SOMMAIRE
Présidence de Mme Sandrine Mazetier
1. Création, architecture et patrimoine
Discussion des articles (suite)
Amendement no 66
M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
Amendements nos 379 , 133 , 410 , 462 , 24, 153 , 460 (sous-amendement) , 301 , 131 , 370 rectifié , 134 , 31 , 324
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 300 , 247 , 245 , 323 , 297 , 469 (sous-amendement) , 246 , 137
Amendements nos 79 , 80 , 26 , 136
Amendement no 411
Amendements nos 81 , 82 , 296 , 472 (sous-amendement)
Amendement no 83
Amendement no 248
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (nos 2954, 3068).
Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 66 portant article additionnel après l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 66.
Mme Virginie Duby-Muller. Nous avons jugé utile de rappeler dans ce titre Ier, consacré aux dispositions relatives à la liberté de création artistique, notre attachement positif à la culture, à la création et au patrimoine dans les termes suivants : « la culture est un bien immatériel précieux commun à tous les êtres humains. La création est le vecteur par lequel ces êtres de culture expriment le plus efficacement d’où ils viennent, qui ils sont et ce qu’ils veulent devenir. Le patrimoine est un trésor qu’il leur faut préserver et chérir pour l’avenir. »
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.
M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. J’avoue que j’ai éprouvé une certaine émotion à la lecture de votre amendement, si beau, si bien écrit. C’en est presque touchant ! Cela s’apparente à une déclaration d’amour pour la culture, mais ce n’est qu’une déclaration. Or nous sommes là pour écrire la loi. C’est la raison pour laquelle je serais heureux que vous retiriez cet amendement, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. L’avis est également défavorable. Je suis moi aussi sensible à cette déclaration, mais après les discussions que nous avons eues sur le caractère nécessairement normatif de la loi, je ne puis qu’y être défavorable. L’assemblée générale du Conseil d’État a indiqué, à l’occasion de l’examen de ce texte, que souvent ce qu’on peut considérer comme du droit symbolique devient du droit « dur ». Selon lui, d’ici un an, l’article 1er sera l’objet d’une jurisprudence abondante.
Comme le rapporteur, je suis touchée par l’intention, mais en raison du caractère non-normatif de cet amendement, je vous demanderais de bien vouloir le retirer et à défaut j’y serais défavorable.
Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, madame Duby-Muller ?
Mme Virginie Duby-Muller. Oui.
(L’amendement no 66 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.
La parole est à Mme Valérie Corre.
Mme Valérie Corre. Le rôle de l’État, sa légitimité à intervenir et son efficacité à réguler un certain nombre de secteurs économiques sont de plus en plus remis en cause. Cette loi constitue une réponse ferme à ce phénomène.
L’article 2, qui définit de manière précise et détaillée les objectifs politiques de cette loi, dessine une cohérence et un chemin pour l’État : protéger notre patrimoine, garantir à tous un accès à la culture et préserver la création culturelle.
Protéger notre patrimoine d’abord : cela suppose d’accompagner les collectivités qui luttent pour préserver et mettre en valeur leur territoire. En cela, la création d’une commission nationale des cités et monuments historiques modernise notre droit et offre de nouveaux outils aux élus locaux.
Garantir à tous un accès à la culture ensuite : l’État prend ainsi ses responsabilités en matière d’accès des publics en situation de handicap aux œuvres culturelles. L’État assurera également la promotion et la circulation des œuvres, ainsi que la mobilité des artistes et des auteurs afin qu’aucun territoire en France ne devienne un désert culturel.
Je ne reviens pas sur l’inscription dans la loi de la liberté garantie à la création artistique, évoquée dans l’article 1er, qui consacre un acquis historique pour l’ensemble des artistes. Les objectifs de ce projet de loi sont nombreux, ambitieux et attendus par de nombreux acteurs du secteur culturel. On cite souvent le mot de Jean Jaurès, selon lequel les services publics étaient « le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ». Sans remettre en cause le sens de cette phrase, nous pouvons dire que les créations artistiques et architecturales sont notre patrimoine. Les découvertes archéologiques et historiques en France constituent aujourd’hui notre patrimoine. Assurer la diversité des formes de culture et les rendre accessibles au plus grand nombre, c’est permettre à chaque Français d’accéder à notre patrimoine commun.
Dans tous ces domaines, l’État et les collectivités locales ont un rôle à jouer, un rôle central, capital. Grâce à ce texte, notamment à l’article 2, ils seront au rendez-vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Vous me permettrez, madame la ministre, de revenir sur la question du respect de la liberté du programmateur puisque vous m’avez interpellée sur ce point au cours de l’examen de l’article 1er. Nous avions déjà eu une discussion à ce sujet en commission et j’avais alors présenté un amendement qui a suscité un certain nombre de commentaires.
Dans la vraie vie, les adjoints à la culture et les maires se préoccupent des relations avec les programmateurs. Parfois même, quand il n’y a pas de programmateurs, ce sont les élus en charge de la culture qui s’occupent de la programmation des équipements culturels de leur ville, sans que personne y trouve à redire. Je dirais même plus, madame la ministre : on devrait féliciter ces élus pour le travail extraordinaire qu’ils réalisent en matière de promotion de la diffusion culturelle.
Mon amendement, que j’ai retiré et que je ne vais pas défendre ici, ne visait pas à permettre aux élus de s’immiscer dans la programmation d’une scène nationale ou conventionnée, voire de se substituer au programmateur. Il s’agissait simplement de rendre hommage au travail accompli par des élus authentiquement convaincus de l’intérêt de la programmation culturelle.
Je voulais, par cette ultime mise au point, éclaircir le sens de l’amendement que j’avais déposé et que j’ai retiré parce qu’il prêtait à confusion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé.
Mme Marie-Odile Bouillé. La prise en compte dans l’article 2 du projet de loi de la notion d’éducation artistique et culturelle, nous rappelant, si besoin était, qu’elle relève autant des prérogatives de l’État que des collectivités locales, est pour moi essentielle, car même si nous la retrouvons dans d’autres textes, notamment le dernier texte sur l’éducation, elle a tout autant sa place au cœur de la politique publique de soutien la création.
Dans son discours sur l’école et la nation, prononcé en février 2012, notre Président de la République, François Hollande, avait annoncé un grand plan en faveur de l’éducation artistique, fondé sur les partenariats entre les établissements scolaires, les institutions culturelles et les artistes. Cette ambition est au cœur du projet de loi, car c’est là un formidable levier, notamment pour les plus jeunes, pour comprendre le monde et les autres.
C’est aussi un outil magnifique dont dispose la République pour tenir sa promesse d’émancipation en faveur de tous les publics, car c’est en côtoyant les artistes, les œuvres, en découvrant les lieux de création et de diffusion que les individus forment leur sensibilité à l’art. Le « 1 % » artistique de l’article 3 bis répond aussi à cet enjeu.
Dès lors, il m’apparaît important que la loi fasse référence aux publics les plus éloignés de la culture, qui sont souvent aussi nos concitoyens les plus fragiles, car je reste persuadée que la création artistique est aussi un outil de démocratisation de la culture. C’est en permettant la diffusion des œuvres artistiques et en favorisant les apprentissages tout au long de la vie que nous réussirons à intéresser tous les publics à l’art.
Nous ne le dirons jamais assez : la mixité culturelle et artistique est aussi essentielle que la mixité sociale pour préserver la cohésion de notre pays. Ce projet de loi fait de la création culturelle une valeur essentielle de la République, en rappelant la liberté de l’artiste, en favorisant l’égalité de tous devant les œuvres et leur diffusion et en s’appuyant sur la fraternité entre les artistes, les publics et les territoires pour que tous les individus, partout en France, trouvent leur place dans la société grâce à l’art.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon. Cet article 2 est un article important en ce qu’il énumère les objectifs et les modalités de la politique de soutien à la création artistique conduite par l’État et par les collectivités territoriales.
Les principes qui guident les politiques publiques en matière culturelle ont été précisés lors de notre discussion en commission. Y a été réaffirmé le principe d’équité territoriale, parallèlement au principe d’égal accès à la culture.
La discussion en commission a permis d’élargir les objectifs de la politique de soutien à la création à l’émancipation individuelle et collective, l’éducation artistique et culturelle des publics éloignés du monde de la culture, la formation aux métiers de l’art, la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, le dialogue et la concertation entre l’État et les acteurs de la culture, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de la création artistique, la défense d’une rémunération juste des artistes et la promotion du droit des auteurs aux plans national et international.
Les subventions à la création ont été conditionnées : toute subvention au titre de soutien à la création artistique sera désormais soumise au respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des auteurs.
La discussion en commission a ainsi permis de préciser et d’élargir les principes et les objectifs posés dans cet article et nous comptons poursuivre ce travail en défendant nos amendements au cours de cette discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. L’article 2 est important dans la mesure où il rappelle, à côté des responsabilités certes cardinales de l’État en matière de culture, celles des collectivités territoriales. Son dix-huitième alinéa pose que « dans l’exercice de leurs compétences, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, veillent au respect de la liberté de programmation artistique. » Il y a là une vraie question qui est posée à tous les élus que nous sommes : quel programmateur, quel que soit son statut, n’a pas, par crainte des désordres, hésité à diffuser telle ou telle œuvre artistique, voire refusé de la présenter ? C’est de cela dont il s’agit, et c’est cette responsabilité que nous avons à assumer ensemble.
C’est en ce sens que cet alinéa est essentiel : il rappelle que cette liberté de programmation est entre nos mains.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Féron.
M. Hervé Féron. Si l’article 1er du projet de loi est une très belle consécration de la liberté de création, c’est l’article 2 qui lui donne véritablement corps, en fixant le cadre de la politique publique en matière culturelle. Aujourd’hui, en effet, rien, dans la loi, ne précise comment les villes, les départements et les régions définissent leur politique culturelle et artistique.
Dans la droite ligne de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – la loi NOTRe – ce projet de loi pose le principe de la responsabilité partagée de l’État et des collectivités territoriales en matière culturelle, en fixant les objectifs en la matière : soutien à la création ; liberté pour chaque citoyen de choisir ses pratiques culturelles et ses modes d’expression ; égal accès de tous à la création ; liberté de programmation des responsables d’équipement. Grâce à ces éléments, le présent projet de loi réaffirme la place centrale de la culture et de ses acteurs dans le pacte républicain. C’est d’ailleurs sur cet article 2 que nous avons déposé une grande partie de nos amendements, afin de compléter et d’affiner au mieux les objectifs de notre politique culturelle.
Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen présenteront un amendement visant à généraliser l’existence des pratiques culturelles au sein des entreprises car, avec l’école et l’espace public, le monde de l’entreprise est un lieu privilégié pour favoriser l’accès aux œuvres culturelles de l’ensemble de nos concitoyens, en particulier ceux qui en sont les plus éloignés, pour des raisons économiques et sociales. Renouer avec la générosité, faire de la culture le cœur du projet politique en définissant de manière juste et précise le service public de la culture, c’est ainsi que nous parviendrons à une plus grande qualité du vivre ensemble. Car c’est en rendant la culture et les arts accessibles à tous que l’on forme des citoyens libres et éclairés. Et c’est ainsi que l’on fait société.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 379.
M. Patrick Bloche, rapporteur. J’ai pris l’initiative de déposer cet amendement pour satisfaire un amendement de Mme Marie-George Buffet, rejeté en commission, et qui visait à consacrer dans la loi le rôle des directions générales des affaires culturelles. L’organisation, le fonctionnement et les missions des DRAC relevant du domaine réglementaire, je n’ai pu accepter, à mon grand regret, l’amendement de Mme Buffet. Et c’est pour répondre à la préoccupation qu’elle exprimait que j’ai déposé le présent amendement, qui souligne le rôle essentiel que jouent, au côté des services centraux, les services déconcentrés du ministère de la culture, pour atteindre les objectifs de notre politique culturelle que nous détaillons dans l’article 2.
Ce faisant, je pense satisfaire l’amendement no 25 de Mme Marie-George Buffet, mais également – et ainsi, le plaisir est double – l’amendement no 137 de Mme Genevard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je suis très sensible, monsieur le rapporteur, à l’hommage que vous rendez aux DRAC à travers cet amendement, en précisant que la politique culturelle de l’État est aussi mise en œuvre par les services déconcentrés de mon ministère. Vous savez que j’ai beaucoup défendu la place et le rôle des DRAC, notamment dans le cadre des réflexions sur la réorganisation des services de l’État dans le contexte de la réforme territoriale. Demain, comme aujourd’hui, les DRAC resteront les interlocuteurs privilégiés et directs des collectivités territoriales pour la mise en œuvre des politiques de l’État dans chaque territoire, et aussi pour la bonne coordination des politiques culturelles au niveau territorial.
Vous l’avez rappelé : en commission, j’étais réticente, comme vous, à inscrire le rôle et l’organisation d’un service déconcentré dans la loi, puisqu’il me semblait que cette précision relevait du pouvoir réglementaire. Mais, comme vous vous y étiez engagé, auprès notamment de Mme Marie-George Buffet, vous avez recherché la formulation la plus adaptée pour surmonter cette difficulté. Je crois que vous avez atteint votre objectif, qui est notre objectif commun. Je suis donc favorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Cet amendement est tout à fait utile, car je sais que certaines régions exercent des pressions pour que les DRAC deviennent des services régionaux de la culture. En réaffirmant la responsabilité de l’État dans cet article 2, nous rappelons également que les DRAC sont absolument essentielles. Et je tiens à le dire avec force, alors même que je suis d’une région que l’on appelle la Bretagne.
M. Michel Piron. Un jacobin breton, c’est chose rare !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. L’article 2 définit les missions communes de l’État et des collectivités pour mettre en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique. J’avais en effet plaidé en commission pour que soit pleinement reconnu le rôle des DRAC, c’est-à-dire le rôle que jouent les fonctionnaires – en l’occurrence, ceux du ministère de la culture – pour assurer l’égalité républicaine et pour mettre en œuvre les politiques décidées démocratiquement par une majorité à l’Assemblée nationale.
Il est d’autant plus important de rappeler le rôle des fonctionnaires qu’ils sont souvent la cible de discours négatifs : il y a eu la révision générale des politiques publiques, et l’on continue d’entendre, ici ou là, que les fonctionnaires ne seraient pas utiles, ou qu’ils seraient trop nombreux. Or il n’y aurait pas d’efficacité de l’État sans les fonctionnaires.
M. Marcel Rogemont. Vous avez raison de le rappeler !
Mme Marie-George Buffet. J’ai été ministre : j’ai vu la force – c’est à dessein que j’emploie ce terme – militante des fonctionnaires du ministère de la jeunesse et des sports pour mettre en œuvre la politique de l’État partout sur le territoire.
Je vous remercie donc, monsieur le rapporteur, d’avoir déposé cet amendement, qui me permettra de retirer mon amendement no 25. Je pense que nous devrions tous ensemble rendre hommage aux fonctionnaires de la République.
M. Marcel Rogemont. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je me souviens du débat que nous avons eu en commission : vous aviez alors repoussé l’amendement de Mme Buffet pour des raisons que vous venez d’expliciter, mais qui ne l’avaient pas été à l’époque. Comme cet amendement me paraissait très pertinent, j’avais demandé à Mme Buffet l’autorisation de le reprendre : tel est l’objet de mon amendement no 137, qui n’est pas tout à fait identique au vôtre, monsieur le rapporteur.
S’il est vrai, comme l’a dit Mme la ministre, que la loi n’a pas vocation à définir les missions des services déconcentrés de l’État, l’amendement de Mme Buffet, que j’ai repris, pose tout de même un certain nombre de principes relatifs au sens de l’action publique, notamment dans sa coordination avec les collectivités territoriales.
Contrairement à ce qu’a pu dire notre collègue Valérie Corre, je ne pense pas qu’il y ait un repli de l’État en matière de services déconcentrés de la culture.
M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas ce qu’elle a dit !
Mme Annie Genevard. La légitimité de l’État en la matière ne me semble pas remise en cause. Au contraire, elle est plébiscitée, et je fais observer qu’elle l’est des deux côtés de l’hémicycle. Pas tant parce que ce sont des fonctionnaires – ce serait un autre débat – mais parce qu’ils sont les garants de principes qu’ils savent, mieux que personne, défendre.
M. Marcel Rogemont. Excellent !
(L’amendement no 379 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 133.
Mme Annie Genevard. Cet amendement revient sur la question de la diffusion, mais ne la pose pas exactement dans les mêmes termes que dans notre discussion sur l’article 1er. Je propose de compléter l’alinéa 1 de l’article 2 en y insérant la notion de diffusion. Il serait ainsi rédigé : « L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique et de sa diffusion. »
Il me semble important d’évoquer cette notion de diffusion à cet endroit du texte, parce que, lorsque l’État ou les collectivités mettent en œuvre une politique destinée à favoriser la création, ils doivent aussi, en toute logique, se préoccuper de sa diffusion. Et j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas tout à fait du même débat que celui que nous avons eu à l’occasion de l’intervention de notre collègue Michel Pouzol. L’artiste peut certes créer et choisir de détruire son œuvre, mais la collectivité ou la puissance publique qui choisit d’encourager la création doit en même temps, et c’est légitime, se préoccuper de sa diffusion : ce n’est pas la même chose.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. L’excellent amendement no 462 du Gouvernement, que nous allons bientôt examiner, ne pourra que vous satisfaire, madame Genevard, car il crée un alinéa spécifique, visant à garantir la liberté de diffusion artistique. Je vous proposerai donc de retirer votre amendement, car celui du Gouvernement défend avec encore plus de force votre préoccupation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Les mots sont importants. L’amendement que vous évoquez, monsieur le rapporteur, concerne la liberté de la diffusion artistique : il prolonge donc le débat que nous avons eu au sujet de l’article 1er. Mais ce n’est pas de cela que je parle ici : mon amendement concerne l’organisation de la diffusion, ce qui n’est pas la même chose. Par conséquent, l’amendement du Gouvernement ne satisfait pas plus pleinement ma préoccupation, comme vous le dites : il répond à un autre problème.
Vous, vous évoquez la liberté de la diffusion, celle-là même qui garantit par exemple la contemplation sereine de l’œuvre d’Anish Kapoor. Mon amendement, lui, porte sur la capacité de la puissance publique à organiser la diffusion des œuvres. J’y insiste : ce n’est pas le même sujet. Il s’agit certes toujours de la diffusion : c’est le même mot, mais pas le même enjeu.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Par correction vis-à-vis de Mme Genevard, je vais lui donner un autre argument pour la convaincre de retirer son amendement : l’alinéa 5 du texte de la commission, qui dispose que la politique de service public en faveur de la création artistique doit « développer l’ensemble des moyens de diffusion de la création artistique », répond déjà à sa demande.
Mme la présidente. Madame Genevard, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Annie Genevard. Je le maintiens.
(L’amendement no 133 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 410.
M. François de Mazières. Cet amendement tend à substituer au mot « talents » les termes « pratiques culturelles » à l’alinéa 3 de l’article 2. Le terme « talents » induit une notion de choix, qu’il est assez difficile d’admettre. Comment l’État peut-il identifier des talents ? D’après son décret d’attribution, la mission du ministère de la culture et de la communication est de favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit, le développement des pratiques et des enseignements artistiques. La notion de « talents » pose à mon sens un grand nombre de questions, et ce que nous devons offrir aux artistes me semble être exprimé de manière plus concrète au 5° : il s’agit de soutenir les artistes, les auteurs, les professionnels. Je vous propose donc de revenir aux termes du décret d’attribution du ministère, en faisant référence à des « pratiques artistiques ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. J’avoue ne pas avoir très bien compris le sens de cet amendement : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission lui a donné un avis défavorable.
Tout d’abord, une référence explicite aux pratiques culturelles figure déjà à l’alinéa 4. Par ailleurs, le renouvellement des talents a un sens : je suis d’ailleurs étonné que vous stigmatisiez cette notion de « talents », vous que je sais si attaché au mérite. Je me suis rendu au printemps dernier à Vire, dans le Calvados, pour assister à une très belle manifestation visant à promouvoir des artistes de musique classique. L’événement s’appelle « Jeunes talents normands », et c’est une référence. Je suis vraiment surpris de cet amendement, venant de vous.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur le député, je partage bien sûr votre préoccupation de rappeler, parmi les objectifs des politiques culturelles, la nécessité de développer et de renouveler les pratiques culturelles. Cette idée est d’ailleurs développée à plusieurs reprises dans l’article 2.
Ici, la notion de talent vise autre chose. Le ministère de la culture, vous l’avez rappelé, a pour rôle de favoriser le développement et le renouvellement des esthétiques et d’accompagner les artistes dans l’approfondissement de leur démarche artistique. C’est en réalité la seule façon pour notre pays de demeurer aux avant-postes de l’innovation et de l’émergence des grandes aventures artistiques.
Aujourd’hui, quatre générations d’artistes sont à la tête d’institutions de création, de production et de diffusion. Nous avons des artistes de talent aux deux bouts de la chaîne de vie, qu’il s’agisse des grandes figures de l’histoire de la création artistique ou de jeunes talents qui seront les Patrice Chéreau de demain. Il est de notre responsabilité que la jeune création, sous toutes ses formes, parvienne à tracer un sillon artistique de rayonnement national et international et que nous permettions aux talents de transmettre leur regard sur notre société. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu au printemps dernier des Assises de la jeune création, pour identifier les voies concrètes d’une amélioration de l’action de l’État en faveur de l’émergence, de l’insertion professionnelle et de la formation des jeunes créateurs, ainsi que de la solidarité entre les générations d’artistes et de créateurs ou de la transmission de leurs savoirs.
J’ai également réussi à obtenir des moyens nouveaux pour 2016 en vue de soutenir ces objectifs et mettre en place des dispositifs qui répondent aux attentes très concrètes de nos jeunes créateurs. Voilà ce que vise le mot « talents », tel qu’il est inscrit à l’alinéa 3.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur de Mazières, maintenez-vous l’amendement ?
M. François de Mazières. Monsieur le rapporteur, l’alinéa 4 vise à « favoriser la liberté dans le choix par chacun de ses pratiques culturelles » : la notion de pratiques culturelles y est donc utilisée de manière tout à fait différente.
Si je suis très attaché, comme vous, au talent, ce qui me gêne, c’est la notion d’art d’État ou celle de labellisation que nous retrouvons à l’alinéa 3. Personnellement je souhaite que l’État aide les artistes et non pas qu’il désigne un talent : de quel droit peut-on dire : « Ça, c’est un talent ! » ?
M. Marcel Rogemont. Comment distribue-t-on l’argent, alors ?
M. François de Mazières. La rédaction actuelle s’inscrit dans un sens unilatéral : l’artiste ne reçoit rien, notamment aucune aide, en contrepartie de ce que lui impose la labellisation. J’avais déposé un amendement en ce sens, que j’ai dû retirer au titre de l’article 40, car il aurait créé une dépense supplémentaire pour l’État. Le présent amendement cible le danger de voir l’État s’arroger le droit de détecter ou plutôt d’identifier les talents. Toutefois, je suis prêt à le retirer.
M. Marcel Rogemont. Tant mieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Pouzol.
M. Michel Pouzol. La notion de talent, à l’alinéa 3, n’est pas liée à la qualité du talent mais à la potentialité de l’artiste ou du créateur : il vise l’individu qui porte l’acte de création tel que l’évoque l’alinéa 1. Il est important que cette nuance apparaisse également à l’alinéa 3.
M. Michel Piron. M. Freud n’est pas loin !
Mme la présidente. Monsieur de Mazières, confirmez-vous le retrait de l’amendement ?
M. François de Mazières. Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 410 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 462.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Un débat a eu lieu en commission sur la nécessité d’introduire ou de ne pas introduire la liberté de diffusion artistique à l’article 1er. Si, comme le rapporteur, je souhaite conserver à cet article la concision qui fait sa force, je crois toutefois important de souligner que la liberté de diffusion constitue un objectif essentiel des politiques publiques en faveur de la création artistique. Le passé récent que nous avons eu l’occasion d’évoquer révèle les difficultés que les créateurs rencontrent parfois à montrer leurs œuvres telles qu’ils les ont conçues et réalisées, ou, plus simplement, à trouver l’espace pour toucher le public. La priorité des collectivités publiques doit être de faire en sorte que la création artistique soit diffusée et vue par le plus large public possible, notamment lorsqu’il s’agit d’œuvres difficiles d’accès ou d’une esthétique plus confidentielle.
Telle est l’essence même du service public de la culture que de favoriser l’accès le plus large aux œuvres de l’esprit, de garantir les moyens de cette diffusion partout sur le territoire, notamment dans les zones les plus délaissées, ainsi que de préserver la liberté des créateurs à diffuser les œuvres sans censure ni autocensure. La rencontre avec le public est au cœur des dispositifs des politiques culturelles : c’est elle qui permet le développement de l’émergence artistique, l’emploi et la structuration des entreprises culturelles. C’est elle aussi qui favorise le développement des pratiques culturelles des Français et l’attachement de nos concitoyens à la culture et aux artistes.
En conséquence, l’introduction, après le 1°, qui traite du soutien au développement de la création artistique sous toutes ses formes, d’un 1° bis consacré à la liberté de diffusion artistique permet de traduire l’importance du lien intrinsèque entre la création et la diffusion dans les objectifs de politique publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La commission n’a pas été en mesure d’examiner cet amendement très récent. À titre personnel, et sans reprendre le débat approfondi que nous avons eu dans l’hémicycle, je suis très favorable à l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Madame la ministre, je tiens à vous poser une question qui n’est pas tendancieuse mais vise simplement à satisfaire ma curiosité.
Avec un tel amendement, y aura-t-il matière à interdire le spectacle de Dieudonné ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Votre question aborde un sujet tout à fait différent. Vous le savez, les maires, qui sont responsables de l’ordre public dans leur ville, peuvent demander l’interdiction d’un spectacle en vue de préserver cet ordre public, d’assurer la protection des mineurs ou pour tout autre motif inscrit dans la loi. Le spectacle de Dieudonné a été interdit à plusieurs reprises pour différentes raisons, notamment le risque de trouble à l’ordre public, motif susceptible de recours devant le juge administratif, et l’incitation à la haine raciale déjà jugée comme telle par les juges judiciaires. Telles sont les bases sur lesquelles un maire peut aujourd’hui interdire un spectacle.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Riester.
M. Franck Riester. Madame la ministre, qu’entendez-vous par les mots « la liberté de diffusion artistique », d’autant que le texte de l’amendement est très fort puisqu’il recourt au verbe « garantir » ? Lors de nos débats en commission, nous avons marqué la différence entre soutenir la liberté de la diffusion des œuvres d’un artiste par la volonté de ce dernier et garantir une liberté de diffusion totale des œuvres sans s’être assuré que le droit des auteurs et des créateurs est préservé et protégé. S’agit-il d’une liberté de diffusion artistique totale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Cet amendement a exactement le même objectif que les amendements présentés par votre groupe affirmant que la création artistique et sa diffusion sont libres. Cet amendement affirme donc qu’un des objectifs de la politique culturelle est de garantir la liberté de la diffusion artistique dans les mêmes termes que les amendements que vous avez présentés à l’article 1er.
(L’amendement no 462 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 24 et 153, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée. L’amendement no 153 fait l’objet du sous-amendement no 460.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir les deux amendements.
Mme Marie-George Buffet. Ces deux amendements – l’amendement no 153 est un amendement de repli – visent à souligner le rôle du service public pour assurer la diversité de la création et la diffusion culturelle. La mobilisation du service public est nécessaire du fait que la liberté de création ne peut être assurée dans la jungle du tout-marchand ou de la mise en concurrence.
Les amendements font figurer non seulement les services publics des arts et de la culture mais également celui de l’audiovisuel, qu’on ne saurait réduire simplement au débat budgétaire ou aux contrats d’objectifs et de moyens : il convient de reconnaître son rôle de vecteur culturel essentiel pour le plus grand nombre dans la création – « Un village français » est une création parmi d’autres de l’audiovisuel – et la diffusion des œuvres. Ce serait reconnaître les missions de l’audiovisuel public que d’inscrire son rôle dans le texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 460 à l’amendement no 153, et donner l’avis de la commission.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Je tiens à souligner le travail co-constructif, comme dirait Mme Attard, entre Mme Buffet et moi-même.
Madame Buffet, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement no 24 au profit de l’amendement no 153, que je me suis permis de sous-amender pour des raisons purement rédactionnelles, afin de garantir la belle cohérence de l’alinéa 5 que vous avez souhaité compléter.
La commission sera donc naturellement favorable à l’amendement no 153 sous-amendé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je ferai la même proposition que le rapporteur. Le Gouvernement souscrit à la préoccupation de Mme Buffet : c’est la raison pour laquelle il demande le retrait de l’amendement no 24 au profit de l’amendement no 153.
Nous sommes bien au cœur des missions du service public de la culture, qui est de défendre les esthétiques et les expressions, notamment les plus fragiles ou qui peineraient à trouver un soutien sans l’intervention des pouvoirs publics. Par ailleurs, même si le texte vise à l’alinéa 1 de l’article 2 la mise en œuvre d’une politique de service public, je suis favorable, comme vous, à l’évoquer, de nouveau, à l’alinéa 5, dans l’ensemble des services et institutions qui permettent à cette politique publique de vivre et de se développer.
Le service public des arts, de la culture et de l’audiovisuel est un service rempart du vivre ensemble et de la défense des expressions les plus minoritaires ou les plus fragiles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Je me range aux propositions du rapporteur et de Mme la ministre. C’est pourquoi je retire l’amendement no 24 et souscrit au sous-amendement présenté par le rapporteur.
(L’amendement no 24 est retiré.)
(Le sous-amendement no 460 est adopté.)
(L’amendement no 153, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Pouzol, pour soutenir l’amendement no 301.
M. Michel Pouzol. L’amendement no 301 fait directement référence à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO de 2005 – nous avons récemment fêté ses dix ans. La diversité des expressions culturelles étant un des éléments primordiaux de cette convention, il me semble important de l’inscrire dans l’article 2, d’autant que cela nous permettrait de renforcer la dimension internationale du présent texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. À la fin du mois de juin, j’ai présenté devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation un rapport d’information visant à célébrer le dixième anniversaire de cette très belle convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il ne s’agit pas d’être nostalgique ou de regarder les dix dernières années, mais de s’inscrire dans une perspective, puisque le sous-titre de ce rapport d’information est : « Que vive la diversité culturelle à l’ère numérique ! ». Je ne peux donc que me réjouir de cet excellent amendement de Michel Pouzol et de ses collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen, auquel la commission a donné un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Favorable également. L’article 2 du projet de loi comprenait déjà de nombreuses garanties en faveur de la « diversité des expressions culturelles », notamment à l’alinéa 11, ou du libre choix « par chacun de ses pratiques culturelles et de ses modes d’expression artistique », à l’alinéa 4. Toutefois, comme l’a souligné M. Pouzol, la diversité des expressions culturelles est un élément central de la convention de l’UNESCO. C’est pourquoi je souscris à cette proposition.
(L’amendement no 301 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 131, 370 rectifié et 134, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 131 et 370 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 131.
M. Paul Molac. Cet amendement a vocation à reconnaître les pratiques amateurs. La convention de Faro, le traité sur l’Union européenne et la déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle reconnaissent à chacun le droit d’exercer une pratique artistique en amateur et, plus largement, le droit fondamental d’exercer les pratiques culturelles de son choix.
À notre sens, ce droit fondamental protège la diversité culturelle. Il est facteur de créativité, permet la transmission d’un patrimoine culturel venant parfois du fond des âges et favorise l’émergence des talents. Il reconnaît que les activités artistiques ainsi pratiquées sont sources de développement personnel, mais également de lien social, ce qui est très important dans le cadre de certaines pratiques culturelles exercées en groupe. Enfin, certaines pratiques culturelles ne sont aujourd’hui exercées que par des amateurs.
Cette reconnaissance des pratiques amateurs à l’article 2 figurait dans l’avant-projet de loi mais avait disparu du projet de loi adopté en conseil des ministres. En commission, suite à l’adoption de l’article 11 A relatif à la reconnaissance des pratiques amateurs, M. le rapporteur et Mme la ministre se sont engagés à revenir sur cette question en séance. Cet amendement vise donc à mentionner les pratiques amateurs dès l’article 2 du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour soutenir l’amendement no 370 rectifié.
M. Jean-Pierre Le Roch. Je rejoins les propos de mon collègue Molac. Cet amendement vise à reconnaître le droit pour chaque personne d’exercer une pratique artistique individuellement ou en groupe – en d’autres termes, une pratique amateur. Ce droit fondamental protège la diversité culturelle, est facteur de créativité, favorise le développement personnel et crée du lien social sur les territoires, particulièrement en milieu rural.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 134.
Mme Annie Genevard. J’avais présenté cet amendement en commission, mais M. le rapporteur m’avait demandé de le suspendre, en quelque sorte, dans l’attente de l’examen d’un amendement portant article additionnel avant l’article 11 relatif à la définition des pratiques amateurs. C’est ce que j’avais fait : je présente donc à nouveau cet amendement en séance publique, madame la ministre, monsieur le rapporteur, avec le soutien de la totalité de notre groupe et le vif souhait que puisse être inséré, après l’alinéa 9, un alinéa visant à « reconnaître et soutenir les pratiques amateurs qui contribuent au développement de la culture dans notre pays », dans une formulation simple et concise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Effectivement, ces trois amendements, dont les deux premiers sont identiques, poursuivent le même but : prendre en compte les pratiques amateurs parmi les objectifs fixés par l’article 2. C’est assez logique dans la mesure où l’article 11 A, adopté en commission suite au vote d’un amendement du Gouvernement, consacre pour la première fois ces pratiques amateurs dans la loi.
De ce fait, la commission a donné un avis favorable aux amendements identiques nos 131 et 370 rectifié. En cohérence, elle demande le retrait de l’amendement no 134 de Mme Genevard ; à défaut, l’avis sera défavorable.
De manière tout à fait exceptionnelle, madame la présidente, permettez-moi de proposer une rectification orale extrêmement simple des amendements identiques de MM. Molac et Le Roch, afin de leur donner plus de force. Je propose de supprimer, après les mots « lien social », les mots « ainsi que de valorisation et de transmission du patrimoine matériel et immatériel des territoires », lesquels alourdissent inutilement l’alinéa et diminuent l’impact de l’objectif recherché, d’autant que le patrimoine culturel immatériel sera évoqué par la suite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Bien entendu, comme je l’ai dit tout à l’heure, je partage pleinement la volonté des uns et des autres de reconnaître la richesse de la pratique amateur, vecteur d’une plus grande cohésion sociale et moyen d’émancipation individuelle. Le Conseil économique, social et environnemental y a d’ailleurs fait une mention appuyée dans son avis sur le projet de loi. Comme lui et comme vous, je pense que les pratiques amateurs sont primordiales pour favoriser l’émancipation de la personne et l’accès de tous à la culture.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’amendement que j’ai proposé en commission et qui s’est traduit par l’adoption d’un nouvel article 11 A, dont nous discuterons ultérieurement, qui définit et reconnaît la pratique amateur dans le respect et la préservation de la pratique professionnelle et de la présomption de salariat.
Il est fondamental de le souligner : c’est la première fois qu’une loi reconnaîtra la pratique amateur, qui est extrêmement importante puisqu’elle concerne 12 millions de nos concitoyens. Il était absolument indispensable de reconnaître et de valoriser les pratiques de ces artistes amateurs. Personne ne l’avait fait jusqu’à présent ! Nous avons une chance historique, même si des concertations ont eu lieu et s’il n’est pas forcément facile de trouver un point d’équilibre.
M. Marc Le Fur. Les artistes amateurs sont très inquiets !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Ces 12 millions de personnes et ces dizaines de milliers d’associations, qui emploient souvent elles-mêmes des salariés ou des artistes professionnels, constituent le terreau du développement de la pratique artistique et de la défense de la culture. Elles sont donc extrêmement importantes. J’ajoute que ces amateurs sont également souvent le public fidèle des institutions culturelles, des salles de théâtre et de concert, des musées : ainsi, en encourageant la pratique amateur, c’est une sorte d’écosystème de la culture que nous confortons. C’est pour cette raison que j’ai souhaité défendre, à l’article 2, « la liberté dans le choix par chacun de ses pratiques culturelles et de ses modes d’expression artistique ». Il devenait urgent de créer ce cadre sécurisé pour l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des amateurs, des professionnels ou des établissements culturels qui mènent des projets d’accompagnement de la pratique amateur – bien entendu, je le répète, dans le respect des professionnels et de la présomption de salariat.
Ainsi, je suis favorable aux amendements identiques nos 131 de M. Molac et 370 rectifié de M. Le Roch, qui confortent cette intention et rejoignent d’ailleurs l’amendement no 134 de Mme Genevard, tout en reconnaissant le tissu d’initiatives territoriales que constitue la pratique amateur, la dynamique territoriale qu’elle suscite et son apport essentiel en termes de développement personnel.
Je le répète : je suis favorable aux amendements identiques nos 131 et 370 rectifié. Quant à l’amendement no 134, je demande à Mme Genevard de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à avoir demandé la parole. Pour la clarté de nos débats, je demanderai d’abord aux auteurs des amendements identiques nos 131 et 370 rectifié s’ils acceptent la rectification proposée par M. le rapporteur.
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Nous acceptons cette rectification, madame la présidente. Les mots que le rapporteur souhaite supprimer pouvaient se justifier par la reconnaissance progressive, par l’UNESCO, d’un certain nombre de pratiques culturelles immatérielles, en particulier des cultures populaires qui ont longtemps été un peu oubliées et se rappellent maintenant à notre souvenir. Cependant, si nous obtenons satisfaction sur d’autres points du projet de loi, comme le rapporteur nous l’a indiqué, nous acceptons la rectification proposée. Dans notre rédaction initiale, la pratique amateur était liée aux pratiques culturelles immatérielles alors qu’effectivement, ces notions peuvent être évoquées dans un cadre beaucoup plus large.
Mme la présidente. Monsieur Le Roch, acceptez-vous également la rectification proposée par le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Le Roch. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je veux dénoncer une mauvaise manière de M. le rapporteur.
M. Marcel Rogemont. De la part de M. Bloche, cela m’étonnerait !
Mme Annie Genevard. Oui, une mauvaise manière. Avec le sourire et la courtoisie que nous lui connaissons, mais une mauvaise manière quand même.
M. Marcel Rogemont. Ah non, vous ne pouvez pas dire cela !
Mme Annie Genevard. En commission, la question de la reconnaissance des pratiques amateurs a été portée par notre groupe. L’idée a été acceptée par M. le rapporteur et confirmée par Mme la ministre. On nous a demandé de suspendre notre amendement en vue de le représenter en séance publique, ce que nous avons fait, sur la base de la proposition qui nous a été faite. La reconnaissance des pratiques amateurs n’a émergé ni dans le discours de Mme la ministre, ni dans celui de M. le rapporteur, ni dans celui de nos chers collègues écologistes. Or, aujourd’hui, on nous demande de retirer notre amendement qui serait satisfait par d’autres. C’est ce que j’appelle une mauvaise manière. Le procédé est parfaitement inélégant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Marcel Rogemont. Comment ça ?
Mme la présidente. Plusieurs députés du groupe Les Républicains ont levé la main pour demander la parole. Je la donnerai à M. Herbillon et à M. de Mazières, car on ne peut pas toujours permettre l’intervention de trois orateurs.
M. Marc Le Fur. C’est pour m’exprimer sur cet amendement que je participe à la séance de ce soir !
Mme la présidente. Je suis sûr, mon cher collègue Le Fur, que vous aurez bien d’autres d’occasions de vous exprimer lors de la suite de nos débats.
La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner la parole ! Je soutiens l’amendement no 134 et je suis également étonné du procédé, comme ma collègue Annie Genevard l’a excellemment expliqué. C’est un procédé dont nous n’avons pas l’habitude ! Au cours de la discussion au sein de notre commission, monsieur le président-rapporteur, vous nous avez demandé de reporter à la séance publique l’examen de notre amendement.
Nous sommes d’accord sur l’objectif – personne ne conteste la légitimité de cet amendement, qui a été cosigné par 200 députés. À vos yeux et à ceux de Mme la ministre et de nos collègues de la majorité, cet amendement a peut-être l’immense inconvénient d’être proposé, horresco referens, par des députés de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cette méthode est vraiment curieuse : je demande donc à M. le rapporteur de se raviser. Il existe des façons plus élégantes de travailler sur un texte, en commission comme dans l’hémicycle, alors que le sujet fait consensus.
Mme Annie Genevard. Et qu’un engagement a été pris !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.
M. Richard Ferrand. Ce qui nous réunit ici est tout de même infiniment plus important que les bonnes ou les mauvaises manières, l’élégance ou l’inélégance supposées.
M. Michel Herbillon. Cela compte aussi, dans la vie !
M. Richard Ferrand. Ce qui est important, c’est que les pratiques culturelles amateurs se trouvent à leur juste place dans ce projet de loi…
Mme Annie Genevard. C’est nous qui avons fait émerger cette idée !
M. Richard Ferrand. …et dans son article 2, qui fixe les objectifs de la politique culturelle, sur la base des amendements soutenus par nos collègues Molac et Le Roch, et même par notre collègue Genevard.
Mme Annie Genevard. Si c’est la même chose, pourquoi ne pas retenir notre amendement ?
M. Richard Ferrand. Plutôt que d’ergoter sur tel ou tel aspect, il faut noter qu’il y a un accord des groupes, du rapporteur et de la ministre pour que les pratiques amateurs aient toute leur place dans cet article 2.
M. Michel Herbillon et M. Franck Riester. Adoptons donc l’amendement de Mme Genevard !
M. Richard Ferrand. Il y avait là une omission qui aurait pu devenir une vexation. Félicitons-nous collectivement…
Mme Annie Genevard. De la bonne idée que nous avons eue et que vous n’avez pas eue !
M. Richard Ferrand. …de ce succès, qui répond très positivement aux demandes de celles et ceux qui œuvrent pour la création dans le cadre de pratiques amateurs.
M. Michel Herbillon. Vous devriez respecter les droits d’auteur !
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Pour la suite de nos débats, il conviendrait que nous adoptions une sorte de code moral. Cela fait deux fois que je lève la main pour demander la parole, madame la présidente. J’ai même cru que vous aviez un torticolis et que c’était la raison pour laquelle vous ne l’aviez pas vu. Or je voulais rebondir sur l’intervention extrêmement importante de Franck Riester. Je n’ai pas pu le faire alors que j’avais levé la main en temps utile.
M. Marcel Rogemont. C’est vrai.
M. François de Mazières. Je commence à être fatigué de lever le bras pour rien. Et voilà que maintenant, nous n’avons plus le droit de parler (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen)...
M. Richard Ferrand. La preuve que si !
M. François de Mazières. …puisque votre collègue vice-président, Marc Le Fur, n’a pas le droit de prendre la parole après moi. Ce ne sont pas des manières…
M. Marcel Rogemont. C’est le règlement !
M. François de Mazières. …d’autant moins que je suis toujours, vous le savez fort bien, extrêmement courtois et que je m’applique à ce que nous puissions travailler ensemble.
À propos de ce qui vient d’être dit, on pourrait avoir l’impression qu’il s’agit d’une querelle d’école, mais tel n’est pas le cas. Il s’agit du respect d’un engagement. Au cours des dix-huit heures de travail en commission, nous avons toujours fait preuve de bonne volonté – j’ai ainsi accepté que vous réécriviez nombre de nos propositions.
Mais en l’occurrence, la situation est différente. Il s’agit de votre engagement, monsieur le rapporteur et de celui de Mme la ministre à l’égard d’une de nos collègues.
Mme Annie Genevard. Exactement.
M. François de Mazières. Si, à plusieurs reprises, j’ai accepté que vous repreniez certains de nos amendements et que vous les rédigiez « à votre sauce » si je puis dire, parce que vous en respectiez le sens, il s’agit là d’autre chose et vous devez tenir vos engagements. C’est une question de morale publique. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Annie Genevard. Tout à fait.
M. François de Mazières. Et je souhaiterais, madame la présidente, que vous n’ayez pas toujours le regard tourné vers la majorité comme si nous n’existions plus. Ce n’est pas sain comme méthode de travail.
Mme Annie Genevard. Très bien.
Mme la présidente. Monsieur de Mazières, vous venez clairement de mettre en cause la présidence. Cela aussi, c’est une mauvaise manière. Je rappelle que le règlement de l’Assemblée ne prévoit en aucun cas que trois députés d’un même groupe interviennent sur un seul et même amendement.
M. Marc Le Fur. C’est tout à fait possible.
M. François de Mazières. On faisait cela avant vous !
Mme la présidente. La dynamique d’un débat exige parfois que la présidence fasse preuve d’un peu de souplesse et distribue plus largement la parole. Mais en aucun cas, je ne peux donner la parole à tous ceux qui la demandent au sein d’un même groupe.
M. François de Mazières. Au moins, regardez dans notre direction.
Mme la présidente. J’essaie de faire la part des choses. J’interroge du regard, ou par écrit, le porte-parole du groupe…
M. François de Mazières. En l’occurrence, c’est moi !
Mme la présidente. En tout état de cause, monsieur de Mazières, si j’avais appliqué strictement le règlement, vous n’auriez pas eu la parole.
M. François de Mazières. Je vais demander une suspension de séance.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Je l’avoue sincèrement : je ne comprends rien à ce soudain échauffement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Lionel Tardy. Oh !
M. Patrick Bloche, rapporteur. Pourquoi ces exclamations alors que je ne vous ai pas encore donné les raisons de ma surprise ?
M. Michel Herbillon. On ne peut pas imaginer un instant que vous ne compreniez pas !
M. Patrick Bloche, rapporteur. En tant que rapporteur, j’ai été saisi des trois amendements en question, dont les deux identiques de nos collègues Molac et Le Roch. J’ai également fait référence à votre amendement, madame Genevard.
Mme Annie Genevard. On me demande de le retirer !
M. Patrick Bloche, rapporteur. Vous ai-je interrompu, madame Genevard ?
Lors de la réunion au titre de l’article 88 qui a eu lieu à quatorze heures trente, nous avons, avec les présents,…
Mme Annie Genevard. Nous ne sommes pas tous franciliens.
M. Patrick Bloche, rapporteur. …examiné ces trois amendements. J’ai été amené, et je croyais vous faire plaisir (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…
Écoutez, madame Genevard. Je croyais vous faire plaisir en retenant la rédaction qui pouvait le mieux vous convenir, à savoir celle de nos collègues Molac et Le Roch, puisqu’ils font explicitement référence…
Vous avez tort de rire, madame Genevard.
Mme Annie Genevard. Je n’ai vraiment pas envie de rire !
M. Franck Riester. Moi, je ricane !
M. Patrick Bloche, rapporteur. Nous écrivons la loi, c’est une affaire sérieuse et ce que je dis là est sérieux.
Nos collègues Molac et Le Roch, de façon fort opportune ont fait référence en ce domaine des pratiques amateurs – et c’est essentiel – aux initiatives territoriales. Je les en remercie. Je sais combien les initiatives territoriales sont fondamentales à vos yeux – vos interventions en attestent –, au point d’y avoir consacré un rapport budgétaire dans lequel vous avez fait part de vos observations très fines à ce sujet.
Vous rendant, dans cet hémicycle, à vous et à votre groupe, l’initiative d’inscrire les pratiques amateurs à l’article 2, je propose que nous adoptions de préférence la rédaction de M. Molac et de M. Le Roch. En intégrant les initiatives territoriales, celle-ci répond à une de vos préoccupations majeures.
Comme nous écrivons la loi, nous devons l’écrire de la manière la plus complète qui soit. En vous répondant ainsi, je voudrais lever toute idée d’une quelconque mauvaise manière. En tant que rapporteur, j’essaie de concilier toutes les bonnes initiatives quelle que soit leur origine.
