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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 06 février 2014

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Formation professionnelle

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (nos 1721, 1754, 1733).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures cinquante minutes pour le groupe SRC, dont 208 amendements sont en discussion ; six heures vingt minutes pour le groupe UMP, dont 372 amendements sont en discussion, une heure trente-huit minutes pour le groupe UDI, dont 64 amendements sont en discussion, une heure pour le groupe écologiste, dont 57 amendements sont en discussion, cinquante-deux minutes pour le groupe RRDP, dont 18 amendements sont en discussion, quarante-quatre minutes pour le groupe GDR, dont 38 amendements sont en discussion et trente minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n34 à l’article premier.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 34 et 644, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement n34.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet amendement concerne la situation particulière des travailleurs des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT. Nous proposons d’améliorer le dispositif afin de leur permettre de bénéficier du compte personnel de formation. En effet, le comité interministériel du handicap, qui s’est tenu en septembre 2013 sous la présidence du Premier ministre, avec l’ensemble des ministres concernés, a insisté sur l’importance de la promotion et de la valorisation des travailleurs handicapés employés en ESAT et a également rappelé la nécessité de favoriser les démarches de formation, de reconnaissance des compétences et de validation des acquis de l’expérience. Or, le dispositif de formation professionnelle de ces personnes, inscrit dans le code de l’action sociale et des familles et régi par un dispositif de financement, n’est, de fait, pas inclus dans le périmètre du projet de loi relatif à la formation professionnelle. C’est pourquoi nous proposons de modifier et de compléter les alinéas 13 et 16.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n644.

Mme Barbara Pompili. J’irai dans le même sens que ma collègue : les travailleurs employés au sein des ESAT ont besoin de voir leurs compétences valorisées par la formation professionnelle ; tous les directeurs d’ESAT que j’ai rencontrés m’ont dit la même chose. Certains, en Picardie, se sont d’ailleurs engagés eux-mêmes dans des processus de validation des acquis de l’expérience. Or, de fait, le projet de loi en discussion ne concerne pas la formation professionnelle dans les ESAT.

Aussi, afin de promouvoir et de valoriser les travailleurs handicapés en ESAT et, surtout, de développer les passerelles entre ce secteur protégé et les entreprises, cet amendement propose de reconnaître aux travailleurs en ESAT le bénéfice du compte personnel de formation.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont été repoussés en commission, car il a été jugé qu’ils étaient satisfaits. En effet, il existe un principe très clair, que je veux rappeler : le compte personnel de formation est universel. Donc, de manière évidente, toutes les personnes en situation d’emploi comme de demande d’emploi en bénéficieront.

À la réflexion, je considère toutefois que vous avez bien fait d’appeler notre attention sur cette question. En effet, les personnes travaillant en ESAT sont dans une situation particulière car elles ne sont pas reconnues comme salariées. Aussi, vous avez peut-être mis au jour, si je puis dire, un « trou dans la raquette » qu’il conviendrait de combler.

Sans contredire la position de la commission, mon avis est donc quelque peu différent et je souhaiterais connaître l’avis du ministre.

Vous avez bien fait, en tout état de cause, de souligner ce point. Il faut régler cette question, même si je ne suis pas certain que l’on puisse conserver votre rédaction ni placer l’amendement là où vous le souhaitez. Je le répète, il faut traiter la question des personnels en ESAT qui, disons-le clairement même si cela relève de l’évidence, ont droit au compte personnel de formation. Il nous faut trouver le moyen d’introduire ce principe dans le code.

L’avis de la commission est donc défavorable mais, après réflexion, celui du rapporteur est plutôt favorable. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Même si le compte personnel de formation est universel et concerne donc les personnels des ESAT, ces amendements pointent une réalité.

Bien qu’ils souffrent de quelques problèmes de rédaction et de positionnement, car il ne s’agit pas véritablement de salariés au sens strict du terme, je leur donne donc un avis favorable, sous réserve de leur modification ultérieure. Pardonnez-moi de le dire ainsi mais, bien que les deux amendements aillent dans le même sens, le plus facile à améliorer est celui de Mme Carrillon-Couvreur. Nous aurons besoin de peaufiner sa rédaction au cours de la navette pour qu’elle soit parfaite juridiquement, mais je reconnais qu’il s’agit d’une préoccupation très légitime, partagée par le Gouvernement.

M. Christian Paul et M. Michel Issindou. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur le ministre, suggérez-vous le retrait de l’un des deux amendements ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous connaissez ma délicatesse (Sourires) : je ne souhaitais dire que du bien des deux amendements. Je répète néanmoins, que l’amendement n34 est plus proche du texte final, même s’il faudra le peaufiner. Si vous pouviez retirer votre amendement, madame Pompili, cela me permettrait de ne pas y donner un avis défavorable, ce que je souhaiterais, dans la mesure du possible, éviter.

Mme la présidente. Madame Pompili, retirez-vous votre amendement n644 ?

Mme Barbara Pompili. Oui, je le retire et voterai bien volontiers celui de ma collègue.

(L’amendement n644 est retiré.)

(L’amendement n34 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n620.

Mme Isabelle Le Callennec. Hier, nous avons tous reconnu, me semble-t-il, que le système de formation est extrêmement complexe et qu’il est très difficile pour les demandeurs d’emploi et les salariés de s’y retrouver. Pour faire leur choix lorsqu’ils activeront leur compte personnel de formation, il faut qu’ils aient été préalablement éclairés. Tel est l’objet de cet amendement, qui prévoit que « préalablement à l’activation de son compte personnel de formation, chaque demandeur d’emploi doit avoir pu bénéficier d’un entretien de conseil en évolution professionnelle » afin de faire le point sur les opportunités qui sont offertes dans son territoire, en termes de formation, d’organismes et de probabilités de retour à l’emploi.

Le conseil devra, de mon point de vue, insister particulièrement – je crois que vous y êtes sensibles – sur les possibilités d’insertion dans les métiers en tension dans le bassin d’emploi du ressort du demandeur d’emploi. Il conviendra de lever tous les freins à l’accès aux offres d’emploi non satisfaites.

Par ailleurs, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous reposer une question qui me taraude depuis le début de l’examen de ce texte. Aujourd’hui, des dispositifs existent : un demandeur d’emploi, un salarié peuvent accéder à des formations. Demain, seront-ils, dès la première heure, obligés d’activer leur compte ou pourront-ils continuer à s’inscrire à des formations sans pour autant consommer leurs heures ? Je vois que le rapporteur s’interroge. J’ai déjà posé cette question en commission. Prenons l’exemple de quelqu’un qui n’a que cinquante heures sur son compte : il peut parfaitement, aujourd’hui, sans compte personnel, accéder à des formations en tant que demandeur d’emploi ou salarié, par exemple avec un congé individuel de formation. À partir de quand sera-t-il obligé de consommer ses heures, étant entendu que vous n’allez pas supprimer les dispositifs existant aujourd’hui ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Si j’ai bien compris, il y a un amendement et une question. (Sourires.) Je vais commencer par répondre à la question : l’on n’est jamais obligé d’activer son compte. Tel est le principe. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a précisé que le compte ne peut jamais être utilisé à l’insu de son titulaire. En même temps, s’il reçoit une proposition – j’en viens à votre amendement –, par exemple de Pôle emploi, il a le droit d’exprimer son désaccord : cela ne peut jamais être considéré comme une faute et être retenu contre lui. Tel est le principe que nous avons voulu établir. Le dispositif est donc, à cet égard, parfaitement sécurisé : l’on est titulaire de son compte.

Cela étant, vous faites le lien – ce qui est tout à fait légitime – entre le compte personnel que nous créons et, un peu plus loin, le conseil en évolution professionnelle. Vous avez bien compris qu’il s’agissait des différentes composantes d’un même système. À vos yeux, ces aspects sont si intimement liés qu’il faudrait, avant même l’activation du compte, rendre obligatoire l’entretien du demandeur d’emploi…

Mme Isabelle Le Callennec. Non !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. …avec, si j’ai bien compris, un conseiller de Pôle emploi, pour le guider et éviter un mauvais usage du compte. Ce n’est pas la philosophie du compte que nous créons.

Deux cas de figure se présenteront. Soit la personne ne souhaite utiliser que les heures dont elle dispose ou utiliser son compte dans le cadre du droit opposable, pour obtenir le socle de compétences ou l’accompagnement de la validation des acquis de l’expérience. Nous avons voulu, et l’avons indiqué expressément, que cette personne puisse décider seule sans passer d’entretien, par exemple à Pôle emploi. Telle est la philosophie du compte.

Soit la personne, demandeuse d’emploi, souhaite obtenir une formation plus importante et a besoin de Pôle emploi : un échange avec Pôle emploi aura évidemment lieu, dans le cadre d’un entretien avec le conseil en évolution professionnelle. C’est, si je puis dire, inévitable, et surtout nécessaire et souhaitable.

Cela étant dit, je vous remercie de votre amendement, qui nous permet de préciser les choses en ce début de séance. Toutefois, vous avez compris que la commission l’a repoussé et que j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je formulerai la même réponse à la question posée : nul n’est jamais obligé d’utiliser son compte. Chacun peut éventuellement utiliser d’autres dispositifs, s’ils sont à sa portée.

Mon avis est identique sur l’amendement, qui a en effet permis de donner une explication tout à fait complète. Puisque vous avez obtenu les réponses que vous attendiez, madame Le Callennec, je vous demande de retirer cet amendement. À défaut, je souhaite son rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La question de notre collègue a mis au jour un véritable problème.

Le Conseil d’État a rétabli le texte de l’accord national interprofessionnel, en rappelant que c’est par une demande expresse que le compte personnel de formation est activé. Cela veut bien dire que le demandeur d’emploi est responsable de son choix. On est bien d’accord sur ce point.

Mais que se passe-t-il en réalité ? Prenons l’exemple du contrat de sécurisation professionnelle : le droit individuel à la formation y est versé automatiquement, je dis bien : « automatiquement ». La question est donc de savoir ce qu’il se passe dans le cas où le demandeur d’emploi ne souhaite pas recourir à son contrat personnel de formation. Il y aura, dans un tel cas de figure, une pression extrêmement forte de la part, en particulier, de Pôle emploi, pour lier l’abondement à l’activation du compte personnel de formation.

M. Lionel Tardy. Bien sûr, et c’est normal !

M. Gérard Cherpion. La question qui a été posée est donc parfaitement justifiée.

Mme Isabelle Le Callennec. Je maintiens mon amendement. Même si j’ai bien compris que la question était sous-jacente, je persiste à penser que, pour que les gens s’y retrouvent, il faut les inciter. Sans en faire une obligation, le demandeur « doit avoir pu bénéficier d’un entretien », il doit avoir été incité à venir s’informer. C’est vrai, je continue à me poser la question car il n’est pas neutre d’activer son compte personnel de formation ou d’avoir accès à des formations de droit commun. Ce ne sont pas forcément les mêmes payeurs.

Reprenons l’exemple du congé individuel de formation, que j’ai cité hier. Chaque année, pas moins de 30 000 demandes n’aboutissent pas, parfois à cause du chef d’entreprise qui refuse que son salarié parte en CIF. Le salarié pourra-t-il dans ce cas activer son compte personnel de formation ?

M. Michel Sapin, ministre. Oui, bien sûr !

(L’amendement n620 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n97.

Mme Véronique Louwagie. Permettez-moi tout d’abord, madame la présidente, de saluer M. le ministre et M. le rapporteur, avant d’en venir au compte personnel de formation. Ouvert dès l’entrée dans la vie professionnelle et jusqu’au départ à la retraite à toute personne d’au moins seize ans, il peut, par dérogation, entrer en application à partir de quinze ans pour un jeune qui signe un contrat d’apprentissage.

Cet amendement tend à ne pas prévoir de seuil d’âge dans cet alinéa car cela aurait pour conséquence de limiter les effets du dispositif. Le contrat d’apprentissage étant un contrat de travail, il serait opportun de ne fixer aucune limite d’âge afin que le compte personnel de formation puisse s’ouvrir dès la signature par un jeune d’un contrat d’apprentissage.

Pourquoi prévoir une limite d’âge ? Vous venez d’indiquer, monsieur le rapporteur, que ce compte personnel de formation était universel et correspondait à une situation d’emploi. Parce qu’il n’y aurait aucun intérêt à prévoir un âge, nous proposons de substituer aux mots « dès l’âge de quinze ans », ceux « sans limitation d’âge ». S’il arrive qu’un jour, les contrats d’apprentissage puissent enfin être signés avec des jeunes de moins de quinze ans, le dispositif pourra s’appliquer.

J’en profite pour vous interroger sur un problème que nous rencontrons fréquemment, celui des jeunes qui, ne fêtant leur quinzième anniversaire qu’au mois de novembre, ne peuvent signer de contrat d’apprentissage en septembre. C’est un vrai souci qui mériterait une réflexion approfondie pour trouver une solution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Plusieurs amendements se rapportent au même thème. La commission a rejeté celui-ci dans la mesure où il est satisfait. Le compte est créé à l’âge de seize ans pour tout le monde, seize ans correspondant à l’âge auquel on peut travailler dans notre pays et où finit l’obligation de scolarité. C’est une règle universelle à laquelle nous avons expressément prévu qu’il puisse être dérogé puisque l’entrée en apprentissage peut se faire dès l’âge de quinze ans.

Votre amendement est par conséquent satisfait. J’ai bien compris cependant que vous ne partagiez pas mon avis puisque votre véritable objectif est de fixer l’âge de l’apprentissage à quatorze ans. Vous savez que nous sommes profondément défavorables à ce que les enfants entrent en apprentissage avant quinze ans. Nous préférons dans ces conditions conserver notre rédaction. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Une série d’amendements va suivre, dont nous connaissons la teneur. La position du Gouvernement, qui rejoint celle du rapporteur. Oui, il faut régler le problème des enfants qui ont quinze ans en fin d’année, aussi avons-nous pris des dispositions en ce sens. Si ma mémoire est bonne, ces mesures ont été prévues dans le texte de la commission ou le seront suite à un amendement du rapporteur.

En revanche, le Gouvernement est bien évidemment défavorable à tout amendement qui tendrait expressément à ce qu’aucune limitation d’âge ne soit prévue car ce serait ouvrir la voie à l’apprentissage à quatorze ans. Le débat aura lieu et je viens de livrer l’opinion du Gouvernement que je ne répéterai pas à chaque amendement. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Où se trouve la disposition dont vous parlez, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. Aux articles relatifs à l’apprentissage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je suis heureuse qu’une disposition permette de régler cette question mais mon amendement n’a rien perdu de son sens, au contraire. Si une disposition permet à présent à ces jeunes qui n’auraient pas encore quinze ans en septembre d’entrer en apprentissage, rien n’est prévu pour qu’ils puissent activer leur compte personnel de formation dès le début de leur contrat d’apprentissage, ce qui représente une véritable discrimination. Ce jeune, pendant quelques mois, perdra des heures qu’il aurait pu comptabiliser sur ce compte. Mon amendement présente encore plus d’intérêt qu’avant votre réponse, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Eh bien, la prochaine fois, je ne répondrai pas ! (Sourires)

Mme Véronique Louwagie. Ce serait dommage !

(L’amendement n97 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n339.

M. Francis Vercamer. L’examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle nous offre l’occasion, en effet, de débattre à nouveau de la place de l’apprentissage dans notre pays, en particulier de l’accès à ce mode de transmission des savoirs et du savoir-faire. À cet égard, le groupe UDI est favorable à une entrée en apprentissage plus précoce que celle prévue par la loi et proposera au cours de ce débat, à l’article correspondant, d’ouvrir l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans.

Cet amendement est par conséquent cohérent avec notre proposition mais il va plus loin puisqu’il tend à tenir compte de la pratique et de la réalité de la conclusion des contrats d’apprentissage. Il arrive parfois, en effet, que l’apprenti atteigne les quinze ans au cours de son année d’apprentissage et qu’il n’ait encore que quatorze ans lors de la signature du contrat. Nous proposons par conséquent d’ouvrir le compte personnel de formation dès la signature du premier contrat d’apprentissage. Nous avons réfléchi à cette rédaction avec le rapporteur mais aussi avec M. Cherpion, oublié dans les cosignataires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Avis défavorable. Nous débattrons plus tard de l’apprentissage à quatorze ans. Je constate cependant que les masques tombent : nous avions bien senti déjà, à l’époque de la loi Cherpion, que vous vouliez préparer l’ouverture de l’apprentissage dès quatorze ans sous couvert de ne traiter que la question des jeunes d’un peu moins de quinze ans. Vous assumez pleinement aujourd’hui vos convictions.

M. Gérard Cherpion. La France évolue !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. J’en profite pour réaffirmer à Mme Louwagie qu’il ne sera pas possible de devenir apprenti avant quinze ans. En revanche, il sera possible pour un jeune de moins de quinze ans d’être en CFA, sous statut scolaire. J’imagine que nous aurons un long débat à l’article 7 mais telle est notre position.

L’amendement de M. Vercamer est plutôt bien rédigé. En effet, un compte sera ouvert dès la signature du premier contrat mais après lecture de l’exposé des motifs, il est évident que je ne peux accepter cet amendement qui est un véritable cheval de Troie pour nous pousser à accepter l’apprentissage à quatorze ans.

M. Francis Vercamer. Oh !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je veux bien, monsieur le rapporteur, que vous ne soyez pas d’accord avec l’exposé des motifs mais vous ne pouvez pas nier le risque de contentieux. Dès lors que le texte prévoit que le compte de formation peut être ouvert à partir de l’âge de quinze ans, je ne vois pas comment il pourrait l’être avant. Passons.

Nous assumons par ailleurs très bien l’apprentissage à quatorze ans. Il commence même encore plus tôt en Allemagne, où 1 600 000 jeunes sont en apprentissage contre 400 000 en France !

Mme Ségolène Neuville. Il y a aussi des pays où les enfants travaillent !

M. Francis Vercamer. Si l’on veut vraiment développer l’alternance en France, inspirons-nous des modèles étrangers qui fonctionnent, plutôt que de nous en tenir à notre propre dogmatisme et continuer à perdre des apprentis.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Nous partageons tous, avec le Gouvernement, l’objectif d’atteindre les 500 000 apprentis à l’horizon 2017. Différentes questions se posent, celle de l’âge qui est importante mais aussi celle des machines dangereuses, qui représente un autre frein au développement de l’apprentissage. La situation a été améliorée en fin d’année puisqu’avant son départ du ministère, Thierry Repentin a pris deux décrets qui vont dans le bon sens : l’un pour dresser la liste des travaux interdits aux mineurs sauf dérogation, et l’autre pour préciser la procédure de dérogation. Elle est accordée par l’inspecteur du travail pour trois ans après avoir procédé à l’évaluation des risques. Surtout, elle concerne à présent un lieu en général et non plus chaque jeune, ce qui permet de lever un frein important à l’embauche des jeunes en apprentissage. La réponse de l’inspecteur du travail doit intervenir dans les deux mois, l’absence de réponse au terme de ce délai valant autorisation.

Publiés en fin d’année, ces décrets marquent des avancées importantes. Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, d’être particulièrement vigilant cette année pour mesurer les conséquences de cet assouplissement. Ce sera l’une des conditions pour que les chefs d’entreprise prennent en apprentissage des jeunes qui se destinent plutôt à des métiers manuels.

(L’amendement n339 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n513.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Nous en avons déjà parlé hier.

Mme la présidente. Le maintenez-vous, madame Fraysse ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je le retire.

(L’amendement n513 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n47.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement se rapporte à l’article L. 6323-2 du code du travail que le texte de la commission prévoit de rédiger ainsi : « Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne, qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi… » – nous sommes tous d’accord – « Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire » – tout va bien – « Le refus par le titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute ». Cette formulation me paraît beaucoup trop générale. Il serait préférable d’ajouter que la mobilisation du compte par le titulaire ne peut faire l’objet de sanction par l’employeur.

M. Denys Robiliard. Mais il n’y a pas de sanction !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. M. Cherpion est assez mal à l’aise puisqu’il n’a pas expliqué ce qui se cache réellement derrière son amendement : le cas du demandeur d’emploi. S’il est d’accord pour protéger le salarié face à l’employeur, il souhaite en revanche que Pôle emploi puisse contraindre le demandeur d’emploi à accepter une formation et à mobiliser son compte de formation. Or, nous avons justement voulu protéger le titulaire du compte d’une quelconque pression qui pourrait s’exercer sur lui. Le refus de mobiliser son compte pour une formation ne saurait constituer une faute. Là est en effet tout l’enjeu du compte qui représente, pour le salarié ou le demandeur d’emploi, un instrument de négociation de sa formation. C’est là toute la philosophie du compte. Ce n’est pas un compte monétaire, ce n’est pas un chèque formation que l’on a créé mais un pouvoir de négociation et d’initiative que l’on donne aux salariés face à leur employeur ou aux demandeurs d’emploi face à Pôle emploi. Le salarié ou le demandeur d’emploi peut refuser ou choisir d’être actif en faisant valoir qu’il demande une formation depuis un certain temps.

Enfin, nous avons prévu le cas où le nombre d’heures dont il dispose suffit à lui permettre de se passer de toute autorisation. Votre amendement est contraire à la philosophie du compte que nous avons voulu mettre en place. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis que le rapporteur, qui l’a parfaitement exprimé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je voudrais revenir à la définition du compte personnel de formation. Je constate tout d’abord qu’il s’adresse aux salariés, aux demandeurs d’emploi sans qu’il ait jamais été question des travailleurs indépendants. Or, nous l’avons dit hier, les carrières ne sont pas linéaires pour tous les Français et il aurait été intéressant d’aborder cette question.

Vous écrivez que le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Cela signifie bien que cette mobilisation ne relève pas de son initiative. On lui propose, puisqu’il peut refuser. J’insiste sur ce point. Je comprends la philosophie selon laquelle un salarié ou un demandeur d’emploi peut activer un compte de formation et demander une formation de cinquante heures, mais en principe, Pôle emploi propose des formations.

Convenons néanmoins que parmi les objectifs fixés par la feuille de route de Pôle emploi figure celui de l’efficacité. C’est pourquoi l’agence évite de conseiller des formations qui conduisent les intéressés vers des voies de garage ou, pire, au retour à Pôle emploi dans les mois qui suivent. Au contraire, ces formations ayant un coût, elle est tenue de veiller à ce qu’elles débouchent sur un emploi. De ce point de vue, j’ai cité hier des dispositifs qui ont fait la preuve de leur efficacité.

À mon sens, le texte manque donc de clarté. Si le compte personnel de formation est mobilisé à l’initiative du salarié ou du demandeur d’emploi, il ne saurait être précisé que c’est « avec l’accord exprès de son titulaire » – d’où l’intérêt qu’il y a à disposer d’un conseil permettant de donner ou non son accord à l’activation du compte. En l’état actuel de la rédaction, l’activation ne vient pas du titulaire, puisqu’il donne son accord à une proposition qui lui est faite.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. En effet, la rédaction de l’alinéa 16 pose problème : il y est fait référence à la notion de faute, laquelle implique nécessairement le lien entre employé et employeur.

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Gérard Cherpion. Or, ce lien n’existe plus pour les demandeurs d’emploi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison…

M. Gérard Cherpion. Il n’y a donc pas de faute ! De surcroît, ne nous leurrons pas : en toute objectivité, convenons que les pressions existeront naturellement. On le constate d’ailleurs déjà aujourd’hui avec le droit individuel à la formation dans le cadre des contrats de sécurisation professionnelle : Pôle emploi incite fortement les récalcitrants à utiliser leurs heures de DIF – soit un volume certes faible, mais tout de même non négligeable. En tout état de cause, le terme « faute » ne correspond pas à la situation du demandeur d’emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je ne suis pas certain d’avoir tout compris de la question posée par Mme Le Callennec…

Mme Isabelle Le Callennec. C’est ainsi depuis le début !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Permettez-moi de vous rappeler que la notion d’accord exprès et le fait de préciser qu’un refus ne constitue pas une faute correspondent précisément au texte de l’ANI.

Mme Isabelle Le Callennec. Oui, mais nous pouvons l’amender !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Nous l’avons déjà amendé pour le rétablir… (Sourires.)

Pour éclairer le débat, posons la question ainsi : dès lors qu’un demandeur d’emploi, s’étant présenté à Pôle emploi, accepte une formation, il pourrait, nous dit-on, être implicite que son compte sera débité. Ce débat a eu lieu et l’option choisie est la suivante : il n’y aura pas d’implicite, parce que la philosophie qui a prévalu à la conception du compte personnel de formation consiste à en responsabiliser le titulaire en lui confiant une part d’initiative. Dans quel sens se déroule la discussion, me demandez-vous ? Dans les deux sens : soit le conseiller de Pôle emploi s’efforce de convaincre le demandeur d’emploi de mobiliser son compte, soit, comme cela arrive, celui-ci, ne parvenant pas à obtenir une formation qui convient à ses souhaits, exerce son droit d’initiative, qu’il faut donc préserver.

Nous avons choisi de prendre très au sérieux la question des titulaires de compte, à qui l’on ne saurait dire que leur compte sera débité sans leur avis. N’en va-t-il pas de même pour nous tous avec nos comptes en banque ? Je renouvelle donc mon avis défavorable à l’amendement.

(L’amendement n47 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n758 de M. Jean-Patrick Gille, rapporteur, est rédactionnel.

(L’amendement n758, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 341 et 48, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n341.

M. Francis Vercamer. Cet amendement concerne une précision figurant dans l’ANI que les auteurs de ce projet de loi ont omis, sans doute par inadvertance, de reprendre. L’ANI précise en effet qu’un compte personnel de formation peut être mobilisé par un salarié après rupture de son contrat de travail sauf en cas de faute lourde. Dans ce cas, « les heures portées au crédit du compte personnel de formation au titre de l’exécution du contrat de travail ayant donné lieu au licenciement sont débitées du compte ». Autrement dit, si une faute lourde est commise avant la rupture du contrat de travail, alors les heures comptabilisées sont perdues lors du licenciement.

Voilà ce que l’ANI stipule noir sur blanc. Or, monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vous vous feriez le Cerbère de cet accord. Je ne doute donc pas un instant que vous donnerez un avis favorable à cet amendement, qui en reprend fidèlement les termes.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n48.

M. Gérard Cherpion. La question de la faute lourde a donné lieu à un accord unanime entre les partenaires sociaux. Il me paraît indispensable de reprendre sur ce point les termes de l’ANI, car toute faute lourde doit entraîner l’exclusion des heures de formation correspondant à la durée du contrat de travail – et non pas la totalité des heures, qu’il ne s’agit naturellement pas de rayer. Les heures qu’un salarié a obtenues dans telle ou telle entreprise ne doivent pas être débitées, sauf en cas de faute lourde : tel est l’esprit – et la lettre – de l’ANI. Respectons-le, pour respecter les partenaires sociaux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements à l’issue d’un long débat. Il y a un instant, monsieur Cherpion, vous vouliez modifier l’ANI ; voici qu’il faut désormais lui être fidèle. Allez-vous tergiverser de la sorte toute la journée ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Oui, hélas…

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. De mon point de vue, l’argument décisif contre votre amendement est qu’il créera un nid à contentieux. Reprenons votre exemple d’une personne qui, ayant eu un parcours exemplaire, n’a jamais changé d’entreprise jusqu’à ce qu’un problème grave se produise. Combien d’heures lui seront-elles enlevées ? Faudra-t-il considérer toute la période d’emploi, ou ne débiter que les heures obtenues à partir du moment où l’intéressé a commencé à déraper ? Tout cela sera très difficile à gérer. Par souci de simplicité, nous avons donc décidé de ne pas intégrer cette disposition dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. L’explication de M. le rapporteur est limpide ; avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il est important d’avoir à l’esprit ce que signifie la notion de « faute lourde » : il s’agit d’une faute commise par un salarié avec l’intention de nuire à son employeur ou à son entreprise. Autrement dit, il s’agit d’un manquement à une obligation essentielle. Détournement de fonds, détournement de clients, falsification de documents ou encore divulgation de secrets de l’entreprise : toutes ces fautes sont inadmissibles. Elles entraînent déjà plusieurs conséquences : la privation de l’indemnité compensatrice de préavis, laquelle tient compte de son ancienneté, mais encore la privation de son indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, elles aussi liées à l’ancienneté et au contrat de travail, enfin la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés pour la période en cours. D’importantes privations existent donc déjà. Seul y échappe le droit à la participation et à l’intéressement, que le salarié conserve même en cas de faute grave – et c’est bien légitime, puisqu’il s’agit d’un élément constitutif de la rémunération. Les indemnités, en revanche, donnent lieu à privation.

Or, en l’espèce, nous allons introduire une différence concernant le compte personnel de formation. Notre amendement contient donc une proposition logique, eu égard aux indemnités dont est déjà privé le salarié ayant commis une faute lourde. En outre, il correspond à ce dont les partenaires sociaux sont convenus dans l’ANI.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Ne complexifions pas le code du travail. Il existe un système de privation portant sur plusieurs indemnités : alignons-nous sur lui et évitons de créer un nouveau dispositif qui complique les choses.

Mme Véronique Louwagie et M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Gérard Cherpion. Certes, monsieur le ministre, je sais que vous vous réjouissez lorsque l’on ajoute des pages au code du travail mais, en l’occurrence, soyons clairs et n’en ajoutons pas ! Le dispositif entourant la faute lourde fonctionne. Rappelons une fois de plus que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire ; à ce titre, il s’agit d’une faute grave. Dès lors, le parallélisme des formes s’impose dans ce texte.

M. Lionel Tardy. C’est logique !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous citer l’article 13 de l’ANI, relatif à l’ouverture du compte personnel de formation, tel qu’il a été signé : il indique noir sur blanc que « les heures portées au crédit du compte personnel de formation le demeurent en cas de changement de statut », autrement dit en cas de transfert. Or, si le transfert est dû à une faute lourde, alors les heures créditées au cours du contrat de travail rompu sont débitées du compte, de même que l’indemnité de préavis n’est pas versée – c’est la même démarche. La mesure est donc déjà prévue dans le code du travail en cas de faute lourde. Pourquoi la modifier s’agissant du compte personnel de formation au seul motif que vous en avez décidé ainsi ? Il s’agit pourtant d’un accord national interprofessionnel que vous avez déclaré vouloir respecter à la lettre ! Nous ne demandons pas la lune !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le respect à la lettre varie selon les jours !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Je suis extrêmement gêné par ces amendements qui sont contraires à l’esprit et au texte du code du travail.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes précisément là pour le modifier !

M. Thierry Braillard. Qui est donc, in fine, responsable de la qualification de la rupture du contrat ? Est-ce l’employeur, comme semble l’indiquer l’amendement…

Mme Véronique Louwagie. Pas du tout !

M. Thierry Braillard. …ou bien le juge ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Étudiez donc un peu le droit du travail, monsieur le député !

M. Thierry Braillard. Ne vous en faites pas, monsieur Poisson, je prendrai des cours auprès de vous ; ce sera certainement fort utile.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a de la place !

M. Thierry Braillard. Dès lors que l’on veut qualifier la rupture pour faute lourde et qu’elle entraîne une conséquence sur l’application du compte personnel, l’équité entre les salariés est remise en cause. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Le texte est nouveau et n’est pas encore appliqué. Cela explique peut-être pourquoi certains d’entre vous n’ont pas pris la mesure du changement profond que représente le compte personnel de formation, qui est différent du DIF. Celui-ci est certes attaché à l’individu, mais il est lié à l’entreprise. Au contraire, le compte personnel est, par définition, attaché à la personne, indépendamment de l’entreprise.

Mme Véronique Louwagie. Les partenaires sociaux auraient donc mal compris ?

M. Michel Sapin, ministre. Le lien entre le salarié et l’entreprise n’est donc pas concerné ; il s’agit de droits acquis par le salarié, qu’il peut utiliser. C’est pourquoi le raisonnement que vous faites, qui était recevable s’agissant du DIF, ne l’est plus avec le compte personnel de formation. C’est la raison pour laquelle en accord avec les partenaires avec lesquels j’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet, nous n’avons pas repris cette mesure qui, y compris dans l’esprit des partenaires sociaux, était un vestige du mécanisme précédent.

M. Gérard Cherpion. Ce n’est pourtant pas le cas dans l’ANI !

M. Michel Sapin, ministre. Oui, mesdames et messieurs les députés, le compte personnel de formation provoque un changement profond, si profond qu’il faudra vous y adapter !

M. Francis Vercamer. Ne prétendez pas que les partenaires sociaux l’ont adopté les yeux fermés !

(Les amendements nos 341 et 48, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 102 et 366.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n102.

M. Lionel Tardy. L’alinéa 28 permet à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, d’abonder complémentairement le nouveau compte personnel de formation lorsque la durée de la formation éligible au compte est plus longue que le nombre d’heures effectivement inscrites au compte. Or, une nouvelle fois, il s’agit d’une transposition incomplète des dispositions prévues à l’article 27 de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013. Nous avons eu le débat en commission, monsieur le ministre. Je cite l’article en question : « Les signataires du présent accord demandent au conseil d’administration de l’AGEFIPH d’étudier les conditions et les modalités permettant d’abonder le compte personnel de formation pour les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap, dans le respect de ses missions. Cet abondement peut notamment prendre la forme d’actions de compensation du handicap ou d’actions de formation préparatoire ».

Tel qu’il est rédigé, cet alinéa n’est donc pas assez précis car l’ANI laissait le soin au conseil d’administration de l’AGEFIPH, et à lui seul, d’étudier les conditions et les modalités de cet abondement, lesquelles devaient en outre être étudiées dans le respect des missions de cette institution ainsi que son budget. Il est donc préférable de recourir à un texte réglementaire pour confier au conseil d’administration de l’AGEFIPH le soin de déterminer les modalités et les conditions de cet abondement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n366.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Défavorable.

J’ai entendu ce que vous avez dit et votre rappel de l’ANI, mais ce n’est pas contradictoire. Le conseil d’administration de l’AGEFIPH est déjà compétent pour décider des conditions dans lesquelles l’association pourra abonder les comptes des personnes handicapées. En cas de problème, des précisions pourront figurer dans la convention triennale d’objectifs liant l’AGEFIPH à l’État. S’agissant de la précision que vous demandez, un décret n’est absolument pas nécessaire. En cela, nous laissons une forme d’autonomie à l’AGEFIPH, et c’est tout à fait respectueux du texte de l’ANI.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je veux rassurer l’auteur de l’amendement et ceux qui, au sein de l’AGEFIPH, peuvent se poser des questions de cette nature. Cet amendement pose une question que je trouve tout à fait légitime.

Que les choses soient claires. C’est le conseil d’administration, et lui seul, qui décide. C’est très gentil de me demander de prendre un décret, mais comme ce décret est inutile, je ne le prendrai pas ! Je le répète, c’est le conseil d’administration qui décidera.

Cet amendement étant tout aussi inutile, vous pourriez le retirer.

M. Michel Issindou. C’est de bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je le maintiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je le maintiens également.

(Les amendements identiques nos 102 et 366 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n370.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à ce que les heures abondées – dont nous venons de parler à l’occasion de l’amendement précédent – aient le même statut que les autres heures prises en compte dans le compte personnel de formation. Car je ne vois pas de raison particulière de les traiter autrement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Défavorable.

Nous allons tenter de faire un peu de pédagogie. Vous avez le compte socle, qui est une sorte de compteur. Autrement dit, dès lors que vous travaillez un mois, deux heures viennent, en fin d’année, créditer votre compte. Ce socle peut aller jusqu’à 150 heures.

À partir de là, nous l’avons précisé en commission, vous pouvez bénéficier d’heures supplémentaires, notamment si votre employeur ne vous a fait suivre aucune action de formation ni accordé un entretien individuel professionnel ou une promotion dans l’entreprise. Dans ce cas, au bout de six ans, vous avez un crédit d’une centaine d’heures, lesquelles sont inscrites dans le compte.

Puis, il y a les heures complémentaires. C’est ce que nous avons évoqué avec l’AGEFIPH, qui peut abonder votre compte.

Je cite un autre exemple : vous êtes demandeur d’emploi et vous arrivez avec vos 150 heures, Pôle emploi en apportant 350 pour que vous suiviez une formation. Il s’agit là d’heures complémentaires. De ce point de vue, contrairement à ce que vous disiez, cher collègue, elles ne sont pas tout à fait de même nature. Elles ne sont pas inscrites dans le compte, mais simplement retracées quand vous les utilisez. Il faut donc maintenir cet alinéa 29.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas ce que dit l’amendement, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je le dis pour ceux qui, comme M. Morin, pensent que le projet de loi ne change pas grand-chose et qu’il n’y a pas d’évolution. Au contraire, ce texte et le compte personnel de formation changent profondément les choses, à tel point qu’il faut vous expliquer plusieurs fois en quoi consiste ce changement. Je précise que je ne dis pas cela pour être désagréable.

Je le dis à tous ceux qui estiment que 150 heures, c’est peu.

M. Hervé Morin. Oui, c’est peu !

M. Michel Sapin, ministre. Mais 150 heures, c’est le socle. Ce n’est plus le plafond, comme avant, avec les 120 heures. Ce socle, il faut le préserver dans sa pureté et ne pas y mêler d’autres heures, comme vous voulez le faire.

Au-dessus de ce socle, il y a des heures différentes, soit supplémentaires, soit complémentaires, en fonction de l’origine de ces heures. Il faut garder la spécificité de ces heures qui s’ajoutent aux 150 heures. Si vous créez de la confusion, vous allez les faire entrer, si je puis dire, sous le plafond du socle. Or ce sont des heures en plus. Elles seront retracées sur le compte et chacun connaîtra exactement ses droits. Il est très important de montrer que le compte personnel n’est plus une logique de plafond, mais une logique de socle, de minimum au-dessus duquel peuvent ensuite être apportées des heures supplémentaires ou des heures complémentaires, en particulier les heures complémentaires par abondement, pour tenir compte de la spécificité des personnes concernées.

Je le répète, c’est un changement profond. Intégrons, les uns et les autres, ce changement qui n’est pas seulement voulu par le Gouvernement, mais aussi par les partenaires sociaux. Comme quoi, des partenaires sociaux, monsieur Morin, peuvent faire des choses qui vont très loin !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il est très important que nous ayons cette discussion, car nous avons tous un peu de mal à nous approprier le compte personnel de formation.

Mme Isabelle Le Callennec. Merci de le dire, madame la présidente !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est normal dans la mesure où il s’agit d’une nouveauté.

Cela étant, j’estime que ce que vous venez de dire est très positif et il faudra le mettre en valeur. Vous dites qu’il y aura des heures complémentaires inscrites au compte personnel de formation si l’on n’a pas eu d’entretien, de promotion, d’évaluation ou d’augmentation de salaire. Je pense à certaines situations, en particulier à celles que vivent les femmes les moins diplômées, pour lesquelles l’absence de promotion, d’augmentation des salaires et d’évolution de carrière est un phénomène assez généralisé. J’espère que les partenaires sociaux feront connaître ces éléments, car il s’agit là d’une avancée importante.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos explications.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le ministre, j’ai entendu vos explications. Vous accepterez donc sans doute mon amendement n658, qui viendra un peu plus tard. Je cite l’alinéa 48 sur le compte personnel de formation : « L’alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures puis de douze heures par année de travail à temps complet dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures. »

M. Michel Sapin, ministre. Oui, c’est le socle.

M. Hervé Morin. S’il s’agit simplement d’un plancher, la loi est mal rédigée et il faut supprimer ces dispositions afin de pouvoir abonder le CPF autant que nécessaire. Cela relève de la simple cohérence.

Quant au conservatisme des partenaires sociaux, monsieur Sapin…

M. Michel Sapin, ministre. Le conservatisme, il est de votre côté !

M. Hervé Morin. …je voudrais simplement vous rappeler les débats qui ont eu lieu, dans le cadre de l’ANI, sur le droit du travail.

J’entends encore Mme Parisot, alors présidente du MEDEF, expliquer, tandis que je prenais mon petit déjeuner, que cet accord, signé par les partenaires sociaux, permettrait de créer un million d’emplois. Je m’étais demandé comment on pouvait sortir une telle ânerie ! J’attends toujours le million d’emplois promis par cet accord des partenaires sociaux, qui allait, paraît-il, révolutionner le marché du travail.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, puis-je vous inviter à lire attentivement mon amendement ? Je n’ai jamais parlé de supprimer l’alinéa 29.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. En effet. Vous voulez supprimer la seconde phrase de cet alinéa.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, c’est un peu différent !

Monsieur le ministre, si j’ai bien compris, il y a un socle, alimenté par le temps de travail, qui peut atteindre 150 heures. Ensuite, il peut être complété.

Si on pouvait éviter, pour désigner les mêmes choses, de parler d’un plafond qui est en haut et d’un socle qui est en bas, cela permettrait peut-être d’être un peu plus précis !

M. Michel Sapin, ministre. C’est parce qu’on veut monter en haut, pas descendre en bas ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous remercie de cette précision, monsieur le ministre. Nous avons bien fait de venir ce matin. C’est un pur bonheur ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, quand vous aurez lu attentivement mon amendement, pourrez-vous m’expliquer pourquoi les heures dont vous parlez dans cet alinéa ne seraient pas traitées exactement comme les autres, au regard de l’alinéa dont M. Morin vient de donner lecture ? Je me permets de solliciter à nouveau une réponse de votre part, une fois que vous aurez lu intégralement mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous allons vous demander à nouveau une définition des heures supplémentaires et des heures complémentaires. Car j’ai lu, dans le texte, l’inverse de ce qu’a expliqué Mme Coutelle, à savoir que les heures complémentaires étaient bien abondées par toute une série d’intervenants, dont j’ai la liste : l’employeur, son titulaire lui-même, l’organisme collecteur, l’organisme paritaire agréé pour le CIF, l’État, les régions etc. Pour moi, c’est la définition des heures complémentaires.

M. Lionel Tardy. Exactement !

Mme Isabelle Le Callennec. Mais est-ce inscrit ou non dans le compte personnel de formation ?

Les heures supplémentaires sont liées à ce que l’on appelle la « sanction » si l’employeur n’a pas respecté ses engagements. C’est assez complexe. En outre, dans l’opinion publique, les heures supplémentaires sont les heures que l’on fait en plus de son travail, heures que nous avions défiscalisées et sur lesquelles vous êtes revenus.

M. Denys Robiliard. Nous avons bien fait !

Mme Isabelle Le Callennec. Les mots sont extrêmement importants. Nous votons la loi ; les gens vont devoir l’intégrer et la digérer, tant les conseillers que les personnes auxquelles elle s’adresse. Aussi, pourriez-vous préciser à nouveau les choses ? Nous vous écouterons religieusement…

M. Michel Sapin, ministre. Ah non ! pas ici ! (Sourires.)

Mme Isabelle Le Callennec. Ma question subsidiaire est la suivante : nous avons bien compris que le socle dont vous parlez avait un plafond de 150 heures. Le nombre des heures complémentaires est, quant à lui, fixé à 100. Les heures supplémentaires sont-elles limitées, ou non ?

M. Lionel Tardy. Ce serait bien que le rapporteur nous éclaire…

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Nous avançons… Je vais reprendre mon explication, mais en y introduisant la notion de plafond puisque c’est elle qui pose problème.

Mme Véronique Louwagie. Oui, qu’y a-t-il dans ce plafond ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. M. Morin a eu raison d’en parler, même si je ne partage pas son souhait de modifier le plafond.

Il y a trois niveaux possibles.

Il y a le socle…

M. Hervé Morin. Ça, on a compris ! (Sourires.)

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Le socle, c’est automatique, c’est tous les ans. Mais il est plafonné, pour inciter à dépenser les heures. Nous aurons un débat sur le plafond, mais son objectif est d’inciter les salariés à utiliser ces 150 heures puisqu’ils ne peuvent pas en obtenir d’autres – du fait du plafond – et que le compte se recharge.

Les heures supplémentaires, quant à elles, peuvent être de deux types : elles peuvent relever de la « sanction » – qui a été évoquée par Mme Coutelle. Au bout de six ans, si l’on constate que l’employeur n’a ni procédé aux entretiens individuels de formation ni permis à un salarié d’aller en formation ni encouragé une progression professionnelle, si deux de ces trois conditions n’ont pas été remplies, il y a une forme de sanction, un bonus de 100 heures, qui sont au-delà du plafond.

Il y a des heures supplémentaires d’un autre type. Nous proposons qu’il puisse y avoir des accords d’entreprise ou de branche qui permettent d’alimenter le compte, à hauteur non pas de vingt-quatre heures par an, mais de trente ou trente-cinq heures, par exemple. Nous ouvrons cette possibilité, qui donnerait lieu à des heures supplémentaires hors plafond.

Ensuite, il y a la possibilité d’aller chercher des heures complémentaires à l’AGEFIPH ou à Pôle emploi. Ce sont celles que nous évoquons, et c’est pour cela qu’elles ne sont pas du même type, parce qu’elles ne doivent pas être comprises dans le plafond.

Voilà pourquoi, monsieur Poisson, il faut garder la phrase que vous voulez supprimer. Sinon, le compte est immédiatement au maximum. Cette phrase précise que l’on ne tient pas compte de ces heures complémentaires pour le plafond de 150 heures.

M. Lionel Tardy. Et pour les heures supplémentaires, on fait quoi ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je voudrais contribuer à la compréhension par tous de cette nouveauté, car c’est une vraie nouveauté, une véritable avancée, ce que certains peuvent même avoir appelé une révolution tranquille : je veux parler du compte personnel de formation.

Je ne reviens pas sur le socle – 150 heures maximum à ce titre. Je ne reviens pas non plus sur les heures supplémentaires, dont le mécanisme a été parfaitement décrit et qui constitue une forme de sanction. Les heures supplémentaires sont forcément retracées sur le compte. Cela fait partie des droits acquis par le salarié et inscrits sur le compte.

Puis, viennent les heures complémentaires, qui sont liées à un projet particulier. Elles ne peuvent donc pas être inscrites sur le compte puisque dépendant d’un projet. Elles peuvent représenter un certain nombre d’heures mobilisées, en plus des 150 initiales.

Ainsi, et pour répondre à la question, les heures complémentaires ne peuvent être inscrites sur le compte au fur et à mesure de la vie professionnelle. Elles peuvent être comptabilisées a posteriori, non inscrites pour l’avenir. Elles sont mobilisées en plus des heures du socle par le salarié, à sa demande et en accord avec les organismes qui devront apporter le complément de financement au-delà de 150 heures. Tel est le dispositif complet, qui paraît complexe de prime abord mais sera extrêmement simple d’utilisation pour le salarié. Un compte personnel recensera les droits et les possibilités ouverts ainsi que les mobilisations de la région, de Pôle emploi et de l’employeur en fonction de tel ou tel accord au sein de l’entreprise ou de la branche. Le quota de 150 heures est donc un minimum susceptible d’être complété par des heures absolument nécessaires à l’obtention de qualifications qui peut exiger davantage de temps.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Vous vous inscrivez, monsieur le rapporteur, dans une logique de moyens et non de résultats.

M. Michel Sapin, ministre. Mais non ! Au contraire !

M. Hervé Morin. Limiter le socle à 150 heures pour bloquer les choses et obliger à les consommer dès lors qu’on ne peut pas les accumuler, comme vous souhaitez le faire conformément à l’accord des partenaires sociaux dont le texte est la transcription, cela me semble être une idée idiote, permettez-moi de vous le dire ! Je pense au contraire qu’il faut être d’emblée en mesure de l’alimenter et le compléter au maximum. J’ai bien compris la démonstration de Michel Sapin mais il me semble qu’il faut offrir aux salariés un compte suffisamment doté pour accéder à des qualifications. Nous sommes tous, malheureusement, témoins de drames sociaux dans nos circonscriptions ou nos départements. Les formations indigentes et lamentables proposées quelques jours par an afin de mieux maîtriser internet, Windows ou Excel ne sont franchement pas à la hauteur de l’enjeu, même s’il faut parfois revenir aux fondamentaux ! J’invite donc à cultiver une ambition bien plus grande sans contraindre à consommer les 150 heures prévues faute de pouvoir les compléter.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je me pose une question technique qui appelle une précision. Le transfert du DIF dans le compte personnel de formation fait-il partie du socle, du temps complémentaire, du temps supplémentaire ou bien encore d’un autre dispositif ?

M. Jean-Marc Germain. Du socle !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Reprenons l’exemple du salarié auquel l’employeur refuse l’activation d’un CIF. Le compte personnel de formation lui donne la possibilité d’en suivre une quoi qu’en dise son employeur. Toutefois, les formations financées par le CIF durent en général plus de 150 heures. Leur durée moyenne est de 800 heures. Concrètement, que se passera-t-il ?

M. Francis Vercamer. Ils ne le savent pas !

Mme Isabelle Le Callennec. Le salarié activera son compte, c’est dorénavant son droit le plus strict, mais il manquera des heures. Il demandera donc un abondement à son employeur qui lui a refusé un CIF !

M. Michel Sapin, ministre. Ou à d’autres employeurs !

M. Lionel Tardy. On peut toujours rêver !

Mme Isabelle Le Callennec. D’autres employeurs ? L’OPCA, par exemple ? Croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, qu’un salarié désireux de se former en 700 heures et qui n’a pas obtenu un CIF pourra convaincre qu’il le fera grâce au compte personnel de formation ? En outre, disposer de 150 heures suppose d’avoir travaillé plusieurs années. La question de l’articulation entre les dispositifs de droit commun existants et l’activation du compte personnel de formation est donc à nouveau posée. Il ne s’agit pas de faire de celui-ci un nouveau DIF, dont tout le monde sait qu’il a été assez peu activé. Il s’agit en outre de faire en sorte que le compte personnel de formation soit utilisé par les demandeurs d’emploi pour suivre des formations débouchant sur un emploi et par les salariés pour suivre des formations donnant une qualification supplémentaire. Sur ce point, tout le monde est d’accord. Mais les modalités pratiques des négociations entre un salarié et son employeur ou un demandeur d’emploi et pôle emploi ne seront pas aussi simples. Toutes ces questions, les gens nous les posent !

M. Michel Issindou. Allons donc !

M. Denys Robiliard. Sur le marché de Vitré ?

(L’amendement n370, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n514 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de supprimer l’alinéa 30. Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, il est selon nous anormal que les heures consacrées à l’acquisition du socle de connaissances et de compétences soient prélevées sur le CPF des salariés concernés.

Mme Isabelle Le Callennec. Tout à fait d’accord !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cet amendement a été repoussé en commission à l’issue d’un long débat. Permettez-moi de vous dire, chère collègue, que vous avez une conception du compte personnel de formation un peu monétaire !

Mme Jacqueline Fraysse. Pas du tout !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas très gentil !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je veux dire par là que vous raisonnez comme s’il s’agissait d’un compte en argent.

Mme Jacqueline Fraysse. Non, en heures !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je m’explique. Dans le cas des personnes à bas niveau de qualification désireuses d’obtenir le socle de connaissances et de compétences, nous n’enlevons rien au dispositif existant.

Mme Jacqueline Fraysse. Si, des heures !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Quel est l’apport spécifique du compte personnel de formation ? À une personne qui n’a jamais pu accéder à ces dispositifs, parce qu’on lui a fait barrage ou on ne lui a pas dit, parce qu’elle n’était jamais dans la bonne case ou n’avait pas le bon statut au bon moment, le compte apporte quelque chose car il est opposable. À Pôle emploi comme à un employeur, tout titulaire d’un compte comportant des heures peut annoncer qu’il veut suivre une formation et sera absent en conséquence, un point c’est tout. Le compte n’enlève donc rien, au contraire. Je comprends votre raisonnement, chère collègue, mais il procède d’une vision un peu monétaire selon laquelle on priverait injustement une personne déjà peu formée d’un temps de formation qu’elle a épargné. Elle pourra peut-être bénéficier de dispositifs sur l’illettrisme et l’acquisition des savoirs de base dans un autre cadre.

Mme Jacqueline Fraysse. Peut-être…

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cet autre cadre existe déjà, on ne lui enlève donc rien. Au contraire, on lui accorde un droit opposable. J’insiste sur ce point, car il me semble qu’il n’a pas été vu par tout le monde. Un droit opposable permet de se passer de tout consentement extérieur pour disposer d’heures de formation par ailleurs indispensables pour accéder à d’autres formations. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je voterai cet amendement. Vous nous avez affirmé, monsieur le ministre, cibler les moins qualifiés, en particulier les jeunes et les demandeurs d’emploi qui bien évidemment n’ont pas forcément accès aux formations. Or vous dotez tous les Français, sauf les travailleurs indépendants, …

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cela viendra !

Mme Isabelle Le Callennec. …d’un socle plafonné à 150 heures. Curieuse équité que celle qui consiste à accorder la même chose à tout le monde, des niveaux quatre comme des bac +12 ! La notion d’acquisition du socle de connaissances et de compétences, en particulier de lutte contre l’illettrisme, a fait l’objet de nombreuses discussions récemment. Les salariés qui n’ont pas été formés pendant vingt-cinq ans et souffrent d’illettrisme ont beaucoup de difficultés à retrouver un emploi dans les zones fragilisées. Il me semble donc juste de faire bénéficier les personnes n’ayant pas eu la chance de faire de grandes études du socle de connaissances et de compétences en dehors du compte personnel de formation. Une personne quasiment dépourvue de qualification activant son compte en consommera la totalité pour en acquérir alors que des diplômés à bac +12 se promèneront allègrement tout au long de leur carrière sans jamais activer leur compte. L’amendement me semble parfaitement juste.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Dussé-je consommer le temps de parole dont dispose le groupe UDI, comme vient de me le reprocher amicalement Hervé Morin, je tiens à parler de l’amendement. (Sourires.) En effet, la formation initiale est tout de même à la charge de la solidarité nationale, en l’espèce l’éducation nationale. Amputer le compte personnel de formation de la formation initiale que la nation a échoué à conférer, qui est attribué à la personne en vue d’améliorer sa qualification et de l’adapter aux évolutions de la société, je trouve que c’est en effet un peu fort de café ! Je voterai donc l’amendement du groupe GDR.

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il arrive que le mieux soit l’ennemi du bien. On ne peut être en désaccord avec le principe selon lequel une formation initiale différée à lire, écrire et compter, suppléant celle qui n’a pas été donnée ou qui l’a été sans le moindre succès et qui est nécessaire pour suivre les formations qualifiantes, doit rester à la charge de la nation.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Denys Robiliard. Passons maintenant du principe au concret. Un jeune sorti de l’école sans rien, comme il en existe 150 000 chaque année, et occupant un emploi qui ne nécessite pas la mobilisation du savoir minimal qu’on est censé maîtriser en quittant l’école primaire, dispose d’un compte crédité de deux heures par mois dans la limite de 150 heures. Ce compte pour les formations socle est opposable à l’employeur. Le salarié, éventuellement aidé par les représentants du personnel et par les syndicats représentés dans l’entreprise, peut imposer à son employeur de suivre les formations qui lui sont nécessaires sans perte d’argent. Certes, cela aurait dû être pris en charge par la nation, mais elle a failli. Le salarié se trouve dans une situation où il peut imposer à son employeur de suivre une formation grâce à laquelle il pourra en suivre d’autres par la suite.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Exactement !

M. Denys Robiliard. De ce point de vue, le CPF est un nouveau chemin d’accès au socle. C’est pourquoi il est important. Il est certes imparfait en principe, mais il améliore la situation. Il ne faudrait pas, pour des raisons de principe, que l’on barre l’accès à la formation socle à des personnes qui en ont besoin.

M. Thierry Braillard. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Le rapport de force est tout de même inégal. (Rires sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Patrick Gille. Vous avez tout compris ! C’est tout l’intérêt du code du travail !

Mme Isabelle Le Callennec. Quelqu’un qui vient d’être embauché et qui n’a pas obtenu les formations socle lors de sa scolarité ne peut opposer à son employeur son compte personnel de formation et partir en suivre une, d’autant moins qu’une fois le compte personnel de formation activé, on peut partir en formation pendant les heures de travail, si j’ai bien compris. Mettez-vous à la place d’un jeune tout juste embauché, il ne peut dire à son employeur : « Je dispose d’un compte personnel de formation opposable ! »

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Il faudrait donc le supprimer ? C’est extravagant !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas comme ça que les choses se passent dans la vraie vie, je suis désolée de vous le dire !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je tâcherai de clarifier la question. M. Denys Robiliard a été extrêmement pédagogue mais il s’agit en effet de sujets compliqués. Vous développez tous des arguments, mesdames et messieurs les députés, qui semblent favorables aux salariés, y compris vous, madame Le Callennec. S’il existe un code du travail, c’est que les relations dans l’entreprise entre patron et salarié peuvent être inégales. Je vous remercie de souligner ainsi les vertus et les nécessités d’un code du travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Morin. Personne n’a jamais dit le contraire ! Il serait en revanche souhaitable qu’il soit plus simple !

M. Michel Sapin, ministre. Il n’en reste pas moins que l’amendement, qui vous rassemble derrière la préoccupation de protéger les salariés, leur ôterait des droits s’il était adopté. J’insiste sur ce point. En adoptant l’amendement, mesdames et messieurs les députés, vous ôtez des droits aux salariés.

M. Jean-Marc Germain. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. Je ne pense pas que tel soit votre but, j’en suis même sûr, en particulier celui de Mme Fraysse. Telle serait néanmoins la conséquence de l’adoption de l’amendement. Vos préoccupations sont parfaitement légitimes et je les comprends. Nous avons donné quelques éléments de réponse. Mais le vote de l’amendement serait défavorable aux salariés, c’est la raison pour laquelle j’y suis opposé.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. M. le ministre a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Ce que vous venez de dire est juste, monsieur le ministre, mais nous aurions tout de même tendance à soutenir l’amendement présenté par notre collègue Jacqueline Fraysse. En effet, si l’on veut que le socle commun de compétences soit éligible au compte personnel de formation, il suffit que l’on retrouve ce socle commun dans les listes.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Mais c’est le cas !

M. Christophe Cavard. L’alinéa 30 de l’article 1er dit que « les formations éligibles au compte personnel de formation sont les formations visant à acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par décret. » L’objectif poursuivi, c’est donc que, dans le cadre du CPF, l’accès à ce type de formations – pas toujours qualifiées ou certifiés, mais constituant en tout état de cause une plus-value – soit un droit opposable par le salarié à son employeur.

M. Michel Sapin, ministre et M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. C’est pour cela qu’il ne faut pas supprimer cet alinéa !

M. Christophe Cavard. Ce que dit Mme Fraysse, c’est que, si le CPF peut être pris hors du temps de travail et donner accès à d’autres formations que celles constituant le socle commun – ce qui, pour nous, est une évidence –, il ne faut pas perdre de vue l’obligation de l’entreprise de mettre en œuvre les moyens permettant de dispenser la formation au salarié, y compris sur le temps de travail. Si l’on rattache l’acquisition du socle de connaissances aux moyens du compte personnel de formation, cela signifie que le salarié va utiliser son CPF pour faire valoir un droit que nous souhaitons presque obligatoire, celui de pouvoir accéder à une formation lui permettant d’acquérir le socle commun de connaissances.

L’alinéa 30 comporte une ambiguïté que l’amendement de Mme Fraysse permet de lever…

M. Francis Vercamer. Vous allez donc le voter ?

M. Christophe Cavard. …en empêchant que les heures de formation relevant du CPF puissent être utilisées pour faire valoir ce qui constitue, à nos yeux, un droit fondamental.

M. Michel Sapin, ministre. En votant cet amendement, vous allez aboutir à l’inverse de ce que vous souhaitez !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Je suis, moi aussi, assez favorable à l’amendement de Jacqueline Fraysse. En effet, j’estime qu’en son état actuel, l’article 1er donne aux entreprises des responsabilités qu’elles ne devraient pas avoir…

Mme Isabelle Le Callennec. Nous sommes bien d’accord !

Mme Monique Iborra. …car l’acquisition du socle minimum de connaissances doit être assurée par la mise en œuvre des politiques publiques.

Le deuxième danger que me semble présenter le texte, c’est celui résultant du fait que les entreprises financent, la plupart du temps, des formations d’adaptation à l’emploi plutôt que des formations qualifiantes…

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas incompatible !

Mme Monique Iborra. …ce qui me paraît contraire à l’esprit de la loi telle qu’on nous la présente. Pour ces raisons, je suis favorable à l’amendement n514 rectifié de Mme Fraysse.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je suis également favorable à cet amendement. En effet, j’ai du mal à comprendre que la Nation ne prenne pas en charge la formation nécessaire à l’acquisition du socle de connaissances, alors que l’État s’engage financièrement dans le cadre des emplois d’avenir – un dispositif répondant à une problématique assez similaire.

M. Michel Sapin, ministre. N’importe quoi ! Alors là, vous êtes complètement à côté de la plaque !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je me souviens que le rapporteur avait fait la liste, en commission, des formations qui seraient éligibles au compte personnel de formation, et qu’il nous avait dit placer le socle de connaissances et de compétences en premier.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Hors de la liste, plus exactement !

Mme Isabelle Le Callennec. Or, l’alinéa 30 de l’article 1er extrait le socle de connaissances, avant que les alinéas suivants n’évoquent « les autres formations éligibles au compte personnel de formation ». Avouez qu’il y a sûrement là une arrière-pensée…

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Ce n’est pas une arrière-pensée, c’est une pensée !

M. Michel Sapin, ministre. Oui, c’est très clair !

Mme Isabelle Le Callennec. Pour ma part, je persiste à considérer, comme Mme Iborra, que la formation nécessaire à l’acquisition du socle commun de connaissances pour tous les salariés et les demandeurs d’emploi relève de la responsabilité publique. Il conviendrait donc plutôt de faire une grande campagne visant à faire comprendre à tous que cette formation de base constitue une exigence. Comme chacun le sait, l’illettrisme ne recule pas dans notre pays, et ce n’est pas en faisant figurer la formation adéquate dans le compte personnel de formation, que le salarié n’est pas obligé d’activer – vous avez vous-même précisé, monsieur le rapporteur, que cela ne se ferait qu’à son initiative –, que nous ferons avancer les choses.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je veux d’abord confirmer que l’alinéa 30 de l’article 1er ne dissimule aucune arrière-pensée : ce que nous pensons est au contraire très clair – même si des explications supplémentaires ne paraissent pas superflues. L’acquisition du savoir de base relève évidemment de la responsabilité publique, mais ce qui est ici en jeu, c’est d’accorder un droit supplémentaire au salarié, afin que cette acquisition puisse être effective. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il ne suffit pas, en effet, d’affirmer le principe de la responsabilité de l’État, de la puissance publique : encore faut-il trouver le moyen de faire en sorte que ce principe devienne une réalité pour les millions de nos compatriotes encore touchés par l’illettrisme. Comprenez bien qu’avec cet article 1er et son alinéa 30, on n’enlève rien à personne : les dispositifs existent déjà, il ne reste qu’à les améliorer !

M. Francis Vercamer. Il faut traiter la cause, pas la conséquence !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Notre objectif est de conférer un droit opposable aux personnes n’ayant jamais pu bénéficier des dispositifs qui, quoique nécessaires, se révèlent insuffisants. Si nous avons réécrit l’article 1er en commission pour aboutir à la rédaction actuelle de l’alinéa 30, c’est bien pour créer un droit opposable – et en supprimant cet alinéa, vous supprimeriez donc le droit opposable. Le compte personnel de formation va donner accès à des formations figurant sur des listes. Le fait que le socle soit placé hors des listes, au-dessus de ces listes, ne signifie pas que nous souhaitons l’éliminer du droit opposable à la formation, mais au contraire qu’il est accessible à tout le monde, dans tous les cas de figure.

Je comprends le raisonnement de Mme Fraysse, mais en votant son amendement, vous supprimeriez l’alinéa 30, c’est-à-dire le dispositif de droit opposable qui fait la force du compte personnel de formation en matière de lutte contre l’illettrisme. Je rappelle le sens du droit opposable : il doit permettre à un salarié n’ayant jamais bénéficié d’une formation d’y accéder enfin, en bénéficiant du maintien de sa rémunération par l’employeur.

Mme Jacqueline Fraysse. Mais l’employeur n’a rien à voir là-dedans !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. En supprimant l’alinéa 30, vous feriez donc disparaître une grande avancée de la loi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous faites peser sur l’entreprise les responsabilités incombant à l’État !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je comprends bien les arguments avancés par les uns et les autres, y compris celui selon laquelle il revient à la Nation de financer le socle de base – un principe sur lequel je peux être d’accord. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Marc Dolez. Ce n’est pas un principe !

M. Michel Sapin, ministre. Cela étant, l’existence de ce principe ne doit pas nous faire oublier la réalité : à l’heure actuelle, certains salariés ne possèdent pas les connaissances de base. Doit-on se contenter de leur dire qu’il est bien dommage qu’ils n’aient jamais pu bénéficier de l’application d’un beau principe, ou chercher à leur apporter des réponses plus utiles ? Nous estimons, pour notre part, qu’il vaut mieux leur donner des réponses, les plus concrètes possible, afin de leur permettre d’avancer.

Ces réponses résident dans le compte personnel de formation, dans les possibilités de l’utiliser, dans la rupture avec l’ancien dispositif qui le liait à l’entreprise. Il faut sortir de l’idée selon laquelle les choses se résument à un rapport entre le salarié et son entreprise : le dispositif que nous proposons repose sur le principe d’un compte personnel conférant au salarié un droit opposable.

Je veux être très clair : l’adoption de cet amendement aboutirait, non pas à donner des droits plus étendus aux salariés, mais à leur en retirer un ! Que chacun en ait conscience, et prenne ses responsabilités : souhaitez-vous vraiment retirer aux salariés un droit qu’ils viennent tout juste d’acquérir ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. Je vous le dis en connaissance de cause, pour en avoir parlé avec les uns et les autres : les organisations de salariés seraient particulièrement choquées de voir que l’on supprime un dispositif conférant un droit nouveau aux salariés. En tant que ministre, je ne suis pas là pour retirer des droits aux salariés : au contraire, je me bats pour leur en conférer de nouveaux, comme celui résultant du dispositif dont nous débattons. Les grands principes, c’est très bien – et j’adhère à celui que vous dites défendre –, mais prenez garde à ne pas aboutir au contraire de ce que vous souhaitez, c’est-à-dire à retirer des droits aux salariés !

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe, madame la présidente.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise. Je mets aux voix l’amendement n514 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement.

(L’amendement n514 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel du rapporteur, n759.

(L’amendement n759, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 50 et 372.

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n50.

M. Gérard Cherpion. Il ne m’a pas été possible de dire, avant la mise aux voix de l’amendement n514 rectifié, que l’alinéa 30 faisait peser une charge supplémentaire – et pas forcément nécessaire – sur l’entreprise.

Le socle de connaissances et de compétences défini par la loi n2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République fait l’objet d’un décret d’application. Malgré le vote de cette loi, il est à noter que c’est le décret d’application de la loi de 2005 portant création de ce socle qui reste en vigueur pour l’année 2013-2014.

Dans un souci de clarté et d’intelligibilité de la loi, il convient que les formations visant à acquérir le socle de connaissances et de compétences soient définies dans le texte. Tel est l’objet de l’amendement n50.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n372.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Vous semblez confondre le socle de connaissances et de compétences applicable à la formation professionnelle et continue, qui sera défini par décret et bénéficiera désormais d’un droit opposable, avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture que chaque élève doit pouvoir acquérir grâce à la scolarité obligatoire, qui permet de définir les programmes scolaires. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Il existe aujourd’hui une définition de ce socle de connaissances et de compétences. Vous nous dites que vous allez redéfinir ce socle par décret : est-ce bien cela ?

Pour revenir au sujet précédent, l’alinéa 30 introduit une liste des formations éligibles au compte personnel de formation. Est-ce à dire que les formations qui apparaissent en premier sont celles qui permettent d’acquérir le socle de connaissances et de compétences ? Si tel était le cas, vous iriez au bout de votre logique.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Lorsque nous parlons de socle de connaissances et de compétences, j’espère qu’il s’agit du même schéma et qu’il n’existe qu’un socle dans notre pays. Le contraire me paraîtrait grave : il y aurait ainsi un socle pour l’éducation nationale et un socle pour les autres ?

Déjà, l’éducation nationale ne semble pas assumer ses responsabilités. Au point que l’on peut se demander dans quelle mesure l’éducation nationale ne doit pas participer à l’abondement du compte personnel de formation, dans la mesure où il existe une responsabilité collective par rapport à un droit personnel. Le socle de connaissances et de compétence doit être unique, et il convient de le définir dans le texte. Je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Poisson ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui.

(Les amendements identiques nos 50 et 372 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n49.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à rendre également éligibles au compte personnel de formation les formations sanctionnées par une partie de la certification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles. Cette partie de la certification doit être décrite sur la fiche enregistrée au Répertoire.

Cent cinquante heures ne permettront pas de compléter une formation qualifiante. Aussi cet amendement, en rendant éligible au compte personnel une partie de certification, vise-t-il à permettre aux personnes d’entrer dans le système de formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je veux d’abord dire à Mme Le Callennec que nous avons précisément voulu que le socle de connaissances et de compétences soit mis en exergue dans la liste des formations et apparaisse comme accessible à tous.

Monsieur Cherpion, vous soulevez une question intéressante. Les formations sanctionnées par une certification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles, le RNCP, peuvent être longues. La logique de la modularisation des formations peut conduire à ce qu’une personne souhaite n’acquérir, dans un premier temps, qu’une partie de la certification.

Toutefois, l’avis de la commission est défavorable, dans la mesure où la fiche enregistrée au répertoire, issue du règlement intérieur de la commission nationale de certification professionnelle, n’est semble-t-il pas encore opérationnelle et dénuée de portée juridique.

Il est indéniable que le compte personnel de formation – le CPF – aura des effets importants sur les pratiques en matière de certification professionnelle. Dans la pratique, vous avez raison, monsieur Cherpion : la logique du CPF sera d’acquérir des parties de certification et, ainsi, de construire sa qualification.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Cherpion, vous posez une question fort légitime, qui d’ailleurs a été soulevée dans le cadre de la concertation quadripartite que j’ai lancée. Je ne pense pas que votre proposition puisse être aisément mise en œuvre, mais je m’engage devant la représentation nationale à ce qu’une solution opérationnelle soit trouvée : une commission de l’IGAS y travaille et je réunirai de nouveau en ce sens les partenaires sociaux, les régions et l’État. Sauf à ce que vous retiriez cet amendement, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, je crois qu’on a bien compris l’intérêt de ce système. Des difficultés peuvent se poser quant à la mobilisation de l’abondement du compte personnel de formation. Si vous vous engagez à ce que cela puisse être étudié, je vous sais gré de votre réponse et je retire mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne sais pas si vous avez consulté le répertoire national des certifications professionnelles ; celles-ci sont nombreuses, et il est assez compliqué de s’y retrouver. C’est la raison pour laquelle j’avais défendu tout à l’heure la possibilité pour un salarié de bénéficier d’un conseil lorsqu’il voudra activer son compte personnel de formation.

Puisque l’amendement a été retiré, nous ne pourrons pas le voter, mais nous avons bien entendu votre réponse, monsieur le ministre.

Permettez-moi de revenir au socle commun de connaissances et de compétences, qui est extrêmement important, et dont je souhaiterais vous rappeler la définition : il « présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Introduit dans la loi de 2005, il constitue l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen. » Il comporte sept compétences. L’autre idée que nous défendions tout à l’heure était que l’État, plus précisément l’éducation nationale, doit assumer ses responsabilités et ne peut se défausser sur la possibilité qu’aura la personne d’activer son compte personnel de formation, qui n’est que de 150 heures, pour accéder au socle commun si celui-ci n’a pas été acquis auparavant.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

(L’amendement n49 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n179.

M. Lionel Tardy. Cet amendement va dans le même sens que les interventions de M. Cherpion : il vise à permettre aux bénéficiaires d’accéder à une large palette d’offres de certifications et, en même temps, à fixer les critères propres à rendre la liste des certifications concernées rapidement opérationnelle en faisant en sorte que celles-ci présentent toute garantie de qualité.

L’article L. 6323-5 nouveau du code du travail définit les formations éligibles au compte personnel de formation au travers de cinq catégories. Or, cet inventaire n’a pas été constitué par la Commission nationale de la certification professionnelle. La loi pourrait donc fixer les critères pour faciliter ce travail en retenant, d’une part, les certifications et habilitations personnelles obligatoires pour l’exercice d’une activité professionnelle et, d’autre part, les certifications délivrées par des organismes certificateurs associant des représentants des professions et des pouvoirs publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La catégorie que vous proposez d’ajouter recouvre finalement surtout les formations obligatoires pour les employeurs – formations qui relèvent de la simple adaptation au poste de travail – qui ont vocation à être d’abord financées dans le cadre du plan de formation. Or, votre proposition reviendrait à faire financer par le salarié les certifications nécessaires. Le risque serait donc très grand de détourner le compte personnel de formation de son objet. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

(L’amendement n179 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n51.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 35, une disposition qui ouvre des formations que l’on pourrait qualifier de fourre-tout.

Nous avons abondamment discuté du socle commun de connaissances et de compétences. Une liste des formations retenues a été dressée. Il faut que nous restions dans l’esprit de l’accord national interprofessionnel, selon lequel ne devaient être retenues que des formations qualifiantes. Cet alinéa, en ajoutant un ensemble de formations dont le contenu et les objectifs ne sont pas précisément définis, ne correspond pas à ce que les partenaires sociaux ont cherché à faire et risque d’ouvrir l’accès à des formations non qualifiantes qui ne permettront un retour à l’emploi que de manière fragile ou incertaine. C’est contraire au but que nous nous étions fixé de rechercher des formations correspondant aux besoins des salariés ou des demandeurs d’emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. L’ajout de ces formations est utile et ne trahit pas les termes de l’ANI. Tous les demandeurs d’emploi ne sont pas en capacité de suivre d’emblée une formation qualifiante à proprement parler ; tel est le cas des jeunes sans qualification et des demandeurs d’emploi de longue durée.

En outre, supprimer l’alinéa 35 reviendrait à supprimer non seulement ces formations-là mais aussi les formations qualifiantes mises en place par les régions.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. L’avis du Gouvernement est très défavorable, car l’adoption de cet amendement aurait des conséquences tout à fait dommageables.

(L’amendement n51 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n424.

M. Christophe Cavard. L’alinéa 35 vise les formations concourant à l’accès à la qualification des personnes en recherche d’un emploi et financées par les régions et les institutions mentionnées aux articles cités. Nous souhaiterions dissiper une ambiguïté qui a été soulevée lors des débats en commission : le public de ces formations doit intégrer les personnes engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle.

Il nous a été répliqué en commission que ce sont des salariés comme les autres ; nous le reconnaissons. Mais cela ne permet pas de préciser qui doit financer l’abondement dans ce cas. Puisque cet alinéa précise que, pour les demandeurs d’emploi, l’abondement est ciblé autour des régions et d’un certain nombre d’organismes spécifiques, nous aimerions que ce soit le cas également pour les personnes en parcours d’insertion sociale et professionnelle. Ces publics restent d’ailleurs pour la plupart des demandeurs d’emploi, même s’ils n’appartiennent pas aux anciennes catégories 1 et 2 ; c’est notamment le cas de ceux qui ont signé un contrat aidé. L’abondement et le financement doivent bien être fléchés vers les dispositifs réservés aux demandeurs d’emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Votre amendement étant satisfait, monsieur Cavard, la commission l’a repoussé.

Premièrement, il est satisfait s’agissant des formations : c’est le débat que nous avons eu et qui a abouti au sauvetage, si je puis dire, de l’alinéa 35. Deuxièmement, il est satisfait quant aux publics : nous l’avons inscrit dans les principes communs à l’alinéa 13. Les publics dont vous parliez sont bien éligibles au CPF.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je veux confirmer, pour que les choses soient claires, ce que vient de dire le rapporteur. Votre préoccupation, monsieur Cavard, est tellement légitime qu’elle est déjà satisfaite. Avec votre amendement, on risque de créer une confusion entre demandeurs d’emploi et personnes suivant un parcours d’insertion professionnelle, des dispositifs qui ne sont pas de même nature.

Souvent, je suis d’accord avec vous sur ce point, nous cherchons à tirer vers le salariat ceux qui suivent un parcours d’insertion professionnelle ; c’est la raison pour laquelle nous avons procédé à une réforme de l’insertion par l’activité économique et que nous nous efforçons de donner davantage de droits à ces publics. Il faut prendre garde de ne pas retirer ces droits, même si ce n’est que d’un point de vue symbolique, du côté des demandeurs d’emploi.

Puisque votre amendement est satisfait par d’autres dispositions, le mieux serait que vous le retiriez.

Mme la présidente. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Cavard ?

M. Christophe Cavard. Je le retire, madame la présidente. En effet, l’alinéa 13 le satisfait en partie, et les réponses du ministre et du rapporteur constituent des garanties pour les publics concernés.

(L’amendement n424 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n425.

M. Christophe Cavard. Dans la lignée de ce qu’a défendu notre collègue Denis Baupin au début de la discussion sur l’article 1er, nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à renforcer la formation au sein de filières à forte connotation écologique, en particulier en lien avec les questions énergétiques, qui sont à nos yeux des filières d’avenir. Il nous paraissait important de les présenter dès à présent, à la suite de l’alinéa 35.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Malgré tout l’intérêt que je porte à la question de la transition énergétique ou écologique, l’avis sera défavorable. Les métiers liés à ces filières peuvent en effet relever de toutes les catégories de certification qui sont mentionnées dans le présent article et n’ont donc pas à être cantonnés dans une liste spécifique. L’objet de l’article 1er étant de définir de façon large et transversale l’ensemble des certifications éligibles, il ne convient pas ici d’introduire des précisions thématiques.

Pour autant, j’ai bien compris l’importance que M. Baupin accorde à ce sujet, sur lequel il s’est exprimé hier. Former des personnes aux métiers de la transition énergétique, qui est une filière porteuse, représente un réel enjeu en termes de création d’emplois. Je partage cette conviction, et nous essaierons de l’inscrire dans une partie du texte, mais l’article 1er n’est pas le bon endroit. Les autres secteurs risqueraient par la suite de demander à bénéficier du même traitement. M. Baupin m’objecterait sans doute que la filière écologique a une importance toute particulière. Si je suis d’accord sur le fond avec lui, il me paraît important de conserver un certain niveau de généralité dans l’élaboration des listes, qui sont déjà compliquées à établir, et de se concentrer sur la garantie de formations qualifiantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Cavard, vous avez déposé des amendements de cette nature sur plusieurs articles. Je comprends tout à fait votre préoccupation, mais il ne me paraît pas souhaitable d’éparpiller le débat de la sorte. Je peux d’ores et déjà vous assurer que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’un des amendements que vous avez déposés à l’article 13. Par conséquent, afin que nous puissions par la suite focaliser notre débat sur ce dernier amendement, et pour des raisons de lisibilité et de simplicité, je souhaite que vous retiriez le présent amendement, et éventuellement les autres du même type.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Vous l’avez compris, Denis Baupin a souhaité insister sur ce sujet. Un amendement qui allait dans ce sens a déjà été adopté en commission. J’entends vos propos sur l’amendement qui a été déposé à l’article 13, monsieur le ministre. Je retire donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Permettez-moi de revenir quelques instants à l’amendement n424. Il me paraissait intéressant de rappeler qu’il y a aussi des personnes engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle.

M. Michel Sapin, ministre. Bien sûr !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous êtes bien placés pour le savoir, monsieur le rapporteur, les conseillers des missions locales accompagnent en particulier des jeunes engagés dans ce type de parcours. Une fois encore, j’aimerais attirer votre attention sur une question qui nous est posée. Demain, un conseiller de mission locale qui accompagne un jeune discutera avec lui de son parcours de formation, de son entrée en formation. Qu’est-ce qui fera que le conseiller incitera le jeune à activer son compte personnel de formation, ou au contraire le poussera à essayer d’accéder à des dispositifs de droit commun ? C’est bien le conseiller qui informera le jeune de l’existence du CPF ; c’est donc lui qui aura à aiguiller le jeune vers ce compte ou vers les dispositifs de droit commun. Le 3 mars 2015, comment cela se passera-t-il ? Que préconisera le conseiller d’une mission locale ?

(L’amendement n425 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 760 et 807.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur, pour soutenir l’amendement n760.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Il est rédactionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n807.

M. Denys Robiliard. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 760 et 807, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n98.

Mme Véronique Louwagie. Il y a une coquille dans l’amendement et son exposé sommaire : il faut lire non pas « compte épargne de formation » mais « compte personnel de formation ».

Par cet amendement, nous proposons que la représentation nationale soit informée de l’évaluation de la mise en œuvre et de l’utilisation du compte personnel de formation, et ce dès le 30 juin 2015.

Je voudrais en profiter pour vous interroger, monsieur le ministre, sur la possibilité – ou le risque – que le dispositif n’entre pas en application le 1er janvier 2015. En effet, de très nombreux décrets sont prévus, notamment dans cet article 1er.

Ainsi, un décret doit définir les conditions d’abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité. Celui-ci n’entre en application pour les entreprises que le 1er janvier 2015, mais très peu d’entre elles ont avancé sur ce sujet. Un autre décret, dont nous avons parlé, déterminera le socle de connaissances et de compétences donnant lieu aux formations éligibles. Un décret est également prévu pour déterminer les modalités de mise en œuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé : « système d’information du compte personnel de formation ». D’autres décrets doivent définir le contenu du passeport d’orientation, de formation et de compétences, ou encore les conditions d’élaboration des listes – et j’en passe.

Le compte personnel de formation sera-t-il vraiment prêt le 1er janvier 2015 ? Si la réponse est non, que se passera-t-il ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Je me permets de vous faire remarquer que vous avez commis une erreur dans la rédaction de votre amendement : il y est question du compte épargne formation et non du compte personnel de formation.

Mme Véronique Louwagie. Je viens de le dire moi-même !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Certes, mais cela me semble, finalement, assez révélateur.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est surtout révélateur de la complexité de ce texte !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cela va d’ailleurs me permettre de répondre aussi à Mme Le Callennec.

Le compte sert justement à mobiliser des moyens. Ce n’est pas un compte épargne que l’on conserverait ou – pourquoi pas ? – que l’on transmettrait à ses héritiers. Telle n’est pas la logique du dispositif.

Mme Véronique Louwagie. Bien entendu, puisqu’il est personnel !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. En ce qui concerne l’exemple que vous avez pris d’un jeune se rendant à la mission locale, je vous répondrai que ce jeune peut parfaitement ne pas avoir d’heures sur son compte. Dans ce cas, le compte servira à retracer son parcours qui commence. Ce jeune pourra même effectuer un parcours long dans une école de la deuxième chance et bénéficier du droit à la formation initiale différée – nous verrons avec les régions quelles formations elles mettront en place et financeront pour ces jeunes.

Pour répondre plus précisément à votre question, ce qui est important, c’est que le conseiller évoque l’existence du compte pour faire comprendre au jeune que cet outil permettra, tout au long de sa vie professionnelle, de retracer son parcours en matière de formation. Voilà la logique du compte. La question que vous posez – est-ce qu’il mobilise ou non ce compte ? – est un peu subalterne au début du parcours.

En ce qui concerne votre amendement, nous avons prévu de confier une évaluation du dispositif au Comité national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP, dans la mesure où il rassemble tous les partenaires. Cette solution me paraît préférable à la remise d’un rapport supplémentaire ; ne surchargeons pas de travail le Gouvernement. Par ailleurs, nous donnerons tout à l’heure un avis favorable à l’amendement de Mme Le Callennec tendant à préciser que le rapport du CNEFOP est bien transmis au Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je donnerai en un mot mon avis sur l’amendement avant de répondre aux questions très importantes qui ont été posées sur la date d’entrée en application du dispositif.

Je ne veux surtout pas mettre en concurrence Mme Louwagie et Mme Le Callennec, mais il est vrai que je donnerai moi aussi un avis favorable à l’amendement, présenté par cette dernière, qui vise à ce que l’évaluation du compte personnel de formation, tout au long de sa vie – si je puis dire –, soit ensuite transmise au Parlement. Je pense que c’est une bonne manière de procéder. Par conséquent, je vous demanderai, madame Louwagie, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Pour en venir à votre question, je veux vous répondre clairement : oui, vous avez raison, après le vote de la loi, il faudra prendre des décrets, dont certains sont fondamentaux pour l’entrée en application du dispositif.

M. Gérard Cherpion. Et vous n’avez que six mois !

M. Michel Sapin, ministre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement veut aller vite dans le vote de la loi – je ne m’en suis pas excusé devant vous, mais j’aurais pu le faire.

Il faut que les décrets soient prêts avant l’été et ils le seront, comme nous l’avons d’ailleurs dit d’une manière claire, nette et précise, y compris à Biarritz. En effet, ensuite – vous avez parfaitement décrit le processus –, il faut que ces dispositions nouvelles soient prises en compte par l’ensemble des organismes et des entreprises pour que l’entrée en application soit effective au 1er janvier 2015.

De nombreux débats ont eu lieu sur des sujets extrêmement compliqués. Je n’entrerai pas, pour ma part, dans des considérations de cet ordre : je suis animé par une volonté politique qui est, me semble-t-il, partagée par tous ici. Le compte personnel de formation est un dispositif très important. Il représente une modification si profonde que l’on a parfois du mal à en prendre conscience. Il doit entrer en application le 1er janvier 2015 et ce sera bien le cas. C’est notre volonté ; je souhaite la faire partager à une majorité d’entre vous dans cette assemblée.

Voilà donc la réponse claire et précise que je peux vous apporter. Je n’ose pas dire que les décrets sont déjà en cours de rédaction, car ce serait préjuger de votre vote. Disons, cependant, que nous travaillons en double aveugle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. J’imagine en effet que, si vous voulez être prêts, les décrets sont en cours de rédaction.

M. Lionel Tardy. Il faut l’espérer !

M. Jean-Marc Germain. Les voudriez-vous dès maintenant ?

Mme Isabelle Le Callennec. J’insisterai toutefois sur les délais qui sont donnés. En commission, nous avons demandé si la Caisse des dépôts serait prête et l’on nous a rassurés. Toutefois, le passé nous fournit des exemples montrant qu’il n’est pas si facile de rendre opérationnels de tels dispositifs. Ma collègue Véronique Louwagie a, de son côté, rappelé tout ce qui doit être fait pour que le dispositif soit opérationnel le 1er janvier 2015. Cela prend du temps. Nous ne voudrions pas que vous soyez obligé, monsieur le ministre, de revenir devant la représentation nationale dans quelques mois pour nous demander de repousser les délais, comme cela a été le cas pour les vingt-quatre heures.

M. Michel Sapin, ministre. Les vingt-quatre heures, cela ne dépendait pas de moi ! Là, ce sera différent !

Mme la présidente. Madame Louwagie, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Véronique Louwagie. Dans la mesure où M. le ministre a d’ores et déjà annoncé qu’il émettrait un avis favorable sur l’amendement qui vise à communiquer à la représentation nationale le rapport établi par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, je retire cet amendement.

(L’amendement n98 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 834 rectifié et 854.

La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n834 rectifié.

M. Thierry Braillard. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n854.

M. Jean-Marc Germain. Il s’agit de s’assurer de la qualité des formations qui ne sont pas inscrites au répertoire national des certifications professionnelles, notamment de leur caractère qualifiant, et de prévoir un processus d’évaluation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui reviendrait à ajouter encore un décret.

M. Marc Dolez. Un de plus ou un de moins !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je me permets de le faire observer car nous venons d’en parler.

Par ailleurs, ce niveau de réglementation supplémentaire est inutile, dans la mesure où la loi du 24 novembre 2009 a déjà confié à la commission nationale de certification professionnelle la réalisation de l’inventaire des certifications et habilitations correspondant à des compétences transversales exercées en situation professionnelle. Certes, on peut regretter que l’inventaire ne soit pas achevé. Il devrait comporter deux grandes parties : l’une sur les formations liées à une réglementation d’accès ou d’exercice de profession, l’autre sur les certifications reconnues mais ne conduisant pas forcément à un niveau de qualification. Des garanties de qualité sont fournies et l’inventaire ne peut recenser que des formations qui ont un sens sur le marché du travail. Les certifications doivent être de notoriété établie. Les modalités d’évaluation et les procédures de qualité pour l’obtention de ces certifications doivent être clairement décrites. Je propose donc aux auteurs de ces amendements identiques de les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Monsieur Germain, retirez-vous l’amendement n854 ?

M. Jean-Marc Germain. Oui, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. Monsieur Braillard, l’amendement n834 rectifié est-il lui aussi retiré ?

M. Thierry Braillard. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous reprenons ces amendements que nous trouvons très intéressants. Les uns et les autres, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le fait que certaines formations sont plus sérieuses que d’autres. En adoptant ces amendements, on insisterait sur cette question.

M. le rapporteur a invoqué la réglementation en vigueur. Or, manifestement, malgré les dispositions existantes, il reste dans notre pays des formations bidons, qui ne débouchent sur rien, sans même parler de celles qui sont organisées par des institutions à caractère sectaire.

Je considère, quant à moi, qu’il faut absolument, dans le cadre de cette loi sur la formation professionnelle, que l’on fasse le tri. Je pense, en particulier, à un reportage télévisé sur la formation professionnelle que des millions de Français ont pu voir : il a apporté la preuve qu’il est assez facile aujourd’hui d’obtenir un agrément pour former.

M. Michel Sapin, ministre. C’est bien pour cela que nous changeons le système !

Mme Isabelle Le Callennec. Peut-être, monsieur le ministre, nous expliquerez-vous que cela ne se passe pas ainsi, mais, en dépit de la réponse du rapporteur, je ne suis pas certaine que l’on s’assure du sérieux de toutes ces formations. D’ailleurs, si M. Germain, qui connaît bien le sujet, a présenté cet amendement, c’est sans doute parce que l’on est fondé à en douter.

Bref, je ne comprends pas pourquoi vous refusez ces amendements identiques qui vont dans le bon sens. Nous les reprenons donc. Nous montrerons ainsi que l’État a la volonté de faire le tri entre ce qui est bon pour les demandeurs d’emploi et les salariés et ce qui l’est moins.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Tout ce qu’a dit M. le rapporteur est parfaitement exact ; je voudrais en apporter confirmation.

Il est vrai, madame Le Callennec, qu’aujourd’hui certaines choses ne vont pas – vous avez fait allusion à un reportage en particulier, mais on pourrait en citer bien d’autres. C’est la raison pour laquelle nous bougeons en mettant en œuvre un nouveau dispositif. C’est aussi pour cela que M. Germain est particulièrement attentif à ce que ce nouveau dispositif permette d’éviter des situations comme celles auxquelles vous faites allusion. Je comprends parfaitement cette préoccupation, d’ailleurs largement partagée par le monde universitaire, lequel est partie prenante de la mise en place de dispositifs de formation certifiants qui, pour reprendre vos termes, aboutissent à quelque chose.

Oui, nous voulons aboutir à quelque chose avec la mise en place de ces listes. Le dispositif, tel qu’il a été décrit par le rapporteur, donne d’ores et déjà satisfaction aux auteurs de ces amendements. Nous aurons l’occasion de débattre de nouveau de ce sujet au moment de la mise en place des listes. C’est d’ailleurs là un changement important : des listes vont être élaborées dans des conditions qui permettront d’en finir avec ces formations bidons qui ne mènent à rien. Sur ce sujet aussi, nous voulons que les choses changent. Le compte personnel de formation, c’est un changement, les modalités d’élaboration des formations certifiantes également. Eh oui, on bouge !

M. Michel Issindou. Ce sont de bons changements !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas l’objet de ces amendements !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. M. Germain a tout à fait raison : on ne peut pas demander des certifications, c’est-à-dire attendre un résultat, et, dans le même temps, accepter qu’il n’y ait pas de contrôle de la qualité des formations.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Gérard Cherpion. Ces amendements identiques visent à conforter cette exigence de qualité des formations. C’est un moyen de simplifier les listes – car, comme nous le verrons bientôt, il n’est facile de les élaborer –, mais aussi d’écarter du système un certain nombre d’acteurs qui ne sont pas compétents et qui ne méritent pas forcément de faire de la formation. Je voterai donc ces amendements.

(Les amendements identiques nos 834 rectifié et 854 ne sont pas adoptés.)

M. Francis Vercamer. M. Germain n’a même pas voté en faveur de son propre amendement !

Mme Ségolène Neuville. Nous ne votons pas les amendements de l’UMP !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n838.

M. Thierry Braillard. Ma grand-mère disait : « Cela va toujours mieux en l’écrivant. » (Sourires.)

M. Emeric Bréhier. Vous nous prenez par les sentiments !

M. Thierry Braillard. C’est la raison pour laquelle je considère que l’accès dématérialisé – en clair, on pourra consulter sur internet la situation de son compte – doit être gratuit. Si nous l’écrivons dans le texte, il n’y aura pas de souci.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Nous allons suivre l’avis de votre grand-mère. (Sourires.) La précision n’est pas inutile ; elle est d’ailleurs en cohérence avec l’appui du conseil en évolution professionnelle, lequel sera lui aussi gratuit. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est un débat très important que mon grand-père et ma grand-mère avaient souvent. Mon grand-père était plutôt du genre : « cela va sans dire » et ma grand-mère plutôt du genre : « cela va mieux en le disant ». Ce matin, je serai, avec vous, du côté de ma grand-mère. (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme c’est émouvant !

(L’amendement n838 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n52.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement se rapporte à l’alinéa 42 de l’article 1er. Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, qui va naître, assure l’évaluation de la mise en œuvre et de l’utilisation du compte personnel de formation, ce qui est regrettable dans la mesure où cet organisme est à la fois juge et partie. Cet amendement vise donc à faire en sorte que ce soit le Parlement qui assure l’évaluation du dispositif, après consultation du CNEFOP. Ce faisant, on revalorisait un peu le rôle du Parlement en renforçant sa fonction de contrôle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je vous indique la position adoptée suite aux débats en commission. Le CNEFOP pilotera les travaux, et nous vous proposerons d’adopter l’amendement n211, de Mme Le Callennec, prévoyant que le CNEFOP rende son rapport public et le présente au Parlement, ce qui pourrait satisfaire tout le monde. Avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis : défavorable à cet amendement, et favorable à l’amendement de Mme Le Callennec dont nous allons débattre.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je retire cet amendement, mais il y a une différence entre mon amendement et celui de Mme Le Callennec.

M. Michel Sapin, ministre. Oui, et celui de Mme Le Callennec est meilleur !

M. Gérard Cherpion. En effet, il prévoit un débat au Parlement, ce qui n’est pas le cas de l’amendement de Mme Le Callennec, et je le regrette.

(L’amendement n52 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n211.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous rassure, je partage l’analyse de mes collègues Véronique Louwagie et Gérard Cherpion : il est vrai que le CNEFOP sera juge et partie, mais je me doutais que leurs amendements seraient rejetés. Puisque nous sommes très curieux de savoir ce que va devenir ce compte personnel de formation et que nous souhaitons absolument en avoir une évaluation dans la mesure où nous ne sommes pas encore tout à fait convaincus de son efficacité opérationnelle, j’ai déposé cet amendement afin, et c’est le minimum, que l’évaluation soit rendue publique par la présentation d’un rapport au Parlement. Cela permettra, si nécessaire, de revenir en débattre avec vous.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Un important dispositif nouveau tel que celui-ci mérite un travail d’évaluation sur le long terme, et je crois que le CNEFOP est le bon endroit pour le mener, puisqu’il a vocation à évaluer les politiques de formation.

Si vous dites, chers collègues de l’opposition, qu’il sera juge et partie, c’est parce que nous examinerons ultérieurement un amendement par lequel vous proposez que le CNEFOP élabore les listes, ce qui n’est pas prévu par le texte actuel. Mais je vous rassure, nous n’accepterons pas cet amendement. Il n’y a donc pas de problème.

Madame Le Callennec, je propose simplement de rectifier votre amendement afin qu’il soit rédigé de la manière suivante : « la rend publique par un rapport », et non « à travers un rapport. » À cette condition, avis totalement favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai déjà déclaré ma flamme à l’amendement de Mme Le Callennec, je ne peux que la réitérer. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous remercie beaucoup, et j’accepte évidemment votre suggestion de rectification de l’amendement consistant à écrire « par » au lieu de « à travers ». Je crois que c’est la première fois que l’on accepte l’un de mes amendements. Champagne !

M. Marc Dolez. Et de quelle manière !

(L’amendement n211, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté à l’unanimité.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n99.

Mme Véronique Louwagie. Un amendement du rapporteur, qui a été adopté en commission des affaires sociales, a précisé que le compte est alimenté à la fin de chaque année. L’amendement n99 a pour objet de prendre en compte la situation particulière des contrats de travail qui prennent fin en cours d’année civile et de permettre aux salariés de faire valoir leurs droits dès la fin du contrat de travail.

Ce serait une bonne chose autant pour les salariés que pour les employeurs. Pour les salariés, prenons l’exemple d’un contrat de travail se terminant au 30 juin : pour un temps plein, il donne droit à douze heures. La personne qui en bénéficie et qui va se trouver dans la situation de demandeur d’emploi peut souhaiter voir ces douze heures validées immédiatement dans son compte de formation. Ce serait donc une bonne chose qu’elle puisse bénéficier de ces douze heures supplémentaires.

Du point de vue de l’employeur, ce serait aussi une facilité puisqu’il doit remplir un certain nombre de formalités, à la fin d’un contrat de travail : certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, déclaration auprès de Pôle emploi. Toutes les formalités sont faites à ce moment et tous les compteurs sont activés. Pourquoi ne pas permettre à l’employeur d’alimenter le compte en même temps ? Ce serait une très bonne chose, particulièrement pour le salarié, qui bénéficierait immédiatement de ce nombre d’heures, qui pourrait lui manquer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, madame Louwagie, mais je crois que pour les personnes qui connaissent un grand nombre de contrats courts dans l’année, les inscriptions au compte et les déclarations introduiraient un élément de complexité.

Mme Véronique Louwagie. Pourquoi ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Vous vous plaignez souvent que les entreprises croulent sous les déclarations et la paperasse ; nous en rajouterions si nous adoptions votre amendement.

J’en profite pour souligner qu’il s’agit là d’une des différences entre le DIF et le compte. Pour celui qui multipliait les contrats, le DIF n’apportait rien à la fin de l’année tandis que le compte pose le principe que, pour un mois travaillé, deux heures sont créditées.

Dans un premier temps, je crois qu’il est plus simple de prévoir un bilan pour chaque personne à la fin de l’année en consolidant les déclarations annuelles des données sociales. Je propose donc que l’on s’en tienne à cela pour éviter une complexité supplémentaire, sinon vous nous accuseriez de multiplier les paperasses et la bureaucratie. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Je veux insister sur les différences entre le DIF et le CPF. Avec le compte personnel de formation, chaque contrat, même s’il est court, donne droit à des heures de formation. C’est une avancée considérable.

Par ailleurs, faisons attention aux complexités que nous pourrions imposer aux entreprises. Pour elles, il est plus simple de faire une déclaration annuelle plutôt qu’une multiplication de déclarations. Même si je comprends tout à fait le sens de votre amendement, madame Louwagie, mieux vaudrait ne pas l’adopter, ou que vous le retiriez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je maintiens cet amendement. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et du ministre concernant l’absence de complexité. Mais, si un salarié manque d’heures, peut-on, imaginer des dispositions qui prévoient qu’elles soient prises en compte et que l’employeur puisse alimenter le compte ? Ce serait rendre un service aux salariés. Je comprends que dans les cas de contrats courts, cela constitue une complexité supplémentaire importante, mais un salarié partant au 30 septembre aura droit à presque vingt heures : c’est important. Pourrait-on imaginer un mécanisme lui permettant de les valider immédiatement ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous allons l’étudier. Le mécanisme de l’abondement peut aussi jouer !

(L’amendement n99 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 515 et 846.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n515.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement a pour objet de porter à vingt-cinq heures par an l’abondement du compte personnel de formation pour tous les salariés, ce qui permettrait de porter à six ans la durée de travail nécessaire pour atteindre les cent cinquante heures, au lieu des huit ans prévus par le texte.

Cet amendement supprime également la discrimination à l’égard des salariés à temps partiel.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n846.

M. Thierry Braillard. C’est mon collègue Jean-Noël Carpentier qui a déposé cet amendement, et j’en suis solidaire.

Le calcul des heures inscrites dans le compte pose problème pour un salarié à temps partiel. En effet, aux termes de l’alinéa 49, le calcul annuel du nombre d’heures créditées sur le compte personnel pourrait aboutir à un résultat comportant des minutes et des secondes. Peut-être aurait-il fallu prévoir un décret pour que le compte personnel retienne un nombre d’heures entier plutôt que des minutes et des secondes, car cela va devenir infernal.

La suppression de la discrimination entre un temps complet et un temps partiel s’inscrit dans cette logique ; c’est pourquoi nous soutenons cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Avis défavorable. Sur le premier point, plusieurs propositions – prévoyant vingt-cinq heures, trente heures – ont été débattues. Je rappelle qu’en commission, sur ma proposition, nous sommes passés de vingt heures par année à vingt-quatre heures sans changer les plafonds, de sorte que l’on atteindra les 120 heures du premier palier en cinq ans au lieu de six ans. Évidemment, chacun peut proposer un nombre d’heures différent, mais je suggère que l’on en reste là sur cette question.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que nous sommes dans une logique de compteur. Celui-ci est créé à partir de l’âge de seize ans, voire quinze ans pour ceux qui sont en apprentissage à cet âge. Ensuite, il est crédité dès que l’on travaille, c’est ce que l’on vient de rappeler. Je pense qu’il faut que nous en restions à un dispositif très simple. Vous avez raison de souligner qu’avec le temps partiel, il restera des minutes, mais je pense que l’on trouvera une formule pour arrondir au nombre inférieur ou supérieur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Ces amendements portent sur deux sujets différents, qui ont tout à fait leur place dans le débat.

Ces deux sujets ont été largement débattus par les partenaires sociaux. Un équilibre a été trouvé dans l’ANI. Évidemment, il reste de nombreux éléments sur lesquels des précisions sont nécessaires, possibles, et le Parlement est parfaitement dans son rôle lorsqu’il en débat. Mais il est aussi de mon rôle, en tant que garant de l’équilibre de l’ANI, de rappeler que des discussions ont eu lieu entre partenaires sociaux. Il pouvait y avoir la volonté d’aller plus loin, côté syndical, ou moins loin, côté patronal. Le point d’équilibre a été fixé ainsi, et il a consisté essentiellement à mettre fin à l’injustice du DIF, dans lequel tout contrat court était exclu du dispositif. Nous venons de voir que les contrats, quelle que soit leur durée, ouvrent des droits à la formation. C’est une avancée considérable, et une grande conquête qui a été privilégiée par la partie syndicale dans la négociation.

Se pose ensuite la question du rythme auquel on atteint les 150 heures. Sur ce point, le rapporteur a fait une proposition assez simple, lisible. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement l’a acceptée, même si elle déplace un peu le curseur par rapport à l’ANI.

J’ai vérifié – c’est aussi mon rôle – auprès des parties que cette modification en faveur des salariés – disons-le clairement – ne bouleversait pas l’équilibre. Je suis donc d’accord avec cette proposition de vingt-quatre heures. Vous me répondrez que vingt-cinq heures, ce n’est qu’une heure de plus, mais vingt-quatre heures par an, cela correspond à deux heures par mois. C’est un calcul très simple à faire et très compréhensible, et cela me semble donc le bon équilibre à ce stade.

Reste la question du temps partiel. Sur ce point, je propose de ne pas modifier l’équilibre de l’ANI. Nous allons bientôt débattre de l’amendement n761, qui tend à ce que les abondements concernent en priorité les temps partiels, et je le soutiendrai. Ainsi nous ferons en sorte que, non pas par le socle mais par l’abondement, l’injustice qui existe entre ceux qui sont à temps partiel et qui ont besoin d’un complément d’heures pour acquérir des qualifications et ceux qui sont à temps complet puisse être, si ce n’est totalement supprimée, du moins très fortement compensée. Ayons bien en tête l’ensemble du dispositif : le socle est proportionnel au nombre d’heures travaillées, mais les compléments seront abondés de manière plus forte au profit de ceux qui sont à temps partiel.

C’est ce mécanisme-là qui équilibre le dispositif et qui permet de donner des droits aux uns et autres. C’est la raison pour laquelle, madame la présidente, je me suis permis de l’expliquer un peu longuement, et en ce qui concerne le rythme – je préfère une inscription de 24 heures, deux fois douze mois, à 25 heures – et en ce qui concerne le temps partiel – j’ai exposé l’équilibre qui a été trouvé et que notre débat permettra de compléter. Oui, ceux qui travaillent à temps partiel ont particulièrement besoin de compléments d’heures de formation, le dispositif du socle et du complément permettant précisément de répondre efficacement et pertinemment à ce besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Compte tenu de vos explications, monsieur le ministre, je retire donc mon amendement.

Pour qu’il fonctionne, le CPF doit être compréhensible et lisible. Je souhaitais simplement que l’on réfléchisse en ce sens, et notre débat permettra peut-être qu’il en soit ainsi. Je ne sais pas jusqu’à quel point le CPF ne devrait pas être limité aux seules heures de formation : si l’on commence à y introduire des minutes et des secondes, l’efficacité et la lisibilité risquent d’être moindres. Tel est un peu l’objet de ma démarche s’agissant du temps partiel.

(L’amendement n846 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. En ce qui me concerne, je ne suis pas satisfaite du tout des explications qui viennent d’être données et je maintiens mon amendement en demandant un scrutin public.

Mme la présidente. Sur l’amendement n515, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … …..

Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n515.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants62
Nombre de suffrages exprimés47
Majorité absolue24
Pour l’adoption5
contre42

(L’amendement n515 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 695, 694 et 658, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Hervé Morin, pour les soutenir.

M. Hervé Morin. Nous avons déjà débattu de cette question mais, par l’amendement n658, je propose de supprimer l’idée de plancher ou de plafond relative à l’alimentation du CPF afin de démontrer clairement que ces 24 heures par année de travail ne sont qu’un minimum et non un maximum.

L’amendement n695 présente quant à lui une idée qui nous est chère : le CPF et la formation professionnelle permettent de réduire les inégalités et d’offrir à celles et à ceux qui souffrent le plus des mutations économiques et technologiques le bénéfice d’un plus grand nombre d’heures.

Tout le monde sait qu’une formation ou une réorientation professionnelle ne durent pas 150 ou 200 heures mais, au minimum, 500 heures.

Je propose, par l’amendement n694, que le CPF soit libellé en euros afin de rendre ce dernier plus transparent et plus lisible, ce qui révélera d’ailleurs l’indigence ou, pour être moins sévère, l’insuffisance d’un dispositif qui représente 240 euros par an. Compte tenu de leur coût, cela ne concerne à tout casser que des formations de quelques heures. En effet, je connais peu de formations qui coûtent dix euros de l’heure ou, alors, elles sont extrêmement rudimentaires.

En outre – et cela me paraît très important – nous devons mettre en place un système permettant à ceux qui ont le plus besoin de qualification de bénéficier d’un plus grand nombre d’heures. L’amendement n695 vise donc à majorer les heures pour ceux dont le niveau de qualification initiale est le plus bas.

Je rappelle une belle idée de Michel Rocard, ce qui devrait réjouir M. Sapin puisqu’il a été rocardien : la République, en quelque sorte, a un passif vis-à-vis de chaque citoyen ou de chaque nouveau-né, l’actif de ces derniers étant de pouvoir accéder à un niveau de formation et de qualification.

Le modèle en vigueur fait que ceux qui ont coûté le plus cher à la République en termes de formation initiale – ceux qui ont fait des études supérieures, comme la plupart des personnes ici présentes – sont aussi ceux qui accèdent le plus aux crédits de la formation professionnelle, 70 % de ces derniers étant dévolus aux cadres.

Nous considérons quant à nous que ceux qui ont coûté le moins cher à la République – puisqu’ils ont été moins longtemps à l’école – doivent pouvoir bénéficier d’un rattrapage, en quelque sorte, à travers l’accès à des crédits de formation professionnelle plus élevés que ceux qui ont fait des études supérieures. D’où la majoration proposée à l’endroit des techniciens, des agents de maîtrise, des ouvriers et des employés.

Bien entendu, il s’agit là d’un amendement d’appel, imparfait, mais il me semble qu’il est absolument indispensable que notre système ne soit pas uniforme pour l’ensemble des Français. Au contraire, il doit être adapté au niveau de qualification initiale et aux risques que peuvent connaître nos compatriotes en raison des évolutions technologiques et du nouveau monde dans lequel nous sommes entrés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Ces amendements sont cohérents et il est en effet normal de les présenter ensemble. Cependant, c’est en définitive un autre CPF que propose M. Morin. Il a d’ailleurs sa logique mais ce n’est pas celle qui a été retenue car elle est absolument contraire aux deux ANI des mois de janvier et décembre 2013, lesquels ont exclu toute monétisation des heures du CPF.

Je l’ai déjà dit ce matin, et sans esprit polémique : le compte que nous mettons en place n’est pas monétaire. Nous avons d’ailleurs eu tout à l’heure un débat difficile parce qu’avec un compte monétaire, on finit par se dire que c’est le salarié, au bout du compte, qui paie sa formation. Or, nous ne nous situons pas du tout dans cette logique-là.

Le compte que nous proposons a vocation à déclencher de la formation. Nous créons un outil permettant, sinon de forcer, du moins d’inciter à la formation et à la négociation sur la formation, et entre salarié et employeur, et entre le demandeur d’emploi et Pôle Emploi. Ces amendements soulèvent de vraies questions mais qui impliquent, je l’ai dit, une conception différente du CPF.

Je précise que la possibilité d’abondement complémentaire à destination de certains publics via des majorations d’abondements est réelle mais celles-ci devront être discutées dans le cadre d’accords de branches.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté vos amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Vos propositions sont en effet intelligemment cohérentes, monsieur Morin, mais parfaitement différentes, pour ne pas dire contradictoires avec ce qui a été négocié par les partenaires sociaux. Vous faites toutefois là encore preuve de cohérence puisque vous considérez que ces derniers ont mal négocié et que l’aboutissement des négociations est négatif. Je ne peux donc que vous rendre hommage pour votre cohérence.

Pour ceux qui, comme moi, considèrent en revanche que cette négociation a été utile et qu’elle a même permis d’aller très loin en aboutissant à un mécanisme autre que celui que vous proposez, je ne peux que défendre le dispositif que j’ai présenté à la suite de l’ANI.

Sur le fond, la question que vous avez soulevée est très importante, et pas seulement parce que vous avez fait référence à Michel Rocard. Il faut en effet pouvoir donner plus à ceux qui ont eu moins au départ et, pour le dire avec les termes que vous avez utilisés, à ceux auxquels la nation, au départ, a moins donné par rapport à ceux qui ont fait huit ans d’études.

M. Hervé Morin. Qui ont étudié à l’École normale supérieure, par exemple !

M. Michel Sapin, ministre. Par exemple, oui, encore que ce ne sont pas les études les plus longues : à 22 ans, on est fonctionnaire, ce qui permet à 62 ans, quarante ans après, donc, de bénéficier de ses droits en l’état des choses. Nous verrons cela le 9 avril prochain, pour ce qui me concerne.

J’en reviens à la belle idée : oui, il faut pouvoir donner plus à ceux qui ont moins reçu au départ. C’est exactement ce que fait le dispositif que nous proposons. Je n’y reviens pas : il comporte un socle puis des compléments. Que ces derniers résultent de négociations de branches – les enjeux seront très importants – ou de dispositifs de caractère public – les régions ou Pôle Emploi –, en bénéficieront prioritairement ceux que vous avez décrits, c’est-à-dire ceux qui ont moins reçu au départ et qui ont besoin, ensuite, de plus recevoir pour acquérir des qualifications supplémentaires.

Au fond, ces dispositifs sont très différents mais l’état d’esprit qui les caractérise est identique : il s’agit de faire en sorte qu’au cours de sa vie professionnelle, il soit possible de rattraper, au moins en partie, ce qu’il n’a pas été possible d’acquérir au départ dans le cadre de la formation initiale.

Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Deux mots, monsieur le rapporteur.

Tout d’abord, je refuse l’idée selon laquelle nous ouvririons simplement un compte bancaire. Je n’ai absolument pas dit cela.

Simplement, libeller le compte en euros donnerait de la lisibilité et de la transparence. Cela permettait à un salarié de savoir qu’avec 1 000 ou 1 500 euros, il est loin du compte, étant donné le coût des formations, et qu’il va devoir trouver lui-même, auprès de la région ou grâce à un autre dispositif, des crédits complémentaires. Et ce ne sera pas si facile que cela, parce que 240 euros par an, excusez-moi, mais c’est vraiment très peu ! Cela ne représente pas plus de cinq ou dix heures de formation. Et encore, il ne faut pas demander des formations très qualifiantes ! Je pense qu’un exercice de pédagogie, de transparence et d’honnêteté s’impose.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je pense que la vraie révolution copernicienne de notre système de formation consisterait à considérer que chaque citoyen a, dès sa naissance, un crédit ou un droit à formation, qui lui permettrait d’être autonome, indépendant et libre dans la vie, en ayant accès à un métier. Il me semblerait logique que notre système de formation distingue d’emblée ceux qui n’ont rien coûté à la République, parce qu’ils sont sortis du système scolaire à seize ans, et ceux qui ont coûté des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros, parce qu’ils ont fait des grandes écoles. Il faudrait construire un modèle dans lequel ces hommes et ces femmes qui ont coûté beaucoup moins cher à la République et qui sont plus en difficulté obtiennent davantage.

Il faut sortir de ce système complexe, à la tuyauterie infernale, dont nous constatons chaque jour les effets dans nos permanences, quand des hommes ou des femmes viennent nous voir, qui essaient d’accéder à une formation et n’y parviennent pas, parce que tous les organismes auxquels ils s’adressent leur expliquent que cela ne peut pas marcher, qu’ils n’entrent pas dans le cadre, que ce n’est pas la priorité, ou que sais-je encore.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Le problème des inégalités s’était déjà posé avec le droit individuel à la formation et n’avait pas été réglé ; on pouvait donc penser que les partenaires sociaux seraient attentifs à cet aspect-là des choses. Il se trouve que c’est parmi les demandeurs d’emploi qu’on trouve généralement les personnes les moins qualifiées, mais il me semble qu’on ne peut pas demander aux partenaires sociaux de faire des demandeurs d’emploi une priorité, puisqu’ils nous disent eux-mêmes que leur première préoccupation, ce sont les salariés.

Je n’ai rien contre l’idée que la loi prévoie l’intervention d’une organisation locale ou régionale adéquate, avec un chef de file qui pourrait être la région, ou même l’État, pourquoi pas ? Mais il ne me paraît pas scandaleux que cet aspect-là des choses n’ait pas été traité par les partenaires sociaux, dans la mesure où ils disent eux-mêmes que leur préoccupation, ce sont d’abord les salariés.

(Les amendements nos 695, 694 et 658, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ségolène Neuville, pour soutenir l’amendement n391.

Mme Ségolène Neuville. Cet amendement, qui a été déposé par la délégation aux droits des femmes, revient sur la question des salariés à temps partiel, qui sont à plus de 80 % des femmes : ont-ils, ou non, les mêmes droits que les salariés à temps complet en termes de formation professionnelle ? Vous avez déjà répondu à cette question, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, lors de l’examen des précédents amendements, et je crois que l’amendement que vous présenterez, tendant à préciser quels salariés seront prioritaires dans les abondements de compte dans le cadre des accords de branche et d’entreprise, constitue un premier pas intéressant. Par ailleurs, j’ai bien compris qu’il était difficile de modifier l’équilibre même du compte, fondé sur le principe des 120 et des 150 heures.

Je dois également reconnaître que le Gouvernement est tout de même très attentif aux salariés à temps partiel, puisque les derniers textes que nous avons votés ont introduit plusieurs avancées importantes. Je pense notamment à la loi sur la réforme des retraites, qui a introduit la validation d’un trimestre de cotisations à partir de 150 heures, et plus de 200 heures, comme c’était le cas auparavant. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé tout récemment que 150 heures suffiraient pour bénéficier des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, alors qu’il fallait jusqu’à présent avoir travaillé 200 heures.

La délégation aux droits des femmes a bien noté le premier pas en faveur des salariés à temps partiel, et donc des femmes, que constitue la priorité qui leur est reconnue dans les accords de branches. Nous serons extrêmement attentifs à ce qui va sortir de ces accords de branches, branche par branche, car certaines d’entre elles comptent davantage de temps partiels, et on se doute que c’est dans celles-ci que les négociations seront les plus difficiles. Je retire donc cet amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oh non !

M. Hervé Morin. Il y a de nombreux autres signataires ! Vous ne pouvez pas le retirer !

Mme la présidente. Madame Neuville, je suis désolée, mais cet amendement compte plusieurs cosignataires, dont l’une, me semble-t-il, souhaite le maintenir.

La parole est à Mme Barbara Romagnan.

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui va soutenir cet amendement !

Mme Barbara Romagnan. Nous avons déjà parlé il y a quinze jours, lors de l’examen du texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes, des questions touchant au travail. Les mesures que nous prenons, et elles sont nombreuses, contribuent à l’égalité entre les salariés, au bénéfice de ceux qui sont les plus précaires et les moins formés. À mon sens, la question du temps partiel n’a pas été suffisamment traitée lors du précédent projet de loi et nous devons absolument la traiter aujourd’hui. Il faut s’occuper de la situation de ces salariés, qui sont des femmes dans plus de 82 % des cas, et qui exercent des métiers mal payés, pas seulement parce qu’elles travaillent à temps partiel, mais parce que ces métiers, même à temps plein, sont sous-payés…

M. Hervé Morin. Elles ne sont pas sous-payées !

Mme Barbara Romagnan. …sous-estimés et sous-considérés et offrent des conditions de travail souvent difficiles. Beaucoup d’entre elles, en outre, sont responsables et chefs d’une famille monoparentale, si bien que beaucoup d’enfants sont également concernés.

À mon sens, il faudrait donner à ces personnes la possibilité de se former à temps plein, puisqu’elles font partie des salariés qui ont le moins bénéficié de la formation initiale. Elles devraient avoir au moins autant que les autres, mais sans doute plus, pour compenser ! Car si on ne leur offre pas cette possibilité, elles vont toujours rester dans la même situation : c’est une perte de richesse collective et une injustice majeure.

Mme Najat Vallaud-Belkacem ne s’était pas engagée, car elle ne pouvait le faire à la place du ministre du travail, mais lorsque nous avions déposé cet amendement dans le cadre du projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, elle nous avait répondu qu’il pourrait trouver sa place dans la loi dont nous discutons aujourd’hui. Je maintiens donc cet amendement, car je pense qu’il est vraiment essentiel si nous voulons réduire les égalités entre les hommes et les femmes et entre l’ensemble des salariés.

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous êtes très courageuse !

M. Hervé Morin. Plus courageuse que Mme Neuville en tout cas !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous soutiendrons cet amendement, comme nous l’avons fait en commission. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire notre collègue Barbara Romagnan. S’agissant de ce public très ciblé, je me souviens de l’engagement qui avait été pris lors de la discussion d’un autre texte : il n’y a donc aucune raison de ne pas aller jusqu’au bout aujourd’hui en matière de temps partiel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voudrais saluer l’engagement du Gouvernement sur ce texte, qui a fait à plusieurs reprises un signe en direction des salariés à temps partiel, dont nous connaissons bien la situation, qu’il s’agisse des femmes ou des publics en situation de handicap, dont je rappelle que la plupart accède à l’emploi dans le cadre d’un temps partiel. Pour les raisons avancées par Ségolène Neuville, j’accepte, moi aussi, de participer au retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cet amendement a reçu un avis défavorable de la commission. Il s’agit là d’un sujet difficile et vous avez rappelé les arguments qui peuvent militer en faveur de votre amendement. Mais, à ma connaissance, personne n’a encore trouvé le mécanisme qui permettrait de prendre en compte les situations de travail à temps partiel de manière juste. Il existe en effet une part de temps partiel choisi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Or le dispositif que vous proposez concerne uniquement les personnes qui subissent du temps partiel et qui mériteraient d’avoir davantage d’heures de formation, parce qu’elles en ont davantage besoin. Mais il y a aussi des gens qui ont choisi le temps partiel, et il faut faire la part des choses.

Vous avez rappelé, madame Neuville, que le compte personnel de formation pourra accueillir des abondements supplémentaires, notamment sous la forme d’une alimentation annuelle plus favorable, dans le cadre d’accords d’entreprise, de groupe ou de branche. Notre amendement n808, que nous présenterons un peu plus tard, précise que ces accords peuvent notamment prendre en compte le travail à temps partiel. Il nous reste à préciser que ces publics seront prioritaires dans le cadre des accords de branche.

J’ajoute enfin que, contrairement à d’autres dispositifs, tels que le droit individuel à la formation, toute heure de travail effectué crédite désormais le compte. On règle donc par là, non pas la question du temps partiel, mais celle des publics en situation précaire ou qui multiplient les contrats. Nous y avons travaillé en commission, le ministre a rappelé que les partenaires sociaux se sont eux aussi posé la question, et l’amendement de M. Cavard fera encore une autre proposition, mais aucune des solutions proposées ne résout parfaitement le problème. Il est important de noter à ce moment du débat qu’aucune solution technique n’est pleinement satisfaisante.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est trop facile d’utiliser à chaque fois des arguments techniques !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. le ministre, je vous informe que sur le vote de l’amendement n391, qui a été retiré par sa première signataire, mais repris par l’une de ses cosignataires, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai déjà apporté quelques éléments de réponse au cours du débat…

Mme Jacqueline Fraysse. Qui ne nous ont pas convaincus !

M. Michel Sapin, ministre. …et je comprends, madame Fraysse, que chacun cherche à rester sur ses positions. Je peux également comprendre que certains ou certaines campent encore plus fermement sur leur position que ceux qui étaient à l’origine de cet amendement, et qui avaient déjà pris en compte les réponses du ministre. Je comprends tout cela, mais je veux vous redire les choses très clairement.

Dans le cadre d’une négociation, il y a des avancées…

Mme Jacqueline Fraysse. Des avancées pour vous !

M. Michel Sapin, ministre. …et des équilibres. Les partenaires sociaux, du côté syndical, se sont battus avec succès pour mettre fin à une injustice considérable, qui faisait que des contrats courts n’étaient pas pris en compte dans le DIF et n’apportaient pas de droit à la formation.

J’ai bien entendu les préoccupations exprimées par Mmes Neuville et Carrillon-Couvreur. Qui est le plus concerné aujourd’hui par les contrats courts ? Les femmes : c’est elles qui sont concernées dans les proportions les plus importantes. Les partenaires sociaux, les organisations syndicales, ont privilégié la lutte contre les effets négatifs, en termes de formation, des contrats courts, y compris des contrats successifs. C’est une avancée considérable, et c’est de cette manière que les partenaires sociaux ont décidé de l’introduire, en tenant compte de l’équilibre global du compte personnel de formation, tel qu’ils l’ont conçu.

Je suis dans mon rôle lorsque je rappelle que l’équilibre global serait rompu si nous allions plus loin dans la direction que vous proposez. Nous devons prendre en compte le socle qui a été défini et financé par les partenaires sociaux : c’est eux qui se sont mis d’accord sur le dispositif, parce que c’est eux qui vont le financer.

Mme Jacqueline Fraysse. Et nous, nous leur versons vingt milliards d’euros ! Il ne faut pas exagérer !

M. Michel Sapin, ministre. Je reconnais, cela étant dit, qu’il y a là un vrai problème et qu’une personne qui travaille à temps partiel a souvent encore plus besoin d’une formation complémentaire, y compris pour sortir du temps partiel. Il est donc nécessaire, pour compenser les droits acquis au titre du temps partiel, que d’autres droits soient reconnus.

Je demande donc à chacun et à chacune de prendre en compte l’ensemble du dispositif : non seulement ce qui est issu de la négociation entre partenaires sociaux, mais aussi les dispositions de ce texte, lequel met en place d’autres mécanismes, des heures complémentaires, qui iront de manière prioritaire à ceux qui en ont le plus besoin, et tout particulièrement à ceux ou celles qui sont à temps partiel. Prenons l’exemple d’une personne à temps complet qui a droit, au titre du compte personnel de formation, à quatre-vingts heures et d’une personne à temps partiel qui a droit à quarante heures – il travaille deux fois moins.

La seconde va pouvoir bénéficier d’un complément d’heures qui lui permettra, au bout du compte, d’obtenir plus que les quatre-vingts heures du salarié à temps complet. Au bout du compte, le dispositif d’ensemble permettra donc au salarié à temps partiel de disposer d’un plus grand nombre d’heures.

M. Jean-Frédéric Poisson. S’il y a eu négociation. C’est là qu’est la nuance !

M. Michel Sapin, ministre. Il faut donc prendre en considération la totalité du dispositif, et non le seul mécanisme du compte personnel. C’est ainsi que nous faisons en sorte de lutter contre ces inégalités, et tout particulièrement contre celles dont les femmes pourraient être aujourd’hui les victimes si les travailleurs à temps partiel ne pouvaient pas bénéficier de droits égaux à ceux des autres. Finalement, les droits des salariés à temps partiel seront supérieurs à ceux des salariés à temps complet, et c’est normal. Le temps partiel ne sera pas laissé de côté dans la mise en œuvre de ces mécanismes de formation continue, indispensables pour lutter notamment contre les inégalités entre les hommes et les femmes au travail.

M. Michel Issindou. C’est clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Cet amendement présente des imprécisions et des imperfections, car le temps partiel peut être choisi ou subi.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est surtout subi ! C’est le cas de 80 % des contrats de travail à temps partiel !

M. Hervé Morin. Il faudrait aussi prendre en compte la problématique du nombre d’heures : même si, désormais, la durée de travail ne peut normalement pas être inférieure à 24 heures, le salarié peut décider d’en faire moins. En l’état, cet amendement ne permet donc pas de régler tous les problèmes soulevés par Mme Romagnan. Cependant, le groupe UDI le votera, car il aborde la question que j’évoquais tout à l’heure. Au reste, vous auriez dû, madame Romagnan, voter mon amendement sur les ouvriers et les salariés les moins qualifiés, car c’est exactement la même question : on maintient un système qui ne permet pas de régler en profondeur le problème des vraies inégalités.

M. Marc Dolez. Ah bon ?

M. Hervé Morin. Certains ont eu de la chance au début de leur vie, parce qu’ils sont allés à l’école longtemps, tandis que d’autres n’y sont pas allés. C’est la même question.

Je le répète : nous avons besoin d’un dispositif de « capital formation » existant au début de la vie, pour chacune et chacun d’entre nous, et qui nous permettrait d’avoir droit, en quelque sorte, à une seconde chance. C’est d’ailleurs ce que proposait Michel Rocard en son temps, monsieur Sapin.

Tout ce qu’on invente aujourd’hui est de l’emplâtre et ne règle absolument pas la question. Je voterai donc cet amendement pour appeler le Gouvernement à proposer, au Sénat ou en deuxième lecture, un dispositif capable de prendre en compte cette inégalité de formation, beaucoup plus fondamentale que l’inégalité de revenus dont on ne cesse de nous rabâcher les oreilles.

Mme Ségolène Neuville. Ces deux inégalités sont liées !

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai qu’un salarié à temps partiel gagne moins qu’un salarié à temps complet !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Pour notre part, nous nous abstiendrons sur cet amendement. Effectivement, le fait qu’une inégalité ne soit pas traitée dans le fond du texte pose un véritable problème, mais je ne pense pas que cet amendement permette de le résoudre. Il convient de retravailler sur ce sujet, car il existe bien une inégalité de départ. À l’heure actuelle, le groupe UMP s’abstiendra donc sur cet amendement.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n391.

Mme Jacqueline Fraysse. Je parie que certains vont voter contre l’amendement qu’ils ont cosigné !

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants61
Nombre de suffrages exprimés49
Majorité absolue25
Pour l’adoption19
contre30

(L’amendement n391 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n7.

M. Gérard Cherpion. Nous avons eu une discussion intéressante tout au long de cette matinée, et nous nous sommes bien rendu compte que le compte à 150 heures est insuffisant pour suivre une formation qualifiante, malgré les heures complémentaires et la grande simplicité du système que nous allons mettre en place. Je propose donc que nous prévoyions directement un compte à 200 heures, monsieur le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Oh !

M. Gérard Cherpion. Je veux aussi m’appuyer sur l’alinéa 19 de l’article 1er, qui dispose : « Lorsque la durée de cette formation est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire, d’abondements en heures complémentaires. » J’insiste sur les mots : « à la demande de son titulaire ». L’alinéa 21 prévoit que ces heures complémentaires peuvent être financées par le titulaire du compte lui-même : le titulaire est donc autorisé à se demander s’il est d’accord pour financer ces heures. Passons donc à 200 heures : nous résoudrons ainsi une partie du problème.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Comme je le disais tout à l’heure, nous avons modifié le rythme d’alimentation du compte, mais en prenant soin de respecter les paliers et le plafond prévus dans l’accord. Or le présent amendement bouleverse l’équilibre du compte, ce qui pourrait le fragiliser : en effet, il génère un coût supplémentaire et vous n’expliquez pas, monsieur Cherpion, comment vous le financez. Je suppose que vous ne proposez pas d’augmenter le taux de 0,2 % de la masse salariale dédié au financement du compte. La commission a donc repoussé votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Si l’on accélère la mise en œuvre du compte – c’est ce qui a été proposé en passant à un crédit de vingt-quatre heures par an – en maintenant le même plafond, la question du financement n’est pas posée immédiatement, ou pas de la même manière. En revanche, monsieur Cherpion, si vous portez le plafond de 150 à 200 heures, alors le financement prévu n’est plus suffisant : il faut augmenter le taux de cotisation de 0,2 %.

M. Michel Issindou. Il l’avait oublié !

M. Michel Sapin, ministre. Faites le calcul : il faut augmenter la cotisation. Je veux bien que l’on me donne toutes les leçons possibles et imaginables…

M. Francis Vercamer. Ça, c’est M. Cherpion !

M. Michel Sapin, ministre. …sur l’équilibre des finances publiques, ou sur le fait qu’il ne faut pas augmenter les dépenses d’un côté et les impôts de l’autre, mais votre amendement vise à augmenter une dépense sans augmenter la recette correspondante, ce qui est pourtant nécessaire ! Vous pouvez faire cette proposition parce que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas, dans la mesure où il s’agit de l’argent des partenaires sociaux. Cela ne va pas ! Certes, la Constitution ne protège pas, en quelque sorte, l’argent des partenaires sociaux, bien que cela ait une incidence sur les prélèvements publics et les dépenses publiques – allez comprendre, mais c’est un débat d’ordre constitutionnel ou relatif à l’application du règlement de l’Assemblée nationale. Cependant, monsieur Cherpion, soyez responsable !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, pas d’attaque personnelle ! (Sourires.)

M. Gérard Cherpion. Mais sur le fond ?

M. Michel Sapin, ministre. Ne proposez pas de porter le plafond à 200 heures sans prévoir par ailleurs l’augmentation de la cotisation obligatoire des entreprises ! Un peu de cohérence ! Vous pouvez penser qu’il serait préférable d’instaurer un plafond de 200 heures, de 250 heures, de 300 heures,…

M. Denys Robiliard. De 1 000 heures !

M. Michel Sapin, ministre. …mais à ce moment-là, augmentez les cotisations ! Il me semble que ce n’est pas vraiment la voie préconisée par la formation politique à laquelle vous appartenez.

M. Christian Paul. Double langage !

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour avoir des éléments concrets sur le sujet dont nous débattons depuis ce matin, peut-être pourrions-nous obtenir et partager avec vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, des données qui me semblent assez simples à calculer : le montant total des fonds perçus pour financer les différents comptes de formation, ainsi que le nombre de salariés éligibles à ces dispositifs. Nous aurions ainsi une petite idée du montant moyen disponible par salarié : nous saurions s’il s’agit plutôt de 240 euros, comme le disait M. Morin tout à l’heure,…

M. Hervé Morin. C’est le cas !

M. Jean-Frédéric Poisson. …de 600 euros, de 3 000 euros ou de 10 000 euros – même si j’ai parfaitement compris, monsieur le ministre, même avant ce matin, que cela ne correspondait pas tout à fait à un chèque. Malgré tout, il faudra bien que quelqu’un paie un jour des organismes de formation pour assurer des formations : à un moment, ces droits à la formation vont se traduire par de la monnaie sonnante et trébuchante, et les montants vont se décliner par salarié. Nous aimerions donc connaître l’ordre de grandeur – pas forcément à l’euro près – du montant moyen disponible par salarié : ainsi, nous saurions plus précisément de quoi nous parlons, et nous verrions s’il est pertinent ou non de considérer que le plafond de 150 heures est suffisant ou insuffisant, même avec les compléments et les mesures spécifiques aux salariés à temps partiel dont nous parlions il y a quelques instants.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Plutôt que de laisser les partenaires sociaux arranger les bidons entre eux pour faire en sorte que leurs tuyauteries restent bien organisées et ordonnées, avec des formations dont la qualification ou la certification mériterait d’être réalisée par des agences indépendantes, nous aurions dû avoir le courage de demander aux partenaires sociaux de réformer le système ! Le système serait alors probablement mieux géré, et la dépense plus efficace : nous pourrions accorder davantage d’heures de formation aux salariés et à nos compatriotes.

Dans cette affaire, il faut dénoncer la formidable connivence du MEDEF et des syndicats de salariés, de sorte que chacun puisse organiser tranquillement ses tuyauteries et maintenir ses maisons. Une rationalisation du système permettrait d’augmenter le nombre d’heures de formation.

M. Denys Robiliard. Assez de démagogie ! C’est du poujadisme !

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n536.

M. Jean-Marc Germain. Je veux d’abord corriger une erreur matérielle dans mon amendement : il ne s’agit pas de supprimer la fin de l’alinéa 48 après la deuxième, mais après la première ou la troisième occurrence du mot « heures ».

Cet amendement traite du même sujet que celui évoqué par M. Cherpion, et j’espère, monsieur le ministre, que vous saurez me déclarer votre flamme comme vous l’avez fait avec l’une de nos collègues un peu plus tôt. (Sourires.)

Mme Isabelle Le Callennec. Il n’a pas déclaré sa flamme à la collègue, mais à l’amendement de celle-ci !

M. Jean-Marc Germain. Au vu de nos débats, et malgré des divergences d’appréciation, un consensus se dégage sur tous les bancs pour dire que ces formations doivent être qualifiantes. Il existe aussi un consensus sur le fait qu’avec 120 ou 150 heures,…

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas beaucoup !

M. Jean-Marc Germain. …il est difficile de faire de la qualification : il faudra donc repenser les formations, pour les découper en morceaux de qualifications et arriver au résultat attendu.

Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec votre raisonnement financier. Dépenser 300 heures au bout de quatorze ans ne coûte pas plus cher que dépenser 150 heures au bout de sept ans puis à nouveau 150 heures au bout de sept ans – en valeur actuarielle actuelle, c’est même moins cher. Il ne me semble donc pas que ma proposition présente des coûts financiers supplémentaires, à moins de supposer que le compte personnel ne sera pas utilisé du fait de l’existence d’un plafond, ce qui serait un peu bizarre, puisque le but du dispositif est bien de consommer ce compte.

M. Hervé Morin. Vous avez raison !

M. Jean-Marc Germain. Le seul argument qui pourrait être convaincant serait qu’il ne faut pas inciter les salariés à attendre quatorze ans, mais au contraire à suivre régulièrement des formations pour actualiser leurs qualifications.

M. Hervé Morin. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous arguez du fait que ce plafond figure dans un accord interprofessionnel, ce qui est parfaitement respectable. Cependant, quand j’ai rencontré les partenaires sociaux, tous les syndicats m’ont dit que le plafond de 150 heures posait problème mais que le MEDEF ne voulait pas le modifier. Lorsque j’ai évoqué la question avec le MEDEF, je n’ai entendu aucun argument sur le coût financier : j’ai eu le sentiment que mes interlocuteurs faisaient la confusion que vous dénonciez tout à l’heure entre le droit individuel à la formation et le compte personnel de formation. On comprend bien leur position sur le DIF, basée sur ce qu’ils appellent la « théorie du sac à dos » : si le salarié dispose de 800 heures de formation à financer et qu’il veut changer d’entreprise, personne ne voudra l’embaucher, de peur qu’il ne parte tout de suite en formation et qu’il ne lui coûte 30 000 euros. Or le compte personnel de formation repose sur une mutualisation des financements – sauf en ce qui concerne la rémunération du salarié, et dans ce cas, l’accord de l’employeur est nécessaire – ; il n’entraîne donc pas de surcoût pour l’entreprise d’accueil.

Monsieur le ministre, votre force de conviction et le talent qu’on vous connaît ont permis de porter de vingt à vingt-quatre le nombre d’heures de formation créditées par année de travail. De même, il me semble que vous pourriez obtenir la suppression du plafond : c’est l’objet de mon amendement.

M. Hervé Morin et Mme Barbara Romagnan. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Défavorable. Mon cher collègue, je vous demande de retirer votre amendement. Certes, vous avez proposé de le rectifier ; sans cela, vous proposiez de ramener le plafond à 120 heures. Il s’agissait d’une erreur matérielle : dont acte.

Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que votre proposition est totalement contraire à l’ANI. Vous indiquez que vous avez rencontré les associations signataires et éventuellement non signataires. Certes, certains ont indiqué que le plafond de 150 heures ne constituait pas un grand progrès par rapport au DIF, et qu’il fallait aller un peu plus loin – c’est le sens de quelques amendements que nous avons vus fleurir. Mais ce n’est pas ce que vous proposez : votre amendement vise à déplafonner le compte personnel de formation.

Tout le monde conviendra qu’un déplafonnement empêcherait toute régulation financière du système. Des calculs ont certainement été faits par les partenaires sociaux : avec vingt heures – désormais vingt-quatre heures – de formation créditées par an et une cotisation à hauteur 0,2 % de la masse salariale qui devrait rapporter 1,2 milliard d’euros, le système doit tenir. Qu’en serait-il avec votre proposition ? Imaginons que les salariés thésaurisent et que, dans quelques années, beaucoup d’entre eux disposent de comptes assez volumineux – 200, 300 ou 400 heures – et décident de partir en formation au même moment. Dans ce cas, le système explose !

C’est un tout autre système que vous proposez.

M. Hervé Morin. Mais non ! Absolument pas !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Par ailleurs, et c’est mon troisième argument, prévoir un plafond relève d’une autre logique,…

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas un plancher.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. …non pas économique, financière – même si cela permet une régulation –, mais d’incitation Je ne cesse de le répéter depuis ce matin : le premier objectif du compte est de faire en sorte que chacun soit sensibilisé à cette question et sollicite une formation. On peut même faire plus que la solliciter puisque l’on bénéficie d’une sorte de pouvoir d’achat, qui peut aller jusqu’à 150 heures et être complété par des abondements. Si vous ne prévoyez pas de plafond, vous perdez cet effet incitatif, et on le voit par rapport au DIF. Quelqu’un qui a atteint le plafond a intérêt à dépenser son crédit puisque celui-ci ne peut plus progresser.

M. Hervé Morin. Mais non !

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Votre amendement, monsieur Germain, qui correspond à une tout autre logique, représente un risque financier et est contraire aux souhaits des partenaires sociaux. Pour ces raisons, je vous demande de le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Il y a plusieurs manières de voir les choses. La première, parfaitement compréhensible, consiste à dire que 150 heures, ce n’est pas suffisant, en particulier pour des formations qualifiantes. Je rappelle donc que ces 150 heures constituent un socle qui peut être complété par des heures supplémentaires, de sorte que leur nombre total pourra permettre de suivre ces formations qualifiantes.

Mme Isabelle Le Callennec. Mais c’est à négocier !

M. Michel Sapin, ministre. Deuxièmement, monsieur Germain – et vous serez sensible à mes arguments, car vous avez le sens des responsabilités –, un accord a été conclu entre les partenaires sociaux, qui sont parvenus à un équilibre, équilibre qui est une avancée considérable : au lieu de 120 heures, nous en avons 150, dans des conditions bien différentes de celles du DIF, qui est un échec, et avec des mécanismes qui feront du compte personnel de formation un grand progrès. Derrière ces 150 heures, se pose la question du financement, quelle que soit la manière dont on regarde les choses. Je suis, ici, le garant de cet équilibre, et l’on peut respecter celui-ci quels que soient les bancs où l’on siège. Il ne revient pas au seul Gouvernement de rappeler l’équilibre d’un accord national interprofessionnel.

Enfin et surtout, je souhaite reprendre l’argument le plus important du rapporteur. Trop souvent, s’agissant en particulier de la formation, on ouvre des droits sans prévoir d’incitation à les utiliser. On peut accumuler des heures et des heures, mais, sans incitation à les utiliser, à quoi sert-il de les avoir accumulées ?

On peut en avoir 150, puis quelques années après, 300, 400, et ensuite ? L’avantage du système de plafonnement, complété par l’accompagnement individuel des salariés obligatoire, est qu’il incite à utiliser ces 150 heures régulièrement.

M. Michel Issindou. En effet, régulièrement !

M. Michel Sapin, ministre. C’est bien plus bénéfique pour la promotion, la gestion du parcours professionnel tout au long de la vie du salarié. J’insiste sur ce point – indépendamment de ce que j’ai dit par ailleurs et qui doit être pris en compte par tout responsable – : nous avons un dispositif extrêmement incitatif. Il ne sert à rien de thésauriser. Vous avez là un dispositif équilibré et qui incite chacun à utiliser son capital d’heures. Voilà les raisons pour lesquelles, monsieur le député, tout en comprenant parfaitement votre préoccupation, je souhaite que vous preniez en compte les arguments que je viens d’avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Si Jean-Marc Germain retire son amendement, je le reprendrai, dans la mesure où j’en avais déposé un similaire, dont je m’étonne qu’il n’ait pas fait l’objet d’une discussion commune avec celui-ci.

Monsieur le ministre, j’imagine que nous vivons dans le même monde. Pour ma part, j’entends chaque semaine des hommes et des femmes se plaindre de ne pouvoir accéder à certaines formations parce que celles-ci ne sont pas considérées comme des priorités, parce que les OPCA refusent de les financer…

M. Michel Sapin, ministre. C’est bien pour cela qu’on a le compte personnel de formation !

M. Hervé Morin. …ou parce que la région ne finance que quinze formations dans tel secteur. Au-delà des questions fort pertinentes de Jean-Marc Germain, se pose celle de la liberté de chacune et chacun de décider de la formation qu’il va suivre.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas une liberté de consommer !

M. Hervé Morin. Je prends un exemple. La semaine dernière, une femme qui souhaite devenir aide médico-psychologique s’est vu répondre, parce qu’elle n’était pas dans les quinze premières, qu’elle resterait au chômage parce que personne ne veut financer sa formation. À une autre voulant se lancer dans les médecines douces, on a répondu qu’il s’agissait de matières un peu trop ésotériques et que dans ces conditions, elle ne pouvait pas changer de boulot.

J’estime que le CPF est un instrument de liberté pour des hommes et des femmes qui ont envie de changer d’orientation professionnelle et qui, au titre du travail fourni pour la collectivité, doivent pouvoir évoluer et changer d’orientation. Il faut faire en sorte qu’ils aient assez d’heures pour pouvoir le faire. Or ce n’est pas avec le plancher que vous fixez et avec des usines à gaz qu’on y arrivera. Au reste, vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre : ce sont les partenaires sociaux qui ont été les plus grands conservateurs et ont agi en faveur du maintien du système.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas vrai !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est vrai qu’il y a une certaine contradiction entre la volonté de permettre l’accès à des formations qualifiantes et le fait de prévoir 150 heures : tout le monde reconnaît ici que c’est trop peu. Vous nous opposez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le fameux abondement, mais celui-ci ne sera pas obligatoire, et les salariés ne sont pas forcément les mieux placés pour le réclamer. Il ne faudrait pas créer un leurre. Je vous entends, monsieur le ministre. Vous parlez de révolution, d’un pouvoir d’achat donné aux salariés, aux demandeurs d’emploi pour accéder à des formations. Aujourd’hui, ils y accèdent plus ou moins facilement, vous l’avez dit. Mais ce compte personnel doté de 150 heures, dont on ne dispose pas lorsque l’on arrive sur le marché du travail et qu’il faut accumuler, permettra-t-il de résoudre ce problème ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué l’accord des partenaires sociaux. Mais, depuis hier, on ne vous a pas entendu sur le fait que deux organisations – une organisation patronale et une organisation syndicale – n’ont pas signé cet accord. La CGPME soulève la question de la mutualisation, sur laquelle nous reviendrons. Quoi qu’il en soit, dans les très petites entreprises et les PME, le compte personnel de formation lui-même – qui a été créé par la loi de sécurisation de l’emploi, issu d’un accord que la CGPME avait signé – et la façon dont vous en dessinez les contours pose tout de même des problèmes.

Il ne faudrait pas leurrer les gens sur l’efficacité du compte personnel de formation.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Germain ?

M. Jean-Marc Germain. Je suis heureux que nous ayons eu ce débat : après tout, les partenaires sociaux nous écoutent et le fait qu’ils puissent connaître l’opinion des uns et des autres est important. Pour ma part, je persiste à ne pas comprendre l’argument financier. Le rapporteur nous a dit que le plafond de 150 heures poussera à consommer, et il a raison. Mais s’il pousse à consommer, il pousse à dépenser.

M. Hervé Morin. Mais non !

M. Jean-Marc Germain. L’argument financier ne tient donc pas, même s’il est vrai qu’il a pesé dans la négociation – mais, selon moi, en raison d’une erreur de raisonnement de la partie patronale. Cela étant, la discussion a été très dure au moment de l’accord national interprofessionnel, et l’un des syndicats, qui en avait fait un point conditionnant sa signature, a poussé au maximum. Je comprends donc que le changement du seuil, quelle que soit l’idée que l’on peut se faire du dispositif optimal, pose un vrai problème par rapport à la négociation interprofessionnelle, négociation qui a recueilli quatre signatures syndicales. Se pose aussi une question de fond, qui a été évoquée : comment faire en sorte que les gens n’attendent pas quatorze ans pour disposer de 300 heures ? Si la réflexion doit être approfondie sur ces sujets – et j’imagine, monsieur le ministre que vous-même et les partenaires sociaux continuerez d’y réfléchir –, il faudra étudier les modalités des abondements. Quoi qu’il en soit, il faut faire preuve de détermination et favoriser une évolution qui permette de donner accès à des formations véritablement qualifiantes.

Je rappelle qu’un congé individuel de formation, c’est 800 heures – et nous en connaissons les bénéfices importants. Là, nous en sommes à 150. Espérons que nous en arriverons à 300 heures et que, dans certaines situations, nous pourrons les articuler avec d’autres dispositifs.

Je retire mon amendement qui, de surcroît, dans sa rédaction actuelle, conduirait à l’inverse de ce que je souhaitais, c’est-à-dire faire passer le plafond de 150 à 120 heures.

M. Hervé Morin. Je reprends l’amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Selon vous, monsieur le ministre, le DIF serait un échec.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas une réussite !

M. Gérard Cherpion. Je ne le crois pas. Selon moi, il fallait passer par cette étape pour arriver au compte personnel de formation.

Néanmoins, si le DIF est un échec, c’est parce que des compteurs sont remplis ; ils atteignent 120 heures. Et, vous avez raison, 6 % environ des salariés utilisent leur compte formation. Mais qu’est-ce qui nous dit qu’avec le compte personnel de formation, nous assisterons à un changement ? Il n’y a aucune raison. On se retrouvera exactement dans la même situation, dans la mesure le compte personnel de formation est un copier-coller du DIF.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur Germain, vous dites que le débat a été extrêmement dur entre les partenaires sociaux et que cela a été un élément de la rupture. Mais nous ne sommes pas là simplement pour valider les décisions des partenaires sociaux…

M. Gérard Cherpion. Absolument.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est bien de le rappeler !

M. Hervé Morin. …et de prendre acte de leur compromis et de leur connivence, je suis désolé de le dire. Si certains n’ont pas pu aller au-delà, nous sommes là pour les y aider.

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Très bien, l’irresponsabilité, monsieur Morin !

(L’amendement n536 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron