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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 19 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

Discussion générale (suite)

M. Étienne Pinte

M. Dominique Baert

M. Michel Piron

M. Yves Bur

M. Yves Censi

Mme Sandrine Mazetier

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

1. Première partie

Rappels au règlement

M. Christian Eckert

M. Jean-Claude Sandrier

Mme Valérie Pécresse, ministre

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Valérie Pécresse, ministre

Article 1er

M. François de Rugy

Article 3

M. Olivier Carré

M. François de Rugy

M. Christian Eckert

M. Pierre-Alain Muet

M. Charles de Courson

Mme Marylise Lebranchu

M. Daniel Garrigue

Amendements nos 42 rectifié, 408 (sous-amendement), 94 rectifié

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales

Amendements nos 248, 304 rectifié, 303, 250, 87, 251, 213, 43, 154

Article 2 (précédemment réservé)

M. François de Rugy

M. Christian Eckert

M. Pierre-Alain Muet

M. Hervé Mariton

M. Henri Emmanuelli

Amendements nos 283, 10, 284, 344, 88, 159, 354, 78, 3

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a continué d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le président, madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, mes chers collègues, une dette publique de 1 692 milliards d'euros représentant plus de 45,4 milliards d'euros de remboursement annuel, soit davantage que le produit de l'impôt sur le revenu, autant que les budgets de la défense et de l'emploi, un déficit budgétaire de plus de 95 milliards d'euros, un déficit du commerce extérieur qui devrait atteindre malheureusement 75 milliards d'euros fin 2011, enfin plus de 2 750 000 chômeurs en France métropolitaine, tel est le constat de l’état notre pays en ce mois d'octobre.

Devant de tels chiffres, aucun parlementaire de la majorité ou de l'opposition ne peut rester insensible. Ce serait irresponsable et inconscient de ne rien faire et de laisser notre situation économique et financière dériver au fil de l'eau. Il faut prendre les dispositions indispensables au redressement de nos comptes publics et prouver à nos concitoyens, à nos partenaires européens et aux marchés internationaux notre crédibilité.

Le Gouvernement nous propose 12 milliards pour faire face aux difficultés économiques et financières, que nous vivons depuis plusieurs années. J’adhère à l’objectif d'un déficit budgétaire de 5,7 % du produit intérieur brut pour cette année et de 4,5 % pour 2012 pour arriver à 3 % en 2013.

Ces mesures sont-elles suffisantes dans l'environnement européen et mondial qui se caractérise par une instabilité très préoccupante ? Personnellement, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin et envisager des recettes supplémentaires de 15 à 20 milliards d'euros pour faire face non seulement à nos déficits, mais aussi pour créer des marges de manœuvre en faveur de l'emploi.

J'ai la conviction que l'effort fiscal des plus hauts revenus doit aller plus loin que celui proposé initialement par le Gouvernement dans ce projet de loi, d'autant qu'un certain nombre de nos concitoyens très bien pourvus sont prêts à participer au redressement de nos déficits. Faut-il, au nom de la solidarité générale, relever tous les produits et prestations bénéficiant du taux de TVA réduit à 2,1 % ou 5,5 % ? Faut-il raboter de 10 % toutes les niches fiscales, comme le suggère notre rapporteur général du budget Gilles Carrez ? Le projet de loi de finances pour 2012 doit en tout cas nous permettre de prendre conscience des efforts supplémentaires à réaliser pour redresser nos comptes publics. Mais toutes les mesures ponctuelles qui nous sont proposées ne suffisent pas.

Je propose une augmentation d'au moins un point de la TVA engendrant 10 milliards d'euros de recettes. Cette mesure ne devrait pas empêcher une consommation soutenue indispensable, mais insuffisante, pour relancer la croissance. Cette suggestion a pour objectif de maintenir mais surtout de créer des emplois grâce à une baisse des prélèvements sociaux sur les entreprises. Elle devrait permettre une maîtrise des importations, en particulier en provenance de nos partenaires européens, à qui, actuellement, nous offrons des points de croissance. Je préfère la relance de la croissance et de la consommation par la création d'emplois. Ce sont d’ailleurs des décisions qui ont donné de très bons résultats chez nos amis danois.

En matière de diminution des dépenses, il faut aussi aller plus loin. Depuis plusieurs années, le Gouvernement a engagé des réformes courageuses pour diminuer les dépenses de l'État – réforme générale des politiques publiques, remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite –, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Il faut analyser les raisons de ces déceptions et affiner l'évaluation des besoins des services publics. Tous les secteurs ne doivent pas être traités de la même manière. Il y a des priorités à redéfinir. La situation économique et financière de la France est, en fait, à mes yeux, beaucoup plus grave que ce que nous voulons faire croire à nos concitoyens, et ils en sont convaincus. La preuve : le taux d'épargne de précaution n'a jamais été aussi élevé.

Les Français ont compris l'enjeu : essayer de nous sauver tout de suite, tous ensemble. À cet égard, nos concitoyens semblent ne pas être particulièrement offusqués, ni choqués par la réflexion de François Fillon sur la convergence, à terme, avec l'Allemagne en matière de retraites.

Le décalage entre notre peuple et nos dirigeants s'accroît, à mes yeux, de façon très inquiétante, accéléré par la médiatisation, en temps réel, des informations provenant des quatre coins du monde. Je rappelle que la campagne du Premier ministre Cameron, en Grande-Bretagne, annonçant « du sang et des larmes » à ses concitoyens ne l'a pas empêché de gagner les élections législatives. Les propositions budgétaires sur les parcs d'attraction, les jus de fruits sucrés, le tabac ou les nuits d'hôtels ne sont pas, à mes yeux, à la hauteur de notre situation. Nous sommes ridicules et nous ne donnons pas l'exemple à nos partenaires européens de s'engager plus fermement dans la voie de la vertu. Pourtant, les Français sont prêts aux efforts. Encore faut-il les considérer comme des adultes responsables.

Alors, soyons conscients, soyons courageux, en un mot, soyons responsables, « prenons le taureau par les cornes » et décidons des mesures à la hauteur d'une situation actuellement très inquiétante et qui peut s'aggraver dans les semaines et les mois à venir. Si nous n'allons pas dès maintenant plus loin dans les économies et les recettes, nous risquons de voir la note AAA de la France se dégrader. Personne ne le souhaite. Alors, prenons les mesures supplémentaires nécessaires et indispensables pour éviter le pire. Je compte sur vous, madame la ministre, dès maintenant, puisque le Premier ministre nous laisse entrevoir de nouveaux efforts. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Madame la ministre, vous venez nous présenter un projet de budget qui porte tous les renoncements et, pour tout dire, tous les échecs de ce quinquennat. Et l'autocongratulation du Gouvernement et de sa majorité face à la réduction apparente du déficit ne change rien à cette réalité, qui est cruelle. Quelques exemples suffisent.

Ce budget signe ainsi un échec s'agissant des prélèvements obligatoires. Nicolas Sarkozy avait promis de réduire de quatre points les prélèvements obligatoires ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 43,2 % au début du quinquennat ; 44,5 % dans ce projet de loi de finances pour 2012.

Échec aussi que ce budget pour les services rendus aux Français. Avec 150 000 postes de fonctionnaires supprimés depuis 2007, qui ne voit que les services publics se sont dégradés en France ? Et en 2012, avec 30 401 postes en moins, vous poursuivez votre besogne idéologique ! Encore 14 000 suppressions de postes à l'éducation. Partout, on nous dit que la rentrée 2011 a été pourtant très difficile : classes supprimées, écoles fermées, remplaçants introuvables, voilà ce que nous avons tous vécu en septembre dernier ! Et vous nous promettez pire encore en 2012 ! Et avec 3 600 postes en moins l'an prochain pour la mission « Intérieur » – le double qu'en 2 011 –, le Président bafoue ce qui fut pourtant le lit des discours de sa conquête du pouvoir, à savoir la sécurité.

Un symbole de tous ces abandons : la grande sacrifiée de ce projet de budget, c'est la mission « Travail et Emploi » : moins 12 % de crédits en 2012 ! Pour nos Maisons de l'emploi, dans nos villes, c'est l'hallali : 20 millions de crédits en moins, 33 % de dotations supprimées. En pleine crise économique et sociale ! C'est incroyable ! Serait-ce parce que ces Maisons de l'emploi ont été créées par M. Borloo, lors du quinquennat précédent ? Vous nous le direz peut-être. Mais le résultat, c'est que ce sont les chômeurs qui vont pâtir de cet abandon par votre Gouvernement.

Échec, erreur dramatique même, que votre stratégie financière à l'égard des collectivités locales. Avec le gel global et les coupes dans les dotations, vous propagez votre rigueur en serrant le cou des collectivités locales. Mais ce sont elles qui rendent les services de proximité à la population. Ce sont elles qui font les trois quarts des investissements publics dans ce pays. Comment ne voyez-vous pas que vous êtes en train de menacer dangereusement un moteur de la croissance économique ?

Franchement, avec les prélèvements que vous faites sur le pouvoir d'achat des ménages, les limitations des investissements publics que vous provoquez, avec votre déséquilibre abyssal de 74 milliards d’euros du commerce extérieur, en dégradant donc consommation, investissement et solde extérieur, avec quoi nous ferez-vous croire que l'on aura 1,75 %, voire 1,5 % de croissance ?

Échec programmé, donc une austérité renforcée.

Enfin, l’échec terriblement flagrant sur la dette. Il est le plus cruel, car c'est lui qui va hypothéquer durement les politiques et les générations futures. Avec 87,4 % du PIB, avec une dette détenue aux deux tiers par des non-résidents, la France a un très lourd boulet aux pieds, et est devenue très dépendante du bon vouloir des marchés financiers. Notre pays a été offert aux intérêts de l'épargne internationale. Et il paie des intérêts qui sont devenus, à près de 50 milliards d’euros annuels, le premier poste de dépenses du budget de l'État ! Chaque année, pourtant, dans mon rapport spécial, depuis 2007, j'avais dénoncé la dérive, et l'inéluctable « boule de neige » que, par aveuglement, la politique gouvernementale était en train de créer. Le Gouvernement a été sourd aux mises en garde. Ce snowball destructeur, c'est bien aux inconséquences sarkoziennes que nous le devons.

Le stock de dette – 1 810 milliards d’euros – représentera, en 2012, six ans et trois mois de recettes nettes de l'État, un an de plus qu'en 2007 ! Voilà ce que nous devrons, entre autres, à Nicolas Sarkozy : un an de plus de recettes de l'État pour rembourser la dette !

Voilà donc ce qu'est ce projet de loi de finances pour 2012, le constat d'une liste d'échecs. À lui seul, il vaut bilan, triste bilan économique et social, du sarkozysme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. La loi de finances qui nous est présentée l’est dans des conditions que nous n’avons pas encore connues et qui sont particulièrement rares, heureusement, à l’échelle de l’histoire. Jamais, depuis sans doute les années 1929 et 1930, nous n’aurons été dans un contexte aussi extraordinairement difficile.

La crise dans laquelle nous sommes n’est pas la crise d’un changement dans le monde mais la crise d’un changement de monde. C’est une crise internationale, mondiale. Et, parce qu’elle est mondiale, elle est européenne et, parce qu’elle est européenne, elle est aussi française.

Regardons-la d’abord. Cette crise est celle de la dette. Dans certains pays, le nôtre notamment, cette dette est partie d’une dette publique mais, dans beaucoup d’autres pays, elle n’était ni connue ni visible, ou volontairement méconnue, et elle provenait d’une dette privée au secours de laquelle l’État a dû venir, en Grande-Bretagne, en Espagne, aux États-Unis, en Irlande et ailleurs.

Cet aggloméré de dettes publiques et privées considérables s’impose aujourd’hui à nous. Il ne date pas d’hier ni de dix ans mais de beaucoup plus longtemps. Il est la résultante de non-choix dans bien des cas et nous en sommes, de ce point de vue, coresponsables par héritage.

Nous le savons et cela vient d’être rappelé, nous atteignons presque 1 700 milliards d’euros de dette, qui dépendent pour les deux tiers de créanciers étrangers. C’est dire à quel point nous sommes non seulement en situation périlleuse mais aussi sous surveillance. Nous le sommes beaucoup plus que le Japon, qui a une dette bien supérieure mais qui dépend d’abord de ses concitoyens, à plus de 90 %, et peut-être même plus que les Italiens dont la dette bien supérieure – 120 % du PIB – est majoritairement détenue par les ressortissants.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation telle que la priorité absolue est la défense d’un certain nombre de dépenses publiques. Je dis bien « un certain nombre », parce que toutes les dépenses n’ont pas la même utilité et ne méritent pas nécessairement le même coup de rabot. Certaines dépenses sont plus utiles que d’autres. C’est le tri de ces dépenses qui m’a fait dire très récemment que je préférais le ciseau au rabot. Mais la réduction est nécessaire. Le Gouvernement s’y attache et je souscris complètement à cette priorité de la réduction passée et à venir des dépenses publiques.

Néanmoins, réduire ces dépenses entraînera certainement des conséquences douloureuses pour nos concitoyens, notamment et d’abord pour tous ceux qui ont des revenus, de substitution ou réels, faibles. Permettez-moi d’illustrer cela d’un exemple.

Avant la crise, lorsque l’on incitait les gens à devenir propriétaires – ce que l’on essaie encore de faire mais à un degré moindre –, l’on constatait que 2 500 000 familles en France étaient à cinquante euros près par mois, éligibles ou non auprès des banques pour l’accession à la propriété.

C’est dire à quel point nos concitoyens, pour leur grande majorité, sont fragiles. Partant de là – et je ne fais que suivre la plupart des économistes –, la réduction de certaines de nos dépenses publiques suffira-t-elle à résoudre la situation ?

M. Dominique Baert. Non !

M. Michel Piron. Personne ne le pense. Nous devrons trouver et redéployer d’autres recettes.

M. Dominique Baert. Taxer les riches !

M. Michel Piron. C’est la raison pour laquelle j’ai considéré, avec un certain nombre de collègues, que l’effort considérable qui est devant nous devra être beaucoup mieux partagé.

C’est le sens d’un amendement que je défendrai et qui tend à instituer une tranche supplémentaire d’impôt sur les revenus, mais pas n’importe lesquels – c’est, là encore, le ciseau plutôt que le rabot. Il s’agit des revenus supérieurs à 150 000 euros imposables par tranche. Pour être concret, cette mesure, touchant un ménage de deux personnes sans enfant gagnant 400 000 euros brut, demanderait un effort supplémentaire de 2 500 euros par an.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est déjà pas mal !

M. Michel Piron. Cet effort qui participe de la nécessité du redressement collectif est-il insupportable ou justifiable ?

M. Dominique Baert. Il est justifiable !

M. Michel Piron. Permettez-moi de le penser, il est totalement justifiable !

M. Dominique Baert. Piron, à gauche ! (Sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Michel Piron. Aujourd’hui, le courage dont a fait et continue à faire preuve le Gouvernement en réduisant les recettes s’accompagnerait de beaucoup plus de sens s’il acceptait l’effort mieux partagé dans le domaine des recettes. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP, ainsi que sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Ce projet de budget pour 2012 porte la marque des contraintes de la crise. La France n'y échappe pas et cette situation suscite à la fois inquiétudes et espoirs. Cette crise, comme toute crise, recèle des dangers et des opportunités.

Le danger, c'est de continuer de penser que « la dépense d'État reste la quintessence de l'action publique ; dépenser c'est gouverner », comme l'écrivait Éric Le Boucher qui poursuivait en affirmant que « se persuader du contraire, de l'urgence de faire des économies, de repenser l'action ministérielle, du besoin de rendre un meilleur service public avec moins, tout cela n'est pas entré dans la tête des élus ».

À cet égard, les réticences à tailler dans la dépense publique plutôt que de recourir à la facilité de l'impôt et des taxes, tout comme le côté surréaliste du débat politique qui a fait l'actualité à gauche ces dernières semaines, montrent qu'il n'a pas tort et que nous n'avons pas pris la mesure des exigences que d'autres pays, plus fragiles, se sont vu imposer par les autorités monétaires et le marché.

De plus, l'État protecteur que nous adorons en France a choisi d'épargner notre système de solidarité, tout comme les collectivités territoriales, en assumant seul l'impact de la crise par l’endettement, là où d’autres pays ont choisi de partager les efforts avec l’ensemble des acteurs de l’action publique.

Le danger serait de considérer que la crise ne serait qu'une parenthèse, un mauvais moment à passer avant de poursuivre comme avant la même gestion des finances publiques, qui pourrait continuer à faire la part belle à l'endettement pour éviter les évolutions trop difficiles à affronter.

Ce danger-là peut devenir mortel pour la France, alors que nos voisins plus vertueux poursuivent leurs efforts et que nos voisins sous surveillance internationale auront engagé des réformes en profondeur de leurs États et de leurs économies pour retrouver une compétitivité jusque-là défaillante.

Si la France ne s'impose pas les mêmes efforts pour remuscler sa compétitivité, nous risquons de connaître, avec ces voisins plus courageux, le même décrochage que notre pays a vécu avec l'Allemagne durant la dernière décennie, qui a vu notre compétitivité reculer de dix points alors que les efforts engagés d'abord par les socialistes et poursuivis par les conservateurs allemands ont été gagnants-gagnants pour les finances publiques, pour les entreprises et pour les salariés et l'emploi en Allemagne.

Malgré les efforts courageux engagés depuis 2007 et amplifiés depuis la crise, nous n'avons pas encore compris la leçon, puisque nous continuons à charger les entreprises à travers différentes mesures du plan de rigueur annoncé par le Premier ministre fin août, inscrites dans ce budget comme dans celui de la sécurité sociale pour près de 6,5 milliards d'euros, ce qui n'améliorera en rien leur compétitivité et donc notre croissance et l'emploi qui en dépend.

Les opportunités de cette crise, qui n'est pas une crise de l'euro mais la crise d'une gouvernance européenne sans vision pour l'avenir, nous viennent de la prise de conscience que la fuite en avant de l'endettement n'est plus soutenable. La charge de la dette est devenue contreproductive et pèse désormais sur l'économie autant que sur le climat social, car elle constitue un prélèvement sur notre richesse qui ne profite pas aux Français.

À cet égard, les efforts engagés par notre majorité depuis plusieurs années étaient et restent nécessaires.

M. Henri Emmanuelli. On connaît leur succès !

M. Yves Bur. Ils constituent une exigence minimale et doivent être poursuivis et portés par l'ensemble des institutions. Il convient, en particulier, de moderniser un État social qui a accumulé un millefeuille social illisible et inefficace au vu des sommes engagées, et coûteux au vu des résultats obtenus.

Prenons exemple sur la Suède qui a diminué sa dette publique en modernisant ses dépenses sociales sans renier la nécessaire solidarité avec les plus fragiles. Nous avons les dépenses publiques les plus importantes en Europe, avec près de 57 % du PIB, alors que la Suède a baissé les siennes, depuis 1990, de 67 à 51 % du PIB, et bénéficie aujourd'hui d'une croissance de 5 % qui nous fait rêver !

M. Dominique Baert. Exactement !

M. Yves Bur. Pour conclure, je souhaite que vos prévisions de croissance pour 2012 et les années suivantes s'avèrent fondées.

En effet, une croissance du PIB à 1,75 % ne sera à notre portée que si l'Union européenne est capable de porter un choc de confiance en apportant enfin les réponses attendues pour nous sortir de la crise grecque. Si les atermoiements dus à une gouvernance européenne défaillante devaient se prolonger, alors les 0,8 % de croissance annoncés par le consensus des instituts économiques allemands pour leur pays en 2012 deviendront aussi réalité en France, ce qui nous obligerait à renforcer encore les efforts d’assainissement budgétaires courant 2012.

Madame la ministre, je vous assure de mon soutien. Nous nous battrons ensemble.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Nous entamons la discussion du dernier projet de loi de finances du quinquennat au moment même où une agence de notation vient de porter, pour la première fois, un coup de canif au triple A de notre pays.

Madame la ministre, alors que vous nous présentez un budget qui confirme l'engagement de la France dans sa volonté d'assainissement des finances publiques, cet avertissement témoigne de l'ampleur des défis que nous devrons affronter pour démontrer notre capacité à tenir nos engagements budgétaires, retrouver des marges de manœuvre et préserver notre économie.

Chacun le sait, une dégradation du triple A obligerait la France à emprunter à des taux beaucoup plus élevés sur les marchés financiers pour financer son déficit budgétaire. C'est alors toute une spirale de baisse d'investissements et de consommation qui s'enclencherait, ce qui produirait inévitablement plus de chômage donc moins de recettes fiscales et plus de dépenses publiques. Cela creuserait davantage les déficits publics et la dette souveraine à l'heure où celle-ci a déjà atteint un niveau insoutenable.

Au-delà des menaces qui pèseraient alors sur notre modèle social, c'est son rôle stratégique et son influence en Europe et par rapport à l'Allemagne que la France perdrait.

Il est donc crucial pour la France de conserver la confiance des investisseurs en démontrant sa capacité à s'attaquer résolument au problème de la dette. Il est essentiel d'aborder la discussion de ce projet de loi de finances dans un esprit de responsabilité déconnecté de toutes préoccupations électorales qui n'auraient pas leur place dans ce débat face à l'urgence de la situation.

Chacun le sait, la bataille de la dette commence par la réduction des dépenses publiques. Le poids des dépenses publiques de la France est une exception en Europe et dans les grandes économies. En 2010, il représentait 56,2 % du PIB, ratio le plus élevé de la zone euro, derrière celui de l'Irlande, et encore après avoir intégré le sauvetage du secteur bancaire par l'État.

Dans tous les autres pays, le poids des dépenses publiques oscille entre 45 % et 50 % maximum du PIB, qu'il s'agisse de l'Espagne, de l'Allemagne, du Royaume-Uni ou encore des États-Unis et du Japon.

Le poids de la dépense publique est d'autant plus accru qu'il intègre les intérêts de la dette, qui vont être pour la première fois cette année le premier poste budgétaire de la France.

S'attaquer à la part des dépenses publiques dans le PIB, tout en préservant la croissance économique, c'est la voie qu'ont choisi d'emprunter la plupart des États pour maintenir l'équilibre structurel de leurs finances publiques. Certains, comme la Suède ou le Canada, y sont parvenus avec succès : ils ont réussi l'assainissement de leurs finances en diminuant leurs dépenses publiques tout en stimulant la croissance, principalement grâce à la reprise de l'investissement privé. Des règles institutionnelles précises sont, par ailleurs, venues encadrer la politique budgétaire de ces pays.

Maintenir l'équilibre structurel des finances publiques, c'est tout l'objectif de notre politique budgétaire. C'est le sens du Pacte de stabilité et de croissance au niveau européen et de l'inscription de la règle d'or dans notre Constitution.

Le retour à l'équilibre de nos finances publiques ne se fera pas sans une refonte complète de l'État-providence. Tous les pays qui se sont engagés dans cette voie mènent la même réflexion sur les prestations sociales, les dépenses d'assurances maladie, les retraites, les dotations aux collectivités ou la masse salariale de la fonction publique.

Je voudrais rappeler, face à la campagne de stigmatisation du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, que la fonction publique française est l’une des plus importantes de l'OCDE, avec une part de 23 % de l'emploi total, et que cette distorsion avec la moyenne de l'OCDE représente l'équivalent de trois points de PIB.

Cette maîtrise des dépenses publiques, si elle est plus que jamais impérative, s'inscrit dans le prolongement de l'action que nous menons avec constance depuis le début du quinquennat.

Depuis 2007, l'État s'est appliqué à lui-même, dans son fonctionnement, les mesures d'économies demandées aux Français.

M. Christian Eckert. Vous rigolez ?

M. Yves Censi. La RGPP, qui a d'ores et déjà permis de rationaliser 7 milliards d'euros, continuera de générer des économies croissantes de fonctionnement. L'administration s'est considérablement déployée en termes de productivité et la gestion publique est devenue exemplaire à bien des égards. Les achats ont été rationalisés, des activités externalisées. Le parc immobilier a enfin été exploité et valorisé.

Remettre la performance au cœur de l'action publique permettra sans aucun doute d'absorber une réduction des effectifs devenue indispensable.

L'enjeu de ce projet est également de dégager des recettes supplémentaires sans recourir à une hausse des impôts dans un pays parmi les plus imposés au monde. De nouveaux impôts risqueraient en effet de freiner l'économie, d'entraîner notre pays dans la récession et finalement d'aggraver la situation de la dette.

M. Henri Emmanuelli. Notre triple A pourrait s’en trouver menacé…

M. Yves Censi. C'est la raison pour laquelle ce projet recourt à des mesures ciblées qui pèseront pour l'essentiel sur les grands groupes et les ménages les plus aisés, comme la création d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, et poursuit l'effort de réduction et de rationalisation des niches. À travers cet exercice il s'agit de s'attaquer aux niches jugées inefficaces et non de remettre en cause celles qui sont en faveur de la croissance, qui créent des emplois et qui encouragent le travail.

Je voudrais terminer en revenant sur la menace d'abaissement de la note qui pèse sur notre pays. Aujourd'hui, nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Cette fois, les choix que nous ferons, ou que nous ne ferons pas, auront une incidence immédiate sur l'avenir de notre pays. Dans les trois mois qui viennent, ils auront permis de préserver la crédibilité de la France ou l'auront entamée un peu plus. C'est à un tournant essentiel que nous nous trouvons. Chacun de nous devra en avoir conscience au moment de se prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier. En particulier de se prononcer sur l’amendement Piron…

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Il y avait hier deux spectacles simultanés. L’un, grotesque, ridicule, mais finalement assez drôle, au pavillon Gabriel, où une formation politique pourtant de premier plan s’est livrée à un simulacre de jeu télévisé absolument ahurissant.

M. Dominique Baert. En tout cas ce n’était pas Questions pour un champion

Mme Sandrine Mazetier. L’autre, bien plus cruel, atterrant, nous a été offert par les ministres en charge du budget de la nation, qui ont redit dans notre hémicycle, devant la représentation nationale, ce qui se disait au pavillon Gabriel.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier. Dans une forme de déni du réel tout à fait spectaculaire, cherchant à éviter d’assumer les responsabilités qui sont les vôtres, madame Pécresse, vous nous avez parlé de tout sauf du budget que vous nous présentez.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Vous ne deviez pas être là…

Mme Sandrine Mazetier. Vous nous avez ainsi expliqué que la taxe sur les sodas était une mesure de santé publique…

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est le cas !

Mme Sandrine Mazetier. …alors que vous vous apprêtez à taxer les mutuelles. Est-ce de la sorte que vous allez faciliter l’accès à la santé ?

Votre intervention, comme celle du ministre des finances, monsieur Baroin, présentait un caractère très politicien. Ce peut être le jeu mais, dans la période que nous vivons et qu’Yves Censi vient de rappeler, c’est surtout regrettable et atterrant.

En nous soumettant à trois mois de surveillance avant qu’elle ne dégrade la note de notre pays, l’agence Moody’s ne s’adresse pas à nous, socialistes, mais à la politique menée depuis dix ans, singulièrement depuis 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Elle ne s’adresse pas à la gauche d’avant-hier, de François Mitterrand et de 1981, dont nous parlait hier M. Baroin. Elle ne s’adresse pas à la gauche d’hier, celle de Lionel Jospin, avec des finances publiques en très bon état.

M. Robert Lecou. À la gauche des 35 heures ?

Mme Sandrine Mazetier. C’est encore moins envers la gauche de demain qu’est dirigée la défiance des marchés et des agences de notation, mais envers la droite qui siège aujourd’hui sur les bancs de cet hémicycle comme sur ceux du Gouvernement.

M. Robert Lecou. Vous n’êtes pas crédible !

Mme Sandrine Mazetier. Certains de nos collègues du groupe UMP ont toutefois pris la mesure de la situation et se sont interrogés sur le juste effort à consentir, mais je n’ai hélas pas entendu cela dans la bouche de tous vos orateurs.

Le compteur qui chauffe, ce n’est pas celui du pavillon Gabriel, c’est celui des dépenses fiscales incroyables, inutiles et scandaleusement injustes que vous avez accumulées et qui ont volé les finances publiques, avec un accroissement sans précédent des déficits et avec une charge de la dette tout bonnement historique, qui pèseront non seulement en 2012 sur les contribuables mais aussi sur l’ensemble des Français pendant des années et des années à venir. Tout cela, c’est votre politique et vous n’échapperez pas au bilan auquel vous croyiez vous soustraire avec votre spectaculaire et ridicule convention UMP d’hier !

M. Jacques Pélissard. Des mots, rien que des mots !

M. Robert Lecou. Lamentable !

Mme Sandrine Mazetier. Le choc fiscal n’est pas à craindre pour demain, lorsque nous serons aux responsabilités si les Français le décident, il a lieu aujourd’hui, avec les trente taxes que vous avez inventées et que vous inventez encore. Et je n’évoquerai pas la situation particulière des Franciliens, qui supportent, depuis le budget de l’an dernier, des taxes spécifiques destinées à financer la réalisation du Grand Paris et d’un équipement à valeur nationale. Je n’évoquerai pas non plus tous les efforts que vous demandez aux Français – toujours aux mêmes, jamais aux plus privilégiés. Je n’évoquerai pas davantage le caractère ahurissant – que Pierre-Alain Muet et Christian Eckert ont souligné dans leurs interventions – de vos propositions dans ce budget tandis que le budget de l’emploi régresse. Vous faites comme si tout allait bien, comme si le chômage n’avait pas explosé…

M. Jacques Pélissard. Et la crise, elle n’a pas explosé ?

Mme Sandrine Mazetier. …comme s’il ne fallait rien tenter dans ce domaine, comme si vous aviez renoncé à toute ambition pour la France.

Je m’en tiendrai là. Les Français ont vu les images de votre ridicule convention d’hier ; je ne suis pas sûre qu’ils aient entendu l’insoutenable légèreté des ministres au regard de la période que nous vivons ; je ne pense pas davantage que Jérôme Cahuzac que ce budget rassure les Français et les marchés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. La force du débat parlementaire, c'est de révéler les clivages profonds qui séparent deux conceptions d'une politique. Cette discussion générale l'a une fois de plus montré et je veux remercier, en mon nom et en celui de François Baroin, l'ensemble des orateurs.

Chacun le voit, deux attitudes s'opposent aujourd'hui frontalement : la première, c'est celle du Gouvernement et de la majorité, qui savent que la réduction des déficits est une obligation absolue, qu’elle nécessite du courage, des efforts, des économies. Et puis il y a celle de l'opposition, qui ne cesse de contester la nécessité de ces efforts. En vérité, mesdames et messieurs de l'opposition, alors même que la crédibilité du pays est en jeu, vous vous dérobez sans cesse : depuis hier, nous débattons du budget de la France, une France confrontée à la crise, et vous avez été incapables d'esquisser le début du commencement d'une alternative.

Alors, avant toute chose, je veux remercier la majorité de sa lucidité, de son courage et de son soutien indéfectible. Honorer la parole de la France,…

M. Henri Emmanuelli. Il y a vraiment erreur de casting.

Mme Valérie Pécresse, ministre. …conforter sa solidité économique et financière, tels sont aujourd'hui les enjeux, qui ont été parfaitement pointés par Nicolas Perruchot, Michel Diefenbacher et Yves Albarello. C'est même une question de souveraineté, comme l'ont justement souligné Jean Proriol, Bernard Carayon et, à sa manière, toute personnelle, Jacques Myard. (Sourires.)

J'aurai naturellement un mot tout particulier pour le rapporteur général, Gilles Carrez, qui officie désormais depuis neuf ans et qui mesure donc parfaitement les circonstances que nous traversons. Avec l'ensemble de la commission des finances, il fait preuve d'un esprit de responsabilité tout simplement exemplaire. Notre travail commun, sur le rabot ou sur la contribution sur les hauts revenus, est là pour le prouver. Je tenais à l’en remercier.

Vous l'avez parfaitement dit, monsieur le rapporteur général, la priorité des priorités, c'est de réduire les dépenses, comme l'a également souligné Hervé Mariton. C'est ce que veulent les Français, comme l'a dit Jean-Claude Mathis, et c'est ce que fait le Gouvernement. Il n'y a pas de réduction des déficits sans réduction des dépenses : je veux remercier Richard Mallié d'avoir rappelé la vérité des chiffres, une vérité que j'avais rétablie, ici-même, il y a un mois. La Cour des comptes elle-même le dit, le déficit est pour 40 % le fruit de la crise.

M. Henri Emmanuelli. Et les autres 60 % ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’y viens ! Surtout, il est pour moitié le fruit de trente années de laxisme dans lequel la gauche comme la droite ont toute leur part, comme l'a souligné Michel Piron.

En 2012, Yves Censi l'a parfaitement dit, nous mettrons fin à une exception française en donnant un coup d'arrêt à la hausse permanente des dépenses. C’est une première historique, nous la devons à notre constance dans l'effort. Michel Bouvard l’a souligné, ce budget 2012, c'est celui des résultats : cinq ans d'application du un sur deux dans la fonction publique d'État, ce sont ainsi 150 000 postes en moins et une masse salariale en baisse pour la première fois depuis 1945. Comme l'a dit Michel Heinrich, nous avons fait des efforts sans précédent sur les dépenses de fonctionnement. Grâce à ces réformes, nous sommes parvenus à faire ces économies en améliorant la qualité du service public. Je le dis à Dominique Baert, nous rendons un service de meilleure qualité, tous les indicateurs que nous avons créés le montrent.

M. Dominique Baert. Je ne suis pas convaincu !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le résultat de cette action au long cours, c'est que 90 % de nos efforts de réduction des déficits sont aujourd'hui de nature structurelle, comme l'a très justement relevé Olivier Carré. Bien sûr, il faut continuer et Charles de Courson a parfaitement raison : 2012, c'est une étape sur le chemin du désendettement,…

M. Jean Launay. Il ne fallait pas franchir auparavant toutes les étapes de l’endettement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …un chemin au bout duquel il y a l'équilibre, mesdames et messieurs de l’opposition

Parce que l'objectif, je le dis à Pierre-Alain Muet, c'est le retour à l'équilibre : s'arrêter à 3 %, c’est tout simplement s’arrêter au milieu du gué. Cesser de s'endetter ne suffit pas, nous devons faire collectivement le choix du désendettement !

Je le dis à nos amis du Nouveau Centre, qui y sont, je le sais, très attachés, cet objectif de retour à l’équilibre est au cœur de notre politique. Et le Gouvernement le prouvera encore une fois en soutenant l'amendement de Philippe Vigier, que je veux remercier, qui lie l'extinction de la contribution sur les hauts revenus au retour à l'équilibre. C'est vertueux et c'est juste !

En 2012, c'est bien une étape décisive vers l'équilibre que nous franchissons, comme l'a noté Jean-Pierre Nicolas. Car nous accélérons encore le rythme, par exemple, en demandant un effort supplémentaire aux opérateurs de l'État comme le souhaite Marie-Christine Dalloz. Nous remettrons ainsi de l’ordre dans les taxes affectées : leur dynamisme doit en priorité servir notre effort de désendettement et non pas devenir une source de dérapage de la dépense publique.

Notre constance, le rapporteur général l'a parfaitement dit, se retrouve aussi dans notre politique fiscale, une politique qui est marquée, comme l’a noté Jean-François Lamour, du sceau de la justice et de l'équité.

M. Henri Emmanuelli. Oh !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J'en veux pour preuve l'assiette que nous avons retenue pour la contribution sur les très hauts revenus, nous allons en parler dans quelques instants.

Mais j'en veux aussi pour preuve les mesures adoptées en collectif, afin de rapprocher le niveau d'imposition des grands groupes et celui des PME. Arlette Grosskost a raison de nous inviter à poursuivre dans cette voie.

Chantal Brunel a également évoqué la question de la fraude. Et je tiens à l'en remercier : certains sur ces bancs ont en effet tendance à l'oublier, le chemin de la justice fiscale passe aussi par la lutte contre la fraude.

M. Christian Eckert et M. Henri Emmanuelli. Avez-vous lu le Canard enchaîné aujourd’hui ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. S'agissant de la TVA, je peux vous indiquer que nous avons agi, avec un plan de lutte contre la « fraude carrousel », qui consiste à facturer la TVA et à ne pas la reverser. Entre 2008 et 2010, 917 millions d'euros de droits et pénalités sont ainsi revenus à leur juste place, dans les caisses de l'État.

M. Daniel Garrigue. Comme l’a dit Yves Censi !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, je suis convaincue que l'opposition aura entendu le verdict sans appel rendu par le rapporteur général : il est tout simplement impossible de supprimer 12, 20 ou 50 milliards d'euros de niches fiscales et sociales sans supprimer tous les dispositifs fiscaux qui soutiennent l'emploi et la compétitivité. Je suis désolée de vous faire sur ce point une réponse collective, mais je pense notamment à la défiscalisation des heures supplémentaires : M. Mallot veut supprimer un dispositif qui rapporte en moyenne 400 euros de plus par an à 9,5 millions de Français qui travaillent plus et qui gagnent plus.

M. Henri Emmanuelli. Mais qui gagnent beaucoup moins que Mme Bettencourt !

M. Pierre-Alain Muet. Et les chômeurs, ils gagnent plus ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est son droit, mais à nos yeux, c'est un contresens en termes de pouvoir d’achat, tout spécialement en période de crise.

Le constat du rapporteur général devrait interpeller l'opposition : votre « grand soir fiscal » repose sur l'idée, profondément absurde, qu'il serait possible de fusionner toutes les impositions sur les ménages et de supprimer toutes les niches. Or, ce sont les classes moyennes qui seraient les premières victimes du monstre fiscal que vous créeriez, ce que curieusement, vous oubliez toujours de préciser. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

En réalité, je crains que ce « grand soir fiscal » ne soit qu’un moyen de vous défausser.

M. Henri Emmanuelli. Quel est le crétin qui vous a préparé ce papier ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. N’insultez pas les collaborateurs des ministres, monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. C’est le discours que j’ai qualifié de « crétin ».

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour certains, comme Jean-Claude Sandrier, il n'y a pas de crise et nous n'avons aucun effort à faire ; pour d'autres, des efforts sont peut-être nécessaires, mais pas ceux-là – ou alors, ils sont trop importants – ou alors, ce n'est pas le bon moment. C'est tout dire : vous n'êtes même pas d'accord entre vous sur le diagnostic ! Comment voulez-vous apporter, ne serait-ce qu'un début de solution ?

Vous-même, monsieur le président de la commission des finances, vous exprimiez dans ce même hémicycle, avec la même gravité, votre désaccord avec le plan anti-déficit du Gouvernement. Aujourd'hui, aucune des mesures de ce projet de loi de finances ne trouve grâce à vos yeux. Avouez qu'il y a de quoi s'y perdre : hier, la barque était trop chargée, aujourd'hui, ce budget serait en « apesanteur ». Le flottement n'est pas forcément là où l’on croit !

Le Gouvernement, quant à lui, a gardé le même cap. Nous l'avons toujours dit, nos objectifs de réduction des déficits sont intangibles. Nous l'avons prouvé le 24 août dernier et nous le prouvons aujourd’hui. Combien de majorités, dans notre histoire récente, ont fait, à la veille d'une élection présidentielle, le choix de la lucidité et du courage ? Qu'auriez-vous dit, mesdames et messieurs de l'opposition, si nous avions, comme vous en d’autres temps, fait mine d'ignorer la crise ? La sincérité de ce PLF ne fait pas le moindre doute, et de cela aussi, nous pouvons être fiers. Cela renforce notre crédibilité.

Parmi les mesures que nous vous proposons, il y a une taxe sur les boissons trop sucrées. Je le dis à Gérard Bapt, c'est une taxe de santé publique ; aux yeux du président Cahuzac, l'obésité n'est peut-être pas une question digne d'être évoquée ici, mais nous, nous ne nous résignons pas à ne pas faire de prévention pour ce qui est des comportements à risques, particulièrement chez les enfants.

M. Henri Emmanuelli. Et la taxe sur les mollusques ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je n'entrerai pas à ce stade dans le débat sur les effets de cette taxe, je me contenterai de vous renvoyer aux notes de l'OMS, que vous avez tous lues avec attention et qui montrent que la fiscalité nutritionnelle est le moyen le plus efficace de prévenir l’obésité.

M. Henri Emmanuelli. Parlez-nous des mollusques !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant à la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, je rappelle à tous les membres de l’opposition qu'elle s'ajoute aux vingt-cinq mesures adoptées depuis cinq ans, qui pèsent sur les ménages les plus aisés. Refaites vos comptes, mesdames et messieurs de l’opposition, car vos chiffres sont erronés : rien qu'en 2011 et 2012, c’est 1,9 milliard d'euros supplémentaires qui va peser sur les ménages aisés, réforme de l’ISF comprise. On est très loin de la caricature dressée par Annick Girardin. Je le répète, c'est cette majorité qui a alourdi la fiscalité des stock-options, des retraites chapeaux et des parachutes dorés, alors que vous les exonériez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'opposition, par le bouche de Michel Vergnier, ose parler d'austérité ! Mais, mesdames et messieurs de l'opposition, ouvrez les yeux, regardez autour de vous ! Regardez les plans d’austérité élaborés par les Espagnols…

M. Henri Emmanuelli. Et les Grecs !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …chez qui était, hier encore, votre tête de file ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les Espagnols baissent les retraites, les salaires des fonctionnaires et votent la règle d’or avec la droite, parce qu’ils savent que c’est un bouclier qui protège leurs compatriotes. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce qu’est la responsabilité, mais aussi l’austérité, en Espagne.

M. Henri Emmanuelli. Et ils ont rétabli l’impôt sur la fortune !

Mme Valérie Pécresse, ministre. M. Hollande a sans doute pris des leçons. Pour notre part, je l’ai dit à Aurélie Filippetti, notre politique de réduction des déficits nous permet, aujourd'hui, de doser les efforts que nous réclamons aux Français.

Je le rappelle à Marc Goua, qui semble l'avoir oublié, en 2008, tous les États du monde ont été confrontés à la crise la plus violente que nous ayons connue depuis 1945.

M. Christian Eckert. Ça va être la faute aux socialistes ! C’est le Front Populaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et n'en déplaise à François de Rugy, le produit de nos principaux impôts s'est alors effondré. Il a plongé la France dans les déficits et la dette, mais ce n’est pas une spécificité française, mesdames, messieurs les députés. Regardez le taux de la dette de la zone euro ! Regardez le taux de la dette des États-Unis qui est bien supérieur, ou encore celui du Japon – et j’en passe !

M. Pierre-Alain Muet. Seriez-vous contente du montant de notre dette ? Nous n’avions encore jamais atteint ce seuil !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Muet, nous prenons le chemin du désendettement, celui que vous refusez de prendre, celui que votre projet ne permet pas de prendre.

Je remercie Jérôme Chartier d'avoir rappelé à l'ensemble de cet hémicycle que, grâce au Président de la République et à un grand ministre du budget, Éric Woerth, la France a mieux résisté au choc de 2008 que ses voisins européens. Comme le rappelait Yves Deniaud, l'État a joué son rôle : mais, contrairement à ce que vous avez toujours fait, mesdames et messieurs de l'opposition, cet argent, nous ne l'avons pas utilisé pour recruter des fonctionnaires en plus…

M. Henri Emmanuelli. Non, vous avez investi dans la restauration : 3 milliards !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …nous ne l'avons pas non plus utilisé pour augmenter les dépenses quotidiennes de l'État. Cet argent a servi à investir, avec le plan de relance – 46 milliards d’euros – et à soutenir les ménages et l'activité économique. C'est toute la différence avec la politique conduite entre 1997 et 2002, dont parlait tout à l’heure M. Muet, cinq années durant lesquelles Lionel Jospin a dilapidé les fruits de la croissance et – je me souviens fort bien de la fameuse parole de Laurent Fabius – refusé de les affecter à la réduction des déficits !

