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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 21 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Allocations familiales

M. Philippe Cochet

M. Manuel Valls, Premier ministre

Perspectives de croissance

M. David Habib

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Qualité de l’air intérieur

Mme Michèle Bonneton

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Territoires ruraux

M. Yannick Favennec

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Projet de loi santé

M. Olivier Véran

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Fermeture de classes dans le Lot

Mme Dominique Orliac

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Dotation des collectivités territoriales

M. Bernard Perrut

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mesures fiscales en faveur des plus modestes

Mme Marie-Lou Marcel

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Impact des restructurations militaires à Châlons-en-Champagne

M. Benoist Apparu

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Lutte contre Daesh

Mme Colette Langlade

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Politique du travail

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Manuel Valls, Premier ministre

Incendies d’écoles à Corbeil-Essonnes

M. Carlos Da Silva

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mme Catherine Vautrin

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Aide médicale d’État

Mme Valérie Boyer

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Leucose bovine à La Réunion

Mme Huguette Bello

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Suspension et reprise de la séance

2. Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - Projet de loi de finances pour 2015 (Première partie)

Explications de vote communes

M. Dominique Lefebvre

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

Mme Eva Sas

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Nicolas Sansu

Vote sur l’ensemble du projet de loi de programmation

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Suspension et reprise de la séance

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Bernard Accoyer

Mme Marisol Touraine, ministre

Mme Gisèle Biémouret

M. Jean-Pierre Door

M. Francis Vercamer

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Cochet. Monsieur le Premier ministre, j’ai mal à la France et j’ai mal aux familles de France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Qui a déclaré, en mars 2012, devant l’Union nationale des associations familiales, qu’il ne toucherait pas aux allocations familiales, et que celles-ci : « ne seront pas soumises à condition de ressources » ? C’est François Hollande. (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît mes chers collègues !

M. Philippe Cochet. C’est un nouveau mensonge, c’est une tricherie, c’est un scandale ! Les socialistes seront à l’origine de la fin de l’universalité des allocations familiales. C’est la rupture brutale et injustifiable du pacte républicain entre l’État et les familles depuis 1945. Vous aurez, une fois de plus, trahi le peuple de France.

Alors que vous réclamez une concorde nationale face à la situation gravissime dans laquelle vous nous entraînez, nous ne supportons plus de recevoir des leçons d’unité nationale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), alors que vous et votre gouvernement matraquez les familles, vous les malmenez, vous les caricaturez, vous voulez les déstabiliser, et maintenant vous instaurez deux types d’enfants : les enfants de riches et les enfants de pauvres. C’est tout simplement insupportable.

Il y a quelques jours, des centaines de milliers de Français défilaient, à l’appel de la manif pour tous, contre vos projets insensés et pour le respect des familles. Et votre seule réponse, c’est la remise en cause de l’universalité des allocations familiales. Mais où vivez-vous monsieur le Premier ministre ?

Vous qui cassez ce qui marche encore dans notre pays, à savoir la politique familiale, ne pensez pas un instant que nous, qui sommes des millions de parents, allons accepter votre familiophobie. Vous et votre gouvernement êtes simplement de passage, alors que les familles, elles, resteront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous qui sommes des millions, nous prétendons non pas réclamer un droit, mais simplement assurer un devoir : défendre l’intérêt des enfants et des familles...

M. le président. Merci monsieur le député.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, quel ton et quelle violence pour parler d’un sujet aussi important ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ici, je crois pouvoir le dire pour avoir été parlementaire, tout le monde est sur un pied d’égalité. Et vous ne pouvez pas parler plus que d’autres au nom des familles de France, ni donner des leçons sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous pouvez ne pas être d’accord, et nous pouvons en débattre, mais ce gouvernement agit pour la famille. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Marisol Touraine et Laurence Rossignol l’ont rappelé à maintes reprises ici. Et les faits sont là : l’allocation de rentrée scolaire a été revalorisée de 25 % en 2012, ce qui a bénéficié à près de 3 millions de familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les prestations dédiées aux familles monoparentales et aux familles nombreuses dont les revenus sont modestes sont en augmentation. Les bourses étudiantes ont été revalorisées, et leur accès a été élargi. Le plan de création de solutions d’accueil pour les jeunes enfants va être mis en œuvre ; il prévoit une aide exceptionnelle pour chaque nouvelle place de crèche dont la création sera décidée en 2015, et la simplification des normes qui encadrent la construction de places de crèches.

Ces mesures de soutien à la famille, d’aide pour leur quotidien, c’est ce gouvernement et cette majorité qui les ont votées et mises en œuvre, alors que vous n’avez rien fait pendant cinq ans en ce qui concerne les crèches. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Patrice Verchère. Personne ne vous croit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous évoquez la mesure de modulation des allocations familiales proposée par un amendement du groupe socialiste au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le Gouvernement y est favorable, et nous soutenons cette belle réforme pour les familles, qui est une réforme de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vois dans votre intervention, monsieur le député, une marque de dépit, celui de voir le Gouvernement et la majorité avancer sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. C’est cela le dialogue que je souhaite entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. C’est une mesure de justice ; elle ne concernera que 13 % des familles qui perçoivent les allocations familiales et elle n’implique aucun changement pour les familles dont les revenus sont inférieurs à 6 000 euros par mois. Enfin, contrairement à ce que j’entends, cette mesure ne remet pas en cause l’universalité des allocations familiales.

M. Michel Herbillon. Bien sûr que si !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le répète : la politique familiale, dans notre pays, doit être un sujet de consensus envisagé dans l’apaisement. Et je regrette que ceux, dans l’opposition, qui étaient hier favorables à de telles évolutions les contestent aujourd’hui. Je pense à Alain Juppé, à Bruno Le Maire et à Luc Chatel, qui envisageaient la fiscalisation des allocations familiales, ou encore à Xavier Bertrand, qui s’est déclaré favorable à la mise sous condition de ressources de ces allocations.

Alors, pas de faux débats, pas de fausses polémiques ! Assumez vos positions, hier comme aujourd’hui ! En tout cas, le Gouvernement et la majorité assument les leurs, pour les familles et pour la justice dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Perspectives de croissance

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. David Habib. Monsieur le Premier ministre, avant de vous interroger sur les défis économiques du moment, je souhaite saluer dans cet hémicycle la mémoire de Christophe de Margerie. Beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs, ont rappelé son bilan à la tête de Total (« Filoche ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), sa vision d’une industrie compétitive, sa passion pour les sciences, son attachement viscéral à la France et à son modèle républicain. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Plusieurs députés du groupe UMP. Filoche !

M. le président. Je n’ai pas l’impression qu’il soit membre de notre assemblée.

M. Jean-Louis Christ. Heureusement !

M. le président. Poursuivez, monsieur Habib.

M. David Habib. En tant qu’élu du Béarn, le berceau de Total qui compte plus de 5 000 collaborateurs sur les sites de Lacq et de Pau, je veux également témoigner de sa parfaite conscience de ses responsabilités régionales et sociales. C’est donc avec beaucoup d’émotion et de gratitude que je tenais à débuter ma question par cet hommage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC, ainsi que des groupes UMP, UDI, écologiste et RRDP.)

Monsieur le Premier ministre, face à la crise déclenchée en 2008, face à la perte de 600 000 emplois industriels entre 2002 et 2012, notre majorité a réagi en adoptant toute une série de dispositifs et de mesures sans lesquels la crise serait bien plus grave aujourd’hui : pacte de compétitivité, CICE, politique de filières autour des trente-quatre secteurs d’avenir qui associent PME et grands groupes, production et recherche, politiques actives de l’emploi, pacte de responsabilité et de solidarité.



Au-delà de ces mesures, le Gouvernement a choisi de débloquer les pesanteurs qui minent notre économie et de préserver notre modèle social. Cette capacité à écrire une feuille de route équilibrée a été saluée récemment par de nombreux organismes internationaux, dont l’OCDE. Cette dernière voit dans votre politique un potentiel de croissance de 3,7 points et de création de 450 000 emplois industriels dans les dix prochaines années.

M. Charles de La Verpillière. Personne n’y croit !

M. David Habib. Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous entendre sur cette feuille de route et sur les objectifs que je viens de saluer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cachez votre admiration, mes chers collègues !

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Vous avez raison, monsieur le député, de rendre hommage et d’avoir une pensée pour Christophe de Margerie, qui fut en effet un grand capitaine d’industrie pour ce pays,…

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. …un grand citoyen et un partenaire privilégié pour les pouvoirs publics. Nous avons perdu aujourd’hui un grand dirigeant.

En effet, monsieur le député, le rapport de l’OCDE auquel vous faites allusion apporte de bonnes nouvelles. Vous l’avez rappelé : en prenant en compte l’ensemble des réformes annoncées ou décidées par le Gouvernement et par les précédents gouvernements soutenus par cette majorité depuis un peu plus de deux ans, ce rapport estime à 3,7 points l’augmentation du potentiel de croissance à l’horizon de dix ans.

Je sais que beaucoup voudraient aujourd’hui relativiser ces bons résultats, quand le même genre de rapport sert parfois à soutenir des critiques ou des accusations. Vous avez raison, monsieur le député, nous devons nous en réjouir.

Je veux faire trois remarques à ce sujet.

Premièrement, nous devons rester prudents. Les chiffres annoncés aujourd’hui par l’OCDE et présentés dans ce rapport ne prennent pas en compte de nombreuses mesures qui ont été annoncées et qui ne sont pas encore votées, ni la dynamique et les effets induits par un grand nombre de ces mesures.

Deuxièmement, il faut souligner la cohérence des mesures prises par le Gouvernement. Parmi les dispositions évoquées par l’OCDE dans son rapport, celles qui ont le plus d’impact sont non seulement le CICE et le pacte de responsabilité, mais également la réforme territoriale, porteuse d’économies et d’une plus grande efficacité de notre organisation territoriale.

Troisièmement, ce genre de rapport présente un avantage pour nous tous : quand bien même le quotidien est difficile, quand bien même mener des réformes en profondeur est parfois un défi, nous voyons que sur le long terme, ces mesures sont bonnes pour le pays. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Qualité de l’air intérieur

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Madame la ministre de l’écologie, deux décrets viennent d’être abrogés. Ils prévoyaient le contrôle, dans les lieux fréquentés par les enfants, de trois polluants de l’air : les formaldéhydes et le benzène, que l’on trouve principalement dans le mobilier, les revêtements de sol et les peintures, ainsi que le dioxyde de carbone. Pour les enfants de moins de 6 ans, dans les crèches et les écoles maternelles, la mesure devait entrer en vigueur au 1er janvier 2015. Pour les enfants scolarisés à l’école primaire, elle devait entrer en vigueur en 2018. Ces décrets méritaient à l’évidence des corrections, car leur contenu impliquait un coût trop élevé des contrôles. Cependant, il existe des kits de tests fiables, dont le coût est limité à quelques dizaines d’euros.

Madame la ministre, je vous sais attentive à ces questions, et vous n’êtes pas sans savoir que plus les enfants sont jeunes, plus ils sont sensibles aux polluants de toutes sortes. De plus, le formaldéhyde et le benzène sont classés par l’OMS parmi les produits cancérigènes. Il est reconnu que la pollution de l’air, tout particulièrement de l’air intérieur, est en grande partie responsable de la forte augmentation des bronchiolites, de l’asthme et des allergies.

Aussi est-il fondamental que les collectivités locales, les équipes pédagogiques et les parents prennent conscience de l’importance de la qualité de l’air que respirent les enfants en milieu fermé, de façon à ce que les responsables changent leurs pratiques et leurs exigences lorsqu’ils effectuent des achats, pour agir préventivement. Il est nécessaire d’aérer les bâtiments, de ne pas utiliser des produits ménagers ou des peintures contenant des produits toxiques, de ne pas installer du mobilier contenant des colles.

Par ailleurs, des entreprises ont investi pour assurer cette activité de contrôle de l’air, dont elles pensaient qu’elle serait mise en place en 2015.

Madame la ministre, vous avez déclaré vouloir mettre en place un guide de bonnes pratiques à l’intention des différentes catégories d’intervenants auprès des enfants. C’est une très bonne initiative, mais elle ne peut remplacer le contrôle de la qualité de l’air intérieur. Aussi, madame la ministre… (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Merci, madame Bonneton.

La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En effet, madame la députée, en accord avec la ministre de la santé et la secrétaire d’État à la famille, en charge des crèches, j’ai pris la décision de simplifier les normes. Les maires sont écrasés sous un certain nombre de normes.

M. Guy Geoffroy. C’est un abandon de l’État !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je partage la préoccupation qui est la vôtre : notre objectif est justement d’assurer la qualité de l’air intérieur, notamment pour les jeunes enfants qui vivent dans des espaces clos. Mais il faut aussi prendre en compte la difficulté d’application d’un certain nombre de normes, ainsi que leur coût, estimé à près de 600 millions d’euros compte tenu de l’obligation, pour toutes les crèches et toutes les classes de toutes les écoles – d’abord en primaire, puis au collège et enfin au lycée –, de procéder à des calculs de la pureté de l’air en passant par des organismes agréés. Ce contrôle devait avoir lieu tous les sept ans mais ne prévoyait pas d’obligation de remédier à la pollution.

J’ai donc préféré mettre en place un système beaucoup plus simple et moins coûteux. Ce plan passe d’abord par la distribution de kits qui permettront de mesurer la présence des produits chimiques que vous évoquez ; je fais confiance aux mairies pour prendre les dispositions en conséquence. Il passe ensuite par la diffusion d’un guide pratique que je présenterai et distribuerai à tous les parlementaires qui pourront les relayer dans les mairies : ce guide rappelle des gestes très simples relatifs à l’aération des locaux et donne des indications sur le choix de produits d’entretien sans pesticides, ainsi que sur le contrôle des meubles, des peintures et des revêtements.

Je pense que les services techniques des mairies pourront parfaitement assumer leurs responsabilités sans subir des normes et des coûts exorbitants au regard de l’objectif recherché. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Il faut être pragmatique !

Territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Monsieur le Premier ministre, notre pays est l’un des seuls en Europe à voir, depuis cinq ans, sa population augmenter dans les campagnes. Les territoires ruraux sont une force pour la France et constituent un enjeu majeur pour redresser notre économie, parce qu’ils regorgent de savoir-faire et de potentiels. Ce sont des créateurs de richesses et des vecteurs d’emplois.

Vous avez annoncé des assises de la ruralité, mais pour quoi faire ? Les dernières ont eu lieu il y a moins de cinq ans et leurs conclusions sont toujours d’actualité. De surcroît, en période de restrictions budgétaires, est-ce d’assises ou de colloques dont la ruralité a besoin ?

M. Jean-Luc Reitzer. Elle a besoin de sous !

M. Yannick Favennec. Non, car l’heure n’est plus au bla-bla, l’heure est à l’action et aux résultats. Comme on dit en Mayenne, il y a les « diseux » et les « faiseux ». À quelle catégorie appartenez-vous, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

Nos talents locaux – agriculteurs, commerçants, artisans dirigeants de PME et de TPE, responsables associatifs – veulent qu’on les encourage, qu’on favorise leur développement, qu’on diminue les obstacles à l’emploi, qu’on les accompagne par des politiques publiques ambitieuses.

Ce sont des acteurs de terrain. Ils demandent qu’on simplifie les règles, qu’on allège les normes, qu’on leur fasse enfin confiance. Nos élus locaux, quant à eux, attendent de votre réforme territoriale plus de clarté, de proximité et d’efficacité.

Monsieur le Premier ministre, si vous n’agissez pas rapidement, nous allons vers une aggravation de la fracture sociale et territoriale dans notre pays et vos assises de la ruralité, si elles ont lieu un jour, ne seront qu’une nouvelle illustration de votre art de la non-décision, tout en donnant l’illusion de l’action.

Alors, monsieur le Premier ministre, qu’entendez-vous faire de concret et d’efficace pour le monde rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député Yannick Favennec, vous avez raison, les territoires ruraux de notre pays constituent un atout, une chance, une opportunité de développement économique. Si nous avons souhaité, avec M. le Premier ministre, organiser des assises des ruralités, c’est pour mettre de la cohérence, de la complémentarité dans un certain nombre de dispositifs.

À cet effet, nous allons réunir sept ateliers qui concernent les enjeux auxquels doivent faire face les territoires ruraux pour que nos politiques publiques soient adaptées à leurs besoins. Comme vous l’avez souligné, ces territoires ne sont en effet pas uniformes : certains connaissent une croissance démographique alors que d’autres voient leur population diminuer de façon importante. Pour répondre aux enjeux d’aménagement du territoire, de présence de services publics, de performance environnementale et économique, de cadre de vie, ces territoires connaissent une profonde mutation à laquelle il est nécessaire de répondre.

M. Jean-Luc Reitzer. Cela ne veut rien dire.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Mais nous n’avons pas attendu les assises des ruralités pour prendre un certain nombre de dispositions. Je pense aux contrats de plan État-région avec un volet territorial qui sera renforcé pour soutenir les projets dans ces territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je pense aux maisons de service public que nous avons lancées, au soutien que nous apportons aux maisons pluridisciplinaires de santé dans les territoires ruraux. (Mêmes mouvements.)



Je pense à l’expérimentation que nous lançons sur la revitalisation des centres bourgs. Avec une coordination interministérielle, nous réussirons à relever les défis que doivent relever les territoires ruraux, à soutenir les élus qui font un travail formidable au quotidien et nous cesserons enfin d’opposer les territoires urbains et ruraux parce que nous avons besoin de tous pour réussir à redresser la France et à avancer pour une République juste et égalitaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Projet de loi santé

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Véran. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, en conseil des ministres, mercredi dernier, vous avez présenté le projet de loi sur la stratégie nationale de la santé, qui devra répondre aux besoins et attentes des habitants de notre pays : renforcer l’accès aux soins des Français, conforter les droits des usagers, engager notre pays sur une politique ambitieuse de prévention et de promotion de la santé.

Qu’on ne croie pas cependant que nous ayons attendu cette loi pour engager des réformes. Le PLFSS, dont l’examen débute en séance aujourd’hui, en est une illustration supplémentaire.

Pour la troisième année consécutive, le déficit de l’assurance maladie sera réduit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour la troisième année consécutive, il n’y aura aucun recul pour les droits des usagers.

M. Claude Goasguen. Si.

M. Olivier Véran. Pas de nouvelle franchise, pas de taxe comportementale, pas de mesure de déremboursement comptable. Pour la troisième année consécutive, c’est sur des mesures structurelles que reposera le rétablissement de nos comptes sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Que l’on ne s’y trompe pas : les dépenses de santé vont augmenter, et c’est normal, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et du progrès médical. Ne pas faire de fausses économies en faisant porter par les citoyens l’augmentation de ces dépenses nous oblige à gagner en efficience, et à innover.

Nous débattrons ainsi du financement des hôpitaux de proximité, du nouvel élan à donner vers davantage de coopération entre hôpitaux voisins, de la création d’hôtels hospitaliers pour permettre à davantage de patients de bénéficier de la chirurgie ambulatoire.

Cet objectif, pour être réalisé, réclame, face aux inquiétudes qui se font jour chez de nombreux professionnels de santé, que nous passions à l’action concertée, et cela ne pourra se faire sans une meilleure coopération entre les différents acteurs et les différents modes d’organisation de la médecine en France.

Enfin, ce PLFSS viendra renforcer l’accès aux soins pour un grand nombre de Français, je pense notamment à la mise en place du tiers payant pour 1,2 million de bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.

Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler les mesures que vous comptez porter lors de l’examen de ce texte et au cours des prochaines semaines pour réduire les inégalités de santé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Laure de La Raudière et Mme Catherine Vautrin. Vous devriez remercier M. Véran pour une telle « question » !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, je veux marquer comme vous que le Gouvernement a engagé un travail considérable pour faire face aux défis que rencontre notre système de santé. Aujourd’hui, nous allons montrer une fois de plus que nous assumons fermement de réduire le déficit qui nous a été laissé en matière d’assurance maladie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais nous le faisons avec la ferme volonté que les plus modestes puissent accéder aux soins. Depuis deux ans, nous n’avons pas cédé sur cette ligne.

M. Bernard Deflesselles. Et les familles ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est le fil rouge de la politique que je porte, contrairement à ce qui avait été réalisé auparavant.

Depuis deux ans, pas un seul déremboursement, pas un seul droit en recul en matière de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons relevé le plafond de la CMU et de l’aide à la complémentaire santé. Ce sont des centaines de milliers de personnes de plus qui sont couvertes.

M. Claude Goasguen et M. Marc-Philippe Daubresse. Et avec l’aide médicale d’État !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons fait en sorte que ce qui reste à la charge de nos concitoyens diminue alors qu’au cours des années précédentes, ce reste à charge n’avait cessé d’augmenter. Nous engageons maintenant une nouvelle étape, à l’initiative de laquelle vous êtes, monsieur le député, avec le groupe socialiste : le tiers payant pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé à partir du 1er juillet 2015.

M. Bernard Roman. Très bien.

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez, avec les groupes de la majorité, Verts et Radicaux, proposé un rapport pour examiner les conditions dans lesquelles les franchises pourraient être supprimées pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. Je veux vous dire, mesdames, messieurs les députés, que je proposerai, au nom du Gouvernement, un amendement visant à supprimer toutes les franchises à destination des personnes bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.

M. Bernard Roman. Très bien.

Mme Marisol Touraine, ministre. L’efficacité rime avec la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Fermeture de classes dans le Lot

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre de l’éducation nationale, nombre d’écoles rurales sont vouées à disparaître dans le cadre d’une réforme des regroupements pédagogiques intercommunaux. Nous savons que l’éducation a été affichée comme une priorité de ce gouvernement et que ce projet de loi de finances pour 2015 y est attentif, car l’éducation redevient le premier budget de l’État. C’est un signal très encourageant pour les élèves, leurs parents et la communauté éducative, dans la droite ligne de votre politique volontariste marquée par la création de 60 000 postes à l’horizon 2017.

Je tiens à rappeler que le soutien à l’école de la République doit se traduire de manière égalitaire, y compris dans les territoires ruraux. Aussi volontariste soit-elle cependant, cette politique ne doit pas perdre de vue l’objectif de justice et d’adaptation à la disparité de nos territoires.

Nombre de maires de communes rurales, notamment dans le Lot dont je suis élue, se montrent en effet extrêmement inquiets quant à l’avenir de leurs écoles. Il s’agit là d’un sujet de mobilisation très important, qui a fait l’objet de vastes débats lors du dernier congrès des élus. Ce n’est pas en réorganisant les regroupements pédagogiques intercommunaux – les RPI – et en justifiant d’un semblant de concertation avec les élus du territoire que l’on apportera des solutions pérennes à la problématique de la gestion de l’équilibre entre les zones urbaines et rurales. De plus, la nouvelle répartition académique de l’éducation prioritaire ne devra pas se faire une nouvelle fois au détriment des territoires ruraux.

Des solutions autres que de simples regroupements ou suppressions d’écoles existent – je citerai notamment l’expérience menée dans le Cantal avec la convention pour un aménagement du territoire scolaire, qui a prouvé qu’il était possible de neutraliser l’effet de la baisse conjoncturelle des effectifs d’un territoire et de lisser sur trois ans l’évolution démographique. On nous demande de nous organiser, d’être constructifs ? Voilà une solution !

Je sais, madame la ministre, combien, vous avez à cœur de défendre une politique ambitieuse pour un enseignement de qualité pour tous et partout. Pouvez-vous donc nous assurer que les départements ruraux ne seront pas les victimes collatérales des réformes en cours ? Enfin, envisagez-vous d’étendre à l’ensemble du territoire national le dispositif que je viens (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Orliac, vous avez évoqué mon ambition d’assurer une répartition plus équilibrée des moyens de l’éducation nationale d’une école et d’un territoire à l’autre – une répartition qui ne soit pas seulement arithmétique, mais qui prenne vraiment en compte les réalités et les difficultés des établissements scolaires. Ne doutez pas un instant, madame la députée, que dans cette ambition et dans ce travail j’accorderai toute leur place aux écoles rurales, car je connais leurs difficultés et les contraintes singulières qu’elles rencontrent, leur isolement, la difficile continuité entre le primaire et le collège, le décrochage scolaire et leur retard en matière d’équipement, notamment numérique. À chacun de ces défis, le Gouvernement sera là pour accompagner les collectivités locales et pour trouver des réponses.

Vous avez évoqué la contractualisation « Cantal », du nom du premier département qui a accepté de nous accompagner dans une nouvelle démarche consistant en un contrat conclu entre le ministère de l’éducation et les élus locaux en vue d’anticiper et de préparer l’avenir dans les territoires où, compte tenu de la baisse des effectifs scolaires, on craint une fermeture trop brutale des écoles. Cette contractualisation prévoit de la part des élus locaux une restructuration du réseau des écoles, avec la création de regroupements pédagogiques, la diminution du nombre d’écoles de moins de trois classes et la mise en place de réseaux primaires-collège. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Avec quel argent ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En échange, le ministère de l’éducation nationale s’engage à accompagner ces élus locaux pendant trois ans, notamment en neutralisant les effets que la démographie devrait normalement avoir sur l’octroi de postes. Le département du Cantal connaît cette jurisprudence par cœur, car il s’y est engagé, et je souhaite que le plus grand nombre possible de départements ruraux s’engagent dans un travail aussi construit et cohérent.

Je retiens que le Lot est intéressé. La rectrice de Toulouse prendra contact avec vous pour engager le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Dotation des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le Premier ministre, dans une période où l’économie est fortement dégradée et pénalise l’évolution des recettes fiscales des collectivités locales, les maires de France sont très inquiets. N’entendez-vous pas leur colère, vous qui leur demandez d’assumer un effort insoutenable et réduisez les dotations de l’État – une baisse cumulée de 28 milliards d’ici 2017, ce n’est pas rien !

Il est trop facile de faire porter aux élus locaux la responsabilité de la crise des finances publiques, alors qu’ils sont eux-mêmes soucieux de bonne gestion et se battent sans relâche avec dévouement pour leurs concitoyens. Comment les maires vont-ils faire pour maintenir la qualité des services à leur population, le soutien à la vie associative, l’exigence de solidarité et le fonctionnement des équipements indispensables à la vie quotidienne ?

Quelles seront les conséquences dramatiques du report des projets et de la baisse des investissements, pour nos entreprises du bâtiment et des travaux publics et pour nos artisans ? L’impact sera catastrophique sur l’emploi et le pouvoir d’achat dans nos villes et nos villages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment y ferez-vous face ? En transférant dans le même temps des charges nouvelles aux communes, comme celles liées aux rythmes scolaires, vous voulez faire porter par les maires la responsabilité d’impôts nouveaux.

Je souhaiterais vous poser une question au nom de tous les élus locaux – mais quelle confiance pouvons-nous avoir en votre réponse ? – : où en est le Gouvernement dans sa réforme territoriale, quand auront lieu les élections cantonales et régionales, quelles seront les compétences des départements et des régions ?

Nous vous appelons monsieur le Premier ministre au sens des responsabilités devant les Français, qui sont attachés à la démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur Perrut, les dotations de l’État aux collectivités territoriales représentent un gros quart de leurs recettes. Les autres sont naturellement en progression du fait de l’inflation, de la revalorisation des bases et de l’accroissement physique des bases d’imposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela cache naturellement de grandes hétérogénéités de situations, selon la nature des collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle Gouvernement entend renforcer les systèmes de péréquation tant verticale qu’horizontale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je citerai trois exemples des mesures que le Parlement a adoptées lors de la discussion du projet de loi de finances et qui seront soumises tout à l’heure à votre vote. Il s’agit tout d’abord de la progression du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, qui sera sortie de l’enveloppe normée. Seront ainsi garantis 166 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement des collectivités locales.

Il s’agit ensuite du relèvement du taux de compensation du FCTVA à 16,404 %, ce qui se traduira par une recette supplémentaire en investissement de l’ordre de 250 millions d’euros en 2017.

Il s’agit enfin de la création d’un fonds de soutien, adoptée avec l’avis favorable du Gouvernement sur proposition de votre commission des finances et des groupes de la majorité. Ce fonds prévoit un soutien à l’investissement local doté de 423 millions d’euros en 2015.

Ce sont donc au total 614 millions d’euros en 2015 et près de 840 millions d’euros en 2017 qui viendront soutenir l’investissement dans une période de baisse des concours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)Oui, monsieur le député, comme vous, le Gouvernement est attaché au rôle de lien social – non seulement utile, mais indispensable – que jouent les collectivités territoriales. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Mesures fiscales en faveur des plus modestes

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, nous allons voter cet après-midi la première partie du projet de loi de finances pour 2015. Après de longs débats en commission et dans l’hémicycle, c’est un texte équilibré que nous avons construit.

En 2012, faut-il le rappeler, nous avions trouvé une situation financière très dégradée avec une explosion de la dette publique (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP) particulièrement marquée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Nous avions un devoir : faire baisser le déficit pour préserver la souveraineté et l’avenir de la France. Tous les leviers ont été mobilisés pour soutenir la croissance et le pouvoir d’achat des ménages.

Ce budget 2015 s’articule autour de trois priorités : la relance de notre compétitivité, la maîtrise des dépenses publiques et l’allégement de la pression fiscale sur les foyers les plus modestes.

Pour la première fois depuis cinq ans, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale baissera en 2015. Pour la première fois depuis cinq ans, le projet de budget ne contient aucune augmentation d’impôt. (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Nicolin, s’il vous plaît !

Mme Marie-Lou Marcel. Un impôt plus simple et plus progressif : c’est cela notre projet. Ainsi, la première tranche d’imposition au taux de 5,5 %, sera purement et simplement supprimée. Mais cela ne signifie pas, pour autant, que les autres Français paieront plus d’impôts : cet effort de plus de 3 milliards d’euros va permettre de baisser l’impôt sur le revenu de neuf millions de ménages. Cet effort de justice correspond à notre volonté de soutenir le pouvoir d’achat des classes moyennes et des salariés à faibles revenus.

Un député du groupe UMP. Et les allocations ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous détailler l’impact de ces mesures pour ces millions de Français qui les attendent ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, dès l’été dernier, vous avez adopté une première mesure exceptionnelle de réduction d’impôt en faveur des contribuables dont le revenu équivaut à celui de salariés recevant 1,1 fois le SMIC. Cette réduction a d’ores et déjà été mise en œuvre : elle représente 350 euros pour un contribuable seul et 700 euros pour un couple.

M. Maurice Leroy. Formidable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elle a permis de réduire l’impôt sur le revenu de plus de quatre millions de foyers fiscaux, parmi lesquels deux millions auraient dû être imposés et ne l’ont pas été.

Cette mesure, vous l’avez dit, est portée à plus de 3 milliards d’euros dans le projet de loi de finances 2015, dont la première partie sera soumise au vote de votre assemblée d’ici à quelques minutes. Cela permettra l’allégement de l’impôt des contribuables modestes et moyens.

Concrètement, cette proposition passe notamment, mais pas seulement, par la suppression de la première tranche du barème à 5,5 %, couplée avec un renforcement de la décote et bien sûr avec la fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu. Au total, grâce à ces deux mesures cumulées, ce sont donc près de neuf millions de foyers fiscaux qui seront bénéficiaires, dont trois millions auront évité d’entrer dans l’impôt sur le revenu ou en sortiront.

Madame la députée, vous l’avez évoqué dans votre question,…

Un député du groupe UMP. Ce n’était pas une question !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …plus de quatre jours et quatre nuits de débat, vif, passionné, ont eu lieu sur ce projet de loi de finances pour 2015. Ce débat, le Gouvernement ne l’a jamais fui et encore moins refusé.

Un député du groupe UMP. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce débat est utile, nécessaire et légitime. Il ne doit cependant pas éluder la nécessaire prise de responsabilité que le Gouvernement assume et revendique avec la majorité. Prendre ses responsabilités, c’est aussi nécessaire que de débattre : c’est ce que la majorité des Français attend pour traduire en actes notre volonté d’action au service de la juste contribution de chacun et de la compétitivité de l’économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Impact des restructurations militaires à Châlons-en-Champagne

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Benoist Apparu. Monsieur le Premier ministre, depuis quarante ans, notre pays subit, vous le savez, une désindustrialisation massive. C’est un drame non seulement humain et économique, mais également géographique et démographique, qui déséquilibre lourdement notre territoire. Ainsi, les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne-Ardenne ou Lorraine, qui sont nos régions historiquement industrielles, sont celles qui subissent aujourd’hui les plus graves conséquences de cette désindustrialisation.

Mme Arlette Grosskost. Hélas !

M. Benoist Apparu. À titre d’exemple, la région Champagne-Ardenne est la seule à perdre des habitants depuis trois recensements consécutifs.

Il se trouve que ce grand quart Nord-Est représente aussi l’histoire militaire de notre pays. Vous venez d’annoncer les restructurations militaires pour 2015 : à Châlons-en-Champagne, 1 250 emplois seront supprimés. C’est évidemment un choc économique, social et culturel important. Que l’on se comprenne bien, monsieur le Premier ministre : nous sommes favorables à la réduction de la dépense publique. Nous considérons que c’est par la réduction de l’emploi public que nous y parviendrons,…

M. Patrick Mennucci. Sauf à Châlons !

M. Benoist Apparu. …mais à la condition, comme vient de le dire M. Eckert, que ces efforts soient justement répartis. Vous supprimerez, d’ici à 2019, 12 % des emplois militaires. Supprimez-nous donc 12 % de nos emplois militaires ! Or votre décision, c’est 100 % d’emplois militaires en moins sur Châlons !

J’ajoute qu’en termes d’aménagement du territoire, ce n’est pas la même chose de supprimer 1 250 emplois dans une ville qui compte 45 000 habitants et qui est en décroissance démographique, que de les supprimer dans une métropole en croissance démographique. J’ajoute également, monsieur le Premier ministre, que ce n’est pas la même chose de supprimer 1 250 emplois dans une ville qui risque de perdre son statut de capitale régionale, avec 1 000 autres emplois à la clef !

Mme Laure de La Raudière. C’est irresponsable !

M. Benoist Apparu. Monsieur le Premier ministre, les élus de droite comme de gauche, les forces économiques et sociales de cette région ne vous demandent qu’une seule chose : une politique d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez rappelé que j’ai signé il y a quelques jours l’ensemble du projet de restructuration de la défense pour 2015, en application stricte de la loi de programmation militaire.

Un député du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Conformément à mes engagements devant l’Assemblée, j’ai veillé à ce que cette déflation touche le moins possible les unités opérationnelles.

M. François Sauvadet. C’est réussi !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’essentiel porte sur les structures organiques, sur l’environnement et sur l’administration du ministère. J’ai veillé aussi, et vous le savez, à ce qu’il y ait le moins possible de garnisons dissoutes.

Un député du groupe UMP. C’est raté !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Malheureusement, il a fallu que je fasse des choix douloureux et croyez bien, monsieur le député, que le choix grave que j’ai dû faire répond à un impératif capacitaire mûrement réfléchi, correspondant aux besoins de nos armées demain.

Mais je suis conscient de l’impact économique et social très négatif que ces mesures auront pour votre ville. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir récemment à ce sujet ; j’ai également évoqué devant le Premier ministre vos lourdes et légitimes préoccupations pour que la ville de Châlons ne soit pas plusieurs fois pénalisée. Le Premier ministre va vous recevoir très prochainement et m’a demandé de mettre en place, avec l’ensemble des ministères concernés, un plan exemplaire pour permettre à la ville de Châlons de compenser, autant que faire se peut, la décision que j’ai dû prendre.

M. François Sauvadet. Il n’y a pas que Châlons !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous serons donc amenés à préparer ce plan avec vous, monsieur le député, et avec les élus de l’agglomération, pour faire en sorte que la nation assume ses responsabilités après les décisions que nous avons dû prendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Lutte contre Daesh

M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Colette Langlade. Monsieur le ministre de la défense, dimanche dernier, nos soldats ont procédé à une troisième frappe aérienne contre Daesh. Deux Rafale français se sont rendus dans la région de Baiji-Tikrit après un repérage pour frapper les positions des djihadistes.

Daesh règne par la peur. Au nom de la mission divine dont ils se croient investis, les djihadistes maltraitent, torturent et tuent les populations qui ne se soumettent pas. La France doit continuer à se battre pour ces populations et à aider ces femmes et ces hommes qui, chaque jour, combattent.

Il y a près d’un mois, vous avez lancé l’opération Chammal. Nos forces armées sont mobilisées. Neuf avions Rafale, un avion de ravitaillement et un avion de patrouille ont été envoyés sur place pour assurer des missions de reconnaissance et de bombardement. La frégate anti-aérienne Jean Bart et son équipage d’environ 250 marins les ont rejoints début octobre.

Grâce à eux, nos armées sont pleinement mobilisées sur ce terrain crucial. En combattant le djihadisme, ils se battent pour l’avenir de ces pays et pour la paix, contre des barbares. Nous devons nous unir pour venir à bout de cette menace terroriste. Nos actions sont complémentaires de celles menées par nos alliés.

Monsieur le ministre, la France se bat sur tous les fronts pour aider les populations locales dans cette zone fragilisée. Elle mène des actions diplomatiques avec la Turquie, notamment pour défendre la ville de Kobané. Des actions humanitaires ont été organisées pour soutenir des populations qui manquent aujourd’hui de tout.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter un premier bilan de nos interventions militaires contre Daesh ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la députée, même si on n’en parle pas autant que de ce qui se passe à Kobané, la pression exercée par Daesh, le soi-disant État islamique, sur les provinces irakiennes reste particulièrement forte, notamment au nord contre les Peshmergas, mais aussi autour de la capitale irakienne ainsi que sur la province d’Al-Anbar, à l’ouest de Bagdad.

Cette progression territoriale préoccupe les autorités irakiennes et l’ensemble de la communauté internationale tant l’enjeu est crucial.

La France a pris ses responsabilités à cet égard. Les neuf avions Rafale affectés à cette mission mènent quatre missions de reconnaissance quotidiennes, soit en prélude à des frappes – vous avez évoqué les frappes les plus récentes, dont la dernière a eu lieu il y a moins d’une heure – soit pour d’autres appareils.

Notre action ne se limite à ces interventions de la chasse aérienne. Nous participons à d’autres actions de la coalition. J’ai pu constater hier, lors de ma visite à la base d’Al Udeid, l’esprit de coopération qui règne au sein de la coalition.

Nous soutenons également les forces irakiennes et peshmergas en leur fournissant des armes et en les entraînant à leur maniement.

Dans le domaine politique, nous soutenons la politique d’ouverture du Gouvernement de M. al-Abadi. Enfin nous agissons dans le domaine humanitaire.

La France, madame la députée, assume totalement ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Politique du travail

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier vous êtes allé traire les vaches en Savoie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce désormais célèbre stage rural me conduit à émettre le vœu qu’il vous ait converti au bon sens paysan qui manque si cruellement à la réglementation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez côtoyé des agriculteurs, entrepreneurs indépendants qui sont de plus en plus contraints par une administration elle-même obligée d’appliquer des règles et normes qui ne sont pas toujours d’origine législative.

Je ne sais pas comment votre ministre du travail compte s’y prendre pour contrôler les chômeurs, mais il sait si bien contrôler ceux qui travaillent qu’il les décourage d’embaucher.

En France, on emmerde que ceux qui travaillent, alors que je croyais naïvement que le ministre du travail était là pour défendre le travail !

En fait il défend de travailler trop, de travailler trop tôt, de travailler trop tard, de travailler trop jeune, de travailler trop vieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mais il y a beaucoup plus grave, voire carrément abject, quand un inspecteur du travail, Gérard Filoche en l’occurrence, ose des propos insupportables, inadmissibles à l’encontre de Christophe de Margerie, tragiquement disparu cette nuit dans l’exercice de son métier. Faites que le parti socialiste réagisse vite : que Filoche soit exclu du bureau national du PS, si vous ne voulez pas porter à jamais l’étiquette « Je déteste les chefs d’entreprise ». (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous charger votre gouvernement « pro business » de libérer et d’honorer enfin le travail ? Quand va-t-on enfin en France respecter et honorer ceux qui travaillent ? Quand allez-vous cesser de traire ceux qui prennent tous les risques pour financer le fonctionnement de la société française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Votre majorité s’effiloche !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Honnêtement je ne sais pas par quel bout prendre votre question, tant elle est désordonnée et incohérente.

Un député du groupe SRC. Ce n’est pas une question, c’est de la bouillie !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La politique menée par ce gouvernement n’a rien à voir avec la caricature que vous venez d’en faire, comme le prouve l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, présenté par le ministre de l’agriculture, qui visite aujourd’hui, aux côtés du Président de la République, le salon de l’industrie agroalimentaire en France. Ce débat a en effet permis de dégager de nombreuses convergences sur tous ces bancs, loin de propos aussi caricaturaux.

Il nous faut être aux côtés de notre agriculture, de nos agriculteurs, de nos éleveurs, de nos paysans qui souffrent. Nous devons les aider à traverser la crise économique, sociale, voire morale qu’ils traversent selon leurs propres propos par des politiques d’aides publiques, la réorientation de la politique agricole commune – nous avons obtenu des succès dans ce domaine, vous le savez parfaitement – par une politique d’aménagement du territoire. Tel est le sens des Assises nationales de la ruralité : assurer un équilibre au profit de territoire qui connaît depuis longtemps un sentiment d’abandon et d’absence de protection. (« Et Filoche ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Plutôt que de nous livrer à de telles caricatures, essayons ensemble de répondre à cette détresse, tout en valorisant les excellentes performances de nos filières agroalimentaires, qui tirent l’économie par le haut et sont au cœur de nos exportations. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez, monsieur le député, évoqué des propos insupportables publiés cet après-midi même. Emmanuel Macron a eu l’occasion de rappeler le sentiment qui était celui du Gouvernement et du Président de la République, et qui est partagé par beaucoup d’entre vous, à propos de la mort tragique de Christophe de Margerie.

Pour beaucoup d’entre nous il était d’abord un ami, et cela compte. Il était surtout un grand chef d’entreprise, qui avait sur tiré Total vers le haut et préparé la société à la modernité, notamment à la transition énergétique.

Il était le visage de cette entreprise, qui est aussi une des grandes marques françaises.

Face au décès d’un homme dans des conditions aussi tragiques – nous avons une pensée pour son épouse, pour ses enfants, pour sa mère, pour ses proches, et pour tous les salariés de Total, qui sont particulièrement affectés –, quels qu’aient pu être son parcours et les désaccords qui ont pu exister avec lui, il n’y a qu’une attitude possible : la dignité. Tous ceux qui tiennent des propos qui ne sont pas de ceux qu’on peut prononcer à l’encontre d’un homme qui vient de disparaître, ne méritent pas d’appartenir à la grande formation républicaine qui est la mienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Incendies d’écoles à Corbeil-Essonnes

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Carlos Da Silva. Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a quinze jours, en pleine nuit, deux voitures incendiées attaquaient une école et une médiathèque dans ma ville, Corbeil-Essonnes, détruisant en grande partie ces bâtiments symboliques de notre République, lieux de savoir, d’apprentissage et d’épanouissement.

Hier, une autre école était gravement endommagée.

Ce matin, avec la ministre de l’éducation nationale, vous êtes venu constater les dégâts, considérables, écouter les enseignants et les parents, les assurer de votre soutien et de votre détermination. En leur nom, je vous en remercie.

Les Corbeil-Essonnois en ont plus qu’assez. Déjà en 2011, puis en 2012, de nombreux bâtiments publics avaient été visés et détruits. Incendier des écoles ou une médiathèque, comme à Corbeil-Essonnes, incendier un centre des impôts, comme en septembre dernier à Morlaix, ce n’est pas se révolter. Ce n’est pas une jacquerie, mes chers collègues. C’est attaquer la République.

Vous le savez, il règne dans ma ville un climat bien particulier qui ne doit ni perdurer ni justifier aucune de ces violences.

La République ne saurait admettre la moindre attaque qui vienne intimider ou menacer ses enfants, dans les lieux où ils doivent toujours se sentir en sécurité.

Je sais les efforts de notre Gouvernement et la mise en place d’une zone de sécurité prioritaire a permis d’obtenir des résultats concrets.

Il n’en reste pas moins, comme les parents et les enseignants vous l’ont dit, que la peur continue de régner. Je partage totalement la colère et l’indignation qu’ils expriment.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que la mobilisation de l’État sera totale pour prévenir tout nouvel acte criminel, poursuivre et interpeller leurs auteurs, permettre aux enfants et aux familles de Corbeil-Essonnes de retrouver la sérénité à laquelle tous nos concitoyens ont droit, partout, sur tout le territoire de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, merci d’avoir rappelé la détermination qui est la nôtre de lutter contre ces actes extrêmement graves de délinquance et d’incivilité que nous avons constatés, avec la ministre de l’éducation ce matin à vos côtés, actes qui se sont produits de façon récurrente ces dernières semaines, comme ils s’étaient produits en 2010 et en 2012.

Le Premier ministre avait à l’époque qualifié le climat et il a rappelé récemment la détermination de l’État à lutter contre ces actes très graves de délinquance.

Des écoles qu’on attaque et qu’on brûle, une médiathèque qui est un lieu de culture : cela implique de notre part la plus grande fermeté, la plus grande détermination, pour lutter contre ces actes.

Alors, que faisons-nous très concrètement ? D’abord, j’ai décidé de mettre une demi-brigade des compagnies républicaines de sécurité supplémentaire sur la ville de Corbeil-Essonnes, de manière à pouvoir afficher une présence plus forte sur la voie publique dans le quartier où ces actes se sont produits.

Ensuite, nous avons décidé de donner des moyens supplémentaires de police judiciaire en adjoignant des effectifs de la direction régionale de police judiciaire de Versailles à la PJ du département.

J’ai également décidé de faire en sorte qu’il y ait une présence constante dans ce quartier, par une mobilisation totale des effectifs de la circonscription de sécurité publique et en y adjoignant les effectifs du département.

Ce matin, un nouvel acte s’est produit : des individus ont attaqué un fourgon de transport de fonds. Les forces de l’ordre, vous l’avez constaté, ont immédiatement réagi. L’un des individus a été interpellé. Une partie du butin a été récupérée. Je veux vous assurer qu’à travers les moyens que nous mobilisons, nous sommes déterminés à démanteler cette poignée d’individus qui constitue une filière organisée du crime, dans une ville dans laquelle, vous l’avez rappelé, il existe un climat. Ce climat doit cesser et ces filières doivent être démantelées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Madame la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur de la recherche, les premières estimations sur les contenus des contrats de plan État-région sont sorties et je dois vous dire que les acteurs sont tout simplement abasourdis.

Le contrat de plan précédent attribuait 2,9 milliards à l’enseignement supérieur, le prochain à ce jour atteint à peine les 950 millions d’euros.

Est-ce là l’illustration de l’engagement du Président de la République en faveur de la jeunesse et de l’éducation ? Le Président disait vouloir être jugé sur l’état de la jeunesse à la fin de son mandat. Force est de constater qu’à mi-mandat, les étudiants sont déjà abandonnés.

Le dernier exemple, d’ailleurs, concerne la bourse au mérite, outil symbolique en faveur de l’excellence, de l’ascension sociale, dont vous aviez annoncé brutalement la suppression avant, heureusement, de vous faire attraper par le Conseil d’État.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme Catherine Vautrin. Ce contrat de plan brise les différentes dynamiques engagées, qu’elles soient territoriales ou pédagogiques. On compte 35 800 étudiants supplémentaires chaque année. Dans toutes les universités, les besoins de rénovation sont énormes. Cet abandon risque de renforcer les inégalités entre les universités : celles qui font partie du plan Campus, qui ont une enveloppe de plusieurs millions d’euros, qui sont autorisées à emprunter et les autres.

Quid de la recherche, de l’innovation, du rayonnement international de la France ? C’est très simple, l’État les a abandonnés ! Resterez-vous sourde au désespoir et au départ à l’étranger des chercheurs, et à l’appel de l’Académie des sciences pour un retour du soutien à la recherche fondamentale ?

Une vision prospective et constructive aurait consisté à octroyer aux universités et aux territoires des instruments leur permettant de développer leur propre financement.

Nous savons tous que l’argent public est rare. Les arbitrages sont d’autant plus importants. Avec votre projet, c’est le renoncement à toute politique d’innovation, à toute ambition d’excellence.

Comment entendez-vous assurer un rééquilibrage, indispensable au développement économique de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. À trop forcer la charge, madame la députée, on finit par se décrédibiliser. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Au moment même où vous demandez une réduction des dépenses publiques, vous demandez également un effort plus important pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Je partage votre préoccupation, car l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce qui engage l’avenir de notre pays. Néanmoins, ce budget fait partie des rares qui aient augmenté : plus de 600 millions d’euros en deux ans.

Quels ont été nos choix sur ces 600 millions d’euros ? Pour 458 millions d’euros, de budgétiser correctement – ce que vous n’aviez pas fait – le dixième mois de bourse pour les étudiants. Ensuite, de permettre à 135 000 étudiants qui étaient au niveau zéro – ce qui veut dire : zéro euro – de toucher 1 000 euros. Ils sont 135 000 à bénéficier de cette mesure. C’est la classe moyenne, que vous défendez, que nous défendons !

M. Claude Goasguen. Vous rigolez, non ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Nous avons aussi permis à 35 000 étudiants de bénéficier d’une augmentation de 15 % de leur bourse.

Oui, nous avions l’intention de supprimer la bourse au mérite, parce qu’elle n’avait pas d’effet de levier permettant d’accueillir davantage d’étudiants issus des classes les plus modestes. Nous sommes le pays de l’OCDE qui accentue le plus les disparités sociales. Ce déterminisme social est insupportable, tout comme l’est d’ailleurs, madame la députée, le déterminisme territorial. C’est pourquoi les contrats de plan État-région sont aujourd’hui encore en discussion et j’ai à cœur, le Premier ministre aura à cœur, de préserver toute la place de l’enseignement supérieur et de la recherche – comme ce gouvernement l’a fait depuis deux ans, pour que ce soit une véritable priorité, ce que vous n’avez jamais fait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. C’est faux !

Aide médicale d’État

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, avec 12,5 milliards d’euros au lieu des 9,5 milliards votés lors du dernier budget, le déficit de la Sécurité sociale dérape.

Le 3 juin dernier, madame la ministre Touraine répondait devant les sénateurs à une question portant sur l’aide médicale d’État (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) – prestation qui permet aux étrangers en situation irrégulière de se faire soigner en France – et avouait enfin que son budget s’est envolé, passant de 588 à 744 millions d’euros en un an en raison du bond du nombre de bénéficiaires dont on ne connaît d’ailleurs pas le chiffre exact ; elle a également précisé que la hausse de la fraude à l’AME est massive, des fraudes tellement importantes que le journal Le Parisien y a consacré un dossier spécial. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, pour des motifs idéologiques, vous avez supprimé le timbre instauré en 2011 par François Fillon, à la demande de Dominique Tian, qui avait pourtant permis de réduire de 200 000 le nombre de bénéficiaires de cette prestation.

De nos jours, un clandestin capable de justifier de sa présence sur le territoire depuis trois mois est pris en charge à 100 % alors qu’une personne qui cotise à la Sécurité sociale n’est prise en charge qu’à 70 % pour ses consultations et entre 15 % et 65 % pour les médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Alors que, faute d’informations, mon collègue Claude Goasguen peine à rédiger un rapport chiffré sur l’AME, vous décidez tout de même d’augmenter de 73 millions d’euros le budget global de cette dernière. Sur quelle base ? À ce rythme, son budget atteindra le milliard d’euros en 2016 !

Mais cela ne s’arrête pas là !

De nombreux étrangers en situation irrégulière n’attendent désormais qu’une chose : leur régularisation et le passage de l’AME à la CMU ou à la CMU-C qui, en plus de la gratuité des frais de santé, entraîne de nombreux avantages tels que des tarifs préférentiels pour les transports, EDF, le gaz, la cantine, etc.

Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires de la CMU-C a flambé et a augmenté d’un million de personnes puisqu’il est passé de 5 à 6,3 millions.

Dans ce système devenu injuste et fou, ce sont encore les classes moyennes, celles qui cotisent, qui bénéficient le moins…

M. le président. Je vous remercie.

Mme Valérie Boyer. …de notre système de notre solidarité français… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames et messieurs les députés, madame Valérie Boyer, qu’il est facile de trouver des boucs émissaires dans les périodes difficiles ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qu’il est facile d’attaquer, d’agresser et de montrer du doigt ceux qui sont supposés être responsables de tous nos maux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La vérité, madame la députée, c’est ce que lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez été incapables de maintenir le budget de la Sécurité sociale en équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez été incapables de maîtriser l’évolution des dépenses…

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir ! L’aide médicale d’État, c’est l’État, pas la Sécurité sociale !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et la seule réponse que vous avez trouvée pendant ces années-là, madame la députée, ce fut d’ajouter des déremboursements aux déremboursements et de stigmatiser jour après jour ceux qui sont pauvres et ceux qui viennent de l’étranger.

De la sorte, madame la députée, avez-vous enrayé la spirale du déficit ? Que nenni, puisque nous avons trouvé le déficit le plus écrasant de toute l’histoire récente tandis que, je le répète, vous montriez du doigt les étrangers et les plus pauvres !

Alors, madame la députée, je le dis et le redis : l’aide médicale d’État, c’est à la fois une exigence de solidarité et de santé publique.

Ceux qui ont combattu votre décision visant à mettre en place un timbre pour accéder à l’AME, ce sont les médecins, les professionnels de santé hospitaliers et libéraux, selon qui vous avez fait peser un risque de santé publique sur l’ensemble de la population. Contrairement à toutes nos valeurs, vous empêchiez ainsi ces personnes d’accéder à des soins à un moment où il est encore possible de les soigner !

Alors, madame la députée, encore une fois, nous parlons, nous, des valeurs de solidarité et de responsabilité lorsque vous n’avez à la bouche que la stigmatisation idéologique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

Leucose bovine à La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et porte sur l’inquiétante surmortalité enregistrée dans les cheptels laitiers de La Réunion.

Selon une expertise récente, la cause principale se trouverait dans une maladie non transmissible aux hommes mais très contagieuse : la leucose bovine enzootique.

Alors qu’il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire et que depuis 1990 les cheptels font l’objet, en France et dans l’Union européenne, de mesures de dépistages et de plans d’assainissement, La Réunion est restée à l’écart de toutes ces précautions, à l’exception d’un éphémère plan d’éradication en 2002.

Résultat : 70 % du cheptel laitier est atteint, des éleveurs sont ruinés et ont dû abandonner leur activité, la production laitière a chuté.

Inédite, cette absence durable de dépistage de la leucose bovine s’expliquerait par des dérogations successives, la dernière ayant été renouvelée en 2007 sous la forme d’une simple lettre émanant de la direction en charge de la santé et de la protection animale du ministère de l’agriculture.

Cette dérogation est toujours en vigueur bien qu’aucun texte réglementaire ne l’ait validée.

Sans doute la crainte que trop de bêtes ne soient abattues explique-t-elle que la leucose bovine n’ait jamais été combattue à La Réunion.

Cependant, l’ensemble de la filière laitière a fini par être fragilisée. Un grand nombre d’élevages sont en difficulté ou, pire, ont déjà disparu.

Pourtant, les éleveurs qui supportent seuls les conséquences de ces décisions sont disposés à relancer l’activité laitière pour peu que des mesures appropriées les accompagnent durant cette sortie de crise sanitaire.

Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre pour que La Réunion ne soit plus le seul territoire de l’Union européenne dans lequel la leucose bovine ne fasse pas l’objet d’un contrôle obligatoire et systématique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Mesdames, messieurs les députés, madame la députée Huguette Bello, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, actuellement au salon de l’alimentation avec le Président de la République.

Vous appelez notre attention sur les problèmes rencontrés par les éleveurs à La Réunion et la situation sanitaire préoccupante des élevages.

Je peux comprendre l’inquiétude des exploitants quant à la viabilité sur l’île de ce secteur qui, pourtant, permettait de couvrir les besoins alimentaires d’une grande partie des Réunionnais.

Parmi les difficultés dont vous avez parlé figure la leucose bovine, maladie très contagieuse mais qui, en effet, est sans incidence sur l’homme.

Plusieurs études et expertises scientifiques ont été menées successivement par le conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, l’agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, le centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement – le CIRAD –, l’institut de l’élevage ainsi que la direction de l’agriculture et de la forêt, la DAF.

Elles ont conclu que la surmortalité observée n’est pas uniquement imputable à cette maladie et ont recommandé un meilleur encadrement technique des éleveurs dans le domaine des bonnes pratiques d’élevage.

Par conséquent cette maladie, dont la prévalence est mal connue à La Réunion, n’est visiblement pas à l’origine de l’ensemble des problèmes sanitaires que connaissent les éleveurs.

Un plan d’action global sera engagé avec un triple objectif : connaître précisément la situation épidémiologique, définir les conditions d’éradication de la maladie, préciser les mesures techniques et financières mobilisables au bénéfice des éleveurs dans un tel contexte.

J’ajoute que le directeur général de l’alimentation se rendra à La Réunion le 6 novembre et qu’à cette occasion il échangera avec les professionnels et les services de l’État.

Nous essayons ainsi de répondre le plus efficacement possible à la difficulté que vous soulevez.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

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Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

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Projet de loi de finances pour 2015

(Première partie)

Votes solennels

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur, d’une part, l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (nos 2236, 2245) et, d’autre part, l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Explications de vote communes

M. le président. Dans le cadre des explications de vote, la parole est à M. Dominique Lefebvre, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous allons dans quelques instants adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2015, ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, au terme de quarante-deux heures de débats et après l’examen de plus de 660 amendements, dont plus de 90 ont été adoptés à l’initiative des différents groupes de la majorité parlementaire.

Je veux tout d’abord saluer la qualité de ces débats, qui doit beaucoup à l’engagement, à la précision et à la clarté des interventions du secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. C’est vrai !

M. Dominique Lefebvre. Il était encore des nôtres l’année dernière et connaît donc bien notre procédure parlementaire. Il n’a évacué aucun débat et a de ce fait pleinement et complètement respecté le Parlement. À ce titre, il mérite donc nos applaudissements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Trois enseignements peuvent être tirés de ce débat.

D’abord, la droite, dans son ensemble, confirme qu’elle est amnésique, incohérente et inconséquente, et qu’elle n’est vraiment pas prête à revenir aux responsabilités.

M. François Rochebloine. Comme vous y allez !

M. Dominique Lefebvre. Amnésique, la droite n’a toujours pas assumé sa responsabilité dans le triple déficit financier, de croissance et de compétitivité dans lequel elle a laissé le pays. Incohérente, la droite, qui appelle à une politique d’austérité mortifère avec 100 à 130 milliards d’euros de coupes dans les budgets publics, a voté contre toutes les mesures d’économies proposées par ce projet de loi de finances et n’en a proposé aucune de sérieuse. Elle a même plutôt proposé des dépenses nouvelles non gagées et des diminutions de recettes qui auraient conduit, si nous les avions adoptées, à une explosion du déficit public.

M. Laurent Furst. Elle est populaire, que voulez-vous !

M. Dominique Lefebvre. Inconséquente, la droite, alors même qu’elle dénonce le matraquage fiscal sur les classes moyennes, a voté contre la baisse de l’impôt sur le revenu, justement pour les classes moyennes et les ménages modestes. Elle a surtout proposé, fidèle en cela à sa politique de classe habituelle, la suppression de l’impôt sur la fortune et d’autres mesures qui ne concernent que les ménages les plus riches de ce pays, tout en demandant une augmentation massive de la TVA, qui aurait pesé sur les plus modestes et aurait été une grave erreur économique dans le contexte actuel.

Le deuxième enseignement de ce débat, c’est la cohérence et l’esprit de responsabilité de notre groupe socialiste, républicain et citoyen et, plus largement, de la majorité parlementaire.

L’engagement pris à l’ouverture de nos débats de soutenir l’action du Gouvernement, qui conduit au plan européen un débat et une négociation essentiels pour la réorientation des politiques publiques en faveur de la croissance et de l’emploi, a été tenu. C’est ce que nous avions de mieux à faire et c’est ce que nous avons fait.

Nous faisons le choix du sérieux budgétaire, qui s’oppose à la fois à l’austérité et à la fuite en avant dans les déficits et dans la dette, le choix d’une nouvelle trajectoire de redressement des comptes publics, adaptée à l’environnement économique international actuel.

Nous respectons l’objectif de maîtrise de la dépense publique pour 2015 et nous avons même amélioré, fût-ce de peu – 4 millions d’euros –, le solde de l’article d’équilibre. Aussi et surtout, nous confirmons le choix de la compétitivité et donc celui, renouvelé, du pacte de responsabilité et de solidarité : rien que ce pacte, mais tout ce pacte.

Nous poursuivrons donc la politique de redressement de la compétitivité de nos entreprises, comme nous soutiendrons la demande, donc la consommation des ménages, en redonnant du pouvoir d’achat aux familles modestes et à la classe moyenne par un allégement significatif de l’impôt sur le revenu, qui bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux modestes et des classes moyennes. C’est là, et je veux y insister, l’une des mesures phares du texte que nous allons voter. Chacune et chacun doit mesurer l’importance de ce vote pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais aussi pour le soutien à la croissance.

M. Guy Geoffroy. Tu parles !

M. Dominique Lefebvre. La mise en place du nouveau crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui accompagne le vote, survenu la semaine dernière en première lecture, du projet de loi pour la transition énergétique, est une autre mesure phare de cette première partie du projet de loi de finances, que je veux également souligner.

Le troisième enseignement de ce débat, c’est la qualité et le caractère productif du dialogue constant et riche entre le gouvernement de Manuel Valls et notre majorité. Au nom du groupe socialiste, je vous remercie donc, messieurs les ministres, pour l’écoute qui a été celle du Gouvernement ; cette écoute a permis à notre majorité parlementaire d’affirmer ses choix.

Je ne donnerai qu’un seul exemple, touchant à l’investissement public local, qui doit être préservé, autant que faire se peut. La maîtrise de la dépense publique s’impose à tous : État, opérateurs de l’État, collectivités locales. Mais nos efforts de relance de l’investissement privé seraient beaucoup moins importants si nous assistions dans le même temps à une diminution trop importante de l’investissement public.

Nous avons donc su trouver, avec le groupe écologiste et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, des mesures complémentaires ciblées, efficaces et soutenables budgétairement, avec la création d’une dotation à l’investissement local de plus de 400 millions d’euros et un effort global de près de 860 millions d’euros à l’horizon 2017 en direction des collectivités locales et de l’investissement public.

À ce propos, les mesures adoptées aux fins de garantir le financement de l’Agence de financement des infrastructures de France et d’assurer la contribution des transporteurs routiers après l’échec de l’écotaxe vont également permettre d’engager ces investissements publics, qui sont indispensables à la modernisation du pays, ainsi qu’au soutien de l’activité et à la croissance.

Grâce à ce projet de loi de finances, enfin, le logement et la construction seront également soutenus, le foncier mobilisé et l’accession sociale à la propriété encouragée dans 1 300 nouveaux quartiers prioritaires.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe SRC votera cette première partie du projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le groupe UMP votera contre cette première partie du projet de loi de finances pour 2015. (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Plusieurs de nos collègues, Marie-Christine Dalloz et Jérôme Chartier, notamment, ont eu l’occasion de développer de manière convaincante, pendant les débats de ces derniers jours, les raisons qui nous conduisent à ce vote.

Lors de la discussion générale, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur ce que certains imaginaient être votre conversion à une meilleure politique économique et budgétaire. J’étais dubitatif quant à la réalité de cette conversion, mais je vous ai posé la question.

Le constat qui s’impose, au terme de nos discussions, c’est que cette conversion ne s’est, hélas, pas produite. Certains l’espèrent peut-être, d’autres la commentent, mais elle n’est pas là.

Le constat, c’est l’augmentation de la fiscalité, qu’il s’agisse du prix du gazole, de la redevance audiovisuelle ou des conséquences, pour l’année 2015, de décisions fiscales prises antérieurement.

Le constat, c’est le mensonge d’État érigé en mode de gouvernement, avec les commentaires ministériels sur la taxe poids lourds ou sur les autoroutes.

Le constat, ce sont vos contradictions au sujet du crédit d’impôt compétitivité emploi et de la relation hypothétique, et bien difficile à comprendre, que Mme Aubry voudrait instaurer entre celui-ci et le crédit d’impôt recherche.

Le constat, c’est encore le poids de la communication. On peut lire cette phrase superbe dans Le Monde de ce soir, au sujet de la relation que vous construisez avec l’Allemagne, dans une pure logique de communication : « On ne demandait rien, on n’a rien obtenu, et réciproquement. » Voilà ce qu’est le gouvernement de la France en octobre 2014...

Ce constat est triste, bien loin de la conversion que vous essayez de vendre à certains.

M. Bernard Deflesselles. C’est plus que triste !

M. Hervé Mariton. La réalité, c’est une dette qui va atteindre 98 % du produit intérieur brut en 2016.

M. Jean Glavany. Et vous, à combien l’aviez-vous laissée ?

M. Hervé Mariton. Elle représentait 93 % du PIB en 2013 et 95 % en 2014 ; elle s’élèvera à 97 % en 2015 et 98 % en 2016. Telle est la chronique implacable de l’évolution de la dette de la France, qui fait peser sur le budget, comme chacun sait, la lourde hypothèque d’un retournement des taux d’intérêt. Vous prenez des risques pour demain et pour après-demain, des risques très lourds, sur le dos du contribuable et de toute notre économie.

Les déficits se sont aggravés : en 2014 et 2015, ils seront plus élevés qu’en 2013. L’amélioration de la situation de nos finances publiques est donc interrompue.

Par ailleurs, les économies sont incertaines – le président Carrez a eu l’occasion de le rappeler. Sur les 21 milliards d’euros d’économies dont vous avez parlé, la part de l’État devait s’élever à 8 milliards d’euros. Or seuls 3 milliards d’euros d’économies sont justifiés. De même, concernant les dépenses sociales, vous ne justifiez que 2 des 10 milliards d’euros évoqués. Sans doute les collectivités locales feront-elles ces économies…

Au total, sur les 21 milliards d’économies que vous annoncez, moins de la moitié – moins de 9 milliards d’euros – est justifiée.

Enfin, la trajectoire européenne n’a aucune réalité. Vous évoquez une réduction du déficit à moins de 3 %. Quand ? En 2017 ! Les années électorales ont pour vertu de permettre d’annoncer des résultats que vous n’aurez pas à vérifier à ce moment-là.

Quant au retour à l’équilibre – moins d’un point de déficit – en 2019, il apparaît bien loin des engagements que vous aviez pris antérieurement pour la trajectoire de nos finances publiques.

Dans cette situation, les failles sont certaines et les espoirs, abîmés.

Nous, députés du groupe UMP, espérons une autre politique économique et une autre politique budgétaire, une rigueur assumée et justifiée, le choix de l’investissement plutôt que celui du fonctionnement.

Vous restez marqués par ce péché originel des recrutements d’emplois publics du début de mandat. Vous savez que ce choix était erroné. Pourtant, vous ne voulez pas y renoncer.

Le choix de l’investissement plutôt que du fonctionnement suppose de se tenir à une trajectoire cohérente dans la durée. Mesurez les conséquences économiques néfastes des réajustements permanents de trajectoire que vous êtes obligés de présenter devant l’Assemblée nationale !

Cette trajectoire cohérente dans la durée, ce n’est pas une bigoterie à l’égard de l’Europe, c’est simplement du bon sens dans la gestion des finances publiques, pour rétablir le crédit de l’action publique, pour retrouver la confiance des Français et le chemin de la croissance et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire budgétaire. Trop de temps a été perdu et des réformes structurelles vitales pour notre pays ont trop longtemps été repoussées.

Nous devons aujourd’hui choisir, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, entre le courage des réformes structurelles qui, seul, permettra de sortir notre pays de la crise…

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Charles de Courson. …ou le renoncement, qui placera inévitablement la France sous une forme de contrôle de Bruxelles et surtout des marchés financiers.

En effet, mes chers collègues, tous les indicateurs sont au rouge. La croissance, malgré l’optimisme gouvernemental, reste extrêmement faible.

En 2013, comme en 2012, elle n’a pas dépassé 0,3 % ; en 2014, le Gouvernement l’a réévaluée à 0,4 %, au maximum. Et pour 2015, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous prévoyez à présent une croissance de 1 %, ce que le Haut conseil des finances publiques lui-même juge toujours optimiste car cela supposerait « un redémarrage rapide et durable de l’activité que n’annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels ».

Le Gouvernement persiste – il n’est pas le premier – dans un optimisme excessif en continuant d’afficher des taux de croissance encore trop élevés par rapport à la réalité. Peut-être cette attitude s’explique-t-elle par la nécessité de ne pas afficher une nouvelle croissance des déficits publics en 2015 !

En outre, les résultats sont tout aussi inquiétants pour ce qui concerne tant les déficits publics que le non-respect de nos engagements européens.

Le candidat Hollande promettait de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut en 2013. Il a aujourd’hui renoncé à cet objectif. Après sa révision à 3,7 % du PIB, le déficit a finalement dérapé à 4,1 % en 2013. Et en 2014, il repart à la hausse puisqu’il atteindra, d’après vos prévisions, 4,4 % !

Enfin, en 2015, il excédera les 4,4 % de 2014 car les moins-values fiscales liées à une moindre croissance dépasseront largement les 2 milliards d’euros. Le Gouvernement a donc décidé, en fait, d’abandonner toute réduction importante du déficit, et cela sans consultation préalable de nos partenaires européens.

Au fond, mes chers collègues, Martine Aubry a déjà gagné, qui pense que la réduction des déficits n’est plus la priorité !

Quant aux économies dont vous prétendez qu’elles vont atteindre en 2015 21 milliards d’euros sur l’ensemble des administrations publiques, je n’en ai trouvé que 7,4 milliards c’est-à-dire le tiers !

Une approche analytique de ce projet de loi de finances permet de constater que le budget de l’État réalisera à peine 1 milliard d’euros d’économie, sur les 5,4 milliards d’euros annoncés.

Sur le budget de l’Union européenne, il n’y a pas d’économie mais une dépense supplémentaire de 800 millions d’euros.

Quant aux dépenses des opérateurs de l’État, hors taxes affectées, elles passent de 21,3 milliards d’euros en 2014 à 21,3 milliards d’euros en 2015. Où sont les économies ?

Sur le bloc des collectivités territoriales, les économies espérées sont de l’ordre de 2 milliards d’euros au maximum, loin des 3,7 milliards annoncés, qui concernent les recettes – puisque l’État réduit ses dotations de 3,7 milliards d’euros – et non les dépenses des collectivités territoriales.

Concernant les 10 milliards d’euros d’économies de la Sécurité sociale, seuls 2,8 ou 2,9 milliards sont réels.

Faisons la synthèse de tout cela. Nous arrivons à 6,1 milliards d’économies réelles, et 7,4 si nous ajoutons la branche chômage et les régimes complémentaires vieillesse qui sont gérés par les partenaires sociaux et non par le Gouvernement, soit à peu près 1,3 milliard d’euros. Mais 7,4 milliards sur 21, ce n’est que le tiers ! Il manque donc 14 milliards. Et où sont-ils ? Nulle part !

D’ailleurs, mes chers collègues, la part des dépenses publiques, y compris les crédits d’impôts remboursables, qui sont à présent considérés comme des dépenses dans la nomenclature européenne, est en augmentation. Il n’y a donc pas de réduction du poids des dépenses publiques dans la richesse nationale.

Enfin, mes chers collègues, sans des réformes structurelles, le redressement de la France est impossible ! En refusant de les engager, vous condamnez le pays au marasme économique et au déclin pendant encore deux ans et demi.

Avec ce projet de loi de finances pour 2015, vous faites le choix du renoncement : vous renoncez aux objectifs fixés dans un cadre européen en termes de déficit, vous renoncez à tout faire pour favoriser le retour de la croissance, vous renoncez à inverser la courbe du chômage, vous renoncez à baisser la dépense publique dans la justice, vous renoncez, enfin, à rétablir la confiance.

Vous renoncez également aux six grandes réformes structurelles indispensables au redressement du pays : une vraie réforme de l’État et des collectivités territoriales, une réforme de la protection sociale et de la santé, la rénovation de la démocratie sociale, la transition écologique et la valorisation de la ressource humaine de la nation.

Une autre voie est possible, mes chers collègues. Nous vous demandons solennellement de faire ce choix du courage, en revenant sur les erreurs commises depuis le début de ce quinquennat et en engageant sans tarder les six réformes structurelles que tous, sur ces bancs, savent nécessaires.

C’est pour toutes ces raisons que les députés du groupe UDI voteront contre le projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, trois chiffres résument ce budget : 8 milliards d’euros de coupes dans le budget de l’État ; 19 milliards d’euros d’aides aux entreprises ; seulement 3 milliards d’euros pour les ménages. Force est de constater que le Gouvernement persiste dans une politique qui n’a pas porté ses fruits.

Malgré les inquiétudes exprimées maintes fois dans cet hémicycle, malgré les propositions alternatives, faites notamment pour mieux cibler les aides aux entreprises et éviter les effets d’aubaine, malgré les conséquences désormais avérées sur l’activité et sur l’emploi, le Gouvernement poursuit une politique qui n’a pas démontré ses résultats et qui n’est pas celle pour laquelle les Français ont voté en 2012.

Car que constatons-nous sur le plan économique ? En 2014, les prévisions de croissance ont dû être révisées de 0,9 à 0,4 %. Le chômage a augmenté de 5,2 % en un an, soit 170 000 demandeurs de plus qu’au mois d’août 2013.

Pourtant, de nombreux députés sur ces bancs avaient fait part de leurs inquiétudes et de leurs doutes face à ces orientations et plus encore face à la concomitance des politiques de consolidation budgétaire menées partout en Europe. Mais ils n’ont pas été entendus !

Vous nous parlerez bien sûr des points positifs de ce budget. Il y en a : la mesure concernant le bas de barème de l’impôt sur le revenu – 3,2 milliards d’euros en faveur des ménages au revenu modeste –, notamment, va dans le bon sens.

Vous nous parlerez également de la nécessité de revenir progressivement à l’équilibre budgétaire. Nous ne le contesterons pas.

Vous nous parlerez aussi, sans doute, des mesures d’économie, qui sont utiles et qui permettront une meilleure gestion des deniers publics. Et nous vous soutiendrons car nous ne pouvons suivre la droite, qui propose 130 milliards de coupes dans les dépenses publiques et qui pousse des cris d’orfraie dès que la moindre mesure d’économie est proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais cela ne pourra pas masquer les coupes budgétaires qui affectent des budgets et des politiques publiques essentiels à la cohésion de notre société.

Je pense d’abord aux collectivités territoriales, dont les dotations sont réduites de 9 %, soit 3,5 milliards d’euros.

Je pense bien sûr ensuite au budget de l’écologie, en baisse de 6 %,…

M. Jacques Myard. Bien fait !

Mme Eva Sas. …soit des coupes budgétaires à hauteur de 481 millions d’euros. Je pense aux répercussions de cette mesure sur le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, à peine stabilisé à 1,9 milliard d’euros, très en deçà des besoins exprimés.

Alors, monsieur le ministre, je sais que vous ne faites que gérer les conséquences financières d’une gestion chaotique du dossier de la taxe poids lourds… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

…chaos dont les responsabilités sont partagées, à droite comme à gauche.

Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un budget des transports où la plus grande incertitude demeure sur le financement des contrats de projet État-région et sur les projets de transports ferroviaires, fluviaux, urbains, qui attendent votre soutien.

Que dire enfin du rôle que vous réservez au Parlement ? Chaque fois qu’il propose une inflexion, une proposition alternative, un meilleur ciblage des mesures, il se voit opposer la réserve des votes, comme ce fut le cas à de trop nombreuses reprises lors de l’examen de ce projet de loi de finances, et ce, malgré la qualité du débat que nous avons eu, dont je voudrais vous remercier, monsieur le secrétaire d’État et madame la rapporteure générale.

Pour toutes ces raisons, parce que, malheureusement, nous ne constatons aucun changement de cap dans la politique économique et budgétaire menée, et parce que l’écologie n’est toujours pas l’une des priorités budgétaires de ce gouvernement,…

M. Jacques Myard. Heureusement !

Mme Eva Sas. …le groupe écologiste s’abstiendra très majoritairement sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la franchise étant le ciment interne de la majorité, je dirai ceci : la façon dont notre groupe a été traité hier, sur des amendements majeurs, est extrêmement regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

Je m’en suis d’ailleurs entretenu ce matin avec le Premier ministre, qui me semble partager cette conviction. (Exclamations sur ces mêmes bancs.)

Ce projet de loi de finances méritait un examen attentif sur plusieurs points, les uns positifs, les autres moins et appelant certaines réserves.

Premier point d’accord : comme notre groupe n’a cessé de le dire depuis le début de la législature, pour redresser les finances publiques, il est très préférable de réduire le dépense publique plutôt que d’augmenter la fiscalité.

Votre prédécesseur à Bercy a parlé en pleine connaissance de cause d’un « ras-le-bol fiscal », qu’il a contribué à créer, avec 31 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, entre mi-2012 et mi-2014, à égalité avec le gouvernement Fillon les deux années précédentes.

Ce projet de loi de finances rompt enfin avec cette stratégie hyperfiscale.

Deuxième point d’accord : le déficit public représentera 4,3 % du PIB en 2015. Certains vous en font grief : je ne suis pas de ceux-là, au contraire.

Depuis juillet 2012, lors de chaque projet de loi de finances, rectificative ou initiale, je suis intervenu ici pour dire qu’il fallait éviter un rythme trop rapide de réduction du déficit public, pour ne pas mettre en péril la croissance et l’emploi.

La Commission européenne sortante a défendu avec dévotion le credo néolibéral. Elle a donc imposé aux différents pays européens une politique très inadaptée, faite de rigueur excessive, qui a conduit à freiner ou à stopper la croissance, seule génératrice d’emplois.

Un député UMP. Elle est où la croissance ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Certes, il faut réduire le déficit public, mais en adaptant le rythme de sa réduction à la situation économique actuelle de la France et de la zone euro. Or cette situation est caractérisée par l’absence ou la faiblesse de la croissance, y compris en Allemagne, si docte, si donneuse de leçons, mais qui semble entrer en récession.

Dans notre pays, la croissance sera de 0,4 % cette année, de 1 % l’année prochaine. Il faut, comme l’a dit le Président de la République, ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance. Au demeurant, la France applique les traités européens avec les flexibilités qu’ils comportent, flexibilités inscrites dans le TSCG et dans le code de conduite et qui prévoient une exception au suivi de la trajectoire initialement fixée quand il y a un grave risque de récession économique. La France est donc tout à fait fondée à s’écarter de la trajectoire initialement prévue. Nous sommes pour des mesures de relance – ce qui n’a rien d’original puisque c’est aussi le cas de M. Draghi et de Mme Lagarde –, et c’est vraiment nécessaire.

Il ne faut donc pas miser principalement sur la politique de l’offre, appelée ainsi sans doute pour ne pas avoir à employer l’expression de « politique du cadeau » – aux entreprises, bien entendu. Certes, il est normal de les aider en période de crise, mais le CICE présente deux inconvénients majeurs.

Un député du groupe UMP. Il fallait s’en apercevoir avant !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Tout d’abord, s’agissant des entreprises, il y a une absence de sélectivité. Ainsi, la grande distribution, les assurances, le secteur bancaire profitent amplement de ce crédit d’impôt.

M. Marc Le Fur. C’est bien de le reconnaître !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par exemple, en 2013, la fédération des banques françaises a perçu 300 millions d’euros. Pour éviter l’effet d’aubaine, il faudrait cibler le CICE sur les secteurs ou sur les entreprises auxquels il est vraiment nécessaire.

Deuxièmement, il y a une inapplication fréquente des contreparties. Je rappelle que ce dispositif a un objectif précis en matière d’emploi et d’investissement. Or la plupart des branches professionnelles ne sont pas encore entrées dans les négociations avec les autres partenaires sociaux décidées dès mars dernier.

Dernier point à noter : la diminution des dotations aux collectivités locales. Je n’y reviendrai pas, sauf pour signaler que certaines mesures correctrices ont été prises, notamment s’agissant de la FCTVA.

Malgré ces quelques réserves, votre budget et votre loi de programmation ont l’avantage de consacrer les crédits nécessaires aux grandes priorités, c’est-à-dire à l’éducation, à la justice et à la sécurité. Cela mérite d’être pris en compte dans notre vote, dont vous comprendrez qu’il sera positif… sans être laudatif. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.) La quasi-totalité du groupe RRDP votera ce texte en souhaitant bien sûr que la deuxième lecture apporte des résultats plus positifs et en pensant que, comme toujours, l’espoir fait vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous remercie pour cette note d’espoir, mon cher collègue.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, au terme de l’examen du projet de loi de programmation 2014-2019 et du volet recettes du projet de loi de finances pour 2015, un premier constat s’impose : les gardiens du temple de la finance internationale, qu’ils se situent à Bruxelles ou à Paris, sont irrémédiablement coupés des réalités et de la vie concrète de nos concitoyens. C’est un sentiment de gâchis qui domine, le sentiment que les gouvernements font preuve d’une incapacité chronique à répondre aux défis de la crise économique, sociale et écologique. La démission du politique face aux forces de l’argent génère un immense désarroi et des frustrations qui font le lit de l’extrême droite et d’une droite revancharde.

À ceux qui réclament un changement de cap politique, vous opposez une fin de non-recevoir, poursuivant dans la voie sans issue d’une politique exclusive de l’offre. Depuis des mois, les députés du Front de gauche, avec d’autres, alertent sur les risques d’une telle politique déflationniste, uniquement préoccupée par la baisse du coût du travail et par la déréglementation. Les 41 milliards d’euros d’argent public donnés aux entreprises n’ont eu pour l’heure aucun effet sur l’investissement et l’emploi. Rien n’indique qu’il en ira autrement demain. Partout en Europe, ces politiques échouent, en Allemagne comme en Italie. Faute d’un soutien suffisant à la demande, les carnets de commandes des PME sont vides ; faute de dynamisme économique et faute pour le Gouvernement d’exiger des contreparties au CICE, les grandes entreprises se font les championnes des versements de dividendes, au détriment de l’investissement productif, de la formation et des salaires. Un éditorialiste résumait récemment très bien la chose : « Quand on appuie sur la pédale de frein des revenus des ménages en même temps que sur l’accélérateur des profits des entreprises, on risque fort de caler. C’est probablement ce qui se passe en France en ce moment. »

Si le moteur cale, c’est aussi que les baisses de dépenses publiques pénalisent l’investissement public et les ménages. En effet, pour ceux-ci, malgré les quelques allégements d’impôts, les baisses de dépenses publiques auront le même effet qu’une hausse des prélèvements : moins de prestations, moins de services publics, c’est moins de revenus. Avec la baisse programmée de 3,7 milliards d’euros des dotations aux collectivités locales et de 28 milliards d’euros cumulés sur cinq ans, baisse qui s’ajoute à l’indigence de l’enveloppe des contrats de plan État-région à venir, le Gouvernement commet, là encore, une faute politique, économique et sociale. Cette baisse aura des conséquences dangereuses sur l’investissement public, sur l’emploi local et sur le service public de proximité, particulièrement dans les territoires fragilisés.

Nous ne négligeons pas les contraintes que tente de nous imposer Bruxelles, contraintes auxquelles notre pays a souscrit en acceptant le six-pack et en adoptant le TSCG. Elles ne peuvent continuer à servir de prétexte à l’intensification des réformes libérales. Nous faisons le pari que les Français, au bout du compte, auront droit à la double peine : mesures de régression sociale d’un côté, austérité budgétaire renforcée de l’autre.

Il serait temps que le Gouvernement tire les enseignements de son échec et accepte d’ouvrir le débat avec tous ceux qui réclament une réorientation de la politique économique. Le combat de la gauche, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas de transporter les pauvres en autocar le dimanche dans des centres commerciaux pour qu’ils y dépensent l’argent qu’ils n’ont pas.

M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Nicolas Sansu. Le combat de la gauche, ce n’est pas de diviser nos concitoyens en opposant chômeurs et salariés, ni de défaire ce que des décennies de luttes ont permis d’arracher en matière de solidarité, de droits sociaux et de protection collective.

Les députés du Front de gauche sont porteurs de propositions alternatives pour réorienter l’argent vers l’investissement et l’emploi. Il faut aujourd’hui remettre à plat l’ensemble de notre architecture fiscale… comme le Président de la République s’y était engagé.

M. Guy Geoffroy. Comptez là-dessus !

M. Nicolas Sansu. Nous jugeons prioritaire de refondre l’impôt sur le revenu pour en refaire un impôt citoyen, juste et progressif. Il faut aussi baisser la TVA, promouvoir une fiscalité locale plus juste et plus efficace. Tout le monde est favorable au redressement des comptes publics, mais cela passe par une véritable guerre contre la fraude et l’évasion fiscales, par la remise à plat des défiscalisations, je pense au crédit d’impôt compétitivité emploi, au crédit d’impôt recherche ou encore aux multiples investissements immobiliers. Il s’agit ainsi d’améliorer l’efficacité des politiques publiques par la dépense d’intervention !

Si, par des artifices, vous avez réussi à museler le débat parlementaire, les Françaises et les Français vous rappellent à l’ordre car le chemin économique et budgétaire que vous suivez est une impasse.

Parce que nous croyons au progrès et que nous ne nous résignons pas à la division de la gauche, nous ne pouvons que voter contre les orientations libérales de ces deux projets de loi budgétaires. Ils seront sans doute adoptés, mais à la majorité relative… ce qui est édifiant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi de programmation

M. le président. Je vais mettre aux voix, en premier lieu, l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants564
Nombre de suffrages exprimés508
Majorité absolue255
Pour l’adoption263
contre245

(Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 est adopté.)

(Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants567
Nombre de suffrages exprimés511
Majorité absolue256
Pour l’adoption266
contre245

(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 est adopté.)

(Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Ça sent le sapin !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour quelques minutes.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, notre modèle social rassemble les Français. Ils nous le disent : ils tiennent à ce modèle dont la force est de s’adresser à tous, depuis la naissance jusqu’à la fin de la vie, et dont l’objectif est de soutenir davantage ceux qui en ont le plus besoin.

Notre protection sociale contribue de façon puissante à la redistribution dans notre pays ; mais c’est aussi parce que tous les Français savent que la Sécurité sociale sera là pour eux, au moment où ils en auront besoin, face à la maladie, au terme de leur carrière professionnelle ou encore pour les aider dans l’éducation de leurs enfants, qu’elle est au cœur du consensus républicain.

Pour cette raison, nous ne pouvons accepter l’immobilisme ni le statu quo, qui seraient dangereux pour l’avenir de la protection sociale – pas seulement parce que le conservatisme n’est pas synonyme de progrès, mais aussi parce que, quels que soient les succès de notre modèle social, nous devons sans cesse l’adapter, pour faire en sorte qu’il tienne mieux ses promesses de justice, qu’il réponde aux évolutions de notre société et, bien évidemment, qu’il soit soutenable financièrement.

Voilà pourquoi nous faisons le choix résolu de la réforme. Contrairement à la majorité précédente, nous n’utilisons pas ce terme pour masquer des régressions. Non, la réforme, ce n’est pas remettre en cause les droits sociaux, raboter, dérembourser. Réformer, c’est aller de l’avant, transformer, faire des choix qui s’inscrivent dans le chemin du progrès, pour plus d’efficacité et de justice.

Le choix de la réforme juste est celui que nous faisons depuis deux ans.

Nous l’avons fait d’abord en matière de retraites, avec la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites votée en janvier dernier. Cette loi est efficace, puisqu’elle permet d’envisager le retour de la Caisse nationale d’assurance vieillesse à l’équilibre en 2017.

M. Arnaud Robinet. Comme la dernière fois !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et elle est juste, puisqu’elle consacre des droits nouveaux, comme la prise en compte de la pénibilité, et renforce les solidarités, avec la revalorisation, effective depuis le 1er octobre, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées à 800 euros, ainsi que le versement d’une prime exceptionnelle de 40 euros aux retraités qui perçoivent moins de 1 200 euros de pension globale.

Réforme efficace et juste, également, de notre système de santé : ce n’est pas en réduisant sa qualité ou en rabotant la prise en charge par l’assurance maladie que nous réaliserons des économies durables ; c’est en le transformant pour qu’il réponde mieux aux besoins et aux attentes des Français et des professionnels de santé.

Tel est le sens du projet de loi de santé que j’ai présenté la semaine dernière en Conseil des ministres. Ce texte contient des réformes structurantes visant à permettre à tous de continuer à accéder à des soins de qualité et à favoriser l’innovation, tout en maîtrisant nos dépenses – car ce n’est pas contradictoire.

Le présent projet de loi de financement de la Sécurité sociale s’inscrit dans la même perspective, avec la même volonté structurante ; il s’articule autour de quatre axes forts, qui sont autant de priorités.

D’abord, la pertinence des soins. Prescrire les bons soins aux patients et leur éviter d’avoir à répéter inutilement analyses et consultations est un enjeu de santé publique. C’est pourquoi le texte vous propose de doter les agences régionales de santé d’une palette graduée d’outils afin de pouvoir modifier le comportement d’établissements ciblés en raison de problèmes de non-pertinence dans leurs pratiques ou leurs prescriptions.

La deuxième priorité est de maîtriser les dépenses de médicaments. Adapter les prix, les diminuer, mais pas de manière uniforme : voilà la ligne que nous tenons. Nous continuerons, j’y insiste, à soutenir l’innovation, mais en faisant baisser les prix des médicaments qui ne présentent pas d’amélioration du service médical rendu.

Nous devons poursuivre sans relâche l’effort en faveur des médicaments génériques, en incitant les médecins, en ville comme à l’hôpital, à les prescrire et en renforçant la confiance du public à leur égard. Je présenterai prochainement de façon plus détaillée les actions que j’entends mener dans ce domaine, à travers un plan pour les génériques.

Par ailleurs – et ceci est un point particulièrement sensible –, face à la progression exceptionnelle des dépenses de traitement de l’hépatite C, je vous propose d’adopter des mesures fortes de refonte de la régulation des dépenses de produits de santé.

Je veux avant tout rappeler que les traitements de l’hépatite C constituent une nouvelle formidable pour la santé publique, car ils apportent à un grand nombre de malades une amélioration réelle, et significative, de leur état de santé. Notre système de santé permet un large accès des patients aux bienfaits de l’innovation thérapeutique, et nous pouvons en être fiers : c’est une des « marques de fabrique » du système français. Mais nous devons être cohérents : si nous souhaitons préserver à la fois cette excellence et cette accessibilité, il nous faut réformer notre système de santé et nous donner les moyens de réagir à la situation présente.

Le défi financier que représente pour l’assurance maladie l’innovation, en l’espèce celle pour le traitement de l’hépatite C, est en effet redoutable. C’est pourquoi je propose la création dès 2014 d’un mécanisme de régulation pour les médicaments destinés au traitement de cette affection, visant à faire supporter aux laboratoires concernés un dépassement éventuel de l’enveloppe consacrée à ce traitement.

Troisième axe du projet de loi : rechercher l’efficience de la dépense hospitalière. Nous souhaitons amplifier les actions en ce sens en permettant la mutualisation des achats hospitaliers. Le projet de loi relatif à la santé, en créant les groupements hospitaliers de territoire, donnera aux hôpitaux des outils nouveaux pour ce faire. Votre rapporteur pour l’assurance maladie, M. Olivier Véran, a déposé un amendement sur le sujet, qui montre bien que nous faisons le pari d’une transformation de l’organisation territoriale des soins hospitaliers afin de permettre aux hôpitaux de mieux répondre aux exigences auxquelles ils sont confrontés. Nous définissons aussi – et je sais que c’est un sujet sensible pour l’ensemble des parlementaires – un mode de financement adapté aux hôpitaux de proximité, pour permettre à ceux-ci de jouer un rôle important de coordination entre ville, hôpital et secteur médico-social.

Enfin, quatrième orientation, j’engage un « virage ambulatoire » de notre système de soins ; il s’agit d’améliorer la prise en charge de nos concitoyens tout en maîtrisant les dépenses. Cette question sera au cœur des débats que nous aurons à l’occasion de l’examen du projet de loi de santé, mais nous devons d’ores et déjà inscrire ce fil conducteur dans les dispositions financières que je vous propose d’adopter. Le choix du premier recours se traduit d’abord, très concrètement, par la fixation, pour la deuxième année consécutive, à 2,2 % du taux de progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – l’ONDAM – des soins de ville, soit un taux plus élevé que celui de l’ONDAM des établissements de santé. Difficile, dans ces conditions, de soutenir que les soins de ville sont désavantagés !

Nous poursuivons la démarche du pacte territoire santé, avec des mesures favorables à l’installation des médecins en zone sous-dense. En 2013, nous avions instauré la prise en charge du congé maternité pour les médecins généralistes s’engageant à s’installer durablement dans ces zones ; ce dispositif incitatif ayant fait ses preuves, nous allons l’étendre à des médecins spécialistes. Nous allons également créer une aide pour tenir compte des difficultés spécifiques de l’activité des médecins en zone isolée, notamment en montagne.

Au-delà de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, j’ai demandé aux directeurs généraux des agences régionales de santé de se mobiliser pour organiser et favoriser le virage ambulatoire dans leurs territoires. À ce titre, 19 millions d’euros d’aides sont prévues, dans le cadre du fonds de modernisation des établissements de santé, afin d’accompagner les projets de développement de la chirurgie ambulatoire, qui est l’une des orientations fortes que nous comptons soutenir dans les années à venir.

Les patients devant bien évidemment, tout comme les établissements, être accompagnés, votre rapporteur pour l’assurance maladie a déposé un amendement tendant à créer un cadre d’expérimentation pour des hôtels hospitaliers, destinés à l’ambulatoire.

M. Dominique Tian. Des « Ibis » médicaux ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit là d’une initiative innovante, à laquelle le Gouvernement apportera son soutien.

Le virage ambulatoire est indissociable du renforcement de la qualité de notre système de soins. Nous investirons 34 millions d’euros à cette fin dès 2015. Nous vous proposons en outre de faciliter la prise en charge des actes innovants et des actes issus d’expérimentations ; 15 millions d’euros iront au déploiement d’équipements d’imagerie médicale, afin de réduire les délais d’attente, et nous allons financer le développement de la télémédecine.

Au-delà de l’organisation de notre système de santé et du financement des principales orientations, je veux insister sur le fait que les priorités politiques qui sont depuis deux ans les miennes trouvent un écho dans ce texte.

Ainsi, les deux premiers chapitres de la partie relative à l’assurance maladie sont consacrés à l’accès aux soins et aux droits, ainsi qu’à la prévention.

L’investissement en faveur de la prévention sera soutenu : ces crédits progressent de façon importante entre 2015 et 2017. Nous allons aider les centres de vaccination à développer leur activité de vaccination gratuite, et nous réformons le dispositif de dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles afin de lui donner plus de visibilité et de mieux organiser la continuité entre le dépistage et la prise en charge.

Mon engagement pour l’accès aux soins et aux droits se prolonge, et ce, je veux le réaffirmer ici, malgré le contexte financier contraint qui est le nôtre. Depuis que je suis aux responsabilités, j’ai refusé toute mesure de transfert de charge vers les patients. Il n’y a eu, depuis deux ans, ni déremboursement, ni forfait, ni franchise. Ce choix résolu montre ses effets, puisque la part des dépenses de soins qui reste à la charge des ménages a diminué depuis 2012, passant de 9,2 % des dépenses de soins à 8,8 %, alors qu’au cours des années précédentes, mesdames et messieurs les députés, c’est le chemin inverse qui avait été parcouru. La part des dépenses restant à la charge des ménages était passée de 8,8 % à 9,2 %. La différence, ce ne sont pas les organismes complémentaires qui la prennent en charge, c’est l’assurance maladie, c’est-à-dire la solidarité nationale.

Nous renforçons donc les droits de nos concitoyens, et ce malgré un contexte contraint. Nous n’en réalisons pas moins des efforts importants en vue de parvenir, c’est un objectif que nous visons, à un meilleur équilibre des finances de la Sécurité sociale. Cela prouve que l’objectif d’efficacité est parfaitement compatible avec l’objectif de justice, que nous conservons. Nous allons ainsi proposer la mise en place du tiers payant intégral au 1er juillet 2015 pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, ce qui concernera un million de personnes.

Par ailleurs, je reviens sur ce que j’ai annoncé tout à l’heure lors des questions au Gouvernement. Le groupe socialiste a déposé un amendement par lequel il demande au Gouvernement un rapport sur la suppression des franchises et des participations forfaitaires pour les personnes qui bénéficient de l’aide à la complémentaire santé. D’autres groupes – le groupe radical et le groupe écologiste – ont déposé des amendements analogues, ce qui traduit l’attachement de la majorité à l’accès aux soins et à la solidarité. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le Gouvernement répondra à l’appel venu des groupes de la majorité en proposant la suppression de toutes les franchises et participations forfaitaires pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. C’est une mesure de justice.

Mme Isabelle Le Callennec. Qui va coûter combien ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Et qu’on ne me dise pas, comme je l’ai entendu, que nous n’assumons pas nos responsabilités, parce que, mesdames et messieurs de l’opposition, je vous appelle à faire preuve d’un peu d’humilité. Les années où vous avez été aux responsabilités ont été caractérisées par l’augmentation du reste à charge.

M. Dominique Tian. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Votre passage aux responsabilités s’est traduit par la mise en place des franchises et des déremboursements. C’est vous qui les avez créés ! Et, dans le même temps, est-ce que vous avez réduit le déficit ? Il n’a jamais été aussi élevé que lorsque nous avons pris les responsabilités gouvernementales en 2012 ! Nous réduisons le déficit et nous faisons œuvre de justice en permettant aux plus modestes de notre pays d’accéder aux soins. Car la justice c’est cela : c’est de tout faire pour lever les obstacles que rencontrent un certain nombre de nos concitoyens pour aller se soigner.

Ce PLFSS marque aussi un effort soutenu en direction des personnes âgées et handicapées. Dans le cadre contraint qui est le nôtre, avec Laurence Rossignol et Ségolène Neuville, nous continuons d’investir dans la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes en situation de handicap. Nous allons donc continuer à soutenir les créations de places pour les établissements et services pour personnes handicapées. Nous investirons dans la création d’unités de consultation en ville pour garantir aux personnes handicapées l’accès aux soins courants dans un cadre adapté, avec des locaux mis en accessibilité et des professionnels formés. Nous consacrerons 100 millions d’euros à améliorer le niveau d’encadrement en soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les parcours pour personnes âgées en risque de perte d’autonomie, connues ici sous l’acronyme PAERPA, bénéficieront de 20 millions d’euros d’investissements.

L’année 2015 sera évidemment marquée par l’adoption de la loi d’adaptation de la société au vieillissement, que nous vous avons présentée, il y a quelques semaines, avec Laurence Rossignol. C’est une réforme qui améliorera, très concrètement, la vie quotidienne de nombreuses personnes âgées et de leurs familles ; c’est une réforme de progrès, car, aujourd’hui, les personnes âgées et leurs familles ne sont pas placées dans les mêmes conditions pour faire face à la perte d’autonomie.

En 2015, nous le savons, les dépenses seront limitées du fait du calendrier d’adoption et de mise en œuvre de cette réforme. Cependant, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, destinée à financer cette réforme, sera bien affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La part de ces ressources non consommée en 2015 servira à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, à travers le financement d’un plan pluriannuel d’aide à l’investissement pour ces personnes.

Efficacité et justice, c’est aussi le sens de la réforme de la politique familiale que nous présentons.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est une blague !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends répondre ici à un certain nombre de contre-vérités que j’ai pu entendre et marquer clairement quelles sont nos orientations. La majorité soutient les familles, toutes les familles.

Mme Isabelle Le Callennec et M. Dominique Tian. Pas toutes ! Pas toutes !

Mme Marisol Touraine, ministre. La majorité aime les familles. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui aiment les familles, ceux qui seraient les représentants des familles, ceux qui seraient les familles et, de l’autre, des individus solitaires, ne sachant pas ce que sont les familles. Nous sommes évidemment attentifs aux familles, parce que la natalité française est une force pour notre pays. C’est un atout, une force pour la France quand on la compare à d’autres pays. C’est dans nos familles que les enfants font leurs premiers apprentissages,…

M. Dominique Tian. C’est du blabla !

Mme Marisol Touraine, ministre. …c’est là qu’ils découvrent l’altérité et la socialisation, c’est dans les familles que s’apprennent la solidarité, l’attention et le soin portés à l’autre.

M. Francis Vercamer. Quels accents de sincérité !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est seulement si la cellule familiale joue son rôle que les enfants progressent vers l’autonomie pour devenir des adultes, et c’est à cette condition qu’ils peuvent être égaux dans leur destinée, c’est à cette condition que le respect mutuel et le vivre ensemble sont possibles. C’est quand les familles sont fortes que la devise républicaine peut tenir ses promesses.

Et je suis étonnée d’entendre opposer, sur les bancs de l’opposition, les crèches aux familles, comme si défendre les familles c’était uniquement défendre le fait de rester à la maison. On voit donc là surgir une espèce d’époque révolue, où les femmes devraient rester chez elles. On voit bien ce qui se cache, derrière vos cris et vos récriminations. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La gauche a prouvé son engagement pour les familles, pour toutes les familles, notamment les familles modestes et celles des classes moyennes. Elle augmente de 25 % l’allocation de rentrée scolaire, pour trois millions de familles. Elle augmente de 50 % le complément familial, pour 385 000 familles nombreuses. Elle augmente de 25 % l’allocation de soutien familial, pour 750 000 familles monoparentales. Elle investit massivement dans un plan d’accueil de la petite enfance pour offrir davantage de solutions d’accueil aux familles avec de jeunes enfants. Ce sont 2,5 milliards d’euros de plus qui ont été consacrés à la politique familiale depuis deux ans, et cet effort va se poursuivre.

Je veux le dire : nous menons une politique familiale résolument tournée vers la justice et le progrès. Cependant, dans la période que nous traversons, ne pas adapter notre politique familiale, ce serait refuser de regarder la réalité en face. La réalité, c’est que ce gouvernement a hérité d’une branche famille en déficit de 2,5 milliards d’euros. La réalité, c’est également que l’ensemble des aides n’est pas réparti de façon satisfaisante entre les familles. La rapporteure de la branche famille et le groupe socialiste, républicain et citoyen proposent donc, dans ces circonstances, de moduler les allocations familiales en fonction des revenus. Au nom du Gouvernement, je salue cet amendement, et je le soutiendrai. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je veux indiquer à ses auteurs qu’ils ont ainsi montré leur courage réformateur et leur attachement à la justice.

Alors, cette proposition a donné lieu à de très nombreux commentaires ces derniers jours,…

M. Dominique Tian. Surtout de la part des associations familiales !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Pas de toutes, monsieur Tian ! Pas de toutes !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mais aussi à de nombreuses contrevérités. On nous accuse de remettre en cause l’universalité de la politique familiale.

M. Dominique Tian. À juste titre !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est faux. L’universalité n’a jamais signifié l’uniformité. Toutes les familles – je dis bien : toutes les familles – doivent pouvoir faire confiance à la solidarité nationale, et, je le dis solennellement, toutes les familles qui y ont droit aujourd’hui continueront demain à percevoir des allocations familiales.

On nous reproche ensuite de remettre en cause les principes fondateurs de la Sécurité sociale.

M. Dominique Tian. Oui !

M. Bernard Lesterlin. Absurde !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vaste débat ! Je voudrais donc vous rappeler donc les termes de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945, qui définit l’universalité de la manière suivante : « Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité. » Cette universalité n’exclut pas, dans l’esprit des fondateurs, de donner plus lorsque les besoins le justifient, puisque la Sécurité sociale a pour objectif de « prélever sur le revenu des individus favorisés les sommes nécessaires pour compléter les ressources des travailleurs ou familles défavorisées ».

M. Francis Vercamer. Pour ça, vous n’êtes pas en reste !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dès l’origine, l’universalité de la couverture n’exclut pas de tenir compte des ressources. Nous nous inscrivons donc dans la continuité de cet héritage. Et d’ailleurs, ramenons les choses à leur juste niveau : depuis des années, sans que la droite ait jamais trouvé quoi que ce soit à y redire, il y a des prestations familiales qui sont accordées sous condition de ressources. Il y a des prestations familiales qui ont été accordées sous condition de ressources…

Mme Isabelle Le Callennec. Les trois-quarts !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et qui ne le sont plus et inversement. Il y a donc des mouvements, des transformations, des évolutions.

Je veux donc dire que la modulation des allocations familiales ne remet en cause ni l’universalité de la politique familiale ni les fondements de la Sécurité sociale. Laquelle Sécurité sociale établit évidemment une différence très forte entre la politique de santé, qui est une politique d’assurance et la politique familiale, qui est une politique d’accompagnement. Il est donc vain d’imaginer que, demain, viendrait la modulation des remboursements en matière de santé, en fonction des revenus. Cela n’a strictement rien à voir.

Cette réforme est une réforme de justice, qui demandera un effort à seulement 11 % des familles, les plus aisées. Les classes moyennes ne sont pas concernées. Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit : la France compte également sur toutes les familles, mais être efficace et juste, c’est adopter un dispositif simple, lisible et compréhensible par tous. Les familles qui, avec deux enfants, ont un revenu inférieur à 6 000 euros par mois continueront de toucher le même montant d’allocations. Au-delà de 6 000 euros de revenu, les allocations familiales seront réduites de moitié.

M. Dominique Tian. Alors ce n’est plus universel !

M. Bernard Lesterlin. Alors ça devient juste, monsieur Tian !

Mme Marisol Touraine, ministre. Au-delà de 8 000 euros de revenu, les allocations familiales seront divisées par quatre. Afin d’éviter les effets de seuils qui pourraient résulter de cette modulation, le Gouvernement déposera un sous-amendement dont l’objet sera d’instaurer un lissage de cette modulation.

Mesdames et messieurs les députés, une écrasante majorité de Français soutient cette mesure,…

Mme Isabelle Le Callennec et M. Dominique Tian. Ah, non !

Mme Marisol Touraine, ministre. …parce que nos concitoyens comprennent qu’elle est juste, parce qu’ils comprennent que, dans un pays où 50 % des salaires sont inférieurs à 1 700 euros, un effort peut être demandé aux familles qui gagnent plus de 6 000 euros.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Les Français comprennent aussi le choix que nous faisons pour améliorer l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale. La fécondité ne dépend pas uniquement des prestations : elle dépend aussi de la possibilité, pour les jeunes actifs, de ne pas renoncer à leurs projets professionnels lorsqu’ils ont des enfants.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement ! C’est la France d’aujourd’hui contre la France d’hier !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement a fait un choix volontariste en la matière. C’est grâce à cet effort que nous accompagnerons la réforme du congé parental, votée dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui instaure un partage du congé. La durée de la prestation partagée d’éducation de l’enfant sera de six mois pour chaque parent pour le premier enfant, et, au-delà, de deux ans pour le premier parent et d’un an pour le second.

Mesdames et messieurs les députés, la réforme de la politique familiale présentée dans ce PLFSS résulte de discussions intenses et constructives entre le Gouvernement et les parlementaires de la majorité. Je salue l’engagement et l’esprit de responsabilité et de justice du groupe socialiste. Je tiens à rendre particulièrement hommage à Mme la rapporteure pour la branche famille, Marie-Françoise Clergeau, à Mme la rapporteure pour le secteur médico-social, Martine Pinville, et bien sûr à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, pour leur travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Tian. Et les autres ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames et messieurs les députés, n’écoutons pas les cris de ceux qui ont peur du changement et qui voudraient condamner notre modèle social en le maintenant dans les ornières de l’immobilisme. N’écoutons pas les leçons faciles de ceux qui exigent des réformes qu’ils n’ont pas été capables de mener lorsqu’ils étaient au pouvoir. Gardons le cap vers le progrès, malgré les vents et les courants difficiles. Renforçons les protections collectives, tout en répondant aux exigences du moment. Tenons ensemble l’idéal et le réel : voilà ce qui est à notre portée, et que nous devons réaliser. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est résolument réformateur, c’est-à-dire à la fois efficace et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, Marisol Touraine vous a présenté les mesures les plus importantes de ce PLFSS. Il me semble nécessaire, de mon côté, de rappeler les orientations du Gouvernement sur le plan économique et financier.

Dans un premier temps, je rappelle que ce PLFSS s’inscrit dans une stratégie qui conjugue d’une part le redressement des comptes publics, avec des efforts d’économie, et d’autre part la création d’emploi et d’activité, avec la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Ce sont les deux piliers du redressement budgétaire et économique.

Cette stratégie consiste d’abord à rétablir l’équilibre structurel de nos comptes selon un rythme adapté à la conjoncture, ce qui implique de réaliser des économies. L’objectif est constant depuis notre arrivée au pouvoir : atteindre l’équilibre structurel de nos finances publiques. Sur une longue période, un État ne peut se permettre de dépenser structurellement plus qu’il ne gagne. C’est encore plus vrai pour les régimes sociaux.

Comme Marisol Touraine l’a rappelé, le déficit de la Sécurité sociale dépassait largement 20 milliards d’euros en 2010, et avoisinait même 30 milliards d’euros, avec le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Il sera cette année deux fois inférieur : 11,7 milliards d’euros pour le régime général de Sécurité sociale, et 15,4 milliards d’euros avec le FSV, et cela malgré la faiblesse de la croissance depuis trois ans. D’ores et déjà, le déficit structurel de toutes les administrations publiques, qui reflète les fondamentaux des finances publiques, a atteint, fin 2013, son plus bas niveau depuis 2001.

Comme chacun sait, à long terme, les dépenses de protection sociale augmentent plus vite que la richesse nationale. Cet effet est pour partie normal : dans un pays socialement avancé, certaines dépenses progressent rapidement, et il faut les financer. Il est par exemple normal que la part des dépenses de santé dans le PIB s’élève, du fait du progrès technique et du vieillissement de la population. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas chercher à maîtriser l’évolution de ces dépenses. Au contraire, c’est parce que nous savons que les besoins de dépenses sociales continueront à progresser que nous devons les maîtriser.

La progression continue des dépenses n’est pas non plus une fatalité dans tous les domaines. C’est agir avec responsabilité que de reconsidérer périodiquement l’opportunité de certaines dépenses, ou de certains paramètres de la dépense, parce que ces interventions qui bénéficient à nos concitoyens sont aussi financées par les prélèvements qu’ils supportent, ou par les prélèvements qu’il faudra un jour supporter pour rembourser la dette accumulée.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 traduisait déjà notre volonté de construire une protection sociale durable, soutenable. Notre volonté n’a pas changé. Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des finances et moi-même l’avons dit à plusieurs reprises : toutes les économies prévues doivent être réalisées pour atteindre l’objectif de 50 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble des administrations publiques, dont 21 milliards d’euros dès l’année prochaine. Nous maintenons cet objectif sans le durcir, afin que le rythme d’assainissement de nos comptes soit compatible avec le retour progressif de la croissance.

Sur l’État et ses agences, 19 milliards d’euros d’économies seront réalisées en trois ans, dont 7,7 milliards dès 2015. Les dépenses des ministères diminueront de 1,8 milliard d’euros par rapport à leur niveau prévu par le budget initial pour 2014. D’autre part 3,7 milliards d’euros d’économies par an seront réalisées sur les collectivités locales, soit un total de 11 milliards d’euros. Cela représente, pour l’ensemble de la protection sociale – incluant la Sécurité sociale, l’assurance chômage, les retraites complémentaires obligatoires –, autour de 20 milliards d’euros d’économies sur trois ans, à mettre en regard avec les 450 milliards d’euros de dépenses pour les seuls régimes obligatoires de base de Sécurité sociale. Cet effort représente 40 % du total recherché dans le plan de 50 milliards d’euros d’économies. C’est une proportion proche de la part que représentent les dépenses sociales dans l’ensemble des dépenses publiques.

Les mesures prévues par le PLFSS poursuivent cet effort, de manière juste et équilibrée. Certains nous reprochent de ne pas faire de « vraies » économies, car les dépenses continuent à augmenter. C’est faux. Comme je l’ai rappelé, il est légitime que certaines dépenses augmentent en valeur, à cause du vieillissement de la population, mais aussi à cause du nouveau traitement contre l’hépatite C que Marisol Touraine a évoqué. Faire en sorte que les dépenses augmentent moins qu’elles ne le feraient spontanément implique de réaliser des efforts, de prendre des mesures, et donc de faire de vraies économies.

M. Dominique Tian. Sur l’AME, par exemple ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certains responsables de l’opposition proposent d’ailleurs de réaliser 110 milliards, voire 150 milliards d’euros d’économies. Comment peuvent-ils y croire eux-mêmes, alors qu’entre 2002 et 2012, ils n’ont pas pris les mesures que nous avons engagées pour maîtriser les dépenses publiques ? J’entends proposer une hausse de la TVA pour prélever 20 milliards d’euros de plus sur les ménages, notamment les plus modestes, et réclamer la suppression de l’ISF : il n’y a pas là l’ombre d’une économie ! Décidément, nous n’avons pas les mêmes objectifs !

Où réaliser ces économies ? Où retrouver des marges de manœuvre ?

M. Dominique Tian et M. Christian Jacob. Sur la famille !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce point, je serai très précis. Comme vous le savez, nous prévoyons de réaliser 9,6 milliards d’euros d’économies sur la sphère sociale pour 2015. Comment se décomposent ces 9,6 milliards d’euros d’économies ?

Mme Isabelle Le Callennec. On aimerait bien le savoir !

M. Dominique Tian. Sur la caisse du bâtiment !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne crois pas que vous ayez la parole, monsieur Tian ! Mais enfin, ce n’est pas moi qui préside nos débats…

M. le président. Nous vous écoutons, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces économies proviendront, pour 4 milliards d’euros, de réformes déjà engagées. Il s’agit notamment des mesures prises dans le PLFSS pour 2014 concernant la branche famille, qui s’élèvent à près de 600 millions d’euros.

M. Dominique Tian. Voilà ! C’est bien ce que nous disions !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles proviendront aussi des économies enregistrées sur les retraites de base, qui représentent 1,5 milliard d’euros. Celles-ci découlent principalement du décalage de la date de revalorisation des retraites d’avril à octobre, qui n’a pas entraîné d’économies en 2014, mais en produira en 2015. D’autres mesures d’application des lois antérieures sur les retraites contribueront aussi à ce montant.

Les régimes gérés par les partenaires sociaux seront associés à l’effort pour un total de près de 1,9 milliard d’euros. La sous-indexation des prestations de retraites complémentaires permet par exemple d’escompter une économie de près de 850 millions d’euros pour la seule année 2015. Enfin, 600 millions d’euros sont directement liés à la montée en puissance de la nouvelle convention d’assurance chômage. À ces économies s’ajoute la consolidation de l’amélioration de la situation financière des régimes prévue en 2014.

Tels sont les 4 milliards d’euros d’économies qui correspondent aux mesures déjà engagées. Et 5,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires – pour arriver au total de 9,6 milliards – correspondent aux mesures nouvelles. Une partie de ces mesures est incluse dans le PLFSS ; une autre partie déborde le champ de ce projet de loi qui, rappelons-le, ne concerne que les régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale.

Les mesures comprises dans le PLFSS ont été détaillées lors de la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale. Près de 3,2 milliards d’euros d’économie seront réalisées sur les dépenses d’assurance-maladie : c’est un tiers de plus que l’année dernière. L’objectif national de dépenses d’assurance-maladie, l’ONDAM, progresse ainsi de 2,1 % par rapport au niveau des dépenses réalisées en 2014. Les dépenses effectives d’assurance-maladie pour 2014 seront elles-mêmes inférieures de près de 800 millions d’euros à l’ONDAM voté l’an dernier. Marisol Touraine a détaillé les grands axes des dépenses d’assurance-maladie, notamment lors de la présentation de la stratégie nationale de santé. À terme, je suis convaincu que ces réformes structurelles contribueront à préserver la performance et l’efficacité du système de soins, tout en maîtrisant les dépenses de santé.

M. Dominique Tian. On verra bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À ces 3,2 milliards d’euros s’ajoute la réforme du capital décès, pour environ 200 millions d’euros. S’y ajoutent également environ 700 millions d’euros d’économies au titre de la poursuite de la réforme des prestations familiales en 2015. Marisol Touraine a donné des précisions sur ce point il y a quelques instants. Le débat public, vos questionnements, le débat riche qui ne manquera pas d’avoir lieu, permettront de décliner ces 700 millions d’euros d’économies.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce ne sera pas un vrai débat : cela a déjà été tranché à l’Élysée !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour ma part, je me contenterai de les replacer dans le cadre de 9,6 milliards d’euros d’économies que j’ai évoquées. Beaucoup, y compris dans la presse, nous reprochent de ne pas les décliner.

M. Dominique Tian. C’est dans Le Monde ! (M. Tian brandit un exemplaire du journal Le Monde.)

M. Michel Sapin, ministre. Avec les chiffres donnés par le secrétaire d’État au budget, c’est précis !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne faites pas de publicité, monsieur Tian : je sais que vous êtes habitué à faire de publicité pour certains, mais quand même !

En outre, les organismes de protection sociale – notamment ceux du régime général – se sont fixé des objectifs ambitieux en matière d’efficacité et de productivité. Il ne vous a pas échappé que nous sommes en train de conclure, avec les différentes caisses de gestion, des conventions d’objectifs et de gestion : de 400 à 500 millions d’euros seront économisés par la diminution des coûts de gestion en 2015. Chacun des organismes de protection sociale doit participer à cet effort.

Outre ces mesures qui rentrent dans le cadre du PLFSS, d’autres économies seront réalisées sur les autres secteurs de la protection sociale. Il s’agit notamment des économies complémentaires en gestion sur les dépenses de l’UNÉDIC, pour environ 200 millions d’euros.

I1 faut aussi tenir compte des effets en 2015 du calendrier législatif d’adoption de la loi sur le vieillissement, qui pourrait réduire ponctuellement de plusieurs centaines de millions les dépenses engagées effectivement en 2015. Par ailleurs, la reconduction de la consommation des dépenses d’intervention des fonds d’action sanitaire et sociale des caisses de Sécurité sociale, cohérente avec la consommation observée sur l’année 2014 et les années précédentes, conduit à prévoir de moindres dépenses.

Enfin, 30 millions d’euros sont liés à l’impact sur la branche famille des mesures prévues par le PLF sur les aides au logement, et l’impact des actions de lutte contre la fraude aux prestations sociales est évalué pour 2015 à près de 100 millions d’euros supplémentaires.

M. Dominique Tian, rapporteur. Cela existe ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces économies sont difficiles, mais lesquelles sont faciles ? Le financement des prestations sociales ne peut se transformer en une dette que devront rembourser les générations futures.

Au-delà de ces économies, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 permet aussi de préserver le financement de la Sécurité sociale par la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité, sans mesure de recette supplémentaire sur les ménages et les entreprises.

M. Dominique Tian, rapporteur. Ah bon ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je sais que, pour les parlementaires, la compensation est une question structurante, récurrente, et particulièrement légitime.

En juin dernier, nous vous avons présenté la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale – PLFRSS – pour 2014, qui visait à mettre en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité. Cette loi a été adoptée et, pour les entreprises, à partir du 1er janvier 2015, ces mesures s’ajouteront au crédit d’impôt compétitivité emploi.

Le Gouvernement avait pris, par mon intermédiaire, plusieurs engagements très clairs à l’occasion des débats sur le PLFRSS. Ces engagements sont respectés. Tout d’abord, les allégements de cotisations seront bien mis en œuvre au 1er janvier 2015. Les décrets sur la mise en place du dispositif « zéro charges » au niveau du SMIC seront bientôt publiés, dans le délai prévu.

Ensuite, les allégements en faveur des indépendants seront pris en compte dans les appels de cotisations pour 2015. C’est donc une réduction de cotisations dès début 2015 qui sera appliquée, pour 1 milliard d’euros. S’y ajoute 1 milliard d’euros de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés – la C3S – ciblé d’abord sur les PME et les ETI. En effet, je le rappelle, deux tiers des 300 000 redevables, n’auront plus à payer cette contribution.

Par ailleurs, les conséquences de la baisse des recettes de la C3S sur les affectataires, dont le régime social des indépendants – RSI – fait partie, sont neutralisées par des ressources équivalentes. Là encore, comme cela avait été clairement dit lors des débats, l’opération n’affecte en rien l’indépendance de ce régime. Mme Marisol Touraine et moi-même l’avons d’ailleurs officiellement écrit au président du régime. Enfin, le Gouvernement prévoit les modalités de la compensation intégrale à la Sécurité sociale des pertes de recettes induites par le pacte de responsabilité.

Cette compensation s’inscrit en outre dans une logique de rationalisation. Certaines recettes sont confiées intégralement à la Sécurité sociale, tandis que des dépenses seront désormais prises en charge intégralement par l’État. Ainsi, une partie de la compensation se fera sous forme d’un transfert de dépenses de la Sécurité sociale vers l’État. En pratique, la fraction des aides personnalisées au logement – APL – qui est aujourd’hui financée par la branche famille sera désormais supportée par le budget de l’État, qui en finançait d’ores et déjà près de 40 %. Cette opération de transfert de dépense n’aura, pour les bénéficiaires, pas de conséquence. Les règles d’attribution, de calcul et de gestion par les caisses d’allocations familiales de ces aides ne sont en aucune façon modifiées.

Par ailleurs, le projet de loi transfère à la Sécurité sociale l’intégralité du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Au sein de ces prélèvements, dont le taux cumulé s’élève à 15,5 %, le « prélèvement de solidarité », dont le taux s’élève à 2 %, est aujourd’hui affecté à trois fonds, le Fonds national des solidarités actives – FNSA –, le Fonds national d’aide au logement – FNAL – et le Fonds de solidarité, qui perçoivent par ailleurs des dotations de l’État. L’affectation de l’intégralité de cette ressource à la Sécurité sociale représente donc un transfert de 2,5 milliards d’euros. Je l’ai dit, cela assure aussi une forme d’unité et de cohérence. Les fonds feront l’objet de dotations sur le budget de l’État.

Par ailleurs, cette compensation s’appuie pour cette année 2015 sur un apport exceptionnel issu de la réforme du recouvrement des cotisations dues par les caisses de congés payés qui existent dans certains secteurs économiques – le bâtiment par exemple.

M. Dominique Tian. Un hold-up !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Trois précisions me semblent indispensables sur cette mesure : d’abord, il n’y a là aucune remise en cause du rôle de ces caisses et de leurs missions. Ces caisses continueront d’assurer la gestion des congés de manière mutualisée, comme auparavant.

M. Dominique Tian. Heureusement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ensuite, cette mesure n’a évidemment pas de conséquences sur les salariés, bien sûr, mais également sur les employeurs.

Mme Isabelle Le Callennec. Si, elle risque d’en avoir !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, les cotisations qui sont ainsi prélevées de manière anticipée à partir de 2015 ont déjà été acquittées par les employeurs aux caisses de congés. C’est aux caisses qui détiennent déjà les fonds, non à l’employeur, que l’on demande un versement anticipé. Pour l’employeur, cela ne change donc rien au plan financier.

M. Dominique Tian. Et les primes ?

Mme Isabelle Le Callennec. Il y aura des conséquences pour le salarié !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Enfin, la mise en place d’un prélèvement à la source intégral à l’horizon 2018 n’est pas non plus une charge administrative supplémentaire pour les employeurs. Je rappelle que certaines contributions dues au titre de ces indemnités sont déjà prélevées à la source, et que la mise en place de ce système devra au contraire simplifier les relations entre les caisses de congés et les employeurs.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela va pénaliser les salariés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous nous donnerons le temps nécessaire pour que cette transition se fasse de manière favorable pour tout le monde.

M. Dominique Tian. Les acquis de 1936 doivent pourtant compter, pour un homme de gauche !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, convenez-en, la caisse des congés payés, dont je connais comme vous l’histoire, n’a pas forcément la même raison d’être en 2014 qu’en 1936, époque où les travailleurs, notamment dans le secteur du bâtiment, étaient extrêmement mobiles, ce qui a justifié la mise en place d’un système mutualisé destiné à leur garantir le bénéfice des congés payés.

M. Dominique Tian. Dites cela aux salariés !

Mme Isabelle Le Callennec. La situation n’a pas changé, il suffit d’écouter les artisans du bâtiment pour s’en rendre compte !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Chacun en conviendra, il serait irresponsable de chercher à réduire nos déficits par des mesures d’économie souvent difficiles, et de refuser dans le même temps une mesure telle que celle-ci, qui permet de réduire de façon substantielle le déficit pour 2015, sans impact pour les salariés ni pour les entreprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Le secteur du bâtiment souffre en ce moment et il y aura un impact sur les salariés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parallèlement à ces mesures, comme le prévoyait la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, la loi de finances assure le transfert au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, des produits générés par la fiscalisation à compter de 2014 des majorations de pension – c’était l’une de vos légitimes exigences –, ce qui représente 1,2 milliard d’euros de recettes supplémentaires. Le rapporteur pour avis a d’ailleurs souligné dans son rapport la nécessité d’assurer au FSV un financement pérenne. Cette affectation y contribue : elle améliorera significativement le solde du FSV à partir de 2015.

Enfin, le Gouvernement met en œuvre des mesures d’équité, de rationalisation et de simplification des prélèvements sociaux, mais à rendement global constant. Ce PLFSS ne comprend aucune mesure d’accroissement des prélèvements sur les entreprises ou sur les ménages.

M. Dominique Tian. Et sur les retraités ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’y viens, monsieur Tian, il sera répondu à votre impatience !

Les textes financiers qui sont soumis au Parlement cet automne permettent d’abord – dois-je le rappeler ? – aux ménages aux revenus moyens et modestes de bénéficier d’une baisse, sans précédent dans les années récentes, de l’impôt sur le revenu, à travers la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu.

Pour autant, le Gouvernement n’est pas inactif en matière de réforme des prélèvements. J’ai eu l’occasion de dire devant vous plusieurs fois que les mesures de rationalisation et de simplification dans le domaine des prélèvements obligatoires étaient une priorité. Cela fait aussi partie des engagements du pacte de responsabilité et de solidarité, et ces engagements sont tenus. Le projet de loi que vous allez examiner est très riche dans ce domaine.

Il s’agit tout d’abord de mesures d’équité et de justice, dont la première et la principale concerne les ménages. Il s’agit de modifier le critère en fonction duquel on détermine si un retraité ou un chômeur doit payer la CSG au taux réduit de 3,8 % ou au taux plein, c’est-à-dire à 6,2 % ou 6,6 %. En effet, le critère actuel dépend du montant d’impôt dû, non du niveau du revenu lui-même. Cela signifie qu’un retraité qui touche une pension de 1 200 euros mais qui n’a pas de réductions d’impôts paie un taux de 6,6 % alors qu’un autre qui a une pension de 1 600 euros et des réductions d’impôts paie un taux inférieur.

Cela n’est ni juste, ni compréhensible. Nous allons engager en 2014 cette réforme, déjà évoquée à plusieurs reprises, notamment dans le rapport Lefebvre-Auvigne remis au printemps 2014, sans modification des taux en vigueur. Il s’agit d’une réforme à rendement global nul, qui assurera une plus grande équité et une meilleure lisibilité. Le nouveau seuil fixé sera, pour les personnes qui n’ont pas ou peu de réductions d’impôt, plus favorable que le seuil actuel.

Je le redis, il ne s’agit en aucune manière d’une hausse de la CSG des retraités aisés, mais c’est bien une mesure de justice, conforme d’ailleurs à ce qui a été fait depuis plusieurs années en matière d’impositions locales. Alors que, chaque année, beaucoup de personnes aux revenus modestes subissent un changement de tranche de CSG, cette réforme permettra à l’avenir de tenir compte de la réalité des ressources. Vous serez nombreux, je pense, à reconnaître qu’il y a là du bon sens.

D’autres mesures concernent les entreprises – je les évoque rapidement. Nous engagerons la rationalisation du recouvrement des taxes sur les contrats d’assurance maladie d’une part et les contrats d’assurance automobile d’autre part, avec un souci de gain d’efficacité dans les relations entre les administrations compétentes, URSSAF et DGFIP.

D’autres mesures, que je mentionne rapidement même si elles ont leur importance, permettront également de simplifier la taxe sur les ventes de matériel médical. L’un des articles du PFLSS crée un plafond pour éviter que les assiettes dérogatoires permettent d’échapper aux prélèvements sociaux : lorsque la rémunération réelle est de plus de 4 500 euros par mois, l’avantage social ne peut dépasser 30 % des cotisations dues.

Telles sont les principaux éléments que je voulais porter à votre attention, mesdames et messieurs les députés. Pardon d’avoir été un peu long, mais je souhaitais, en réponse à des critiques et des interrogations souvent injustifiées, être extrêmement précis sur le programme d’économies de 9,6 milliards d’euros. Vous pourrez en critiquer le contenu et la méthode, mais en aucun cas le montant global des économies attendues, qui est conforme aux engagements du Gouvernement. S’agissant des recettes, je souhaitais également vous préciser de façon assez détaillée la disposition sur la CSG, qui a également fait l’objet d’un certain nombre de remarques aussi déplacées qu’erronées. Je vous remercie et ne doute pas que ce débat fructueux nous permettra d’améliorer le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Francis Vercamer. Il suffit d’accepter nos amendements !

M. Dominique Tian. Nous allons enrichir le texte !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Dans son discours introductif, Mme Marisol Touraine vous a présenté très précisément et avec beaucoup de transparence les mesures relatives à la famille. Comme vous le voyez, le Gouvernement tient son engagement d’ouvrir le débat sur toutes les propositions de réformes, qu’elles soient de nature réglementaire ou législative. À ce sujet, permettez-moi à mon tour de féliciter les rapporteurs, en particulier Mme Marie-Françoise Clergeau et Mme Martine Pinville, ainsi que la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Catherine Lemorton, pour la qualité de nos échanges, qui ont permis l’adoption d’un dispositif co-élaboré par l’exécutif et le législatif, ce qui traduit une bonne pratique de nos institutions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La politique familiale ne se résume pas aux allocations versées par la branche famille, car elle forme un tout cohérent et interdépendant, qui doit être appréhendé dans son ensemble. On ne peut pas la résumer aux seules prestations familiales.

Elle comprend aussi des aides fiscales, des dépenses des collectivités, des dépenses d’éducation, notamment pour ouvrir l’école maternelle aux enfants de moins de trois ans, ainsi que les crédits de l’aide sociale à l’enfance.

L’ensemble de ces dispositifs avoisine 120 milliards d’euros par an : c’est ce que la collectivité publique consacre à l’accueil et à l’éducation des enfants.

L’action sociale y joue un rôle important pour offrir des solutions concrètes, au plus près des familles, qu’il s’agisse du soutien à la parentalité, du développement des activités extrascolaires et périscolaires ou de la création de places d’accueil pour les jeunes enfants. C’est d’ailleurs cette complémentarité qui confère à la politique familiale française son excellence.

Je voulais, pour ma part, attirer votre attention sur le fait que les mesures qui vont être largement débattues, cette semaine, dans votre hémicycle sont assorties d’un plan de développement des places d’accueil pour la petite enfance.

Et je rappelle que le budget de la CNAF consacré à l’action sociale continuera d’augmenter au rythme annuel moyen de 7,5 %, ce qui ne saurait être en aucun cas assimilé, vous en conviendrez, à une quelconque austérité.

C’est une décision forte que nous avons prise lorsque nous avons signé la convention d’objectifs et de gestion – COG – 2013-2017 avec la CNAF.

Le Gouvernement tient, aujourd’hui plus que jamais, à réaffirmer son objectif d’offrir, d’ici à 2017, 275 000 places d’accueil supplémentaires : 100 000 dans les crèches, 100 000 auprès des assistantes maternelles et 75 000 à l’école maternelle. Cet objectif nous conduira, en seulement cinq ans, à augmenter de 20 % le nombre de places d’accueil disponibles.

Le Gouvernement a reçu, le 9 octobre, les conclusions du Haut conseil de la famille – HCF – sur le développement de l’accueil des jeunes enfants. Le HCF a montré que les objectifs 2013 n’ont été atteints qu’à hauteur de 54 %. Il fournit plusieurs éléments d’explication : 2013 a été à la fois la première année d’application de la COG et l’année précédant les élections municipales. Or l’expérience passée montre que ces deux facteurs se traduisent toujours par des moindres créations de places.

Nous n’en avons pas, pour autant, déduit qu’il suffisait d’attendre tranquillement que les objectifs se réalisent d’eux-mêmes.

C’est pourquoi le Gouvernement a, immédiatement, choisi d’accélérer l’effort. Nous sommes d’ailleurs bien conscients que le développement des places d’accueil est une des conditions de réussite du partage plus équilibré du congé parental que nous portons.

Une aide exceptionnelle de 2 000 euros doit donc être débloquée pour chaque nouvelle place de crèche dont la création sera décidée en 2015. C’est une mesure simple, lisible, et qui va dans le sens de ce que souhaitent les maires. Le Gouvernement va donc, dans les prochains jours, proposer au conseil d’administration de la CNAF d’adopter cette recommandation du HCF.

Pour relancer les créations de places, une aide exceptionnelle ne suffira cependant pas. Je souhaite que nous traitions le sujet dans sa globalité : nous allons donc lancer, dès maintenant, un chantier de simplification pour alléger les normes qui encadrent la construction de places de crèches.

Un groupe de travail, comprenant des représentants de l’Association des maires de France – AMF – et de la CNAF, rendra des conclusions avant la fin de l’année. Par ailleurs, une expertise sur les causes de l’augmentation des coûts de construction des places de crèches va être lancée dans les tout prochains jours avec la CNAF.

Toujours en vue d’offrir davantage de solutions aux parents, nous souhaitons aussi, avec Marisol Touraine, porter un plan global de développement des places auprès des assistants maternels, car on ne peut pas opposer les modes de garde les uns aux autres. On ne dit pas assez que les assistants maternels sont des professionnels formés, qui offrent à 900 000 enfants un accueil adapté au rythme de vie et de travail de leurs parents. Ils apportent à ces enfants, de plus, une première expérience de la sociabilisation.

Le paradoxe de la persistance d’un manque global de places et d’un nombre important de places vacantes chez les assistants maternels continue de nous interroger. Je souhaite donc que nous fassions sauter certains verrous pour que se rencontrent ces parents sans solution d’accueil et ces assistants maternels sans enfants à accueillir.

Nous allons ainsi expérimenter, à partir du 1er janvier 2015, le versement en tiers payant du complément de libre choix du mode de garde pour les familles modestes. Je tiens, par ailleurs, à souligner que, grâce à la modulation des allocations familiales, le complément de mode de garde ne sera pas réduit pour les familles les plus aisées comme cela avait pu, à un moment donné, être envisagé.

Je tiens aussi à préciser que l’idée d’une augmentation des tarifs de crèche pour les familles les plus aisées, qu’évoquait le rapport du HCF, n’a pas été retenue. Il n’a jamais été question qu’elle le soit.

Nous allons aussi co-financer la création de relais d’assistants maternels – RAM –, car il faut que les assistants maternels et les parents disposent de lieux d’information et d’échange. Enfin, la prime à l’installation des assistants maternels sera augmentée dans les zones où il manque des professionnels.

L’investissement dans la pierre pour créer des crèches est un premier axe, mais nous devons aussi penser à l’investissement dans l’humain, et, en particulier, dans les métiers de la petite enfance. Il s’agit d’investissements d’avenir : ces métiers représentent un gisement d’emplois.

Ce sont des métiers extrêmement féminisés, mais nous cherchons à améliorer leur mixité, sans pour autant penser qu’il vaut mieux proposer aux femmes de longs compléments de libre choix d’activité – CLCA –, qui parfois deviennent des trappes à inactivité, que de développer les métiers dans lesquels elles sont les plus nombreuses.

Pour dynamiser ces métiers, il faut agir sur plusieurs fronts, et d’abord sur celui des assistants maternels et des gardes à domicile. Ceux-ci doivent pouvoir mieux faire reconnaître leurs acquis professionnels, et nous devrons réfléchir à la mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience. Cette certification ne fonctionne, pour le moment, pas aussi bien que nous le souhaiterions. Or elle peut constituer un des chantiers de simplification du Gouvernement.

Nous pourrons ainsi offrir, à celles et ceux qui le souhaiteraient, un véritable déroulé de carrière pouvant évoluer vers l’accueil collectif.

Nous devons aussi réfléchir avec nos partenaires à une offre de formation aujourd’hui insuffisante, notamment concernant les auxiliaires de puériculture, et à des passerelles plus souples entre les métiers.

Voilà les axes de travail sur lesquels nous allons avancer. Voilà ce qui fait l’excellence de la politique familiale française, une politique familiale qui permet à la France d’avoir à la fois un haut taux d’activité professionnelle des femmes, un taux de natalité que l’Europe nous envie, et des enfants heureux et épanouis dans des modes d’accueil diversifiés et adaptés aux besoins des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Dominique Tian. Pas un mot sur la modulation des allocations familiales ! C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 intervient dans un contexte économique difficile, pour la France comme pour l’Europe.

L’écart entre les prévisions sur lesquelles la loi de financement rectificative de l’été dernier a été bâtie et la situation actuelle est aussi important qu’inattendu. Les finances sociales en pâtissent particulièrement, car la plupart des recettes sont assises sur la masse salariale qui augmente très faiblement, tandis que les mesures de gel prévues n’auront pas les effets escomptés puisque l’inflation est proche de zéro. Malgré cela, le déficit de l’ensemble de la Sécurité sociale pour l’année 2014 sera contenu.

Bien que le redressement des comptes sociaux marque, en effet, le pas, le travail accompli depuis juin 2012 est considérable. Dépassant les 26 milliards d’euros fin 2011, le déficit de la Sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – va être ramené à 15,4 milliards d’euros fin 2014.

Il est indispensable de poursuivre les efforts entamés vers la voie du redressement des comptes sociaux. À cet égard, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 est un projet de loi responsable, qui prévoit de réels efforts d’économies. Mais ce n’est pas un budget d’austérité : les prestations continuent d’augmenter, y compris celles de la branche famille.

Mais le redressement des comptes est une nécessité : il en va de la pérennité de notre modèle social, auquel 32 % de notre PIB – record mondial – est consacré. Nous avons le devoir de ne pas reporter davantage la charge des dépenses courantes actuelles sur les générations futures.

Le présent projet de loi prévoit donc des mesures nécessaires à l’inscription des comptes sociaux sur une trajectoire pluriannuelle de redressement. Fin 2014, le déficit du régime général seul devrait s’établir à 11,7 milliards d’euros.

La réforme des retraites, portée par la loi du 20 janvier 2014, garantit l’équilibre en 2017.

En 2014, le redressement des comptes est freiné par la conjoncture. Si le déficit est stabilisé, il dépasse de 1,9 milliard d’euros la prévision de la loi de financement, en raison de la persistance d’un niveau élevé du chômage qui creuse les comptes du Fonds de solidarité vieillesse.

Les recettes, quant à elles, sont inférieures de 3,2 milliards d’euros aux objectifs de la loi de financement initiale, avec une croissance de la masse salariale nettement inférieure à la prévision.

Les mesures du pacte de responsabilité ayant pour objet d’améliorer la compétitivité des entreprises par des baisses de charges auront, en 2015, un impact important sur les recettes de la Sécurité sociale : de 5,9 milliards d’euros et de 6,3 milliards d’euros si on y inclut la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA.

Toutefois, les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2015 prévoient une compensation intégrale de ces pertes de recettes, comme, d’ailleurs, le Gouvernement s’y était engagé.

Nous examinons un projet de loi responsable : les engagements du Gouvernement sont tenus et les mesures d’économie nécessaires au redressement des comptes réparties de façon équitable. Grâce à cela, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base sera ramené à 10,3 milliards d’euros fin 2015, et celui du Fonds de solidarité vieillesse à 2,9 milliards d’euros.

Les pertes de recettes induites par le pacte de responsabilité sont intégralement compensées par le transfert à l’État de la charge des allocations logement, ainsi que par la mesure prévue à l’article 14 qui instaure, sur les versements effectués par les entreprises aux caisses de congés payés, un prélèvement des cotisations à la source. M. le secrétaire d’État chargé du budget vient de s’exprimer à ce sujet.

Le Gouvernement a respecté son engagement de reverser à la Sécurité sociale le produit de la fiscalisation des majorations de pensions pour enfants, instaurée dans la loi de finances pour 2014. Ce produit permet d’augmenter, de 1,2 milliard d’euros, les recettes du FSV.

Les prévisions de recettes tiennent compte d’un transfert de 0,45 milliard d’euros de la Sécurité sociale à l’État, en application de l’article 22 qui modifie les modalités de recouvrement des prélèvements sociaux au titre de l’exit tax.

M. Élie Aboud. C’est quoi, ça ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le redressement est aussi le fruit des réformes passées – M. le secrétaire d’État chargé du budget vient de les détailler. En 2015, les principaux efforts portent sur les dépenses.

Avec un Objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM – fixé à 2,1 %, la branche maladie doit faire 3,2 milliards d’euros d’économies par rapport à l’évolution tendancielle de ses dépenses. Ces économies constituent un effort historique et sont assises, comme Mme la ministre de la santé vient de le souligner, sur des réformes structurelles. Elles doivent être dégagées de l’amélioration de l’efficience de notre système de santé.

Des économies sur la branche famille sont également prévues, à hauteur de 0,7 milliard d’euros. Les économies pérennes correspondent, globalement, à 1,2 % des 477 milliards d’euros de dépenses de la Sécurité sociale.

Ces prévisions reposent sur l’hypothèse d’une croissance du PIB de 1 % et d’une progression de la masse salariale de 2 % en 2015.

Le projet de loi ne prévoit aucune augmentation des prélèvements sociaux. En revanche, plusieurs articles permettent de simplifier ceux-ci et de les rendre plus justes.

L’article 7 substitue un critère de revenu fiscal au critère actuel de montant d’impôt sur le revenu mis en recouvrement pour l’assujettissement au taux normal de CSG sur les revenus de remplacement afin de limiter les effets de seuil et de fixer ceux-ci de façon plus équitable.

L’article 21 simplifie la répartition des taxes affectées à la Sécurité sociale en compensation des exonérations de cotisations.

L’article 15 propose des mesures destinées à améliorer les relations entre cotisants et organismes de recouvrement, notamment à travers la création d’un cadre juridique clair pour la transaction.

Enfin, l’article 19 permet au régime agricole de bénéficier des conditions de financement de la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – ACOSS –, concrétisant une demande ancienne des gestionnaires de ce régime.

Grâce à l’ensemble des réformes menées, la réduction des déficits doit se poursuivre. Dans un environnement économique difficile, le Gouvernement a reporté à 2018 son objectif de retour à l’équilibre, auparavant fixé à 2017.

Ajoutons que plusieurs amendements ont été adoptés par la commission des affaires sociales, et sont donc soumis au Gouvernement.

Souhaitant relancer l’emploi à domicile, qui connaît un « décrochage » depuis plusieurs années, la commission a adopté un amendement portant de 0,75 euro à 1,50 euro l’abattement forfaitaire de cotisations patronales par heure déclarée.

Concernant le régime social des indépendants – RSI –plusieurs modifications techniques devraient permettre une meilleure mise en œuvre du régime simplifié créé par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

Je n’ai pas pu les défendre en raison des contraintes de l’article 40, c’est-à-dire, monsieur le secrétaire d’État, d’un problème purement juridique. Il faudrait, donc, permettre aux indépendants exerçant une autre activité, les pluriactifs, de rester attachés, s’ils le souhaitent, au régime dont ils relevaient précédemment.

Il faut aussi revoir la date d’affiliation au RSI afin d’éviter les affiliations tardives et opportunistes, en précisant que l’affiliation commence avec l’activité et non avec le premier chiffre d’affaires déclaré.

En matière de gestion des organismes de Sécurité sociale, la commission a adopté un amendement tendant à rationaliser l’organisation informatique de la branche famille.

Enfin, dans le domaine de la lutte contre la fraude, la commission a adopté un amendement de M. Pierre Morange, co-président de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale – MECSS – visant à ce que le montant des prestations sociales versées figure dans le répertoire national commun de la protection sociale – RNCPS.

M. Dominique Tian. Très bien.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit là d’une recommandation de longue date qui n’avait pas encore été appliquée.

Au total, et sous réserve du vote de ces amendements, la commission des affaires sociales a adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 présenté par le Gouvernement et propose à cette assemblée de faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre système de protection sociale est au cœur de notre pacte républicain. Si nous nous comparons volontiers à ceux de nos voisins qui traversent le mieux la crise économique, n’oublions pas de regarder, dans le même mouvement, l’impact social de cette crise.

Notre système est parmi les plus protecteurs du monde, et nous devons en être fiers, comme nous devons être fiers qu’il repose sur la solidarité nationale – nous cotisons selon nos moyens, nous recevons selon nos besoins –, comme nous devons être fiers à l’heure d’examiner un projet de budget qui a été construit exactement dans cette direction.

En dépit de la crise, en dépit du sérieux budgétaire dont nous faisons preuve, rien dans ce projet de loi, mes chers collègues, ne remet en cause l’architecture de notre système de protection sociale. Pas de plan de déremboursement, pas de nouvelles franchises médicales, au contraire, pas de taxe comportementale. C’est la troisième année consécutive sans recul des droits des usagers, et c’est notre fierté de le marteler.

Un transfert de charges vers les malades aurait certes eu l’avantage de nous éviter de faire des réformes structurelles pour parvenir à notre objectif budgétaire, mais l’on sait qu’à chaque fois que l’assurance maladie se désengage, que l’universalité de la prise en charge est remise en question, ce ne sont pas les déficits qui se creusent, ce sont bien les inégalités en matière de santé.

C’est d’ailleurs en raison de ce constat que l’ensemble des forces de gauche représentées au Parlement se mobiliseront au cours des débats pour que ceux des Français qui parviennent à peine au seuil de pauvreté soient exemptés à l’avenir de payer des franchises et participations forfaitaires pour leurs soins, et je me réjouis, madame la ministre, de ce que vous avez annoncé lors des questions au Gouvernement. C’est aussi pour cela que nous repousserons avec conviction tous les amendements visant à faire reculer les droits des plus fragiles – je pense notamment aux bénéficiaires de l’aide médicale d’État, mais nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.

Il n’y aura donc pas de recul des droits, mais pas de recul non plus face à l’enjeu de la réduction du déficit de la Sécurité sociale. Le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale est un élément déterminant tant il est vrai que l’accumulation des déficits est délétère pour l’avenir et la pérennité de notre système et participe d’ores et déjà de l’endettement de nos enfants.

Nos efforts portent leurs fruits puisque, depuis 2010, le déficit a été réduit de près de 50 %. Pour autant, il me faut lever une ambiguïté. Nous entendons et lisons parfois que les dépenses d’assurance maladie pourraient diminuer. Non. Les dépenses vont continuer de progresser, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et du progrès médical, mais ce PLFSS va permettre d’en maîtriser l’ampleur, de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Cela correspond à un ralentissement de la progression de l’ONDAM, qui sera de 2,1 %.

Ayant évacué l’idée de prendre les mesures les plus faciles, les plus injustes, le Gouvernement fait le choix de s’appuyer sur des mesures concrètes et structurelles. En premier lieu, il me faut saluer le gros effort, renouvelé, consenti par l’industrie pharmaceutique, avec tant une baisse des prix et des volumes que le déploiement des médicaments génériques. Des efforts réels sont également demandés à l’hôpital et à la médecine de ville, efforts qui portent notamment sur la pertinence des pratiques et des prescriptions.

Ce projet de loi prend aussi en compte une innovation thérapeutique majeure, qui est une bonne nouvelle pour les malades atteints par l’hépatite C, mais qui pose un véritable problème en matière de prix du médicament. À plusieurs milliers d’euros la boîte, on est bien loin d’un prix raisonnable et acceptable, surtout quand la fixation des prix n’est plus fonction des coûts de production et de l’amortissement des investissements en matière de recherche et de développement.

Derrière ce prix, qui n’est pas acceptable, il y a une forme d’indécence et de violence symbolique envers les malades, qui, j’en suis sûr, choque tous les représentants du peuple que nous sommes. Voilà pourquoi, au-delà d’un certain volume de dépenses, un mécanisme gagé sur le chiffre d’affaires du ou des laboratoires concernés se mettra en place, pour faire bénéficier tous les malades de l’innovation thérapeutique, sans fragiliser le financement de notre système de santé, fondé sur la solidarité nationale. L’État est dans son rôle en mettant en place des mécanismes de veille et de contrôle efficaces.

Cette régulation est possible car, si un acteur a défrayé la chronique, l’immense majorité d’entre eux acceptent de réaliser de gros efforts. Pour autant, la persistance de la crise que nous traversons implique la poursuite des efforts en la matière, que ce soit par des processus de négociation, ce que la mise en place d’un taux L devrait contribuer à intensifier, ou par des remboursements au juste prix, afin de pousser les établissements de santé à mieux négocier l’achat des médicaments.

Il reste un champ à développer en matière de maîtrise des dépenses, celui de la pertinence des actes. Ce qui est en question ici, c’est non pas la liberté de prescrire du médecin, mais une incitation forte à ce que soient mieux pris en compte non seulement le risque iatrogénique mais aussi les recommandations en termes de santé publique et de maîtrise des dépenses. À ce titre, il paraît indispensable, et nous en avons débattu en commission, qu’une émulation soit créée autour de ces enjeux auprès des équipes médicales. La pertinence des soins est moins affaire de directeurs de structures que de prescripteurs. Je crois fortement aux vertus de la formation continue et des échanges entre pairs.

Accroître la garantie offerte aux patients, c’est aussi mieux contrôler la qualité et la sécurité des produits de santé et des dispositifs médicaux. C’est là tout l’objet de la création d’une modalité d’inscription sur la liste des produits et prestations par description générique renforcée. Nous veillons par des amendements à ce que cet objectif de sécurité ne contrevienne pas aux engagements de simplifier les normes et les procédures.

Enfin, le virage ambulatoire dans le secteur hospitalier correspond également à une évolution positive dans la prise en charge et le suivi des patients. C’est pourquoi je me réjouis de l’adoption en commission des affaires sociales d’un amendement portant expérimentation de l’accueil pré et post-hospitalisation, que j’appelle, par souci de compréhension par le plus grand nombre, « hôtels hospitaliers ». Parfois, l’hospitalisation ne s’impose pas, mais il est important que le patient soit non loin de la structure hospitalière en cas de problème. Créer des hôtels au sein ou à proximité immédiate des établissements hospitaliers permettrait d’assurer un accueil sécurisé du patient et une prise en charge par l’assurance maladie.

À cette avancée s’ajoutent d’autres mesures de bon sens : renforcement du pilotage régional de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé, mesures de sensibilisation à la prescription des très onéreux produits de la liste en sus, ou encore rationalisation de l’accès des entreprises de taxis au conventionnement avec l’assurance maladie.

Le PLFSS porte encore des mesures tarifaires pour préserver les hôpitaux de proximité et élargit les mesures incitatives pour lutter contre les déserts médicaux en tenant compte des réalités du terrain et de certains modes d’exercice saisonnier de la médecine, comme le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire ou l’aide à l’activité ambulatoire en zone de montagne. Là encore, par souci d’éviter des mesures trop complexes et manquant de lisibilité, la commission a adopté plusieurs amendements de simplification.

Rapporteur du volet assurance maladie, j’ai souhaité que nous débattions, sans attendre la loi de santé, de l’objectif d’une meilleure coopération des hôpitaux au sein d’un territoire de santé donné, via un projet médical partagé et une large mutualisation.

Ce PLFSS met aussi en place le tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. La difficulté d’avancer les frais ne doit pas être un frein à l’accès aux soins pour les Français dont les revenus n’excèdent 11 700 euros par an et qui sont au seuil de pauvreté.

Le PLFSS consacre la place de la démocratie sanitaire en assurant le financement des associations de patients œuvrant au niveau national et donne toute sa place à la prévention à travers la sécurisation des centres de dépistage et des centres de vaccination.

Enfin, à l’occasion des travaux en commission, c’est une volonté de partir du terrain pour améliorer concrètement la situation qui a été collectivement exprimée et qui explique certains des amendements que nous portons comme celui concernant le forfait innovation pour les dispositifs médicaux. Seuls deux dispositifs ont pu bénéficier de ce forfait depuis sa création, en 2008, et, grâce à l’intervention de Mme la ministre de la santé, en 2014. Aussi le durcissement des critères proposé dans le PLFSS nous est-il paru inadapté au regard de la réalité du modèle économique. Les travaux de la commission ont permis, je pense, de dégager un consensus à ce sujet.

Bref, nous avons encore matière à échanger durant l’examen de ce projet de loi, même si la qualité du travail effectué en commission nous a permis de faire avancer déjà un certain nombre de propositions. Je remercie d’ailleurs l’ensemble des commissaires pour le sérieux de ce travail et la valeur de nos discussions. Loin des clichés et postures politiciennes, c’est un travail de concertation sereine qu’il a été possible de mener sur la majeure partie du texte, même si, et c’est bien normal, de nombreux points de clivage perdurent encore. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre une nouvelle fois au cours des jours à venir.

Le PLFSS préfigure, dans sa partie financière, les évolutions structurelles que la future loi de santé mettra en place et qui sont au cœur des besoins et des attentes des habitants de ce pays : lutte contre les phénomènes de désertification médicale, définition d’un modèle pour soutenir l’offre de proximité, renforcement des moyens de la prévention.

Pour garder à la protection sociale sa dimension universelle, sans hypothéquer son avenir ni faire des économies sur le dos des malades, les réformes d’organisation amorcées dans le PLFSS sont loin d’être négligeables, car, derrière le virage ambulatoire, la pertinence des soins et le suivi des prescriptions, c’est sur une meilleure collaboration entre soins de ville et hôpital que l’on fait reposer en partie l’architecture des évolutions en matière de santé publique.

Cet objectif, pour être réalisé, réclame que, de la défense de bastions, nous passions à une action concertée. Les cadres que nous allons poser à travers ces deux projets de loi offrent des perspectives nouvelles pour les faire exister. Dans la réalité, cela dépend aussi de l’union des hommes de bonne volonté. Vaste programme… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années 2014 et 2015 sont particulièrement riches pour le secteur médico-social. Elles voient la concrétisation d’engagements forts de notre majorité et du Président de la République.

Le mois dernier, nous avons adopté en première lecture le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Ce projet de loi trouve sa traduction budgétaire dans ce PLFSS, qui est ainsi particulièrement ambitieux, avec un ONDAM médico-social en croissance de 2,2 %, et ce, je tiens à le souligner, dans le contexte économique et budgétaire particulièrement difficile que nous connaissons.

J’en viens plus spécifiquement aux personnes âgées en situation de perte d’autonomie

Le plan de médicalisation des établissements se poursuit et la qualité de l’offre est en progrès constant. Le plan de solidarité grand âge avance lui aussi, et près de 80 000 places ont été autorisées depuis 2007. De son côté, le plan Alzheimer va être élargi à l’accompagnement des personnes souffrant de maladies neurodégénératives.

Surtout, le PLFSS prévoit l’affectation de l’intégralité du produit de la CASA à la CNSA, ce qui permettra notamment de revaloriser de manière substantielle l’APA dès 2015, avec une montée en charge en 2016 et 2017, d’engager des mesures de soutien à la prévention de l’avancée en âge – ces mesures seront gérées au niveau des territoires départementaux car, nous le savons, un pilotage efficace des politiques passe par une gouvernance locale –, d’instaurer une véritable politique d’accompagnement des aidants, avec la consécration d’un droit au répit et des mesures de financement adéquates, de moderniser les logements-foyers, rebaptisés « résidences autonomie ». Ces résidences doivent offrir de véritables solutions alternatives à l’hébergement en établissement, souvent subi par les personnes âgées.

Le calendrier d’adoption des mesures de ce projet de loi n’autorisera la CNSA à prendre en charge ces mesures qu’au cours de l’année 2015. En attendant, les ressources de la CASA seront mobilisées pour contribuer au financement d’un ambitieux plan d’aide à l’investissement, très attendu dans le secteur.

Le projet de loi sur le vieillissement comporte également un volet sur la gouvernance,…

Mme Bérengère Poletti. Et le PLFSS ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. …qui répond pleinement aux attentes que nous avions exprimées en commission et garantit un emploi optimal des ressources que nous votons aujourd’hui dans le cadre de ce PLFSS.

Par amendements, le Gouvernement a ainsi proposé d’instaurer dans chaque département un conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie, fusion des CDCH et des CODERPA. Ce conseil permettra d’assurer la participation des personnes âgées et des personnes handicapées à l’élaboration, à la mise en œuvre, au développement et à la mise en cohérence des politiques de l’autonomie. C’est une véritable avancée, dont il faut se féliciter.

Ce texte offre également un cadre juridique permettant d’unifier le fonctionnement des MDA, les maisons départementales de l’autonomie. Dans un souci de cohérence des politiques mises en œuvre, le président du conseil général aura ainsi la possibilité de transformer les structures existantes, notamment les MDPH, en un guichet unique, labellisé par la CNSA, s’adressant à l’ensemble des personnes en perte d’autonomie.

Toujours sur le chapitre de la gouvernance, je salue également la création d’un Haut conseil de la famille et des âges de la vie.

Mme Bérengère Poletti. Et le PLFSS ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce conseil permettra d’avoir une approche transversale des questions liées à l’avancée en âge et conduira des travaux d’anticipation, d’analyse et de proposition.

Les mesures sur la vieillesse du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont également complétées par d’autres politiques publiques, ce qu’illustre notamment l’objectif assigné par le Gouvernement à l’Agence nationale de l’habitat de créer une offre de 80 000 logements adaptés pour les personnes âgées d’ici à 2017 ou encore le lancement, en mars dernier, du plan pour les métiers de l’autonomie.

Pour conclure ce développement sur le secteur personnes âgées, je tiens à saluer l’engagement du Gouvernement et le travail de tous, sur les bancs de la majorité comme de l’opposition. L’évolution du secteur médico-social illustre la façon dont, ensemble, nous parvenons à concrétiser des engagements essentiels pour les personnes âgées et leurs familles.

S’agissant des personnes handicapées, je me réjouis à nouveau de la poursuite du programme de création de places. Celles-ci progressent, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, avec près de 5 000 ouvertures par an. Malgré ces avancées, nous nous heurtons toujours à des difficultés de développement de l’offre en établissement, notamment pour les adultes. Ainsi, la presse se fait régulièrement l’écho de jeunes adultes pris en charge en Belgique, loin de leurs familles, faute de places adaptées en France. Nous devons réfléchir aux moyens d’améliorer l’offre sur le territoire national. Sans éluder la question des moyens financiers, il faut aborder en particulier celle des contraintes réglementaires, ainsi que celle de la définition des cahiers des charges dans les appels à projet qui parfois bloquent certains projets.

Le vote, en juin, du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes en situation de handicap est également à souligner. En permettant de redéfinir les modalités de mise en œuvre de son volet accessibilité et en introduisant des « agendas d’accessibilité programmée » – un dispositif permettant de poursuivre, de manière sécurisée juridiquement et dans un délai limité, les travaux d’accessibilité après le 1er janvier 2015 –, cette ordonnance, qui a été prise en septembre, est indispensable au maintien de l’objectif d’accessibilité fixé par la loi du 11 février 2005. Elle offre un nouveau souffle à la dynamique d’accessibilité en simplifiant l’environnement normatif dans le sens d’une efficacité accrue et en le complétant pour mieux prendre en compte l’ensemble des formes de handicap.

Madame la ministre, dans mon rapport, j’insiste particulièrement sur la nécessité de mettre l’accent, au cours des prochaines années, sur la modernisation et la mise en cohérence des systèmes d’information des maisons départementales des personnes handicapées. Il est grand temps de nous doter des outils indispensables à l’identification et au suivi, sur l’ensemble du territoire national, des besoins et de l’offre dans le domaine du handicap. Faute de quoi, quels que soient les moyens mobilisés, les pouvoirs publics seront condamnés à agir dans l’incertitude.

Au-delà de ce constat, je me réjouis particulièrement de la cohérence de la parole du Gouvernement et de ce que celui-ci ait tenu ses engagements. Comme il l’a dit en commission, les crédits sont au rendez-vous et le produit de la CASA est pleinement affecté aux personnes âgées. Je souhaite ensuite encourager vivement chacun d’entre nous à accompagner l’effort de mise en cohérence des outils du médico-social. Je crois que nous devons saisir la chance qu’offre le projet de loi vieillissement pour encourager la généralisation des maisons départementales de l’autonomie sur l’ensemble du territoire. C’est le meilleur moyen de proposer un guichet unique aux intéressés et à leur famille, et ainsi de leur rendre plus lisible le champ du médico-social tout en facilitant leur accès aux informations et aux services dont ils ont besoin.

À l’heure actuelle, comme vous le savez, un tel service manque cruellement dans le cas des personnes âgées. À cet égard, madame la ministre, je souhaiterais que le PLFSS de l’année prochaine envisage des mesures d’encouragement financier en faveur de ces structures.

Un autre point qui me tient à cœur est celui de l’aide à domicile. Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement a consacré la nécessité de réformer ce secteur d’activité. Un prochain rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques consacré à ce sujet, et dont Bérengère Poletti et moi-même sommes les co-rapporteures, devrait nous aider à nous positionner sur la nécessité de maintenir ou non la coexistence des régimes d’agrément et d’autorisation et de valoriser ou non les différentes modalités de tarification en cours d’expérimentation.

La poursuite des réformes engagées est indispensable, ce secteur se trouvant en effet à la croisée de plusieurs politiques : la politique sociale – l’aide à domicile étant en effet un acteur clé de la prévention et de l’accompagnement de la dépendance – et la politique de l’emploi. Les objectifs de chacune de ces différentes politiques doivent ainsi être clarifiés afin de permettre un meilleur ciblage des aides allouées et des populations concernées par ces aides.

Enfin, je crois que le travail accompli dans le cadre de ce PLFSS et du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement doit se prolonger dans le cadre de la loi de santé publique. Les discussions que nous aurons en commission et en séance doivent nous donner l’occasion d’échanger pour renforcer l’accès aux droits à la santé des publics âgés et en situation de handicap. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales et en tant que rapporteure pour le secteur médico-social, je vous demande d’adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la branche vieillesse du PLFSS 2015 retrouve son rythme de croisière. Seuls deux articles lui sont expressément consacrés : l’un sur l’équilibre général des comptes et un deuxième sur la situation des harkis. C’est la caractéristique de cette branche : elle fonctionne par réformes successives. Avant de revenir sur celle du 20 janvier 2014, je voudrais m’attarder un instant sur l’équilibre financier de la branche vieillesse pour 2015.

Les comptes, grâce aux mesures courageuses et efficaces que nous avons prises, sont en nette amélioration. Le régime général, même si l’on ne peut se satisfaire totalement du solde prévisionnel de 2015, est en net redressement. Que l’on en juge ! Le déficit atteindra seulement 1,5 milliard d’euros, alors que nous étions à près de 5 milliards d’euros en 2012, après la réforme de 2010, qui était pourtant censée régler le problème.

M. Arnaud Robinet. C’est le recul de l’âge de départ à soixante-deux qui fait effet !

M. Michel Issindou, rapporteur. Le relèvement des cotisations de 0,15 % en 2014 a permis d’éviter le pire et de remettre à l’équilibre le régime général à l’horizon tout proche de 2017 ou de 2018, en fonction de la conjoncture économique dont il est tenu compte dans les prévisions de recettes.

Le comité de suivi des retraites, dans son rapport du 15 juillet dernier, a confirmé que la trajectoire de retour à l’équilibre restait crédible. Bien sûr, il est essentiel, pour la branche vieillesse mais plus globalement pour notre modèle social, que les prévisions de croissance qui génèrent directement des emplois et, partant, des cotisations, se réalisent. C’est pourquoi, nous soutenons avec conviction le pacte de responsabilité et de solidarité, seul à même de garantir durablement une croissance suffisante pour tendre vers l’équilibre de la Sécurité sociale. Ce PLFSS est l’occasion de revenir en quelques mots sur la réforme des retraites dont nous débattions il y a une année dans cet hémicycle.

Je veux saluer le travail du Gouvernement qui a œuvré, sous la pression bienveillante mais attentive du Parlement, à la rédaction puis à la parution des nombreux décrets d’application de la loi de 2014. Au-delà des aspects financiers paramétriques du retour à l’équilibre, c’est tout le volet de progrès social de la loi qui est attendu par nos concitoyens. Permettez-moi de rappeler que notre réforme améliorera sensiblement la retraite de tous ceux qui ont eu des carrières heurtées. Je pense particulièrement aux femmes, qui sont les plus touchées. En prenant mieux en compte les périodes de maternité, les périodes de chômage et le temps partiel, elles auront des carrières plus complètes qui leur permettront de partir plus tôt à la retraite et de résorber cette insupportable différence de niveau de pension avec les hommes, qui est d’environ 30 % aujourd’hui.

Je pense aussi aux 480 000 exploitants agricoles non salariés qui verront augmenter progressivement leur pension, comme nous l’avions promis. Je pense également aux personnes handicapées et à leurs aidants qui pourront partir plus tôt à la retraite. Je pense enfin aux jeunes et aux seniors, confrontés aux difficultés du marché du travail : les uns pourront racheter des trimestres d’études avec une aide de l’État ; les autres pourront bénéficier du dispositif réactualisé de la retraite progressive ou des dispositifs de cumul emploi-retraite. Voilà des mesures concrètes qui sont la marque de fabrique de la réforme juste du 20 janvier 2014 ! Je me réjouis de me voir que leur application se fera aux dates prévues.

Je voudrais m’arrêter quelques instants sur la grande avancée sociale que constitue la création du compte de prévention de la pénibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est une belle mesure de solidarité nationale que de reconnaître et de valoriser la pénibilité de certains métiers, de ces métiers qui, hélas, pratiqués trop longtemps écourtent la vie.

M. Élie Aboud. Spécieux !

M. Michel Issindou, rapporteur. Le dispositif mis en place a trois fonctions : sortir de la pénibilité par une formation en vue d’une réorientation professionnelle ; financer une réduction du temps de travail à tout moment de sa carrière ; permettre un départ anticipé à la retraite de deux ans au maximum. Ce beau dispositif de justice sociale, dont le principe avait été validé par tous les partenaires sociaux en 2008, fait l’objet d’une très forte contestation d’une partie de ces mêmes partenaires, au moment de son application. En 2008, c’est son coût qui avait fait obstacle ; en 2014, c’est sa prétendue complexité. Je ne conteste pas que ce dispositif nécessite une phase d’explicitation et un temps d’adaptation. C’est pour cela que le Gouvernement a sagement mandaté Michel de Virville pour simplifier son application dans les entreprises et qu’il a tout aussi sagement reporté d’une année sa généralisation.

M. Dominique Tian. Eh bien voilà, c’est inapplicable !

M. Michel Issindou, rapporteur. Seuls quatre des dix critères retenus dans la loi seront appliqués dès le 1er janvier 2015 ; les six autres le seront le 1er janvier 2016. Je dois dire la satisfaction de tous les députés qui ont soutenu avec conviction cette mesure, en constatant que tous les décrets ont été publiés il y a quelques jours. La mesure, sensiblement simplifiée pour son application, ne mérite pas d’être aussi fortement contestée et qualifiée de cette expression passe-partout d’«usine à gaz ».

Mme Bérengère Poletti. Mais c’en est une !

M. Michel Issindou, rapporteur. Je ne doute pas que, dans une grande majorité des cas, les partenaires sociaux, soit par branches, soit directement par entreprise, sauront faire vivre cette belle mesure, après un temps légitime d’adaptation. Les moyens dont disposera la CNAV – 170 équivalents temps plein –, à travers les CARSAT, permettront d’informer, de conseiller et de rassurer pour réussir l’application de cette avancée sociale majeure.

Je veux également revenir rapidement sur le débat relatif aux petites retraites qui nous a tant animés l’an dernier. Celles-ci existent, c’est une évidence, et nul ne les conteste. Si un effort a été demandé à tous les retraités pour sauver le régime par répartition, je ne veux toutefois pas passer sous silence la double revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées en 2014 et le coup de pouce de quarante euros donné le 1er octobre aux retraites de base pour celles inférieures à 1 200 euros. Je suis parfois surpris d’entendre certains dire que quarante euros, ce n’est rien, alors qu’ils disent dans le même temps que trois euros par mois, cela compte.

Mme Bérengère Poletti. Qui a dit que quarante euros ce n’était rien ?

M. Dominique Tian. Ce n’est pas nous ! C’est le PS !

M. Michel Issindou, rapporteur. En revanche, deux régimes suscitent de réelles inquiétudes : les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO et le RSI. Les régimes AGIRC-ARRCO sont entièrement gérés par les partenaires sociaux qui m’ont fait part, lors des auditions, de leur farouche volonté d’autonomie. Dont acte. Pour autant, ces régimes, qui versent annuellement autour de 65 milliards d’euros, sont structurellement déficitaires et leurs réserves seront épuisées à moyen terme si des mesures ne sont pas prises. Après les courageuses mesures de sous-indexation de 2013, les négociations qui s’ouvrent le 28 novembre prochain ne peuvent laisser indifférents le Gouvernement et le Parlement. En effet, les sorts du régime général et des régimes complémentaires sont, à mon sens, intimement liés.

Quant à lui, le régime social des indépendants n’est pas au mieux. Malgré d’indéniables améliorations de gestion, le plafonnement excessif de l’assiette des cotisations, l’affiliation de 500 000 auto-entrepreneurs et la suppression programmée de la C3S vont nécessiter de surveiller attentivement ce régime. Son adossement au régime général est une bonne mesure, qui va dans le sens de la convergence et de l’harmonisation des régimes.

S’agissant du Fonds de solidarité vieillesse, qui a en charge le financement au titre de la solidarité nationale de divers avantages vieillesse, comme l’allocation de solidarité aux personnes âgées, les majorations de pensions pour enfants et diverses validations gratuites, il est l’illustration parfaite de la très hermétique tuyauterie des compensations diverses et variées. Il réduira sensiblement son déficit chronique en 2015 – 2,9 milliards d’euros.

La branche vieillesse de notre protection sociale a été remise sur pied par la réforme de 2014. Bien sûr, son équilibre est intimement lié à la croissance économique de notre pays.

Mme Bérengère Poletti et M. Dominique Tian. Tout à fait !

M. Michel Issindou, rapporteur. Il est, me semble-t-il, l’objectif du Gouvernement, ainsi qu’en témoignent les dispositions inscrites dans le PLF et d’autres mesures de la branche vieillesse. Nous soutenons le Gouvernement avec conviction et nous soutiendrons, bien évidemment, ce PLFSS 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

M. Dominique Tian. Le meilleur d’entre nous !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues rapporteurs, en tant que rapporteur de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles pour ce PLFSS 2015, je me réjouis que pour la deuxième année consécutive il y ait, à l’Assemblée nationale, un rapporteur particulier pour cette branche extrêmement importante.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui est la doyenne de notre système de protection sociale, est singulière à bien des égards. Son financement repose essentiellement sur les cotisations des employeurs, du fait de la logique assurantielle qui prévaut depuis l’origine de la branche.

Le dialogue social est également très pratiqué au sein de la branche, selon une philosophie très constructive.

Mais surtout, la branche accidents du travail et maladies professionnelles pourrait être considérée comme le parent pauvre de tout projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le périmètre de la branche ne couvre en effet que 3 % des dépenses de notre système de protection sociale. De plus, la branche a renoué avec les excédents depuis 2013 : avec un excédent de 600 millions d’euros en 2013 et 200 millions d’euros en 2014, la branche AT-MP fait figure d’exception – ou peut-être devrais-je dire de modèle – dans le paysage des comptes de la Sécurité sociale.

Les comptes de la branche pour l’exercice 2013 ont également été certifiés pour la première fois depuis trois ans en juin dernier.

Compte tenu de cette relative bonne santé financière, rares sont les projets de loi de financement qui accordent une place importante aux enjeux de la branche AT-MP. Je regrette que le projet de loi de financement pour 2015 ne déroge pas à la règle, avec seulement trois articles consacrés aux dépenses de la branche, et une seule mesure nouvelle.

L’article 59 vise à étendre le bénéfice des indemnités journalières versées en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle aux collaborateurs, aux aides familiaux et aux associés d’exploitation agricole. Jusqu’à aujourd’hui, seuls les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole pouvaient en bénéficier, ce qui était évidemment contestable en termes d’égalité. Je tiens à préciser que cette mesure de justice a recueilli l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales lors de son examen en commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Un grand moment !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les autres mesures contenues dans ce projet de loi concernent les transferts de la branche AT-MP. Ces montants évoluent dans un sens qui n’est pas toujours souhaitable.

La branche effectue ainsi un versement à l’assurance maladie, au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, pour un montant qui atteindra en 2015 le seuil symbolique d’un milliard d’euros. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mes craintes sur l’augmentation sensible de ce montant, sans qu’aucun effort pour lutter contre la sous-déclaration n’ait été annoncé parallèlement par le Gouvernement. Je réaffirme cette inquiétude aujourd’hui, mes chers collègues : il ne faut pas que le montant voté en loi de financement devienne une variable d’ajustement pour réduire le déficit de la branche maladie.

Les montants des versements au fonds « amiante » sont en diminution pour 2015, ce qui s’explique, dans le cas du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, par un fléchissement sensible du nombre d’allocataires. Je ne m’étendrai pas longtemps sur ce sujet : nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen de plusieurs amendements déposés à l’article 58 de ce projet de loi.

Je préciserai seulement que 2015 marque le retour de l’État dans le financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – le FIVA –, à hauteur de 10 millions d’euros.

M. Christian Hutin. C’est vrai !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce montant reste insuffisamment élevé au regard des besoins de financement du FIVA, qui s’élèvent à 480 millions d’euros, et de la responsabilité de l’État à l’égard des victimes de l’amiante, mais il montre que le Gouvernement a entendu l’appel de mon prédécesseur, Laurent Marcangeli, qui avait tiré l’an dernier un signal d’alarme suite à deux années de désengagement pur et simple de l’État.

Au terme des travaux que j’ai conduits, je voudrais insister sur les perspectives d’amélioration des politiques de prévention de la branche AT-MP, et je souhaiterais que le Gouvernement prenne véritablement la mesure des progrès qui restent à accomplir en matière de prévention des risques professionnels.

Ces dernières années, la quasi-absence de mesures nouvelles dans le PLFSS pouvait être mise en perspective avec les réformes entreprises au cours de la dernière décennie pour améliorer non seulement la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais également la gestion interne de la branche.

La précédente majorité s’était en effet attelée à réformer la médecine du travail, en 2010, et à simplifier la tarification des cotisations d’accidents du travail et des maladies professionnelles la même année.

Ces réformes, il convient aujourd’hui de les approfondir. Certes, le niveau de la sinistralité des accidents du travail n’a jamais été aussi bas. Certes, le nombre de maladies professionnelles reconnues ou déclarées est stable. Il n’en reste pas moins que 10 % des seize millions de salariés du secteur privé sont victimes d’un accident de travail au cours de leur vie professionnelle.

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

M. Denis Jacquat, rapporteur. La sous-déclaration des sinistres d’origine professionnelle, quant à elle, ne cesse de croître, comme l’a rappelé en juin dernier le rapport de la commission chargée d’en évaluer le coût par l’article L. 176-2 du code de la Sécurité sociale. Le degré de gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles ne diminue pas non plus. Toutes ces raisons m’incitent à croire qu’il ne faut pas baisser la garde en matière de prévention des risques professionnels.

Mme Isabelle Le Callennec. Attention aux troubles musculo-squelettiques !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les actions de prévention mises en place par l’ensemble des acteurs de la branche AT-MP ont déjà permis des progrès sensibles, mais il ne faut pas s’en satisfaire. La prévention n’est pas un vain mot : il faut en faire une réalité concrète pour nos concitoyens, pour qui prévention des risques professionnels rime avec santé et bien-être au travail.

Mme Isabelle Le Callennec. Espérons que cela figurera dans le projet de loi sur la santé !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je suis convaincu que la prévention de demain doit être attentive aux nouveaux facteurs de risques émergents tels que le risque chimique ou les nanoparticules. Personne ne maîtrise à ce jour la survenance de ces risques et, a fortiori, leurs effets néfastes sur la santé des travailleurs. Or, en matière de prévention des risques professionnels, nous devrions respecter absolument un principe de précaution. Il faut, mesdames les ministres, éviter les amiantes de demain !

La prévention doit s’accompagner également d’une mutualisation des efforts entre tous les acteurs de la santé et de la sécurité au travail. Au cours des auditions que j’ai menées pendant la préparation de ce projet de loi de financement, j’ai été frappé par la démographie alarmante des médecins du travail. La situation des services de santé au travail en France est catastrophique, et d’ici à 2017, le nombre de médecins du travail devrait être divisé par deux.

M. Yves Albarello. Ou pire encore !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ce n’est rien de moins qu’une bombe à retardement.

Comment peut-on développer une politique de prévention cohérente en se désintéressant à ce point des services de santé au travail ? Je crois, madame la ministre, que le projet de loi santé que vous avez présenté en conseil des ministres évoque brièvement ce point, par l’intermédiaire des collaborateurs médecins. C’est un ajustement souhaitable, mais probablement très insuffisant.

Enfin, la réforme de la tarification n’a pas non plus rempli toutes ses promesses en termes de prévention. Aussi, il est grand temps de dresser un bilan de ces réformes pour y apporter des réponses adéquates.

Je conclurai mon propos en portant une attention toute particulière, en tant que rapporteur de la branche AT-MP, aux victimes de l’amiante. L’indemnisation des victimes de l’amiante qui existe aujourd’hui peut être considérée comme relativement satisfaisante pour ceux qui en bénéficient, à travers l’indemnisation par le FIVA ou grâce au dispositif de cessation anticipée d’activité.

Mais nous devons rester attentifs à l’égard de ceux qui ont été exposés à l’amiante et demeurent pourtant exclus de certains dispositifs de réparation : je pense aux artisans, aux employés d’entreprises de sous-traitance, aux intérimaires, ainsi qu’aux agents de la fonction publique, qui ont souvent travaillé dans les mêmes entreprises que les salariés du régime général sans pouvoir prétendre aux mêmes droits que leurs collègues, simplement parce que leur situation n’est pas prévue par le droit existant.

M. Christian Hutin. Très juste !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le Défenseur des droits en personne, Jacques Toubon, m’a interpellé sur l’inégalité engendrée par ces différences de situation. Cependant, l’article 40 de la Constitution continue de limiter nos possibilités d’amendement. Je sollicite donc particulièrement votre attention, madame la ministre, sur cette question.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il n’est pas trop tard pour réaliser des ajustements et des réformes ambitieuses, afin que la prévention des risques professionnels en France devienne véritablement exemplaire.

Mes chers collègues, ne déduisons pas de la situation financière exemplaire de la branche AT-MP que la prévention peut être délaissée. Au contraire, utilisons cette marge de manœuvre pour approfondir les politiques de prévention. Il est temps de retrouver de l’ambition pour défendre les intérêts de la branche AT-MP ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, depuis la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, la dégradation des perspectives de croissance économique a fortement fragilisé le redressement des comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales, pourtant engagé avec détermination par le Gouvernement depuis 2012.

Des recettes supplémentaires, d’une ampleur inédite, ont en effet été attribuées à la CNAF au titre des deux lois financières de 2012 : 660 millions d’euros en 2013 et 830 millions d’euros en 2014. Un milliard supplémentaire a été affecté par le PLFSS pour 2013 au titre du panier de recettes fiscales, que l’on retrouve à nouveau au titre des recettes pour la famille en 2015.

Ces apports de recettes ont tous eu un caractère pérenne, au contraire des effets délétères du PLFSS pour 2011 sur les comptes de la branche famille, qui a fait perdre à la CNAF une part de la contribution sociale généralisée en échange d’un panier de recettes appelé à disparaître au fil des ans.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Eh oui, malheureusement !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il n’est donc pas possible de nier l’importance de la politique familiale aux yeux du Gouvernement et de sa majorité au Parlement. Les preuves sont là depuis 2012 : revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire ; augmentation de 50 % sur cinq ans du complément familial pour les plus modestes, ou encore augmentation de 25 % de l’allocation de soutien familial pour les parents isolés.

C’est ce sens des responsabilités qui nous conduit aujourd’hui à ne pas abandonner l’objectif de retour de la branche famille à l’équilibre. Le déficit résulte de la situation dont nous avons hérité en 2012, alors que nous avions laissé la branche famille à l’équilibre en 2002.

Or construire une politique familiale sur du déficit, c’est faire fi de la solidarité intergénérationnelle : c’est aider des familles à élever des enfants, puis demander à ces mêmes enfants, devenus adultes, de rembourser ces prestations, avec intérêts. C’est aussi menacer, à terme, l’existence même d’une grande politique familiale que beaucoup de pays nous envient.

Si l’on veut ramener les comptes de la branche famille à l’équilibre, il faut toujours partir des réalités. Le pacte de responsabilité et de solidarité doit améliorer les perspectives de croissance de l’économie française qui sont les seules garantes, à terme, de la viabilité de notre système de protection sociale. Car on sait bien que les projets de naissance sont fragilisés quand la situation du marché du travail, et donc l’emploi des femmes, paraît incertaine.

Je souligne d’ailleurs que le Gouvernement compense, à l’euro près, la perte de recettes occasionnée pour la CNAF par les allégements de cotisations patronales famille nécessaires au pacte de responsabilité et de solidarité.

Mes chers collègues, sans mesures nouvelles, les dépenses de la CNAF croissent en tendance de près de 1,5 % par an. Or seule une stabilité de ces dépenses permettra à la branche famille de retrouver enfin l’équilibre si gravement compromis entre 2007 et 2012. L’effort demandé à la branche famille est donc très important, mais il est proportionné à sa part dans les comptes sociaux.

Dès la présentation du plan d’économies envisagé par le Gouvernement devant la commission des affaires sociales, je me suis fixé une ligne directrice : l’effort demandé doit tenir compte de la situation réelle des familles ; il doit aussi faire sens et répondre à un objectif de fond afin que chacun puisse le comprendre.

Les familles ont besoin que les aides qui leur sont apportées soient stables et lisibles dans le temps. Rien ne serait pire qu’une série d’ajustements de court terme, année après année,…

Mme Isabelle Le Callennec. C’est pourtant ce qu’on observe !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …alors que les choix individuels en matière de famille s’inscrivent dans une durée d’au moins vingt ans. Rien ne serait pire que de poursuivre dans la voie de la sous-indexation des aides aux familles, qui diminue leur pouvoir d’achat au fil des ans. Au contraire, il faut définir le périmètre de ces aides en fonction des véritables besoins et pérenniser ensuite leur pouvoir d’achat,…

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …voire définir, à terme, des revalorisations plus dynamiques pour les prestations et les services dont les coûts croissent avec les salaires et non avec les prix.

Il faut aussi apprécier la place de chaque prestation en fonction de sa finalité. Les choix individuels en matière de famille dépendent, pour les mères, des possibilités concrètes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme Isabelle Le Callennec. Cela vaut aussi pour les pères !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On le sait mais on ne le rappelle pas assez souvent : l’absence de préjugés à l’encontre des jeunes mères qui travaillent et l’accès répandu à des solutions multiples d’accueil du jeune enfant sont les premiers éléments distinctifs de la France par rapport aux pays européens aux taux de natalité beaucoup plus faibles. C’est d’ailleurs l’objet du plan de création, d’ici 2017, de 275 000 places d’accueil en crèches, auprès d’assistants maternels ou dans les écoles maternelles.

Les dispositifs qui répondent à cet objectif ne doivent donc pas être fragilisés. Le complément de mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant doit être préservé, y compris pour les jeunes ménages où les deux parents ont des revenus d’activité élevés, afin que les mères ne soient pas mises en difficulté dans la poursuite leur carrière professionnelle.

De même, la création de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, prévue par la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, est nécessaire. Elle n’est pas dictée d’abord par un objectif d’économies, qui ne peuvent être réalisées que par surcroît, comme conséquence des effets bénéfiques de cette prestation sur l’activité des mères. Elle vise d’abord à diminuer un risque considérable pour les familles aux revenus les plus faibles : celui d’un éloignement durable des mères de l’emploi, et donc de trappe à pauvreté. Cette réforme rend d’autant plus nécessaire la politique ambitieuse d’accueil des jeunes enfants initiée par la convention d’objectifs et de gestion lancée à l’été 2013.

Enfin, les mesures d’économie ne doivent pas fragiliser les familles qui ont le plus besoin des prestations familiales pour faire face aux coûts occasionnés par l’enfant. La prime à la naissance, prestation accordée sous condition de ressources, ne doit pas être diminuée. De même, les allocations familiales doivent continuer de prendre pleinement en compte les surcoûts liés à l’adolescence.

Aussi, aux côtés de nombreux collègues de la majorité, j’ai souhaité engager un dialogue approfondi avec le Gouvernement afin de répartir l’effort demandé à la CNAF selon les capacités financières des familles. Il apparaît que seule la modulation des allocations familiales en fonction des ressources de la famille permet de réaliser les économies indispensables, sur la durée, sans porter atteinte aux principes qui fondent notre politique familiale, mais en renforçant, au contraire, la justice sociale.

M. Bernard Accoyer. Mais non !

Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Pinville et rapporteure. Si, elle a raison !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Oui, en renforçant la justice sociale !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et M. Michel Issindou, rapporteur. Exactement !

Mme Isabelle Le Callennec. Cela ne figurait pas dans le programme de M. Hollande !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Il s’agit d’ailleurs, mesdames et messieurs les députés de la majorité – pardon, de l’opposition –,…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est qu’une question de temps ! (Sourires.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. …d’une idée ancienne, qui a même eu des promoteurs dans vos rangs. Elle a été étudiée de façon approfondie dans le rapport remis par M. Bertrand Fragonard au Haut conseil de la famille en avril 2013. Les allocations familiales continueront d’être versées à toutes les familles, mais c’est aux familles dont les revenus sont les plus élevés qu’il sera demandé de contribuer le plus au redressement des comptes.

M. Michel Issindou, rapporteur. Quoi de plus normal ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ces familles se situent très au-dessus du revenu médian qui, je le rappelle, est de 1 700 euros par mois.

Je propose donc que les montants de l’allocation soient réduits pour les familles aux revenus les plus élevés. Cela permettra de réaliser 800 millions d’euros d’économies en année pleine et de garantir la pérennité du financement de la branche famille.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour cela, il faudrait arrêter d’y prélever de l’argent !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. L’amendement que j’ai déposé propose une modulation de l’allocation en fonction d’un barème défini par décret. Ce dernier devra appliquer la modulation sur les seuls hauts revenus et en tenant compte, pour chaque plafond de revenus, du nombre d’enfants à charge.

Les échanges avec le Gouvernement ont permis de définir un premier plafond à partir de 6 000 euros de revenus pour une famille avec deux enfants – ce plafond dépasse de 90 % le niveau du revenu médian. Le second plafond, pour les mêmes familles, sera atteint à partir de 8 000 euros par mois, les plafonds suivants étant augmentés de 500 euros par enfant supplémentaire.

Il conviendra en outre de lisser les effets de seuil : l’amendement que je présente en pose très clairement le principe et renvoie au barème, mais il faudra indiquer expressément dans la loi que le franchissement des seuils permet le maintien différentiel d’une part du montant initial. Ce sera l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement.

L’enjeu de la pérennité de notre politique familiale doit rappeler chacun à ses responsabilités. Mes chers collègues, je vous invite à débattre dans la sérénité des mesures que je propose, en évitant toute caricature et toute posture politicienne.

M. Bernard Accoyer. On a quand même encore le droit de s’exprimer !

Mme Isabelle Le Callennec. L’Élysée a tranché, il n’y a plus de débat !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Les incantations n’ont jamais permis de bâtir une politique d’aide aux familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’examen et le vote en première lecture, à l’instant, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et du projet de loi de finances pour 2015,…

Mme Isabelle Le Callennec. Cela a été juste ! Ils ont été adoptés à quelques voix près !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …nous engageons le débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Ces textes financiers – projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale – forment un tout, un bloc, dont la cohérence est fondée sur des objectifs communs que je souhaite rappeler.

Dans un contexte économique national et européen difficile, où la conjugaison d’une faible croissance et d’une faible inflation font courir le risque d’une déflation qui renverrait aux calendes grecques le rétablissement de nos comptes publics et la priorité essentielle qui est la nôtre, celle de la création d’emplois pour faire reculer durablement le chômage, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont fait le choix de confirmer les engagements de la France et de mettre en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité – rien que le pacte, mais tout le pacte.

Je ne doute pas que nous reviendrons encore une fois, lors de la discussion générale, sur ces choix que notre assemblée vient à nouveau de confirmer. Mais il va de soi que, sauf à sombrer dans l’incohérence, notre débat parlementaire sur le PLFSS s’inscrit et devra s’inscrire dans ce cadre.

Du strict point de vue de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, et en déclinaison de la trajectoire de redressement des comptes publics que nous venons d’adopter, notre système de protection sociale doit contribuer à hauteur de 21 milliards d’euros à l’objectif de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques, soit 10 milliards pour l’assurance maladie et 11 milliards pour les autres dépenses de protection sociale. Cet effort est important ; le texte soumis à notre discussion y contribue à hauteur de 5,6 milliards d’euros pour l’année 2015, le solde provenant de mesures prises ou à prendre sur le champ de la protection sociale en dehors des régimes sociaux soumis aujourd’hui à notre discussion.

Les questions qui nous sont posées sont donc relativement simples. Cet effort est-il légitime ? Cet effort est-il possible sans remettre en cause notre modèle social ? Les propositions du Gouvernement permettent-elles de réaliser cet effort dans la justice sociale ?

Sans hésitation, je réponds oui à ces trois questions, en soulignant toutefois dès à présent que l’objectif de justice sociale nous conduira à examiner des propositions que vient de rappeler Marie-Françoise Clergeau, qui visent à assurer l’équilibre et donc la sauvegarde de la branche famille, et qui nous paraissent plus justes encore.

L’effort à réaliser est donc important, mais il doit être relativisé au regard de la trajectoire financière de long terme de la protection sociale en France, sur laquelle je suis longuement revenu dans la première partie du rapport pour avis que je présente au nom de la commission des finances.

Le constat est clair : sur le long terme, l’essentiel de l’accroissement des dépenses publiques de notre pays est dû à la croissance des dépenses de protection sociale, qui explique plus des deux tiers de cette augmentation en points de PIB depuis 1978. Nous connaissons les causes de cette évolution : amélioration générale de notre système de protection sociale depuis cinquante ans, vieillissement de la population, évolutions technologiques, augmentation du niveau de vie. Les dépenses de santé, qui ne représentaient que 4 % du PIB en 1960, atteignent 11 % aujourd’hui. Quant à la part des dépenses de retraite dans le PIB, elle est passée de 10 % en 1980 à 14 % aujourd’hui.

Pour faire face à cette croissance des dépenses sociales, il a fallu procéder à une augmentation continue, de près de 6 points, des prélèvements sociaux et fiscaux. Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur la fiscalité des ménages, l’effort a été intégralement supporté par ceux-ci. Ces augmentations ont permis de financer 4 points de PIB de dépenses de retraites et 1,5 point de PIB de dépenses d’assurance maladie, dépenses qui ont représenté respectivement 45 % et 40 % de l’accroissement des dépenses sociales.

Pour autant, cela n’a pas suffi pour faire face à l’augmentation continue de la dépense sociale, et nos régimes de protection sociale n’ont plus été excédentaires depuis 2001. D’ailleurs, chers collègues de l’opposition, seuls trois exercices ont été excédentaires au cours de la décennie précédente, sous le gouvernement de Lionel Jospin, en 1999, 2000 et 2001.

Résultat de ces déficits sociaux devenus structurels, qui se sont accumulés depuis vingt-cinq ans : depuis 1996, nous avons transféré à la CADES 226,7 milliards d’euros de dette sociale, dont 89 milliards sont aujourd’hui amortis.

Je veux appeler votre attention sur un chiffre peu souvent cité au cours de nos débats, mais qui devrait nous inspirer : depuis 1996, la dette sociale a généré près de 43 milliards d’euros d’intérêts financiers.

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est insupportable !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. En 2024, date actuellement prévue pour l’extinction de la dette sociale portée par la CADES, cette dette sociale qui n’aurait jamais dû exister, du moins avec cette ampleur et pour cette durée, aura coûté plus de 65 milliards d’euros, soit près du quart de la dette générée.

M. Bernard Accoyer. À cause des 35 heures !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. C’est là le prix de l’irresponsabilité passée, principalement, d’ailleurs, celle de la droite. Lorsque j’étais conseiller de Michel Rocard, les déficits cumulés de la Sécurité sociale s’élevaient à moins de 5 milliards de francs.

M. Bernard Accoyer. Et la grande réforme des retraites que Rocard n’a pas faite, malgré le livre blanc ? « Courage, fuyons ! », disait-il à l’époque !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. À partir de 1993, la situation a dérapé. C’est la droite qui a généré l’essentiel de la dette sociale, puisque la gauche a rééquilibré les comptes lorsqu’elle a exercé le pouvoir entre 1997 et 2001.

Finalement, ni l’augmentation des prélèvements sociaux et fiscaux, ni la fiscalisation progressive des ressources de la protection sociale, avec la création de la CSG en 1990 mais aussi avec la multiplication nécessaire des allégements de cotisations sociales pour préserver l’emploi, notamment l’emploi non qualifié, n’ont permis de mettre fin à des déficits structurels aussi injustifiés qu’injustifiables. En effet, chacun le sait ici, cela revient à faire financer par les générations futures les dépenses de protection sociale d’hier et d’aujourd’hui.

C’est dire que nous ne pouvons, dans le cadre d’une stratégie de maîtrise de la dépense publique, de baisse des prélèvements obligatoires et de réduction des déficits publics, avec une exigence d’équité entre les générations,…

Mme Isabelle Le Callennec. Et d’équité entre les familles !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …faire l’impasse sur l’évolution des dépenses de la protection sociale. Nous ne pouvons d’autant moins le faire que cette évolution des dépenses sociales n’a pas été accompagnée d’une réduction des inégalités sociales à la hauteur des efforts consentis. Ce constat renvoie évidemment à la question de l’efficience de notre système de protection sociale et à celle de l’existence d’un chômage structurel qui mine depuis trop longtemps notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne sommes pas près d’en sortir !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Alors, oui, il est urgent de revenir à l’équilibre des comptes de la protection sociale, mais, là encore, à un rythme qui permette à la fois de soutenir la croissance et de sauvegarder notre modèle de protection sociale qui n’a d’avenir que si nous le réformons.

C’est toute l’action des gouvernements de Jean-Marc Ayrault puis de Manuel Valls, ainsi que de la majorité parlementaire depuis juin 2012, que le texte qui nous est présenté aujourd’hui prolonge et amplifie.

Le présent projet de loi acte la réduction progressive des déficits. Le déficit du régime général, qui s’élevait à 13,3 milliards d’euros en 2012, s’établira à 10,3 milliards d’euros en 2015 et devrait être presque nul en 2018.

Coté ressources, la Sécurité sociale bénéficiera en 2015 de 1,2 milliard d’euros de ressources supplémentaires, liées à la fiscalisation des majorations de pensions votée dans le cadre du projet de loi de finances de l’an dernier et traduite dans le présent texte. Ce projet de loi assure également la compensation intégrale des pertes de recettes résultant de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, soit 6,3 milliards d’euros.

En ce qui concerne les dépenses, le PLFSS et les mesures réglementaires qui suivront permettront de dégager 4,4 milliards d’euros d’économies nouvelles. Sont notamment attendus 3,2 milliards d’économies au titre de l’assurance maladie, avec un ONDAM fixé à 2,1 % pour 2015 et à 2 % en moyenne pour les années suivantes. Une telle limitation ne s’est jamais vue ces dernières années ; elle suppose un effort constant, qui peut être réalisé tout en améliorant la protection sociale, notamment des plus démunis. Par ailleurs, 700 millions d’euros d’économies sont prévus au titre de la branche famille – ce sera 1,5 milliard à l’horizon de 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Ben voyons !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Nous convenons tous qu’un effort est indispensable pour rééquilibrer les comptes de la branche famille, que la majorité précédente nous avait laissés en déficit de plus de 3 milliards d’euros. (Mêmes mouvements.)

M. Michel Issindou, rapporteur, et, Mme Marie-Françoise Clergeau et , rapporteure. Exactement !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Or l’équilibre est indispensable à la pérennité de la politique familiale, une politique essentielle à bien des égards. Le dialogue instauré entre le Gouvernement et la majorité parlementaire…

Mme Isabelle Le Callennec. Il n’y a pas eu de dialogue avec la minorité, ça c’est sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ni avec les mouvements familiaux ! Ni avec l’Union nationale des associations familiales !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …permettra d’examiner, au cours de nos débats, les propositions élaborées par la rapporteure de la commission des affaires sociales pour atteindre l’objectif d’économies nécessaire.

La dégressivité des allocations en fonction du revenu du foyer est une mesure juste et équilibrée. Elle préserve le principe d’universalité des prestations familiales…

M. Jean-Frédéric Poisson. Non.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Si !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …et elle tient compte dans le même temps de la situation relative des ménages.

Très clairement, après le plafonnement du quotient familial, cette mesure contribuera à atténuer le caractère fondamentalement anti-redistributif du système conjugué du quotient familial et des allocations familiales universelles qui conduisaient à ce que l’aide à l’enfant soit d’autant plus élevée que le revenu de la famille était élevé.

Enfin et pour conclure, ce PLFSS comporte de nombreuses avancées sociales, notamment en matière d’accès aux soins des personnes vulnérables et isolées et d’élargissement du tiers payant, mesure que nous pouvons saluer, car nous savons que l’avance des frais est un facteur de renoncement aux soins pour les personnes les plus précaires.

Ce projet de loi s’inscrit donc dans une volonté de rééquilibrage des comptes de la protection sociale, qui doit se faire à un rythme compatible avec les exigences sociales, mais aussi répondre aux besoins de retour à la croissance.

M. Jean-Frédéric Poisson. On n’y est pas !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Malgré une efficience encore imparfaite, notre système de protection sociale possède des qualités reconnues, notamment en termes de réduction des inégalités. Nous devons cependant tous être conscients que sa préservation et sa pérennisation passeront incontestablement par sa transformation progressive. C’est ce que, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, vous conduisez et c’est ce que, au nom de commission des finances qui a adopté le texte, nous soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est un moment fort pour la commission des affaires sociales, qui y a consacré plus de vingt heures de travaux.

Je tiens d’ailleurs à remercier tous les députés de la commission, au premier rang desquels bien entendu nos rapporteurs, de la majorité comme de l’opposition, car nos débats ont permis des échanges de grande qualité.

Mme Bérengère Poletti et Mme Isabelle Le Callennec. Merci.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dans un contexte de faible inflation et de croissance atone, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale se doit de participer à l’effort de redressement des comptes du pays, car le statu quo n’est ni possible, ni souhaitable.

Nous devons veiller à ce que les dépenses soient efficaces et faire en sorte de concentrer les aides sur celles et ceux qui en ont le plus besoin. En cela, contrairement à ce que j’entends parfois, ce PLFSS est structurant et préfigure ce qui va venir.

S’agissant de l’assurance maladie, ces objectifs sont en parfaite cohérence avec la future loi de santé car la réorganisation de l’hôpital va de pair avec celle des soins ambulatoires.

Sans viser l’exhaustivité, je citerai quelques articles qui ont retenu plus particulièrement mon attention : l’article 40 qui rénove les outils de financement du fonds d’intervention régional, le FIR, que nous avons beaucoup augmenté depuis 2012 ; l’article 37 qui vise à lutter contre les déserts médicaux par la mise en place des hôpitaux de proximité ; l’article 38 qui prévoit le statut des praticiens territoriaux de médecine ambulatoire ; l’article 39 qui instaure un dispositif destiné à soutenir la médecine ambulatoire en montagne.

L’article 29, avant sa généralisation annoncée, ouvre le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Vous connaissez, madame la ministre, mon attachement – ainsi que celui du groupe majoritaire – à cette réforme et, pour l’accomplir, vous nous trouverez à vos côtés.

L’article 10 de ce projet propose une réforme de la fameuse clause de sauvegarde, appelée « taux K », et qui sera donc remplacée par le « taux L », plus adapté pour répondre aux défis qui se présentent à nous, notamment avec l’arrivée de molécules innovantes auxquelles – vous l’avez souligné – il faut permettre un accès plus rapide au plus grand nombre de malades.

Cet article doit être relié au mécanisme prévu à l’article 3, qui vise spécifiquement les médicaments traitant l’hépatite C en mettant en place un mécanisme progressif de contribution. Il s’agit d’un mécanisme de maîtrise des dépenses visant à garantir l’accès de tous nos concitoyens aux nouveaux traitements qui, chacun le sait, sont proposés par un laboratoire qui les commercialise à un tarif très élevé. Tout le monde sait de quel laboratoire il s’agit.

Tout rationnement des soins est donc écarté, madame la ministre. Un tel système de régulation permet d’éviter de pénaliser l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et épargne nos comptes sociaux. Cette réponse rapide et équilibrée préserve les innovations à venir, ce qui est essentiel.

L’opposition est toujours prompte à attaquer la majorité sur ce sujet. Pourtant, je le rappelle, c’est cette majorité qui a permis l’autorisation des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, recherches essentielles pour la fabrication de nouveaux médicaments, notamment les biomédicaments. C’est aussi cette majorité qui a permis de réduire les délais de contractualisation pour la conduite des essais cliniques, ramenés de huit mois à soixante jours. Je rappelle, madame la ministre, que vous avez pris cette mesure en juin 2014 avec Geneviève Fioraso et Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie.

Concernant le financement de l’innovation, l’article 41 complète le dispositif d’inscription accélérée au remboursement des actes innovants et précise, d’autre part, les conditions d’usage du forfait innovation, en vue de renforcer les exigences en termes de données scientifiques permettant d’y accéder.

Enfin, j’évoquerai, pour terminer, deux amendements adoptés par notre commission. Tout d’abord, l’amendement introduisant un article additionnel après l’article 37 tendant à autoriser à titre expérimental la création d’hôtels hospitaliers. Le coût de ce mode d’hébergement est infiniment moindre pour la solidarité nationale que celui d’une journée d’hôpital. Il permettra de développer la chirurgie ambulatoire pour des patients dont l’état ne nécessite pas une équipe médicale après une intervention, mais qui habitent trop loin de l’hôpital pour y revenir sûrement et confortablement en cas de problème ou de suspicion de problème.

Le CHU de Toulouse, avec la maison d’accueil et d’hébergement Le Laurier rose et l’Hôtel-Dieu à Paris sont des exemples à suivre même si certaines de ces structures, notamment le Laurier rose, ne bénéficient pas encore de ce nouveau dispositif de remboursement. Ce dispositif permettra d’accompagner le développement de la chirurgie ambulatoire que vous souhaitez promouvoir, à juste titre, madame la ministre.

En second lieu, je me félicite de l’amendement portant article additionnel après l’article 48, proposant une expérimentation relative aux groupements hospitaliers de territoire.

Mes chers collègues, j’en viens maintenant à plusieurs points sur lesquels j’aimerais obtenir des réponses de la part du Gouvernement même s’ils ne concernent pas à proprement parler le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Je commencerai par la situation de la Sécurité sociale étudiante, et plus particulièrement la LMDE. Il ne faut jamais écarter les sujets qui peuvent fâcher.

Au-delà de récents articles de presse, les remontées de terrain ne sont pas bonnes. En effet, les services offerts ne sont pas au niveau de ce que l’on pourrait attendre. Il y a un manque criant d’informations concernant l’accueil des étudiants et bon nombre d’entre eux ne savent toujours pas qu’ils doivent déclarer un médecin traitant sous peine d’avoir de moindres remboursements. Et dans ce cas, ils ne retournent plus chez le médecin.

C’est pourquoi je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement concernant l’avenir de la LMDE en particulier. Le Président de la République a fait de la jeunesse une priorité, et cette priorité doit aussi se décliner dans l’accès aux soins pour les étudiants.

Ma deuxième interrogation porte sur l’évaluation de la gratuité de la contraception pour les mineures, mise en place dans le PLFSS pour 2013. J’espère que le dispositif, que nous avons évidemment soutenu, aura des conséquences sur la baisse du nombre d’IVG – 200 000 aujourd’hui, ce qui est beaucoup trop. Ce dispositif avait été amélioré l’an dernier,…

Mme Bérengère Poletti. Il était incomplet.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. ….notamment en termes de prise en charge du régime obligatoire en tiers payant et de l’accès aux analyses biologiques pour bénéficier d’une contraception orale, notamment par oestroprogestatifs. Mais je souhaiterais disposer de chiffres ou d’évaluations permettant d’apprécier l’impact de ces améliorations s’agissant de l’accès pour les mineures à ce beau dispositif. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Vous avez raison d’applaudir Mme la ministre qui a mis en place le dispositif lors du PLFSS 2013.

Mme Bérengère Poletti. C’est vous qu’on applaudit.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, je regrette que ce dispositif n’ait pas fait l’objet d’une campagne d’information à la hauteur de celle que vous avez faite récemment sur le tabac, dont je tiens à saluer la portée, madame la ministre.

Ma troisième question porte sur une autre mesure adoptée l’an dernier : l’expérimentation de la vente des antibiotiques à l’unité. Cette expérimentation vient certes d’être lancée, mais alors qu’un échantillon test de deux cents pharmacies était prévu, seules cent officines ont finalement été retenues, soixante-quinze seulement expérimentant la vente à l’unité.

Dès lors, on peut se demander si cet échantillon réduit permettra d’obtenir des résultats significatifs, notamment en ce qui concerne la résistance aux antibiotiques et le gain économique, qui étaient les deux objectifs qui avaient été avancés l’année dernière. Beaucoup d’antibiotiques pour les enfants sont délivrés dans des sirops à reconstituer. Dans ce cas, il n’est pas possible de faire de délivrance à l’unité.

Dernière interrogation : les soins urgents aux étrangers qui ne bénéficient pas encore de l’aide médicale d’État. C’est l’hôpital public qui les accueille majoritairement et ces soins coûtent en moyenne un tiers de plus que ceux délivrés dans le cadre des bénéficiaires de l’AME. Ce qui montre bien l’intérêt, monsieur Tian, du mécanisme de l’AME qui évite de laisser des personnes dans un état de santé très dégradé, ce qui coûte finalement plus cher que si ces personnes avaient rapidement bénéficié de ce dispositif une fois qu’elles sont sur notre territoire.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Bien sûr.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’article 49 permet de rapprocher la tarification et la facturation de ces soins du droit commun. Comment envisagez-vous concrètement, madame la ministre, de procéder à cet alignement en tenant compte de cet élément particulier, qui se situe certes à la marge, mais qui existe bien dans certains hôpitaux, où il est concentré ?

Je terminerai mon intervention en abordant rapidement les dispositions concernant la famille. Je me félicite du travail accompli en collaboration étroite avec le Gouvernement ces dernières semaines, qui a été mené par nos rapporteures, Mme Marie-Françoise Clergeau pour la branche famille, et Mme Martine Pinville pour la branche médico-sociale, permettant de trouver un équilibre pour les mesures concernant cette branche et, contribuant ainsi à la sauver dans un contexte contraint, compte tenu notamment du passif que nous avait laissé le précédent gouvernement.

Quand on aime la famille, on ne laisse pas la branche famille avec 3 milliards de déficit, comme nous l’avons trouvée en 2012, alors qu’elle était à l’équilibre en 2002.

Quand on aime la famille, on fait ce que vous avez fait, madame la ministre, en versant 2 milliards d’euros supplémentaires de prestations directes à ceux et celles qui en ont le plus besoin depuis que nous sommes en responsabilités. Voilà deux déclinaisons de l’amour pour la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, mes chers collègues, lorsque la situation est difficile ou critique, l’histoire nous apprend que seuls le courage et l’audace des dirigeants peuvent permettre de surmonter les épreuves. Or, la Sécurité sociale est dans une situation critique. Aucune de ses trois branches n’est à l’équilibre et elle a accumulé une dette de 157 milliards d’euros. Alors que, voici à peine un an, le Gouvernement prétendait redresser durablement l’assurance vieillesse, celle-ci est toujours dans le rouge et le restera.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elle sera équilibrée en 2018.

M. Bernard Accoyer. Madame le ministre, face à ces dérapages qui menacent le pacte social national, vous choisissez de mettre à bas par amendement, sans débat démocratique, l’un de ses piliers : l’universalité des prestations.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Accoyer. Personne ne s’y trompe : avec cette décision issue d’un de ces marchandages politiques improvisés, sur un coin de table rue de Solférino,…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous y étiez ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et Bygmalion ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quel manque de hauteur, monsieur Accoyer !

M. le président. Madame Lemorton, M. Accoyer vous a écoutée, veuillez maintenant le laisser parler.

M. Bernard Accoyer. … pour trouver une majorité qui vous échappe, c’est bien un coup qui pourrait être fatal à ce pilier de notre République et à la Sécurité sociale.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales, avec la ségrégation qu’elle instaure entre les enfants de France et les seuils, qui sont autant de couperets qu’elle dispose comme des pièges, est un coup sans précédent porté à la Sécurité sociale tout entière.

Si vous persistez dans vos funestes intentions, l’histoire retiendra de ce PLFSS qu’il a tourné la page de l’universalité…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Accoyer. …et engagé le pays sur la pente dangereuse de la mise des prestations sous conditions de ressources, et personne ne doit douter que celle-ci s’étendra à toutes les branches.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Allons donc !

M. Bernard Accoyer. Cet abandon est le résultat de votre lâcheté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Véran, rapporteur. Quelle agressivité inutile !

M. Bernard Accoyer. Lâcheté à refuser toutes les réformes de structures, à défaire celles qui avaient été conduites courageusement malgré votre opposition systématique, frontale et violente : vous êtes conduite à déconstruire l’institution dont vous êtes pourtant le garant.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et dire qu’il a été président de l’Assemblée nationale !

M. Bernard Accoyer. Pour vous, il est plus facile de casser la réussite de la politique familiale française, qui jusque-là faisait consensus, que de porter l’âge légal du départ à la retraite à un niveau permettant au minimum l’équilibre de la branche vieillesse et, pourquoi pas ? – ce ne serait que justice et logique –, d’abonder la branche famille, car c’est le principe même de la solidarité intergénérationnelle.

M. Christian Jacob. Exact !

M. Bernard Accoyer. Pour vous, il est plus facile de mettre dans la difficulté des millions de familles…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. De quelles familles parlez-vous ?

M. Bernard Accoyer. …plutôt que d’instaurer les réformes indispensables du financement social qu’avait pourtant fait voter le gouvernement Fillon en 2012 et que vous avez abrogées de toute urgence dès votre arrivée au pouvoir. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pour vous, il est plus facile de trouver dans les familles avec enfants un nouveau bouc émissaire dès lors qu’elles passent, passeraient ou passeront à un niveau de revenus par définition appelé à varier, à être contesté, à opérer comme une guillotine, un de ces seuils qui varient chaque année au gré des caprices des majorités ou de leurs renoncements.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Allez-y, essayez donc de faire peur aux gens !

M. Bernard Accoyer. Cela est plus facile que de rétablir la journée de carence dans la fonction publique ou d’imposer la convergence tarifaire dans les hôpitaux, deux mesures que vous avez abrogées dès votre premier PLFSS, comme vous avez éreinté la tarification à l’activité – la T2A – et les conventions avec les professionnels de santé ou avec l’industrie pharmaceutique, dont les investissements en France se contractent déjà dangereusement.

Ce PLFSS pour 2015 s’inscrit malheureusement dans la ligne politique des gouvernements Ayrault et Valls, tant pour son contenu, c’est-à-dire les mesures ou les renoncements qu’il contient, que pour les conséquences dont il est porteur, qui seront lourdes pour les assurés sociaux, les retraités et les familles.

Oui, ce PLFSS, de quelque 466,5 milliards d’euros, soit une centaine de milliards d’euros de plus que le budget de l’État, ne déroge pas à la politique de François Hollande : erratique, incompréhensible même pour une partie de sa propre majorité, au point que certains députés SRC ont été démissionnés d’office de la commission des affaires sociales par leur groupe,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Comme ce pauvre M. Lavrilleux !

M. Bernard Accoyer. …afin que puisse s’y dégager, non sans mal, une majorité docile.

Madame la ministre, c’est un PLFSS de renoncement que vous présentez aujourd’hui à notre assemblée. Renoncement, tout d’abord, à maîtriser le déficit de la Sécurité sociale. Jamais, depuis 2011, un gouvernement ne s’était fixé un objectif aussi peu ambitieux de réduction des déficits de la Sécurité sociale, avec 2 milliards d’euros seulement de réduction du déficit contre 3,6 milliards d’euros prévus en 2013, tout cela dans un contexte où les objectifs prévus dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 n’ont pas été respectés.

D’ailleurs, alors que le secrétaire d’État au budget a annoncé 9,6 milliards d’euros d’économies sur la Sécurité sociale, il manque dans le texte qui nous est soumis environ 3 millions d’euros.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Trois millions ?

M. Bernard Accoyer. Pardon : 3 milliards.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Trois milliards, c’est faux !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais 3 millions, c’est beaucoup moins que Bygmalion. !

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État au budget, où sont ces 3 milliards ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Chez Bygmalyon, peut-être ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Le retour à l’équilibre que l’on nous avait promis pour 2017 est un mirage. Il est repoussé à 2018 ou 2019, alors même qu’en 2013 et en 2014 les déficits ont largement excédé ce qui était prévu en loi de financement de la Sécurité sociale initiale. Le Gouvernement laisse filer les déficits, incapable qu’il est de tenir ses engagements.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Vous avez la mémoire courte !

M. Bernard Accoyer. Renoncement à toute réforme structurelle – du financement social, du système de soins, de la branche vieillesse, de l’AME. Plutôt que de réformer vous préférez désigner deux boucs émissaires : les familles et l’industrie du médicament,…

Mme Martine Pinville, rapporteure. Nous y voilà !

M. Bernard Accoyer. …et imaginer des tuyauteries financières insincères…

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un connaisseur qui parle !

M. Bernard Accoyer. …qui chargent le budget de l’État et aggravent encore sa dette.

Vous préférez vous en prendre aux familles avec enfants, contre lesquelles la gauche multiplie depuis deux ans les mesures punitives. Vous préférez vous en prendre aux retraités parmi les plus modestes et à leur CSG. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Vous n’avez pas le droit de dire ça !

M. Olivier Véran, rapporteur. Personne n’a relu son texte ?

M. Bernard Accoyer. Vous préférez vous en prendre à l’industrie pharmaceutique et à ses emplois, à l’innovation et, par là, à l’accès des Français aux progrès, pourtant majeurs, des nouveaux médicaments.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous êtes sourd ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Ou en hypoglycémie ?

M. Bernard Accoyer. Et pourtant vous ne renoncez pas à la démagogie en développant le tiers payant que vous avez décidé de généraliser dans un prochain texte, alors que vous connaissez déjà les conséquences inflationnistes de cette déresponsabilisation et le refus des professionnels qui en supporteront les retards, les défaillances et le coût.

Avec une hypothèse de croissance de 1 % pour 2015, pudiquement qualifiée par le Haut conseil des finances publiques d’« optimiste », ce qui signifie « largement surestimée », avec des mesures qui auront des conséquences négatives sur l’avenir de la Sécurité sociale, sur l’accès aux médicaments innovants, et donc aux meilleurs soins et aux meilleures chances, tous les organismes sociaux, à commencer par le conseil d’administration de la CNAM, ont émis des avis défavorables sur ce PLFSS.

Avec une prévision de déficit des trois branches et du Fonds de solidarité vieillesse – le FSV – de 15,6 milliards d’euros, l’échéance de la maîtrise des déficits est purement et simplement abandonnée au-delà de 2017, alors que la plupart des pays de l’Union européenne équilibrent désormais leurs comptes sociaux, tandis que notre dette sociale atteint 157 milliards d’euros et que notre dette souveraine flirte avec les 2 000 milliards d’euros et les 100 % du PIB.

Les subterfuges grossiers, les tuyauteries financières perverses…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quel langage !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous vous y connaissez !

M. Bernard Accoyer. …imaginées pour compenser les 6,3 milliards de baisse des charges du pacte de responsabilité illustrent ce renoncement.

Il s’agit là d’une des conséquences de ce PLFSS, qui contribue à repousser sine die la maîtrise des comptes sociaux, transmettant aux jeunes générations une montagne de dettes. Dans le contexte économique et monétaire mondial et européen, il expose la France à de graves difficultés financières.

Mais ce PLFSS aura aussi des conséquences qui pèseront sur l’avenir de la protection sociale dans son ensemble pour les trois branches que sont l’assurance maladie, l’assurance vieillesse et la branche famille.

Pour ce qui est de la branche maladie, en choisissant de préparer un monopole hospitalier tournant le dos aux missions de santé publique pour les urgences et l’hospitalisation, s’appuyant sur l’ensemble des atouts sanitaires publics et privés, le Gouvernement prend le risque de la fin du libre choix des malades, de la baisse de la qualité des soins, de l’explosion des coûts financiers et, à terme, des files d’attente.

Pour l’hospitalisation, après avoir dénaturé la T2A et supprimé pour des raisons purement dogmatiques la convergence tarifaire, le Gouvernement persiste et signe. La médecine ambulatoire, malgré les discours lénifiants du Président de la République, est bel et bien en grand danger, attaquée par un nouvel assaut de contraintes, de pesanteurs administratives et de paperasseries, méprisée par la montée inexorable des paiements forfaitaires, des menaces de sanctions et l’instrumentalisation insidieuse du tiers payant.

Madame la ministre, vous rêvez d’un service public de santé, mais vous ne ferez rien sans les professionnels. L’étatisation rampante de notre système de soins est une dérive pernicieuse dont personne ne veut vraiment quand on en connaît les conséquences.

Quant au médicament, il est, je le répète, avec la famille, le bouc émissaire de ce PLFSS. Alors que ce poste représente 15 % de l’ONDAM, vous l’amputez de 1,5 milliard d’euros – il s’agit là du reste de l’essentiel des mesures dites d’économies pour 2015, sans compter les 700 millions d’euros du mécanisme de restriction de financement des nouveaux traitements curatifs qui sont un progrès majeur contre l’hépatite C.

Vous voudriez éradiquer l’industrie pharmaceutique en France que vous ne vous y prendriez pas autrement. En modifiant les principes de la lettre K, qui maîtrise le coût des médicaments, pour la transformer en lettre L, vous taxez à nouveau et en plus l’industrie pharmaceutique dès lors qu’elle ne diminuerait pas son chiffre d’affaires en 2015. C’est un comble, alors que le Président de la République, le Premier ministre et tout le Gouvernement ne savent que faire pour la croissance !

Madame la ministre, croyez-vous que les laboratoires vont ainsi pouvoir poursuivre leurs investissements dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments ? Souvent issus des biotechnologies, ceux-ci sont en effet fort complexes et leur mise au point et leur développement sont évidemment coûteux. Pensez-vous sincèrement que les exportations, qui comptent pour quelque 8 milliards d’euros, et l’emploi dans ce secteur, qui représente quelque 100 000 postes, pourront survivre à vos décisions ?

Au-delà de ces conséquences économiques et sociales, c’est le droit des malades à accéder aux thérapies innovantes qui est mis à mal, et cela est particulièrement grave. Non, madame la ministre, il n’est pas normal que les conséquences que porte ce PLFSS pour les droits fondamentaux à l’accès aux soins les plus performants – c’est-à-dire, disons-le clairement, la restriction qu’il impose à l’accès aux meilleures chances de guérison – ne donnent pas lieu à un large débat démocratique sur cet enjeu, qui est l’un des plus importants pour nos compatriotes.

Les conséquences de ce PLFSS sur la branche vieillesse, les retraités et les futurs retraités sont dans la ligne de la pseudo-réforme des retraites que vous avez fait adopter par l’Assemblée nationale en 2013. En effet, comme l’opposition l’avait alors annoncé, la réforme est déjà caduque et, dès cette année, les comptes de la branche vieillesse seront encore dans le rouge pour 1,5 milliard d’euros et pour 2,9 milliards d’euros au titre du FSV, soit 4,4 milliards d’euros.

Or, le compte pénibilité, que vous avez voulu à tout prix instaurer, ce sont des charges administratives et des dépenses supplémentaires qui se chiffreront à terme par un supplément de plusieurs milliards d’euros.

En revenant en 2013 à un âge de départ à la retraite à 60 ans pour les carrières longues, en renonçant à avoir le courage de regarder les calculs actuariels incontestables, c’est-à-dire la vérité de l’avenir des retraites, et à prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie, comme l’ont fait tous les pays autour de nous, la gauche aura porté de nouveau un très mauvais coup à l’assurance vieillesse. Mais chez elle, mes chers collègues, depuis 1983, c’est une constante !

Quant aux retraités eux-mêmes, ce PLFSS augmente de 80 % – excusez du peu ! – la CSG pour les retraités parmi les plus modestes, dont le taux passe de 3,8 à 6,6 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une ânerie de dire cela ! Pire : c’est un mensonge !

M. Bernard Accoyer. Pour ce gouvernement qui se prétend épris de justice sociale, il est vrai que c’est à l’image de la politique conduite par la gauche depuis 2012 : incompréhensible, monsieur le secrétaire d’État !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. C’est triste d’entendre cela !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà ce que l’on appelle une critique nuancée !

M. Bernard Accoyer. Mais la marque de ce PLFSS et, on peut malheureusement le dire, l’habitude de ce gouvernement, comme de sa majorité qui n’a pas eu le courage suffisant pour le refuser, c’est bien de considérer les familles avec enfants comme un bouc émissaire. Encore cette année, le Gouvernement va prendre aux familles 700 millions d’euros de prestations pour leurs enfants.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cette année ? Absolument pas !

M. Bernard Accoyer. Depuis que François Hollande est Président de la République, ce sont au total 4,5 milliards d’euros qui ont été pris aux familles avec enfants, c’est-à-dire aux enfants de France, et ceci sans compter les hausses généralisées d’impôts et de taxes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité – pour ceux qui soutiennent ce gouvernement, bien sûr ! –, que vous ont fait ces enfants, que vous ont fait leurs parents (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) pour que vous préfériez les sanctionner financièrement plutôt que de réformer la branche vieillesse, l’hôpital ou l’aide médicalisée d’État ? (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! On écoute le président Accoyer !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. On est bien dans la caricature !

M. Xavier Breton. Arrêtez de vous en prendre à des boucs émissaires ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est au seul président Accoyer ! Poursuivez, s’il vous plaît, monsieur le président !

M. Bernard Accoyer. Comment pouvez-vous vous en prendre à la seule politique française qui, jusque-là, a donné à la France la chance d’avoir un taux de natalité envié par la plupart des pays développés, au point que presque tous ces pays ont envoyé des observateurs en France pour s’en inspirer tant la natalité est un enjeu d’avenir – pas seulement pour la croissance de l’économie, cette croissance qui fait cruellement défaut et dont le Gouvernement implore chaque jour le retour ; pas seulement parce que notre pacte social national est historiquement fondé sur la solidarité entre les générations et que le pire risque pour ce pacte intergénérationnel est la chute de la natalité ; mais surtout parce qu’une Nation, c’est une communauté de citoyens de toutes conditions et de tous âges avec, en particulier, une jeunesse nombreuse sans laquelle il n’y a ni bonheur ni avenir individuel ou collectif.

Rarement une motion de rejet aura eu un tel sens. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Quelle modestie !

M. Bernard Accoyer. En effet, ce PLFSS 2015, s’il comportait la mise sous condition de ressources des allocations familiales, serait une étape destructrice de l’institution que ces lois de financements instaurées en 1996, contre lesquelles la gauche avait d’ailleurs voté, ont pourtant vocation à préserver.

Par l’irresponsabilité et l’absence de courage d’un gouvernement qui refuse la moindre réforme de structure, la Sécurité sociale ne peut que s’affaiblir, et ceux qui hurlent le plus fort…

M. Olivier Véran, rapporteur, et, Mme Marie-Françoise Clergeau et , rapporteure. C’est vous !

M. Bernard Accoyer. …à l’idée d’un système de protection sociale à plusieurs vitesses en auront été en vérité les instigateurs. Ce faisant, le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de son action constante et délétère à l’égard de la Sécurité sociale.

Depuis les ordonnances de 1967, en passant par une opposition à la réforme de 1996 instaurant les lois de financement de la Sécurité sociale, depuis votre refus de réformer les retraites en 1992, votre opposition à la réforme Balladur en 1993, à la réforme Fillon en 2003 et à la réforme Woerth en 2010, jamais la gauche n’a accompagné la moindre réforme de la Sécurité sociale ! Au contraire, elle les a toutes combattues violemment et bien au-delà de cet hémicycle.

Non contente de cet immobilisme dangereux, la gauche a mis en place tous les mécanismes qui ont conduit à la dégradation des comptes de la Sécurité sociale, à son endettement et à la baisse des prestations : réductions du temps de travail en 1982 et en 2000, qui ont diminué la production et les cotisations ; retraite à 60 ans en 1983, qui a évidemment plombé la branche vieillesse ; mécanisme du tiers payant, AME, CMU, jusqu’au kafkaïen compte pénibilité en 2013.

À chaque fois, la gauche, sous prétexte de prétendues avancées sociales, a contribué à déstabiliser la Sécurité sociale. Et aujourd’hui, c’est un pas de plus qui est franchi, mais cette fois-ci c’est un pas particulièrement dangereux, un pas inexorable vers la régression sociale.

Madame la ministre, mes chers collèges, parce que ce PLFSS est insincère, fondé sur des hypothèses de croissance reconnues comme largement surestimées et qu’il laisse filer les déficits ; parce qu’il détourne du budget de l’État des sommes importantes qui vont encore creuser son déficit et la dette souveraine ; parce qu’il met en danger l’avenir de la Sécurité sociale elle-même, l’accès aux soins, l’avenir des retraites et les conditions d’existence des familles et de leurs enfants, je vous demande d’adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est vraiment pas à votre honneur !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Accoyer, j’ai apprécié la finesse, l’élégance, la mesure de vos propos (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) et la manière toute en délicatesse dont vous avez présenté les choses.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il a pourtant été modéré !

Mme Marisol Touraine, ministre. Que répondre à cela ? Un déluge de caricatures ne fait pas une politique ! Vous pouvez nous accuser, comme je l’ai entendu, de lâcheté, de perversité, d’être des bourreaux d’enfants, de mépriser les familles ;…

M. Christian Jacob. Regardez comment les Français vous traitent, élection après élection !

Mme Marisol Touraine, ministre. …c’est vrai, sur les bancs de la majorité, personne n’a de famille, il n’y pas de parent, bien sûr ! Tout cela n’existe pas ! Au fond, vous n’êtes habités que par l’électoralisme le plus basique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En matière de famille, la seule famille qui vous intéresse, c’est votre famille politique, et vous instrumentalisez les familles à des fins bassement politiciennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le député, si les caricatures ne font pas une politique, je comprends toutefois votre dépit.

M. Christian Jacob. Ça, vous l’avez déjà dit !

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui, parce qu’il y avait beaucoup de caricatures !

Je comprends votre dépit parce que, quand on analyse l’action qui a été la vôtre, vous avez en période de croissance, alors même que la croissance n’était pas nulle, n’était pas tombée à zéro, réussi ce prodige de faire exploser le déficit de la Sécurité sociale,…

M. Jean-Pierre Door. Vous oubliez la crise !

Mme Marisol Touraine, ministre. …de crever tous les plafonds de la dette sociale, de diminuer les remboursements et de stigmatiser les patients les plus modestes et les plus pauvres !

M. Philippe Le Ray. On attend toujours votre croissance !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez donc réussi ce que personne n’imaginait possible : diminuer les droits, accroître les déficits et plonger notre pays dans une crise dont il a des difficultés à se relever ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. On n’est pas dans la caricature !

M. Christian Jacob. Les Français vous soutiennent, vous avez raison !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous le dis, monsieur le député : tout cela ne renvoie absolument à rien ! Vous avez caricaturé, vous n’avez présenté aucun projet (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.),

M. le président. Mes chers collègues, nous écoutons Mme la ministre !

Mme Marisol Touraine, ministre. …aucune proposition, et compte tenu de votre bilan, de ce que vous avez porté, compte tenu des dérives langagières auxquelles vous vous laissez aller, je vous appellerai à un peu plus d’humilité ! C’est la raison pour laquelle j’invite les parlementaires à ne pas voter votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. Je ne répondrai pas au réquisitoire outrancier et caricatural de M. Accoyer. Vous donnez des leçons alors que vous n’avez rien fait ou su faire pendant dix ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne parlerai pas non plus de l’héritage : Mme la ministre vient de le faire ! Je préfère m’en tenir à l’aspect positif de ce PLFSS et expliquer pourquoi nous ne voterons pas votre motion de rejet. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La stratégie de ce texte repose sur un juste équilibre, guidé par une volonté de justice et d’efficacité.

M. Philippe Le Ray. Arrêtez avec votre justice !

Mme Gisèle Biémouret. Ce texte est nécessaire car il conforte une maîtrise des dépenses, notamment grâce à une meilleure efficience de la dépense hospitalière, la rémunération des produits de santé à leur juste prix, le développement des médicaments génériques, le contrôle de la pertinence des soins et un accroissement du recours aux soins ambulatoires.

Ce texte est juste car il renforce l’accès aux soins et aux droits de nos concitoyens les plus démunis et les plus fragilisés par la vie, avec la mise en place du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé, la couverture des quarante-cinq mille conjoints et aides familiaux des exploitants agricoles et le maintien du pouvoir d’achat des retraités modestes.

Ce texte est pertinent car il poursuit la modernisation de notre politique familiale, tout en préservant son universalité, en renforçant le soutien aux familles les plus modestes et en permettant une meilleure articulation entre la vie personnelle et professionnelle.

Ce projet de loi est enfin cohérent car il est au cœur de la stratégie nationale de santé avec la priorité donnée à la prévention et à la lutte contre les déserts médicaux. C’est pourquoi nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Bernard Accoyer a rappelé avec force et avec des arguments très convaincants que jamais depuis 2011, le Gouvernement ne s’était fixé un objectif aussi peu ambitieux de réduction des déficits de l’assurance maladie :…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous vous forcez !

M. Jean-Pierre Door. …seulement 1,4 milliard de réduction du déficit, et ce alors même que les objectifs prévus dans la loi de finances de 2014 n’ont pas été respectés ! Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, puisque vous avez été obligé de retarder le retour à l’équilibre, promis pour 2017, ce qui n’était qu’un mirage. Vous le reportez donc à 2018 ou 2019 – au mieux ! Le gouvernement socialiste laisse en fait filer les déficits. Vous aussi êtes incapables de tenir vos engagements : inutile donc de donner des leçons aux autres !

Ce PLFSS 2015 ressemble beaucoup aux deux précédents : de la tuyauterie, des coups de rabot, des taxes, mais aucune réforme de structure, pourtant mille fois… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, je sais : la CSG, l’industrie pharmaceutique, etc. – on va y revenir !

Aucune réforme de structure, pourtant mille fois demandée par la Cour des comptes. M. Accoyer a rappelé vos hypothèses économiques tronquées en termes de croissance et de masse salariale. Manquant de courage pour réaliser les réformes qui s’imposent, vous avez décidé de vous attaquer une fois de plus à des boucs émissaires. M. Accoyer a également évoqué l’attaque contre l’universalité des prestations familiales, touchant les familles avec les enfants en bas âge.

M. Gilles Lurton. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Door. Cette réforme est du reste sortie de derrière les fagots il y a seulement quelques heures, puisque nous n’en étions pas là lors de la réunion de la commission. Ce sont donc les familles qui vont payer.

Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique, fleuron de l’innovation, sera fortement abîmée : Mme la présidente de la commission le sait ! Vous abîmez l’industrie pharmaceutique !

M. Accoyer, qui a parfaitement décliné de nombreux arguments, sans aucune caricature, nous engage à demander le rejet de ce PLFSS. Par conséquent, le groupe UMP votera pour l’adoption de cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Pour le groupe UDI, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est non seulement en déficit structurel, mais également injuste et inefficace. Injuste et inefficace, madame la ministre : telle est la définition que l’on pourrait donner de votre projet de loi !

Il est tout d’abord déficitaire, ainsi que l’ont déjà indiqué certains orateurs : en 2013 et en 2014, vous aviez retenu des hypothèses qui n’ont pas été respectées, et vous êtes restés « scotchés » à 15,4 milliards d’euros de déficit. Cette année, vous vous livrez à un exercice pour tenter de trouver divers artifices permettant d’afficher des économies, mais nous savons bien que les hypothèses retenues, notamment pour la croissance, sont complètement farfelues et beaucoup trop optimistes : le dérapage existera donc également en 2015 et nous connaîtrons vraisemblablement à nouveau un déficit extrêmement élevé en 2015.

Il est injuste ensuite, parce que vous frappez les classes moyennes, les revenus de remplacement et les familles en touchant à l’universalité des prestations familiales, laquelle est pourtant un dogme de notre société. À ce titre, bien évidemment, le groupe UDI s’oppose totalement à votre amendement, déposé le lendemain même de la réunion de notre commission – pendant laquelle nous avions tenté d’obtenir des renseignements pour pouvoir en débattre –, et cela sans explication de Mme la rapporteure.

Vous ne présentez pas non plus de réforme structurelle. On aurait pu penser qu’avec le compte pénibilité, vous reviendriez sur un certain nombre de régimes spéciaux, qui prennent en compte la pénibilité. La mise en place de ce compte pénibilité était pourtant l’occasion de revoir les régimes spéciaux ! Mais rien de tout cela !

M. Bernard Accoyer. Rien ! Aucun courage, aucune réforme !

M. Francis Vercamer. Aucune réforme structurelle des régimes spéciaux, aucun courage sur l’assurance vieillesse ! Même chose sur la carte hospitalière : vous mettez un amendement sur la table concernant les hôtels d’hospitalisation. On aurait donc pu penser que vous alliez revoir la carte hospitalière en conséquence :…

M. Christian Jacob. Eh non !

M. Francis Vercamer. …rien de tout cela ! On rajoute une couche supplémentaire : si vous pensez que c’est comme cela que l’on va faire des économies, vous vous trompez, parce que vous ne fermez aucun lit !

Enfin vous ne proposez aucune réforme structurelle du financement de la protection sociale, alors qu’on sait depuis longtemps que, pesant sur le coût du travail, il nuit à la compétitivité de notre économie.

M. Jacques Myard. Absence de vision !

M. Francis Vercamer. En dépit des quelques tours de passe-passe entre PLF et PLFSS auxquels vous vous êtes livrée pour équilibrer votre budget, ce sont toujours les mêmes Français qui paient et c’est toujours le même niveau de déficit pour la nation.

Le groupe de l’UDI votera en conséquence cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants80
Nombre de suffrages exprimés80
Majorité absolue41
Pour l’adoption23
contre57

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly