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N
° 933

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 912)
de MM. Joaquim PUEYO et Yves FROMION
sur la
relance de l’Europe de la défense

PAR Mme Marie Récalde

Députée

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 912.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’EUROPE DE LA DÉFENSE DANS LE TRAITÉ DE LISBONNE : DES DISPOSITIONS PROMETTEUSES, UNE MISE EN œUVRE PEU AMBITIEUSE 7

A. Le traité de Lisbonne a renforcé la base juridique de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC), mais l’application des mesures qu’il comporte reste incomplète 7

1. Les apports ambitieux du traité de Lisbonne 7

a) La place de la PSDC dans les missions de l’Union européenne redéfinie 7

b) Le statut de l’Agence européenne de défense (AED) consolidé 8

c) Une clause de défense mutuelle 8

d) Des procédures nouvelles visant à faciliter la mise en œuvre de la PSDC : la « coopération structurée permanente » (CSP) 9

2. Les limites de la mise en application des stipulations du traité de Lisbonne 10

B. La lenteur des progrès de l’Europe de la défense tient à la fois à sa complexité institutionnelle et à un manque de volonté politique 10

1. Une architecture institutionnelle et financière complexe 10

a) Une multiplicité d’instances parfois mal coordonnées 10

b) Une difficulté structurelle de financement de la PSDC 12

2. Un regrettable manque d’ambition politique 13

a) Un manque d’ambition pour mettre en œuvre la coopération structurée permanente 13

b) Un manque d’ambition politique pour mener des opérations militaires européennes 13

II. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION VISE À CONTRIBUER À LA RELANCE DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE, SEULE ISSUE À NOS DIFFICULTÉS 15

A. Le Conseil européen de décembre 2013 constitue une occasion à saisir pour une relance de l’Europe de la défense, plus nécessaire que jamais 15

1. La baisse des capacités de défense des États membres du fait de leurs contraintes budgétaires : un risque sérieux, mais aussi une occasion à saisir 15

a) Un risque sérieux de pertes de capacités d’action du fait des contraintes financières pesant sur les États 15

b) Une occasion à saisir pour relancer la construction d’une véritable Europe de la défense, seule issue à nos difficultés 16

2. Les perspectives ouvertes par le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 16

B. La présente proposition de résolution s’inscrit pleinement dans le chantier ouvert par le Conseil européen 18

1. En vue d’augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC 18

a) L’élaboration d’un Livre blanc européen 18

b) La mise en place de la coopération structurée permanente 19

c) L’intérêt de l’« approche globale » 20

d) L’organisation institutionnelle 20

2. En vue de renforcer le développement des capacités en matière de défense 20

a) Le développement et la cohérence capacitaire 20

b) Le financement du développement capacitaire 21

3. En vue de renforcer l’industrie européenne de défense 21

a) La consolidation des entreprises européennes 21

b) L’amélioration du fonctionnement du marché européen des industries de défense 22

c) La prise en compte budgétaire du « bien public » européen que constitue la défense 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 29

ANNEXE I : PROPOSITION DE RÉSOLUTION 31

INTRODUCTION

La Commission des affaires européennes a adopté le 9 avril 2013 une proposition de résolution européenne sur la relance de l’Europe de la défense, présentée par nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion.

Cette initiative constitue l’aboutissement d’un long et très complet travail qu’ils ont mené sur le sujet, et dont les conclusions ont fait l’objet d’un rapport d’étape (n° 536) et d’un rapport d’information (n° 911), présentés respectivement le 12 décembre 2012 et le 9 avril 2013.

Elle intervient à un moment décisif pour la construction de l’Europe de la défense. En effet, le Conseil européen a donné en décembre 2012 une impulsion politique claire en faveur du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), en adressant aux institutions européennes des orientations précises quant aux objectifs à atteindre. La Commission européenne ainsi que la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doivent lui présenter le résultat de leurs réflexions en septembre prochain. Le Conseil européen a prévu de consacrer sa réunion de décembre 2013 à l’examen des propositions qui en ressortiront.

Compte tenu de la place particulière que tient la France parmi les puissances militaires européennes, et dans la lignée de son constant engagement en faveur d’une véritable Europe de la défense, il était nécessaire que l’Assemblée nationale apporte sa contribution aux travaux en cours sur le renforcement de la PSDC. Tel est l’objet de la présente proposition de résolution.

I. L’EUROPE DE LA DÉFENSE DANS LE TRAITÉ DE LISBONNE : DES DISPOSITIONS PROMETTEUSES, UNE MISE EN œUVRE PEU AMBITIEUSE

Nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion soulignent bien, dans le rapport d’information qui a servi de base à la présente proposition de résolution, une situation paradoxale : alors que le traité de Lisbonne a inscrit dans les traités européens « l’objectif ambitieux d’une défense commune », les instruments prévus par les traités pour permettre l’atteinte de cet objectif ne sont pas, ou trop peu, mis en œuvre.

Non qu’il faille sous-estimer les difficultés que comporte la construction de l’Europe de la défense : comme le rappellent nos collègues, « les divergences des États membres sur leur conception des principes fondamentaux de la défense (entre le ralliement indéfectible au parapluie américain de l’OTAN et l’ambition d’une « Europe puissante » parlant d’une seule voix) et sur les efforts en termes de capacités militaires qu’ils sont prêts à consentir, voire sur la nature des menaces contre lesquelles se protéger efficacement, ont rendu évidemment difficiles les progrès dans ce domaine au cœur des identités nationales ». Le simple fait que les Européens aient inscrit la construction d’une Europe de la défense au nombre des objectifs et des politiques de l’Union constitue déjà, en soi, une avancée.

Pourtant, l’Europe de la défense « piétine ». Cette lenteur tient en partie à une construction institutionnelle complexe ; elle s’explique surtout par un regrettable manque de volonté politique.

A. LE TRAITÉ DE LISBONNE A RENFORCÉ LA BASE JURIDIQUE DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE (PSDC), MAIS L’APPLICATION DES MESURES QU’IL COMPORTE RESTE INCOMPLÈTE

1. Les apports ambitieux du traité de Lisbonne

Le traité de Lisbonne a refondu les dispositions des traités de Rome et de Maastricht concernant la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), qui est désormais appelée « politique de sécurité et de défense commune » (PSDC). Votre rapporteure n’entrera pas ici dans une présentation détaillée du régime juridique de la PESD puis de la PSDC, dont le rapport précité nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion fait une analyse très précise ; il faut néanmoins souligner que le traité de Lisbonne marque une étape importante dans la constitution d’une Europe de la défense, en ce qu’au-delà du changement sémantique précité, il comporte plusieurs avancées significatives.

a) La place de la PSDC dans les missions de l’Union européenne redéfinie

Depuis le traité de Lisbonne, la PSDC a trouvé une place renforcée dans les objectifs de l’UE. La PSDC est en effet présentée comme faisant « partie intégrante » de la PESC (article 42 du TUE modifié), qui comprend expressément « la définition progressive d’une politique de défense commune ». Surtout, la création d’une « défense commune » n’est plus présentée comme une simple éventualité, mais comme un but à part entière de l’UE : dans sa nouvelle rédaction, l’article 42 du traité sur l’Union européenne prévoit ainsi que la définition progressive d’une politique de défense commune « conduira » – et non plus « pourrait conduire éventuellement » (1) – à une défense européenne.

De plus, le traité de Lisbonne a étendu les compétences de l’Union en matière de PSDC en élargissant de façon ambitieuse l’énumération des types de missions que l’UE peut mener au titre de cette politique. Auparavant, les compétences de l’UE en la matière avaient été définies dans le traité d’Amsterdam, qui avait repris les « missions de Petersberg » (2) assignées à l’Union de l’Europe occidentale (UEO). Or ces missions faisaient une large place aux opérations de faible intensité militaire – de fait, l’UEO ne s’était jamais imposée comme un véritable « bras armé de l’Europe », les missions effectivement conduites relevant pour l’essentiel du « bas du spectre » des missions de Petersberg, c’est-à-dire les plus éloignées des opérations de combat. Le traité de Lisbonne a élargi ce spectre de compétences, désormais énumérées à l’article 43 du TUE, en y intégrant les « actions conjointes de désarmement », l’assistance et le conseil militaire, les missions de prévention des conflits, les missions de stabilisation post-conflit et les missions de lutte contre le terrorisme, même hors du territoire de l’UE (pourvu que ce soit à la demande des États concernés).