M. Jean Mallot. C’est la politique racontée aux enfants !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne vous parlerai pas des vrais faux emplois-jeunes ni des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Écoutons Mme la ministre, mes chers collègues ! Vous aurez l’occasion de vous exprimer tout à l’heure.

M. Yves Censi. Écoutez cette excellente intervention !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous voulez parler de compétitivité. Eh bien, parlons-en ! car le fardeau qui pèse sur nos exportations et nos finances publiques porte un nom : ce sont les 35 heures…

M. Jean Mallot. Supprimez-les !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …cette erreur historique, ce contresens absolu dont nous payons, aujourd'hui encore, le prix sous la forme de milliards d'euros d'allégements de charge – Jean-François Mancel l'a parfaitement rappelé.

M. Yves Censi. Prenez-en de la graine !

Mme Valérie Pécresse, ministre. À la même époque, comme le soulignait très justement Yves Bur, des gouvernements socialistes, en Allemagne ou au Royaume-Uni, engageaient la bataille de la compétitivité. Et c'est ce moment que vous avez choisi, mesdames et messieurs de l'opposition, pour augmenter le coût du travail et porter un mauvais coup à l'économie française ! Ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. Schröder, le chancelier socialiste allemand. Et aujourd'hui, avec la démondialisation, vous voudriez déposer les armes !

Eh bien, cette majorité, comme l'a parfaitement souligné Nicolas Dhuicq, refuse, elle, de se résigner. La bataille de la compétitivité, nous la livrons et nous la livrerons jusqu'au bout, en commençant par le coût du travail. Je le dis très clairement à Bernard Reynès, il peut compter sur notre détermination à baisser le coût du travail agricole. Nous serons au rendez-vous de l'engagement pris par le Président de la République.

La bataille de la compétitivité, cela fait cinq ans que nous la livrons, avec le crédit d’impôt recherche ou avec les investissements d'avenir, comme l'a rappelé Yves Vandewalle, mais aussi avec la réforme du marché du travail. Je le dis à Étienne Pinte : oui, la compétitivité est notre priorité…

M. Henri Emmanuelli. Il n’a pas l’air très convaincu !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais je crois très sincèrement que nous ne la doperons pas en alourdissant encore les prélèvements obligatoires. Nous prendrions alors le risque de briser notre croissance.

Pour renforcer notre compétitivité, notre stratégie est simple : c'est l'investissement, que nous finançons notamment grâce à la baisse des dépenses quotidiennes des administrations. Et, contrairement à ce qu'affirmait hier Christian Eckert, sur les 45 milliards d'efforts faits en 2011 et 2012, la moitié repose sur les dépenses. Je le dis aussi à Daniel Garrigue, vous ne pouvez nier qu'il s'agit là d'un effort considérable.

Cela ne nous empêche pas, bien au contraire, d'avoir des priorités fortes. Michel Heinrich a rappelé, et je l'en remercie, notre action pour renforcer encore les filets de protection sociale.

Parmi ces priorités, il y a aussi la construction d'une défense moderne et forte. Je le dis à Bernard Cazeneuve et à Gilles d’Ettore, avec des crédits en hausse de 2,7 milliards d'euros depuis 2007, nos forces n'ont jamais été aussi opérationnelles et elles ont récemment eu l'occasion de le démontrer – par exemple en Libye. C'est le fruit de notre politique d'investissement, bien sûr, mais aussi de la réorganisation en profondeur de nos armées.

Il en va de même, monsieur Brottes, en matière de développement durable. Vous avez longuement évoqué les dépenses budgétaires. Mais depuis cinq ans, avec l'élan du Grenelle, nous avons pris le tournant de la fiscalité verte, comme en témoigne la reconduction, dans ce projet de loi de finances, du CIDD – le crédit d’impôt développement durable.

Je dois à la vérité de le dire : si les collectivités ont pris leur part de cet effort, celui-ci reste sans commune mesure avec la politique de maîtrise des dépenses engagée par l'État. Et c'est pourquoi, je le dis à Jean-Pierre Balligand et à David Habib, les collectivités locales doivent, elles aussi, faire porter leurs efforts sur leurs dépenses de fonctionnement. Je remercie François Goulard de l'avoir rappelé avec force : la bonne gestion vaut pour tout le monde.

Pour conclure, je dirai à Alain Claeys et à Sandrine Mazetier qu’il ne faut pas dire qu'il existe une autre voie que la réduction des déficits et les économies.

M. Henri Emmanuelli. Non, il n’y a que Sarkozy !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous vous obstinez à dire qu’il y a une autre voie, monsieur Emmanuelli, qui éviterait à l'État de faire des efforts sur ses dépenses ; qui éviterait aux collectivités locales de prendre leur part de la réduction des déficits.

M. Henri Emmanuelli. Je m’obstine !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux bien que l’on réenchante le rêve français, mais je crains fort que l’on ne déchante à l’instant si votre politique était mise en œuvre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous n’accepterons pas de quitter le chemin du désendettement. Ce budget 2012 traduit une seule chose, notre détermination à tenir le cap. Je remercie une fois encore la majorité présidentielle de nous suivre sur ce chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Première partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2012.

M. Christian Eckert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Yves Censi. Il a lu Le Canard enchaîné ! Il a quelque chose à dire !

M. Christian Eckert. Mon rappel au règlement, qui se fonde sur l’article 58, alinéa 1, concerne le déroulement de nos travaux.

Le Gouvernement – c’est son droit – a réservé l’article 2 pour examiner d’abord l’article 3. Je m’interroge sur l’opportunité de ce changement d’ordre dans la discussion des articles et, comme j’ai l’esprit quelque peu pervers, je pense avoir compris, ayant entendu différents orateurs parler d’un amendement qui instaurerait une tranche d’impôt supplémentaire à l’article 2…

M. le président. Monsieur Eckert, si vous ne contestez pas l’application du règlement, il n’y a pas lieu de faire un rappel au règlement ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Le président est perspicace !

M. le président. Je vais donc vous demander de conclure.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, chers collègues, nous allons nous acheminer vers des suspensions de séance si vous le prenez sur ce ton.

Mon rappel au règlement concerne très précisément l’interversion de l’examen de deux articles. Je tiens à souligner le fait que l’article 2 est réservé, pour que la représentation nationale soit parfaitement éclairée.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas un hasard !

M. Christian Eckert. Le Gouvernement souhaite faire voter d’abord la taxe sur les hauts revenus de façon à torpiller les amendements qui prévoient une tranche d’impôt supplémentaire à l’article 2, dont j’ai observé qu’un certain nombre d’orateurs avaient soutenu le bien-fondé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Sandrier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Mon rappel au règlement se fonde également sur l’article 58-1 de notre règlement et concerne le déroulement de notre séance. J’espère que celle-ci se déroulera de manière correcte et respectueuse.

Madame la ministre, on peut répondre ce que l’on veut aux députés dans cet hémicycle. Ce dont nous débattons ce soir mérite beaucoup de sérieux et un débat approfondi.

M. Henri Emmanuelli. Nous ne sommes pas « Au théâtre ce soir » !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est absolument pas ce que je veux dire, madame la ministre.

Toutefois, vous avez relevé des propos que j’aurais prononcés, selon lesquels mon groupe et moi considérions qu’il n’y avait pas de crise. Non seulement c’est caricatural, mais cela n’a rien à voir avec ce que j’ai dit. D’abord, j’ai essayé d’expliquer les causes de la crise, ce dont nous ne discutons jamais ici, ses conséquences aujourd’hui et les solutions possibles que nous envisagions.

M. le président. Nous avons compris, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Cela concerne le déroulement de la séance, monsieur le président, car si nous partons sur ce type de caricature, le débat sera faussé, alors que nous pouvons avoir un très bon débat, y compris sur l’article 3. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne reviendrai pas sur le désaccord entre M. Sandrier et moi sur les causes de la crise. J’ai entendu ce que M. Sandrier voulait exprimer.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la ministre, dans votre réponse, je relève ce que je crois être un malentendu entre nous. Je vous mets au défi de trouver dans les propos que j’ai tenus hier à la tribune – le compte rendu fera foi – une quelconque opposition de ma part à une véritable politique de santé publique, notamment celle pouvant lutter contre l’obésité.

J’ai simplement indiqué qu’il me semblait que la taxe que vous nous proposez, qui revient à augmenter le prix d’une canette de 1 à 2 centimes, ne me paraissait pas de nature à répondre aux objectifs de santé publique tels que vous les définissez.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. J’ai même indiqué que ces canettes se vendant par paquet de six, la différence de prix entre deux packs de six serait de 6 à 12 centimes. Il suffit de se rendre dans deux enseignes différentes pour constater que l’écart de prix pour un même produit est supérieur à 12 centimes. En conséquence, cette taxe n’aura que très peu d’effets sur une éventuelle politique de santé publique visant à lutter contre l’obésité, dès lors qu’elle ne serait due qu’à l’ingestion de telles boissons.

Deuxième remarque : c’est aux États-Unis que l’obésité prévaut chez les enfants et chez les adolescents et c’est aux États-Unis que ce type de boisson est le plus taxé au monde. C’est du moins ce que j’ai lu dans la documentation que j’ai pu obtenir.

Enfin, troisième remarque : au-delà d’une politique de santé publique, on devine la volonté de créer des recettes grâce à cette taxation des boissons comme les sodas, voire des boissons contenant d’autres produits tels que des édulcorants. De deux choses l’une : soit cette taxe est inefficace en termes de santé publique et elle rapportera, soit elle est efficace et elle ne rapportera plus à terme, car l’augmentation du prix entraînera la diminution puis la cessation de la consommation de ces boissons, ce qui aura pour conséquence de supprimer l’assiette de la taxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je suis obligée de reprendre la parole pour répondre à M. Cahuzac. Le principe même de cette taxe est de modifier les comportements. Mais il y a, ici, un lien entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, donc entre les dépenses de santé et les dépenses fiscales. Vous dites que, si cette taxe est, à terme, efficace, elle ne rapportera plus. Mais il est bien évident qu’elle rapportera. En effet, si nous comptons moins d’enfants en surpoids, moins de personnes diabétiques, moins de personnes obèses, cela rapportera ! Si c’est aux États-Unis que ces boissons sont les plus taxées, c’est parce qu’ils ont mis en place la taxe nutritionnelle, et ce car, aujourd’hui, l’espérance de vie recule aux États-Unis du fait de l’obésité.

M. Henri Emmanuelli. Ah, c’est efficace !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, c’est efficace, monsieur Emmanuelli ! J’ai, pour ma part, voté, voici quelques années l’amendement d’Yves Bur tendant à supprimer les distributeurs de produits sucrés dans les écoles. Aujourd’hui, nous constatons que le nombre d’enfants en surpoids recule dans notre pays.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas la seule raison !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous pouvez vous désintéresser de ce sujet de santé publique absolument majeur pour tous les pays. Tel n’est pas mon cas. En tant que ministre de la recherche, j’ai lancé, avec Roselyne Bachelot, le plan anti-obésité et je peux vous dire que je suis fière de proposer aujourd’hui cette première taxe, qui est un signal adressé aux enfants…

M. Henri Emmanuelli. Cela n’a rien à voir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …aux familles et aussi aux fabricants de produits trop sucrés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, inscrit sur l’article 1er.

M. François de Rugy. Je tenais à intervenir quelques instants sur la structure des recettes que vous nous présentez.

Dans vos prévisions pour 2012, vous annoncez que l’impôt sur le revenu rapportera 58,4 milliards de recettes, soit une hausse de 6,8 milliards par rapport aux recettes que vous avez révisées pour 2011, même si l’année n’est pas encore terminée, et qui s’élevaient à 51,6 milliards. Il y a matière à s’attarder quelques instants sur ce point. En effet, soit vous êtes très optimiste et vous considérez que la recette « impôt sur le revenu » sera très dynamique, ce qui est quelque peu étonnant dans la mesure où les revenus des Français n’ont tout de même pas beaucoup augmenté l’année dernière, notamment. Par ailleurs, les taux, si ce n’est la mesure cosmétique sur les hauts revenus dont on débattra lorsque nous examinerons l’article 3, ne bougent pas. Soit, vous avouez votre satisfaction de disposer de l’impôt sur le revenu des ménages pour payer la facture des cadeaux fiscaux, et je n’oublie pas le dernier en date portant sur l’impôt sur la fortune, que vous consentez aux plus aisés depuis 2007. Mais peut-être est-ce à la fois de l’optimisme et un aveu !

Je ferai une remarque plus générale sur la réforme fiscale, car je considère que nous n’en débattons pas assez à l’occasion de la discussion budgétaire. Vous avez totalement abandonné l’idée, depuis cinq ans, c’est donc une constante, de procéder à une réforme fiscale d’ampleur. Il est, à ce titre, amusant de constater que vous ne parlez que du projet socialiste, car c’est votre obsession du moment ! Mais regardez les différentes propositions et vous constaterez que nous plaidons, comme d’autres, pour une réforme importante de l’impôt sur le revenu, réforme qui réintégrerait davantage de progressivité, donc rétablirait une justice sociale. Puisqu’il semble que vous aimiez les chiffres, je vous invite à vous rendre sur le site internet portant sur la révolution fiscale, site créé notamment par Thomas Piketty et sur lequel il est très clairement expliqué à quel point notre système fiscal est devenu déséquilibré. Il est intéressant de le souligner au début de notre débat. L’impôt sur le revenu représentera environ 20 % des recettes fiscales, soit quasiment deux fois et demie moins que la TVA. Tout est dit en matière de justice fiscale quand on précise de tels chiffres !

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Je vous rappelle que l’article 2 et les amendements portant articles additionnels après l’article 2 sont réservés à la demande du Gouvernement.

Article 3

M. le président. Sur l’article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Tout à l’heure, Mme Mazetier a eu l’amabilité de retracer un bilan. Je me contenterai, pour ma part, alors que nous sommes en 2011 et que nous préparons 2012, de rappeler quelques points.

Premier point : l’imposition des très hauts revenus dont on va bientôt débattre se traduira – et nous avons fait ce calcul avec Gilles Carrez – par une surimposition de 3,9 milliards d’euros uniquement concentrés sur quelques milliers de ménages. Cette mesure, qui n’est peut-être pas suffisante, a été votée par notre majorité. Il faut retrancher de cette somme la partie de l’ISF payée par ces ménages, partie qui a été corrigée, sachant que ce n’est pas forcément les ménages très aisés qui sont le plus épargnés par la réforme de l’ISF, mais plutôt ceux appartenant aux premières tranches et qui ont bénéficié dès 2011 de la modification votée lors du dernier PLFR. Le chiffrage évolue de 1,1 milliard à 1,8 milliard.

Deuxième point, et vous l’avez évoqué, ce qui restera de la loi TEPA est une vraie niche : celle des heures supplémentaires, laquelle s’élève à 4,5 milliards d’euros. Je ne suis pas certain que cette niche favorise les mêmes personnes. Le bilan pour le budget de 2012 se présente ainsi : près de 3 milliards d’impôts en plus pour les uns et 4,5 milliards d’impôts en moins pour ceux qui ont travaillé plus.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Il est bien que j’intervienne après M. Carré, lequel vient de nous donner de drôles de chiffres et de faire de drôles d’additions. C’est ce que l’on appelle, chez moi, mélanger les carottes et les poireaux. Or quand on veut acheter des carottes, on n’a pas envie d’avoir des poireaux, monsieur Carré ! Il faut dire la vérité aux Français !

S’agissant de l’article 3 sur lequel vous venez de vous exprimer, les documents fournis par le Gouvernement mentionnent un rendement de 200 millions d’euros. Il est inutile d’essayer de faire croire que vous allez opérer un prélèvement de 3,9 milliards. Vous avez parlé d’ailleurs d’une déduction sans pour autant en préciser le montant. Il conviendrait ainsi de déduire 1,8 milliard, il ne reste donc plus que 2,1 milliards. Mais nous parlons ici de 200 millions d’euros. Alors, soyons sérieux ! Vous envisagez la création d’une taxe sur les hauts revenus dont vous estimez que la recette s’élèvera à 200 millions d’euros. Il est écrit noir sur blanc que cette taxe sera acquittée par les personnes qui toucheront plus de 500 000 euros de revenus annuels. Chacun comprendra que cela ne concernera que les très hauts revenus, donc peu de monde. De plus, pour un ménage soumis à imposition commune, la somme passe à 1 million d’euros. Nos compatriotes doivent savoir que les 3 % que vous proposez ne portent pas sur les 500 000 euros ou sur le million d’euros, mais sur les sommes supérieures à ces seuils. Et même si vous modifiez le seuil par amendement, vous savez que le raisonnement est identique. Il ne s’agit donc absolument pas d’une mesure de justice fiscale, il n’y a aucune amorce d’une réforme fiscale remettant de la progressivité dans l’impôt sur le revenu, mais c’est bel et bien une mesure de pur affichage.

Je reviendrai sur l’argument selon lequel vous auriez demandé beaucoup d’efforts aux hauts revenus. Vous mélangez, en réalité, les mesures sur les successions et celles sur le patrimoine. En matière de patrimoine, vous avez d’ailleurs consenti un gros cadeau. Est-ce vrai madame la ministre ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non !

M. François de Rugy. Il s’agit de 700 millions étalés sur trois ans au niveau du bouclier fiscal et de 1,8 milliard s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Taxer les revenus du travail de préférence au patrimoine dormant ne témoigne pas d’une logique économique et sociale particulièrement glorieuse !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Vous remarquerez, mes chers collègues, que le groupe socialiste n’a déposé aucun amendement sur l’article 3. Nous allons donc vous laisser vous débrouiller entre vous.

Selon les études portant sur cet article 3, deux options se présentent. La première tend à créer une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. L’étude donne les avantages et les inconvénients. La seconde, objet de cet article 3, consiste à prévoir une contribution proportionnelle. Parce que nous sommes cohérents, nous prononçons en faveur de l’option un. J’ai cru comprendre qu’un certain nombre de nos collègues de l’UMP, ce qui semble d’ailleurs embarrasser le Gouvernement, y sont aussi favorables. Nous ne participerons donc pas au débat consistant à s’interroger sur le point de savoir s’il faut situer le seuil à 500 000, à 250 000 ou à 150 000 euros ; à 3, à 5 ou à 10 %. C’est une politique de gribouille. Nous expliquerons, même si nous l’avons déjà précisé, les raisons pour lesquelles nous sommes pour l’option un. Je me permettrai simplement un commentaire. Je n’ai pas été le seul à dire et à répéter que la mesure prévue à l’article 3 est une taxe cosmétique, laquelle ne s’applique, comme l’a rappelé François de Rugy et comme je l’ai précisé cet après-midi ici même, qu’au-delà des 500 000 euros. Donc, une personne qui gagne 510 000 euros par an paiera une taxe de 300 euros. Chacun appréciera. Lorsque l’on gagne quarante fois le SMIC, on paie 300 euros !

Nous sommes très clairs et très cohérents. Nos collègues qui se sont exprimés tout à l’heure à la tribune, dont certains du Nouveau Centre, pour dire qu’ils préféraient, comme nous, l’option un devraient clairement réfléchir et assumer, en toute cohérence, leurs propos. Ils doivent donc persévérer et défendre leurs amendements. Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous prenons clairement les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la ministre, votre demande de réserve de l’article 2 n’est pas très respectueuse du débat parlementaire et surtout du débat au sein de votre propre majorité. En effet, comme l’a rappelé mon collègue Eckert, remettre un peu de justice dans notre fiscalité suppose de supprimer un certain nombre de niches fiscales permettant d’exonérer d’impôt sur le revenu les contribuables les plus fortunés. Cela suppose de supprimer les prélèvements libératoires qui font que lorsque l’on a beaucoup de revenus du capital, on n’est jamais imposé au barème de l’impôt sur le revenu. Cela implique donc d’asseoir de nouveau notre impôt sur le revenu sur une assiette large et de remettre de la progressivité. Le groupe socialiste proposera un amendement en ce sens, qui tendra à créer une tranche à 45 % pour les revenus supérieurs à 100 000 euros. Je crois me souvenir que cet amendement a souvent été proposé par le groupe Nouveau Centre et que cette disposition était d’ailleurs accompagnée d’une disparition progressive des prélèvements forfaitaires. C’est aussi le sens de l’amendement de M. Piron. En faisant cette pirouette, madame la ministre, vous supprimez tout débat sur une réforme qui s’impose, qui a un sens, qui pourrait être immédiatement décidée et qui se justifierait pleinement dans la conjoncture actuelle. Elle consisterait à corriger une imposition du revenu dont nous savons tous, parce que nous avons tous lu les rapports de notre commission des finances, que, grâce à elle, les mille plus hauts revenus ne sont imposés qu’à 25 % et que les dix plus hauts le sont à moins de 20 %. Il est nécessaire de corriger ce point. Votre taxe ne répond pas à cette question. C’est la raison pour laquelle nous n’avons déposé aucun amendement sur cet article. Nous souhaitons, en revanche, avoir un véritable débat sur une réforme fiscale qui, je le crois, s’impose aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, dans cette affaire, deux solutions s’offraient à nous.

Nous pouvions créer une tranche supplémentaire en retenant le taux et le seuil allemands, c’est-à-dire un taux de 45 % et un seuil de 250 000 euros. Sachant que ce montant outre-rhin ne correspond pas à notre revenu fiscal miné par divers abattements et réductions auxquels s’ajoute le quotient familial qui nous est propre, l’équivalent se situerait donc plutôt aux environs de 180 000 euros. Nous pouvions également nous en tenir à la thèse initialement présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances : un taux de 3 % s’appliquerait au-delà de 500 000 euros par part avec une conjugalisation plutôt qu’une familialisation.

Monsieur Muet, les députés du Nouveau Centre n’ont jamais changé de position.

Nous avons d’abord dit au Gouvernement que le taux de 3 % n’était pas cohérent. En effet, si l’on ajoute ces 3 % au taux supérieur actuel de 41 %, on obtient 44 %, ce qui ne correspond pas au taux allemand de 45 %. Le Gouvernement a écouté ceux qui lui faisaient cette remarque : il a accepté l’application d’un taux de 4 % au-delà du seuil de 500 000 euros.

Nous avons ensuite débattu du seuil avec le Gouvernement. Celui de 500 000 euros concernait 6 000 à 7 000 foyers fiscaux sur un total de plus de 33 millions. Cela n’était pas suffisant, il fallait se montrer raisonnable. Nous avons finalement accepté les 250 000 euros par part au lieu des 150 000 parce qu’intervient le concept allemand de revenu de référence. Ce point est essentiel et nous met en cohérence avec l’Allemagne, au moins pour la tranche supérieure. En effet, entre le revenu fiscal et le revenu de référence, l’écart est immense. Monsieur Muet, votre thèse serait juste si nous refondions intégralement l’impôt sur le revenu en supprimant toutes les niches et tous les abattements créés par la droite comme par la gauche – en la matière, les choses sont assez bien partagées. Mais, évidemment, nous ne ferons pas cette grande réforme de l’impôt sur le revenu dans la dernière loi de finances de la législature.

Une question se posait enfin sur le caractère temporaire ou permanent de la mesure. Le Gouvernement proposait la suppression du dispositif en 2013 ; nous n’étions pas d’accord. Selon nous, pour être cohérent, il ne fallait la supprimer que lors du futur retour à l’équilibre budgétaire.

M. le président. Monsieur de Courson, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Charles de Courson. Vous l’avez constaté : la majorité a voté en commission des amendements qui nous donnent satisfaction sur les trois points que je viens d’évoquer.

Finalement, le schéma retenu est devenu beaucoup plus dur que celui créant une tranche au taux de 45 % sur la base actuelle de l’impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Madame la ministre, vous nous avez expliqué que la lutte contre les déficits devait s’appuyer exclusivement sur les réductions de la dépense et des mesures comme la suppression d’un fonctionnaire sur deux. Dans ce contexte, je pense qu’il serait juste que les Français disposant des plus hauts revenus assument aussi une part de la crise. Or nous avons l’impression, sinon la certitude, que la mesure que vous proposez, en restreignant le plus possible le nombre de contribuables concernés, n’est quasiment qu’en geste symbolique.

M. de Courson nous objecte que l’on ne pouvait pas commencer une réforme fiscale durant la dernière année de la législature. Pour ma part, je pense que l’on peut toujours bien faire, y compris pendant la dernière année d’un mandat. Vous auriez pu au moins donner un signe.

Pour lutter contre les déficits, il y a plusieurs possibilités. Votre thèse consiste à ne jouer que sur la réduction des dépenses et, après tout, vous l’assumez. Mais il est aussi possible de considérer que nous ne faisons pas rentrer suffisamment de recettes et que le poids qu’elles font peser n’est pas justement réparti. Lorsque l’on compare ce que rapporte votre politique de réduction d’effectifs dans la fonction publique, soit 500 millions d’euros par an, et le coût annuel de la baisse de la TVA pour le secteur de la restauration, on voit bien l’incohérence de vos choix.

Nos propositions auraient pu vous permettre de faire un premier pas sur le chemin de la justice fiscale car c’est cette injustice qui choque le plus les Français. Songez au discours de Toulon du Président de la République qui, en 2008, s’en prenait aux hauts revenus, aux parachutes dorés et aux rémunérations et aux patrimoines excessifs. Décidément, vous vous êtes arrêtés au discours !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je veux rappeler que l’impôt sur le revenu est l’un des grands révélateurs de l’esprit de justice au sein d’une nation.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Daniel Garrigue. L’institution de l’impôt sur le revenu a constitué l’une des grandes conquêtes de la République. Toutes celles qui se sont succédé, et en particulier la Ve République à ses débuts, se sont attachées à ce que l’impôt sur le revenu soit un véritable impôt.

Or depuis quelques années aussi bien les rapports de l’Inspection des finances que ceux de la Cour de comptes ou du Conseil des impôts s’accordent pour considérer que cet impôt est complètement dévitalisé et qu’il a perdu tout caractère redistributif.

M. Christian Eckert. C’est vrai !

M. Daniel Garrigue. Dans la situation dramatique qui est celle de nos finances publiques, cet état de fait est tout de même paradoxal. Plus que jamais, l’effort et l’esprit de justice devraient constituer les deux mots d’ordre de notre politique : tous les citoyens devraient être associés à un effort conduit dans un esprit de justice.

Mais cet effort vous ne voulez pas le mener et la justice vous n’en voulez pas ! C’est pour cette raison que vous reportez l’examen de l’article 2 après l’article 3 et que vous préférez céder aux pressions d’un certain nombre de personnages qui sont les bénéficiaires des bonus et des retraites chapeau, lesquels ont, en fait, proposé une taxe exceptionnelle sur les hauts revenus dans le but de se soustraire à l’effort et à la justice qui devraient être au cœur de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Il reste donc un gaulliste dans cette salle !

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 42 rectifié et 94 rectifié.

L’amendement n° 42 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement n° 408.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Permettez-moi, monsieur le président de commencer par une observation. Depuis 2002, l’opposition nous a constamment demandé d’éviter de traiter de sujets majeurs lors de l’examen des lois de finances à une heure très avancée de la nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est donc par respect de l’opposition que nous avons souhaité examiner l’article 3 à un moment (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Christian Eckert. C’est ridicule !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …où votre esprit est encore vif, monsieur Eckert, et où vous ne cédez pas encore au sommeil qui nous guettera vers deux heures du matin.

M. Michel Vergnier. Pas vous ; pas ça !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En conséquence, monsieur Eckert, au lieu de vous emporter, vous devriez plutôt remercier la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. C’est nul !

M. Christian Eckert. Vous vous moquez du monde ! Vous savez très bien qu’il s’agit avant tout pour vous de régler un problème de majorité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’en viens à l’amendement de la commission des finances.

La contribution exceptionnelle est assise sur le revenu fiscal de référence.

MM. Philippe Vigier, Charles de Courson et Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette précision est essentielle car, contrairement à ce que vient de dire M. Garrigue, le revenu fiscal de référence a pour caractéristique de prendre en compte à égalité les revenus du travail et du patrimoine.

Monsieur Garrigue, dans le revenu fiscal de référence, il y a les dividendes, les plus-values et les produits financiers. Au contraire, et vous le savez parfaitement car vous êtes un expert, le barème de l’impôt sur le revenu ne s’applique pas aux dividendes. Le recours au revenu fiscal de référence est donc particulièrement juste.

Par ailleurs, plus un ménage est aisé et plus la composante de son revenu issue du patrimoine l’emporte sur celle issue du travail. Si vous en restez au barème, monsieur Garrigue, vous imposerez les revenus du travail et vous passerez totalement à côté de la vraie richesse : celle des patrimoines et des plus-values. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Évidemment !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avec le revenu fiscal de référence, le Gouvernement nous propose une assiette très innovante et il fait œuvre de justice. Si l’on veut être objectif, il faut donc commencer par saluer ce choix.

La commission des finances l’a approuvé sans aucune retenue, elle a toutefois estimé que le seuil de déclenchement devait être abaissé à 250 000 euros. Elle a ainsi suivi un raisonnement, proche de celui que vient de nous exposer M. Charles de Courson, qui met en avant la nécessité d’une convergence avec l’Allemagne ou avec le Royaume-Uni. En Allemagne, le seuil est fixé à 250 000 euros par part conjugalisée et non familialisée, à l’instar du revenu fiscal de référence. Au Royaume-Uni, le seuil est de 150 000 euros.

Au nom du désir de justice fiscale qui nous anime, il nous a paru important que les plus aisés participent de façon substantielle à l’effort demandé à tout le pays. Cet abaissement du seuil fait ainsi passer le nombre de ménages concernés de 7 000 ou 8 000 à 25 ou 30 000.

Nous avons également pris une deuxième décision, suggérée par nos collègues du Nouveau Centre et par Charles de Courson en particulier. Au-delà de 500 000 euros de revenus, le taux passera de 3 à 4 %. Cela concernera les ménages très très aisés.

Avec ces deux dernières dispositions, le rendement espéré de la mesure n’est plus de 200 millions mais de l’ordre de 420 millions d’euros.

J’ai lu qu’il s’agissait d’une mesure dérisoire. Ceux qui défendent de telles positions sont malhonnêtes.

M. Jean Mallot. Mesurez vos propos !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l’on rapporte le montant de la contribution aux 25 000 ménages concernés, on obtient près de 20 000 euros en moyenne par ménage. Ils paieront ces 20 000 euros en plus de l’impôt sur le revenu – ils sont généralement taxés au taux maximum – et de la CSG. Il s’agit donc d’un véritable effort.

Madame la ministre, en vous proposant d’élargir la contribution exceptionnelle, la commission appuie votre démarche et vous permet de faire un geste de justice fiscale simple et facile à comprendre qui touchera les plus aisés d’entre nous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour présenter le sous-amendement n° 408.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le rapporteur général, vous nous expliquez qu’en moyenne les ménages concernés paieront en contribution exceptionnelle 20 000 euros supplémentaires, certes. Mais combien gagnent en moyenne ces familles ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous raisonnons par part !

M. Jean-Claude Sandrier. Qu’importe ! Rapporter ces 20 000 euros aux revenus moyens des familles concernés, vous constaterez qu’en effet, le prélèvement est totalement ridicule.

Les cinq cents plus grosses fortunes françaises se sont enrichies en dix ans de 120 milliards d’euros. Mme la ministre a beau dire qu’elle leur prend 2 milliards, cela ne représente que 1,6 % de cet enrichissement. Désolé, mais nous n’arrivons pas à sortir nos mouchoirs !

M. Jacques Myard et M. Olivier Carré. C’est 2 milliards d’euros en plus de ce qu’ils paient déjà !

M. Jean-Claude Sandrier. Évidemment messieurs, mais les 120 milliards, c’étaient aussi « en plus » !

M. Jacques Myard. C’est du passé !

M. Jean-Claude Sandrier. Le revenu de ces grandes fortunes représentait il y a dix ans 6 % de notre PIB ; aujourd’hui, ce rapport s’élève à 12 %. Il y a donc eu un doublement qui se traduit par un montant de 120 milliards d’euros « en plus » dans leur fortune. Vous voulez leur en prendre 1,6 %, ils ne vont pas en mourir demain matin.

M. Olivier Carré. C’est vrai !

M. Richard Mallié. Ils partiront s’installer à Bruxelles !

M. Jean-Claude Sandrier. Notre sous-amendement a pour objectif de fixer à 250 000 euros par foyer fiscal le seuil à partir duquel la taxe sur les hauts revenus doit s’appliquer.

Il y a de plus de plus de millionnaires dans notre pays. Une nouvelle vient d’ailleurs de tomber ce soir : nous sommes le pays d’Europe qui compte le plus de millionnaires. Alors que certains prétendent que la France est un pays surimposé, je ne sais pas à qui cela fera plaisir. Vous avez bien entendu. Apparemment, ils ne se portent pas si mal que cela !

M. le président. Merci, cher collègue. Nous avons bien compris.

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement et sur l’amendement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable sur le sous-amendement. Monsieur Sandrier, ce ne serait pas conforme aux principes de notre droit que de ne pas familialiser l’assiette de cette nouvelle taxe : 250 000 euros pour tout foyer, qu’il soit composé d’une seule ou de deux personnes, ce n’est ni juste ni équitable. Nous prenons comme principe la part fiscale, c’est-à-dire le nombre de personnes dans le foyer.

Cette contribution exceptionnelle, c’est le gros sujet de ce projet de loi de finances. C’est un élément très neuf. L’assiette, je le dis très amicalement à Daniel Garrigue, est bien plus large que celle de l’impôt sur le revenu car elle inclura, au-delà des seuls revenus d’activité ou des seules retraites, toutes les catégories de revenus. Les personnes vraiment aisées, monsieur Garrigue – vous le savez bien car vous les avez citées –, ont pour revenus, certes une part de revenus d’activité, mais aussi des stock-options, des actions gratuites…

M. Christian Eckert. Eh oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …des dividendes, des plus-values mobilières ou immobilières…

M. Henri Emmanuelli. Des loyers !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans le revenu fiscal de référence qui est notre assiette de base, nous réintégrons tout cela. Pour la première fois, au lieu de taxer, comme le fait l’impôt sur le revenu, des revenus d’activité ou des pensions seulement, nous taxons l’ensemble des sources de profit du ménage. C’est plus juste ainsi car nous taxerons davantage les plus riches, alors qu’avec l’impôt sur le revenu nous taxons beaucoup plus les classes moyennes.

M. Eckert et M. Muet ne seront pas privés de leur débat. Nous avons fait le choix de cette contribution exceptionnelle qui a pour cible les très hauts revenus dans toutes leurs composantes. Les revenus des très grands patrons ne sont pas du salaire…

M. Henri Emmanuelli. Certains en ont quand même de beaux ! M. Mariani a touché 1,2 million d’euros…

M. le président. Vous aurez la parole tout à l’heure, monsieur Emmanuelli !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et combien perçoit-il, monsieur Emmanuelli, d’actions gratuites, de stock-options, de plus-values sur la vente de titres ?

Notre taxe est plus juste, si notre objectif, monsieur Garrigue, est bien le même, à savoir taxer les très hauts revenus et non taxer davantage les classes moyennes supérieures.

Nous avons eu un long débat avec les membres de la majorité parlementaire, UMP et Nouveau Centre, qui ont considéré que le seuil d’entrée était trop élevé et en ont donc proposé un nouveau, à 250 000 euros par part. De même, ils ont suggéré – c’est l’amendement du Nouveau Centre qui sera présenté et auquel le rapporteur général a déjà dit que la commission des finances y était favorable ; le Gouvernement l’est aussi – que cette taxe ait une durée plus longue. Elle devait ne durer que jusqu’au retour à 3 % de déficit, c’est-à-dire jusqu’à 2013 ; elle durera jusqu’au retour complet à l’équilibre du budget de la France, objectif qui nous tient tous à cœur. Nous augmentons en outre le taux de cette taxe : les députés ont décidé qu’il y aurait deux tranches, une tranche de 3 % jusqu’à 500 000 euros et une tranche de 4 % au-delà.

Puisque la comparaison avec l’Allemagne vous tient à cœur, je tiens à le dire très solennellement : après le vote de ce dispositif, les ménages les plus aisés en Allemagne seront moins taxés que les ménages les plus aisés en France.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas exact !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous explique pourquoi, monsieur Méhaignerie. La fiscalité des revenus du patrimoine est taxée en Allemagne à 26,6 %. Nos revenus du patrimoine, dividendes, produits d’action et autres – je sais, monsieur Méhaignerie, que vous avez à cœur de rapprocher la fiscalité du patrimoine de celle du travail, et c’est le cas aussi de l’opposition –, sont désormais à 32,5 % plus 3 %, soit 35 %, pour un ménage qui perçoit entre 250 000 et 500 000 euros par part, ou plus 4 %, soit 36 %, pour un ménage qui perçoit plus de 500 000 euros par part. Cela signifie que les revenus du patrimoine les plus élevés seront taxés dix points au-dessus de l’Allemagne.

En revanche, en ce qui concerne les classes moyennes, notre impôt sur le revenu est plus favorable qu’en Allemagne, il rapporte moins, parce que nous avons quelque chose qui s’appelle la politique familiale et que le quotient familial vient réduire l’impôt. Cela fait partie du pacte national français, et je ne souhaite remettre en cause ni le quotient familial ni notre politique familiale pour les classes moyennes.

M. Camille de Rocca Serra. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je conclurai en rappelant à l’opposition tout ce que nous avons fait pour taxer les plus hauts revenus. Car nous avons fait énormément.

M. Henri Emmanuelli. Oui, vous avez fait énormément pour les plus riches !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons porté la dernière tranche de l’impôt sur le revenu de 40 à 41 %, nous avons porté les taux de prélèvement libératoire sur les revenus du patrimoine à 19 %, nous avons augmenté les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, de 12,3 à 13,5 %, nous avons augmenté les plus-values immobilières sur les cessions des résidences secondaires, et nous créons aujourd’hui cette contribution exceptionnelle. Quand on est riche, on a plus de patrimoine, plus d’immobilier, plus de revenus. Eh bien, nous aurons augmenté trois fois les taxes…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Vous avez reculé sur les mollusques !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je comprends que cela vous dérange, monsieur Cahuzac !

Enfin, c’est une autre différence avec l’Allemagne : nous avons encore un impôt sur la fortune, qui rapporte 1,9 milliard par an. Nous sommes le seul pays d’Europe à avoir conservé cet impôt. La réforme de l’ISF, contrairement à ce que ne cesse de répéter l’opposition, est, en vitesse de croisière, autofinancée…

M. Henri Emmanuelli. Non !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …puisque ce sont les plus hauts patrimoines qui payent pour la tranche supprimée.

M. Michel Vergnier. Vous ne manquez pas d’air !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Au total, réforme de l’ISF incluse, les prélèvements sur les ménages aux revenus les plus élevés auront augmenté de 1,9 milliard d’euros en deux ans. Je crois que cela correspond à peu près à ce que l’opposition souhaitait. Je vous demande donc de voter cette contribution exceptionnelle de solidarité.

M. Olivier Carré. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Madame la ministre, pour quelqu’un qui n’est pas un initié de l’obscurantisme, ce débat est difficile à suivre ! Je veux bien que vous nous fassiez un numéro toute la soirée sur le thème de l’équité, « On va taxer les riches ! », avec 3 % de surtaxe. Vous avez juste oublié un petit détail, c’est qu’au mois de juin, vous avez sorti de l’ISF la moitié de ses redevables et que cela a coûté 1,8 milliard d’euros à l’État !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous l’avons compensé, vous le savez bien !

M. Henri Emmanuelli. Autant de gagné pour ces contribuables. Tout ce cirque, ce soir, c’est pour nous expliquer qu’on leur reprend 400 millions ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est ça, la vérité !

M. Richard Mallié. Malhonnête !

M. Henri Emmanuelli. Et tout le monde le sait !

M. le rapporteur général a l’air de se faire du souci sur la distinction entre l’imposition du travail et celle du patrimoine. Il y a un moyen simple de régler ces questions : c’est de supprimer les taxations forfaitaires. Vous verrez que tout rentrera dans l’ordre !

Nous avons donc 1,8 milliard d’un côté et 400 millions de l’autre, et je pense même que cela ne concerne pas les mêmes personnes : les tranches supérieures vont y gagner encore un peu au passage ! Passons : il ne faudrait pas embrouiller le débat davantage.

Vous vous gargarisez, les uns et les autres, sur votre bonne gestion. Parlons-en, 100 000 suppressions d’emplois dans la fonction publique, 100 000 chômeurs de plus, pour 500 millions d’euros !

M. Olivier Carré. 100 000 chômeurs ?

M. Henri Emmanuelli. Ces emplois ne sont pas recréés ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Christian Jacob. Ce ne sont pas des chômeurs ! La mauvaise foi a des limites !

M. le président. Nous écoutons M. Emmanuelli, mes chers collègues ! Il va d’ailleurs conclure.

M. Henri Emmanuelli. La même année, en expliquant que cela créerait 70 000 emplois, le taux de TVA dans la restauration vous a coûté 3,5 milliards d’euros : 70 000 d’un côté, 100 000 de l’autre, 500 millions d’euros, 3,5 milliards d’euros. On ne peut pas dire que vous sachiez compter ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Gaël Yanno. Vous n’avez rien compris !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mme la ministre l’a évoqué, nous avons eu une très longue discussion avec elle et le Premier ministre. Ceux qui étaient initialement partisans d’une tranche supplémentaire ont obtenu – c’est l’amendement dont nous discutons – un accord qui est beaucoup plus proche de cette tranche supplémentaire et qui représente une contribution bien plus importante pour les ménages aisés qu’initialement prévu.

M. Christian Eckert. Vous vous couchez !

M. Charles de Courson. Les 25 000 à 27 000 foyers concernés payent actuellement moins de 3 milliards d’impôt sur le revenu, sur les 58 milliards de l’estimation de l’impôt en 2012.

M. Henri Emmanuelli. C’est ça : embrouillez, embrouillez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est très clair !

M. Charles de Courson. Si nous votons cet amendement, ils payeront 420 millions en plus. C’est une augmentation de 15 % de leur impôt.

M. Henri Emmanuelli. Ils ont gagné 1,8 milliard en juin !

M. Charles de Courson. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, quand nos homologues allemands ont adopté leur plan de redressement, ils ont créé une cotisation de solidarité de 5,5 % pour tous les contribuables. Là, nous sommes à 15 % d’augmentation. On ne peut donc pas dire que l’amendement n’a aucune portée ! Il a au contraire une portée tout à fait considérable : 15 % ! Vous-mêmes n’auriez pas osé le faire ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Vous prenez un luxe de précautions et beaucoup de temps pour discuter de 400 millions d’euros qui concerneront, si j’en crois les chiffres du rapporteur général, entre 7 000 et 25 000 contribuables. Or, il y a quelques semaines, quand il s’est agi de prélever plus d’un milliard d’euros sur les mutuelles, qui touchent plusieurs millions de Français, c’est passé en quelques minutes, sans amendement, sans débat dans la majorité !

Tout le monde sait très bien qu’il va falloir faire un effort pour résorber le déficit que vous avez creusé – car vous le savez, mes chers collègues, la crise n’en est pas la principale cause : ce sont vos dépenses ! Vous dites maîtriser les dépenses, mais il y en a une que vous avez fait exploser, c’est la dépense fiscale. M. le rapporteur général le sait très bien puisqu’il l’a reconnu publiquement à de multiples reprises, y compris dans la presse.

À défaut de la réforme fiscale d’ampleur et nécessaire qu’il faudra mener, vous jouez sur le taux et l’assiette en direction des plus gros contribuables. Puisque notre collègue de Courson a donné des chiffres – il s’est d’ailleurs trompé, l’augmentation sera inférieure à 15 % – voici le chiffrage précis s’agissant d’un célibataire. À ce propos je ne souscrits pas au raisonnement sur la famille que j’ai entendu : si avoir des enfants a beaucoup plus de valeur quand on est riche que quand on est pauvre, je n’appelle pas cela une politique familiale, mais une politique d’injustice sociale. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je prends le cas d’un célibataire qui gagnerait juste en dessous des 500 000 euros, c’est-à-dire tout de même plus de 40 000 euros par mois ! Je le rappelle parce qu’il faut que nos concitoyens comprennent bien de quoi il s’agit. J’ai calculé qu’avec votre amendement, vous allez lui demander un effort de 625 euros par mois ; il passera de 41 583 euros de revenu mensuel à 40 900 euros. Voilà la réalité de cet article et de l’amendement du rapporteur général. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le rapporteur général, si le revenu fiscal de référence a tant de vertus – je suis d’accord avec vous sur ce point –, pourquoi ne pas en faire la base d’une réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela irait dans le sens d’une vraie modernisation, de la simplicité et de la justice. Pourquoi ne pas choisir cette voie ?

Madame la ministre, vous dites à juste titre qu’une des caractéristiques de la France, c’est d’avoir une politique familiale, mais vous oubliez que dans ce domaine aussi, il y a des niches fiscales à propos desquelles M. Piron écrivait, il y a quelques semaines, qu’il vaudrait mieux passer les ciseaux que le rabot.

M. Michel Piron. Ou le rabot, mais jusqu’à l’os !

M. Daniel Garrigue. Si on créait une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu à partir de 100 000, 125 000 ou 150 000 euros, elle correspondrait en réalité à des revenus incomparablement supérieurs. Vous dites qu’une telle disposition toucherait les classes moyennes ; permettez-moi de vous répondre qu’elle toucherait un certain nombre de personnes qui ont des revenus particulièrement élevés.

S’agissant de cette taxation exceptionnelle sur les hauts revenus que vous proposez, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je vous fais observer que pour un taux de base de 3 %, le seuil sera certes de 250 000 euros pour les contribuables isolés, mais de 500 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune, et d’un million d’euros pour passer au taux de 4 %. Les seuils que vous avez retenus sont en réalité infiniment plus élevés pour la très grande majorité des contribuables concernés que ceux que vous mettez en avant. En plus, 400 millions d’euros, ce n’est pas à la hauteur des besoins ni à la hauteur d’un véritable esprit de justice. Ce n’est pas non plus à la hauteur des allégements considérables que le Gouvernement a consentis quand, après trois ans de débats, il a enfin fini par renoncer au bouclier fiscal.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, nous vivons un moment extraordinaire. Vous venez de confirmer – peut-être venez-vous aussi de le découvrir ? – que l’assiette de l’impôt sur le revenu n’est pas la bonne base à choisir pour fixer l’impôt. En effet, selon votre argumentation, pour être plus juste, il faut prendre le revenu fiscal de référence. Pourquoi ? Parce que, comme Henri Emmanuelli l’a rappelé, dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ne sont pas inclus les revenus soumis aux prélèvements joliment dits libératoires. Il faut débarrasser notre fiscalité de ces prélèvements libératoires pour constituer une assiette de l’impôt sur le revenu qui se rapprocherait alors du revenu fiscal de référence. C’est la réforme qu’il faudrait faire. C’est notre réforme.

Nous, nous sommes cohérents : nous choisissons l’option de l’impôt sur le revenu, d’autant qu’en plus, il est progressif. Nous défendrons des amendements qui proposent de supprimer les prélèvements libératoires de façon à constituer une assiette large et commune à l’ensemble des revenus, et d’appliquer à ceux-ci un taux d’impôt progressif. Par votre argumentation, vous venez de nous donner raison. Mettez donc vos actes en accord avec votre raisonnement, et suivez-nous : abandonnons cette taxe et préférons lui une tranche supplémentaire à l’impôt sur le revenu, après avoir au préalable, bien sûr, supprimé les prélèvements libératoires.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Dans les débats sur un projet de loi de finances, on est souvent noyés sous l’expertise de spécialistes qui nous empêche de comprendre de quoi il s’agit. Je n’ai pas la prétention d’être un expert. Au passage, madame la ministre, j’aurais pu me prénommer Bernard, mais mon prénom c’est François.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Bernard Brunhes ! (Sourires.)

M. François Brottes. C’est une bonne référence. Paix à son âme. J’ai appris à l’école de M. Jacob qu’il faut prendre des images simples pour expliquer de quoi on parle. Ainsi, si j’ai bien compris, un ménage percevant 510 000 euros contribuera à hauteur de 300 euros – une fortune pour lui, bien évidemment… Transposée à quelqu’un qui touche le SMIC, une telle mesure représente un paquet de cigarettes par an, soit un effort vraiment colossal. Mon image n’est pas très positive en termes de santé publique, mais elle donne l’idée de l’importance de la mesure.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. François Brottes. Si, madame la ministre, et je crois me souvenir que vous avez augmenté de 6 % les paquets de cigarettes il y a peu : vous avez donc demandé à ceux qui sont au SMIC une contribution de six paquets de cigarettes par an, c’est-à-dire six fois plus que ce que vous demandez aujourd’hui aux riches. Vérifiez les chiffres : ils sont exacts. Mon image donne l’idée du sacrifice insupportable que vous demandez à ceux qui ont beaucoup d’argent ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est tordu ! Il se fait des noeuds dans le cerveau !

M. Christian Jacob. Vous avez un peu fumé la moquette, monsieur Brottes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. M. Emmanuelli a raison de comparer les 1,8 milliard que coûte la suppression de l’ISF avec les 400 millions que rapporterait cette mesure, mais je veux pour ma part m’intéresser à la logique de votre réforme. Nous savons bien que notre fiscalité a des assiettes totalement mitées qui font que l’impôt n’est pas progressif. Notre fiscalité est également compliquée parce que la CSG a une base individualisée alors que l’impôt sur le revenu est familialisé, avec des concepts hérités du début du vingtième siècle – je pense au quotient familial alors que d’autres pays montrent que l’on peut familialiser autrement et conjugaliser.

Et voici que vous inventez un nouvel impôt sur le revenu, à caractère transitoire, qui aura deux tranches et qui s’appliquera sur une base large, donc un troisième impôt sur le revenu. Nous, nous affirmons que dans une situation de crise, ce serait l’occasion de faire une réforme majeure pour trouver des recettes. On sait très bien que la meilleure façon d’en trouver sans peser sur la croissance, c’est de supprimer des niches fiscales inefficaces ou injustes. Il y aurait de quoi faire en ce domaine. De surcroît, une telle réforme assainirait et simplifierait l’impôt. Il faut reconstruire un impôt sur le revenu qui ait un sens et pas en inventer un nouveau, ce petit impôt qui va perdurer quelques années. On a besoin d’une vraie réforme basée sur la suppression d’un certain nombre de niches fiscales et des prélèvements forfaitaires, pour que tous les revenus passent au barème de l’impôt sur le revenu, y compris les plus-values. Je me souviens du débat que nous avons eu au début du mois de septembre sur la question des plus-values, et je rappelle que vous avez remplacé par un forfait ce qui était auparavant au barème, avec tous les problèmes que cela pose.

En outre, la réforme souhaitable augmenterait la progressivité de l’impôt sur le revenu – porter le taux maximal à 45 % est une façon de le faire.

Vous allez me dire, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, qu’il faut beaucoup de courage pour mener à bien une telle réforme. Il en faut peut-être beaucoup, mais la France a besoin de cette réforme. Et je peux vous affirmer que nous la ferons.

M. Christian Eckert. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Chers collègues, en France, reconnaissons-le, la correction des inégalités s’effectue essentiellement par les prestations sociales. Il y a vingt-quatre prestations sociales entre la naissance et la mort. Si bien que dans le classement des vingt-sept pays de l’Union européenne en termes de lutte contre la pauvreté, la France se situe honorablement, au quatrième ou au cinquième rang. Dans une étude faite par l’INSEE il y a dix-huit mois, il apparaissait qu’au cours des quinze années précédentes, il n’y avait pas eu d’évolution entre le quintile le plus bas et le quintile le plus élevé, entre les 20 % les moins aisés et les 20 % les plus aisés, le rapport était toujours de 3,4, et ce du fait de deux mouvements : la forte montée des prestations sociales en France, beaucoup plus que dans n’importe quel autre pays européen,…

M. Henri Emmanuelli. C’est faux ! Vous oubliez l’Europe du Nord.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …et, pour le dernier quintile, la forte baisse de l’impôt sur le revenu additionnée aux niches fiscales.

Le même rapport montrait en revanche que, dans la société française, les frustrations s’établissaient surtout au niveau du troisième quintile de revenus. Celui-ci ne perçoit pas les prestations du premier quintile et il s’estime lésé, d’autant plus que le 1 % le plus aisé a pris l’ascenseur au cours de ces dernières années.

M. Jean-Claude Sandrier. Voilà !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est dans cette perspective qu’il y a deux ans, madame la ministre, j’avais déposé un amendement prévoyant un taux de 45 % pour une tranche à partir de 150 000 euros,…

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …à la lumière de deux faits : premièrement, nous avons l’un des impôts sur le revenu les plus faibles d’Europe,…

M. Michel Bouvard. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …même en y intégrant la CSG alors que, c’est le paradoxe, nous avons les dépenses sociales les plus élevées ; deuxièmement, notre système fiscal est perçu comme inégalitaire par nos concitoyens.

Je reconnais parfaitement les efforts du Gouvernement au cours des dernières semaines, et Gilles Carrez les a rappelés. Mais je reste persuadé, dans une période où nous ne pourrons plus faire progresser les dépenses sociales sans risque de peser sur le travail, que la voie française, qui permettra de concilier la réduction de la dette avec l’exigence de maintien ou de restauration de notre compétitivité, passe par l’impôt sur le revenu. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je reste attaché à la nécessité d’un effort qui passe par l’impôt sur le revenu dans la société française. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, puis nous passons aux votes.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Tout d’abord, s’agissant de la réserve demandée sur l’article 2, je comprends que l’opposition s’en agace, mais elle est de droit ; elle a été utilisée par tous les gouvernements soit pour des raisons d’emploi du temps, soit pour des raisons tactiques. On peut la regretter quand il s’agit d’habileté tactique, mais tout le monde s’y est livré un jour ou l’autre – ou s’y livrera, on peut l’espérer. (Sourires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il ne me semble donc pas que le débat soit majeur.

Deuxièmement, s’il y a un peu d’agacement de part et d’autre, c’est parce que chacun sent que les débats progressent dans cette assemblée. Souvenons-nous, le président Méhaignerie vient d’y faire référence, de ce qui était affirmé d’un côté et de l’autre il y a encore quelques années, je pense notamment à la fin de l’année 2007 et à l’année 2008. Il est maintenant acquis qu’au-delà d’un certain niveau de revenus annuels, ces revenus proviennent du capital et évidemment pas du travail.

Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, qu’il a fallu quatre ans pour que vous en preniez conscience et pour que vous renonciez au bouclier fiscal. Nous le savons désormais, celui-ci n’a jamais protégé les revenus du travail et il a toujours protégé les revenus du capital, contrairement à ce que beaucoup d’entre vous avaient espéré (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) D’autres n’avaient pas adhéré à cette façon de voir les choses, et savaient qu’il s’agissait de revenus du capital. De ce point de vue, les choses progressent ; nous n’y reviendrons plus et ce n’est pas plus mal.

Troisième remarque : madame la ministre, c’est avec plaisir que je vous ai entendue vous réjouir du maintien de l’ISF. Je constate que, là encore, les choses progressent. Ce côté-ci de l’hémicycle n’aurait peut-être pas modifié l’ISF comme vous l’avez fait, mais une grande partie de vos amis aurait souhaité voir cet impôt disparaître. Nous savons que la réforme récente ancre l’ISF dans notre droit fiscal. Là encore, les positions qui étaient radicalement opposées semblent converger, sans être identiques, loin s’en faut.

Autre position qui traduit une certaine convergence à défaut d’une identité de vue : vous avez annoncé toutes les augmentations d’impôts auxquelles vous avez procédé – hausse du taux marginal, mesures concernant les plus-values de cessions immobilières – quand hier ou avant-hier encore, ce Gouvernement disait qu’il ne les augmenterait pas. De fait, ils ont augmenté. Au demeurant, l’augmentation très sensible des prélèvements obligatoires ne fait que traduire celle des impôts que vous proposez à votre majorité et que celle-ci finit par voter.

Enfin, en ce qui concerne le débat sur le revenu fiscal de référence et l’impôt sur le revenu, Daniel Garrigue a tenu des propos qui sont quand même frappés au coin du bon sens, rejoint en cela par Pierre Méhaignerie. Reconnaissons-le.

Vous pouvez vous réjouir d’une taxation supplémentaire de 3 % à 4 % des revenus au-delà de 250 000 euros l’an par part fiscale. Mais si on fait le calcul, tout cela ne nous amène pas au taux marginal d’impôt sur le revenu auquel devraient normalement être taxés de tels revenus.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Non, madame la ministre, et je vais vous le démontrer.

Prenez une plus-value de cession de valeurs mobilières. Elle est frappée par le prélèvement forfaitaire libératoire, les prélèvements sociaux, la CSG et la CRDS, ce qui nous amène à un taux de 32,5 %.

M. Charles de Courson. Plus 4 % !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. En rajoutant 3 % ou 4 %, vous n’atteignez pas le taux marginal de l’impôt sur le revenu si cet impôt avait l’assiette qu’il devrait avoir.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes à dix points au-dessus de l’Allemagne !

M. Henri Emmanuelli. En Allemagne, le rendement est deux fois plus élevé que chez nous !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. C’est extrêmement rassurant pour les autorités de ce pays qui savent qu’il y a encore un peu de marge pour trouver des ressources qui seront nécessaires à la restauration des finances de notre État.

Mais ne prétendez pas être arrivés au summum de la justice fiscale, dans la mesure où cet exemple de plus-values de cessions mobilières montre qu’avec des revenus de 250 000 euros par part fiscale l’an, ce foyer-là n’est toujours pas imposé au taux marginal de l’impôt sur le revenu.

Que faut-il gagner pour atteindre le taux marginal ? Il me semble que d’autres pays ont répondu de manière plus flagrante même si le rapporteur général a raison de souligner que nous divergeons de l’Allemagne, où les revenus du capital sont désormais beaucoup moins imposés qu’ils ne le sont en France. Après tout, c’est de votre côté de l’hémicycle et même de la présidence de la République qu’a été lancé le grand débat sur la convergence fiscale avec l’Allemagne. Je constate qu’avec ce projet de budget, madame la ministre, vous vous en écartez.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

(Le sous-amendement n° 408 n'est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 42 rectifié et 94 rectifié sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 254, 256, 80, 86, 257, 246, 27, 81, 140, 28, 82, 141 et 212 tombent.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier pour défendre l’amendement n° 248.

M. Jean-Claude Sandrier. Le présent amendement poursuit trois objectifs.

Premièrement, il tend à abaisser le seuil d’imposition à la contribution sur les hauts revenus à 250 000 euros par foyer fiscal.

Deuxièmement, il tend à rendre effective cette taxation dès l’année où le foyer dépasse le seuil de 250 000 euros. En effet, les alinéas 6, 7 et 14 de l’article 3 visent à sortir de cette taxation les foyers dont la moyenne des revenus de l’année fiscale d’imposition et des deux années précédentes est inférieure aux seuils qui font débuter la contribution exceptionnelle.

En vertu de l’article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que « l’impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », rien ne justifie cette exonération.

Enfin, rien ne justifie que les très hauts revenus ne contribuent que pendant deux ans au redressement des finances publiques de notre pays. Nous proposons donc de rendre permanente cette contribution, d’autant plus que la réforme de l’ISF a fait cadeau de 1,8 milliard d’euros à ces contribuables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable. L’objectif du Gouvernement et de la commission est de ne pas surimposer un ménage à un moment où il fait une plus-value radicalement exceptionnelle. C’est le cas d’une personne exerçant une profession libérale qui vendrait son fonds de commerce ou sa clientèle une année donnée.

M. Henri Emmanuelli. Au hasard !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il faut qu’elle puisse étaler ces plus-values exceptionnelles.

(L'amendement n° 248 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 304 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le sujet de cet amendement est un peu complexe et je vais essayer de l’expliquer le plus simplement possible.

À partir du moment où l’on prend en compte le revenu fiscal de référence dans l’assiette de l’impôt, cela signifie que l’on y intègre notamment les plus-values. Or, un commerçant qui vend son fonds de commerce, par exemple, va faire cette année-là une plus-value très importante. Mais il ne vend pas tous les ans son fonds de commerce. Il faut imaginer un dispositif de lissage qui permette d’étaler sur plusieurs années le surplus exceptionnel de recette qu’il a réalisé à l’occasion de la vente de son fonds de commerce.

Souvenez-vous, il y a quelques années, nous avions eu à traiter de ce sujet à propos de l’imposition sur le revenu des médaillés olympiques. M. Lamour s’en souvient.

M. Jean-François Lamour. C’est exact !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le médaillé d’or touche 100 000 euros et nous avions adopté une mesure – sur proposition de M. Bouvard – qui permettait un étalement sur quatre ans.

Le dispositif prévu dans le texte du Gouvernement avait un grand mérite que je reconnais : sa simplicité. Pour être éligible à la contribution exceptionnelle, un célibataire devait avoir perçu au moins trois ans de suite 500 000 euros, devenus 250 000 euros. Mais cette mesure faisait disparaître beaucoup de contribuables.

Nous avons cherché un système un peu plus ample et qui limite les effets de seuil. Nous nous sommes inspirés d’un système que l’on connaît bien : le quotient.

Le quotient fonctionne de la façon suivante. Imaginons qu’en 2011 – première année d’application de la contribution – un contribuable touche un revenu de 600 000 euros, après avoir gagné 200 000 euros en 2009 et en 2010. On prend la moyenne de 2009 et 2010, soit 400 000 euros divisés par deux, ce qui fait 200 000 euros. On compare son revenu exceptionnel de 600 000 euros en 2011 à cette moyenne. On calcule la différence – 400 000 euros – et on divise cette somme par deux, la période de lissage étant de deux ans, ce qui donne 200 000 euros. On rajoute 200 000 euros à la moyenne des deux années 2009 et 2010 et on regarde si ça dépasse les 250 000 euros. Si c’est le cas, le contribuable doit payer la taxe de 3 % sur la différence.

C’est ce système de quotient que la commission des finances a adopté. Il paraît simple et surtout, il a le mérite…

M. Henri Emmanuelli et M. Christian Eckert. C’est vachement simple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour l’agrégé de mathématiques que vous êtes, monsieur Eckert, c’est très simple !

M. Henri Emmanuelli. Une usine à gaz !

M. Christian Eckert. Combien y en a-t-il qui suivent ici ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce système qui fonctionne pour le barème de l’impôt sur le revenu vous est proposé par cet amendement. Je le répète : il a l’avantage de ne pas faire entrer dans la contribution des contribuables qui ont certes un revenu exceptionnel mais qui n’est pas tellement différent de ce qu’ils avaient les années précédentes et, en revanche, de prendre en compte ceux qui dépassent sensiblement le seuil des 250 000 euros sur trois ans.

Pour être complet, je signale que l’amendement doit être légèrement modifié. La rédaction est limpide, mais il faut la rendre encore plus claire et ajouter le mot « supplémentaire » dans la dernière phrase du premier paragraphe, ce qui donne : « La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux. »

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable. Cela me paraît vraiment juste, comme je l’ai expliqué lors de la discussion sur l’amendement précédent.

M. le président. Chacun a bien compris que l’amendement n° 304 rectifié faisait l’objet d’une deuxième rectification à la fin du deuxième aliéna : « La cotisation supplémentaire ainsi obtenue est alors multipliée par deux. » Cela a bien été enregistré et corrigé.

Par ailleurs, je suis saisi d’un sous-amendement n° 415 qui vous est actuellement distribué et qui s’insérera également après l’alinéa 2.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Tout d’abord, je prie l’assemblée de m’excuser. Idéalement, ce sous-amendement aurait dû être placé après l’amendement n° 42, mais apparemment il s’était perdu en route, et j’ai réussi à le positionner à cet endroit de notre débat.

Quel est le sujet ? Nous sommes attachés à la prise en compte de la famille dans le calcul de l’impôt. C’est un principe de base rappelé par la ministre tout à l’heure, ce dont je me réjouis.

Pour le plus grand nombre de contribuables susceptibles d’être soumis à ce nouvel impôt, nous sommes dans une situation où le quotient familial dans le calcul de l’impôt sur le revenu est déjà saturé. Cela peut ne pas être le cas de tous les contribuables.

M. le rapporteur général avait eu l’occasion de préciser les choses, disant d’ailleurs son intérêt pour la démarche en commission, dans le cas de familles très nombreuses mais que la loi se doit de ne pas oublier. Madame la ministre, il peut y avoir des familles de quatorze enfants.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ah non ! (Sourires)

M. Hervé Mariton. Madame la ministre, ce n’est pas interdit par la loi, à ma connaissance.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quand on aime, on ne compte pas !

M. Hervé Mariton. Quand on aime, on ne compte pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’aimerais aller au bout de ma démonstration qui saura vous convaincre.

Par conséquent, la loi doit anticiper toutes les situations. Je me permets d’ajouter que si, par malheur, il venait à l’idée de notre majorité, ou d’autres majorités, de diminuer le plancher de cet impôt, il serait alors particulièrement maladroit de ne pas envisager le raisonnement que je vous présente.

Avec le plancher que vous aviez proposé au départ, madame la ministre, on se situait au-delà et la question ne se posait guère en réalité, même si elle avait un intérêt dans le principe. Quand on diminue le plancher à 250 000 euros la question se pose à quatorze enfants. Si d’aventure ce plancher était réduit, la question se poserait pour un nombre plus faible d’enfants.

Même si la situation que j’évoque est sans doute exceptionnelle – mais elle ne serait pas anormale pour autant –, prévoyons clairement que le quotient familial doit pouvoir fonctionner jusqu’à épuisement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Mariton poursuit sa défense et illustration des familles. Elle est légitime et sa ténacité est parfois récompensée. En juin dernier, souvenez-vous, nous avons doublé l’abattement au titre de l’ISF et sommes passés de 150 à 300 euros. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Il n’avait pas été actualisé depuis plus de vingt ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour le calcul de l’impôt sur le revenu, nous avons le quotient familial, c’est-à-dire qu’un contribuable peut diviser son revenu imposable par un nombre de parts correspondant au nombre de ses enfants. Depuis 1982, il est plafonné, et le plafond est fixé en valeur absolue. Aujourd’hui, c’est un peu moins de 2 400 euros.

M. Mariton nous explique que certains contribuables peuvent ne pas saturer leurs droits à réduction d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu et qu’ils doivent pouvoir utiliser le reliquat au titre de cette contribution exceptionnelle.

M. Hervé Mariton. C’est évident !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai fait le calcul, parce que nous avons eu ce débat en commission des finances, débat qui est, je le répète, tout à fait légitime. Le problème ne se pose aujourd’hui qu’à partir de quatorze enfants.

M. Hervé Mariton. À ce niveau d’impôt !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce qui est important, c’est d’avoir ce débat ce soir pour bien montrer que nous avons le souci de prendre en compte les familles et de prendre rendez-vous pour l’avenir. Si cette contribution devait toucher des revenus plus bas, il faudrait prendre en compte le reliquat de quotient familial mais au niveau actuel, cela ne me paraît pas utile.

Bref, sur le principe, monsieur Mariton, vous avez raison mais, à ce stade, je suis plutôt enclin à donner un avis défavorable à votre sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je me rangerai à l’avis du rapporteur général, bien que je sois très attachée, je viens de le répéter, à la familialisation de l’impôt. À ces niveaux de revenu, je pense que l’on peut considérer que, si l’on fait le quatorzième, c’est qu’on l’a vraiment voulu. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, nous vivons une époque formidable. Vous venez de proclamer votre attachement à la familialisation de l’impôt, à ceci près que la taxe que vous venez de créer n’est pas familialisée, elle est conjugalisée. Vous venez d’inventer un machin qui n’est évidemment pas l’impôt sur le revenu puisque vous avez changé l’assiette. C’est quelque chose de totalement nouveau puisque c’est maintenant conjugal. C’est une nouvelle notion dans notre droit fiscal.

Vous venez de nous expliquer que c’était extrêmement simple, monsieur le rapporteur général. Or non seulement vous avez un problème d’annualisation en cas de revenu exceptionnel, mais certains d’entre vous ont en outre des états d’âme en pensant que, lorsqu’il y a des enfants, on pourrait ne pas avoir bénéficié de la totalité du fruit du quotient familial.

Mes chers collègues, vous qui votez des textes sur la simplification du droit, je pense que ceux qui nous observent et même d’ailleurs un certain nombre d’entre nous ne comprennent plus rien à ce que vous mettez en place. Vous venez de changer totalement d’assiette et de méthode. Vous ne familialisez plus, vous conjugalisez et vous lissez sur trois ans quand il y a des revenus exceptionnels. Excusez-moi, mais cela devient du grand guignol !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je serai bref mais mon intervention ira dans le même sens.

Je disais tout à l’heure que vous étiez en train de créer transitoirement un troisième impôt sur le revenu. Nous avons la CSG, qui est individualisée, avec une base large ; l’impôt sur le revenu, avec une base extrêmement étroite, conjugalisé et familialisé ; et vous inventez un impôt transitoire, avec deux taux, qui est seulement conjugalisé et non familialisé, d’où l’intervention de M. Mariton, que tout le monde pouvait attendre, parce que je connais son attachement à la familialisation de l’impôt. Vous êtes en train de construire une usine à gaz là où nous avons déjà un impôt sur le revenu totalement aberrant.

Il est temps de simplifier les choses, d’instaurer un impôt que tout le monde comprenne, avec une base large, familialisé d’une façon ou d’une autre, par des crédits d’impôt ou un quotient conjugal. Nous avons besoin en tout cas d’une vraie réforme fiscale. Ce que proposaient les amendements retirés par le Nouveau Centre et ce que nous proposons, la création d’une tranche supplémentaire et la suppression des prélèvements forfaitaires et des niches, c’est la vraie première marche d’une réforme de l’impôt sur le revenu, qui est vraiment nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Pour vous, monsieur Muet, c’est un crédit d’impôt ou le quotient conjugal. Vous venez de nous confirmer de manière très explicite, ce qui a le mérite d’être très clair, que le parti socialiste est contre le quotient familial. Les mots ont un sens et vous êtes compétent à cet égard : vous avez choisi de ne pas parler de quotient familial. J’ai eu l’autre jour un débat avec M. Gille, spécialiste des questions de famille au groupe socialiste. Vous êtes pour la suppression du quotient familial, il faut que les Français le sachent. C’est la raison pour laquelle ce débat a sa raison d’être.

Le Gouvernement, madame la ministre, avait au départ, une meilleure idée que ce que vous proposez aujourd’hui. Dans votre première version, cet impôt exceptionnel était non seulement conjugalisé, ce que le PS admettrait du bout des lèvres pour l’impôt sur le revenu, mais même familialisé puisqu’il tenait compte du nombre d’enfants.

Ma proposition est beaucoup plus modeste puisque j’explique simplement qu’il faut assumer jusqu’au bout le quotient familial tel qu’il existe. Je crois vraiment que, sur le fond, j’ai raison.

On peut m’objecter que ce que je propose n’est pas assez simple. Il est plus simple, en effet, de ne pas tenir compte du nombre d’enfants. C’est un débat que nous pouvons avoir souvent. Je veux le dire aussi aux socialistes, qui veulent un impôt sur le revenu extrêmement simple, au mieux conjugalisé, et, éventuellement, un simple crédit d’impôt : vous nous proposez une réforme simple mais il y a un certain nombre de gros enjeux pour notre pays et, parfois, il est plus important d’avoir une réforme juste qu’une réforme simple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(Le sous-amendement n° 415 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 304 deuxième rectification est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 406, 60 rectifié, 407, 307, 306 rectifié, 305 et 308 tombent.

L’amendement n° 303 du rapporteur est un amendement de précision.

(L’amendement n° 303, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 250.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement poursuit le même objectif que notre amendement précédent, à savoir rendre effective cette taxation dès l’année où le seuil est dépassé au lieu de faire une moyenne sur trois ans. C’est une question de justice fiscale et sociale.

Il n’est pas normal que les plus démunis subissent votre politique de classe qui a mis notre pays dans la situation financière que nous connaissons. Il y a de plus en plus de riches dans notre pays. Nous avons appris ce matin que la France comptait plus de millionnaires que n’importe quel autre pays européen, ce qui montre qu’ils ne se portent pas si mal chez nous. Il est temps que les hauts revenus participent à hauteur de leurs facultés.

(L’amendement n° 250, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 87.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 87, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 251.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. La contribution dont nous parlons est dite exceptionnelle, ce qui signifie qu’elle est limitée dans le temps, normalement à deux ans. Elle sera donc supprimée dès 2013 si aucun changement n’intervient. La réforme de l’ISF prive chaque année l’État de 1,8 milliard d’euros de ressources, sans date de fin. Faites le calcul : les privilégiés sont gagnants et l’intérêt général est perdant.

Plus généralement, d’après un rapport de la Cour des comptes de juin 2011, le déficit budgétaire serait dû pour deux tiers à la politique que vous menez depuis 2007. En dix ans, la dette de la France est passée de 900 à 1 800 milliards. La situation économique de notre pays vous est donc directement imputable.

Madame la ministre, les finances publiques souffrent non pas d’un excès de dépenses mais d’un déficit de recettes. Il faut donc aller chercher l’argent là où il se trouve, à savoir chez les plus riches. Cet amendement va dans ce sens.

(L’amendement n° 251, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 213, 43 et 154, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n°s 43 et 154 sont identiques.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l’amendement n° 213.

M. Philippe Vigier. Nous avons eu un débat sur l’opportunité de créer une taxe exceptionnelle et nous avons expliqué dans quelles conditions, à savoir un taux de 3 % à partir de 250 000 euros et de 4 % à partir de 500 000 euros, nous apportions notre soutien au Gouvernement.

Il faut ensuite se demander, une fois qu’elle est créée, si elle a oui ou non un caractère pérenne. Je rappelle qu’il était prévu initialement une taxation sur deux années.

Ce n’est pas, comme j’ai pu le lire quelque part, un amendement « cosmétique », qui ne rapporte rien. Dans la copie initiale du Gouvernement, il était question de 210 millions d’euros, on arrive à 420 millions. Depuis trente ans, tous les budgets sont en déséquilibre. Ce que nous proposons donc maintenant, c’est la pérennisation de cette taxe, qui sera évidemment payée par ceux qui ont le plus, comme nous l’avons expliqué avec la notion de revenu fiscal de référence. J’ai été un peu surpris d’ailleurs que le président Cahuzac se soit montré plutôt favorable à l’idée qu’on continue de taxer plus les revenus du travail que ceux du patrimoine. Cela ne va pas dans le sens de ce que nous souhaitons.

Nous proposons donc, madame la ministre, de pérenniser la taxation jusqu’à ce que le solde des comptes des administrations publiques transmis à la Commission européenne avant le 1er avril de chaque année soit nul.

Ce n’est pas rien, monsieur Brottes : 400 millions d’euros sur 20 000 familles, cela fait 20 000 euros par famille en moyenne, ce qui fait tout de même 3 000 paquets de cigarettes par an.

C’est une inflexion majeure par rapport à tout ce qui avait été fait jusqu’à présent et ceux qui paieront sont ceux qui bénéficient des plus gros revenus.

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour défendre l’amendement n° 154.

M. Gérard Charasse. Notre amendement n° 159 à l’article 2 visait à instaurer une tranche supplémentaire dans le barème de l’impôt sur le revenu avec un taux plus élevé, pour permettre le rétablissement des finances publiques, introduire davantage de progressivité dans l’impôt et institutionnaliser cette tranche supplémentaire et ce nouveau taux supplémentaire.

La discussion de l’article 2 ayant été reportée après l’article 3, l’amendement n° 154 n’a pas plus de raison d’être et je le retire.

(L'amendement n° 154 est retiré.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43 et 213 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement n° 43 de la commission propose de maintenir la contribution exceptionnelle jusqu’à ce que l’équilibre des comptes soit atteint. Nous avons beaucoup discuté en commission sur cette notion d’équilibre, difficile à définir.

Je me rallie cependant bien volontiers à l’amendement que vient de présenter M. Vigier et je retire celui de la commission des finances.

(L’amendement n° 43 est retiré.)

M. Christian Jacob. J’espère, monsieur Vigier, que cela ne vous aura pas échappé ! (Sourires .)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 213 ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’amendement du Nouveau Centre auquel se sont ralliés M. Charasse et M. le rapporteur général est très important. Le Nouveau Centre, on le sait, nous a toujours incités à conduire une politique visant à ramener le budget de l’État à l’équilibre. Il est très important de le rappeler.

M. Philippe Vigier. C’est la règle d’or !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons une trajectoire de finances publiques qui, en 2013, nous conduit à revenir dans les clous des 3 % de déficit pour respecter les critères de Maastricht, mais cela ne sera pas suffisant. Compte tenu du niveau d’endettement de la France, nous devons désormais nous désendetter. Nous savons que le déficit stabilisant la dette se situe un peu au-dessus de 2,5 %, mais cela ne suffit pas. Pour réduire la dette, nous devons retourner à l’équilibre. En adoptant l’amendement du Nouveau Centre, qui prend en compte l’amendement Charasse, nous permettons d’inscrire la volonté de retour à l’équilibre dans la loi de finances. C’est un signe majeur et j’invite l’opposition à voter cet amendement avec nous.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la ministre, excusez-moi, mais prétendre qu’avec cet amendement, vous inscrirez la règle d’or dans la loi de finances, cela fait presque sourire. C’est faire preuve d’une incroyable naïveté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Un peu de modestie ne nuit pas !

M. Christian Eckert. Je veux d’abord faire remarquer à nos collègues, qui vont probablement triompher avec cet amendement auquel on essaie de donner une importance phénoménale, que le mot « pérenne » signifie durable. Or pour vous, cela ne vaut que jusqu’au retour de l’équilibre.

M. Philippe Vigier. Trente ans. Vous allez gouverner moins longtemps !

M. Richard Mallié. 255 milliards.

M. Christian Eckert. Cela dépend de qui sera aux manettes, nous en reparlerons.

Ensuite, j’ai à plusieurs reprises employé l’adjectif « cosmétique » pour qualifier cette proposition. Bien sûr, je ne dis pas que 400 millions, ce n’est rien, mais au regard du cadeau de 1,8 milliard au titre de l’ISF, ce n’est pas grand-chose. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. On vous a déjà répondu !

M. Christian Eckert. Sans parler du fait que, pour la deuxième année consécutive, vous avez ponctionné 1,2 milliard sur les mutuelles de santé.

M. le président. Merci.

M. Christian Eckert. J’assume donc le choix du mot « cosmétique ».

M. Philippe Vigier. C’est très désobligeant.

(L'amendement n° 213 est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous en revenons à l’article 2, précédemment réservé.

Article 2 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2, précédemment réservé.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. À l’occasion de la discussion sur l’article 2, je voudrais revenir sur ce qui, pour nous, est le fil conducteur de votre politique depuis quatre ans et demi, l’injustice fiscale. Il faut vous reconnaître une grande constance en la matière alors que, sur beaucoup de sujets, le Président de la République a pratiqué le zigzag au moins autant que le bling-bling.

M. Gaël Yanno. Un peu de respect.

M. François de Rugy. Vous avez fait des cadeaux à ceux qui n’en ont pas besoin, les plus aisés, les plus fortunés, ceux qui ont les plus gros patrimoines et les plus hauts revenus, et vous faites payer les classes moyennes et les revenus modestes par toute une série de petites recettes de poche, comme les hausses sur les mutuelles, la taxe sur les factures de téléphone, etc. Vous avez preuve d’une grande imagination dans ce domaine.

Pour résorber le déficit – nous ne contestons pas qu’il faille le faire et ensuite réduire la dette –, il faut répartir l’effort de façon juste et équitable.

L’impôt sur le revenu qui, heureusement, n’est pas la seule recette, est le symbole soit de la justice, soit de l’injustice fiscale. L’impôt sur le revenu, toutes les études l’ont montré depuis des années, a été mité, troué de part en part si l’on peut dire. En cause, une assiette de plus en plus étroite, des taux réduits pour les plus hautes tranches, et une multiplication des niches fiscales.

Au départ, les niches fiscales avaient été instaurées pour essayer de compenser l’effet des hautes tranches. En fait, on a réduit les plus hautes tranches tout en multipliant les niches fiscales dont profitent les plus fortunés, tout le monde le sait.

Nous souhaitons une réforme de grande ampleur. J’assume pleinement, monsieur Mariton, la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG, l’individualisation de l’impôt, le prélèvement à la source.

M. Hervé Mariton. Bref, vous voulez supprimer le quotient familial !

M. Jacques Myard. C’est ridicule.

M. Nicolas Perruchot. Les familles ont de quoi s’inquiéter.

M. Henri Emmanuelli. Pas les nôtres.

M. François de Rugy. Si on veut que l’impôt soit acceptable dans notre pays, il doit être juste et prélevé à la source. Dans nos amendements, nous proposerons des tranches plus progressives et plus justes.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous ne sommes pas fatigués, monsieur le président.

M. le président. Moi non plus.

M. Christian Eckert. Nous serons là jusqu’au bout, dans la joie et la bonne humeur, mais dans la fermeté.

Mon intervention décevra probablement M. Mariton. Le débat sur le quotient familial de l’impôt sur le revenu est un bon débat, mais difficile à mener. Pour ma part, j’ai encore besoin de travailler sur ce thème avec mes collègues.

M. Hervé Mariton. Hélas, d’autres ont tranché.

M. Henri Emmanuelli. Non, vous ne savez pas lire !

M. Nicolas Perruchot. Si, et cela vient encore d’être confirmé !

M. Christian Eckert. Laissez-nous parler, mes chers collègues. Parlez pour vous, mais ne pensez pas à notre place.

La réflexion que nous menons sur la familialisation, le quotient familial ou le crédit d’impôt est un débat très difficile d’un point de vue technique. Il nous faut encore affiner les choses. C’est notre problème, pas le vôtre. Assumez vos divergences.

M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas de divergences à ce sujet.

M. Christian Eckert. Pour ma part, je n’ai pas tranché la question car elle mérite un travail, des simulations et un certain nombre de calculs.

M. Hervé Mariton. Cela pourrait être limpide, biblique !

M. Henri Emmanuelli. Ce que nous proposons est plus juste.

M. Christian Eckert. D’autre part nos amendements doivent être considérés dans leur globalité. Si, à l’article 2, nous proposons la création d’une tranche d’impôt supplémentaire, je précise qu’elle ne s’appliquerait, dans notre esprit, qu’à condition d’adopter ultérieurement des amendements sur les prélèvements libératoires, que nous souhaitons supprimer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bonne nouvelle.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas un scoop, chers collègues. Cela fait des années que, dans chaque loi de finances, nous vous proposons de revenir sur les prélèvements libératoires. Certains y sont désormais convertis, mais pour notre part, nous sommes constants.

Nous voulons supprimer les prélèvements libératoires et globaliser l’assiette de l’impôt sur le revenu.

M. Hervé Mariton. En résumé, vous voulez augmenter les impôts.

M. Christian Eckert. Si vous l’aviez fait, cela vous aurait évité de construire une usine à gaz avec la nouvelle assiette « conjugalisée ». J’avoue qu’il reste pour nous un certain nombre de points d’interrogation – en tout cas, c’est mon cas – sur la notion de quotient familial, et notamment l’idée d’un crédit d’impôt.

M. Hervé Mariton. Quand il y a un bon dispositif, il ne faut pas s’interroger.

M. Jean-François Mancel. Oui, quel aveu !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. J’observe que vous ne vous interrogez pas lorsque vous créez un troisième impôt sur le revenu. Vous le conjugalisez, vous ne le familialisez pas. C’est très différent de notre impôt sur le revenu.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !

M. Pierre-Alain Muet. Il faut mener une vraie réflexion sur l’imposition du revenu. Nous sommes le seul pays qui après en avoir deux, en a désormais trois grâce à votre inventivité fiscale. Nous avons besoin de reconstituer ce qui existe à peu près dans tous les pays : un impôt sur le revenu qui représente 10 % du revenu. Lorsque l’on fait la somme de la CSG, de l’impôt sur le revenu et de ce petit impôt dérisoire que vous créez, on arrive à peu près à la même chose.

M. Hervé Mariton. Dans les autres pays, il n’y a pas le quotient familial.

M. Henri Emmanuelli. On le garde, on le met ailleurs.

M. Pierre-Alain Muet. Mais nous devrons nous interroger sur les trois formes de « conjugalisation » et de familialisation de l’impôt. Il faudra bien choisir.

Monsieur Mariton, ce que nous disons dans le projet socialiste, c’est que nous aurons un vrai débat sur ce sujet.

M. Hervé Mariton. On ne peut voter sur un débat, mais sur une politique !

M. Pierre-Alain Muet. Écoutez-moi, monsieur Mariton. Vous répondrez ensuite.

Nous disons seulement que nous avons besoin d’un vrai débat sur l’impôt sur le revenu.

M. Gérard Charasse. Sur la justice fiscale.

M. Pierre-Alain Muet. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’impôt sur le revenu a été créé en 1914, et qu’il a été un peu révisé en 1917. Il est donc très ancien. À cette époque, la conception de la famille n’était pas la même, les femmes n’avaient pas le droit de vote, etc. Une réflexion s’impose.

Depuis que l’on a plafonné le quotient familial et qu’on regarde par décile ce que donne l’aide familiale par enfant, le résultat est le même sur les neuf premiers déciles. Toutes les études le montrent. C’est quatre fois plus élevé sur le dernier décile en raison du quotient familial. On peut donc s’interroger sur la façon de familialiser. Les Allemands ont un impôt conjugalisé, pas familialisé. Ils ont un crédit d’impôt par enfant.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si le modèle familial, c’est l’Allemagne…

M. Pierre-Alain Muet. La plupart des pays ont un impôt individualisé. Quand les impôts sont récents, ils sont plutôt individualisés avec des crédits d’impôt par enfant, identique pour tous les enfants, quel que soit le rang de l’enfant dans la famille. S’il est une réforme qui mérite d’être élaborée par la concertation et le débat, c’est bien celle de l’imposition sur le revenu. Ne vous inquiétez pas. Si nous sommes aux affaires, nous aurons l’occasion de reprendre ce débat.

M. Christian Jacob. Il faudrait peut-être trancher avant !

M. Pierre-Alain Muet. Nous devons sérieusement nous pencher sur l’imposition des revenus en France. Le débat mérite d’être mené au sein de cette assemblée, mais aussi avec toutes les associations concernées, l’UNAF notamment, ainsi que les syndicats. La fusion éventuelle de l’IR et de la CSG mérite un débat avec les partenaires sociaux. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas, presque un siècle après la création de l’impôt sur le revenu, avoir un grand débat si nous voulons refonder une imposition du revenu. Nous l’ouvrirons ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’échange qui vient d’avoir lieu est extrêmement intéressant sur le fond et la forme.

Sur le fond, nous venons d’entendre M. Muet aligner un certain nombre d’exemples étrangers et de considérations – et c’est cohérent avec toute la littérature socialiste disponible aujourd’hui – qui toutes impliquent la critique du quotient familial.

M. Pierre-Alain Muet. Mais non.

M. Hervé Mariton. Je vous rappelle qu’il a été créé en 1948. C’est un élément solide de notre pacte social. C’est un élément de stabilité de notre politique familiale.

M. François de Rugy. Rien à voir !

M. Hervé Mariton. Vous prendriez une grave responsabilité à le supprimer. Voilà pour le fond.

Sur la forme, si vous hésitez, c’est parce que vous comprenez qu’il y a un danger politique à être clair sur ce que vous proposeriez.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument pas.

M. Hervé Mariton. Vous êtes même conscients de vous être engagés trop avant sur ce terrain. Vous faites le procès du quotient familial, tout en disant dans le même temps qu’il faut un débat. Entendons-nous. Évidemment, il faudra un débat parlementaire.

M. Pierre-Alain Muet. Pas seulement.

M. Hervé Mariton. Mais il va y avoir en France des élections. Ce serait bien que l’on sache ce que vous proposez. Or ce qui ressort aujourd’hui de l’ensemble de vos réflexions, c’est, hélas, la suppression du quotient familial. Ne le cachez pas derrière un brouillard de débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Carayon. Très bien.

M. le président. Je vous rappelle que le débat porte en principe sur l’article 2…

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Mariton, je comprends que dans l’état dans lequel se trouve la majorité, elle cherche des bouées. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Et vous avez le sentiment d’avoir trouvé une bouée.

M. Jacques Myard. Vous êtes dans les cordes.

M. Henri Emmanuelli. Je confirme ce qu’a dit M. Muet : il y a matière à réfléchir très sérieusement sur l’impôt sur le revenu. La comparaison de son rendement dans notre pays par rapport aux autres démocraties européennes vous en convaincra.

Je prendrai un exemple et ce ne sera pas celui du quotient familial, car vous ne trouverez nulle part dans la littérature socialiste que nous voulons sa suppression, contrairement à ce vous dites !

M. Hervé Mariton. J’ai écouté Mme Aubry !

M. Henri Emmanuelli. Mais relisez donc attentivement les documents !

Deuxième élément de réflexion : nous sommes l’un des seuls pays …

M. Hervé Mariton. Et le Luxembourg !

M. Henri Emmanuelli. J’allais parler non du Luxembourg, mais du nombre de contribuables imposables sur le revenu. Nous savons tous que plus de la moitié des foyers fiscaux ne sont pas redevables de l’impôt sur le revenu. J’ai entendu des tas d’hommes politiques de droite, à commencer par M. Balladur, appeler au retour à une imposition globale même si elle est très faible pour les petits revenus. C’est un autre débat.

Ce que nous proposons avec la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, c’est une manière de répondre à cette question. Alors, ne tombez pas dans la caricature !

M. Hervé Mariton. Vous êtes favorable à la poll tax !

M. Jean Mallot. C’est vraiment n’importe quoi !

M. Henri Emmanuelli. Vous n’allez pas bien ce soir. Je ne m’appelle pas Margaret Thatcher, moi. La différence se voit, non ? Hélas pour moi, je n’ai pas sa notoriété.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Sa douceur peut-être ? (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Et, heureusement, je n’ai pas provoqué les mêmes dégâts.

Nous débattrons de tous ces sujets, que cela vous plaise ou non : l’assiette, le revenu de référence, le quotient familial mais aussi le nombre d’assujettis.

De toute façon, ce que vous êtes en train de faire ce soir, c’est d’essayer de noyer le poisson pour faire croire que vous allez vers davantage de justice et d’équité avec votre misérable petite surtaxe alors que vous avez fait un cadeau de 1,8 milliard d’euros à ces contribuables.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est faux !

M. Hervé Mariton. On vous a répondu vingt fois à ce sujet !

M. Henri Emmanuelli. Mais j’étais dans l’hémicycle et vous n’y étiez pas encore !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est vous qui n’y étiez pas !

M. Henri Emmanuelli. Tous les collègues vous diront que je suis ces débats, il vous suffira de lire les comptes rendus dans le Journal officiel. Vous êtes gênée.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas du tout, c’est moi qui étais présente et si vous n’en avez pas souvenir, c’est que vous étiez absent !

M. Henri Emmanuelli. Excusez-moi, je ne me souvenais pas que c’était vous, cela ne m’a pas marqué, voilà tout.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne soyez pas grossier !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 283.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous savons tous que l’impôt sur le revenu est théoriquement le plus juste parce qu’il est le plus progressif, et qu’il est d’autant plus juste que le nombre de tranches est élevé et les taux suffisamment échelonnés pour s’adapter aux capacités contributives des ménages.

Au nom de la concurrence fiscale et de prétendus critères d’attractivité qui n’ont jamais été étayés par la moindre démonstration, cet impôt a été régulièrement et volontairement l’objet d’attaques au cours des vingt dernières années. On est ainsi passé de treize tranches avant 1986 à sept en 1994 sous le gouvernement Balladur, puis quatre en 2007 avec un taux marginal ramené à 40 % alors que ce taux était supérieur à 65 % en 1982.

L’impôt sur le revenu a été dans le même temps mité de mesures dérogatoires dont la Cour des comptes souligne qu’elles ont augmenté de 142 % entre 2004 et 2009. Ces niches représentent un manque à gagner de 16 milliards d’euros au moins si l’on en croit le rapport d’information de notre rapporteur général.

Plutôt que de privilégier comme vous le faites le régime injuste de l’impôt proportionnel et de la hausse de la TVA, nous pensons qu’il serait plus utile et surtout plus juste de redonner toute sa place à l’impôt sur le revenu.

C’est le sens de notre amendement qui propose en outre de plafonner le montant des revenus globaux des ménages à 460 000 euros en taxant au taux de 95 % la fraction supérieure à cette somme, sans préjudice de la suppression des niches qui affectent cet impôt.

L’adoption de cet amendement permettrait de dégager 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

(L'amendement n° 283, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 10.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous le disons et le répétons : nous voulons redonner de la progressivité à l’impôt sur les revenus – j’insiste sur le pluriel – et en faire un impôt équitable.

Aujourd’hui, tout le monde le sait, la taxation pèse très différemment sur les contribuables. Certes, seule la moitié des foyers fiscaux sont assujettis à l’impôt sur le revenu, mais la CSG et la CRDS pèsent sur un beaucoup plus grand nombre. À cela s’ajoutent les cotisations sociales qui grèvent lourdement les revenus du travail alors que les revenus du capital, eux, bénéficient de prélèvements libératoires.

Les très gros contribuables, sans se focaliser sur le cas de Mme Bettencourt, sont assujettis à des taux d’imposition beaucoup plus faibles, proportionnellement à leurs revenus, que les smicards ou les salariés moyens.

Dans ces conditions, nous appelons à une réforme d’ampleur, qui repose sur la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Nous ne pouvons pas la soumettre à la représentation nationale sous forme d’amendements, tout le monde en est bien conscient.

Par cet amendement, nous visons à introduire de la progressivité avec des tranches plus différenciées selon le niveau de revenu.

(L'amendement n° 10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements, nos 284, 344, 88, 159, 354, 78, 3, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 284, dans le même esprit que le précédent.

M. Jean-Claude Sandrier. Le même esprit certes, mais le barème et les tranches, ce n’est pas tout à fait pareil, monsieur le président.

Nous proposons avec cet amendement de relever le taux de la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu en le portant de 41 % à 50 % et de créer deux tranches supplémentaires, l'une à 60 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros mais inférieure à 360 000 euros, et enfin une tranche à 70 % pour la fraction supérieure à 360 000 euros, taux que quelques-uns d'entre vous jugeront sans doute excessif mais qui ne l’est pas tant que cela.

Ainsi que l'a souvent rappelé Thomas Piketty, ces taux ne paraissent aberrants que lorsque l’on ignore l'histoire. En 1932, pour ne prendre que cet exemple, Roosevelt porta le taux supérieur de l'impôt fédéral à 63 %, puis 79 % en 1936, 91 % en 1941,…

M. Bernard Carayon. C’est du vol !

M. Jean-Claude Sandrier. …niveau qui s'appliqua aux États-Unis jusqu'en 1964, avant d'être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970.

Pendant près de cinquante ans, des années trente jusqu'aux années quatre-vingt, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 % et il fut en moyenne de plus de 80 %.

En France, comme dans la plupart des pays développés, le taux marginal a atteint 90 % pendant l'entre-deux-guerres, puis s’est stabilisé autour de 70 %, comme nous le préconisons ici. Cela n’a pas empêché des taux de croissance économique de l'ordre de 4 % à 5 % par an tout au long de cette période.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour défendre l’amendement n° 344.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Aujourd’hui, la France est sous surveillance et nous avons quelques inquiétudes les uns et les autres. Il est temps de mettre en place une certaine justice sociale. C’est la raison d’être de cet amendement qui crée trois tranches supplémentaires.

Le redressement des finances publiques passe à la fois par des économies budgétaires mais également par un effort fiscal supplémentaire, chacun contribuant selon ses moyens, dans une juste proportion.

Actuellement, le taux d’imposition sur le revenu le plus élevé est de 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros par part. Dans un souci de solidarité nationale, le présent amendement crée trois nouvelles tranches aux taux de 42,4 %, 45 % et 50 %.

Madame la ministre, je pense qu’aujourd’hui, un amendement de ce type peut tout à fait être compris par le Gouvernement.

M. Daniel Garrigue. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l’amendement n° 88.

M. François de Rugy. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à celui que j’ai défendu précédemment. Il fait écho à l’article 3 que nous avons examiné avant l’article 2, dans une logique assez étrange.

Nous proposons de porter de 41 % à 46 % le taux applicable à la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu. Je dois dire que j’ai applaudi l’intervention de M. Méhaignerie tout à l’heure lorsqu’il a défendu un changement en ce sens. Il s’agit d’un amendement de compromis mais je crois toute de même qu’il aurait une autre dimension que les dispositions adoptées tout à l’heure à l’initiative du rapporteur général dans une logique cosmétique et une volonté d’affichage, comme l’ont souligné mes collègues, dispositions très compliquées avec des modulations de taux de 3 % à 4 % selon que l’on situe à 250 000 ou 500 000 euros par part, que l’on est marié, veuf, etc.

Ce que nous proposons est clair, net, simple et précis.

M. Hervé Mariton. Et cher pour le contribuable !

M. François de Rugy. Il s’agit d’un geste de justice sociale, de justice fiscale, qui n’est pas limité à une période dans le temps. Nous entendons simplement réintroduire de la progressivité dans l’imposition sur le revenu. Bien sûr, nous pouvons discuter du seuil de déclenchement. Nous proposons qu’un passage à 46 % s’opère pour la tranche supérieure. Elle était assujettie à un taux de 40 %, que vous avez relevé à 41 %, dans une volonté là encore purement cosmétique.

Nous proposons un symbole fort de justice fiscale dans une période où, de toute façon, nous allons être obligés de faire des efforts, comme l’a souligné notre collègue.

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour défendre l’amendement n° 159.

M. Gérard Charasse. Il vise à instaurer une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu, fixée à 46 % à partir de 100 000 euros par part et à pérenniser la taxation sur les hauts revenus.

Trois raisons le motivent.

Il s’agit tout d’abord de réintroduire davantage de progressivité dans l’impôt sur le revenu. Nous avons rappelé dans la discussion générale qu’il convenait de mettre fin à la tendance actuelle à la dégressivité de l’impôt sur le revenu.

Il s’agit ensuite de rétablir l’équilibre des comptes publics.

Il s’agit enfin de rétablir la confiance de nos concitoyens dans l’impôt. Ceux-ci se rendent bien compte que certains contribuables ou certaines entreprises n’acquittent l’ensemble des sommes qu’ils devraient payer. Cela finit par entraîner une défiance à l’égard de l’institution fiscale. Ce n’est pas une bonne chose : il faut établir un impôt sur les revenus véritablement progressif.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 354.

M. Pierre-Alain Muet. Cette série d’amendements montre une chose, c’est que beaucoup de nos collègues souhaitent que l’on rétablisse une vraie progressivité de l’impôt sur le revenu. Nous proposons une tranche à 45 % à partir de 100 000 euros, qui constitue un premier pas.

Cet amendement est évidemment lié à la suppression des prélèvements forfaitaires car, nous le savons, pour les tranches supérieures, et déjà pour la tranche à 41 %, les revenus du capital ne sont pas taxés au barème mais sont soumis à prélèvements libératoires.

Il est également lié à la suppression de niches. C’est pourquoi nous avons déposé beaucoup d’amendements connexes.

M. Hervé Mariton. Cela fait beaucoup d’impôts !

M. Pierre-Alain Muet. Non, monsieur Mariton, cela fait simplement un peu de justice fiscale là où il en manque beaucoup.

Ce qui me frappe dans notre débat, c’est que pour la première fois, à droite comme à gauche, des amendements sont déposés pour rétablir une progressivité de l’impôt sur le revenu.

M. Dominique Baert. Nos collègues de l’opposition se rendent bien compte que quelque chose ne va pas !

M. Pierre-Alain Muet. C’est une dimension que vous avez voulu évacuer, madame la ministre, avec votre taxe et avec l’inversion des articles dans la discussion.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est tout l’inverse.

M. Pierre-Alain Muet. Je trouve que ce débat mérite vraiment de se dérouler car une sorte de consensus est en train de se construire sur la nécessité de réintroduire de la progressivité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour défendre l’amendement n° 78.

M. Daniel Garrigue. Nous avons fait une grande avancée ce soir : tout le monde reconnaît la nécessité de refondre l’impôt sur le revenu… (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Comme vous y allez !

M. Daniel Garrigue. …avec une assiette qui serait celle du revenu fiscal de référence et avec la volonté d’agir dans le sens à la fois de la justice et du rendement.

Il s’agit donc d’un amendement transitoire, en attendant que cette réforme voie le jour.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour défendre l’amendement n° 3.

M. Michel Piron. Cet amendement vise à créer une tranche d’impôt supplémentaire, dont le taux serait non plus de 41 % mais de 46 %, à partir d’un seuil de 150 000 euros de revenus imposables par part, c’est-à-dire 300 000 euros pour un ménage sans enfant. Cela reviendrait à demander à un couple sans enfant gagnant environ 400 000 euros bruts par an – 33 000 euros par mois – un effort supplémentaire de 2 500 euros par an. Voilà qui permet de mesurer l’effort demandé.

Je passe très rapidement sur un aspect technique : la fixation de ce seuil permettrait de récolter quelque 322 millions d’euros. Ce n’est certainement pas, me direz-vous, à la hauteur de l’énormité de notre dette ! Certes, et non seulement j’ai rappelé que je souscrivais totalement aux mesures gouvernementales concernant la diminution d’un certain nombre de dépenses publiques, et je crois qu’il en faudra d’autres. Mais je le redis : la diminution des dépenses publiques, ou de certaines dépenses, ne suffira pas. Si l’on doit consentir des efforts fiscaux, ceux-ci doivent être mieux partagés. C’est le sens de la proposition d’une meilleure progressivité de cet impôt.

Je passe vite sur un autre aspect technique : là où le Gouvernement, avec un seuil à 250 000 euros, touche 15 000 à 20 000 contribuables, nous en touchons 80 000 à 100 000.

M. Hervé Mariton. C’est bien là le problème !

M. Michel Piron. Je rejoins là la préoccupation majeure du rapporteur général, qui nous déclarait encore en commission des finances qu’un bon impôt, c’est un impôt dont l’assiette est large. J’élargis ici l’assiette, et je ne doute donc pas de son soutien.

Dernier aspect technique, j’entends dire que les revenus deviendraient majoritairement patrimoniaux à partir de 250 000 euros. Or je me permets d’indiquer que, des éléments fournis par Bercy au cours de douze réunions qui se sont déroulées après la loi de finances de l’an dernier, il ressortait un tout autre seuil : 100 000 euros. C’est une question technique – tout dépend de l’intégration des revenus patrimoniaux barémisés ou non barémisés.

J’en termine par le choix politique devant lequel nous nous trouvons. C’est l’impôt lui-même qu’il nous faut peut-être réinterroger, et je ne suis pas de ceux qui pensent qu’« impôt » est un gros mot. Avons-nous trop de prélèvements obligatoires ? Oui.

M. Hervé Mariton. Oui, bien sûr !

M. Michel Piron. Avons-nous trop d’impôt sur le revenu ? Certainement pas.

Le rapport de la Cour des comptes sur la convergence avec l’Allemagne, qui date du mois de mars 2011, nous rappelle que l’impôt sur le revenu des personnes physiques en Allemagne représente 9,6 % du PIB. Chez nous, ce même impôt représente 2,6 % du PIB, mais il convient d’y ajouter CSG et CRDS, ce qui porterait le total à 7,2 % du PIB.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, nous sommes donc loin, très loin de la convergence avec l’Allemagne.

L’impôt n’est-il pas tout simplement la mesure du consentement à la construction du bien commun ? Nous avons la chance de vivre dans un pays qui dispose d’équipements publics d’un niveau exceptionnel. Il faut aussi les prendre en considération. Je crois qu’encore une fois, consentir à l’impôt, c’est aussi consentir à un certain mode de vie en société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Daniel Garrigue et M. Jean-Marie Rolland. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette série d’amendements a reçu des avis défavorables.

Je voudrais répondre plus précisément à notre collègue Michel Piron.

La réponse à la question qu’il pose, nous l’avons en réalité apportée il y a un instant en votant l’article 3. Michel Piron nous dit que sa proposition élargit l’assiette, mais je ne peux pas le suivre sur ce terrain : l’assiette du revenu fiscal de référence est beaucoup plus large que celle du barème de l’impôt sur le revenu !

Il se trouve que j’ai les chiffres en tête. À 100 000 euros de revenus, les revenus du patrimoine représentent en moyenne un quart des revenus, et ceux du travail trois quarts. Dans le barème, on ne touche donc que 75 %. À 250 000 euros, les revenus du patrimoine atteignent les 50 % ; au barème, on ne les touche pas, alors que le revenu fiscal de référence les prend en compte.

Le choix que nous avons fait est vraiment un choix structurant : certains, et ce n’est pas inexact, ont parlé d’un « troisième impôt sur le revenu ».

M. Henri Emmanuelli. Un choix aussi structurant que celui du bouclier fiscal !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce choix très structurant, c’est celui du revenu fiscal de référence comme assiette fiscale.

C’est la raison pour laquelle je n’ai d’ailleurs pas du tout émis de fin de non-recevoir à la proposition d’Hervé Mariton, qui estime que si cette nouvelle assiette devait prospérer dans l’avenir, il faudrait se poser la question de la familialisation. Il a raison sur ce point.

M. Hervé Mariton. Merci.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Piron, je voudrais vous convaincre que votre question, légitime, a déjà trouvé sa réponse – une réponse encore plus juste et mieux adaptée à la situation d’aujourd’hui.

Les différentes mesures fiscales concernant les ménages que nous avons adoptées depuis 2009 n’ont eu qu’un seul but : ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des classes moyennes et des plus modestes. Au lieu d’imposer les revenus du travail, comme on le ferait en augmentant le barème, nous avons exclusivement augmenté l’imposition des revenus du patrimoine. Ainsi, dans le cadre de la réforme des retraites, nous avons porté la fiscalisation des plus-values immobilières de 16 à 19 % ; pour les plus-values mobilières, nous sommes passés de 18 à 19 %. À cela s’ajoutent des prélèvements sociaux qui sont passés de 10 à 13,5 %, soit 35 % d’augmentation !

En l’espace de deux ans, nous sommes ainsi passés d’une fiscalisation des revenus du patrimoine qui était en moyenne de 28 % à 32,5 %. C’est là qu’a porté l’effort, et pour une bonne raison ; il est dommage que Pierre Méhaignerie nous ait quittés, car il aurait pu dire, comme il l’a souvent fait, que plus le revenu augmente, plus le taux d’épargne augmente. Nous avons donc essayé de protéger la consommation et le pouvoir d’achat en faisant porter l’effort sur les plus aisés, parce que c’est leur épargne qui diminue alors, et non pas leur consommation, moteur de notre politique économique.

Les décisions prises depuis deux ans suivent donc, tant du point de vue de la justice fiscale que de celui de l’efficacité économique et de la croissance, une logique très solide.

J’ai fait quelques calculs. Sur environ 30 000 à 40 000 ménages, nous avons tout de même – avant la contribution exceptionnelle – augmenté la fiscalité de 1,9 milliard d’euros ! Je viens de détailler quelques mesures, mais quand on fait le total, cela représente 1,9 milliard d’euros.

M. Christian Eckert. Et vous avez allégé l’ISF de combien ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La réforme que nous propose le Gouvernement est donc, à mon sens, objectivement meilleure que la mesure de barème que nous propose Michel Piron. Elle est, je voudrais en convaincre notre collègue, plus juste et plus efficace économiquement.

Un jour, peut-être, je ne le nie pas, il faudra faire cette grande réforme de l’impôt sur le revenu.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui, dans un an !

M. Pierre-Alain Muet. Au prochain PLF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais je voudrais dire encore un mot de ce sujet.

J’ai entendu M. de Rugy, j’ai entendu M. Muet, j’ai entendu M. Eckert : leurs réformes m’effrayent.

M. Henri Emmanuelli. Ça ne m’étonne pas tellement.

M. Christian Eckert. N’ayez pas peur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils m’effrayent, car la grande réforme qu’ils proposent, c’est un gigantesque impôt sur le revenu qui résulterait de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.

Or l’impôt sur le revenu, aujourd’hui, rapporte 60 milliards d’euros ; seuls la moitié des Français le payent. La CSG rapporte 80 milliards d’euros ; tous les Français la payent.

M. Charles de Courson. C’est plutôt 80 %.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela veut dire qu’avec cette réforme, la CSG ne serait plus payée que par la moitié des Français – comme l’impôt sur le revenu ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

On aurait donc un transfert, un choc fiscal massif vers les classes moyennes…

M. Pierre-Alain Muet. Mais c’est absurde !

M. Henri Emmanuelli. C’est ridicule.

M. Gérard Bapt. Nous ne sommes pas à la convention de l’UMP !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et ce choc fiscal serait d’autant plus fort que, comme la CSG n’est pas familialisée, le quotient familial disparaîtrait. En résumé, ce que nous proposent les socialistes avec leur grande réforme, c’est la réforme de tous les dangers.

M. Christian Eckert. Vous me décevez, monsieur le rapporteur général.

M. Pierre-Alain Muet. On s’attend à entendre cela dans la bouche de M Mariton, mais pas dans celle de Gilles Carrez !

M. Hervé Mariton. Ce qu’il dit est parfaitement juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette réforme aboutira au matraquage fiscal des classes moyennes et des familles.

Et d’ailleurs, quand on regarde les chiffres de plus près, on apprend que cette réforme dont ils rêvent commencerait à pénaliser les Français à partir de 4 000 euros de revenus par mois. Or qui a dit, il y a quelques années, qu’on était riche à partir de 4 000 euros de revenus par mois ? C’est François Hollande !

Eh bien tout cela, il faut l’expliquer aux Français. Et M. de Rugy a dit une chose qui montre à quel point leur réforme est fin prête. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Mine de rien, avec son air innocent habituel, il nous a annoncé qu’ils feront le prélèvement à la source.

Et pourquoi feront-ils cela ? Avec le prélèvement à la source, vous ne voyez plus rien.

M. François de Rugy. Si, si, on voit très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous ne voyez plus ce que vous payez, puisque c’est prélevé en amont, directement sur la feuille de paye ! Ils ont inventé le matraquage fiscal clandestin et sans douleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’aimerais moi aussi convaincre que la mesure que vous venez d’adopter est plus puissante, en termes de rendement, et en même temps plus juste, que celle qui est proposée par Michel Piron – auquel je m’adresse particulièrement, mais j’aurai aussi un mot pour Marie-Jo Zimmermann.

Je voudrais parler à Michel, car l’amendement qu’il propose…

M. le président. Madame la ministre, l’usage est de s’en tenir au nom patronymique.

M. Jean Mallot. Michel ! Michel ! Michel ! (Rires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. S’il vous plaît, nous parlons de choses sérieuses.

M. Dominique Baert. Regardez le bonheur de Michel Piron !

M. Philippe Vigier. Un peu de détente ne fait pas de mal.

M. Dominique Baert et M. Pierre-Alain Muet. Résistez, monsieur Piron ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’amendement de Michel Piron rapporterait 365 millions d’euros au budget de l’État. L’amendement que vous venez d’adopter rapportera 420 millions d’euros. Autrement dit, la contribution exceptionnelle de solidarité va frapper beaucoup plus durement les ménages qui sont plus aisés, car son assiette est beaucoup plus large et qu’elle prend en compte l’ensemble des revenus.

Ce qu’a très bien expliqué le rapporteur général, c’est qu’à partir d’un certain moment, il y a les revenus du travail, les revenus d’activité, et puis il y a tous les revenus accessoires ; et quand on est vraiment riche, on dispose de revenus accessoires beaucoup plus importants que les revenus du travail.

Et je rappelle à Michel Piron que le cœur de notre projet, c’est la valeur travail. Quelqu’un qui se lève tôt le matin, qui va travailler, et qui a un bon salaire ne doit pas, selon nous, être taxé autant que quelqu’un qui vit de revenus du patrimoine.

La contribution exceptionnelle est donc, je le crois vraiment, un impôt plus puissant, qui rapporte plus, et aussi plus juste, parce qu’il frappe davantage tous ces revenus accessoires qui sont les revenus des vrais grands patrons, ou des vrais ménages très aisés, qui ne touchent pas que des salaires.

Je voudrais aussi dire, à Michel Piron et à Marie-Jo Zimmermann, que nous connaissons tous ici leur fibre sociale : nous la respectons, nous la partageons. Moi aussi, je suis une gaulliste sociale.

Je veux répéter ici qu’au cours de ce quinquennat, les dépenses sociales de l’État ont augmenté de 37 % : l’allocation adulte handicapé a augmenté de 33 %, le minimum vieillesse de 25 % ; nous avons créé le revenu de solidarité active : le vrai bouclier social, c’est nous qui l’avons créé et nous devons en être fiers.

Nous devons défendre ce bilan, car jamais les filets de protection sociale n’ont été aussi solides dans notre pays ; c’est aussi pour cela que les Français traversent la crise de façon peut-être moins douloureuse que dans d’autres pays – cela se voit dans la rue de ces pays. Il est important de répéter que nous avons fait les gestes nécessaires pour les plus fragiles.

Et je refuse d’entendre ce discours selon lequel les Français les plus favorisés ne paient pas l’impôt sur le revenu ou en paient moins. Grâce à l’effort de réduction des niches fiscales que nous avons engagé, aujourd’hui les 100 ménages les plus favorisés paient 36,5 % d’impôt sur le revenu, tandis que les 1 000, les 10 000, les 50 000 et les 100 000 ménages les plus favorisés paient respectivement 35 %, 33 %, 30,4 % et 28,3 %. Il y a donc bien progressivité de l’impôt. Plus on gagne d’argent en France, plus l’impôt sur le revenu est élevé. Tels sont les chiffres d’aujourd’hui, et ils sont le fruit de votre action, de votre mandat. C’est vous qui avez réduit les niches fiscales. Soyez-en fiers, mais ne chargez pas la barque pour les classes moyennes supérieures qui ne sont pas les vrais très hauts revenus.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La réponse de Mme la ministre est excellente, mais je reconnais que les questions de M. Piron sont intéressantes.

M. Michel Piron. Merci !

M. Hervé Mariton. Nous évoquons souvent la question de la convergence fiscale avec l’Allemagne, mais il serait bon que cela ne signifie pas systématiquement l’augmentation de nos impôts pour égaler ceux des Allemands. Compte tenu des nombreux cas où nos impôts sont supérieurs aux leurs, si nous les augmentons dans les rares cas où ils sont inférieurs, je vous laisse imaginer l’ardoise finale…

Monsieur Piron, pour avoir bénéficié des mêmes informations et participé aux mêmes travaux que moi, vous savez qu’en Allemagne l’impôt sur le revenu inclut une part de fiscalité économique qui rend la comparaison plus difficile…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. …et qui montre en tout cas que l’écart n’est pas tout à fait celui que vous avez indiqué.

Vous avez évoqué la question de la progressivité. Les travaux de Thomas Piketty ont été pris comme vérité d’évangile dans notre Assemblée, alors que leur présentation scientifique est particulièrement contestable. Par ailleurs, la fraction où l’impôt sur le revenu devient stable est extrêmement réduite, en tout cas très inférieure aux 30 000 foyers que Michel Piron ou d’autres proposent de prendre en compte. Comme l’indique le rapporteur général, il y a par ailleurs chez M. Piketty un changement constant d’échelle, ce qui pose problème.

Enfin, je veux dire à mes collègues socialistes que j’ai participé récemment avec Jean-Patrick Gille à un colloque sur la famille. Il a eu l’honnêteté de dire qu’il fallait supprimer le quotient familial, car c’est la seule manière de financer la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je trouve ce débat très intéressant.

Pour sa part, le groupe Nouveau centre ne votera aucun de ces amendements…

M. Christian Eckert. Quel courage !

M. Charles de Courson. …parce que l’assiette de l’impôt sur le revenu est beaucoup plus étroite que celle du revenu de référence, et parce que le rapport entre le revenu fiscal et le revenu de référence augmente au fur et à mesure que vous progressez dans l’échelle des revenus. Ce n’est pas en augmentant le barème que vous parviendrez à taxer les hauts revenus, à moins de supprimer tout ce qui relève du forfait, c’est-à-dire les plus values…

M. Christian Eckert. Vous êtes là depuis dix ans. Qu’avez-vous donc fait ?

M. Charles de Courson. Mais si vous ne coordonnez pas ce mouvement de suppression des prélèvements forfaitaires en Europe, vous aboutirez à un écart considérable, uniquement sur une partie des revenus du patrimoine.

L’amendement de Michel Piron rapporterait 365 millions et concernerait environ 60 000 familles, tandis que la disposition que nous avons adoptée à l’article 3 permettra de dégager une recette de 420 millions et concernera 25 000 familles, soit une majoration en moyenne de l’impôt sur le revenu de 17 000 euros. L’assiette de cette mesure est beaucoup plus large, donc beaucoup plus juste.

Il faudra supprimer progressivement le prélèvement forfaitaire, mais dans un cadre européen.

M. Dominique Baert. On a compris que vous ne faites rien !

M. le président. Il faut conclure, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Encore deux minutes, monsieur le président.

M. le président. Non, deux minutes, c’est le temps global qui vous est imparti.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues socialistes, vous proposez de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu. C’est un problème grave et sérieux.

M. le président. Monsieur de Courson, vous avez un temps de parole contraint et la question que vous évoquez a déjà été abordée.

M. Charles de Courson. On ne peut pas fusionner ces deux impôts sur une assiette autre que celle de la CSG, ce qui veut dire qu’il faudrait supprimer toutes les niches fiscales, ainsi que le quotient familial. Sinon, vous échouerez, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Gilles Carrez ayant présenté les choses de manière moins subtile qu’à l’accoutumée,…

M. François de Rugy. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. …je souhaite intervenir à mon tour.

La comparaison en pourcentage de PIB du rendement de l’impôt sur le revenu en France et en Allemagne tient évidemment compte de la part qui, en France, relève de l’impôt sur les sociétés et en Allemagne de l’impôt sur le revenu. Cette répartition est faite par le conseil des prélèvements obligatoires et les chiffres qui ont été donnés par nos collègues sont exacts. De fait, quand on compare l’impôt sur le revenu en France plus la CSG à l’impôt sur le revenu correspondant à notre périmètre en Allemagne, on constate un écart de deux points de PIB, ce qui veut dire que l’Allemagne taxe beaucoup plus le travail que la France, car actuellement la taxation des revenus du capital dans ce pays est moins forte que chez nous,…

M. Philippe Vigier. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. …et elle le restera puisque vous venez d’en voter l’aggravation.

Il est surprenant que le Président de la République ait décidé la convergence fiscale entre la France et l’Allemagne dès lors qu’en Allemagne la fiscalisation du travail est bien plus importante que dans notre pays.

Monsieur le rapporteur général, il faut veiller à ne pas condamner trop durement le prélèvement à la source ou la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, ne serait-ce que parce que Jean-François Copé a prôné les deux publiquement et de manière explicite.

M. François de Rugy. Quand il était ministre du budget !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il est même allé plus loin en indiquant qu’il fallait certes régler un problème d’année blanche, mais que ce problème serait techniquement assez facile à résoudre. Je pense qu’il a raison sur ce point, même si cela ne pourra pas se faire en quelques mois ou quelques trimestres.

Quant à la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, le rapporteur général a pris comme hypothèse de départ – peut-être était-ce celle de l’UMP à l’époque où Jean-François Copé prônait cette fusion – que l’assiette retenue pour l’impôt fusionné serait l’assiette actuelle de l’impôt sur le revenu, ce qui immanquablement l’amène à dire que ceux qui acquittent l’impôt sur le revenu paieraient la CSG de ceux qui ne la paieraient plus.

M. Hervé Mariton. C’est ce que dit Jean-Patrick Gille !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je ne crois pas ! Monsieur Mariton, vous êtes un très bon connaisseur de Pouchkine et du programme de l’UMP, mais je crois être meilleur connaisseur de la programmation future ou actuelle du parti socialiste. Restons dans nos domaines de compétences respectifs !

M. Hervé Mariton. Dites-nous en davantage ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je ne crois évidemment pas que, dans l’hypothèse où, soit l’UMP, soit le parti socialiste, fusionnerait l’impôt sur le revenu et la CSG, l’assiette de la CSG serait réduite de moitié, ce qui aurait pour conséquence que ceux qui acquittent l’impôt sur le revenu paieraient deux fois plus de CSG qu’aujourd’hui. Cette vision me paraîtrait complètement déraisonnable, irréaliste et, pour tout dire, folle. Mais peut-être que, si l’assiette de la CSG devenait celle de l’impôt sur le revenu, M. Carrez trouverait des accents moins sévères pour condamner cette fusion.

Au-delà de la polémique – « vous avez proposé cela mais fait ceci, qu’allez-vous faire, et vous qu’avez-vous fait » – qui sévit depuis un quart d’heure mais qui fait partie du débat parlementaire et ne choque personne, la vraie question est celle de l’harmonisation des assiettes, c’est-à-dire celle des niches. Certains règlent la question de manière radicale autant qu’universitaire. Il a été fait référence à un brillant universitaire.

M. Hervé Mariton. Il n’est pas brillant, il est dangereux !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il prône un système d’impôt sur le revenu qu’il faudrait probablement instaurer dans un pays qui n’existerait pas et que l’on créerait, un pays qui n’aurait aucun système fiscal et aucune tradition dans ce domaine…

M. Hervé Mariton. C’est le rêve enchanté !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Monsieur Mariton, je vous ai connu plus calme et plus serein !

Vous faites référence à cet universitaire que vous avez le droit de ne pas trouver brillant tandis que d’autres pensent le contraire. J’estime, pour ma part, qu’il l’est de fait, ce qui ne veut pas dire qu’il a toujours raison.

Si un pays nouveau était créé, et une fiscalité inventée pour lui, sa proposition serait tout à fait digne d’intérêt. Mais le problème est qu’il propose de plaquer sa théorie sur un pays ancien et dont la fiscalité est elle-même ancienne. On ne peut pas faire bouger les lignes avec la violence qu’il imagine. Nous sommes nombreux, à droite évidemment, mais aussi à gauche, croyez-moi, à avoir expliqué que si ce système était en théorie satisfaisant, il était rigoureusement inapplicable dès lors que l’on accepte que la politique, c’est l’art du possible.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Je crains donc que le système proposé par Thomas Piketty ne soit pas applicable.

Cela nous interdit-il de réfléchir à l’évolution d’une fiscalité caractérisée par le paiement de la CSG, au moins par 80 % des Français, dès le premier euro, si faibles que soient leurs revenus ?

Je peux comprendre que certains libéraux, dont vous êtes, monsieur Mariton, soient contre la progressivité de l’impôt sur le revenu et favorables à un impôt proportionnel. Mais je ne suis pas sûr que tous vos collègues de l’UMP partagent votre point de vue. En tout cas, je suis certain que personne, sur les bancs de l’opposition, ne le partage.

Cela dit, notre débat est tout sauf médiocre. Je suis pour la progressivité, alors que vous êtes pour la proportionnalité, et parce que je suis pour la progressivité j’ai le droit de m’interroger sur une réforme fiscale qui permettrait, alors que la CSG est maintenant à plus de 8 %, qu’elle ne s’applique pas à ce taux-là et dès le premier euro,…

M. Hervé Mariton. Alors, qui paye ?

M. le président. Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un dialogue entre M. Mariton et le président de la commission !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Monsieur le président, si je peux me permettre, vous devriez vous adresser à M. Mariton davantage qu’à moi !

M. le président. Je m’adresse aux deux puisque chacun en joue visiblement.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Une réforme de l’impôt sur le revenu devrait prévoir que chacun paie sur ses revenus dès le premier euro, et quel que soit l’origine de ces revenus, avec bien évidemment une progressivité et un taux de départ extrêmement faible. Sinon nous continuerons d’avoir un système qui voit aujourd’hui des jeunes femmes employées à temps partiel dans des grandes surfaces devoir payer 8 % de CSG, alors que leur rémunération mensuelle est de 600, 700 ou dans le meilleur des cas 800 euros, pendant que de très grandes fortunes – je ne donnerai aucun nom – paient en moyenne 12 à 15 %. La faiblesse de cet écart devrait inciter certains de nos collègues favorables à la proportionnalité intégrale à réfléchir à la progressivité, seule condition de la justice fiscale.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je souhaite répondre au rapporteur général qui a parlé de mon innocence, ce dont je le remercie car je ne me sens nullement coupable des turpitudes fiscales qui durent maintenant depuis quatre ans et demi.

Vous avez parlé de matraquage fiscal clandestin : mais c’est que vous en connaissez un rayon ! Car il y a une réforme dont les Français commencent à voir le résultat : c’est celle de la taxe professionnelle, puisque vous avez transféré un impôt payé par les entreprises vers un impôt sur les ménages, à savoir la taxe d’habitation. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Dans la mesure où nous souhaitons renforcer la progressivité de l’impôt, la somme de l’impôt sur le revenu et de la CSG baissera pour les smicards. Oui, monsieur Mariton, je me préoccupe, moi, des petits salaires des smicards et je préfère en effet qu’on arrête de dire qu’un enfant de député a plus de valeur qu’un enfant de smicard. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Bien sûr, nous prendrons en compte les charges de famille.

Quant au prélèvement à la source, cher rapporteur général du budget, il revient à établir une transparence totale et à éviter toute mauvaise surprise comme aujourd’hui où l’on demande aux gens de payer sous forme d’impôt de l’argent qu’ils ont déjà dépensé. Le prélèvement à la source ne réserve, lui, que de bonnes surprises car, comme vient de le souligner le président de la commission, on ne supprimera pas la totalité des crédits d’impôts et des exonérations, ce qui serait complètement fou au vu de la situation actuelle. Je n’ai jamais prétendu que l’on pouvait supprimer d’un trait de plume l’intégralité des niches fiscales.

Les contribuables bénéficieront de remboursements a posteriori et donc auront de bonnes surprises à la place des mauvaises que leur réserve le système actuel.

M. Hervé Mariton. Vous êtes d’une naïveté !

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. François de Rugy. Je souhaite finir sur ce point, monsieur le président.

Vous savez, monsieur le rapporteur général, ce qu’il en est de l’optimisation fiscale : dans le système actuel, les bénéficiaires de très hauts revenus ont intérêt à payer des gens pour leur dire comment bénéficier de déductions fiscales. On doit en trouver beaucoup parmi les donateurs du « premier cercle ».

M. Christian Eckert. Ça fait mal, n’est-ce pas, chers collègues de la majorité ?

M. Camille de Rocca Serra. Que c’est médiocre !

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Je note qu’au-delà des groupes SRC et GDR, une cinquantaine de députés de la majorité sont également favorables à la révision des barèmes de l’impôt sur le revenu. Si ces dix amendements sont rejetés aujourd’hui, on reviendra forcément à brève échéance sur cette question dans la mesure où nombreux sont les partisans d’une plus grande justice sociale.

M. Christian Eckert. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je formulerai deux observations techniques, puis une ultime interrogation. D’abord, si l’on veut établir une comparaison, il convient de rappeler que le produit de l’impôt auquel vous soumettez, avec le revenu fiscal de référence, les personnes qui gagnent plus de 250 000 euros par part imposable, comprend les revenus du travail et les revenus patrimoniaux. Ensuite, lorsque l’IRPP concerne la fraction de revenus supérieure à 150 000 euros, on n’intègre évidemment pas tous ceux qui sont au forfait, c’est-à-dire au prélèvement libératoire plus CSG-CRDS. Il faudrait totaliser les deux pour faire une vraie comparaison.

Seconde remarque : il y a deux assiettes, l’une technique, dont vous avez parlé, et l’autre qui concerne le nombre de contribuables, que j’ai évoquée. La première, le RFR que vous avez vanté à juste titre, est une assiette très large. Si cette assiette, à laquelle je souscris, est excellente, pourquoi n’avoir pas baissé le seuil de 250 000 à 150 000 euros ? Voilà la bonne réponse que j’attendais du Gouvernement.

En effet, quitte à me répéter, est-il injustifiable, insupportable, de demander à un ménage qui gagnerait quelque 400 000 euros bruts par an une participation de 2 500 euros supplémentaires à l’effort consenti par tous eu égard à la situation actuelle ? Non seulement j’estime que c’est justifiable mais je pense que c’est même recommandable, voilà le sens de mon amendement.

(L’amendement n° 284 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 344 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 88 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 159 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 354 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 78 n’est pas adopté.)

M. le président. Avant que je mette aux voix l’amendement n° 3 de M. Piron, Mme la ministre souhaite s’exprimer.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement et, à défaut, maintient son avis défavorable.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Piron ?

M. Michel Piron. Vous me demandez de retirer mon amendement, madame la ministre. Je vous le dis très clairement : votre réponse ne me satisfait pas. Ce n’est donc pas à la faveur de votre réponse mais parce que j’ai bien noté l’absence, au sein de la majorité, d’une majorité pour voter cet amendement, que je le retire.

M. François de Rugy. Il y a eu des pressions !

M. Michel Piron. Et je regrette d’autant plus vivement qu’une partie importante de la majorité n’ait pas été comprise, que ma proposition avait beaucoup de sens dans le contexte des efforts que vous demandez aujourd’hui aux Français. Reste, j’y insiste, que ce retrait ne vaut pas approbation de votre réponse.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

M. Henri Emmanuelli et M. Pierre-Alain Muet. Nous souhaitons reprendre cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 20 octobre 2011 à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 20 octobre 2011, à une heure cinq.)