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SOMMAIRE
1. Projet de loi de finances rectificative pour 2011 Nouvelle lecture
Après l'article 11 (amendement précédemment réservé)
Amendement no 79
Amendement no 97
Amendement no 27
Amendement no 28
Amendement no 29
Amendement no 30
Amendement no 32
Amendements nos 33, 34 rectifié, 98
Amendement no 36
Amendement no 37
Amendement no 38
Amendements nos 39 rectifié, 40 rectifié, 41 rectifié, 43 rectifié
Amendement no 44
Amendements nos 45, 46, 13, 11, 12, 47, 10
Amendement no 48
Amendement no 49
Amendement no 77
Amendement no 78
Amendement no 52
Amendement no 53
Amendement no 54
Amendement no 55
Amendement no 56
Amendement no 57
Amendement no 75 rectifié
Amendement no 58 rectifié
Amendement no 59
Amendement no 60
Amendement no 61
Amendements nos 62, 9 rectifié
Article 20 bis (pour rectification d’une erreur matérielle)
Amendement no 71
Amendement no 63
Amendement no 64
Amendements nos 65 deuxième rectification, 66
Amendement no 67
Amendement no 68
Amendement no 69
Amendement no 83
2. Application de l’article 11 de la Constitution
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Motion de rejet préalable (projet de loi organique)
M. Guy Geoffroy, rapporteur, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Michel Hunault
Motion de rejet préalable (projet de loi)
Motion de rejet préalable (Projet de loi) (suite)
M. Michel Mercier, garde des sceaux
Motion de renvoi en commission (Projet de loi organique)
M. Guy Geoffroy, rapporteur, M. Michel Mercier, garde des sceaux, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Michel Diefenbacher, M. Michel Hunault
Motion de renvoi en commission (projet de loi)
M. Guy Geoffroy, rapporteur, M. Michel Mercier, garde des sceaux, M. Michel Hunault, M. Jacques Valax, M. Michel Diefenbacher
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 4101, 4100).
M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la seconde partie, s’arrêtant à l’amendement n° 79 portant article additionnel après l’article 11, précédemment réservé.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, pour défendre l’amendement n°79.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avis favorable à l’amendement.
(L'amendement n° 79 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement propose de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. L’amendement n° 24 n’est pas anodin. Il s’agit en effet de majorer le taux du prélèvement forfaitaire libératoire.
Cela ne parvient pas à rétablir l’égalité entre l’impôt sur le travail et l’impôt sur les revenus du capital. Nous aurions préféré, je le répète, que les revenus du capital soient intégrés à l’assiette de l’impôt sur le revenu, car le système du prélèvement forfaitaire libératoire reste plus favorable pour les contribuables assujettis aux dernières tranches
(L'amendement n° 24 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25 de M. le rapporteur .
(L'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 26.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rétablissement du texte voté par l’Assemblée en première lecture.
(L'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article n° 13, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 97.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’amendement vise à supprimer le gage qui prévoit la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.
(L'amendement n° 97, accepté par la commission, est adopté.)
(L'amendement n° 13 bis A, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 27.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement vise à apporter une précision à un article voté par nos collègues sénateurs, qui concerne l’exonération des plus-values réalisées lors de la cession de bateaux de marchandises, de péniches, par les entreprises de transport fluvial, afin d’accélérer le remplacement des péniches.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable. Je lève le gage.
(L'amendement n° 27, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
(L'article 13 bis B, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de suppression de l’article.
(L'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 13 bis C est supprimé.
M. le président. L’article 13 bis a été supprimé par le Sénat.
Je suis saisi d'un amendement n° 29.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rétablissement du texte voté en première lecture par l’Assemblée nationale
(L'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’article 13 bis est ainsi rétabli.
M. le président. L’article 13 quater a été supprimé par le Sénat.
Je suis saisi d'un amendement n° 30.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de rétablissement.
(L'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 13 quater est ainsi rétabli.
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement propose de supprimer l’article 13 quinquies A.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n° 31, au bénéfice de l’amendement n° 82 de M. de Courson. Sinon, il s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 82.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Depuis des années, nous avons des débats sur le flexfioul et les raisons pour lesquelles, il ne s’est pas développé dans notre pays, à la différence des pays scandinaves, pour favoriser la réduction des émissions de CO2.
Cette mesure consiste à autoriser un abattement de 40 % temporaire, pendant trois ans, de façon à favoriser son développement. L’amendement n° 82 a pour objet de durcir la réglementation, c’est-à-dire d’exiger des performances en matière de réduction des émissions encore plus fortes.
C’est pourquoi j’espère, mes chers collègues, que vous voterez cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement typique d’ouverture d’une nouvelle niche fiscale consisterait à accorder une exonération de 40 % au titre de la taxe sur les véhicules de société pour certains types de véhicules, dits flexfioul, qui peuvent absorber du carburant de type E 85.
Nous organisons petit à petit un retrait des niches. Certaines exceptions ont été faites pour prolonger dans le temps des niches existantes, mais là il s’agit carrément de créer une niche. Il me paraît difficile de contredire à ce point le principe général que nous défendons en permanence.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je remercie le Gouvernement d’avoir bien voulu appuyer cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, le texte adopté au Sénat limite à deux années la possibilité de l’abattement. Il faut savoir ce que l’on veut, sinon supprimons le E 85 ! Nous l’avons adopté, il faut essayer de le développer.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Lors de nos travaux en commission, M. de Courson a obtenu du rapporteur général un allongement de la durée pendant laquelle les avantages fiscaux étaient maintenus pour les véhicules utilisant ce carburant.
Notre collègue dit que cette niche fiscale n’est créée que pour deux ans, mais c’est compter sans son activisme ardent qui, lorsque les deux ans seront échus, proposera à la commission et à l’Assemblée une prolongation de cette niche, puisque nous l’avons vu systématiquement agir ainsi.
Il ne s’agit pas de proposer la suppression de ce carburant, encore qu’à force de constater un tel activisme, cette idée finira peut-être par germer sur tous nos bancs. La situation actuelle nous convient. Accroître l’avantage serait déraisonnable. Je pense que M. le rapporteur général a raison en rappelant le principe qui semble faire consensus. Des niches, il y en a eu beaucoup, il en reste encore énormément et il n’est peut-être pas indispensable d’en créer d’autres.
(L'amendement n° 31 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article quinquies A est supprimé.
M. le président. L’article 13 quinquies a été supprimé par le Sénat.
Je suis saisi d'un amendement n° 32.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de rétablir le texte voté à l’Assemblée nationale.
(L'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 15 quinquies est ainsi rétabli.
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 33.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement propose d’apporter des précisions rédactionnelles.
(L'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 34 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement vise à interdire de bénéficier à nouveau de la réduction d’ISF sur les nouveaux titres souscrits au moyen de la soulte d’échange.
(L'amendement n° 34 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 98.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’amendement vise à supprimer le gage, qui prévoit la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.
(L'amendement n° 98, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 13 sexies A , amendé, est adopté.)
M. le président. Les articles 14 bis A à 14 bis E ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.
(L'article 14 bis A, 14 bis B, 14 bis C, 14 bis D, 14 bis E, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 36.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement vise à supprimer l’article.
(L'amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 14 quater A est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement propose de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture.
(L'amendement n° 37, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 14 quinquies A, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 38.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de rétablissement.
(L'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 14 sexies, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 39 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de rétablissement.
(L'amendement n° 39 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Amendement de rétablissement.
(L'amendement n° 40 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 41 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rétablissement du texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture, sous réserve de modifications rédactionnelles.
(L'amendement n° 41 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 43 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rétablissement du texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture, sous réserve de modifications rédactionnelles.
(L'amendement n° 43 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
(L'article 15, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n°44.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement vise à supprimer l’article 15 bis A, adopté à l’initiative du Sénat.
(L'amendement n° 44, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis A est supprimé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 45.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne peux présenter cet amendement concernant les IFER qu’en anticipant sur l’amendement n° 47.
Les IFER – impôts forfaitaires sur les entreprises de réseaux – payés par les entreprises de réseaux ont, pour partie, remplacé la taxe professionnelle. Au Sénat comme à l’Assemblée, nous nous sommes à plusieurs reprises posé la question de savoir si les IFER ne devraient pas indexés. Ils remplacent les équipements et biens mobiliers – les EBM – de l’ancienne taxe professionnelle lesquels n’étaient pas indexés. Les matériels et les équipements étant régulièrement renouvelés, la base EBM évoluait à la hausse dans le temps.
Il faut garder à l’esprit que les IFER peuvent avoir vocation à être actualisés. Ce ne sont pas non plus des valeurs locatives, on ne peut donc avoir une actualisation actuelle.
Dans l’amendement n° 47 à venir, nous proposons – tout en revenant au texte de l’Assemblée qui a supprimé l’indexation annuelle des IFER – que le Gouvernement produise un rapport à l’horizon de l’automne 2013, permettant de comparer l’évolution des différents IFER pendant les trois premières années de leur mise en place à celle des équipements et biens mobiliers des entreprises de réseaux qui paient des IFER, afin de voir s’il n’y a pas lieu de revoir les tarifs des IFER.
C’est sur la base de ce rapport que nous pourrons, le cas échéant, prendre des décisions en loi de finances pour 2014.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 45. En revanche, s’agissant de l’amendement n° 47, le Gouvernement serait favorable à un rapport sur les IFER, mais proposera une rectification, car il considère qu’il n’est pas légitime de comparer les bases de taxe professionnelle et les bases d’IFER. Pourquoi ? Parce que l’on va rouvrir la question de la réforme de la taxe professionnelle alors qu’il n’y a pas de rapport entre l’évolution comparée de l’assiette de l’IFER et de celle de la taxe professionnelle des mêmes secteurs économiques.
Chaque composante de l’IFER a été calibrée pour récupérer le gain de taxe professionnelle des grands opérateurs de réseaux. Il ne faut donc pas faire une analyse comparée de l’évolution de l’IFER et de celle qu’aurait connue la taxe professionnelle.
Il ne faut en aucun rouvrir le débat sur la taxe professionnelle. Le rapport ne pourrait porter que sur l’évolution de l’IFER.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis d’accord pour une rectification. Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, les IFER ont été présentés comme de la fiscalité. Dans la réforme, on remplace le manque à gagner de taxe professionnelle par une composante fiscale qui est constituée par la cotisation foncière économique, la cotisation sur la valeur ajoutée et les IFER. Par ailleurs, le manque à gagner est compensé par une dotation, la DCRTP – dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle –, et les IFER font partie de la catégorie fiscale. Il est donc normal de considérer l’évolution de cet élément de fiscalité au bout de quelques années, afin, le cas échéant, de prendre des décisions.
Par cet amendement, nous souhaitons montrer qu’il ne s’agit pas d’une dotation budgétaire, mais d’une composante fiscale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. La proposition de compromis que je proposerai au rapporteur général, lorsque nous en viendrons à l’amendement n° 47, consiste à rédiger ainsi le deuxième alinéa dudit amendement :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa.
« XIV. Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 septembre 2013, un rapport présentant l’évolution depuis 2010 de l’assiette des composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. »
Cette proposition vous convient-elle, monsieur le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis d’accord.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. Je vais vous faire un aveu, madame la ministre : je n’y comprends plus rien.
Y a-t-il ici un seul parlementaire capable de m’expliquer ce que la réforme de la taxe professionnelle a fait économiser aux uns, gagner aux autres, et quel a été son impact sur les contribuables ? Vous êtes en train de discuter pour savoir si le rapport de 2013 doit uniquement concerner les IFER, qui seraient de la fiscalité. Il y a aussi la CVAE, la CET, les IFER, la TSCA !
La réforme de la taxe professionnelle coûte plus que prévu au budget de l’État, « cela se compte en milliards », avez-vous dit, monsieur le rapporteur général.
Dans ma permanence, je reçois des lettres d’un certain nombre d’anciens assujettis à la TP qui disent ne pas comprendre ou avoir compris que la TP avait été supprimée, et néanmoins recevoir une taxe qui porte un autre nom ; mais, finalement, ils payent plus qu’avant. Mes chers collègues, il serait temps de poser ses valises et de faire un rapport le plus simple possible compte tenu de la complexité du sujet. Nous avons voté des textes, rédigés dans la nuit, qui faisaient parfois quatre-vingt-dix-neuf pages. Et seuls deux ou trois d’entre nous ont compris quelque chose.
Force est de constater que la lisibilité de la réforme de la taxe professionnelle est quasi nulle. Je vous le dis simplement et avec beaucoup d’humilité. Vous pouvez toujours faire un rapport sur l’évolution et la dynamique des IFER, tout le monde sera content. En revanche, un rapport global simple indiquant ce que cela rapportait avant et à qui, et ce que cela rapporte après, en donnant quelques exemples de contribuables types permettrait d’éclairer le débat et de le dépassionner.
(L'amendement n° 45 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 46 de la commission.
(L'amendement n° 46, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 13.
M. Dominique Tian. Il s’agit dans cet amendement du bataillon de marins pompiers de Marseille. Nous vivons une situation injuste dans les Bouches-du-Rhône. La taxe sur les conventions d’assurance sert à financer l’ensemble des services de secours de tous les départements mais, dans les Bouches-du-Rhône, le conseil général ne redistribue pas la part qui reviendrait à la ville de Marseille, laquelle représente pourtant la moitié de la population. Cette somme correspondrait à l’intervention du bataillon des marins pompiers, soit plus de 1500 militaires dont la ville de Marseille assume les charges financières, ainsi que les soldes et l’investissement en matériel. C’est tout à fait injuste. Voilà pourquoi nous demandons une répartition des crédits plus équitable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement a laissé la commission des finances quelque peu perplexe.
Jusqu’à la loi de décentralisation en 2004, les SDIS étaient financés par l’État par le biais de la DGF ou de la DGD. Lorsqu’il y a eu les transferts de compétences, il y a eu, en même temps, des transferts de financements. La loi de décentralisation de 2004 a fixé le principe de la compensation à l’euro près.
En 2004, quel était le montant de dépenses du SDIS des Bouches-du-Rhône ? Est-ce que la dotation et la part de TSCA – taxe spéciale sur les conventions d’assurance – qui ont été mises en place au bénéfice du département des Bouches-du-Rhône correspondent bien historiquement au montant des dépenses du SDIS avant la décentralisation ? Si tel est le cas, il paraîtrait difficile de lui reprendre une partie de la recette. On tomberait sous le coup du principe constitutionnel de compensation à l’euro près des dépenses avant 2004.
Si, par exemple, les dépenses étaient de 20 millions d’euros en 2004, et qu’une compensation de 30 millions d’euros a été mise en place, il pourrait être envisageable de revoir cette compensation parce qu’elle excède de 10 millions d’euros les dépenses d’avant la décentralisation. Mais si la TSCA actualisée que reçoit le département correspond aux 20 millions de dépenses d’avant 2004, je ne vois pas comment on peut lui reprendre une partie de la taxe sur les conventions d’assurance.
Nous n’avons pas les éléments de réponse à cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’en suis désolée pour vous, monsieur le député, mais votre amendement aboutit à augmenter globalement les crédits versés au titre des services d’incendie et de secours à la ville de Marseille et au département des Bouches-du-Rhône, car vous proposez de réattribuer une part de la recette de TSCA du département à la ville de Marseille, mais de compenser cette perte de recettes pour le département par une hausse de sa dotation globale de fonctionnement. Cela aboutirait à créer une inégalité par rapport aux autres départements. Votre amendement conduirait également à une augmentation de la DGF remettant en cause sa stabilisation, qui est une mesure importante de la loi de finances initiale.
Enfin, la faisabilité de votre proposition de répartition de la taxe sur les contrats d’assurance automobile n’est pas assurée. Pour l’instant, à ma connaissance, aucun service n’est en mesure de fournir les immatriculations de véhicules terrestres à moteur sur la seule commune de Marseille au 31 décembre 2003 par rapport à l’ensemble des immatriculations des Bouches-du-Rhône. Je ne sais donc pas comment vous allez réussir à faire fonctionner votre clé de répartition.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement et, à défaut, je donnerai un avis défavorable.
M. le président. L’amendement est-il retiré ?
M. Dominique Tian. Je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Petit rappel historique. Les SDIS étaient entièrement financés par les communes et les conseils généraux, il n’y avait pas un sou de l’État. Lorsqu’un certain nombre de décisions ont été prises au niveau de l’État, notamment pour les régimes de retraite des volontaires, cela a entraîné des coûts importants et l’État a décidé d’aider les conseils généraux.
L’amendement parle de la DGF. En fait, il n’y a jamais eu un sou de DGF dans les SDIS. On a aidé les départements pour compenser une partie du surcoût. Comme une partie de la participation des communes avait été bloquée sur l’inflation, tout dérapage des dépenses au-delà de l’inflation était entièrement à la charge des conseils généraux. Voilà pour l’historique.
J’en viens au cas très particulier de Marseille.
Tout d’abord, savez-vous pourquoi les sapeurs pompiers de Marseille sont des militaires ? Lorsqu’en 1938 un incendie ravagea les Nouvelles Galeries, les délégués du parti radical venus pour leur congrès annuel purent constater, depuis l’hôtel qui faisait face au magasin, la totale inefficacité des services municipaux d’incendie. Le ministre de l’intérieur, présent sur les lieux, fut pris d’un coup de sang et décida de militariser les pompiers de la ville.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. À Paris, cela s’est passé de la même manière.
M. Charles de Courson. En effet. Après que les pompiers municipaux ont fait preuve de leur inefficacité, il y a eu militarisation.
Aujourd’hui, la ville de Marseille finance le coût du bataillon par un remboursement au ministère de la défense, mais, en contrepartie, elle ne participe pas au financement du SDIS, contrairement aux autres communes des Bouches-du-Rhône.
J’estime que l’intérêt de la ville de Marseille est de maintenir une étanchéité entre ces deux financements.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est certain !
M. Charles de Courson. Sur le fond, je partage donc l’avis de Mme la ministre. La solution préconisée dans cet amendement serait même dangereuse pour la ville de Marseille.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tian ?
M. Dominique Tian. Je remercie M. de Courson pour son rappel historique. C’est en effet l’inefficacité des services municipaux d’incendie qui a valu à la ville d’être placée sous tutelle. Et l’on ne souhaite pas au maire de Marseille ni à son successeur de vivre pareille situation.
N’empêche qu’il manque 15 millions d’euros dans cette clef de répartition, ce qui suscite des inquiétudes. Après les sapeurs-pompiers de Paris, il y a le bataillon des marins-pompiers de Marseille, lequel est souvent mis à contribution par les services de l’État puisque ses membres viennent très régulièrement en renfort pour porter secours aux victimes de catastrophes dans le monde entier. Personne ne souhaite la disparition d’une telle unité d’élite.
Il faudra peut-être saisir la justice pour aboutir à une clef de répartition différente. Aujourd’hui, l’avenir même des marins-pompiers est en jeu. Il est trop lourd pour la municipalité d’assumer la totalité du financement de ce bataillon.
J’appelle l’attention du Gouvernement sur cette situation inéquitable : le conseil général ne reverse pas la part qui est due à une ville qui regroupe la moitié des habitants des Bouches-du-Rhône.
Je rappelle également, pour ceux qui l’ignoreraient, que des problèmes judiciaires très importants affectent les unités de secours qui relèvent du conseil général et que cela entretient un mauvais climat.
Devant cette situation injuste qui perdure, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités.
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 11.
M. Charles de Courson. Monsieur le président, m’autorisez-vous à présenter également l’amendement n° 12 ?
M. le président. Je vous en prie, monsieur de Courson.
M. Charles de Courson. Le problème est le suivant : il existe des divergences d’interprétation de la part des directions départementales des finances publiques quant à la présence de fonctionnaires territoriaux lors des réunions des commissions communales des impôts directs, les CCDI, les uns affirmant qu’elle est tout à fait possible, les autres qu’elle est interdite. Or, en pleine révision des bases, notamment professionnelles, il serait bon de trancher.
Ces deux amendements ont pour objet, soit dans le cadre communal, soit dans le cadre intercommunal – puisqu’il existe désormais quelques CCID intercommunales –, d’autoriser la participation de ces agents, si les élus le souhaitent. La présence de fonctionnaires territoriaux, bons connaisseurs de la réalité communale, peut en effet apporter à la commission des éléments précieux pour l’évaluation des bases.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a estimé que cette question pouvait être réglée par instruction du ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sagesse.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle que ces fonctionnaires territoriaux n’auraient pas de voix délibérative. Je ne vois pas ce qui interdit d’unifier le droit par une instruction.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. La ministre craint toujours les risques d’illégalité et préfère donc une décision législative.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Alors, avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Je rejoins complètement M. de Courson. Il me paraît indispensable qu’un fonctionnaire territorial participe au CCDI. Les fonctionnaires sont de moins en moins nombreux pour procéder aux mises à jour cadastrales et fiscales, il faut donc bien qu’il y ait une personne présente en permanence pour établir un suivi, d’autant que, les élections intervenant tous les six ans, les élus ne sont pas toujours au courant.
Je soutiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Sur le fond, je suis en total accord avec M. de Courson. C’était seulement la forme qui motivait un avis défavorable. Maintenant, si Mme la ministre estime qu’il vaut mieux passer par la loi, j’émets un avis favorable.
(L'amendement n° 11 est adopté.)
(L'amendement n° 12 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 47, que Mme la ministre a déjà proposé de rectifier.
Le Gouvernement a émis un avis favorable.
(L'amendement n° 47, tel qu'il a été rectifié, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 10.
M. Jean-Pierre Brard. La réforme des chambres de commerce de 2010 n’a pas pris en compte la situation des chambres de commerce et d’industrie ultra-marines qui ont la double qualité de chambre territoriale et de chambre régionale. De ce fait, la mutualisation des moyens prévue par la loi est impossible à réaliser. L’objectif de l’amendement est de neutraliser la réfaction appliquée aux CCI ultra-marines, puisqu’elles ne peuvent pas faire d’économies.
Pour éviter que ces chambres ne subissent une diminution importante de leurs ressources fiscales, et donc une dégradation de leurs prestations, il est proposé de compenser la baisse de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée par une contribution du fonds de péréquation nationale des chambres de commerce.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une opération interne aux chambres de commerce, qui n’affecte en rien – je le souligne, madame la ministre, car je vous sais un peu pingre – le budget de l’État, ni d’ailleurs aucun autre budget.
Cette modification minime, demandée par les chambres de commerce elles-mêmes, vient rectifier la non-prise en compte par la loi de 2010 des particularités des départements d’outre-mer.
Ce point a déjà fait l’objet d’un amendement adopté par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2012. L’Assemblée l’a supprimé lors de la nouvelle lecture. Il est indispensable de le rétablir si l’on veut éviter de créer de toutes pièces une discrimination à l’encontre des chambres de commerces d’outre-mer. C’est notre dernière chance, ce soir, de réparer cet oubli.
Vous savez bien que les problèmes ultra-marins ne concernent pas spécifiquement tels ou tels bancs de notre assemblée. Sur un amendement de cette nature, qui ne coûte rien au budget de l’État, nous devrions pouvoir nous mettre d’accord de façon consensuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Cet amendement n’a d’ailleurs pas été examiné par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. J’étais rapporteur pour le projet de loi portant réforme des chambres de commerce et je crois me souvenir qu’outre la spécificité indiquée par notre collègue, les chambres de métiers dans les DOM-TOM sont intégrées dans les chambres de commerce.
C’est dommage que nous n’ayons pas pu examiner cet amendement en commission, car cela nous aurait permis de faire ces vérifications.
En outre, le taux des anciennes taxes professionnelles dans les chambres de commerce est, de mémoire, relativement élevé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Mes chers collègues, vous savez bien comment les choses se passent : nous sommes au mois de décembre, à la veille des fêtes de Noël. Quand sont examinés des textes qui portent spécifiquement sur l’outre-mer, nos collègues ultra-marins sont là pour assurer eux-mêmes la défense de leur point de vue. Mais il est bien évident qu’ils ne peuvent être présents en ce moment.
M. Charles de Courson. Pourquoi pas ?
M. Jean-Pierre Brard. L’exposé sommaire de l’amendement était clair : il s’agit de réparer une maladresse qui risque de devenir une injustice.
Je ne comprends pas qu’on ne donne pas satisfaction à la demande qui a été formulée, qui vaut aussi bien pour les Antilles que pour La Réunion et qui ne coûte rien au budget de l’État.
Je comprends bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, que vous n’ayez pas eu le temps d’examiner cet amendement mais que vous donniez une réponse défavorable si abruptement n’est pas de très bon aloi pour nos collègues d’outre-mer.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
(L'article 16, amendé, est adopté.)
(L'article 16 bis A est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 48.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sagesse.
(L'amendement n° 48 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 bis B est supprimé.
M. le président. La commission a présenté un amendement de suppression de l’article, n° 49, auquel le Gouvernement est favorable.
(L'amendement n° 49 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 bis C est supprimé.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 77.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n’est favorable ni au relèvement de la taxe de séjour, qui a été adopté par le Sénat, ni à l’introduction éventuelle d’une modulation.
Le doublement de la taxe de séjour, de 1,50 euro à 3 euros, conduit à rehausser les tarifs d’hébergement touristique pour toutes les catégories. Le problème, c’est que ces hébergements viennent d’être soumis à un relèvement de la TVA de 1,5 %, comme d’autres biens et services soumis à la TVA à taux réduit. Or les hôteliers entreprennent déjà d’importants travaux pour se conformer aux normes d’accessibilité et d’incendie.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est sûr.
Mme Valérie Pécresse, ministre. En outre, ils sont soumis à une concurrence internationale accrue : en Europe, avec l’Espagne, l’Italie, mais aussi dans le monde, avec les pays émergents notamment – la Chine est devenue la troisième destination touristique au monde. Et le relèvement de la taxe va plus particulièrement toucher la petite hôtellerie indépendante.
Dans ce contexte, le Gouvernement est opposé à ce que la compétitivité de l’offre touristique française soit pénalisée.
Si le principe d’encourager un tourisme de séjour est louable, la modulation selon la durée de séjour va compliquer encore davantage cette taxe, dont le recouvrement est déjà difficile et le rendement faible.
Il faut faire attention, s’agissant surtout des tout petits hôtels. Mieux vaut mettre l’accent sur une meilleure coordination des actions entre les différents acteurs que d’augmenter et de rendre plus complexe la taxe de séjour.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a adopté un amendement de revalorisation du plafond de la taxe de séjour. Nous avons retenu non pas 4 euros, comme le proposait le Sénat, mais trois euros. Il faut savoir en effet que, depuis 2002, ce plafond était resté fixé à 1,50 euro par personne et par nuitée.
Entendons-nous bien : ce plafond n’est qu’un plafond. Le conseil municipal peut fixer un taux en deçà de cette limite. Toutefois, il nous a semblé qu’il était nécessaire de faire bénéficier les communes touristiques de cette possibilité d’augmentation.
J’ai été invité il y a deux à l’assemblée annuelle des villes touristiques et la question de la revalorisation a été abordée de manière convergente par les maires présents. Je dois préciser que ces maires sont des élus responsables : lorsque l’on est à la tête d’une commune touristique, il est évident que l’on est particulièrement attentif à l’hôtellerie.
Il me semble assez légitime de procéder à une augmentation de ce plafond qui, je le répète, n’a pas été revalorisé depuis 2002.
M. le président. La parole est à M. Yves Censi.
M. Yves Censi. Nous avons eu en commission des finances un débat intéressant. Cet article a deux volets : il y a d’abord la possibilité d’introduire une dégressivité en fonction du temps, dont nous avons débattu et qui est, je crois, ce dont les communes sont demandeuses ; pour le reste, il me semble qu’une augmentation du plafond, même si elle reste imaginable, mériterait de faire l’objet d’études, et d’un dialogue, de négociations, avec la profession comme avec les élus locaux.
Force est, je crois, de reconnaître que la proposition venue du Sénat, et qui a donné naissance à l’amendement de la commission des finances, doit faire l’objet d’une concertation. Cela manque, alors que ce secteur très divers demande régulièrement des concertations.
Si l’on ne supprime pas l’article, comme le propose le Gouvernement, on risque d’aller dans le mur. Une telle décision, qui est en réalité une décision de gouvernance, est prématurée, car l’indispensable concertation n’a pas eu lieu. Je soutiens donc l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il y a deux parties dans cet article. La commission des finances était favorable à la suppression de la taxe additionnelle de 2 % destinée à financer Atout France : c’est l’amendement suivant, n° 50. La commission et le Gouvernement s’accordent donc pour supprimer les alinéas 3 et 4.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait.
M. Charles de Courson. Il reste donc la question de la réévaluation du plafond. En commission, j’y étais, comme Mme la ministre, plutôt défavorable. Ce qui est proposé, c’est tout de même un doublement du plafond ! Certes, c’est un plafond ; mais on oublie souvent qu’il y a aussi un plancher, que nous avons, il y a deux ou trois ans, assez fortement remonté.
De plus, il s’agit d’une taxe affectée : elle doit être utilisée pour la promotion touristique. Ce n’est pas une recette générale du budget d’une collectivité locale.
Je suis donc un peu comme notre collègue Censi : ça n’urge pas ; ne faudrait-il pas une concertation, ou à tout le moins une augmentation beaucoup plus raisonnable ?
Je vous signale que l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie – vous avez dû recevoir la même lettre que moi, car c’était une lettre générale – est très hostile à cette mesure. Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas le faire ! Mais il n’y a pas eu de concertation avec la profession, comme l’a dit Yves Censi, et in fine c’est tout de même un impôt sur une profession mais qui revient sous forme de promotion, si c’est bien fait, vers cette profession.
Il serait donc plus sage, je crois, de différer, d’organiser une concertation, et de voir dans un prochain texte s’il est nécessaire de réévaluer ce plafond.
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Je me demande pour ma part si le plancher n’est pas plus dangereux que le plafond. Vous parliez de concertation, mais je ne suis pas sûr que ce soit au niveau national qu’il faille organiser la concertation ! Il faut plutôt la faire au niveau local, et c’est d’ailleurs ce que nous faisons tous.
C’est une recette d’autant moins négligeable pour les communes touristiques que certaines rencontrent de véritables difficultés. Il faut donc, je crois, conserver un plafond suffisamment haut et laisser aux élus locaux, en concertation avec les acteurs de l’hôtellerie, le soin de fixer leur pourcentage.
(L’amendement n° 77 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis D est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 78.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Même chose qu’à l’article précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous venons d’avoir le débat sur ce sujet.
(L’amendement n° 78 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis E est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 52.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. La suppression de l’article a été approuvée par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article. Les sénateurs ont en effet repris – c’est ce que me dit le ministère de l’environnement – une proposition de loi de Christian Cambon qui organise le financement des services de collecte des eaux usées, y compris lorsque les bénéficiaires de ces services ne peuvent plus payer.
Quand on est dans un immeuble relié au service de collecte des eaux usées, il faut que l’immeuble paye la collecte même si certains habitants n’en ont pas les moyens. L’idée ici est de faire participer le propriétaire au coût du raccordement.
Je souhaite donc que l’on conserve l’article introduit par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Au cours du débat en commission, nous étions plusieurs qui avions du mal à comprendre ce que souhaitaient les auteurs de l’amendement au Sénat. L’article dispose : « Les propriétaires […] peuvent être astreints […] à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif. » Mais c’est de toute façon le propriétaire qui paye le raccordement – à moins que je ne connaisse plus mon code civil ! Ce n’est pas au locataire de payer, mais au propriétaire. Nous avons donc été troublés, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur général : je n’ai pour ma part pas bien compris la portée de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y a deux sujets qui me paraissent tout à fait distincts.
D’abord, nous avons voté il y a quelques minutes la suppression de l’article 16 bis C, qui portait sur la création, au sein de la redevance de l’assainissement, qui figure sur les factures d’eau, d’une taxe supplémentaire de 0,5 %...
M. Louis Giscard d’Estaing. De 1 % !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle était de 1 % au Sénat, mais je vous l’ai présentée à 0,5 %. Cette taxe décline la proposition de loi sur l’eau qu’avait déposée le sénateur Cambon, et qui a d’ailleurs été votée au Sénat puis à l’Assemblée. C’est donc maintenant une loi, qui met en place – à l’image de ce qui existe pour le Fonds de solidarité logement, ou pour les factures d’énergie avec la contribution aux charges de service public de l’électricité, donc les tarifs sociaux – une sorte de tarification sociale des factures d’eau.
Le Sénat souhaitait aller plus loin en mettant en place un fonds de prévention, alimenté par cette surtaxe de 0,5 % ; il aurait été géré par le biais des fonds de solidarité logement de chaque département.
J’ai présenté cette proposition à la commission des finances de façon favorable mais mes collègues – de façon, je dois le dire, unanime – ont estimé que ces questions devaient continuer d’être traitées au niveau des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, c’est-à-dire des communes, et que si on les faisait remonter au niveau des FSL départementaux, on introduisait de la complexité. Écoutant mes collègues, je me suis rallié à leur argumentation.
Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons donc été conduits à proposer la suppression de l’article voté par le Sénat.
Ensuite, il y a le second sujet : le maintien de la taxe de raccordement au titre de l’assainissement, pour les propriétaires, mais cela n’a rien à voir. L’argument que j’ai fait valoir, c’est que la nouvelle taxe d’aménagement, votée dans le cadre du collectif de fin d’année, va être mise en place à partir du 1er mars. Comme l’a expliqué Charles de Courson, nous étions donc un peu hésitants, et nous nous rallierons à votre position, madame la ministre : est-il approprié de laisser subsister cette taxe de raccordement alors que la taxe d’aménagement va à peine être mise en œuvre ? Nous nous sommes interrogés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous nous rallions à la position du rapporteur général, car il y a eu un mélange entre l’amendement qui vient d’être voté et le précédent. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. L’espèce de fusion entre la prime de raccordement à l’égout et la taxe d’aménagement ne va pas sans poser problème : on n’a pas affaire au même maître d’ouvrage ; la plupart du temps, il existe des syndicats d’assainissement ; or la taxe d’aménagement est perçue par les communes, ou les intercommunalités, qui ne sont pas forcément gestionnaires du réseau d’assainissement. Cela pose un vrai problème.
La fusion a été étalée dans le temps : il me semble que la taxe de raccordement à l’égout ne disparaîtra que dans deux ans. Quant à la fusion avec l’ancienne taxe locale d’équipement et avec la participation pour voirie et réseaux, elle pose moins de problèmes.
Mais avec ce dispositif, qui encore une fois ne concerne pas les mêmes maîtres d’ouvrage, il y aura des comptes d’apothicaires. L’argument de M. le rapporteur général est donc un peu bizarre ; mais comme l’article voté par le Sénat était lui-même un peu bizarre… (Sourires.)
M. Yves Censi et M. Charles de Courson. Bizarre, vous avez dit bizarre ? (Sourires.)
(L’amendement n° 52 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis F est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 53.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement de suppression.
(L’amendement n° 53, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 16 bis G est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 54.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale.
(L’amendement n° 54, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 16 ter, amendé, est adopté.)
M. le président. L’article 16 ter est donc ainsi rédigé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale.
(L’amendement n° 55, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’article 16 octies est ainsi rétabli.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination de la commission des finances, n° 56.
(L’amendement n° 56, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 17 bis A, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 57.
(L’amendement n° 57, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 17 ter A est supprimé.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 75 rectifié.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous proposons, à l’alinéa 4, de substituer aux mots : « la rue et la commune », les mots : « les références cadastrales et l’adresse ».
Cet article porte sur Patrim Usager, outil que nous allons mettre à la disposition des contribuables, qui leur permettra d’évaluer leurs biens immobiliers. L’idée, c’est qu’ils puissent utiliser, par exemple pour valoriser leur patrimoine, les mêmes données que l’administration fiscale : ainsi, il n’y aura pas de surprise. C’est, si vous voulez, le principe judiciaire de l’égalité des armes transposé à la matière fiscale. Cet outil permet évidemment d’améliorer sensiblement le service offert aux usagers.
Or comparer dans une même rue et dans une même commune est complexe : c’est trop vaste. Entre deux ou trois quartiers d’une même ville, il peut y avoir, vous le savez bien, des différences considérables. Nous souhaitons donc que les usagers puissent effectuer des comparaisons vraiment pertinentes. Dans la mesure où les informations communicables ne peuvent pas être étendues à l’infini, nous pensons que le texte adopté par le Sénat altère la portée de cet outil et son intérêt pour la sécurité juridique des contribuables.
Nous préférerions donc que Patrim Usager propose les valeurs correspondant aux références cadastrales du bien immobilier, c’est-à-dire par exemple la valeur des appartements de l’immeuble, ou la valeur des immeubles vraiment limitrophes, cadastralement, de l’immeuble que l’on veut évaluer. Cet outil serait ainsi plus précis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement a été proposé, parmi de nombreux autres amendements, par le Gouvernement il y a une dizaine de jours, à une heure très tardive. Nous l’avons adopté, car nous avons considéré qu’il était intéressant de mettre en place un tel fichier permettant à des contribuables qui doivent faire une déclaration d’ISF, de succession ou de donation, de mieux évaluer les propriétés immobilières.
Le Sénat a conservé cette idée mais n’a pas voulu aller plus loin dans la qualification des biens. Il propose donc que seuls les noms de la rue et de la commune soient communiqués et non le numéro de la parcelle et le numéro de la rue. En tant que maire, je donne pleinement raison à nos collègues sénateurs qui proposent un système un peu plus général tout en étant pratiquement aussi efficace.
En réalité, l’information sera d’accès public, c’est-à-dire qu’en consultant le fichier officiel du ministère des finances, on pourra savoir que la maison de tel voisin vaut tant dans le fichier officiel du ministère des finances. Or ce sont des informations que nos concitoyens considèrent à juste titre comme confidentielles.
Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà pourquoi je tiens à mettre en garde ceux qui sont maires ici car ils risquent d’avoir beaucoup de mal à gérer cette situation.
Le fichier des notaires ne donne pas l’adresse exacte, il indique seulement le quartier et donne quelques précisions quant à la date de construction de l’immeuble. Par exemple, à Paris, il sera mentionné que l’immeuble a été construit dans les années 20, 60 ou 80.
On ferait une erreur, qui rejaillirait sur les élus locaux, en adoptant cet amendement.
On me rétorquera que ces informations ne sont pas publiques. Mais ce n’est pas exact puisque, pour y avoir accès, il suffira de donner son numéro d’identifiant fiscal et dire que l’on a besoin de savoir si l’on est ou non assujetti à l’ISF.
Madame la ministre, à partir d’une excellente intention que personne ne conteste, on risque de mettre en danger le système que vous voulez mettre en place.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Il me semble que la version sénatoriale est meilleure, mais tout dépend de la finalité de cette disposition. En effet, dès lors que le fichier existe et qu’il est consultable par tous, on peut imaginer que de bonnes âmes, considérant que tel voisin, tel parent, aurait manqué à ses obligations déclaratives en matière d’ISF ou de succession, s’empresseraient d’aller le consulter et, le cas échéant, de signaler.
Si l’inspiration de cette mesure est de déclencher des réflexes que d’aucuns pourraient qualifier de civiques chez nos concitoyens bien disposés à l’égard d’un voisin, d’un parent ou d’une relation, l’Assemblée doit voter ce texte. Si, au contraire, – peut-être est-ce mon point de vue – elle risque d’entraîner des réactions qui sont toujours désagréables, il me semble que la version sénatoriale est préférable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. On déborde ! Il ne s’agit pas de mettre à la disposition de tous les Français un grand fichier permettant de connaître la valeur patrimoniale de tous les autres.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, il s’agit, pour un contribuable qui fait l’objet d’un contrôle fiscal, d’avoir l’égalité des armes, de pouvoir faire sa déclaration fiscale et d’avoir accès à la valeur des biens.
Si vous considérez que l’amendement n’est pas abouti, qu’il ne permet pas de respecter le droit à la vie privée de chacun, on peut en rediscuter demain dans le cadre de la lecture définitive de ce projet de loi, mais l’idée c’est d’aider le contribuable et non pas d’ouvrir un droit à consultation d’un fichier immobilier où l’on dévoilerait la valeur de tous les biens acquis en France.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues, je souhaite vous lire la rédaction actuelle de l’article 17 quater : « Toute personne physique […] faisant état de la nécessité d’évaluer la valeur vénale d’un bien immobilier pour la détermination de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ou des droits de mutation à titre gratuit peut obtenir, par voie électronique, communication des éléments d’information ». Cela veut dire que ce droit est ouvert à chacun. Il suffit que je veuille faire une donation à mes enfants ou que je me demande si je ne devrais pas acquitter l’ISF pour avoir accès au fichier. Voilà pourquoi, madame la ministre, je vous demande de vous rallier à la position de prudence des sénateurs. Je ne suis pas persuadé que le fichier perdra pour autant de son intérêt.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je me rallie à la position du rapporteur général tout en ayant relu attentivement l’article et en confirmant qu’il n’est pas question de communiquer, à travers ce fichier, des informations à quelqu'un qui ne justifierait pas qu’il habite à tel endroit, qu’il fait sa déclaration à tel endroit et qu’il est bien le propriétaire du bien en cause.
Si M. Cahuzac veut savoir combien vaut la maison de Gilles Carrez au Perreux, il n’obtiendra pas l’information car il faudrait qu’il habite au Perreux et qu’il demande une évaluation de son propre bien.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est invérifiable !
M. le président. Madame la ministre, retirez-vous l’amendement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, monsieur le président.
(L'amendement n° 75 rectifié est retiré.)
(L'article 17 quater est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 58 rectifié.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.
(L'amendement n° 58 rectifié est adopté.)
(L'article 17 quinquies, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 59.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de supprimer l’article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. Je ne comprends pas que vous vouliez supprimer cet excellent article qui ne coûte rien. Il oblige les banques qui ont une relation avec l’État à diffuser des informations concernant leur activité dans les paradis fiscaux.
Après les débats que nous avons eus ici, y compris celui de tout à l’heure concernant l'approbation d'une convention fiscale entre la France et le Panama, cela me paraît être un amendement de bon sens.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. De deux choses l’une. Si l’État dispose déjà des moyens légaux ou réglementaires lui permettant de connaître, sur sa demande, quelles sont les activités des établissements bancaires dans les paradis fiscaux,alors cet article est inutile et son adoption serait superfétatoire. Si ce n’est pas le cas, cet article a tout son intérêt.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser que vous disposez bien de tous les moyens légaux vous permettant d’interroger les établissements bancaires et d’obtenir de leur part des réponses parfaitement complètes et sincères dès lors que vous estimeriez que ces établissements ont des activités dans les paradis fiscaux, ce que nous savons que les banques ont ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non !
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Si, puisqu’elles ont toutes des filiales dans les paradis fiscaux. Ce n’est pas pour le simple plaisir d’y disposer de bureaux.