Comme le soulignent nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion, cet élargissement des missions de l’Union européenne est cohérente avec la volonté d’« approche globale » – dite aussi d’« approche intégrée » – de l’action extérieure de l’Union, qui consiste à piloter conjointement l’ensemble des actions extérieures de l’UE et de ses États membres pour une situation ou une crise donnée – actions de développement et de coopération, actions commerciale, humanitaire, diplomatique, ou militaire.

b) Le statut de l’Agence européenne de défense (AED) consolidé

L’Agence européenne de défense (AED) a été créée en 2004 par une action commune, avec pour mission de contribuer au développement des capacités de gestion de crises des États membres, à la mise en place d’un marché européen des équipements des forces, au renforcement de la compétitivité de l’industrie et à la promotion de la recherche, ainsi que de soutenir des projets multinationaux d’équipement des forces. À ce jour, l’Agence a lancé 200 appels d’offre, pour un total de 10 milliards d’euros. Ses projets n’associent pas obligatoirement la totalité des 26 États membres (3) de l’UE qui participent à l’AED.

Le traité de Lisbonne a institutionnalisé l’Agence, en lui donnant une base conventionnelle à l’article 45 du TUE, et en a élargi les missions aux aspects industriels et commerciaux de l’armement.

c) Une clause de défense mutuelle

Le traité de Lisbonne a prévu au paragraphe 7 de l’article 42 du TUE une clause d’assistance mutuelle automatique en cas d’agression armée, fondée expressément sur la légitime défense collective de l’art 51 de la Charte des Nations unies, qui reprend ainsi l’acquis de l’UEO. Le traité a expressément précisé que cette clause n’affectait ni « le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres » - visant principalement la neutralité de certains -, ni les engagements des États membres dans l’OTAN, qui reste « le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».

d) Des procédures nouvelles visant à faciliter la mise en œuvre de la PSDC : la « coopération structurée permanente » (CSP)

Le traité de Lisbonne a créé la « coopération structurée permanente » (CSP) définie aux articles 42 et 46 du TUE. Ainsi, alors que le traité de Nice avait exclu la défense du champ des « coopérations renforcées », elle est désormais éligible à ce type d’initiative pionnière, sous un régime dérogatoire, plus souple. Dans leur rapport précité, MM. Yves Fromion et Joaquim Pueyo qualifient cette procédure d’« innovation très importante, sans doute la plus ambitieuse du traité de Lisbonne en matière de défense », et y voient « le noyau d’une Europe de la défense », « clairement, souplement et efficacement défini par le traité de Lisbonne ».

Le traité précise qu’y sont éligibles les États qui « remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et souscrivent des engagements plus contraignants en vue des missions les plus exigeantes », ces critères devant être lus comme des exigences de capacités opérationnelles, et non des exigences strictement budgétaires.

Le Protocole sur la coopération structurée permanente annexé au TUE a précisé les deux principaux critères d’éligibilité des États à la CSP :

– développer plus intensivement ses capacités de défense, notamment dans le cadre des forces multinationales, des programmes européens d’équipement et de l’AED. On fait parfois référence aux actions visées par ce critère comme à la « composante “programmes d’armement” » de la CSP ;

– être en mesure de fournir soit seul, soit au sein de forces multinationales, des unités de combat configurées en groupements tactiques (comprenant les éléments de soutien en matière de transport et de logistique) capables d’entreprendre des missions dans un délai de 5 à 30 jours, en particulier pour répondre à des demandes de l’ONU, et soutenables pour une période de 30 jours, prorogeable jusqu’à au moins 120 jours. Ce critère est présenté comme fondant une « composante “génération de forces” » de la CSP.

Il est à noter que le Protocole établit une distinction de portée contraignante entre la composante « génération de forces », qui est obligatoire pour l’adhésion à la CSP, et la composante « programmes d’armement », qui ne l’est pas. Cette distinction a pour but de faciliter l’adhésion à la CSP, dans la mesure où certains États ne disposent pas de la base industrielle et technologique de défense suffisante pour apporter une contribution significative à des programmes d’armement.

Il ressort également de l’article 1er du Protocole que l’appartenance à la CSP n’a pas pour conséquence d’obliger les États à participer à toute opération décidée par l’Union européenne : ceux-ci restent souverains en la matière.

On signalera par ailleurs que le traité de Lisbonne a prévu à l’article 44 du TUE une procédure de délégation de missions à un groupe d’États membres, suivant laquelle le Conseil peut déléguer une mission relevant de la PSDC à un groupe d’États, qui l’accomplissent en lien avec le Haut représentant et lui en rendent compte.

2. Les limites de la mise en application des stipulations du traité de Lisbonne

Alors que le traité de Lisbonne est en vigueur depuis le 1er décembre 2009, ses dispositions les plus ambitieuses ne sont toujours pas mises en œuvre.

Comme le souligne à juste titre le deuxième considérant de la présente proposition de résolution, tel est notamment le cas de la coopération structurée permanente, qui constitue pourtant, aux termes du rapport précité de MM. Fromion et Pueyo, « un cadre à la fois souple et engageant, propre à mobiliser les États de l’Union européenne et à leur ouvrir la voie d’une approche collective, mais pragmatique et réaliste, de leur défense ».

B. LA LENTEUR DES PROGRÈS DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE TIENT À LA FOIS À SA COMPLEXITÉ INSTITUTIONNELLE ET À UN MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE

Dans leur rapport d’information précité, nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion procèdent à une analyse approfondie des obstacles rencontrés dans la mise en œuvre d’une véritable politique commune en matière de sécurité et de défense qui soit à la hauteur des enjeux de défense d’aujourd’hui. Votre rapporteure retient deux principaux ordres d’explications, qui tiennent pour certaines à l’organisation actuelle des institutions compétentes et des procédures applicables, mais surtout à un manque regrettable d’ambition politique.

1. Une architecture institutionnelle et financière complexe

Il ressort des analyses de MM. Fromion et Pueyo que tant les procédures de prise de décision que celles de mise en œuvre et de financement des missions sont marquées par une complexité préjudiciable à leur bon fonctionnement.

a) Une multiplicité d’instances parfois mal coordonnées

Les instances européennes ayant compétence dans la conception et la mise en œuvre de la PSDC sont nombreuses. Sans dresser ici un panorama exhaustif de ces organes et de leur statut, on peut recenser :

– le groupe Relations extérieures (RELEX), qui rassemble les 27 conseillers pour les relations extérieures des représentations permanentes auprès de l’Union européenne, et prépare les travaux du comité des représentants permanents (COREPER) ;

– le Comité politique et de sécurité (COPS), qui tient du Conseil et du Haut représentant une délégation permanente pour donner des directives aux commandants d’opérations. Constitué des 27 représentants permanents des États auprès de l’Union, qui se réunissent deux fois par semaine, il est la « cheville ouvrière » de la politique européenne de défense : il exerce le contrôle politique et la direction stratégique de toutes les opérations militaires ;

– une chaîne de commandement militaire, constituée d’un Comité militaire de l’UE, organe militaire suprême de l’UE (4) qui il rassemble les chefs d’État-major des armées (5) des États membres et conseille le COPS, ainsi que d’un État-major de l’UE qui remplit auprès de ce comité une triple mission d’alerte rapide, d’évaluation des situations et de planification stratégique. On notera toutefois que cette chaîne de commandement est peu étoffée : elle repose sur 250 militaires seulement, son travail se limite à la conception stratégique politico-militaire et non à la planification opérationnelle, et elle n’a pas d’autorité sur les états-majors nationaux ;

– un centre d’opérations basé à Bruxelles, sorte d’état-major de format réduit (90 personnels), non permanent et activé uniquement à titre subsidiaire (c’est-à-dire à défaut d’état-major disponible auprès d’un État ou de l’OTAN). Il a été activé en 2012 pour soutenir la planification et assurer la coordination des opérations et missions de l’Union dans la Corne de l’Afrique ;

– le Groupe politico-militaire (GPM), qui prépare les travaux du COPS sur les aspects politico-militaires de la PSDC ;

– le Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises (CIVCOM), groupe de travail du COPS en charge des aspects de la gestion civile des crises : police, État de droit, administration civile et protection civile ;

– la Direction de la planification et de la gestion des crises, créée au sein du Service européen d’action extérieure (SEAE) placé sous l’autorité du Haut représentant, qui est chargée de la planification politique et stratégique des opérations civiles et militaires, ce qui consiste essentiellement à produire le « concept de gestion de crise », document de référence établissant les objectifs stratégiques et le cadre de chaque opération de l’Union ;

– la Capacité civile de planification et de conduite, organe de commandement civil de gestion des crises rattaché au SEAE, qui est chargé de planifier et de conduire les missions civiles de la PSDC ;

– la Cellule de veille et d’analyse du SEAE, structure de renseignement qui est chargée d’informer en permanence les autorités européennes sur la situation sécuritaire et politique des théâtres de déploiement des missions et opérations de l’UE ;

– le Département de réponse aux crises, qui joue dans l’organisation de la réponse aux crises un rôle de « guichet unique » qui a pour mission de coordonner les différents services compétents ;

– l’Agence européenne de défense (cf. supra).

