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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 18 juin 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Fiscalité écologique

Mme Eva Sas

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Retraites

M. Michel Piron

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Exception culturelle

Mme Seybah Dagoma

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Retraites

M. Yannick Moreau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Conférence sociale

M. Denys Robiliard

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Travailleurs détachés au sein de l’Union européenne

M. Jacques Krabal

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Retraites

Mme Sophie Rohfritsch

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Transparence de la vie publique

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement

Retraites

M. Alain Moyne-Bressand

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Journalistes français enlevés en Syrie

M. Malek Boutih

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Jour de carence

M. Alain Chrétien

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Relocalisations industrielles

M. Avi Assouly

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Situation des finances publiques

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Logement des jeunes

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Production de rhum en outre-mer

M. Jean-Philippe Nilor

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Transparence de la vie publique

Discussion des articles (suite)

Article 1er  (suite)

Amendement no 1

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement

Amendements nos 303 , 223 , 244

Rappel au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

Article 1er  (suite)

M. Lionel Tardy

Amendements nos 361 , 288 , 289 , 173 , 209 , 279 , 282 , 252 , 378 , 304 , 258 , 24 , 352

Rappel au règlement

M. Laurent Wauquiez

Article 1er  (suite)

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur

Rappels au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Alain Vidalies, ministre délégué

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur

M. Laurent Wauquiez

Article 1er  (suite)

M. François de Rugy

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

Amendements nos 59 rectifié , 51 , 148 , 174

Rappel au règlement

M. Gérald Darmanin

Article 1er   (suite)

Amendement no 356

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 1er   (suite)

Amendements nos 305 , 306 , 2 , 232 , 307 , 175 , 149 , 286 , 44 , 284 , 290

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. Alain Vidalies, ministre délégué

Article 1er   (suite)

Amendements nos 219 , 319 , 308

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe écologiste.

Fiscalité écologique

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le ministre délégué chargé du budget, le comité permanent pour la fiscalité écologique vous a transmis des propositions le 13 juin dernier pour la mise en place d’une fiscalité écologique dès 2014.

Deux scénarios sont sur la table. Le premier, avancé par Christian de Perthuis, propose un rapprochement de la fiscalité entre le diesel et l’essence d’un centime par litre et par an, et l’introduction d’une taxe carbone avec un taux de 7 euros par tonne de CO2 ; le second, proposé par la fondation Nicolas Hulot, a rencontré un écho favorable auprès de la majorité du comité.

Ce scénario, plus ambitieux, est basé sur un rattrapage de l’écart entre le diesel et l’essence de deux centimes par an, et sur une montée en puissance plus rapide de l’assiette carbone pour atteindre 40 euros par tonne en 2020.

Malgré le caractère raisonnable, voire extrêmement raisonnable, de ces propositions, le MEDEF refuse toute forme d’avancée sur le sujet. Et ce alors même qu’il s’agit ici de financer une partie de la baisse de 20 milliards d’euros qu’il a obtenue avec le crédit d’impôt compétitivité !

Pourtant, les travaux du comité de Perthuis ont démontré que la fiscalité écologique avait un impact positif sur l’environnement bien sûr, mais aussi sur l’activité, puisque 35 000 emplois pourraient être créés avec la mise en place de cette assiette carbone.

Dès lors, on peut se demander dans quelle direction se perd le MEDEF en se battant pour conserver les intérêts particuliers de quelques secteurs, au lieu de défendre l’intérêt général et la création d’emplois.

Avec la résolution votée largement par notre assemblée le 4 juin dernier, la représentation nationale vous a clairement indiqué qu’elle était favorable à la mise en place d’une fiscalité écologique ambitieuse dès 2014.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, pouvez–vous nous préciser quelle sera la position du Gouvernement sur les propositions faites par le Comité permanent et pouvez–vous nous dire si la France est prête à dépasser les conservatismes pour relever ce double défi de l’environnement et de l’emploi  ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Vous avez raison, madame la députée, d’insister sur l’intérêt des propositions formulées récemment par le groupe de travail que préside Christian de Perthuis et qui rassemble un très grand nombre d’acteurs représentant des organisations non gouvernementales et des organisations syndicales.

Ces propositions sont destinées à faire en sorte que, dès 2014, nous puissions engager un « verdissement » de notre fiscalité afin de mieux protéger notre environnement et favoriser l’émergence de nouveaux comportements dans notre économie.

Sans préciser les mesures qui pourront être prises en 2014, puisque nous sommes en pleine élaboration du budget pour l’année prochaine, je puis d’ores et déjà vous indiquer les principes qui présideront aux choix que fera le Gouvernement sur ces sujets.

Premièrement, nous ne voulons pas que la fiscalité environnementale soit une fiscalité additionnelle. Ce n’est pas une fiscalité entièrement à part, mais bien une fiscalité à part entière et qui doit, dans le volume global de nos prélèvements obligatoires, permettre de « verdir » notre fiscalité. Ce n’est donc pas une fiscalité supplémentaire mais une évolution de la fiscalité actuelle.

Deuxièmement, nous souhaitons qu’elle fasse évoluer les comportements et qu’elle oriente l’économie vers le développement durable, vers le respect de nos engagements européens et internationaux sur le climat.

Troisièmement, nous souhaitons que cette fiscalité environnementale soit juste, autrement dit qu’elle respecte les principes de justice fiscale auxquels le Gouvernement est attaché.

Enfin, il faut que cette fiscalité permette d’engager l’économie française vers les nouvelles activités comme celles qui sont liées à la transition énergétique, aux énergies nouvelles ou à l’évolution de l’industrie automobile vers les voitures de demain.

C’est avec ce souci d’inscrire l’économie française dans le développement durable que nous annoncerons dans la loi de finances pour 2014 une série de mesures qui traduisent la volonté du Gouvernement de « verdir » notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Retraites

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Invité sur M6 dimanche dernier, le Président de la République a dressé les grandes lignes de la future réforme des retraites.

Ce qui importe aujourd’hui, c’est de savoir que ce que le Gouvernement attend des Français : quel effort supplémentaire, quel effort collectif supplémentaire – car comment pourrait–il en être autrement ? – compte-t-il leur demander ? À cet égard, le groupe UDI souhaite que cet effort soit juste, et donc universel. Car nous avons bien entendu, de la bouche du Président de la République, que tout le monde fera le même effort.

Augmenter la durée de cotisation pour suivre l’évolution de l’espérance de vie participe de cette logique. C’est ce qui nous a été annoncé, avec une nuance de taille, cependant : sa mise en œuvre n’interviendrait pas avant 2025…

Mais ce qui nous semble plus préoccupant, c’est qu’on annonce un effort équitable, sans qu’il soit question de convergence supplémentaire entre régimes publics et privés, sans qu’on envisage de nouvelles évolutions des régimes spéciaux.

Que penser, dès lors, de cette annonce, contradictoire au moins par omission ? Car où serait la justice sans l’universalité ?

Oui, l’UDI estime que la réforme des retraites doit reposer sur deux leviers : pour être justes, nous devrons rapprocher les régimes publics et privés ; pour être efficaces, nous devrons cotiser plus longtemps. Agirez-vous donc, monsieur le Premier ministre, sur ces deux leviers ou prendrez-vous le risque en ne retenant que la durée de cotisation, de renoncer à la justice en ne retenant que l’efficacité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, les retraites sont au coeur de notre pacte social et c’est une grande avancée dont la France peut s’enorgueillir au cours des dernières années.

Il faut rappeler que c’est au lendemain de la dernière guerre mondiale, au lendemain de la Libération, qu’a été décidé de mettre en place un système qui apporte dans la solidarité et dans la justice une garantie de dignité à nos concitoyens les plus âgés.

Au cours des soixante ou soixante-cinq dernières années, notre société a beaucoup changé et l’âge de la retraite n’est plus le dernier âge de la vie, un âge redouté de relégation sociale. C’est un moment de choix, de vie pleinement assumée.

Mais nous devons faire en sorte que les principes qui ont existé au moment de la fondation de notre pacte social soient réaffirmés pour tenir compte des évolutions de la société. Nous devons faire en sorte que, dans le contexte économique et financier difficile que nous connaissons, chacun de nos concitoyens parmi les plus âgés soit assuré de pouvoir compter sur la solidarité nationale pour leur retraite.

M. Yves Jégo. Il faudrait tout de même répondre à la question !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous devons garantir aux jeunes générations que lorsque viendra pour elles le moment de prendre leur retraite, elles pourront, elles aussi, compter sur la solidarité nationale. C’est donc sur les principes de justice, de responsabilité, mais aussi sur les principes de cohésion que nous devons nous appuyer.

Monsieur le député, je vous le dis, ce n’est pas en opposant les Français les uns aux autres (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) , c’est en marquant des trajectoires et des perspectives de solidarité que nous pourrons donner sens à un pacte social renouvelé pour les retraites et la solidarité entre les générations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Exception culturelle

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Seybah Dagoma. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Le 14 juin dernier, au terme d’une longue journée de négociations, la France, obtenait que le mandat de négociation pour un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis exclue clairement le secteur audiovisuel.

À peine nous félicitions-nous de cette nouvelle pour la préservation de la diversité culturelle, que nous apprenions hier que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qualifiait la position française sur l’exception culturelle de « réactionnaire ».

M. Jean-Paul Bacquet. C’est scandaleux !

Mme Seybah Dagoma. Ces propos font suite à ceux de Karel De Gucht, commissaire européen au commerce, qui considère que cette exclusion, décidée par les ministres des 27 États membres, est « provisoire ». Ils sont, pour nous, inacceptables ! Que devons–nous comprendre ? Que la Commission s’arroge le droit d’émettre publiquement des jugements sur des décisions politiques ? Qu’elle souhaite remettre en cause la position unanime des États, position également partagée par le Parlement européen ?

Si tel est le cas, nous le disons avec netteté, nous ne l’acceptons pas ! Les peuples et les États attendent de la Commission qu’elle défende leurs intérêts.

Monsieur le Premier ministre, depuis le début de cette législature, les débats de cette assemblée ont permis l’émergence d’un consensus rare en matière de commerce international, qui traduit l’attachement du peuple français à ces sujets : lutte contre le dumping social, environnemental, monétaire ; réciprocité ; accès au marché ; diversité culturelle, comme l’atteste l’unanimité sur la résolution présentée par mes collègues Danielle Auroi et Patrick Bloche.

Monsieur le Premier ministre, alors que la position unanime du Conseil est attaquée, comment pouvez-vous nous assurer que le mandat de négociation sera respecté par la Commission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame la députée, je vous remercie d’avoir rappelé la position de la France, que j’ai rappelée ici même il y a quelques jours devant la représentation nationale.

Vendredi dernier, Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, a défendu la position de la France dans le débat au Conseil européen sur les conditions que l’Union européenne voulait mettre dans le mandat qu’elle donne à la Commission pour engager une négociation d’un accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

J’avais dit clairement ici que nous souhaitions que cette négociation, si elle démarre, soit basée sur le libre échange, sur le juste échange et qu’elle soit également entourée de précautions - je pense aux industries de défense, je pense à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire. Mais nous avions mis une condition supplémentaire, c’est que la culture, les industries culturelles et audiovisuelles soient exclues de ce mandat.

La représentation nationale, le même jour, a adopté à l’unanimité une résolution qui allait dans le même sens et qui confortait la position de la France dans cette négociation.

Je voudrais remercier la représentation nationale en cet instant, parce que cela a aidé l’exécutif à mener à bien son combat. Nous avons en effet obtenu que le mandat de l’Union européenne exclue la culture et les industries culturelles. Mais la France n’était pas isolée, contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là. Elle s’est battue avec conviction et elle a emporté l’adhésion des autres États membres. Il appartient désormais à la Commission, à son président et à ses commissaires de mettre en œuvre ce qui a été décidé à l’unanimité par le Conseil européen et rien d’autre, mesdames et messieurs les députés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)On dit qu’un mandat peut être revu. C’est ce qu’a dit le commissaire De Gucht. Bien sûr qu’il peut être rediscuté en cours de négociation. Mais toute évolution ne pourra être prise que dans les mêmes conditions politiques. C’est d’ailleurs conforme au traité, c’est la clause de révision générale. La France, en tout état de cause, maintiendra toujours la même position : la préservation de l’exception culturelle.

M. Guy Geoffroy. Et l’agriculture ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je viens d’évoquer l’agriculture, monsieur le député, ainsi que les industries agroalimentaires.

Mais s’agissant de l’exception culturelle, il ne s’agit pas d’avoir peur. L’exception culturelle, c’est affirmer que les biens culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Cela n’a rien de « réactionnaire ». Au contraire, c’est le progrès, c’est l’ouverture aux cultures du monde, c’est la défense de la diversité culturelle. Cela s’impose à tous, aux membres de la Commission comme au président de la Commission européenne lui-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Retraites

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yannick Moreau. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. En ces temps troublés par la théorie du genre, je tenais à l’affirmer sans détour : je ne suis pas Yannick Moreau, du moins pas celle qui recommande de pérenniser notre système de retraites en taxant encore et encore les retraités et les entreprises ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. C’est nul !

M. Yannick Moreau. En ce 18 juin 2013, je voudrais appeler le Gouvernement à résister : à résister aux vieilles recettes – socialistes en particulier – et à trouver le courage de dire clairement oui au report de l’âge légal de la retraite à 65 ans, oui à l’alignement immédiat des régimes de retraites publics et privés, oui à la suppression de tous les régimes spéciaux !

Mettez fin, monsieur le Premier ministre, à l’injustice qui voit certains fonctionnaires partir en moyenne à 55 ans lorsque l’âge moyen de départ à la retraite dans le privé est de 62 ans ! Mettez fin aux privilèges de certains régimes spéciaux financés par les contribuables ! Nos compatriotes savent-ils qu’ils font chaque année un chèque de 3,3 milliards d’euros pour financer la seule retraite des agents de la SNCF ?

Après avoir tant prôné l’égalité, sauf pour les enfants légalement privés d’un père ou d’une mère, vous voici face à vos promesses et face aux Français. Pour garantir l’avenir des retraites, favorisez la compétitivité au lieu de l’étouffer par l’impôt ! Soutenez la famille, notre espérance pour l’avenir de la France !

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Yannick Moreau. Ayez l’audace d’entendre les propositions de l’opposition en matière de capitalisation par points ! Ayez l’audace de reprendre les propositions courageuses de la droite pour plus d’égalité et plus de justice dans notre système de retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Après avoir tant prôné l’égalité, sauf pour les enfants privés légalement d’un père ou d’une mère, vous êtes face à vos promesses et face aux Français. Pour garantir l’avenir des retraites, favorisez la compétitivité au lieu de l’étouffer par l’impôt ! Soutenez la famille, notre espérance pour l’avenir de la France !

M. Christian Jacob. Très bien !

M. Yannick Moreau. Ayez l’audace d’entendre les propositions de l’opposition en matière de capitalisation par points ! Ayez l’audace de reprendre les propositions courageuses de la droite pour plus d’égalité et plus de justice dans notre système de retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. À dire vrai, monsieur le député Yannick Moreau, vous faites preuve de si peu de subtilité qu’il y a peu de chances que l’on vous confonde avec la personne qui a présenté il y a quelques jours ce rapport au Gouvernement ! Je vous le dis très directement et très simplement, monsieur le député : si tout ce que vous recommandez au Gouvernement consiste à refaire toutes les erreurs que vous avez commises au cours des dernières années, nous pouvons vous dire avec certitude que nous ne nous engagerons pas dans la même voie !

M. Pascal Popelin. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous ne nous engagerons pas dans la même voie, car nous voulons une réforme de justice et de responsabilité et non une réforme qui se contenterait de modifier des paramètres. Nous voulons redonner confiance aux jeunes générations dans l’avenir de notre système de retraites. Pour ce faire, nous devons prendre en compte des situations de justice qu’il nous faut rétablir : justice envers les femmes qui ont aujourd’hui des retraites inférieures à celles des hommes, justice envers celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu des carrières pénibles, justice envers celles et ceux qui ont connu des carrières hachées et qui sont confrontés au chômage.

M. Patrick Balkany. Ah, la justice !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est en tenant compte de l’ensemble de ces paramètres, monsieur le député, que le Gouvernement s’apprête à engager une concertation dense, approfondie, qui nous permettra d’écouter et d’entendre l’ensemble des points de vue au lieu de passer en force comme vous l’avez systématiquement fait. Non, monsieur le député, à l’évidence, nous ne reprendrons pas les recettes de la droite car nous avons, nous, la volonté d’une réforme concertée, d’une réforme de justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. La volonté de ne rien faire, surtout !

M. Bernard Debré. Vous n’avez jamais fait de réforme !

Conférence sociale

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Denys Robiliard. Monsieur le Premier ministre, la grande conférence sociale sur l’emploi commencera jeudi. Alors que l’on entend dire qu’il faudrait agir à la hussarde en temps de crise et sacrifier la concertation comme la négociation, je suis heureux que le Gouvernement respecte une nouvelle fois les corps intermédiaires. Sans eux, sans les centaines de milliers de syndicalistes, de représentants du personnel et de conseillers prud’hommes, notre démocratie serait singulièrement appauvrie.

M. Jean-Jacques Candelier. Exact !

M. Denys Robiliard. Le reconnaître, ce n’est certes pas renoncer aux responsabilités du Gouvernement comme du Parlement.

Chacune des six tables rondes sera importante. Sans doute l’attention sera–t–elle focalisée sur celle consacrée aux retraites, comme les questions précédentes l’ont démontré. J’imagine qu’elle travaillera avec la caisse à outils de Mme Yannick Moreau – et non de M. Yannick Moreau –, mais peut–être aussi en se servant d’outils qui ne s’y trouvent pas. Mais l’amélioration des conditions de travail, la prévention des risques et la protection de la santé des salariés ainsi que le développement des filières d’avenir, gisements de nouveaux emplois, et la modernisation de l’action publique sont des enjeux tout aussi importants.

Il en est de même de la formation professionnelle, avec son budget de 32 milliards d’euros et ses problèmes de pilotage – les chômeurs doivent en bénéficier davantage et plus largement –, de l’adéquation de l’offre et de la demande en matière de compétences sur notre marché du travail.

Je me réjouis que les partenaires sociaux discutent de l’Europe sociale. Enfin, il est question de la réforme de la directive sur le détachement des travailleurs !

Je souhaiterais donc, monsieur le Premier ministre, que vous nous fassiez part du processus qu’enclenchera cette conférence, de ses objectifs et de sa méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, vous avez raison. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il y a deux façons de réformer. On peut vouloir tout décider d’en haut, passer en force et croire que cela va marcher : en général, on peut être sûr de courir à l’échec. Nous avons d’emblée adopté une autre méthode. Je ne dis pas qu’elle est simple ni qu’elle garantit absolument la réussite, mais elle est incontournable pour engager les réformes dont notre pays a besoin. Elles concernent aussi bien les employeurs que les salariés, les territoires et l’ensemble des Français, afin que notre économie soit plus compétitive et plus productrice d’emplois. Il s’agit aussi de sauver, en le réformant, notre système de protection sociale. Et depuis un an, la méthode de la démocratie sociale a fait ses preuves !

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, la récession et la réduction du pouvoir d’achat !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La première conférence sociale a fixé une feuille de route. Jeudi et vendredi prochains, tous les partenaires sociaux attachés à la poursuite d’une telle méthode en feront le bilan. Bien sûr, beaucoup de chantiers sont engagés. La négociation portant sur les conditions de vie au travail n’est pas terminée. Elle devrait se conclure demain – positivement, je l’espère. Un accord portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes a été signé dans la fonction publique par toutes les organisations syndicales. Une négociation a abouti à un accord majoritaire. Vous vous en êtes saisis, mesdames et messieurs les députés, pour le transformer en loi sur la sécurisation de l’emploi, devenue désormais loi de la République. C’est le fruit de la négociation, le fruit de la concertation, le fruit de la conférence sociale !

L’objectif, c’est d’établir après cette conférence, ouverte par le Président de la République et que je conclurai vendredi, une nouvelle feuille de route sociale, et vous savez que les sujets ne manquent pas ! Le premier thème, c’est l’emploi, qui est au cœur de la conférence sociale. Le grand défi, c’est de mettre notre appareil de formation professionnelle au service de la formation des salariés, des chômeurs et des jeunes. Il y a là un grand chantier et un grand défi ! Mais c’est aussi la préparation des métiers de l’avenir. Ces deux thèmes seront au cœur de la conférence sociale, tout comme l’avenir de notre service public, c’est-à-dire les services publics à la française, mais au XXIe siècle, ou encore et pour la première fois l’Europe sociale qui aujourd’hui fait défaut. La directive « détachement », par exemple, ne protège pas les salariés, souvent victimes de dumping social ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cette question sera à l’ordre du jour de la conférence sociale, comme celles des conditions de santé au travail et de l’avenir de notre système de retraites !

M. Régis Juanico. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous discuterons, nous débattrons et, à la fin, une feuille de route déterminera les grands chantiers qui déboucheront sur des négociations et, je l’espère, à des conclusions. En tout état de cause, il ne s’agit pas d’une fuite du Gouvernement, qui prendra comme à chaque fois ses responsabilités et ses décisions, puis vous soumettra ses projets pour que vous les traduisiez dans la loi. Nous mettons de notre côté toutes les chances de réussir. C’est le dialogue social, c’est la négociation sociale, c’est la démocratie sociale, c’est un plus pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Travailleurs détachés au sein de l’Union européenne

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Des mesures pour réduire notre dette, restaurer notre compétitivité, rétablir la croissance et l’emploi ont été mises en œuvre : le CICE ; la BPI ; le soutien à l’innovation ; l’objectif d’avoir 500 000 jeunes en apprentissage dès 2017 ; l’adaptation des formations aux besoins des entreprises pour pallier le scandale des 450 000 emplois actuellement non pourvus. Mais ce que nous entreprenons pour faire reculer le chômage ne risque-t-il pas d’être remis en cause si nous continuons d’accepter la pratique du dumping social ?

Le recours aux « travailleurs détachés » via des cascades de sous-traitants, permet que des personnes soient payées 2,86 euros de l’heure. Dans notre pays, il y aurait pas moins de 300 000 travailleurs européens détachés, dont 150 000 non déclarés, principalement dans les secteurs de la construction, de l’agroalimentaire, du transport et de l’agriculture. Le recours aux travailleurs à « bas coût » à l’intérieur de l’Europe ne peut qu’avoir des répercussions à « haut coût » en matière sociale, économique et politique. Oui, comme cela vient d’être dit, il faut vite une harmonisation salariale et fiscale au niveau de l’Europe.

Et puis, il y a les délocalisations des commandes publiques à l’étranger. Lors du salon Graphitec, les acteurs de la filière graphique nous ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait qu’actuellement, 70 % des manuels scolaires sont imprimés en dehors de notre pays. À l’heure de l’exception culturelle, l’économie du livre scolaire ne devrait-elle pas, comme bien d’autres, être elle aussi relocalisée ?

Jean de la Fontaine écrivait, dans la fable Le Loup, la Chèvre et le Chevreau  : « Deux sûretés valent mieux qu’une ; Et le trop en cela ne fut jamais perdu ». Effectivement, monsieur le ministre, pour l’emploi il n’y a jamais assez de sûreté. Que comptez-vous faire pour empêcher les pratiques de concurrence déloyale et de dumping social, et installer avec force le « fabriqué en France » et le patriotisme économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, nous sommes conscients des faits que vous rappelez à juste titre, et des abus auxquels les détachements de travailleurs de l’Union peuvent donner lieu, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des transports. Je veux vous dire que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est déterminé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à lutter contre ces abus. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui en première ligne sur les travaux menés au sujet de la directive sur les détachements de travailleurs. (« Nous voilà rassurés ! » sur les bancs du groupe UMP.) Dans ce cadre, la France insiste pour que les moyens de contrôle soient renforcés, afin que les États membres puissent recourir à tous les moyens qu’ils jugent pertinents et nécessaires. Nous sommes également très soucieux, monsieur le député, du problème de la sous-traitance, notamment dans le secteur de la construction, du bâtiment.

Il y a quelques jours, nous avons fait part de ces éléments et de la position de la France au commissaire européen Laszlo Andor, chargé de l’emploi et des affaires sociales ; par ailleurs, j’ai moi-même attiré l’attention de nos amis lituaniens, à qui va échoir la présidence de l’Union européenne en juillet prochain, sur ce problème.

Indépendamment du travail effectué à l’échelle européenne, nous renforçons nos actions de contrôle dans le bâtiment au niveau national. Ainsi, il a été demandé à chaque préfet de mettre en œuvre un plan d’action dans son département, afin de nous permettre d’être prévenus rapidement des opérations complexes générant des pratiques de dumping social.

Enfin, notre action passe également par une incitation à la convergence sociale par le haut. Ainsi, dans le cadre de la table ronde de jeudi et vendredi prochains que vient d’évoquer le Premier ministre, des propositions vont être inscrites à l’ordre du jour à la demande des partenaires sociaux. Nous les porterons au niveau européen afin de tirer vers le haut les normes sociales, notamment par la mise en place d’un salaire minimal dans chacun des pays. C’est là une position sur laquelle l’Allemagne vient de nous rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Retraites

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le Premier ministre, dans le feuilleton du matraquage fiscal des Français qui a débuté le 6 mai 2012, les classes moyennes ont longtemps joué les premiers rôles. En refiscalisant les heures supplémentaires, en augmentant le taux de taxation sur l’intéressement et la participation des salariés, la redevance audiovisuelle, le coût du travail pour les particuliers employeurs, la fiscalité du tabac et de la bière, les prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants ; en gelant le barème de l’impôt sur le revenu et en alourdissant les frais de succession, vous avez écrit un scénario dont le dénouement, très malheureux, a été la baisse sans précédent du pouvoir d’achat des classes moyennes, alors que celles-ci doivent, dans le même temps, faire face à l’augmentation des prix du gaz, de l’électricité, et des transports.

Toujours dans la même et triste saga, votre gouvernement s’est ensuite attaqué aux familles, en baissant le plafond de l’avantage fiscal du quotient familial. Et voilà maintenant que vous trouvez une nouvelle cible à ce véritable matraquage : les retraités ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Aux mesures structurelles courageuses, les seules – et vous le savez – qui soient capables de garantir la pérennité du système, à savoir l’harmonisation de tous les régimes et le report de l’âge légal de départ en retraite, vous allez très probablement préférer reprendre les conclusions du rapport Moreau, qui fait le choix du court terme, ponctionne les retraités et n’augure pas une fin heureuse de la série noire que vous écrivez depuis un an.

Il prévoit notamment d’augmenter de presque un point la CSG ; de supprimer l’abattement de 10 % sur l’impôt sur le revenu ; de fiscaliser les majorations de pensions familiales. Les retraités ont exprimé leur inquiétude devant le groupe de travail que nous avons institué puisque, après la contribution additionnelle sur leurs pensions, vous allez encore impacter leur pouvoir d’achat, ce qui est, socialement, terriblement injuste !

Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin agir dans l’intérêt de la nation, cesser de différer les mesures courageuses qui s’imposent et renoncer au matraquage fiscal des retraités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, c’est précisément parce que vous n’avez pas su ou pas voulu prendre en charge la situation de la sécurité sociale que nous avons aujourd’hui à engager une réforme des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Yves Fromion. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Mme Marisol Touraine, ministre. … tout comme nous avons eu à assumer la responsabilité de garantir dans la durée une politique familiale qui soit solide et stable en direction de l’ensemble des familles de notre pays.

Nous avons la volonté d’engager ce travail avec méthode, dans une optique de solidité et de concertation. Nous avons, après réception, au début de l’hiver, des rapports rédigés par le Conseil d’orientation des retraites, demandé à Mme Moreau, présidente de la Commission sur l’avenir des retraites, d’indiquer des pistes sur lesquelles le Gouvernement pourrait s’appuyer pour engager sa propre réflexion et mener une concertation avec les partenaires sociaux.

Évidemment, les pistes préconisées ou proposées par le rapport Moreau n’ont pas vocation à s’additionner les unes aux autres, mais représentent des options parmi lesquelles il s’agira d’opérer un choix et de prendre des décisions en tenant compte de la volonté exprimée par les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous le dis, madame la députée, la concertation va s’engager à l’occasion de la conférence sociale qui va se tenir jeudi et vendredi prochains. Des concertations bilatérales vont s’engager avec l’ensemble des partenaires sociaux à partir de la semaine prochaine. C’est sur la base de l’exigence de responsabilité et de justice que nous proposerons une réforme qui permettra à l’ensemble des Français, et en particulier aux classes moyennes, de pouvoir compter sur une retraite à l’avenir. Nous ferons des propositions en ce sens à la fin de l’été. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Transparence de la vie publique

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, notre assemblée examine depuis hier le projet de loi sur la transparence de la vie publique (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce texte est la traduction des engagements forts pris par le Président de la République après les aveux de Jérôme Cahuzac, qui ont choqué et dégradé l’idée que nous nous faisons tous de la parole politique et du crédit que doivent et peuvent lui apporter nos concitoyens.

Ce texte fait coup double : alors que notre pays est en retrait sur ce sujet crucial de la transparence, nous allons non seulement rattraper notre retard mais être à la pointe sur cette question, celle de la confiance entre les citoyens et ceux qui ont la charge, le devoir et l’honneur de les représenter.

Oui, les Français doivent savoir que le patrimoine et l’activité de leurs élus sont au-dessus de tout soupçon. C’est le cas de l’immense majorité des responsables publics (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nos concitoyens, qui nous connaissent et nous rencontrent, le savent.

Vous proposez de nombreuses mesures courageuses pour restaurer ce lien de confiance.

Monsieur le ministre, la majorité agit aujourd’hui quand la droite, hier, détournait les yeux sur les liens entre argent et pouvoir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous proposons en effet la création d’une Haute autorité de la vie publique, indépendante et dotée de pouvoirs sans équivalent, digne d’une grande institution.

Nous voulons, pour notre part, rendre publiques toutes les déclarations d’intérêt, émanant non seulement des élus mais aussi des responsables institutionnels. L’UMP est contre, car elle préfère les secrets et les arbitrages sur mesure.

M. Claude Goasguen. Allez ! Encore un peu !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Or nous avons construit un texte qui parvient à un équilibre juste entre publication et respect de la vie privée, un texte qui crée des sanctions contre ceux qui mentiraient et, partant, trahiraient la confiance du peuple.

Monsieur le ministre, l’opposition puérile de l’UMP, fabriquée à coup de dizaines de milliers d’amendements, prouve que, dans cet hémicycle, nous ne sommes pas tous prêts à entrer dans une nouvelle ère. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement. Madame la députée, les Français ont deux exigences. Premièrement, ils veulent être certains que les actes de leurs responsables, élus ou hauts fonctionnaires, sont guidés par l’intérêt général et non par des intérêts particuliers. Deuxièmement, ils veulent être certains que le patrimoine de leurs élus relève d’un enrichissement normal, explicable, sans donner lieu à des interrogations révélatrices d’agissements coupables.

Au regard de ces deux objectifs que les Français appellent de leurs vœux, force est de constater qu’il existe à l’heure actuelle – même si on peut vouloir l’ignorer, c’est la réalité – une crise de confiance réelle entre les Français et leurs représentants. Ce n’est pas la première fois qu’elle se manifeste, puisque le président Nicolas Sarkozy avait demandé un rapport – le rapport Sauvé –, qui avait abouti à un projet de loi de M. Sauvadet, dont une partie des dispositions figurent dans les textes soumis actuellement à votre examen.

La grande différence entre la majorité d’hier – la droite – et la majorité d’aujourd’hui – la gauche –, ...

Un député du groupe UMP. C’est Cahuzac !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …c’est que la droite a demandé un rapport, a préparé un projet, mais n’a jamais rien fait (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous nous engageons sur le chemin de la transparence (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Oui, il y aura 7 500 responsables publics dont la déclaration d’intérêts sera accessible. Oui, les citoyens pourront consulter les déclarations de patrimoine. Oui, nous allons donner aux citoyens un nouveau droit, celui d’être des lanceurs d’alerte. Oui, demain, il sera interdit de disséminer des sommes au bénéfice de micro-partis qui n’apportent rien à la démocratie en général, mais beaucoup à certains en particulier (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Madame la députée, sur le chemin de la transparence, le Premier ministre et le Gouvernement agissent et seule la majorité sera au rendez-vous (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Retraites

M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, 1993, 2003, 2007, 2010 : il ne vous aura pas échappé que les réformes des retraites ont été conduites lorsque la droite gouvernait la France.

M. Jean Glavany. Avec quel succès !

M. Alain Moyne-Bressand. Pour votre part, vous vous contentez de prendre des mesures dont les générations à venir paieront les factures.

Grâce à la réforme de 2010, qui a porté l’âge légal de départ en retraite à 62 ans, nous avons divisé par deux le déficit attendu en matière de retraites.

M. Pascal Popelin. Si cela avait été réussi, on n’aurait pas besoin d’y revenir !

M. Alain Moyne-Bressand. À l’heure où vous appelez à prendre des mesures, je dois dire que nous attendons de vous autre chose qu’un rapport ou une commission de plus. La question fondamentale est la suivante : allez-vous adopter des mesures de convergence entre salariés du public et du privé ? Il s’agit, je le rappelle, d’un préalable indispensable à toute autre mesure.

Je rappelle également que nous avions pour notre part favorisé un rapprochement des régimes, par l’allongement de la durée de cotisation de 150 à 166 trimestres pour les régimes spéciaux et par la revalorisation des taux de cotisation, qui convergent progressivement.

Monsieur le Premier ministre, vous avez écrit une tribune réaffirmant deux principes dans le cadre la réforme des retraites : continuité et justice. Allez-vous en conséquence poursuivre les mesures que nous avions prises en faveur de la justice entre salariés du public et du privé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Moyne-Bressand, le Gouvernement a la volonté d’engager une réforme des retraites qui soit globale, durable et soutenable. Pour cela, nous avons besoin d’une réforme qui réponde à la fois à l’exigence de financement de l’ensemble de nos régimes de retraite d’ici à 2020 : contrairement à ce que vous avez affirmé, ces régimes se sont retrouvés en déficit moins de deux ans après la réforme de 2010 que vous avez pourtant soutenue et présentée comme étant une réforme financièrement nécessaire.

Nous avons la volonté d’engager une réforme dans la durée, qui donne de la lisibilité et de la confiance aux jeunes générations. Ce qui mine nos régimes de retraite et notre société, c’est le sentiment que notre pacte social va se déliter si nous ne prenons pas les mesures de justice nécessaires.

M. Bernard Accoyer. Et la convergence ?

M. Yves Fromion. Vous parlez beaucoup, mais de quel courage faites-vous preuve ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle le troisième pilier de notre réforme consistera en des mesures de justice en direction de celles et ceux qui, à l’heure actuelle, se trouvent dans des situations difficiles et ne savent pas sur quel régime ils pourront s’appuyer la retraite venue.

M. Bernard Accoyer. Répondez à la question sur le public et le privé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous le répète, monsieur le député: ce n’est pas en opposant les salariés du privé aux fonctionnaires que nous parviendrons à rassembler et à engager une réforme durable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Cela n’a rien à voir : il faut faire converger les régimes au nom de l’égalité !

Mme Marisol Touraine, ministre. Aucun Français – je dis bien : aucun Français – ne restera à l’écart des réformes. Toutefois, la réforme des retraites dont notre pays a besoin ne consiste pas à nous opposer les uns aux autres, mais à réaffirmer les principes de solidarité et à rassembler les Français, pour garantir dans la durée nos régimes de retraites et notre pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Journalistes français enlevés en Syrie

M. le président. La parole est à M. Malek Boutih, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Malek Boutih. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, je souhaiterais m’enquérir du sort des deux Français disparus il y a deux semaines en Syrie.

Voilà maintenant douze jours que Didier François, grand reporter à Europe 1, et le photographe qui l’accompagnait, Édouard Élias, ont disparu alors qu’ils faisaient route vers Alep, où l’armée syrienne préparait un assaut majeur contre l’opposition.

Je sais que, concernant les enlèvements, la discrétion est utile à celles et ceux qui agissent pour les retrouver. Pourtant, je crois important qu’ils sachent, là où ils sont, que la représentation nationale et le pays ne les oublient pas et attendent impatiemment de leurs nouvelles.

Ces deux journalistes, comme d’autres, ont pris des risques pour transmettre des informations, pour que nous sachions ce qui se passe dans le huis clos de la violence organisée par Bachar el-Assad. Si la diplomatie agit avec ses rythmes et ses méthodes, la presse, elle, use de sa liberté pour dire la vérité. Rappelons que ce sont des journalistes qui ont révélé l’utilisation de gaz toxique contre l’Armée syrienne libre. Les journalistes sont les témoins de la barbarie d’un dictateur prêt à tuer son peuple pour conserver le pouvoir. Ils deviennent alors aussi les témoins gênants du soutien d’autres nations qui, elles, livrent sans remords des armes pour massacrer les Syriens.

Dans un monde où tout change, la guerre, la violence et l’injustice ont toujours besoin du silence et de faire taire les journalistes trop curieux. Leur risque professionnel équivaut à un risque pris pour nous tous, démocrates attachés à la liberté des peuples.

Voilà pourquoi je veux dire ici à Didier François et à Édouard Élias que nous ne les oublions pas et que nous attendons impatiemment leur retour.

Monsieur le ministre, quelles informations pouvez-vous nous transmettre quant à leur sort ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous soulevez la question extrêmement délicate du sort des deux journalistes MM. François et Élias. Ils ont été enlevés il y a maintenant douze jours à côté d’Alep, dans une zone très périlleuse. Beaucoup de députés, sur tous les bancs de cet hémicycle, m’ont saisi de cette question, montrant ainsi le crédit dont disposent ces journalistes, comme d’ailleurs beaucoup d’autres.

La règle, vous l’avez rappelé, c’est à la fois la détermination et beaucoup de discrétion. Le Président de la République a lancé un appel solennel pour que ces journalistes soient libérés. Les services de l’État, n’en doutez pas, sont absolument mobilisés dans toutes les directions car il y a plusieurs hypothèses possibles.

Au moment où je vous réponds, je ne peux pas être plus précis dans les détails que je dois fournir. Sachez que nous sommes en contact avec les familles, bien sûr, et avec la direction d’Europe 1, dont dépendent ces journalistes.

Je conclurai, en étant sûr que vous comprenez la brièveté de ma réponse, en disant deux choses. Premièrement, le Gouvernement français utilise absolument toutes ses forces pour retrouver ces journalistes, de la même façon que nous sommes mobilisés pour retrouver tous les otages. Deuxièmement, je veux rendre hommage au courage des journalistes qui, dans des conditions très difficiles, font, en Syrie comme ailleurs, un travail remarquable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Jour de carence

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Chrétien. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre mais je pense que c’est Mme Touraine qui nous répondra puisque ce dernier a quitté l’hémicycle.

Madame la ministre, le 20 février dernier, vous avez décidé de supprimer, sans concertation et sans étude d’impact, le jour de carence dans la fonction publique, qui avait été courageusement mis en place par la majorité précédente.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Alain Chrétien. Ce jour de carence était destiné à réduire les inégalités entre les fonctionnaires et les salariés du privé. Vous qui n’avez que le mot « égalité » à la bouche depuis des mois, vous avez cédé face aux lobbies syndicaux, une fois de plus !

M. Yves Fromion. C’est une démagogue !

M. Alain Chrétien. Ce jour de carence n’était qu’une mesure de justice censée rapprocher les salariés du public de ceux du privé pour une convergence indispensable. En deux ans, cette mesure avait fait chuter le nombre d’arrêts maladie de 43 % dans les collectivités territoriales.

Plusieurs députés UMP. Eh oui !

M. Alain Marleix. Ce n’est pas trop !

M. Alain Chrétien. À un moment où notre pays doit faire des économies, vous prenez une mesure clientéliste qui va coûter près de 100 millions d’euros à l’État et aux collectivités, tout cela pour faire plaisir à une partie de votre électorat.

Vous capitulez sur tous les sujets qui fâchent. On le constate aujourd’hui sur les retraites. Ne soyez pas étonnée que vous vous mettiez tous les Français à dos.

Madame la ministre, vous n’allez toujours pas répondre aux questions que nous vous posons. Cette fois–ci, répondez : quand aurez–vous le courage d’assurer l’égalité entre la France du public et celle du privé ? Assez de démagogie, assez de clientélisme et un peu de courage, pour une fois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je ne suis pas étonnée de cette question puisqu’on m’a déjà interrogée un grand nombre de fois, à l’époque, sur le jour de carence.

M. Olivier Audibert Troin. Ce n’est pas fini !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout d’abord, le chiffre que vous citez n’est pas juste ; peu importe, mettons cela de côté. Je vous rappelle tout de même que dans un certain nombre de cas, en particulier dans la fonction publique territoriale, nous avons eu une diminution des arrêts courts et, dans le même temps, une augmentation des arrêts longs et des accidents du travail. Vous ne pouvez pas aujourd’hui tirer une conclusion plus fine et plus précise que nous.

D’autre part, 77 % des salariés des grands groupes du secteur privé n’ont pas de jour de carence,…

M. Xavier Bertrand. Les grands groupes seulement ! C’est différent pour les PME !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et 47 % des salariés des petites entreprises du secteur privé n’ont pas de jour de carence, parce qu’ils bénéficient d’un système de protection sociale et de prévention qui n’existe pas dans la fonction publique. À la limite, si on suivait votre raisonnement, nous serions alors obligés de créer pour les collectivités territoriales, les hôpitaux et l’État ces fameuses protections supplémentaires dont bénéficient – et c’est tant mieux – un grand nombre de salariés du privé.

En outre, monsieur le député, près de 1 million de fonctionnaires sont payés quasiment au SMIC. Quand vous leur demandez 80 euros pour un jour d’arrêt de travail, vous n’êtes pas juste.

Je terminerai par une dernière remarque. Alors que la loi de 2010 a créé des convergences en matière de régimes de retraite sur la durée de cotisation et sur le taux de remplacement – vous le savez puisque vous l’avez votée –, pourquoi vous abritez-vous toujours derrière le calcul des six mois pour des carrières linéaires ? Vous ne voulez pas dire que la réforme que vous avez votée en 2010 a créé une perspective de 20 milliards de déficit ; le vrai problème c’est bien cela, ce n’est pas la question des six mois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Relocalisations industrielles

M. le président. La parole est à M. Avi Assouly, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Avi Assouly. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, de 2002 à 2012, vos prédécesseurs ont assisté, impuissants, à l’affaiblissement de notre appareil productif.

Avec 600 000 pertes d’emplois industriels, la France est reléguée loin derrière dans la compétition économique internationale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Autrefois mouton noir européen et contre-exemple, la Grande-Bretagne est aujourd’hui en meilleure posture que notre pays en matière industrielle.

Cette triste situation résulte de l’attentisme et de la résignation de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La majorité de gauche, elle, a décidé de ne pas rester les bras ballants. La banque publique d’investissement, le crédit d’impôt compétitivité emploi, la sécurisation de l’emploi, la réorientation européenne, les dispositifs de redressement productif prouvent qu’il est possible de réaffirmer une ambition économique pour la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Monsieur le ministre, une illustration récente de notre volontarisme est la mise en ligne du logiciel Colbert 2.0, annoncée la semaine dernière. La référence à Jean-Baptiste Colbert, grande figure du volontarisme économique n’est pas anodine et nous en saluons la pertinence.

Ce logiciel aidera les PME à réaliser un diagnostic et à évaluer ainsi les avantages d’une relocalisation de leurs activités industrielles et commerciales. Il complète le programme de relocalisation proposé à 300 multinationales il y a quelques mois, permettant de valoriser les atouts du site France et de restaurer notre attractivité.

Monsieur le ministre, ma question est claire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quels résultats attendez–vous de Colbert 2.0 et de la promotion des relocalisations industrielles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Assouly, c’est vrai, nous avons constaté un mouvement sensible, minoritaire mais prometteur, de relocalisation industrielle. Il est initié par des marques familières à nos concitoyens : Atol, Smoby, Kindy, Eminence, L’Oréal – qui a relocalisé plusieurs unités industrielles en Picardie – et dernièrement, Renault et Toyota.

À partir de ces expériences de relocalisation, nous avons décidé de construire avec ces entreprises un logiciel de recalcul des coûts de production. En Chine, le coût du travail augmente de 20 % chaque année…

M. Lucien Degauchy. Chez nous, c’est pareil !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Le coût de l’énergie nécessaire pour acheminer des entreprises fabriquées à 10 000 kilomètres explose ; les mesures douanières de protectionnisme se multiplient dans le monde. Ces données, conjuguées aux effets des mesures générales prises pour favoriser l’attractivité et la compétitivité de notre économie – le CICE a fait baisser le coût du travail de 6 % – font de la France une base industrielle encore plus attractive, en mesure d’accueillir de nouvelles relocalisations.

Nous avons décidé d’accompagner les entreprises dans cette prise de conscience. Avec ce logiciel très pratique, Colbert 2.0, elles peuvent refaire leurs calculs en une heure et savoir que leurs coûts de production sont plus avantageux en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En outre, avec le ministre du travail, M. Michel Sapin, nous avons décidé de réutiliser l’argent des revitalisations à des fins de relocalisation plutôt que de le confier, pour 10 000 euros par emploi, à d’énièmes cabinets d’études sur les cellules de reclassement, ce qui revient à arroser le sable. Voilà de l’argent pour aider à la relocalisation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et RRDP.)

Situation des finances publiques

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le Premier ministre. Depuis un an hier, les réponses que vous nous donnez, quels que soient les sujets abordés, sont toutes structurées de la même manière : responsabilité de la droite (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC)  ; justice (Mêmes mouvements) ; exemplarité de votre politique. (Exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean Launay. Enfin, elle a compris !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais tout cela est juste de la communication.

La semaine dernière, à la commission des finances, le ministre délégué chargé du budget a annoncé qu’il n’y aurait pas de loi de finances rectificative « pour une raison très simple, c’est que nous ne souhaitons pas ajouter l’impôt à la récession et aux difficultés de notre pays ». De qui se moque-t-on ?

Une grande majorité de Français a vu clair dans votre politique ! Depuis votre arrivée au pouvoir, sous couvert d’égalité et de justice, vous avez organisé un matraquage fiscal sans précédent. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe UMP.) Votre premier budget était déjà insincère : hausse des dépenses, taux de croissance surestimé, impositions excessives, rentrées fiscales mal ajustées.

Je suis très inquiète, comme bon nombre de nos concitoyens, de la trajectoire de nos finances publiques !

Aujourd’hui, la France est officiellement en récession, le chômage ne cesse de croître et le pouvoir d’achat des Français baisse pour la première fois depuis vingt ans. Bientôt, ils constateront que les efforts que vous leur demandez sont vains. Ils paieront seulement l’augmentation des dépenses que vous avez engagées depuis mai 2012, sans réduire en aucune manière le déficit. Voilà la réalité ! Quand allez-vous prendre des mesures en adéquation avec la réalité et les besoins de notre économie ? Enfin et surtout, quand vous déciderez-vous à nous présenter une situation sincère de nos finances publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Madame la députée, la mauvaise foi réitérée chaque semaine ne fait pas une vérité et ne vous donne pas davantage de crédibilité aux yeux des Français. Je voudrais répondre à votre question en citant des chiffres extrêmement précis.

Vous parlez du matraquage fiscal. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) en promettant une diminution de 4 points des prélèvements obligatoires. Il a fait voter 30 milliards d’impôts supplémentaires en cinq ans ! Trente milliards d’impôts supplémentaires ! Et alors qu’il désindexait le barème des tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu, en pénalisant les Français les plus modestes, au moment où il remettait en cause la demi-part pour les veuves, mettant ainsi en difficulté les personnes les plus âgées et les plus modestes, il faisait des cadeaux fiscaux aux plus riches, que ces derniers n’avaient même pas osé espérer. Voilà ce qu’a été votre politique : 20 milliards d’impôts en 2011 ; 15 milliards d’impôts en 2012. Cette majorité a décidé d’augmenter les impôts de 7 milliards, simplement pour que nous puissions tenir en 2012 les objectifs budgétaires que votre gouvernement s’était assignés devant la Commission européenne.

Si nous regardons les chiffres, nous constatons que le Gouvernement a prélevé 913 milliards d’impôts à la fin de l’année 2012, après les hausses d’impôt que nous avons décidées. Le gouvernement précédent avait prévu devant la Commission européenne d’en prélever 915 milliards. Lorsque vous prélevez 915 milliards d’euros, ce n’est pas du matraquage fiscal ; lorsque nous en prélevons 913 milliards, soit 2 de moins, c’est du matraquage... Allez comprendre ! Mesdames et messieurs les députés, où est l’honnêteté intellectuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lequiller. Parlez plutôt de votre politique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quant à la dépense, madame la députée, elle a augmenté de 170 milliards sous votre gouvernement au cours des cinq dernières années, tandis que la part du PIB consacrée à la dépense fiscale augmentait de 4 points ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Logement des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question s’adresse à deux ministres, la ministre de la jeunesse, et celle du logement. Je ne doute pas que la plus inspirée me répondra.

Elle concerne le logement des jeunes, ces jeunes qui ne croient déjà plus dans l’autoproclamé « Président de la jeunesse de France ». Allocation d’autonomie, revalorisation des bourses, chèque santé : les jeunes ne voient toujours rien venir et réalisent aujourd’hui à quel point ils ont été trompés.

Juin, le mois du bac : le parcours du combattant commence pour les futurs étudiants et apprentis qui cherchent à se loger. Le taux d’effort des jeunes avoisine, voire dépasse, les 50 % à Paris, et s’en approche dans les villes universitaires.

Le matraquage fiscal infligé aux classes moyennes, que dénonce l’UMP, l’abaissement du plafond du quotient familial et la suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité fragilisent encore un peu plus la solvabilité de ces jeunes et de leurs familles. Sans compter que le parc immobilier répond mal à leurs besoins : ils recherchent des petits logements, donc chers au mètre carré ; ils sont mobiles, tout particulièrement les apprentis, confrontés à la contrainte du double logement, et les étudiants en période de stage.

M. Jean-Jacques Candelier. Et votre bilan ?

Mme Isabelle Le Callennec. Pour mémoire, les jeunes accèdent très peu au logement social, alors que leurs revenus devraient le leur permettre, et ils ne sont que 10 % à se loger en résidences universitaires. Ils se dirigent donc très majoritairement vers le parc locatif privé, goûtent aux joies de la colocation et ont surtout recours au système D : logement dans la famille, chez des amis, ou des amis d’amis.

Des promesses, nous en avons entendu : création de 8 000 nouveaux logements étudiants par an, intermédiation locative, encadrement juridique de la colocation. Soit, mais avec quelle traduction concrète ? Les promesses non tenues sont autant de mensonges !

Mes questions sont simples : quand, où, combien, comment, pour qui et avec quels moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la députée, votre question est un peu étonnante, quand on sait à quel point, depuis le début de cette législature, le logement est une priorité de ce Gouvernement.

Vous avez évoqué, avec raison, la difficulté d’accès au logement social. Alors, je m’étonne que vous ayez voté contre la loi qui permet désormais que toutes les communes réalisent 25 % de logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est surprenant !

Vous avez évoqué le problème, qui est réel, de la cherté des loyers. Je compte donc sur votre voix, madame la députée, et sur celles de votre groupe, pour mettre en place l’encadrement des loyers, qui permettra de mettre un terme à l’explosion de la rente foncière que nous avons connue ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Kléber Mesquida. Bravo !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous dites, madame la députée, que la précarité des jeunes leur rend difficile l’accès au logement. C’est certain, mais vous avez supprimé le dispositif Loca-pass, qui a permis à de nombreux jeunes, étudiants ou apprentis, d’accéder au logement. Nous allons rétablir un dispositif de garantie universelle des loyers, afin de sécuriser les propriétaires, mais aussi les locataires, et en particulier les jeunes.

Vous parlez, enfin, de l’accès difficile des étudiants aux résidences universitaires. C’est vrai, et nous avons connu, ces dernières années, un retard extrême en matière de construction de logements étudiants.

M. Lucien Degauchy. Faites mieux !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous nous employons, avec Geneviève Fioraso, à répondre à ce besoin criant, notamment par la réalisation de résidences étudiantes avec des niveaux de loyers accessibles…

M. Lucien Degauchy. On vous verra à l’œuvre !

Mme Cécile Duflot, ministre. …et pas uniquement par des systèmes privés, qui ne sont rentables que pour les propriétaires, et qui ne garantissent pas des loyers accessibles aux jeunes étudiants.

M. Jean Launay. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Tel est le chantier du Gouvernement, qui s’attaque à l’ensemble des sujets. Rassurez-vous : nous aurons l’occasion de juger sur pièce de votre engagement dès la rentrée, puisque, pour le Gouvernement, le logement est une priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Production de rhum en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le Premier ministre, aux Antilles et à la Réunion, la production de rhum est l’un des fleurons de notre patrimoine et de nos économies, et il a des effets positifs sur l’emploi. Or cette production a désormais de quoi cultiver de légitimes motifs d’inquiétude.

Le 1er  janvier 2012, la France a décidé d’augmenter la fiscalité générale sur les alcools, en passant à un mode de calcul indexé sur le degré d’alcool. Les producteurs de rhum se sont donc trouvés doublement lésés. D’une part, l’avantage commercial que leur conférait le différentiel de 42 % sur le taux d’accise était considérablement réduit et d’autre part, étant plus alcoolisés que ceux des pays tiers, nos rhums se trouvaient davantage pénalisés.

C’est pourquoi la France a décidé, dans l’urgence, d’exonérer les rhums des DOM de ce dispositif potentiellement dévastateur. Ce soutien est juste et légitime et permet de rester compétitif face aux rouleaux compresseurs d’Amérique du Nord et de Cuba, eux-mêmes très soutenus par leurs gouvernements respectifs.

Pourtant, au motif contestable d’entrave au marché intérieur, la Commission européenne réclame aujourd’hui aux producteurs de rhum des outre-mer une somme comprise entre 50 et 60 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Cette somme représente deux fois le chiffre d’affaires annuel de l’ensemble de nos distilleries.

Monsieur le Premier ministre, l’arbitrage du Gouvernement est très attendu. Allez-vous accepter de voir sacrifier notre production de rhum au nom d’une logique ultra-libérale ? J’ose croire qu’aujourd’hui, à l’occasion de cet arbitrage, mais surtout demain, au cours des négociations à venir, vous défendrez le rhum avec autant de détermination et de "punch" que s’il s’agissait du vin de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Jean Glavany. Oui !

M. Daniel Vaillant. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Stéphane Le Foll, qui est actuellement à Rome, où se tient l’Assemblée générale de la FAO.

Vous évoquez le régime fiscal simplifié du rhum des DOM : vous savez d’où nous venons, et que ce dossier a subi un très mauvais traitement.

En décembre 2011, l’ancien gouvernement a modifié ce régime…

M. Jean Glavany. Oui, c’est eux ! Ils n’aimaient pas le rhum ! (Sourires)

M. Victorin Lurel, ministre. …mais il a omis de le notifier à la Commission européenne, alors même qu’il est entré en application le 1er janvier 2012. Il a par ailleurs institué un plafonnement de la vignette de sécurité sociale, réservé exclusivement au rhum des DOM, ce qui risque d’être qualifié d’entrave au marché intérieur - c’est un vrai souci. On a finalement augmenté l’aide de surcompensation des handicaps de la filière.

Je peux vous dire que nous ne cessons de travailler pour sortir ce dossier de l’impasse dans laquelle il se trouve, et je me suis rendu deux fois déjà à Bruxelles.

Aujourd’hui, ce dossier n’est plus traité techniquement. Mon collègue Thierry Repentin, ici présent, Stéphane Le Foll, ainsi que nos services, à Bruxelles et à Paris, le traitent. Nous faisons tout pour qu’il sorte de l’impasse.

Croyez-moi, nous défendons tous les produits français, qu’ils soient des outre-mer ou de l’Hexagone, avec la même ardeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Transparence de la vie publique

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (nos 1004, 1108).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no  1 à l’article 1er .

Article 1er  (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n1.

M. Lionel Tardy. Hier soir, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, nous avons entamé le débat sur les collaborateurs des parlementaires. Il était certes un peu tard, zéro heure trente ou quarante-cinq, mais il aurait été préférable de le poursuivre plutôt que de le reprendre aujourd’hui avec de nombreux collègues n’ayant pu y assister hier soir. C’est un point important puisque, en commission, un amendement du rapporteur a introduit ces collaborateurs dans le texte de loi que nous examinons aujourd’hui.

Sur le fond, il est logique que la réglementation relative aux conflits d’intérêts concerne tous ceux qui ont une possibilité d’agir sur l’écriture de la loi, donc sur son contenu.

Même si, officiellement, nous, les députés sommes seuls responsables des amendements et des questions déposées sous notre nom, nous faisons, c’est vrai, confiance à nos collaborateurs et nous validons ce qu’ils nous présentent sans nous poser trop de questions, surtout quand leurs propositions sont cohérentes et pertinentes. De fait, nos collaborateurs ont une part d’influence dans l’élaboration de la loi.

En tant qu’employeurs, c’est à nous seuls qu’il revient d’agir, et le contrat-type de l’Assemblée nationale nous en donne les moyens puisqu’il existe une clause obligeant nos collaborateurs à nous déclarer leurs autres activités. Si nous ne le faisons pas, nous en sommes responsables.

Une fois que nous avons tous les éléments, c’est à nous, députés, de juger si c’est compatible ou pas, à nous de fixer les limites et les règles avec nos salariés.

Il ne m’apparaît donc pas souhaitable que l’on nous impose des contraintes autres que de transparence. Si un parlementaire a envie d’avoir un collaborateur qui travaille également pour une société de conseil, cela le regarde. C’est lui qui en assume les conséquences.

Je souhaite également soulever un élément précis et technique. Il me semble que c’est la première fois que l’on inscrit les collaborateurs parlementaires dans la loi, ce qui impose de définir la composition et les limites exactes de ce groupe. Quelle est la définition précise d’un collaborateur parlementaire ? Est-ce quelqu’un qui nous aide dans notre travail parlementaire, indépendamment d’un contrat de travail ? Se limite-t-on, au contraire, aux seuls salariés rémunérés sur l’enveloppe dévolue à cet effet ?

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Lionel Tardy. Cette question a des conséquences importantes.

Mme la présidente. Certes, mais le temps est écoulé.

M. Lionel Tardy. C’est toute la question des collaborateurs bénévoles : faut-il les inclure dans le dispositif alors même que nous n’avons aucun moyen de les obliger à nous donner des informations sur leurs autres activités ?

Enfin…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république. La commission des lois a repoussé l’amendement de notre collègue Tardy, car il ne concerne pas les collaborateurs bénévoles. Or nous pensons qu’il est utile que les parlementaires puissent publier les noms de tous ceux qui travaillent à l’Assemblée nationale à leurs côtés, qu’ils soient rémunérés ou non. L’inclusion dans le projet de loi de la notion de collaborateur bénévole est tout à fait volontaire : nous considérons qu’il y a là une opacité qu’il est maintenant temps de lever.

Si vous avez eu le temps de lire le rapport, vous avez pu constater par exemple que les taux horaires de rémunération des collaborateurs sont assez surprenants. Pour le même travail, ils varient de 9,43 euros à 60 euros par heure environ : il n’existe pas de grille indiciaire.

M. Philippe Le Ray. La rémunération est fonction des compétences !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il n’existe pas non plus de convention collective.

J’ai fait quelques propositions, dont j’espère que le Bureau de l’Assemblée nationale pourra rapidement se saisir. Je propose par exemple la rédaction d’un bilan social annuel relatif à l’ensemble des collaborateurs, ainsi que l’organisation d’une conférence sociale annuelle entre les représentants des députés employeurs et les représentants des collaborateurs salariés, sur un ordre du jour fixé par le Bureau de l’Assemblée. Je verse ces propositions à nos débats de sorte qu’elles ne se bornent pas à figurer dans un rapport.

Il serait utile d’avancer sur le chantier de la création d’une convention collective. Il ne me paraît pas totalement utopique de s’inspirer des dispositions de l’article L. 2312-5 du code du travail qui prévoit que, lorsque de très petites entreprises sont regroupées sur un même site et connaissent des problèmes communs, l’autorité administrative peut imposer l’élection de délégués du personnel. Il me semble qu’il s’agit d’une piste à creuser : nous sommes 577 employeurs sur un site commun où nos collaborateurs connaissent les mêmes difficultés. En termes de représentativité, nous pourrions nous inspirer de telles dispositions.

La commission est donc défavorable à cet amendement, de même qu’aux amendements suivants sur le même sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le parlement. Comme je l’ai indiqué hier soir, s’agissant de questions strictement liées à l’organisation et au fonctionnement de l’Assemblée nationale et compte tenu de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse des Parlementaires sur l’ensemble de ces amendements.

M. Philippe Le Ray. Il se défausse !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je m’interroge sur les conséquences d’une telle inscription dans la loi. Que nos collaborateurs parlementaires aient un statut officiel, j’en conviens parfaitement ; sur ce sujet, je partage les constats et les positions exprimés par le rapporteur en commission. Mais est-ce une bonne méthode que d’inscrire ces dispositions dans la loi ? Que va induire cette inscription ? N’est-on pas en train, sans s’en rendre compte, de donner à nos collaborateurs un statut officiel qui conduira mécaniquement à des évolutions qui n’ont pas été prévues ?

Dans le passé, on a connu des procès perdus par les associations de collaborateurs parlementaires qui voulaient faire reconnaître une unité économique et sociale entre l’ensemble des collaborateurs et l’Assemblée nationale. Ne risque-t-on pas de relancer ce débat et de créer, avec cette simple modification législative, une unité économique et sociale entre les collaborateurs parlementaires et l’Assemblée ? Sur ce sujet, j’aimerais que nous puissions entendre les questeurs, car nous ne pouvons pas légiférer à l’aveugle, sans connaître toutes les conséquences induites par cette modification législative.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n303.

M. Gérald Darmanin. Mon amendement pose la question dont nous avons déjà débattu hier soir – nous n’allons donc pas y revenir – : celle du statut des collaborateurs, donc des moyens donnés aux parlementaires pour exercer correctement leur travail.

Je reprendrai l’argumentaire de M. de Rugy au sujet de l’amendement qu’il a défendu hier soir…

M. François de Rugy. Ce n’était pas le même !

M. Gérald Darmanin. …et après lequel nous sommes partis nous coucher.

M. Lionel Tardy. C’était chaud ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin. Mon amendement prévoit les quatre aspects qui doivent guider nos débats.

D’abord, il précise la question des conflits d’intérêts. Demander aux simples collaborateurs exerçant une autre activité professionnelle de déclarer cette dernière permettrait de connaître les éventuels conflits d’intérêts que M. le rapporteur évoque dans son rapport et dans ses interventions.

Ensuite, la transparence : il n’y a pas de raison que ceux qui exercent une autre activité, qui pourrait faire naître un conflit d’intérêts, ne fassent pas connaître leurs éventuels autres employeurs.

Troisième élément : le souci de la simplification administrative. Pourquoi demander à tous les collaborateurs n’ayant qu’un seul employeur – leur député ou leur sénateur – de déclarer leur nom ? Je crois savoir qu’un certain nombre de députés ou de sénateurs changent souvent de collaborateurs : une telle disposition leur imposera sans doute beaucoup de démarches administratives !

Enfin, le respect de la vie privée. Nous l’avons dit hier : le contrat qui lie le collaborateur à son député est un contrat de droit privé. Je ne vois donc pas pourquoi on publierait le nom des collaborateurs, sauf pour répondre simplement à la demande légitime du président de la commission des lois afin de prévenir les conflits d’intérêts.

Je propose donc de compléter l’alinéa 36 par les mots : « s’ils exercent une autre activité professionnelle que celle de collaborateur parlementaire, pouvant faire naître un conflit d’intérêts ».

Une dernière question, monsieur le rapporteur : même si mon amendement n’était pas adopté, votre texte concernerait-il également les collaborateurs des groupes politiques, qui ne sont pas stricto sensu des collaborateurs parlementaires ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis défavorable, en raison des arguments que j’ai défendus hier soir et qui concernaient le même sujet.

Nous souhaitons que cette loi soit l’occasion d’une évolution législative du statut des collaborateurs parlementaires. La publication de leurs noms constituera un cliquet, sur lequel il sera difficile de revenir demain. Il ne s’agit pas de limiter ces dispositions aux collaborateurs exerçant une autre activité professionnelle.

M. Gérald Darmanin. Et la réponse à ma question ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sagesse, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n’ai pas entendu l’élément de réponse que vous seriez en mesure d’apporter à la deuxième partie de la question de M. Darmanin. Il serait très utile que vous puissiez nous le donner.

Je soutiens cet amendement qui va tout à fait dans le sens du rapporteur, si j’ai bien compris son cheminement intellectuel.

Hier soir, j’ai fait remarquer que cet alinéa 36 est le seul où une personne est évoquée nominativement. Les autres alinéas mentionnent une activité, sans faire référence à personne en particulier. S’il s’agit simplement – je ne dirai pas « pour le plaisir », bien que l’on se demande ce qu’il y aurait d’autre que le plaisir – de faire connaître les noms des collaborateurs parlementaires, quelle est l’utilité d’une telle disposition ? Elle ne sert pas à grand chose ! S’il s’agit, en revanche, de faire figurer dans une déclaration d’intérêts les noms de collaborateurs ayant une caractéristique qui peut être intéressante pour mesurer l’hypothèse d’un conflit d’intérêts – à savoir ceux qui exercent, à la connaissance de leur parlementaire, une activité professionnelle à côté de leur activité à temps partiel de collaborateur parlementaire –, alors cette disposition présente un véritable intérêt.

Comme nombre de mes collègues, je ne suis pas convaincu de la consistance de l’argumentaire du rapporteur sur ce sujet. Si nous précisons que le nom des collaborateurs parlementaires devra figurer dans la déclaration d’intérêts s’ils exercent une autre activité professionnelle que celle de collaborateur parlementaire et susceptible de faire naître un conflit d’intérêts, alors cette disposition est précise : nous en comprenons les motifs, et nous ne suscitons pas les interrogations qui sont les nôtres et qui seront celles de nos collaborateurs s’il s’agit simplement de publier leur nom.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Monsieur Darmanin, excusez-moi d’avoir omis de vous répondre. Dans le cas d’espèce, cette disposition ne concerne pas les collaborateurs des groupes politiques, puisque nous évoquons les déclarations d’intérêts de chaque député. Mais si vous souhaitez que soient publiés les noms de ces collaborateurs,…

M. Gérald Darmanin. Oui !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. …je vous invite à adopter l’amendement que François de Rugy défendra tout à l’heure, relatif à la publicité sur le site internet des salariés de notre institution.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il me semble que la publication d’un nom n’apporte en elle-même aucune information. Nous devons avoir le souci de préserver la vie privée, dont les atteintes ne peuvent être justifiées que par l’utilité commune. En d’autres termes, cet amendement propose de donner une signification à la publication des noms : en l’occurrence, on rend le nom public parce qu’il peut y avoir un conflit d’intérêts.

Je ne comprends toujours pas la logique consistant à mettre des noms sur la place publique : qu’apporte cette disposition en matière de transparence de la vie politique ? Un nom en soi n’est pas une information ; il ne peut constituer une information que s’il se comprend dans une perspective plus large de lutte contre des conflits d’intérêts.

Voilà pourquoi je pense que cet amendement est bon et que l’atteinte au droit constitutionnel à la vie privée ne se justifie pas en l’absence de précisions venant encadrer les dispositions contenues dans cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis un peu étonné par cette vision à reculons de la transparence, que l’on veut toujours limiter. Je suis d’autant plus étonné qu’un amendement suivant, déposé par plusieurs membres du groupe UMP, propose au contraire de déclarer les liens de parenté que les collaborateurs pourraient avoir avec leur député.

M. Julien Aubert. Mais oui !

M. François de Rugy. Le plus simple est de ne pas restreindre. Sur l’ensemble de ces sujets, notre ligne de conduite est la suivante : la transparence est le meilleur moyen de lutter contre le soupçon et la rumeur.

M. Philippe Le Ray. C’est un puits sans fond !

M. François de Rugy. Il existe de nombreux fantasmes : les députés embaucheraient leur femme, leur fils, leur fille, un élu de leur conseil municipal ou de leur région, un permanent de parti, que sais-je encore… Si la transparence est faite, chacun assumera ses choix et chaque citoyen pourra constater que ces fantasmes n’ont pas lieu d’être – du moins, je l’espère.

(L’amendement no  303 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement no  223.

M. Damien Abad. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sagesse.

(L’amendement no  223 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour soutenir l’amendement no  244.

M. Laurent Wauquiez. Si nous voulons travailler sur la transparence de manière à peu près exhaustive, nous ne pouvons nous contenter d’une approche uniquement financière. D’ailleurs, dans la plupart des démocraties européennes et, plus largement, des démocraties de l’OCDE, les cadeaux et avantages, qui peuvent également influencer le processus de décision ou notre indépendance, font aussi partie des éléments devant être déclarés et contrôlés.

De ce point de vue, il me semble que ce texte poursuit une approche trop restrictive, sans doute à cause de l’affaire Cahuzac. Il est important d’adopter une approche plus large, permettant d’incorporer aux déclarations tout ce qui est de nature à influencer notre décision. C’est pourquoi je vous recommande d’élargir votre vision des déclarations d’intérêts en y incorporant, sur le modèle suédois ou allemand, tout cadeau ou avantage susceptible d’influencer le processus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, non sur le principe, mais parce qu’elle estime que cet amendement est satisfait par la pratique actuelle. Chaque fois qu’un député reçoit un cadeau d’une valeur supérieure à 150 euros, il doit le dénoncer…

M. Lionel Tardy. Le dénoncer ? Voyons !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il doit le déclarer. Le lapsus est révélateur ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. N’est-ce pas ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il doit donc le déclarer à la déontologue, conformément au code de déontologie de l’Assemblée. Ces dispositions concernent tout don ou avantage d’une valeur supérieure à 150 euros dont les députés ont bénéficié, ainsi que tout voyage accompli à l’invitation totale ou partielle d’une personne morale ou physique. Il s’agit donc d’une pratique que nous sommes censés suivre depuis le début de la précédente législature. (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même argument : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Si comme vous le dites, monsieur le rapporteur, ce cas de figure est déjà prévu, pourquoi n’ai-je obtenu aucune réponse de la part de la déontologue alors que je lui ai écrit par quatre fois ? Dans la mesure où vous présidez la commission des lois et où vous siégez au bureau de notre Assemblée, vous pourriez, ainsi que Mme la présidente de séance, faire part de nos interrogations à M. Bartolone. Si nous voulons que la déontologie s’applique, encore faut-il que la déontologue réponde. Le fait qu’elle exerce une profession en plus de sa qualité de déontologue est en soi un conflit d’intérêts.

M. Alain Tourret. Il a raison.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. J’ai du mal à comprendre, monsieur le rapporteur. Autant en rester au déontologue.

M. Alain Tourret. Tout à fait.

M. Laurent Wauquiez. Votre réponse est la démonstration que la déontologue ne sert à rien. La création de cette fonction n’a abouti à aucune amélioration dans le fonctionnement du contrôle au sein de l’Assemblée. Avancer un tel argument est vain. Essayons de ne pas faire de la transparence au rabais. Le dispositif que nous proposons existe partout ailleurs en Europe. Certes, il n’émane pas de votre majorité, mais il serait de bon aloi de l’adopter dans le cadre d’un travail constructif commun.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je voudrais dissiper un malentendu. Je ne suis pas choqué par cet amendement.

M. Laurent Wauquiez. Alors adoptez-le.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. S’il était adopté, cela serait compliqué. La déclaration d’intérêts se fait au début et à la fin du mandat. Or le code de déontologie vous impose à chaque fois que vous recevez un cadeau de le déclarer à la déontologue. Pour ce qui me concerne, je suis au regret de dire à M. Darmanin, à qui je précise au passage que je ne suis pas membre du Bureau et que je ne siège qu’à la Conférence des présidents, que la déontologue a répondu à mes trois courriers.

M. Gérald Darmanin. C’est parce que vous êtes quelqu’un d’important !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je ne doute pas que la déontologue suive nos débats et qu’elle aura à cœur de remédier à ce manquement, monsieur Darmanin. Quoi qu’il en soit, je ne m’opposerai pas à l’adoption de cet amendement si une majorité se dégage en sa faveur. Je vous mets seulement en garde car cela sera compliqué. Par ailleurs, il faudrait en améliorer la rédaction. Mais, sur le principe, je n’en fais pas un casus belli .

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’amendement propose d’élargir la déclaration d’intérêts en y intégrant les cadeaux que reçoivent les parlementaires. Pour l’instant, la règle veut qu’au-dessus de 150 euros, il faut déclarer ce cadeau. Si je comprends bien l’amendement, il faudra, pour chaque cadeau, faire une déclaration…

M. Laurent Wauquiez. Il suffit de lire l’amendement.

M. Lionel Tardy. Qui va vérifier ?

M. Laurent Wauquiez. Il s’agit de mentionner : « Tout cadeau ou avantage reçu susceptible d’influencer le processus décisionnel. »

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Quoi qu’il en soit, il faudra prévoir une règle et cela risque d’être compliqué. Mais nous sommes prêts à prendre en compte cette proposition de l’opposition. Au cours de la navette, il conviendra d’envisager un dispositif technique pour sa mise en œuvre. Je ne suis pas sûr qu’on y gagne en simplicité, mais si telle est votre exigence et si cela permet d’améliorer la vision que vous avez de ce texte, le Gouvernement ne fera pas de difficultés et s’en remet à la sagesse de l’Assemblée sur le vote de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Tantôt l’opposition recourt à des manœuvres de retardement de l’examen du texte tantôt elle veut être « plus blanc que blanc ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Vous savez faire !

M. Laurent Furst. Ils sont des maîtres en la matière !

M. Laurent Wauquiez. Nous faisons des propositions constructives.

M. René Dosière. Je rappelle à M. Wauquiez qui n’a pas l’air de le savoir – il est vrai qu’il occupait d’autres fonctions sous la précédente législature – que, à l’initiative du président de l’assemblée précédente, et à la suite du rapport de M. Sauvé, donc de l’affaire Woerth (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)…

M. Christian Jacob. Quelle affaire ? Il n’y a pas d’affaire Wœrth !

M. Guy Geoffroy. Il n’y a qu’une affaire Cahuzac !

M. René Dosière. …la présidence de l’Assemblée avait réuni un groupe de travail pluraliste qui a abouti à un certain nombre de conclusions, notamment à la création de la fonction de déontologue – le premier comme la seconde ont été choisis à l’unanimité – ainsi qu’à la publication d’un code de déontologie…

M. Laurent Wauquiez. Soyons sérieux !

M. René Dosière. …dans lequel il est dit que tout parlementaire qui reçoit un cadeau dont la valeur excède 150 euros a l’obligation de le déclarer à la déontologue. Il est bon que tout le monde – parlementaires et citoyens – le sache.

M. Laurent Wauquiez. Est-ce que la déontologue a déjà eu quelque chose à faire ? C’est de la supercherie !

M. René Dosière. La déontologue rend compte des anomalies au Bureau de l’Assemblée nationale lequel est habilité à prendre les mesures qu’il estime nécessaire. Nous disposons déjà d’un processus en la matière. Je dois dire que personnellement, je ne me suis pas encore adressé à la déontologue puisque je n’ai pas reçu de cadeaux de cette valeur ni même de valeur inférieure. (Sourires.)

Mme la présidente. Veuillez conclure. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. René Dosière. Si M. Wauquiez tient absolument qu’on fasse apparaître tout cadeau ou avantage reçu dans la déclaration d’intérêts, nous n’y voyons aucune objection.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1 du règlement. Je veux bien que nous nous renvoyions des affaires à la figure, mais je tiens à préciser à M. Dosière que, à ma connaissance, il n’y a pas d’affaire Woerth au sens judiciaire du terme. M. Woerth n’a fait l’objet d’aucune condamnation le privant de quelque droit que ce soit.

M. Pascal Popelin. M. Cahuzac non plus.

M. Jean-Frédéric Poisson. Parler d’affaire à propos de M. Woerth, ancien ministre et excellent collègue, est très exagéré et parfaitement déplacé. Je souhaiterais, madame la présidente, que lorsque l’on incrimine des personnes on utilisât un vocabulaire plus précis.

M. Régis Juanico. Pour être plus précis, on peut parler de l’affaire Bettencourt.

M. Jean-Frédéric Poisson. Petite question à l’adresse de M. le rapporteur : les cadeaux d’un montant « substantiel » peuvent-ils faire l’objet d’une déclaration ? (Sourires.)

Article 1er  (suite)

Mme la présidente. Nous en revenons à l’amendement n244.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Lors de nos débats d’hier soir, nous avons bien vu que déclarer les patrimoines et les conflits d’intérêts, c’est bien, mais contrôler, c’est mieux. Si j’ai bien compris, ce n’est pas le déontologue qui va gérer cette question, mais la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Nous savons d’ores et déjà qu’elle aura sept mille déclarations à contrôler avec à peine une vingtaine de fonctionnaires. Contrôler des déclarations de patrimoine et d’intérêts est déjà compliqué. S’ils doivent en plus contrôler le moindre cadeau ou avantage reçu susceptible d’influencer le processus décisionnel, il faudra prévoir les moyens nécessaires. Ce texte repose sur la capacité de contrôle et non de déclaration. L’intention est bonne, mais sans capacité de contrôle, un tel amendement n’apportera pas grand-chose au texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Lorsque je reçois un cadeau, je demande rarement le ticket de caisse ! Je crains que votre seuil de 150 euros ne soit très délicat à calculer.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce n’est pas mon seuil !

M. Julien Aubert. Nous sommes au cœur du sujet, chers collègues. Nous n’avons en effet pas la même définition de la transparence. Vous, cela ne vous gêne en aucune façon de jeter en pâture le nom des gens sur la place publique.

M. Christian Jacob. Tout à fait.

M. Julien Aubert. Vous considérez que c’est un grand progrès pour la démocratie. Moi, j’appelle cela : l’État Big Brother. On peut critiquer la mise en œuvre du dispositif, et je rejoins en cela mon collègue Tardy. Mais il se pose un problème lorsqu’un cadeau peut influer sur le processus décisionnel. À cet égard, je ne comprends toujours pas quelle est votre définition de la transparence. En fait, vous ne réglez pas les problèmes de conflits d’intérêts et vous ne faites rien pour que le processus démocratique ne soit pas altéré par des manœuvres extérieures. Vous êtes en train de lancer une grande opération transparence : tout le monde en vitrine, nu devant le peuple. Et cela, à votre sens, fera progresser la démocratie.

M. Olivier Faure. Mais non.

M. Julien Aubert. Si voulez clarifier le débat, il faut d’abord clarifier votre position sur ce que vous voulez pour la France.

Mme la présidente. Sur l’amendement n244, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Après avoir lu un peu rapidement l’amendement de notre collègue Wauquiez, j’ai cru que qu’il était en retrait par rapport à ce que nous devons déclarer. La différence entre sa proposition et l’obligation à laquelle nous sommes soumis, c’est que les cadeaux ou avantage reçus doivent figurer dans la déclaration d’intérêts. Des sanctions sont prévues, ce qui n’est pas le cas dans le règlement actuel.

Dans la mesure où le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée, je souhaite que notre groupe adopte cet amendement, qui permettra d’aller plus loin, de faire chemin commun si c’est possible et d’entraîner l’opposition dans une logique plus constructive que celle qui prévalait jusqu’ici.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Permettez-moi de faire une réflexion de bon sens. Un avantage est forcément un avantage en nature. Si quelqu’un vous offre un café, un jus d’orange ou un repas, il faudrait en suivant la logique de l’amendement le déclarer.

M. Laurent Wauquiez. Lisez l’amendement jusqu’au bout.

Mme Laure de La Raudière. Si vous êtes influençable par un café !

M. Alain Tourret. Un avantage en nature n’est pas limité en termes de montant. On tombe dans le ridicule absolu !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Comme Alain Tourret je pense que, si à chaque fois qu’on a le sentiment d’avoir perçu le moindre avantage, il faut en référer, nous tombons en effet dans le ridicule. Le fait de se faire inviter à déjeuner ou d’aller à une avant-première de film relève-t-il d’un avantage à déclarer ?

M. Olivier Faure. Un déjeuner à 10 000 euros, ce n’est pas rien.

M. Hervé Morin. Nous sommes tout de même capables d’avoir un peu de recul et de faire preuve d’indépendance et de liberté par rapport à un geste de tel ou tel lobby. De plus, signaler à chaque fois, ces cadeaux ou avantages, va nous obliger à le faire chaque semaine, chaque mois. Cela n’a pas de sens et confine au ridicule. Le groupe UDI votera contre.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. L’intention de notre collègue Wauquiez est louable et participe d’un mouvement qui devrait être général et ne souffrir d’aucune exception, ce qui est étonnant de la part des collègues de son groupe. Je suis prêt à voter cet amendement, mais je souhaiterais qu’il soit sous-amendé lors de la navette parlementaire. Il faudrait en effet en améliorer la rédaction, comme le disait le rapporteur, mais je ne vais pas jusqu’à dire que M. Wauquiez l’a rédigé sur un coin de table. (Sourires.) On ne peut dire « tout cadeau » dans la mesure où l’Assemblée a fixé un seuil de 150 euros à partir duquel il faut le déclarer, ce qui est un seuil raisonnable et assez bas. De plus, la formulation « susceptible d’influencer le processus décisionnel » est contestable par son flou.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Tout le monde peut admettre que le système de contrôle doit aller au-delà de la simple question pécuniaire et prendre en compte des avantages en nature susceptibles d’influencer les décisions et de semer le doute sur le conflit d’intérêts et l’autonomie. J’ose espérer que tout le monde s’accorde sur ce sujet.

Autre sujet sur lequel nous pouvons être d’accord, c’est le constat que le contrôle de la déontologue ne sert à rien. Le système actuel n’est pas du tout efficace.

Si jamais le ministre s’engageait à améliorer la rédaction de l’article 1er  en ce sens dans le cadre de la lecture au Sénat, je serais prêt à retirer mon amendement. Si ce n’est pas le cas, je le maintiendrai car je tiens à marquer l’importance de ce sujet qui constitue un angle mort de votre projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le principe qui sous-tend cet amendement constitue un apport à ce texte. Bien évidemment, certaines réactions relatives au flou de sa rédaction sont justifiées. Si votre assemblée l’adoptait, le Gouvernement serait attentif à ce qu’elle soit améliorée au cours du processus législatif. Reste qu’il s’agit d’une contribution importante de l’opposition.

M. Damien Abad. Quelle mansuétude ! Que se passe-t-il donc ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n244.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants93
Nombre de suffrages exprimés82
Majorité absolue42
Pour l’adoption46
contre36

(L’amendement n244 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 361. Personne ne le défend ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Je vais le reprendre, madame la présidente, car cet amendement est cohérent avec les dispositions que nous avons votées hier. Je précise seulement qu’il conviendra de mettre au singulier les mots « indemnité et rémunération » afin d’assurer une cohérence orthographique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sagesse.

(L’amendement n361 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 288.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je regrette que M. Geoffroy n’ait pas défendu son précédent amendement : cela aurait permis de rendre transparent le positionnement de chacun.

Nous sommes pour notre part tout à fait favorables à l’alinéa 38 de l’article 1er  qui prévoit une déclaration des revenus perçus parallèlement à l’exercice d’un mandat parlementaire. Nous souhaiterions que la déclaration porte également sur les revenus perçus durant l’année précédant l’élection. Cela permettrait de détecter une éventuelle situation de conflit d’intérêts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement est inutile, mon cher collègue, car il est satisfait par le texte adopté par la commission. Celui-ci prévoit en effet que les déclarations d’intérêts mentionneront les rémunérations actuelles et perçues au titre des différentes activités du parlementaire, qu’il s’agisse de ses activités professionnelles ou des autres mandats électifs dont il peut être le titulaire. En outre, il prévoit que la déclaration de patrimoine en fin de mandat devra comporter une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus depuis le début du mandat.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur de Rugy.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement estime également que cet amendement est satisfait et demande son retrait. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. François de Rugy. Je retire mon amendement !

(L’amendement n288 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n289.

M. François de Rugy. Je le retire également, madame la présidente.

(L’amendement n289 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n173.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme l’exposé très sommaire de cet amendement ne le dit pas, il s’agit de supprimer purement et simplement le nouvel article L.O. 135-2 du code électoral qui porte sur la mise en place de la Haute autorité, les modalités de mise à disposition des déclarations de patrimoine auprès des services de l’État et leurs modalités de consultation.

Je ne vais pas reprendre les arguments que j’ai développés hier à la tribune concernant ce dispositif, je redirai simplement, à titre de principe, une chose sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir au fil de la discussion de l’article 1er .

D’une certaine manière, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous êtes prisonniers du système que vous avez vous-mêmes imaginé. À partir du moment où vous confondez, d’une part, le renforcement du contrôle par la création de la Haute autorité, d’autre part, la publication du patrimoine, même sous conditions, ou du moins la possibilité pour le public d’y accéder, vous n’êtes pas en mesure de garantir certains droits fondamentaux individuels, notamment la protection des données à caractère privé et la protection contre des actes à caractère calomnieux ou contre les mauvaises intentions de ceux qui consulteraient ces données.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Jean-Frédéric Poisson ne sera pas vexé que je me contente de donner un avis défavorable à cet amendement qui vise à supprimer l’un des dispositifs qui est sans doute le plus connu depuis que ce débat est engagé : celui qui permet la consultation par les citoyens de la déclaration de patrimoine de leurs élus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis : défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’aimerais que M. le rapporteur et M. le ministre nous apportent des éléments de réponse à propos de la protection de la vie privée dans le cadre de ce dispositif et d’autres dont nous aurons à débattre. Qu’ils ne le fassent pas à l’occasion de cet amendement, je le conçois, mais simplement j’aimerais qu’ils nous apportent des précisions à un moment ou à un autre de notre discussion : elles seraient utiles et fructueuses pour tous.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. J’aimerais faire remarquer à M. Poisson qu’il vient d’énoncer un certain nombre de contrevérités. Premièrement, quand il dit que le processus de consultation qui sera mis en place ne doit pas donner la possibilité d’accéder à des renseignements d’ordre privé, il oublie tout simplement que certaines données personnelles ne seront pas communiquées au public, comme le prévoient notamment les alinéas 53,54, 55.

Deuxièmement, il présuppose à l’évidence que les sanctions prévues pour interdire la divulgation de ces données ne seront pas efficaces. Or un dispositif analogue s’applique depuis trente ans aux déclarations d’impôt sur le revenu et il n’a pas connu de dysfonctionnements.

Troisièmement, j’aimerais lui rappeler que le texte indique qu’un décret en Conseil d’État précisera les modalités pratiques. Nous pouvons supposer qu’il encadrera la consultation de ces données en prévoyant une interdiction des appareils photographiques et d’autres précautions destinées à s’assurer que la loi sera respectée.

Pour notre part, si nous votons un texte, c’est que nous pensons qu’il sera efficace et non pas qu’il sera contourné par les citoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. En vous écoutant, monsieur Dosière, j’ai l’impression que vous vivez dans un autre monde. Comme vous le savez, une lettre d’une ancienne ministre de l’économie relevant du secret judiciaire vient d’être publiée dans la presse. Qui peut imaginer que votre procédure sera respectée alors que le secret de l’instruction ne l’est pas ? Qui peut penser que les informations qui pourront être collectées ne feront pas l’objet de fuites sur les réseaux sociaux ?

Nous avons changé d’époque, il faut ouvrir les yeux. Si vous croyez que cette loi n’est pas une atteinte majeure au respect de la vie privée, si vous pensez qu’il suffit d’édicter des réglementations pour que les choses se passent bien, vous vous fourvoyez.

Rappelons, sur le fond, que Charles de Gaulle n’avait pas besoin de publier son patrimoine pour être honnête, preuve que l’on peut fort bien faire de la politique sans pour autant se mettre à nu devant ses concitoyens. À l’inverse, ce n’est pas parce que vous jetterez en pâture le patrimoine des élus que vous empêcherez les gens de faire preuve d’une curiosité maladive, de gloser sur internet ou de publier des informations sur des sites étrangers. Ce n’est pas non plus ainsi que vous vous assurerez de l’exactitude des données publiées et que vous ferez reculer les conflits d’intérêts.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. J’ai plusieurs questions à poser au rapporteur et au ministre.

M. Dosière vient de nous indiquer que les déclarations d’impôt sur le revenu étaient consultables.

M. René Dosière. Cela fait trente ans que c’est possible !

Mme Laure de La Raudière. C’est une bonne information. Je ne suis pas sûre que les Français sachent que leur déclaration d’impôt sur le revenu est accessible à tout citoyen qui voudrait la consulter. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Par ailleurs, votre dispositif me fait un peu penser au nuage de Tchernobyl. Prenons l’exemple d’un citoyen français qui ferait une photographie sur son portable de la déclaration de patrimoine d’un élu à laquelle il aurait eu accès ; s’il déménage en Suisse et paie désormais ses impôts dans ce pays, est-il soumis aux dispositions prévues par la loi ?

M. Sébastien Denaja. Il reste Français !

M. Gérald Darmanin. Votre texte est absurde !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. M. Dosière a affirmé que j’avais énoncé trois types de contrevérités et j’aimerais lui répondre.

Premièrement, votre comparaison entre la déclaration d’impôt sur le revenu et la déclaration de patrimoine d’un élu, si elle tient sur le plan du processus, n’est pas fondée sur le plan de la destination. Vous ne pouvez pas laisser de côté le fait qu’une déclaration de patrimoine peut comporter des éléments intéressants, dirons-nous, dans un contexte de compétition électorale.

M. René Dosière. La déclaration de revenus aussi !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le montant de l’impôt et le patrimoine, ce n’est pas du tout la même chose, sinon un tel projet de loi n’aurait aucun objet, soyez cohérent.

Deuxièmement, vous précisez que certains éléments relevant de la vie privée ne pourront pas être mentionnés dans la déclaration. C’est vrai : plusieurs alinéas apportent des restrictions. Pour autant, les éléments patrimoniaux qui seront indiqués, fût-ce de manière quantitative, pourront être identifiés : les élus sont repérables dans leur territoire, les électeurs savent où ils habitent, ils les voient circuler. Dès lors, ce n’est pas parce qu’une adresse n’est pas précisée de manière détaillée que les personnes qui consulteront les déclarations ne pourront pas savoir à quelle réalité tel chiffre correspond.

Troisièmement, les restrictions ne s’appliquent pas à la totalité des éléments qui, de mon point de vue, ressortissent à la vie privée.

Je le répète, les protections nécessaires au respect de la vie privée des élus ne sont pas apportées dans ce texte. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, malgré les précisions apportées par M. Dosière tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. En réalité, nous constatons que partant d’une haute ambition, vous avez réduit la voilure après vos petites tractations avec les Parlementaires socialistes. Votre texte reste marqué par cette évolution : vous faites une transparence au rabais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) François Hollande avait pris des engagements en matière de transparence et de publication des déclarations. Or, vous tentez de concilier deux choses inconciliables.

M. Matthias Fekl. Mettez-vous d’accord à l’UMP !

M. Laurent Wauquiez. Vous cherchez à donner des gages à certains parlementaires de votre propre camp qui refusent de mettre en œuvre ces engagements du président Hollande, ce qui rend votre texte inapplicable. Je vous le dis très sincèrement, mieux vaudrait revenir à ce qu’était l’épure de votre raisonnement initial et, tant qu’à faire, instaurer une transparence qui soit complète.

J’y ajoute une deuxième question : pensez–vous que le Conseil constitutionnel validera cela ? Pour moi, cela pose un problème de fond : nous sommes des députés de la République, de toute la République. Or, vous proposez la consultation de la déclaration de situation patrimoniale en préfecture uniquement.

Vous êtes donc en totale rupture avec la conception initiale du contrat social de Rousseau, selon laquelle le mandat ne lie pas à un territoire. À mon avis, ce point vous posera des problèmes dans le cadre du contrôle de constitutionnalité.

Je vous le dis donc très simplement : allez jusqu’au bout de votre démarche, instaurez une véritable transparence, ne la faites pas au rabais, ne vous laissez pas impressionner par les petites tractations de vos camarades et de vos collègues, et tentez de créer quelque chose de sensé plutôt que ce travail d’équilibriste, qui aboutira à un texte totalement fracturé.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. J’ai écouté avec attention M. Wauquiez, et j’espère que les membres de son groupe l’ont écouté avec autant d’attention que moi ! Je n’ai en effet pas le sentiment, depuis hier soir, que la position qu’il défend soit très partagée.

M. Gérald Darmanin. Occupez-vous du parti socialiste, ce serait déjà bien !

M. Olivier Faure. Après l’avoir écouté, je le renvoie à un amendement que je défendrai tout à l’heure, proposant de faire la transparence sur l’évolution du patrimoine pendant la durée du mandat.

Une partie du patrimoine relève de la vie d’avant, celle que l’on avait avant d’être élu ; une autre partie tient à son accroissement pendant le mandat, qui relève de la transparence que nous devons à nos concitoyens. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Je vois que vos collègues, comme vous-même, monsieur Wauquiez, êtes fermés à toute idée,…

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Faure. …car vous vous situez tantôt avec ceux qui disent « On ne veut rien », tantôt avec ceux qui disent « On veut tout » pour finalement ne rien avoir : tout cela n’est qu’une posture, des uns comme des autres !

Essayez plutôt d’avancer avec nous pour obtenir un texte équilibré, répondant aux attentes de nos concitoyens et à ce qui constitue une exigence de la République.

M. Laurent Wauquiez. Assez de subtilité !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Si je suis totalement défavorable à l’amendement de Laurent Wauquiez sur les avantages en nature – j’imagine qu’il n’est jamais allé manger au restaurant avec un quelconque chef d’entreprise –, je dirai cependant au groupe socialiste qu’il faut se montrer cohérent dans cette affaire.

J’ai toujours pensé que la déclaration de patrimoine ne changeait rien puisque la question porte sur l’évolution du patrimoine et sur la justification de son évolution – est–elle fondée ou non ? Le pire serait de rester au milieu du gué et de mettre en place un dispositif de faux–cul !

M. Olivier Marleix. Très bien !

M. Hervé Morin. De deux choses l’une : soit l’on souhaite établir la déclaration de situation patrimoniale – je pense que cela n’apportera rien, car cela n’aurait rien changé concernant M. Cahuzac –, soit on se dirige vers un dispositif intelligent, avec tous les pouvoirs pour la Haute Autorité.

En revanche, à quoi servirait d’ouvrir la porte si on ne l’ouvre pas complètement ? Cela favorisera la rumeur et les campagnes diverses et variées via les réseaux sociaux ; mais cela n’apportera rien.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Hervé Morin. Je dirai donc ceci à nos collègues du groupe socialiste : si vous voulez la transparence, allez jusqu’au bout, afin que chaque citoyen, à tout moment, puisse vérifier le patrimoine de son élu sans être obligé de se rendre à la préfecture, selon une procédure qui alimentera nécessairement toutes sortes de rumeurs inutiles ! Allez donc jusqu’au bout de votre logique !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous sommes défavorables à la nouvelle rédaction de ces alinéas adoptée en commission, notamment l’alinéa 44 qui n’empêchera pas comme vous le savez les publications sauvages ; nous ne souscrivons pas au concept de « publication non publiable ».

Je voudrais tout de même dire une chose à nos collègues de l’UMP, notamment à M. Wauquiez.

M. Gérald Darmanin. Où sont les autres membres de votre groupe ?

M. François de Rugy. Je ne sais ce que furent les discussions au sein du groupe UMP ; mais M. Wauquiez a, je le reconnais, fait œuvre de transparence en publiant son patrimoine, comme nous avons été un certain nombre d’autres parlementaires à le faire.

M. Gérald Darmanin. Où sont vos collègues ?

M. Julien Aubert. C’est l’exercice solitaire de l’écologie !

M. François de Rugy. Je voudrais dire à M. Wauquiez que s’il soutient l’amendement présenté par M. Poisson – lequel est contre la publication des patrimoines : il l’a dit très clairement en commission et en défendant sa motion de procédure hier –, alors tous les alinéas 40 à 58 seront supprimés : cela signifie qu’il n’y aura plus aucune forme de publication.

J’invite donc M. Wauquiez à soutenir notre amendement n° 286 rétablissant le texte initial du Gouvernement, qui permettait de façon très simple, universelle, la publication sans restriction et sans passer par la préfecture – cette dernière obligation me semblant constituer une rupture avec la conception de la souveraineté nationale qui fait du député un élu de la France entière et non de son département.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. M. Faure m’ayant interpellé, je souhaite lui répondre.

Revenons d’un mot sur l’origine de ce texte. Que personne ne se trompe : vous avez été pris dans l’un des plus grands scandales de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Votre gouvernement n’a pas eu le courage de l’assumer : voilà la réalité ! Dès lors, vous avez décidé de braquer les projecteurs sur l’ensemble des élus.

Vous vous êtes de plus emmêlés dans un imbroglio invraisemblable, avec un ménage à trois entre le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre – et vous ne savez plus comment vous en sortir, tant les affrontements ont été violents au sein du parti socialiste !

Ce texte passe donc de la transparence au voyeurisme, parce que vous n’avez aucunement le courage d’assumer vos responsabilités et vos choix ! Votre seule logique est d’essayer de tourner les projecteurs ailleurs – il n’y a pas d’autre logique dans votre texte !

Nous pouvons aller plus loin en évoquant d’autres alinéas de ce texte, notamment l’interdiction d’exercer une autre profession : cette disposition est extrêmement dangereuse.

Entre ce texte qui envisage d’interdire toute activité professionnelle, un deuxième texte, qui sera examiné dans quelques jours, sur le mandat unique, et un troisième texte sur le scrutin proportionnel, lorsque l’on rassemble ces trois textes, nous assistons bien à un changement de République ! Or vous n’avez pas le courage de l’assumer !

Vous êtes prisonniers de votre incapacité à trancher et de vos désaccords ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vos désaccords sont d’une violence inouïe : jamais on n’avait vu un président de l’Assemblée nationale prendre à partie le Président de la République ou le Premier ministre de cette façon !

Ne cherchez donc pas à faire porter le chapeau à d’autres : le chapeau, c’est vous qui le portez ! Vous n’avez pas le courage d’assumer le fait d’avoir nommé ministre quelqu’un comme M. Cahuzac – un véritable scandale de la République ! Ayez ce courage pour une fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On ne peut pas dire que la consultation des déclarations de patrimoine ne porterait aucune atteinte à la vie privée, puisque précisément le fait de divulguer tout ou partie de ces déclarations est sanctionné par l’article 226-1 du code pénal, relatif aux atteintes à l’intimité de la vie privée. Ces éléments attentent donc bien à la vie privée.

Pour le reste, je crois qu’il ne faut pas faire preuve d’angélisme. La solution dégagée par le rapporteur, consistant à remplacer la publication initialement prévue par un droit de consultation, est meilleure que ne l’était le texte initial ; mais elle serait encore meilleure s’il existait une garantie véritable empêchant la publication de manière anonyme, par tract ou via internet, de ce type de déclarations. Cela va envahir les campagnes électorales !

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh voilà !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Les discussions, les polémiques, parfois erronées, fondées sur ces éléments, vont envahir les campagnes électorales, plus précisément celles des députés sortants, naturellement.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr !

Mme la présidente. J’ai laissé longuement la discussion s’installer,…

M. Julien Aubert. Bravo !

Mme la présidente. …ce qui nous permettra, je pense, d’aller plus vite dans la défense des amendements suivants.

(L’amendement n173 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n209.

M. Philippe Le Ray. Cet amendement, largement cosigné, propose de supprimer l’alinéa 41, de modifier l’alinéa 42 et par conséquent de supprimer les alinéas 43 et 49.

Je souhaite rappeler que nous avons l’habitude de ce type de déclarations. Que celles-ci prennent une autre dimension afin de répondre aux exigences nouvelles, j’en conviens ; mais vous vous trompez, car je défends que seule la Haute Autorité doit pouvoir les consulter et les vérifier.

L’aspect le plus important de ce projet de loi porte sur l’évolution du patrimoine. Vous voulez l’exemplarité, vous voulez la rupture ; malheureusement, c’est un affichage sournois que de faire croire aux Françaises et aux Français que le déballage de la vie privée de chaque Parlementaire et des autres élus réglera tout. Vous vous trompez : c’est totalement malsain et inapproprié !

Tous les députés ne sont pas « hors sol » : je vous demande de penser à ceux qui vivent en milieu rural, dont les membres de leur famille seront potentiellement gênés, chahutés, voire jalousés.

Un député du groupe UMP. Absolument !

M. Philippe Le Ray. Oui à la transparence, non à cette logique de voyeurisme !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. L’avis est évidemment défavorable. Il est d’ailleurs extrêmement délicat de suivre le cheminement intellectuel de l’opposition.

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous avons bien compris qu’elle était globalement défavorable au texte, mais nous n’avons toujours pas réussi à comprendre pourquoi !

Ceux qui, comme notre collègue qui vient de s’exprimer, souhaitent que le patrimoine ne soit pas du tout publié, et ceux qui, comme MM. Wauquiez et Morin, demandent la publication absolue par toute voie et par tout moyen, ont un point commun : ils sont hostiles au texte.

Je continue à défendre, au nom de la majorité, le texte tel qu’il a été modifié par la commission, qui définit un point moyen entre une publication – le patrimoine sera publié, car c’était la volonté du Président de la République : celle-ci est ainsi concrétisée dans les faits –… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La publication sera une réalité ; sur le plan juridique, il n’y a aucune incertitude sur ce point !

Mais il y a également le nécessaire respect de la vie privée, principe constitutionnel auquel ont droit tous les élus.

Monsieur le député, il n’y a pas un seul député « hors sol » : tous les députés sont élus dans une circonscription, et tous ont une vie privée.

M. Hervé Morin. Ce sont des représentants de la nation !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. C’est bien pour cela que le rapporteur, avec la commission, a essayé de veiller au respect scrupuleux de la vie privée, en permettant la consultation mais en interdisant la publicité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. À ce stade du débat, je pense que les échanges que nous avons sont intéressants, tout comme le positionnement des uns et des autres.

Naturellement, du point de vue du Gouvernement et dans la continuité de ce débat, il était intéressant de connaître la position définitive adoptée par le groupe de l’UMP. Un amendement qui contribuait à améliorer le dispositif a été voté tout à l’heure ; mais seules deux voix venant de l’UMP l’ont soutenu.

L’on a certes le droit de s’exprimer quand on appartient à un groupe ; mais chacun mesurera la nature de la démarche puisqu’il n’y a aucun soutien du côté de l’UMP.

Par ailleurs, et sans vouloir en rajouter, lorsqu’on est placé face à ses contradictions, l’on fait le même numéro que M. Jacob sur la politique politicienne, les scandales, etc. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il me paraît plus intéressant de rappeler que ce débat a déjà eu lieu, ici même, il y a très longtemps, notamment en 1988. Il s’agissait d’un projet de loi présenté par le gouvernement de Jacques Chirac.

M. Julien Aubert. Vous faites le replay !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Un scrutin public a eu lieu sur un amendement concernant la publication du patrimoine.

M. Damien Abad. Vous l’avez déjà dit !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je le dis, parce qu’on a le droit de changer d’avis ! Quand je regarde la liste de ceux qui avaient voté pour, j’en retrouve quelques-uns qui semble-t-il ont nuancé ou changé leur position !

M. Olivier Marleix. Vous êtes l’archéologue des débats !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pour résumer la situation, l’ensemble des parlementaires de gauche qui étaient présents en 1988 lors de ce scrutin public ont voté pour la publication du patrimoine. Pour être encore plus clair, je précise qu’il s’agissait d’un amendement de Pierre Joxe visant à rendre les déclarations de situation des patrimoines des députés consultables par tout électeur.

Il y avait déjà, de ce point de vue, une nuance ; nous nous sommes donc inspirés de cette différence, qui existait déjà en 1988, entre publiable et consultable.

M. Lionel Tardy. Vous étiez là, en 1988 ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La question qui s’est posée ensuite, et qui est juste naturellement, est la suivante : dès lors que l’on touche au patrimoine et à la protection de la vie privée, il faut faire une nuance.

La considération de la protection des tiers est juste : un homme politique doit remplir un certain nombre d’obligations et, de ce point de vue, la protection de la vie privée au sens strict, par rapport à l’engagement personnel, me paraît pouvoir recevoir quelques aménagements.

En matière de patrimoine, il est rare que le conjoint ne soit pas impliqué. C’est le cas notamment si le régime matrimonial est celui de la communauté. De même, les enfants ou les parents de l’élu peuvent être concernés parce que dans les familles il arrive très souvent qu’on soit en indivision ou dans un rapport de nu-propriétaire à usufruitier. Faut-il publier le patrimoine d’un élu alors que cela fournirait beaucoup d’indications précises sur le patrimoine de membres de sa famille qui n’ont pas choisi de devenir des élus de la République ?

Le Président de la République a apporté une précision en indiquant, lors d’une conférence de presse, que la publicité du patrimoine se ferait dans le respect de la vie privée. Dès lors, nous avons essayé de trouver une solution, sachant que la question s’était déjà posée il y a fort longtemps lorsqu’on a décidé dans quelles conditions la consultation des déclarations d’impôts pourrait être faite.

À ceux d’entre vous qui s’inquiètent de l’impunité de certains, je répondrai que le processus est exactement le même qu’en 1971 : on remettra à la personne qui ira consulter en préfecture un récépissé.

M. Gérald Darmanin. Ce n’est écrit nulle part !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La procédure est exactement la même que pour la consultation de la déclaration d’impôts. Est-ce qu’il y a eu des dérapages sur ce texte dont finalement nous avons repris la procédure ? Aucun. Nous avons donc souhaité, à côté du contrôle qui est réalisé par la Haute autorité, que les citoyens aient la possibilité d’avoir accès à la déclaration du patrimoine de l’élu, tout en protégeant sa vie privée, parce que des tiers peuvent être concernés.

Nous sommes donc parvenus à un dispositif qui répond à une exigence et à une interrogation de nos concitoyens. Il ne s’agit pas de faire des classements ou de montrer que tel élu est plus riche que tel autre, mais de savoir si ce patrimoine correspond aux revenus connus de la personne tels qu’ils apparaissent dans ses déclarations. Cette démarche est attendue, je crois, par nos concitoyens, et elle pourra se dérouler très facilement.

Certains semblent dire, et c’est paradoxal, qu’il vaudrait mieux publier et les déclarations d’intérêts et les déclarations de patrimoine. Mais je n’ai pas vu d’amendement en ce sens. Nous avons préféré que les déclarations d’intérêts fassent l’objet d’une déclaration intégrale et que nos concitoyens aient la possibilité de consulter le patrimoine de leurs élus. Nous avons donc répondu à l’objectif souhaité par le Président de la République.

Je crois que ce dispositif est cohérent et qu’il mérite d’être examiné en tant que tel et non d’être caricaturé, tantôt parce qu’il ne va pas assez loin, tantôt parce qu’il va trop loin. Il y avait de vraies questions sur le problème de la protection de la vie privée. Le texte issu de votre commission tente d’y répondre.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement no  209.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis étonné de voir que mes collègues socialistes découvrent que la diversité existe à l’UMP !

M. Pascal Popelin. On a même vu votre groupe scindé en deux !

M. Julien Aubert. Nous sommes fiers d’être un parti dans lequel ses membres peuvent exprimer leurs opinions dissidentes, ce qui n’est pas toujours le cas dans vos rangs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est la différence entre la légion romaine et la vie politique !

Cela me fait penser à cette phrase du maréchal Lyautey : « Quand les talons claquent, l’esprit se vide. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La transparence que vous proposez est celle du trou de la serrure : vous permettez au citoyen de regarder par le trou de la serrure, mais vous refusez d’ouvrir la porte.

Cette action peureuse et veule a une double conséquence.

Premièrement, vous oubliez totalement la réalité des médias sociaux. Vous savez que certains organismes n’ont pas forcément de représentation juridique – Facebook l’a depuis quelques mois et Twitter est en passe de l’avoir. Par conséquent, vous pouvez voter tous les articles de sanction que vous voulez, mais vous ne pourrez pas les appliquer parce que vous n’aurez pas en face de personnalité juridique permettant de faire porter la responsabilité.

Deuxièmement, les candidats à une élection ne seront pas astreints aux mêmes règles. En effet, il y aura des informations sur le patrimoine de l’élu sortant. Du coup, ses opposants pourront les instrumentaliser pendant une campagne électorale en en faisant un argument électoral ce qui amplifiera le climat délétère qui est aujourd’hui le nôtre. En revanche, l’élu sortant n’aura pas les mêmes outils.

Une nouvelle fois, vous vous fourvoyez complètement. C’est une atteinte à la vie personnelle et en aucun cas une avancée de la démocratie.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. J’ai beaucoup apprécié que M. Aubert ait rappelé cette belle citation du maréchal Lyautey.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. M. Jacob aussi a beaucoup apprécié !

M. Laurent Wauquiez. Madame la présidente, je tiens à vous remercier pour la façon dont les débats sont organisés.

Monsieur le ministre, vous aviez la possibilité de construire un consensus sur ce sujet entre les différents parlementaires. Vous auriez pu faire un travail comparable à celui qui a été fait sur la laïcité. En la matière, un effort avait été accompli pour essayer de rapprocher les uns et les autres. Au lieu de quoi, à cause de l’urgence de l’affaire Cahuzac, parce que vous aviez la nécessité d’être dans l’agitation, vous avez plutôt cherché à porter un projet qui va dans un seul sens.

Monsieur le rapporteur, la contradiction majeure qui entache tout votre texte réside entre les ambitions initiales affichées par le Président de la République et la réalité des couleuvres que vous êtes en train de lui faire avaler. Aussi, on peut se demander si la parole présidentielle a encore le moindre poids.

Le 10 avril 2013, le Président de la République déclarait ceci : « Les déclarations de patrimoine seront publiques pour tous les parlementaires. » Cela n’a rien à voir avec les approximations que vous nous proposez.

Nous sommes prêts à travailler de façon constructive. Il ne s’agit pas seulement d’affrontements entre les groupes. J’en veux pour preuve que, dans votre propre groupe, des personnes ont refusé de vous suivre. Il y a, dans les différents groupes qui composent notre Assemblée, des approches qui peuvent être différentes. Mieux vaudrait une approche constructive au lieu d’essayer d’opposer artificiellement les uns et les autres.

Celui qui est en contradiction majeure avec ce texte, c’est le Président de la République, car sur un certain nombre de points essentiels vous avez totalement bafoué la parole et les engagements qu’il avait pris devant les Français. Au fond, le chef de l’État est désavoué par sa propre majorité et la parole présidentielle a bien peu de poids sur un tel sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Monsieur le président de la commission des lois, je ne partage pas votre avis quand vous dites que nous sommes parvenus à un point d’équilibre. En réalité, ce texte procède de deux mauvaises manières faites aux élus.

Premièrement, en faisant cette loi d’enfumage, cette loi de communication qui est une véritable usine à gaz, on renvoie la patate chaude de l’affaire Cahuzac, comme cela a été excellemment démontré par le président Jacob.

La deuxième mauvaise manière, c’est ce qui est en train de se passer et qui est malsain. On dira de cette discussion dans les médias que les députés n’ont pas voulu de la transparence.

M. Lionel Tardy. Ils ne retiendront que ça !

M. Philippe Houillon. Vous renvoyez la patate chaude à l’ensemble des élus qui ne le méritent pas. Tout cela n’est pas sain pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Monsieur Urvoas, je voudrais revenir un instant sur les arguments que vous avez utilisés pour contester les miens.

Il se trouve que, dimanche dernier, j’ai discuté avec mes enfants qui ont abordé le sujet au collège. Vous qui connaissez bien le contexte breton, je vous parie qu’après le classement des ministres, il y aura bientôt le classement des députés. Je m’engage à venir vous voir alors dans votre circonscription !

(L’amendement no  209 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n279.

M. Damien Abad. Le Gouvernement fait deux erreurs.

Premièrement, il aborde la transparence sous l’angle de la publication. Or il n’y a pas nécessairement de lien de causalité entre la transparence et la publication. La transparence, c’est la rénovation de la vie politique. Mais vous l’avez fait par le petit bout de la lorgnette, par le trou de la serrure, pour reprendre l’expression de M. Aubert.

Deuxièmement, il n’a pas fait de choix. La consultation, c’est le pire des systèmes. Soit vous faites le choix de la publication et vous allez jusqu’au bout – c’est le choix d’Olivier Faure, de François de Rugy et de certains d’entre vous – soit vous le ne faites pas. Apparemment, c’est ce qu’ont décidé les députés socialistes et le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. A cet égard, je vous rappelle que si l’on est parvenu à ce compromis boiteux, c’est parce que le président de l’Assemblée nationale s’est opposé au Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pour ma part, je vous propose que le patrimoine de l’élu soit scellé par la Haute autorité que vous créez et qu’il ne soit publié qu’à titre de sanction, c’est-à-dire si l’élu ne respecte pas la loi. C’est la différence entre la démocratie paparazzi que vous prônez et la démocratie exemplaire que nous appelons de nos voeux.

Alors, oui, monsieur le ministre, il y a une différence entre vous et nous sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Monsieur Abad, je suis désolé de vous dire que la disposition que vous proposez a déjà fait l’objet d’un amendement hier. D’ailleurs, il y a beaucoup d’amendements qui se répètent. Je pense notamment à un amendement de M. Darmanin qui vise à remplacer les mots « Haute autorité » par « Autorité ». Nous avons déjà dit tout le bien et le mal que nous en pensons.

Nous avons indiqué hier pourquoi nous étions hostiles à la disposition que vous proposez. Nous considérons que la transparence n’est pas une punition.

M. Philippe Houillon. Allez jusqu’au bout !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous permettons la publication. Nos collègues de l’opposition qui trouvent que nous ne faisons pas la transparence totale ne font que présenter des amendements qui sont en retrait par rapport au texte tel qu’il existe aujourd’hui. Je ne vois pas pourquoi nous reculerions, car notre engagement est assumé par la majorité. Il s’agit d’un texte complet qui touche le patrimoine comme forme et la déclaration d’intérêts comme risque. Nous allons évidemment rendre public ce patrimoine puisqu’il sera consultable par les électeurs. Nous allons permettre le contrôle de l’évolution de ce patrimoine par une autorité indépendante qui vérifiera la sincérité de toutes ces démarches. Ce sont des pas supplémentaires.

Quand on prépare un texte, on relit ce que cette Assemblée a déjà dit quand elle a eu à travailler sur les mêmes sujets. C’est ce que le ministre et moi-même avons fait. Je vous invite à relire les débats de 1988, avant l’adoption de la loi de mars 1988 sur le financement des campagnes électorales. Les mêmes arguments que ceux qui sont repris ici étaient alors avancés : le statu quo est préférable, vous allez créer de la suspicion, etc. Ce texte avait été porté et voté par la gauche et aujourd’hui il constitue une référence. Vous-mêmes ne cessez de dire que le financement de la vie politique a été apuré par ce texte puis par celui de 1990. Avec le présent texte, ce sera la même chose demain. Nous faisons des pas supplémentaires en faveur de la transparence de la vie politique.

M. Damien Abad. C’est faux !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Vous les refusez ; c’est votre droit. La majorité assumera son vote en faveur de ce texte qui fait des pas supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Philippe Gosselin. C’est du spectacle !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je saisis l’occasion de dire à M. Abad – je ne l’ai pas fait hier soir alors qu’il défendait un amendement de même nature – à quel point notre conception de la transparence est opposée à la sienne. D’abord, je voudrais revenir sur ce qu’a dit M. Aubert tout à l’heure : je ne sais si nous regardons par le trou de la serrure, j’ai l’impression que c’est l’image du confessionnal qui s’impose. Cela devrait vous plaire. (Sourires.) C’est un confessionnal inversé, dans lequel le citoyen joue le rôle du curé, qui a le droit de recueillir des confessions, mais pas d’en parler.

M. Philippe Le Ray. Ne vous moquez pas !

M. François de Rugy. Nous ne sommes pas favorables à cette conception, mais nous ne sommes pas du tout favorables à la celle de M. Abad qui dit : « La transparence, c’est une punition. » Cela a peut-être la même origine idéologique que ce que j’évoquais à l’instant, mais nous pensons exactement l’inverse : la transparence fait œuvre de prévention et de dissuasion dans les conflits d’intérêts et les comportements visant à des enrichissements indus pendant un mandat. Voilà pourquoi nous voulons la transparence universelle, générale, dès le départ, au lieu de ne la faire qu’une fois que le mal est fait. Car c’est cela que vous proposez, monsieur Abad : faire la transparence lorsque le mal est fait.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. On voit que, dans ce débat sur la transparence, le Gouvernement fait un pas en avant, deux de côté et trois en arrière. J’entends bien ce que dit François de Rugy, mais justement, la transparence n’est pas pour moi une punition : c’est une dissuasion. On utilise la transparence pour dissuader les élus de tricher. La transparence n’est pas une fin en soi, c’est un moyen de restaurer le lien de confiance entre le peuple et les élus. Si c’est un moyen, si c’est un outil, alors il faut l’utiliser comme tel et non comme une fin idéologique. C’est pour cela que je propose de faire de la transparence un simple outil de dissuasion qui évite aux élus de faire certaines erreurs et d’aller dans l’illégalité. C’est un modèle qui est pratiqué en Belgique. Je repose la question que j’ai posée hier : y a-t-il des pays européens qui utilisent votre modèle de consultation sans publication ? Si oui, dans quelles conditions et comment ? Ou bien s’agit-il d’une spécificité française qui risquerait à son tour de disparaître un jour ?

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai bien compris que M. de Rugy était obsédé par les confessionnaux, et j’ai l’impression que la gauche est obsédée par la flagellation. (Sourires.) Nous n’avons pas la même conception de la transparence. En réalité, vous tentez de remplacer la responsabilité de l’élu devant le peuple par la transparence. Pour moi, la vie démocratique repose sur la responsabilité. Cela veut dire que je rends des comptes devant ceux qui m’ont élu, au terme de mon mandat. Vous substituez à ce contrôle par le peuple un contrôle dans une maison de verre : c’est une observation permanente de ce que fait l’élu, de ce qu’il vit, de ce qu’il dit et vous estimez qu’on fait ainsi progresser la démocratie. Eh bien moi, monsieur de Rugy, je ne veux pas de cette démocratie « Loft story ». Ce voyeurisme de la caméra, cette démocratie qui a été décrite dans 1984 je n’en veux pas. Vous la voulez et c’est pourquoi j’applaudis mon collègue lorsqu’il dit que la transparence, c’est la dissuasion. Je ne donne pas de sens moral à la transparence.

Vous êtes les nouveaux clercs – et d’ailleurs vous êtes prêts à trahir. Vous êtes les nouveaux clercs, c’est–à–dire que vous donnez un sens moral aux choses. Vous êtes persuadés que la transparence est bonne en soi. Non, monsieur de Rugy : la transparence n’est ni bonne, ni mauvaise. En revanche, vous ne contrôlerez pas ce que les gens voient et là est le problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n279 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n282.

M. Damien Abad. Il venait en conséquence de mon amendement précédent. Si nous adoptions un système dans lequel la publication serait une dissuasion, dans ce cas nous donnerions comme mandat à la Haute autorité de regarder uniquement la question de l’enrichissement. Pourquoi ? Parce que ce qui compte, c’est de savoir s’il y a eu enrichissement illégal ou pas entre le début et la fin du mandat. Si nous limitons le débat au patrimoine, nous présupposons qu’un député pauvre est par nature un bon député et qu’un député riche est par nature un mauvais député. Et j’en vois même qui hochent la tête : chère collègue socialiste, cette course au misérabilisme est une erreur fondamentale.

M. Yves Durand. Arrêtez !

M. Damien Abad. C’est un jeune député, avec peu de patrimoine qui vous le dit. Je vous le dis sincèrement et franchement : cela n’a pas de sens et faire ce genre de supputation n’élève pas la démocratie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Yves Durand. C’est stupide, comme argument !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je voudrais d’abord dire à M. de Rugy que, puisqu’il est pour la transparence totale et pour l’information complète de nos concitoyens, j’espère qu’il mettra le même zèle à défendre la vidéosurveillance dans les prochains débats sur la sécurité. Manifestement, vous êtes pour la transparence à outrance : j’espère que vous nous rejoindrez.

Je veux dire aussi à M. le ministre, à M. le président de la commission et à mes chers collègues que ceux qui déclarent dans les médias, sur les marchés, que la classe politique est corrompue et qu’elle n’a pas de volonté de transparence – les élus du Front national – ne sont jamais présents lorsque nous débattons de ces problèmes ici. Je pense qu’il faut le souligner sur tous les bancs de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Durand. N’importe quoi !

(L’amendement n282 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n252.

M. Philippe Gosselin. Nous sommes dans la même lignée que les amendements précédents de mon collègue Abad, que j’avais d’ailleurs cosignés. On l’a dit et redit, il n’y a pas de lien entre transparence et publication. Nous sommes ici dans le voyeurisme, nous ne cesserons de le répéter. Je reprendrai à mon compte cette expression de « démocratie paparazzi » qui émane tout de même d’un personnage important de l’État puisqu’il s’agit du président de l’Assemblée nationale.

Vous êtes dans l’idée de sanctionner, ce qui me paraît contraire à ce qu’il faudrait faire dans une démocratie qui se veut vivante et moderne. Ici, on jette clairement le patrimoine des élus à la figure des citoyens. On établit une présomption de culpabilité : si vous détenez un patrimoine, vous êtes coupable d’avoir réussi, d’avoir bien travaillé, d’avoir eu une bonne gestion de vos deniers. Le texte du Gouvernement n’incite pas à une bonne gestion du patrimoine qui, encore une fois, est considéré systématiquement comme douteux.

Il s’agit, en l’espèce et comme dans un certain nombre d’amendements, d’inverser le processus. Oui, il y a nécessité d’une transparence, mais on présume que les Parlementaires auront, dans la gestion de leur patrimoine, du bon sens et qu’ils feront leur déclaration correctement. Mais s’ils ne le faisaient pas, ce qui serait contraire à l’esprit comme à la lettre de la loi, ce qui trahirait une fraude, un détournement, un manquement, alors il devrait y avoir cette publication dans les conditions qu’on propose aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. J’entends bien la motivation de Philippe Gosselin, mais je pense qu’il s’est trompé : l’exposé des motifs n’a rien à voir avec l’amendement proposé, puisque l’alinéa 41 concerne les déclarations d’intérêts et d’activités déposées par le député. Il n’est pas question de patrimoine dans cet alinéa. Je pense que l’amendement n’a pas de fondement et devrait être retiré. Sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. C’est juste, il y a eu une inversion avec l’amendement no  257.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

(L’amendement n252 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no  378.

M. le ministre délégué. Cet amendement est de précision, mais je veux indiquer tout de même qu’il me paraît nécessaire de l’adopter pour assurer que les éléments relatifs à la vie privée des tiers qui figurent dans la déclaration d’intérêt ne sont pas rendus publics, à l’instar de ce qui est prévu à l’article 11 alinéa 2 du projet de loi. Autrement, nous avions prévu de protéger les éléments de vie privée qui figurent dans la déclaration de patrimoine, mais l’absence de parallélisme dans la rédaction pouvait laisser penser que les éléments de vie privés figurant dans la déclaration d’intérêts pouvaient se trouver publiés. Nous avons voulu avoir la même rédaction : c’est l’objectif de cet amendement du Gouvernement qui, je crois, s’impose de lui-même. Il ne fallait pas que l’absence de parallélisme dans la rédaction laisse place à une interprétation contraire à la volonté du législateur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le ministre, non, honnêtement, il y a quand même des limites. Il y a des limites à la capitulation que vous êtes en train d’accepter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)Nous ne parlons pas en ce moment du patrimoine, mais de la déclaration d’intérêts et des conflits d’intérêts. Nous sommes dans un domaine où il est indispensable de légiférer si nous voulons avoir un minimum de transparence et de contrôle. J’entends les arguments de mes collègues, mais je ne les partage pas tous ; dans ce domaine, il n’est pas possible d’invoquer l’atteinte à la vie privée. Il s’agit de pouvoir juger de l’autonomie et du sens de l’intérêt général de chacun d’entre nous. Quelle image pitoyable allons–nous donner en refusant que même ce point fasse l’objet d’une publication intégrale ? C’est juste impossible, il n’y a pas une démocratie en Europe qui ne fasse pas cela. Il s’agit de savoir si les activités qu’exerce un parlementaire sont de nature à entacher son jugement et le vote qu’il va émettre dans l’hémicycle. C’est normal.

Vous habillez habilement votre disposition, en disant qu’elle est destinée à protéger la vie privée, dans les mêmes conditions qu’en deuxième partie du texte. Je suis tout à fait capable d’entendre les éclaircissements que vous voulez apporter, mais si j’exerce une activité, qu’il n’est pas question d’interdire, nous avons besoin de savoir si cette activité n’est pas de nature à entacher ma perception de l’intérêt général. Je travaille, par exemple, pour une grande surface : quand je suis amené à me prononcer sur des textes concernant la grande distribution, il est nécessaire qu’il y ait un retrait.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je pense qu’il y a une erreur d’interprétation. Ce n’est pas du tout ce que vous venez d’évoquer. La protection porte sur les noms de tiers qui apparaissent. Si par exemple vous avez une maison dans votre déclaration de patrimoine…

M. Laurent Wauquiez. Nous ne parlons pas des déclarations de patrimoine !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si vous avez une activité professionnelle dans une société, des noms de tiers peuvent apparaître dans la déclaration. Il s’agit uniquement d’en sortir les noms des personnes, y compris s’agissant de l’origine des biens ou des actions que vous avez achetés. L’objectif est uniquement de ne pas laisser figurer dans ce qui est publié les noms d’un certain nombre de tiers. Je suis désolé de n’avoir probablement aucune capacité à vous convaincre, mais cet amendement n’est que technique. Il a été ajouté par souci de parallélisme des formes. Vous y voyez je ne sais quelle manipulation, mais franchement, vous êtes totalement dans l’erreur : cet amendement ne change rien au texte, c’est une simple précaution de rédaction qui figure déjà dans l’autre texte et c’est pour cela qu’au dernier moment, les services ont demandé son ajout. Il n’y a aucun débat sur la portée de cet amendement : je suis désolé de ne pouvoir vous convaincre, mais au moins que les autres parlementaires soient totalement rassurés. Cet amendement n’a qu’une portée rédactionnelle et rien d’autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour quelques secondes seulement car la clarification a été faite.

M. Laurent Wauquiez. Je voudrais juste, monsieur le ministre, une précision simple. Supposons que vous ayez une société, avec par exemple M. Fabre qui est l’un des acteurs de la pharmacie. Supposons aussi que j’aie une action commune avec M. Tapie : votre amendement purement technique va-t-il aboutir à ce que ne soient publiés ni le nom de M. Tapie ni celui de M. Fabre dans ma déclaration d’intérêt ? Est-ce que je me trompe 

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’ignore si vous le faites exprès, monsieur Wauquiez, mais il s’agit bien des membres de la famille. Il s’agit de ne pas impliquer les membres de la famille lorsqu’ils peuvent apparaître pour telle ou telle raison dans les déclarations d’intérêts. C’est uniquement cela.

M. Hervé Morin. Il ne s’agit pas des tiers !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les tiers ne sont pas concernés mais seulement, je le répète, les membres de la famille.

Cet amendement vise seulement à réparer un oubli et à harmoniser le projet de loi organique et le projet de loi. Un débat sur ce point n’a donc pas lieu d’être.

M. Pascal Popelin. L’opposition fait un mauvais procès !

(L’amendement n378 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n304.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

(L’amendement n304, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour soutenir l’amendement n258.

M. Laurent Wauquiez. La présente discussion, encore une fois, ne porte pas sur les déclarations de patrimoine mais sur ce qui, à mon avis, se situe au cœur du texte : les déclarations d’intérêts et d’activités destinées à s’assurer que l’on ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêts. Nous devons aller jusqu’au bout de votre logique de publicité des données et nous avons un moyen très simple d’y parvenir : les publier sur internet.

Votre texte laisse planer l’ambiguïté sur le mot « public ». Vous nous expliquez que la publicité telle qu’elle est organisée pour les déclarations de patrimoine serait conforme à ce que vous appelez « public ». Il faut donc lever cette ambiguïté, clairement, simplement : il s’agit bien d’une publicité immédiate, sans conditions, qui donnera à l’ensemble de nos compatriotes un droit de regard, de contrôle qui est à mon avis la meilleure des vertus.

M. René Dosière. M. Wauquiez n’a pas lu l’excellent rapport de la commission !

M. Laurent Wauquiez. De ce point de vue, autant, à propos du patrimoine, je rejoins certains des arguments développés par Damien Abad, autant, au sujet du conflit d’intérêts, il faut en revenir au principe énoncé dans De la démocratie en Amérique selon lequel le citoyen est le meilleur juge de la prévention du conflit d’intérêts.

M. Olivier Marleix. Il a raison.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Là encore, le rapport est précis : les données figureront vraisemblablement sur le site de la Haute autorité,…

M. Laurent Wauquiez. Alors écrivez-le !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. …mais pourquoi se limiter au site de la Haute autorité ? Pourquoi ne pas les faire figurer sur le site de l’Assemblée et sur celui du Sénat ? L’important n’est-il pas que ces données soient rendues publiques ?

De plus, nous avons décidé que la Haute autorité serait une autorité administrative indépendante. Nous lui laisserons dès lors le choix du moyen, étant convaincus que la notion de faire « rendre public » est explicite.

Avis défavorable.

(L’amendement n258, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Christophe Caresche. Ils ne sont pas terribles, ces amendements !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 24 et 352.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n24.

M. François de Rugy. Cet amendement porte sur les données qui pourront être publiées concernant les déclarations d’intérêts. Si l’on veut une publication large, ces données doivent pouvoir être reprises sans difficulté. Or le diable se niche parfois dans les détails : on sait qu’à la suite d’une décision de la CNIL sur le décret « Sunshine » relatif aux déclarations d’intérêts des médecins vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, les données ne peuvent pas être reprises par d’autres sites internet.

Nous avons un bon exemple à l’Assemblée : le site nosdeputes.fr qui reprend des données du site de l’Assemblée et les agrège. Nous voudrions la même chose pour les déclarations d’intérêts.

M. Philippe Le Ray. Pour que tout se retrouve éventuellement dans la presse, c’est très malin, ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n352.

M. Thierry Lazaro. Je partage l’analyse de M. de Rugy et j’ai le même souhait que lui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis défavorable. La commission est hostile à la sollicitation présentée ici, portée par un collectif souvent cité, « Regards Citoyens », et relayée par un certain nombre de députés. Nous sommes en effet vigilants sur la préservation des droits des données personnelles. Nous ne sommes par conséquent pas favorables à une réutilisation de ces données sans limites.

M. Philippe Le Ray. C’est de l’angélisme !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce n’est pas de l’angélisme, mon cher collègue, mais le respect du droit.

M. Philippe Le Ray. Nous en reparlerons !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. C’est le sens des limites de l’article 13 de la loi de 1978 qui prévoit l’accès aux documents administratifs à propos de la réutilisation des données à caractère personnel, dispositif du reste pas très contraignant.

Il faut donc que la personne à laquelle ces données se rapportent ait donné son consentement et qu’elles soient anonymisées. Il faut respecter les exigences de la loi du 6 janvier 1978, dite informatique et liberté, qui devraient conduire à interdire toute commercialisation de ces données. Nous ne souhaitons donc pas permettre leur accès tel que le prévoient les deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La réutilisation de ce qui aura été publié par la Haute autorité est une question relativement importante. Faut-il aller jusqu’à faire montre d’une certaine prévention vis-à-vis de sa propre initiative ? Le Gouvernement ne le pense pas. Dès lors que ces amendements visent à préciser que les informations contenues dans la déclaration d’intérêts pourront être réutilisées comme le prévoit l’article 13 de la loi du 17 juillet 1978, le Gouvernement est favorable à cette démarche.

Il nous semble en effet que a contrario si on limitait cette possibilité, l’interprétation du texte ne correspondrait pas forcément à la démarche générale du Gouvernement. Donc avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si je comprends bien, monsieur le ministre, le Gouvernement, contre l’avis de la commission, est favorable à ces amendements identiques, à savoir à la possibilité de réutiliser des données à caractère nominatif pour les porter dans l’espace public.

Cela montre la limite de l’ensemble du texte : à partir du moment où des données sont publiées – et je sais bien que s’il est ici question de la déclaration d’intérêts, je n’en oublie pas pour autant la déclaration de patrimoine, que j’appellerais la seconde jambe de ce projet de loi –, il est impossible, dans le monde moderne, d’en limiter la circulation.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. Malgré ce que vous prétendez, laissez-moi vous dire que vous n’y arriverez pas.

M. Philippe Le Ray. M. Poisson a raison !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est d’ailleurs toute la difficulté de l’exercice, et je vous renvoie à nouveau – comme hier pendant la discussion générale – au débat sur la loi HADOPI.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous défendions les mêmes arguments en vous reprochant de courir après des moyens que vous ne pourrez jamais utiliser et qui se révéleront inefficaces.

Dès lors que des données sont, d’une manière ou d’une autre, dans l’espace public, même si vous prévoyez une publication restreinte, conditionnée ou tout ce que vous voulez, vous n’empêcherez pas leur circulation, vous n’empêcherez pas leur utilisation, vous n’empêchez pas leur diffusion.

M. Philippe Le Ray. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et vous ne parviendrez même pas, dans de nombreux cas, à désigner le coupable de cette diffusion.

Aussi, en fin de compte, et c’est ce qui est grave, nous le risque reste très réel de l’inefficacité du dispositif que vous proposez. C’est la raison pour laquelle notre réserve est des plus forte sur tous ces amendements.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Wauquiez. Je n’ai aucun doute sur la bonne foi du ministre mais je crains que sa réponse n’ait été très rapide.

Mme la présidente. S’agit-il bien d’un rappel au règlement, monsieur Wauquiez ?

M. Laurent Wauquiez. En effet, madame la présidence, et mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, relatif à la clarté de la discussion.

Il ne faut pas que l’on nous raconte d’histoires sur les règles de publicité. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que le II de l’article 1er garantissait que le nom des autres membres de la famille ne serait pas diffusé. C’est faux. Je ne doute pas un seul instant, monsieur le ministre, que ce ne soit pas un mensonge mais c’est faux car le II précise, par exemple, que des personnes vous ayant cédé un bien mobilier ne seront pas mentionnées.

Si, par exemple, une transaction a eu lieu entre M. Fabre et M. Tapie ou tel député, ce ne sera pas mentionné. Or nous ne serions pas, dans ce cas, dans le cadre de la famille. Le même dispositif précise que si des biens mobiliers ou immobiliers sont détenus en indivision, les noms ne seront pas donnés.

L’information que vous m’avez donnée est donc fausse. Le dispositif que vous proposez ne vise pas à limiter la publicité juste dans des cas de simple voisinage ou de famille. Et j’espère que tout le monde écoute bien car nous sommes sur le point de porter une atteinte majeure au contrôle qui sera exercé sur les conflits d’intérêts. Ce que vous proposez, c’est de revenir sur tout un pan de la publicité. J’appelle donc l’attention de chacun d’entre nous : en soustrayant à la publicité des noms dont seule la connaissance permet le contrôle sur les situations de conflit d’intérêts, vous castrez une partie majeure du projet de loi.

De plus, l’élément d’information dicté à la va-vite par vos collaborateurs est faux puisque, contrairement à ce que vous avez prétendu, le dispositif n’est pas limité à la famille. Je souhaite une pause dans nos débats pour vous permettre de prendre tranquillement conscience de l’importance de l’amendement que vous avez déposé. Je souhaite également que vous expliquiez à la représentation nationale l’étendue de vos objectifs en matière d’atteinte à la publicité sur les déclarations d’activités et les conflits d’intérêts.

Article 1er  (suite)

Mme la présidente. Je souhaite que nous en revenions aux amendements nos 24 et 352.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il faut que chacun comprenne bien de quoi nous parlons : je ne suis pas certain que l’ensemble de nos collègues saisissent toutes les subtilités exprimées.

Il a été dit que tout ce qui serait en possession de la Haute autorité ne serait pas rendu public. Les noms des membres de la famille, les noms des tiers seront connus de la Haute autorité, mais ils ne seront pas rendus publics.

Les deux amendements identiques, s’ils étaient adoptés, conduiraient à rendre public tout ce que la Haute autorité connaît ; les données personnelles tomberaient donc dans le domaine public et seraient utilisables ad nauseam .

M. Lionel Tardy. Et alors ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Au nom du respect de la vie privée, je répète que la commission est défavorable à l’usage de données personnelles qui n’ont pas à être rendues publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je reviendrai sur l’article 1er puisque vous m’avez coupé la parole hier soir. Sur ces amendements comme sur d’autres, mes chers collègues, le choix est simple : soit nous prenons l’initiative et nous pourrons avoir notre mot à dire, soit nous subirons une évolution de toute façon inéluctable.

Certains ont cité le site nosdeputes.fr, animé par le collectif « Regards citoyens ». Tous s’accordent à reconnaître qu’il nous bouscule, que l’existence de ce site modifie notre manière de travailler. Beaucoup le déplorent et critiquent une course aux statistiques, aux chiffres pour figurer en bonne place dans les classements. Voilà, mes chers collègues, et vous y avez fait allusion, monsieur le ministre, un exemple d’évolution subie : nous sommes à la remorque d’une initiative citoyenne qui s’est organisée sans nous pour procurer à nos compatriotes des informations auxquelles ils ont droit et que nous nous gardions bien de leur fournir.

À l’époque, si le site de l’Assemblée n’avait pas supprimé tout comptage des interventions des députés, du nombre des questions posées, surtout, si notre manière de travailler avait été plus transparente, peut-être que ce site – et d’autres pourront naître à la faveur de ce texte –, n’aurait sûrement pas vu le jour ou aurait eu d’autres fins que l’activité des députés.

Sur ces questions de conflits d’intérêts et de transparence, de même, nous n’avons pas le choix : la demande sociale est très forte. Soit nous prenons l’initiative, soit les mesures de transparence nous seront imposées par les électeurs.

M. Thierry Lazaro. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je souhaite que nous en revenions aux amendements en discussion car M. Wauquiez a tenté d’introduire une sorte de cavalier dans le débat en revenant à une question évoquée précédemment et j’ai eu l’impression qu’on lui répondait plutôt que d’évoquer les amendements.

M. Gérald Darmanin. Mais non !

M. François de Rugy. Le président de la commission a donné un avis défavorable au nom de la commission et le ministre un avis favorable au nom du Gouvernement. Je souhaite qu’on ne mélange pas les débats, qu’on ne s’embrouille pas. Je rappelle que notre amendement vise à compléter l’alinéa 41 qui porte bien sur les informations qui peuvent être rendues publiques par la Haute autorité. Il s’agit bien de permettre, comme vient de le déclarer notre collègue Tardy, que les données rendues publiques puissent être agrégées dans ce qu’on appelle l’ open data. De nombreuses collectivités publiques, notamment dirigées par des élus qui doivent bien être députés par ailleurs, développent ce type de dispositif.

Pas plus tard que cet après–midi, un article est paru dans Le Monde , dénonçant la culture de l’opacité et du secret de l’administration, qui refuse de se soumettre aux avis de la Commission d’accès aux documents administratifs. Nous avons ici l’occasion de montrer que nous rompons avec cette culture et, comme vient de le dire Lionel Tardy, que nous prenons les choses en main. J’aimerais donc que nous votions cet amendement sans que nos échanges soient brouillés par des considérations se rapportant à des amendements déjà votés.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Nous sommes sans arrêt tiraillés, dans l’examen de ce texte, entre notre souci de transparence et l’obligation de respecter la vie privée.

Compte tenu des explications complémentaires que vient de donner le rapporteur de la commission des lois, le groupe socialiste votera contre cet amendement.

M. Lionel Tardy. Aucun courage politique ! Il faut aller jusqu’au bout !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je trouve que c’est une position opportune et je suis sensible aux arguments du rapporteur : faire figurer sur le site internet toutes les informations dont dispose la Haute Autorité au sujet des déclarations d’intérêts serait totalement contradictoire avec ce que nous avons voté précédemment.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Comme nous sommes tous soucieux de cohérence, nous ne pouvons que voter contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Nous avons besoin d’éclaircissements ! L’amendement déposé par M. de Rugy me va très bien. Il consiste à pousser assez loin la transparence en matière de déclarations d’activités et de conflits d’intérêts. Mais la position adoptée par le président de la commission des lois est en totale contradiction avec ce qu’a indiqué le ministre et avec l’amendement du Gouvernement qui vient d’être adopté : M. le ministre nous a indiqué que son amendement visait seulement à ce que les informations sur les conflits d’intérêts relatives à la famille ne soient pas rendues publiques.

Afin d’éclairer l’Assemblée et pour bien comprendre l’amendement de M. de Rugy, je me permets de vous lire ce à quoi renvoie le II du texte proposé pour l’article L.O. 135–2 : « Ne peuvent être rendus publics, s’agissant de biens mobiliers… les noms des personnes qui possédaient auparavant les biens mentionnés dans la déclaration ». Il n’est pas question de la famille.

En d’autres termes, si un homme d’affaires, plus ou moins crapuleux, vous a cédé un bien mobilier, son nom n’est pas rendu public ! Si M. Tapie vous a cédé son hôtel particulier, son nom n’est pas rendu public. Si M. Cahuzac a racheté à tel patron de l’industrie pharmaceutique un appartement, non, son nom n’est pas rendu public. Voilà ce que nous avons voté, et l’éclairage que nous a donné le ministre, dont je ne mets pas en doute la bonne foi, n’est pas correct : ce n’est pas juste pour la famille, pour la vie privée. L’amendement du Gouvernement était à cet égard proprement scélérat : il aboutit à supprimer toute une partie de la publicité sur les conflits d’intérêt. Ayons au moins l’honnêteté de l’assumer.

Monsieur le ministre, vous nous avez assuré tout à l’heure que cela revenait à supprimer la publicité seulement pour les noms des familles ; est–ce vraiment le cas ? Si je lis bien le II, ce n’est pas le cas : cela vaut pour tous les tiers.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, je me permets de demander au président de la commission des lois et à M. le ministre de nous apporter des éclaircissements sur ces amendements, car je ne suis pas sûr que tout le monde retrouve ses petits dans ce galimatias.

Auriez-vous donc l’amabilité, monsieur le ministre, de nous repréciser le cadre de l’amendement et ce qui justifie la position de la commission, afin que chacun puisse décider en connaissance de cause ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. De quel amendement parlez-vous ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne parle pas des amendements précédents, monsieur le ministre, puisqu’ils ont été votés. En revanche, ceux dont nous sommes en train de débattre m’intéressent au plus haut point.

Mme la présidente. Nous parlons bien de l’amendement n24 et de lui seul.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous parlons bien de l’amendement en discussion, qui concerne les conditions d’application de la loi de 1978 et de son éventuelle extension au domaine que nous examinons aujourd’hui. Il ne s’agit pas de revenir sur l’amendement qui a été voté et à propos duquel l’interprétation du Gouvernement et celle de la commission divergent – nous ferons, au besoin, une communication là-dessus.

Le Gouvernement a émis sur l’amendement no  24 un avis favorable, à l’appui duquel il n’a pas à donner d’autres arguments, si ce n’est que les données en question doivent être réutilisables. Le rapporteur a de son côté exposé ses propres arguments. On ne peut être plus précis.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Pour le coup, je confirme ce que dit le ministre : nous avons une divergence d’interprétation. M. de Rugy nous dit que son amendement à l’alinéa 41 vise à ne rendre publics que des éléments déjà publiables. Je n’en fais pas la même lecture : selon moi, son amendement permettra que soient rendus publics et utilisables par tous les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, partenaire ou concubin, bref, des données personnelles, ce à quoi je ne suis pas favorable.

M. Lionel Tardy. Mais allons–y, c’est ce que vous voulez ! Nous ne sommes plus à cela près !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Wauquiez. Si jamais nous ne votons pas l’amendement de M. de Rugy, nous revenons aux règles de publicité antérieures instaurées par l’amendement gouvernemental.

Afin d’éclairer notre vote sur l’amendement de M. de Rugy, je demande au ministre qu’il nous précise clairement si l’amendement du Gouvernement restreint la publicité uniquement pour les informations liées à la famille ou si elle la restreint également pour des tiers.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

Mme la présidente. Ce n’était pas un rappel au règlement, monsieur Wauquiez.

Article 1er  (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je souhaite répondre au rapporteur. Nous parlons de l’alinéa 41 : « Les déclarations d’intérêts et d’activités déposées par le député [… ], les observations qu’il a formulées sont rendues publiques par la Haute Autorité de la transparence de la vie publique. » Ce sont ces données dont nous souhaitons qu’elles soient en open data , comme on dit. Elles sont énumérées dans les alinéas 26 à 38, où il n’est pas question ni des adresses ni de quelconques données personnelles. Il s’agit des déclarations d’intérêts dont vous avez vous-même voulu, monsieur le rapporteur, qu’elles soient rendues publiques – et ce n’est pas moi qui vous en ferai le reproche, bien au contraire.

Mme la présidente. Je pense que l’Assemblée est désormais suffisamment éclairée sur l’amendement n24…

M. Hervé Morin. Non ! Je demande une suspension de séance !

Mme la présidente. Monsieur Morin, vous n’avez pas de délégation de votre groupe. Je ne peux donc pas vous accorder cette suspension.

M. Michel Ménard. Si M. Morin ne respecte pas le règlement…

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance, qui permettra à notre groupe et au groupe UDI de se réunir mais surtout au Gouvernement de répondre aux questions que lui posent les parlementaires.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons passer au vote sur les amendements nos 24 et 352…

M. Hervé Morin. Non ! Nous aimerions avoir des explications du ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Des explications paraissaient nécessaires sur ces amendements pour ce qui concerne la portée de la publicité, la protection que nous avions instaurée et la rédaction « miroir » entre les conflits d’intérêts et la déclaration de patrimoine. Les interrogations peuvent être légitimes quant au résultat de l’amendement de M. Wauquiez. Nous allons préciser la rédaction afin que l’interprétation que j’avais évoquée ne puisse pas être éventuellement remise en cause. Nous allons le faire durant la séance, afin qu’il n’y ait plus de problème. Nous partageons le même objectif ; il y a un problème de rédaction dans le texte et nous sommes prêts à examiner les améliorations que nous pouvons apporter.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Nous allons arriver au vote de l’amendement n°24 présenté par notre collègue de Rugy, identique à l’amendement n352. J’indique que le groupe SRC votera contre ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Le Gouvernement reconnaît avoir commis une erreur dans la rédaction de son amendement. J’en prends acte.

Nous avons affaire à deux choses extrêmement différentes. Si, sur la déclaration du patrimoine, on doit veiller à protéger la vie privée de l’entourage de l’élu, il y a en revanche un point sur lequel on doit être dans la transparence absolue, ce sont les relations que cet élu pourrait avoir avec des tiers – et même les relations que sa famille, son conjoint ou sa conjointe pourraient avoir avec des tiers : un actionnariat commun, la vente ou l’achat de telle ou telle partie du patrimoine, des relations commerciales que pourrait avoir le conjoint avec tel ou tel grand groupe privé ou tel ou tel lobby, tout cela peut avoir des conséquences précises sur la vie de l’élu, ses positionnements ou ses décisions politiques. S’il est un sujet sur lequel on doit être dans la transparence, c’est bien la question des éventuels conflits d’intérêts. Je suis très clairement favorable à une publication intégrale des éventuelles relations qui pourraient être un facteur de conflits d’intérêts quand il s’agit des tiers ou de la famille.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous avons affaire à deux débats qui se mélangent et s’imbriquent… Le Gouvernement a apporté une précision ; c’est une excellente chose.

Cela étant, je reviens à notre amendement. Cette suspension de séance n’aura pas été inutile : nous avons avec le rapporteur une petite divergence d’interprétation. Le fait que l’alinéa 41, qui concerne la publicité des déclarations d’intérêts et d’activité, et la phrase introduite par notre amendement soient séparées aurait, à l’entendre, pour conséquence que notre amendement ne porterait pas que sur l’alinéa 41. Cela me surprend beaucoup. J’ai invité le rapporteur à sous-amender notre amendement, s’il souhaitait le préciser. Si ce n’est pas le cas, j’invite nos collègues, et notamment ceux du groupe SRC, à suivre l’avis favorable du Gouvernement, sachant qu’un sous-amendement ou un autre amendement pourra toujours être adopté soit au Sénat, soit lors de la deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je remercie M. le ministre d’avoir été de bonne foi. Il ne s’agissait pas en effet d’un simple éclaircissement, mais de corriger une erreur de rédaction dans un amendement – cela peut arriver à tout le monde. Le ministre s’est engagé à corriger la rédaction du II afin de ne pas soustraire à la publicité les relations transactionnelles portant des biens immobiliers ou mobiliers avec des tiers, qui peuvent être à l’origine de conflits d’intérêts sur les déclarations d’intérêts et d’activités. La publicité doit être restreinte seulement lorsqu’il s’agit des membres de la famille. Cela permettra d’atténuer l’impact de l’amendement initial du Gouvernement et de faire la différence entre la publicité de la déclaration du patrimoine et la publicité de la déclaration d’intérêts et d’activités. Cela montre l’intérêt du débat parlementaire, car nous nous apprêtions à aller très loin sur la remise en cause de la publicité.

Le ministre s’est engagé à corriger la rédaction du II afin que, s’agissant des conflits d’intérêts sur les déclarations d’intérêts et d’activités, ne soient pas soustraites à la publicité les relations transactionnelles avec des tiers, s’agissant des biens immobiliers ou mobiliers. La publicité doit être restreinte uniquement lorsqu’il s’agit des membres de la famille.

Cela permettra de corriger l’impact de l’amendement initial du Gouvernement qui était bien supérieur, et donc, de faire la différence entre la publicité de la déclaration du patrimoine et la publicité de la déclaration d’intérêts et d’activités.

(Les amendements identiques nos 24 et 352 ne sont pas adoptés.)

M. Laurent Wauquiez. Cela montre l’intérêt du débat parlementaire, car nous nous apprêtions à aller très loin sur la remise en cause de la publicité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n59 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Cet amendement devrait susciter un débat moins long que celui que nous venons d’avoir. Il répond à un pur souci de parallélisme des formes. La commission avait prévu de permettre à tout citoyen d’adresser à la Haute autorité des observations écrites sur les déclarations de patrimoine. Nous avions omis, lors de la réunion de la commission, d’en faire de même pour les déclarations d’intérêts. Le but de l’amendement n59 rectifié est de permettre aux citoyens de faire des observations sur cette seconde déclaration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Favorable.

(L’amendement n59 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l’amendement n51.

M. Olivier Faure. Je vais me répéter par rapport à ce que j’ai déjà dit dans la discussion générale, mais je voudrais rappeler que nous sommes une exception dans la République française : nous sommes les seuls à voter nos propres revenus, nos propres règles et les sanctions qui peuvent s’appliquer à d’éventuels manquements. Cela suppose en contrepartie que nous soyons nous-mêmes transparents pour nous placer de notre propre gré sous le contrôle public de nos concitoyens. Avec mes collègues cosignataires de l’amendement n°51, nous souhaitons ne pas donner le sentiment de nous protéger et faire accepter l’idée que nous pouvons tout à la fois protéger la vie privée et être plus transparents.

Cela suppose en contrepartie que nous soyons nous-mêmes transparents pour nous placer de notre propre gré sous le contrôle public de nos concitoyens.

Je m’explique. Ce qui relève du patrimoine acquis avant l’élection ne regarde personne. En revanche, son accroissement, son évolution pendant la durée du mandat devrait être placés sous le contrôle de nos concitoyens. J’ajoute que personne ne devrait en avoir peur, dans la mesure où tous les revenus perçus durant cette période seront désormais publics : ce qui vaut pour nos indemnités sera désormais valable pour toutes les rémunérations annexes qui devront faire l’objet d’une déclaration publique. Je propose d’aller au bout de la logique et de rendre transparent l’accroissement ou l’évolution du patrimoine entre le début et la fin d’un mandat. C’est la meilleure façon de solder un débat que nous avons depuis de longues semaines et qui donne le sentiment à nos concitoyens que nous cherchons à nous protéger, que nous ne voulons pas aller jusqu’au bout de la logique de transparence que nous défendons. Nous devons accepter l’idée que nous pouvons tout à la fois protéger la vie privée et être plus transparents. Ne laissons pas croire à nos concitoyens que nous ne sommes pas déterminés à aller jusqu’au bout de la logique de transparence que nous défendons.

Je suggère que nous allions au bout de la logique et que nous rendions transparent l’accroissement ou l’évolution du patrimoine entre le début et la fin d’un mandat. C’est la meilleure façon de solder un débat que nous avons depuis de longues semaines et qui donne le sentiment à nos concitoyens que nous cherchons à nous protéger, que nous ne voulons pas aller jusqu’au bout de la logique de transparence que nous défendons.

M. Daniel Boisserie. C’est ce qu’attendent nos concitoyens !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à l’amendement d’Olivier Faure et de ses collègues, car elle estime que l’amendement est en partie satisfait.

Nous avons fait remonter à six mois avant la fin du mandat le moment où la Haute autorité aura à se prononcer sur la déclaration de patrimoine qui clôt le mandat. S’il y a une évolution inexpliquée du patrimoine, la Haute autorité saisira le procureur et rendra public le nom de l’assujetti qui aurait ainsi contrevenu aux réglementations.

A contrario, cela veut dire, pour tous ceux qui n’auraient pas fait l’objet d’une publicité d’évolution du patrimoine, que cette évolution n’aura suscité aucune remarque. Ce sera donc un quitus.

Ce qui nous intéresse dans cette affaire, c’est le contrôle, pas la publicité. Il peut y avoir des évolutions naturelles du patrimoine. Pourquoi les rendre publiques ? D’autant que, depuis 1988, la commission nationale a regardé beaucoup de patrimoines évoluer. Sur 11 000 évolutions de patrimoine, elle a considéré que seulement quatorze étaient inexpliqués. Nous considérons donc que l’amendement est satisfait par le processus mis en place par la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable. Cela aurait pu être un processus alternatif à celui que nous avons décidé. Il serait parti du postulat qu’il fallait seulement traiter de l’augmentation du patrimoine. Mais cela aurait été contradictoire avec le principe de la publicité du patrimoine lui-même. Nous avons d’ailleurs eu ce débat. Si l’on a à la fois la publication du patrimoine et la publication de l’accroissement du patrimoine, on ajoute un élément surabondant.

M. Damien Abad. Cet amendement révèle vos contradictions, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le problème, c’est que si l’on a à la fois la publication du patrimoine et la publication de l’accroissement du patrimoine, on ajoute un élément surabondant.

Nous avons mis en place un système, mais si la droite veut soutenir cet amendement, elle s’en expliquera. Nous devons aujourd’hui préserver la logique, la cohérence de ce que nous avons décidé, c’est-à-dire à la fois la question des formes particulières de déclaration sur le patrimoine, celle des formes de consultation, celle du pouvoir de contrôle de la Haute autorité et celle du pouvoir d’alerte citoyen. Rajouter un étage au dispositif aboutirait à le déséquilibrer. Ce n’est pas utile, même si, intellectuellement, une telle approche pouvait se concevoir et aurait pu avoir de la cohérence ; mais il aurait fallu réfléchir autrement. Croiser les deux systèmes aboutirait à un résultat illisible.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. J’ai écouté avec attention notre collègue Faure, qui a le mérite de poser la question d’une façon un peu différente de celle du ministre et du rapporteur.

Cependant, monsieur Faure, cela n’empêchera pas les petites subtilités des plus malins qui pourront, par exemple, faire des donations. Si l’évolution du patrimoine est la seule chose qui compte dans l’appréciation de la Haute autorité, cela ne me paraît pas correspondre tout à fait à la transparence que vous souhaitez.

Par ailleurs, j’ai été choqué par la phrase que vous avez mise en avant : selon vous, le patrimoine acquis avant l’élection n’intéresserait personne. Il me semble que si nous sommes là depuis hier, c’est grâce, ou plutôt à cause de M. Cahuzac ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la vérité, chers collègues !

Ce qui est choquant dans l’affaire de M. Cahuzac, ce n’est pas le patrimoine qu’il possède depuis qu’il est parlementaire ou ministre ; ce qui nous préoccupe tous - le Gouvernement, la majorité et tous les Français -, c’est le patrimoine qu’il a acquis, notamment avant de devenir parlementaire.

Quitte à choisir entre les deux textes, je préfère celui du rapporteur qui me paraît correspondre, sans esprit de polémique, davantage à la réalité de la transparence que nous souhaiterions mettre en œuvre. Car votre amendement est sans doute philosophiquement intéressant, mais à mon avis inopérant. Et surtout, il ne correspond pas à la demande qui nous est faite, eu égard à la probité discutable de M. Cahuzac.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. L’amendement de notre collègue Faure est intéressant en ce qu’il soulève à nouveau le débat. Cela dit, il pose un petit problème de rédaction. Quel est le sens, par exemple, de l’expression « à l’issue du mandat » ? Si c’est après les élections, cela aura moins d’intérêt qu’avant. Mais si c’est avant, dans quelle période, sur combien de mois ? Quid par exemple des observations que ferait un député sur ce qui lui serait dit, et quand devrait-il les fournir ?

Par ailleurs, cet amendement pose un problème de principe. Personnellement, je trouve bizarre de braquer le projecteur uniquement sur le patrimoine et ses variations pendant un mandat  : cela donne le sentiment que c’est durant son mandat que l’on soupçonne le plus un député ou un sénateur de s’enrichir. Il ne me choque pas qu’un député ou un sénateur s’enrichisse au cours de son mandat ; ce qui me pose problème, c’est l’enrichissement indu, peu importe si c’est pendant ou avant un mandat.

Malgré toutes ces réserves, je voterai pour cet amendement s’il est maintenu car c’est une brèche dans le dispositif que j’ai appelé « publication non publiable » adopté en commission et auquel nous sommes farouchement opposés./

M. Damien Abad. Eh oui ! C’est une contradiction !

M. François de Rugy. Nous pensons qu’il est intenable. Je fais d’ailleurs le pari qu’il ne tiendra même pas un mandat entier et qu’il faudra revenir dessus, tant il y aura de contestations et tant la haute autorité sera instrumentalisée. M. Faure propose une première brèche : engouffrons-nous dedans, votons-la, il y en aura d’autres et nous proposerons d’en revenir au texte du Gouvernement. Chaque fois que l’on pourra revenir sur le dispositif de « publication non publiable », il faudra le faire.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Quel que soit l’intérêt de l’amendement proposé par Olivier Faure, j’y suis pour ma part défavorable. (Sourires.) J e reprendrai l’argumentation de François de Rugy et d’autres : c’est toujours l’évolution du patrimoine qui est l’objet essentiel des recherches d’informations et qui importe pour détecter un enrichissement indu. C’est la mission de l’actuelle commission pour la transparence financière de la vie politique ; la nouvelle autorité sera également chargée du même dossier en vertu du texte proposé pour l’article L.O. 135-5 à l’alinéa 73.

Mais l’important se trouve à l’alinéa 74: une fois que le député a été mis en mesure de produire ses observations, s’il y a eu manquement à l’une des obligations prévues ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles la haute autorité ne dispose pas d’explications suffisantes, celle-ci transmettra le dossier au parquet. Rien n’est plus important, même en matière d’information, car une fois que le dossier est transmis au parquet, il est peu probable que celui-ci le classe ; tout porte à croire au contraire qu’il poursuivra. Il y a là un effet maximal de publicité et d’information du public, vraiment porté à son degré le plus élevé. Ne craignons donc pas l’absence d’information du public sur l’évolution de la situation patrimoniale d’un parlementaire en pareil cas.

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. J’entends ce qui est dit, mais je ne retirerai pas cet amendement et je vais m’en expliquer.

À propos de l’empilement des dispositifs, le rapporteur et le Gouvernement opposent l’idée d’une consultation possible du patrimoine des parlementaires. On a bien dit « consultation » : il n’y a donc pas de publicité. Du reste, tous nos débats tendent à garantir que cette possible consultation ne donnera pas lieu ensuite à divulgation par quelque moyen que ce soit.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est absolument irréalisable !

M. Olivier Faure. Quant à l’évolution du patrimoine, nous devons au contraire chercher à publier. Pourquoi ? Parce que nous voulons nous placer sous le contrôle et le regard de nos concitoyens : c’est la meilleure façon de leur dire qu’ils sont eux-mêmes en capacité d’apprécier la véracité de ce que nous affirmons. Les lanceurs d’alerte, ce sont eux, qui pourront demain comparer un niveau de vie déclaré et un autre constaté. Ce sont eux qui pourront se rendre compte. Parce que nous sommes des élus de la République et que, je le répète, nous sommes les seuls à fixer notre propre revenu et nos propres sanctions.

M. Christian Jacob. Et la séparation des pouvoirs ?

M. Olivier Faure. Il est donc logique que ceux qui nous ont mandatés pour siéger ici puissent être témoins et vérifier que le salaire qu’ils nous versent, car c’est bien de cela qu’il s’agit, soit employé de la bonne façon.

Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas un salaire !

M. Guy Teissier. C’est une indemnité !

M. Olivier Faure. Des indemnités vous sont aujourd’hui accordées parce que vous êtes élus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si je pouvais finir mon propos, ce serait quand même plus simple !

M. le président. La parole est à M. Faure et à lui seul.

M. Olivier Faure. Il n’est pas illogique que nos concitoyens, qui nous ont accordé leur confiance, puissent pendant la durée du mandat contrôler l’accroissement de notre patrimoine. C’est pour eux la meilleure façon de vérifier ensuite l’absence d’enrichissement sans cause, outre celui qui s’explique par les revenus que nous déclarons. La période pendant laquelle nous sommes élus fait de nous des citoyens extraordinaires qui doivent être exemplaires. L’exemplarité, ce n’est pas simplement un mot ou un slogan, cela doit être aussi une réalité. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas une démonstration !

(L’amendement n51, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 148 et 174.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n148.

M. Thierry Lazaro. Les déclarations de situation patrimoniale que les députés déposeront demain devant la haute autorité de la transparence de la vie publique passeront par l’administration fiscale qui lui fournira à son tour, dans un délai de soixante jours, tous les éléments lui permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration de la situation patrimoniale, en particulier la déclaration d’impôt sur le revenu et éventuellement de l’ISF. Ce faisant, l’alinéa 42 pose à mes yeux le principe d’automaticité du contrôle fiscal pour les parlementaires, ce qui me semble contraire à nos règles de droit : j’y vois une véritable rupture d’égalité entre contribuables.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n174.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mes explications sont exactement les mêmes que celles que vient de donner excellemment notre collègue Lazaro, je n’en rajoute donc pas. L’automaticité du contrôle fiscal est de notre point de vue problématique. Il convient donc de supprimer l’alinéa 42.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président, précisément parce que nous ne voulons plus connaître ce qui est arrivé il y a quelques semaines. Si cela est arrivé, c’est parce que la commission ne disposait pas des moyens que nous souhaitons donner à la haute autorité.

M. Matthias Fekl. Absolument !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il n’y a pas ici de contrôle fiscal, mais un contrôle de l’exhaustivité de la déclaration telle qu’elle a été déposée par le parlementaire. Ce faisant, nous mettons en pratique une notion très forte à laquelle nous sommes extrêmement attachés : le contrôle.

M. Matthias Fekl. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’avis est identique. Ce que vient de dire M. le rapporteur et ce qui est dans le texte paraît normal. Il n’y a pas lieu d’invoquer une rupture d’égalité : nous sommes dans une loi sur la transparence de la vie publique, les citoyens veulent donc être sûrs que la déclaration est sincère et exhaustive.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je voudrais, à la lumière des réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre mais aussi de l’intervention de notre collègue Olivier Faure, revenir sur un point. Notre collègue nous expliquait qu’il est choquant que le Parlement vote les indemnités Parlementaires. Mais c’est la logique même de la VRépublique et de la séparation des pouvoirs. Remettre cela en cause par une haute autorité revient à mettre le Parlement sous tutelle et porte une atteinte inédite à la VRépublique :son président sera nommé par l’exécutif et aura comme mission de mettre sous tutelle et de surveiller les Parlementaires ! C’est une réelle atteinte aux principes de la Ve République, en particulier celui de la séparation des pouvoirs ! Je trouve tout cela extrêmement choquant.

On tente de nous expliquer qu’il n’y aura en fin de compte aucun contrôle et on parle allègrement de salaire. Or il ne s’agit pas de salaire, mais d’indemnité ! Être Parlementaire n’est pas un métier ! Comme vous l’avez vous–même rappelé à raison ce matin au cours d’une émission, monsieur le ministre, la durée moyenne de mandat d’un Parlementaire est de sept ans. Ce n’est donc pas une profession rémunérée par un salaire que nous nous voterions! Cela n’a rien à voir !La séparation des pouvoirs distingue le législatif d’un côté, l’exécutif de l’autre, et l’exécutif n’a pas vocation à mettre le législatif sous tutelle ; or c’est précisément ce que font ce texte et la haute autorité.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les parlementaires ne sont pas les seuls concernés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. M. le ministre nous dit qu’il ne s’agit pas de contrôle fiscal. Qu’il me permette, en réponse, de relire l’alinéa 42 qui me paraît tout de même assez clair : « L’administration fiscale fournit à la haute autorité tous les éléments permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration de situation patrimoniale. » Cela veut dire, pour être clair, que l’administration fiscale contrôle l’ensemble des données fiscales permettant d’établir l’exactitude de la déclaration patrimoniale fournie par les élus. Appelons les choses par leur nom : c’est un contrôle fiscal. Que l’éventualité d’une rupture d’égalité causée par cet alinéa vous gêne, monsieur le ministre, je puis le comprendre mais, précisément, le Conseil constitutionnel sera sans doute en situation d’apprécier la constitutionnalité de cet élément.

Mme Valérie Boyer. Bravo !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement.

Je vous fais cependant remarquer, mon cher collègue, que deux orateurs de votre groupe se sont déjà exprimés, ce qui nous fait quatre orateurs en tout. Il serait bon d’avancer…

M. Gérald Darmanin. Monsieur le président, la procédure accélérée se déroulait correctement jusqu’à présent. Je ne défends pas tous les amendements que j’ai déposés pour complaire au président de la commission des lois. Mais sur des sujets importants, il est important de le faire. Mon rappel au règlement s’inscrit dans le cadre de l’article 58, alinéa 1 afin de répondre à M. Olivier Faure…

M. le président. Dans ce cas, ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Darmanin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. On peut aussi suspendre la séance, monsieur le président, et je peux défendre tous mes amendements !

M. le président. Allons, chers collègues, ne perdons pas notre calme. En quoi consiste votre rappel au règlement, monsieur Darmanin ?

M. Gérald Darmanin. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement et vise à éclairer les débats à la suite de ce qu’a dit M. Urvoas en rappelant une affaire qui a éclaté il y a quelques semaines. Le problème, monsieur le président Urvoas, c’est que le cas de M. Cahuzac ne s’est pas passé ainsi. Ce n’est pas sans importance pour comprendre l’automaticité du contrôle fiscal pour les parlementaires, outre les dispositions anticonstitutionnelles soulevées par M. Poisson. Que s’est-il passé ? M. Garnier, contrôleur fiscal, a signalé l’existence dans sa circonscription…

M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Darmanin. Nous allons passer au vote. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. On ne peut pas travailler dans ces conditions !

Article 1er   (suite)

(Les amendements identiques nos 148 et 174, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n356.

M. Thierry Lazaro. Mes collègues et moi-même considérons que la publicité des déclarations d’intérêts prévue à l’alinéa 41 vient en contradiction avec l’alinéa 50 qui encadre la publicité des déclarations prévue à l’ensemble du titre premier. Afin de séparer clairement les différents devoirs et obligations en termes de publicité et la réutilisation des informations contenues dans les déclarations d’intérêts d’une part et les déclarations patrimoniales d’autre part, il conviendrait de séparer ces deux notions dans des paragraphes distincts.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur l’organisation de notre séance. Beaucoup d’amendements ont été déposés et certains de nos collègues ne défendent pas les leurs, car ils estiment que, en dépit de nos points de désaccord, les explications du rapporteur et du Gouvernement sont assez éclairantes pour que nous votions en connaissance de cause. Il est en revanche des sujets sur lesquels il est opportun d’entendre plusieurs orateurs, faute de quoi chacun défendra tous les amendements qu’il a déposés et nous n’y gagnerons pas en temps. Je voulais simplement rappeler cela afin que nous prendre parfois le temps d’entendre trois ou quatre intervenants sur un même amendement.

M. le président. Monsieur le président, je ne suis pas en désaccord sur le principe ; cela étant, il est plus intéressant d’entendre des orateurs de groupes différents plutôt que la succession d’orateurs du même groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er   (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no  356 ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Ceux qui suivent nos travaux et y participent depuis le début n’ont pas été frappés par un contingentement de la parole. Nous avons entendu de nombreuses interventions portent sur le même sujet, voire le même amendement, par les membres d’un même groupe…

M. Damien Abad. Sauf depuis que M. Baupin préside la séance !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Tout cela est bien normal. Dans le cas d’espèce, plusieurs amendements visent à revenir une fois de plus sur la publicité des déclarations de patrimoine. L’avis de la commission est défavorable. Qui plus est, je proposerai des amendements portant sur l’alinéa 50, qui devraient satisfaire notre collègue Lazaro.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Un point appelle néanmoins une précision. L’amendement de M. Lazaro va exactement dans le sens de l’engagement que vous avez pris devant nous, monsieur le ministre. Nous voulons être assurés que vous vous y tiendrez en effet et qu’un travail à ce sujet est bien enclenché.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je m’y tiendrai.

M. Laurent Wauquiez. Je vous remercie.

(L’amendement n356, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement no  305.

M. Gérald Darmanin. Je n’avais pas forcément l’intention de défendre cet amendement, monsieur le président, mais votre attitude m’y incite, ce qui montre bien qu’à vouloir aller trop vite, on ne gagne pas toujours de temps – surtout que j’ai vingt-huit amendements similaires à défendre.

Même si nous avons déjà voté, je souhaite revenir, pour la postérité, que m’assurera le compte rendu, mais aussi pour éclairer nos amis sénateurs, sur une discussion que nous avons eue hier soir au sujet d’un amendement relatif à la mission de contrôle de la haute autorité. Le contrôleur fiscal Rémy Garnier avait signalé à son administration qu’il y avait peut-être un problème avec la déclaration de M. Cahuzac. Comme cela nous a été expliqué dans le cadre de la commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac, ce signalement est remonté au cabinet du ministre de l’époque, plus précisément à la direction générale des finances publiques, qui a rappelé que les parlementaires pouvaient faire l’objet de contrôles fiscaux : effectivement, en vertu du principe d’égalité, un parlementaire doit pouvoir être contrôlé comme n’importe quel autre citoyen.

Ce qui s’est passé, c’est que l’administration fiscale – plus exactement Mme Parly, membre du cabinet du ministre – a voulu muter ce fonctionnaire jugé un peu trop zélé, plutôt que de donner suite au contrôle fiscal. Je ne suis donc pas certain que la disposition que vous nous avez fait voter soit tout à fait morale et corresponde vraiment à ce que vous souhaitiez, monsieur le président de la commission.

L’amendement no  305 est ainsi défendu. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n305 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n306.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement est défendu – et c’est bien pour être agréable au président de la commission, et non au président de séance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n306 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n2.

M. Lionel Tardy. Mes chers collègues, la présence, dans le texte dont nous débattons, d’une disposition visant à la publicité des déclarations de patrimoine, constitue une énorme faute politique qui gâche ce texte. Si l’on recherche l’efficacité dans la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption, ce qui compte, comme on l’a déjà dit à maintes reprises, c’est que les déclarations de patrimoine puissent être vérifiées par une autorité disposant d’un véritable pouvoir d’enquête. Rendre publiques les déclarations de patrimoine n’apporte rien, car ce ne sont certainement pas les personnes qui iront les consulter qui seront en mesure de faire la moindre enquête et donc de détecter quoi que ce soit.

Aucun organisme de lutte contre la corruption ne demande une telle mesure. Je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement à maintenir cette mesure idiote et contreproductive, dont les nombreux inconvénients ont déjà été soulignés. Je souhaite insister sur les dégâts provoqués par cet acharnement : en se trompant de cible, on donne du grain à moudre aux ennemis de la démocratie et du régime représentatif. Il nous arrive tous de croiser de ces personnes ayant cette croyance tenace selon laquelle les élus sont tous pourris – quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, évidemment. Selon elles, les élus, toujours trop payés, sont forcément des fraudeurs.

En focalisant sur la question des déclarations de patrimoine, alors qu’il ne s’agit objectivement pas d’une disposition pertinente au regard de l’objectif de la loi, le Gouvernement légitime les opinions infondées que j’ai évoquées. En fait, le Président de la République est en train d’offrir un cadeau somptueux aux populistes et poujadistes de tout poil, et c’est l’ensemble de la classe politique qui va en faire les frais. Nous allons assister à une résurgence des tracts et des messages électroniques anonymes et extravagants portant sur nos revenus et nos avantages supposés. En prime, nous aurons droit à la théorie du complot : si les élus résistent tant à la publication de leur patrimoine, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher, en tout cas, c’est louche ! En agissant de la sorte, ce n’est pas une pièce que l’on remet dans le juke-box de l’antiparlementarisme, c’est tout le porte-monnaie ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La publication du patrimoine et l’hostilité que nos collègues témoignent à ce principe ont déjà fait l’objet de longs débats. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président, comme c’est la coutume dans notre assemblée – au demeurant, je ne pense pas avoir accaparée jusqu’à présent. L’amendement no  2, que j’ai cosigné avec mon collègue Tardy, est un amendement fort, pour ne pas dire central : il révèle les contradictions et l’inapplicabilité de votre système de consultation sans publication. La proposition de M. Faure, visant à ce que la Haute Autorité rende public un document rendant compte de l’évolution du patrimoine de chaque député pour corriger le défaut de cette « publication impubliable », comme disait M. de Rugy. Eux au moins avaient le mérite d’aller au bout de leurs convictions !

Quittez donc cette position d’équilibriste – une position absolument intenable, vous le savez vous-mêmes ! Nous débattons d’un texte sympathique, peut-être, mais tout à fait inapplicable ! Vous n’avez d’ailleurs toujours pas répondu à la question que je vous ai posée au sujet des moyens dévolus à la Haute autorité, monsieur le ministre : vous vous êtes borné à indiquer que vingt fonctionnaires lui seraient affectés, alors que je vous ai demandé quels étaient les autres pays pratiquant la consultation sans publication. J’ai cru comprendre qu’il y en avait un ou deux, mais je ne sais toujours pas quels sont les moyens mis en place par ces pays en termes de budget et de personnels, et si vous envisagez de mettre les mêmes moyens à disposition de la Haute autorité. En bref, j’aimerais savoir si nous discutons de la réalité, ou si tout cela n’est que du vent.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n232.

M. Thierry Lazaro. L’article 1er amplifie la logique du soupçon permanent régnant à l’encontre du monde politique, et qui nourrit l’opprobre généralisé auquel nous sommes tous confrontés. L’amendement n°232 vise donc à supprimer l’article 1er de ce projet de loi organique, qui n’est rien d’autre qu’une manifestation de la volonté de la majorité en place de masquer la véritable origine du problème qui défraye aujourd’hui la chronique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Contrairement à ce que vient de dire M. Lazaro, l’amendement n°232 ne vise pas à supprimer l’article 1er  mais seulement certains mots de l’alinéa 43. Cela dit, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n232 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n307.

M. Gérald Darmanin. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n307 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 175 et 149, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n175.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement n°175 prévoit que, lorsque la Haute autorité s’apprête à publier des éléments relatifs au patrimoine d’un député, celui-ci en soit informé par la Haute autorité elle-même au moins sept jours avant la publication, afin d’avoir le temps de réagir à cette publication.

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n149.

M. Thierry Lazaro. Ayant cosigné l’amendement n°175, je retire mon amendement n°149, monsieur le président.

(L’amendement n149 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n°175 ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, la loi prévoyant que la publication n’interviendra qu’après l’injonction faite au député. Celui-ci ne pourra donc pas ignorer que son dossier, examiné par la Haute autorité, a fait l’objet d’une transmission au procureur de la République et que son patrimoine va être publié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n175 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 286 et 44, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n286.

M. François de Rugy. Nous en revenons à une mesure qui, si elle ne constitue pas le coeur du dispositif, n’en est pas moins l’un des éléments les plus symboliques de ce projet de loi – comme chacun sait, les symboles comptent, surtout en politique.

Le Président de la République s’est exprimé à plusieurs reprises, durant ce que l’on a appelé l’affaire Cahuzac, et a pris l’engagement solennel, devant les Français, de demander au Gouvernement de préparer un projet de loi instaurant la transparence. Ce qui fut fait avec ce projet de loi pour la transparence de la vie publique, qui comporte des dispositions relatives à la transparence du patrimoine des parlementaires. Le Président de la République avait justifié cette dernière disposition en soulignant qu’elle s’appliquait déjà au Président de la République – son entrée en vigueur en 1988, me semble-t-il, n’a donné lieu à aucune accusation de voyeurisme ou d’exhibitionnisme – et qu’il avait demandé aux membres du Gouvernement de la mettre également en œuvre.

Il nous paraît très dommageable que le groupe majoritaire ait pris la responsabilité, en commission, de supprimer cette disposition pour la remplacer par une autre qui n’a rien à voir, à savoir la publication sur un registre consultable : les personnes qui consulteront ce registre n’auront pas le droit de publier les informations dont elles auront pris connaissance. Ce qui revient à interdire aux journalistes de faire leur métier, en les rendant passibles d’une peine d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende…

M. Christian Jacob. À France 3, on les met à pied !

M. François de Rugy. Cela n’ empêchera pas pour autant ceux dont ce n’est pas la profession de procéder à des publications sauvages sur des sites internet qu’il sera impossible de poursuivre.

J’appelle donc à un sursaut, un ressaisissement, afin d’en revenir au texte du Gouvernement. Tel est l’objet de notre amendement n286.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n44.

M. Alain Tourret. La présentation de cet amendement n44 a surtout pour objet de faire connaître à notre assemblée la position du groupe RRDP. Nous estimons que la solution passe par un pouvoir donné à la Haute autorité de la transparence de la vie publique pour les déclarations de situation de patrimoine. Cependant, à la différence de notre collègue de Rugy, nous estimons qu’il doit y avoir une sanction lorsqu’une déclaration a été faite de manière partielle, inexacte ou insincère.

Cela étant, qui dit sanction dit respect des droits de la personne concernée. Nous estimons que celle-ci doit avoir la possibilité de saisir le juge administratif en référé, afin que des mesures provisoires, tendant à s’assurer qu’il ne sera pas porté une atteinte irréversible à ses droits et à ses biens, soient prises.

Je sais, pour en avoir discuté avec le président de la commission, qu’il s’agit là d’un système très différents de celui prévu par le texte, mais il me paraît plus respectueux des droits de chacun. En tout état de cause, il s’appuie sur une publication que l’on pourrait comparer à celle effectuée dans le cadre du contrôle exercée par la chambre régionale des comptes à l’égard des collectivités territoriales. Lorsqu’une collectivité territoriale est soumise audit contrôle, la chambre régionale des comptes peut ordonner la publication de la décision qu’elle rend et des observations qu’elle émet.

Nous partons de deux principes, celui de l’honnêteté des parlementaires et celui de la nécessaire sanction de ceux qui auront fourni des déclarations inexactes, partielles ou insincères. Dans ce cadre, la publication nous semble constituer un élément de vérité et de contrôle, de nature à permettre véritablement de garantir la transparence à l’ensemble de la population, puisque c’est la Haute autorité, dont nous renforçons tous les pouvoirs, qui décidera. Le système que nous proposons, je le répète, nous semble beaucoup plus respectueux des droits des personnes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 286 et 44 ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. L’amendement n286 défendu par M. de Rugy, qui vise à revenir au texte du Gouvernement, a pour conséquence de faire abstraction du travail accompli par la commission.

Quant à l’amendement n44 présenté par M. Tourret, il met en évidence la divergence de conception du groupe RRDP quant à la notion de transparence. La publication y est présentée comme une forme de sanction : c’est parce qu’une déclaration est inexacte qu’elle est publiée. Pour notre part, nous considérons que la transparence n’a pas à être une sanction : c’est simplement un pas supplémentaire vers la République exemplaire que le Président de la République appelle de ses vœux.

M. Damien Abad. Ce n’est pas une fin en soi !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cet amendement témoigne effectivement d’une différence de conception de la notion de transparence. Il est proposé de mettre en œuvre une publication ayant valeur de sanction, comme si l’exposition en place publique d’une déclaration de patrimoine effectuée de manière non conforme devait tout régler. C’est là une vision radicalement différente de la nôtre, car nous considérons que la transparence n’est pas une fin en soi – l’idée n’est pas d’établir des classements en fonction du patrimoine –, mais un moyen pour l’exercice du contrôle citoyen.

La transparence, c’est un moyen au service de l’exercice du contrôle citoyen. C’est pourquoi il n’est pas utile que la publicité aille au-delà de l’accès offert au citoyen, puisque l’objectif est uniquement, à nos yeux, que le citoyen ait accès à l’information. C’est exactement ce que nous avions défendu ensemble en 1988.

J’en reviens aux raisons que j’ai indiquées tout à l’heure à propos de l’amendement de M. Faure : nous sommes parvenus à un équilibre, dans la mesure où ce texte définit des droits, des obligations, des devoirs mais également des sanctions. Le Gouvernement souhaite que cet équilibre soit respecté. Telles sont les raisons pour lesquelles nous émettons un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. L’intervention du président Urvoas était assez cocasse. Il rappelait la « République exemplaire ». Mais, ici, celui qui défend la parole du Président de la République, c’est M. de Rugy !

Le Président de la République ne s’est pas caché derrière son petit doigt : il a dit très clairement que les textes actuellement soumis à notre examen sont le fruit de l’affaire Cahuzac. Je relis la déclaration qu’il a faite à la suite de cette affaire : « Ce qui vient de se produire est un choc, car c’est un grave manquement à la morale républicaine. Je suis donc amené à prendre des décisions qui vont dans le sens des engagements que j’avais pris devant les Français : lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés et assurer la publication, ainsi que le contrôle du patrimoine des ministres et de tous les parlementaires. Le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi dans cette direction. »

Le seul qui défend ici la parole du Président de la République – ce qui, je le répète, est tout de même assez cocasse –, c’est M. de Rugy.

M. Lionel Tardy. C’est le dernier des Hollandais !

M. Laurent Wauquiez. Vous tous, vous êtes en train de trahir la parole du Président et la « République exemplaire ». Il y a là un revirement de la majorité que je trouve assez amusant, surtout après les débats d’hier.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. Alain Tourret. Le futur ministre !

M. Lionel Tardy. Le député de la transparence !

M. François de Rugy. Nous ne sommes pas là pour parler des relations entre les deux François (Sourires) , qui furent d’ailleurs collègues au sein de cette assemblée. Revenons plutôt au fond, sur lequel le rapporteur n’a pas répondu. Je veux dire pourquoi nous sommes pour la transparence : nous pensons que c’est ce qui nous permet de sortir de ce cercle vicieux, de ce cercle infernal : le secret et l’opacité, puis les rumeurs et les soupçons, puis les révélations ou pseudo-révélations, puis les dénégations, puis les procédures. Et on n’en sort jamais.

Avec les dispositions adoptées par la commission, nous remettons, si vous me permettez l’expression, trois sous dans la machine. Pourquoi ? Parce que des déclarations seront faites, mais qui ne seront pas publiques. Des gens pourront aller les consulter. Ils ne pourront pas en parler. Ils ne pourront pas dire : « Voilà ce que j’ai vu. » Mais ils pourront dire : « Oh, eh bien moi, je suis quand même étonné, parce que ce que j’ai vu ne correspond pas à ce qui est dit… » Et hop, c’est reparti pour les rumeurs et les soupçons.

M. Lionel Tardy. Les tracts anonymes !

M. Laurent Wauquiez. Quelle lucidité !

M. François de Rugy. Que feront les élus mis en cause soit par des citoyens, peut-être instrumentalisés par des concurrents politiques, soit par ces concurrents politiques eux-mêmes ? Ils diront : « Ce que vous dites est inadmissible, je démens formellement ». Mais la personne saisira la Haute autorité, même s’il n’y a rien du tout. Puis, il y aura de nouvelles dénégations, et ce sera reparti pour un tour, pendant quelques semaines. Et on n’en sortira jamais.

M. Lionel Tardy. Il faut être transparent jusqu’au bout.

M. François de Rugy. Voilà pourquoi j’en appelle au retour au texte initial du Gouvernement, qui avait le mérite de la simplicité et de la clarté, ce qui est bien la moindre des choses lorsqu’on parle de transparence.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Nous débattons d’un point fondamental de ce texte. Je le dis clairement, avec, je n’en doute pas, l’assentiment de mes collègues : ce repli par rapport aux engagements du Président de la République est ridicule. Pourquoi ? Parce que, sous prétexte d’accorder une garantie aux parlementaires, on s’aperçoit que le système préconisé est facilement contournable. D’où un double effet, non pas « Kiss cool », mais néfaste, à l’égard de l’opinion. Celle-ci voyait déjà dans ce texte un minimum syndical. En supprimant cette mesure phare, on introduit le doute auprès de nos concitoyens, de sorte que ce texte devient un coup d’épée dans l’eau.

Prenons un exemple concret. Un citoyen se rend en préfecture, va consulter le fameux registre - puisque vous ne voulez pas de la déclaration publique - et il va faire son relevé d’informations : rien ne l’empêchera de le faire, puisque seule la publication sera condamnée.

Rien ne l’empêchera, ensuite, de diffuser un tract anonyme à partir des informations qu’il aura obtenues ou, s’il veut être beaucoup plus exhaustif, de publier les informations via un site internet basé à l’étranger. Et dans ce cas, votre année de prison et vos 45 000 euros d’amende n’y feront absolument rien. Encore une fois, on est dans le ridicule le plus complet pour satisfaire je ne sais qui. On est transparent ou on ne l’est pas. En tout cas, cette mesure n’est pas du tout adaptée et facilement contournable.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai été quelque peu étonné par les propos tenus par certains membres de l’opposition concernant les engagements du Président de la République. L’initiative des lois, comme le dit la Constitution, « appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement ».

Certes, on peut dire que le Président de la République présidant le Conseil des ministres, au cours duquel les projets de loi sont examinés, il est également partie à cette initiative. Mais enfin, stricto sensu, l’initiative des lois appartient au Premier ministre et aux membres du Parlement.

Quant au vote des projets ou des propositions de loi, il s’agit de la prérogative exclusive du Parlement. En notre qualité de parlementaires, nous ne sommes pas soumis à des engagements pris par d’autres, quelle que soit la sympathie politique que nous pouvons avoir pour eux. Le régime de la séparation des pouvoirs a pour conséquence que le Parlement se détermine par lui-même, en prenant en compte, bien sûr, ce qui a pu être dit par ailleurs, mais sans être lié impérativement par les propos tenus par des membres de la majorité, quel que soit le niveau auquel ils se situent.

M. Gérald Darmanin. Vous rêvez d’un retour à la IVe République !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je voudrais préciser la nature du débat et des engagements qui avaient été annoncés. Ils ont été rappelés par M. Wauquiez dans une formulation qui est juste mais incomplète. En réalité, le Président de la République s’est exprimé à deux reprises, dans un laps de temps assez bref : d’abord dans la forme que vous évoquez, à la sortie du conseil des ministres, le jour des faits ; et ensuite, interrogé par un journaliste, lors de sa conférence de presse. Au cours de cette conférence, la feuille de route – et je l’assume – était claire, en ce qu’elle prévoyait la « publication dans le respect de la vie privée » : tels sont les mots employés par le Président de la République. Pour être exhaustif, on ne peut évidemment les séparer.

Peut-être y avait-il d’autres solutions, mais toujours est-il que nous avons réfléchi aux moyens d’offrir aux citoyens la possibilité de prendre connaissance de ces déclarations de patrimoine tout en garantissant la vie privée de l’élu.

S’agit-il d’une injonction paradoxale ? Certains le pensent et se placent à l’abri de ce constat pour dire qu’il fallait ne rien faire. Parce que, au fond, c’est bien ce qu’on nous explique : puisqu’il n’est pas possible d’établir une déclaration tout en respectant la vie privée, ne faisons rien ! Ce n’est pas l’objectif retenu par le Gouvernement. Nous avons essayé de concilier ces deux objectifs, non pas en faisant preuve d’imagination et en arpentant des terres inconnues tant sur le plan juridique que sur celui de la pratique, mais en reprenant ce qui avait été fait sur la question de la consultation des déclarations d’impôts. Nous nous sommes calés sur cette démarche, y compris quant à la forme et aux moyens de protection, pour essayer de respecter les principes définis par le Président de la République dans sa feuille de route : la publication et le respect de la vie privée. Tel est l’équilibre du texte qui résulte des travaux de la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je veux réagir sur plusieurs points. M. de Rugy a parlé de secret et d’opacité. Il n’y a aucun secret ni aucune opacité. Les parlementaires sont soumis exactement aux mêmes règles fiscales que n’importe lequel de nos concitoyens.

Je sais bien que vous souhaitez instaurer une justice d’exception. C’est d’ailleurs là qu’est le problème, comme je l’ai dit tout à l’heure : vous placez le Parlement et les parlementaires sous la tutelle de l’exécutif et, ainsi, vous portez gravement atteinte à la Ve République. C’est bien à cela que je voulais faire allusion. Il n’y a, je le répète, aucun secret ni aucune opacité. Des déclarations de patrimoine sont faites en début et en fin de mandat…

M. René Dosière. Pas aujourd’hui !

M. Christian Jacob. …avec un système de contrôle, que l’on peut, pourquoi pas, renforcer, mais…

M. René Dosière. Elles ne sont pas contrôlées, vous le savez bien !

M. Christian Jacob. Si ne le sont pas suffisamment, alors renforçons les contrôles ! Mais avec cette loi, vous instituez un système de voyeurisme et vous placez le Parlement sous tutelle. Et je pèse mes mots lorsque je parle d’une atteinte grave portée tant à l’indépendance du Parlement qu’au rôle des parlementaires vis-à-vis de l’exécutif. On en subira les conséquences pendant très longtemps si l’on ne revient pas sur ce texte.

Cette loi va-t-elle changer quoi que ce soit à la situation qui nous réunit ? Parce qu’est bien l’affaire Cahuzac qui nous réunit. Or ce texte n’apporte rien. S’il avait été en vigueur, aurait-il changé quelque chose à l’attitude d’un ministre socialiste qui a menti comme il l’a fait devant la représentation nationale ? Non, cela n’aurait rien changé. Aurait-il changé quoi que ce soit à son attitude lorsqu’il était conseiller du ministre socialiste Claude Evin ? Non, cela n’aurait absolument rien changé.

Ce texte jette l’opprobre sur les parlementaires. Et vous êtes prisonniers de vos clivages et de vos affrontements internes. C’est pour cela que vous ne savez plus comment vous en sortir.

Certains, comme M. de Rugy, défendent des positions excessives, que je ne partage absolument pas et que je réfute. Mais notre collègue a un mérite : celui de la cohérence. C’est le seul que je lui reconnaisse. Ce n’est déjà pas mal. En revanche, je suis en opposition avec lui sur tout le reste.

Vous instituez un système fondé sur le voyeurisme et placez le Parlement sous tutelle, et je pèse mes mots lorsque je parle d’une atteinte grave portée tant à l’indépendance du Parlement qu’au rôle des parlementaires vis-à-vis de l’exécutif. On en subira les conséquences pendant très longtemps si l’on ne revient pas sur ce texte.

Ces lois changeront-elles quoi que ce soit à la situation actuelle ? Permettront-elles d’empêcher qu’une nouvelle affaire du type de l’affaire Cahuzac – qui, je le rappelle, est à l’origine de notre réunion – se reproduise ? Ce texte n’apporte rien : s’il était en vigueur, aurait-il changé quelque chose à l’attitude d’un ministre socialiste qui a menti aux Français, comme il a menti devant la représentation nationale ? Aurait-il changé quoi que ce soit à l’attitude du conseiller d’un ministre socialiste qu’il était à l’époque, lorsqu’il conseillait M. Evin ? Cela n’aurait absolument rien changé.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Au terme des quelques échanges que nous avons eus sur ces amendements, je veux vous dire de manière un peu polémique que nous avons désormais à choisir entre le travail des membres de la Haute autorité, sous le contrôle des magistrats administratifs – c’est ce que nous proposons – et le fouinage des taupes et des rats, qui viendront, en préfecture, se livrer à une mission d’investigation plus ou moins malsaine, bien souvent pour exercer un chantage auprès d’un certain nombre d’élus, comme le font actuellement certaines associations qui attaquent tous les permis de construire avant de négocier le retrait de leur recours devant les tribunaux administratifs.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Alain Tourret. Voilà ce vers quoi nous nous dirigeons. J’ai confiance, moi, dans les personnes qui composeront cette Haute autorité, mais certainement pas dans le travail que feront ceux dont je viens de parler.

M. Christian Jacob. Vous serez sous tutelle, monsieur Tourret !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L’intervention de M. Jacob me conduit à préciser que, par rapport à la situation actuelle concernant les patrimoines des élus, ce texte constitue un certain progrès. Aujourd’hui, le patrimoine est secret, confidentiel. On n’en connaît rien. La commission chargée du contrôle de l’évolution des patrimoines l’a dit dans les quinze rapports qu’elle a rédigés : elle n’a pas les moyens de connaître l’évolution du patrimoine. Elle n’avait même pas connaissance – et vous le savez bien, monsieur Jacob, puisque vous vous y êtes formellement opposé en 2010 – des revenus des intéressés.

Ce texte permettra à la Haute autorité de contrôler effectivement le patrimoine des élus.

M. Christian Jacob. Vous voulez vraiment créer une justice d’exception !

M. René Dosière. J’ajoute, pour vous rassurer, qu’il n’y pas eu tant de divergences que cela au sein du groupe socialiste, mais l’expression de points de vue différents.

M. Christian Jacob. Il y a eu des affrontements très violents, dont la presse s’est fait l’écho !

M. René Dosière. Le ministre a dit ce qu’il en était du respect des déclarations du Président de la République : transparence, publication, mais respect de la vie privée.

Je voudrais dire à mes collègues, y compris à notre ami François de Rugy, que la transparence est tout à fait souhaitable – il me semble bien y avoir contribué, au cours de ces dernières années –,…

M. Christian Jacob. C’est peut-être pour cela que le parti socialiste vous a refusé son investiture !

M. René Dosière. … mais il faut tout de même bien distinguer la transparence à l’égard des personnes et la transparence relative aux institutions. Dans un régime démocratique, la limite de la transparence envers les personnes, c’est le respect de la vie privée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne l’assurez pas !

M. René Dosière. J’entends bien qu’aujourd’hui, en dehors de la question du patrimoine, de nombreux hommes publics n’hésitent pas à afficher leur vie publique sous des formes diverses, notamment dans la presse. Il est donc devenu difficile de souligner que nous devons respecter la vie privée. Mais la formule que nous avons retenue, si elle assure la publicité – la déclaration peut être consultée –, ne donne pas lieu à du voyeurisme.

Il est donc devenu difficile de souligner que nous devons respecter la vie privée. Nous avons néanmoins retenu une formule qui respecte la vie privée, puisqu’elle autorise une forme de publicité – la déclaration peut être consultée – qui ne donne pas lieu à du voyeurisme.

M. Damien Abad. Non ! C’est le contraire !

M. René Dosière. En cela, elle respecte la vie privée. C’est une très bonne formule.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je souhaite réagir très brièvement à l’intervention de notre collègue sur l’esprit de la Ve République. Si l’on s’en tient à la lettre de la Constitution, il a parfaitement raison, mais il sait très bien qu’on n’analyse pas une constitution comme un texte pur mais selon ce qu’on appelle les pratiques ou les coutumes constitutionnelles qu’elle produit. À cet égard, sous la Ve République, on juge le poids du Président de la République – et de son gouvernement – à sa capacité à se faire suivre par sa majorité. Or, sur ce texte, force est de constater que le Président et son gouvernement ont eu de graves difficultés à se faire entendre par sa majorité. Cela concerne non seulement la publicité, mais aussi – nous y reviendrons – les questions d’inéligibilité ou les primes pour les anciens ministres. J’en veux pour preuve le fait que M. de Rugy essaie vainement de faire adopter des amendements qui tendent seulement à revenir au texte initial du Gouvernement.

Quant au débat qui a opposé M. Jacob et M. Dosière, il permet de souligner que le cœur du sujet, ce sont les conflits d’intérêts.

M. René Dosière. Vous n’avez rien fait à ce sujet !

M. Laurent Wauquiez. C’est précisément sur ce point que nous devons fortement renforcer notre arsenal juridique. Je vous en donne acte : ce texte a au moins le mérite, dans la foulée des textes adoptés sous la précédente législature, de rapprocher progressivement l’arsenal législatif français de la position moyenne des démocraties européennes en matière de conflits d’intérêts.

Je pense qu’il est tout de même possible d’articuler le respect de la vie privée et un minimum de contrôle. La démocratie française souffre depuis des années d’affaires à répétition. Nous devons être capables de nous doter d’un minimum de contrôles structurels, notamment sur les conflits d’intérêts, pour instaurer un tout petit peu plus de rigueur et d’éthique. Parce que, malgré tout, ayons l’honnêteté de reconnaître que notre démocratie est bien malade !

M. René Dosière. Que ne l’avez-vous fait auparavant !

(Les amendements nos 286 et 44, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 284 et 290.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n284.

M. Damien Abad. Je suis d’accord avec Laurent Wauquiez au sujet des déclarations d’intérêts. La difficulté porte sur la déclaration de patrimoine. Pourquoi ? Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire tout à l’heure que, à la sortie du conseil des ministres, le Président de la République avait décidé qu’il fallait la publier. Puis, pendant la conférence de presse, il était question d’une consultation sans publication, pour respecter la vie privée des élus. Ma question est simple : que s’est-il passé entre la conférence de presse et le conseil des ministres ? Qui le Président a-t-il vu pour que son avis et sa conception de la transparence évoluent ainsi ?

Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez qualifié le modèle que nous proposons de « publication sanction ». Mais celui que vous avez retenu, c’est la publication délation, c’est la publication parcellaire ! La consultation sans publication, c’est le pire des systèmes !

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Damien Abad. Monsieur Dosière, franchement, vous qui avez fait des efforts sur le sujet, vous devriez le reconnaître ! Que va-t-il se passer ? C’est dans l’anonymat que des personnes viendront en préfecture. En plus, vous faites une distinction entre l’électeur et le citoyen. Mais au nom de quoi ? Ce système-là ne tient pas la route ! Pour ma part, j’ai plus de respect pour ceux qui ont une pensée cohérente, qui veulent aller jusqu’au bout de leur logique et souhaitent assumer pleinement la publication. Vous préférez un compromis bancal, tellement bancal qu’il en devient boiteux, ce qui se retourne contre le texte même.

Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous quand vous dites que la transparence n’est qu’un moyen. Le problème, c’est que vous êtes en train de créer les conditions d’une transparence qui sera une fin en soi, qui sera, à tort, un objet de débat politique, alors que ce n’est pas ce que vous cherchiez à faire. Vous suscitez des effets qui sont contraires au but poursuivi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n290.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les alinéas 44 à 49, qui visent à instaurer la consultation sous condition et la publication restreinte – qui est, ainsi que vient de le souligner M. Damien Abad, un objet bancal – soulèvent deux difficultés principales. Comme je l’ai déjà dit, la disposition que vous avez choisie, à cause de ce caractère bancal, ne vous permettra pas de contenir les débordements que vous voulez contenir.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Damien Abad. C’est évident !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois pas comment les nouvelles technologies pourront faire l’objet de vos garanties. Je ne vois pas par quel miracle les électeurs qui viendraient consulter ces déclarations de patrimoine seraient animés de meilleures intentions que n’importe qui d’autre et pourraient tous résister à la tentation éventuelle, quels qu’en soient les motifs, de publier l’objet de leur consultation. M. le ministre indiquait tout à l’heure – je parle sous votre contrôle, monsieur le ministre – que les enregistrements, les téléphones et les appareils photo seraient évidemment interdits. Très bien. Mais les gens ont aussi de la mémoire, et parfois la mémoire visuelle suffit assez largement pour récupérer des informations et ensuite les publier sous n’importe quelle forme.

M. Lionel Tardy. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Encore une fois, nous aurions été favorables à un renforcement des contrôles ; tout le monde sur ces bancs peut être d’accord avec cela. Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez confondu cette publication restreinte avec le renforcement des contrôles et choisi le système qui ouvre le plus la voie à la confusion et aux dérives.

Un dernier mot : le fait de restreindre la consultation aux seuls électeurs est parfaitement incompréhensible. Pour autant, je ne sous-amenderai pas – du moins, pas à titre personnel – le texte pour élargir le champ de la consultation. Mais très franchement, ces informations-là devraient être accessibles à tous les citoyens si l’on s’en tient à votre propre logique. Je ne comprends pas non plus cette incohérence supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, nous avons demandé la suppression de ces alinéas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Les amendements peuvent se succéder pour évoquer les différents alinéas, l’ambition reste la même : supprimer le dispositif tel qu’il a été imaginé par la commission des lois,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Le rééquilibrer !

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. … supprimer la publicité. Je ne ferai donc naturellement pas assaut d’arguments, puisque je sais la chose vaine. La commission a émis un avis défavorable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Grandeur et servitude de la fonction de rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. M. Abad s’est étonné que le Président de la République ait écouté et dialogué. Évidemment, je comprends que cela constitue pour vous une rupture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Effectivement, ce n’était pas dans les habitudes passées. L’actuel Président de la République a une autre conception de l’exercice du pouvoir, et je conçois que pour vous ce soit une rupture culturelle par rapport à ce à quoi vous avez été soumis.

M. Michel Ménard. Excellente remarque, monsieur le ministre ! Nous avons un Président attentif, qui écoute.

M. Christian Jacob. Avec vous, l’exercice du pouvoir c’est Cahuzac et Strauss-Kahn !

M. Sébastien Denaja. C’est mieux que Lagarde, Richard et compagnie !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous développez une argumentation dont on ne comprend ni la cohérence ni la logique par rapport aux propositions de votre groupe. À force de vouloir surfer sur des nuances dans nos propositions, vous vous mettez dans un océan de contradictions. Allez donc jusqu’au bout : si vous voulez déposer un amendement, si l’UMP veut déposer un amendement pour rétablir le texte d’origine du Gouvernement, il faut en avoir le courage.

Vous nous expliquez que la pire des choses, c’est le système…

M. Lionel Tardy. Nous avons voté l’amendement de Rugy, qui tendait à revenir au texte initial !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Oui, mais il a une logique, lui. Vous n’en avez aucune : vous vous contentez de surfer sur des positions totalement contradictoires en utilisant, d’un article à l’autre, d’un amendement à l’autre, des arguments qui sont eux-mêmes contradictoires.

M. Damien Abad. Nous avons proposé le modèle belge !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il n’y a au fond qu’une seule question intéressante, et je vous la poserai régulièrement pendant les quelques jours que nous avons encore à passer ensemble. Ce débat concerne en effet les conditions de la démocratie dans un pays de 65 millions d’habitants, ce n’est pas rien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr que non !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En tant qu’élus, vous êtes les représentants d’une grande partie – pas la majorité – de la population française.

M. Christian Jacob. Vous essayez en vain de sortir de l’affaire Cahuzac !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Alors, il n’y a qu’une seule question : quelles sont vos propositions ?

M. Damien Abad. On vous l’a faite tout à l’heure, notre proposition !

M. Lionel Tardy. Revenir à l’origine !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Est-ce de circuler parce qu’il n’y a rien à voir, et de continuer demain comme c’était hier ? Dans ce cas, ayez le courage de le dire ! Mais ne faites pas se succéder de manière complètement désordonnée des orateurs qui soutiennent une chose et son contraire. D’ailleurs, ce sont les réponses du Gouvernement qui finiront par paraître incohérentes, puisque nous sommes obligés de répondre d’une manière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) … Je conçois que cela vous énerve.

M. Christian Jacob. C’est vous qui vous énervez !

M. Philippe Le Ray. Gardez votre sang-froid, monsieur le ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En tous les cas, je ne vous pose qu’une seule question : quelles sont vos propositions ? Que vous soyez contre notre texte, c’est une chose. Mais répondez, enfin ! Déposez des amendements, demandez une suspension ! Quelle est la position de la droite sur la transparence ?

M. Christian Jacob. La morale socialiste, c’est de Strauss-Kahn à Cahuzac !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est la seule question qui intéresse les Français et c’est de cette façon que vous nourrirez le débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laure de La Raudière. Si je comprends bien, nous n’avons pas le droit d’avoir des positions différentes ?

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, nous avons le droit d’avoir des positions différentes et un bon nombre de mes collègues ont voté l’amendement no  286, qui émane de votre majorité, puisque son auteur, M. de Rugy a priori fait partie de votre majorité.

Une fois encore, monsieur le ministre, cet entre-deux n’est pas tenable. On a vu que votre dispositif était facilement contournable. Soit on publie tout, soit on ne publie rien. Dans ce dernier cas, comme l’a proposé notre collègue Fromantin, on peut s’appuyer sur le commissaire aux comptes comme tierce personne permettant de garantir la véracité de la déclaration de patrimoine des élus. A ce moment-là, la Haute autorité fait son travail, et on en reste là.

Très honnêtement, dans cette affaire, soit on publie tout, soit on ne publie rien, mais on ne peut pas rester dans l’entre-deux que vous essayez de soutenir depuis un certain temps, contre l’avis du Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Tout d’abord, je voudrais tout de même rappeler à M. le ministre que si nous sommes là, c’est parce qu’il y a eu l’affaire Cahuzac.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La question, c’est : « quelles sont vos propositions ? »

M. Gérald Darmanin. Nous rappellerons donc, et à chaque amendement, si vous le souhaitez, que c’est grâce à M. Cahuzac que nous sommes ici pour débattre de ce sujet, qui peut être intéressant.

M. Sébastien Denaja. Et Woerth ? Et Guéant ? Et Sarkozy ? Et Lagarde ?

M. Gérald Darmanin. Monsieur le rapporteur, je pense que tout à l’heure vous précisiez…

M. Sébastien Denaja. Lagarde sera bientôt mise en examen, non ?

M. Gérald Darmanin. Mon cher collègue, ce que vous dites devient très intéressant : on voit la République que vous nous préparez !

M. Thierry Lazaro. Vous abaissez le Parlement, monsieur Denaja !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Darmanin s’exprimer, s’il vous plaît !

M. Gérald Darmanin. Permettez-moi d’ajouter quelques mots, avant que le président Jacob ne s’exprime avec l’autorité qui est la sienne.

Monsieur le ministre, vous avez précisé tout à l’heure – ou peut-être est-ce M. Urvoas, je peux me tromper – la façon dont le système de consultation fonctionnera. Il sera notamment interdit, avez-vous dit, de faire usage d’un appareil photo, d’un stylo, etc. Nous avons un exemple de ce type de consultation : les listes électorales sont en effet consultables en préfecture dans les quarante-huit heures qui suivent le premier tour ou le second tour – c’est souvent plus intéressant après le premier tour. Vous l’avez sans doute déjà fait : si vous êtes sur ces bancs, c’est que vous savez manier l’art électoral. Il faut se rendre en préfecture, demander à la dame qui se trouve à l’accueil…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ou au monsieur !

M. Gérald Darmanin. …ou au monsieur – vous avez raison, monsieur Poisson, il faut maintenant le préciser – la liste électorale de tel bureau de vote au sein de la circonscription ou de la commune. Vous n’avez le droit d’apporter ni appareil photographique, ni téléphone, ni stylo, ni papier, le texte le prévoit explicitement. On sait bien que les fonctionnaires de la préfecture ne sont pas là pour surveiller ce qui se passe. Il faudrait disposer pour cela de fonctionnaires supplémentaires : ce n’est pas la baisse des dotations de l’État aux préfectures qui va le permettre. Par ailleurs, il y a évidemment mille façons de prendre en note, sans quoi nous ne consulterions plus les listes électorales.

Nonobstant la philosophie de votre texte, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, cela me paraît tout à fait inapplicable. Vous serez incapables de surveiller dans chaque préfecture de France qui viendra avec son petit stylo, son petit téléphone portable ou son petit cahier pour noter les éléments de la déclaration de patrimoine.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58 de notre règlement. Un de nos collègues vient d’annoncer que Mme Lagarde serait mise en examen. Monsieur le ministre, je voudrais que vous nous précisiez sur quels fondements ce collègue s’appuie pour faire cette affirmation. A-t-il une information, et si oui, d’où la tient-il ? Pouvez-vous confirmer ou infirmer les propos qui ont été tenus par ce député ?

Cette accusation portée contre Mme Lagarde est extrêmement lourde, grave et mérite a minima u n éclaircissement de votre part, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Jacob, je réponds facilement à votre interrogation. Le Gouvernement n’entend faire aucun commentaire sur des procédures en cours, ni sur celle dont il s’agit ni sur aucune autre. Vous avez raison : on ne peut évoquer ici l’existence de procédures judiciaires sur lesquelles personne ne peut avoir d’informations, même si chacun peut avoir son idée, à condition de ne pas l’exprimer dans ces conditions-là.

M. Christian Jacob. Très bien !

M. Lionel Tardy. C’était complètement hors sujet !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mais je pense que c’est une règle qui est respectée par tout le monde. En tous les cas, la position du Gouvernement est claire dans cette affaire.

M. Christian Jacob. Merci de la rappeler à M. Denaja !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Jacob, je note que nous sommes d’accord sur ce point. Ce constat pourra parfois être utile au cours d’autres débats.

Article 1er   (suite)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je voudrais répondre à M. le ministre, qui a dit que nous n’avions pas de propositions.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’ai seulement posé la question. Et c’est une vraie question.

M. Damien Abad. Oui, c’est une vraie question. Et je vais vous donner une vraie réponse. Monsieur le ministre, je vous ai dit tout à l’heure que j’avais déposé deux amendements, dont le rapporteur a lui-même noté la similitude – c’est vous dire la cohérence de ma pensée. La déclaration de patrimoine pourrait être remise, sous scellés, à la Haute autorité, qui ne la publierait qu’en cas de non respect de la loi. C’est ce que vous avez appelé tout à l’heure, un peu rapidement, la « publication sanction »

Vous ne pouvez pas dire tout et son contraire. Si vous affirmez que nous n’avons pas la même conception de la transparence, c’est bien que nous avons une proposition à faire.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Une proposition venant de qui ?

M. Damien Abad. D’autres propositions, formulées par des collègues, étaient proches de la mienne.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ah.

M. Damien Abad. Vous ne pouvez donc pas dire que nous n’avons pas de proposition ! Monsieur le ministre, je vous le dis très clairement : vous n’avez pas le monopole de la transparence. La gauche n’a ni le monopole de la transparence ni le monopole de l’exemplarité. Nos propositions, même si elles ne vous plaisent pas, sont réelles, et nous les défendrons jusqu’au bout.

(Les amendements identiques nos 284 et 290 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n219.

M. Thierry Lazaro. Monsieur le ministre, je vous trouve un peu chaud bouillant !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Merci pour le compliment ! (Sourires.)

M. Thierry Lazaro. Nous avons le droit de partager, de contester, d’amender. Ainsi va la République ! Dans ce texte, la déclaration est rendue publique, puis à moitié publique, puis elle ne l’est plus. Tout cela est quand même un peu particulier !

Les déclarations que nous déposons en début et en fin de mandat sont contrôlées, quoi que l’on dise. Monsieur Dosière, vous êtes trop fin connaisseur du sujet pour oublier que le revenu imposable, s’il ne fait pas partie de cette déclaration, est tout de même soumis à la publicité. Beaucoup d’éléments en notre disposition auraient pu nous permettre d’avancer de façon sereine sans pour autant stigmatiser la fonction politique.

Le présent amendement va dans le même sens que le précédent : il s’agit d’un amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. L’argumentation de notre collègue n’étant pas tout à fait novatrice par rapport à ce qui a été dit depuis seize heures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) … Mais c’est assez normal. Ne voyez pas dans ce constat un reproche ! C’est la preuve que nous mobilisons toute notre énergie pour vous écouter avec attention.

M. Lazaro propose une fois de plus de supprimer la publicité telle que nous l’avons envisagée en commission des lois. Nous persistons à penser que le mode que nous avons conçu présente des vertus. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même avis que celui de la commission.

Monsieur Abad, j’ai essayé, en début de séance, en demandant un scrutin public, de vérifier l’homogénéité du groupe UMP sur un amendement intéressant. Je tiens les résultats à votre disposition : seulement deux membres de votre groupe ont voté pour.

M. Christian Jacob. L’un d’entre eux s’est trompé !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous étions pleins de bonnes intentions. Mais l’expérience nous a montré qu’il y a autant de propositions que de députés du groupe UMP.

Par conséquent, je répète ma question. Si l’on pouvait nous donner, sur une simple feuille, une proposition cohérente sur la transparence, commune à l’ensemble des députés du groupe UMP et ayant reçu l’aval du président Jacob, nous pourrions alors débattre de façon intéressante. Il est dommage que nous ne puissions pas avoir ce débat, que nous souhaitons pourtant depuis plusieurs semaines. Mais vous n’y échapperez pas !

M. Damien Abad. Vous ne nous écoutez pas !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vais me faire une joie de vous répondre, monsieur le ministre. Vous dites que vous ne recevez pas de signal depuis plusieurs semaines. Je me permets de vous rappeler que j’ai formulé hier à cette tribune un certain nombre de propositions, au sujet desquelles je n’ai reçu ni réponses ni critiques.

En quoi consistent-elles ? Nous l’avons répété cet après-midi : nous disons « oui » à un renforcement des contrôles, pourquoi pas par la Haute autorité – même si on l’appelle simplement « Autorité », cher collègue Darmanin. Nous n’avons aucune espèce d’objection sur la manière dont cette instance pourrait procéder, sauf peut-être sur la question de l’automaticité du contrôle fiscal, mais là n’est pas le coeur du sujet. Nous disons « oui » à un renforcement de la législation sur les déclarations d’intérêts. J’ai dit à la tribune hier, et je parle sous le contrôle du président du groupe, que nous aurions été favorables à ce que les ordres ou les branches professionnelles des métiers visés par les conflits d’intérêts fussent consultés et qu’on leur eût donné suffisamment de temps pour travailler sur le contrôle qu’elles peuvent garantir dans l’exercice des professions qu’elles encadrent.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il n’y a pas d’amendements du groupe UMP !

M. Jean-Frédéric Poisson. Sur le reste, le point de désaccord est très simple. Nous considérons que la médiation de la Haute autorité, sans la publication ni la consultation des déclarations de patrimoine, suffit à organiser la transparence. Il s’agit certes de la médiation d’un organisme public, mais son autorité peut être légitimement reconnue. Vous considérez pour votre part que cela doit être accompagné d’un système de consultation ouverte à tous – ou presque, puisqu’il s’agit des électeurs et non des citoyens.

Vous êtes au milieu du gué, monsieur le ministre. On peut estimer que la Haute autorité garantit le système, sans publication ni consultation : ce ne sera pas la première fois que des organismes de ce type assurent le fonctionnement normal des institutions. Vous considérez pour votre part que le fonctionnement de la Haute autorité ne peut garantir à lui seul le système et vous avez même dit dans un premier temps qu’il fallait tout publier.

Nous avons toujours dit que nous étions contre la publication. Telle est la position majoritaire de notre groupe, même si des collègues, qui ne sont pas tout à fait sur cette ligne, interviennent beaucoup dans le débat – c’est leur droit, et c’est notre conception de la diversité démocratique, monsieur le ministre.

La position de notre groupe, c’est de dire que, compte tenu de l’ambiguïté dans laquelle vous êtes, il vaudrait mieux établir une transparence complète. C’est d’ailleurs ce qu’ont dit nos collègues Wauquiez et Tardy, ici présents.

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Jean-Frédéric Poisson. Au moins, ce serait plus clair et cela éviterait les risques de dérive que votre système bancal organise. Voilà, sous l’autorité du président Jacob, ici présent, ce que je peux dire sur la position majoritaire, et nettement majoritaire, de notre groupe.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, j’entends bien que vous ne souhaitiez pas revenir sur la publication des situations patrimoniales telle que vous l’avez définie dans votre projet de loi. Mais je reste préoccupé par la protection des membres de la famille du parlementaire. Ces derniers n’ont pas à assumer le choix qu’a fait le parlementaire de faire de la politique, et donc de devoir déclarer son patrimoine.

Imaginez un député membre d’une SCI familiale, qui gère un bien que les frères et sœurs ont hérité de leurs parents. Il sera obligé de déclarer le montant des parts dont il dispose dans la déclaration de situation patrimoniale. Implicitement, toutes les personnes qui viendront consulter cette déclaration seront informées du montant exact des parts détenues par tous les autres membres de la famille, lesquels n’ont pourtant pas à assumer le choix qu’a fait leur frère de faire de la politique et d’être parlementaire.

(L’amendement n219 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement no  319.

M. Gérald Darmanin. Je voudrais d’abord rappeler, avec tout le respect que je dois au ministre et à sa fonction, que ce n’est pas lui qui a demandé un scrutin public, mais le groupe SRC. La séparation des pouvoirs voudrait à tout le moins qu’il fasse semblant de ne pas être trop en lien avec ses amis du groupe socialiste !

Je propose, par cet amendement, que les déclarations soient consultables par les citoyens français et non par les électeurs inscrits sur les liste électorales, comme le prévoit l’article 1er  à son alinéa 44.

Premièrement, nous sommes des élus de la nation et il n’y a pas de raison que nos déclarations ne puissent être consultées que par les électeurs inscrits sur les listes électorales.

Deuxièmement, on n’est pas forcément inscrit sur la liste électorale de l’endroit où l’on réside. C’est tellement vrai que, lorsque l’on procède au découpage des circonscriptions, c’est bien le nombre d’habitants qui importe et non le nombre d’électeurs.

Enfin, le service dédié aux élections dans les collectivités est parfois très performant, mais il l’est parfois un peu moins. Et je ne vois pas pourquoi l’on n’utiliserait pas la seule preuve de nationalité qui vaille, la carte d’identité ou le passeport.

L’ensemble des citoyens français devraient pouvoir consulter l’ensemble - j’ai bien dit l’ensemble - des patrimoines des élus. Cette précision entraînerait une simplification administrative. Elle mériterait un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le président, je voudrais poser une question à M. Darmanin. Parce que c’est un débat important.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre. Vous avez la parole.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je voudrais savoir si cette proposition est une proposition solidaire, officielle, de l’ensemble du groupe UMP.

Vous souhaitez, monsieur Darmanin, que l’ensemble des citoyens français puissent consulter, partout, tous les documents. Est-ce la position du groupe ? Si tel est le cas, cela pourra nourrir notre discussion, car cela modifierait quelque peu la nature de notre débat. A ce stade, j’enregistre votre proposition, mais si vous pouviez me préciser que c’est vraiment une proposition qui vous réunit, cela me paraîtrait être une démarche intéressante.

M. René Dosière. M. Jacob va répondre !

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour répondre à cette question du ministre.

M. Gérald Darmanin. Il est un peu étonnant de devoir répondre aux questions du Gouvernement. Il est bien écrit que cet amendement est « présenté par M. Darmanin ». Il me semble qu’en tant qu’élu du peuple, même si j’appartiens à un groupe politique, j’ai le droit de déposer des amendements en mon nom.

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas un amendement du groupe UMP !

M. Gérald Darmanin. J’aimerais que mes amis socialistes écoutent religieusement, comme dirait M. de Rugy, la réponse à la question que le ministre m’a aimablement posée.

Il serait bon que M. le président accepte que les membres de l’opposition répondent un par un au ministre, car vous avez l’air de douter, monsieur le ministre. Quoi qu’il arrive, vous êtes trop fin politique pour ne pas comprendre qu’avec cet amendement, je vous demande une réponse. Donner votre accord sur un amendement de l’opposition vous gêne manifestement,…

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela ne me gêne pas du tout !

M. Gérald Darmanin. …et je comprends donc que vous fassiez de la politique en me posant cette question. Mes collègues voteront tout à l’heure, vous verrez bien s’ils me suivent. Je souhaite simplement un peu de simplification administrative. Je considère que la déclaration de patrimoine doit pouvoir être consultée partout, et par tous.

M. René Dosière. C’est ce qui s’appelle parler pour ne rien dire !

M. le président. Nous allons reprendre la procédure normale. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant que la rédaction était suffisamment explicite. Quels sont les citoyens qui ne sont pas électeurs ? Ceux, notamment, qui sont privés de leurs droits civiques, et nous ne pensons pas que le lien soit automatique avec l’élu.

Ce ne sont pas seulement les électeurs du département qui peuvent consulter les déclarations, ce sont les électeurs « inscrits » sur les listes électorales.

M. Damien Abad. Absurde !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je n’ai pas eu les précisions que j’avais demandées. Évidemment, monsieur Darmanin, vous avez le droit de déposer un amendement en votre nom. Mais il ne s’agit là que d’une réponse juridique.

Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous faire le coup de donner votre avis sur des amendements en posant des questions, même si cela peut paraître sympathique !

Vous n’avez pas répondu à la question que je vous ai posée tout à l’heure. Que s’est-il passé entre le conseil des ministres et la conférence de presse pour que la position du Président de la République ait ainsi évolué ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Quelles sont vos propositions ?

M. Damien Abad. Vous nous posez des questions ; j’attends aussi des réponses. Si vous voulez jouer, on va jouer ! Je vais vous dire une chose : je soutiens pleinement l’amendement de mon collègue Darmanin.

M. René Dosière. Ils sont deux !

M. Lionel Tardy. Non. Avec moins, cela fait trois !

M. Damien Abad. Vous allez comprendre pourquoi, monsieur le ministre. Car en fait, cet amendement, c’est l’amendement Moscovici. Hier, vous nous avez dit que ce sont les lanceurs d’alerte qui nous permettront d’obtenir des éléments sur le patrimoine. J’en conclus que si M. Moscovici savait, ce genre d’amendement lui aurait permis de le signaler, la Haute autorité aurait pu être saisie et nous n’en serions pas là aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le rapporteur, ma question n’est pas politique, elle est sans arrière-pensée. Je vous invite seulement à faire de la simplification administrative. Avec cet amendement, la préfecture demandera juste la carte d’identité ou le passeport, et cela prendra trois secondes. Avec la rédaction actuelle, si la personne est inscrite sur les listes électorales à Marmande et veut consulter en préfecture de Lille, il faudra demander à la préfecture de Marmande de vérifier si elle est bien inscrite sur les listes électorales. Vous créez un incroyable imbroglio administratif, alors qu’il pourrait suffire d’une carte d’identité ou d’un passeport pour consulter les déclarations de patrimoine. Cet amendement est de bon sens, économe des deniers publics et du temps passé par les fonctionnaires dans des facéties votées par les parlementaires.

(L’amendement n319 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n308.

M. Gérald Darmanin. Je pense que nos amis socialistes ont envie de dire que l’opposition n’a pas apporté de contribution au débat, puisque même les amendements qui font gagner du temps et de l’argent au Gouvernement…

M. Jean-Frédéric Poisson. À l’État !

M. Gérald Darmanin. …ne sont pas adoptés.

Cet amendement no  308 tend à supprimer l’alinéa 47, qui décrit une situation un peu absurde : « À la préfecture, pour les députés élus dans les autres collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ».

Très franchement, il suffirait que tous les patrimoines soient consultables avec une carte d’identité française, pour que les choses soient simples et claires à partir du moment où le texte sera voté.

Pourquoi dans les préfectures ? Pourquoi pas dans les sous-préfectures ? On parlera tout à l’heure des consulats pour les Français de l’étranger. Que fera-t-on pour ceux qui sont élus à la proportionnelle ? Dans quelle préfecture faudra-t-il que la consultation ait lieu ? À Paris ? Pourquoi à Paris ? Bref, tout cela n’est pas très sérieux. Parlons de tous les citoyens français, et non des seuls électeurs inscrits sur les listes électorales ; et de tous les parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Il est naturellement défavorable, monsieur le président, au nom du parallélisme des formes. L’alinéa 48, qu’un amendement veut également supprimer, prévoit une consultation à la préfecture de Paris, et nous souhaitons qu’une telle consultation puisse avoir lieu dans chaque département. Je suis navré de ne pas faire preuve d’une originalité susceptible de vous convaincre, mais nous faisons preuve de constance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Même argumentation. Défavorable.

(L’amendement n308 n’est pas adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron