidable d’écouter M. le rapporteur et Mme Lagarde.

Mme la ministre a inventé un genre nouveau. Elle sait bien que, sous ce régime de l’empereur Nicolas Sarkozy – encore qu’il imagine, je crois, se reconvertir en chanoine, avec ses voyages répétés au Vatican –, un ministre n’avait pas beaucoup de pouvoir. Elle s’exerce donc à l’art difficile du ministre moraliste, rappelant La Fontaine ou La Bruyère.

Mais, madame la ministre, avec toute l’estime que j’ai pour vous, il y avait chez notre bon Jean de La Fontaine une dimension critique très forte ; vous, vous êtes plutôt dans l’adulation, dans la révérence. Il en va d’ailleurs de même de notre rapporteur : homme fort aimable, chacun le sait, il a de l’ambition, il a de l’admiration pour les privilégiés, de l’esprit de soumission aussi ; pour leurs victimes, il a de la compassion.

Dans ce projet de loi, il n’y a effectivement pas grand-chose. Vous dites que vous avez pris la mesure de la crise « dès l’origine ». Quand on voit le pétrin dans lequel nous sommes, on se dit : heureusement, sinon, où en serions-nous ?

Je dis cela pour les jeunes qui sont dans les tribunes, et pour les gens qui nous regardent : il faut toujours expliquer pour que nos concitoyens comprennent. En réalité, le Gouvernement fait semblant. C’est du théâtre ! On fait semblant, après la crise de septembre 2008, de prendre des mesures ; en réalité, on ne fait rien du tout, comme Christian Eckert et Pierre-Alain Muet viennent de le montrer.

On met en place un comité consultatif – j’imagine qu’on y servira le thé lors de réunions à dix-sept heures : consultatif, cela veut dire qu’il n’aura aucun pouvoir. On va encadrer les agences de notation, mais elles vont continuer de faire leur petite salade entre elles.

L’Autorité des marchés financiers détiendra des pouvoirs de transaction, dites-vous. Que de mauvais souvenirs cela nous rappelle ! Souvenez-vous : au moment de l’affaire des Caisses d’épargne, selon l’AMF, certains actes commis relevaient certainement du pénal. Quelles suites cet avis a-t-il connu ? Aucune, car il y a eu des arrangements entre copains et coquins.

Vos propositions permettront que tout continue comme avant, comme lors de l’affaire du tribunal arbitral dont a largement bénéficié M. Tapie, avec nos sous, c’est-à-dire avec l’argent du contribuable.

En ce lundi après-midi, nous sommes réunis pour rien : rien ne changera, même si vous essayez d’en créer l’illusion. Le président Sarkozy, à la sortie du cinéma… (Sourires.)

M. Camille de Rocca Serra. C’est vous qui faites du cinéma !

M. Jean-Pierre Brard. Lapsus révélateur ! (Sourires.)

À la sortie du sommet du G20 à Pittsburgh, le président Sarkozy avait eu le culot de dire : les paradis fiscaux, c’est fini ! Mais rappelez-vous la discussion que nous avons eue il y a quinze jours sur l’accord franco-suisse : grâce à l’acharnement du Gouvernement, nous avons obtenu de la Suisse le droit d’envoyer aux contrevenants français résidant en Suisse des lettres recommandées avec accusé de réception !

Mme la présidente. Concluez, s’il vous plaît.

M. Jean-Pierre Brard. J’en termine d’une phrase, madame la présidente : aujourd’hui, avec les propositions du Gouvernement, les excès de vitesse sont toujours permis, le franchissement de ligne jaune est toujours permis ; seul l’état d’ivresse est interdit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes.

M. Jean-Pierre Brard. Je le sais bien, madame la présidente, nous sommes de plus en plus bâillonnés.

M. Olivier Dassault et M. Camille de Rocca Serra. N’exagérons rien !

M. Jean-Pierre Brard. Tout à l’heure, ni Mme Grosskost ni M. Scellier n’ont voulu expliquer pourquoi ils étaient opposés à la motion de rejet préalable. Ils étaient sans voix – c’est d’ailleurs bien naturel : où trouver des arguments pour contester ce que disait M. Eckert ?

Il faut se rendre à l’évidence, madame la ministre : votre projet de régulation n’a de régulateur que le nom. Rien ne va fondamentalement changer.

En réalité, votre texte n’est que l’expression de vos options idéologiques : vous êtes engluée dans la foi que la finance pourrait être éthique. Le Président de la République avait prévu, lors d’un meeting devant les militants de l’UMP à Toulon au mois de septembre 2008, de « moraliser le capitalisme ». Autant essayer de donner l’espérance de guérir à un malade incurable ! Car le capitalisme n’est pas moralisable.

Christian Eckert a évoqué une vision du capitalisme dans laquelle les banques auraient pour fonction de favoriser le développement de la production et des richesses – implicitement, il faisait référence au capitalisme rhénan tel qu’il s’est développé aux XIXe et XXe siècles. Aujourd’hui, le capitalisme est entré dans une phase différente : c’est un capitalisme de rente, avec tous ses excès.

Madame la ministre, vous avez un petit peu complété le texte que nous avons examiné il y a quelques mois. Le Sénat a introduit quelques dispositions nouvelles, concernant par exemple la finance-carbone, comme vous l’appelez. Vous avez ainsi pu vous féliciter de ce que la régulation serait désormais applicable à ce secteur.

Je me félicite à mon tour de ce que vous ayez reconnu, à demi-mot, que le marché carbone est bien un marché spéculatif, et en tant que tel totalement inefficace, voire contre-productif : nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Vous vous êtes également réjouie, madame la ministre, de l’introduction par les sénateurs de la possibilité d’interdire une vente à découvert « pour laquelle le vendeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il disposera effectivement des titres au dénouement de l’opération ». La formule alambiquée à laquelle vous devez recourir pour décrire cette disposition quasi-révolutionnaire en dit long sur son efficacité réelle telle que vous la voyez vous-même !

Ainsi, contrairement à l’Allemagne que vous citez souvent, vous n’interdisez pas les ventes à découvert ; vous ne limitez même pas la vente aux seules personnes effectivement détentrices des titres correspondants. Non, votre ingéniosité n’a d’égale que celle des financiers eux-mêmes : la vente à découverte est interdite seulement si le vendeur ne peut pas « prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il disposera effectivement du titre au dénouement de l’opération ». Autant dire qu’aucune vente à découvert ne sera jamais interdite ! Vous avez d’ailleurs eu l’honnêteté de dire, madame la ministre, qu’il s’agirait de cas tout à fait extraordinaires.

Si le sujet n’était pas aussi grave, je serais presque tenté de prendre du plaisir à décortiquer vos petites phrases : cela permet de trouver une cohérence entre vos paroles et vos actes, même si la grande cohérence de vos actes suffit à faire comprendre votre projet. Il est vrai que celui-ci a déjà été explicité, je l’ai déjà souligné dans cet hémicycle, par M. Kessler.

L’écoute très attentive d’un certain nombre de vos déclarations permet de comprendre votre véritable inspiration, vos options idéologiques en matière économique et sociale. Il n’y a d’ailleurs nul besoin d’être lacanien pour se livrer à ce petit exercice.

Vous avez par exemple déclaré devant nos collègues du Sénat : « La place de Paris sera d’autant plus attractive, comme l’est celle de Luxembourg, tout simplement parce qu’elle sera mieux régulée et parce que ces mesures auront restauré un facteur de confiance indispensable aux investissements comme à l’exercice de bonnes transactions. » Ainsi donc, madame la ministre, la place de Luxembourg serait mieux régulée que Paris ! Je ne crois pas que les dirigeants luxembourgeois s’attendaient à tant de louanges : vos propos sont même compromettants – pour vous, et pas pour eux, compte tenu de leur réputation sulfureuse.

Nous cernons mieux ce que vous semblez appeler une bonne régulation, une bonne transaction – une régulation, une transaction en bon père, ou plutôt en bonne mère de famille, et en dernière analyse en bonne économie. Vous continuez à penser que la finance est le moteur de la croissance, qu’il s’agit de l’industrie du XXIe siècle et qu’elle apportera paix et prospérité au monde entier, ou tout au moins au monde que vous connaissez le mieux : celui des privilégiés et des rentiers du capital, c’est-à-dire de ceux que l’on appelle maintenant les actionnaires.

Vous avez sûrement raison sur ce dernier point, mais sur ce dernier point seulement : les privilégiés ne connaissent d’ailleurs pas la crise ; j’en veux pour exemple les résultats des entreprises du CAC40 pour le premier semestre de l’exercice 2010 – en hausse de 86 % par rapport aux six premiers mois de 2009 – ou encore l’explosion du nombre de foyers assujettis à l’impôt sur la fortune – en augmentation de 75 % depuis 2004.

M. Yves Vandewalle. C’est une conséquence du prix de l’immobilier !

M. Jean-Pierre Brard. Le prix de l’immobilier ! Si vous croyez cela, je vous conseille la lecture de Challenges et de Capital – je suis sûr que ces excellents journaux figurent sur votre table de nuit, monsieur Dassault, en cas d’insomnie. Vous y verrez que ce n’est pas le prix de l’immobilier qui est en cause, mais plutôt le prix de la sueur des salariés licenciés pour ménager de confortables, de plantureux dividendes à ceux qui vivent du travail des autres.

M. Olivier Dassault. N’importe quoi ! Vous voulez retourner au XIXe siècle ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Dassault, vous êtes en plein XXIe siècle et si vous dites cela, c’est, ne vous en déplaise, que vous en vivez ! C’est toujours désagréable pour vous de vous voir tendre ce miroir !

En entendant tout à l’heure Mme Lagarde et M. Chartier, je me disais qu’on connaissait le Mur des lamentations, mais qu’ils étaient en train de nous réconcilier avec Narcisse : ils se voient comme ils voudraient se voir. Mais la réalité, ce n’est pas cela : la réalité, c’est le musée Grévin !

M. Olivier Dassault. Interrogez la CGT, ils vous diront comment ils sont traités chez nous ! Arrêtez donc de proférer de tels mensonges depuis cette tribune !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Dassault, je vous remercie de faire la promotion de la CGT – encore que j’aie cru comprendre qu’en ce moment, elle n’avait pas vraiment besoin de votre soutien pour être entendue dans le pays. On le verra certainement demain, y compris dans des usines que vous connaissez bien.

Vous me taquinez, monsieur Dassault,…

M. Olivier Dassault. C’est vous qui avez commencé !

M. Jean-Pierre Brard. …mais au moins, vous, on ne peut pas vous accuser d’être ignorant des questions idéologiques ou des questions économiques. La plus-value, vous savez ce que c’est. Vous savez comment on l’extrait. Vous savez comment on fait marcher l’essoreuse – certains diraient, plus trivialement, comment on fait suer le burnous. Vous savez comment ceux qui manient l’essoreuse vivent justement de la sueur des salariés – les formes ne sont pas celles du XIXe siècle mais la logique du système est toujours la même.

M. Olivier Dassault. On traite de la régulation financière. Vous êtes hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Ah ! dès lors que je vous tends le miroir, on vous voit vraiment comme vous êtes. Vous me dites que je suis hors sujet.

M. Olivier Dassault. Oui.

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que vous demandiez qu’on arrête quand on appuie là où ça fait mal.

M. Olivier Dassault. Cela ne me fait pas mal du tout, cela me fait rire.

M. Jean-Pierre Brard. Mais nous n’allons pas arrêter, surtout avec ce qui se passe dans le pays aujourd’hui. Notre peuple se lève. Notre peuple a depuis longtemps compris ce que vous êtes en train de faire. La nouveauté, c’est que notre peuple a pris conscience de sa force dès lors qu’il est rassemblé et qu’il bat le pavé de nos villes pour que justice lui soit rendue.

Les retraites et la régulation n’ont peut-être pas en effet un rapport direct, monsieur Dassault, mais la logique qui inspire vos politiques est la même dans les deux cas de figure.

Monsieur Dassault, vous m’avez distrait de mon propos mais vous n’avez pas contredit le fait que le nombre des plus riches soit en augmentation de 75 % par rapport à ce qu’il était en 2004 ni que les profits affichés au CAC 40 n’aient jamais été aussi élevés. Comme quoi, si cela va mal pour certains, c’est-à-dire pour la masse des Français, cela ne va pas mal du tout pour les privilégiés, qui n’ont jamais nagé dans autant d’opulence.

Mais je reviens à vous, madame Lagarde, puisque, après tout, c’est à vous que je m’adressais. Parler de vision de l’industrie financière est révélateur. Je le dis comme je le pense, madame la ministre, vous avez tout faux.

Au lieu de citer tout le temps l’Allemagne, vous feriez mieux d’examiner la réalité allemande. Qu’est-ce qui fait, malgré les difficultés, la relative vitalité de l’économie allemande par rapport à l’économie française aujourd’hui ? C’est très simple – et je suis sûr que, pour le coup, monsieur Dassault, vous serez d’accord avec moi –, c’est le socle industriel : 40 % du PIB allemand a pour source la production industrielle tandis que, chez nous, à cause du processus de paupérisation qui a été engagé, nous n’en sommes qu’à 14 %. Et alors que l’industrie financière que vous affectionnez tant, madame la ministre, est responsable de la crise que nous traversons…

M. Nicolas Perruchot. Et les trente-cinq heures !

M. Jean-Pierre Brard. …vous continuez à penser que la finance est le moteur de l’histoire.

Monsieur Perruchot, sortez des ornières dans lesquelles vous barbotez déjà depuis 1997. Si je me rappelle bien, il me semble qu’entre 1997 et 2002, 2 millions d’emplois avaient été créés.

M. Nicolas Perruchot. Combien d’emplois industriels ? Zéro !

M. Jean-Pierre Brard. Depuis que vous êtes revenus aux affaires, on compte 800 000 chômeurs de plus.

M. Olivier Dassault. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Depuis que vous êtes revenus aux affaires, le nombre de riches a augmenté, tout comme les profits, mais la misère a progressé. Voilà la réalité.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cela vous a réussi 2002 !

M. Jean-Pierre Brard. À Chamalières, vous courrez moins de risque qu’ailleurs, mais vous savez, monsieur Giscard d’Estaing, que le suffrage universel est parfois versatile – même si, sur les longues périodes historiques, globalement, il ne se trompe pas – et vous aurez l’occasion de l’éprouver à l’occasion des prochaines échéances, en 2012 par exemple.

M. François Scellier. Comme à Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard. Il est des vicissitudes qu’il faut assumer en républicain conséquent, comme Nicolas Perruchot et moi-même l’avons fait à Blois et à Montreuil.

Mais je voudrais revenir à mon propos parce que mon temps va être bientôt écoulé.

Si ce projet dit de régulation bancaire ne régulera rien, si cette loi n’aura aucunement pour effet de moraliser le capitalisme, c’est que le Gouvernement ne le souhaite nullement. Toujours aussi aveuglé par les paillettes de la finance, ses œillères idéologiques lui interdisent de penser que l’absence de règles de l’économie casino ne sert qu’à enrichir une petite poignée de privilégiés, tout en mettant la grande majorité de nos concitoyens dans des difficultés chaque jour plus grandes et plus humiliantes.

La doctrine économique fondée sur la libre circulation des capitaux, la spéculation, ce que délicatement vous appelez les « marchés », l’absence de règles et le laisser-faire généralisé est une impasse, une impasse qui coûte très cher à nos concitoyens.

Votre texte n’y change rien et, surtout, vous oubliez une chose, c’est qu’un régime politique ne peut pas être pérenne quand il oublie le contrat social qui assure la cohésion et l’acceptation par les uns du gouvernement des autres. Vous savez bien, monsieur Chartier, que vous êtes arrivé au point au point de rupture, vous le verrez encore dans nos rues demain et samedi prochain. Quant aux Français qui nous regardent, je leur donne rendez-vous pour qu’ensemble nous administrions le coup de pied aux fesses mérité par ce Gouvernement pour qu’enfin nous rompions avec toutes ces mesures qui confortent les injustices. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je voudrais répondre à M. Brard, pour la passion duquel j’ai le plus grand respect…

M. Jean-Pierre Brard. Vous aussi, vous avez la passion. Nous n’avons pas la même, c’est tout.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons passion et patience l’un et l’autre.

Je voudrais également revenir sur certains propos de M. Eckert.

Il a parlé d’acte manqué, mais des actes manqués qui prévoient ce que nous prévoyons dans le texte, on en voudrait souvent. Je voudrais rappeler très rapidement – cela me permettra de contrer par avance certains des amendements – toutes les avancées que permet ce texte, qui a été quelque peu caricaturé, convenons-en.

Ce texte permet :

Premièrement, d’encadrer et, dans certaines circonstances, de prévenir les ventes à découvert ;

Deuxièmement, de réguler, pour la première fois, les marchés dérivés ;

Troisièmement, de réguler pour la première fois les agences de notation qui seront dorénavant agréées, contrôlées et sanctionnées en cas de faute ou de manquement commis dans la mise en œuvre des obligations du nouveau règlement européen, dont je vous rappelle qu’il est extraordinairement détaillé et précis dans la nature des obligations auxquelles sont soumises les agences de notation ;

Quatrièmement, de renforcer les pouvoirs de sanction sur les marchés à la fois pour l’Autorité de contrôle prudentiel et pour l’Autorité des marchés financiers – 100 millions d’euros la sanction ;

Cinquièmement, de renforcer le contrôle des rémunérations et des risques au sein du secteur financier ;

Sixièmement, de renforcer l’efficacité du système français de supervision en consacrant la fusion des deux autorités ;

Septièmement, de réguler les marchés de permis d’émission de CO2 ;

Huitièmement, de renforcer la sécurité des consommateurs de produits financiers ;

Neuvièmement, d’instituer un principe concernant les frais bancaires et je voudrais m’arrêter un instant sur ce point. Monsieur Eckert, soyons sérieux : le Comité consultatif des services financiers sera érigé en qualité d’observatoire, mais le projet de loi prévoit que c’est l’Autorité de contrôle prudentiel, pas le CCSF, qui viendra vérifier, engagement par engagement, le respect par les banques de ce à quoi elles ont souscrit ;

Dixièmement, d’encadrer les rémunérations ;

Onzièmement, d’empêcher les prises de contrôle rampantes.

À propos des juridictions coopératives, je voudrais dire qu’on ne peut pas réduire le fait de passer cinq cents accords en l’espace de dix-huit mois, dont trente par la France, à l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception. Quand la Suisse s’engage à fournir tous les éléments d’information, quel que soit le mode de requête présenté par la partie requérante, ce n’est pas juste une mesure postale.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne croyez pas à leur sincérité quand même ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si tout cela n’est qu’un « acte manqué » ou rien, ou « nada » – puisque vous avez utilisé l’expression espagnole, monsieur Brard (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cela change de l’anglais nothing at all !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …je ne peux que vous encourager à voter l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Pour une fois, M. Brard a été particulièrement disposé à respecter l’esprit d’une motion de renvoi en commission. Je voudrais répondre à toutes les questions qu’il a judicieusement et longuement développées.

Le travail en commission a été accompli sur un laps temps important puisque le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale voici presque un an, un peu après le début de la crise grecque. Ce projet de loi est donc postérieur à la crise grecque, monsieur Muet. Il est postérieur également, monsieur Eckert, aux premières réglementations européennes qui ont été produites en la matière en octobre 2009.

M. Christian Eckert. Postérieur aux premières mais pas aux dernières.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Finalement, ce déroulement n’est pas totalement incohérent avec la crise financière, qui, comme vous le savez, a démarré en octobre 2008 – encore que des prémices étaient perceptibles dès juillet 2007 avec Bear Stearns et Northern Rock.

S’agissant du travail en commission, je rassure M. Brard, il a été accompli par votre humble et dévoué rapporteur depuis le mois de décembre 2009. Il a consisté en de nombreuses auditions, de nombreuses réunions en groupes restreints, avec notamment un travail de collaboration de très grande qualité avec le cabinet de Mme Lagarde et l’administration du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ce travail d’élaboration du texte a permis à la commission d’effectuer un examen approfondi des dispositions en première lecture. Pour la deuxième lecture, vous l’avez probablement lu dans le compte rendu des commissions, le travail a également été de très grande qualité.

M. Christian Eckert. Un peu de sérieux !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Par conséquent, les parlementaires qui ont eu l’opportunité de participer aux travaux en commission sont, je crois, valablement éclairés pour aborder cette deuxième lecture. De toute façon, ils peuvent réclamer, comme vous ne manquerez pas de le faire, j’en suis sûr, tout éclaircissement pendant la séance publique.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Je voudrais répondre très succinctement mais point par point à notre collègue Brard.

Comme l’a fort justement relevé à l’instant Mme la ministre, si ce texte était vide, de quoi parlerait-on finalement ? Je ne vois pas comment on peut accuser texte de régulation financière et bancaire de manquer à ce point de substance alors qu’il apporte des avancées notoires.

D’abord, il crée un conseil de la régulation financière et du risque systémique. M. Brard, qui appartient, comme moi-même, à un groupe de travail sur la question, a pu faire des propositions qui ont été portées par le Gouvernement et incorporées dans ce texte.

Ensuite, il renforce les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers. Il étend le contrôle sur les transactions aux instruments financiers dans le cadre d’échange d’informations entre autorités homologues de l’AMF et de l’Autorité de contrôle prudentiel.

Par ailleurs, il traite du problème des agences de notation et il met en place cette nouvelle autorité de contrôle prudentiel, résultant de la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Ce texte a d’ailleurs repris nos propositions pour que le Parlement soit plus directement associé et même, madame la ministre, partie prenante dans la constitution du collège de cette instance et pour que le président de l’AMF fasse désormais partie de cette instance. Tout cela fait partie des apports obtenus en première lecture à l’Assemblée puis au Sénat.

Enfin, sur la question de la régulation ou des obligations des professionnels des secteurs financiers, ce texte contient des avancées intéressantes, même si elles ne sont pas de nature à couvrir l’ensemble du champ d’activité des professionnels concernés. Le débat d’aujourd’hui ou peut-être les travaux ultérieurs permettront d’apporter les réponses nécessaires.

En tout cas, monsieur Brard, quel dommage ce serait de s’arrêter à ce stade quand on sait qu’il y a autant de sujets sur la table !

M. Olivier Dassault. Excellente explication de vote !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Dans un style particulier, imagé, avec sa délicatesse habituelle, notre collègue Brard a montré le caractère très incomplet, pour ne pas dire le vide, de ce texte.

Puisque Mme la ministre a eu la gentillesse de répondre à certains de mes propos, je voudrais revenir sur quelques points.

S’agissant des sanctions prévues dans votre texte, madame la ministre, il serait intéressant de savoir combien de sanctions ont été infligées aux banques. Pourriez-vous, par exemple, me confirmer que la Société générale a été condamnée en 2008, avant l’affaire Kerviel, pour des faits semble-t-il similaires ?

Par ailleurs, vous dites que ce texte constitue une avancée considérable pour l’Autorité de contrôle prudentiel, mais je ne vois pas ce qu’il y a de révolutionnaire dans la fusion de la Commission bancaire et de l’ACAM. Il s’agit d’ailleurs de métiers complètement différents, puisque les banques ne fonctionnent pas du tout comme les compagnies d’assurance. On voit d’ailleurs bien quels problèmes cela a posé quand on discute avec les personnels. Je ne suis pas sûr qu’il faille mélanger des choses aussi différentes et que, dans ce type de métier, la spécialisation ne soit pas finalement plus intéressante que la polyvalence.

Vous avez évoqué la question des marchés de CO2. C’est effectivement une question intéressante, mais elle n’a pas du tout été évoquée en première lecture et autant vous dire qu’il a été impossible de la traiter en deuxième lecture en commission eu égard aux conditions qui ont présidé à l’examen de ce texte. Pierre-Alain Muet y reviendra tout à l’heure, mais il y des choses assez particulières, notamment concernant la TVA, dans l’organisation de ces marchés de CO2.

Quant aux frais bancaires, madame la ministre, il ne m’a pas échappé que vous avez dit que l’ACP devait veiller au respect des engagements pris dans les codes de bonne conduite qui ont été envisagés, mais cela ne me rassure pas tellement le propos est flou.

Les députés du groupe SRC voteront la motion de renvoi en commission qui a été fort bien défendue par Jean-Pierre Brard. Là où nous avons une vraie différence, madame la ministre, c’est que moi je me souviens de votre discours de juillet 2007 – je venais alors d’être élu dans cette assemblée. À l’époque, vous nous avez entonné la complainte des traders qui faisaient la queue à la Gare du Nord pour aller rejoindre le paradis londonien, la place bancaire londonienne.

M. Jean-Pierre Brard. Ils devaient se lever tôt !

M. Christian Eckert. Vous nous auriez presque tiré des larmes des yeux en évoquant ces pauvres gens obligés de prendre l’Eurostar en classe affaire !

M. Jean-Pierre Brard. Dans le froid de l’hiver !

M. Christian Eckert. Vous nous disiez que votre ambition était de faire de la place financière de Paris l’équivalent de la place financière londonienne. Avec le recul, avez-vous aujourd’hui la même analyse ? Je pense quant à moi que les banques françaises ont mieux résisté à la crise bancaire et financière que celles des pays anglo-saxons. Il y a donc une vraie différence d’appréciation entre vous et nous sur ces questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Cela ne surprendra personne, et certainement pas Jean-Pierre Brard, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, même si Jean-Pierre Brard a un talent oratoire reconnu dans cet hémicycle, il reste un observateur attentif de ce qui s’est passé depuis la crise financière. Ici, à l’Assemblée nationale, nous collaborons dans le cadre d’un groupe de travail Assemblée-Sénat sur la crise pour les travaux préparatoires au G 20. Jean-Pierre Brard examine avec attention les mécanismes de spéculation avec Henri Emmanuelli et d’autres parlementaires. Il sait donc parfaitement qu’il faut aujourd’hui renforcer le contrôle du politique sur la sphère économique. Nous pourrons le faire à partir des avancées du G 20 et de celles qui, je l’espère, seront accomplies sous la présidence française, à partir aussi des initiatives européennes qui sont prises aujourd’hui. Tout cela n’est pas parfait, mais a au moins le mérite d’exister – je pense notamment à la directive AIMF que nous devrons transposer dans quelques mois. Il nous faudra incontestablement renforcer la législation et faire en sorte que nous puissions adopter des directives nouvelles, en tout cas améliorer ce qui doit l’être. En matière de régulation bancaire et financière, il y a évidemment beaucoup à faire et le travail de l’Assemblée nationale française est surveillé bien au-delà de nos frontières.

Ne pas croire à ce texte, mon cher Jean-Pierre Brard, signifierait que le politique abdique devant les marchés. Or, c’est tout l’inverse que nous vous proposons aujourd’hui. Je suis très étonné que vous ayez défendu cette motion, parce que vos convictions vont dans l’autre sens, vers la possibilité, pour nous, de mieux réguler la finance internationale. Il faut donc approuver les améliorations apportées par ce texte qu’il y a urgence à adopter. Bien entendu, les députés du groupe Nouveau Centre ne voteront pas cette motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. M. le rapporteur y a fait allusion, je voudrais à mon tour, avant l’examen des amendements, revenir sur les conditions d’examen de ce projet de loi en deuxième lecture par notre assemblée.

La lecture au Sénat s’est terminée le soir du vendredi 1er octobre et, la réunion de la commission à l’Assemblée étant prévue le mercredi suivant, le délai de dépôt pour les amendements ici était fixé au vendredi soir. Il est difficilement admissible qu’un texte ne puisse être amendé que dans l’instant où le Sénat en termine la lecture ! J’ai donc pris une certaine liberté avec le règlement pour prolonger le délai de dépôt des amendements jusqu’au lundi soir, date au-delà de laquelle je ne pouvais décemment pas aller.

En conférence des présidents, j’ai souhaité que le délai soit allongé. Il le fut jusqu’au jeudi soir. Je sais que le rapporteur, auquel ce délai ne peut que très difficilement être opposé, n’a pas été forcément gêné par ces conditions d’examen, mais tous les parlementaires l’ont été objectivement. Et je ne crois pas qu’il soit de bonne manière pour le pouvoir exécutif de traiter ainsi le pouvoir législatif, en tout cas dans sa composante Assemblée nationale, sauf à imaginer que celle-ci se réunit uniquement pour voter conforme la version du Sénat, puisque tel est en réalité le but poursuivi faute de place dans le calendrier parlementaire que l’on sait déjà particulièrement surchargé. Mais, après tout, c’est une question de choix. Le Gouvernement a la maîtrise de l’ordre du jour à l’Assemblée nationale et sans empiéter sur ses prérogatives, que je ne conteste absolument pas, il me semble que, s’agissant d’un texte aussi important, il aurait dû prévoir des délais décents d’examen, nonobstant la qualité du travail fait par le rapporteur qui ne peut à lui seul résumer le travail de l’Assemblée nationale.

Je m’exprime au nom de la commission des finances, car l’ensemble de ses membres n’a pas jugé convenables les délais qui lui étaient donnés. J’espère que cela ne se reproduira pas.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de régulation, il y a loin des discours aux actes. Certes, nous en avons pris l’habitude avec un Président de la République qui tient de grands discours sur la scène internationale, mais qui généralement, dans les semaines qui suivent, refuse la plupart des mesures qui correspondent à ce qu’il a dit – je pense bien sûr à l’exemple récent de la taxation des transactions financières.

À quoi sert notre débat ? On a compris que vous étiez pressés. C’est la raison pour laquelle vous avez coincé cette deuxième lecture entre l’examen du projet de loi de finances et celui de la loi de programmation pluriannuelle. Vous voulez un texte conforme, au point que vous avez refusé des amendements qui auraient été votés par l’ensemble de la commission des finances – je pense à celui de notre collègue Giscard d’Estaing. Le rapporteur Jérôme Chartier dit pourtant qu’il aurait été utile de légiférer sur ce sujet du Conseil en gestion de patrimoine. On voit donc bien qu’il manque des choses à ce texte.

Je vous ai entendue, madame la ministre, égrener toutes les dispositions figurant dans ce projet de loi, mais il y a un fossé entre toutes les failles mises en évidence par la crise et les mesures qui sont prises dans notre pays et en Europe. Comme en première lecture, je persiste à dire que la France et les pays européens n’ont pas pris la mesure des réformes qu’il fallait mettre en œuvre pour répondre à cette crise.

La régulation fondamentale c’est de faire en sorte que les banques fassent leur métier, qui est de prêter aux ménages, aux entreprises, de gérer des dépôts, et non pas de spéculer sur les marchés financiers. Ce n’est pas un sujet nouveau. La crise de 1929 l’avait déjà fait émerger. Roosevelt avait déjà pris des mesures fondamentales qui ont orienté la régulation financière mondiale pendant près d’une cinquantaine d’années après la guerre. Aujourd’hui encore, le président Obama prend des mesures importantes puisqu’il a fait voter une forme moderne de la séparation des activités de dépôt et des activités d’investissement des banques. Et nous, en Europe, nous continuons à ne rien changer fondamentalement en matière de régulation financière ! Or le secteur financier a une vraie mission de service public, qui est de gérer des dépôts, de financer l’économie, pas de spéculer sur les marchés financiers. D’ailleurs, quand le secteur financier spécule sur les marchés financiers, au lieu d’être un acteur qui aide l’économie réelle, il devient un secteur prédateur. La meilleure preuve en est que la rentabilité du secteur financier, depuis vingt à trente ans, s’est développée sans commune mesure avec celle de l’économie réelle. Le taux de rendement des fonds propres est resté autour de 7 % dans l’économie réelle pendant trente ans, avant la crise bien sûr, alors que dans le secteur financier, il est passé de 7 % à 20 %. C’est un prélèvement sur l’économie réelle et il est temps de remettre les choses à l’endroit, c’est-à-dire de faire en sorte que l’économie réelle prenne le dessus sur le secteur financier.

Il faut en finir avec les ventes à découvert. J’ai bien noté le J + 2, moins ambitieux que le J + 1, qui est destiné à nous aligner sur l’Allemagne. Moi, je regrette que la France ne se soit pas d’emblée alignée sur l’Allemagne quand celle-ci a pris la décision d’interdire les ventes à découvert à nu. Il y avait là une occasion de montrer que nos deux pays pouvaient prendre une décision susceptible d’orienter l’ensemble des régulateurs européens.

En ce qui concerne les banques, la question de la taxation des profits bancaires continue à se poser. Il ne faut pas se contenter de petites réformes dans ce domaine. Il faut une vraie taxation pour une raison très simple : les banques ont largement contribué à la crise qui se traduit partout par des déficits considérables qui seront payés demain par nos concitoyens et il n’y a aucune raison pour que les banques ne contribuent pas à leur résorption. La meilleure preuve en est que, comme le rappelle la Cour des comptes, si la France était intervenue en capital quand elle a soutenu les banques, plutôt que sous la forme où elle est intervenue, l’État aurait réalisé une plus-value de 5,8 milliards d’euros, ce qui aurait été une contribution normale des banques au redressement des finances publiques.

En matière de régulation bancaire, ce qui se fait en Europe est dérisoire. Je me souviens que, lorsque M. de Larosière est venu devant la commission des finances et la commission des affaires européennes expliquer ce qu’il voulait faire, il nous a dit qu’il était parti avec l’idée d’obliger les banques à garder 10 % de leurs crédits dans leurs comptes. Il y a une vingtaine d’années, cela serait apparu comme une absurdité. Les banques conservaient l’essentiel des crédits dans leurs comptes et l’économie s’en portait bien.

Après avoir fait le tour des régulateurs et des capitales européennes, M. de Larosière n’a obtenu que 5 %. Or, pour avoir une économie bancaire qui fonctionne de façon responsable, il faudrait porter ce ratio à 20 % ou 30 %.

Les agences de notation, loin de constituer des facteurs de stabilisation, accentuent fortement les cycles et les bulles financières. Il faut donc changer complètement les choses, y compris leur mode de rémunération, point qui n’est pas évoqué dans ce texte, ni dans les débats européens. Nous avons notamment besoin d’une agence publique européenne de notation.

Venons-en aux ajouts du Sénat. Je ne suis guère convaincu par la procédure de transaction, même si elle exclut les abus de marché et tout ce qui relève du pénal. Vous ne semblez d’ailleurs guère plus convaincue, madame la ministre, mais vous étiez tellement pressée que vous avez accepté. Cette procédure ne va pas réduire les délais, puisque dans tous les cas la commission sera amenée à examiner les choses et que le droit de recours judiciaire contre les décisions prises par le collège et la commission des sanctions est heureusement maintenu. Son seul impact sera de réduire le montant des sanctions. M. Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, paraît tenir énormément à cette procédure. Il aurait été utile que la commission des finances ait le temps de l’écouter, même si le rapporteur a pu entendre ses arguments en faveur de cette procédure.

Il y a dans ce texte des éléments qui n’ont rien à y faire. C’est le cas depuis l’origine du financement des prêts à l’habitat. Il y a des ajouts, notamment du Sénat, qui ne sont pas à leur place, comme les quotas d’émission. Je pense pourtant depuis longtemps qu’il y a urgence à réguler fortement ce marché qui dysfonctionne en raison d’une allocation beaucoup trop abondante et gratuite des quotas. Ce marché aurait du être régulé de façon à maintenir un coût du carbone compris entre de vingt et trente euros la tonne. La fonction de ce marché est bien de donner un prix au carbone, et non de permettre des échanges de quotas sans qu’un objectif soit retenu. Le prix du carbone doit être fixé de façon compatible avec les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Le prix existe, mais il doit être mieux régulé.

M. Pierre-Alain Muet. Oui, il faut une régulation financière, car il y a des dysfonctionnements, notamment en ce qui concerne les produits dérivés construits sur ces quotas. Mais il faut également une intervention de la commission de régulation de l’énergie. Sur ces sujets, c’est une réglementation au niveau européen qui est nécessaire.

Cette régulation est d’autant plus requise que nous avons été témoins de dysfonctionnements extraordinaires de ce marché des quotas. Il y aurait eu une fraude à la TVA, dont le coût se serait élevé à 5 milliards d’euros ; la réponse a été de supprimer la TVA sur ces produits. C’est clairement une capitulation devant la spéculation.

Pour terminer, je souhaite revenir sur la situation de l’Europe et des États-Unis dans cette crise.

Je crains qu’on ne voie se reproduire l’histoire. En effet, après les années trente, le président Roosevelt a changé les règles du jeu : en matière financière, en séparant les activités de dépôt et d’investissements ; en matière fiscale, en imposant fortement les hauts revenus ; en matière de protection sociale, en introduisant, avec le New Deal, une protection sociale dans un pays qui en avait peu.

Ces trois caractéristiques se sont généralisées dans tous les pays après la Seconde Guerre mondiale, et je pense que ce sont ces trois points – une forte régulation de l’économie financière, une fiscalité réduisant la dispersion des revenus et une forte intervention publique par une protection sociale importante – qui ont permis la longue période de croissance que nous avons connue, qu’on l’appelle la période de Bretton Woods ou bien les « Trente glorieuses ».

Aujourd’hui, en réaction à la crise qui s’est produite, nous avons besoin d’un changement comparable. Mais je crains qu’il ne se reproduise la même chose qu’après la crise de 1929 : les États-Unis se sont engagés dans des changements structurels importants alors que l’Europe s’enfonçait dans des politiques de déflation. Ma crainte, aujourd’hui, est que l’Europe s’enfonce dans des politiques d’austérité, que rien ne soit fait en matière de régulation et que nous n’ayons, ni au niveau macroéconomique, ni en ce qui concerne la régulation, les éléments qui nous permettent de sortir de cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, vous l’avez dit tout à l’heure : nous avons des convictions, mais pas les mêmes. Une différence entre nous est que je m’intéresse plus aux vôtres que vous aux miennes. Cela tient peut-être à notre culture : j’aime la contradiction et je crois à la valeur de la dialectique, tandis que vous en êtes plutôt à la métaphysique et au principe du tiers exclu du Moyen Âge, c’est-à-dire une sorte de vérité révélée, donnée une fois pour toutes. Je suis dans un autre système, celui du réel. Comme le disait notre grand ancêtre : l’examen concret de la réalité concrète, et non pas les fantasmes dans lesquelles vous vivez.

Nous sommes en effet confrontés à un refus obstiné du Gouvernement, celui de réguler véritablement la finance, comme une forme d’entêtement à préserver coûte que coûte les leviers essentiels de l’économie-casino. Votre devise consiste à dire qu’il faut faire de la crise une opportunité, parce que vous n’arrivez pas à concevoir qu’il puisse exister un autre monde, dans lequel la machine économique n’est pas une finalité en soi, mais est placée au service d’une vision des hommes et des femmes, de leur vie, de leur droit de vivre. Pour nous, l’économie doit dégager les moyens de vivre pour les hommes et les femmes de notre temps, et non pas générer des dividendes pour le bénéfice de quelques actionnaires, qui déstabilisent ensuite notre économie et vivent aux dépens du plus grand nombre.

En dehors du langage de propagande du Gouvernement, il existe bien une théorie – ou plutôt un dogme – qui vous fait croire que la crise pourra, en dernière analyse, accélérer la mise en place des réformes libérales que vous jugez encore aujourd’hui nécessaires. C’est pourtant l’échec. Au nom du contrat social, je vous demande de revenir sur votre dogme et de respecter la légitimité ultime du peuple souverain en vous soumettant à la volonté générale, comme le disait Jean-Jacques Rousseau.

Or, là est bien le problème : plus de deux ans après la faillite du système financier, vous n’avez toujours pas tiré les bonnes leçons de la crise, vous vous obstinez à appliquer des mesures qui reposent sur des théories, ou plutôt sur des recettes, qui ont montré leur incapacité à expliquer le monde actuel, qui n’ont aucune efficience, aucune prise sur le réel et qui n’ont donc plus aucune justification valable. Pire, vous continuez à ne regarder que du côté des privilégiés, qui, eux, ne connaissent pas la crise. Il suffit de regarder l’explosion du nombre de personnes très riches et les résultats des banques.

Cela ne vous intéresse pas, et pourtant, le résultat de votre système, ce sont les milliers de licenciements et les suicides chez France Télécom, car, pour dégager des dividendes, on n’hésite pas à pressurer et faire travailler les personnes dans des conditions insupportables.

Ce qui m’importe, madame la ministre, c’est le sort que vous réservez à l’écrasante majorité de nos concitoyens. Vous dites que la reprise s’amorce, que la croissance est devant la porte. C’est sûrement parce que la porte est encore fermée que vous voyez la croissance s’amorcer. Si elle était ouverte, vous verriez bien que ce n’est pas vrai. Peut-être en Allemagne, mais pas chez nous.

Pour vous répondre, j’aimerais emprunter les mots de Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’École d’économie de Paris, et coauteur du « Manifeste des économistes atterrés », dont vous avez entendu parler.

Dans l’édition du 15 septembre dernier du journal Le Monde, en réponse à la question de savoir si nous allions vers une reprise économique « prolongée et forte », M. Askenazy affirme : « Il n’y a pas d’élément qui permette de le penser, d’autant que tous les facteurs qui ont permis la crise sont encore en place. On n’a fait aucune réforme, aucune réflexion profonde sur une nouvelle politique économique budgétaire ou de régulation. Nous restons donc dans l’interrogation de la survenue possible d’une nouvelle crise majeure. »

Il continue ainsi : « En réalité, à l’heure actuelle, on ne sait pas quelle politique mener et pourtant on nous tient un discours qui présente comme évidentes les politiques de rigueur et des mesures régressives qui se traduisent par un appauvrissement de pans entiers de la population européenne. Dans un sens, c’est quelque chose de nouveau, car, en 1929, on avait cherché, par des politiques keynésiennes, à soutenir les populations qui se trouvaient au chômage. Les politiques des années 1970 étaient des mesures de soutien au revenu.

Aujourd’hui, au contraire, on lève un certain nombre de « filets de sécurité », quitte à augmenter la précarité de la population, à faire baisser le niveau de vie. On va faire souffrir des millions de personnes au nom d’une politique dont les fondements économiques se sont écroulés. »

Les personnes qui nous écoutent ont toutes dans leur environnement des personnes qui sont victimes de votre politique, des jeunes qui ne trouvent pas de travail bien qu’étant formés, ou bien des seniors jetés comme des citrons pressés alors que, dans le même temps, vous reculez l’âge du départ en retraite.

Pourquoi cette longue citation ? Tout simplement parce que j’aimerais rendre hommage aux auteurs de ce manifeste qui a déjà été signé par plus de 1 100 économistes opposés aux agents du capital, à ses thuriféraires, aux Nicolas Baverez et autres Alain Minc. Mais vous refusez de les entendre ! Et pourtant, c’est l’intelligence de notre pays. Mais, suivant en cela l’exemple du Président de la République, vous préférez les bavards et les porteurs de Rolex plutôt que de vous intéresser à ceux qui produisent des idées et qui ont des solutions pour sortir de la crise.

Je cite longuement ce manifeste pour inviter mes collègues de l’UMP et tous ceux qui ne l’ont pas encore fait à le lire. Je vois que vous m’écoutez avec intérêt, madame Grosskost, et non seulement je vous invite à le lire, mais aussi à le méditer, comme on sait le faire en Alsace, terre de gens sérieux.

M. Bernard Carayon. Merci pour les autres !

M. Jean-Pierre Brard. Les autres ont des marges de progression, et vous en particulier, mon cher collègue. Dès le matin, il faut avoir des ambitions…

M. Bernard Carayon. Respectez la représentation démocratique !

M. Jean-Pierre Brard. Pour la démocratie, si l’UMP commence à donner des exemples, le pire est assuré.

M. Bernard Carayon. C’est un communiste qui dit cela ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous ne tenez pas vos fiches à jour ? Que font les services secrets ? Je ne suis plus membre du parti communiste depuis 1996 ! Mais à la différence de vous, j’ai un idéal et j’y suis fidèle : celui des gens qui travaillent, qui vivent de leur travail et qui combattent les exploiteurs dont vous êtes ici le fondé de pouvoir ne vous en déplaise ! Il fallait que cela fût dit. Puisque vous m’avez cherché, vous m’avez trouvé.

Mais je poursuis, malgré ce collègue de droite qui, faute d’avoir quelque chose de solide à dire, m’interrompt par d’incessantes interjections.

M. Bernard Carayon. Vous êtes sérieux ?

M. Jean-Pierre Brard. Mais bien sûr ! Vous pouvez faire beaucoup de critiques, mais certainement pas celle-là.

La différence entre nous est que nous ne sommes pas des idolâtres, alors que vous adorez le veau d’or, que vous n’aimez que ce qui brille et qui profite aux privilégiés. Nous, nous sommes du côté de ceux qui travaillent, qui peinent.

Mme la présidente. Monsieur Brard, s’il vous plaît…

M. Jean-Pierre Brard. Nous défendons ceux que vous opprimez, ne vous en déplaise.

Madame la présidente, je sens que vous allez me rappeler à l’ordre.

Mme la présidente. En effet !

M. Jean-Pierre Brard. Cela m’oblige donc à aller plus rapidement que prévu vers ma conclusion.

En parlant de la domination des marchés financiers, les auteurs de l’appel déclarent qu’une « une autre forme de dictature des marchés s’impose partout, et particulièrement aujourd’hui au Portugal, en Espagne et en Grèce, trois pays qui étaient encore des dictatures au début des années 1970, il y a à peine quarante ans.

Qu’on l’interprète comme le désir de « rassurer les marchés » de la part de gouvernants effrayés, ou bien comme un prétexte pour imposer des choix dictés par l’idéologie, la soumission à cette dictature n’est pas acceptable, tant elle a fait la preuve de son inefficacité économique et de son potentiel destructif au plan politique et social. Un véritable débat démocratique sur les choix de politique économique doit donc être ouvert en France et en Europe. La plupart des économistes qui interviennent dans le débat public le font pour justifier ou rationaliser la soumission des politiques aux exigences des marchés financiers. Certes, les pouvoirs publics ont dû partout improviser des plans de relance keynésiens et même parfois nationaliser temporairement des banques. Mais ils veulent refermer au plus vite cette parenthèse. Le logiciel néolibéral est toujours le seul reconnu comme légitime, malgré ses échecs patents. Fondé sur l’hypothèse d’efficience des marchés financiers, il prône de réduire les dépenses publiques, de privatiser les services publics, de flexibiliser le marché du travail, de libéraliser le commerce, les services financiers et les marchés de capitaux, d’accroître la concurrence en tout temps et en tous lieux. »

Derrière cela, il y a la paupérisation, l’appauvrissement de ceux qui sont le trésor de notre pays, qui ne sont pas ceux que vous soutenez, mais ceux qui travaillent ou qui voudraient bien pouvoir le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, à la lumière des événements récents qui ont ébranlé l’ensemble de la zone euro, il est de plus en plus urgent de tirer les enseignements de la crise économique et financière qui a ébranlé l’ensemble des économies avancées.

Plus que jamais, cette crise nous impose de remettre à plat l’ensemble des théories économiques qui ont failli mener notre modèle de développement à sa perte.

Je pense, bien sûr, à ce dogme selon lequel les marchés peuvent s’autoréguler parce que le comportement des acteurs économiques serait rationnel.

Je pense également à cette idéologie ultralibérale qui veut que les politiques économiques doivent, par conséquent, laisser les marchés parvenir à un équilibre naturel optimum.

Je pense, enfin, à cette idée qui a volé en éclats du fait de la crise et qui consiste à dire que l’allocation des ressources étant spontanément réalisée par les équilibres de marché, son libre fonctionnement devrait permettre d’accroître la richesse de tous et de chacun.

Je vous le redis : ces trois dogmes n’ayant pas traversé l’épreuve des faits, ils doivent – comme c’était le cas en 1929 – être absolument remis en cause. Plus que jamais, la crise nous impose un changement de référentiel, un changement de paradigme économique.

C’est la raison pour laquelle le texte que nous allons examiner est d’une importance majeure.

Mais avant d’aller plus loin, je salue l’action conjointe du Président de la République et de la ministre de l’économie, qui ont su faire de la France un pays pionnier en matière de régulation bancaire. C’était le cas lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008, c’était aussi le cas ces derniers mois au moment où à la fois la stabilité de la monnaie unique et la cohésion de la zone euro étaient en jeu. Ces deux éléments ont suscité moins d’attention des médias que la crise elle-même, mais sont essentiels pour l’avenir.

C’est aussi cette logique d’efficacité et de rapidité dans l’action qui amène le groupe du Nouveau centre, à souhaiter l’adoption de ce texte.

Quel meilleur signal, en effet, pourrions-nous adresser à nos partenaires économiques que d’avoir agi avant de prendre la présidence du G20 en novembre ?

M. Christian Eckert. Rien que ça !

M. Nicolas Perruchot. J’y vois la marque d’une détermination sans faille à mettre enfin un terme aux excès du système financier.

J’y vois aussi un signal politique fort adressé au monde entier, prouvant que l’Europe et la France ne sont pas à la remorque des États-Unis, prouvant que nous sommes, nous aussi, capables d’agir, et d’agir vite.

J’ajoute que nos collègues sénateurs ont considérablement enrichi ce projet de loi, qu’il s’agisse de prévenir les ventes à découvert à nu, de réguler les marchés d’émission de CO2, de renforcer la sécurité des consommateurs de produits financiers ou encore d’empêcher les prises de contrôle rampantes.

Ce texte se décompose en deux volets distincts, mais néanmoins interdépendants. J’examinerai d’abord la traduction des principales décisions du G20 en matière de régulation, puis les réponses que le texte apporte au financement de nos entreprises.

L’une des grandes leçons de la crise, c’est l’absolue nécessité de mettre en place des instruments de supervision et de normes communes à l’ensemble des pays du G20.

Dans ce domaine, nous pouvons nous féliciter des avancées majeures qui ont été effectuées, à commencer par le renforcement du rôle du G20, qui est aujourd’hui considéré, en lien avec le Conseil de stabilité financière, le Conseil européen du risque systémique et le FMI comme l’enceinte la plus représentative des nouveaux équilibres internationaux dans le suivi des questions économiques et financières au niveau mondial.

C’est aussi la raison pour laquelle ce projet de loi transpose une série de décisions européennes, en particulier celles liées à la création d’un Conseil de la régulation financière et du risque systémique, qui sera une véritable tour de contrôle de la finance et qui aura pour fonction de coordonner l’action de la France dans les enceintes internationales.

J’en profite ici pour dire à nouveau toute l’importance que notre groupe accorde à l’idée d’une taxation européenne du secteur financier pour répercuter sur lui, à l’instar de ce qui est fait aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, le coût de la crise financière.

L’autre enseignement que nous devons tirer de cette crise, c’est la nécessité de responsabiliser véritablement les opérateurs de marché, et de faire en sorte que le risque encouru soit toujours proportionnel au gain escompté.

Je pense, bien évidemment, au renforcement du contrôle et de la surveillance du secteur financier qui se décline en deux axes : d’une part, l’élargissement du contrôle et de la surveillance à de nouveaux acteurs, comme les agences de notation ou fonds à effet de levier, d’une part ; d’autre part, le renforcement des règles prudentielles d’ici 2012.

Le texte dont nous débattons prévoit ainsi de renforcer les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers en lui confiant la responsabilité du contrôle des agences de notation et en lui donnant la capacité d’adopter des mesures d’urgence pour restreindre les négociations sur les marchés financiers, pour interrompre les ventes à découvert par exemple. C’est une avancée majeure. Le groupe Nouveau centre s’en était souvent préoccupé et nous saluons cette avancée, qui mettra un coup d’arrêt à des mécanismes qui ont lassé la part belle à des gens dont le seul intérêt était d’utiliser les marchés pour gagner un maximum d’argent.

Enfin, l’une des graves carences que la crise a mises à jour dans notre système de régulation, c’est l’existence de véritables vides juridiques de la finance, qui se trouvaient jusqu’alors dans l’angle mort des législateurs nationaux et internationaux.

Au Nouveau centre, nous en sommes convaincus : sans une régulation forte, sans une exigence de transparence, ces produits continueront à favoriser la spéculation à tout va. Je pense aux marchés de dérivés de gré à gré, aux hedge funds, mais aussi aux agences de notation, dont on sait l’importance parfois disproportionnée que leur accordent les acteurs financiers. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre groupe est favorable à la création d’une agence de notation européenne.

M. Christian Eckert. Voilà.

M. Nicolas Perruchot. Mais je pense surtout à deux pratiques financières hautement spéculatives que, à défaut de les interdire, nous devons du moins tenter d’encadrer fortement. Je veux parler de la vente à nu des fameux Credit Default Swaps souverains qui, sans en être la cause, ont tout de même aggravé la crise grecque, ainsi que la pratique foncièrement malsaine de la vente à découvert, qui précipite le plus souvent la chute des marchés.

Sur tous ces sujets, j’aimerais, madame la ministre, que vous puissiez nous confirmer que les parlementaires bénéficieront d’un pré-rapport d’ici à la fin de l’année, comme vous vous y êtes engagée lors des débats en commission.

M. Christian Eckert. On est sauvés !

M. Nicolas Perruchot. J’en viens maintenant au second volet de ce projet de loi.

Je l’ai dit : les deux volets de ce texte, sont interdépendants. En effet, l’absence de régulation bancaire et financière a lourdement pesé sur les circuits de financement de notre économie.

Les conditions de financement de l’économie française ont été bousculées après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Mais elles se sont également dégradées en raison même du comportement des banquiers qui a accru le décalage qui existe aujourd’hui entre l’activité purement spéculative et financière et l’activité réelle, qui peut engendrer de la richesse et de l’emploi. C’est évidemment cette dernière que nous devons soutenir du mieux possible.

Au Nouveau centre, nous considérons ainsi que les établissements de crédit n’ont pas tiré les enseignements de la crise, qu’ils n’ont pas redéployé leurs efforts de financement, par exemple en direction des très petites entreprises et des PME.

On se trouve peut-être ici à la limite de la garantie que leur ont apporté les États à l’automne 2008 : sachant qu’elles ne pourraient faire faillite, puisqu’elles sont too big to fail comme le dit un adage américain et que l’Etat viendra toujours à leur rescousse, les banques peuvent continuer le business as usual.

C’est aussi ce que l’on appelle « l’aléa moral » et c’est ce contre quoi nous devons nous battre.

Quoi qu’il en soit, j’aimerais saluer les dispositions d’envergure que contient ce texte en matière de financement des grandes entreprises, des PME ainsi qu’en ce qui concerne le financement de l’habitat, alors que se profile la fin des dispositifs de soutien au secteur bancaire.

Le groupe Nouveau centre soutient totalement ce texte et nous aurons à cœur de continuer à œuvrer avec vous pour que la régulation soit une priorité essentielle de ce gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Madame la présidente, madame la ministre, ce texte aborde un sujet dont chacun mesure la gravité, compte tenu des événements que nous vivons depuis deux ans. Il pose aussi de manière aiguë le problème de l’articulation entre la législation nationale et la réglementation européenne. Nous retrouverons ce problème plus tard en examinant le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

À ce propos, se posent des problèmes d’information du Parlement et de mécanismes de transposition des règles communautaires.

Le projet aborde trois aspects.

Le premier est la régulation. Il contient des dispositions importantes, en particulier en renforçant les pouvoirs de l’AMF. J’observe aussi – ce qu’on a peu souligné – que la France disposera de deux autorités, l’AMF et l’ACP, alors qu’il y en aura trois au niveau européen. Nous aurions souhaité qu’existe à l’échelle de l’Union une autorité à la fois plus intégrée et plus forte.

Le second, beaucoup plus sensible, est celui des marchés de produits dérivés. Nous avons découvert depuis peu l’ampleur de ces marchés et les risques que comportent les technologies mêmes qu’ils utilisent. Le président de l’AMF a souvent souligné l’extrême rapidité des transactions et nous avons pu le mesurer avec le rôle qu’ont joué les CDS souverains dans la crise grecque.

En première lecture, nous avons essayé d’introduire des dispositions concernant l’interdiction des CDS souverains ou des ventes à découvert par des fonds spéculatifs situés à l’étranger. Nous avons finalement une disposition qui limite les ventes à découvert à nu. Le problème, c’est que nous avons le sentiment de ne pas avoir une approche d’ensemble. Tout se passe ailleurs et le texte reste très en deçà des nécessités. J’aimerais que vous nous disiez où l’on en est.

Je sais que la Commission doit faire prochainement des propositions sur la réglementation des produits dérivés. Il y a toujours le problème de la remise à plat de la directive MIF, qui est tout de même beaucoup à l’origine du développement de ces marchés de produits dérivés. Une question reste pendante, celle de la création de chambres de compensation. En matière de régulation, les États-Unis ont pris un certain nombre de longueurs d’avance sur nous, avec la loi Dodd-Frank, peut-être. C’est un sujet que l’on n’ose pas aborder en Europe mais cela devient tout de même important.

Dernier aspect, la volonté de renforcer la sécurité des consommateurs de produits financiers. Aux États-Unis, a été créée l’agence de protection des consommateurs. Nous sommes confrontés en Europe à une question importante qui est celle des fonds spéculatifs et de la fameuse directive AIFM. Vous étiez jusqu’à présent très réticente, madame la ministre, à l’idée du passeport européen. Il semble que vous soyez prête à accepter un compromis dès lors qu’il y aurait une autorisation donnée par l’autorité financière européenne des marchés, l’ESMA. Pouvez-vous nous dire exactement la position française sur cette question ?

En conclusion, comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues, nous avons vraiment des délais très courts pour examiner ces questions. À l’échelle de l’Union européenne, et notamment au Parlement européen, les délais sont beaucoup plus longs et permettent un travail beaucoup plus approfondi. Il est regrettable de travailler dans de telles conditions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, eu égard aux fortes turbulences, conséquence d’une crise financière sans précédent, qui ont perturbé notre économie réelle, il nous fallait agir vite et bien.

Il fallait remettre en cause les conceptions que de nombreux acteurs, États, investisseurs, banques, considéraient comme des vérités, à l’instar des innovations financières complexes qui ont fortement impacté l’efficacité des marchés financiers.

Le constat regrettable, après l’éclatement de chaque bulle, c’est que la régularisation vient toujours a posteriori.

Oui, depuis plus de vingt ans, les marchés fonctionnent par bulles et le fait qu’ils changent de taille, que l’ordre de grandeur moyen des positions explose, aurait dû interpeller les régulateurs, d’autant plus que le bon sens nous rappelle que toute hausse dans la rentabilité équivaut à un accroissement du risque. Le bon sens doit primer sur les modèles mathématiques, qui ne sont en fait que des outils.

Il est impératif pour l’avenir, afin d’éviter autant que faire se peut de nouvelles crises systémiques, d’observer davantage le déplacement des grandes masses, de surveiller les grands flux, en clair, de privilégier la traçabilité et la transparence.

Certes, nous avons toujours besoin des marchés financiers, mais ne faudrait-il pas que le grand public soit mieux informé ? Après tout, une grande part de l’épargne investie sur les marchés ne représente-t-elle pas le versement des retraites ou des assurances-vie ? Ce n’est pas uniquement du grand capital, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison ! On voit la logique alsacienne !

Mme Arlette Grosskost. Le citoyen est, tôt ou tard, rattrapé par les marchés financiers et il devra de plus en plus se poser la question suivante : comment ne pas les subir ?

M. Jean-Pierre Brard. Voilà ! C’est révolutionnaire comme idée !

Mme Arlette Grosskost. Le présent texte qui nous revient en seconde lecture, enrichi et plus pragmatique, répond en grande partie à ces exigences. Il instaure enfin une régulation au sens propre du terme, avec des définitions claires et une supervision des acteurs, par la création d’un conseil de régulation financière et du risque systémique.

Plus encore, il a vocation à soutenir le financement de l’économie pour accompagner les entreprises vers la croissance, sésame économique tant attendu pour la reprise.

J’en veux pour preuve, entre autres, l’article 11 du projet de loi, qui a pour objectif d’améliorer les conditions d’accès au marché des petites et moyennes entreprises cotées ainsi que les garanties offertes aux actionnaires et aux investisseurs. Ces dispositions constituent une réelle avancée pour nos entreprises.

À cela il faut ajouter le développement de l’assurance-crédit au bénéfice des PME, que facilite le texte. Oui, l’État doit accompagner et épauler les petites entreprises afin qu’elles puissent atteindre une taille critique pour se transformer en entreprise de taille intermédiaire, seules susceptibles de répondre aux défis de l’emploi et de la dynamique économique.

À ce titre, nous ne pouvons que nous féliciter de la présence essentielle et du travail remarquable fourni par OSEO pour aider financièrement les entreprises et favoriser leur développement. Rappelons que ses capacités d’intervention ont été considérablement renforcées dans le cadre du plan de relance.

Pour autant, il est à souligner que les PME, en dépit d’une tendance positive à renouer avec la confiance, attendent plus d’informations quant à l’accessibilité des possibilités offertes par OSEO. Par contre, ils contestent toujours, et ce à bon escient, les lourdeurs administratives et, plus généralement, le manque de prise de risques dans l’accompagnement financier lorsqu’elles proposent des projets innovants.

Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise, rappelait Jean Monnet. En conséquence, nécessité oblige, les innovateurs doivent être impérativement encouragés et accompagnés.

Nous saluons également l’insertion de l’article 18 bis B, qui constitue une avancée en faveur du financement des PME. Cet article précise qu’en cas d’augmentation des dépôts sur livrets A et livrets de développement durable non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, les établissements de crédit concernés doivent consacrer au moins les trois quarts de l’augmentation à l’attribution de nouveaux prêts aux PME.

Certes, l’effectivité d’une telle disposition est difficile à contrôler. Un suivi de cette obligation législative sera donc déterminant pour son efficacité. De surcroît, il est impératif qu’elle ne soit pas utilisée par les banques comme instrument pour négocier à leur avantage les taux de centralisation qui seront fixés en 2011, car, dans ce cas, il est fort à parier que ce ne serait pas à l’avantage des PME.

Pour conclure et à titre accessoire, vous me permettrez de mettre l’accent sur la proposition que j’avais émise dans mon rapport sur le plan de relance en octobre 2009, à savoir la possibilité de donner force législative au dispositif de médiation du crédit. Depuis sa mise en place, le rôle du médiateur du crédit s’est avéré opérant pour les PME. Nous ne pouvons que regretter qu’aucune disposition ne fasse état du dispositif dans ce projet de loi où il aurait pourtant trouvé toute sa place.

Cela étant, je me félicite aussi de l’insertion par le Sénat d’un chapitre II bis destiné à améliorer la procédure de sauvegarde pour les entreprises en difficulté, qui met en place une nouvelle procédure accélérée.

Pour moi, vous l’aurez compris, c’est un texte équilibré, qui apporte de nombreuses avancées, tant en matière de régulation qu’en matière de soutien à l’économie réelle. C’est une première étape, structurée et volontariste, pour rétablir marche par marche une confiance indispensable dans le fonctionnement des systèmes financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes pas au haut des marches !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je vais revenir rapidement sur un certain nombre de questions qui ont été posées ou d’observations qui ont été faites.

Je suis totalement d’accord avec M. Giscard d’Estaing pour considérer que la réglementation et l’encadrement des conseils en gestion de patrimoine seront une nécessité. Nous devons évidemment poursuivre les travaux de consultation, et je donnerai un plein soutien à une proposition de loi qui aurait pour objet d’encadrer cette activité.

Monsieur Perruchot, je vous remercie infiniment d’avoir rappelé l’ensemble des contributions positives de ce texte, son ampleur, son ambition aussi.

Pour la taxation bancaire, la France souhaite rejoindre le courant des pays européens qui, avec la Suède, l’Allemagne à partir du 1er janvier, la Grande-Bretagne à partir du 1er janvier, mettront en place par le biais de la loi fiscale un mécanisme de prélèvement sur les banques. Il aura pour objet non pas d’obtenir en quelque sorte réparation du coût pour le contribuable du plan de sauvetage des banques puisque ce dernier a en fait permis de récupérer au bénéfice de l’État et donc du contribuable français 2,4 milliards d’euros, mais d’inciter les banques à ne pas avoir un comportement systémique à risque. Ce dispositif sera examiné dans le projet de loi de finances.

J’en profite pour rappeler que la France soutient le mécanisme de contribution sur les transactions financières – je préfère parler de contribution plutôt que de taxation. Son champ d’application devra être le plus universel possible pour être vraiment efficace. C’est un combat du Président de la République, qui ne se contente pas de mots, qui met son discours en actes et essaie de convaincre l’ensemble de ses partenaires.

Monsieur Muet, vous avez évoqué une utile séparation entre les banques de dépôt et les banques d’investissement. Nous pouvons échanger des arguments. Moi, je ne suis pas convaincue de la pertinence du mécanisme. Il faut examiner avec honnêteté intellectuelle tout ce qui pourra assainir le tissu bancaire et conforter les banques dans leur activité de financeur de l’économie. Quand on regarde les banques ayant été à l’origine des difficultés financières que nous avons rencontrées à la fin de 2008, on s’aperçoit que des établissements comme Bear Stearns, Lehman ou Merril-Lynch étaient des banques d’investissement, qui n’avaient pas le modèle universel qui nous a probablement été plus utile que le leur dans la crise, et que Northern Rock, par exemple, qui n’a pas été non plus dans une situation très agréable, était, elle, seulement une banque de dépôt, qui faisait du refinancement des collectivités territoriales. Je ne suis donc pas convaincue que l’activité mixte, le modèle universel à la française ou à l’Europe continentale, soit particulièrement néfaste et susceptible d’être blâmé.

On peut regarder avec intérêt un dispositif du type de celui qui a été recommandé par M. Volcker, dont on retrouve des éléments dans la loi Dodd-Frank, qui consiste à demander aux établissements de faire leurs opérations de trading pour compte propre dans des structures spécifiques sans mélanger les genres, mais je ne pense pas, et j’essaie d’être le plus honnête possible intellectuellement, sans esprit partisan, ce qui n’est pas de bon aloi dans un tel débat, qu’une séparation entre banques d’affaires et banques de dépôt soit le remède au problème systémique auquel nous avons été confrontés.

Sur la pertinence de certaines politiques budgétaires ou des politiques monétaires que nous voyons à l’œuvre, en particulier aux États-Unis, j’ai moi aussi des interrogations.

Monsieur Brard, vous prétendez que nous appliquons les recettes du passé dans une période de crise qui, nous sommes tous d’accord, a été extrêmement grave. J’ai le regret de m’inscrire en faux contre ce que vous dites parce que nous n’avons pas juste utilisé les vieilles recettes du passé.

Quand on crée le médiateur du crédit, qui, je vous rejoins, madame Grosskost, a été extrêmement utile et dont le Président de la République a souhaité le maintien, même si certains effets de la crise ont pu s’estomper, pour qu’il continue à servir d’intermédiaire entre le tissu économique et le secteur bancaire, quand on invente le fonds stratégique d’investissement, la société de financement de l’économie française, la société des prises de participation de l’État, ce n’est pas de la routine, vous avez d’ailleurs vous-mêmes très activement participé à la création de cette œuvre législative. Ne nous dites donc pas que nous sommes simplement en train de rabâcher et d’utiliser les vieux rossignols du passé.

M. Jean-Pierre Brard. Il fallait nationaliser, comme Obama !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce fut de courte durée et je n’appellerai pas cela une nationalisation !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis assez d’accord avec vous ! Nous avons des marges de progression ! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Et pour mettre fin à certaines prises de risques excessives, qui a proposé des mécanismes d’encadrement, notamment pour les systèmes de rémunération ? C’est la France. Qui s’est battu pour obtenir que cette nécessité soit reconnue par l’ensemble des pays membres du G 20 ? C’est le Président de la République. Certes, cela ne vous est peut-être pas très agréable à entendre car vous n’avez pas forcément été son premier partisan …

M. Jean-Pierre Brard. Ni le second, Dieu m’en garde !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …mais reconnaissez tout de même la détermination avec laquelle il mène ce combat.

S’agissant du texte lui-même, je ne reviendrai pas sur ce que vous avez appelé mon « égrenage » de l’ensemble du dispositif.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un terme que j’ai employé lors de la première lecture, il y a deux mois, pas aujourd’hui !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Sans doute un de vos collègues a-t-il repris cet excellent mot.

M. Jean-Pierre Brard. C’est subliminal alors !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Les avancées ont été considérables, qu’il s’agisse de réglementer les agences de notation et les marchés dérivés, d’accroître les pouvoirs des autorités de marchés ou de constituer une autorité de contrôle prudentiel. Certes, monsieur Garrigue, celle-ci n’a pas exactement le même statut que l’autorité européenne dans sa structure, mais elle aura pour objet d’instituer une véritable tour de contrôle pour éviter les angles morts. Nous souhaitons ardemment que cela puisse bénéficier aux consommateurs de produits financiers en donnant compétence à l’Autorité de contrôle prudentiel sur l’ensemble du secteur, quels que soient les utilisateurs, au même titre que l’Autorité des marchés financiers. J’espère que, ce faisant, nous œuvrons au service de nos concitoyens de manière tant soit peu novatrice et efficace.

Monsieur Perruchot, vous avez évoqué l’encadrement des ventes à découvert, des ventes à découvert à nu et des ventes de CDS. Ce sont des domaines extrêmement importants sur lesquels la Commission européenne, le 15 septembre dernier, a fait deux propositions de directives sur lesquelles nous allons bien évidemment travailler. Je vous propose, comme nous l’avions évoqué lors de l’examen du texte en commission des finances avant cette deuxième lecture, de soumettre à votre assemblée un premier rapport d’étape à la fin de l’année 2010, puis un rapport détaillé à la fin de l’année 2011 afin d’avoir un éclairage plus approfondi sur ces marchés.

Vous vous félicitez de l’extension des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers. C’est extrêmement important, en effet, car il ne s’agit pas seulement de réguler, il faut également mettre en place des mécanismes et des institutions qui soient capables de le faire. Je précise, à cet égard, que compte tenu du champ d’application plus large de ses interventions et du renforcement de son pouvoir de sanction et d’interdiction, le projet de loi de finances prévoit une dotation budgétaire spécifique pour lui permettre de répondre aux tâches supplémentaires qui lui sont attribuées par ce texte.

Monsieur Garrigue, vous m’interrogez sur de nombreux textes. Je ne vais peut-être pas vous faire part de l’ensemble des positions du Gouvernement, notamment s’agissant des deux dernières directives qui viennent d’être soumises à notre examen par la Commission. Pour ce qui est de la directive relative aux fonds alternatifs ou hedge funds, je veux vous indiquer que, contrairement à ce que j’ai pu lire sous la plume de certains, la France est absolument déterminée, aux côtés de l’Allemagne et d’autres pays européens, à ce que nous parvenions à mettre en place une réglementation de ces fonds, elle n’est nullement responsable du retard en ce domaine.

Notre pays ne souhaite toutefois pas que cette réglementation soit l’occasion pour des fonds situés en dehors de l’Union européenne de bénéficier d’un passeport européen, sans qu’ils soient soumis à un système solide, cohérent et global d’enregistrement et de supervision. C’est la raison pour laquelle, dans une volonté de compromis, nous avons suggéré que si passeport il devait y avoir, il n’intervienne qu’au terme d’une période de quatre ans, soit en 2014, ce qui laisserait le temps à l’Autorité européenne des marchés de monter en puissance pour être ensuite en mesure d’examiner la demande de tel ou tel fonds, d’en vérifier la conformité avec la réglementation et de superviser ce type de commercialisation sur le territoire européen. Ce n’est pas la formule retenue par certains de nos partenaires et je ne suis pas convaincue que nous parvenions à une solution dans des délais très rapides. Toujours est-il que la France fait tout ce qu’elle peut pour avancer dans cette régulation à l’échelon européen.

S’agissant des marchés dérivés, ce que nous souhaitons, bien entendu, c’est une chambre de compensation ayant le statut d’établissement de crédit, afin d’être dûment encadrée, et située sur le territoire européen, à proximité de la source de liquidités. Voici une exigence forte que défendra la France.

Enfin, madame Grosskost, s’agissant du contrôle par les banques des règles d’emploi des fonds collectés au titre du livret de développement durable, j’ai confié une mission à l’Inspection générale des finances à ce sujet pour que nous puissions mesurer dans quelles proportions le financement s’opère et prendre des décisions fondées sur une étude de fond du comportement des banques en ce domaine.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie d’un amendement n° 8.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, je viens de vous écouter attentivement. Nous ne sommes pas vraiment sur la même longueur d’ondes mais cela ne vous aura pas échappé. Vous avez choisi une logique d’incitation alors même que vous connaissez bien les gens qui transgressent. Croyez-vous vraiment qu’ils vont céder à vos objurgations ? Votre force de conviction, votre persévérance, votre ténacité sont certainement dignes d’éloge. Hélas, elles n’aboutiront à rien, vous le savez bien. Mais j’espère me tromper.

L’article 1er du projet de loi met en place un conseil de régulation financière et du risque systémique qui rédigera un rapport public annuel remis au Parlement. La dernière révision constitutionnelle était censée renforcer les droits de la représentation nationale, notamment en lui permettant de jouer pleinement son rôle en matière de contrôle de l’activité gouvernementale et de l’application des lois. Dans cet esprit, notre amendement vise à faire du rapport du conseil de régulation financière et du risque systémique un élément ordinaire du débat parlementaire présentant aux élus de la nation les éléments d’information nécessaires à leur réflexion collective et publique sur les évolutions souhaitables de la loi.

Même si le débat que nous proposons d’instaurer ne débouchera pas sur un vote, au moins a-t-il le mérite de nous maintenir en alerte sur des questions très importantes.

Mme la présidente. La parole est à M.  Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. En première lecture, notre assemblée avait adopté le principe d’une implication des parlementaires dans le fonctionnement de ce conseil. Le Sénat a, je crois, judicieusement rendu ce rapport public.

Nous estimons que la loi n’a pas à mentionner que l’Assemblée doit débattre de ce rapport. Il fera de toute façon l’objet d’un débat public, que ce soit dans l’hémicycle ou dans d’autres cercles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.. Il n’aura pas échappé à M. le rapporteur que mon amendement ne visait pas le café du commerce mais l’Assemblée nationale. Il est extraordinaire de constater que dès lors qu’il s’agit de faire plaisir à ceux que vous représentez ici, vous vous empressez d’exprimer des intentions dans la loi et que vous refusez un amendement aussi modeste que celui-ci. Mais, en fin de compte, il est compréhensible que vous ne vouliez pas consentir à l’adopter car il réclame un engagement sur la transparence et, « honni soit qui mal y pense » comme dirait Elizabeth II, vous refusez que les choses que ce conseil pourrait mettre au jour soient discutées publiquement dans cet hémicycle. Nous avons bien compris ce qui motive votre réponse. Il ne faut surtout pas s’en tenir à ce que vous dites mais chercher derrière les mots l’essence de votre inspiration.

(L’amendement n° 8 n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 ter A à 2 quinquies

Mme la présidente. Les articles 2 ter A à 2 quinquies ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(L’article 2 ter A est adopté.)

(L’article 2 quater est adopté.)

(L’article 2 quinquies A est adopté.)

(L’article 2 quinquies est adopté.)

Article 2 sexies

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 7, tendant à supprimer l’article 2 sexies.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Avec ma collègue Martine Billard, nous tenons beaucoup à cet amendement de suppression.

L’article 2 sexies, qui inscrit la définition du marché des quotas carbone dans la loi, vise à faire croire qu’il serait possible de réguler ce marché d’échanges. Encore plus cynique, il prétend que les problèmes sur ce marché relèveraient d’un manque de coordination entre l’Autorité des marchés financiers et la Commission de régulation de l’énergie. Ce serait réellement ne rien comprendre à ce qui est à l’œuvre dans ce marché.

Tout d’abord, celui-ci a déjà largement prouvé son inefficacité. Entre 2005 et 2007, la diminution de gaz à effet de serre attribuable aux entreprises échangeant leurs émissions sur ce marché est de 3 %, ce qui correspond très exactement à la diminution de leur activité pendant la même période. Un marché efficace ne serait-il pas parvenu à diminuer les émissions dans des proportions plus importantes ?

Ce n’est toutefois pas le fond du problème. Ce marché hautement spéculatif fonctionne déjà comme tout autre marché : il a ses produits dérivés, ses bulles, ses fonds d’investissement. La réalité est donc ailleurs.

Les pays développés ont attribué des quotas gratuits aux entreprises les plus polluantes à un niveau largement supérieur à leurs émissions réelles. Sans qu’il y ait eu de contrepartie en termes de diminution réelle d’émissions de gaz à effet de serre, les grands groupes industriels ont ainsi engrangé des milliards d’euros de bénéfices. Arcelor-Mittal a, par exemple, touché – sans doute était-il dans le besoin – 202 millions d’euros en 2008. Quant aux dix principaux pollueurs, ils ont accumulé entre 2005 et 2010 pour près de trois milliards d’euros au cours actuel de CO2. Ces entreprises sont-elles devenues plus vertueuses pour autant ?

L’argent public dépensé pour le marché carbone constitue une diversion qui dissimule l’absence de mesures politiques concrètes, à commencer par l’échec du Grenelle II. Cette stratégie est dangereuse car elle fait mine de s’exempter de toute approche stratégique cohérente permettant une transition planifiée vers une économie à faibles émissions de carbone.

La dépendance à l’égard des échanges de quotas de carbone pour faire face aux changements climatiques revient à parier sur l’avenir de milliards de personnes. Nous demandons la suppression de cet article car la question n’est pas de savoir comment réguler un marché volatile, spéculatif et inefficace, mais bien de mettre en œuvre une approche complètement différente.

Celle-ci repose sur des outils politiques planifiés et efficaces tels que des investissements publics et de réelles obligations pour les entreprises. Ce sont, madame la présidente, les seuls moyens de garantir l’existence de secteurs industriels performants tant socialement qu’écologiquement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Cet amendement est intéressant dans la mesure où il met le doigt sur les divergences philosophiques qui nous opposent avec M. Brard.

L’exposé des motifs indique que – et je lis le « Brard » dans le texte – « les auteurs de l’amendement s’opposent à cet article qui promulgue officiellement la définition des marchés de quotas ». Autrement dit, pour M. Brard, il est possible de promulguer un marché, de décider qu’il existe ou pas. Or, lorsqu’un marché existe dans les faits comme BlueNext, le marché d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, M. Brard préfère ne pas le réglementer car il ne veut surtout pas reconnaître son existence.

Nous avons une approche radicalement différente. Nous considérons, au contraire, qu’il est nécessaire d’appliquer les règles du code monétaire et financier à BlueNext, de fixer les responsabilités respectives de la Commission de régulation de l’énergie et de l’Autorité des marchés financiers, bref de faire de ce marché un marché comme un autre. Nous pensons de cette façon pouvoir éviter les excès, notamment spéculatifs. Ainsi, nous ferons bonne œuvre s’agissant de la régulation financière. Ignorer son existence serait laisser ce marché dans une zone grise que l’on s’évertue, avec ce projet de loi portant régulation bancaire et financière, à réduire à sa plus simple expression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis d’accord sur un point avec M. Chartier : il fait bonne œuvre, c’est vrai – de son point de vue, s’entend. D’ailleurs, M. Mittal, qui est dans le besoin, comme chacun sait, le remercie puisqu’il a empoché 202 millions d’euros. Vous voyez bien que vos règles ne fonctionnent pas ! C’est la prime aux truands, pour les appeler par leur nom. Nos collègues de l’UMP ne protestent pas quand ainsi je les qualifie, ils regardent la pointe de leurs chaussures, sachant que j’ai raison.

Monsieur le rapporteur, en parlant de différences philosophiques, vous faites injure à la philosophie. Ces différences sont beaucoup plus vulgaires et triviales : elles portent sur les gros sous – même si je ne vous accuse pas de compter les piécettes pour le compte de ceux que vous défendez. Les règles du marché telles que vous les avez définies ne fonctionnent pas, c’est un encouragement à polluer et les exemples que j’ai donnés vous le démontrent. Mais face à la réalité, vous préférez fermer les yeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je regrette que cette question vraiment importante soit traitée de façon quelque peu anecdotique au détour d’un texte de loi qui n’avait pas, a priori, vocation à la couvrir. Le sujet est complexe, qui touche à l’environnement et à l’équilibre entre les différentes formes d’industries.

Pour une fois, je ne suis pas complètement d’accord avec Jean-Pierre Brard. En tant qu’élu lorrain, je connais un peu la question d’ArcelorMittal. J’ai été approché par des représentants de la partie française de ce groupe, qui m’ont fait part de leurs interrogations sur les quotas de CO2 par rapport au développement d’un certain nombre d’activités en Lorraine, pas très loin de Gandrange notamment.

Je regrette donc que l’on traite de cette question au détour d’un texte par le biais de ce qui n’est pas loin d’être un cavalier législatif.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. C’est tout sauf un cavalier.

M. Christian Eckert. Autre regret, mon collègue Pierre-Alain Muet a fait part de son interrogation sur le régime de TVA. En présence d’une fraude à la TVA portant sur plus de 5 milliards d’euros, votre réponse est de supprimer complètement la TVA. Ainsi, plus de fraude ! C’est un raisonnement curieux. S’il y a peut-être lieu de s’interroger sur l’opportunité d’un régime de TVA, l’argument mis en avant me paraît particulièrement spécieux. Nous aimerions, madame la ministre, connaître votre position sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Sur cette question, après avoir été alertée par mes collègues britanniques qui ont été les premières victimes de mécanismes de carrousels à la TVA, j’ai été la première à demander la suspension de l’application de la TVA.

M. Christian Eckert. La suspension, pas la suppression.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non pas pour éluder définitivement la question et ne plus jamais soumettre les transactions sur biens immatériels à la TVA, mais pour éviter des remboursements de crédit de TVA dans des conditions inacceptables. Aujourd’hui, une réflexion est en cours, sous l’autorité du commissaire européen chargé de la fiscalité, pour examiner comment, à quelles conditions et en quelles circonstances on pourrait ou pas réassujettir à la TVA ces transactions sur biens immatériels. De même qu’en matière de logiciels, par exemple, il faut parvenir à un texte suffisamment précis et d’application claire pour éviter les fraudes à la TVA à tour de bras. C’est aussi simple que cela.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Je ne peux pas, monsieur Eckert, vous laisser donner le sentiment que ce point est examiné rapidement. Je vous renvoie à la page 31 du rapport…

M. Christian Eckert. Nous avons eu une minute de discussion en commission !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. …qui mentionne Blue Next mais aussi ICE-ECX, son équivalent anglais, comme deux marchés sérieux de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Blue Next est une plate-forme qui appartient à 60 % à NYSE Euronext et à 40 % la Caisse des dépôts et consignations. Faisant fonctionner ce marché dans des conditions de transparence de très grande qualité, elle mérite de rentrer dans le périmètre de la régulation.

J’ajoute que ce marché en développement a, comme tous les marchés, besoin de règles de régulation extrêmement précises, et d’ailleurs souhaitées par les actionnaires de cette plate-forme.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas eux qui commandent !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Comme cela figure dans le rapport, les éléments ont donc été valablement présentés. Vous étiez présent en commission ; si vous souhaitiez le débat, nous aurions pu l’avoir.

M. Christian Eckert. Dois-je vous rappeler dans quelles conditions ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. En tout cas, si, malgré les éléments tout à fait clairs contenus dans le rapport, vous souhaitez davantage d’éclaircissements, je suis à votre entière disposition. De surcroît, le texte proposé par le Sénat a reçu le plein accord de la commission des finances et comporte des mesures tout aussi claires et précises.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. On pourrait longuement discuter de ce sujet fondamental qui vient comme cela – c’est assez dommage – dans un texte sur la régulation financière. Dès le départ, ce marché a dysfonctionné. D’abord, l’Europe a donné des quotas beaucoup trop larges à l’ensemble des entreprises, de sorte qu’aujourd’hui le prix spot s’est effondré et est pratiquement voisin de zéro. Ensuite, ces quotas ont été vendus gratuitement.

Ce n’est pas un marché comme un autre : il vise à donner un prix du carbone. Je fais partie de ceux qui préféreraient une taxation écologique. Pour un phénomène diffus qui concerne tous les agents, mieux vaut une taxe qu’un marché de quotas. Mais dès lors qu’il y a un marché, il faut qu’il soit organisé. L’erreur a été de le laisser se développer comme un marché financier là où il fallait une régulation, avec des prix planchers pour éviter tout effondrement des prix. Or ce marché est complètement en dehors de son objectif. Il ne sert pas à donner une orientation aux choix écologiques de l’Europe. C’est un marché où les entreprises ont anticipé ce qui allait se produire. Comme le régulateur a été défaillant, aussi bien du côté financier que du côté économique, c’est-à-dire pour ce qui est du prix qu’on veut donner à la tonne de carbone, on se retrouve avec un système qui ne joue pas son rôle.

Il faudra réexaminer ce sujet majeur dans un autre contexte.

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

(L’article 2 sexies est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 22.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Sans vouloir en faire toute une histoire, notre rapporteur ne doit pas confondre son travail personnel, que je respecte, qu’il a établi à la lumière de ses propres convictions et informations, avec un travail collectif qui aurait pu être fait par la commission. On a suffisamment rappelé les conditions d’examen de ce texte en deuxième lecture. La disposition que l’on vient d’évoquer a été introduite par le Sénat, soit ! Il y a des éléments dans le rapport, mais je ne disposais pas du rapport au moment de la réunion de la commission ; je l’ai découvert dans son intégralité tout à l’heure. Tout cela, nous l’avons dit, le président de la commission des finances l’a dit aussi. Et s’il le faut, nous vous ferons à chaque fois des piqûres de rappel.

Pour ce qui est de l’amendement n° 22, il tend à porter à quatre le minimum d’agences enregistrées pour qu’un émetteur puisse se prévaloir, dans le cadre de la documentation financière qu’il émet, des résultats de ces agences de notation. Ce sujet-là a été suffisamment débattu, y compris en première lecture, pour que je n’aie pas à donner de plus amples explications.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. M. Eckert a raison : foin de la polémique ! Comme je suis à cet égard sur la même longueur d’onde que lui, je vais lui donner lecture de deux alinéas de l’article 2 sexies qui résument toute la démarche :

« II. – Un marché réglementé d’instruments financiers tel que défini au I peut également assurer ou faciliter la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des quotas d’émission de gaz à effet de serre définis à l’article L. 229-15 du code de l’environnement et sur les autres unités visées au chapitre IX du titre II du livre II du même code.

« Un marché réglementé d’instruments financiers tel que défini au I peut également assurer ou faciliter la rencontre, en son sein et selon des règles non discrétionnaires, de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers sur des actifs dont la liste est fixée par décret, après avis du collège de l’Autorité des marchés financiers. » Toutes les autres dispositions sont des incidentes.

Le texte est si clair qu’il ne méritait pas un long débat, et nous venons de l’avoir. La question était de savoir s’il fallait réglementer les marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre. La réponse était oui parce que c’était nécessaire. Si vous souhaitez en débattre davantage, ainsi soit-il. Mais je n’ai pas le sentiment de détenir des informations particulières, elles sont toutes dans le texte.

S’agissant de l’amendement n° 22, vous jugez utile de fixer un nombre minimum d’agences de notation. Pourquoi pas, je vous l’ai dit en commission. Mais je vous ai dit également que nous avons opté pour une tout autre démarche. L’esprit de l’article de la loi sur la régulation bancaire et financière s’attache à la transparence des agences de notation, notamment de leurs méthodes de travail : il reprend le règlement européen de septembre 2009 qui fixe des règles extrêmement précises en la matière ; la rédaction sénatoriale les renforce, non seulement en encadrant la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, mais aussi en excluant le principe d’extraterritorialité de sorte que le travail des agences de notation tombe bien sous le coup de la loi française, très encadrante. Vous vous souvenez que, en première lecture, l’Assemblée nationale avait considérablement enrichi le projet du Gouvernement à cet égard.

Le Sénat a également introduit la transparence sur les conditions de rémunération des agences, ajoutant, fort à propos me semble-t-il, le principe de la supervision des agences de notation par l’Autorité des marchés financiers, qui devra en faire un élément du rapport qu’elle rend public et dépose sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Bref, ce travail très complet, axé sur la transparence des activités des agences de notation, me semble de meilleure politique que la fixation d’un nombre supérieur d’agences qui, de toute façon, dépendrait des conditions du marché.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. On ne va pas y passer la soirée,…

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Comme vous voulez !

M. Christian Eckert. …mais entre gens de bonne compagnie, on peut quand même y consacrer quelques minutes.

L’article 2 sexies est tout à fait clair, dites-vous. Il comporte soixante-deux alinéas et s’étend sur quatre pages !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Ce sont des incidentes.

M. Christian Eckert. Il met en jeu notamment les interférences et le partage des compétences entre le marché et la Commission de régulation de l’énergie. Ce n’est pas un article anodin !

Nous n’avons pas voulu polémiquer sur ce sujet, cher collègue. Vous l’avez compris en effet, nous ne sommes pas contre la régulation des marchés des quotas de CO2, nous l’avons dit. Simplement, les conditions de mise en œuvre de cette régulation, comme les conditions d’examen de cet article, qui n’est pas anodin, nous ont choqués.

Enfin, madame la ministre, vous avez répondu sur la suspension de la TVA, que je peux comprendre en raison de la fraude constatée. Or le texte ne parle pas de suspension mais d’une exonération qui, sauf avis contraire, me paraît définitive.

(L’amendement n° 22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 23

M. Christian Eckert. Tout à l’heure, Mme Grosskost a indiqué que le bon sens devait prévaloir sur les modèles mathématiques, et je ne peux qu’y souscrire. C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement de bon sens, que les éléments fournis par une agence de notation ne puissent pas être pris en compte dans le cadre du contrôle du respect par les établissements de crédit des règles prudentielles qui leur sont applicables et que seules seront admises à ce titre les évaluations et modélisations produites directement par l’établissement contrôlé.

Malgré notre différence d’appréciation sur ce thème qui a fait l’objet de débats, nous maintenons notre position.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement présenté par M. Eckert.

Une agence de notation n’a pas pour mission de contrôler que les banques respectent bien leurs ratios et les règles prudentielles. Cela irait au-delà de leurs prérogatives puisqu’elles se décrivent elles-mêmes comme accomplissant le travail d’un éditorialiste et en aucun cas d’un censeur. De ce fait, cetamendement n’a pas d’objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

(L’amendement n° 23 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Articles 4 à 5 EAA

Mme la présidente. Les articles 4 à 5 EAA ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets successivement aux voix.

(Les articles 4, 5 A, 5 B, 5 C, 5 DA et 5 EAA, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 5 EA

Mme la présidente. La commission des finances a maintenue la suppression de l’article 5 EA.

Article 5 E

Mme la présidente. Sur l’article 5 E, je suis saisie d’un amendement n° 20.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la séparation des activités de détail et d’investissement. Je précise que nous proposons la séparation des activités, non pas la séparation des banques, car même le président américain ne propose pas de revenir à un Glass-Steagall act tel qu’il existait aux États-Unis.

Il s’agit de s’interroger sur la possibilité de supprimer la spéculation sur fonds propres, c’est-à-dire d’interdire aux banques de dépôt de jouer avec l’argent des épargnants. Bien sûr, une banque peut faire des placements financiers pour le compte de ses clients, mais c’est le client qui prend le risque, non la banque.

Les marchés financiers sont aujourd’hui tellement interpénétrés que même la faillite d’une grande banque d’investissement peut avoir des répercussions sur une banque de dépôt dans un modèle de séparation complète. Mais, autant il est logique qu’un État vienne au secours des banques de dépôts parce qu’elles ont une mission de service public, autant il n’y a aucune raison de faire appel au contribuable lorsqu’une banque d’investissement fait faillite, car elle doit assumer les risques qu’elle prend. J’ajoute qu’en réduisant la taille des banques d’investissements, on sait bien qu’on n’aurait pas forcément besoin de venir à leur secours lorsqu’elles sont en difficulté.

Il faudrait s’interroger sur cette possibilité de séparer les activités des banques, non seulement parce que les États-Unis se posent cette question, mais aussi parce que c’est une vraie réponse aux dérives qui ont conduit à la crise financière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. M. Muet étant un lecteur attentif des rapports parlementaires, il a pu observer que les pages 54 et 55 du rapport reviennent largement sur les conditions de « Bâle III », c’est-à-dire la fixation des ratios prudentiels.

La réflexion sur la régulation bancaire ne fait que commencer, notamment s’agissant des banques de dépôt. On peut observer que la logique qui prévaut est celle d’une grande prudence et d’une diversification. Au fond, seul le débat qui sera conduit dans les semaines à venir dans le cadre de « Bâle III » pourra valablement éclairer les esprits. À mon avis, nous avancerons bien plus rapidement sur cette question avec ce comité que si le Gouvernement remet au Parlement un rapport, même si la ministre et ses services sont toujours d’une rapidité fulgurante.

Voilà pourquoi la commission n’a pas adopté cet amendement, ce qui n’empêchera pas que le débat ait lieu, soit en commission de finances, soit ici même, sur ce sujet important.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. La priorité me paraît également de s’accorder sur le montant des capitaux propres que l’ensemble des banques devront fournir. Cela permettra d’éviter que certains établissements aient moins de 2 % de capitaux propres par le jeu d’un certain nombre de mécanismes.

Outre cette réglementation dite de « Bâle III » qui devra être appliquée par tout le monde pour permettre un jeu égal entre les acteurs, il faudra suivre très attentivement tout ce qui concerne les établissements dits systémiques et les propositions faites par le Conseil de stabilité financière qui, lui aussi, résulte de la crise et du renforcement d’un certain nombre d’institutions.

Au-delà de la séparation des activités que vous évoquez, deux autres domaines me paraissent très importants : d’une part, le degré et la qualité de la supervision, d’autre part la restructuration organisée des établissements bancaires. Sur ce dernier point, il convient également d’adopter des mesures à caractère européen pour faire le pendant de dispositifs que l’on retrouve notamment dans la réglementation américaine mais qui ne sont pas encore effectifs, puisque certaines agences doivent prendre des mesures d’explication et d’interprétation qui ne pourront pas être appliquées avant deux ans au moins.

Mais il faut, bien évidemment, continuer à travailler dans ces trois directions pour renforcer la responsabilité des établissements bancaires, plutôt que dans le cadre d’une séparation, comme je l’indiquais tout à l’heure, ce qui n’empêchera pas évidemment de rendre compte à l’Assemblée nationale, et à la commission des finances, chaque fois qu’elle le souhaitera, de l’évolution de ces textes au niveau européen.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je ne pense pas que l’objet de cet amendement soit de préjuger de la séparation ou non des activités, mais cette réflexion est nécessaire car elle existe depuis longtemps aux États-Unis.

On a un peu trop tendance à considérer que les difficultés sont venues seulement des banques américaines et des marchés américains et que l’Europe est un peu en dehors de ces contingences. Or je rappelle qu’un certain nombre de banques européennes ont été confrontées à de graves difficultés, voire ont disparu pendant la crise financière, et que certaines comptent peut-être encore dans leur bilan une part importante de ce que l’on appelle des actifs toxiques.

Il n’est donc pas inutile d’engager une réflexion sur ce point et il est important que le Parlement y soit mieux associé. À défaut que le Gouvernement remette un rapport, peut-être pourrait-on, au moins, avoir un rapport parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je rappelle que, s’agissant de « Bâle III », on a beaucoup reculé depuis l’ouverture de la discussion. À cet égard, je suis attentif à ce que les parlementaires puissent intégrer de vraies dispositions liées à la régulation. On sait que le lobby bancaire a beaucoup œuvré depuis plusieurs mois pour faire en sorte que la croissance affichée puisse être au rendez-vous et qu’il a parfois agité un chiffon rouge, même si c’était un peu excessif.

Par ailleurs, les résultats des principales banques françaises sur le premier semestre montrent qu’elles font plutôt bien ce travail de banque de détail puisqu’elles enregistrent des résultats en hausse, compris entre 16 et 23 % de leur chiffre d’affaires et de leur résultat cumulé. C’est une bonne nouvelle et cela prouve que ce modèle à la française est viable et plutôt bien viable pour les banques.

M. Jean-Pierre Brard. Gagner beaucoup d’argent n’est pas un critère d’honnêteté !

M. Nicolas Perruchot. Ce n’est pas interdit !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Les différentes interventions montrent que le rapport que nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement est nécessaire et qu’il convient d’approfondir cette réflexion. Je dirai même qu’il n’est pas certain que l’idée de séparer les établissements ne crée pas des divisions au sein de nos propres groupes. En tout cas, c’est le cas pour notre groupe. Il faut donc une réflexion collective. La réflexion sur les bancs de la majorité actuelle pourrait peut-être nourrir celle de l’opposition – on peut rêver…

Ma deuxième réflexion va peut-être vous surprendre, mais quand je lis la page 55 du rapport, j’ai tendance à baisser les bras. Avez-vous vu la complexité du « zinzin » ? Si j’avais à peu près compris ce qu’était le ratio de fonds propres qui était fixé jusqu’à présent à 8 %, j’avoue qu’il n’en est pas de même avec le ratio Tier 1, le ratio de fonds propres durs ou core Tier 1, le matelas de précaution, le matelas contracyclique, enfin le ratio d’effet de levier... J’ai une grande confiance dans la compétence des membres de la commission des finances, mais quand on en arrive à un tel degré de complexité, je me demande comment ils vont pouvoir s’y retrouver, surtout quand on sait que les étudiants qui sortent de Polytechnique ou de Normal Sup vont prioritairement dans les établissements bancaires pour trouver de nouveaux algorithmes et de nouveaux modes de calcul du ratio qui va réussir à contourner le ratio précédent.

Avant d’inventer de nouveaux ratios complexes, mieux vaudrait donc s’interroger sur la complexité des produits, que tente de suivre celle des ratios…

(L’amendement n° 20 n’est pas adopté.)

(L’article 5 E est adopté.)

Articles 6 et 7

Mme la présidente. Les articles 6 et 7 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je les mets successivement aux voix.

(Les articles 6 et 7, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 7 bis A

Mme la présidente. Sur l’article 7 bis A, je suis saisie d’un amendement n° 21.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet amendement tente de modérer l’influence des « pays jugés non coopératifs », pour employer une expression correcte, c’est-à-dire de ceux que l’on appelle entre nous « les paradis fiscaux ». Nous proposons, en effet, qu’aucun établissement établi dans l’un des pays jugés non coopératifs conformément aux critères retenus à l’article 238-0 A du code général des impôts et figurant sur la liste visée au 1 du même article ne soit admis à commercialiser des produits financiers, quelle que soit leur nature, sur le territoire national et qu’un décret précise les conditions dans lesquelles les autorités de régulation bancaire et de marché assurent le respect de cette interdiction.

Notre amendement est probablement très ambitieux, mais vous pourriez le sous-amender si vous le jugez trop sévère.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La disposition proposée par M. Eckert n’est pas nouvelle puisque nous avons déjà eu l’occasion de l’examiner, au mois de juin dernier, dans le cadre de la première lecture de ce texte. À cette occasion, j’avais rappelé que l’article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2009 fixait toute l’ambition de la France s’agissant de sa politique à l’égard des États et territoires non coopératifs.

J’invite donc les auteurs de cet amendement à relire ce que j’avais dit alors.

La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La portée de cet amendement reste modeste. La liste des paradis fiscaux établie par l’article 238-0 A du code général des impôts semble quelque peu dérisoire au regard des ambitions affichées à l’époque : on observe qu’un grand nombre de pays sont très rapidement sortis des listes établies au lendemain de la réunion du G 20.

Si l’on rejetait cet amendement, même avec cette liste extrêmement limitée, on pourrait s’interroger sur la détermination du Gouvernement à lutter contre les paradis fiscaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je soutiens pour ma part cet amendement issu des travaux menés conjointement par l’Assemblée et le Sénat sur la crise ; utile, il me paraît aller dans le bon sens. Ne soyons pas hypocrites : nous entendons améliorer la régulation bancaire afin de mieux contrôler l’activité de milieux financiers complexes – et Dieu sait, et ce n’est pas Jean-Pierre Brard qui me contredira, si les paradis fiscaux, en la matière, sont complexes.

Dès lors que, à l’occasion de la crise dont nous ne pouvons que constater l’importance, une grande partie des flux financiers, qui échappent à toute régulation, sont « planqués » dans les paradis fiscaux, et dès lors que certains établissements bancaires continuent d’en profiter, il serait logique que nous signifiions, par le biais de cet amendement, notre volonté de contrôler désormais ce qui ne va pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. J’entends rassurer notre collègue Garrigue. Comme lui, j’ai assisté au débat sur la constitution de ces fameuses listes. On nous avait assurés qu’elles étaient par nature évolutives. Certains pays, retirés de cette liste parce qu’ils auraient signé un accord, pourraient la réintégrer dès lors qu’ils ne respecteraient pas ledit accord et dès lors qu’ils ne donneraient pas suite aux demandes qu’on leur ferait. Je dis cela de façon ironique car je n’ai pas vu évoluer la liste des pays non coopératifs…

Reste que cet amendement me paraît des plus importants puisqu’il pourrait donner un signe très fort montrant l’envergure de ce texte. Il s’agirait de rompre avec les pratiques antérieures. Je suis donc très heureux que des collègues de la majorité le soutiennent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je précise que le Gouvernement est défavorable à cet amendement non pas parce qu’il serait opposé à la lutte contre les paradis fiscaux et contre les juridictions non coopératives, mais simplement parce que la réglementation doit être harmonisée, notamment au niveau européen, et que nous devons laisser les banques achever leur retrait des paradis fiscaux, comme elle s’y sont engagées en octobre 2009.

(L’amendement n° 21 est adopté.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Madame la présidente, il est mathématiquement impossible que l’amendement ait été adopté !

Mme la présidente. Si, l’amendement a bien été adopté !

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Mais non, les députés de la majorité sont au nombre de huit, l’amendement n’a donc pas pu être adopté.

M. Jean-Pierre Brard. N’essayez pas de déstabiliser la présidence !

Mme la présidente. J’y insiste : le vote est acquis et l’amendement adopté.

(L’article 7 bis A, amendé, est adopté.)

Article 7 bis B

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 9, visant à supprimer l’article 7 bis B.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’amendement n° 21 a été rejeté, c’est mathématique !

M. Jean-Pierre Brard. Mes chers collègues, il faut vous habituer à la démocratie. Personne ne se cachait derrière le rideau et vous avez tout de même été battus. Je suis instituteur, madame Lagarde, et compter les doigts levés revient au même que compter les bûchettes, ce n’est pas difficile : j’apprenais cela à mes gamins du cours préparatoire et à ceux du cours élémentaire première année.

M. Louis Giscard d’Estaing. Il fallait procéder à un second vote !

M. Jean-Pierre Brard. J’en viens à l’amendement n° 9. Notre groupe est par principe, et de longue date, opposé à la procédure d’habilitation qui consiste à légiférer par voie d’ordonnances telle que prévue par l’article 38 de la Constitution. S’il fallait mener une révision constitutionnelle, nous demanderions la modification, sinon l’abrogation, de cette disposition ainsi que de celle relative à la recevabilité financière.

Le recours aux ordonnances, largement utilisé par le Gouvernement depuis 2007, comme par celui qui l’a précédé au cours de la législature précédente, permet d’escamoter de façon radicale le travail de contrôle parlementaire et donc prive la représentation nationale d’un débat légitime et souvent essentiel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Au nom de mon groupe, je demande une brève suspension de séance.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est une bonne idée !

M. Louis Giscard d’Estaing. Voilà qui va permettre aux députés de l’opposition de se recompter !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous en étions restés à l’examen de l’amendement n° 9. Il a été défendu par M. Brard. La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable. Je mets aux voix cet amendement.

(L’amendement n° 9 n’est pas adopté.)

(L’article 7 bis B est adopté.)

Articles 7 bis et 7 quater A

Mme la présidente. Nous en venons aux articles 7 bis et 7 quater A. Ces articles ne font l’objet d’aucun amendement. Je vais donc les mettre aux voix.

(L’article 7 bis est adopté.)

(L’article 7 quater A est adopté.)

Article 7 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 37.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. C’est un sujet sur lequel nous avons déjà échangé. Mais je voudrais, madame la ministre, que vous nous précisiez le sens des dénégations que vous manifestez à chaque fois que l’on vous dit que l’Allemagne avait interdit la vente à découvert à nu des produits de type CDS. À chaque fois, je vous vois faire non de la tête. Certes, je crois que les Allemands l’ont fait de façon temporaire, et sur certains types de produits. Mais nous, en tout cas, nous considérons, comme l’ont dit Nicolas Perruchot et d’autres collègues, que cette pratique a amplifié les effets de la crise financière. Je ne sais pas si elle l’a déclenchée. Je ne le pense pas. Mais en tout cas, on a vu, au moment de la crise grecque, que cette pratique de vente à découvert à nu a fortement pesé sur les marchés.

L’article 7 quater prévoit que l’on doit s’assurer que l’établissement vendeur a pris « les mesures nécessaires auprès d’une tierce partie afin de disposer d’assurances raisonnables sur sa capacité à livrer ces instruments financiers, au plus tard à la date prévue », c’est-à-dire à J plus 2, si j’ai bien compris. Je doute que cette disposition soit pleinement rassurante et satisfaisante. C’est pourquoi nous proposons une rédaction plus efficace en interrompant l’alinéa 3 après le mot : « cédés ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable. En ce qui concerne la réglementation allemande, monsieur Eckert, la raison pour laquelle j’indique, d’un mouvement de tête, que je ne suis pas totalement d’accord avec vous, c’est que l’Allemagne a adopté un premier texte très vaste, très large, avec beaucoup d’effets, mais qu’au fil du temps, d’autres textes ont été adoptés, de sorte que le dispositif s’est dévitalisé, si j’ose dire, pour ne plus s’appliquer, exclusivement, qu’à des transactions comportant deux parties allemandes, et en exonérant l’ensemble des spécialistes en valeurs Trésor. Le champ d’application du texte a donc été considérablement réduit.

C’est donc évidemment un avis défavorable que j’émets sur votre amendement.

(L’amendement n° 37 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 32.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. C’est un amendement de même nature. Il a la même ambition. Il s’agit de limiter la vente à découvert de ces produits financiers. L’exposé sommaire est suffisamment clair, et montre qu’il y a lieu, dans un souci d’efficacité, d’interdire la vente de ces produits. Je vous en épargne la lecture. Il cite les banques concernées. La disposition proposée serait efficace, ce qui n’est pas le cas, je le répète, de celle qui figure à l’article 7 quater, laquelle ne nous paraît pas suffisante.

(L’amendement n° 32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7 quater est adopté.)

Article 7 quinquies A

Mme la présidente. L’article 7 quinquies A ne fait l’objet d’aucun amendement. Je vais donc le mettre aux voix.

(L’article 7 quinquies A est adopté.)

Article 7 quinquies

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 7 quinquies.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1 et 10, tendant à rétablir cet article.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Nicolas Perruchot. C’est un sujet que nous avons déjà abordé lors de la discussion générale. Cet amendement avait pour but de nous permettre de disposer d’éléments détaillés, précis, sur les ventes nues de CDS souverains. On sait que cette pratique a malheureusement précipité la Grèce dans l’abîme. Aujourd’hui, alors que nous nous étions interrogés, les uns et les autres, durant la crise de 2008, sur l’évolution de ces CDS et sur leur rôle précis, il serait utile que nous puissions avoir des éléments d’information.

Mme la ministre a répondu par avance à cette demande, et a indiqué, aussi bien en commission que tout à l’heure, en séance publique, que des éléments seraient transmis au Parlement. Je retire donc mon amendement.

(L’amendement n° 1 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Jean-Pierre Brard. Afin de faire gagner du temps à notre assemblée, je vais défendre conjointement les amendements nos 10, 11 et 12, puisque tous trois visent à rétablir respectivement les articles 7 quinquies, 7 sexies et 7 septies A. Ceux-ci avaient été adoptés par notre assemblée en première lecture, mais ont été supprimés par la commission des finances du Sénat. Ils demandaient au Gouvernement le dépôt de rapports devant le Parlement.

Madame la ministre, vous avez prétendu tout à l’heure que le passage au Sénat aurait permis d’améliorer ce texte. Ces amendements me donnent l’occasion de prouver que c’est tout le contraire. Le Gouvernement a profité de la « navette » pour brimer encore un peu plus l’institution parlementaire.

Ces amendements ont tous trois pour objet de permettre au Parlement de disposer d’une information pleine et entière sur certains segments des marchés financiers, en l’occurrence les dérivés sur défaut de crédit, le capital-investissement et les ventes à découvert. On nous répondra sans doute que nous avons dépassé le stade du rapport, et que le projet de loi va bien plus loin que nos propositions, notamment avec la mise en œuvre du fameux passeport européen. En d’autres termes, les dérives d’un secteur fortement marqué par les événements de l’été et de l’automne 2008, contre lesquelles nous nous proposons de lutter sur la base d’un rapport remis dans quelques mois au Parlement, seraient déjà combattues par les évolutions d’un texte qui renforce les pouvoirs de sanction des autorités de contrôle.

Cette réponse appelle de notre part deux objections. En premier lieu, l’on peut se demander en quoi le règlement intérieur de l’Autorité des marchés financiers sera suffisant pour parer les risques que nous pouvons pressentir. En second lieu, je tiens à vous rappeler qu’il revient au politique de faire la loi, de par la légitimité qu’il tire du suffrage universel. Il n’est ni anormal ni scandaleux que le politique fasse et dise la loi. La difficulté tient, entre autres, au fait que, comme nous l’avons déjà souligné, l’autorité de contrôle s’abstient de prendre des sanctions claires dans certaines situations qui revêtent pourtant une importance significative.

Mes chers collègues, une bonne loi est une loi qui a été travaillée, pour laquelle on prend le temps de l’analyse, le temps d’approfondir la réflexion, mais aussi d’élaborer une bonne rédaction. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter ces trois amendements, ce qui, en fin de compte, ne ferait que confirmer la position première de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, du fait des explications qu’a données Mme la ministre sur ces trois amendements.

S’agissant du troisième, je rappelle que la directive AIMF, ou directive hedge funds, qui sera adoptée par l’Union européenne dans quelques semaines, renforce considérablement la réglementation sur le capital-investissement. Nous examinerons cet aspect particulier lors de la transposition de cette directive, qui interviendra très prochainement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable. Je remercie M. Perruchot d’avoir retiré son amendement. Je confirme que le Gouvernement fera rapport, fin 2010 et fin 2011, sur les deux sujets sur lesquels il avait demandé un rapport.

J’ajoute que lors du débat qui portera sur les deux projets de règlement qui ont été soumis par la Commission européenne, je demanderai que celle-ci remette un rapport au Parlement européen et au Conseil européen sur l’application de ces textes, et en particulier sur les sujets qui font l’objet de vos amendements. Je pense en effet qu’au niveau européen comme au niveau national, les institutions représentatives, les Parlements, doivent être informés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J’entends bien ce que vous dites, madame la ministre. Vous remerciez M. Perruchot pour sa complaisance. Vous pourriez me remercier pour mon absence de complaisance et ma détermination, parce que, dans le débat démocratique, c’est plus important.

Deuxièmement, ce que vous dites est fort intéressant. Vous dites : « J’accepterai demain ce que je refuse aujourd’hui. » Mais pourquoi donc refusez-vous aujourd’hui ce que vous accepterez demain ?

S’agissant en particulier du troisième amendement, le rapporteur nous renvoie à la transposition de la directive. Mais pourquoi ne pas écrire aujourd’hui ce qui sera peut-être demain dans les textes européens, textes que nous transposerons ultérieurement ?

Vous voyez bien qu’il y a quelque chose qui n’est pas clair, là-dedans. Si tout était aussi clair que le rapporteur veut bien l’affirmer, il proposerait que notre assemblée confirme sa première position.

Et si, après tout, ces dispositions tombaient ensuite en désuétude du fait de la transposition d’une directive européenne, il suffirait alors, au moment de ladite transposition, de modifier les textes en conséquence, au lieu de s’abstenir aujourd’hui d’améliorer notre législation sans attendre.

On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Monsieur le rapporteur, je ne suis même pas sûr que vos intentions soient bonnes.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Ce que dit notre collègue Jean-Pierre Brard est plein de bon sens. Tout à l’heure, notre collègue Arlette Grosskost disait qu’il fallait agir vite, devant la crise. Je rappelle quand même que la crise financière a éclaté il y a maintenant bientôt deux ans. Deux ans, madame la ministre !

Oui, il faut agir vite. Pendant le temps que nous prenons pour examiner un amendement, des milliards d’euros et de dollars sont échangés sur des titres plus ou moins opaques. Agir vite, c’est essayer de prévoir les choses. Vous nous dites qu’un pré-rapport sera remis fin 2010 sur les hedge funds, et un rapport fin 2011. Que signifie donc « agir vite », alors que la spéculation haute fréquence échange des millions, des milliards de dollars en une fraction de seconde ? Je suis un peu effaré de ce manque de volontarisme. Nous ne vous demandons pas la lune, mais un rapport concernant des choix sur lesquels beaucoup se posaient déjà des questions avant même la crise financière.

(L’amendement n° 10 n’est pas adopté.)

Article 7 sexies

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 7 sexies.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 11, tendant à le rétablir.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour défendre l’amendement n°2.

M. Nicolas Perruchot. Je le retire, pour les mêmes raisons qu’à l’article précédent.

Mme la présidente. M. Brard a précédemment défendu l’amendement n° 11.

(L’amendement n° 2 est retiré.)

(L’amendement n° 11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 7 septies A

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 7 septies A.

Je suis saisie d’un amendement n° 12 tendant à le rétablir.

Il a été précédemment défendu par M. Jean-Pierre Brard.

(L’amendement n° 12, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 7 septies, article 7 octies AA,
article 7 octies AB, article 7 octies A

Mme la présidente. Les articles 7 septies, 7 octies AA, 7 octies AB, et 7 octies A ne font l’objet d’aucun amendement.

(Les articles 7 septies, 7 octies AA, 7 octies AB, 7 octies A, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 7 octies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements nos 13 et 38 , tendant à supprimer l’article 7 octies.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 13.

M. Jean-Pierre Brard. Il s’agit d’un amendement de principe, dans le sens où il s’oppose de nouveau à un article d’habilitation à légiférer par ordonnance dans un domaine qui, à notre avis, devrait être de la pleine et entière compétence du Parlement. Nous sommes invités à adopter l’article 7 octies tendant à favoriser une transposition accélérée d’une directive européenne relative à l’organisation des marchés financiers. Il nous est même précisé : « Le Gouvernement est autorisé, dans les mêmes conditions, à prendre les mesures relevant du domaine de la loi, à l’exclusion de toute disposition fiscale, destinées à moderniser le cadre juridique français en matière de gestion d’actifs et à améliorer sa lisibilité, en vue de renforcer la protection des investisseurs et des épargnants ainsi que la compétitivité des produits et des acteurs. Il tient régulièrement informées les commissions des finances des deux assemblées des évolutions du cadre juridique susmentionné ».

Une telle formulation nous permet, d’une part, de douter de cette subtile dialectique tendant à rassurer les épargnants, tout en assurant la compétitivité des entreprises du secteur, et, d’autre part, de pointer qu’une fois encore, même si le Parlement est informé des évolutions du cadre juridique de la gestion d’actifs, il ne le sera que par le biais de ses commissions permanentes. Quant à la procédure de ratification, relativement ordinaire en pareil cas, on peut s’attendre à ce qu’elle s’achève par un amendement adopté à toute allure dans le premier texte financier qui passera par là…

Notons tout de même, mes chers collègues, qu’un point clé nous dérange particulièrement dans la procédure. Le droit d’amendement est, en effet, dévolu à chaque parlementaire par la Constitution. Même si, comme nous l’avons dit, il connaît certaines limites, il tire du suffrage universel une légitimité certaine.

Tel n’est pas le cas de ceux qui seront consultés pour déterminer, à partir du canevas de la directive « épargne », quels éléments entreront dans le droit boursier de notre pays. L’évolution du cadre législatif signifie que c’est au travers d’un dialogue entre le ministère et les professionnels de la profession que l’on va graduer le niveau de la transposition.

Comment la protection des intérêts des épargnants pourrait-elle être suffisamment assurée par le regroupement des professionnels de marché ? C’est bel et bien parce que nous refusons ce processus de captation du droit de dire le droit au profit de quelques-uns que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.

D’habitude, nous savons bien, madame Lagarde, comment cela se passe. Il y a les deux fameuses associations à Bercy, qui se promènent dans les couloirs et qui ont les contacts convenus. Mes chers collègues, si vous n’adoptez pas cet amendement, il ne s’agira plus de contacts discrets, mais vous consentirez à des rapports officiels au détriment de la légitimité des députés.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 38.

M. Christian Eckert. J’ai évoqué, lors de la défense de la motion de rejet, l’article 7 octies, qui est particulièrement choquant. Non pas dans sa première partie – je nuancerai en cela les propos de M. Brard – car la transcription de la directive européenne de 2009 par voie d’ordonnance ne me choque pas outre mesure.

En revanche, la rédaction du deuxième alinéa est choquante et il convient de le supprimer. Avons-nous tous la même conception de la modernisation du marché financier ? Je ne le crois pas. Autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur des sujets aussi sensibles et aussi lourds de conséquences me paraît extrêmement dangereux. M. Brard l’a évoqué avec ses mots – forcément meilleurs que les miens.

M. Jean-Pierre Brard. Ne soyez pas trop modeste !

M. Christian Eckert. Nous nous dessaisissons de notre pouvoir de législateur sur des sujets essentiels. Il faut songer que la majorité d’aujourd’hui peut devenir l’opposition de demain et je pense que vous auriez, alors, la même lecture que nous avons aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements. Nous avons assez peu de temps, jusqu’au 30 juin 2011, pour transposer la directive.

De surcroît, à la demande du président de la commission des finances M. Cahuzac, la transposition sera strictement encadrée, puisque toute disposition en matière fiscale ne pourra pas faire l’objet de la présente loi d’habilitation. Nous aurons donc a posteriori un contrôle efficace, comme c’est toujours le cas de la commission des finances sur la transposition.

Lors de la première lecture, le Gouvernement avait en outre indiqué – sans doute Mme la ministre le reprécisera-t-elle – que les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat seraient régulièrement informées de l’évolution de la transposition de cette directive.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je réitère mon engagement.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je désire faire une observation, même si elle n’est peut-être pas totalement justifiée en ce qui concerne la directive OPCVM.

Un problème grave existe sur le suivi de l’élaboration des textes au niveau européen. Nous aurons de plus en plus de directives européennes en matière de régulation bancaire et financière et de textes couvrant ce domaine. Des textes comme la directive MIF, la directive sur les fonds alternatifs et la directive épargne, qui est en train d’être refondue, ont une importance et des conséquences considérables. Or je constate que le système ne fonctionne pas bien.

En effet, la commission des affaires européennes est saisie, en application de l’article 88-4 de la Constitution, mais, la plupart du temps, voire dans 99 % des cas, le débat s’arrête à cette commission. Il n’est jamais renvoyé devant les autres commissions et le point n’est pas examiné en séance publique. Et lors de l’adoption définitive de ces règlements ou directives, il est directement procédé par ordonnance ! On constate un dessaisissement extrêmement grave du Parlement. Cela ne sert pas l’Europe – car on s’aperçoit ensuite que les dispositions ont été adoptées sans que le Parlement en ait jamais discutées – ni bien sûr notre institution.

(Les amendements identiques nos 13 et 38 ne sont pas adoptés.)

(L’article 7 octies est adopté.)

Article 7 decies

(L’article 7 decies est adopté.)

Article 7 undecies

Mme la présidente. Sur l’article 7 undecies ,je suis saisie d’un amendement n° 4.

La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Le dépôt de cet amendement vise à reprendre, madame la ministre, le débat que nous avons eu en commission sur l’article 7 undecies, qui a été ajouté par le Sénat, après la première lecture à l’Assemblée nationale. Cet amendement vise à compléter le dispositif de cet article.

Il est important que l’ensemble des professionnels chargés de la commercialisation des produits financiers soient « régulés », d’une certaine façon, mieux contrôlés, encadrés. Il faut donc que la profession de conseiller en gestion du patrimoine puisse être dotée, le plus tôt possible, d’un cadre juridique, d’un statut, parfaitement clair à l’égard de l’Autorité de contrôle prudentiel ou de l’Autorité des marchés financiers.

Il est nécessaire aussi que les épargnants soient mieux informés des conditions d’accès à cette profession.

Pour toutes ces raisons, j’ai souhaité redéposer un amendement, dans le cadre de l’article 88, pour vous permettre d’apporter une réponse, si vous le souhaitez, madame la ministre.

M. Richard Mallié. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. M. Louis Giscard d’Estaing a parfaitement résumé le contexte dans lequel l’amendement est présenté. Il a reçu un avis défavorable de la commission des finances, pour des raisons techniques.

Mais je laisse à Mme la ministre le soin de s’exprimer, ce qui permettra ainsi de prolonger notre débat en commission des finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Giscard d’Estaing, je voudrais vous remercier d’avoir déposé cet amendement.

M. Richard Mallié. Il n’y a pas que lui !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je remercie tous les signataires – vous avez parfaitement raison.

L’amendement vise à encadrer l’utilisation du vocable, du titre que s’arrogent parfois ceux qui se disent « conseils en gestion de patrimoine ». Je partage votre analyse, car dans un souci de protection des consommateurs en produits financiers, nous avons intérêt à leur permettre de se renseigner sur le type d’intermédiaires et la nature des produits commercialisés – c’était l’objet du dispositif de l’article 7 undecies.

Je partage votre analyse. Je souhaite d’abord la protection du consommateur et ensuite permettre la concurrence dans un cadre réglementé. Pour autant, je considère que nous avons, de part et d’autre, et ensemble également, accompli un travail de concertation, de consultation auprès de la Place. Nous avons encore du travail à faire sur la question de la réglementation et de l’utilisation de ce titre « conseil en gestion de patrimoine ».

Je propose, dans le cadre d’une réflexion que nous partageons, que vous déposiez une proposition de loi. Je vous apporterai tout mon soutien. Il faudrait, dans le même temps, poursuivre la consultation de la Place, pour être sûr de couvrir tout le monde, afin d’être sûrs de faire une réforme de fond sur un titre que les intermédiaires ne doivent pas utiliser de manière abusive.

Au bénéfice de ces explications, je vous propose de retirer votre amendement, en sachant que nous devrons poursuivre le débat et la proposition de texte, afin de parvenir à une législation applicable.

M. Richard Mallié. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Christian Eckert. Courage !

M. Louis Giscard d’Estaing. Merci, madame la ministre, de soutenir ma démarche et celle de l’ensemble des cosignataires de l’amendement. Nous souhaitons en effet aboutir rapidement à des conclusions concrètes pour les professionnels concernés et, plus largement, apporter des réponses aux épargnants, ainsi qu’à ceux qui s’interrogent sur les critères d’accès et de régulation interne à la profession, sur la manière dont les produits financiers peuvent être proposés par des professionnels sans garanties absolues quant à l’intégrité de leur démarche.

Je souscris à votre suggestion, madame la ministre, à savoir que l’initiative parlementaire reprenne ses droits par le biais d’une proposition de loi. Il se trouve que j’ai, en juillet dernier, déposé une proposition de loi en ce sens sur le bureau de l’Assemblée nationale. J’ai pris acte que le Gouvernement souhaitait qu’une telle proposition prospère et puisse éventuellement être améliorée par la commission des finances. Cela me paraît tout à fait souhaitable et répondra à la demande de la profession ainsi qu’à votre souhait que cette profession voie son statut clarifié dans le cadre de nos règles de droit. Compte tenu de vos engagements dont la représentation nationale a pris note, je retire cet amendement.

(L’amendement n° 4 est retiré.)

M. Christian Eckert. Quel courage !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 24.La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je ne ferai aucun commentaire sur la manœuvre à laquelle nous venons d’assister….

M. Richard Mallié. Ce n’est pas une manœuvre ! C’est le débat !

M. Christian Eckert. …qui est l’illustration de la méthode d’élaboration de ce texte que nous avons tous dénoncée en début de séance.

M. Olivier Dassault. Honteux !

M. Christian Eckert. Je ne doute pas que vous voterez notre amendement n° 24 ! La politique fiscale des sociétés est un facteur de risque lorsqu’elle est trop créative… Des manœuvres fiscales ont souvent accompagné des pratiques de dissimulation de la réalité comptable des entreprises. Le président de l’AMF a notamment souligné le fait que les centres offshore permettent de sortir du bilan certaines opérations, de diviser les risques financiers ou d’organiser une certaine évasion fiscale, avec une contribution possible au développement des risques systémiques sur les marchés.

Afin de combattre ces risques, nous vous proposons d’adopter notre amendement ; il est en effet évident désormais que le texte ne sera pas voté conforme, puisque nous avons adopté un amendement. Après le sixième alinéa de l’article L. 225-100 du code de commerce, nous prévoyons d’insérer un alinéa précisant que le rapport prévu par cet article devra obligatoirement comporter des indications sur les modalités selon lesquelles l’entreprise remplit ses obligations fiscales, notamment en matière de localisation fiscale de ses activités et de fixation des prix de transfert.

C’est un amendement de bon sens.

M. Jean-Jacques Urvoas. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Avis défavorable. Cet article précisant l’encadrement des intermédiaires financiers, le rapport demandé par M. Eckert n’a pas grand-chose à voir avec le texte.

M. Christian Eckert. Si !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Le rapport n’est pas destiné à l’Assemblée nationale, monsieur le rapporteur. Nous demandons que le rapport élaboré au titre de l’article L.225-100 du code de commerce comporte un certain nombre d’indications que je viens d’exposer. Je veux bien entendre tous les arguments, mais pas celui qui consiste à dire que notre amendement n’a rien à voir avec le débat ! Nous savons que vous voulez à toute force un vote conforme sur ce texte. C’est pourquoi vous rejetez tous les amendements, même de bon sens, même émanant de votre majorité. Or, dans la mesure où un amendement a été adopté, il n’y aura pas de vote conforme.

L’amendement n° 24 vise à apporter plus de transparence fiscale, notamment en matière de localisation fiscale des activités de l’entreprise et de fixation des prix de transfert. Dans ces conditions, votre argument ne tient pas, monsieur le rapporteur.

(L’amendement n° 24 n’est pas adopté.)

M. Christian Eckert. Dommage !

(L’article 7 undecies est adopté.)

Articles 7 duodecies à 7 novodecies

Mme la présidente. Les articles 7 duodecies à 7 novodecies ne faisant l’objet d’aucun amendement, je les mets successivement aux voix.

(L’article 7 duodecies est adopté.)

(L’article 7 terdecies est adopté.)

(L’article 7 quaterdecies est adopté.)

(L’article 7 quindecies est adopté.)

(L’article 7 sexdecies est adopté.)

(L’article 7 septdecies est adopté.)

(L’article 7 octodecies est adopté.)

(L’article 7 novodecies est adopté.)

Article 7 vicies

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 36.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous abordons une série d’amendements ayant trait aux frais bancaires qui sont loin d’être une question anodine. Il serait tout de même anormal que les activités de dépôt dont les banques ont largement bénéficié soient destinées à couvrir les pertes enregistrées dans le domaine des activités d’investissement. Ce serait le monde à l’envers !

Un certain nombre de rapports établissant des comparaisons internationales, et des études d’UFC-Que choisir notamment, ont souligné l’importance des frais bancaires dans notre pays. S’agissant d’un texte sur la régulation bancaire et financière, nous attendions la prise en compte de cette situation, que vous avez au demeurant reconnue en répondant à des questions d’actualité émanant de tous les groupes. Nous attendions un texte de rupture, un texte novateur, courageux, plein d’ambition : rien, ou pas grand-chose, hormis le comité consultatif.

Nous proposons par l’amendement 36 que les établissements de crédit appliquent une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires, dont la liste serait définie par décret, après avis du conseil consultatif du secteur financier.

Ce décret devrait définir, pour une liste limitée de ces principaux frais et services bancaires, leurs modalités de présentation, notamment en termes de périodicité dans les conventions de compte, la concurrence ne s’exerçant pas.

La seule obligation que vous imposez aux organismes bancaires, c’est celle d’écrire à leurs clients pour leur dire comment ils seront ponctionnés. Vous n’avez aucune analyse approfondie et vous ne leur demandez rien de précis : c’est peut-être caricatural, mais c’est ainsi.

C’est pourquoi notre amendement vise à mettre en place une harmonisation de la dénomination des frais bancaires afin de pouvoir faire jouer la concurrence. Qu’il s’agisse de la tenue de compte ou des « packages » qui incluent des services payants dont le consommateur n’a aucun besoin, tout doit être parfaitement défini et encadré après avis du conseil consultatif du secteur financier.

(L’amendement n° 36, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Christian Eckert. Le sujet mériterait tout de même une réponse !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 34.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je suis pour le moins surpris par le silence de la commission et du Gouvernement sur un tel sujet. Nous pourrions au moins pu avoir un début de discussion sur la manière de procéder afin d’aboutir à une définition plus claire des frais bancaires, ainsi que sur la façon de les encadrer et de faire jouer la concurrence.

L’amendement n° 34 est un amendement de repli par rapport au précédent. Il impose aux établissements bancaires d’informer leurs clients des frais prélevés sur leur compte au minimum quinze jours avant leur prélèvement.

J’ose espérer une réponse moins laconique de la part du Gouvernement et de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable également.

Je vous rappelle, monsieur le député, que nous avons engagé beaucoup de travaux sur le sujet des frais bancaires. L’ensemble des associations de consommateurs, à l’exclusion d’une seule que vous connaissez bien – UFC-Que choisir –, a été extrêmement favorable à l’ensemble des mesures qui ont été prises sous forme d’engagements de la place de Paris et des banques. Ce travail est une nouvelle pierre à un édifice qui a été élaboré il y a quelque temps déjà, avec l’amendement Chatel notamment.

Ces engagements sont pris à l’égard de la France métropolitaine et des départements et territoires d’outre-mer pour lesquels un rapport spécifique est prévu. Non seulement nous demandons au comité consultatif des services financiers de veiller au respect des engagements, mais un dispositif prévoit également que l’Autorité de contrôle prudentiel aura pour mission de vérifier le respect par les banques de leurs engagements en matière de frais bancaires. Je rappelle que de nombreuses innovations et de nombreux progrès pour les consommateurs de produits bancaires ont été enregistrés.

M. Dino Cinieri. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je vous invite à venir vivre sous les tropiques car s’agissant des engagements des banques en matière de bonne pratique et d’harmonisation des prestations et des tarifs, c’est « paroles en l’air » comme on dit chez moi !

Lorsque les banques françaises ont des filiales et des succursales en outre-mer, celles-ci sont considérées comme des filiales ou succursales en pays étranger et pratiquent des taux tenant compte de cette extranéité, ce qui est pour le moins bizarre.

Entre janvier et mars 2009, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique ont connu un fort mouvement social, qui menait notamment le combat contre les tarifs bancaires exorbitants. Mon collègue Patrick Lebreton a apporté un document intéressant démontrant que les tarifs et les prestations bancaires sont cinq à six fois plus chers outre-mer qu’en métropole. Pour une demande de crédit – au-delà de 100 000 euros –, il faut venir à Paris où les décisions sont, en général, défavorables. On ne finance que la consommation et les fonctionnaires ; il n’y a aucune prise de risque. Et l’on nous répond qu’il y a un risque de place ; c’est inacceptable.

Les engagements pris visant à corriger ces travers ne sont jusqu’ici pas tenus. Je m’étonne que le Gouvernement ne s’intéresse pas au non-financement de l’économie au prétexte qu’il n’y aurait pas suffisamment de crédits : 1,9 milliard d’euros pour la Mission outre-mer ; 3,2 milliards d’euros environ en dépenses fiscales. Vous rabotez sur les crédits d’intervention et les dépenses fiscales et sociales, mais vous n’assurez pas le financement bancaire.

Aujourd’hui, OSEO a disparu et l’AFD ne fait pas son travail : elle n’intervient pas pour soutenir les entreprises. J’en sais quelque chose comme président de région : le PIB de la Guadeloupe a chuté de 4,8 % l’année passée. Il s’agit, si j’ose dire, du massacre d’une économie, d’un délit de non-assistance à économie en danger. Je le dis comme je le pense, et je le dis avec modération.

(L’amendement n° 34 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 33.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, je suis toujours un peu surpris quand je vous entends faire référence aux codes de bonne conduite. S’ils n’ont pas suffi à vous échauder en matière bancaire, je ne sais pas quel exemple il faut vous donner ! Notre collègue Victorin Lurel vient de décrire certaines pratiques, dont les responsables sont les mêmes que ceux qui signent avec vous ces codes.

Pour ma part, aux codes de bonne conduite, je préfère la réglementation et la loi. L’amendement n° 33 s’inscrit dans la continuité des précédents. Nous l’avons dit tout à l’heure, nous voudrions renforcer les attributions de l’ACP pour y inclure le suivi et l’analyse de l’évolution des frais bancaires. En outre, puisqu’elle est bien placée pour connaître ces derniers, l’ACP établirait chaque année un rapport qui serait remis au Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Sur cet amendement comme sur les autres, qu’elle a examinés, la commission a émis un avis défavorable. M. Eckert le sait, puisqu’il était présent.

En ce qui concerne les codes de bonne conduite, je rappelle à M. Eckert que l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, en juin dernier, a permis d’élaborer un rassemblement de tous les codes afin que l’ACP puisse les superviser. Ce principe a été du reste confirmé par le Sénat lorsqu’il a examiné le texte, il y a quelques jours.

Il y aura donc bien un code de bonne conduite qui s’appliquera sous l’autorité de l’ACP. Voilà qui me paraît de nature à rassurer M. Eckert – si besoin était, car je ne doute pas qu’il soit déjà rassuré et ne défende que des positions de principe – et à permettre à l’ACP de faire un excellent travail lorsque cette nouvelle autorité aura atteint son régime de croisière.

(L’amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 35.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Selon M. le rapporteur, je devrais être rassuré. Mais, madame la ministre, est-il prévu de sanctionner le non-respect des codes de bonne conduite ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Oui !

M. Christian Eckert. Voilà qui peut-être nous rassurerait quelque peu.

Toutefois, j’imagine mal que l’ACP aille jusqu’à retirer son agrément à un organisme financier – sur quel fondement juridique le ferait-elle, du reste ? Je peux naturellement me tromper ; mais l’ACP est-elle juridiquement fondée à prononcer des sanctions contre un organisme bancaire qui ne respecterait pas ce fameux code de bonne conduite, ou cette compilation de codes validée par elle ?

Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 35 vise, toujours dans le même esprit, à intégrer au calcul du TEG les commissions d’intervention, conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 février 2008 et qui ne vous aura pas échappé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Avis défavorable.

L’ACP dispose bien d’un pouvoir de sanction ; on l’a vu lors de l’examen en première lecture.

M. Christian Eckert. Sur ce point ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Sur ce point comme sur les autres.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Monsieur le député, je recherche la référence précise qui permet de répondre à votre question ; je vous la communiquerai dans quelques instants.

(L’amendement n° 35 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°39.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Toujours dans le même esprit, l’amendement propose que soit communiqué une fois par an au Conseil de la concurrence, pour son information, un document indiquant le montant total des sommes perçues pour chaque catégorie de produits ou de services.

(L’amendement n° 39, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7 vicies est adopté.)

Articles 7 unvicies à 11

(Les articles 7 unvicies, 8 A, 8, 8 bis, 9, 10 bis et 11 sont successivement adoptés.)

Article 12 bis

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 12 bis.

Article 12 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 15.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Avec cet article, nous sommes de nouveau confrontés à une demande d’habilitation à transposer par ordonnance une directive. Le rapport au fond nous indique du reste que le retard pris par la France en la matière nous expose au risque d’une procédure engagée par la Commission et d’une sanction. Le texte de cet article a été ajouté au projet de loi pour parer ce risque et fixer un délai à la transposition de la directive et au dépôt du projet de loi de ratification.

Le problème est que la teneur de la directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires aurait amplement mérité un débat, d’autant que le texte européen semble clairement recommander l’usage du vote par correspondance aux assemblées générales ; or ce mode de votation ne constitue pas, à notre sens, une qualité réelle de la démocratie actionnariale. Et je n’évoquerai pas le rôle en assemblée générale des mandataires, auxquels sont souvent délégués la plupart des votes effectivement exprimés.

Dans ce contexte, il est regrettable que le texte de la directive n’ait jamais été intégré dans le moindre texte financier et que le Gouvernement cherche à contraindre le Parlement à recourir à la procédure d’habilitation.

En définitive, madame la ministre, c’est la transparence qui sera altérée par cette possibilité de voter par correspondance. Il s’agit d’une sorte de dérive à l’américaine : vous qui connaissez bien les États-Unis savez comment les choses se passent dans ce pays qui a encore du chemin à faire sur la voie de la civilisation. Ainsi, dans le Delaware, on peut tenir des assemblées générales par téléphone, ce qui a le grand avantage de supprimer la transparence et d’autoriser toutes les manipulations.

Votre texte va dans ce sens, et le fait que cette disposition passe à l’esbroufe au détour d’un projet plus général n’est pas une bonne chose pour la démocratie. Cette disposition n’aurait pas dû être adoptée, et aurait au moins dû faire l’objet d’une véritable discussion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Pour une fois, M. Brard a parfaitement raison : il y a urgence.

En effet, cette directive devait être transposée avant le 3 août 2009 : reconnaissons que le Gouvernement et la majorité ont tardé. Il faut donc la transposer en urgence, et ce projet de loi de régulation bancaire et financière est tout à fait adapté à cette fin.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Chartier commence à avoir du métier dans cette maison : je lui parle d’un sujet, il me parle d’un autre.

Selon lui, j’aurais dit qu’il y avait urgence. Jamais je n’ai dit une chose pareille. En revanche, j’ai dit que cet article permettait toutes les combines, et à cela, il n’a point répondu. Or il faut répondre au fond, monsieur le rapporteur, plutôt que de botter en touche. Mais je considère que votre silence vaut aveu, et qu’il est une sorte d’hommage du vice à la vertu. (Sourires.)

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Qui est le vice ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous, bien sûr !

(L’amendement n° 15 n’est pas adopté.)

(L’article 12 quater est adopté.)

Articles 12 quinquies à 18 bis B

(Les articles 12 quinquies, 12 sexies, 13, 18 bis A et 18 bis B sont successivement adoptés.)

Article 18 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 30.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’article 18 bis porte sur les fonds d’épargne solidaire – intitulé séduisant pour ce qui n’est à proprement parler qu’un véhicule de placement financier parmi d’autres, destiné notamment aux différentes formes d’épargne d’entreprise qui existent dans notre droit.

La définition que le code du travail et le code de commerce donnent actuellement des fonds d’épargne solidaire n’est pas satisfaisante. La rédaction de l’article ne l’est guère davantage.

Se pose notamment la question de l’originalité profonde de ces fonds d’épargne solidaire, dans la mesure où les exigences de placement dans des entreprises répondant à ce dernier critère sont particulièrement peu élevées. Ainsi, 5 % de l’encours d’un fonds d’épargne placé auprès de telles entreprises suffit à attribuer à ce fonds le label « solidaire » ; peu importe que les 95 % restants aillent à la détention d’actions et de titres beaucoup plus ordinaires et, pour certains, permettant de faire des plus-values et de pratiquer la spéculation.

Nous ne croyons donc absolument pas à cette formule, qui, à notre sens, devrait être profondément repensée et rediscutée. Il faudrait prendre du temps pour donner un contenu à l’intention affirmée. En effet, il en va maintenant du « solidaire » comme de l’« équitable » : on pratique l’affichage pour essayer de gagner des sous, mais assurément pas pour respecter une éthique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. On voit que M. Brard a du métier : il propose de supprimer cet article qui porte sur les fonds d’épargne solidaire, mais, selon l’exposé sommaire, les auteurs de l’amendement s’opposent à la réorganisation d’OSEO ! En d’autres termes, il parle d’un sujet dans son intervention et d’un autre dans son exposé sommaire…

Plus sérieusement, cet article était nécessaire ; il a fait l’objet d’un long débat dans cet hémicycle en première lecture, puis, dans sa version sénatoriale, en commission des finances lors de la seconde lecture. À cette dernière occasion, la ministre des finances a bien voulu nous faire part de plusieurs engagements dont je serais heureux qu’elle les réitère ici.

La commission a émis un avis défavorable à l’amendement n° 30.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Avis défavorable à l’amendement de M. Brard, qui a le talent du rebondissement…

M. Jean-Pierre Brard. Moins que vous !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. … pour s’opposer à la réorganisation d’OSEO, qui a fait la preuve de son efficacité.

En ce qui concerne cet article important sur les fonds d’épargne solidaire, je répète bien volontiers que je propose, en lien étroit avec le haut comité de place, de débattre du passage de 5 à 8 % du montant des fonds qui doivent être investis dans le secteur solidaire, et d’obtenir gain de cause. J’espère que nous pourrons y travailler de concert avec M. le rapporteur.

(L’amendement n° 30 n’est pas adopté.)

(L’article 18 bis est adopté.)

Article 18 ter B

(L’article 18 ter B est adopté.)

Article 18 ter

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Nous avons déjà débattu en commission de cet amendement, qui demande un rapport détaillant la possibilité de répercuter sur les banques européennes le coût de la crise financière.

Je ne reviendrai pas sur les éléments fournis et sur les arguments avancés. Mais notre réflexion commune peut se nourrir en outre de ce que nous découvrons jour après jour à propos du procès de la Société générale et de l’affaire Kerviel.

Après une condamnation particulière, qui chargeait lourdement le trader, on vient ainsi d’apprendre que la Société générale avait profité de la situation pour soustraire une somme importante au fisc français.

En fait de moralisation du capitalisme (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR), et puisque nous voulons réguler les banques, il y a lieu de réfléchir – et, je l’espère, de voter cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

J’ajoute que, si l’État français a réalisé un gain grâce à son intervention, il serait très bien que cela soit démontré dans un rapport qui présenterait un bilan complet de la crise, notamment de l’intervention des banques et des États. Certes, il peut exister des arguments contre cet amendement, notamment la position américaine – qui, c’est vrai, s’est un peu dégonflée, mais le lobby bancaire américain est presque aussi puissant que le lobby bancaire français… Toutefois, il serait utile que nous disposions de cet éclairage, non seulement parce que les crises se répéteront et que nous devons tirer les enseignements de ce qui s’est passé il y a deux ans, mais aussi parce qu’il serait très important pour nous de disposer de certaines informations qui, aujourd’hui, manquent, notamment à la commission des finances de l’Assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Le libellé même de l’amendement de M. Perruchot pose problème, car il désigne optiquement les banques européennes comme les responsables de la crise financière. Or, chacun sait qu’il n’en est rien, en particulier s’agissant des banques françaises. Par ailleurs, le carry back de la Société générale est un dispositif ouvert à toutes les entreprises et dont nous aurons l’occasion de reparler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011.

Encore une fois, je ne voudrais pas que l’on puisse avoir le sentiment, si cet amendement était voté par l’Assemblée, que les banques françaises et européennes sont responsables de la crise financière. Cette crise est d’abord une crise du crédit et de la confiance, qui trouve son origine dans le système de réassurance, en particulier des produits titrisés. Nous, Français et Européens, devons donc bien désigner les responsables de la crise et, pourquoi pas, imaginer un dispositif de taxation mondiale du secteur financier, des transactions financières par exemple. Ce sont de bonnes idées qu’il convient de promouvoir et je suis convaincu que, lors du G 20, la réflexion avancera dans ce domaine. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur le député Perruchot, je voudrais vous convaincre de retirer cet amendement, dont je rappelle qu’il vise à obtenir du Gouvernement qu’il remette au Parlement un rapport sur le coût pour le contribuable français du plan de soutien aux banques.

Tout d’abord, je ferai observer que, sur les 20 milliards d’euros que l’on a prêtés aux banques au plus dur de la crise pour réamorcer les circuits de financement, déjà 82 % ont été remboursés et que cette opération a rapporté aux contribuables français 2,4 milliards d’euros. Pour le contribuable, il s’agit donc plutôt d’un gain net.

En revanche, je vous rejoins sur la nécessité d’imposer une taxe systémique aux établissements bancaires. Ce sera tout l’objet d’un débat qui aura lieu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, puisque cette taxe devra s’appliquer au 1er janvier 2012. Une telle disposition aurait, certes, pu figurer dans ce texte, mais nous appliquons désormais la règle selon laquelle tous les dispositifs à caractère fiscal doivent figurer dans le projet de loi de finances.

Par ailleurs, je vous indique que j’ai souhaité que l’assiette de cette taxe, qui diffère très légèrement de l’assiette allemande, soit composée des fonds propres. Nous privilégions ainsi la piste que nous souhaitons suivre et qui vise à encourager les banques à ne pas prendre de risques excessifs. Puisque, dans le mécanisme de Bâle III, ces derniers sont compensés par des volumes de capitaux propres – qu’il s’agisse ou non du core, d’ailleurs, pour reprendre la distinction de M. Eckert –, l’assiette sera large, donc un volume de taxation important, à chaque fois que la banque prendra des risques très importants. Je crois que cette méthode et cette approche sont les bonnes. S’ajouteront à cette taxe celle qui vise à compenser le coût de la supervision, ainsi que l’appel nécessaire pour répondre à l’obligation de garantie des dépôts, qui est portée, à compter du 1er janvier, à 100 000 euros par compte. L’ensemble du dispositif me paraît solide et met bien à la charge des banques le coût des services qu’elles doivent fournir et le coût de la garantie qu’elles obtiennent.

Sous le bénéfice de ces explications et compte tenu de l’engagement de faire apparaître de manière claire et détaillée, dans la présentation du PLF, l’assiette, le coût et les conséquences du dispositif, je vous propose de retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, vous avez dit notamment que l’État français n’avait rien perdu et qu’il avait même, au contraire, gagné de l’argent lors de la crise financière. Allez donc expliquer à nos concitoyens sur le terrain que les mauvaises actions des banques ont rapporté 2,4 milliards d’euros aux contribuables français : je ne donne pas cher de votre peau, en dépit de votre force de conviction…

Par ailleurs, cet amendement me paraît excellent. Il propose que soit remis au Parlement un rapport « détaillant la possibilité de répercuter sur les banques européennes le coût de la crise financière » : il ne culpabilise personne !

Enfin, madame la ministre, tout à l’heure, je vous ai interrogée sur la réfaction d’impôt sur les sociétés dont a bénéficié la Société générale suite à l’affaire Kerviel, et j’attends toujours votre réponse. Il me semble opportun que vous en disiez un mot à l’occasion de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Les explications de Mme la ministre sont claires.

Monsieur Eckert, je vous rappelle que l’engagement de l’État prenait la forme d’un prêt : dès lors que celui-ci est remboursé par anticipation, il est normal qu’il rapporte de l’argent à l’État français. Nous pourrons aisément venir sur vos terres l’expliquer à vos électeurs, si vous le souhaitez.

Quant à la taxe qui va être imposée aux banques, madame la ministre, elle ne serait efficiente que si elle était appliquée à une échelle plus large que celle de notre pays. La France n’est pas une île, le système bancaire est poreux et la finance mondialisée. Il importera donc que l’on favorise une harmonisation, peut-être dans le cadre du G 20. Cela étant dit, compte tenu des explications qui m’ont été données, ce soir et il y a quelques jours en commission, je retire l’amendement n° 3.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Merci !

(L’amendement n° 3 est retiré.)

(L'article 18 ter est adopté.)

Article 18 quater

(L’article 18 quater est adopté.)

Article 19

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 25, tendant à supprimer l’article 19.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, pour vous être agréable, je défendrai également les amendements nos 26 et 27, qui tendent à supprimer respectivement les articles 20 et 21.

Mme la présidente. Volontiers, monsieur Eckert. Veuillez poursuivre.

M. Christian Eckert. Ces trois amendements ont en effet pour objet de susciter une interrogation collective sur les nouvelles formes de sociétés liées à l’habitat qui ont la faculté d’émettre une nouvelle catégorie d’obligations, dites « obligations à l’habitat ». Nous craignons fortement qu’il ne s’agisse là d’une nouvelle forme de titrisation. Or, nous savons combien il est difficile, y compris pour les professionnels de l’ACP, de voir clair dans les opérations de titrisation et nous savons les risques qu’elles comportent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements. En première lecture, nous avions évoqué la création de ces sociétés de financement de l’habitat et de ces obligations à l’habitat, qui constituent un véhicule tout à fait adapté pour permettre le refinancement des prêts à l’habitat. Ce véhicule n’a rien à voir avec les opérations de titrisation, telles que les subprimes, car il offre une double sécurité. Au reste, le Sénat a tellement apprécié le dispositif qu’il a suggéré d’élargir ce système d’obligations au financement des PME. Cette piste mérite d’être explorée, et j’ai le sentiment qu’elle le sera prochainement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis que la commission, madame la présidente. Toutefois, puisqu’il s’agit des derniers amendements de M. Eckert, je vais en profiter pour payer mes dettes, si j’ose dire. (Sourires.)

M. Christian Eckert et M. Jean-Pierre Brard. Ça va être long !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non, rassurez-vous. Monsieur Eckert, je vous avais promis de vous donner la référence des textes concernant la faculté de sanction de l’Autorité de contrôle prudentiel en cas de non-respect des engagements. Il s’agit de l’article L. 612-30 du code des marchés financiers, qui concerne la mise en demeure par l’Autorité ; quant au non-respect de cette mise en demeure, il est prévu à l’article L. 612-39 du même code.

M. Christian Eckert. Est-ce une sanction financière ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Oui, absolument.

Quant au traitement fiscal de la Société générale, qui a également été évoqué par M. Perruchot, il s’agit ni plus ni moins de l’application des règles fiscales, en particulier du principe du report en arrière des déficits, qui permet, dans des conditions qui n’ont rien d’une faveur et qui ne sont en rien exceptionnelles, d’imputer une partie de la perte sur les bénéfices des années antérieures. Si d’aventure, l’établissement en question bénéficiait d’une indemnisation, celle-ci constituerait un élément taxable et il devrait régler une imposition.

M. Jean-Pierre Brard. Cela a déjà été dénoncé !

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)

(L’article 19 est adopté.)

Article 19 bis

(L’article 19 bis est adopté.)

Article 20

Mme la présidente. L’amendement de suppression n° 26 a été défendu par M. Christian Eckert.

Je vais le mettre aux voix.

(L’amendement n° 26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L'article 20 est adopté.)

Article 21

Mme la présidente. L’amendement de suppression n° 27 de M. Christian Eckert a également été défendu.

(L’amendement n° 27, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 21 est adopté.)

Articles 21 bis à 22 ter

Mme la présidente. Les articles 21 bis à 22 ter ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 21 bis, 21 ter et 22 ter, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 23BA

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 41.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, certes, il existe un comité consultatif des services financiers qui a une mission d’observation des tarifs bancaires, mais tous les députés d’outre-mer sont inquiets. En effet, nous vivons une crise économique profonde. Celle-ci est probablement due à la crise nationale et internationale, et j’avoue que nous y avons ajouté une dimension locale. Mais ce n’est pas une raison pour que perdure, dans nos territoires, le non-financement de l’économie par les banques. Depuis toujours, nous rencontrons des difficultés pour obtenir des financements bancaires, ou alors nous les obtenons à des taux exorbitants de sociétés d’origine américaine. C’est en tout cas ce qui se passe en Guadeloupe ainsi, probablement, qu’en Guyane et en Martinique ; je ne sais pas ce qu’il en est à La Réunion.

Cette crise a provoqué un recul considérable de l’investissement. Or, on est en train de couper les crédits d’intervention de la mission « Outre-mer » – vous me direz qu’il s’agit de 60 millions, mais cela fait plus de 2,8 % – et l’on réduit les incitations à la défiscalisation. La LODEOM avait déjà beaucoup raboté ces dispositifs. Aujourd’hui, plus de 1 000 logements sociaux sont bloqués chez vous, madame la ministre. Dans ce domaine, nous serons bientôt logés à la même enseigne que nos amis de la Martinique, où sont construits 500 à 600 logements par an, contre 1 500 à 1 700 en Guadeloupe.

C’est un fait, nous ne parvenons pas à convaincre les banques de financer l’économie. Si nous n’avons plus de financements bancaires, ni de financements d’État par le biais du budget, et moins d’incitations fiscales et de dépenses sociales, comment allons-nous faire ? Cette tendance à considérer les territoires d’outre-mer comme des pays étrangers, que ce soit en matière de téléphonie ou de pratiques bancaires, est vraiment gênante ! La filiale d’une banque française située sur un territoire d’outre-mer est considérée comme une filiale en pays étranger, ce qui implique un surcoût. Nous demandons par conséquent qu’un rapport soit remis au Parlement afin de faire le point sur le financement bancaire et produire les études réalisées en cours d’année.

Nous avons obtenu quelque chose au Sénat, et nous en félicitons. Mais il faut désormais aller plus loin et montrer, en imposant l’établissement d’un comparatif, que le Gouvernement accorde une attention vigilante et bienveillante au financement bancaire de nos économies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Je ne pense pas, monsieur Lurel, qu’un rapport soit de nature à améliorer le financement des PME par les établissements bancaires. La commission est donc défavorable à votre amendement. En revanche, l’article 18 bis B du projet de loi prévoit que les trois quarts de la croissance des dépôts constatés sur les livrets A et les livrets de développement durable doivent être consacrés au financement des petites et moyennes entreprises. C’est là un engagement très fort dans le sens du financement des PME, ce qui répond à votre attente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’indique à M. Lurel que j’ai pris un engagement devant le Sénat, que je prends à nouveau devant votre assemblée : celui de transmettre au Parlement le rapport de l’IEDOM. En ce qui concerne le logement social, Marie-Luce Penchard a été une excellente avocate des nécessités financières en la matière. Le régime fiscal aujourd’hui applicable au logement social est maintenu : il échappe au principe du rabot qui sera discuté dans le cadre du projet de loi de finances. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, vous n’êtes pas la première à prendre des engagements solennels devant la représentation nationale afin de changer les pratiques bancaires. En tant que président de région, j’avais passé un accord avec OSEO pour le Fonds de garantie, pour le recrutement de cadres, pour la garantie en capital-risque. Or il a été décidé, pour des motifs de diplomatie internationale, de confier cela à l’AFD, comme si nous étions un pays étranger : aujourd’hui, je peux vous dire que l’AFD ne fait rien chez nous !

Vous dites que vous allez transmettre au Parlement le rapport de l’IEDOM, mais vous savez bien que l’IEDOM est aujourd’hui réduit à la portion congrue en matière de financement : cet institut n’a pour rôle que de publier des documents sous un prisme exclusivement bancaire, c’est-à-dire sans véritable analyse.

Faire la transparence sur les pratiques des banques doit favoriser la concurrence. Pour illustrer mon propos, je citerai mon cas personnel. J’ai construit ma maison en recourant à un système de défiscalisation qui m’a permis de payer peu d’impôts pendant cinq ans. J’étais à 13,90 % sur vingt ans, et après avoir remboursé une partie de mon prêt par anticipation, je suis encore à 8,90 % au Crédit Agricole – qui n’est pas la plus mauvaise des banques si on la compare notamment à la BNP ou à la BRED, qui proposent des taux exorbitants ! Si vous ne mettez pas en évidence les distorsions qui existent entre les sièges sociaux métropolitains et les filiales d’outre-mer, les tarifs ne baisseront jamais.

Il paraît que les conditions défavorables imposées aux territoires d’outre-mer sont dues au « risque de place ». Qu’est-ce que le « risque de place » en Guadeloupe : simplement le fait qu’il y ait plus de grèves, ou que le marché soit plus étroit ? Il y a là un vrai problème et il me semble qu’au-delà des engagements, le Gouvernement devrait prendre des mesures plus directives pour faire baisser les tarifs.

(L’amendement n° 41, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 5.

La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Victorin Lurel a évoqué les différences énormes de tarifs bancaires qui sont appliquées en métropole et dans les DOM. L’article 23 BA a vocation à faire toute la transparence sur le problème des frais de bancaires excessifs dans les départements d’outre-mer.

Nous convenons que la création de l’observatoire auprès de l’IEDOM constitue un pas en avant. Cependant, afin de donner réellement du sens à l’objectif poursuivi, nous proposons d’étendre la mission conférée à l’observatoire à la comparaison entre les frais bancaires pratiqués en France hexagonale et ceux pratiqués dans les départements d’outre-mer.

Si l’on se réfère au palmarès annuel des tarifs bancaires, BNP Paribas proposait un tarif de frais bancaires pour 2009 de 46,20 euros sur le territoire métropolitain, contre 249, 72 euros pour la Réunion ! Le ministre du budget a déclaré, il y a trois semaines, que tous les problèmes sont multipliés par trois dans les DOM par rapport à la métropole : pour les tarifs que j’ai cités, le rapport est de 5,4, et il n’est pas rare qu’il s’élève à 6.

L’amendement que nous présentons représente une véritable opportunité d’apporter une comparaison incontestable, de nature à permettre d’enclencher un véritable processus de réduction de ces frais au bénéfice de tous les ultramarins, mais aussi des opérateurs économiques qui investissent chez nous.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. Si vous me le permettez, madame la présidente, je donnerai l’avis de la commission sur cet amendement, mais aussi sur les deux suivants, qui ont tous trait à l’activité de l’observatoire des tarifs bancaires outre-mer.

La commission n’a pas retenu ces amendements. D’une part, les orateurs qui viennent d’intervenir ont salué la création de cet observatoire ; d’autre part, je ne pense pas qu’il faille passer par la loi pour préciser des éléments qui relèvent du bon sens, et que l’observatoire mettra évidemment en œuvre. Il ne me paraît pas opportun d’inscrire dans la loi les précisions que ces amendements tendent à apporter, car la logique voudrait alors qu’on détaille de même l’ensemble des attributions de l’observatoire. La commission a donc rejeté ces trois amendements, tout en soulignant l’intérêt de ces comparaisons, qui seront certainement établies.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il me semble, monsieur Lebreton, que votre amendement est satisfait par l’amendement proposé par le Gouvernement et adopté par le Sénat, qui confie au comité consultatif du secteur financier une nouvelle mission d’observation des tarifs bancaires pratiqués en métropole et en outre-mer. Le comité consultatif des services financiers pourra comparer utilement dans des territoires donnés, en fonction des risques consolidés dans chacune des régions concernées. Dans la mesure où votre amendement est largement satisfait, j’aimerais vous inviter à le retirer, mais comme je pense que vous ne me suivrez pas, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Quand vous dites que cet amendement est largement satisfait, je ne suis pas tout à fait d’accord, madame la ministre. Des comparaisons de tarifs sont déjà établies par des organismes privés, qu’il s’agisse d’associations ou d’organes de presse. Il est dit à l’article 23 BA que l’observatoire des tarifs bancaires « publie périodiquement des relevés portant sur l’évolution des tarifs et les différences constatées entre les établissements ». À cela, l’amendement n° 5 vise à ajouter qu’il s’agit des différences constatées entre les établissements des départements d’outre-mer et ceux de France métropolitaine. Cet amendement apporte donc une précision sur la nature et le contenu du rapport qui sera remis. Effectuer des études qui ne seraient pas fondées sur des comparatifs ne servirait à rien, et ne constituerait pas une incitation à la concurrence.

Je ne vois pas en quoi cet amendement dénature ce qui a été adopté au Sénat : nous ne faisons que préciser la nature du rapport. C’est peu de chose, mais chez nous, en outre-mer, cela changerait tout ! Croyez-moi, le simple fait d’indiquer les tarifs pratiqués par la BNP à Paris et ceux qu’elle pratique à Pointe-à-Pitre, à Saint-Denis ou à Fort-de-France ferait bouger les choses ! Curieusement, on a l’impression que vous cherchez à protéger des pratiques bancaires abusives, donc à perpétuer l’idée selon laquelle nous ne serions pas situés sur le territoire français. Je le dis calmement, sans vociférer : c’est un amendement de bon sens, qui ne change en rien la nature du rapport. Mais si on ne précise pas qu’il faut établir des comparatifs, il est certain que ces comparatifs ne figureront pas dans le rapport.

(L’amendement n° 5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 40.

M. Victorin Lurel. Défendu.

Mme la présidente. La commission est défavorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

(L’amendement n° 40, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 6.

M. Patrick Lebreton. Défendu.

(L’amendement n° 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 23 BA est adopté.)

Articles 23 à 24

Mme la présidente. Les articles 23 à 24 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(L’article 23 est adopté.)

(L’article 23 bis est adopté.)

(L’article 23 ter est adopté.)

(L’article 23 quater est adopté.)

(L’article 23 quinquies est adopté.)

(L’article 23 sexies est adopté.)

(L’article 23 septies est adopté.)

(L’article 24 est adopté.)

Seconde Délibération

Mme la présidente. En application de l’article 101 du Règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 7 bis A du projet de loi.

La seconde délibération est de droit.

Je rappelle que le rejet de l’amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

Article 7 bis A

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 1 du Gouvernement.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, cette seconde délibération vise à adopter un amendement du Gouvernement ayant pour objet de revenir au texte de la commission au sujet de l’interdiction de commercialisation des produits financiers d’établissements établis dans des pays non coopératifs.

Le Gouvernement partage en effet pleinement le souci de lutte contre les juridictions non coopératives, comme il l’a montré en initiant, lors du sommet d’avril 2009, l’action du G20 contre les juridictions non coopératives en matière fiscale, prudentielle et de blanchiment.

La France a, par ailleurs, renforcé son dispositif national en insérant un arsenal de sanctions dans la loi de finances rectificative pour 2009, en imposant une obligation de transparence à ses établissements de crédit, en obtenant de ces établissements un engagement à fermer leurs filiales et succursales dans les territoires non coopératifs, et en instituant un régime fiscal extrêmement dissuasif sur tous les revenus à destination ou en provenance de ces territoires.

Le dispositif issu de l’amendement n° 21, adopté tout à l’heure dans les conditions que l’on sait, étant d’application unilatérale, serait en revanche totalement dépourvu d’efficacité car très difficile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle je demande à l’Assemblée de bien vouloir adopter en seconde délibération l’amendement que je viens de présenter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’y suis favorable.

M. Christian Eckert. Quelle surprise !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, cette décision nous étonne. Nous avions adopté tout à l’heure un amendement ; il est tout à fait surprenant qu’en fin de séance, tout d’un coup, le Gouvernement revienne dessus. J’allais dire qu’il s’agit d’une insulte au Parlement, mais le terme est peut-être trop fort.

Cependant, dans l’exposé des motifs de votre amendement, vous écrivez que ce dispositif, « étant unilatéral, serait en revanche totalement dépourvu d’efficacité car impossible à mettre en œuvre. » Certes, en le présentant, vous avez employé l’adjectif « difficile » au lieu d’« impossible ». Ce dernier suggère néanmoins que les députés sont des imbéciles, puisqu’ils ont adopté une disposition qui ne peut pas fonctionner.

Il est extrêmement surprenant qu’à la fin de l’examen de ce texte vous demandiez à nouveau à l’Assemblée de se prononcer pour revenir à un texte dont tous avaient reconnu qu’il était insuffisamment coercitif.

J’entends bien que vous avez demandé que les filiales soient fermées. Mais j’ai envie de vous demander combien l’ont été effectivement dans les pays non coopératifs. Avez-vous des statistiques ?

Vous avez refusé tout à l’heure que l’on fasse un rapport sur cette question des paradis fiscaux. Or, grâce à cela, vous auriez pu nous prouver que les codes de bonne conduite et les diverses recommandations – les vôtres comme celles de l’Europe et du G20 – étaient efficaces.

Moi, je n’ai pas entendu dire que les grandes banques, y compris françaises, avaient fermé des filiales dans les pays qualifiés de non coopératifs. On sait de quoi il retourne : il suffit même parfois que les paradis fiscaux signent des conventions entre eux pour échapper à toute obligation.

Je suis donc choqué que vous fassiez aussi peu confiance à la représentation nationale. Vous avez, depuis le début, travaillé avec l’idée que ce texte devait absolument être voté conforme. Le seul amendement qui avait pu être adopté tout à l’heure par notre assemblée, vous le remettez en cause en fin de séance.

Pour ce qui est de la revalorisation des droits du Parlement, je trouve que c’est quand même un peu fort de café ! D’ailleurs, même pendant la réunion de la commission, on entendait nos collègues se plaindre qu’il se faisait tard, dire qu’il faudrait peut-être terminer, qu’ils en avaient assez, et se demander s’il fallait vraiment aller jusqu’au bout…

Le texte a été examiné dans des délais qui ont été dénoncés même par un certain nombre de membres de votre majorité. Je trouve fort de café que l’on n’ait pas pu arriver, dans des conditions sereines, à un texte très légèrement modifié. Bien sûr, je regrette que d’autres amendements n’aient pas été pris en compte. Mais, pour ce qui est de l’amendement en question, ce que vous faites est tout à fait anormal : vous ne faites pas confiance aux parlementaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Il est vrai que le vote de tout à l’heure a surpris tout le monde, aussi bien les défenseurs de l’amendement, dont j’étais, que nos collègues de l’UMP qui, à cet instant précis, étaient huit, tandis que nous étions sept. J’ai fait le décompte précis, tout comme, j’en suis sûr, mon collègue M. Eckert. Il est donc logique qu’il y ait cette seconde délibération.

M. Christian Eckert. Vous remettez en cause la présidence ! M. Garrigue a voté contre et les autres ont parfaitement pu s’abstenir !

Mme la présidente. Monsieur Perruchot, je ne peux pas vous laisser mettre en cause la présidence. Le décompte a été fait et le vote est acquis. Vous ne devez pas revenir dessus. Vous pouvez en revanche donner votre avis sur l’amendement du Gouvernement, et seulement sur lui. (Sourires.)

M. Nicolas Perruchot. Au risque de vous déplaire une fois de plus, je ne participerai pas au vote sur cet amendement,…

M. Christian Eckert. Quel courage !

M. Nicolas Perruchot. …mais je maintiens mes propos.

(L’amendement n° 1 est adopté.)

(L’article 7 bis A, amendé, est adopté.)

M. Christian Eckert. C’est scandaleux !

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit, mais je souhaite anticiper sur les propos que nous entendrons dès demain.

Nous n’allons voter pas contre ce texte parce que ses dispositions nous paraîtraient toutes scandaleuses. Certes, il y a quelques « mesurettes » positives – je l’avais dit en première lecture. Il y a, en revanche, des mesures que nous désapprouvons. Je pense notamment à l’autorisation de légiférer par ordonnances, non seulement sur la transposition des directives, ce qui, à titre personnel, ne me choque pas outre mesure, mais aussi sur un champ qui a été considérablement élargi dans l’article 7 octies.

Nous allons voter contre parce que nous estimons que ce texte ne va pas suffisamment loin. Vous allez nous dire et nous répéter dans les années à venir que telle ou telle mesure a été adoptée, mais que nous ne l’avons pas votée.

M. Louis Giscard d’Estaing. Eh oui !

M. Christian Eckert. Mais vous nous demandez ici de nous prononcer par un vote global. Or, monsieur Giscard d’Estaing, vous qui avez été là assez souvent dans le cours du débat, vous avez peut-être noté que, sur certains articles, nous n’avons pas voté contre.

Il n’y a donc pas que des erreurs dans ce texte, mais il est, globalement, très insuffisant par rapport à une crise financière dont tout le monde a souligné l’importance.

Nous trouvons que certaines de ces mesures sont très tardives : deux ans après la crise, cela nous paraît bien tard. Parfois, elles renvoient même à des décisions encore différées. Nous voterons contre pour cette raison, et il ne faudrait pas mal interpréter ce vote.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Les débats ayant été riches et intenses, je rappellerai simplement que le groupe Nouveau Centre soutient cette initiative. Malgré les perfectionnements qu’il aurait été possible – comme toujours – d’apporter, il nous semble nécessaire d’avancer dans cette législation.

Il est évidemment urgent d’arriver à prendre des mesures en matière de régulation bancaire et financière. À entendre notre collègue M. Eckert, il aurait fallu légiférer avant la crise ! (Rires sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Christian Eckert. Sur certains points, oui !

M. Nicolas Perruchot. Nous allons aussi vite que possible. Souvenez-vous : nous avons eu de nombreux débats sur la relance par l’investissement ou par la consommation. La majorité a fait ce qu’il fallait, comme je l’ai rappelé tout à l’heure dans la discussion générale. Nous apportons donc notre soutien à ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour le groupe UMP.

M. Louis Giscard d’Estaing. Il y a urgence à voter ce texte. Notre collègue Eckert a dit qu’il fallait mettre ces mesures en application le plus rapidement possible. Eh bien, nous allons le faire dans un instant en votant ce texte qui est le bienvenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Vous êtes en train, en votant ce texte, de tourner le dos à la dérégulation financière,… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Les banquiers tremblent !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …de mettre en place un mécanisme de sauvegarde financière qui sera propice aux petites et moyennes entreprises.

Vous protégez également les consommateurs, notamment ceux qui investissent dans les produits financiers et vous renforcez le gendarme des marchés financiers en dotant l’Autorité des marchés financiers de pouvoirs d’intervention, y compris dans des circonstances exceptionnelles, et de pouvoirs de sanction financière très lourds. C’est une belle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 12 octobre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;

Examen du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)