– l’Institut d’études de sécurité de l’UE, qui mène des études pour le COPS ;

– le Collège européen de sécurité et de défense, qui met en réseau les instituts nationaux de formation.

Dans leur rapport d’information précité, nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo appellent à une clarification et à une rationalisation de ce dispositif, dont la complexité contribue selon eux à freiner le développement d’une véritable Europe de la défense (cf. l’encadré ci-après).

Une multiplicité d’organismes compétents qui nuit à leur efficacité

Toutes ces instances hautement qualifiées interviennent de façon active dans le champ de la PSDC. Face à cette multiplicité d’expertises, la critique est facile : pourquoi tant d’organismes pour si peu de résultats – jusqu’à présent – dans la construction d’une véritable « Europe de la défense » ? Ou est-ce cette multiplicité elle-même qui constitue un frein à son lancement ? Certes, comme M. Pierre Vimont l’a souligné lors de son audition, le SEAE a accueilli en son sein plusieurs de ces entités, celles qui constituaient le secteur de la politique de défense et de sécurité : le comité militaire, l’état-major, avec notamment la Direction de la planification et de la gestion de crises… et la Capacité civile de planification et de conduite. La France en particulier s’était demandée si ces différents services devaient être intégrés dans le SEAE, tout en reconnaissant qu’on ne pouvait pas plaider pour une approche globale et en écarter la dimension militaire. C’est pourquoi ces services ont été finalement intégrés comme éléments d’un ministère de la défense à l’intérieur d’un service qui se conçoit comme un ministère des affaires étrangères, ce qui est assez novateur. De ce fait, le SEAE a désormais la capacité d’intégrer immédiatement la dimension militaire dans les efforts consentis pour développer la gestion de crise. Ainsi, le chef de l’état-major européen et le président du comité militaire ont pu assister à ses réunions sur le Mali, aux côtés des différents planificateurs en matière de défense et de sécurité, ce qui a permis un travail plus rapide et coordonné qu’auparavant.

Source : Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur la relance de l’Europe de la défense n° 911 déposé le 9 avril 2013 par MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion.

b) Une difficulté structurelle de financement de la PSDC

La procédure applicable au financement des opérations menées au titre de la PSDC repose en principe sur une summa divisio entre les opérations civiles, intégralement financées (en théorie) par le budget de la PESC, et les opérations ayant des implications militaires, laissées à la charge des États membres.

Il ressort toutefois des travaux de nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion que 50 % seulement des personnels des missions civiles menées au titre de la PSDC sont financés sur le budget communautaire, ce qui explique selon eux en grande partie la tendance des États membres à se désengager de ces missions.

De la même façon, l’indisponibilité des fonds européens pour le financement des missions militaires de l’UE n’incite évidemment pas les États membres à s’engager dans ce type de missions. Pour pallier cette difficulté, a été créé en 2004 un mécanisme de financement communautaire des coûts communs aux États pour les opérations militaires européennes, dénommé Athena, qui couvre à peu près 10 % des dépenses afférentes à ces opérations.

Cette procédure financière n’en présente pas moins deux limites majeures : d’une part, le financement européen des missions militaires européennes reste très peu incitatif et, d’autre part, l’écart de niveau de financement européen entre les missions civiles et les missions militaires ne va pas dans le sens de l’« approche globale » des missions de PSDC dont le SEAE a fait sa doctrine.

2. Un regrettable manque d’ambition politique

Les lenteurs dans la construction d’une véritable Europe de la défense tiennent moins à des obstacles techniques qu’au manque de volonté politique des États et des institutions européennes.

a) Un manque d’ambition pour mettre en œuvre la coopération structurée permanente

Dans leur rapport d’information précité, nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo concluent d’une analyse détaillée du statut de la CSP que la mise en place de celle-ci tient moins à des obstacles institutionnels et financiers qu’à un manque de volonté politique.

Ils montrent en effet que « les conditions de constitution de la CSP étant au fond assez faciles à remplir, le plus important serait de permettre au processus de démarrer ». Ils prévoient d’ailleurs qu’« une fois que les États membres commenceront une coopération structurée, ils seront pris dans un engrenage vertueux” », concluant : « L’Europe a donc entre les mains l’instrument de relance de sa politique de défense. Elle peut décider de l’utiliser à tout moment. Le voudra-t-elle ? »

b) Un manque d’ambition politique pour mener des opérations militaires européennes

Certes, près d’une trentaine de missions civiles et militaires ont été menées au titre de la PESD puis de la PSDC (6) – pour une présentation détaillée de ces missions, on renverra à l’excellent rapport d’information précité. Il ne faut toutefois pas perdre de vue le fait que le niveau d’intensité militaire de ces opérations s’est situé le plus souvent en « bas de spectre ».

● En outre, si certains États européens ont constitué entre eux des forces militaires multinationales dont le traité sur l’Union européenne prévoit qu’elles peuvent se voir confier des missions au titre de la PSDC, il ressort des analyses de nos collègues que ces forces ne sont pas assez employées, voire qu’elles le sont dans des conditions peu satisfaisantes.

Tel est le cas par exemple de l’Eurocorps, dont ils estiment qu’il « mériterait sans doute d’être davantage utilisé », non seulement parce qu’il dispose de moyens conséquents - il est construit pour déployer jusqu’à 65 000 hommes -, mais aussi parce que son engagement est « l’expression de la volonté politique et diplomatique commune de cinq nations européennes » : ses cinq « nations-cadres » (la France et l’Allemagne, auxquelles se sont adjoints la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg).

Tel est également le cas de la brigade franco-allemande (BFA), dont les capacités atteignent 6 000 hommes : la faible utilisation de cette structure a été soulignée à plusieurs reprises – y compris, en 2008 et en 2011, par la Cour des comptes dans ses rapports publics annuels –, et MM. Fromion et Pueyo montrent que c’est bien par manque de volonté politique que la BFA n’a pas été engagée, par exemple, au Mali. Au contraire, les éléments constituant la BFA ont plusieurs fois été projetés sous des mandats nationaux plutôt que sous la bannière européenne.

C’est ainsi que nos collègues concluent : « de façon générale, le retour à une approche plus intégrée, à une meilleure mutualisation des forces sur les théâtres d’opérations relève de la seule responsabilité politique. Il serait profondément regrettable, à l’heure où l’on prône la relance de l’Europe de la défense, et parfaitement contraire à l’esprit sinon à la lettre du Traité de Lisbonne, de continuer à mal utiliser ces instruments emblématiques et à fort potentiel que sont les forces multinationales… ».

● La crise malienne a confirmé, s’il en était besoin, cette atonie politique des Européens en matière de défense. En effet, Votre rapporteure ne peut que partager le constat « un peu amer » que nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo font de la gestion européenne de cette crise, montrant dans leur rapport précité que « la solidarité européenne ne s’est pas exprimée dans des conditions satisfaisantes » dans le cas du Mali, au point d’en faire un véritable « symbole des insuffisances de la politique européenne de défense ».

Ce constat vaut tant pour les missions de combat, menées dans le cadre de l’opération Serval, que pour les missions de formation des forces armées maliennes, menées dans le cadre de l’opération EUTM Mali.

En effet, comme l’écrivent MM. Puyeo et Fromion, « l’opération Serval est le type même d’opération que l’Union européenne ambitionne de pouvoir mener collectivement dans le cadre de la PSDC et une fois de plus, comme dans le précédent de la Libye, elle s’est avérée incapable de le faire ». Il faut certainement réfuter l’argument selon lequel les Européens auraient été « pris de court » par la crise : la France avait alerté ses partenaires européens dès l’automne 2012, tant dans le cadre de l’Union européenne – au Conseil des affaires étrangères – que dans le cadre du groupe « Weimar + ». De même, l’intervention française était parfaitement conforme à la légalité internationale, dans la mesure où elle se fondait sur l’article 51 de la Charte des Nations unies. Pourtant, le soutien des Européens à l’opération française s’est borné à l’apport de certaines capacités d’appui logistique, certes très précieuses, mais fournies hors du cadre à proprement parler européen – celui de la PSDC –, sur la base d’arrangements bilatéraux, au même titre que les contributions d’États non-européens comme les États-Unis ou le Canada.

Mais, comme l’analysent nos collègues, la difficulté à monter la mission EUTM Mali « est peut-être encore plus emblématique des limites de la volonté de relance de l’Europe de la défense ». Il ne s’agit pas en effet d’une mission de combat, mais d’une simple mission de formation des forces armées maliennes, ce qui aurait dû contribuer à lever les réticences éventuelles de certains États membres. En outre, la préparation de cette mission avait commencé dès 2012, et avec un effectif de 550 hommes environ, son format ne peut pas être raisonnablement présenté comme étant hors de portée pour les Européens. Enfin, elle est menée sous la bannière de l’Union européenne elle-même et, comme le soulignent nos collègues, elle « avait été présentée, lors de son lancement, comme une démonstration de “l’activité” et de “l’engagement” » de l’Europe de la défense » : tout était donc réuni pour permettre un engagement résolu des Européens.

Pourtant, le lancement de cette mission a été compliqué par « moult retards et difficultés », autant d’« atermoiements » qui se traduisent, comme l’analysent MM. Pueyo et Fromion, par des difficultés importantes dans la génération des forces de protection des formateurs et, in fine, par une contribution française « disproportionnée » à cette opération européenne.

II. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION VISE À CONTRIBUER À LA RELANCE DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE, SEULE ISSUE À NOS DIFFICULTÉS

L’initiative prise par nos collègues Joaquim Pueyo et Yves Fromion vise à ce que l’Assemblée nationale, en adoptant la résolution qui nous est soumise, apporte sa contribution à l’effort de relance de l’Europe de la défense à un moment qui semble propice, dans la mesure où les contraintes – notamment budgétaires – pesant sur les États et leurs capacités militaires semblent rallier les Européens, peu à peu, à l’idée selon laquelle la construction d’une véritable Europe de la défense est la seule issue à leurs difficultés.

A. LE CONSEIL EUROPÉEN DE DÉCEMBRE 2013 CONSTITUE UNE OCCASION À SAISIR POUR UNE RELANCE DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE, PLUS NÉCESSAIRE QUE JAMAIS

1. La baisse des capacités de défense des États membres du fait de leurs contraintes budgétaires : un risque sérieux, mais aussi une occasion à saisir

Votre rapporteure souligne le caractère paradoxal de l’impact de la conjoncture sur les capacités de défense européennes : si les difficultés budgétaires des États font peser des contraintes lourdes sur leurs budgets militaires, elles ont toutefois pour effet de les inciter plus que jamais à mutualiser leurs efforts au niveau européen. La crise pourrait ainsi être le catalyseur de la construction d’une véritable Europe de la défense.

a) Un risque sérieux de pertes de capacités d’action du fait des contraintes financières pesant sur les États

Le Parlement européen, dans une récente résolution (7) adoptée à l’initiative de M. Arnaud Danjean, président de la sous-commission « Sécurité et Défense » de la commission des affaires étrangères, souligne que tous les États européens doivent faire face aux mêmes tensions sur leurs capacités de défense.

Notant en effet que « les États membres, à la fois pour des raisons financières, budgétaires et politiques, liées ou non à la crise affectant la zone euro, sont dans une phase de réduction ou, au mieux, de maintien, du niveau de leurs budgets de défense », il « met en avant les potentiels effets négatifs de ces mesures sur leurs capacités militaires, et donc sur la capacité de l’Union à prendre effectivement ses responsabilités en matière de maintien de la paix, de prévention des conflits et de renforcement de la sécurité internationale ».

L’impact des contraintes budgétaires sur les capacités de défense européennes est particulièrement inquiétant en matière industrielle : le risque est réel que les pressions budgétaires pèsent à court terme sur les dépenses d’investissement, et se traduisent à moyen terme par la disparition d’un tissu et de savoir-faire industriels très spécialisés, et longs à acquérir.

b) Une occasion à saisir pour relancer la construction d’une véritable Europe de la défense, seule issue à nos difficultés

Votre rapporteure estime que face aux difficultés actuelles, il n’y a pas d’alternative à une mutualisation approfondie des capacités de défense au niveau européen pour maintenir des capacités de défense crédibles en Europe. En cela, les difficultés budgétaires actuelles peuvent constituer un stimulus important pour lever les obstacles, essentiellement politiques, à la construction d’une véritable Europe de la défense.

La résolution précitée du Parlement européen montre d’ailleurs clairement que cette stratégie est réaliste : « les budgets européens de défense de tous les États membres combinés, en valeur absolue, soutiennent la comparaison avec les dépenses des principales puissances émergentes ». Dès lors, « le problème est donc moins budgétaire que politique, depuis la définition d’une base industrielle et technologique européenne jusqu’à la mutualisation de certaines capacités opérationnelles », en passant par la consolidation des industries de défense à l’échelle européenne.

On peut, de ce point de vue, se féliciter des premiers développements de l’initiative de « pooling and sharing » (mutualisation et partage) menée par l’AED dans 11 domaines d’action prioritaires, avec des projets particulièrement prometteurs en matière de ravitaillement en vol, de surveillance maritime, de soutien médical et de formation. De même, la mise en place d’un commandement européen unifié du transport aérien (EATC) offre exemple de réussite unanimement apprécié. Beaucoup reste néanmoins à faire pour combler les lacunes capacitaires des États membres pris dans leur ensemble, et pour rendre plus efficace la conduite des coopérations – il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler les difficultés rencontrées dans le développement de l’A400M.

2. Les perspectives ouvertes par le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

Signe d’une prise de conscience, de la part des Européens, de ce que seule une véritable Europe de la défense peut leur permettre d’assurer leur sécurité dans un contexte triplement marqué par des tensions budgétaires, de menaces nouvelles – la crise au Sahel l’a montré – et la perspective d’un rééquilibrage des priorités des États-Unis en faveur de la zone Asie-Pacifique, le Conseil européen a ouvert en décembre 2012 un chantier ambitieux de relance de l’Europe de la défense.

Le Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 a ainsi consacré une partie de ces travaux à cette initiative, invitant la Haute représentante et la Commission à élaborer de nouvelles propositions et de nouvelles actions visant à renforcer la PSDC. Lady Ashton et la Commission doivent ainsi lui faire rapport avant septembre 2013 sur les initiatives prises en la matière, en vue d’un Conseil européen qui doit être consacré aux questions de défense en décembre 2013.

Comme il est détaillé dans l’encadré ci-après, le Conseil européen à défini trois orientations principales à cette initiative de relance de l’Europe de la défense : augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC ; renforcer le développement des capacités en matière de défense ; renforcer l’industrie européenne de défense.

Politique de sécurité et de défense commune

Points 20 à 25 des conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012

20. Le Conseil européen rappelle ses conclusions de décembre 2008 et note que, dans un monde en mutation, l’Union européenne est appelée à assumer des responsabilités accrues en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, afin de garantir la sécurité de ses citoyens et la promotion de ses intérêts.

21. À cet égard, le Conseil européen reste déterminé à renforcer l’efficacité de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) en tant que contribution concrète de l’UE à la gestion de crises internationales. L’UE joue un rôle important dans son voisinage et dans le monde. Le Conseil européen rappelle que les missions et opérations relevant de la PSDC constituent un élément essentiel de l’approche globale de l’UE à l’égard de régions de crise, telles que les Balkans occidentaux, la Corne de l’Afrique, le Proche-Orient, le Sahel, l’Afghanistan et le Caucase du Sud, et il demeure résolu à améliorer leur efficacité sur le plan opérationnel. Il rappelle aussi que les missions et opérations relevant de la PSDC devraient être menées en étroite coopération avec d’autres acteurs internationaux concernés, tels que les Nations unies, l’OTAN, l’OSCE et l’Union africaine, ainsi que des pays partenaires, en fonction des besoins propres à chaque situation. Le renforcement de la coopération avec les partenaires intéressés dans le voisinage de l’Europe revêt une importance particulière à cet égard.

22. Pour que les responsabilités en matière de sécurité puissent être assumées, le Conseil européen insiste sur le fait que les États membres de l’UE doivent être prêts à fournir des capacités tournées vers l’avenir, à la fois dans le domaine civil et dans le domaine de la défense. Le Conseil européen souligne que les contraintes financières actuelles mettent en évidence la nécessité urgente de renforcer la coopération européenne afin de développer les capacités militaires et de combler les lacunes critiques, y compris celles recensées lors d’opérations récentes. Il met aussi l’accent sur les avantages qu’une telle coopération peut avoir pour l’emploi, la croissance, l’innovation et la compétitivité industrielle dans l’Union européenne.

23. Le Conseil européen invite la Haute Représentante, notamment au travers du Service européen pour l’action extérieure et de l’Agence européenne de défense, ainsi que la Commission, agissant tous dans le cadre de leurs compétences respectives et coopérant étroitement le cas échéant, à élaborer de nouvelles propositions et actions visant à renforcer la PSDC et à améliorer la disponibilité des capacités civiles et militaires requises, et à faire rapport, au plus tard en septembre 2013, dans la perspective du Conseil européen de décembre 2013, sur les initiatives prises en la matière. Les États membres seront étroitement associés aux travaux tout au long de ce processus.

24. À cette fin, le Conseil européen insiste notamment sur les questions suivantes :

Augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC

– en poursuivant le développement d’une approche globale en matière de prévention des conflits, de gestion des crises et de stabilisation, y compris par un renforcement de la capacité à répondre à de nouveaux défis en matière de sécurité ;

– en renforçant la capacité de l’UE à déployer de manière rapide et efficace les capacités et le personnel civils et militaires appropriés, et ce dans tout l’éventail des actions en matière de gestion des crises.

Renforcer le développement des capacités en matière de défense

– en recensant les doubles emplois actuels et les lacunes en matière de capacités, et en établissant un ordre de priorité pour les besoins futurs dans le domaine des capacités civiles et militaires européennes ;

– en facilitant une coopération européenne plus systématique et à long terme en matière de défense, y compris par le recours à la mutualisation et au partage des capacités militaires ; et, à cet égard, en envisageant de manière systématique une coopération en amont dans le cadre de la planification effectuée par les États membres en matière de défense nationale ;

– en facilitant les synergies entre les initiatives sur le plan bilatéral, sous-régional, européen et multilatéral, y compris l’initiative de l’UE portant sur la mutualisation et le partage et celle de l’OTAN portant sur la défense intelligente.

Renforcer l’industrie européenne de la défense

– en développant une base industrielle et technologique de défense européenne qui soit plus intégrée, plus durable, plus innovante et plus compétitive ;

– en créant des synergies accrues entre les aspects civils et militaires de la recherche et du développement ; en œuvrant, notamment par la mise en œuvre effective des directives relatives aux marchés publics et aux transferts intracommunautaires, au bon fonctionnement d’un marché de la défense, ouvert aux PME et bénéficiant de leurs contributions.

25. Le Conseil européen fera le point, en décembre 2013, des progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs, évaluera la situation et, sur la base de recommandations de son président, fournira des orientations, notamment par la fixation de priorités et d’échéances, en vue d’assurer l’efficacité des efforts que déploie l’Union européenne pour permettre à l’Europe de s’acquitter de ses responsabilités en matière de sécurité.

B. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION S’INSCRIT PLEINEMENT DANS LE CHANTIER OUVERT PAR LE CONSEIL EUROPÉEN

Rappelant que le Conseil européen a indiqué dans ses conclusions précitées que « les États membres seront étroitement associés aux travaux tout au long de ce processus » de relance de l’Europe la défense, nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo ont souhaité inscrire leur proposition de résolution au plus près des axes de réflexion proposés par le Conseil européen, en ordonnant les éléments de leur proposition de résolution suivant les trois priorités identifiées par le Conseil européen.

1. En vue d’augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC

Après avoir appelé de façon générale à une « mise en œuvre plus complète et volontariste » des stipulations du traité de Lisbonne concernant la PSDC (point 1), la proposition de résolution formule quatre ordres principaux de recommandations.

a) L’élaboration d’un Livre blanc européen

Les points 2) et 3) de la proposition de résolution appellent à une révision de la « Stratégie européenne de sécurité » définie en 2003, et suggère que ces travaux servent de base à un futur « Livre blanc sur la sécurité et la défense européenne ».

En effet, le Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003 avait adopté un document d’orientation stratégique mettant l’accent, notamment, sur la sécurité dans le voisinage de l’UE et sur la recherche d’un partenariat efficace et équilibré avec les États-Unis. Il lui avait été annexé en décembre 2008 un ensemble ambitieux d’objectifs chiffrés de développement capacitaire (8). Non seulement ces objectifs capacitaires n’ont pas été atteints, mais surtout, comme le note la résolution précitée du Parlement européen, cette stratégie, « malgré la persistance du bien-fondé de ses analyses et affirmations, commence à être dépassée par les événements et n’est plus suffisante pour appréhender le monde d’aujourd’hui ».

Le Parlement européen appelait lui aussi à l’établissement d’un Livre blanc européen, soulignant « l’importance d’un tel cadre stratégique, qui permettra de guider l’action extérieure de l’Union et de formuler des priorités claires pour sa politique de sécurité » et suggérant que celui-ci intègre :

– l’évolution des menaces et du développement des relations avec nos alliés et partenaires, mais aussi avec les pays émergents ;

– « les nouveaux concepts de sécurité qui sont apparus ces dernières années, tels que la « responsabilité de protéger », la sécurité humaine et le multilatéralisme effectif » ;

– une définition des intérêts stratégiques de l’Union au regard du contexte international et des capacités européennes.

Pour votre rapporteure, l’élaboration d’une telle stratégie européenne constitue un préalable indispensable à la mise en place d’une véritable Europe de la défense.

b) La mise en place de la coopération structurée permanente

À ses points 4) à 9), la proposition de résolution plaide en faveur de la mise en place de la coopération structurée permanente (CSP), en souligne les avantages, apporte plusieurs précisions quant à son contenu, et formule des propositions relatives à son financement.

Le point 4) invite ainsi la Commission et le Conseil européen de décembre 2013 à étudier la possibilité de mettre en œuvre la CSP. Adresser cette invitation à la Commission est cohérent avec le fait que le Conseil européen a chargé celle-ci de lui présenter des propositions en vue de relancer la PSDC.

Le point 5) rappelle quant à lui les possibilités de coopération offertes par la CSP, tout en soulignant sa souplesse pour les États : dans sa composante « génération de force », ceux-ci conservent le droit de refuser la participation de leurs capacités nationales à telle ou telle opération européenne, et dans sa composante « programmes d’armement », il ne leur est imposé aucun « préalable contraignant ».

Les points 6) et 7) proposent que la CSP intègre les « initiatives éparses de coopération » telles que l’Eurocorps – aujourd’hui non utilisé par l’UE – ou la BFA, suggérant qu’une telle intégration pourrait contribuer à rendre ces initiatives plus « concluantes pour la PSDC ». Ils proposent aussi de regrouper les moyens existants ou en déshérence de planification des opérations afin de doter l’UE, dans le cadre de la CSP, d’un organisme de planification européen plus robuste. On notera d’ailleurs que le traité de Lisbonne a inscrit dans les traités européens une mention des forces multinationales créées par certains États membres, afin de les rapprocher de l’UE ; le regroupement de ces forces dans le cadre de la CSP permettrait de poursuivre dans cette voie.

Les points 8) et 9) traitent du financement de la CSP, partant du principe suivant lequel « l’Union européenne, si elle agréait la création de la CSP, ne pourrait s’exonérer de la soutenir » financièrement. La proposition de résolution suggère à cette fin de s’appuyer sur les deux mécanismes existants de financement des opérations militaires, en leur donnant plus d’ampleur ; il s’agit de :

– la procédure de financement sur le budget de l’UE des « activités préparatoires » nécessaires à l’exécution des missions PSDC, prévue à l’article 41 paragraphe 3 du TUE. Cette procédure est destinée à « garantir l’accès rapide aux crédits du budget de l’Union destinés au financement d’urgence d’initiatives » dans le domaine de la PESC, y compris en matière de PSDC. La proposition de résolution recommande de retenir une acception large de la notion d’« activités préparatoires », dans le champ desquelles entreraient non seulement les activités logistiques préalables au lancement d’une mission, mais aussi les dépenses d’acquisition de capacités indispensables à la préparation d’engagements civilo-militaires de l’UE en matière de renseignement (notamment satellitaire), de transmissions, ou de transports ;

– l’instrument de financement Athena (cf. supra), que le point 9) propose d’amplifier, afin de le rendre à la fois plus efficace et plus équitable pour les États. En effet, aujourd’hui, cet instrument est alimenté par des contributions nationales réparties entre les États en fonction de leurs PIB respectifs, mais elles ne couvrent que 10 % environ de la charge supportée par les États attributaires des missions PSDC, le reste demeurant à leur charge exclusive.

c) L’intérêt de l’« approche globale »

Le point 10) tend à ce que l’Assemblée nationale se déclare favorable au développement de l’« approche globale » de la gestion des crises (cf. supra), tout en regrettant « le manque de moyens » et « l’insuffisant formatage de la plupart des missions civiles ». En effet, alors qu’en principe les missions civiles sont financées intégralement sur le budget européen, ce principe ne semble pas respecté : 50 % des dépenses de personnels en moyenne restent à la charge des États, ce qui n’incite pas ceux-ci à s’engager dans ce type de missions.

d) L’organisation institutionnelle

Le point 11) appelle à une rationalisation des multiples structures dédiées à la PSDC, conformément au constat fait par nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo selon lequel la multiplicité des structures nuisait à la clarté du système ainsi qu’à son efficacité.

2. En vue de renforcer le développement des capacités en matière de défense

a) Le développement et la cohérence capacitaire

Le point 12) propose une réforme institutionnelle tendant à ce que l’UE ait la possibilité d’acquérir en propre des capacités militaires, dans le cadre de la CSP, ce qui ne lui est pas permis à ce jour. À défaut d’une telle évolution institutionnelle, il propose que l’UE se dote de procédures lui permettant de soutenir, notamment financièrement, le développement des capacités nationales susceptibles d’être engagées au titre des missions PSDC. Pour votre rapporteure, un tel soutien mériterait d’être orienté en priorité vers les États adhérents à la CSP.

Le point 13) suggère quant à lui une procédure visant à mettre en cohérence les capacités nationales. Cela suppose, d’une part, de recenser les doubles emplois entre forces nationales ainsi que les lacunes et, d’autre part, d’établir un ordre commun des priorités des besoins futurs en matière de capacités civiles et militaires – étant précisé que l’AED est la mieux placée pour coordonner cet exercice de priorisation. Pour votre rapporteure, une telle démarche permettrait de garantir la cohérence capacitaire des États de l’Union tout en étant légitime et pragmatique. En effet, dans un contexte où aucun État membre ne peut plus disposer seul de la totalité des capacités militaires envisageables, nos forces sont, de fait, interdépendantes ; dès lors, mieux vaut une interdépendance assumée et organisée, qui permette d’éviter les redondances et les lacunes au niveau des forces européennes prises globalement.

b) Le financement du développement capacitaire

Les points 14) et 15) proposent deux pistes pour permettre à l’UE de contribuer au financement du développement capacitaire :

– mobiliser « plus largement et plus systématiquement » le programme civil de recherche et de développement (PCRD) pour soutenir les dépenses de recherche en technologies militaires susceptibles d’avoir des applications duales – ce qui est fréquemment le cas ;

– élargir le financement des « activités préparatoires » précité au renforcement des capacités nationales susceptibles d’être employées sous la bannière de l’UE.

3. En vue de renforcer l’industrie européenne de défense

a) La consolidation des entreprises européennes

Les points 16), 17) et 22) appellent à une accélération de la consolidation des industries européennes de défense. Cette proposition se base sur le constat des « handicaps structurels » dont souffre la base industrielle de technologie et de défense (BITD) européenne, handicaps qui tiennent notamment aux difficultés budgétaires des États, avec la baisse de la demande actuelle et future et les tensions sur les budgets publics de recherche et de développement qu’elles engendrent. Il est notamment proposé de relancer le projet de fusion entre EADS et BAE Systems, qui n’a pas pu aboutir à l’automne 2012 du fait, notamment, de réticences allemandes. Plus généralement, il est proposé que la consolidation de la BITD européenne soit menée dans les trois conditions suivantes :

– suivre une « démarche concertée » ;

– préserver les capacités indispensables à l’indépendance de l’UE ;

– s’accompagner d’un « soutien approprié » aux bassins industriels qui seraient affectés par ces restructurations.

b) L’amélioration du fonctionnement du marché européen des industries de défense

Dans leur rapport d’information précité, nos collègues Yves Fromion et Joaquim Pueyo analysent les avantages qu’il y aurait à mieux structurer le marché européen des équipements militaires, tant par un cadre réglementaire commun amélioré que par la mise en cohérence des politiques nationales d’achat. Ils montrent en effet que l’industrie européenne ne souffre pas jusqu’à présent d’un manque de compétitivité, mais d’un manque de nouveaux programmes qui, s’ils sont menés en coopération, permettraient de garantir la pérennité de la BITD européenne. Cela plaide en faveur du lancement de nouveaux programmes, de préférence sur la base de coopérations européennes. Toutefois, nos collèges montrent également qu’« une approche uniquement réglementaire est insuffisante voire contre-productive sans une ambition politique préalable », qui permettrait une convergence des besoins capacitaires des États, ainsi qu’à l’application effective du principe de préférence européenne. Selon eux, « toute autre politique laissera la place aux concurrents étrangers qui proposeront leurs produits État par État, ne laissant aux acteurs locaux qu’un rôle de sous-traitance à faible contenu technologique ».

À cet effet, le point 18) suggère que les États harmonisent leurs demandes en matière d’équipements. En effet, l’expérience acquise à l’occasion de plusieurs programmes récents de coopération industrielle montre que les économies d’échelle attendues d’une coopération ne peuvent être pleinement exploitées que si les spécifications nationales des équipements ne différent pas excessivement. Il est proposé de confier la conduite de ce travail d’harmonisation à l’AED, et de fusionner celle-ci avec l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) qui avait été créée dans le cadre de l’UEO. On notera d’ailleurs qu’une telle fusion constituerait l’aboutissement d’un processus de rapprochement de l’AED et de l’OCCAR engagé depuis plusieurs années, et formalisé par un accord de partenariat signé le 27 juillet 2012.

De plus, le point 19) préconise la constitution d’un fonds d’un milliard d’euros, dans le budget communautaire, visant à soutenir la R&D européenne de défense et de sécurité. Il est également suggéré que les procédures mises en œuvre par l’AED soient réformées, notamment pour ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle. MM. Fromion et Pueyo indiquent en effet dans leur rapport précité que ces règles ouvrent le bénéfice des résultats de ces recherches à tous les États membres de l’AED, que leurs entreprises aient participé ou non aux programmes concernés, ce qui peut dissuader les entreprises les plus innovantes de participer aux programmes de coopération industrielle.

Les points 20) et 21) proposent de rééquilibrer les règles encadrant les marchés publics d’équipements de défense et de sécurité de façon à ne laisser jouer la libre-concurrence avec les pays tiers qu’en cas de réciprocité – ce qui n’est pas souvent le cas, le marché mondial des équipements militaires étant marqué par des pratiques généralisées de préférence nationale. Pour le cas où un État tiers n’assurerait pas le même degré d’ouverture de ses marchés nationaux aux produits européens, il est donc proposé de faire jouer un mécanisme de « préférence communautaire ». Et en règle générale, la proposition de résolution tend à ce que l’UE mène une politique active de soutien aux exportations d’équipements de défense et de sécurité européens, à l’image de ce que font les autres puissances industrielles.

c) La prise en compte budgétaire du « bien public » européen que constitue la défense

Le point 23) propose deux mécanismes alternatifs tendant à ce que les États qui supportent, sur les budgets nationaux, des dépenses de défense et de sécurité dont bénéficient l’ensemble des États membres de l’Union ne puissent pas être sanctionnés au titre du Pacte de stabilité et de croissance pour le cas où leurs déficits publics excéderaient les objectifs fixés par le Pacte.

Votre rapporteure rappelle en effet que l’effort budgétaire en matière de défense et de sécurité est très inégalement réparti en Europe : la France et le Royaume-Uni en supportent la plus grande partie. L’effort est encore plus inégalement réparti si l’on considère le « prix du sang », c’est-à-dire l’aptitude et la volonté des États à mener des opérations extérieures qui bénéficient à la sécurité de l’ensemble de l’Union : en la matière, la France et le Royaume-Uni apparaissent comme les seuls pays qui ont à la fois les capacités et la volonté de s’engager dans de telles opérations – si l’Allemagne en aurait probablement les moyens, votre rapporteure ne peut que regretter qu’elle n’en ait pas eu la volonté politique à l’occasion des crises récentes en Libye et au Mali.

De ce point de vue, on peut considérer que les États membres qui assurent seuls – et à leurs seuls frais – l’essentiel de la sécurité de l’Europe produisent une sorte de « bien public » européen, ou du moins une externalité positive pour l’ensemble de l’Europe. S’ils devaient être contraints de faire porter sur leurs dépenses militaires une part trop importante de l’effort de réduction de leurs déficits auquel ils sont obligés en vertu des règles européennes, c’est donc la sécurité de l’ensemble de l’Union qui s’en trouverait affaiblie, ce qui n’est assurément pas dans l’intérêt des Européens. Il est donc souhaitable que les modalités d’application des règles encadrant les déficits publics soient organisées de façon à ne pas produire d’effet pervers sur la sécurité de l’Europe, tant que l’Union ne sera pas en mesure de l’assurer elle-même.

Pour parer cet effet pervers, la proposition de résolution avance deux options, également pertinentes :

– la première consiste à exclure des déficits pris en compte pour l’appréciation des critères de déficit excessif (et pour le déclenchement de sanctions, désormais quasi-automatiques) les « crédits affectés à la sécurité de l’Europe » ;

– la seconde tend à ce que les États qui contribuent le moins à la défense de l’Europe compensent les efforts consentis par ceux qui y contribuent le plus, par un « mécanisme de dédommagement ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine la proposition de résolution européenne de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur la relance de l’Europe de la défense (n° 912) au cours de sa réunion du mardi 16 avril 2013.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure.

M. Joaquim Pueyo. La rapporteure a réalisé une très bonne synthèse d’un travail commencé il y a plusieurs mois, qui nous a conduits à effectuer de nombreux déplacements, à Varsovie, Berlin, Bruxelles, Londres, Dublin et Madrid. Je souhaiterais faire deux observations.

En premier lieu, nous avons souhaité être pragmatiques. Si l’OTAN protège l’Europe, il est néanmoins nécessaire de renforcer la défense européenne, car les États-Unis se tournent désormais davantage vers l’Asie du Sud Est que vers l’Europe et celle-ci devra pouvoir prendre un jour le relais. En second lieu, nous disposons avec le traité de Lisbonne de tous les outils pour faire évoluer l’Europe de la défense avec notamment les coopérations structurées permanentes. Lors d’une récente rencontre à Varsovie, le président Hollande et la chancelière Merkel ont souhaité relancer l’Europe de la défense. En effet, si nous disposons de bons accords bilatéraux ou trilatéraux (Weimar, Lancaster House), qui ont fait leur preuve notamment en Libye, il n’existe pas encore de véritable Europe de la défense.

Cette proposition de résolution se veut à la fois pragmatique et ambitieuse. S’agissant de la dernière proposition qu’elle comporte, mon collègue Yves Fromion et moi-même avons souhaité, après de longues discussions, qu’une part des crédits affectés à la défense de l’Europe ne soit pas pris en compte dans le calcul des déficits publics susceptibles de donner lieu, s’ils sont excessifs, à des sanctions européennes. On sait, bien sûr, que ce point est difficile et que les Allemands ne seront sûrement pas d’accord, mais il n’est pas normal que les États qui financent des opérations militaires liées à la défense de l’Europe en portent seuls la charge. Cette résolution s’inscrit également dans la perspective de la réunion du Conseil européen consacrée à la défense européenne, prévue en décembre 2013. Il nous faudra bien entendu encore de nombreuses années pour aboutir, et nous sommes à un moment crucial où beaucoup de pays, à l’exception de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et de la Pologne, ont réduit leurs capacités militaires, ce qui est porteur de difficultés à l’avenir, sachant que nous ne sommes pas dans un monde de paix.

M. Michel Voisin. Je félicite les rapporteurs pour leur proposition de résolution et la rapporteure pour la synthèse qu’elle en a faite.

En réalité, l’Europe de la défense est, comme je l’avais dit lorsque j’étais orateur du groupe UMP lors de l’examen du budget 2012, un vœu pieu. À l’époque, seule la gauche m’avait initialement applaudi. Dans cette résolution, il serait bon qu’il y ait également un paragraphe demandant une mise en adéquation des engagements sur les théâtres extérieurs avec les capacités militaires des États. Les « caveats » sont différents d’un pays à l’autre, ce qui engendre des retards ou des difficultés opérationnelles. Il faut régler ce point.

M. Nicolas Bays. Pour être un européen convaincu et avoir participé à de nombreuses tables rondes sur l’Europe de la défense, notamment avec MM. Hervé Mariton et Gwendal Rouillard, il me semble que deux facteurs expliquent le ralentissement de l’Europe de la défense.

Il y a en effet un problème de définition de la notion même d’Europe de la défense : tous les États ne l’entendent pas de la même manière. Cette résolution a le mérite de préciser la position française.

Par ailleurs, la perception des risques qui visent l’Europe n’est pas partagée. Les menaces ne sont pas les mêmes sur l’ensemble des territoires européens, avec en particulier les pays de l’ex-bloc soviétique qui restent tournés vers l’Est, et d’autres comme la France, concentrés sur l’arc de crise évoqué par le dernier Livre blanc. Il est donc important de recenser pays par pays les menaces perçues.

M. Philippe Vitel. Je constate que toutes les bonnes intentions ne pourront trouver une application qu’avec un cadre budgétaire associé. En moyenne, les budgets de défense européens ont diminué de 10 % ces trois dernières années, passant de 195 milliards en 2011 à 180 milliards en 2012. Dans les réflexions autour du Pooling and Sharing, je constate que beaucoup d’États ne se consacrent qu’à des niches, les Pays-Bas n’ayant par exemple plus de chars, et que ce phénomène deviendrait dangereux s’il s’étendait à tous les pays. S’agissant de la BITD, j’apprécie particulièrement le passage de la résolution qui évoque le problème de la propriété intellectuelle partagée. Souvent dénoncée par les industriels sur ce point, l’Agence européenne de la défense pourrait revoir sa position.

Ce qu’il manque dans ce texte, c’est une évolution de l’AED vers un soutien aux PME-PMI de la défense. Avec les fonds FEDER, c’est un volet majeur qui fait défaut pour animer l’Europe de la défense. Sur la dernière recommandation formulée par le texte, je pense qu’il n’est effectivement pas normal que l’on ne tienne pas compte, dans l’application du pacte de stabilité et de croissance, des efforts effectués pour un État au bénéfice de la sécurité de tous les Européens. Il est également bon de décrire clairement les raisons de l’échec de la fusion EADS-BAE. Il faut convaincre nos amis allemands qu’ils ne vont pas dans le bon sens.

M. Michel Voisin. Il faudrait insister sur le fait que l’appartenance à l’Union européenne devrait nécessairement conduire les États membres à effectuer leurs achats d’équipement militaires en priorité auprès des industries de défense européennes.

M. Joaquim Pueyo. C’est effectivement essentiel sinon nous n’aurons plus d’industrie d’armement pour l’Europe d’ici quelques années ; la situation de la Suède est, de ce point de vue, préoccupante. Il faut sauver l’industrie européenne.

Mme Marie Récalde, rapporteure. Pour répondre à M. Voisin, la coopération structurelle permanente évoquée à l’alinéa 21 de la proposition sera effectivement le meilleur instrument d’une harmonisation des conditions d’emploi des forces, y compris des fameux « caveats ».

M. Nicolas Bays. Vous avez raison de parler d’harmonisation, et c’est d’ailleurs tout l’intérêt du livre blanc évoqué à l’alinéa 19. Les finances sont effectivement, comme souligné aux alinéas 24 et 25, le nerf de la guerre. En définitive, je crois qu’on ne peut que se satisfaire de ce texte.

M. Michel Voisin. Le groupe UMP apporte son total soutien à cette proposition de résolution.

La Commission est saisie des amendements rédactionnels n°s CD1 à CD5 de Mme Marie Récalde, rapporteure ; elle adopte l’ensemble des amendements, puis elle adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD1 présenté par Mme Marie Récalde, rapporteure :

Article unique

À l’alinéa 29, avant et après le mot : « bannière », supprimer les guillemets.

Amendement CD2 présenté par Mme Marie Récalde, rapporteure :

Article unique

I. À l’alinéa 29, substituer au mot : « communautaire » le mot : « européen ».

II. Par conséquent, procéder à la même substitution à l’alinéa 39.

Amendement CD3 présenté par Mme Marie Récalde, rapporteure :

Article unique

À l’alinéa 32, supprimer les mots : « par exemple ».

Amendement CD4 présenté par Mme Marie Récalde, rapporteure :

Article unique

À l’alinéa 37, remplacer les mots : « (propriété intellectuelle partagée) » par les mots : « notamment le régime de propriété intellectuelle partagée, ».

Amendement CD5 présenté par Mme Marie Récalde, rapporteure :

Article unique

À l’alinéa 37, substituer au mot : « communautaires » le mot : « européens ».

ANNEXE I : PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu le traité sur l’Union européenne et notamment son titre V relatif aux dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et aux dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune,


Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment sa cinquième partie relative à l’action extérieure de l’Union,


Vu le protocole n° 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42 du traité sur l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,


Vu les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 relatives à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC),


Considérant qu’il est de la responsabilité de l’Union européenne d’assurer la mise en œuvre des dispositions des traités précités, telles que modifiées par le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009 ;


Considérant que certaines de ces dispositions, notamment celles relatives à la coopération structurée permanente, n’ont pas encore été mises en œuvre ;


Rappelant que le Conseil européen, dans la perspective de sa réunion de décembre 2013, a invité la Haute Représentante et la Commission à élaborer de nouvelles propositions et actions visant à renforcer la PSDC et à lui faire rapport au plus tard en septembre 2013 sur les initiatives prises en la matière ;


Rappelant qu’il a également indiqué dans ses conclusions des 13 et 14 décembre 2012 que les États membres seront étroitement associés aux travaux tout au long de ce processus ;


Prenant acte qu’il insiste notamment sur trois objectifs :


1° Augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC ;


2° Renforcer le développement des capacités en matière de défense ;


3° Renforcer l’industrie européenne de la défense.


Et souhaitant s’inscrire au plus près des axes de réflexion proposés dans lesdites conclusions, formule les propositions et observations suivantes :


I. – En vue d’augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC :


1° Estime nécessaire une mise en œuvre plus complète et volontariste des dispositions figurant au Traité de Lisbonne concernant la PSDC ;


2° Invite le Conseil européen de décembre 2013 à une révision de la Stratégie européenne de sécurité définie en 2003 et adaptée en 2008, afin de recenser les nouveaux défis et menaces auxquels l’Union européenne entend répondre et les objectifs stratégiques qu’elle entend privilégier ;


3° Suggère que ces travaux de recensement des objectifs prioritaires de l’Union européenne servent de base à un futur livre blanc sur la sécurité et la défense européenne ;


4° Souhaite que soit favorisée l’émergence de la coopération structurée permanente (CSP) prévue à l’article 42, alinéa 6 du traité sur l’Union européenne et au protocole n° 10 sur la CSP, et invite en conséquence la Commission et le Conseil européen de décembre 2013 à en étudier la possibilité ;


5° Souligne que la CSP offrirait un réservoir de capacités nationales dans lesquelles l’Union européenne pourrait puiser avec l’accord des États ainsi que, sans préalable contraignant, un cadre propice au développement d’initiatives concertées et concrètes en matière d’interopérabilité et d’adaptation des capacités à des engagements spécifiques dans les domaines civils et militaires ;


6° Souligne que la CSP devrait permettre d’accueillir, dans des conditions de souplesse, d’adaptabilité et de pragmatisme, des initiatives éparses de coopération, telles que l’Eurocorps, la Brigade franco-allemande, les groupements tactiques, Euromarfor, l’EATC, etc., dont certaines sont peu concluantes pour la PSDC ;


7° Estime que l’Union européenne et les États membres de la CSP devraient pouvoir s’appuyer, d’une part, sur un organisme de planification, à créer sur la base du réemploi de compétences dispersées ou en déshérence, et, d’autre part, sur l’Eurocorps, outil de conduite des opérations existant mais non utilisé par l’Union européenne ;


8° Estime que l’Union européenne, si elle agréait la création de la CSP, ne pourrait s’exonérer de la soutenir ; que dès lors devrait être utilisée la possibilité d’accès au budget de l’Union européenne pour le financement d’« activités préparatoires » prévu, après consultation du Parlement européen, au 3 de l’article 41 du traité sur l’Union européenne, pour des missions visées au 1 de l’article 42 et à l’article 43 ; que cette procédure pourrait être utilisée également pour financer l’acquisition de capacités indispensables à la préparation d’engagements civilo-militaires de l’Union européenne : capacités de renseignement, satellitaire notamment, de transmissions, de transport logistique ou tactique ou acquisitions d’équipements spécifiques, etc. ;


9° Suggère que le mécanisme de financement « Athena » soit amplifié pour se révéler plus efficace et surtout plus équitable pour les États missionnés par l’Union européenne ;


10° Se déclare favorable au développement d’une approche globale en matière de prévention des conflits, de gestion des crises et de stabilisation, et déplore à cet égard le manque de moyens et l’insuffisant formatage de la plupart des missions civiles lancées au titre de la PSDC ;


11° Observe que la multiplication des structures dédiées à la PSDC est de nature à nuire à sa lisibilité et à son efficacité, et appelle à leur clarification et à leur rationalisation ;


II. – En vue de renforcer le développement des capacités en matière de défense :


12° Souligne que l’Union européenne est dépourvue de capacités propres en matière de défense mais également de l’aptitude à s’en doter, et devrait en conséquence progresser dans deux directions, étant observé que la CSP offrirait un moyen cohérent d’y parvenir : d’une part, l’évolution des dispositions institutionnelles de l’Union européenne afin qu’elle puisse acquérir en propre des capacités en rapport avec ses objectifs stratégiques ; d’autre part, dans l’attente d’une réforme institutionnelle souhaitable, la recherche de procédures favorisant le développement de capacités nationales susceptibles d’être engagées sous la bannière de l’Union européenne, grâce à un soutien européen ;


13° Souhaite que le recensement des doubles emplois et des lacunes et l’établissement d’un ordre de priorité des besoins futurs dans le domaine des capacités civiles et militaires européennes puissent être conduits rapidement, sous l’égide de l’Agence européenne de défense (AED) ;


14° Propose que la dualité civilo-militaire de nombreux projets de recherche soit reconnue au niveau de l’Union européenne et que le programme cadre de recherche et de développement puisse être sollicité plus largement et plus systématiquement pour le financement de la recherche-développement duale ;


15° Propose que le financement des activités préparatoires prévu au 3 de l’article 41 puisse s’appliquer au renforcement des capacités nationales susceptibles d’être mises en œuvre au profit de l’Union européenne, à l’acquisition progressive par l’Union européenne d’équipements patrimoniaux dans des domaines tels que le renseignement militaire ou les transmissions ;


III. – En vue de renforcer l’industrie européenne de la défense :


16° Observe que la base industrielle de technologie et de défense (BITD) européenne souffre de handicaps structurels qui la rendent de plus en plus vulnérable à l’évolution du marché mondial et suggère, en conséquence, d’accélérer la consolidation des entreprises selon une démarche concertée permettant prioritairement de préserver les capacités indispensables à l’indépendance de l’Union européenne ;


17° Estime que l’Union européenne doit accompagner la nécessaire restructuration des industries de défense par un soutien approprié aux bassins industriels qui seront impactés ;


18° Suggère que les États travaillent à une harmonisation de la demande, sous l’égide de l’AED, et que l’AED et l’organisme adjoint de coopération en matière d’armement, dont les missions sont complémentaires et indissociables, soient fusionnés par souci de cohérence, de lisibilité, d’efficacité ;


19° Observe que le soutien de l’Union européenne à la Recherche-Développement (R&D) de défense et de sécurité implique une révision des procédures mises en œuvre par l’AED, notamment le régime de propriété intellectuelle partagée, car elles constituent une entrave majeure ; estime souhaitable que l’Union européenne consacre une enveloppe d’un milliard d’euros en fonds européens à la R&D de défense et de sécurité ;


20° Demande que l’Union européenne apporte un soutien aux exportations de produits et équipements issus de la BITD européenne car elles contribuent à son développement et sa pérennité ; souhaite que le principe de réciprocité soit pris en compte en matière de marchés publics ;


21° Demande qu’en matière de marchés publics de défense et de sécurité, l’Union européenne mette en œuvre un mécanisme d’incitation à l’abandon des obstacles à l’exercice de la libre-concurrence, de façon à assurer le principe d’ouverture des marchés publics européens aux pays tiers en cas de réciprocité ; à défaut de cette réciprocité, demande que l’Union européenne réfléchisse à un mécanisme de préférence européenne, inspiré des pratiques de préférence nationale observées de façon générale sur le marché mondial des équipements de défense et de sécurité ;


22° Préconise une initiative de relance du projet de fusion entre EADS et BAE ;


23° Propose qu’une part des crédits affectés par certains États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 %, ou que soit créé un mécanisme de dédommagement tenant compte de l’effort particulier de certains États pour le financement d’un bien public européen.

© Assemblée nationale

1 () Termes de l’article 17 du traité sur l’Union européenne (TUE) dans sa rédaction antérieure au traité de Lisbonne, qui en a transféré les stipulations à l’article 42 du TUE.

2 () Selon la déclaration de Petersberg publiée en 1992, il s’agit principalement de missions humanitaires et d’évacuation, de missions de maintien de la paix, et de missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les opérations de rétablissement de la paix.

3 () Le Danemark, qui n’a pas souhaité s’associer au volet militaire de la PSDC, est le seul État membre de l’UE à ne pas être membre de l’AED.

4 () On notera qu’il est présidé depuis l’automne 2012 par un Français, le général Patrick de Rousiers.

5 () Lesquels sont toutefois représentés le plus souvent par les représentants permanents.

6 () Jusqu’au lancement de l’opération EUTM Mali, on recensait 19 missions civiles et 7 opérations militaires lancées au titre de la PESD puis de la PSDC dont 11 missions civiles et 3 opérations militaires en cours.

7 () Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2012 sur la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune (selon le rapport annuel du Conseil au Parlement européen sur la politique étrangère et de sécurité commune) (12562/2011 – 2012/2138(INI)).

8 () Comme le note le rapport d’information précité de MM. Pueyo et Fromion, il s’agissait que l’Union européenne soit en mesure de mener à bien simultanément, en dehors de son territoire, une série de missions civiles et d’opérations militaires d’envergures différentes dont  : le déploiement de 60 000 hommes en 60 jours pour une opération majeure, deux opérations importantes de stabilisation, deux opérations de réponse rapide utilisant notamment les groupements tactiques : « les évolutions et événements intervenus depuis ces deux dates ont montré les limites des objectifs et ambitions précédemment définis… ».