Madame la ministre, rassurez-nous et dites-nous que vous pouvez connaître, en tant que de besoin, la nature exacte des activités de ces établissements dans les paradis fiscaux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je rassure immédiatement le président de la commission : l’article est satisfait parce que la loi de finances rectificative pour 2009 a instauré une obligation documentaire, à la fois pour les grandes entreprises et les grandes banques. Cette obligation est renforcée si l’entreprise réalise des transactions avec des opérateurs établis dans des États ou des territoires non coopératifs.
Les établissements financiers doivent désormais publier en annexe à leur compte annuel des informations sur leurs implantations et leurs activités dans les États ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale permettant l’accès aux renseignements bancaires.
J’ajoute que le retrait volontaire de certains établissements français de ces juridictions non coopératives depuis deux ans témoigne de l’efficacité des mesures qui ont été prises dans le cadre national. C’est eu égard à l’efficacité du corpus de règles existantes que le Gouvernement réitère son opposition au dispositif introduit par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je souhaite confirmer ce que vient de dire Mme la ministre et obtenir des éclaircissements sur un autre point. À quoi sert de s’occuper uniquement des procédures d’appels d’offres des banques ? Il ne me semble pas astucieux de viser uniquement celles qui sont candidates pour acheter des obligations du Trésor ou autres, c’est-à-dire pour prêter à l’État. Le dispositif général rappelé par Mme la ministre me paraît plus efficace.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’obligation qu’ont les banques d’informer l’État de leurs éventuelles implantations dans des paradis fiscaux résulte d’un amendement que Didier Migaud et moi-même avions fait voter dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2009 et qui est maintenant l’article L. 511-45 du code monétaire et financier.
(L'amendement n° 59 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 sexies est supprimé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 60.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de supprimer l’article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. En votant cet amendement, il s’agit d’approuver le fait qu’il n’y a pas de taxe sur les transactions financières. En la matière, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Pour notre part, nous vous proposons, depuis plusieurs années, un taux faible. Le Sénat a fixé le taux de cette taxe.
Mes chers collègues de la majorité, vous vous apprêtez à supprimer la création d’une taxe sur les transactions financières, création qui semblerait pourtant faire plutôt consensus. Je sais bien que vous me répondrez qu’il faut aussi la créer en Europe et dans le monde sinon cela n’a pas de sens. En matière d’initiatives morales, la France a parfois été un précurseur. Nous avons là l’occasion de donner le ton.
(L'amendement n° 60 est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 bis A est supprimé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 61.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de revenir au texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture tout en maintenant la proposition d’un rapport. Celui-ci serait limité à l’impact du dispositif d’entrée progressive dans le droit commun fiscal de l’impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale des mutuelles sur les finances des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve que la date de remise du rapport puisse être portée à l’année 2013.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. D’accord !
(L’amendement n° 61 est adopté.)
(L’article 19 sexies, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 62, de la commission.
(L’amendement n° 62, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9 rectifié.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Voilà encore une sacrée histoire ! (Sourires.) La notion d’utilisation d’alcool dans les pharmacies a été légitimement comprise par de nombreux pharmaciens comme incluant la vente d’alcool pur aux patients pour une utilisation médicale. Or telle n’est pas l’interprétation faite par l’administration des douanes, qui considère que la vente d’alcool pur aux patients entraîne paiement des droits d’accises.
Cette interprétation a souffert d’un déficit de communication de la part de l’administration, alors même que, avant l’application de l’ordonnance du 29 août 2001 insérant l’article 302 D bis du code général des impôts, les douanes avaient indiqué aux pharmaciens, dans un courrier de 1999 adressé à l’ordre des pharmaciens, qu’ils avaient « la faculté de vendre de l’alcool nature, en exonération de droits d’accises, aux professions médicales, ainsi qu’à des particuliers à titre d’antiseptique, dans le cadre de l’exercice officinal et en dehors de toute prescription médicale ».
L’administration des douanes a reconnu le 12 mai 2011 ce défaut de communication, lors d’une réunion avec les représentants de la profession de pharmacien d’officine ; instruction a été donnée aux services locaux des douanes de modérer temporairement les contrôles des officines en matière de vente d’alcool pur.
Il est donc proposé de donner une portée rétroactive à l’amendement entre le 31 mars 2002, date d’application de l’ordonnance précédemment citée et le 12 mai 2011, afin que cette carence d’information sur l’interprétation de la loi ne soit pas dommageable aux contribuables concernés.
Il s’agit également de donner la possibilité à l’administration, si elle le souhaite, de maintenir le régime ou de le durcir par un décret qui fixerait le plafond par officine. Elle pourra aussi ne pas le fixer du tout, ce qui vaudrait interdiction, mais ce serait dommage : selon l’ordre des pharmaciens, il faut de l’alcool nature pour un certain nombre de préparations. J’ajoute que la commission des finances avait proposé d’adopter cet amendement en première lecture. Hélas, il n’avait pu être défendu en séance publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai que cet amendement avait été approuvé par la commission des finances, mais il avait été rejeté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale par nos collègues.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Quel enthousiasme !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter plusieurs fois à propos de différents textes et qui a été repoussé.
Il s’agit de la vente d’alcool non dénaturé dans les pharmacies en exonération de taxes. Or les douanes se sont aperçues que certaines personnes venaient s’approvisionner en alcool dans les pharmacies, bénéficiant ainsi d’une exonération de taxes, tout en le destinant à la consommation et non à des fins médicinales.
M. Charles de Courson. Mais il s’agirait d’autoriser de très petites quantités !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les douanes ont donc rappelé, dans une instruction extrêmement précise, que la vente d’alcool non dénaturé – pour information, il est très simple de dénaturer de l’alcool – en exonération de droits à un particulier est strictement proscrite.
Au printemps 2011, la direction des douanes a envoyé, en lien avec toutes les organisations professionnelles et le conseil de l’ordre des pharmaciens, une directive rappelant ces règles. La mise en place d’un contingent, comme vous le proposez, monsieur de Courson, rendrait l’état du droit fort peu lisible : en réalité, cela voudrait dire qu’on a le droit d’enfreindre la loi du moment que c’est une petite quantité. Cela n’est pas possible ! De plus, cela est très difficilement applicable pour le passé. En effet, je vous rappelle qu’il y a aujourd’hui des procédures en cours,…
M. Charles de Courson. Justement !
Mme Valérie Pécresse, ministre. …en l’occurrence des verbalisations pour fraude. Dans ces conditions, je considère qu’il n’est pas possible d’exonérer l’alcool vendu par des pharmaciens à des particuliers. Les pharmaciens peuvent très facilement dénaturer cet alcool pour le rendre impropre à la consommation.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Madame la ministre, il y a deux aspects dans l’amendement : le passé et l’avenir.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et le présent ? (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. Trop tôt évoqué, le présent devient le passé !
M. Charles de Courson. Le présent, mes chers collègues, n’est que l’instant entre le passé et l’avenir.
Pour ce qui concerne le passé, il faut absolument passer l’éponge. C’est l’objet des deuxième et troisième alinéas de mon amendement. En effet – et vous l’avez dit vous-même, madame la ministre –, il y avait tout de même le courrier de 1999. Or il a fallu attendre le 12 mai 2011 ! Pourquoi ? Parce que des inspecteurs des impôts ont commencé à faire des redressements parfois considérables. Certains collègues – nous avons été nombreux à cosigner cet amendement – m’ont parlé de cas où il était question de 30 000 euros et j’en ai même rencontré où la somme en jeu était de 93 000 euros.
Pour ce qui est de l’avenir, madame la ministre, il vous suffira, tel qu’est rédigé l’amendement, de ne pas sortir le décret si vous ne voulez pas établir de quota. Dès lors, il n’y aura plus de vente. Je vous conseillerais tout de même de fixer au moins un quota réduit, car il s’agit non pas d’un quota par personne, mais d’un quota annuel.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela n’en reste pas moins une tolérance.
M. Charles de Courson. Autrefois, cela a été fait, par voie de circulaire de la direction des douanes, en fonction de l’importance de la pharmacie.
Si vous ne voulez pas du premier point, c’est-à-dire de quotas pour l’avenir, ne prenez pas le décret. Mais traitons au moins du passé ; l’avenir, quant à lui, est entre vos mains.
M. Jacques Remiller. Très bien ! Nous voterons l’amendement !
M. Christian Eckert. Buvez de l’eau ferrugineuse !
M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.
M. Jean Proriol. Moi aussi, madame la ministre, j’ai été saisi par le président de l’ordre des pharmaciens de mon département, qui pose le problème sous un autre angle. En effet, il reçoit des demandes d’achat d’alcool pur pour fabriquer des liqueurs à base de produits régionaux. (Sourires.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est interdit !
M. Jean Proriol. Cela ne porte pas sur des quantités énormes. En plus, il s’agit de produits à base de plantes naturelles qui, comme me le soufflent certains de mes collègues, possèdent toutes les qualités nécessaires à l’attribution de l’étiquette « bio ».
Les pharmaciens sont soumis à des pressions de la part des douanes, qui les inspectent régulièrement. Mais on ne peut quand même pas soupçonner les pharmaciens, dont la profession consiste à vendre des produits qui guérissent les gens, de se livrer à un trafic de ces produits !
J’ai saisi un ministre de la question. Il m’a d’ailleurs plus ou moins envoyé sur les roses.
Mme Marylise Lebranchu. Dans les mirabelles ?
M. Jean Proriol. Selon moi, l’amendement de M. de Courson a le mérite de cantonner le problème. Le quota qu’il propose, et que la commission avait d’ailleurs accepté, dans sa sagesse, ne me paraît pas de nature à entraîner des dérapages incontrôlés à la sortie des pharmacies. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Scellier.
M. François Scellier. J’hésite à prendre la parole sur ce sujet car j’ai une double expérience en la matière : je suis à la fois un ancien agent des droits indirects et l’époux d’une pédicure-podologue. Les agents des droits indirects donnaient à toutes les professions médicales, notamment les podologues, une autorisation qui était, je crois, de cinq litres d’alcool pur par an pour une utilisation dans leur cabinet.
Certains alcools modifiés sont dénaturés et permettent très bien d’assurer les soins. Cela fait que, la plupart du temps, une partie de la quantité allouée était utilisée à d’autres fins que les soins car aucun contrôle n’était fait.
M. Jean-Louis Dumont. C’était un autre temps !
M. François Scellier. Il y avait donc un quota, mais celui-ci n’était jamais respecté. Je me suis toujours interrogé sur ce sujet : si le praticien ne prenait qu’un litre d’alcool pur par an sur le quota de cinq litres, où passaient les quatre autres litres, pour lesquels il y avait une autorisation et qui étaient distribués chez un professionnel – soit un marchand en gros d’alcool pur, soit un pharmacien ?
La ministre a donc tout à fait raison de refuser, car cela a donné lieu à un certain nombre de trafics et de fraudes. Par contre, la disposition proposée par M. de Courson est peut-être utile pour régler un certain nombre de contentieux qui mériteraient de l’être avec souplesse.
(L’amendement n° 9 rectifié est adopté.)
(L’article 20 bis A, amendé, est adopté.)
(L’article 20 bis B est adopté.)
M. le président. J’appelle maintenant l’article 20 bis du projet de loi, qui a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement pour rectification d’une erreur matérielle.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir cet amendement, n° 71.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un amendement rédactionnel.
(L’amendement n° 71, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 20 bis, amendé, est adopté.)
(Les articles 21 bis A à 21 bis C sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 63 de la commission.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous vous proposons d’adopter le texte de l’article 21 bis dans la rédaction issue du Sénat, sous réserve de la suppression de la possibilité de cumuler la taxe sur la publicité extérieure et le droit de voirie.
(L’amendement n° 63, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 21 bis, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 64 de la commission, visant à rétablir l’article 21 ter, supprimé par le Sénat.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amendement est défendu.
(L’amendement n° 64, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 21 ter est ainsi rétabli.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 65, deuxième rectification.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est défendu.
(L’amendement n° 65, deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 66.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est défendu.
(L’amendement n° 66, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 22, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 67.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est défendu.
(L’amendement n° 67, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 24, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 68.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est défendu.
(L’amendement n° 68, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 27, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 69.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit encore de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Sagesse. Il s’agit ici d’un rapport. Même si l’administration croule sous les rapports, elle est toujours prête à en faire un de plus !
(L’amendement n° 69, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 33, amendé, est adopté.)
(L’article 34 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 83 du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cet amendement est la conclusion d’une discussion que nous avons eue au Sénat. Il s’agit de protéger les agents publics ayant perçu des indus et auxquels l’administration les réclame plus de deux ans après qu’ils les ont perçus. Je vous laisse imaginer la situation dans laquelle se retrouvent certains agents publics, qui touchent parfois de petits traitements, auxquels il est subitement demandé de tout reverser alors que les indus ont pu se succéder des mois durant.
Nous avons proposé cet amendement au Sénat à la demande des médiateurs successifs et du Défenseur des droits, qui nous saisit chaque année de ces questions de sécurité juridique concernant des agents publics. Il s’agit en l’occurrence d’agents publics envers lesquels l’administration a commis une erreur qu’elle essaie de réparer en récupérant les sommes versées. Cet amendement vise à fixer un délai de deux ans au-delà duquel l’administration n’a plus le droit de récupérer ces sommes.
Se posait toutefois le cas très particulier des modifications statutaires. Comme vous le savez, nous avons fusionné énormément de corps depuis cinq ans. (Sourires.)
Ces fusions de corps font parfois, malheureusement, l’objet de recours contentieux. Nous risquions donc de nous retrouver dans une situation extrêmement compliquée où, la fusion de corps ayant été annulée contentieusement des années après avoir eu lieu, des indus auraient dû être récupérés et, dans ce cas, l’administration ne pouvait plus rien récupérer, ni reconstituer de carrière.
Pour ce cas très spécifique, nous vous proposons donc de rétablir le troisième alinéa de l’article, qui dispose que le délai visant à protéger les agents publics ne s’applique pas aux fusions de corps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission ne l’a pas examiné mais, à titre personnel, cet amendement me semble tout à fait justifié.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je me demande, madame la ministre, comment s’articule cette disposition par rapport aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes en matière de mise en débet des comptables.
M. Jean Launay. Vous n’allez pas encore revenir à ce sujet !
M. Charles de Courson. En d’autres termes, pour un indu antérieur de plus de deux ans, couvert par l’article 35, les cours financières pourront-elles mettre en débet le comptable qui aurait commis une erreur ?
M. Jean Launay. Ce n’est pas possible, c’est une obsession !
M. Charles de Courson. Car il ne faudrait pas que l’on vide par cet amendement le droit financier. C’est une simple question : pourriez-vous nous expliquer l’articulation entre le droit des comptables publics et la disposition que vous nous proposez ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Charles de Courson est très attentif à ce que nous n’exonérions pas les comptables de leurs responsabilités. Mais il n’en est pas question : le droit et la responsabilité des comptables qui ont commis des erreurs au détriment de la puissance publique et du contribuable ne sont pas du tout liés au vote de cet article.
La responsabilité du comptable s’exerce totalement séparément et indépendamment. S’il a commis une erreur, il en est responsable selon les principes que nous avons édictés et complétés ensemble cet automne.
Il s’agit, dans cet amendement, des agents publics qui, ayant fait l’objet de versements d’indus, ne peuvent se voir récupérer les indus plus de deux ans après leur versement. En cas de fusion de corps, nous créons une protection supplémentaire pour le cas où la fusion de corps serait annulée, afin qu’on ne puisse pas demander le reversement des indus liés à la suppression de corps annulée car, pour le coup, cela mettrait les agents dans des situations de précarité totalement indignes.
(L’amendement n° 83, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 35, amendé, est adopté.)
(L’article 36 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi rectificative pour 2011.
M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(L’ensemble du projet de loi est adopté.)
Discussion d’un projet de loi organique
et d’un projet de loi modifiés par le Sénat
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des projets de loi organique et ordinaire, modifiés par le Sénat, portant application de l’article 11 de la Constitution (nos 3072, 3946, 3073, 3947).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire que je vous présente ce soir viennent parachever la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en donnant toute son effectivité à la dernière disposition appelant encore un texte d’application.
Cette révision, dont la portée n’est plus à démontrer (Rires sur les bancs du groupe SRC.)…
M. Jean Mallot. Elle est nulle et non avenue ; elle n’est pas à démontrer !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. …a considérablement enrichi l’exercice de la citoyenneté en reconnaissant à nos concitoyens des droits nouveaux.
Mme Marylise Lebranchu. Nous en sommes ravis !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Droit d’exciper de l’inconstitutionnalité d’une loi à l’occasion de toute instance ; possibilité de saisir le Défenseur des droits, autorité de niveau constitutionnel dotée de compétences élargies et de moyens d’action sans précédent ; droit de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature du comportement d’un magistrat susceptible de faire l’objet de poursuites disciplinaires.
Les deux textes soumis ce soir à votre examen renouvellent également notre pratique démocratique avec la mise en œuvre d’un nouvel instrument au service de l’État de droit : le référendum d’initiative partagée. Ces textes déterminent en effet les conditions dans lesquelles, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 11 de la Constitution, les électeurs pourront apporter leur soutien à une proposition de loi dans le but de la faire adopter par le Parlement ou par la voie référendaire.
Proposée par le comité Vedel en 1993 pour renforcer le droit des citoyens, la proposition de « référendum d’initiative minoritaire » a été reprise, en 2007, par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur.
L’article 11 de la Constitution dispose désormais qu’un « référendum peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits » ; « cette initiative prend la forme d’une proposition de loi ». Le constituant a souhaité que cette nouvelle procédure, contrairement à l’initiative populaire italienne qui n’est qu’abrogative, puisse conduire à l’élaboration de nouvelles normes dans tous les domaines relevant actuellement du champ du référendum, réserve faite du domaine constitutionnel.
Ne pouvant intervenir que dans les domaines énumérés à l’article 11 et sur un texte préalablement jugé constitutionnel par le Conseil constitutionnel, cette nouvelle procédure référendaire n’a par ailleurs aucune visée plébiscitaire.
Conformément à l’article 11 de la Constitution, le projet de loi organique qui vous est aujourd’hui soumis détermine les conditions de présentation de l’initiative partagée ainsi que les modalités de son contrôle, confié par le constituant au Conseil constitutionnel.
Le texte précise ainsi que l’initiative est d’abord soumise au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement qui en sont les signataires. Le juge constitutionnel dispose alors d’un délai d’un mois pour vérifier que les conditions de recevabilité prévues par la Constitution sont respectées, comme le soutien d’un cinquième des membres du Parlement, le respect du champ du référendum défini à l’article 11 de la Constitution et, enfin, la conformité de la proposition de loi à l’ensemble des règles et principes de valeur constitutionnelle.
Par mesure de cohérence, votre commission a souhaité préciser, dans le projet de loi ordinaire, que les dispositions de l’article 39 de la Constitution qui permettent de saisir pour avis le Conseil d’État d’une proposition de loi ne seront plus applicables dès lors que celle-ci aura été transmise au Conseil constitutionnel au titre de l’article 11. Il convient en effet d’éviter le chevauchement de procédures qu’induirait une saisine parallèle des deux institutions dont les contrôles porteraient, certes en partie seulement, sur les mêmes questions juridiques. Une fois déclarée recevable, la proposition doit recueillir le soutien d’au moins un dixième du corps électoral. Le projet de loi organique encadre cette procédure afin d’en garantir la sincérité et la régularité. Le recueil des soutiens s’opérera par voie électronique, ce qui facilitera tant leur collecte que les opérations de contrôle par le Conseil constitutionnel.
Chaque citoyen pourra donc directement soutenir une proposition depuis son domicile, de la même façon qu’il peut faire sa déclaration d’impôt en ligne. Pour ceux de nos concitoyens qui n’ont pas accès à un équipement informatique ou qui n’ont pas de connexion Internet, la commission des lois a prévu, sur votre proposition, monsieur le rapporteur, que les communes chefs-lieux de canton mettent à disposition des points d’accès Internet.
Une commission spéciale sera chargée d’assurer le suivi de l’ensemble des opérations de recueil du soutien des électeurs et de régler, pendant cette période, les éventuelles réclamations et contestations. Sur proposition de votre rapporteur, les garanties d’indépendance et d’impartialité de cette commission ont été renforcées : les membres, ainsi que leurs collaborateurs ou toute autre personne prenant part aux travaux, seront astreints à une obligation de discrétion sur le contenu des débats, les votes et les documents de travail.
Je rappellerai que, par sa composition, la commission présente d’importantes garanties d’indépendance et de compétence : en effet, elle comprendra six membres issus des hautes juridictions – Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des comptes – nommés pour un mandat de six ans non renouvelable et soumis à un régime d’incompatibilités.
Votre commission des lois a souhaité fixer un délai d’un mois pour l’examen par le Conseil constitutionnel du nombre et de la validité des soutiens. C’est une question sur laquelle la réflexion n’est peut-être pas allée jusqu’à son terme. Fixer un délai à ce stade de la procédure n’apparaît pas indispensable. En tout état de cause, il convient de nous assurer que ce délai laissera au Conseil constitutionnel les moyens d’opérer un contrôle approfondi sur le travail réalisé par la commission chargée de superviser le recueil des soutiens.
Le projet de loi ordinaire vient, quant à lui, préciser les sanctions pénales destinées à garantir, sur le modèle des dispositions prévues actuellement pour les scrutins électoraux, la régularité et la sincérité des opérations de collecte des soutiens à une initiative référendaire, qu’il s’agisse de l’usurpation d’identité d’un citoyen inscrit sur les listes électorales, de l’altération des données collectées par voie électronique, ou encore de menaces, violences ou toute forme de pression exercée sur les citoyens pour les contraindre ou les dissuader d’apporter leur soutien à l’initiative. Je voudrais saluer l’important travail, effectué par le rapporteur, de mise en cohérence de ces sanctions avec celles prévues par le code électoral.
Par ailleurs, même si le recueil de ces données à caractère personnel ne tombe pas sous le coup des interdictions formulées dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il était impératif d’encadrer le traitement qui en sera fait.
Les citoyens qui apporteront leur soutien doivent bénéficier de toutes les garanties : les données les concernant, qui seront recueillies électroniquement, devront servir aux seules fins de vérification et de contrôle prévues par le texte, et toute utilisation contraire sera pénalement sanctionnée. Comme le requiert la loi du 6 janvier 1978, le recueil et le traitement des données devront être entourés de toutes les mesures de sécurité nécessaires, notamment techniques. Les conditions de consultation des listes de soutien et de conservation des données seront précisément définies par décret en Conseil d’État.
Sur proposition de votre rapporteur, le projet de loi a été complété pour renforcer les garanties offertes à nos concitoyens. Le décret qui fixera les conditions de mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel sera ainsi soumis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Une fois la recevabilité établie par le Conseil constitutionnel sur la base des soutiens apportés, la proposition de loi sera soumise à l’examen du Parlement. Celui-ci disposera, comme le recommandait la commission Balladur, de douze mois pour l’examiner. À l’expiration de ce délai, et à défaut d’un examen par chacune des chambres du Parlement, le Président de la République devra la soumettre à référendum dans un délai de quatre mois. La procédure prévue par l’article 11 de la Constitution permettra ainsi d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées la proposition de loi soutenue par une partie significative du corps électoral. Ce n’est que si le Parlement ne s’est pas prononcé, de quelque manière que ce soit et dans un délai de douze mois, sur le texte ayant reçu le soutien d’un dixième des électeurs, que celui-ci sera soumis au référendum.
En créant une initiative parlementaire soutenue par une part importante du corps électoral, le constituant de 2008 a renforcé la dimension démocratique du rôle du législateur, grâce à une procédure nouvelle associant étroitement le peuple souverain et ses représentants.
Comme le soulignait le comité Balladur, il eût été contradictoire d’émanciper le Parlement tout en étendant de manière excessive le champ de la démocratie directe. La procédure choisie par le constituant est originale et sans équivalent exact dans les autres États disposant de mécanismes d’initiative populaire.
Initiative partagée,…
M. Jean Mallot. Initiative populaire ou initiative partagée ? Il faut choisir.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. …cette nouvelle procédure permettra à nos concitoyens de participer directement à la vie démocratique de notre pays sans qu’il soit aucunement porté atteinte à l’équilibre de nos institutions et à la place renforcée qu’y occupe désormais le Parlement depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, mes chers collègues, comme vient de le dire M. le garde des sceaux, nous sommes réunis pour étudier deux textes qui ont pour objet de mettre en œuvre les dispositions nouvelles de l’article 11 de la Constitution. Il ne m’a pas semblé inutile, d’autant plus qu’elles ne sont pas très longues, de vous en faire la lecture pour que nous sachions bien, au début de nos travaux, de quoi il s’agit exactement.
Je vous fais grâce de la lecture des deux premiers alinéas de l’article 11, qui n’ont pas été modifiés, pour passer directement au troisième :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin.
« Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. »
Si j’ai tenu à vous lire ces alinéas nouveaux de l’article 11, c’est pour préciser l’objet de la loi organique et de la loi ordinaire.
M. Jean Mallot. Il mérite d’être précisé en effet.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il faut rappeler, s’agissant en particulier de la loi organique, que cet objet est circonscrit à certaines dispositions qui constituent la commande constitutionnelle.
Le premier élément qu’il faut avoir à l’esprit par rapport à un vocabulaire ambiant qu’il faut cesser d’employer, c’est l’appellation même de la disposition référendaire nouvelle.
On entend dire, de manière récurrente et erronée, qu’il s’agirait du référendum d’initiative populaire. La lecture de l’article 11, confirmée par le texte de la loi organique démontre clairement, et ce n’est pas une surprise, qu’il en est autrement.
M. Jean Mallot. L’absence de M. Warsmann ne constitue-t-elle pas un désaveu ? Il fait rarement les choses au hasard, le président de la commission.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un référendum d’initiative populaire, disais-je, mais d’un référendum dont l’initiative est partagée entre le Parlement, un cinquième de ses membres, soit 185 parlementaires issus de l’une ou de l’autre des chambres ou des deux chambres réunies, et nos citoyens, un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,5 millions d’entre eux qui viennent en soutien. C’est la raison pour laquelle certains, et le ministre a repris la formule dans son propos, ont parlé, au-delà du référendum d’initiative partagée, d’un référendum d’initiative minoritaire, pour bien souligner qu’il s’agissait bel et bien, au travers de cette nouvelle mouture de l’article 11, d’un droit supplémentaire nouveau accordé à l’opposition. On peut en effet raisonnablement penser que ces nouvelles dispositions ont toute raison de correspondre à un souhait exprimé par l’opposition de voir un texte de loi soumis à l’examen du Parlement ou, à défaut de cet examen, soumis au peuple dans la mesure où 10 % du corps électoral souhaiterait qu’il en soit ainsi.
C’est donc à partir de ce rappel important que nous pouvons examiner le texte de la loi organique et le texte de la loi ordinaire dans ce qu’ils contiennent d’éléments précisant le contenu du nouvel article 11 de la Constitution.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce qu’a dit le garde des sceaux, je rappellerai simplement que le référendum portera sur les mêmes champs que le référendum originel tel qu’il est prévu à l’alinéa 1 de l’article 11.
La proposition de loi peut ainsi porter sur les trois champs habituels : l’organisation des pouvoirs publics, la ratification d’un traité et l’ensemble des sujets relatifs aux politiques économique, sociale et, depuis la révision constitutionnelle parallèle à l’adoption de la charte constitutionnelle de l’environnement, environnementale.
On l’a vu dans le texte de la Constitution lui-même, il s’agit de ne pas abroger une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. La proposition ne peut pas porter sur le même sujet qu’une proposition de loi précédente ayant été rejetée par référendum et, bien évidemment, l’initiative qui est prise ne doit pas correspondre à une proposition de loi qui serait contraire à la Constitution.
D’où le rôle original…
M. Jean Mallot. Pour être original, c’est original !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. …du Conseil constitutionnel qui va effectuer, en amont de l’ensemble de la procédure, un contrôle non seulement de l’ensemble des dispositions concrètes, un cinquième des parlementaires, un dixième à venir du corps électoral, mais également de la constitutionnalité du texte en lui-même. On peut comprendre cette disposition. On verrait mal en effet être soumise à référendum une proposition de loi dont l’objet serait contraire à la Constitution et qui ensuite ferait l’objet, au travers par exemple d’une question prioritaire de constitutionnalité, d’une saisine du Conseil constitutionnel et d’une annulation totale ou partielle. Ce serait un problème important.
C’est la raison pour laquelle, le garde des sceaux l’a indiqué, la commission des lois, sur ma proposition, a veillé à ce qu’il n’y ait pas conflit de compétence entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État pour l’ensemble de ces dispositions.
Une fois l’initiative référendaire jugée recevable s’ouvre la deuxième phase, celle du recueil des soutiens populaires. Nous avons prévu qu’elle soit de trois mois. Des amendements que nous discuterons probablement demain visent à modifier cette durée. Le recueil se fera exclusivement sous forme électronique, nous en reparlerons puisque des amendements ont également été déposés sur ce point.
Nous avons veillé à ce que cette procédure respecte toutes les garanties, en particulier qu’il y ait un accès possible au minimum aux chefs-lieux de canton pour l’ensemble de nos concitoyens. Nous avons veillé à ce que la commission de contrôle soit exempte de toute critique a priori. La publicité est encadrée, avec le souci, suite à l’audition de la CNIL, que les soutiens soient publiés, mais que la liste en soit détruite rapidement dans la mesure où la publicité de ce qui est plus une pétition qu’un vote doit être possible mais sans excès.
Nous avons bien sûr veillé à ce qu’il y ait un dispositif répressif adapté. J’ai proposé à la commission, qui a bien voulu les retenir, plusieurs amendements à la loi ordinaire visant à rapporter le nouveau droit pénal s’agissant de ces dispositions nouvelles à ce qui est applicable en matière de vote simple.
La procédure parlementaire, nous en parlerons peut-être plus en détail demain au moment de la présentation de certains amendements, doit se dérouler sur une durée d’un an. C’est d’ailleurs ce que suggérait le comité Balladur. En effet, dans l’esprit du constituant, il s’agit bel et bien d’une proposition de loi qui doit pouvoir être discutée, amendée, et pourquoi pas adoptée par le Parlement.
M. Jean Mallot. Le « pourquoi pas » est savoureux.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pour que cela soit possible, il faut bien sûr disposer d’un temps minimum.
Ce n’est qu’en l’absence d’examen par le Parlement, dans les conditions que nous avons fixées, avec au moins une présentation dans les deux assemblées, que le référendum a obligatoirement lieu. Le texte prévoit que le Président de la République dispose de quatre mois pour convoquer le référendum.
Le garde des sceaux a bien voulu le dire, la commission des lois a effectué un travail approfondi sur ce sujet, avec une adhésion tout à fait partagée sur l’ensemble des bancs.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ah bon ?
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce n’est pas une surprise puisque je rappelle que ce nouvel article 11 est dû non pas au texte originel du Gouvernement, mais à cinq amendements identiques proposés par les représentants de tous les groupes de cette assemblée.
M. François de Rugy. Largement modifiés après.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cela a donné aux travaux de la commission un esprit tout à fait positif et me fait espérer qu’à l’issue de nos échanges et de nos débats, nous pourrons aboutir à un vote également unanime.
Pour conclure, je voudrais dire, avant de revenir éventuellement sur quelques aspects qui seront soulignés par nos collègues de l’opposition dans leurs motions de procédure, que cette réforme qui est, comme l’a dit le garde des sceaux, un des derniers volets de mise en œuvre de la révision constitutionnelle de 2008, ouvre des droits nouveaux tant au Parlement qu’au peuple. C’est une initiative tout à fait partagée, tout à fait équilibrée.
M. Jean Mallot. Une initiative qui fait pschitt !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Certains pourront la juger timide.
M. Patrick Braouezec. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. En tout cas, elle me semble être une étape importante dans l’amélioration de la représentation et de la parole donnée à nos concitoyens grâce à cet article nouveau de notre Constitution.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission des lois a donné un avis favorable unanime au projet de loi organique ainsi qu’au projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Daniel Boisserie. Ils préparent l’alternance.
M. le président. Sur le projet de loi organique, j’ai reçu de M. François de Rugy une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Tout d’abord, je tiens à saluer votre présence, monsieur le garde des sceaux car, il y a un an, en décembre 2010, lorsque nous avions initié un débat sur le même sujet, le Gouvernement était représenté par le ministre chargé des collectivités locales. Je dois avouer que le rapport entre les collectivités locales et cette procédure référendaire nous avait un peu échappé. Je me félicite donc que le garde des sceaux soit présent ce soir pour représenter le Gouvernement.
En revanche, je m’étonne une nouvelle fois des conditions de ce débat, qui en disent long, plus long que beaucoup d’autres argumentaires ou tentatives un peu désespérées, comme celle du rapporteur pour défendre cette procédure, sur l’importance que vous avez accordée à ce que M. Geoffroy a appelé lui-même le dernier volet de la réforme constitutionnelle. En effet, notre débat commence à vingt-trois heures alors qu’il avait été annoncé en début d’après-midi.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’étais là à dix-neuf heures trente.
M. François de Rugy. Noyé dans l’examen de textes économiques et financiers – cet après-midi et encore ce soir était discuté le projet de loi de finances rectificative pour 2011, et le projet de loi de finances pour 2012 passe demain.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne vois pas ce que cela change.
M. François de Rugy. Nous aurions pu les examiner les uns à la suite des autres, cela aurait été plus logique. Nous sommes coincés entre une discussion sur les finances locales et, demain, sur une convention avec le Panama sur la double imposition.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non, le Panama, c’était cet après-midi.
M. François de Rugy. Mais je comprends que la question de la double imposition avec le Panama concerne beaucoup de nos concitoyens.
Je reviens au présent texte. Je voudrais faire un petit rappel historique – j’aime bien l’histoire politique, même quand elle est très récente. Le rapporteur a fort justement écrit dans son rapport que cette proposition avait déjà eu une première émergence dans le débat politique avec le rapport Vedel en 1993, il y a bientôt dix-neuf ans. Mais je ne remonterai que trois ans en arrière, en 2008.
Le 23 juillet 2008, la loi portant réforme constitutionnelle a été adoptée par le Parlement réuni en Congrès et a été promulguée. Cela fait trois ans et demi.
Voyant que rien n’avait bougé d’un iota, en décembre 2010, il y a un an, avec mes collègues écologistes, j’ai rédigé, déposé et défendu une proposition de loi organique pour mettre en œuvre cet article 11 réformé de la Constitution.
Mme Marylise Lebranchu. Elle était très bien, cette proposition.
M. Jean-Jacques Urvoas. C’était une excellente initiative.
M. François de Rugy. On ne voyait en effet rien venir du côté du Gouvernement, ce qui était quand même un peu étrange puisque c’était une réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République.
D’ailleurs, je dois dire, cher Guy Geoffroy, puisque vous avez appelé au consensus…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je n’y ai pas appelé, je l’ai constaté.
M. François de Rugy. Un peu vite à mon avis, parce qu’il n’y aurait sans doute pas de motions de procédure si le consensus était total.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est ce qui me surprend !
M. François de Rugy. Par ailleurs, vous avez appelé au consensus pour le vote final. Dois-je vous rappeler - je crois même que vous étiez le porte-parole du groupe UMP -…
M. Dominique Tian. Excellent orateur !
M. François de Rugy. …que ce groupe a rejeté la proposition que je défendais.
M. Daniel Boisserie. Étonnant !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. En expliquant pourquoi.
M. François de Rugy. Étrange conception du consensus, qui devrait fonctionner lorsqu’il s’agit d’un texte du Gouvernement mais qui est balayé du revers de la main dans les autres cas. Car c’est de cela qu’il s’agit, puisque le texte que nous avons présenté a été relégué dans une « niche » parlementaire –le mot dit bien ce qu’il veut dire – alors même qu’il examinait dans le détail les possibilités comme les écueils de cette réforme constitutionnelle. Outre que, selon vous, ce n’était pas le moment d’en discuter, vous avez également contesté le fait que nous proposions la collecte électronique des signatures, procédure trop compliquée à vous en croire… Or je constate que votre projet de loi ne retient que cette forme de collecte. Chacun ses contradictions...
Vous avez également argué du fait que le Gouvernement préparait un projet de loi. J’en avais, en tant que rapporteur, demandé une copie, dont la transmission aurait été le moindre des respects pour le Parlement. Mais le projet n’était pas achevé : sans doute n’y avait-il pas dans les ministères assez de fonctionnaires compétents pour avoir achevé ce travail depuis juillet 2008… Si, il y a des fonctionnaires compétents, mais ce projet n’était visiblement pas la priorité du Gouvernement !
Après avoir défendu cette proposition de loi début décembre 2010, ma curiosité a fini par être satisfaite… le 22 décembre 2010 !
M. Jean Mallot. Cadeau de Noël !
M. François de Rugy. Lorsque l’on veut donner du relief à un projet de loi, on choisit le conseil des ministres du 22 décembre ! Les grands stratèges en communication, adeptes du storytelling pour qui la politique n’est qu’un film qu’il faut scénariser, ont choisi pour l’épisode du référendum d’initiative populaire, du droit de pétition pour nos concitoyens, la veille de Noël, où chacun, c’est bien connu, à l’esprit à cela. Nous avons l’habitude que les choses auxquelles vous ne voulez pas donner trop de relief passent ainsi en catimini.
Enfin arrive décembre 2011 et l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale. Or notre cession s’arrête fin février 2012, dans moins de deux mois si l’on tient compte de notre petite pause entre Noël et le jour de l’An. Il ne reste donc plus que quelques semaines de travail parlementaire avant l’élection présidentielle, et je doute fort de la capacité du Parlement et du Gouvernement à mener à bien l’examen et l’adoption de ce projet de loi avant la fin de la session. Il s’agit donc d’un débat de pur affichage, et le Gouvernement n’aura au bout du compte pas trouvé le moyen de mettre en œuvre avant l’élection présidentielle une réforme constitutionnelle votée en juillet 2008.
Si toutefois le projet était adopté, il est prévu que la réforme ne puisse être mise en œuvre avant l’élection. En effet – et c’est le pompon ! – un article du projet de loi prévoit que l’application de la réforme ne pourra intervenir que treize mois après la promulgation de la loi !
M. Jean Mallot. Ça porte bonheur !
M. François de Rugy. Il est quand même rare qu’un projet de loi renvoie l’application des dispositions qu’il comporte aussi loin dans le temps.
Il y a naturellement, à vous en croire, une justification technique à une telle disposition : le Gouvernement, après avoir longuement réfléchi à la rédaction du texte, prétend devoir réfléchir maintenant à sa mise en œuvre, notamment à la question des signatures électroniques. Il est vrai que, de nos jours, il n’est pas sûr que trois ans et demi plus treize mois soient suffisants pour faire fonctionner des sites internet !
La réalité est plus triste : quand il s’agit de donner la parole aux citoyens, vous vous livrez à une véritable course de lenteur, à un concours d’escargots. On a pourtant connu la majorité beaucoup plus empressée, lorsqu’il s’est agi de faire voter le bouclier fiscal, par exemple, alors qu’il y avait beaucoup de calculs à faire et des études d’impact à réaliser…
M. Jean Mallot. Ils n’ont pas fait d’étude d’impact !
M. François de Rugy. Pourtant il ne vous a fallu que quelques semaines pour faire voter le bouclier fiscal en juillet 2007, certes avec sans doute quelques erreurs à la clef.
Je crois en vérité que la majorité a un problème avec le référendum.
M. Jean Mallot. Avec la démocratie tout court !
M. François de Rugy. Sans doute est-elle prisonnière de vieux fantasmes gaulliens, qui ne sont plus que des fantasmes, malgré les efforts que fait parfois le Président de la République pour apparaître comme un vague et lointain successeur du général de Gaulle.
Dans la tradition gaulliste, et certains font remonter cette tradition encore plus loin en parlant de césarisme démocratique ou de bonapartisme, le référendum, c’est un plébiscite. Il est donc difficile pour la majorité d’imaginer que le référendum soit autre chose qu’un plébiscite. Si de surcroît il faut imaginer impliquer les citoyens en amont, cela devient hors de sa portée !
La majorité, le Président de la République et le Gouvernement ont en réalité peur des mobilisations citoyennes qui, il faut bien le dire, ne se sont pas vraiment faites en sa faveur ces derniers temps, pas plus d’ailleurs que les mobilisations électorales. La lenteur dont a fait preuve le Gouvernement n’est que l’aveu du problème que Nicolas Sarkozy a avec le peuple.
Le Président de la République a peur que, si cette disposition – sur le caractère étroit et limité de laquelle je reviendrai – était votée, elle ne soit utilisée par les Français sur des aspects contestés de sa politique. Je pense par exemple à la réforme de La Poste ou à la réforme des retraites. En effet, comme l’a bien dit le rapporteur, les sujets de société, économiques et sociaux, entrent dans le champ de cette procédure et peuvent éventuellement faire l’objet d’un référendum.
Il faut d’ailleurs, à ce stade du débat, souligner que l’expression référendum d’initiative populaire ou citoyenne est une appellation usurpée. Je rappelle que, lors du débat sur la réforme constitutionnelle, les cinq amendements dont vous avez parlé – l’un d'eux défendu par Noël Mamère au nom des écologistes et un autre par Arnaud Montebourg au nom du groupe socialiste – n’étaient pas identiques ; ils ont été rabotés, abâtardis par la majorité, notamment au Sénat. Et la majorité a choisi une voie extrêmement étroite, puisqu’il faut un cinquième des parlementaires pour lancer l’initiative référendaire. Cela fait, si mes calculs sont bons, 185 députés et/ou sénateurs, ce qui signifie que cette initiative n’est permise qu’à l’un des deux principaux groupes parlementaires, le groupe socialiste ou l’UMP.
Vous avez également décidé – et c’est le point de votre projet qui porte le plus à débat – qu’était nécessaire la signature d’un dixième des électeurs inscrits. L’un de nos collègues, Jean-Christophe Lagarde, a d’ailleurs demandé en commission pourquoi l’on était passé de 4 à 4,5 millions de signatures. Tout simplement parce que le corps électoral augmente avec la population française ! Or une pétition recueillant 4,5 millions de signatures n’est pas une chose très fréquente dans notre pays…
Ce que je veux enfin dénoncer dans cette motion de procédure, avant que ne commence la discussion générale, c’est que votre projet de loi organique, monsieur le ministre, complexifie la procédure au-delà de ce que l’on aurait pu imaginer à la lecture de l’article 11 de la Constitution. Les conditions que vous posez sont en effet quasiment impossibles à réunir et risquent de rendre cette procédure inutilisable. Je les détaillerai rapidement devant vous.
En premier lieu, vous prévoyez pour la collecte des 4,5 millions de signatures un délai assez court : trois mois. Il n’est pas à la portée de n’importe quel groupe de citoyens, même s’il s’agit d’un parti politique ou d’un groupement de partis politiques, puisque l’article 6 limite aux seuls partis politiques la possibilité d’organiser et de financer le recueil des soutiens. C’est d’autant plus étonnant qu’à l’inverse vous avez accordé un délai fort long – douze mois – au Parlement pour qu’il examine la proposition de loi. Il est étrange, mes chers collègues, que les citoyens n’aient le droit qu’à trois mois pour s’organiser et réunir 4,5 millions de signatures, tandis que les parlementaires bénéficient de douze mois pour trouver une place dans leur ordre du jour. Ce n’est pas sérieux !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il y a deux assemblées !
M. François de Rugy. Oui, et le texte comportait d’ailleurs une ambiguïté qui pouvait laisser penser que, dans le cas où l’une des assemblées aurait mis onze mois et demi pour examiner le texte, l’autre risquait de ne pouvoir l’examiner à son tour, rendant caduque l’ensemble de la procédure.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Un amendement corrige ce point !
M. François de Rugy. Reste que douze mois, c’est excessivement long. Dans la proposition de loi que j’avais défendue, nous prévoyions douze mois au maximum pour la collecte des signatures. Si néanmoins la commission désignée par le Conseil constitutionnel constatait que les signatures étaient recueillies avant l’échéance, il était possible de passer à l’étape suivante. Je précise ici que, dans certains pays comme la Suisse, qui possède une vieille tradition de votation citoyenne, la collecte des signatures peut s’étendre sur dix-huit mois. En effet, collecter des signatures n’est pas forcément chose aisée.
Comme l’on n’est jamais trop prudent, vous avez également spécifié que toute procédure s’interrompt six mois avant l’élection présidentielle. En fait, lorsqu’on cumule les délais, cela signifie qu’un an, un an et demi, deux ans même avant l’élection présidentielle, il est inutile de lancer une procédure d’initiative populaire : elle ne pourrait pas aboutir avant le début de ce délai fatidique de six mois avant l’élection.
Autre restriction, un peu étonnante, les signatures ne pourront être recueillies que par voie électronique. Je suis pour qu’elles le soient par cette voie. Je l’avais dit lors du débat de décembre 2010 ; on m’avait rétorqué que cela pouvait être dangereux et méritait réflexion. Et voilà que vous basculez dans le tout-électronique. Sans me faire le défenseur absolu du papier, je pense à ceux de nos concitoyens qui sont un peu rétifs à l’utilisation d’internet. Bien sûr, il y a une borne internet dans chaque mairie, et on pourrait leur dire d’y aller. Mais il serait quand même utile de conserver, en complément, la voie papier. Dans ma proposition de loi, je conservais cette possibilité ; je suis surpris que vous ne l’ayez pas retenue.
Une autre restriction mérite qu’on s’y arrête, car elle va à rebours de la tradition française, c’est la publicité des signatures. Il est bien rare que celui qui recueille des signatures pour une pétition aille les placarder sur les murs, ou sur internet. Nous sommes ici à la marge du droit électoral certes, et vous l’avez fait observer en commission : il ne s’agit pas du secret du vote. Quand on signe une pétition, il faut l’assumer. Mais quand même, non seulement il va falloir trouver 4 500 000 signatures, mais il faudra qu’elles soient publiques. Déjà, alors que les 500 parrains dont la signature est requise pour être candidat à la présidentielle sont des hommes et des femmes qui font de la politique, donc qui assument leurs choix, il n’est pas simple pour eux de parrainer quelqu’un pour une élection démocratique. Pour les simples citoyens, c’est plus compliqué encore de s’engager publiquement.
Vous avancez un certain nombre de précautions. Par exemple, les fichiers de signataires ne pourront pas être utilisés, dites-vous. Mais s’ils sont publics, à un moment ils pourront l’être. Je ne comprends pas l’objectif poursuivi, ou plutôt je soupçonne qu’il y a là un moyen de dissuasion. Décidément, tout doit être fait pour que cette procédure ne soit pas utilisée.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir présenté dans votre rapport une frise chronologique pour montrer comment les différentes phases s’enchaînent dans le temps. Vous en concluez que pour mener à bien la procédure, il faut un délai de 15 mois incompressible. Un an et trois mois, à l’ère de la vitesse, du storytelling cher à Nicolas Sarkozy et des procédures d’urgence que le Gouvernement impose au Parlement, c’est plus qu’un train de sénateur – si vous me permettez l’expression, monsieur le ministre.
Et le rapporteur ajoute, avec honnêteté, que les 15 mois sont incompressibles, mais que le délai le plus probable, c’est 23 mois ! Presque deux ans, et en évitant de s’approcher de l’élection présidentielle ! On a le temps de voter plusieurs fois la réforme de La Poste, celle des retraites, sujets qui intéressent nos concitoyens. Presque deux ans, on n’est plus dans le temps de la politique ! Ce n’est pas sérieux !
Mais j’imagine – j’aime anticiper la critique – que vous nous reprocherez de ne rien proposer. Il se trouve que j’ai déposé et défendu une proposition de loi ; vous n’avez pas voulu la voter. C’était il y a un an, un an que nous aurions gagné, et comme les délais que je prévoyais étaient moins longs, on aurait pu utiliser cette procédure avant l’élection présidentielle. Mais c’est peut-être ce qui vous gênait.
En tout cas, si les Français nous donnent la majorité en 2012…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il ne faut pas rêver !
M. François de Rugy. Respectez donc, monsieur le rapporteur, le choix de nos concitoyens, qui sont appelés tous les cinq ans à voter. C’est la moindre des choses, quand on ne veut pas qu’ils s’expriment par des mécanismes citoyens. Je dis, avec prudence et respect, que « s’ils nous donnent la majorité », nous modifierons ce projet pour que l’article 11 soit beaucoup plus ouvert.
Depuis que les formations écologistes existent, nous sommes favorables au référendum d’initiative citoyenne, et d’autres formations politiques y étaient favorables auparavant. Nous le sommes également au référendum local, qui mériterait d’être développé.
Nous sommes, bien sûr, pour un contrôle de constitutionnalité a priori. Il ne serait pas honnête de demander un référendum sur une proposition de loi dont on découvrirait a posteriori qu’elle n’est pas constitutionnelle. Cela permet d’ailleurs de balayer le fantasme selon lequel une telle initiative ouvrirait une brèche pour les populistes et les démagogues. On nous cite le référendum sur les minarets en Suisse. Je ne suis pas heureux qu’il ait eu lieu. Il ne faut pas oublier pour autant qu’en Suisse il y a eu bien d’autres votations citoyennes très utiles à la démocratie.
En revanche, la question de l’initiative se pose. Dans une vraie démarche de mobilisation citoyenne, faut-il vraiment avoir pour point de départ une proposition de loi déposée par des parlementaires ? Pourquoi pas ? Cette interaction est intéressante. Mais qu’on ne demande pas la signature d’un cinquième des parlementaires. Ce pourrait être un groupe parlementaire, avec certaines règles – une fois par an ou par session peut-être. Il y a quand même quatre groupes à l’assemblée et six au Sénat et le système proposé n’en retient que deux.
Quant au nombre de citoyens signataires, nous sommes pour qu’il soit de 1 % : 450 000 personnes, c’est déjà beaucoup. Pour un référendum au niveau européen, il ne faut recueillir qu’un million de signatures dans l’ensemble de l’Union, autrement plus peuplée que la France.
J’ai déjà dit ce que nous pensions de la durée de la procédure. Il faudrait également savoir si le but est vraiment d’aboutir à un référendum – ce n’est pas le cas dans l’article 11 – ou seulement à une décision du Parlement. Dans certains pays, si le Parlement rejette la proposition, le référendum est automatique. De plus, il faut que les Français sachent que dans la formule actuelle la proposition est simplement « examinée » par les assemblées, sans qu’il soit certain qu’un vote aura lieu. Vous avez précisé ce point, monsieur le rapporteur. Dans notre proposition, nous avions défini clairement chaque cas de figure, avec des délais, pour que l’initiative populaire ne se perde pas dans les sables de la procédure parlementaire. La formule actuelle se résume à un droit de pétition des citoyens pour interpeller le Parlement plus qu’elle n’est un véritable référendum d’initiative populaire.
Pour conclure, je dirai que nous sommes favorables à une procédure plus simple, plus ouverte. Nous n’avons pas peur des citoyens. Nous avons bien conscience que si, un jour, nous avons la majorité au Parlement, il pourrait y avoir des initiatives citoyennes avec lesquelles nous ne serions pas d’accord. Mais il faudrait qu’elles aillent à leur terme, car l’implication des citoyens dans la vie politique est une bonne chose. À ce propos, pourquoi avoir limité l’initiative aux partis politiques ? On pourrait aussi reconnaître le rôle des syndicats représentatifs, des associations de consommateurs, des associations d’utilité publique.
Quant au référendum local, nous y reviendrons à l’occasion de l’amendement que nous avons déposé avec Marc le Fur. Par exemple, un de nos collègues qui a des responsabilités en Saône-et-Loire y conduit actuellement une procédure de consultation citoyenne. On peut même penser, comme le suggérait un spécialiste du droit constitutionnel que j’avais auditionné, à remplacer les 500 signatures pour les candidats à la présidentielle par un parrainage des citoyens, grâce à un système électronique très sécurisé.
On le voit, ce sont autant de pistes pour régénérer la démocratie. Nous en sommes bien loin avec ce projet de loi organique. Voilà pourquoi j’ai défendu cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les arguments développés par M. de Rugy me semblent ne pas porter vraiment sur le projet en examen. En réalité, il refait le débat constitutionnel, alors que nous sommes ici pour mettre en œuvre une disposition déjà inscrite dans la Constitution. Mettre en cause le nombre de parlementaires et le nombre de citoyens signataires, ce n’est pas mettre en cause le projet de loi organique, mais l’article 11 de la Constitution : il n’y a donc là aucun motif valable d’adopter la motion de rejet préalable.
S’agissant du délai de treize mois pour la mise en œuvre de la procédure, le Gouvernement aura plus d’éléments que moi pour répondre.
M. de Rugy a cru bon de faire des allusions un peu faciles, légères dirais-je, au gaullisme comme fantasme. Sans être un vieillard, j’ai été dans ma prime jeunesse un militant gaulliste. Le général de Gaulle donnait très souvent la parole au peuple. En 1962, lorsqu’il a eu le culot de demander au peuple si celui-ci voulait que l’élection du Président de la République se fît dorénavant au suffrage universel, on l’accusa, excusez du peu, de forfaiture. Alors qui a un problème avec le peuple ? Certainement pas le gaullisme, certainement pas le général de Gaulle. Lorsqu’il a consulté le peuple, par le référendum du 27 avril 1969, sur une réforme importante concernant les régions et le Sénat, le peuple a dit non. Alors que rien ne l’y obligeait, le général de Gaulle en a tiré les conséquences : il a donné sa démission le lendemain à midi.
M. François de Rugy. Ce qui montre bien que c’était un référendum-plébiscite !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Donc, les allégations sur le gaullisme comme fantasme et le référendum comme plébiscite devraient, je crois, être ramenées à de plus justes proportions.
Sur les délais enfin, monsieur de Rugy, je ne vous comprends pas. Nous prévoyons en effet un délai de trois mois pour la collecte des signatures et de douze mois pour l’examen en séance. Trois plus douze, cela fait quinze mois. Votre proposition de loi prévoyait douze mois pour la collecte et six mois pour l’examen. Douze plus six, cela fait dix-huit mois ! Bref, avec nous, quinze mois c’est trop long ; avec vous, dix-huit mois, cela ne pose aucun problème !
M. Jacques Valax. C’est une question d’équilibre !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne pense pas que vos arguments soient probants : soit ils sont hors sujet quand vous parlez de la Constitution elle-même alors qu’il est question ce soir de sa mise en œuvre, soit ils sont erronés, voire spécieux.
J’en conclus qu’il n’y a vraiment aucune raison d’adopter votre motion de rejet préalable.
M. Jean Mallot. Et pourtant nous allons la voter !
M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
M. Michel Diefenbacher. Comme l’ensemble de mes collègues, j’ai écouté M. de Rugy avec beaucoup d’attention.
Il souhaite manifestement formuler plusieurs observations de fond sur les textes dont nous sommes saisis : elles seront examinées lors de nos discussions mais elles ne constituent pas des motifs de rejet préalable du projet de loi organique – ce qui empêcherait d’ailleurs de débattre des arguments présentés.
Guy Geoffroy a dit mieux que je ne pourrais le faire que si une famille n’a aucun problème avec le référendum, c’est bien la nôtre. Notre famille est à l’origine de l’inscription du référendum dans la Constitution de la Ve République.
M. Jean Mallot. Maintenant, c’est une famille ! Je croyais qu’il s’agissait d’un parti politique !
M. Michel Diefenbacher. Aucun Président de la République n’a eu recours au référendum plus que le général de Gaulle, et aucun n’a tiré la même conclusion que lui d’un résultat négatif…
M. Jean Mallot et M. Jean-Jacques Urvoas. Allô Chirac !
M. Michel Diefenbacher. Si ma mémoire ne me trompe pas, le général de Gaulle a annoncé sa décision le soir même du référendum du 27 avril 1969, avec effet le lendemain à midi.
Le rapporteur s’est parfaitement exprimé sur la question des délais.
En ce qui concerne les signatures, j’estime qu’un minimum de transparence est nécessaire : apporter son soutien à une initiative référendaire, ce n’est pas voter dans le secret de l’isoloir. La procédure est identique à celle de la pétition. Il faut garantir une certaine transparence, il s’agit d’un impératif démocratique. Les noms et les données personnelles ne doivent pas être utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont collectées. La destruction des fichiers informatiques est donc indispensable à l’issue de la procédure.
Sur l’ensemble de ces points, le projet de loi organique ne justifie en aucun cas que soit adoptée une motion de rejet préalable, que le groupe UMP repoussera.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.
M. Jean-Jacques Urvoas. La motion de rejet préalable défendue par François de Rugy nous permet de présenter nos remarques sur l’article 11 de la Constitution que le projet de loi organique met en œuvre.
Il est vrai que nous avons un certain nombre de frustrations en ce qui concerne cet article. Il est bon de faire la genèse de son adoption.
Issu d’un débat qui s’est déroulé dans la nuit du 22 au 23 mai 2008, il résulte d’un compromis à partir d’amendements déposés par plusieurs groupes politiques, dont le nôtre, visant à créer un véritable référendum d’initiative populaire. Les propositions que nous faisions à l’époque allaient largement au-delà de ce qui nous est soumis aujourd’hui. Notre amendement ne prévoyait pas que l’initiative soit le fait des parlementaires ; elle devait revenir au dixième des électeurs inscrits. Nous ne demandions pas que les deux chambres se prononcent ; c’est le cas dans le texte que vous nous présentez. Le délai pour qu’une seule chambre se prononce n’était que de six mois, donc plus court que celui que vous proposez. Dans la nuit du 22 mai 2008, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi constitutionnelle, fit quelques propositions issues de celles des comités Vedel et Balladur, qui constituaient des avancées par rapport à la situation existante. Nous avions donc voté pour ce compromis. Il n’en demeure pas moins que les prescriptions de l’article 11 sont très contraignantes, à telle enseigne que Robert Badinter a parlé, le 19 juin 2008, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle au Sénat, d’« un mélange bizarre » qui ne ressemble pas plus à la démocratie directe qu’« un chameau ne ressemble à un cheval ».
C’est dire si nous sommes frustrés par la situation actuelle que nous allons, autant que faire se peut, tenter de faire évoluer. La motion de rejet préalable, en faveur de laquelle nous voterons, nous permet de rappeler que nos positions initiales sur le sujet n’étaient pas celles que vous défendez aujourd’hui. Nous regrettons d’avoir dû céder en 2008 pour parvenir à un compromis momentané. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe NC.
M. Michel Hunault. Je m’exprime contre la motion de rejet préalable.
Notre collègue Jean-Jacques Urvoas vient de rappeler que la rédaction de l’article 11 était issue d’un consensus voulu par l’ensemble des groupes politiques.
M. François de Rugy. Non, d’un compromis !
M. Michel Hunault. L’instauration du référendum d’initiative populaire est donc d’initiative parlementaire. Par ailleurs, la dernière révision constitutionnelle a été adoptée parce qu’une partie de l’opposition l’a soutenue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Or, depuis juillet 2008, dès lors qu’il s’est agi de mettre en œuvre la révision en adoptant des projets de loi organique, l’opposition n’a eu de cesse de se contredire…
M. Patrice Verchère et M. Dominique Tian. Comme d’habitude !
M. Michel Hunault. …et de s’opposer à l’application de la réforme constitutionnelle.
M. Patrice Verchère. Sauf Jack Lang qui, depuis, a été sanctionné ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Michel Hunault. Nous assistons ce soir à une nouvelle illustration de cette attitude. Depuis trois ans, M. de Rugy et l’opposition demandent au Gouvernement d’inscrire ce projet de loi organique à l’ordre du jour. La législature se termine avec l’examen de ce texte : c’est un progrès. J’aurais aimé vous voir au moins reconnaître qu’il s’agit d’une avancée démocratique, même si vous n’êtes pas toujours d’accord sur ses modalités. Or vous vous contentez de revenir en permanence sur les modalités – qui peuvent d’ailleurs faire l’objet de discussions. Le seuil de 10 % des électeurs est-il trop élevé ? Pourquoi ne pas en débattre lors de l’examen des amendements, mais seulement une fois que nous aurons adopté le principe.
Il faut donc voter contre votre motion de rejet, et commencer à discuter des avancées démocratiques que ces textes représentent et qui devraient, comme à l’origine, faire l’objet d’un consensus.
(La motion de rejet préalable sur le projet de loi organique, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
M. le président. Sur le projet de loi ordinaire, j’ai reçu de M. François de Rugy une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Je serai bref car j’ai déjà pu développer mes principaux arguments. Nous le savons, telle est aussi l’utilité des motions de procédure.
Je profite de celle-ci pour répondre à ceux qui sont intervenus à la suite de la motion sur le projet organique, puisque je ne dispose pas d’autres moyens pour le faire. J’allais dire que j’entendais répondre au Gouvernement, mais le garde des sceaux ne s’est pas exprimé. Peut-être est-il mal à l’aise ? Peut-être n’est-il pas très volontaire pour défendre ces textes ? Je n’en sais rien et je ne veux pas faire de procès d’intention. J’estime cependant qu’il serait plus correct que le Gouvernement prenne la peine de répondre, même rapidement, à nos arguments.
M. le rapporteur a considéré que j’étais hors sujet avant de se lancer dans un grand développement historique visant à justifier ses convictions gaullistes, ce que nous ne lui demandions pas. Je ne remets nullement cet engagement en cause. J’apprends, monsieur Geoffroy, que vous étiez militant gaulliste dans vos jeunes années. Très bien ! Ce point historique méritait d’être évoqué dans l’hémicycle et communiqué à l’ensemble du peuple français. (Sourires sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy, rapporteur. J’en suis très fier !
M. François de Rugy. Peut-être était-ce tout même un peu hors sujet…
En tout état de cause, votre intervention et celle de M. Diefenbacher, au nom du groupe UMP, ont apporté la preuve que, dans la conception gaulliste, le référendum est un référendum-plébiscite. Vous avez utilisé le mot « forfaiture », autrefois prononcé par un ancien président du Sénat… Je vous signale à ce sujet que nous avons honoré aujourd’hui même Gaston Monnerville en découvrant devant le Sénat un buste à son effigie en présence de l’actuel et d’anciens présidents de la Haute assemblée, du maire de Paris, et d’autres personnalités. Nous menons un débat démocratique et vous avez le droit de critiquer Gaston Monnerville mais, pour ma part, j’estime qu’il a eu raison sur un certain nombre de points.
Vous êtes un meilleur connaisseur du général de Gaulle que moi et je suis un peu jeune pour avoir été son contemporain, malheureusement pour moi, mais à chaque élection et à chaque référendum, il avait la même phrase : C’est moi ou le chaos !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il n’a jamais dit cela !
M. François de Rugy. En tout cas, en 1969, les Français ont préféré le chaos. Je crois même que Valéry Giscard d’Estaing, qui devait plus tard lui succéder à la tête de l’État, considérait à l’époque que l’alternative n’était pas le chaos et qu’il était souhaitable d’accélérer la fin…
M. Patrice Verchère. C’est vous qui devriez accélérer !
M. François de Rugy. Avec cette théorie du « chaos », nous étions en tout état de cause bien loin de l’intervention des citoyens dans le débat politique.
Je veux absolument rétablir plusieurs vérités. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hunault a parlé d’un consensus concernant l’article 11. Il se trompe : il y a eu compromis, ce n’est pas pareil. Comme Jean-Jacques Urvoas, nous continuons à demander que l’on révise cet article de la Constitution.
M. Hunault a également évoqué une éventuelle modification par amendement du seuil de 10 % des électeurs inscrits. Mais ce seuil est fixé par la Constitution, il ne peut donc être modifié par nos travaux sur les textes dont nous sommes aujourd’hui saisis. C’est bien pour cela que j’ai parlé de la révision de l’article 11.
Pour sa part, le rapporteur a cité la proposition de loi organique dont je suis l’auteur. Je veux rectifier ses propos erronés. Monsieur Geoffroy, vous parlez d’un délai de douze mois pour recueillir les signatures. Relisez le texte que j’ai déposé ! Selon son article 10 : « À tout moment, pendant le délai de douze mois fixé par le premier alinéa de l’article 6, le Conseil constitutionnel peut être saisi […], aux fins d’examiner dans le délai d’un mois si l’ensemble des pétitions qui lui ont été adressées et qu’il a jugées recevables comporte les signatures d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution. » Autrement dit, cela pouvait être fait à tout moment dans le délai de douze mois qui constituait une limite maximale.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Douze mois, c’est bien ce que j’ai dit !
M. François de Rugy. Non, vous avez parlé d’un délai « incompressible », les mots ont un sens. En réalité, la collecte des signatures pouvait très bien s’achever au bout de six mois.
Par ailleurs, vous avez affirmé que nous avions prévu un délai de six mois pour l’examen par le Parlement – l’erreur me semble plus grave car il ne s’agit pas seulement d’une mauvaise interprétation du texte. Je vous renvoie à l’alinéa 3 de l’article 12 de ma proposition de loi organique, qui donne un délai de trois mois à la première assemblée saisie pour se prononcer.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est trois mois dans une assemblée et trois mois dans l’autre, donc six !
M. François de Rugy. Non, dans ma proposition de loi, le non-respect du délai de trois mois imposé à la première assemblée saisie suffit à provoquer le référendum !
M. Jean Mallot. Le rapporteur ne sait ni lire ni compter !
M. François de Rugy. J’aurais aimé avoir des réponses sur la publicité des signatures ou sur le financement restreint aux partis politiques. Les grandes organisations qui constituent la démocratie sociale, syndicats ou associations de consommateurs, sont ainsi exclues. Imaginez par exemple ce qu’il pourrait en être de l’action de groupe, initiative défendue sur tous les bancs de cet hémicycle ! Je suis certain que nous aurions de nombreux relais parmi les citoyens pour une pétition réunissant un très grand nombre de Français sur ce sujet. Évidemment, cela devient plus difficile si les associations de consommateurs ne peuvent ni participer au débat ni dépenser un euro pour aider à la collecte des signatures. Cette position est indéfendable devant nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour un rappel au règlement.
M. Michel Hunault. La motion de rejet préalable est définie dans notre règlement. Un orateur a défendu la motion précédente, le rapporteur a répondu et un orateur de chaque groupe a pu s’exprimer dans les explications de vote. La seconde motion de rejet préalable défendue par M. de Rugy n’a pas pour vocation de permettre à l’orateur de répondre à ceux qui se sont exprimés précédemment.
Monsieur de Rugy, vous n’avez pas à apprécier le contenu de nos interventions.
Monsieur le président, nous devrions nous en tenir au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrice Verchère. Pour une fois, c’est un véritable rappel au règlement !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur de Rugy, vous avez fait très longuement le rappel partial et approximatif de quelques années de vie politique sans jamais aborder le sujet que nous traitons ce soir.
Le constituant a révisé la Constitution : le législateur doit mettre en œuvre la réforme constitutionnelle.
M. Michel Hunault. Très bien !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout le reste est peut-être intéressant mais reste hors sujet. C’est pour cela que je ne vous avais pas répondu. Puisque vous insistez pour avoir une réponse, je vous le dis, et j’invite l’Assemblée nationale à repousser votre motion de rejet préalable.
M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
M. Michel Diefenbacher. M. de Rugy n’a ajouté aucun argument à ceux qu’il a avancés en défense de sa première motion de rejet, qui a été repoussée. Par conséquent, nous ne pouvons que voter contre cette seconde motion.
(La motion de rejet préalable sur le projet de loi ordinaire, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
M. le président. Sur le projet de loi organique, j’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jacques Valax.
M. Jacques Valax. Monsieur le garde des sceaux, je dois dire, au risque de vous déplaire, que mon intervention sera peut-être hors sujet, mais un hors-sujet a parfois des vertus éducatives et pédagogiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Écoutons M. Valax, mes chers collègues.
M. Jacques Valax. Le nouvel article 11 de la Constitution devait être une innovation majeure de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et j’avoue avoir failli y croire. Le Président de la République, qui voulait absolument nous faire voter une nouvelle Constitution,…
M. Michel Hunault. Et elle a été votée !
M. Jacques Valax. …nous avait vanté les mérites de cet article et certains d’entre nous, intellectuellement abusés,…
M. Michel Hunault. Mais non !
M. Jacques Valax. …l’ont en effet votée, convaincus qu’elle s’accompagnerait d’une ouverture démocratique. Dois-je rappeler qu’il était même question, à cette époque, d’instaurer un droit d’initiative populaire ? En tout état de cause, le dispositif évoqué par le Président de la République devait nécessairement présenter un réel intérêt démocratique, donner un souffle nouveau à nos institutions. Au reste, ce nouvel article 11 devait concrétiser une réflexion menée de longue date ; je pense au rapport Vedel de 1993 et au rapport Balladur de 2007.
Les promesses faites en juillet 2008 ont-elles été tenues ? Le fonctionnement du Parlement est-il devenu plus démocratique ?
M. Michel Hunault. Oui !
M. Jacques Valax. Le débat est-il plus ouvert, plus loyal, plus approfondi ? (« Oui ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) La logorrhée judiciaire que nous avons subie lors des premières années de la législature s’est-elle calmée ? Le nombre des lois d’affichage a-t-il diminué ? Le temps de la discussion a-t-il été renforcé ? Autant de questions qui, malgré le souci d’objectivité qui est le mien,…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Oh !
M. Jacques Valax. …n’appellent que des réponses négatives. Ce soir, nous entamons l’examen d’un texte à vingt-trois heures trente et la majorité semble pressée d’en finir. J’ai la faiblesse de penser que les propos de Jean-Jacques Urvoas, qui craignait, il y a deux ans, que le temps de l’agonie parlementaire ne soit devenu réalité, restent d’une brûlante actualité. Le Parlement n’a toujours pas le pouvoir ni l’importance que nous devrions, les uns et les autres, lui reconnaître et lui attribuer. Il doit redevenir un lieu de débat et l’instance privilégiée de la délibération nationale. Hélas, force est de constater que rien n’a changé dans la conception que vous vous faites de l’institution parlementaire.
M. Michel Hunault. C’est faux !
M. Jacques Valax. La dernière réforme constitutionnelle n’a jamais été qu’une mascarade électoraliste. (« Oh ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Au fond, vous avez toujours refusé de faire évoluer les outils d’étude, d’analyse et de proposition qui devraient permettre aux parlementaires de faire leur travail, de le faire plus calmement et plus lentement, en un mot : sérieusement. L’un des vôtres, M. Copé, n’écrivait-il pas à l’époque : « Pour un membre du Gouvernement il y a souvent deux façons de concevoir le Parlement : soit c’est un pion que l’on manipule, soit c’est un obstacle à contourner » ?
Contrairement aux engagements pris par le Président de la République en 2008, rien n’a été fait pour que les pouvoirs du Parlement soient renforcés.
M. Michel Hunault. C’est faux !
M. Jacques Valax. Un Parlement fort s’accommoderait sans difficulté aucune d’un outil de démocratie directe, qui pourrait s’appeler : « initiative législative citoyenne ». Or, vous nous proposez un texte en demi-teinte, qui révèle la peur profonde et instinctive qui est la vôtre face au pouvoir populaire et citoyen.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. N’importe quoi !
M. Jacques Valax. J’ai bien dit : une peur instinctive et profonde.
C’est parce que vous avez affaibli le rôle du Parlement que vous n’osez pas conférer davantage de pouvoir au peuple. Les textes qui nous sont aujourd’hui soumis et qui avaient suscité tant d’espoir ne sont qu’une pâle copie de ce que nous étions en droit d’attendre.
Je ferai trois observations : la première est tirée du droit comparé, la deuxième porte sur la forme et la troisième sur le fond du texte.
Que nous apprend le droit comparé ? Si le référendum d’initiative populaire est une figure ancienne de notre droit constitutionnel, il n’a longtemps rencontré aucun succès. C’est à l’étranger que cette idée se propagera et sera appliquée ; pendant plus de deux siècles, la France, en dépit de quelques tentatives, s’y montrera très réticente. Si le référendum d’initiative populaire n’entre pas dans les habitudes de la pratique démocratique française, force est de reconnaître qu’il a connu ailleurs un incontestable succès. L’étude réalisée en 2002 par le Sénat a permis de comparer les dispositions nationales relatives au référendum d’initiative populaire en Italie, en Suisse, en Belgique et en Californie, États qui accordent une très large place à l’initiative populaire sous toutes ses formes. Le référendum d’initiative populaire y est en effet consultatif ou abrogatif et reconnaît au corps électoral une forme de veto sur certains textes.
En Italie, le référendum d’initiative populaire abrogatif peut être demandé par seulement 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux. En Suisse, pays qui compte huit millions d’habitants et cinq millions d’électeurs, l’initiative peut aboutir si elle recueille dans un délai de dix-huit mois les signatures de 100 000 citoyens actifs. Ce qui frappe dans les exemples que je viens de citer, c’est la simplicité avec laquelle les citoyens peuvent s’emparer d’une question essentielle : simplicité quant au nombre de citoyens susceptibles de signer la pétition et quant aux modalités d’exercice de ce droit de pétition.
Il nous appartient de tenir compte de l’existence de ces pratiques démocratiques pour permettre à la France de s’enrichir d’un nouvel instrument favorable à l’exercice de la citoyenneté. Tel devait être le fondement de la démarche qui aurait dû vous conduire à rédiger un article 11 plus profond et plus efficace. Hélas, le processus que vous nous proposez ne peut satisfaire les exigences démocratiques qui sont les nôtres.
Sur la forme, je me dois de rappeler que cela fait plus de trois ans que nous attendons que le Gouvernement accepte d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée les textes portant application de l’article de l’article 11 de la Constitution dans sa version issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Depuis 2008, le groupe SRC a réclamé avec insistance leur inscription à l’ordre du jour parlementaire. En octobre 2009, Michel Vauzelle a défendu, en séance publique, une proposition de résolution à ce sujet, estimant urgente l’application de l’article 11 de la Constitution et l’extension du référendum. Un an plus tard, notre groupe a soutenu la proposition de loi déposée et défendue par le groupe GDR, qui visait à appliquer le nouveau dispositif constitutionnel.
En retardant sa mise en œuvre, le Gouvernement s’est clairement épargné l’utilisation qui aurait pu être faite de cette procédure pour lutter contre les réformes qu’il a menées durant cette législature. Je ne citerai que la réforme du statut de La Poste ou la réforme repoussant l’âge légal du départ à la retraite.
Je veux également rappeler les hésitations qui ont été les vôtres et qui n’avaient pour but que de calmer notre impatience. Pour mémoire, je citerai l’intervention de M. Karoutchi, alors ministre des relations avec le Parlement, qui déclarait, le 12 février 2009 : « Quant au projet de loi organique sur le référendum, nous y travaillons. Bien sûr, tous les textes prévus par la révision constitutionnelle seront présentés progressivement au Parlement au cours de l’année 2009. » Le 15 octobre 2009, son successeur, M. de Raincourt, indiquait : « Le Gouvernement tient son engagement. Le projet de loi organique relatif au référendum d’initiative parlementaire et populaire sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, comme je l’ai indiqué mardi, avant la fin de l’année 2009. » Le Premier ministre lui-même s’était fait l’écho de la nécessité d’inscrire le plus rapidement possible à l’ordre du jour du conseil des ministres les dispositions relatives à l’article 11. Pour ma part, j’ai personnellement interrogé à différentes reprises le président de la commission des lois – vous en êtes témoin, monsieur Geoffroy – pour connaître la date d’inscription de ces textes à l’ordre du jour de notre commission. Enfin, il nous a fallu attendre un an après l’adoption des deux projets de loi – l’un organique, l’autre ordinaire – en conseil des ministres, le 22 décembre 2010, pour pouvoir les examiner en séance publique.
Vous avez attendu la toute fin de la législature, comme si vous redoutiez que l’initiative populaire vienne sanctionner les errements de votre politique. L’exécutif s’est montré plus empressé de rédiger les textes organisant la nomination du président de France Télécom ou le retour dans leur assemblée des ministres déchus que ceux relatifs au Défenseur des droits, à la responsabilité pénale du chef de l’État ou à l’application de la nouvelle procédure de l’article 11, sujet qui arrive bon dernier dans l’ordre de vos priorités. Encore une fois, force est de constater que vous avez et aurez toujours peur de donner le pouvoir à l’initiative citoyenne.
Sur le fond, l’article 11 dispose notamment qu’« un référendum […] peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales […] ». Il ne s’agit donc nullement d’une initiative populaire, puisque la proposition devra être portée par 185 parlementaires. Qui plus est, ce nombre est si élevé qu’à l’heure actuelle, seuls l’UMP et le PS pourraient envisager d’engager une telle procédure. En outre, celle-ci n’aurait d’autre but que de soutenir une proposition de loi qui serait examinée par les assemblées parlementaires, puisqu’elle ne pourrait être soumise à référendum que si elle n’était pas examinée par l’une ou l’autre des assemblées dans un délai défini par le texte.
La mise en œuvre du mécanisme que vous nous proposez n’aboutira que très rarement – pour ne pas dire jamais – à l’organisation d’un référendum, dès lors que l’examen du texte par l’une des deux assemblées parlementaires suffira à mettre un terme à la procédure. Il serait donc plus approprié de parler, comme Robert Badinter, d’initiative parlementaire renforcée ou d’initiative à la fois parlementaire et citoyenne ou encore d’initiative parlementaire populaire, en se gardant bien de toute référence au référendum, qui n’est ici qu’un miroir aux alouettes. À vouloir absolument parler de référendum, on court le risque de nourrir la frustration des citoyens à l’encontre des élus.
Pour bien démontrer la volonté qui est la nôtre de faire participer le citoyen à l’acte législatif, nous pourrions convenir – c’est une perche que je tends à la majorité – d’amender le texte en modifiant, par exemple, le nombre de parlementaires requis. Certes, ce nombre est fixé dans la Constitution, mais un cinquième des parlementaires, soit 185, c’est trop. Par ailleurs, la participation des électeurs pourrait n’être exigée qu’à hauteur de 5 % des inscrits, la barre des 4,5 millions étant manifestement trop élevée. Comme l’a indiqué Jean-Jacques Urvoas, au début, il s’agissait de ne retenir que l’une de ces deux conditions : soit un cinquième des parlementaires, soit 10 % des électeurs inscrits. Or, dans l’article 11, ces deux conditions sont cumulatives. Le texte est ainsi cadenassé, restrictif, et rend toute initiative citoyenne velléitaire.
Par ailleurs, le délai relatif à la collecte des pétitions est fixé à trois mois. J’ai évoqué la discussion que nous avons eue lors de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 du règlement : ce délai est manifestement trop court. C’est pourquoi nous vous proposerons, lors de la discussion des articles, de le porter à six mois. Je rappelle que, dans sa proposition de loi, notre collègue François de Rugy suggérait qu’il soit fixé à un an, afin de permettre aux citoyens de s’emparer du sujet.
Quant au délai d’examen par les assemblées – un an dans le texte –, nous sommes prêts à le raccourcir. Nous pourrions sans nul doute ramener à dix-huit ou vingt mois la durée de vingt-trois mois à laquelle vous faites référence si, lors de la discussion des amendements, nous réduisions le délai d’examen par les assemblées d’un an à six ou huit mois.
Nous souhaitons vraiment que l’initiative citoyenne puisse se concrétiser ; c’est la raison d’être des amendements que nous avons déposés. Nous voulons concilier le pouvoir donné aux citoyens avec celui qui est le nôtre et qu’il nous est parfois reproché de mal utiliser.
Le renvoi en commission permettra à la majorité et à l’opposition d’élaborer ensemble les conditions d’une meilleure articulation entre les citoyens et les parlementaires. Je suis persuadé que notre démocratie représentative ne peut que gagner à s’adjoindre l’engagement des citoyens qui, trop peu nombreux, croient encore en elle, comme le disait dernièrement Pierre-Henri Prélot dans un article remarquable.
Je terminerai par un reproche, monsieur le ministre. Vous ne parlez que de contrôles et de règles coercitives, ne pensant en fait qu’à une chose : briser à tout prix l’élan populaire, la ferveur citoyenne, car vous redoutez la spontanéité, l’initiative populaire. Pour notre part, sur les bancs de l’opposition, nous voulons une vraie initiative populaire, un vrai référendum. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de renvoyer ce texte en commission afin que nous puissions, ensemble, rediscuter de ses éléments essentiels. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je m’en tiendrai à deux observations.
Premièrement, le renvoi en commission demandé par notre collègue Jacques Valax ne vise pas à faire étudier à nouveau le projet de loi organique par la commission, mais invite la commission à prendre l’initiative d’une proposition de loi constitutionnelle. Il s’agirait de modifier les dispositions de l’article 11 prévoyant que l’initiative soit prise par 185 parlementaires et soutenue par un dixième des électeurs. Cette seule remarque suffit, à mon sens, à démontrer que le renvoi en commission n’est pas justifié.
Deuxièmement, je m’interroge sur ce qui a bien pu se passer entre le 16 novembre 2011 et le 21 décembre 2011, c’est-à-dire aujourd’hui. Si je salue la verve de Jacques Valax, que chacun connaît, il me semble intéressant de comparer son plaidoyer de ce soir, visant à nous convaincre que ce qui est proposé ne vaut pas grand-chose et doit être intégralement revu, aux propos que tenait en commission un certain Jacques Valax, député, le 16 novembre. Notre collègue disait alors : « Cela étant, nous voterons ce texte très attendu par nos concitoyens,… »
M. Jacques Valax. Ah ! Il faudrait citer ce que j’ai dit avant « cela étant » !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. « …qui ont récemment montré leur maturité et leur intérêt pour ce type de consultation. Quant au fond, le texte correspond à plusieurs de nos attentes. »
M. Jean Mallot. Pas toutes !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Notre collègue renforçait son appréciation en répondant de la manière suivante à une interrogation de Michel Hunault : « En particulier, le contrôle de constitutionnalité aura lieu le plus tôt possible, ce qui devrait rassurer M. Hunault. »
M. Valax nous dit aujourd’hui exactement le contraire de ce qu’il disait le 16 novembre dernier. Il ne saurait donc nous convaincre, mes chers collègues, qu’il est nécessaire de procéder à un renvoi du texte en commission.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dès le début de votre intervention, monsieur Valax, vous aviez prévenu que vous seriez hors sujet. Pour ma part, je trouve que vous étiez, au contraire, au cœur du sujet : tout ce que vous avez dit montre que vous ne vous êtes pas encore remis d’avoir refusé de participer à la révision constitutionnelle de 2008. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Nous y avons participé, mais nous avons voté contre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Aujourd’hui, la question prioritaire de constitutionnalité se fait sans vous et vos collègues, monsieur Mallot, et sans doute ne s’en porte-t-elle pas plus mal !
M. Jean Mallot. C’est vous qui le dites !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. La QPC se fait sans vous, la saisine du défenseur se fait sans vous, la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les citoyens se fait sans vous, et cela vous rend malades de voir tous ces droits nouveaux accordés aux citoyens par le constituant de 2008. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Pourquoi voulez-vous que nous soyons malades ? Pensez un peu aux dépenses d’assurance maladie !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Associer les citoyens à l’initiative parlementaire va encore se faire sans vous. Cela ne vous rend-il pas un peu tristes de manquer tous ces rendez-vous avec le peuple ?
M. Michel Hunault. Excellent, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il serait si facile de reconnaître, monsieur Valax, que vous avez eu tort de ne pas voter la réforme en 2008 et de dire que, constatant le succès de la démarche entreprise, vous souhaitez désormais participer à son parachèvement. Au lieu de cela, vous terminez votre exposé par une banale et somme toute médiocre demande de renvoi en commission.
M. François de Rugy. Gardez-vous de tout jugement de valeur, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour ma part, je demande à l’Assemblée de repousser cette motion de renvoi en commission.
M. Michel Hunault. Bravo !
M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.
M. Jean-Jacques Urvoas. Nous allons naturellement voter le renvoi en commission défendu avec fougue par Jacques Valax, qui résume parfaitement l’état d’esprit du groupe SRC. Le bon fonctionnement de la démocratie directe passe par la simplicité, la maniabilité de ses dispositifs. Depuis la révision constitutionnelle, nous avons voté une loi organique, monsieur le ministre : celle ayant permis l’installation de la QPC, car votre prédécesseur et le rapporteur avaient alors fait un pas en direction de l’opposition afin que nous parvenions à un consensus. Nous avions dit, lors de la révision, que nous étions favorables à l’initiative citoyenne du contrôle de constitutionnalité – bloquée par le Sénat lorsque le Président François Mitterrand l’avait, en son temps, proposée – et que nous étions disponibles, lors de cette législature, pour la concrétiser. Le garde des sceaux de l’époque ayant entendu notre appel, nous avions pu travailler ensemble, et finalement voter la QPC dont chacun se félicite aujourd’hui.
Malheureusement, les circonstances favorables ayant permis d’aboutir à un accord au sujet de la QPC font aujourd’hui défaut. Jacques Valax a évoqué la présence, dans l’article 11, de nombreux éléments de contrainte auxquels nous ne pouvons pas toucher. Aussi attendions nous de la loi organique une grande simplicité. Pourquoi imposer que la collecte de 4,5 millions de signatures se fasse en trois mois ? Une telle condition n’existe dans aucun autre pays au monde ! Pourquoi imposer que la collecte ne puisse se faire que par le mode électronique, et pas également sous la forme de pétitions recueillies sur papier ?
En imposant toutes ces contraintes inutiles, vous donnez l’impression de vouloir tuer dans l’œuf le dispositif que vous prétendez vouloir instaurer. Pourquoi avoir prévu que le référendum ne pourrait pas être abrogatif, ce qui revient à refuser que le peuple puisse défaire ce que le Parlement a fait ? Pour rafraîchir la mémoire de Guy Geoffroy au sujet du général de Gaulle, je lui rappellerai qu’en 1958, le constituant avait envisagé de soumettre à référendum les textes refusés par le Parlement.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cela ne s’est pas fait !
M. Jean-Jacques Urvoas. Mais le général de Gaulle était pour !
M. Jean Mallot. M. Geoffroy trahit le général !
M. Jean-Jacques Urvoas. Débarrassez l’article 11 des nombreuses contraintes inutiles dont il est assorti et peut-être, alors, retrouverons-nous l’état d’esprit évoqué par Jacques Valax dans la réunion de commission à laquelle vous avez fait référence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
M. Michel Diefenbacher. Je veux simplement remercier et complimenter notre collègue Jacques Valax qui, dans la même intervention, réussit à présenter à la fois une motion de renvoi et les arguments en faveur de son rejet. En évoquant les amendements qui seront examinés ultérieurement, il est lui-même parvenu à la conclusion qu’il fallait passer immédiatement à la discussion des articles. Puisqu’il est inutile de renvoyer le texte en commission, nous repousserons cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Michel Hunault. M. le rapporteur vous a surpris en pleine contradiction, monsieur Valax, en montrant que votre discours en commission n’avait rien à voir avec ce que vous dites aujourd’hui dans l’hémicycle.
M. Patrice Martin-Lalande. Bel exemple de duplicité !
M. Michel Hunault. Le garde des sceaux a rappelé toutes les avancées de la réforme constitutionnelle que vous avez combattue, comme vous combattez encore, ce soir, le référendum d’initiative populaire. Après nous avoir reproché, trois ans durant, de tarder à l’examiner, vous proposez aujourd’hui de renvoyer le texte en commission ! Nous considérons, pour notre part, que ce n’est pas justifié et que nous devons examiner et voter ce texte dès maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission sur le projet de loi organique, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
M. le président. Sur le projet de loi ordinaire, j’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ce soir les deux projets de loi destinés à permettre la mise en œuvre du nouvel article 11 de la Constitution. « Enfin ! », serait-on tenté de dire.
En réalité, ce n’est qu’une étape de plus dans la course de lenteur que vous avez entreprise, monsieur le ministre, depuis juillet 2008. De référendum d’initiative populaire – de référendum tout court, en fait –, vous ne voulez pas. À dire vrai, vous ne voulez pas même d’un risque de référendum et faites, pour le conjurer, une application inédite du principe de précaution !
La révision constitutionnelle date du 23 juillet 2008, c’est-à-dire de trois ans et demi. Les gouvernements Sarkozy-Fillon ont mis plus d’empressement à faire voter les dispositions relatives à la nomination du président de France Télévisions ou visant à assurer le retour sans risque, dans leur assemblée d’origine, des ministres perdant leur portefeuille !
Interrogé le 13 octobre 2009, un an après la révision constitutionnelle, par Michel Vauzelle, dont le talent oratoire illuminera, ce soir ou demain, la discussion générale…
M. Michel Vauzelle. Merci !
M. Jean Mallot. …M. de Raincourt, gentleman-farmer alors ministre des relations avec le Parlement, avait indiqué que le texte serait déposé avant la fin de l’année. Malheureusement, il avait oublié de préciser de quelle année il s’agissait ! Pour notre part, nous croyions naïvement qu’il s’agissait de 2009, mais la suite nous a montré qu’il n’en était rien.
Il est vrai qu’entre-temps avait eu lieu la consultation nationale du 3 octobre 2009 sur le statut de La Poste, lors de laquelle plus de deux millions de signatures avaient été recueillies en quelques jours grâce à une organisation purement bénévole – sans doute y avait-il là de quoi refroidir l’ardeur du Gouvernement !
Lors de l’examen d’une résolution visant à la mise en œuvre de l’article 11 sur l’extension du référendum, également défendue par Michel Vauzelle, cette fois le 15 octobre 2009, et discutée en l’absence des députés UMP, M. de Raincourt avait évoqué des problèmes techniques à résoudre : la question du recueil des signatures en préfecture, celle des modalités de procuration ou encore celle de la durée pendant laquelle seraient recueillis les soutiens. M. de Raincourt avait conclu en disant : « Le Gouvernement tient son engagement. Le projet de loi organique relatif au référendum d’initiative parlementaire et populaire sera déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, comme je l’ai indiqué mardi, avant la fin de l’année 2009. »
Doit-on y voir un effet de la rigueur ? Toujours est-il que, faute de s’être doté d’un agenda, le Gouvernement a « zappé » la fin de l’année 2009 – et même toute l’année 2010 !
La proposition de loi organique relative à l’initiative législative citoyenne par droit de pétition selon l’article 11 de la Constitution, présentée par nos collègues de Rugy Cochet, Mamère et Poursinoff, a été discutée le 2 décembre 2010,…
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Jour symbolique ! (Sourires.)
M. Jean Mallot. …toujours en l’absence des députés du groupe UMP, et rejetée le 7 décembre 2010. Le député qui a alors présenté les explications de vote du groupe UMP avait été absent des débats. La question ne les intéressait donc guère. À cette occasion, le Gouvernement a annoncé le dépôt d’un texte pour le 22 décembre 2010 – quasiment à Noël – et en prenait argument pour rejeter la proposition de loi organique de M. de Rugy.
« Enfin ! », ai-je pensé en voyant ces deux textes, car ils arrivent, j’y insiste, trois ans et demi après la modification de l’article 11 de la Constitution, alors même que, comme le rappelait le Médiateur de la République devant la commission des affaires sociales en novembre 2010, un sondage montre que 40 % des Français interrogés sur leurs relations avec le monde politique répondent : « Ils nous ont oubliés » ; et alors même que 80 % des Français souhaitent « pouvoir lancer des référendums sur les sujets de leur choix ».
Que d’énergie dépensée par le Gouvernement et par l’UMP, monsieur le ministre, pour repousser l’échéance ! Car après le dépôt des deux textes, comme prévu le 22 décembre 2010, il a fallu attendre le 16 novembre 2011 pour leur examen en commission des lois, puis le 20 décembre 2011, encore un an, encore à la veille de Noël, pour la discussion en séance publique.
Si la politique, comme le pensent certains, c’est la gestion du temps, alors vous êtes très fort, monsieur le ministre, d’autant que ce n’est pas fini ! Ces textes vont partir au Sénat où l’on peut s’attendre à ce qu’ils fassent l’objet de quelques amendements. La CMP aboutira-t-elle ? En outre, comme il s’agit d’un projet de loi organique qui concerne aussi les sénateurs, donc le Sénat, ne doit-il pas être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées ?
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non !
M. Jean Mallot. On peut se poser la question.
Si nous calculons la probabilité que ce projet de loi organique a d’être voté puis promulgué avant le 24 février 2012, date de la fin de nos travaux, autrement dit avant la fin de la législature, nous obtenons un résultat voisin de zéro.
Et quand bien même ce texte serait adopté, l’article 20 prévoit qu’il n’entrerait en vigueur qu’en février 2013. Comme il faut, selon les calculs de M. le rapporteur, vingt-trois mois pour mener à bien la procédure pouvant conduire à un référendum,…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Vingt-trois mois maximum !
M. Jean Mallot. …nous sommes rendus à 2015 au moins !
Voilà donc un nouveau droit qui finira par tomber en désuétude avant même d’être entré en application.
M. Jean-Jacques Urvoas. Bien sûr !
M. Jean Mallot. Bref, contrairement à ce qu’il avait promis, le Président Sarkozy aura réussi à se protéger du peuple jusqu’au bout. L’étude d’impact jointe au projet rappelle que le Président de la République avait pourtant fixé au comité Balladur, en 2007, des objectifs axés sur une meilleure transparence – ça ne s’invente pas –, sur de véritables contre-pouvoirs vis-à-vis du pouvoir présidentiel, sur un renforcement du pouvoir parlementaire, sur la vitalité du débat politique et sur l’élaboration d’un statut de l’opposition. Aucun de ces objectifs n’est atteint.
La réalité, c’est que l’Empereur, sa femme et, désormais, la petite princesse ne veulent pas de contre-pouvoirs. Ils veulent tout décider tout seuls et vous, mes chers collègues de l’UMP, vous n’êtes que les instruments de cette volonté – mais pour quelle politique ? S’achève en effet, ces mois-ci, le quinquennat des miroirs aux alouettes.
Le pouvoir d’achat ? Réservé aux très riches, dont vous avez diminué l’impôt sur la fortune, et refusé aux plus modestes, dont vous venez d’augmenter l’impôt sur le revenu et la TVA, impôt indirect le plus injuste. La prime de 1 000 euros ? Au fait, qu’est-elle devenue ? La sécurité de nos concitoyens ? Échec sur toute la ligne : de loi en loi, de coup de menton en coup de menton, l’insécurité n’a jamais été aussi forte et les libertés publiques aussi menacées.
Pour ce qui est de la revalorisation du rôle du Parlement, jamais le fait majoritaire n’a été aussi puissant ; jamais la majorité n’a été aussi « godillote ». La coproduction législative de M. Copé n’aura été qu’un slogan sans lendemain.
M. François de Rugy. Parfaitement !
M. Jean Mallot. Et le clou : de sommet européen en sommet européen, jamais, alors que les crises mettent en danger les fondements de notre économie, de notre monnaie, de nos institutions, jamais l’avis du Parlement n’a été sollicité, jamais aucun vote n’a été organisé.
Quant au référendum d’initiative populaire, il n’y a ni référendum ni même initiative populaire.
Un gouvernement qui a peur de donner la parole au peuple, un gouvernement qui a peur de la parole du peuple, ce gouvernement a un problème de légitimité.
De quoi parlons-nous ? Le comité Balladur, en 2007, voulait « instaurer un droit d’initiative populaire ». L’exposé des motifs de votre projet de loi organique, déposé le 22 décembre 2010, annonce un « référendum d’initiative populaire ». L’article 1er du même projet de loi organique est en retrait puisqu’il évoque une « initiative référendaire » – le peuple a disparu.
Le rapport, page 9, parle d’un « référendum d’initiative partagée ».
M. Guy Geoffroy, rapporteur. En effet !
M. Jean Mallot. Plus loin, il s’agirait de « consacrer le droit de demander l’organisation d’un référendum législatif », ce qui est manifestement faux, comme on va le voir, puisque le référendum n’est que résiduel, le seul droit étant celui de demander qu’une proposition de loi soit examinée par les deux assemblées.
M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument !
M. Jean Mallot. En fait, il aurait mieux valu parler du droit pour les assemblées d’empêcher la tenue d’un référendum, car elles disposent bien de ce droit.
Quant au droit pour les parlementaires minoritaires ou d’opposition d’obtenir qu’une proposition de loi soit examinée par les assemblées, ils l’ont déjà et ils n’ont pas besoin de représenter 20 % du Parlement puisqu’il leur suffit d’utiliser les niches prévues par l’article 48, alinéa 5, de la Constitution, repris et mis en œuvre par l’article 48 du règlement. Chaque groupe politique, quel que soit son effectif, peut en bénéficier. Il me semble d’ailleurs que le président Warsmann en a fait la remarque en commission.
Il y aurait pourtant de nombreux sujets sur lesquels le peuple pourrait utilement se prononcer par référendum.
On a ainsi pu constater l’engouement suscité par la votation du 3 octobre 2009 concernant La Poste. On pourrait d’ailleurs se pencher sur la question des services publics en général. À propos du droit de vote des étrangers aux élections locales, si l’UMP y est opposée, les sondages montrent que le peuple y est favorable. Les lois sur les collectivités territoriales ont été désavouées, c’est le moins qu’on puisse dire, par les électeurs – au suffrage indirect avec les élections sénatoriales de septembre dernier ; l’explication du changement de majorité au Sénat pourrait se trouver là.
Autres sujets : nos régimes de retraite pourraient prendre en compte la pénibilité pour compenser les différences cruelles d’espérance de vie ; le débat sur la création d’un cinquième risque de sécurité sociale et sur la prise en charge de la dépendance a été repoussé aux calendes grecques par le Gouvernement.
Le peuple pourrait également se prononcer sur la politique de santé publique, sur l’éducation, la politique de l’emploi et de la croissance dans un pays qui compte désormais 4,193 millions de demandeurs d’emploi, sur la gestion de la monnaie en période de crise prolongée de l’euro et de la dette publique – et plus précisément sur le rôle de la Banque centrale européenne, la taxe sur les transactions financières, la séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement.
Pour ce qui est des prétendues nouvelles possibilités d’initiative référendaire prévues par l’article 11 révisé de la Constitution, le gouvernement Fillon-Sarkozy y est allé à reculons, à contrecœur. D’ailleurs, cette disposition était absente du projet initial de révision constitutionnelle. Ce sont des amendements des différents groupes politiques, notamment d’opposition, qui ont introduit la modification dont nous discutons à nouveau aujourd’hui pour la mettre en œuvre.
Ainsi l’étude d’impact – on devrait lire plus souvent les études d’impact – qualifie-t-elle d’« initiative partagée, donnant la priorité à une initiative parlementaire, laquelle doit être soutenue par un mouvement populaire ». En notant, au passage, la référence au « mouvement populaire », qui fleure bon son UMP, je trouve la formule assez juste : le mot « référendum » a disparu et le mot « priorité » est très clair : « priorité à une initiative parlementaire ».
On prévoit en effet un verrou parlementaire au départ et un verrou parlementaire à l’arrivée, et la probabilité d’un référendum est quasiment nulle : soit il existe une majorité pour voter la proposition de loi et, dès lors, à quoi bon organiser un référendum puisque la proposition sera adoptée par le Parlement ; soit il n’y a pas de majorité et une lecture dans chaque assemblée suffira à le constater et à empêcher le recours au référendum.
Examinons plus précisément le déroulement des opérations puisque c’est de cela qu’il s’agit dans les deux projets de loi.
Au cours de la première étape, une proposition de loi est défendue par 20 % des membres du Parlement, soit 185 d’entre eux. L’initiative est donc bien parlementaire, de surcroît réservée aux groupes politiques les plus importants en effectifs.
La deuxième étape est le contrôle de la recevabilité et de la constitutionnalité du texte par le Conseil constitutionnel. Il s’agit notamment de vérifier que la proposition de loi s’inscrit bien dans le cadre du référendum tel que le prévoit l’article 11. Ce champ ne comprenant pas les garanties fondamentales des libertés publiques, c’est là une restriction supplémentaire.
Troisième étape : le recueil des soutiens populaires, fixés à 10 % du corps électoral – un seuil très élevé qui correspond à 4,5 millions d’électeurs –, doit s’effectuer en trois mois. Cette procédure de recueil des soutiens est diligentée par le Gouvernement, c’est-à-dire par le ministère de l’intérieur. On peut imaginer qu’il y consacrera une énergie et des moyens variables, une force de conviction inégale selon les sujets concernés. Cela sous le contrôle d’une commission ad hoc, elle-même toujours supervisée par le Conseil constitutionnel.
Décidément, on veut lui en confier, des missions, au Conseil constitutionnel. C’est la mode !
Certains voudraient le charger de faire appliquer une règle d’or budgétaire. Des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, modifiables périodiquement, seraient soumises à son contrôle. Selon quels critères ? Ensuite, le Conseil constitutionnel vérifierait obligatoirement la conformité des projets de lois de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Il s’agirait d’un Conseil constitutionnel à mi-chemin entre la Cour des comptes et une agence de notation.
Espérons que, pour le respect de ladite règle d’or ou pour le décompte des soutiens populaires au titre de l’article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’y prendrait différemment de la façon dont il a traité les comptes financiers de la campagne présidentielle de 1995. J’imagine que tout le monde a lu le récent entretien accordé le 1er décembre dernier au Parisien par Jacques Robert, professeur de droit et président honoraire de l’université Panthéon-Assas, membre du Conseil constitutionnel de 1989 à 1998.
M. Robert raconte – et c’est, si j’ose dire, assez ébouriffant – la manière dont ont été vérifiés les comptes de campagne de MM. Balladur et Chirac.
On lui demande d’abord s’il se souvient des comptes de M. Balladur et il répond par l’affirmative, précisant : « Les comptes du candidat Balladur […] étaient […] irréguliers. » C’est la première fois que je lis une citation d’un membre du Conseil constitutionnel de l’époque affirmant que les comptes étaient irréguliers !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je me demande qui présidait alors le Conseil constitutionnel…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. N’était-ce pas un certain Roland Dumas ?
M. Jean Mallot. Et M. Robert de poursuivre : « L’explication selon laquelle ces 10 millions provenaient de la vente de tee-shirts esquissée par son trésorier, ne tenait pas la route. C’était une somme énorme. On s’est tous dit que Balladur se fichait de nous. »
À la question de savoir si les comptes de Jacques Chirac étaient corrects, M. Robert répond : « Non. Mais les irrégularités n’avaient pas une telle ampleur. » Ah bon ? Il existe des irrégularités de petite ampleur et des irrégularités de grande ampleur…
Comment ont-ils procédé pour Balladur ? Le président du Conseil constitutionnel a déclaré vouloir trouver une solution ; il a donc invité les rapporteurs à reprendre leur travail et, la séance suspendue, ils se sont retirés. Selon M. Robert, « au bout de cinq ou six heures, quand ils sont revenus, le montant avait été réduit, mais les comptes étaient encore largement dépassés ». Le président du Conseil constitutionnel « leur a demandé de faire un effort supplémentaire ».
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Qui donc était ce président ?
M. Jean Mallot. « Les rapporteurs se sont retirés à nouveau. Ils ont fini par présenter des comptes exacts… à 1 franc près. Sans doute pour montrer qu’ils n’appréciaient pas d’être pris pour des imbéciles. »
En ce qui concerne Chirac, M. Robert déclare que « cela s’est passé quasiment de la même manière ». Il ajoute un peu plus loin : « Vous savez, le Conseil constitutionnel, c’est un peu un club. On est entre gens de bonne compagnie, on se tutoie. »
Je ne doute pas que les choses ont beaucoup changé depuis lors, que M. Debré a une autre manière de présider et que le Conseil constitutionnel fonctionne différemment, faisons-lui en crédit. Mais, tout de même, cette manière de traiter les dossiers et le récit de Jacques Robert laissent perplexe.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous direz-vous enfin qui présidait le Conseil constitutionnel à l’époque ?
M. Jean Mallot. J’en reviens à la procédure qui nous est soumise. Elle prévoit ensuite la quatrième étape, un délai de douze mois pour que la proposition de loi soit examinée par les deux assemblées. À défaut, le Président de la République la soumet au référendum. Il dispose pour cela d’un délai de quatre mois : on n’en finit pas !
Le rapporteur a donc calculé une durée totale de vingt-trois mois pour la procédure, dont trois mois seulement pour le recueil des soutiens populaires. C’est peu. Rien n’est prévu pour encourager la participation des citoyens et le débat public sur le sujet considéré ni pour stimuler les soutiens.
En revanche, c’est l’objet du projet de loi ordinaire soumis à discussion commune, des sanctions, légitimes, sont prévues : en cas d’infraction aux règles de financement des activités politiques, d’usurpation d’identité, d’altération volontaire des données, de pressions exercées sur les électeurs ou de manœuvres de corruption d’un électeur. C’est bien le moins.
Nous l’avons vu, le dispositif proposé n’est pas de nature à répondre à l’objectif fixé par le constituant : une procédure permettant des référendums populaires, telle était sa volonté. Les amendements adoptés par la commission des lois sont mineurs et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que l’annonce de nouveaux droits, qui a été faite par le constituant, débouche sur un droit effectif.
Le risque de frustration démocratique est fort, il est même quasi certain. Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à reprendre dès ce soir le travail en commission, pour retrouver l’esprit du constituant et respecter la parole donnée au peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. François de Rugy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ferai trois remarques.
La première pour rectifier une inexactitude de M. Mallot s’agissant des conditions d’examen de la présente loi organique par les deux assemblées du Parlement. Il a prétendu que les dispositions de cette loi organique devraient entraîner un vote en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat.
M. Jean Mallot. La question se pose !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il fait erreur. L’article 46 de la Constitution est précis : cela n’est obligatoire que dans le seul cas où il s’agit d’une loi organique relative au Sénat. Manifestement, il ne s’agit pas ici d’une loi organique relative au Sénat. M. Mallot a donc bien commis une erreur.
M. Jean Mallot. Affirmation contre affirmation : nous verrons !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. La procédure pour l’adoption définitive de cette loi organique, au cas où le Sénat ne voterait pas le texte en termes identiques à ceux retenus par l’Assemblée nationale, sera un vote par l’Assemblée nationale à la majorité absolue de ses membres, comme le prévoit l’article 46.
M. Jean Mallot. Vous foulez aux pieds le Sénat !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Deuxième remarque : il y a contradiction dans les propos de M. Mallot, comme il y avait contradiction, d’ailleurs, dans ceux de ses prédécesseurs. Il critique en particulier le délai de trois mois prévu par la loi organique pour le recueil des signatures, qu’il juge trop bref. C’est pourtant en se félicitant que le « référendum » organisé à propos de La Poste ait recueilli 2 millions de pétitions en quelques jours qu’il a commencé son propos ! Ainsi, pour la Poste, en quelques jours, on peut avoir 2 millions de pétitions, mais s’agissant d’une initiative parlementaire visant à aller jusqu’au référendum, on serait incapable, avec en plus tout le battage officiel qui serait obligatoire, de recueillir, en trois mois, les 4,5 millions.
M. Jean Mallot. Il y avait eu six mois de campagne auparavant !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. La dernière remarque achèvera de convaincre, si nécessaire, notre assemblée de ne pas voter cette motion. Sans être trop formel, j’observe que le renvoi en commission sur la loi organique a été repoussé. L’intervention de M. Mallot avait pour objet le renvoi en commission de la loi ordinaire.
M. Jean Mallot. C’est une discussion commune !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Or M. Mallot n’a parlé de la loi ordinaire qu’en quelques mots, à la fin de son propos, et pour dire, globalement, que tout allait bien.
M. Jean Mallot. Ne me reprochez pas d’avoir été concis !
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Raisonnons par l’absurde et admettons que nous votions le renvoi en commission de la loi ordinaire : nous retournerions en commission pour discuter de la loi ordinaire à laquelle M. Mallot n’a rien à redire !
Vous voyez qu’à l’inexactitude de certains propos, à l’approximation de certaines affirmations, s’ajoute ainsi l’absurde, et j’ai peine à croire que l’heure tardive y ait une quelconque responsabilité. J’invite donc l’Assemblée à repousser la motion de renvoi en commission.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’exposé de M. Mallot, un exposé très intéressant mais qui ne contenait aucun argument nouveau par rapport à ce qu’avaient dit les orateurs précédents.
M. Jean Mallot. Et vos arguments de fond à vous, où sont-ils ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même si l’art de la pédagogie, c’est la répétition, il arrive un moment où la répétition n’a plus beaucoup d’effet, surtout quand il se fait tard.
J’ai donc bien écouté M. Mallot sans déceler dans ses propos d’argument convaincant. Je l’ai trouvé pathétique dans les efforts qu’il faisait pour ne pas citer le nom du président du Conseil constitutionnel lorsqu’il lisait l’interview de M. Robert. Dites-le, monsieur Mallot, que c’était M. Dumas !
M. Jean Mallot. Et alors ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dites-le que vous n’en êtes pas fier !
M. Michel Hunault. Très bien !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous avez le droit de le reconnaître, et ce serait beaucoup plus simple.
M. Jean Mallot. Qu’est-ce que ça changerait ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. S’agissant de savoir si le Sénat doit ou non émettre un vote identique sur la loi organique,…
M. Jean Mallot. Pas identique, dans les mêmes termes !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Identique signifie dans les mêmes termes, et je n’ai pas dit « conforme ». Je vous renvoie au Larousse et je maintiens le terme « identique ».
Le Conseil constitutionnel est clair : seules les lois organiques qui visent à poser, abroger ou modifier des règles concernant le Sénat nécessitent un vote identique du Sénat.
M. Jean Mallot. Et là, ça ne concerne pas le Sénat ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce n’est pas le cas ici, quoi que vous en disiez.
M. Jean Mallot. Bien sûr que si !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous vous trompez.
M. Jean Mallot. On verra !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. La seule façon de montrer que M. Mallot se trompe, c’est de rejeter sa motion de renvoi en commission.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas très neuf comme argument !
M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Michel Hunault. Chers collègues de la majorité, vous avez entendu des propos qui, personnellement, m’ont choqué. Lorsque M. Mallot, au nom du groupe socialiste, met en cause le financement de la campagne du Président Chirac et celui de la campagne de M. Balladur,…
M. Jean Mallot. Ce n’est pas moi, c’est M. Robert !
M. Michel Hunault. …vous avez le droit de ne pas réagir. Mais moi, je vais m’adresser à lui droit dans les yeux : qui êtes-vous, monsieur Mallot, pour donner des leçons ? Qui a voté les textes sur le financement public, sur la lutte contre la corruption ? En ce moment, le parti socialiste ferait bien de se montrer modeste à ce sujet.
M. Patrice Verchère. Modeste, c’est le mot !
M. Michel Hunault. Vous avez le droit de ne pas être d’accord sur les modalités d’application du référendum d’initiative populaire, mais n’allez pas sur ce terrain car, en ce moment, vous n’avez aucune leçon à donner !
M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe SRC.
M. Jacques Valax. Nous sommes bien en présence de deux textes dont la discussion est commune, de deux textes indissociables. Par conséquent, les observations de Jean Mallot me paraissent tout à fait justifier le renvoi en commission. Voilà pour la forme.
M. Patrice Verchère. Sur le fond, on attend toujours !
M. Jacques Valax. Sur le fond, pour revenir aux attaques dont j’ai été victime, je n’en méritais pas de pareilles. Je voulais dire dans mes propos liminaires que j’étais, dans un premier temps, d’accord avec ce texte. J’avais à l’appui un argumentaire selon lequel nous attendions depuis longtemps un tel texte, qui est conforme à la maturité dont font preuve aujourd’hui nos citoyens. Vous combliez, en quelque sorte, notre impatience et reconnaissiez la maturité de nos concitoyens.
M. Dominique Tian. C’est du Hollande !
M. Jacques Valax. Mais nous espérions que vous accepteriez de faire des concessions ou de rapprocher votre théorie de la nôtre…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est laborieux !
M. Patrice Verchère. C’est difficile, la théorie !
M. Jacques Valax. …en acceptant d’allonger le délai de pétition, dont nous nous tuons à vous dire qu’il est manifestement trop court, de trois mois à six mois. Inversement, pour bien montrer que nous sommes en quête d’un rééquilibrage entre l’initiative parlementaire et l’initiative citoyenne qui soit en faveur de cette dernière,…
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il y a des vents contraires !
M. Jacques Valax. …nous souhaiterions que le délai laissé au Parlement soit ramené de douze mois à huit ou six mois.
La discussion est ouverte, nous vous tendons la main. Puisque, a priori, vous allez, une fois encore, refuser le renvoi en commission, nous souhaitons discuter les amendements.
M. Guy Geoffroy, rapporteur. Enfin, un éclair de lucidité !
M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.
M. Michel Diefenbacher. J’observe que notre collègue Jean Mallot était hors sujet. La motion de renvoi devait porter sur le projet de loi et non pas sur le projet de loi organique. Le projet de loi, je le rappelle, porte uniquement sur les sanctions aux infractions qui ont été commises pendant la procédure. On n’a pas trouvé, dans l’intervention de M. Mallot, d’argument sur ce point. Par conséquent, nous ne pouvons que repousser cette motion.
M. François de Rugy. M. Mallot a la liberté de ses arguments, tout de même !
(La motion de renvoi en commission sur le projet de loi ordinaire, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Diefenbacher.
M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun se souvient des débats qu’ont suscité, dans les premières années de la Ve République, les recours répétés du général de Gaulle à la procédure du référendum. Ces débats étaient à la fois juridiques et politiques.
Pour le général de Gaulle, cette pratique du référendum devait permettre à la fois de rompre définitivement avec les excès du parlementarisme et ce qu’il appelait le régime des partis, qui avaient entraîné la paralysie puis la chute de la IVe République, de donner un ancrage populaire à l’exécutif alors que le Président de la République n’était pas encore élu au suffrage universel direct, et de régler le problème algérien alors que la classe politique était infiniment plus partagée que le peuple lui-même sur la question de l’autodétermination, c’est-à-dire de l’indépendance de l’Algérie.
Cette pratique du référendum était alors violemment dénoncée par l’opposition, notamment par la gauche, qui voyait dans cet appel au peuple la menace d’un nouveau césarisme. Le pamphlet le plus violent a probablement été l’ouvrage sorti de la plume de François Mitterrand, Le Coup d’État permanent.
Si l’appel au peuple a incontestablement renforcé le pouvoir du Président de la République entre 1958 et 1962, c’est également le référendum qui a amené le général de Gaulle à quitter le pouvoir de sa propre volonté en 1969.
M. Jean Mallot. Vous n’êtes pas dans le sujet. Cela n’a rien à voir avec l’initiative populaire.
M. Michel Diefenbacher. Il apparaissait ainsi, et de la manière la plus éclatante, que le référendum est un moyen non pas de confisquer le pouvoir au bénéfice de l’exécutif mais, au contraire, de le donner au peuple, et que la maturité politique des Français en fait désormais un instrument non pas de quelque despotisme, mais, au contraire, d’une authentique démocratie.
Après avoir condamné cette pratique, François Mitterrand devait l’utiliser lui-même par deux fois : la Nouvelle-Calédonie en 1988, Maastricht en 1992. Je ne ferai aucun commentaire sur ce revirement, si ce n’est pour me féliciter que le référendum soit désormais accepté par la quasi-totalité de la classe politique comme un véhicule législatif légitime.
Si la légitimité du recours au référendum ne fait plus débat, la rénovation de sa procédure et l’élargissement à tous les citoyens de l’initiative référendaire devraient recueillir dans cette assemblée une très large majorité. Du reste, le référendum d’initiative partagée ne figurait pas dans le projet de loi constitutionnelle. Si sa disposition a été introduite dans le texte voté par le Congrès de la République le 21 juillet 2008, c’est parce que les parlementaires l’ont voulu. Ces parlementaires siégeaient sur les bancs tant de l’opposition que de la majorité. J’espère que la loi organique et la loi ordinaire sur lesquelles il nous revient de nous prononcer feront l’objet, au sein de cet hémicycle, d’un aussi large consensus.
Je voudrais, pour ma part, féliciter la commission des lois, son président, Jean-Luc Warsmann, son rapporteur, Guy Geoffroy, et tous ses membres pour la qualité de leurs travaux et pour les améliorations qui ont été apportées, souvent de manière consensuelle, au texte du Gouvernement. Sans reprendre l’ensemble des éléments présentés par le rapporteur, je souhaiterais insister sur trois points.
Le premier est la garantie juridique qui s’attache à l’intervention du Conseil constitutionnel et à la création d’une commission ad hoc chargée de surveiller les opérations de recueil des soutiens des électeurs. Le Conseil constitutionnel est en effet chargé de vérifier, avant même le recueil des soutiens, la conformité de la proposition parlementaire à la Constitution, de s’assurer de la régularité du recueil des soutiens, de surveiller les opérations de référendum, de statuer sur les réclamations, de proclamer les résultats.
Le recueil par le ministère de l’intérieur des soutiens populaires fait l’objet d’un dispositif de contrôle particulièrement précis. Ce contrôle est confié à une commission ad hoc exclusivement chargée de cette mission.
La composition de cette commission garantit son indépendance et son impartialité : les six membres qui la composent sont tous des magistrats issus des plus hautes juridictions des ordres judiciaire, administratif et financier. Ils sont élus par leurs pairs réunis en assemblée générale s’agissant du Conseil d’État et de la Cour de cassation, en chambre du conseil s’agissant de la Cour des comptes. Le régime des incompatibilités qui leur est applicable est particulièrement rigoureux. Cette commission n’est pas constituée à l’occasion de la préparation d’un référendum en particulier, c’est une commission permanente dont les membres sont élus pour six ans, renouvelable par moitié tous les trois ans, ce qui permet d’assurer la continuité des travaux. Ces magistrats choisissent librement leur président. La commission ainsi constituée bénéficie des moyens juridiques et matériels qui lui sont nécessaires.
Il serait difficile d’aller plus loin dans la précision du dispositif, qui assure de fait la plus grande sécurité juridique.
Je souhaite insister, dans un deuxième point, sur les garanties protectrices des droits des citoyens. Pour que le référendum ait lieu, l’initiative doit recueillir 4,5 millions de signatures en trois mois.
Le choix de l’internet comme unique support de cette procédure s’imposait. Ce choix suppose tout d’abord que l’accès de tous les citoyens au clavier d’un ordinateur soit assuré au mieux. Il faut également que l’option politique exprimée par les signataires soit protégée dans les mêmes conditions que toutes les données à caractère personnel.
Il faut se féliciter que la loi prévoie que chaque électeur puisse apporter son soutien à une initiative référendaire à partir de n’importe quel point d’accès à internet, qu’il soit public ou privé. Pour les personnes qui ne disposent pas d’un accès à internet, des points publics d’accès seront ouverts par les communes. La commission des lois propose que cette obligation soit limitée aux chefs-lieux de canton, ce qui paraît procéder de la plus grande sagesse.
Pour que la protection de la liberté des citoyens soit assurée, la CNIL sera consultée sur le projet de décret en Conseil d’État qui fixera les modalités de traitement des données à caractère personnel recueillies au cours de la procédure. Ce décret déterminera également les conditions dans lesquelles la liste des soutiens pourra être consultée par le public et fixera les délais au-delà desquels les données ainsi collectées seront détruites. Les garanties ainsi apportées aux citoyens vont donc au-delà de celles dont bénéficient les signataires des pétitions.
Le troisième point sur lequel je souhaite insister est que le Parlement est directement associé à l’ensemble de la procédure. Si la procédure du référendum a été vivement critiquée dans les premières années de la Ve République, c’est parce qu’elle permettait à l’exécutif de s’affranchir de la délibération du Parlement. Depuis cette époque, la pratique institutionnelle a évolué. Un nouvel équilibre s’est établi entre l’exécutif et le Parlement, et il est admis par tous qu’un gouvernement ne peut pas agir s’il ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Au demeurant, la mission confiée en 2007 au comité de réflexion et de proposition présidé par M. Édouard Balladur avait pour objet de rééquilibrer les institutions, c’est-à-dire de renforcer à la fois les pouvoirs du Parlement et la place du citoyen.
M. Michel Hunault. Très bien !
M. Michel Diefenbacher. Cela exigeait que, comme tous les citoyens, le Parlement soit directement associé à cette nouvelle procédure. Il intervient en effet à deux stades successifs.
D’abord, il se voit reconnaître l’initiative du référendum, puisque la procédure est engagée dès lors qu’un cinquième des membres du Parlement le demande. Dans un deuxième temps, lorsque la demande d’un dixième des électeurs a été formulée, le référendum n’est organisé que si la proposition n’est pas examinée par le Parlement dans le délai d’un an suivant le recueil des signatures. En d’autres termes, si le Parlement se prononce sur la proposition qui a recueilli les 4,5 millions de signatures nécessaires, le référendum n’a plus de raison d’être. C’est un dispositif à la fois logique et équilibré qui nous est proposé.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les deux textes qui nous sont soumis. Il le fera en se félicitant que la réforme constitutionnelle ainsi parachevée marque une étape nouvelle dans l’exercice de la citoyenneté et dans la pratique démocratique de notre pays.
M. Michel Hunault. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après la remarquable intervention de notre collègue Michel Diefenbacher, je voudrais simplement ajouter quelques mots, à cette heure tardive, au nom du groupe Nouveau Centre.
Le rapporteur a précisé les modalités de ce référendum d’initiative populaire, et le garde des sceaux a eu raison, en réponse à l’opposition, de rappeler l’importance de la réforme constitutionnelle en énumérant toutes les avancées issues de cette révision de juillet 2008, telle la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité. Toutes ces réformes ont fait avancer notre démocratie vers plus de modernité, afin de rapprocher les citoyens de l’organisation des pouvoirs publics. Faut-il encore rappeler la création du Défenseur des droits, que l’opposition a refusée, ou la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ?
Le texte que nous examinons aujourd’hui était attendu. Nous pouvons discuter les modalités des garanties qu’il nous offre, mais puisqu’il s’agit d’un progrès, le consensus aurait dû être de mise dans cet hémicycle. Pourtant, comme nous y sommes accoutumés depuis le début de la législature, nous avons entendu une opposition qui s’est opposée, sans même reconnaître que si la Constitution a été révisée en 2008, c’est parce qu’un certain nombre de membres courageux de l’opposition ont apporté leur voix à la réforme.
Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de rappeler les avancées de ce texte. Jusqu’en 2008, le référendum était de la seule initiative du Président de la République. Aujourd’hui, le projet de loi organique qui nous est soumis prévoit l’introduction d’une procédure d’initiative populaire.
M. Jean Mallot. Il n’y a aucune initiative populaire !
M. Michel Hunault. Vous auriez pu vous associer à ce projet, monsieur Mallot, et je pense même que la réalité est que l’opposition aurait aimé, lorsqu’elle était au pouvoir, présenter ces réformes.
Je vais continuer le dialogue avec vous, monsieur Mallot, qui avez la gentillesse de m’écouter.
M. Jean Mallot. Je vais alors être obligé de vous répondre !
M. Michel Hunault. Lorsque M. Mitterrand était Président de la République, combien de référendums avons-nous connu ? Nous en avons eu un sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, c’est tout !
M. Jean Mallot. Et sur le traité de Maastricht, ce n’était pas un référendum ?
M. Michel Hunault. Aujourd’hui, c’est une façon moderne de consulter le peuple que de permettre l’initiative d’origine populaire.
M. Jean Mallot. François Mitterrand a organisé un référendum sur l’Europe et l’a gagné. Jacques Chirac a également organisé un référendum sur ce sujet, mais il l’a perdu. Il n’en a pas tiré les conséquences !
M. Michel Hunault. Il y a des modalités à respecter, que nous pouvons discuter, mais, sur le fond, j’aurais aimé que l’opposition apporte son soutien à ce projet de loi organique.
Il vise en effet à préciser les conditions de mise en œuvre d’une procédure qui a été introduite par la révision constitutionnelle et qui constituait, à l’heure de son adoption, une véritable révolution de nos traditions juridiques. Trois ans après l’inscription de la nouvelle rédaction de l’article 11 dans notre Constitution, il était temps de parachever cette réforme.
Monsieur le garde des sceaux, c’est à l’initiative des groupes parlementaires que l’article 11 a été révisé, afin que le référendum d’initiative populaire puisse voir le jour. Alors que la Constitution attribuait l’initiative exclusive du référendum au Président de la République, aujourd’hui l’article 11 prévoit que pour le cinquième des membres du Parlement, avec le soutien du dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, il sera possible de demander l’organisation d’un référendum sur la ratification d’un traité, l’organisation des pouvoirs publics ou les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation.
M. Jean Mallot. Non, on ne peut pas demander un référendum !
M. Michel Hunault. En faisant ainsi intervenir les membres du Parlement au stade de l’initiative, la révision constitutionnelle a fait du référendum d’initiative partagée une procédure unique dans notre histoire, originale par rapport aux autres mécanismes existant déjà en Europe.
Cette révision constitutionnelle a ainsi, par une association étroite entre le peuple souverain et ses représentants, permis d’étendre le champ de la démocratie directe.
Rappelons que le référendum d’initiative populaire constitue une disposition particulière au sein de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Proposée par le comité Vedel et le comité Balladur, sa mise en place résulte de la réécriture de l’article 11. Au Nouveau Centre, nous faisions partie de ceux qui estimaient que la modernisation des institutions de la Ve République entreprise par la révision constitutionnelle commandait de donner à nos concitoyens de nouveaux droits pour s’impliquer dans la vie des institutions, et ainsi mieux peser dans le débat public. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l’inscription à l’ordre du jour de ces textes qui visent à assurer la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle.
À cette heure tardive, je ne vais pas m’attarder sur les modalités de saisine du Conseil constitutionnel, M. Diefenbacher vient de le faire de manière remarquable.
Le projet de loi présente un certain nombre de garanties vis-à-vis de nos concitoyens, mais également s’agissant de l’organisation du référendum. Il sera toujours possible d’en discuter les modalités, je pense notamment à l’usage du vote électronique. L’occasion m’est ici donnée de dire que nous devrions plus souvent avoir recours au vote électronique. Avec toutes les garanties qui peuvent être offertes aujourd’hui, c’est une piste que le Gouvernement pourrait expérimenter pour d’autres scrutins.
Ainsi, l’initiative référendaire devra être transmise au Conseil constitutionnel par ses signataires. Je souhaite rendre hommage au Conseil constitutionnel, qui joue un rôle essentiel depuis cette réforme dans le cadre de l’application de la question prioritaire de constitutionnalité. Un collègue de l’opposition a gravement mis en cause l’intégrité et l’éthique même du Conseil constitutionnel : je trouve cela honteux, le débat politique ne permet pas de tels excès.
M. Jean Mallot. C’est plutôt vous qui êtes ridicule !
M. Michel Hunault. Il faut rendre hommage à l’institution qu’est le Conseil constitutionnel, et à son président Jean-Louis Debré, qui a tout mis en œuvre pour faire en sorte que la réforme de la question prioritaire de constitutionnalité soit un succès et rapproche nos concitoyens de l’organisation des pouvoirs publics.
M. Jean Mallot. Il n’empêche qu’en 1995, les comptes de campagne d’Édouard Balladur étaient irréguliers, ainsi que ceux de Jacques Chirac, et qu’ils ont tous deux été validés. Certains membres du Conseil constitutionnel de l’époque le disent ouvertement !
M. Michel Hunault. C’est avec confiance que les députés du Nouveau Centre voteront ce projet qui vient achever une réforme constitutionnelle qui, à l’image de cette treizième législature, a été l’occasion de faire progresser les libertés individuelles et notre démocratie, quoi qu’en dise l’opposition. C’est pour cela monsieur le garde des sceaux que nous vous apportons notre soutien.
M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux.
M. le président. Prochaine séance, mercredi 21 décembre à neuf heures trente :
Suite du projet de loi organique et du projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 21 décembre, à deux heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron