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Commission des affaires européennes

mardi 22 décembre 2009

16 h 30

Compte rendu n° 133

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de M. Arnaud Danjean, président de la sous-commission défense et sécurité du Parlement européen

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

III. Nomination de rapporteurs d’information

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 22 décembre 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Audition de M. Arnaud Danjean, président de la sous-commission défense et sécurité du Parlement européen

Le Président Pierre Lequiller. En la personne du président de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement européen, notre Commission accueille un Français et un ami.

M. Arnaud Danjean a été fonctionnaire au ministère de la défense et, en 2004 et 2005, représentant au Kosovo du Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne et Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Moins d'un mois après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, notre réunion est l'occasion d'évoquer les changements que l’application de celui-ci devrait ou pourrait entraîner en matière de PESC et de politique européenne de sécurité et de défense (PESD).

Le premier changement concerne les aspects institutionnels et la fonction de Haut représentant, exercée aujourd'hui par Mme Catherine Ashton : quel sera le rôle du Haut représentant en matière de défense ? Comment son action devra-t-elle s'articuler avec celle du Conseil de défense informel et celle des ministres de la défense des Etats membres ? D’autres changements posent également des questions qui restent encore sans réponse sur les plans tant administratif, telles les modalités d'intégration de l’action militaire au Service européen pour l’action extérieure (SEAE), que politique : quel contrôle parlementaire pourront exercer le Parlement européen et les parlements nationaux – ce qui constitue pour nous une forte préoccupation ?

Le concept d’Europe de la défense intéressant de plus en plus nos partenaires européens, le traité de Lisbonne comporte des propositions dans ce domaine, notamment en matière de coopération structurée ou renforcée. A condition bien sûr que les Etats accroissent leur effort financier – la Grande-Bretagne et la France étant en pointe en la matière –, des avancées sont donc possibles.

Enfin, dès lors que les Etats membres de l'Union européenne sont liés par une clause d'assistance mutuelle, faut-il supprimer l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) ou, au contraire, conserver encore un certain temps la clause d'assistance mutuelle automatique que comporte son traité, et qui serait plus efficace que celle du traité de Lisbonne ?

M. Arnaud Danjean, président de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement européen. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne suscite au Parlement européen et dans notre sous-commission beaucoup plus de questions que de réponses. Le 11 janvier prochain, nous procéderons d’ailleurs à une audition de Mme Catherine Ashton, après avoir déjà eu avec elle un premier échange de vues formel mais aussi informel. À ce stade en effet les questions pertinentes que vous soulevez, Monsieur le président, concernant en particulier le Service d’action extérieure ne trouvent pas vraiment d’ébauche de réponse.

Pour ne pas susciter l’idée qu’ils préjugeaient le résultat du vote irlandais – extrêmement sensible sur le plan politique – et pour éviter de nourrir le débat avec des éléments contre-productifs, aussi bien la présidence suédoise de l’Union que la Commission, le Secrétariat du Conseil et le Parlement ont évité de mener des réflexions trop ouvertes, ce qui explique qu’au 1er décembre la réflexion sur le SEAE était plus qu’embryonnaire. Pour autant, mon prédécesseur, M. Karl von Wogau,...

Le Président Pierre Lequiller. Que nous avons reçu.

M. Arnaud Danjean. ...a travaillé avec succès à faire exister notre sous-commission. Nous devons cependant rester modestes et humbles puisque de même que la sous-commission « droits de l’Homme », nous dépendons de la commission des affaires étrangères, avec toutes les contraintes que cela impose.

D’abord, leurs sujets de compétence sont éminemment intergouvernementaux, domaines où la place du Parlement est réduite à la portion congrue.

Ensuite, le travail d’auditions et de rapports qui les fait exister doit passer sous les fourches caudines de la commission.

Une autre difficulté que la sous-commission « Sécurité et défense » – qui compte trente-six membres – doit affronter tient à sa composition elle-même. Certains groupes politiques très minoritaires l’utilisent beaucoup plus comme une tribune que comme un outil constructif. A l’exemple de M. Karl von Wogau, l’un de mes objectifs est de faire des principaux groupes politiques sa colonne vertébrale lui permettant de donner à ses travaux une vraie crédibilité et d’être prise au sérieux lorsqu’elle interpelle la Commission ou le Conseil. Aujourd’hui, nos vues sont trop souvent perçues comme étant tribuniciennes, sachant que dans nos discussions les conservateurs britanniques ne supportent pas que le terme « Europe » soit accolé à celui de « défense », tandis que l’extrême gauche allemande ne veut pas entendre les termes « défense » ou « militaire ». Néanmoins, une collaboration entre les groupes du Parti populaire européen, de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, des Verts/Alliance libre européenne et de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe devrait, en faisant progresser les idées de défense européenne, donner plus de crédibilité à notre sous-commission.

Celle-ci dispose cependant d’une véritable capacité d’action budgétaire. Nous tenons cinq à six réunions par an en commun avec la commission des budgets, présidée par M. Alain Lamassoure, que vous avez reçu. La commission des affaires étrangères et ses deux sous-commissions s’associent avec elle pour débattre du budget de la PESC avec la présidence, le Secrétariat du Conseil et la Commission.

Le traité de Lisbonne ne modifie guère notre domaine de compétence : en matière d’affaires étrangères et de défense, il n’accroît pas en tant que tel les pouvoirs du Parlement. En revanche, la création du poste de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vice-président de la Commission en charge des relations extérieures, élargit considérablement notre droit de regard : une partie des actions de Mme Ashton relevant par définition du domaine communautaire, cette innovation nous ouvre, au-delà de nos compétences actuelles, une porte d’entrée sur la politique européenne et de sécurité commune.

Nous plaidons pour que le futur Service d’action extérieure constitue un organe sui generis – c'est-à-dire qui ne soit pas complètement intégré à la Commission et qui ne relève pas non plus seulement du Secrétariat du Conseil – et que le Parlement puisse l’auditionner.

Au-delà de la sémantique, le changement terminologique introduit par le traité de Lisbonne – après dix ans nous quittons la PESD pour la PSDC ou politique de sécurité et de défense commune – est la manifestation de l’objectif ambitieux d’une défense commune et, au-delà, de l’accession à une certaine maturité. Les dix années de PESD traduisent un acquis institutionnel indéniable et une vraie crédibilité opérationnelle : parler PESD avec des pays, européens ou non, qui n’y voyaient guère de réalité est désormais possible. Cette crédibilité est particulièrement essentielle vis-à-vis des pays d’Europe centrale et orientale entrés dans l’Union européenne en 2004. Malgré leur tropisme « OTANien », ils montrent – nos collègues polonais notamment – beaucoup plus d’attention, d’intérêt et d’appétit pour la PESD. C’est là une prometteuse piste d’avenir.

Si les institutions mises en place revêtent parfois un aspect d’usine à gaz, une certaine rationalisation a été opérée par la création, sous la présidence française, de la Direction de planification civilo-militaire (CMPD) au sein du Secrétariat du Conseil, devenue opérationnelle au mois de décembre avec la nomination à sa tête de la Française Claude-France Arnould, En regroupant des directions jusqu’alors plus éclatées, elle donne une cohérence aux outils de la PESD dont l’originalité, c'est-à-dire la synergie entre actions civiles et militaires, est un acquis très important.

Deux chaînons manquent cependant encore.

D’une part, au sommet, un véritable conseil des ministres de la défense. De façon consensuelle, la sous-commission continue à en réclamer la constitution : deux réunions informelles par an sous l’égide des ministres des affaires étrangères ne forment pas un dispositif efficace. Ce conseil doit donc être créé et présidé par la Haute représentante.

D’autre part, un centre d’opération permanent. Aujourd’hui, les opérations sont dispersées entre sept quartiers généraux régionaux ; l’absence d’un quartier général opérationnel à Bruxelles nuit considérablement à leur efficacité. Les Français, qui tiennent beaucoup à une telle institution, vont sans doute devoir de nouveau se battre pour sa création, en dépit de l’hostilité toujours marquée des Britanniques.

Pendant dix ans de PESD, vingt-trois opérations ont été conduites, quasiment sur tous les continents, et 70 000 hommes et femmes y ont été engagés, à un titre ou un autre. Un soldat français est malheureusement décédé, au Tchad. Au regard de ce qui a été conduit, le résultat reste cependant remarquable.

Au-delà de l’efficacité de chacune de ces missions et du bon retour d’expérience qui a pu en être tiré, il est essentiel de noter l’envie que leur réussite a suscitée auprès de partenaires au départ réticents. C’est dans le cadre d’une opération européenne que, pour la première fois, des soldats polonais ont été déployés au Tchad. Les états-majors polonais, très réticents à s’engager sur les théâtres africains, y ont pris goût. Il est également très encourageant pour la crédibilité de la PESD de constater l’augmentation du nombre des pays tiers contributeurs, soit vingt-cinq au total, situés sur tous les continents. Des pays mal à l’aise envers d’autres architectures de sécurité, telles que l’OTAN mais aussi d’autres architectures régionales, trouvent dans la PESD un moyen d’exister et d’apporter leur savoir-faire et leur culture. Cette remarque vaut tout particulièrement pour les Etats balkaniques : certains d’entre eux, au caractère européen incontestable mais qui n’envisagent que difficilement d’engager des relations pleines et entières avec l’OTAN, peuvent trouver en la PESD un sas d’entrée dans un périmètre de sécurité de manière novatrice et efficace.

La légitimité qu’a acquise la PESD grâce à ses opérations se mesure par une forme de demande d’Europe. Dans certaines régions du monde, les aventures unilatérales de Etats-Unis ont sinon discrédité, du moins entamé le crédit de l’OTAN ; les opérations de celle-ci n’y seront plus forcément perçues dans certaines régions du monde comme légitimes et pouvant s’exercer dans un cadre consensuel. Dès lors, sur des théâtres d’opérations pourtant bien éloignés de ceux où d’éventuelles interventions européennes étaient spontanément envisagées, une certaine forme de recours à l’Europe prend forme. Celle-ci s’en trouve mieux fondée à intervenir que d’autres acteurs. Une illustration peut être fournie par l’opération Atalante, première opération militaire navale européenne, dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie. Si son succès se mesure à l’aune de ses excellents résultats en matière de sécurisation des voies maritimes et de lutte contre la piraterie, il s’exprime également par son effet d’entraînement régional. Tous les pays de la zone stratégique très instable qu’est la Corne de l’Afrique sont demandeurs d’une implication européenne plus forte. Les relations que les Etats qui en sont voisins ont développées avec l’Union européenne dépassent ceux d’une simple assistance sécuritaire, et mettent au contraire en œuvre – ce qui fait toute l’originalité de l’Union – l’ensemble de la gamme d’outils dont cette dernière dispose : aide au développement, aide humanitaire, instruments financiers. Le Caucase, la Corne de l’Afrique, le Proche-Orient, l’Afrique centrale sont ainsi des zones dans lesquelles, au contraire de l’OTAN, l’Union européenne est en situation de « planter son drapeau ».

En effet, l’Union européenne est d’abord porteuse de valeurs beaucoup plus multilatérales et consensuelles que celles d’autres organisations. Ensuite, les savoir-faire dont elle dispose lui donnent un éventail d’outils très appropriés. Son avantage comparatif sur les vingt autres pays et organisations qui patrouillent au large de la Somalie a ainsi pour cause non seulement son aptitude à conduire une action militaire d’action contre la piraterie, mais aussi sa capacité à faire juger les pirates appréhendés. Au contraire de l’OTAN – qui n’a pas cette compétence –, l’Union européenne a pu négocier avec le Kenya des accords juridiques permettant d’assurer le transfèrement des pirates prisonniers et leur jugement. Grâce à une assistance financière, elle a aussi offert à ce pays une capacité pénitentiaire. Un accord du même type est en cours de conclusion avec les Seychelles.

Pour autant, les défis et les difficultés restent de taille. L’organisation du dispositif selon les modalités prévues par le traité de Lisbonne suscite aujourd’hui plus de questions qu’elle ne provoque de réponses. Certes, chacun veut aller de l’avant. Cependant, si, grâce à la création du poste de Haut représentant, vice-président de la Commission, l’ensemble des outils dont l’Union européenne dispose pour mener une action extérieure va pouvoir être rationalisé et rendu plus cohérent, j’anticipe quelques difficultés dans la mise en place de cette avancée théorique. Tant en matière de Service d’action extérieure que de traitement des outils militaires, les vues de tous ne sont pas identiques, certains craignant une communautarisation des questions de défense et d’autres souhaitant au contraire, pour des raisons d’efficacité, un appareil le plus intégré possible. Nous ne pourrons disposer d’ébauches de réponses que lors de l’audition, le 11 janvier prochain, de la baronness Ashton.

Le deuxième et principal défi est évidemment celui des capacités. Indépendamment même de la crise budgétaire, les efforts de défense sont tendanciellement en décroissance un peu partout en Europe – au mieux, les pays qui fournissent un effort de défense substantiel le maintiennent –, ce qui est très problématique si l’on veut une PESD ambitieuse. Le processus de génération de forces – qui permet à l'Union européenne de réunir les forces nécessaires auprès des Etats membres pour l'envoi d'une opération militaire à l'extérieur – est difficile. Au Tchad, il n’a pas fallu moins de cinq conférences de génération de forces pour réunir les effectifs souhaités. Alors que, pour la formation de la police afghane, la mission Eupol devait compter 400 personnels, elle n’en dispose toujours que de 280. Les difficultés sont encore plus considérables en matière de nouvelles technologies, de recherche et d’industries de défense : si les enjeux du secteur dépassent évidemment le strict cadre de la PESD, ces difficultés peuvent altérer l’efficacité et la capacité de projection de celle-ci.

L’articulation de la PESD avec l’OTAN constitue un troisième défi. Pour plusieurs pays, l’OTAN reste le seul instrument de sécurité et de défense. Une évolution s’opère cependant. Si l’avenir seul nous révélera son caractère conjoncturel ou structurel, les récentes initiatives américaines ont sans doute amplifié une tendance jusqu’à présent marginale. Au Parlement européen, deux événements ont eu un retentissement considérable. L’absence du président Obama pendant les cérémonies commémorant la chute du Mur de Berlin a profondément choqué nos voisins du Centre et de l’Est de l’Europe. Pour eux, cette absence a concrétisé le fait que l’Europe, continent considéré comme pacifié, avait cessé d’être une priorité stratégique pour l’administration américaine. Il en est résulté, pour nos amis baltes, polonais, tchèques ou slovaques, une prise de conscience de la nécessité d’un cadre européen pour parler de défense et de sécurité. Il s’agit d’une évolution extrêmement intéressante tant psychologiquement que politiquement. S’il faut sans doute éviter de brusquer le mouvement, une piste s’est ouverte.

Un second tabou est tombé avec la réintégration de la France dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN. Aux yeux de pays pour qui l’OTAN est le seul instrument de la sécurité européenne, les Français n’apparaissent plus comme ayant des arrière-pensées en matière d’articulation entre l’OTAN et la PESD mais comme y voyant un rapport de complémentarité. Quel que soit le caractère positif de cette avancée, l’articulation entre la nouvelle PSDC et le nouveau concept stratégique de l’OTAN, en cours d’élaboration, reste néanmoins à définir.

Encore une fois, le rôle de notre sous-commission est modeste : elle peut cependant constituer un lieu d’initiation et d’amplification de débats. Nos relations avec le Conseil et son Secrétariat sont de grande qualité. Aux yeux de la machinerie du Conseil dédiée à la PESD, nous constituons un interlocuteur de plus en plus crédible. Je souhaite que nous puissions établir les mêmes relations de travail avec le futur service de l’action extérieure et Mme Ashton.

Le Président Pierre Lequiller. Lorsque nous nous sommes rendus en délégation à Washington pour rencontrer les membres de la sous-commission Défense de la commission des affaires étrangères – j’avais voulu le faire avant mais l’ambassadeur de France à l’époque avait trouvé cette idée prématurée en raison des relations entre la France et les Etats-Unis, ce que j’ai beaucoup regretté car le président de cette sous-commission était alors M. Obama lui-même –, les questions ont plus porté sur le nombre de soldats que la France enverrait en Afghanistan que sur des sujets proprement européens : la PESC et la complémentarité OTAN-PESC étaient des thèmes qui ne les intéressaient absolument pas.

Après le renoncement par les Américains d’installer un bouclier antimissiles en République tchèque et en Pologne, nos partenaires de l’Est prennent vraiment conscience de l’importance de la construction d’une Europe de la défense.

M. André Schneider. Je me félicite que nous ayons avec vous un interlocuteur au Parlement européen, mais il n’en reste pas moins que la commission politique de l’Assemblée de l’UEO, dont je suis le premier vice-président, s’est posée, lors de la réunion de travail qu’elle a eue la semaine dernière, cette question existentielle : va-t-on vers une suppression de l’UEO ou vers une autre articulation des rapports entre l’UEO, le Conseil de l’Europe et le Parlement européen – sans oublier notamment l’OTAN et la PESD ?

M. Daniel Garrigue. Quand vous parlez de défense européenne, Monsieur Danjean, il me semble qu’il s’agit, avant tout, comme cela était également le cas pour M. Solana, d’opérations extérieures. Vous intéresserez-vous un jour à la défense de l’Europe proprement dite ? Des réflexions sont-elles menées sur un concept commun en matière de défense européenne ou vous en remettez-vous uniquement au concept stratégique de l’OTAN ?

Le débat sur l’implantation d’un bouclier antimissiles américains en République tchèque et en Pologne est passé très largement au-dessus de nos têtes : les Américains s’occupaient de la défense de l’Europe sans demander l’avis des Européens. Le renoncement des Etats-Unis à ce projet a sans doute eu des effets positifs sur les positions des Polonais et des Tchèques, mais il faut pousser la réflexion au-delà. Le centre opérationnel permanent est-il prévu uniquement pour les opérations extérieures ou est-il conçu pour s’occuper également de la défense de l’Europe ?

M. Gérard Voisin. Je suis très heureux que notre Commission accueille aujourd’hui un jeune parlementaire européen, français et bourguignon, qui préside la sous-commission « Défense et sécurité » du Parlement européen.

Le hasard du calendrier fait que plusieurs d’entre nous ont entendu, ce matin, en Commission des affaires étrangères, M. le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Kouchner. Au cours de cette audition, un de nos collègues a fait remarquer qu’il y avait un manque cruel d’Europe en matière de défense. Or, si vous avez insisté, au début de votre propos liminaire, Monsieur Danjean, sur les moyens très limités de votre sous-commission, j’ai cru comprendre ensuite, qu’elle avait en fait un rôle important.

Cela étant, nous aimerions avoir une lisibilité des actions qui peuvent être menées en synchronisation avec celles d’autres pays. Quand M. Obama envoie 30 000 soldats en renfort en Afghanistan, les pays européens agissent en ordre dispersé. Nous pouvons espérer que les nouveaux parlementaires européens n’en restent plus aux discours intellectuels, mais décident d’actions concrètes et efficaces pour construire une politique réelle de la défense européenne.

M. Hervé Gaymard. Je remercie M. Arnaud Danjean pour la clarté de son exposé.

Je fais miennes les questions de mes collègues et en ajoute une, complémentaire, sur les industries de défense en Europe. Ce sujet est-il abordé au sein de la sous-commission ? Dans l’affirmative, est-il étudié sous l’angle de la concurrence et des seuils pertinents de concentration ?

Ce sujet, toujours posé, jamais résolu – comme disait le général de Gaulle de la question sociale – est majeur pour la défense européenne. Paralysés par des visions nationales étroites, beaucoup de pays refusent encore de le voir.

M. Philippe Tourtelier. Le paysage a beaucoup changé : d’une part, l’extension de la question de la défense stricto sensu à la sécurité au sens large nous conduit à nous projeter en dehors de nos frontières ; d’autre part, les rapports entre l’UEO, l’Union européenne et l’OTAN sont loin d’être clairs au niveau institutionnel.

A cet égard, des liens existent-ils entre les réflexions de l’OTAN sur le nouveau concept stratégique, celles de l’UEO – organisme que je croyais en perte de vitesse, mais qui élabore des documents très intéressants – et celles de l’Union européenne ?

Deuxièmement, quelle anticipation est faite d’un sujet qui m’est cher, à savoir le changement climatique ? Cela fait plusieurs années que le Pentagone y réfléchit. Des attendus du Livre blanc britannique, en préparation, aborderont ce sujet. Dans le Livre blanc français, il n’est pas vraiment pris en compte. Or le changement climatique va aggraver les tensions et risque même d’en créer de nouvelles. Je renouvelle ma proposition au président Lequiller de rédiger un rapport sur les enjeux climatiques et la défense européenne.

Troisièmement, contrairement à la coopération renforcée, qui n’a jamais fonctionné, la coopération structurée est peut-être le seul endroit propice à un embryon de défense européenne. L’ennui est que cet embryon de défense européenne ne peut se faire qu’avec le Royaume Uni qui, pour le moins, manque d’enthousiasme en la matière. Cela dit, le manque de crédit qui risque d’affecter également la force de dissuasion de ce pays le conduira peut-être à coopérer. Il restera à savoir s’il coopère pour contrer de l’intérieur toute défense européenne ou s’il le fait de manière plus sincère. De toute façon se posera la question de la place de la dissuasion dans une politique de défense européenne dès lors que seulement deux pays en disposent.

M. Christophe Caresche. Une personnalité avait été chargée, au niveau européen, de lutter contre le terrorisme. Je n’ai pas le sentiment que cela ait donné beaucoup de résultats. Quels sont les projets en ce domaine ?

M. Arnaud Danjean. Si je m’en tiens stricto sensu aux traités, ma réponse spontanée concernant l’UEO sera lapidaire : suppression ! C’est l’étape finale à laquelle il convient d’aboutir selon le traité de Lisbonne.

Si j’insiste, humblement, comme l’a souligné Gérard Voisin, sur la modestie de notre sous-commission, il n’en reste pas moins qu’il me semble plus logique, pour rationaliser et rendre plus cohérents les efforts en matière de défense européenne, que nous soyons les seuls représentants en matière de sécurité et de défense au niveau parlementaire.

Si l’on s’en tient à l’esprit et à la lettre du traité, l’UEO, qui produit en effet des analyses de qualité, est vouée à être supprimée. Mais cela devra se faire de manière progressive et intelligente.

Néanmoins, l’activisme du président de l’Assemblée de l’UEO, M. Robert Walter, n’arrange pas les choses. Il s’auto-attribue beaucoup de compétence dans le domaine de la défense européenne, ce qui irrite beaucoup de mes collègues parlementaires européens et risque d’accélérer la suppression de cet organisme.

M. Daniel Garrigue. Il ne faut pas faire de ce conflit un affrontement de structures : Parlement européen contre Assemblée de l’UEO. La vraie question qui est posée est celle des rapports entre le Parlement européen et une assemblée représentant les parlements nationaux. Il faut s’interroger sur la manière d’associer ces derniers, et cela dans tous les domaines sur lesquels intervient l’Union européenne.

M. André Schneider. Je prends acte de votre déclaration, Monsieur Danjean – en particulier concernant les compliments adressés aux travaux de l’UEO. Elle s’inscrit dans une certaine logique et nous sommes ouverts à la discussion. Pour autant, il serait bon qu’un débat clair et franc s’instaure en la matière.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous informe que je vais proposer à la Commission de charger M. Yves Bur d’une mission sur le Service d’action extérieure et sur l’articulation entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Je demanderai au groupe SRC de désigner un député pour travailler en binôme avec M. Bur sur ce sujet, comme il est de tradition dans notre commission.

M. Arnaud Danjean. S’agissant de la question de la défense de l’Europe, nous enregistrons, malgré tout, quelques progrès.

Le changement de terminologie, tout d’abord, n’est pas neutre. On passe de la PESD – politique européenne de sécurité et de défense – à la PESC – politique étrangère et de sécurité commune. La notion de sécurité commune introduit un élément de cohérence plus fort.

Le passage d’une défense conçue comme la projection de forces dans un cadre de gestion de crise à une politique de défense du territoire européen ne peut que résulter de la volonté politique des vingt-sept Etats de l’Union européenne.

Ceux qui veulent aller un peu trop vite dans cette direction se heurtent à de fortes résistances de la part de ceux qui ne sont pas encore prêts, mais la situation est en train d’évoluer grâce à deux éléments nouveaux.

Le premier est, comme je l’ai déjà indiqué, le fait que les Américains ont renoncé à installer un bouclier antimissiles en Pologne et en République tchèque, ce qui est perçu comme un désengagement stratégique américain en matière de défense du territoire européen. Même s’il s’agit plus d’un redéploiement technologique et géographique que d’un véritable abandon de projet, cela tend à faire évoluer la position de pays qui étaient jusqu’alors réticents à envisager la défense du continent européen dans un cadre européen.

Le second élément tient au développement d’actions plus spécifiques, telle la surveillance maritime. Après la Baltique, où cette surveillance commune est assez « simple », elle devrait se développer progressivement en Méditerranée. Ces dispositifs de sécurité créent de vraies synergies et conduisent à avoir une conception commune et géographique de défense d’un territoire par rapport à des phénomènes de criminalité – trafic de stupéfiants ou encore flux migratoires illégaux. Ce que les Grecs tentent de promouvoir au niveau méditerranéen, l’Espagne va sans doute vouloir le promouvoir de manière plus ambitieuse au cours de sa présidence de l’Union. C’est une des briques par laquelle on construit la « maison commune » en matière de défense du territoire européen.

La sous-commission « Défense et sécurité » du Parlement européen a toute liberté pour parler de ces sujets. Elle est d’ailleurs majoritairement constituée de représentants de pays d’Europe centrale et orientale. Ce qui pourrait constituer un handicap représente une vraie chance car ce sont des gens qui, en matière de défense et de sécurité, ont une vraie expertise, un vrai intérêt et un vrai appétit.

Je déplore que nous ne soyons que deux Français dans cette sous-commission, M. Vincent Peillon et moi-même. C’est dommage parce que nous traitons de vrais sujets. En tout cas, j’estime comme vous, Monsieur le président, que les questions de défense et de sécurité seront la prochaine frontière que l’Union européenne aura à dépasser s’agissant de son projet collectif et de son ambition politique.

La sous-commission compte nombre de Polonais, de Baltes, de Hongrois et de Roumains. Tant mieux, dirai-je, si cela permet de les « agréger » à nos conceptions franco-allemandes en matière de défense européenne. Il est possible, par les opérations extérieures (OPEX), de les intéresser à une définition plus ambitieuse de la défense de l’Europe.

Cela étant, je dois reconnaître que la notion de défense du territoire européen n’est encore qu’au stade embryonnaire. Le traité de Lisbonne nous dote cependant de deux outils nouveaux – l’assistance mutuelle et la clause de solidarité – qui nous permettent d’avancer dans cette voie.

Si l’on ne peut que faire le constat, Monsieur Voisin, de la modestie des avancées en matière de défense européenne au niveau parlementaire, de nombreux progrès ont été accomplis au niveau de la Commission et du Conseil dans les autres domaines. Une mécanique est indéniablement en marche.

L’intervention en Afghanistan fournit un exemple des tensions qui règnent entre les pays membres de l’Union et des contradictions potentielles de la défense européenne. Elles apparaissent de façon d’autant plus criante que c’est le dossier d’actualité majeur.

Un débat a eu lieu, la semaine dernière, au Parlement de Strasbourg sur l’Afghanistan. Un plan d’action a été élaboré par le Conseil et a été adopté. Mais cela reste des déclarations de bonnes intentions. Quand on additionne la contribution financière de l’Union européenne, qui est la plus élevée, celles des Etats membres – que ce soit dans les domaines diplomatique, militaire, policier, économique et humanitaire – et celles, un peu disparates, de la Commission et de la mission PESD/EUPOL, on ne peut que déplorer que les actions menées ne soient ni cohérentes ni bien coordonnées avec les Afghans eux-mêmes et avec l’OTAN.

A cause du problème chypriote et du problème turc, nous avons des difficultés considérables avec l’OTAN. Nous n’avons pas d’accord de sécurité avec ce dernier sur place permettant à nos personnels déployés dans la mission EUPOL de bénéficier de la logistique et de la protection de force de l’ISAF – International Security Assistance Force. C’est un frein pour atteindre la capacité maximale de 400 personnes, qui n’est quand même pas énorme. Mais, quand nous envoyons 150 gendarmes de la force de gendarmerie européenne – FGE –, ils n’opèrent pas dans le cadre d’EUPOL. Ils sont affectés à d’autres missions, associées à l’ISAF, en bilatéral, ce qui est dommage. En matière de coordination, de cohésion, de rationalisation, on peut espérer que le Service d’action extérieure et la Haute représentante aux affaires étrangères, qui sera en même temps vice-présidente de la Commission, permettront de parvenir à une action un peu plus compacte.

Cela étant, nous atteignons les limites d’une Europe à vingt-sept Etats ayant tous des agendas différents sur ces questions.

M. Gérard Voisin. Pourquoi une « sous-commission » ?

M. Arnaud Danjean. C’est mieux que rien ! Quand la PESD a été lancée en 1999, elle restait marginale. Avec les premières opérations, en 2003, civiles puis militaires en Macédoine et en Bosnie, la toute-puissante commission des affaires étrangères a trouvé intéressant de créer une sous-commission de la défense en même temps que celle des droits de l’homme avec laquelle elle fonctionne en binôme et avance au même pas. Et, comme il n’y a pas consensus, une tentative d’émancipation à l’occasion du traité de Lisbonne serait mal comprise.

Au niveau du Conseil, organe plus politique que la Commission qui n’a pas d’attribution particulière en matière de défense, on a compris que le Parlement européen est en train de monter en puissance et qu’il serait contre-productif de ne pas l’associer au maximum aux discussions, et même aux contrôles en matière de défense. Les bonnes relations avec le Parlement prennent de l’importance, et notre sous-commission avec, d’autant que la légitimité de la PESD passe aussi par le contrôle des représentants des citoyens.

S’agissant de l’industrie de défense, Monsieur Gaymard, ce n’est pas l’envie que nous manque de nous y intéresser, mais nous butons vite sur les limites liées à notre statut. Nous sommes consultés, nous organisons des auditions, mais nous ne sommes pas décisionnaires. Ce sont les commissions du marché intérieur et de l’industrie qui sont les interlocuteurs de la Commission. A l’occasion du paquet défense, mon prédécesseur avait réussi à s’immiscer dans le débat et à dialoguer presque de plain-pied avec les autres commissions, pour faire valoir les intérêts spécifiques des industries de défense sous un angle autre que les règles du marché et de la concurrence, mais il va falloir poursuivre l’effort.

Le grand chantier qui est devant nous, c’est celui de la « préférence communautaire » dans un espace européen décloisonné, qu’il s’agisse des appels d’offre ou de la circulation de la technologie. Comment rivaliser avec les Américains, et demain les Chinois, et éviter de la part des autres pays les achats sur l’étagère qui coûtent apparemment moins cher que de développer ses propres capacités ? Les technologies duales nous offrent un levier sur lequel il faudra jouer pour encourager, grâce à la recherche-développement, les industries qui touchent à la sécurité. Mais la tâche est énorme.

Le Président Pierre Lequiller. Il s’agit là d’une question majeure. On doit pouvoir faire avancer l’Europe de la défense sur des points concrets par le biais de l’industrie et c’est une voie possible pour associer les Britanniques qui sont des partenaires essentiels.

M. Hervé Gaymard. Il est indispensable de convaincre tous nos partenaires de la nécessité d’un Buy European Act.

M. Arnaud Danjean. Je partage l’avis du président sur le nécessaire ancrage des Britanniques. Pour identifier des objectifs opérationnels, correspondant à de vrais besoins, il y a l’Agence européenne de défense. Mais les Britanniques mettent leur veto à un budget pluriannuel, ce qui oblige à négocier tous les ans avec le conseil des ministres et fait perdre beaucoup de temps, pour des sommes relativement modestes. Pourtant, la pluriannualité est une question de bon sens. J’ai interrogé Mme Catherine Ashton qui, désormais, préside statutairement l’Agence européenne de défense. En principe, dans les institutions européennes, on met son drapeau dans sa poche… Je n’ai pas eu de réponse.

L’impact des changements climatiques sur la sécurité a déjà été abordé dans le cadre de la révision de la stratégie européenne de sécurité, Monsieur Tourtelier, et la sous-commission y travaillera l’année prochaine. Mais elle ne peut se saisir que d’un rapport à la fois et nous souhaiterions aussi, compte tenu des priorités, nous pencher sur l’articulation entre l’UEO et l’OTAN.

Vous m’avez interrogé sur la coopération structurée et la façon de travailler avec les Britanniques.

Le Président Pierre Lequiller. On ne peut faire sans, mais on ne peut non plus faire avec !

M. Hervé Gaymard. C’est tout le dilemme !

M. Arnaud Danjean. Je ne ferai pas d’English bashing, même si le pessimisme est parfois de mise. Certains exemples sont là pour montrer que, quand nos voisins y trouvent leur intérêt, ils embrayent – ils sont d’autant moins disposés à prendre l’initiative que l’armée britannique se pose des questions quasi existentielles à propos de son intervention en Irak, puis en Afghanistan, et de sa relation privilégiée avec les Etats-Unis. J’en veux pour preuve l’opération Atalante, au départ une initiative volontariste franco-espagnole qui ne suscitait guère leur intérêt. Aujourd'hui qu’elle fonctionne, les militaires britanniques – le QG est à Northwood, et à sa tête un amiral britannique – se félicitent de participer à ce succès.

On verra bien si les échéances électorales britanniques changent la donne, mais, si les Français, les Allemands et même les pays d’Europe centrale et orientale prennent des initiatives qui intéressent la Grande-Bretagne sans la heurter de front, je n’exclus pas qu’on puisse l’y associer. De toute façon, il est inconcevable de faire quelque chose d’ambitieux en matière de défense européenne sans les Britanniques. On entend dire qu’eux aussi sont perturbés par le désengagement américain du continent européen. Ils seraient les seuls à croire encore à leur relation privilégiée avec les Etats-Unis, qui n’y accorderaient pas autant d’importance, et cela serait de nature à amener une évolution dans la pensée stratégique de nos voisins.

Mais, en matière de PESD, je crois à la valeur de l’exemple. Quand les opérations marchent, qu’elles sont légitimes et efficaces, elles ont un effet d’entraînement. C’est ainsi que nous avons amené les Polonais en Afrique, et même certains pays neutres à s’associer aux opérations de PESD, comme l’Autriche ou l’Irlande. Je prends peut-être mes désirs pour des réalités, mais il ne faut pas désespérer.

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, qui est en tête des priorités de la stratégie européenne de sécurité, les déclarations de bonnes intentions sont nombreuses. Un « M. Antiterrorisme » a été nommé, mais il y a peu de résultats concrets. Il faut dire que le terrorisme relevait du troisième pilier, c'est-à-dire des affaires intérieures, ce qui créait des difficultés d’ordre institutionnel. Le traité de Lisbonne offre de plus grandes marges de manœuvre, notamment dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune et de la clause de solidarité dont il est explicitement prévu qu’elle pourra s’appliquer en cas d’attaque terroriste contre l’un des Etats membres. Mme Ashton a les moyens de nous faire des propositions plus concrètes.

Pour la dissuasion, la question est franco-européenne puisque la dissuasion britannique est largement américano-britannique, sur un plan à la fois technique et politique. Je m’en tiens, en ce qui concerne notre pays, au discours de Cherbourg du Président de la Répbublique, qui laisse la porte ouverte à la dissuasion concertée. Au niveau européen, le sujet est extrêmement sensible parce que les appartenances nationales démultiplient les clivages politiques. Ceux qui privilégient le désarmement à tout prix, pour lesquels un débat sur la dissuasion n’est même pas envisageable, côtoient ceux qui considèrent que la dissuasion nucléaire et la protection antimissiles sont des sujets à traiter en bilatéral avec les Etats-Unis, encore que cette approche ait pris du plomb dans l’aile avec l’initiative de M. Obama. Mais, pour les Polonais, la présence de troupes américaines sur leur sol était une garantie autant économique que militaire. Il est très difficile de dégager une vue consensuelle sur ce que pourrait être une dissuasion à l’échelle européenne.

La nouvelle approche de l’administration Obama laisse une marge de manœuvre à l’Union européenne pour la défense antimissiles. Si l’Union décide que le sujet ne concerne pas que les Etats-Unis et l’OTAN, et qu’elle a son mot à dire, elle a une carte à jouer dans les mois qui viennent, avant que la question ne revienne dans le giron de l’OTAN. La France est prête en tout cas. Les discussions avec les Russes sont concernées également. Par rapport à ce qui était envisagé initialement, c'est-à-dire un dispositif tourné contre d’éventuels missiles iraniens, le débat a changé puisqu’il s’agit désormais de dissuasion stricto sensu : on fait l’hypothèse que les missiles iraniens ne seront pas des missiles balistiques classiques. Au Parlement européen, le débat est très difficile à mener à vingt-sept. Nous profiterons de la révision du traité de non-prolifération pour interroger la Commission et le Conseil à la session plénière de février.

Le Président Pierre Lequiller. Il est indispensable de trouver un moyen d’associer les parlements nationaux à la politique étrangère et à la politique de défense, deux domaines où la composante nationale est forte et l’unanimité la règle. C’est pourquoi je pousse depuis longtemps l’idée d’organiser en début d’année une sorte de débat sur l’état de l’Union, ou de convention, qui réunirait sous la présidence de M. Buzek, et autour du Haut représentant, du président du Conseil européen, du président de la Commission, à la fois des parlementaires européens et des représentants des parlements nationaux pour discuter, notamment de politique étrangère. Au-delà des incertitudes qui subsistent, le traité de Lisbonne va au moins nous permettre de débattre, ce que nous n’avions pas pu faire au moment de l’invasion de l’Irak. Lors de la Convention, nous avions commencé à parler de cette possibilité, mais le terme de « Congrès » que nous avions choisi n’était peut-être pas le bon notamment pour les pays de l’Est.

Il ne me reste plus qu’à vous remercier, Monsieur Danjean, d’être venu jusqu’à nous. Vous aurez sûrement l’occasion de revenir. En attendant, je vous souhaite de bonnes fêtes.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- initiative de la France visant à modifier l'annexe 2, inventaire A, des instructions consulaires communes en ce qui concerne l'obligation de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques émis par l'Arabie saoudite (document E 4985) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par l'Union européenne concernant la proposition de modifier l'annexe A de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République populaire de Chine relatif aux précurseurs de drogues et aux substances utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes (document E 4987).

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, du texte suivant :

- proposition modifiée de règlement (CE, EURATOM) du Conseil adaptant à compter du 1er juillet 2009 les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (document E 4956).

Accords tacites de la Commission

Ø En vertu d’une procédure mise en œuvre en 2000, la Commission a pris acte de l’approbation tacite du document suivant :

- proposition de décision du Conseil autorisant la République de Lituanie à proroger l'application d'une mesure dérogeant à l'article 193 de la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (document E 4996).

Ø En application de la procédure adoptée par la Commission le 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- décision du Conseil modifiant l'action commune 2009/131/PESC prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour la crise en Géorgie (document E 4998) ;

- projet de décision du Conseil portant mise à jour de l'annexe de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (document E 4999) ;

- règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 881/2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban (document E 5000) ;

- projet de Décision du Conseil concernant le soutien d'activités de l'UE visant à promouvoir auprès des pays tiers le contrôle des exportations d'armements et les principes et critères de la position commune 2008/944/PESC du Conseil (document E 5001) ;

- décision du Conseil modifiant la position commune 2009/788/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République de Guinée (document E 5002) ;

- règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 329/2007 concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (document E 5003) ;

- décision du Conseil modifiant la position commune 2006/795/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (document E 5004) ;

- projet de règlement du Conseil mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement (CE) n° 501/2009 du Conseil (document E 5005) ;

- décision du Conseil portant nomination des membres et suppléants du Comité des régions pour la période allant du 26 janvier 2010 au 25 janvier 2015 (document E 5012) ;

- projet de décision du Conseil portant nomination de cinq membres et cinq membres suppléants du conseil d’administration de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie (document E 5013).

III. Nomination de rapporteurs d’information

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé rapporteurs d’information :

M. Michel Piron, sur l’autonomie normative et budgétaire des collectivités territoriales au sein des Etats membres de l’Union européenne ;

M. Yves Bur, sur le Service européen d’action extérieure.

La séance est levée à 18 h 15.

(+ liste présents-absents)