Je rappelle qu’en commission, nous avons adopté des amendements de la majorité comme de l’opposition.
Mme Annie Genevard. Pas les miens.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Et lors de la réunion au titre de l’article 88, j’ai donné des avis favorables à certains de vos amendements. De tels faits ne peuvent que balayer toute accusation de sectarisme à mon égard.
(Les amendements identiques nos 131 et 370 rectifié, tels qu’ils viennent d’être rectifiés, sont adoptés et l’amendement no 34 tombe.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Marc Le Fur. Je déplore, madame la présidente, que vous ne m’ayez pas donné la parole sur les amendements précédents car j’aurais pu donner quelques exemples très concrets s’agissant de l’inquiétude d’artistes amateurs qui manifestent les plus vives réticences à l’égard de l’article 11 A. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Richard Ferrand. On n’y est pas encore !
M. Marc Le Fur. Monsieur Ferrand, il s’agit de la réalité artistique dans les territoires où la vie sociale s’organise autour de manifestations qui sont le fait d’artistes amateurs, lesquels sont inquiets. Et c’est pourquoi vous essayez de trouver d’autres formules.
M. Jean-Jacques Urvoas. On n’en est pas encore à l’article 11 A. Revenez demain !
M. Marc Le Fur. Je suis là ce soir, monsieur Urvoas.
Mme la présidente. Seul M. Le Fur a la parole.
M. Marc Le Fur. L’article 2 est un article de principe, un article symbole dans la mesure où il fixe les grands axes de la politique culturelle. Il me semble important, dès cet article, de préciser que la politique culturelle a pour objet de valoriser les œuvres et les spectacles interprétés dans une langue régionale en usage en France.
Les langues de nos régions font partie de notre patrimoine et la Constitution, dans son article 75-1 reconnaît cette réalité objective. Il s’agit de le dire de manière solennelle dans l’article de principe – nous aurons l’occasion de le décliner dans d’autres articles. En tout état de cause, il importe de l’affirmer dès le départ.
On sait bien que la politique culturelle est essentiellement ou trop souvent une politique parisienne. Pour éviter de tomber dans ce piège – et chacun conviendra que c’est nécessaire –, il faut préciser dès maintenant que nous engageons le débat dans un esprit ouvert à l’égard des langues régionales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement car son adoption est conditionnée à la ratification de la Charte des langues régionales et à la révision de la Constitution. Je prononce ces phrases presque définitives en présence de M. Urvoas, le président de la commission des lois, ce qui me donne de l’assurance. (Sourires.)
Mme Chantal Guittet. Très bien.
M. Michel Piron. Quel argument !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je voudrais revenir sur la remarque par laquelle M. Le Fur a commencé son intervention, puisqu’il semble s’intéresser très fortement à la question des pratiques amateurs.
M. Franck Riester. Il ne « semble » pas s’y intéresser. Il s’y intéresse !
M. Richard Ferrand. C’est récent !
Mme Fleur Pellerin, ministre. La commission des affaires culturelles vous aurait très volontiers accueilli, monsieur Le Fur, au moment où, au nom du Gouvernement, j’ai présenté l’amendement qui reconnaît et fixe le cadre des pratiques amateurs.
M. Marc Le Fur. Cet amendement inquiète.
Mme Fleur Pellerin, ministre. J’observe que cette querelle de paternité ou de maternité s’agissant des amendements précédents révèle une convergence de points de vue sur la nécessité de reconnaître cette pratique amateur. Je rappelle que c’est le Gouvernement qui est à l’origine de l’article 11 A.
M. Marcel Rogemont. En effet.
Mme Fleur Pellerin, ministre. C’est le Gouvernement qui, depuis plus d’un an, a organisé des concertations et préparé la rédaction de cet amendement.
M. Franck Riester. Vous ne l’avez pas mis dans le texte !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Nous n’avons pas attendu les débats en commission ou dans l’hémicycle pour commencer à consulter l’ensemble des parties intéressées à la reconnaissance des pratiques amateurs et à faire progresser cette idée, ce qui n’avait jamais été fait auparavant.
M. Marc Le Fur. Cet amendement inquiète !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Il faut donc replacer les choses dans leur contexte.
S’agissant de l’amendement no 31 relatif aux langues régionales, le Gouvernement présentera à la fin du mois d’octobre au Sénat un projet de loi visant à modifier la Constitution afin de pouvoir ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, que la France a signée en 1999.
La ratification de la Charte permettra d’atteindre les objectifs de développement, de préservation et de promotion des langues régionales y compris dans le domaine artistique et donc, de satisfaire votre demande.
Dans l’attente du débat sur la révision constitutionnelle, j’émets un avis défavorable à l’amendement no 31.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Deux remarques, madame la ministre. Premièrement, si nous soutenons l’amendement de notre collègue Annie Genevard, c’est pour qu’il soit placé au bon endroit dans la loi. Il reconnaît que la pratique amateur est importante, mais il est différent de votre article 11 A, lequel pose beaucoup de questions comme notre collègue Marc Le Fur vient de le rappeler à l’instant.
On sait très bien que votre article 11 A posera des problèmes tant aux artistes amateurs que professionnels.
M. Marc Le Fur. Beaucoup de problèmes.
M. François de Mazières. C’est la raison pour laquelle nous souhaitions insérer un alinéa à l’article 2 tendant à reconnaître et à soutenir les pratiques amateurs. Cet article pose en effet un principe général, contrairement à votre article 11 A, qui inquiète tous les milieux artistiques.
Deuxièmement, je ne comprends pas les arguments que vous avancez pour refuser l’amendement de notre collègue Marc Le Fur. À juste titre, vous insistez sur la notion de diversité. Vous avez du reste, madame la ministre, prononcé ce mot à plusieurs reprises dans votre discours. Avec l’amendement de notre collègue, vous avez l’occasion rêvée de faire un geste en faveur de la diversité !
Que propose-t-il si ce n’est reconnaître des langues régionales au moment où celles-ci ont beaucoup de difficulté à se maintenir ? S’agissant d’un article posant des principes, cela s’impose. Sinon, donnez-nous des raisons objectives. La référence à la Charte des langues régionales ne constitue pas un motif recevable : nous sommes dans le cadre d’une déclaration de principe.
M. Marc Le Fur. En l’occurrence, ce principe est la défense des langues régionales. Madame la présidente, je souhaiterais intervenir.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’amendement 31. J’imagine que vous y êtes favorable, monsieur Le Fur.
(L’amendement no 31 n’est pas adopté.)
M. Marc Le Fur. S’il en est ainsi, nous allons faire un rappel au règlement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 324.
Mme Isabelle Attard. Par cet amendement, nous rappelons que les échanges culturels ne doivent pas toujours se faire dans le même sens et avec les mêmes interlocuteurs. Il faut veiller à trouver un équilibre à l’échelle planétaire, ce qui correspond du reste à un avis du Conseil économique, social et environnemental sur le projet de loi. Tel est le but de notre amendement.
À un moment où nous discutons de manière soutenue d’un traité de commerce transatlantique – TAFTA – et d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, il est important pour un pays comme la France de réitérer son soutien à des pays en voie de développement plutôt que de privilégier des relations avec des pays qui ont des positions hégémoniques en matière de culture.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour un rappel au règlement.
M. François de Mazières. Nous souhaitons en effet procéder à un rappel au règlement car nous avons…
M. Marcel Rogemont. Au titre de quel article ?
M. François de Mazières. De l’article 58, cher collègue.
Depuis tout à l’heure se pose un problème que nous n’avions pas connu jusqu’à présent. Nous avons tous le droit de nous exprimer dans cette assemblée. Il s’agit d’un principe de base et j’aimerais que nous le respections ensemble. C’est pourquoi je demande une suspension de séance.
Mme la présidente. La suspension est de droit.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 324 ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Sans véritablement être en désaccord sur le fond, la commission a émis un avis défavorable à l’amendement car nous avons estimé que la précision qu’il visait à apporter était satisfaite par la portée universelle de l’alinéa 11. En outre, nous venons d’adopter à l’initiative de Michel Pouzol un amendement faisant référence à la convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. L’avis est également défavorable. Je comprends aussi votre préoccupation, madame la députée, et considère comme vous que les échanges entre les cultures et la circulation des œuvres comme des artistes sont constitutives de toute démocratie. De surcroît, les événements actuels montrent à quel point il est essentiel de les maintenir vivaces et de les développer, notamment avec les pays en difficulté dans lesquels l’accès à la culture ou le respect de toutes les cultures sont trop souvent interdits ou bafoués. Néanmoins, je considère comme M. le rapporteur que l’alinéa 11 de l’article 2 présente une portée universelle qu’il me semble important de maintenir et qui satisfait d’ores et déjà votre préoccupation.
(L’amendement no 324 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Féron, pour soutenir l’amendement no 300.
M. Hervé Féron. Nous proposons d’insérer après l’alinéa 11 l’alinéa suivant : « favoriser l’accès à la culture dans le monde du travail ». En effet, en matière de développement de nouveaux modes d’accès à la culture, le monde du travail demeure un champ assez peu exploré. L’action des comités d’entreprise se réduit malheureusement trop souvent à une simple fonction de billetterie, sans véritablement faire œuvre de sensibilisation ni promouvoir une offre culturelle pourtant vecteur de cohésion sociale comme d’épanouissement personnel au sein de l’entreprise. Tout comme l’école, le monde du travail peut favoriser l’accès à la culture de l’ensemble de nos concitoyens, en particulier ceux qui en sont le plus éloignés pour des raisons d’ordre économique et social.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Avis favorable à cet excellent amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je tiens à saluer l’initiative des députés consistant à faire de l’accès à la culture dans le monde du travail un objectif de politique culturelle. Favoriser quotidiennement la rencontre avec la création et les œuvres d’art est l’une de mes priorités. La rencontre avec l’art, c’est aussi la rencontre avec les artistes dans la vie quotidienne, à l’école et dans l’espace public mais aussi dans les entreprises. Je souhaite non seulement favoriser la présentation d’œuvres issues des collections patrimoniales sur les lieux de travail mais aussi, plus largement, encourager la rencontre avec la création et les artistes de notre temps dans l’entreprise.
D’ailleurs, plusieurs actions structurantes ont été entreprises à ce titre, telles que la signature l’année dernière d’une convention cadre « Culture et monde du travail » avec 9 000 comités d’entreprise, l’installation d’un séminaire théorique et pratique « Art et monde du travail » en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental, l’élaboration avec le ministère de l’économie et des finances d’un programme de soutien à cinq résidences d’artistes installées sur des sites industriels et enfin la mise en pratique du dispositif « L’entreprise à l’œuvre » visant à favoriser la circulation dans les entreprises de modules d’exposition d’œuvres appartenant aux collections nationales. Ainsi, nous avons exposé l’année dernière un tableau de Fernand Léger dans des usines Renault. Je partage donc pleinement votre attente et les objectifs de votre proposition, monsieur le député, et suis par conséquent favorable à l’amendement.
(L’amendement no 300 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement no 247.
M. Christian Kert. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, cet amendement s’inscrit dans le droit fil des travaux que notre commission a menés en accord avec notre collègue Jean-Patrick Gille. Il a pour objet de favoriser la mutualisation des moyens dédiés à la protection sociale de personnels relevant des différentes formes de l’intermittence dans le triple domaine de la culture, de la création et du spectacle. Il s’agit de donner un signal fort, une impulsion en faveur de la mutualisation des moyens dévolus à la protection sociale de ces populations, une politique source d’économies d’échelle et de meilleures performances, il en existe des preuves. Je sais que vous connaissez bien ce sujet, madame la ministre. L’amendement s’inscrit dans la continuité des travaux que nous avons menés et mérite d’être retenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La commission a compris la préoccupation qu’expriment dans cet amendement Christian Kert et ses collègues. Il s’agit de créer un guichet unique dédié à la protection sociale des artistes-auteurs. La commission a néanmoins repoussé l’amendement qui doit se trouver ailleurs qu’à l’article 2. La création d’un guichet unique n’est pas un objectif de politique culturelle et doit, sous réserve d’examen, faire l’objet d’un article en tant que tel. Nous sommes d’accord pour discuter d’une réforme du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs mais pas dans le champ de l’article 2. À défaut d’un retrait, l’avis de la commission est donc défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Comme vous le savez, monsieur le député Kert, la réforme du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs fait actuellement l’objet d’une concertation avec l’ensemble des organisations professionnelles des artistes-auteurs, des diffuseurs et des sociétés d’auteurs. L’objectif de cette concertation est de simplifier, moderniser et améliorer le fonctionnement du régime et les droits des artistes-auteurs afin d’instaurer comme vous le souhaitez un système plus efficace au profit d’une population souvent précaire. Certaines attentes que vous exprimez dans l’amendement trouvent déjà satisfaction dans les pistes retenues par le Gouvernement sur la réforme du régime des artistes-auteurs. Les deux organismes agréés, AGESSA et Maison des artistes, ont depuis 2010 une direction commune qui a engagé la mutualisation des moyens, notamment en matière informatique.
Un système d’information unique sur ce régime sera mis en place, ce qui permettra d’améliorer à la fois le service rendu aux artistes-auteurs et aux diffuseurs par la dématérialisation des informations sur la situation des comptes et l’efficacité de la gestion. Comme vous le savez aussi, l’idée d’un guichet unique pour le recouvrement des cotisations de retraite fait l’objet de discussions avec le régime complémentaire, le RAAP. La convergence des régimes complémentaires visée par l’amendement constitue en effet un objectif de cohérence et d’économie de gestion. Je vous propose donc de faire aboutir cette importante réforme pour l’ensemble des artistes-auteurs concernés. Il n’est pas utile de mentionner ces pistes opérationnelles au niveau de la loi et en particulier de l’article listant les grands objectifs de la politique culturelle de l’État et des collectivités territoriales. Le mieux est de les mettre en œuvre, ce que j’ai d’ailleurs entrepris de faire depuis plusieurs mois en concertation avec les acteurs. Par conséquent, j’émets un avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert.
M. Christian Kert. Force nous est de vous faire confiance, madame la ministre. Nous retirons donc cet amendement, dans l’attente de voir nos préoccupations prises en compte : si elles ne l’étaient pas, nous nous en remettrions à l’intelligence des sénateurs ou déposerions, en deuxième lecture, un nouvel amendement que, cette fois, nous maintiendrions.
(L’amendement no 247 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement no 245.
M. Christian Kert. Cet amendement est, si l’on peut dire, à double déclic. Il importe que la politique de service public en faveur de la création artistique profite à tous les acteurs de la création et non aux seuls auteurs, et que soit également tenu compte des droits voisins. En effet, l’objectif d’un partage équitable de la valeur entre les ayants droit et les intermédiaires de l’Internet concerne tous les maillons de la création, qu’il s’agisse des auteurs, des artistes ou des producteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Avis favorable à cet excellent amendement : parler de la propriété intellectuelle revient à parler du droit d’auteur et des droits voisins. Comme nous le verrons ultérieurement, le médiateur de la musique pourra d’ailleurs être saisi pour les litiges relatifs aux droits voisins.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Favorable également. La question du partage de la valeur intéresse aussi, dans le contexte de la révolution numérique, les artistes interprètes et les producteurs, également concernés par les débats européens sur le droit d’auteur.
(L’amendement no 245 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 323.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement, qui avait fait l’objet de longs échanges en commission, vise à associer le public au dialogue : entendons par là les usagers de la culture, comme il existe des usagers des services publics, de la SNCF ou de France Télévisions. Or on oublie toujours de les intégrer à la concertation.
Cet amendement plaira sans doute à M. de Mazières, qui s’est penché sur un thème similaire dans une partie ultérieure du texte.
En tout état de cause, le public ne doit pas être tenu à l’écart de la concertation et du dialogue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La séquence m’est assurément agréable, puisque j’émets un nouvel avis favorable : qui pourrait oublier le public ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Comme l’a souligné le rapporteur en commission, le concept de « démocratie culturelle » implique le dialogue et la concertation. Tel est bien le sens, d’ailleurs, de l’alinéa 15, qui mentionne explicitement les « collectivités publiques […], les organisations professionnelles, le secteur associatif et l’ensemble des acteurs de la création ».
Cette formulation très générale me semble englober le public, mais une mention explicite a peut-être le mérite de la clarté. De fait, la décision publique ne se conçoit plus sans une implication forte des publics concernés dans la concertation. J’émets donc bien volontiers un avis de sagesse.
(L’amendement no 323 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 297 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 469.
La parole est à Mme Sophie Dessus, pour soutenir l’amendement.
Mme Sophie Dessus. L’amendement, qui s’insère logiquement dans l’article 2, comprend deux parties : l’une relative à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art ; l’autre, à leur enseignement et à la transmission des savoir-faire aux jeunes générations.
Ces métiers, indispensables à la réalisation de bien des œuvres et à leur sauvegarde, couvrent de très nombreux domaines de la création, dont on peut citer quelques exemples significatifs. Il y a quelques années, l’ensemble des toitures du Mont-Saint-Michel ont été refaites par des ardoisiers capables de travailler les pans d’ardoise. De tels métiers deviennent très rares.
Il en va de même pour le petit patrimoine avec les chaumiers, qui savent cultiver, ramasser, traiter et poser les toits de chaume. Sans lithographes, point de lithographies ; sans « petites mains », point de grands couturiers ; sans gâte-sauce, point de grands chefs. On pourrait multiplier les exemples.
Ces métiers passionnants, qui exigent l’intelligence de la main comme de la pensée, ne sont pas délocalisables ; anciens, ils ont aussi un grand avenir car ils évoluent en permanence ; mais pour ce faire, nous devons leur donner les moyens d’une transmission des savoir-faire et confier cette transmission aux personnes adéquates : soit aux maîtres d’art – mais la ministre n’en désigne que quatorze par an –, soit aux centres de formation des apprentis – CFA – ou aux ateliers. Nous devons en tout cas assurer la transmission de ces métiers en voie de disparition.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 469.
Mme Fleur Pellerin, ministre. En l’état, la disposition proposée n’est pas du niveau législatif mais réglementaire. Le titre de « maître d’art », d’ailleurs, a été créé par un arrêté de 1994, et il est conféré, par arrêté du ministre de la culture et de la communication, à des professionnels des métiers d’art possédant un savoir-faire remarquable et rare, qu’ils s’engagent à transmettre à un élève.
J’émets donc un avis favorable sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui tend à supprimer la seconde phrase de l’amendement, lequel, au reste, en conforte un autre adopté en commission après de longs débats, et qui concernait lui aussi le nécessaire soutien aux métiers d’art et leur transmission. C’est là, en effet, un élément substantiel du patrimoine immatériel français. Je suis donc heureuse que nos débats en commission aient permis l’inscription de cet objectif à l’alinéa 17, et je souscris à l’intention de Sophie Dessus de renforcer le texte par une mention explicite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Comme vous, sans doute, madame la présidente, je suis bien entendu sensible à toute mesure susceptible d’assurer la consécration législative des métiers d’art, si présents dans nos circonscriptions.
Cependant, l’amendement modifie l’alinéa 17, lui-même introduit par un amendement de Sophie Dessus voté en commission. Si l’amendement et le sous-amendement du Gouvernement étaient adoptés, l’alinéa 17 serait ainsi rédigé : « Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art. »
La rédaction actuelle, je le rappelle, est la suivante : « Participer à la valorisation et à la préservation des savoir-faire des métiers d’art. »
En somme, madame Dessus, l’introduction de la notion de « soutien » ferait disparaître celle de « savoir-faire », à la préservation desquels vous vous êtes souvent déclarée attachée. La nouvelle rédaction ne réduirait-elle pas la portée de celle issue, à votre initiative, des travaux de la commission ? À vous de voir, donc, étant entendu que nous vous suivrons si vous optez pour votre amendement sous-amendé par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dessus.
Mme Sophie Dessus. Il convient de chercher un consensus, comme vous savez si bien le faire, monsieur le rapporteur.
Il n’y a évidemment pas lieu d’inscrire dans la loi ce qui n’a pas à y être : je suis donc la ministre sur son sous-amendement. Ne pourrait-on cependant rédiger ainsi la fin de l’alinéa : « préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art et de leurs savoir-faire » ? La question de la transmission restera entière, mais peut-être intéresse-t-elle un autre ministère que celui de la culture.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. La « valorisation » n’inclut-elle pas la « préservation » et le « soutien » ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Je vous propose, par souci de simplicité, de voter l’amendement de Mme Dessus et le sous-amendement du Gouvernement : nous reviendrons sur les savoir-faire en seconde lecture.
M. Marcel Rogemont. Quel savoir-faire, monsieur le président ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Je veux à mon tour souligner l’intérêt de cet amendement que nous soutiendrons. Les métiers d’art sont une tradition importante de notre pays.
Il serait préférable d’introduire la notion de « savoir-faire », mais celle de « valorisation » la sous-entend un peu.
(Le sous-amendement no 469 est adopté.)
(L’amendement no 297, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement no 246.
M. Christian Kert. Avec mon collègue Michel Herbillon, nous avons été saisis par les photographes agents publics d’un problème qui tient au fait qu’un service public ne peut s’affranchir du respect des droits d’auteur.
La meilleure solution consistant à calibrer cette disposition en fonction de la mise en œuvre d’une politique de service public en faveur de la création artistique, nous proposons de l’inscrire à l’article 2 de la loi.
J’observe, madame la ministre, que si le décret d’application du régime dérogatoire au droit d’auteur institué par la loi du 1er août 2006 avait été publié, nous n’aurions peut-être pas à y revenir.
À défaut, il est nécessaire d’inscrire dans la loi le fait que, dans la mise en œuvre d’une politique de service public en faveur de la création artistique, l’État, les collectivités territoriales, leurs groupements ainsi que leurs établissements publics doivent veiller au respect des dispositions du code de la propriété intellectuelle, que ce soit dans leurs relations avec leurs agents auteurs d’œuvres de l’esprit ou avec les auteurs extérieurs à leur administration.
Pour dire les choses plus clairement et plus simplement, des actes de commerce sont passés entre services publics et photographes, et l’ordre n’y règne pas. Nous tenons une occasion soit de vous inciter, madame la ministre, à prendre enfin ce décret, soit à faire entrer dans la loi cette nécessité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La commission ayant essayé d’être juste, elle ne pouvait refuser un amendement de M. François de Mazières, qu’il a précédemment défendu, et accepter cet amendement no 246 de MM. Christian Kert et Michel Herbillon.
L’article 2 – je le rappelle s’il le faut – ne contenait pas, dans la version initiale du projet de loi, de référence aux droits d’auteur et aux droits voisins. Toutefois, à la suite des apports des uns et des autres, l’objectif de protection du droit d’auteur en général a été réaffirmé aux alinéas 6, 8 et 14.
Je ne vois donc pas l’intérêt de compléter l’alinéa 18 qui est relatif à la liberté de programmation artistique. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est également défavorable, puisque l’alinéa 4 de l’article 2 précise d’ores et déjà que la politique en faveur de la création artistique mise en œuvre par l’État et par les collectivités territoriales doit garantir « le respect des droits des auteurs et des artistes ».
Cette disposition de portée très large englobe toutes les déclinaisons du droit d’auteur. Il ne me paraît donc pas nécessaire de faire figurer cet objectif une seconde fois au même article. Je suis donc défavorable à l’amendement, car je le considère comme satisfait par la rédaction actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert.
M. Christian Kert. Je vous remercie, madame la ministre, de votre raisonnement que je suis tout à fait prêt à entendre. Pourriez-vous simplement me dire s’il vous est possible de sortir des tiroirs le projet de décret d’application qui serait de nature à régler le problème ? Si vous pensez que cela l’est et que nous pouvons emprunter cette voie, nous sommes naturellement prêts, avec Michel Herbillon, à retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je vais donc examiner le décret dont il est question pour voir, monsieur Kert, s’il est effectivement possible de répondre à votre préoccupation.
Mme la présidente. Dans ces conditions, retirez-vous votre amendement, Monsieur Kert ?
M. Christian Kert. Oui.
(L’amendement no 246 est retiré.)
Mme la présidente. L’amendement no 25 ayant été retiré par Mme Marie-George Buffet, la parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 137.
Mme Annie Genevard. Je retire également cet amendement, puisque M. le rapporteur, dans sa prévenance à satisfaire nos demandes, a déposé un amendement qui de fait, sur le fond, rend le nôtre sans objet.
(L’amendement no 137 est retiré.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 75.
Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement vise à encadrer, sur le modèle de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, les abus éventuels de la liberté de création artistique.
L’article 11 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 consacre la libre communication des pensées et des opinions comme l’un des droits les plus précieux de l’homme. Il dispose que « Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Il convient donc de préciser quelles formes pourraient prendre les abus de cette liberté de création artistique.
En effet, on ne pourrait admettre que la création artistique devienne le prétexte à des propos ou à des manifestations injurieux ou diffamants, ou incitant à la haine ou à la discrimination en raison de l’origine, de la religion, de l’orientation sexuelle ou du handicap.
L’exercice est certes délicat, mais la question a déjà été résolue dans la loi de 1881.
Tel est donc l’objet de l’amendement, sachant que le Gouvernement a lui-même, par trois fois – en 2012, en 2013 et en 2014 – tenu à renforcer la répression des abus de la liberté de presse.
Par souci de cohérence, et afin de protéger les éventuelles futures victimes d’abus de la liberté de création artistique, il est donc proposé de modifier les dispositions prévues afin d’y intégrer le dispositif prévu par la loi du 29 juillet 1881.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. J’espère que ma réponse fera plaisir à notre collègue Michel Piron… Je rappelle qu’il n’est pas nécessaire de préciser que la liberté de création doit, naturellement, respecter le droit. Pas plus que la liberté d’expression, la liberté de création artistique, qui en constitue une modalité particulière, n’est absolue. Et c’est heureux.
En effet, cette liberté est soumise aux mêmes limitations – qui vont d’ailleurs au-delà des chapitres 4 et 5 de la loi de 1881 visée par l’amendement – que la liberté d’expression, qu’il s’agisse du respect du droit de propriété et de la vie privée, de la protection de l’ordre public, de la prévention d’un danger pour la jeunesse, de la sanction de l’apologie ou de la provocation à commettre des atteintes graves et irréparables à des vies humaines ou à des biens, des crimes de guerre ou contre l’humanité, des actes de terrorisme, de l’incitation à la discrimination ou à la haine, de la sanction de la diffusion ou de l’exposition d’images ou de représentations d’un mineur à caractère pornographique, de la sanction de la diffusion de messages à caractère violent ou pornographique ou portant gravement atteinte à la dignité humaine.
L’affirmation de la liberté de création artistique, que nous avons consacrée à l’article 1er, vise donc à inviter le juge à tenir compte de la spécificité de l’expression artistique. Elle ne remet pas en cause des limites qui, évidemment, continueront de s’appliquer : c’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Madame la députée, j’entends, bien évidemment, votre préoccupation d’encadrer ce que vous qualifiez d’abus possibles de la liberté de création artistique. Mais comme vous le reconnaissez vous-même, l’exercice est très délicat, et je crois dangereux, en la matière, de bouleverser les équilibres.
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion, dans ses arrêts, de rappeler, comme je l’indiquais tout à l’heure, qu’il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste à s’exprimer.
Si nous sommes attachés, au travers de cette loi et comme nos débats l’ont montré, à empêcher la censure et l’auto-censure, cela ne veut pas dire, comme vous le suggérez, que d’autres principes constitutionnels ne s’appliqueraient pas. Il ne faut pas amalgamer deux débats qui sont très différents : les créateurs ne sont pas, plus que les autres, des citoyens au-dessus des lois.
Comme toute liberté, la liberté de création artistique n’est en effet pas et ne sera pas absolue. Elle sera, comme la liberté d’expression, mise en balance avec d’autres principes, également de nature constitutionnelle, que le rapporteur vient de rappeler.
Son articulation avec les autres droits, nécessaire dans une société démocratique, sera l’affaire du juge : il n’est pas besoin pour cela de modifier le droit.
En outre, les limites posées à la liberté de la presse, que vous évoquez, sont intimement liées à la place que la presse joue dans la société ainsi qu’à son rôle d’information et de diffusion publique. Il ne faut donc pas tout mélanger.
En affirmant l’autonomie de la liberté de création artistique, la loi en reconnaît aussi la spécificité et c’est bien de cela dont nous discutions tout à l’heure. Les décideurs ou les juges devront l’apprécier lorsqu’ils imposeront des limites aux libertés artistiques, tant dans l’acte de création que dans sa rencontre avec un public. Le recours à l’imaginaire, la distanciation produite par la représentation de la fiction comme le point de vue du poète sont des éléments intrinsèques à la création qui doivent être pris en compte. Je crois que c’est véritablement la force d’une société que de croire en ses artistes, c’est sa grandeur aussi d’avoir confiance dans le regard libre qu’ils nous invitent à porter sur l’avenir. Par conséquent, je porte un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Est-ce Mme Genevard qui répond ?
Mme Annie Genevard. C’est bien mon droit !
Mme la présidente. Non : relisez le règlement. Je vous donne néanmoins la parole.
Mme Annie Genevard. Je vous remercie, madame la présidente, comme je remercie mon collègue François de Mazières. Il s’agit d’une certaine façon d’un amendement d’appel, car il invite à réfléchir à cette question qui ne peut être seulement tranchée du point de vue du droit. Il peut nous conduire à nous interroger sur ce que seraient les limites à la liberté de création, tout en reconnaissant le caractère très compliqué de ce débat.
Lors de la défense de la motion de rejet préalable, notre collègue Christian Kert a évoqué L’enlèvement au sérail spectacle auquel il a assisté cet été à Aix-en-Provence.
M. Christian Kert. Oui.
Mme Annie Genevard. Celui-ci comportait notamment la reconstitution d’un camp de Daech ainsi que des simulacres de décapitation. Cela amène tout de même à s’interroger sur les limites à poser à l’acte de création. Comment traiter cette question : faut-il l’évacuer en postulant que, par principe, la création est libre tant qu’elle n’est pas réprimée par la loi ? Cela suppose alors d’admettre toute forme d’expression comme étant de nature artistique, y compris celle qui choque dans ce qu’elle montre – comme c’est le cas, j’imagine de notre collègue Christian Kert avec ce spectacle.
Sur ce point, j’aimerais madame la ministre, avoir votre sentiment.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je vais répondre très précisément sur L’enlèvement au sérail dont Christian Kert a déploré les choix lors de la représentation à laquelle il a assisté à Aix-en-Provence.
Le metteur en scène transposait Mozart dans la barbarie de ce siècle : c’est sa liberté de créateur que de se positionner par rapport à cette proposition. Chacun peut ensuite l’apprécier ou la déplorer, mais, en tout état de cause, elle nous montre à quel point, finalement, le génie de Mozart est intemporel car il permet un nouveau point de vue et un regard sur notre monde grâce à la liberté du créateur que nous consacrons aujourd’hui.
Pour mémoire, s’agissant de la mise en scène, Bernard Foccroulle, le programmateur, et Martin Kušej, le metteur en scène, s’étaient mis d’accord sur quelques aménagements servant en tout état de cause la dramaturgie. Les points qui pouvaient choquer le public – les décapitations des héros, qui de toute façon s’accordaient mal avec le livret, et les drapeaux ostentatoires qui pouvaient en évoquer d’autres – avaient été supprimés de la mise en scène.
Autant dire qu’ils se sont, l’un comme l’autre, retrouvés sur la liberté de création qui s’articule avec la non incitation à la haine. Effectivement, certains choix de mise en scène pouvaient perturber ou choquer le public. Le metteur en scène lui-même a décidé d’aménagements afin de tenir compte de l’impact que pouvait avoir sa mise en scène. C’est une parfaite illustration de la manière dont la liberté de création et la liberté de programmation ont pu se concilier pour proposer une mise en scène qui protège également l’ordre public.
(L’amendement no 75 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 135.
Mme Annie Genevard. Il vise à voir reconnaître par l’État le rôle des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le développement de la culture dans notre pays et à mentionner le soutien que l’État peut leur apporter.
Je rappelle que les collectivités territoriales et leurs groupements apportent à la culture plus de 7 milliards d’euros par an, sans même prendre en compte les communes de moins de 10 000 habitants : si l’on agrégeait les dépenses culturelles de l’ensemble des collectivités territoriales, on serait bien au-delà.
Il me semble donc que le moins que l’on puisse faire dans ce texte est de reconnaître l’apport des collectivités territoriales et de leurs groupements à la vie culturelle de notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La première partie de votre amendement, madame Genevard, vise à reconnaître le rôle des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le soutien à la création artistique. Or, le début de l’article 2 que nous venons d’adopter y fait largement référence puisqu’il prévoit que « l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique ». Vous avez donc satisfaction. En outre, l’alinéa 15 fait référence au dialogue et à la concertation entre l’État, les collectivités et l’ensemble des acteurs.
Quant à la seconde partie, elle sera satisfaite par la mise en place par voie réglementaire d’un observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle. Je pense que vous pouvez y voir une réponse à l’avis budgétaire que vous nous avez présenté il y a un ou deux ans, qui visait justement à mieux connaître les politiques culturelles conduites par les collectivités territoriales et leurs groupements.
Parce que la première partie est satisfaite, parce que la seconde est d’ordre réglementaire, la commission n’a pas retenu cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je vous rejoins pleinement, madame la députée, lorsque vous rappelez l’engagement des collectivités territoriales en faveur de la culture. Cinquante ans de décentralisation ont montré combien c’était grâce au soutien des collectivités publiques dans leur ensemble que la culture se développait dans les territoires, les collectivités territoriales étant les principaux financeurs.
Cette compétence partagée qu’est la culture est rappelée avec force dès le début de l’article 2, qui affirme très clairement la solidarité de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements pour le soutien et le développement de la culture.
Je partage également votre constat de la nécessité d’améliorer les outils de connaissance et d’observation afin d’apprécier plus finement l’apport des collectivités territoriales et de leurs groupements mais aussi de l’État au développement culturel. Cette préoccupation est d’ores et déjà traduite dans le projet de loi puisque l’article 16 poursuit l’objectif d’améliorer les outils de connaissance du secteur en instituant un dispositif légal de remontée obligatoire des données de billetterie, qui permettra de disposer d’informations fiabilisées et partagées par tous les partenaires sur la fréquentation du spectacle vivant.
Au-delà même, cet article jette les bases d’une observation partagée qui permettra de mieux appréhender les politiques culturelles mises en œuvre par les pouvoirs publics. J’ai eu l’occasion déjà de m’exprimer sur ce sujet, je suis très favorable à la mise en place d’un observatoire de la création et de la diffusion artistique, avec, bien sûr, les organisations représentatives des collectivités territoriales, de même que les acteurs et organisations professionnelles, qui seront bien évidemment associés au pilotage de cette plateforme commune, qui nous permettra à l’avenir d’échanger sur une ressource fiabilisée et mise en commun.
Il me semble donc que votre attente est déjà satisfaite. Aussi, je vous suggère de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je ne partage pas l’analyse que vous faites de cet amendement. L’article 2 dispose que l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique. Je propose que l’État reconnaisse le rôle des collectivités locales : ce n’est pas la même chose que de dire que les collectivités territoriales reconnaissent le travail qu’elles font elles-mêmes !
Par ailleurs, mon amendement n’est pas du tout satisfait par l’article 16 ; qui porte uniquement sur le spectacle vivant. Or le II de mon amendement prévoit une observation précise des politiques culturelles conduites par les collectivités. Ce n’est pas équivalent.
Je ne peux donc pas retirer pas mon amendement et je ne comprends pas pourquoi, puisque vous souscrivez à ces deux principes, vous ne pouvez pas l’accepter.
M. Michel Herbillon. Absolument !
(L’amendement no 135 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert, inscrit sur l’article.
M. Stéphane Travert. L’article 2 bis du projet de loi, introduit en commission à l’initiative de notre rapporteur, Patrick Bloche, répond tout à fait aux préoccupations actuelles des acteurs et des élus en charge des affaires culturelles.
Il prévoit que le président de la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP, inscrit obligatoirement chaque année à l’ordre du jour de cette conférence la politique en faveur de la création artistique, compétence partagée, consacrée dans la loi NOTRe.
Cet ancrage législatif rappelle que l’ensemble des élus territoriaux ont entre leurs mains l’avenir du développement culturel de notre pays et doivent poursuivre la décentralisation culturelle dans le dialogue avec les services déconcentrés de l’État. Rappelons que la culture est portée à plus de 70 % par les collectivités locales. Les communes, les départements, les régions ainsi que, désormais, les groupements de communes sont des acteurs majeurs du financement public de la culture en France. Ils engagent dans ce domaine des crédits plus de deux fois supérieurs au budget du ministère de la culture.
Le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, placé auprès de la ministre chargée de la culture et regroupant des représentants de l’État, des représentants des associations et fédérations de collectivités, ainsi que des personnalités qualifiées, a connu récemment un regain d’activité. Il répond au besoin exprimé par les collectivités d’une plus grande formalisation du dialogue avec l’État dans le domaine culturel. Or les collectivités, mais aussi les acteurs du secteur culturel, soulignent la nécessité d’une déclinaison de ce conseil au niveau territorial.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter les amendements présentés par M. Lionel Tardy, qui souhaite supprimer cette disposition réintroduite dans l’article 2 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Vous me permettrez d’abord de faire une remarque qui n’a rien à voir avec le texte, madame la présidente. Des écrans ont été installés, pour faciliter, je suppose, le suivi de nos débats, mais ils en sont toujours à l’amendement no 324 de Mme Attard et j’attends donc qu’elle le développe encore… (Sourires.) On ferait mieux de les éteindre, ce serait source d’économies !
J’en viens à l’article 2 bis.
Que les conférences territoriales d’action publique soient obligées de traiter une fois par an des questions culturelles me paraît être une bonne chose. Il eût été moins performant de mettre en place une commission parce qu’il aurait fallu en avoir un grand nombre et, surtout, on aurait écarté les décideurs de la préoccupation culturelle.
Cet article est donc intéressant en ce qu’il transforme la culture en une ardente obligation.
Mme la présidente. Concernant les écrans, monsieur Rogemont, il y a un problème de fonctionnement et tout est bloqué, d’autres l’avaient remarqué avant vous.
M. Marcel Rogemont. Il faut les éteindre !
Mme la présidente. Nous allons le faire et je vous remercie d’avoir été aussi attentif à ce problème…
Néanmoins, rassurez-vous. Vos collègues qui sont dans leurs bureaux peuvent suivre la séance normalement, tout comme vous, puisque vous avez la feuille jaune sous les yeux…
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 79, qui tend à supprimer l’article 2 bis.
M. Lionel Tardy. Il y avait un piège à éviter avec ce projet de loi, c’était de tomber dans le bavardage, les débats sans portée concrète et les commissions. Or, malheureusement, avec l’article 2 bis, on est en plein dedans.
Plusieurs arguments m’incitent à demander la suppression de l’obligation de débattre au moins une fois par an de la création artistique au sein de la conférence territoriale de l’action publique.
Premièrement, cette conférence a pour but de réunir les collectivités pour qu’elles donnent leur avis sur des documents, notamment sur des schémas régionaux. C’est en tout cas ce que la loi NOTRe a considéré.
Deuxièmement, rien n’interdit à cette conférence de débattre de ce qu’elle veut car chacun de ses membres peut proposer l’inscription à l’ordre du jour de questions complémentaires.
Troisièmement, prévoir une fréquence obligatoire me paraît aller à l’encontre de la libre administration de cette conférence, sachant qu’il est écrit noir sur blanc dans le code des collectivités territoriales qu’elle organise librement ses travaux.
Pour toutes ces raisons, je vous invite donc à supprimer l’article 2 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. La commission, en cohérence, a donné un avis défavorable à cet amendement visant à supprimer l’article 2 bis, qui, je le rappelle, a été adopté à l’unanimité en commission puisqu’il vise effectivement à rendre obligatoire l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur la politique en faveur de la création artistique au sein des CTAP.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Défavorable. Je souhaiterais que nous puissions nous en tenir au compromis trouvé en commission.
Effectivement, l’article 2 bis correspondait à un souhait assez unanime de l’ensemble des membres de la commission de voir les sujets culturels évoqués au moins une fois par an dans le cadre des CTAP. Je crois important que les élus puissent se saisir des enjeux liés à cette compétence partagée qu’est la culture. Il a été rappelé à plusieurs reprises au cours de ces discussions à quel point le rôle joué par les collectivités territoriales en matière de politique culturelle était essentiel et devait être reconnu.
Il me semble que l’une des conséquences de cette reconnaissance et de cette place qu’ont les collectivités territoriales dans les politiques culturelles, c’est que les élus en charge de ces questions puissent, dans le cadre des CTAP, évoquer les sujets culturels au moins une fois par an. Je crois que c’est un bon compromis et qu’il faut s’y tenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Je ne serai pas moins royaliste que le roi et je voterai cet amendement. Cela dit, je m’attendais à une autre objection un peu plus formelle de membres de la commission des affaires culturelles.
Nous parlons de compétences partagées. Ce sont les suites de la loi NOTRe, je le rappelle, qui n’est pas si vieille que cela. Il s’agit aujourd’hui de la culture mais il y en a trois et le problème se posera de toute façon. Personnellement, j’avais déposé un amendement prévoyant tout simplement que, sur les trois compétences partagées, il y ait au moins une réunion annuelle dans le cadre de cette même commission de manière à ne pas multiplier les instances et de favoriser une certaine harmonisation des politiques territoriales.
(L’amendement no 79 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 80.
M. Lionel Tardy. Monsieur le rapporteur, il y a un seul sujet pour lequel la loi prévoit un débat en conférence territoriale, ce sont les politiques publiques en faveur de la jeunesse, mais il y a deux différences avec ce que vous proposez pour la politique de création artistique, avec une formulation plus précise : d’une part, il n’est fixé aucune périodicité, dans un souci de libre administration – vous voyez que la liberté n’est jamais loin –, d’autre part, ce n’est qu’une possibilité, pour la même raison.
Par cet amendement, je vous propose donc de supprimer cette différence, d’harmoniser les rédactions et de les mettre au sein du même article car la loi NOTRe est déjà suffisamment illisible comme cela.
Par ailleurs, je pense qu’il serait judicieux de préciser, au cours de la navette parlementaire, sur quoi pourra porter ce débat, dans le cadre de la politique en faveur de la jeunesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Même avis.
M. Lionel Tardy. C’est faiblard !
(L’amendement no 80 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 26.
Mme Marie-George Buffet. Il s’agit du même débat. L’alinéa 1er de l’article 2 est ainsi rédigé : « L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique. » La culture est l’une des trois seules compétences partagées, elle mérite qu’un un outil définisse les conditions d’une cohérence entre les politiques menées par les collectivités et l’État, afin de garantir l’égalité républicaine dans l’accès à la culture sur l’ensemble du territoire.
C’est pourquoi je propose de nouveau que soient créées des commissions culturelles permanentes associant l’État, les élus des collectivités concernées, les organismes d’associations culturelles et professionnelles, ainsi que les représentants de la société civile. Puisqu’il n’y a que trois compétences partagées, ma proposition ne conduit en rien à multiplier les commissions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Nous avons largement eu ce débat en commission, et Mme Buffet y a participé. Nous avons fait le choix de retenir l’inscription obligatoire, au moins une fois par an, d’un débat d’orientation sur les politiques culturelles au sein des CTAP, plutôt que la création d’une commission culture spécifique qui conduirait à réunir des élus déjà parfaitement conscients des enjeux culturels, particulièrement motivés, et qui, s’ils mettaient ainsi leur motivation en commun, ne seraient pas pour autant assurés d’exercer une influence sur les décisions. Entre ces deux solutions, nous avons opté pour l’inscription obligatoire à l’ordre du jour des CTAP. De ce fait, nous n’avons pas retenu la création d’une commission culture. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Le sujet soulevé par Mme Buffet a fait l’objet de nombreux débats, notamment dans le cadre de la loi NOTRe, mais également lors des discussions en commission des affaires culturelles et de l’éducation. La compétence culture est une responsabilité partagée. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai souhaité, avec les collectivités territoriales volontaires, dans le cadre des pactes culturels, affirmer non seulement un engagement financier, mais aussi et surtout les politiques et les dispositifs culturels qui paraissent essentiels pour les territoires concernés, ainsi que défendre les crédits qui leur sont dédiés.
À ce titre, il est primordial que dans les territoires les politiques culturelles fassent l’objet d’une discussion régulière entre les collectivités territoriales et l’État. La commission a précisément adopté un amendement du rapporteur permettant que les CTAP débattent au moins une fois par an de la politique en faveur de la création artistique. C’est un point essentiel, parce que, comme l’a dit le rapporteur, cela signifie que les politiques culturelles seront abordées par l’ensemble des élus des CTAP.
Sur ces bases, je crois préférable que nous laissions les CTAP s’organiser librement, puisqu’elles ont la faculté de créer des commissions pour l’une ou l’autre des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires. Il appartient donc en premier lieu aux élus et aux exécutifs des collectivités territoriales, membres de la CTAP, en toute responsabilité, de se saisir de cette faculté. Il est de leur responsabilité de s’organiser de telle manière que ce débat ait lieu, qu’il s’agisse de la création artistique ou, plus largement, de toute autre question ayant trait aux politiques culturelles. Aussi je propose que nous en restions au compromis issu de la commission. Avis défavorable.
(L’amendement no 26 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 136.
Mme Annie Genevard. Nous proposons dans cet amendement d’ajouter à l’alinéa 2, après le mot « création », les mots « et de la diffusion ». La commission culture de la CTAP, en réunissant l’ensemble des acteurs intéressés par les créations artistiques, que ce soient les communautés de communes, les agglomérations, les métropoles, les conseils départementaux, l’État et la région, se penchera sur la création artistique dans les régions. Il me semble donc normal d’évoquer concomitamment la question de la diffusion des œuvres sur le territoire de la région. C’est pourquoi je souhaite que nous complétions l’alinéa 2.
Cela est d’autant plus important aujourd’hui que les crédits en faveur de la culture sont plus instables, plus menacés et plus compliqués à mobiliser et que, de ce fait, le partenariat entre les collectivités en sera d’autant plus nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. En commission, nous avions considéré que la création artistique intégrait la diffusion et cet amendement avait reçu un avis défavorable. En relisant la rédaction proposée par Mme Genevard et souhaitant lui faire une bonne manière (Sourires), j’inviterai nos collègues à revenir sur leur avis défavorable pour donner un avis favorable à cet amendement, à la seule condition, dès lors que l’on parlera « de la création et de la diffusion », que l’on ajoute un « s » à « artistique ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je suis plutôt favorable à ce que nous en restions au compromis trouvé en commission sur l’inscription d’un débat une fois par an sur la culture au sein des CTAP, puisqu’il me semble qu’en discutant de la politique de création artistique développée et mise en œuvre par les collectivités publiques, ces instances aborderont nécessairement l’ensemble des dispositifs et des aspects en faveur de la création artistique, donc également en faveur de sa diffusion. Les débats en CTAP auraient ainsi trait à l’ensemble des leviers d’action des pouvoirs publics. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de revenir sur cet article, mais, à la lumière des propos du rapporteur, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 136 est adopté.)
(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 411 portant article additionnel après l’article 2 bis.
M. François de Mazières. Cet amendement revient sur la question de la création d’une commission culture spécialisée au sein de la CTAP. Vous nous avez dit que vous abandonniez ce principe au profit d’un examen une fois par an des problématiques culturelles. Toutefois, il faut bien voir ce que signifie la création d’une commission spécialisée. Le Gouvernement a décidé de créer de très grandes régions, qui vont se poser la question culturelle – par exemple, celle de l’enseignement artistique : nous examinerons tout à l’heure un article dans lequel le Gouvernement propose que les enseignements artistiques soient étudiés au niveau régional. Il faudra donc que les élus travaillent ensemble.
Or, s’il n’existe pas dans ces immenses régions une obligation de rencontre, d’autant que les élus viendront d’horizons politiques différents, cela ne se fera pas.
M. Marcel Rogemont. C’est faux !
M. François de Mazières. C’est pourquoi il était utile d’avoir une commission spécialisée. Pour avoir présidé pendant plusieurs années la fédération des élus à la culture, je peux vous dire que cette obligation de rencontre est une très bonne chose, en ce qu’elle permet de travailler sérieusement. Les arguments qui nous ont été donnés ne sont donc pas véritablement pertinents.
Par ailleurs, madame la ministre, en répondant à Mme Buffet qui proposait une mesure assez équivalente, mais en élargissant la commission beaucoup plus que nous, qui voulons la centrer sur les élus responsables, vous avez dit que vous aviez proposé les pactes culturels. Il est tout de même temps de mettre les choses au clair ! Votre idée n’est pas mauvaise en termes de communication, au moment où les finances locales sont massacrées par les ponctions de l’État...
Mme Valérie Corre. Dans la nuance !
M. François de Mazières. Mais en réalité, vous ne pouvez signer ces pactes culturels qu’avec très peu de communes, puisque rares sont celles qui reçoivent des aides importantes de la part de l’État. Ma propre ville, qui n’est pourtant pas petite, ne reçoit quasiment aucun financement de l’État. Les pactes culturels sont une bonne idée de communication, mais dans la pratique ils ne veulent pas dire grand-chose. La vraie problématique, c’est la baisse des dotations aux collectivités locales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. En cohérence avec ce que j’ai dit sur l’amendement présenté par Mme Buffet, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Défavorable, pour les raisons que j’ai données tout à l’heure. Il faut laisser le soin aux élus membres de la CTAP de s’organiser librement, comme le prévoit la loi NOTRe. Je tiens à préciser que le château de Versailles est l’un des établissements le plus soutenu par le ministère de la culture. Ce domaine fait beaucoup pour le rayonnement touristique de la ville.
M. François de Mazières. C’est vrai !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Feindre d’ignorer l’investissement que cela représente pour le ministère de la culture ne me paraît pas très juste, monsieur de Mazières.
M. François de Mazières. Je parlais des financements que l’État accorde aux communes !
(L’amendement no 411 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 81.
M. Lionel Tardy. La deuxième phrase de l’alinéa 2 m’a fait réagir. L’État propose des labels avec un cahier des charges et sans doute des subventions ; mais j’ai l’impression qu’une fois qu’il a accordé ce label, il va se comporter en dirigeant de la structure labellisée. Si j’en crois cet alinéa, la nomination d’un dirigeant d’une structure labellisée devra faire l’objet d’un agrément du ministère de la culture.
Pour une structure publique, cela peut se concevoir ; or, cela pourra également concerner des personnes ou des associations privées. Une telle immixtion dans une structure de droit privé n’est ni acceptable ni légitime. Il est logique de vouloir surveiller ce qui est fait lorsque l’on verse des subventions importantes ; mais il n’est même pas question de cela ici. Labellisation ne doit pas signifier prise de contrôle. C’est pourquoi il faut supprimer cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Je suis quelque peu surpris, monsieur Tardy, par votre amendement parce que vous remettez totalement en cause la logique même de l’article 3, lequel vise évidemment à prévoir des contreparties à la labellisation. À quoi servirait le label s’il n’y avait pas au préalable une procédure de sélection d’un projet artistique et culturel qui détermine par là même la désignation de celles ou de ceux qui porteront le projet, sachant, ce qui est précisé dans cet article, que les principes de transparence, d’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités, de renouvellement des générations, gages de diversité des esthétiques et des approches, sont pris en compte. Il y a beaucoup « d’élus culturels » – comme nous avons coutume de nous appeler – dans cet hémicycle à cette heure tardive, et je sais que nous sommes toutes et tous souvent présents dans des conseils d’administration d’associations culturelles gérant parfois de grands établissements subventionnés par l’État ou par les collectivités territoriales. Dès lors, la labellisation est évidemment une démarche cohérente pour que le label soit la contrepartie d’un projet artistique et culturel porté par une personne qui a vocation à assurer la direction de l’établissement.
Vous remettez en cause la logique même de la labellisation alors que je rappelle que celle-ci existe déjà du fait de deux circulaires. Nous inscrivons les labels dans la loi, leur donnant ainsi une consécration législative. Par conséquent, rien ne changera, sinon qu’il y aura un plus grand souci de transparence, d’égalité femmes–hommes et de renouvellement des générations. La labellisation ainsi réaffirmée dans la loi donnera des capacités d’intervention, au nom de l’intérêt général, plus importantes pour l’État et pour les collectivités territoriales. Ce sera particulièrement utile.
M. Lionel Tardy. On attend, une fois encore, le dérapage !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Monsieur Tardy, les institutions culturelles qui bénéficient d’un label incarnent la décentralisation menée par le ministère de la culture depuis bientôt cinquante ans, en partenariat avec les collectivités territoriales. Ces établissements sont en effet des acteurs essentiels du développement de la création, de la production et de la diffusion sur l’ensemble du territoire, et aussi des instruments irremplaçables du renouvellement et de l’innovation artistiques. Aujourd’hui, nous avons près de 300 établissements labellisés, répartis dans toute la France. Ils reçoivent presque 200 millions de crédits de la part de l’État, ce qui représente quasiment un tiers du programme dédié à la création artistique géré par le ministère de la culture. Ce ne sont pas des sommes négligeables.
Certes, cette politique concerne pour une très grande majorité des structures de droit privé, dont le projet de création et de diffusion artistiques a été reconnu d’intérêt général et national. C’est pourquoi l’État a décidé ensuite de les soutenir. Le label est donc une reconnaissance nationale du travail exceptionnel mené par ces structures. C’est aussi, je le rappelais à l’instant, un soutien financier de l’État, soutien qui ne s’est jamais démenti, même dans les périodes les plus contraintes que nous traversons, puisque l’enveloppe allouée aux structures en région a été sanctuarisée et que l’État a poursuivi ses efforts, par exemple en continuant à mettre à niveau sa subvention aux scènes nationales ou encore en poursuivant le plan consacré aux scènes de musiques actuelles, dit « plan SMAC ». Je défendrai d’ailleurs d’importantes mesures nouvelles dans le projet de loi de finances pour finaliser l’an prochain ce plan.
Le processus de nomination à la tête de ces lieux est lié à la labellisation. Le choix du directeur ou de la directrice constitue un élément essentiel de la réussite et du rayonnement des projets culturels portés par ces structures. Le cadre juridique de l’intervention de l’État méritait donc d’être sécurisé en étant inscrit dans la loi. Tel est l’objet de cet article : il prévoit une politique nationale en direction de structures généralement privées qui assument des missions nationales ou territoriales dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques en direction du public.
Je souligne que l’expertise de l’État est un élément essentiel de la labellisation et qu’elle a lieu à la demande desdites structures et des collectivités territoriales.
Tel est le sens qu’il faut donner à cet agrément : il traduit la vision nationale de l’État sur ces différents réseaux labellisés tout en veillant, ainsi que l’a dit le rapporteur, au renouvellement des générations et à l’amélioration de la parité, tous deux restant à parfaire. C’est un élément essentiel de notre politique partenariale avec les collectivités. Je suis donc défavorable à votre amendement.
M. Lionel Tardy. Étatisation !
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Madame la ministre, il y a tout de même un point important à souligner concernant ces labels : tel que rédigé, l’article propose un dispositif vraiment unilatéral. Il est proposé un cahier des missions et des charges mais sans qu’il soit même envisagé que celui soit opposable à l’État dans le cadre d’une responsabilité contractuelle. Cela me frappe énormément. Il s’agit uniquement de fournir des moyens qui vont permettre à un établissement de faire la politique prévue par l’État à travers le cahier des missions et des charges. Cet article crée donc un déséquilibre. Sa rédaction aurait vraiment dû mettre en évidence qu’il s’agit d’un échange contractuel, d’autant plus que vous prévoyez que la demande de labellisation peut aussi provenir d’une collectivité territoriale. Or, aujourd’hui, ce qui menace l’évolution de la culture, on le voit bien, c’est qu’il y a de moins en moins d’argent, y compris au niveau de l’État. Je ne voudrais pas que celui-ci s’arroge le droit de mener une politique distribuant les bons points sans qu’il soit prévu qu’il mette les moyens pour que la structure puisse obtenir de bons résultats. J’aimerais vraiment que vous preniez en compte le fait que l’élu local va se dire : « C’est bien gentil, mais l’État est en train de se débarrasser de sa mission, qui est de m’aider, certes par le biais d’un cahier qui prévoit des obligations, mais des obligations réciproques. »
M. Lionel Tardy. Très bien !
Mme la présidente. J’en conclus que l’amendement est maintenu.
M. Lionel Tardy. Bien sûr !
(L’amendement no 81 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 82.
M. Lionel Tardy. Dans la continuité de mon amendement précédent et toujours en raison de ce que je considère comme une étatisation de la culture à la mode socialiste (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen),…
Mme Valérie Corre. Il dit ça pour nous tenir éveillés ! (Sourires.)
M. Lionel Tardy. …celui-ci vise à supprimer une disposition qui va encore plus loin que l’agrément de la nomination par le ministère puisqu’il est prévu qu’un décret en Conseil d’État fixera même la procédure de sélection du candidat de la structure labellisée. On marche sur la tête. Vous n’avez, madame la ministre, qu’à donner une liste des personnes à recaser dans chaque région et tout ira plus vite. Je ne comprends vraiment pas cette atteinte à la liberté au bénéfice de personnes de droit privé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Nous avons ici aussi, mon cher collègue, un problème de compréhension : où est l’étatisation de la culture que vous croyez déceler ? L’alinéa 2 dispose ceci : « Le dirigeant d’une structure labellisée est choisi à l’issue d’un appel à candidatures associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l’État. Sa nomination fait l’objet d’un agrément du ministre chargé de la culture. Les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. » En l’occurrence, tout l’intérêt de l’article 3, c’est non seulement de consacrer les labels dans la loi mais également de sortir de l’opacité, de ce qu’on a souvent considéré comme le fait du prince. Nous imposons avec cet article une logique de projets face à la logique des personnes. Derrière le projet, il y a évidemment une personne, mais le projet prime, et c’est le souci de transparence qui en découle qui a amené à rédiger ainsi l’article 3. Vous pourrez constater qu’il va changer beaucoup de choses en réduisant la durée des mandats, parfois jugée excessive, ou encore – nous en avons parlé dans cet hémicycle lors de l’examen d’une proposition de résolution du groupe socialiste – en contribuant progressivement à atteindre la parité entre femmes et hommes à la tête des structures labellisées, rejoignant ainsi le beau combat mené notamment par Sophie Deschamps, la présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Vous savez qu’il reste sur ce point encore du chemin à faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. L’avis est également défavorable. On sait que, dans l’immense majorité des cas, les élus locaux sont extrêmement satisfaits par l’intervention du ministère, qui contribue ainsi à expertiser avec eux les profils envisagés pour la direction d’établissements qui constituent des structures culturelles majeures de leur territoire. Cela donne une assise nationale aux nominations. Je note à cet égard que les candidats viennent bien souvent de toute la France.
Par ailleurs, je tiens à préciser à M. de Mazières que le travail de rédaction des décrets et des arrêtés sur le cahier des missions et des charges que mon ministère a déjà engagé fixera les seuils d’intervention minimum que l’État devra respecter pour chaque type de structure labellisée, c’est-à-dire le budget minimum que le ministère de la culture apportera. Par conséquent, votre souhait, monsieur le député, que la contribution financière de l’État soit matérialisée dans des documents fournis aux structures labellisées sera réalisé au niveau réglementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Je ne comprends pas l’acharnement de M. Tardy contre cet article. Aucune institution, qu’elle soit unipersonnelle ou collective, ne peut obtenir le label sans l’avoir demandé. Celles qui veulent être entièrement libres n’ont donc qu’à ne pas le réclamer. La seule question qu’on peut se poser porte sur le nombre de labels existants et sur les crédits qui sont attribués, d’autant plus et surtout que le nombre d’institutions à l’intérieur de chaque catégorie de label ne fait que croître : on arrive à un moment où il faudrait un peu plus de sélection de la part de l’État en ce domaine. Mais je sais que l’administration compétente s’y emploie, aidé en cela bien sûr par les Directions générales des affaires culturelles, les DRAC.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je trouve très intéressante l’intervention de notre collègue Marcel Rogemont parce que l’inscription des labels dans la loi aurait pu vous conduire, madame la ministre, à vous interroger sur quelques questions de fond.
Tout d’abord, il y a la question des conditions d’attribution ou de retrait des labels. En effet, on parle toujours de l’attribution, mais jamais de l’éventualité du retrait.
M. Marcel Rogemont. Cela se produit.
Mme Annie Genevard. Si les missions ne sont pas remplies convenablement, les structures resteront-elles labellisées ?
Et puis il y a la question financière : elle est fondamentale. Les DRAC nous indiquent qu’une fois qu’elles ont financé les structures labellisées, il n’y a quasiment plus de marges de manœuvres pour d’autres crédits d’intervention. Il faut ainsi bien voir que l’encouragement de la politique des labels gèle la politique culturelle de l’État dans les territoires.
Il me semble donc qu’on aurait pu, plutôt que de s’inscrire dans la simple reconduction du dispositif existant, en profiter pour se poser des questions véritablement de fond.
(L’amendement no 82 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 296 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 472.
La parole est à M. Michel Pouzol, pour soutenir l’amendement.
M. Michel Pouzol. Cet amendement vise à préciser le contenu du décret afin d’y insérer ce qui est inscrit dans l’exposé des motifs du projet de loi, à savoir que la procédure de sélection du projet, de renouvellement et d’agrément des directeurs de structures labellisées devra s’exercer « dans le respect des principes de transparence, d’égalité des femmes et des hommes aux responsabilités – ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui –, de renouvellement des générations et de la mixité sociale », des points extrêmement importants sur lesquels la plupart des structures concernées ne sont pas très en avance. Il serait important de le préciser dans le décret car il reste un gros travail à accomplir dans ces domaines.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement no 472.
M. Patrick Bloche, rapporteur. Ce sous-amendement constitue une modeste contribution rédactionnelle afin que l’excellent amendement de Mmes Coutelle et Olivier, superbement présenté par le féministe patenté qu’est Michel Pouzol, puisse trouver une issue favorable. C’est d’ailleurs l’avis que la commission a donné à cet amendement.
Je propose de rédiger la fin de l’alinéa 4 de l’article 3 de la manière suivante : « qui devront respecter les principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités, de renouvellement des générations et de mixité sociale ». Le sous-amendement est donc bien purement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement rectifié de M. Pouzol et sur le sous-amendement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Avis favorable.
L’article 3 me permet également de répondre à Mme Genevard. Il dispose en effet qu’un « décret en Conseil d’État fixe la liste des labels » et définit notamment « les modalités d’instruction des demandes d’attribution de label et ses conditions de retrait » : les attributions de labels ne sont donc ni automatiques, ni incrémentales. Un label peut être retiré. Il arrive qu’un tel retrait, dont les conditions sont fixées par décret en Conseil d’État, soit opéré par le ministère de la culture.
Je suis par ailleurs favorable à votre amendement, monsieur le député Pouzol : je partage votre préoccupation et votre objectif de transparence dans les procédures de nomination, mais également de parité, de renouvellement dans les générations et de mixité sociale. Ces objectifs sont d’ores et déjà inscrits dans la circulaire, modifiée en 2013, de labellisation par l’État des structures de création, de production et de diffusion. Vous pouvez compter sur moi pour que ces dispositions soient consolidées dans les textes réglementaires sur les labels, qui seront pris en application de la loi que nous discutons.
Le souci de transparence dans les nominations et d’égal accès des femmes à la tête des institutions culturelles est bien inscrit dans l’article 3 du projet de loi. Son alinéa 2 dispose en effet que le dirigeant d’une structure « est choisi à l’issue d’un appel à candidatures » et que « les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des hommes et des femmes ». Le décret en Conseil d’État prévu à l’alinéa 3 consacrera évidemment ces principes.
Sur le fond, je souhaiterais fournir un certain nombre d’informations sur la manière dont nous nous efforçons de travailler, avec le soutien en particulier de Mme Coutelle, très attentive à ces questions. Des efforts importants sont menés depuis trois ans pour corriger les déséquilibres constatés. Depuis 2012, les nominations à la tête des institutions labellisées s’effectuent ainsi en toute transparence, sur la base d’une liste restreinte et paritaire de candidats, auditionnés par un jury, dont la composition doit tendre à la parité. Les résultats sont sensibles : entre 2012 et 2015, sur 78 nominations dans les labels et réseaux, près de 36 % ont concerné des femmes, soit 30 postes dont deux directions mixtes. Je me félicite de cette inversion de tendance. Des efforts demeurent toutefois à réaliser pour parvenir à une situation plus acceptable.
J’ai également pris l’engagement que les données relatives à la parité dans l’accès aux programmations et aux moyens de production figurent dans les contrats d’objectifs des structures labellisées. Je souhaite que des objectifs chiffrés y soient insérés.
Je suis enfin favorable à la prise en compte de l’objectif de renouvellement des générations et de diversité sociale, objectif que j’ai notamment défendus en lançant les Assises de la jeune création. Je tiens à ce que chacun sache qu’il est possible d’accéder à ces postes. Il ne doit pas y avoir de barrières : nos institutions doivent être le reflet de la société, plus qu’elles ne le sont aujourd’hui. Je suis donc entièrement favorable à l’amendement tel qu’il a été sous-amendé.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. L’amendement de M. Pouzol m’a quelque peu étonné puisque la demande de transparence est parfaitement satisfaite par la rédaction actuelle de l’article 3, qui prévoit « un appel à candidatures associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l’État ».
De même, la demande concernant l’égalité entre hommes et femmes est satisfaite par la phrase : « Les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes ». Je ne vois donc pas la nécessité de cet amendement.
Quant au troisième critère, Dieu sait si je défends ardemment la mixité sociale depuis de nombreuses années, notamment en matière de logement : il s’agit de l’un de mes sujets de prédilection. Cependant, je m’interroge sur l’opportunité d’introduire la notion de mixité sociale dans les critères de recrutement. Les questions de la compétence et du projet sont-elles ou non prioritaires ?
Introduire un tel critère dans les exigences du label fait courir le risque de sacrifier un élément qui semble essentiel, à savoir la qualité du projet et de ceux qui le portent.
M. Michel Herbillon. Bien sûr !
M. Michel Piron. Je suis donc beaucoup plus réservé quant à l’introduction du critère de mixité sociale, non par hostilité envers ce principe – je le défends toujours ardemment s’agissant de la ville ou du logement –, mais parce qu’il ne me semble pas particulièrement bienvenu ici.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je souscris aux arguments de Michel Piron. Votre amendement, cher collègue Pouzol, amène à s’interroger sur ce que signifie non chacune de ces exigences – elles ont toutes leur légitimité – mais l’accumulation de ces critères. Celle-ci fait oublier l’essentiel : l’aptitude personnelle, le talent à exercer une fonction, quel que soit l’âge, l’origine, le sexe même – c’est une femme qui vous le dit, qui sait très bien que, dans de nombreux domaines, la parité n’est pas respectée. Ne soyons pas aveuglés par l’idéologie du moment, qui veut absolument que tout soit examiné à l’aune de la parité, de la mixité, de la diversité et de l’intergénérationnel.
M. Michel Herbillon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. La qualité des interventions de Michel Piron et d’Annie Genevard mérite d’être soulignée. Le moment que nous vivons est important : il nous fait entrer en totale contradiction avec les propos tenus précédemment. Après avoir évoqué les talents – une notion qui, selon moi, n’est pas facile à définir –, nous sommes en train de prévoir de recruter les responsables de ces organismes à partir d’une politique de quotas. Cela est-il sérieux ? Viendrait-il à l’idée des membres des conseils d’administration de refuser un candidat compétent – ou une candidate compétente – pour diriger une structure pour des raisons de diversité sociale – comment estimer ce critère ? – ou de renouvellement de génération. Ces propos sortent de l’histoire culturelle française. Jack Lang, s’il nous écoute, doit être horrifié !
M. Patrick Bloche, rapporteur. Il ne nous écoute pas…
M. François de Mazières. Soyons sérieux ! Ce ne sont pas ces critères qui fondent la politique culturelle en France. D’autres critères, ceux du talent, du projet artistique, entrent en compte. Encore faut-il que ce projet soit négocié, sans que l’État, de manière unilatérale, consente à donner son label.
Ce moment est donc important. Madame la ministre, veillez à votre image.
Samedi dernier, le jury de la Villa Le Nôtre auquel je participais a sélectionné quatre femmes comme lauréates de la première promotion d’un programme de résidence pour paysagistes, inspiré de la villa Médicis. Devions-nous choisir deux hommes, pour des raisons de parité ?
Mme Virginie Duby-Muller. C’eut été ridicule.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Pouzol.
M. Michel Pouzol. Que Michel Piron défende la mixité sociale pour le logement mais pas pour la culture ne me surprend pas. Vous décrivez un monde idéal, où le talent, le projet, la compétence seraient les premières mises en œuvre dans nos structures. Si ce monde existait, il n’y aurait ni problème ni discussion sur ces sujets.
J’ai la chance de venir d’en bas, du plus bas, et d’avoir grimpé petit à petit chaque marche, non par l’école mais par mon travail, par ma volonté. Lorsque je suis arrivé à l’endroit où les choses se passaient, ce n’étaient pas les talents qui s’exprimaient – chacun le sait, dans les territoires –, c’était souvent un monde de l’entre-soi, un monde des habitudes, du réseau. Aujourd’hui il faut non créer des quotas mais casser ces habitudes pour permettre simplement un afflux nouveau, permettre à ceux qui ont des compétences de s’exprimer.
Je viens de la deuxième couronne, de ces villes dont il est beaucoup question : Grigny, La Grande Borne, Évry – la ville du Premier ministre. Je vous invite à y rencontrer les compétences, les artistes, les jeunes qui s’expriment et qui ne voient que leur exclusion sur la photographie du monde culturel français : la porte leur est fermée à jamais.
C’est elle qu’il est aujourd’hui impératif d’ouvrir. Cet amendement constitue un des moyens de le faire, parmi d’autres. Le refuser serait faire preuve de frilosité. Quant à dire qu’on ne trouverait pas de compétences parmi cette catégorie de personnes, je veux bien relever le défi avec vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre. Il y a encore quatre ans, 97 % des directeurs de scènes ou de lieux labellisés étaient des hommes blancs de plus de 50 ans. Je veux bien croire que 97 % du talent se trouve uniquement dans cette catégorie de notre population. J’ai pourtant la faiblesse de penser, comme Michel Pouzol vient de l’indiquer, qu’un certain nombre de déterminismes sont probablement à l’œuvre, qui empêchent d’autres personnes, représentant la diversité de la population, de parvenir à la tête de ces établissements. Sans poser de quotas – il n’en est pas question et vous ne verrez pas de chiffre dans cet article –, il convient au moins de se fixer un objectif, une direction. Le faire est toujours mieux que de ne rien faire. Sans cela, il ne se passerait jamais rien.
(Le sous-amendement no 472 est adopté.)
(L’article 296, amendé, est adopté.)
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 83, tendant à supprimer l’article.
M. Lionel Tardy. Nous devrions éviter de demander des rapports au Gouvernement : à chaque fin de session, on découvre qu’ils ne sont jamais remis. Par pitié, laissons le présent texte vierge de ce type de dispositions ! Quel que soit le sujet, je pense qu’il faut, par principe, les refuser. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président de la commission, je suis étonné qu’une telle demande émane de vous !
Il existe d’autres outils, à commencer par les missions d’information ; en outre, le Gouvernement devrait pouvoir s’engager à mener des réflexions et prendre des initiatives sans qu’il y ait besoin de lui commander un rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. Vous n’ignorez pas, monsieur Tardy, l’existence de l’article 40 de la Constitution. Or, ayant acquis une conviction, à l’issue d’un dialogue riche et fructueux, notamment avec la Fédération nationale des arts de la rue – je participe chaque année au rassemblement organisé place de la République par la Fédération à l’occasion de la manifestation « Rue libre ! » –, j’ai souhaité prendre l’initiative d’un amendement qui, originellement, visait à ce que l’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs groupements, consacrent 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l’espace public, en raison de la contribution majeure de ce dernier à l’accès du plus grand nombre à la culture. Comme l’article 40 ne m’aurait pas permis de déposer un tel amendement – qui n’aurait pas été jugé recevable –, j’ai opté pour la commande d’un rapport, afin qu’il reste quelque chose de cette préoccupation qui m’est chère.
Je pense qu’à l’heure actuelle, l’espace public constitue pour nombre de nos concitoyennes et concitoyens une facilité pour accéder à la culture. Pas plus tard que samedi soir, j’étais à Lille pour le lancement de « Renaissance ». Quand on a sous les yeux les rues de Lille, notamment la grand-place, noires de monde, populations de Lille et de la métropole mélangées pour assister à une parade extraordinaire, on voit bien qu’il se passe quelque chose. On ne cesse de répéter à longueur de discours qu’il faut que la culture crée du lien social ; eh bien, samedi soir, à Lille, la culture faisait lien social. L’espace public mérite donc que nous lui consacrions des moyens.
D’où cette disposition pour que, à défaut qu’elle devienne une norme, cette initiative soit, via la remise d’un rapport, relayée par le Gouvernement – lequel a bien voulu émettre un avis favorable sur l’amendement que j’avais présenté en commission.
Par cohérence, le commission est défavorable à l’amendement de M. Tardy.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Même avis – d’ailleurs, le projet de loi qui nous occupe présentement prouve bien que des rapports parlementaires peuvent se traduire par des dispositions législatives.
M. Lionel Tardy. Allons donc ! Vous ne les lisez même pas, vous l’avez dit dans une émission : vous les laissez traîner par terre, dans votre bureau !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Moi aussi, je tiens beaucoup à cet article. La proposition qu’avait faite le président Bloche était d’étudier un mécanisme, qui différerait de celui du 1 % artistique actuel en ce qu’il s’étendrait à l’ensemble des opérations de travaux publics : il s’agirait de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l’espace public.
Mme Virginie Duby-Muller. Vu la situation du bâtiment…
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je comprends votre souci d’éviter la multiplication des rapports remis au Parlement, monsieur Tardy, mais, comme Patrick Bloche, je suis convaincue de la sensibilité de nos concitoyens aux œuvres d’art présentes dans l’espace public. J’ai ainsi constaté, à l’occasion de certaines opérations de rénovation urbaine ou de construction de logements HLM ayant fait de l’insertion de l’art ou de la culture dans l’espace public l’une de leurs priorités, à quel point les habitants se sentaient de ce fait respectés et honorés.
Je crois beaucoup à cette mesure, et je m’engage…
M. Lionel Tardy. À lire le rapport ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Fleur Pellerin, ministre. …à ce que le rapport soit bel et bien remis dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi. C’est un beau projet et j’aimerais qu’il puisse devenir réalité.
Je vous demande donc, monsieur Tardy, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. Je souscris aux propos et au souhait du rapporteur, et je voudrais en profiter – si vous le permettez, madame la présidente – pour demander que l’on interprète pas mal les propos que nous avons tenus s’agissant de la qualité des projets artistiques et culturels.
Je ne viens pas d’en haut – si d’autres disent venir d’en bas. Je dis simplement qu’il ne faut pas se tromper de remède face aux inégalités incontestables dans l’accès aux œuvres d’art. Ne nous trompons pas d’outil : l’essentiel réside, non pas dans de quelconques affirmations sur la mixité sociale, mais dans le cahier des charges ; le pouvoir est entre les mains de ceux qui rédigent les questions, et non entre celles de ceux qui ne sont pas en mesure d’y répondre. C’est la question du cahier des charges qui est majeure, et l’intervention de notre rapporteur montre qu’un bon cahier des charges peut susciter de vrais talents, sans que ceux-ci soient nécessairement académiques.
Que l’on ne nous accuse pas d’élitisme exacerbé, ce n’est pas le cas ; mais, je le répète, la qualité peut être une exigence qui s’impose au-delà de critères purement sociaux.
Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.
M. François de Mazières. Il s’agit en effet d’une proposition très intéressante : d’abord, parce qu’elle est incitative, et non obligatoire ; ensuite, parce que la démocratisation de la culture passe par les conservatoires, par la formation, mais aussi par les lieux publics.
Une chose serait intéressante : que vous demandiez aux grands organismes publics comme EDF de participer au mouvement.
M. Michel Herbillon. Absolument !
M. François de Mazières. Prenez par exemple les armoires électriques : dans ma ville, c’est horrible, il y en a partout. Eh bien, je les utilise comme une école culturelle : on y réalise des trompe-l’œil ; dans une avenue, on a même illustré les Fables de La Fontaine, et les familles s’y arrêtent. C’est pourquoi je trouve votre idée, monsieur le rapporteur, madame la ministre, très intéressante : elle est incitative et permet de concevoir les lieux publics comme des outils d’incitation à la culture. J’y souscris – et mes collègues aussi.
M. Michel Herbillon. Très bien !
(L’amendement no 83 n’est pas adopté.)
(L’article 3 bis est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement no 248, visant à insérer un article additionnel avant l’article 4 A.
M. Christian Kert. Cet amendement touche à la notion d’« œuvre originale ».
La protection des œuvres de l’esprit au titre du droit d’auteur est subordonnée à la condition d’originalité. Or celle-ci ne figure pas dans la loi, à la seule exception des titres d’œuvres. L’exigence qu’une œuvre de l’esprit soit « originale » pour bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur n’est ainsi ni imposée ni définie dans la loi.
De ce fait, la preuve de l’originalité des œuvres, et plus particulièrement des photographies, fait problème devant les tribunaux. Les juges font preuve d’une sévérité accrue en ce qui concerne la preuve de l’originalité des œuvres, tout particulièrement dans le domaine de la photographie. Cette situation est inquiétante puisqu’elle vient affaiblir, voire rendre impossible la défense des droits des auteurs.
Un tel « fardeau » de la preuve constitue une véritable prime à la contrefaçon de masse. C’est pourquoi le présent amendement vise à inverser la charge de la preuve de l’originalité de l’ensemble des œuvres de l’esprit, de sorte que, sauf preuve contraire apportée par l’utilisateur, les œuvres de l’esprit puissent bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrick Bloche, rapporteur. L’originalité, monsieur Kert, est une des conditions essentielles pour qu’une œuvre bénéficie de la protection du droit d’auteur. Votre amendement, si j’en mesure bien la portée, aurait pour effet de conférer a priori la qualité d’œuvre à toute production intellectuelle. Sincèrement, en l’état – il s’agit de la première lecture du texte –, il ne me semble pas opportun de remettre en question le principe selon lequel celui qui revendique la protection du droit d’auteur pour sa création doit apporter la preuve de l’originalité de celle-ci, même si vous pointez, notamment pour les photographes, des difficultés d’application dont je prends bien la mesure.
En l’état de nos échanges donc, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Même avis.
Une précision, toutefois : souvent, en pratique, les juges n’abordent la question de l’originalité de la création que s’ils sont saisis d’une action en contrefaçon ; ils sont alors informés que le prétendu contrefacteur appuie sa défense sur une contestation de l’originalité de l’œuvre copiée. Dans le cadre de ces procédures, il est fréquent que les juges adoptent l’approche suivant laquelle l’originalité est tenue pour acquise en l’absence de contestation du défendeur, ou si ses contestations ne sont pas sérieuses. Quand bien même cette originalité serait présumée du fait de la loi, le juge serait donc en mesure de faire tomber cette présomption en cas de contestation. La garantie que vous souhaitez apporter serait donc d’une portée limitée.
Pour toutes ces raisons, je suis moi aussi défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur Kert, maintenez-vous votre amendement ?
M. Christian Kert. Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 248 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 29 septembre 2015, à zéro heure cinquante-huit.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly