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N
° 2260

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME II

EXAMEN DE LA PREMIÈRE PARTIE
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Volume 1

Examen des articles

PAR Mme. Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

——

SOMMAIRE

___

Pages

EXAMEN DES ARTICLES 7

Article liminaire : Prévision de solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2015, de l’exécution 2013 et de la prévision d’exécution 2014 7

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– Impôts et ressources autorisés

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants 9

B.– Mesures fiscales

Article 2 : Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages à revenus moyens 12

Après l’article 2 73

Article 3 : Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique 75

Article 4 : Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières de cession de terrains à bâtir 96

Article 5 : Aménagement de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire – Dispositif « Pinel » 113

Après l’article 5 133

Après l’article 5 : Augmentation du plafond du crédit d’impôt au titre des travaux de prévention des risques technologiques 146

Article 6 : Incitation à la libération du foncier constructible et à la construction de logements par l’aménagement des droits de mutation à titre gratuit 147

Après l’article 6 159

Article additionnel après l’article 6 : Intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune 179

Article 7 : Application du taux réduit de 5,5 % de la TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville 181

Après l’article 7 186

Article additionnel après l’article 7 : Modification des règles d’éligibilité de la livraison de logements intermédiaires à un taux de TVA à 10 % 190

Article 8 : Suppression de taxes de faible rendement 193

Après l’article 8 203

II.– Ressources affectées

A.– Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 9 : Fixation pour 2015 de la dotation globale de fonctionnement et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux 211

Article additionnel après l’article 9 : Ajustement de la réfaction appliquée au taux de remboursement du Fonds de compensation pour la TVA 235

Article additionnel après l’article 9 : Accélération du rythme de remboursement du Fonds de compensation pour la TVA 237

Article 10 : Compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : 240

Article 11 : Compensation aux départements des charges résultant de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) : et, à Mayotte, des charges résultant du processus de départementalisation 248

Article 12 : Fixation de la dotation globale de compensation (DGC) de la collectivité de Saint-Barthélemy 258

Article 13 : Affectation d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : en vue de la constitution de la ressource régionale pour l’apprentissage et actualisation de la fraction du tarif de la TICPE relative à la compensation financière des primes à l’apprentissage 262

Article 14 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales 271

B.– Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 15 : Fixation des plafonds 2015 des taxes affectées aux opérateurs et à divers organismes chargés de missions de service public 277

Article 16 : Contributions des agences de l’eau au profit du budget de l’État 297

Article 17 : Prélèvement exceptionnel sur les chambres de commerce et d’industrie (CCI) 306

Article 18 : Réforme de la taxe pour frais de chambre d’agriculture 329

Article 19 : Réforme du financement de l’aide juridictionnelle 336

Article 20 : Augmentation du tarif de la TICPE sur le gazole et affectation d’une partie du produit à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 350

Article additionnel après l’article 20 : Plafonnement de la contribution au service public de l’électricité due par les entreprises électro-intensives 367

C.– Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 21 : Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants 368

Article 22 : Prorogation de l’exemption de contribution au désendettement de l’État des produits de cessions de certains biens domaniaux 369

Article 23 : Extension des recettes du CAS Fréquences au produit des redevances des bandes de fréquences 694 MHZ – 790 MHz et prorogation étendue du régime du retour intégral des recettes à ce compte 376

Article 24 : Modification des recettes et des dépenses du CAS Apprentissage (FNDMA) 381

Article 25 : Modification des recettes du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS DAR) 387

Article 26 : Dissolution de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR) 390

Article 27 : Garantie des ressources de l’audiovisuel public et modalités de financement de TV5 Monde 394

Article 28 : Relations financières entre l’État et la sécurité sociale 406

D.– Autres Dispositions

Article 29 : Suppression de la gestion au nominatif des titres d’État 414

Article 30 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne 419

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 31 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 423

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire
Prévision de solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2015, de l’exécution 2013 et de la prévision d’exécution 2014

Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2015, l’exécution de l’année 2013 et la prévision de l’année 2014 s’établissent comme suit :

 

Exécution 2013

Prévision d’exécution 2014

Prévision 2015

Solde structurel (1) : :

– 2,5

– 2,4

– 2,2

Solde conjoncturel (2)

– 1,6

– 1,9

– 2,0

Mesures exceptionnelles (3)

– 0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

– 4,1

– 4,4

– 4,3

Source : projet de loi de finances.

En application de l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent article liminaire présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

La Rapporteure générale a commenté, dans l’annexe n° 1 du tome I du présent rapport général, ces prévisions ainsi que les écarts avec les objectifs fixés en loi de programmation des finances publiques 2012-2017 et avec le nouveau projet de loi de programmation 2014-2019.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 145 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourquoi inscrire dans le PLF pour 2015 ce qui figure déjà dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ?

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet article liminaire est une obligation imposée par la loi organique du 17 décembre 2012.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article liminaire sans modification.

*

* *

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– Impôts et ressources autorisés

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants

I. L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement (...) ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article premier du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique selon laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du I de l’article 34 de la loi organique n° 2011-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions...

Elle couvre les ressources perçues par l’État mais également celles affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens. La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

II. LA DATE D’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES CONTENUES
DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015

Le II du présent article prévoit, dans les termes usuels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier 2015.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2014 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct.

III. L’OBJECTIF DE DÉPENSES FISCALES

L’exposé des motifs de l’article 1er du projet de loi de finances de l’année fixe, depuis le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales. Mis en place à la demande de la commission des Finances, cet objectif constitue un outil de pilotage de la dépense fiscale et permet au Parlement d’être informé de l’évolution du coût de ces dispositifs dérogatoires.

Rappelons que le tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Une telle définition conduit à ce que le périmètre des dépenses fiscales soit relativement mouvant, pour deux raisons.

D’une part, l’appréciation de la « norme fiscale » est laissée au Gouvernement qui dispose de la faculté de « déclasser » des dispositifs en les sortant du périmètre des dépenses fiscales dès lors qu’il considère qu’ils relèvent de la norme, par exemple du fait de leur antériorité.

D’autre part, l’ensemble des dépenses fiscales relatives à une imposition donnée doit sortir du périmètre dès lors que la totalité du produit de cet impôt n’est plus affectée à l’État.

De plus, le nouveau règlement européen relatif aux nouvelles normes comptables, dit « système européen de comptabilité » en base 2010 (SEC 2010), prévoit que les crédits d’impôts sont désormais comptés comme des dépenses publiques.

L’objectif de dépenses fiscales pour 2012, fixé en loi de finances initiale à 65,8 milliards d’euros, était manifestement insincère. Il avait été réévalué, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, à 70,8 milliards d’euros.

La Rapporteure générale souligne, dans son rapport relatif au projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 qui reprend dans son article 19 le même objectif (1), la difficulté à atteindre cet objectif du fait de l’augmentation spontanée de la dépense fiscale. Dans l’exposé des motifs de l’article, le coût de la dépense fiscale est évaluée à 72,1 milliards d’euros en 2013, 78,9 milliards d’euros en 2014 et à 81,9 milliards d’euros en 2015.

Toutefois, le projet de loi de programmation exclut le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) du plafonnement global des niches. Les dépenses fiscales seraient alors de 70,9 milliards d’euros en 2013, 70,7 milliards d’euros en 2014 et 70,6 milliards d’euros en 2015. Le CICE étant une dépense fiscale comme une autre, la Rapporteur générale a soutenu un amendement visant l’inclure dans le plafond et de ce fait à revoir le plafond global des niches fiscales.

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* *

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

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* *

B.– Mesures fiscales

Article 2
Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages à revenus moyens

Le présent article concrétise l’engagement du Gouvernement en faveur d’un allégement de l’imposition des Français aux revenus modestes et moyens, lesquels ont dû consentir des efforts importants au cours des quatre dernières années, dans un contexte budgétaire difficile. Cette mesure, dont le coût est évalué à 3,187 milliards d’euros, s’inscrit dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui vise à soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Elle vient pérenniser et amplifier fortement les effets de la réduction d’impôt exceptionnelle adoptée à l’été dernier et applicable à l’imposition des revenus de 2013, en procédant à une réforme d’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu et de la décote.

Le présent article procède en premier lieu à une indexation du barème sur l’inflation, afin de maintenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages. Ensuite, il vient supprimer la deuxième tranche du barème, au taux de 5,5 %, tout en abaissant le seuil d’entrée dans la tranche au taux de 14 % : cette modification, neutre pour les contribuables relevant des tranches marginales à 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, permet d’alléger ou d’annuler l’imposition de contribuables dont le revenu par part relève de la seule tranche au taux de 5,5 %. Enfin, il remanie fortement le dispositif de la décote, en simplifiant son mécanisme, en le « conjugalisant » et en étendant de manière forte son champ d’application.

Cette réforme va intéresser 6,125 millions de contribuables, qui viennent s’ajouter à ceux qui ont bénéficié, en septembre 2014, de la réduction d’impôt exceptionnelle d’impôt sur le revenu. Au total, 9 millions de foyers seront concernés, sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte la France, soit un foyer sur quatre.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Il convient de rappeler à grands traits, en premier lieu, les principes généraux de l’application du barème de l’impôt sur le revenu, et les principales étapes permettant de procéder au calcul de la cotisation d’impôt due et, en deuxième lieu, les principales réformes intervenues ces dernières années, afin, en troisième lieu, de mieux mesurer les enjeux de l’entrée dans l’impôt sur le revenu et du bas de barème.

A. LES PRINCIPES DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

1. L’application du barème au revenu imposable

● Le barème progressif de l’impôt sur le revenu vient s’appliquer au revenu net global imposable. Ce dernier correspond à la somme des revenus nets catégoriels (2) d’un contribuable, minorée le cas échéant d’un certain nombre d’abattements (tel l’abattement au profit des personnes de plus de soixante-cinq ans ou invalides) et de charges (telles les charges afférentes à des monuments historiques ne produisant pas de recettes). Ce revenu est ensuite divisé par un nombre de parts de quotient familial déterminé en fonction de la situation et des charges de famille du contribuable.

Au revenu correspondant à une part est alors appliqué le barème, dont les taux sont définis à l’article 197 du code général des impôts. Le barème actuel, avec six taux d’imposition distincts et croissants à mesure que la fraction de revenu qui leur est soumise augmente, vise à assurer la progressivité de l’imposition sur le revenu des personnes physiques, qui garantit, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 relative à la loi de finances rectificative pour 1993, l’égalité de tous devant les charges publiques proclamée par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

BARÈME PROGRESSIF APPLICABLE AUX REVENUS DE 2013

(en %)

Fraction du revenu imposable par part

Taux

Inférieure à 6 011 euros

0

Supérieure à 6 011 euros et inférieure ou égale à 11 991euros

5,5

Supérieure à 11 991euros et inférieure ou égale à 26 631 euros

14

Supérieure à 26 631 euros et inférieure ou égale 71 397 euros

30

Supérieure à 71 397 euros et inférieure ou égale à 151 200 euros

41

Supérieure à 151 200 euros

45

● Le montant de l’imposition obtenu par part de revenu est ensuite multiplié par le nombre de parts dont bénéficie le contribuable, pour aboutir au montant total des droits simples.

Exemple : au titre de l’année 2013, un couple marié avec deux enfants à charge, disposant donc de trois parts de quotient familial, a perçu des salaires de 60 000 euros. Son revenu imposable est de 54 000 euros après déduction de ses frais professionnels. Ce revenu est divisé par trois pour obtenir le revenu par part auquel s’applique le barème, soit 18 000 euros.

Le foyer fiscal s’acquitte en 2014 d’un montant nul au titre de la première tranche, de 0 à 6 011 euros (qui fonctionne comme un abattement en base), puis de 329 euros au titre de la deuxième tranche (soit 5,5 % de la fraction de revenu comprise entre 6 011 et 11 991 euros) et de 841 euros au titre de la troisième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 11 991 euros). Le montant de son imposition par part de revenu s’élève donc à 1 170 euros.

Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de parts du foyer fiscal, ce qui permet d’obtenir le montant de l’imposition finale, soit 3 510 euros.

Le taux marginal d’imposition de ce foyer fiscal est donc de 14 %, mais son taux moyen d’imposition s’élève à 6,5 % (soit 3 510/54 000 euros).

Cet exemple permet d’illustrer la différence entre le taux marginal et le taux moyen d’imposition. Ce dernier augmente plus que proportionnellement au revenu, du fait de la progressivité de l’imposition au barème, mais il est toujours sensiblement inférieur, par construction, au taux marginal d’imposition. Il tend à s’en rapprocher pour des revenus très élevés, où la proportion des revenus imposés aux premières tranches du barème s’avère très faible par rapport au montant total des revenus.

● Le quotient familial vise à assurer la prise en compte de la composition du foyer fiscal dans le calcul de l’impôt, et d’apprécier équitablement ses facultés contributives au regard de ses charges de famille : il conduit à imposer le revenu du foyer fiscal au barème progressif dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence d’un tel mécanisme. L’avantage retiré du quotient familial croît mécaniquement avec le montant du revenu imposable, du fait de la progressivité du barème. C’est la raison pour laquelle le bénéfice retiré du quotient familial est plafonné, à un montant de 1 500 euros par demi-part dite « de droit commun » (3) applicable pour les enfants à charge, et se distinguant des demi-parts dites dérogatoires, par exemple pour des contribuables invalides ou anciens combattants – d’autres plafonds étant définis pour ces demi-parts dérogatoires (4).

En revanche, le bénéfice qui peut être retiré du « quotient conjugal » au sein d’un couple ou d’une famille n’est pas plafonné. Le principe du quotient conjugal correspond à la division par deux des revenus imposables du couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité (PACS), puis à l’application du barème par part, l’impôt obtenu étant multiplié par deux : l’impôt dû par le couple est donc égal au double de l’impôt dû par une personne seule ayant le revenu moyen des membres du couple. Cette imposition conjointe se traduit ainsi par un avantage fiscal lorsqu’il existe une différence de revenus entre les conjoints, qui tient à la progressivité de l’impôt. L’avantage retiré est d’autant plus important que l’écart de revenus entre les deux conjoints est important.

2. Les corrections applicables au montant d’imposition issu du barème

Différentes corrections sont ensuite apportées à l’impôt résultant de l’application du barème progressif et peuvent minorer son montant, et donc, en conséquence, le taux moyen d’imposition.

a. La réduction d’impôt pour les contribuables des départements d’outre-mer

S’agissant des seuls contribuables domiciliés dans un département d’outre-mer, l’impôt résultant du barème progressif, après plafonnement de l’avantage issu du quotient familial le cas échéant, se voit appliquer une réduction de 30 % ou 40 %. En application du 3 du I de l’article 197 du code général des impôts, cette réduction d’impôt est égale à 30 % pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, en étant plafonnée à 5 100 euros ; elle est portée à 40 %, dans la limite de 6 700 euros, pour les contribuables domiciliés en Guyane et dans le Département de Mayotte.

b. Le mécanisme de la décote

Ensuite, le montant d’impôt résultant du barème peut se voir appliquer le mécanisme de la décote, destiné à annuler ou minorer l’impôt des ménages aux revenus modestes et moyens.

La décote a été introduite par la loi de finances pour 1982 (5) au bénéfice des contribuables isolés disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial. Il se substituait à l’époque à un dispositif d’abattement visant à exonérer d’impôt les salariés rémunérés au SMIC disposant d’une part de quotient familial, au motif que cet abattement entraînait d’importants effets de seuil. « Afin (…) d’améliorer le sort des familles » (6), la loi de finances pour 1987 a étendu le bénéfice de la décote à l’ensemble des contribuables, portant ainsi le nombre de ses bénéficiaires de 2,8 millions à 7 millions.

Le mécanisme, tel que défini au 4 du I de l’article 197 du code général des impôts, consiste à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif de la différence entre 508 euros et la moitié de son montant. L’avantage issu de la décote est retenu dans la limite du montant de l’imposition et ne donne lieu à aucun remboursement au bénéfice du contribuable.

La décote vient donc décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu, en annulant l’imposition des contribuables les plus modestes et en allégeant l’imposition de contribuables en deçà d’un certain seuil. D’une part, son application peut conduire à rendre non imposables des contribuables qui le seraient sinon en application du barème : des contribuables peuvent devenir non imposés – soit en réduisant leur imposition à 0, soit en la ramenant à un niveau inférieur au seuil minimal de recouvrement, soit 61 euros (7) – ; pour ceux qui bénéficient d’une restitution, au titre d’un crédit d’impôt, celle-ci peut être majorée. D’autre part, ce mécanisme peut conduire à réduire le montant effectivement dû : il retarde la progression de l’imposition en application du barème, de façon dégressive à mesure que l’imposition augmente.

En pratique, l’impôt dû après application de la décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur aux deux tiers de la valeur maximale de la décote. En l’état du droit, l’impôt acquitté est nul tant que l’imposition due est inférieure à 339 euros (soit 508 × 2/3). Ce montant de 339 euros correspond à la réduction maximale pouvant être obtenue. De plus, en se combinant avec le seuil de mise en recouvrement, l’application de la décote aboutit à un impôt effectivement acquitté égal à 0 tant que l’imposition due est inférieure à 379 euros [379 – (508 – 379/2) = 60].

Au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît au-delà de 339 euros, le montant de la baisse d’imposition décroît, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à deux fois la valeur maximale de la décote, soit 1 016 euros (508 × 2).

Exemple d’annulation d’imposition :

Un célibataire retraité de soixante et un ans a perçu une pension de 12 400 euros au titre de l’année 2013. En application du barème et après abattement de 10 % sur le montant de sa pension, l’impôt dont il doit s’acquitter en 2014 s’élève à 283 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (283/2)] = 366 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote est donc nulle.

Exemple d’annulation d’imposition compte tenu du seuil minimum de mise en recouvrement

Un couple avec trois enfants a perçu des revenus salariaux de 34 300 euros au titre de l’année 2013. En application du barème, après déduction forfaitaire pour frais professionnels et application du quotient familial, l’impôt dont il devrait s’acquitter s’élève à 375 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (375/2)] = 321 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote s’élèverait donc à 54 euros, soit un montant inférieur au seuil minimum de mise en recouvrement. Le ménage ne paiera donc pas d’impôt non plus (8).

Exemple de minoration d’imposition

Un célibataire a perçu un salaire de 18 000 euros au titre de l’année 2013. En application du barème, après déduction forfaitaire pour frais professionnels, l’impôt dont il devra s’acquitter s’élève à 918 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (918/2)] = 49 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote s’élèvera donc à 869 euros.

c. Les réductions et les crédits d’impôt

À l’issue de ces différentes étapes, est obtenu l’impôt brut, sur lequel s’imputent, le cas échéant, les réductions d’impôt puis les crédits d’impôt dont bénéficie le foyer fiscal (9).

Un ménage peut ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt au titre d’un don fait à un organisme d’intérêt général, ou encore d’une souscription au capital d’une petite et moyenne entreprise (PME). Dans le cas où le montant des réductions d’impôt excède celui de l’impôt brut, la fraction non imputée de ces réductions est en principe perdue. Toutefois, dans certains cas limitativement prévus par la loi, l’excédent de réduction d’impôt peut donner lieu à report sur l’impôt dû au titre des années suivantes – tel est par exemple le cas par exemple pour le dispositif dit « Scellier » d’investissement locatif.

Il en va différemment pour le crédit d’impôt, puisque lorsque le montant du crédit d’impôt est supérieur à celui de l’impôt dû, l’excédent est restitué au contribuable. Ainsi, un contribuable peut recevoir une restitution du Trésor public lorsqu’il bénéficie d’un crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, de travaux d’amélioration énergétique réalisés dans son habitation principale, ou encore, et c’est le cas le plus répandu, lorsqu’il reçoit la prime pour l’emploi (PPE).

La PPE prend en effet la forme d’un crédit d’impôt, destiné à soutenir les revenus des travailleurs aux revenus modestes et à inciter à la reprise ou à la poursuite d’une activité professionnelle. Elle est attribuée, sous condition de revenu fiscal de référence (RFR), aux foyers fiscaux dont l’un au moins des membres exerce une activité professionnelle, salariée ou non, et dont les revenus sont compris entre certaines limites, soit entre 0,27 et 1,25 SMIC en 2014. En 2013, 5,9 millions de foyers fiscaux ont bénéficié de la PPE, pour un coût budgétaire de 2,46 milliards d’euros. Pour un contribuable célibataire actif, le montant maximal de PPE pouvant être perçu est de 960 euros, pour un niveau de salaire net déclaré de 12 460 euros, soit 0,9 SMIC.

Enfin, comme évoqué supra, les cotisations d’impôt sur le revenu ne sont pas mises en recouvrement lorsque leur montant, avant imputation des crédits d’impôt, est inférieur à 61 euros. Par ailleurs, si le montant de la cotisation d’impôt est supérieur ou égal au seuil de recouvrement, avant imputation des crédits d’impôt, mais qu’il devient inférieur à ce seuil après cette imputation, ce montant est mis en recouvrement sous réserve qu’il excède le montant indiqué au 2 de l’article 1657 du code général des impôts, soit 12 euros.

B. LES RÉFORMES INTERVENUES AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

1. Les dernières évolutions du barème

a. Les précédentes modifications apportées aux tranches du barème

Depuis les années 1990, le barème de l’impôt sur le revenu a fait l’objet de réformes successives visant à sa simplification et à l’allégement de l’imposition. Cette tendance de moyen terme a toutefois été infléchie par la loi de finances pour 2011 (10), puis par celle pour 2013 (11), qui ont tendu à rehausser le taux marginal supérieur du barème.

Le nombre de tranches du barème a été progressivement réduit au cours des vingt dernières années, en étant ramené de treize à sept à compter de l’imposition des revenus de 1993, puis de sept à cinq à compter de l’imposition des revenus de 2006. Parallèlement, plusieurs baisses de taux ont été réalisées au fil des réformes successives. Un plan de réduction des taux du barème pour l’imposition des revenus de 2000 et 2001 a ainsi été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2001, réduisant davantage les taux marginaux des premières tranches que ceux des dernières (12). Une réduction de 5 % de l’imposition de l’impôt sur le revenu a de surcroît été accordée au titre de l’imposition des revenus de 2001, par la loi de finances rectificative du 6 août 2002 (13).

Après que la loi de finances pour 2003 (14) a poursuivi l’abaissement des taux des différentes tranches, une profonde refonte du barème de l’impôt sur le revenu a été réalisée par la loi de finances pour 2006 (15), applicable à partir de l’imposition des revenus de 2006. Outre la simplification du barème, par la réduction du nombre de tranches, cette réforme a procédé à l’intégration de l’abattement de 20 % applicable jusqu’alors à la plupart des revenus, ce qui s’est traduit par une baisse des taux. Toutefois, la suppression de cet abattement ne s’est pas accompagnée de mesures visant à neutraliser la suppression du plafonnement de cet avantage, qui fonctionnait en fait comme une huitième tranche pour les contribuables concernés.

Cette réforme a conduit à un fort allégement de l’imposition des ménages, la répartition du gain s’effectuant largement au profit des contribuables les plus aisés. Les foyers fiscaux appartenant au dernier décile de RFR en 2005 ont bénéficié au total d’un peu plus de 60 % de l’allégement d’impôt opéré par la réforme, soit 2,3 milliards d’euros sur une enveloppe globale consacrée à la réforme de 3,6 milliards d’euros.

ÉVOLUTION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU
AU TITRE DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 1999 À 2003

(en euros)

1999

2000

2001

2002

2003

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

3 999

10,5

4 055

8,25

4 121

7,50

4 191

7,05

4 262

6,83

7 867

24

7 976

21,75

8 104

21,00

8 242

19,74

8 382

19,14

13 847

33

14 039

31,75

14 264

31,00

14 506

29,14

14 753

28,26

22 419

43

22 732

41,75

23 096

41,00

23 489

38,54

23 888

37,38

36 480

48

36 987

47,25

37 579

46,75

38 218

43,94

38 868

42,62

44 987

54

45 612

53,25

46 343

52,75

47 131

49,58

47 932

48,09

RÉFORME DU BARÈME DE 2006 APPLICABLE
À COMPTER DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2006

(en euros)

2005

2006

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

4 412

6,83

5 615

5,50

8 678

19,14

11 198

14

15 225

28,26

24 872

30

24 731

37,38

66 679

40

40 241

42,62

-

-

49 624

48,09

-

-

Enfin, les deux dernières modifications du barème de l’impôt sur le revenu sont intervenues en sens inverse, en alourdissant l’imposition et en augmentant le nombre de tranches. La loi de finances pour 2011 a en effet relevé le taux de la dernière tranche d’alors, de 40 % à 41 %, et ce afin de financer une partie de la réforme des retraites adoptée en 2010.

Afin d’assurer une plus grande progressivité de l’imposition, ainsi qu’une répartition équitable de l’effort engagé pour redresser les comptes publics, la loi de finances pour 2013 a ensuite introduit une nouvelle tranche au sein du barème, à un taux de 45 %, applicable à la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial.

ÉVOLUTION DU BARÈME APPLICABLE
AUX REVENUS ENTRE 2009 ET 2012

(en euros)

2009

2010

2011

2012

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

0

0

0

0

5 875

5,50

5 963

5,50

5 963

5,50

5 963

5,50

11 720

14

11 896

14

11 896

14

11 896

14

26 030

30

26 420

30

26 420

30

26 420

30

69 783

40

70 830

41

70 830

41

70 830

41

150 000

45

Si la réforme de 2006 a représenté une réforme de grande ampleur, ayant une incidence sur la totalité des foyers imposables, les deux dernières réformes de 2011 et 2012 n’ont concerné qu’un nombre relativement limité de contribuables. En effet, sur un total de 36,72 millions de foyers fiscaux, seulement un peu plus de 400 000 se trouvaient soumis à un taux marginal supérieur de 41 % et 45 % pour l’imposition des revenus de 2012. À titre de comparaison, 14,83 millions de foyers fiscaux étaient assujettis à un taux marginal de 14 %.

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX PAR TRANCHE DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU, POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2012

(en euros)

Taux marginal

Nombre de foyers fiscaux

Part de foyers fiscaux

RFR moyen

Montant moyen de l’impôt effectivement acquitté

0 %

8 741 670

23,8 %

5 681

− 91

5,5 %

8 866 253

24,1 %

17 753

− 116

14 %

14 827 094

40,4 %

27 863

1 270

30 %

3 877 237

10,6 %

59 095

6 752

41 %

350 123

1 %

169 061

32 036

45 %

57 659

0,2 %

490 567

135 995

Total

36 720 036

100 %

25 512

1 695

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

À cet égard, il convient de rappeler que les taux moyens d’imposition auxquels sont soumis les foyers fiscaux s’avèrent très sensiblement inférieurs à ces taux marginaux. Ainsi, pour l’imposition des revenus de 2012, si 40,4 % des foyers fiscaux relevaient du taux marginal de 14 %, seulement 2 % des foyers fiscaux étaient soumis à un taux moyen d’imposition supérieur à 15 %. Comme l’illustre le tableau suivant, 91 % des foyers fiscaux ont un taux moyen d’imposition compris entre 0 et 9 %, et seulement 0,74 % des foyers fiscaux, soit environ 271 000, ont un taux moyen d’imposition supérieur à 21 %.

TAUX MOYEN D’IMPOSITION POUR L’IMPÔT SUR LE REVENU
FIGURANT SUR L’AVIS D’IMPOSITION

(en euros)

Bornes de taux moyen d’imposition affiché sur l’avis d’imposition

Nombre de foyers fiscaux

Nombre de foyers fiscaux cumulé

Foyers fiscaux cumulé

Nombre de foyers imposables cumulé

Foyers imposables cumulé

0 %

0 %

17 634 230

17 634 230

48 %

0 %

3 %

4 710 781

22 345 011

61 %

4 710 781

25 %

3 %

6 %

5 652 792

27 997 803

77 %

10 363 573

55 %

6 %

9 %

5 213 046

33 210 849

91 %

15 576 619

82 %

9 %

12 %

1 317 659

34 528 508

94 %

16 894 278

89 %

12 %

15 %

875 632

35 404 140

97 %

17 769 910

94 %

15 %

18 %

522 855

35 926 995

98 %

18 292 765

97 %

18 %

21 %

352 189

36 279 184

99 %

18 644 954

99 %

Au-delà de 21 %

270 742

36 549 926

100 %

18 915 696

100 %

Total

36 549 926

Source : direction de la législation fiscale, échantillon des revenus 2012 (cinquième émission).

b. L’absence d’indexation des seuils du barème pour l’imposition
des revenus de 2011 et 2012

Traditionnellement, la loi de finances de l’année vient revaloriser les seuils des différentes tranches du barème à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. Cette indexation du barème s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème ne soit indexé. À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Les quatre premières tranches étaient ainsi revalorisées au-delà du niveau de l’inflation afin d’abaisser plus fortement la pression fiscale pesant sur les contribuables modestes et, inversement, les cinq dernières tranches étaient revalorisées en deçà du niveau de l’inflation afin de limiter la correction du niveau d’imposition au regard de l’inflation annuelle.

Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’impose. Depuis cette date, il a constitué une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.

La dernière loi de finances rectificative pour 2011 (16) a toutefois procédé au gel des différents seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012 ; il s’agissait d’accroître les recettes fiscales, compte tenu de l’état dégradé des finances publiques – la mesure de gel se traduisant par des recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu de l’ordre de 1,58 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 n’est pas revenue sur le gel ainsi réalisé pour l’imposition des revenus de 2012, du fait du contexte budgétaire difficile.

En revanche, la loi de finances pour 2014 (17) a renoué avec la pratique traditionnelle d’indexation, et a revalorisé de 0,8 % les seuils du barème applicables à l’imposition des revenus de 2013.

2. La forte revalorisation de la décote en lois de finances pour 2013
et pour 2014

● Le montant de la décote est habituellement revalorisé chaque année à hauteur du taux de l’inflation, par l’article de la loi de finances indexant le barème de l’impôt sur le revenu. Il a toutefois été fait exception à cette règle pour l’imposition des revenus de l’année 2011, du fait du gel du barème.

En revanche, l’actuelle majorité a souhaité limiter, pour les contribuables aux revenus modestes, les effets du gel du barème pour l’imposition des revenus de 2012. Pour ce faire, la loi de finances pour 2013 (18) a procédé à une forte augmentation du montant de la décote : son montant a été porté de 439 à 480 euros, soit une hausse de 9 %.

Puis, la loi de finances pour 2014 (19) est venue à nouveau revaloriser la décote au-delà du taux de l’inflation, à hauteur de 5,8 %, afin de cibler les efforts en faveur du pouvoir d’achat sur les contribuables disposant de revenus limités ; il s’agissait d’alléger l’imposition de certains d’entre eux, tout en permettant à d’autres de « sortir » du barème.

ÉVOLUTION DU MONTANT MAXIMAL DE LA DÉCOTE ET DU MONTANT D’IMPOSITION MAXIMALE POUVANT ÊTRE ANNULÉE

(en euros)

Année d’imposition des revenus

2009

2010

2011

2012

2013

Montant maximal de la décote

433

439

439

480

508

Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote

288

292

292

320

339

Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote compte tenu du seuil de mise en recouvrement

329

334

334

361

379

Source : lois et projet de loi de finances.

Ces deux hausses successives du montant de la décote, conjuguées au dégel du barème pour l’imposition des revenus de 2013, se sont traduites par une nette hausse du seuil en-deçà duquel un contribuable ne paye pas d’impôt ou se trouve dispensé d’acquitter un impôt inférieur au seuil de mise en recouvrement, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

2011

2012

2013

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 439 euros

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 480 euros

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 508 euros

1 part

13 275

13 490

13 725

1,5 part

16 677

17 222

17 685

2 parts

19 989

20 534

21 020

2,5 parts

23 302

23 848

24 364

3 parts

26 614

27 160

27 702

3,5 parts

29 928

30 473

31 043

Source : DGFiP.

Par ailleurs, les contribuables dont l’imposition ne peut être annulée du fait de la décote bénéficient d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème progressif, jusqu’à un point de sortie du dispositif plus élevé :

(en euros)

Nombre de parts

2011

2012

2013

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 439 euros

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 480 euros

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 508 euros

1 part

17 592

18 242

18 772

1,5 part

22 905

23 557

24 129

2 parts

28 220

28 870

29 484

2,5 parts

35 533

34 184

34 841

3 parts

37 603

39 260

40 198

3,5 parts

40 916

45 572

43 891

Source : DGFiP.

● La décote concerne environ un tiers des foyers fiscaux dans leur ensemble, soit 12 millions – ce nombre s’avérant relativement stable depuis 2009 –, pour un coût budgétaire de l’ordre de 2 milliards d’euros. Parmi les 12 millions de contribuables en bénéficiant chaque année, environ 4,3 millions de contribuables imposés deviennent non imposés sous l’effet de la décote ; entre 4,1 et 5,1 millions d’euros de contribuables imposés voient leur imposition réduite, tandis que la restitution est augmentée pour 2,5 à 3,5 millions de contribuables.

ÉVOLUTION DU SYSTÈME DE DÉCOTE SUR LES CINQ DERNIÈRES ANNÉES

Années budgétaires

2009

(revenus 2008)

2010

(revenus 2009)

2011

(revenus 2010)

2012

(revenus 2011)

2013

(revenus 2012)

Montant de la décote
(en euros)

431

433

439

439

480

Coût budgétaire

(en millions d’euros)

890*

2 070

2 110

1 990

2 170

Nombre de contribuables bénéficiaires effectifs

Imposés dont l’impôt décroît

nd

4 454 200

4 494 400

4 108 500

5 155 700

Restitués dont la restitution augmente

nd

3 633 400

3 491 000

3 183 500

2 583 600

Imposés devenant non imposés

nd

4 275 600

4 319 900

4 459 600

4 386 400

Total

12 197 300

12 363 200

12 305 300

11 751 600

12 125 700

Source : direction de la législation fiscale (logiciel de simulation Orison-échantillons métropole et départements d’outre-mer de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2009 à 2012).

* Le faible coût observé au titre des revenus 2009 s’explique par l’absence de neutralisation du crédit d’impôt exceptionnel adopté dans le cadre du plan de relance et applicable aux seuls revenus 2009, pour les besoins du chiffrage

Le gel du montant de la décote en 2012, pour l’imposition des revenus de 2011, s’est traduit par une nette diminution du nombre de bénéficiaires, passé de 12,3 à 11,75 millions, et de son coût, ramené de 2,11 à 1,99 milliard d’euros. Le rattrapage opéré par la loi de finances pour 2013 est venu compenser pour partie cette évolution, sans permettre de revenir au niveau de 2011 en termes de nombre de bénéficiaires : le nombre de foyers fiscaux dont la restitution augmente du fait de la décote a été fortement réduit entre 2011 et 2013, tandis que le nombre d’imposés dont l’impôt décroît grâce à la décote a crû.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation des foyers fiscaux bénéficiaires de la décote par décile de revenu fiscal de référence (RFR).

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉCOTE PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE (RFR), POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2012

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR (en euros)

Déciles des foyers fiscaux bénéficiant de la décote

(en nombre de foyers)

Montant de gain retiré par les foyers fiscaux

(en millions d’euros)

0

10 353

1 212 570

192

10 353

11 803

1 212 570

275

11 803

13 294

1 212 570

299

13 294

14 381

1 212 570

240

14 381

15 454

1 212 570

193

15 454

16 578

1 212 570

152

16 578

18 760

1 212 570

231

18 760

22 009

1 212 570

239

22 009

26 795

1 212 570

197

26 795

1 212 570

152

Total

12 125 700

2 170

Source : direction de la législation fiscale.

Les trois premiers déciles correspondent principalement aux contribuables célibataires qui deviennent non imposables du fait de la décote : ils bénéficient soit d’une annulation de leur imposition, soit, lorsqu’ils disposent de crédits d’impôt, d’une transformation de leur imposition en restitution ou d’une augmentation de leur restitution. Les derniers déciles correspondent davantage aux couples, avec le cas échéant des enfants, qui deviennent non imposables ou voient leur imposition allégée.

3. Une réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu pour l’imposition des revenus de 2013

Afin de tenir compte de la hausse du nombre de foyers imposés constatée depuis 2009, résultant de quatre années d’alourdissement de l’imposition des ménages, le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014, une réduction d’impôt sur le revenu exceptionnelle, applicable pour l’imposition des revenus de 2013.

a. Les modalités d’application de l’avantage fiscal

L’article 1er de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a instauré une réduction d’impôt exceptionnelle, s’appliquant à l’imposition des seuls revenus de 2013, destinée à alléger la pression fiscale pesant sur les ménages modestes.

Cet avantage fiscal est forfaitaire, d’un montant de 350 euros pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé, et de 700 euros pour des contribuables soumis à imposition commune. Son bénéfice est réservé aux foyers fiscaux dont le RFR est inférieur à certains plafonds. Ce plafond est « familialisé » : il prend en compte la composition du foyer fiscal, par le biais de majorations par demi-parts de quotient familial. Sont ainsi éligibles à la réduction d’impôt les foyers fiscaux dont le niveau de RFR, calculé en fonction du nombre de parts de quotient familial, est inférieur à 14 145 euros pour un contribuable seul et à 28 290 euros pour un couple, majoré de 3 536 euros pour chacune des demi-parts suivantes et de 1 768 euros pour chacun des quarts de part suivants.

Un foyer fiscal bénéficie de la réduction d’impôt à son niveau maximal jusqu’à un plafond de RFR de 13 795 euros pour un contribuable seul, de 27 590 euros pour un couple et de 34 662 euros pour un couple avec deux enfants. Ensuite, dans le cadre d’un mécanisme de lissage destiné à éviter les effets de seuil, la réduction d’impôt est dégressive, pour s’annuler aux niveaux de RFR conditionnant le bénéfice de l’avantage fiscal.

La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt tel que calculé selon les modalités prévues par l’article 197 du code général des impôts, c’est-à-dire après l’application du quotient familial et le cas échéant son plafonnement, et après la mise en œuvre du mécanisme de la décote, mais avant l’imputation des crédits d’impôt, dont la PPE, et des prélèvements ou retenues non libératoires. De ce fait, la réduction d’impôt n’interfère pas avec l’application de la PPE, qui intervient ensuite.

Le gain retiré de la présente mesure peut être inférieur à 350 ou 700 euros, selon les cas, puisque, à la différence d’un crédit d’impôt, une réduction d’impôt, lorsqu’elle excède l’impôt dû, ne peut pas donner lieu à remboursement. De ce fait, lorsque l’impôt dû par les contribuables est moins élevé que 350 ou 700 euros, l’avantage qu’ils retirent de la mesure est limité au montant de l’impôt qu’ils auraient dû acquitter.

Cette mesure se traduit par un net recul du seuil de revenus à partir duquel un foyer fiscal entre dans l’impôt, et ce quelle que soit la configuration du foyer fiscal : l’entrée dans l’impôt en 2014 passe ainsi, pour l’imposition des revenus de 2013, de 13 725 euros de revenus déclarés à 15 371 euros de revenus déclarés pour un célibataire, de 21 024 euros à 28 137 euros pour un couple et de 24 365 euros à 33 500 euros pour un couple avec un enfant.

Comme le mettent en évidence les tableaux présentés dans le commentaire de cet article dans le rapport présenté par la Rapporteure générale (20), le champ des revenus pour lesquels l’avantage fiscal joue croît avec le nombre de parts : il est plus étroit pour les célibataires que pour les couples mariés, et il est d’autant plus large que le foyer fiscal compte de personnes à charge. Un célibataire bénéficie de la mesure lorsque son revenu oscille entre 0,96 et 1,13 SMIC, alors qu’un couple avec trois enfants en bénéficie lorsque son revenu est compris entre 2,4 et 3,4 SMIC.

b. Les effets de la mesure

Selon l’évaluation préalable figurant dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, la mesure devait bénéficier à 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million deviendraient non imposés, 1,3 million bénéficieraient d’une restitution majorée et 500 000 verraient leur cotisation d’impôt réduite.

De premières données sur le bilan de la mesure ont été transmises à la Rapporteure générale à partir de la seconde émission de revenus de 2013, laquelle représente environ 95 % du nombre total de foyers fiscaux pour les revenus de 2013 (21). Elles tendent à montrer que le nombre de bénéficiaires de la réduction d’impôt, comme le coût de celle-ci, sont légèrement supérieurs aux prévisions : ce sont en effet 4,24 millions de foyers fiscaux qui ont été concernés par la mesure, pour un coût budgétaire de 1,25 milliard d’euros.

Parmi ces 4,24 millions de foyers, toutefois, seuls 4 millions bénéficient effectivement d’un allégement d’impôt ; pour la très grande majorité des 240 000 contribuables restants, le montant de l’impôt avant réduction d’impôt est inférieur au seuil de mise en recouvrement de 61 euros, donc le bénéfice retiré in fine de la mesure est nul.

Sur ces quelques 4 millions de bénéficiaires effectifs, 2,1 millions de foyers fiscaux sont devenus non imposés, soit 200 000 de plus que prévu, tandis que 1,36 million bénéficient d’une restitution d’impôt plus élevée : le gain moyen, dans ce cas, est estimé à 230 euros. Enfin, ce sont finalement 600 000 foyers fiscaux imposés qui bénéficient d’une baisse de leur cotisation d’impôt, d’un montant moyen de 436 euros. Les effets de la mesure sont donc considérables, et permettent de soutenir significativement le pouvoir d’achat des ménages.

Le montant maximal du gain retiré de la mesure est de 350 euros pour un contribuable célibataire et de 700 euros pour un couple. Seulement 53 000 contribuables célibataires, divorcés ou veufs ont bénéficié à plein de la mesure, à hauteur de 350 euros, soit environ 3 % des 1,8 million de contribuables célibataires, divorcés ou veufs concernés. Cette proportion très limitée reflète l’étroitesse de la plage des revenus pour lesquels le gain issu de la réduction d’impôt était maximal pour un contribuable seul, à savoir entre 1,09 SMIC et 1,11 SMIC.

La part des contribuables mariés ou pacsés bénéficiant de la réduction d’impôt maximale est beaucoup plus importante, puisqu’elle atteint 21 % des 2,38 millions de couples bénéficiaires. 500 000 foyers fiscaux ont ainsi retiré un gain de 700 euros de la réforme, ce qui s’explique par les plages de revenus plus larges pour lesquelles le bénéfice était maximal ; à titre d’exemple, le champ de la réduction d’impôt s’établissait entre 2,6 et 2,76 SMIC pour un couple avec deux enfants.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation des foyers fiscaux effectivement bénéficiaires de la réduction d’impôt par décile de RFR. Du fait des critères d’application de la réduction d’impôt, ce sont les bénéficiaires célibataires, veufs et divorcés qui sont concentrés sur les premiers déciles, tandis que les couples, avec ou sans enfants, sont positionnés sur les derniers déciles. Ainsi, le tableau fait apparaître que 406 000 foyers fiscaux dont le RFR est supérieur à 31 429 euros ont bénéficié de la réduction d’impôt ; compte tenu des plafonds applicables pour le bénéfice de la réduction d’impôt, ces foyers sont des couples comptant au moins deux enfants.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX EFFECTIVEMENT BÉNÉFICIAIRES
DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PAR DÉCILE DE RFR

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles de foyers fiscaux effectivement bénéficiaires

(en milliers)

0

12 975

406

12 975

13 630

406

13 630

14 140

406

14 140

19 339

406

19 339

22 142

406

22 142

24 791

406

24 791

26 460

406

26 460

28 078

406

28 078

31 429

406

31 429

 

406

Total

4 060

Source : direction de la législation fiscale.

Le tableau ci-dessous retrace la répartition des foyers fiscaux bénéficiaires de la mesure en fonction des déciles de RFR de l’ensemble des foyers fiscaux. Il permet de constater qu’un grand nombre de foyers fiscaux bénéficiaires sont concentrés sur les quatrième et septième déciles ; les célibataires, divorcés et veufs concernés relèvent pour l’essentiel du quatrième décile, quand les couples et les familles se trouvent en majorité sur le septième décile.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX EFFECTIVEMENT BÉNÉFICIAIRES
DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PAR DÉCILES DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE DE L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles de l’ensemble des foyers fiscaux

(en milliers)

Nombre de foyers fiscaux effectivement bénéficiaires

(en milliers)

0

3 533

3 655

3

3 533

8 745

3 655

ε

8 745

12 380

3 655

96

12 380

15 545

3 655

1 154

15 545

18 596

3 655

285

18 596

22 726

3 655

554

22 726

28 490

3 655

1 231

28 490

36 452

3 655

623

36 452

50 942

3 655

111

50 942

 

3 655

1

Total

36 550

4 060

Source : simulation budgétaire, échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2012 actualisés 2013, environnement législatif applicable aux revenus 2013.

C. L’IMPACT DES PRÉCÉDENTES RÉFORMES

1. En 2014, il y a eu un million de foyers fiscaux en moins assujettis à l’impôt sur le revenu comparativement à 2013

Comme l’illustre le tableau ci-dessus, la réduction d’impôt exceptionnelle votée en loi de finances rectificative pour 2014 a permis de réduire d’un million le nombre de foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur le revenu en 2014.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS IMPOSÉS PAR MESURE ET PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION ENTRE 2013 ET 2014

(en milliers de foyers fiscaux)

 

Décile 1

Décile 2

Décile 3

Décile 4

Décile 5

Décile 6

Décile 7

Décile 8

Décile 9

Décile 10

Total

Spontané

0

0

5

65

165

55

30

15

10

30

375

Demi-part « vieux parents »

0

0

0

20

25

15

5

0

0

0

65

Heures supplémentaires

0

0

5

65

65

50

25

10

5

5

230

Barémisation

0

0

0

5

25

20

10

10

5

5

85

Décote

0

0

– 10

– 80

– 85

– 30

– 5

0

0

0

– 210

QF à 1 500 euros

0

0

0

0

0

0

0

0

5

5

10

Complémentaires santé

0

0

5

125

85

35

15

5

5

0

275

Majorations de pension

0

0

0

85

155

35

15

15

10

5

315

RI exceptionnelle

0

0

– 35

– 650

– 800

– 525

– 140

– 25

– 5

0

– 2 180

Total

0

0

– 25

– 370

– 365

– 345

– 45

30

35

45

– 1 035

Source : Échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs direction générale du Trésor.

Note : les montants affichés sont arrondis au 5 000 le plus proche, la somme des montants arrondis ne correspond donc pas toujours au total arrondi en ligne ou en colonne.

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de revenu déclaré par unité de consommation, 370 000 foyers fiscaux sont sortis de l’impôt sur le revenu.

2. Les efforts demandés aux Français en 2013 et 2014 ont porté essentiellement sur les foyers fiscaux ayant les revenus les plus élevés

VENTILATION DU RENDEMENT DES PRINCIPALES MESURES AFFECTANT L’IR 2014
PAR DÉCILE DE REVENU DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

(en millions d’euros)

 

Décile 1

Décile 2

Décile 3

Décile 4

Décile 5

Décile 6

Décile 7

Décile 8

Décile 9

Décile 10

Total

Demi-part « vieux parents »

0

0

0

10

40

50

40

30

30

30

230

Heures supplémentaires

0

0

0

20

80

130

150

160

190

270

1 000

Barémisation (*)

0

0

0

0

10

40

40

70

150

2 940

3 270

Décote

0

0

0

– 30

– 70

– 50

– 20

0

0

0

– 180

QF à 1 500 euros

0

0

0

0

0

0

0

30

250

830

1 110

Complémentaires santé

0

30

40

80

120

100

100

100

140

220

930

Majorations de pension

0

0

0

30

120

130

130

180

270

580

1 440

RI exceptionnelle

0

0

– 10

– 230

– 400

– 460

– 140

– 20

0

0

– 1 260

Total

0

30

20

– 130

– 90

– 60

310

540

1 040

4 870

6 540

Source : Échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs direction générale du Trésor.

(*) il s’agit du rendement brut de la barémisation des revenus du capital, hors suppression du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), et hors créneaux et imputation du prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO).

Note 1 : les montants affichés sont arrondis à la dizaine de millions la plus proche, la somme des montants arrondis ne correspond donc pas toujours au total arrondi en ligne ou en colonne.

Note 2 : il a été retenu une probabilité uniforme pour tous les salariés de bénéficier d’une complémentaire santé dans les simulations. La répartition du rendement de la mesure est sensible à cette hypothèse.

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de revenu déclaré par unité de consommation, le rendement de l’impôt sur le revenu a diminué de 130 millions d’euros, essentiellement du fait de la réduction d’impôt exceptionnelle intervenue en septembre 2014.

D. LES ENJEUX DE L’ENTRÉE DANS L’IMPÔT SUR LE REVENU
ET DU BAS DE BARÈME

Les travaux conduits dans le cadre des Assises de la fiscalité des ménages au cours du premier semestre 2014, sous la présidence de MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre, ont permis de dresser plusieurs diagnostics, notamment le fait que notre système socialo-fiscal souffre moins d’un manque de progressivité que d’une grande complexité et d’un manque de cohérence, et ils ont dégagé une priorité : le bas de barème de l’impôt sur revenu, devenu aujourd’hui illisible et affecté d’importants effets de seuil.

S’inscrivant dans ces conclusions, la réduction d’impôt exceptionnelle, présentée supra, pour l’imposition des revenus de 2013, était ciblée sur les ménages aux revenus modestes et moyens. Comme annoncé dès juin dernier par le Gouvernement, cette réduction d’impôt a vocation à être pérennisée, dans le cadre de la réforme proposée par le présent article.

1. La hausse du nombre de foyers fiscaux imposés de 2009 à 2013

Depuis l’année 2009, le nombre de foyers imposés et leur proportion parmi l’ensemble des foyers fiscaux a connu une augmentation régulière, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DE LA PROPORTION DES FOYERS FISCAUX IMPOSÉS
PARMI L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Année d’imposition

2009
(revenus de 2008)

2010
(revenus de 2009)

2011
(revenus de 2010)

2012
(revenus de 2011)

2013
(revenus de 2012)

Nombre de foyers fiscaux

36,39

36,6

36,96

36,39

36,72

Nombre de foyers imposés

15,78

16,82

17,21

18,15

19,20

Nombre de foyers non imposés

20,61

19,78

19,75

18,24

17,52

Proportion de foyers imposés

43,4 %

46 %

46,6 %

49,9 %

52,3 %

Source : direction de la législation fiscale.

Il convient de noter que l’étiage bas constaté pour l’imposition des revenus de 2008 s’explique par l’allégement exceptionnel de l’impôt accordé par la deuxième loi de finances rectificative pour 2009 (22) à certains contribuables.

Comme cela a été souligné dans le rapport précité de la Rapporteure générale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, l’analyse de l’évolution de la proportion de contribuables imposés s’avère complexe, puisque divers facteurs peuvent jouer à la hausse ou à la baisse en la matière : outre l’évolution de la législation fiscale, les revenus des foyers fiscaux peuvent varier, de même que leur situation (naissance ou départ d’un enfant, divorce, emploi d’un salarié à domicile…), tandis qu’il faut prendre en compte l’apparition de nouveaux foyers fiscaux (par exemple due aux divorces ou à l’entrée d’étudiants dans le monde du travail) ainsi que la disparition d’autres (due à des décès, à des mariages…). Enfin, en l’absence de toute mesure fiscale nouvelle, le nombre de foyers fiscaux imposés augmente de façon spontanée d’une année sur l’autre : le barème de l’impôt sur le revenu est indexé sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, qui évolue en moyenne moins vite que les revenus, ce qui tend à faire augmenter tendanciellement le nombre de foyers fiscaux imposés.

Toutefois, les chiffres présentés dans le tableau supra laissent à penser que la hausse de la proportion des foyers fiscaux imposés ne peut s’expliquer uniquement par ces différents facteurs, mais qu’elle correspond à l’alourdissement de la pression fiscale constaté depuis quatre années, manifestant ainsi une participation importante des foyers fiscaux aux revenus modestes et moyens aux efforts de redressement budgétaire.

La hausse d’un million du nombre de foyers fiscaux imposés entre 2011 et 2012 s’explique ainsi pour l’essentiel par le gel du barème de l’impôt sur le revenu, intervenu en loi de finances rectificative pour 2011, et par les effets de l’extinction de la demi-part dite « vieux parents », décidée en 2009. L’augmentation constatée entre 2012 et 2013, d’un peu moins d’un million, trouve largement sa source dans le gel du barème – corrigé en partie toutefois par la hausse de la décote – et là encore par les effets de la demi-part dite « vieux parents », qui avait été décidée en 2009, comme l’illustre le tableau ci-dessous, issu de la direction générale du Trésor et publié dans le rapport précité sur le projet de loi de finances rectificative (23) :

VENTILATION PAR MESURE FISCALE DE L’ÉVOLUTION DU NOMBRE
DE FOYERS FISCAUX DEVENANT IMPOSÉS ENTRE 2012 ET 2013

Ventilation par mesure fiscale

Évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2012 et 2013

Évolution spontanée du nombre de foyers imposés

365 000

Fiscalisation des heures supplémentaires (1)

156 000

Rabot des niches fiscales

2 000

Baisse de l’abattement pour le calcul de la contribution sociale généralisée

− 15 000

Réforme de la demi-part « vieux parents » (2)

373 000

Gel du barème (3)

443 000

Abaissement du plafond du quotient familial (4)

4 000

« Barémisation » des revenus du capital

26 000

Fiscalisation de la part employeur aux complémentaires santé

Fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille

Hausse de la décote

− 413 000

   

TOTAL

941 000

(1) En application de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, pour les revenus de 2012, la rémunération des heures supplémentaires est de nouveau fiscalisée depuis le 1er août 2012.

(2) En application des dispositions de la loi de finances pour 2011, le plafond de l’avantage lié à cette demi-part a été ramené de 400 à 120 euros pour l’imposition des revenus de 2012, tandis que la demi-part disparaît pour les revenus de 2013.

(3) Pour les revenus de 2012, la loi de finances pour 2013 a ramené le plafond de l’avantage retiré du quotient familial de 2 336 à 2 000 euros.

Source : direction générale du Trésor.

Selon les évaluations disponibles en juin dernier, il apparaissait qu’environ 1,2 million de foyers fiscaux supplémentaires seraient imposés en 2014. C’est pour infléchir cette tendance à la hausse constatée depuis plusieurs années que le Gouvernement a décidé d’instaurer une réduction d’impôt exceptionnelle, présentée supra.

Le rapport précité de la Rapporteure générale présentait la ventilation par mesure fiscale de la hausse du nombre de foyers fiscaux imposés en 2014, telle qu’elle était évaluée par la direction générale du trésor. La Rapporteure générale a obtenu depuis communication des dernières estimations actualisées, prenant en compte l’instauration de la réduction d’impôt exceptionnelle, qui vient minorer le nombre de foyers fiscaux imposés de plus 2 millions, et se fondant sur des échantillons de revenus plus récents (24).

VENTILATION PAR MESURE FISCALE DE L’ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS FISCAUX DEVENANT IMPOSÉS ENTRE 2013 ET 2014

Ventilation par mesure fiscale

Évaluation initiale de l’évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2013 et 2014

Évaluation révisée de l’évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2013 et 2014

Évolution spontanée du nombre de foyers imposés

444 000

375 000

Fiscalisation des heures supplémentaires

199 000

230 000

Réforme de la demi-part « vieux parents »

47 000

65 000

Abaissement du plafond du quotient familial (1)

8 000

10 000

Barémisation des revenus du capital

107 000

85 000

Fiscalisation de la part employeur aux complémentaires santé

252 000

275 000

Fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille

337 000

315 000

Hausse de la décote

− 196 000

− 210 000

RI exceptionnelle

− 2 180 000

TOTAL

1 198 000

 1 035 000

(1) Pour les revenus de 2013, la loi de finances pour 2014 a ramené le plafond de l’avantage retiré du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros.

Source : direction générale du Trésor.

Selon ces estimations, le nombre de contribuables imposés en 2014 diminue donc de plus d’un million. Ces données sont corroborées par la baisse de la part des foyers fiscaux imposés en 2014 : selon des chiffres issus de l’exploitation de la deuxième émission des revenus de 2013, sur 35,172 millions de foyers fiscaux recensés, 17,046 millions sont imposés, soit une proportion de 48,5 %, en nette baisse par rapport à 2013.

2. La nécessité de clarifier l’imposition des ménages relevant du bas
de barème

Plus largement, au-delà de la seule hausse du nombre de foyers imposés, la question des contribuables relevant du bas de barème apparaît centrale, comme le souligne le rapport précité de MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre. Le bas du barème apparaît peu lisible pour les contribuables, alors que plusieurs mécanismes s’appliquent et peuvent donner lieu à des effets de seuil.

● En premier lieu, la décote constitue un outil de lissage de l’entrée dans l’impôt relativement peu lisible, compte tenu de son mécanisme complexe, et ses effets sont difficiles à exposer clairement en quelques mots. De surcroît, elle procure un avantage plus important aux célibataires qu’aux couples, et interfère donc avec la nature progressive du barème de l’impôt. En effet, en annulant l’imposition jusqu’à un montant dû de 379 euros, elle recule l’entrée dans l’impôt d’un célibataire jusqu’à un revenu imposable de 12 353 euros, mais celle d’un couple jusqu’à un revenu imposable de 18 922 euros. Ce que l’on pourrait qualifier de « seuil d’imposabilité » pour un couple est donc égal à 153 % de celui d’un célibataire, alors que le barème progressif, combiné au quotient conjugal, devrait conduire à un rapport de 2 à 1.

De fait, la décote a été instaurée, en 1980, afin d’alléger l’imposition des personnes seules aux revenus modestes, réputées pénalisées par un barème fondé sur un mécanisme de quotient familial. Le modèle sociologique dominant était alors celui d’un couple mono-actif, et il était considéré que le quotient familial désavantageait le célibataire par rapport au couple, dès lors qu’à revenu du foyer égal, le premier était redevable d’une cotisation d’impôt plus importante.

Par la suite, la décote a été étendue aux couples sans être elle-même « conjugalisée », ce qui se traduisait par une décote identique, à imposition égale, quelle que soit la composition du foyer fiscal. Les paramètres de ce mécanisme n’apparaissent désormais pas cohérents avec son application aux couples, alors que la société a évolué et que les couples sont désormais de plus en plus bi-actifs. Cette incohérence est illustrée par le fait que deux concubins aux revenus également partagés sont moins imposés qu’un couple dans la même configuration salariale mais soumis à imposition commune.

● En second lieu, le critère déterminant le bénéfice du taux réduit de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les revenus de remplacement, lié à l’impôt sur le revenu versé par les ménages, peut donner lieu à d’importants effets de seuils et à des effets de va-et-vient des taux applicables aux ménages, qui sont peu intelligibles par les contribuables. En effet, les pensions et allocations sont soumises à un taux réduit de CSG, fixé à 3,8 % (25), pour les personnes dont l’impôt sur le revenu acquitté l’année précédente est nul ou inférieur au seuil de mise en recouvrement de l’impôt, après application des réductions d’impôt et mais avant imputation des crédits d’impôt (26). De même, les pensions de retraite, de préretraite et d’invalidité ne sont assujetties à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) (27), à un taux de 0,3 %, que lorsque leurs bénéficiaires sont imposables.

Pour disposer d’un ordre de grandeur, en 2012, sur les 12,6 millions de foyers titulaires de pensions de retraite, deux millions bénéficiaient d’un taux réduit de CSG, tandis que 4,7 millions en étaient exonérés.

De ce fait, un retraité dont le revenu imposable augmente légèrement par rapport à l’année précédente, et qui s’acquitte en conséquence d’une cotisation d’impôt supérieure à 61 euros, verra l’année suivante sa pension soumise à la CSG à un taux de CSG de 6,6 %, au lieu de 3,8 %, ainsi qu’à la CASA, au taux de 0,3 %, soit une hausse d’imposition de 3,1 %, qui peut s’avérer supérieure à la hausse de son revenu.

De plus, la CSG à 3,8 % est entièrement déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu, tandis que celle à 6,6 % l’est à hauteur de 4,2 % : l’assujettissement à la CSG a donc des incidences en matière fiscale. Le passage du taux nul au taux réduit au titre d’une pension versée au cours d’une année N peut conduire à nouveau à un assujettissement au taux nul de la même pension en année N + 1, en raison de la diminution du RFR qui en résulte, puis à un nouvel assujettissement au taux réduit deux ans plus tard. Alors même que le montant du revenu de remplacement reste inchangé, on observe alors un effet de va-et-vient dans l’application des taux de CSG, qui conduit à faire varier tous les deux ans le revenu disponible après CSG.

Selon le même mécanisme, le passage du taux réduit au taux normal peut aussi conduire, en ce qui concerne les pensions de retraite, à minorer le RFR de 0,4 point supplémentaire, puisque la fraction de CSG déductible passe de 3,8 % à taux réduit à 4,2 % avec le taux normal, et donc à faire varier le taux de CSG applicable l’année suivante.

De fait, 9,8 % des assurés percevant des pensions servies par la Caisse nationale de l’assurance vieillesse ont été assujettis en 2013 à un taux de CSG différent de celui qui leur était applicable en 2012, soit 1,32 million de pensionnés, sur un total de 13,5 millions.

Par ailleurs, le critère de la cotisation acquittée au titre de l’impôt sur le revenu pour déterminer l’application du taux réduit de CSG n’apparaît ni pertinent ni équitable. Ainsi, un foyer fiscal de retraités relativement aisés, qui annulerait son imposition en bénéficiant d’une réduction d’impôt, par exemple dans le cadre d’un investissement locatif, peut être assujetti à un taux réduit de CSG l’année suivante, alors que le niveau de ses ressources ne le justifie pas. En pratique, deux retraités ayant des revenus identiques peuvent être traités de manière différente au regard de la CSG, et un retraité ayant des revenus élevés peut même bénéficier d’un taux de CSG plus bas qu’une personne ayant des revenus plus faibles, par le recours à des réductions d’impôt.

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui vient d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, propose de modifier le dispositif actuel, en conditionnant désormais le bénéfice du taux réduit de CSG et de l’exonération de CASA à un niveau de RFR par part, à savoir 13 900 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 3 711 euros pour chaque demi-part supplémentaire, selon un mécanisme similaire à celui applicable à l’exonération de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). De fait, le recours au critère du RFR permet de mieux prendre en compte les facultés contributives d’un foyer fiscal ; les auteurs du rapport précité issu des Assises sur la fiscalité des ménages préconisaient ainsi que le RFR devienne progressivement, dans un souci d’équité, l’unique critère pour l’octroi d’un avantage fiscal ou social.

La réforme proposée devrait se traduire par le passage au taux réduit de 3,8 % pour 700 000 personnes qui étaient assujetties au taux normal auparavant, soit 3 % des titulaires de revenus de remplacement. Ces personnes sont situées pour 80 % d’entre elles dans les troisième, quatrième et cinquième déciles ; le gain moyen s’établit à 46 euros par ménage, soit environ 34 euros par personne gagnante en moyenne. En effet, le nouveau critère est plus favorable que celui actuellement en vigueur, pour tous les ménages ne bénéficiant pas de réductions d’impôt, et ce quelle que soit la configuration du foyer fiscal.

Par ailleurs, un peu moins de 2,3 % des bénéficiaires de revenus de remplacement, soit 460 000 personnes, réparties entre les quatrième et dixième déciles, et dont le montant de pension brut est toujours supérieur à 1 456 euros par mois pour un célibataire, perdront le bénéfice du taux réduit de CSG et ne seront plus exonérées de CASA. Il s’agit pour la plupart de personnes appartenant à des foyers bénéficiant de réductions d’impôt sur le revenu. La perte qui en résulte
– qui augmente avec le niveau de vie – s’élève en moyenne à 66 euros par ménage (soit environ 46 euros par personne perdante).

Sur ce point, il convient de signaler que la réduction d’impôt exceptionnelle applicable aux revenus de 2013 devait avoir pour conséquence de réduire les recettes des organismes de sécurité sociale pour l’année 2015, du fait de l’extension du nombre de foyers fiscaux non imposables qu’elle occasionne, et donc de la hausse du nombre de personnes bénéficiant de la CSG à taux réduit et de l’exonération de la CASA. Des chiffrages réalisés par l’administration fiscale faisaient ainsi état d’une perte de recettes de l’ordre de 700 millions d’euros au titre de la CSG et de 65 millions d’euros au titre de la CASA, pour l’année 2015. Toutefois, le dispositif proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 est applicable « aux revenus de remplacement dus au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2015 ». Si ce dispositif n’est pas modifié lors de l’examen du texte par le Parlement, la réduction d’impôt instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 n’aurait donc plus d’incidence sur les recettes de CSG et de CASA en 2015. De ce fait, certaines des personnes qui sont devenues non imposables du fait de la réduction d’impôt, mais dont le RFR est supérieur à 13 900 euros (majoré le cas échéant de 3 711 euros par demi-part supplémentaire), ne bénéficieront pas de la baisse du taux de CSG qui leur aurait profité en l’absence de la réforme de la CSG à taux réduit : elles ont bénéficié de l’avantage en impôt, mais leur situation à l’égard du taux de CSG sera inchangée par rapport à 2014.

D’autres dispositifs viennent aussi modifier les conditions d’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu, notamment le seuil de mise en recouvrement – qui a bénéficié à près de 600 000 foyers fiscaux en 2012, pour un coût de 21 millions d’euros – mais aussi l’abattement applicable pour les personnes de plus de soixante-cinq ans ou les personnes invalides (28) –, cet abattement bénéficiait en 2012 à 1,809 million de foyers fiscaux, pour un montant total de 330 millions d’euros. La création de chacun de ces dispositifs a une justification historique incontestable, mais leur sédimentation peut se traduire par des effets de seuils dommageables.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

Afin d’alléger l’imposition des ménages aux revenus modestes et moyens, tout en simplifiant leurs modalités d’imposition et en les rendant plus lisibles, le présent article vient proposer une refonte d’ensemble de l’imposition des revenus relevant du bas de barème.

Pour ce faire, le présent article comporte trois volets : en premier lieu, il procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, afin de maintenir le pouvoir d’achat de tous les contribuables. Ensuite il vient supprimer la tranche à 5,5 % du barème de l’impôt sur le revenu, tout en abaissant le seuil d’entrée dans la tranche à 14 % : cette mesure, totalement neutre pour les contribuables relevant d’ores et déjà de la tranche à 14 %, allègera ou annulera l’imposition des contribuables se trouvant actuellement dans la tranche à 5,5 %. Enfin, il propose un profond remaniement de la décote, en rénovant son mécanisme et en le « conjugalisant », tout en étendant très sensiblement son champ.

A. L’INDEXATION DU BARÈME SUR L’INFLATION

● Le du A du I procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, en revalorisant chacune des limites des tranches de l’impôt sur le revenu de 0,5 %, soit l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2014 par rapport à 2013 – à l’exception des limites inférieure et supérieure de la tranche à 5,5 %, du fait de la suppression de cette tranche prévue par le présent article et commentée infra.

Cette disposition permet ainsi de maintenir la pression fiscale – c’est-à-dire la proportion de l’impôt dû par rapport au revenu – à un niveau constant. A contrario, si le barème n’était pas indexé, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait : du fait de la progressivité du barème, une part plus importante de leurs revenus serait soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis, et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre.

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne corrélativement de celle de différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt. Si la décote fait l’objet d’une réforme distincte, et n’est donc pas revalorisée, les plafonds des avantages fiscaux retirés du quotient familial, tant au titre des demi-parts de droit commun que des demi-parts répondant à des situations particulières, sont également augmentés de 0,5 %.

Le a du du A du I vient ainsi indexer le plafond de la demi-part de droit commun, tandis que le b du du A du I vise le plafond de la part dite « parent isolé » attribuée aux contribuables vivant seuls et ayant la charge d’au moins une personne. Le c du du A du I correspond à l’indexation du plafond de la demi-part dite « vieux parents », tandis que les d et e du du A du I viennent majorer les réductions d’impôt complémentaires applicables à des demi-parts dérogatoires, notamment celles attribuées aux anciens combattants et à leurs veuves. Enfin, le C indexe le plafond de l’abattement sur le revenu imposable dont bénéficie le foyer fiscal auquel sont rattachées des personnes à charge mariées ou ayant des enfants à charge.

● L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant selon les cas une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. En l’espèce, compte tenu de la réforme du barème, ce mécanisme ne peut trouver à s’appliquer (29).

C’est la raison pour laquelle le II du présent article prévoit que, par exception, les seuils et limites qui, en application des dispositions en vigueur, sont relevés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu sont relevées de 0,5 % pour l’imposition des revenus de 2014.

Cette indexation emporte de nombreuses conséquences sur les régimes d’imposition spécifiques à certains contribuables ou sur les recettes de différentes impositions.

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu

– les montants de revenus donnant droit à exonération d’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, fixés à 8 680 euros ou 9 490 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans en 2013

– le seuil de chiffre d’affaires du régime micro-entreprise fixé à 82 200 euros en 2013

– la limite d’exonération des titres restaurant fixée à 5,33 euros par titre pour 2013

– la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut plafonnée à 12 097 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– le seuil de recettes annuelles du régime de déclaration contrôlée et le seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial dans le cadre de la déclaration de revenus entrant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, fixés à 32 900 euros pour 2013

– les modalités d’imputation des déficits agricoles sur le revenu global imposable (ces déficits sont déductibles à la condition que le total des revenus nets d’autres sources excède 107 075 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013)

– la déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable, fixée à 3 386 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, fixé à 2 332 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 630 euros ou 1 166 euros si ce revenu est compris entre 14 630 euros et 23 580 euros au titre de l’année d’imposition précitée

– l’abattement applicable aux pensions et retraites, fixé à 3 689 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie, fixée à 45 132 euros pour la même année d’imposition

– la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France

– la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % dans la limite d’un plafond de dons de 521 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu

Les dispositifs indexés relatifs aux taxes locales

– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence mentionné à l’article 1417 du code général des impôts. Ce niveau de revenu gouverne également de nombreuses autres exonérations, dégrèvements et abattements.

Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive)

– le barème de la taxe sur les salaires

– l’exigibilité de la taxe sur les salaires pour les associations

– les seuils de chiffre d’affaires pour la franchise en base en matière d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée

– le montant des parts de groupements fonciers agricoles et des biens ruraux loués par bail à long terme donnant droit à exonération totale ou partielle d’impôt de solidarité sur la fortune

– les montants de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite « des cinquante pas géométriques » en Guadeloupe et en Martinique

Exemple de dispositif indexé relatif à des mesures ne relevant pas du code général des impôts

– les montants déterminant l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire prévus par le code monétaire et financier

S’agissant de l’impôt sur le revenu, il convient de citer, parmi les principaux dispositifs indexés, l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus donnés, ou encore le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites et le plafond de la déduction forfaitaire de 10 % des frais professionnels du revenu brut.

Au titre de la fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du code général des impôts définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattements, utilisés par une douzaine de régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette indexation emporte également des conséquences en termes de recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de taxe d’habitation.

Au-delà de la fiscalité locale, ces plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du code général des impôts servent également de référence pour des mécanismes d’exonération de la CSG et de la CRDS, comme rappelé supra. Leur indexation a donc une incidence indirecte sur les prélèvements sociaux, en termes de pertes de recettes (30).

Il convient d’ailleurs de rappeler que la loi de finances pour 2014 a procédé à une revalorisation de 4 %, sensiblement supérieure à l’inflation, de ces montants d’abattements et de plafonds de RFR mentionnés aux articles 1414 A et 1417 du code général des impôts, ce qui a permis de redistribuer environ 450 millions d’euros de pouvoir d’achat au profit de contribuables modestes, âgés ou invalides, au titre de la taxe d’habitation, de la taxe foncière, de la CAP, de la CSG et de la CRDS.

B. LA SUPPRESSION DE LA PREMIÈRE TRANCHE DU BARÈME ET L’ABAISSEMENT PARALLÈLE DE L’ENTRÉE DANS LA TRANCHE À 14 %

● Le du A du I du présent article remodèle le barème de l’impôt sur le revenu prévu par l’article 197 du code général des impôts, en supprimant la tranche d’imposition à 5,5 % et en abaissant la limite inférieure de la tranche suivante, au taux de 14 %, jusqu’à 9 690 euros.

Selon la formulation généralement retenue, cette réforme vient supprimer la première tranche du barème. Néanmoins, il faut préciser que la tranche au taux de 5,5 % est en fait la deuxième tranche du barème : la première tranche est celle applicable aux revenus compris entre 0 et 6 011 euros, avec un taux de 0 %. Le barème ainsi modifié ne compterait donc plus que cinq tranches, aux taux de 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, les limites de ces trois dernières tranches n’étant pas modifiées, hors indexation sur l’inflation, présentée supra.

Barème actuel de l’impôt sur le revenu

Barème de l’impôt sur le revenu proposé

De 6 011 à 11 991 euros

5,5 %

De 11 991 à 26 631 euros

14 %

De 9 690 à 26 764 euros

14 %

De 26 631 à 71 397 euros

30 %

De 26 764 à 71 754 euros

30 %

De 71 397 à 151 200 euros

41 %

De 71 754 à 151 956 euros

41 %

Au-delà de 151 200 euros

45 %

Au-delà de 151 956 euros

45 %

La réforme proposée permet de simplifier le barème – en s’inscrivant dans la tendance générale, observée depuis le milieu des années 1980, de réduction du nombre de tranches –, et d’alléger l’imposition des ménages aux revenus modestes et moyens.

● Le seuil d’entrée dans la tranche d’imposition à 14 %, qui constitue désormais la première tranche d’imposition à taux non nul, est abaissé à 9 690 euros, au lieu de 11 991 euros (ou 12 051 euros après indexation sur l’inflation de 2014, à hauteur de 0,5 %). Ce seuil a été calibré afin de neutraliser l’allégement d’imposition procuré par la suppression de cette tranche à 5,5 % pour les contribuables relevant de l’actuelle tranche à 14 % et des tranches suivantes, c’est-à-dire dont le revenu par part est supérieur à 12 051 euros. Il s’agit ainsi de cibler les bénéficiaires de la réforme puisque, si ce seuil n’était pas diminué, ce serait l’ensemble des foyers fiscaux, y compris ceux percevant des revenus très élevés, qui bénéficieraient d’un avantage forfaitaire, égal à l’imposition due au titre de la fraction des revenus relevant de la tranche à 5,5 %, entre 6 041 euros (correspondant au seuil de 6 011 euros, revalorisé de 0,5 %) et 12 051 euros, soit 331 euros, multiplié le cas échéant par le nombre de parts du foyer fiscal.

Le seuil inférieur de la tranche à 14 % est en effet modifié de telle sorte que l’imposition due au titre de la part de revenus comprise entre le nouveau seuil inférieur de la tranche à 14 %, soit 9 690 euros, et la limite supérieure de l’actuelle tranche à 5,5 % (après indexation de 0,5 %), soit 12 051 euros, soit égale à l’imposition qui serait due au titre de la part de revenus soumise à la tranche à 5,5 % supprimée par le présent article : dans les deux cas, l’imposition due s’établit à 331 euros.

La modification du barème s’avère donc neutre pour les contribuables plus aisés. Elle ne fait pas de perdants parmi eux.

Exemple : un contribuable perçoit des revenus de 20 000 euros en 2014. Son revenu imposable, après déduction des frais professionnels, s’établit à 18 000 euros.

Si l’on applique le barème actuel de l’impôt sur le revenu, après indexation sur l’inflation, pour calculer l’impôt dû en 2015, ce contribuable devrait s’acquitter de 331 euros au titre de la deuxième tranche (soit 5,5 % de la fraction de revenu comprise entre 6041 euros et 12 051 euros), puis 833 euros au titre de la troisième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 12 051 euros). Le montant de son imposition s’élèverait donc à 1 164 euros en 2015.

Si l’on applique le barème de l’impôt sur le revenu proposé par la présente réforme, ce contribuable devrait s’acquitter d’un impôt de 1 164 euros au titre de la deuxième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 9 690 euros), soit une imposition exactement équivalente à celle calculée selon le barème en vigueur – après son indexation sur l’inflation.

● En revanche, les contribuables dont le revenu par part relève de l’actuelle tranche à 5,5 % verront leur imposition allégée, voire annulée, par le nouveau barème ainsi proposé.

La suppression de la tranche à 5,5 % et la baisse du seuil d’entrée dans la tranche à 14 % à 9 690 euros conduit en effet à l’annulation de l’imposition des foyers fiscaux dont le revenu imposable par part est inférieur à 9 690 euros, et à la diminution de l’imposition des foyers fiscaux dont le revenu imposable par part est compris entre 9 690 et 12 051 euros.

Le fait que le taux d’imposition soit plus élevé – 14 % au lieu de 5,5 % – est en effet plus que compensé par le fait que la fraction de revenu imposé est nettement plus faible – inférieure de 3 650 euros (9 690 – 6 041).

La diminution d’imposition constatée est d’autant plus élevée que le revenu par part est proche de 9 690 euros.

Exemple d’une annulation d’imposition :

Un couple avec trois enfants perçoit en 2014 des revenus de 42 600 euros, ce qui représente un revenu imposable de 38 340 euros. Le revenu par part de ce foyer fiscal s’établit donc à 9 585 euros (38 340/4).

En application du barème actuel, indexé sur l’inflation, le foyer fiscal devrait s’acquitter en 2015 d’une imposition de 195 euros par part [(9585 − 6041) × 5,5 %], soit au total, une imposition due avant décote de 780 euros (195 × 4). Après décote selon le mécanisme actuel (revalorisée à 511 euros), cette imposition serait ramenée à 659 euros (31) [780 − (511 − 780/2)].

En application de la réforme proposée, avec une entrée dans le barème fixée à 9 690 euros, le foyer fiscal ne serait plus imposé, puisque son revenu par part est inférieur à 9 690 euros. Le gain retiré de la réforme serait donc de 659 euros.

Exemple d’une minoration de l’imposition :

Un couple avec trois enfants perçoit en 2014 des revenus de 48 000 euros, ce qui représente un revenu imposable de 43 200 euros. Le revenu par part de ce foyer fiscal s’établit donc à 10 800 euros (43 200/4).

En application du barème actuel, indexé sur l’inflation, le foyer fiscal devrait s’acquitter en 2015 d’une imposition de 262 euros par part [(10 800 − 6041) × 5,5 %], soit au total, une imposition due de 1 048 euros.

En application de la réforme proposée, le foyer fiscal devrait s’acquitter d’une imposition de seulement 155 euros par part [(10 800 − 9 690) × 14 %], soit au total, une imposition due avant décote de 620 euros. Après décote selon le mécanisme actuel (revalorisée à 511 euros), cette imposition serait ramenée à 419 euros [620 − (511 − 620/2)]. Le gain retiré de la réforme serait donc de 629 euros.

Le bénéfice retiré de cet « effet tranche » croît logiquement avec le nombre de parts au sein du foyer fiscal, compte tenu des modalités de prise en compte des charges de famille – le gain retiré étant multiplié par le nombre de parts.

Exemple : soit deux familles, l’une avec trois enfants, l’autre avec cinq enfants, dont le revenu par part pour 2014 est identique, à savoir 10 500 euros. Le revenu imposable de la première famille est donc de 42 000 euros, et celui de la seconde famille est de 63 000 euros.

Pour la première famille, disposant de quatre parts, l’impôt dû avant décote en application du barème actuel serait de 245 euros par part [(10 500 − 6011) × 5,5 %], soit 980 euros, en 2015.

En application du nouveau barème, disposant de quatre parts, l’impôt dû avant décote serait de 113 euros par part [(10 500 − 9690) × 14 %], soit 452 euros. Le bénéfice retiré de la réforme est donc, avant application de la décote, de 528 euros (980 − 452).

Pour la seconde famille, disposant de six parts, l’impôt dû en application du barème actuel serait toujours de 245 euros par part [(10 500 − 6041) × 5,5 %], soit une imposition totale de 1 470 euros – la décote étant dépourvue d’effet à ce niveau de revenus.

En application du nouveau barème, l’impôt dû avant décote en application du nouveau barème proposé serait toujours de 113 euros par part [(10 500 − 9690) × 14 %], soit une imposition totale de 678 euros.

Le bénéfice retiré de la réforme est donc, avant application de la décote, de 792 euros (1470 − 678) (32).

Cet « effet tranche » issu de la réforme proposée ne trouve pas à s’appliquer pour un célibataire, puisque, du fait de mécanismes tels que la décote et le seuil de mise en recouvrement, le premier revenu imposable dans ce cas (12 353 euros) relève d’emblée de la tranche à 14 % ; il ne joue que de façon limitée pour des foyers fiscaux comprenant une part et demie ou deux parts, pour s’amplifier ensuite au fur et à mesure le nombre de parts augmente.

● La suppression de la tranche à 5,5 % du barème nécessite de procéder à plusieurs coordinations au sein du code général des impôts, puisque le dénombrement des tranches est modifié : l’actuelle troisième tranche, au taux de 14 %, devient la deuxième tranche du barème modifié, l’actuelle quatrième tranche, au taux de 30 %, devient la troisième tranche, et ainsi de suite.

Le B du I procède à la coordination nécessaire s’agissant des conditions prévues pour le versement libératoire des exploitants individuels, c’est-à-dire des autoentrepreneurs, à l’article 151-0 du code général des impôts, tandis que le D du I fait de même pour les règles de détermination du montant des amendes applicables en cas de flagrance fiscale, figurant à l’article 1740 B.

La réforme proposée vient donc alléger ou annuler l’imposition des foyers fiscaux relevant aujourd’hui de la deuxième tranche du barème, avant prise en compte du mécanisme de la décote. Les chiffres disponibles montrent que 8,87 millions de foyers fiscaux relevaient en 2013 de la tranche marginale à 5,5 % – une partie d’entre eux n’étant d’ores et déjà pas imposables, du fait de la décote et du seuil de mise en recouvrement, ne seront donc pas concernés par la réforme.

Le mécanisme de la décote, s’il était conservé sans modification, viendrait accentuer le gain retiré par les foyers fiscaux bénéficiaires, puisque la décote allège d’autant plus l’imposition due que celle-ci est réduite, son effet étant dégressif à mesure que l’imposition augmente. Or, le profond remaniement du mécanisme de la décote proposé par le présent article vient encore amplifier les effets de réduction d’imposition résultant de la suppression de la deuxième tranche, tout en concernant également les foyers fiscaux relevant de la tranche d’imposition à 14 %.

C. LA RÉFONTE DU MÉCANISME DE LA DÉCOTE

Comme cela été souligné supra, la décote constitue un outil de lissage de l’entrée dans l’impôt relativement peu lisible, plus favorable aux célibataires qu’aux couples, interférant avec la nature progressive du barème de l’impôt. Les dispositions du du A du I du présent article viennent modifier son mécanisme, afin de le simplifier, de l’appliquer de façon plus équitable aux foyers fiscaux, quelle que soit leur composition, et d’accroître considérablement ses effets, en reculant l’entrée dans l’imposition et en augmentant les baisses d’imposition afférentes.

● Alors que la décote consiste aujourd’hui à réduire l’imposition due en application du barème de la différence entre 508 euros et la moitié de l’impôt dû, le dispositif proposé est plus simple, en réduisant l’impôt issu du barème de la différence entre 1 135 euros et l’impôt dû, et ce pour un célibataire.

Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle revalorisation de la décote, s’inscrivant dans la lignée des hausses déjà réalisées en lois de finances pour 2013 et pour 2014, mais d’un changement de mode de calcul – sachant que le principe reste identique, à savoir un allégement de l’imposition de moins en moins important au fil de l’augmentation de l’impôt dû.

Dans le cadre du mécanisme proposé, l’impôt dû après décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur à la moitié de la valeur maximale de la décote – au lieu des deux tiers dans le dispositif actuel. Avec une décote portée à 1 135 euros, l’impôt acquitté est donc nul tant que l’imposition due est inférieure à 568 euros (soit 1 135/2), au lieu de 339 euros aujourd’hui. En se combinant avec le seuil de mise en recouvrement, l’application de la décote repousse l’entrée dans l’impôt jusqu’à un impôt dû de 598 euros
[598 – (1135 – 598)=61], contre 379 euros aujourd’hui.

La nouvelle décote a donc pour premier effet de reculer fortement l’entrée dans l’impôt sur le revenu. À cet égard, les effets de la réforme vont d’ailleurs au-delà de ceux de la réduction d’impôt instaurée en 2014, puisque l’entrée dans l’impôt sur le revenu est plus tardive en application de la nouvelle décote, comme le montre le tableau suivant (33) :

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

IR 2014 - avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

1 part

13 725

(12 353)

15 369

(13 832)

15 508

(13 957)

1,5 part

17 685

(15 916)

19 496

(17 546)

20 888

(18 799)

Source : commission des Finances.

La seconde conséquence de la réforme est d’accroître fortement l’allégement de l’imposition résultant de la décote. En effet, le montant de 568 euros, soit la moitié de 1 135 euros, correspond à la réduction maximale résultant de la décote ; puis le montant de la baisse d’impôt s’amenuise au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît au-delà de 568 euros, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 135 euros. Dans le dispositif actuel, la réduction maximale pouvant être obtenue se limite à 339 euros, et décroît elle aussi progressivement, pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 016 euros.

Le montant maximal de la réduction d’imposition obtenue dans le cadre de la réforme proposée est donc sensiblement plus élevé, de même que le point de sortie du dispositif (1 135 euros, au lieu de 1 016 euros).

Exemple : un célibataire perçoit des revenus d’activité de 17 300 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre d’une imposition avant décote de 830 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote actuelle serait de 93 euros (508-830/2), et l’impôt dû in fine s’établirait à 737 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu (34), ce même impôt de 830 euros serait réduit de 305 euros (1135 − 830) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 525 euros.

Le gain retiré de la réforme de la décote est donc de 212 euros.

● Au-delà de la modification du mécanisme et de l’amplification de ses effets pour un célibataire, le dispositif proposé prévoit une « conjugalisation » de la décote, c’est-à-dire l’attribution d’un montant plus élevé pour un couple que pour un célibataire : l’impôt issu du barème est ainsi diminué de la différence entre 1 870 euros et l’impôt dû, pour un couple, au lieu de 1 135 euros pour un célibataire.

De ce fait, l’imposition due après application de la décote est nulle tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieure à 935 euros, soit 1 870/2 ; compte tenu du seuil de mise en recouvrement, l’impôt est annulé jusqu’à un montant de 965 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote, dont le niveau maximal est donc de 935 euros, diminue au fil de l’augmentation de l’impôt dû, pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition de 1 870 euros.

Le recul de l’entrée dans l’impôt sur le revenu par rapport aux règles existantes, de même que l’allégement d’impôt induit par le dispositif proposé, est donc encore plus important que pour un célibataire.

La « conjugalisation » de la décote permet d’adapter le mécanisme selon la configuration du foyer fiscal, et de rapprocher le rapport entre « seuils d’imposabilité » pour les célibataires, d’une part, pour les couples, d’autre part, de montants de 1 à 2. D’ores et déjà, la réduction d’impôt exceptionnelle, dont le montant pour un couple était égal au double de celui prévu pour un célibataire, prenait en compte le composition du foyer fiscal, ce qui avait augmenté le rapport entre « seuils d’imposabilité » : comme vu supra, l’entrée dans l’impôt intervient en 2014 pour un revenu déclaré supérieur à 15 369 euros pour un célibataire et pour un revenu déclaré supérieur à 28 135 euros pour un couple, soit un rapport de 1 à 1,8, contre 1 à 1,53 avant la réduction d’impôt. Le dispositif proposé se traduirait par un rapport de 1 à 1,88, avec des points d’entrée de respectivement 15 509 et 29 197 euros de revenus imposables pour un célibataire et pour un couple.

Le seuil d’entrée dans l’impôt issu de la réforme s’avère là encore systématiquement plus favorable que la situation actuelle, y compris après prise en compte de la réduction d’impôt exceptionnelle précitée, et quelle que soit la configuration du foyer fiscal.

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2014 - avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

2 parts

21 020

(18 918)

28 135

(25 322)

29 196

(26 276)

2,5 parts

24 353

(21 918)

33 492

(30 143)

34 576

(31 118)

3 parts

27 702

(24 932)

37 117

(33 405)

39 959

(35 963)

4 parts

34 380

(30 942)

43 795

(39 415)

50 725

(45 652)

5 parts

41 060

(36 954)

50 475

(45 427)

61 492

(55 343)

Source : commission des Finances.

Au-delà de la question du point d’entrée dans l’impôt, l’allégement d’imposition occasionné par la réforme sera proportionnellement plus significatif pour les couples que les célibataires, du fait de la « conjugalisation » de la décote, tandis que cette décote jouera pour des niveaux d’imposition bien plus élevés qu’auparavant, à savoir jusqu’à un impôt dû de 1 870 d’euros, au lieu de 1 016 euros aujourd’hui.

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2014 avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote

IR 2015

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote

1 part

18 772

19 766

1,5 part

24 129

25 150

2 parts

29 484

36 367

2,5 parts

34 841

41 750

3 parts

40 198

47 133

4 parts

47 230

57 900

Source : commission des Finances.

Exemple 1 : un couple, dont seul l’un des membres exerce une activité, perçoit des revenus de 31 500 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre en 2014 d’une imposition de 1 269 euros – la décote ne réduisant plus son imposition, puisque l’impôt est supérieur à 1 016 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu, ce même impôt de 1 269 euros serait réduit de 601 euros (1870 − 1269) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 668 euros.

Le gain retiré de la réforme est donc de 601 euros.

Exemple 2 : Un couple avec deux enfants perçoit des revenus de 40 000 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre en 2014 d’une imposition avant décote de 990 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote actuelle serait de 13 euros (508 − 990/2), et l’impôt dû in fine s’établirait à 977 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu, ce même impôt de 990 euros serait réduit de 880 euros (1870 − 990) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 110 euros.

Le gain retiré de la réforme de la décote est donc de 867 euros.

● Le E du I du présent article vient supprimer deux dispositions figurant aux 2° et 2° bis de l’article 5 du code général des impôts, tendant à affranchir d’impôt sur le revenu :

– les personnes physiques bénéficiant principalement de traitements, salaires, pensions et rentes viagères et dont le revenu global est inférieur au montant du minimum garanti prévu par l’article L. 3231-12 du code du travail, qui s’élève à 7 259 euros pour 2013 ;

– les contribuables dont le revenu net de frais professionnels n’excède pas 8 680 euros par foyer fiscal, ou 9 490 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans, pour 2013.

En pratique, compte tenu des dispositifs existants reculant l’entrée dans l’impôt, ces deux dispositions sont devenues sans objet ; d’ores et déjà, aucun contribuable ne peut être assujetti à l’impôt sur le revenu à de tels niveaux de revenus. Le présent article supprime donc des dispositions dépourvues d’effet.

● Il convient enfin de relever que la réforme proposée, tant par la refonte des tranches du barème que par la modification de la décote, vient minorer ou annuler l’imposition due avant l’imputation des réductions d’impôt et des crédits d’impôt, ainsi que des prélèvements ou retenues non libératoires (35). De ce fait, le gain retiré in fine de la réforme reste le même, quel que soit le montant des réductions d’impôt ou des crédits d’impôt dont bénéficie par ailleurs le contribuable. Il peut toutefois se traduire de façon différente, c’est-à-dire par la baisse de l’imposition, mais aussi par l’augmentation d’une restitution ou la transformation d’une imposition en restitution, par rapport à l’année 2014.

Pour les contribuables ne disposant pas de crédit d’impôt, la réforme proposée ne peut donc emporter que deux effets : soit annuler l’imposition, soit la minorer ; même s’ils disposent de réductions d’impôt, celles-ci ne peuvent jouer qu’en faveur de la baisse ou l’annulation de l’impôt, sans donner lieu à restitution.

En revanche, pour un contribuable bénéficiant de crédit(s) d’impôt, comme par exemple la PPE, et dont l’imposition avant imputation de ces crédits d’impôt n’est pas nulle, deux situations doivent être distinguées :

– si l’impôt dû en 2015 avant imputation du crédit d’impôt est, en application du barème avant réforme, supérieur au crédit d’impôt, la réforme peut soit réduire l’imposition, soit transformer l’imposition en restitution ;

– si l’impôt dû en 2015 avant imputation du crédit d’impôt est, en application du barème avant réforme, inférieur au crédit d’impôt, et donc si le contribuable devrait déjà bénéficier d’une restitution, la réforme viendra majorer la restitution perçue.

III. L’IMPACT DE LA RÉFORME PROPOSÉE

A. LE COÛT BUDGÉTAIRE

Le coût budgétaire de la réforme proposée par le présent article est estimé à 3,187 milliards d’euros. Le coût pour l’État au titre des moindres recettes d’impôt sur le revenu s’établirait à 3,16 milliards d’euros, dont environ 485 millions d’euros au titre de l’indexation du barème, 498 millions d’euros au titre de la suppression de la tranche à 5,5 % et 2,177 milliards d’euros résultant de la réforme de la décote.

Vient s’ajouter l’impact de l’indexation des montants figurant aux articles 1414 A et 1417 du code général des impôts, en termes d’exonérations et d’abattements pour la taxe d’habitation, lequel impact est évalué à 23 millions d’euros de pertes de recettes : 19 millions d’euros relèveraient de l’État au titre des régimes dérogatoires prévus par la loi et 4 millions d’euros pèseraient sur les collectivités territoriales au titre des régimes dérogatoires qu’elles ont décidé de mettre en place. L’incidence de l’indexation sur l’évolution des recettes de CAP est quant à elle évaluée à 4 millions d’euros ; l’effet sur les recettes de taxe foncière n’est pas connu.

En revanche, les pertes de recettes pour la sécurité sociale ne sont pas chiffrées, du fait de la réforme prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 – laquelle déconnecte de la cotisation d’impôt acquittée le bénéfice du taux de CSG à taux réduit pour les revenus de remplacement et l’exonération de CASA, comme vu supra. De ce fait, la hausse du nombre de foyers non imposables résultant de la présente réforme du barème et de la décote n’aurait pas d’incidence sur les recettes des organismes de sécurité sociale. Toutefois, les conséquences de l’indexation des montants figurant au I de l’article 1417, qui conditionnent l’exonération de CSG et de CRDS, ne sont pas chiffrées par l’évaluation préalable.

B. LA RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA RÉFORME

● Selon les informations figurant dans l’évaluation préalable, la réforme prévue par le présent article devrait bénéficier à 9 millions de foyers, si l’on ne prend pas en compte les effets sur l’impôt acquitté en 2014 de la réduction d’impôt exceptionnelle introduite par la loi de finances rectificative pour 2014, tout en intégrant les effets de l’indexation du barème. Parmi ces 9 millions de foyers fiscaux, trois millions deviendraient non imposés ou éviteraient d’entrer dans l’impôt sur le revenu.

Par rapport à un environnement fiscal intégrant la réduction d’impôt exceptionnelle, le nombre de foyers fiscaux gagnants est ramené à 6,125 millions enregistrant un gain moyen de 248 euros – dont 870 000 foyers bénéficiaires de cette réduction d’impôt : pour ces derniers, la réforme proposée s’avère donc plus favorable que la réduction d’impôt de 2014.

Selon les simulations réalisées, les plus de six millions de foyers fiscaux concernés par la réforme se répartissent comme suit :

– 700 000 foyers fiscaux non imposés, dont la restitution augmente, pour un gain moyen de 258 euros ;

– 1 million de foyers fiscaux devenant non imposés, enregistrant un gain de 346 euros ; parmi eux, 520 000 foyers devraient percevoir une restitution, pour un gain moyen de 410 euros ;

– 4,43 millions de foyers fiscaux dont l’imposition décroît, pour un gain moyen de 224 euros.

Le nombre de foyers fiscaux perdants à la réforme s’avère très restreint : il est estimé à 22 000 foyers fiscaux, parmi lesquels seuls 8 700 enregistreront une perte supérieure à 10 euros (36).

● Le tableau suivant présente la ventilation des foyers fiscaux retirant un gain de la réforme par décile de RFR de l’ensemble des foyers fiscaux, en mentionnant pour chaque décile le gain moyen et le nombre de foyers fiscaux imposés qui sortent de l’impôt sur le revenu.

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX GAGNANTS PAR DÉCILE
DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE (RFR)

Déciles de l’ensemble des foyers fiscaux

Bornes inférieures de RFR

Bornes supérieures de RFR

Nombre de foyers fiscaux

Nombre de foyers fiscaux gagnants

Gain moyen

Nombre de foyers fiscaux imposés devenant non imposés

 

(en euros)

(en euros)

(en milliers)

(en milliers)

(en euros)

(en milliers)

1

0

3 579

3 655

ε

 

0

2

3 579

8 876

3 655

1

109

1

3

8 876

12 686

3 655

3

142

2

4

12 686

15 900

3 655

1 531

238

258

5

15 900

19 145

3 655

1 513

138

164

6

19 145

23 654

3 655

547

200

107

7

23 654

29 290

3 655

756

259

171

8

29 290

37 488

3 655

1 242

355

198

9

37 488

52 448

3 655

470

388

89

10

52 448

 

3 655

62

214

8

 

Ensemble des gagnants

 

6 125

248

998

 

Ensemble des perdants

 

22

79

Source : direction de la législation fiscale.

Ce tableau permet de constater la concentration des foyers bénéficiaires de la réforme aux quatrième, cinquième et huitième déciles, là encore en fonction de la composition du foyer fiscal. Les célibataires sont concentrés dans les quatrième et cinquième déciles, et les couples avec enfants dans le huitième décile. Les foyers fiscaux relevant des derniers déciles comptent au moins deux enfants, compte tenu du mode de calcul de l’impôt par parts de quotient familial.

Le graphique ci-dessous présente quant à lui la répartition des foyers gagnants et le gain moyen par décile de revenu déclaré par unité de consommation, ce qui permet de prendre en compte la composition du foyer fiscal, et donc le niveau de revenu par personne membre du foyer. Le graphique permet d’observer la concentration des foyers gagnants à la réforme sur les cinquième, sixième et septième déciles.

RÉPARTITION DES GAGNANTS ET GAIN MOYEN PAR DÉCILE DE REVENU
DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

Source : direction générale du Trésor.

À titre d’exemple, 2,25 millions de foyers fiscaux relevant du sixième décile de revenu déclaré par unité de consommation verront leur montant d’impôt sur le revenu diminuer de 227 euros par rapport à l’année 2013 – compte tenu de la réduction d’impôt exceptionnelle de 2014. Parmi ces 2,25 millions de foyers, 330 000 foyers ne seront plus imposés.

●La décote telle que réformée par le présent article devrait représenter un coût estimé à 3,5 milliards d’euros, tandis que le nombre de foyers fiscaux se trouvant dans son champ serait de l’ordre de 10,2 millions.

Il convient de préciser à cet égard qu’au titre de l’imposition des revenus de 2013, la réduction d’impôt exceptionnelle couvre un champ quasi analogue à celui de la décote, conduisant ces deux dispositifs à une interaction. En l’absence de décote, l’avantage en impôt procuré par celle-ci se retrouverait octroyé par le biais de la réduction d’impôt. Dans ces conditions, le coût de la décote ne peut être dissocié de celui de la réduction d’impôt exceptionnelle : le coût global des deux dispositifs est estimé à 3 530 millions d’euros pour l’imposition des revenus de 2013.

La présente mesure prend en compte cette incidence et propose, au travers du renforcement de la décote, la redistribution de l’avantage lié à la réduction d’impôt applicable pour la seule imposition des revenus de 2013.

L’évolution de la situation fiscale des foyers fiscaux appréciée au regard des deux dispositifs cumulés est la suivante :

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX CONCERNÉS PAR LA DÉCOTE
ET LA RÉDUCTION D’IMPÔT EXCEPTIONNELLE DE 2014,
POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2013

Évolution de la situation fiscale
(imposition des revenus de 2013)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en millions)

Gain moyen
(en euros)

Foyers non imposés gagnant en restitution

2,5

280

Foyers imposés devenant non imposés

6,5

348

Dont devenant restitués

2,3

408

Foyers imposés dont l’impôt décroît

3,4

184

Total

12,4

290

Source : direction générale du Trésor ; logiciel Orison. Échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus 2012 majoritairement 2013.

Au titre de l’imposition des revenus de 2014, le coût du dispositif de la décote réformé est estimé à 3,5 milliards d’euros. Ce coût se décompose en :

– 1,3 milliard d’euros de coût associé à la décote non réformée, dans un environnement législatif où la tranche à 5,5% est supprimée ;

– 2,2 milliards d’euros de surcoût lié à la réforme de la décote proposée par le présent article.

Près de 10,2 millions de foyers fiscaux sont effectivement bénéficiaires d’un allègement d’impôt du fait du dispositif. Ils sont ainsi répartis :

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX CONCERNÉS PAR LA DÉCOTE EN 2015,
POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2014

Évolution de la situation fiscale
(imposition des revenus de 2014)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en millions)

Gain moyen
(en euros)

Foyers non imposés gagnant en restitution

1,7

295

Foyers imposés devenant non imposés

4,2

410

Dont devenant restitués

1,6

480

Foyers imposés dont l’impôt décroît

4,3

311

Total

10,2

349

Source : direction générale du Trésor ; logiciel Orison. Échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus 2012 et majoritairement 2013, vieillis 2014.

C. LES INCIDENCES DE LA RÉFORME SELON LE NIVEAU DE REVENUS ET LA CONFIGURATION DU FOYER FISCAL

● L’impact de la réforme proposée varie toutefois selon les configurations familiales et les niveaux de revenus. Afin de pouvoir apprécier les effets du présent article, les tableaux présentés ci-dessous viennent retracer le niveau d’imposition, pour l’année 2014, avant et après réduction d’impôt exceptionnelle, et pour l’année 2015, avec notamment, pour les différentes configurations :

– le niveau de revenus à partir duquel le foyer fiscal entre dans l’impôt en 2015 ;

– le niveau de revenus pour lequel le gain retiré de la réforme est maximal, par rapport à l’imposition acquittée en 2014 compte tenu de la réduction d’impôt exceptionnelle ;

– le niveau de revenu au-delà duquel les effets de la réforme disparaissent.

Pour neutraliser les effets de l’indexation du barème, les revenus à partir desquels sont calculés l’impôt dû en 2015 sont ceux pris en compte pour le calcul de l’impôt dû au titre de 2014, majorés de 0,5 %.

CÉLIBATAIRE

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

14 900 (13 410)

284

0

0

284

 0

15 400 (13 860)

378

93

51 soit 0

378

 93

15 438 (13 894) 
Soit 1,1 SMIC 

384

133

61

323

72

15 700 (14 130) 

434

419

127

307

292

15 800 (14 220) 
Soit 1,13 SMIC

453

453

153

300

300

16 500 (14 850) 

585

585

331

254

254

17 500 (15750) 

774

774

583

583

191

18 500 (16 650) 

963

963

837

126

126

19 680 (17 712)
 Soit 1,41 SMIC

1 130

1 130

1 135

− 5

− 5

Source : commission des Finances.

COUPLE SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

27 500 (24 750) 

639

0

0

639

0

28 900 (26 010) 

905

205

22 soit 0

905

205

29 054 (26 149) 
Soit 2,08 SMIC 

933

233

62

871

171

30 500 (27 450) 

1 143

443

428

715

15

31 000 (27 900) 

1 206

816

554

652

262

31 450 (28 305)
Soit 2,25 SMIC 

1 263

1 263

668

595

595

33 000 (29 700) 

1 458

1 458

1 062

396

396

34 500 (31 050) 

1 647

1 647

1 442

205

205

36 195 (32 575)

Soit 2,6 SMIC 

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

37 100 (33 390) 

759

59 soit 0

0

759

0

38 500 (34 650) 

863

163

0

863

163

39 200 (35 280) 

915

833

0

915

833

39 750 (35 775) 

956

956

58 soit 0

956

956

39 770 (35 793) 
Soit 2,84 SMIC 

957

957

62

895

895

41 000 (36 900) 

1 116

1 116

374

742

742

42 500 (38 250) 

1 305

1305

754

551

551

44 000 (39 600) 

1 494

1 494

1 134

360

360

45 500 (40 950) 

1 683

1 683

1 514

169

169

46 906 (42 215)
 Soit 3,35 SMIC 

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

COUPLE AVEC TROIS ENFANTS

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

43 790 (39 411) 

759

59 donc 0

0

759

0

46 000 (41 400) 

924

224

0

924

224

46 700 (42 030) 

975

571

0

975

571

48 000 (43 200) 

1 054

1 054

0

1 054

1 054

50 475 (45 427) 
Soit 3,6 SMIC 

1 176

1 176

60 donc 0

1 176

1 176

52 000 (46 800) 

1 252

1 252

446

806

806

54 000 (48 600) 

1 405

1 405

954

451

451

56 000 (50 400) 

1 657

1 657

1 460

197

197

57 620 (51 858) 
Soit 4,12 SMIC

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

● À partir de ces tableaux, il est possible de présenter des graphiques retraçant pour différentes configurations de foyers fiscaux les modalités d’entrée dans l’impôt sur le revenu. Les graphiques ci-dessous montrent les niveaux de revenus à partir desquels les foyers fiscaux, selon leur composition, deviennent imposables, et l’évolution de leur imposition au fil de l’accroissement de leurs revenus (37), et ce dans quatre configurations :

– tout d’abord, en l’absence totale de décote, par la seule application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013, avec les tranches à 5,5 %, 14 %, puis 30 %... ; il s’agit d’une courbe théorique, montrant les seuls effets du barème progressif ;

– ensuite, en application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013 et de la décote à hauteur de 508 euros, mais avant la réduction d’impôt exceptionnelle instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 ;

– en application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013 et de la décote à hauteur de 508 euros, mais après la réduction d’impôt exceptionnelle instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 ;

– enfin, en application du barème proposé pour l’imposition des revenus de 2014 et de la nouvelle décote, telle que proposée par le présent article.

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT
SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN COUPLE MARIÉ SANS ENFANT
SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN COUPLE MARIÉ AVEC DEUX ENFANTS SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

Ces différents graphiques permettent de visualiser que, pour les différentes compositions de foyers fiscaux, l’entrée dans l’impôt sur le revenu est systématiquement plus tardive dans le cadre de la réforme, comme vu supra, par rapport au droit existant, et ce même en tenant compte de l’effet de la réduction d’impôt exceptionnelle de 2014.

Par exemple, un célibataire commençait à payer l’impôt sur le revenu au-delà de 13 725 euros de revenus déclarés pour l’imposition des revenus de 2013. Grâce à la réduction d’impôt exceptionnelle qui s’est appliquée en septembre 2014, il faut qu’il perçoive un revenu annuel supérieur à 15 369 euros pour commencer à payer de l’impôt sur le revenu. Avec la mesure proposée par cet article, il ne commencera à payer de l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu annuel dépasse 15 508 euros en 2014.

Pour un couple marié sans enfant, la situation est la suivante. Il payait de l’impôt sur le revenu si son revenu annuel dépassait 21 020 euros (et 27 702 euros si le couple a deux enfants). Grâce à la réduction d’impôt exceptionnelle qui s’est appliquée en septembre 2014, il commence à payer l’impôt sur le revenu si son revenu annuel dépasse 28 136 euros (37 117 euros si le couple a deux enfants), Avec la mesure prévue au présent article, il ne commencera à payer de l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu annuel dépasse 29 196 euros (39 959 euros si le couple a deux enfants).

La réforme proposée se traduit par une accentuation de la pente d’entrée dans l’imposition, ainsi que par un gain systématique, mais variable, par rapport à la situation antérieure.

L’accentuation de la pente se traduit logiquement par une progression de l’imposition plus marquée corrélativement à une hausse de revenus. Ainsi, pour un célibataire disposant d’un RFR de 15 000 euros (correspondant à un revenu déclaré de 16 666 euros), une hausse de son RFR de 100 euros se traduira par un impôt dû de 379 euros, au lieu de 351 euros. Une augmentation de 100 euros de RFR (correspondant à 111 euros de revenu déclaré) se traduit donc par une hausse d’impôt de 28 euros.

Dans le système actuel, un célibataire disposant d’un RFR de 15 000 euros s’acquitte d’un impôt sur le revenu égal à 617 euros. Si son RFR est de 15 100 euros, son impôt sera de 638 euros.

Comme cet exemple permet de le constater, l’impôt dû après réforme est très sensiblement inférieur à celui dû selon les règles en vigueur : dans ce cas, pour un même niveau de revenus, le gain retiré de la réforme est de 266 ou 259 euros. Même si la progression de l’imposition en fonction de celle des revenus est un peu plus rapide qu’auparavant du fait de la pente plus raide, le contribuable retire systématiquement un gain de la réforme, et s’acquitte toujours d’un impôt moindre.

● Comme le montrent les tableaux présentés supra, le gain retiré de la réforme varie selon la configuration du foyer fiscal : il est d’autant plus important que le foyer fiscal comporte de parts de quotient familial, ce qui résulte à la fois du mode de calcul de l’impôt par part et de la « conjugalisation » de la décote proposée par le présent article.

Ainsi, le gain maximal retiré de la réforme par rapport à l’imposition des revenus de 2014 après réduction exceptionnelle est de l’ordre de 300 euros pour un célibataire, de 595 euros pour un couple, de 956 euros pour un couple avec deux enfants, de 1 176 euros pour un couple avec trois enfants, et de 1 375 euros pour un couple avec quatre enfants.

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN CÉLIBATAIRE, ENTRE L’IMPÔT SUR LE REVENU ACQUITTÉ EN 2014, AVANT OU APRÈS RÉDUCTION D’IMPÔT EXCEPTIONNELLE, ET L’IMPÔT SUR LE REVENU QUI SERAIT ACQUITTÉ POUR UN MÊME REVENU EN 2015 EN APPLICATION DE LA RÉFORME

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE AVEC TROIS ENFANTS

Ces graphiques permettent d’observer que la plage de revenus pour lesquels les foyers fiscaux bénéficient de la réforme croît avec le nombre de parts du foyer fiscal. De façon générale, la pente ascendante de la courbe présentant le gain retiré de la réforme par rapport à l’impôt acquitté après réduction d’impôt est très forte : elle correspond à la forte pente de sortie de la réduction d’impôt exceptionnelle, lié à un mécanisme de lissage relativement abrupt. Certaines situations montrent des discontinuités, comme par exemple dans le cas d’un couple, pour lequel le gain retiré augmente, diminue puis augmente à nouveau, sous les effets croisés de la réduction d’impôt et de la réforme proposée.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 70 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, au nom d’une vision de la fiscalité sur le revenu qui, pour des raisons de justice et d’efficacité, privilégie une base large et un taux faible.

M. le président Gilles Carrez. En pratique et compte tenu de la décote, aucun contribuable n’était en réalité assujetti à la seule tranche d’imposition à 5,5 %, qui ne s’appliquait en réalité qu’aux seuls contribuables également assujettis aux tranches supérieures. La tranche à 5,5 % étant supprimée, ces contribuables vont entrer directement dans la tranche à 14 %, l’essentiel des 3 milliards d’euros – somme considérable – que coûte cette mesure provenant de la refonte de la décote. Pourriez-vous, madame la Rapporteure générale, chiffrer précisément ce que représente cette refonte et nous indiquer le nouveau montant de la décote et la manière dont elle va fonctionner ?

Vous aviez eu du mal à obtenir des chiffres précis sur le nombre de contribuables concernés par l’abattement de 350 euros consenti aux célibataires, que nous avions adopté en juillet dernier. Êtes-vous en mesure aujourd’hui de nous indiquer le nombre précis de foyers fiscaux concernés par la révision du barème ?

Mme la Rapporteure générale. Le ministère des finances travaille sur un échantillon de 500 000 foyers fiscaux, à partir duquel sont effectuées les simulations. Elles permettent d’exposer sous forme de tableaux l’impact des différentes mesures affectant l’impôt sur le revenu ainsi que celui de la suppression de la première tranche, calculé à partir des revenus déclarés pour l’année 2013.

La décote permettait en effet aux célibataires de n’entrer dans l’impôt qu’au-delà de la tranche à 5,5 %, dans laquelle se concentraient essentiellement des couples mariés et des familles. Je vous confirme que sur les 3,2 milliards d’euros que coûtera la refonte du barème, la revalorisation de cette décote va en absorber 2,2 milliards.

Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis 2012, le rendement de l’IRPP a progressé de 10 milliards d’euros environ. Vous proposez aujourd’hui de diminuer ses recettes de 3,2 milliards d’euros en supprimant la tranche à 5,5 %. C’est un choix d’autant plus difficile à comprendre que les personnes qui bénéficiaient de la décote échappaient à cette imposition à 5,5 %.

Par ailleurs, il faut rapprocher le coût de cette mesure pour le budget de l’État des 600 millions de recettes fiscales supplémentaires qu’annonce le Gouvernement : comment expliquer la différence entre ces deux chiffres ?

Enfin, quelles seront les conséquences d’une telle mesure sur le consentement à l’impôt de nos concitoyens ? Est-il acceptable d’alourdir l’effort qui doit peser sur les contribuables assujettis à la tranche à 14 % ?

M. Olivier Carré. On nous annonce, en effet, une augmentation nette de 600 millions d’euros des recettes de l’impôt sur le revenu. Compte tenu des 3,2 milliards d’euros que coûte la suppression de la première tranche, cela signifie que les recettes vont en réalité augmenter de 3,8 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,6 %. Qui sont les ménages qui verront leurs impôts fortement augmenter ?

M. Dominique Lefebvre. La suppression de la première tranche représente un allégement de 3,3 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, ciblé sur les foyers les plus modestes et les classes moyennes. Cela répond à la volonté du Gouvernement de diminuer globalement les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages. Et, si nous ciblons prioritairement les foyers modestes et les classes moyennes, c’est que nous sommes contraints d’agir dans une enveloppe donnée.

Les protestations de l’opposition sont pour le moins paradoxales : après avoir dénoncé la hausse du nombre de foyers fiscaux imposés, vous prônez des taux faibles et un élargissement de l’assiette, tout en combattant toutes les mesures qui visent au rétablissement de cette assiette, qu’il s’agisse de la réintégration dans le revenu imposable de la majoration de 10 % des pensions pour charges de familles ou de la part employeur de la complémentaire santé. De facto, 2 millions de ménages sont entrés dans l’impôt sur le revenu entre 2011 et 2013 du fait des effets combinés du gel du barème, de la suppression de la demi-part des veuves
– mesure prise par la précédente majorité, mais dont les effets se sont faits surtout sentir en 2013 et en 2014 –, mais aussi de la « refiscalisation » des heures supplémentaires, qui reste pour nous un choix assumé.

L’allégement de 3,3 milliards d’euros s’applique à la part de l’impôt sur le revenu perçue sur les cinquième et sixième déciles de contribuables, soit un montant compris entre 12 et 15 milliards d’euros. Cela représente donc une baisse significative. Contrairement à ce que prétendent certains, cette mesure va également rendre l’impôt plus progressif dans sa portion située entre le bas du barème, qui est allégé, et sa partie haute, qui n’est pas alourdie. Quant à son acceptabilité, je rappelle que tous nos concitoyens payent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à proportion de leurs revenus, à l’exception des contribuables du dixième décile, pour qui les impôts indirects sont fortement dégressifs. Tous nos concitoyens qui travaillent paient également la CSG, même si c’est un impôt indolore. En définitive, les calculs montrent qu’un ménage dont le revenu mensuel est compris entre 1 000 et 2 000 euros acquitte, à proportion de ses revenus, un impôt équivalent à celui des autres.

Le président Gilles Carrez a raison de dire que, de facto, avec le système de décote et compte tenu du seuil de mise en recouvrement, aucun contribuable n’acquittait son impôt dans la tranche à 5,5 % ; l’imposition effective commençait en effet dans la tranche à 14 %. Reste que le dispositif mis en place est le seul moyen d’alléger les impôts des cinquième et sixième déciles.

J’ajoute que la nouvelle décote se substitue à l’ancienne tout en intégrant la réduction d’impôt que nous avions votée en juillet. Elle prend par ailleurs mieux en compte la situation des couples et des familles, que le précédent système défavorisait par rapport aux célibataires.

Si nous avons enfin réajusté les seuils des tranches supérieures, c’est pour neutraliser l’effet de la mesure au-delà du huitième décile et afin que la baisse d’impôt ne touche pas 14 millions, mais 6 millions de foyers fiscaux. Nous avons considéré en effet qu’il n’était pas souhaitable de ne pas compenser le gain que représentait pour le dixième décile la suppression de la première tranche, soit un gain d’environ 300 euros pour un impôt moyen de 11 000 euros. Notre choix politique a bien été de concentrer nos efforts sur le bas du barème. C’est une des raisons pour lesquelles cette mesure ne touche pas les ménages concernés par le plafonnement du quotient familial, dont je rappelle que l’intégralité de la recette fiscale sera versée à la branche famille.

M. le président Gilles Carrez. Peut-on être certain que les foyers qui ne bénéficient pas de cet allégement fiscal ne subiront, à revenus constants, aucune augmentation d’impôt ?

M. Dominique Lefebvre. Il y a aujourd’hui 36 millions de foyers fiscaux, dont 20 millions ayant acquitté l’impôt sur le revenu en 2013. La suppression de la première tranche fait sortir 3 millions de foyers de l’impôt, ce qui laisse donc 17 millions de foyers imposés. Les simulations effectuées à partir de l’échantillon « vieilli » des déclarations 2012 évaluent à 22 000 le nombre de ces foyers fiscaux qui verraient leur impôt évoluer, dont 8 700 pour un montant inférieur à 10 euros. Il faudra évidemment que des analyses a posteriori nous confirment ces chiffres.

M. Marc Le Fur. Pour compenser la suppression de la première tranche, vous avez choisi d’abaisser de 11 991 à 9 690 euros le seuil de la tranche d’imposition à 14 %. Certes, la décote est censée compenser cet abaissement, mais elle crée une autre difficulté en déclenchant un taux marginal d’imposition de 28 % sur les revenus concernés. Cela signifie que, pour les ménages modestes, une très légère augmentation de revenu va se traduire par une augmentation significative de l’impôt, le phénomène étant manifestement voué à s’amplifier en 2016, sur l’imposition des revenus de 2015.

Notre collègue Dominique Lefebvre a signalé que le mécanisme de décote prenait mieux en compte la situation des couples. La décote ne reste, cela étant, que très partiellement « familialisée ».

M. Hervé Mariton. Dominique Lefebvre a également précisé que les recettes fiscales issues du plafonnement du quotient familial seraient affectées à la branche famille : ce ne sont pour l’instant que des paroles.

Il insistait, par ailleurs, dans le remarquable rapport sur la fiscalité des ménages qu’il a produit avec M. François Auvigne, sur le fait que, pour un certain nombre de foyers modestes, le gain marginal net lié à une augmentation de salaire était extrêmement faible, du fait de notre système de prélèvements fiscaux. Or, la réforme qui nous est proposée ne résout en rien ce problème.

Mme Valérie Pécresse. Le Gouvernement nous explique que les deux points forts de ce budget sont, d’une part, le CICE et la baisse de 10 milliards d’euros de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, et, d’autre part, la baisse de 3 milliards d’euros de la fiscalité qui pèse sur les ménages modestes, grâce à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Dans la mesure où les prélèvements obligatoires ne baisseront quasiment pas cette année – la diminution de 0,1 point que vous annoncez pourrait fort bien être compensée par une hausse de la fiscalité locale visant à compenser la baisse des dotations aux collectivités territoriales –, qui va payer ces 13 milliards d’euros et quelles nouvelles hausses d’impôt auront à subir les ménages ?

M. Charles de Courson. Lors des travaux du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, présidé par MM. Dominique Lefebvre et François Auvigne, nous avons constaté qu’un célibataire passant d’un demi-SMIC à un SMIC était soumis, en tenant compte des impôts et des prestations sociales liées aux impôts, à un prélèvement de 73 %. Autrement dit, quand il gagne 100 euros de plus, on lui en prélève 73. Il en est de même pour un couple qui passe de 1 SMIC à 1,5 SMIC. Nous avons identifié deux problèmes : la décote et la PPE. Il a donc été envisagé de supprimer la PPE et de la réallouer pour avoir une rentrée plus lente, plus progressive, afin de réduire cet effet injuste et contre-productif.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui résout-il ces deux problèmes ? Non seulement on ne résout pas celui de la PPE, à laquelle on ne touche pas, mais la pente proposée aggrave encore le mal. Si l’on veut mettre 3,2 milliards dans cette affaire, il faut ajouter les 2,2 milliards de la PPE et faire un lissage beaucoup plus lent.

D’autre part, on espère un produit de 69,5 milliards d’euros, contre 68,8 milliards l’an dernier, soit une augmentation de 1 %. Ainsi, la mesure – qui représente en tout 3,5 milliards – compense un peu moins l’évolution spontanée, qui est de 3,9 milliards. En réalité, il n’y a pas de baisse de l’impôt sur le revenu. Il serait intéressant de savoir ce que donne la proposition contenue dans l’article 2 par rapport au montant de l’impôt sur le revenu 2014.

M. Éric Alauzet. Le nouveau dispositif a une pente plus forte, mais qui démarre plus tardivement : on peut avoir une entrée dans l’impôt à un taux plus élevé – jusqu’à 28 % pour un célibataire, au lieu de 14 %. Ce n’est pas tant le pourcentage qui compte, mais la différence, pour la même personne, par rapport à l’ancien système. Aurons-nous toujours le même ordre d’entrée et de progressivité dans l’impôt ? Pouvez-vous, madame la Rapporteure générale, confirmer que chaque ménage sera effectivement avantagé ? Une personne qui payait moins qu’une autre ne paiera-t-elle pas plus après la mise en place du dispositif ?

Mme Véronique Louwagie. L’exposé général des motifs du projet de loi de finances indique que « cette réforme du bas de barème de l’impôt bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux, 3 millions de foyers devenant non imposables ou évitant de devenir imposables ». Ces chiffres sont-ils déterminés avant prise en compte de la décote ? Si tel n’est pas le cas, quel est l’impact après décote ?

Par ailleurs, on nous dit qu’il y a une augmentation des recettes de l’IRPP de 600 millions d’euros et une réduction d’impôts au titre de l’article 2, de 3,187 milliards. Cela fait globalement une augmentation, que l’on retrouvera dans d’autres foyers, de 3,787 milliards, c’est-à-dire près de 4 milliards d’euros qui, selon le principe des vases communicants, seront prélevés sur d’autres foyers fiscaux. À quelle tranche appartiendront les contribuables qui vont payer ces 4 milliards d’euros ? Comment ont été faits les calculs ?

Mme Karine Berger. La mesure proposée dans l’article 2 ne peut avoir d’impact sur les tranches supérieures, car 5,5 % de la différence entre 6 011 euros et 11 991 euros donnent 329 euros, et 14 % de la différence entre 9 690 euros et 11 991 euros donnent 323 euros. Autrement dit, arrivé au seuil de 11 991 euros, vous payez exactement le même impôt que dans le schéma précédent.

M. le président Gilles Carrez. Lorsqu’on présente une nouvelle mesure, elle a toujours l’air parfaite. Puis des ménages se présentent dans nos permanences pour se plaindre que leurs impôts ont augmenté !

Mme Karine Berger. Monsieur le président, vous en serez d’accord, la mathématique, elle, est parfaite.

À nos collègues de l’opposition qui s’inquiètent de l’évolution de l’IRPP, je répondrai qu’il faut aussi tenir compte de l’évolution normale des revenus. Si l’on prend la sortie des mesures temporaires de l’année 2014, la mise en place des mesures en 2015 et l’évolution spontanée des recettes, on retombe sur l’évolution qui est retracée à la page 80 du tome I du Rapport économique, social et financier qui accompagne le projet de loi de finances. Tout cela est très clair et ne correspond absolument pas à des mesures supplémentaires au-delà de la première tranche.

M. Éric Woerth. Pour comprendre quelque chose à son impôt, il faudra avoir fait de longues études ! Tout cela est assez obscur, les questions qui sont posées le prouvent. Chacun comprend ce qu’il veut bien comprendre.

La question de notre collègue Véronique Louwagie est pertinente. Comment fait-on pour baisser l’imposition sur le revenu de tout le monde, alors que les recettes nettes d’imposition sur le revenu augmentent globalement ? Il faudra bien que quelqu’un paye à un moment ou à un autre ! J’ai compris que la plupart des gens vont voir leur impôt sur le revenu baisser, mais la réalité risque d’être bien différente. La Commission serait ravie d’avoir des explications !

Mme la Rapporteure générale. Je reconnais que tout cela est un peu complexe. Les évaluations qui nous ont été fournies donnent la ventilation par décile de revenu fiscal de référence des foyers fiscaux gagnants à la mesure.

Vous vous demandez comment le rendement de l’impôt sur le revenu peut augmenter alors qu’on fait plus de 3 milliards de baisse d’impôt.

M. Marc Le Fur. D’autant que c’est une baisse de 6 milliards !

Mme la Rapporteure générale. Oui, par rapport à la prévision de la loi de finances initiale 2014, donc avant la réduction d’impôt adoptée en juillet dernier.

M. le président Gilles Carrez. Comme l’an dernier.

Mme la Rapporteure générale. Page 21 du tome I de l’Évaluation des voies et moyens, on voit que l’impôt net sur le revenu en 2014 se monte à 68,9 milliards, auxquels il faut soustraire les 3 milliards de la mesure de l’article 2 et ajouter à la fois 1,3 milliard de la mesure temporaire de septembre 2014 – qui disparaît –, et 1,8 milliard d’évolution spontanée. Les chiffres mentionnés par certains de manière faciale étaient les chiffres bruts. Or, tout ce qui est remboursements et dégrèvements d’impôt n’étant pas dans le tableau, il faut se fonder sur le net.

M. le président Gilles Carrez. Ce point sur l’évolution spontanée est essentiel. Serait-il possible de demander au Gouvernement quelle est l’évolution spontanée réelle constatée ex post au titre de 2013, puis de 2014 ? En 2013, nous avons eu une moins-value de plus de 5 milliards d’euros par rapport à la prévision, et cela va recommencer en 2014, alors que, instruit par l’expérience de 2013, le Gouvernement nous avait indiqué que la prévision pour 2014 était plus prudente. Malgré tout, on constate une baisse de 6 milliards. Peut-être l’évolution spontanée est-elle donc négative, et il faudrait vraiment mesurer ce point.

M. Olivier Carré. Entre août 2013 et août 2014, on passe de 41 milliards à 47 milliards de recettes : 6 milliards ont donc été réellement encaissés en net, soit 14 % de plus. Si l’on considère que, dans les quatre mois qui suivent, l’impôt sur le revenu serait équivalent à celui qui a été encaissé l’année dernière…

M. le président Gilles Carrez. Non, il y aura 1,3 milliard de moins, puisque l’abattement de 350 ou 700 euros joue à partir de septembre.

M. Olivier Carré. Cela laisse encore plus de 4 milliards d’augmentation sur le revenu encaissé. Ce que je ne comprends pas, c’est que nous sommes nettement en dessous de la prévision de la loi de finances initiale pour 2014, mais au-dessus des montants indiqués comme étant ceux qui seront exécutés à la fin de 2014.

Mme la Rapporteure générale. Nous allons faire des vérifications supplémentaires sur l’évaluation des recettes d’impôt sur le revenu.

M. le président Gilles Carrez. Nous demanderons en séance des explications au ministre la semaine prochaine.

Mme la Rapporteure générale. Mme Pécresse se demande comment les rentrées peuvent augmenter si les impôts diminuent. Je renvoie au tableau qui figure dans mon rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques de juillet 2014, et qui est une tentative de synthèse des principales mesures fiscales et sociales adoptées depuis juin 2012, ventilées entre ménages et entreprises. On y note une croissance régulière des prélèvements supplémentaires sur les ménages.

M. Hervé Mariton. Et ce n’est pas fini ! Vous dites que vous baissez les impôts, mais, en réalité, vous les augmentez !

Mme la Rapporteure générale. Monsieur Mariton, nous n’avons pas dit que les impôts baissaient dans leur ensemble : nous parlons d’une mesure qui vise à faire baisser de 3 milliards d’euros l’impôt sur le revenu des Français. Nous pouvons, si vous le souhaitez, dresser un bilan global en mettant à jour le tableau présenté avant le débat d’orientation budgétaire.

Mme Valérie Pécresse. Il y a donc une augmentation de 18 milliards sur les ménages en 2015 !

Mme la Rapporteure générale. Je le signale à notre commission, le tableau, qui prend en compte des relèvements de TVA et différentes mesures, inclut également des mesures que Mme Pécresse a fait voter lorsqu’elle était au Gouvernement.

M. le président a raison de dire que, lorsqu’on prend des mesures de baisse ou d’allégement de l’impôt sur le revenu, il faut s’assurer que les célibataires comme les couples mariés en bénéficient à plein. Vous trouverez, dans le tome II de mon rapport, des simulations d’entrée dans l’impôt selon les différentes situations – niveau de revenus, composition du foyer fiscal, etc.

Les bénéficiaires de cette mesure de suppression de la première tranche sont très nombreux. J’entends dire que 22 000 foyers fiscaux – sur 36 millions – seraient perdants. Ce nombre ne doit pas être exagéré. Il doit l’être d’autant moins que seuls 8 700 de ces 22 000 foyers fiscaux auront une perte supérieure à 10 euros !

M. le président Gilles Carrez. La question essentielle, c’est celle de la pente pour celui qui rentre dans l’impôt. À un certain niveau, lorsqu’on gagne 100 euros de plus, l’État récupère-t-il 75 euros ?

Mme la Rapporteure générale. La pente est en effet plus abrupte. Mais, grâce aux différentes décotes, la base taxable sera réduite. La réforme a été calibrée pour faire des gagnants dans tous les cas de figure.

M. Charles de Courson. La pente est-elle plus forte dans le nouveau dispositif que dans l’ancien ? Cela semble être le cas. Mme la Rapporteure générale pourrait-elle traiter de la question dans son rapport ?

S’agissant de l’évolution spontanée, l’évaluation préalable associée à l’article 2 indique que -0 cette prévision s’appuie sur des hypothèses de croissance des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu en rebond par rapport aux sous-jacents de la prévision révisée pour 2014, conduisant à une évolution spontanée de 2,6 %. Celle-ci s’explique par le retour à une évolution des revenus catégoriels plus proche des tendances constatées par le passé, notamment concernant les revenus de capitaux mobiliers ». Je pense que cela mérite aussi un examen approfondi.

Cette augmentation de 2,6 % n’est pas possible avec un produit intérieur brut (PIB) qui augmente, d’après les prévisions gouvernementales, de 0,9 point en volume et de 1 % en prix. Cela voudrait dire que les revenus des ménages augmenteraient encore dans le revenu national. Nous aimerions avoir une étude précise sur ce point.

M. Dominique Lefebvre. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler à Mme Valérie Pécresse et à M. Éric Woerth comment ils ont financé les mesures d’allégements fiscaux et sociaux en 2007 dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA).

M. Olivier Carré. Comme vous, par la dette !

M. Dominique Lefebvre. Oui, mais pour ce qui nous concerne, avec un rythme d’évolution des dépenses publiques nettement ralenti par rapport à ce que vous faisiez. J’entends l’argument rhétorique : si on baisse pour les uns et que le produit augmente, c’est que d’autres continuent à payer plus ! Chers collègues, je comprends la manipulation politique, mais, à ma connaissance, nous sommes à législation constante pour l’impôt sur le revenu. Ce projet de loi de finances ne contient rien d’autre qu’une mesure de révision du barème, qui allège l’impôt sur le revenu pour les plus modestes. Vous avez beau dire que, puisque le produit augmente, c’est que d’autres vont payer, il n’y a pas de nouvelles mesures fiscales conduisant à alourdir l’impôt sur ce revenu dans ce budget.

Par ailleurs, il y a une montée en charge de mesures qui ont été votées. Certes, nous avons mis en place une tranche à 45 % et revisité l’impôt de solidarité sur la fortune – que l’ancienne majorité avait baissé. Concernant les fameux 10 ou 15 milliards d’augmentations de l’impôt sur le revenu depuis trois ans, il serait intéressant de répartir, en montants budgétaires, ce qui a été payé par les uns et par les autres. Vous verriez que l’essentiel des 10 milliards d’augmentations sur les ménages a été payé sur le dernier décile. C’était notre choix politique que de faire porter l’effort sur ceux qui disposent des facultés contributives les plus fortes.

Il est incontestable, monsieur le président, que la pente est plus raide, mais, comme l’a expliqué récemment Michel Taly dans Les Échos, on finit tout de même par payer moins d’impôt qu’avant la réforme.

Aujourd’hui, nous faisons le choix d’alléger la fiscalité des ménages à hauteur de 3,3 milliards, pour faire sortir 2 millions de ménages de l’impôt sur le revenu. Cela n’épuise pas pour autant la question de la réforme fiscale. Pour aller plus loin, il faudrait une remise à plat complète qui toucherait notamment la CSG. Nous n’avons pas la capacité financière de le faire, car il n’y a pas de réforme fiscale qui n’ait pas un coût élevé, à moins de prévoir des transferts importants entre contribuables.

En ce qui concerne les effets de seuil, je rappelle que, quand on parlait du taux implicite de prélèvements sociaux et fiscaux sur l’euro de revenu supplémentaire, on envisageait le cumul de l’entrée dans l’impôt et de la perte de prestations. On ne pourrait, aujourd’hui, régler ce problème, sans une remise en ordre des prestations sociales, le système comportant de nombreuses prestations liées au statut d’imposition ou de non-imposition. Je renvoie, de ce point de vue, à une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui prévoit de transformer, à produit de CSG constant, l’accès au taux réduit de CSG pour les retraités, non pas sur le critère d’imposition ou de non-imposition qui n’a pas de sens par rapport aux revenus, mais sur un critère de revenu fiscal de référence. Nous proposons de faire rebasculer l’ensemble des prestations sur des notions de revenu fiscal de référence pour gommer les effets de seuil. Cela prendra du temps et cela coûtera de l’argent.

Enfin, il faut supprimer la PPE à compter de 2016, donc pour l’imposition des revenus de 2015. Nous en débattrons sans doute lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative en fin d’année, dans le cadre d’une autre réforme dont nous aurons probablement discuté le principe, à savoir la fusion de la PPE et du revenu de solidarité active (RSA).

Pour conclure, monsieur le président, je continue à penser que la mesure que nous avons adoptée en juillet en loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Moi aussi.

M. Dominique Lefebvre. Sa censure par le Conseil constitutionnel nous a amenés à faire d’autres choix. Sans cela, nous n’aurions pas eu à prendre cette mesure sur l’impôt sur le revenu.

M. Marc Le Fur. J’insiste. Ma première question portait sur le taux marginal de 28 %. Je comprends qu’il peut y avoir une baisse supplémentaire globale de l’impôt. Il n’empêche que, à un moment donné, 100 euros de plus, c’est 28 euros versés en impôt. Cela accroît la difficulté, excellemment mise en exergue par notre collègue Dominique Lefebvre qui, dans son rapport, indiquait que, à 1,5 SMIC, le taux de prélèvement est de 66 %. Nous allons encore accroître le taux marginal des prélèvements si nous associons les effets fiscaux et les effets de la PPE.

Le fait que l’impôt soit atténué par la décote ne résout pas complètement le problème des familles, puisque la décote est un peu plus « familialisée » qu’elle ne l’était, mais elle devient plus importante que naguère, puisqu’il s’agit d’éviter la progression d’un impôt, non pas de 0 à 5,5 %, mais de 0 à 14 %. N’y a-t-il pas un défaut de « familialisation », en particulier pour les familles à partir de deux ou trois enfants ?

Enfin, l’article de M. Taly, déjà cité, met en exergue une autre difficulté : nous risquons d’avoir des surprises au sujet de l’impôt payé en 2016, avec de fortes évolutions pour les catégories modestes.

Mme la Rapporteure générale. Avant la mesure de l’article 2, un couple sans enfants entrait dans l’impôt s’il avait un revenu déclaré supérieur à 21 020 euros, et à 27 702 euros avec deux enfants. Avec la réduction exceptionnelle votée en septembre, il commencera à payer l’impôt sur le revenu si son revenu dépasse 28 136 euros, et 37 117 euros s’il a deux enfants. Avec l’article 2, il ne commencera à payer l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu dépasse 29 196 euros, et 39 959 euros s’il a deux enfants. La différence entre seuils d’entrée dans l’impôt peut atteindre 10 000 euros de revenu annuel déclaré en plus.

En tout état de cause, nous parlons d’une mesure qui doit permettre à des ménages ayant des revenus de 21 000 ou de 28 000 euros de rentrer moins vite dans l’impôt sur le revenu, et d’en payer moins. C’est une question de justice sociale. Peut-être nos objectifs sont-ils différents des vôtres : nous souhaitons, quant à nous, que les ménages qui ont les revenus les plus modestes puissent récupérer du pouvoir d’achat.

La Commission rejette l’amendement I-CF 70.

Puis, suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette successivement les amendements I-CF 8 et I-CF 9 de M. Marc Le Fur.

Elle adopte enfin l’article 2 sans modification.

*

* *

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement I-CF 51 de M. le président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. L’ancienne majorité a créé une contribution exceptionnelle pesant sur le revenu fiscal de référence et incluant notamment tous les revenus du patrimoine, en particulier les plus-values. Cette contribution s’ajoute aujourd’hui à la tranche marginale à 45 % : le taux marginal passe donc à 48 % pour des revenus de plus de 250 000 euros et à 49 % pour les revenus de plus de 500 000 euros. Mais comme, à ces niveaux, les revenus proviennent essentiellement du patrimoine, notamment des plus-values, il faut ajouter 15,5 % de prélèvements sociaux. Ainsi, le prélèvement marginal atteint presque 65 %.

Avec cet amendement, je souhaite attirer l’attention sur une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, qui le rend extrêmement fragile. Selon le « rapport Lefebvre », 1 % des ménages, soit 370 000 foyers, acquittent 45 % de l’impôt sur le revenu. En 2015, compte tenu de l’allégement de 3 milliards d’euros qui cible plutôt les premiers déciles, 1 % des ménages acquitteront près de 50 % de l’impôt sur le revenu. Les 37 000 foyers les plus imposés, soit 1 ‰, acquittent entre 15 % et 20 % de l’impôt sur le revenu. Si quelques milliers, voire quelques centaines d’entre eux, modifiaient leur comportement ou se délocalisaient, les pertes d’impôts seraient considérables. Cela explique peut-être ce décalage nouveau de 5 milliards d’euros que l’on observe entre la prévision et l’exécution.

Nous avons beaucoup parlé du bas de barème, mais il est important de s’intéresser aussi au haut de barème. Dans l’attente du chiffre définitif de la contribution exceptionnelle de 2014, j’estime que cette mesure coûterait quelque 500 millions d’euros – c’est le chiffre de 2013 ; il était de 630 millions en 2012.

Mme la Rapporteure générale. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus a en effet été introduite par votre majorité.

M. le président Gilles Carrez. À un moment où certains ne voulaient pas entendre parler de la tranche à 45 % !

Mme la Rapporteure générale. Il était prévu qu’elle soit applicable « jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul ». Cette condition n’étant pas remplie, je suis défavorable à l’amendement.

M. Charles de Courson. Même si son coût comptable apparent est de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros, cet amendement rapporterait de l’argent s’il était adopté. Personne ne veut affronter le problème de la chute de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Nous avons demandé au ministre du budget de réaliser une étude sur l’origine de l’écart entre les prévisions et les réalisations. Comme notre président, je pense que cet écart s’explique par un changement de comportement des ménages à très hauts revenus, ceux qui perçoivent essentiellement des dividendes et des plus-values. S’ils estiment que le taux d’imposition est astronomique, ils ne distribuent pas de dividendes et le bénéfice reste dans l’entreprise.

M. le président Gilles Carrez. Il suffit de voir les reports à nouveau dans les comptes des petites et moyennes entreprises pour s’en convaincre.

M. Charles de Courson. Madame la Rapporteure générale, pourriez-vous obtenir l’évolution de l’assiette sur les tranches très élevées ? Si l’on constate une chute de l’assiette, cela signifie que le niveau des taux conduit les entrepreneurs à renoncer à la distribution de dividendes et à la réalisation de plus-values.

M. le président Gilles Carrez. Le renoncement aux plus-values produit un effet encore plus important que la rétention des dividendes.

M. Charles de Courson. Pour ne pas dépasser le taux de 45 %, il faut supprimer cette contribution additionnelle.

Mme Karine Berger. Ainsi, je note que l’opposition souhaite rétablir l’impôt sur le revenu pour des gens qui gagnent 10 000 euros par an et baisser considérablement l’impôt acquitté par ceux qui perçoivent 1 million d’euros par an !

La Commission rejette l’amendement.

*

* *

Article 3
Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique

S’inscrivant dans les orientations du projet de loi, actuellement en cours de discussions, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui définit des objectifs ambitieux en termes de réduction de consommation énergétique et de lutte contre le changement climatique, le présent article vient profondément remanier le dispositif de crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD), rebaptisé « crédit d’impôt pour la transition énergétique » (CITE).

La réforme proposée vise à inciter davantage les ménages à investir dans la rénovation énergétique de leur logement, en facilitant le recours au crédit d’impôt et en le rendant plus attractif. Elle vient ainsi supprimer la condition de réalisation d’un « bouquet » de travaux pour obtenir l’avantage fiscal, s’agissant des contribuables dont le revenu fiscal de référence (RFR) est supérieur à certains seuils. En effet, selon le droit en vigueur, les ménages aux revenus inférieurs à un certain plafond de RFR peuvent bénéficier du crédit d’impôt même s’ils ne réalisent qu’une seule catégorie de travaux, alors que les contribuables plus aisés doivent procéder à plusieurs travaux (par exemple le remplacement de fenêtres et l’installation d’une chaudière) pour avoir droit à l’avantage fiscal.

Ensuite, le présent article rehausse le taux du crédit d’impôt, aujourd’hui de 15 % ou 25 %, selon les cas, pour le porter à 30 %. Enfin, il inclut dans le champ du CITE deux nouvelles catégories de dépenses, les compteurs individuels pour le chauffage et l’eau chaude dans les copropriétés, d’une part, et les bornes de recharge pour des véhicules électriques, d’autre part.

Ces différents aménagements entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2014, afin de produire leurs effets le plus rapidement possible.

Le coût de la réforme est estimé à 230 millions d’euros pour l’année 2015, au titre des dépenses engagées au cours des quatre derniers mois de l’année 2014, et à 700 millions d’euros pour l’année 2016.

Cette réforme permettra la réalisation d’un volet de travaux estimés à 2,33 milliards d’euros en année pleine, en 2015 (au titre d’une dépense fiscale évaluée en 2016 à 700 millions d’euros). Ce chiffre représente 4 % du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) dans la rénovation en France (toutes catégories confondues). En d’autres termes, ceci représente un soutien au BTP lui permettant de réaliser une augmentation de 4 % de son chiffre d’affaires actuel réalisé dans la rénovation.

O L’ÉTAT DU DROIT

D. LES PRINCIPES DU DISPOSITIF

Le CIDD, prévu par l’article 200 quater du code général des impôts, a été créé par l’article 5 de la loi de finances pour 2000 (38), et profondément réorganisé par l’article 90 de la loi de finances pour 2005 (39). S’il a connu de multiples évolutions, son principe est resté le même depuis son instauration : les contribuables, propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale de leur logement. Chaque ménage, imposable ou non, peut bénéficier du crédit d’impôt. Si le montant du crédit d’impôt est supérieur à celui de l’impôt dû, l’excédent lui est restitué. Le bénéfice du CIDD a été prorogé par la loi de finances pour 2012 (40) jusqu’au 31 décembre 2015.

Avec des taux variables selon la nature et les caractéristiques des équipements, le crédit d’impôt s’applique :

– aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans au titre de l’acquisition de chaudières à condensation et de chaudières à micro-cogénération gaz, de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d’entrée, de l’acquisition et de la pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques et de l’acquisition d’appareils de régulation de chauffage ;

– au coût des équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable, à l’exception des équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, et des pompes à chaleur, autres que air/air, dont la finalité essentielle est la production de chaleur ou d’eau chaude sanitaire, ainsi que de la pose d’un échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermique ;

– au coût des équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération ;

– à la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, en dehors des cas où la réglementation le rend obligatoire.

Les équipements doivent être fournis et installés par un professionnel. Une facture ou une attestation doit être établie par l’entreprise pour servir de justificatif. Le crédit d’impôt est calculé sur le prix toutes taxes comprises (TTC) des matériaux et équipements, hors main-d’œuvre, sauf pour l’isolation des parois opaques pour laquelle la main-d’œuvre est comprise. Les primes et subventions doivent être déduites du montant des travaux.

Le montant de l’ensemble des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel : pour un même logement occupé par le contribuable, le montant des dépenses prises en compte ne peut excéder, au titre d’une période de cinq années consécutives comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2015, la somme de 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée ou de 16 000 euros pour un couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune. Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.

Enfin, le CIDD est soumis au plafonnement global des avantages fiscaux prévu par l’article 200-0 A du code général des impôts, désormais fixé à 10 000 euros.

E. LA SUCCESSION DE NOMBREUSES RÉFORMES DEPUIS 2009

● Le dispositif en vigueur résulte de nombreux aménagements réalisés au cours des années précédentes. Les modifications apportées et l’instabilité normative qui en ont résulté ont d’ailleurs quelque peu nui à sa lisibilité pour les ménages. Le tableau infra retrace les principales évolutions intervenues au cours des dernières années :

Fondement

Aménagements

Assiette

Taux

Article 83
de la loi de finances pour 2006

– extension de l’assiette aux raccordements aux réseaux de chaleur

– augmentation du taux applicable aux équipements produisant de l’énergie renouvelable

– majoration du taux applicable aux logements anciens

Article 49 de la loi
sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006

– extension aux équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales

Article 109
de la loi de finances pour 2009

– suppression du crédit d’impôt pour les chaudières à basse température et les pompes à chaleur air/air

– extension de l’assiette aux frais de pose d’isolation des murs

– extension de l’avantage fiscal aux propriétaires bailleurs

– extension aux frais engagés lors de diagnostics de performance énergétique

– baisse du taux applicable pour les chaudières et les pompes à chaleur (40 % en 2009 et 25 % en 2010)

Article 58
de la loi de finances rectificative pour 2009

– extension de l’assiette à la pose des pompes à chaleur géothermiques

– baisse du taux applicable aux chaudières à condensation et aux fenêtres

– suppression de la majoration à 40 % pour les logements anciens

– majoration du taux applicable en cas de changement de chaudières à bois

Articles 36 et 105
de la loi de finances pour 2011

– suppression du crédit d’impôt pour les dépenses de parement des matériaux d’isolation thermique des parois opaques

– diminution de moitié du taux applicable aux panneaux solaires, de 50 % à 25 %

– diminution uniforme des taux de 10 % au titre du « rabot »

Articles 81 et 83
de la loi de finances pour 2012

– suppression du crédit d’impôt pour le changement de fenêtres d’une maison individuelle hors bouquet de travaux

– introduction de plafonds d’assiette pour les équipements solaires

– non reconduction de l’éligibilité des logements neufs au-delà de 2013

– introduction des chaudières à micro-cogénération gaz

– diminution uniforme des taux de 15 % au titre du « rabot »

– bonification du taux en cas de « bouquet » de travaux

– diminution du taux pour l’installation de panneaux photovoltaïques

Article 74

de la loi de finances pour 2014

– suppression du crédit d’impôt pour les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales et pour les équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil

– exclusion des propriétaires bailleurs du bénéfice du crédit d’impôt

– nécessité de réaliser un « bouquet » de travaux pour bénéficier du CIDD, sauf pour les ménages au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil ;

– harmonisation des taux, avec la fixation d’un taux de 15 % pour les dépenses en action seule et de 25 % pour celles en « bouquet »

La liste des équipements et des critères de performance exigés pour bénéficier de l’avantage fiscal a notamment fait l’objet de révisions périodiques afin d’adapter le crédit d’impôt avec les objectifs énergétiques poursuivis.

● À compter de la loi de finances pour 2011 (41), les modifications apportées au dispositif ont visé pour l’essentiel à renforcer la maîtrise de la dépense fiscale, alors que celle-ci avait fortement crû depuis 2005, pour atteindre un point haut en 2009, à près de 2,9 milliards d’euros. Les lois de finances pour 2011 et pour 2012 sont ainsi venues réduire les taux du crédit d’impôt, par l’application des « rabots » successifs, et en restreindre l’assiette.

La loi de finances pour 2011 a réduit le taux applicable aux installations photovoltaïques de 50 % à 25 %, tout en limitant le crédit d’impôt sur les parois opaques ; elle a également appliqué le « rabot » de 10 % au CIDD, de façon uniforme pour l’ensemble des taux, et de la même façon que pour d’autres dépenses fiscales.

La loi de finances pour 2012 a procédé une nouvelle baisse des taux applicables, de 15 % cette fois, à nouveau au titre du « rabot ». De plus, parmi d’autres dispositions, a été décidée la suppression de l’avantage fiscal pour certaines dépenses en maison individuelle, lorsqu’elles ne font pas partie d’un « bouquet » d’au moins deux actions de travaux. L’éligibilité des logements neufs au CIDD n’a pas été reconduite au-delà du 1er janvier 2013, date d’entrée en vigueur de la nouvelle régulation thermique, tandis que des plafonds d’assiette pour les équipements solaires ont été introduits, parallèlement à la diminution du taux de crédit d’impôt octroyé au titre de l’installation de panneaux solaires photovoltaïques.

Enfin, la loi de finances pour 2012 a prévu un mécanisme visant à inciter aux rénovations globales, en majorant le taux du CIDD en cas de réalisation de plusieurs travaux, relevant de différentes catégories, dans le cadre de « bouquets ».

Le tableau infra retrace l’évolution des taux de CIDD depuis 2010.

ÉVOLUTION DU TAUX DU CIDD SELON LES ÉQUIPEMENTS

(en %)

Opération

2010

2011

À compter
de 2012

Majoration du taux applicable à compter de 2012 en cas de bouquets de travaux

Acquisition de chaudières à condensation et de matériaux d’isolation des fenêtres

15

13

10

18

Acquisition de volets isolants et de portes d’entrée

15

13

10

Acquisition et pose des matériels d’isolation des parois opaques

25

22

15

23

Acquisition d’appareils de régulation de chauffage et de matériaux de calorifugeage

25

22

15

Cas général pour les équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable

50

45

32

40

– Équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil

50 (1)

25 (2)

22

11

– Pompes à chaleur (autres que air/air) dont la finalité essentielle est la production de chaleur, à l’exception des pompes à chaleur géothermiques

25

22

15

23

– Pompes à chaleur géothermiques dont la finalité essentielle est la production de chaleur

40

36

26

34

– Pompes à chaleur (autres que air/air) thermodynamiques dédiées à la production d’eau chaude sanitaire

40

36

26

34

– Pose de l’échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermiques

40

36

26

34

– Chaudières et équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant au bois ou autres biomasses :

       

– cas général

25

22

15

23

– cas de remplacement des mêmes matériels

40

36

26

34

Coût des équipements de raccordement à un réseau de chaleur et coût des équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales

25

22

15

Réalisation du diagnostic de performance énergétique (hors cas où la réglementation le rend obligatoire)

50

45

32

Chaudières à micro-cogénération gaz

17

26

(1) Pour les dépenses payées jusqu’au 28 septembre 2010 inclus, ainsi que celles pour lesquelles le contribuable peut justifier jusqu’à cette date :

a) De l’acceptation d’un devis et du versement d’arrhes ou d’un acompte à l’entreprise ;

b) De la signature d’un contrat dans le cadre d’un démarchage mentionné aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation, à la condition de justifier d’un paiement total ou partiel jusqu’au 6 octobre 2010 ;

c) Ou d’un moyen de financement accordé à raison des dépenses concernées par un établissement de crédit.

(2) Pour les dépenses payées à compter du 29 septembre 2010.

● Enfin, l’article 74 de la loi de finances pour 2014 (42) a procédé à une nouvelle réforme d’ampleur, portant sur quatre aspects.

En premier lieu, le bénéfice de l’avantage fiscal a été subordonné à la réalisation d’un « bouquet » de travaux tel que défini par le 5 bis de l’article 200 quater, sauf pour les contribuables dont le RFR est inférieur à certains plafonds (43). La loi de finances pour 2014 est donc allée plus loin dans la logique engagée par la loi de finances pour 2012 – laquelle prévoyait une bonification des taux dans le cadre des « bouquets » de travaux –, en réservant le bénéfice du crédit d’impôt en « action simple », c’est-à-dire hors « bouquet », aux seuls ménages aux revenus modestes et moyens – étant précisé que les ménages dont les revenus sont inférieurs au plafond fixé représentent plus de 50 % des ménages déclarant des dépenses éligibles au CIDD.

En deuxième lieu, les taux applicables pour les différents équipements ont été harmonisés et simplifiés. Ces taux, issus de réformes successives, étaient disparates, en s’étageant entre 10 % et 40 % selon les équipements, et s’avéraient in fine peu lisibles pour le contribuable. La loi de finances pour 2014 a fixé à 15 % le taux applicable pour toutes les dépenses réalisées en « action simple », donc hors « bouquets » pour les seuls ménages modestes ; le taux applicable pour les dépenses engagées dans le cadre de « bouquets » a été fixé à 25 %, pour tous les contribuables, quel que soit leur niveau de revenu.

Les personnes qui effectuent des dépenses dans le cadre d’un « bouquet » de travaux ont par ailleurs la possibilité de réaliser ces dépenses sur une durée de deux années consécutives, et non plus d’une seule année. Dans ce cas, le fait générateur du crédit d’impôt se situera l’année d’achèvement de ce « bouquet » de travaux. L’avantage fiscal est donc attribué au titre de l’impôt sur le revenu de la seconde année.

En troisième lieu, deux catégories de dépenses ont été retirées du champ du CIDD : les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales et les équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, dans une perspective de recentrage du CIDD. Enfin, les propriétaires bailleurs ont été exclus du bénéfice de l’avantage fiscal, notamment parce qu’ils recourraient peu à ce dispositif et parce qu’ils disposaient d’une alternative, à savoir bénéficier de la déductibilité de ces dépenses de leurs revenus fonciers.

● Les mesures adoptées dans le cadre des lois de finances pour 2011 et pour 2012 ont eu un impact important, puisque, après avoir entamé sa décrue en 2010, la dépense fiscale est passée de plus de 2 milliards d’euros en 2011 à 1,1 milliard d’euros en 2012, puis 673 millions d’euros prévus pour l’année 2013, soit une division par trois en l’espace de deux ans. Cette réduction de la dépense fiscale s’est même avérée plus forte que celle anticipée dans les projections initiales, puisque les documents annexés au projet de loi de finances pour 2012 estimaient la dépense fiscale en 2012 à 1,4 milliard d’euros, contre 1,1 milliard enregistré finalement. La dépense fiscale estimée pour 2014, au titre des dépenses engagées en 2013, apparaît stable, de l’ordre de 620 millions d’euros.

Si le nombre de bénéficiaires n’a pas diminué à due concurrence au cours des dernières années, il est lui aussi en décroissance. Alors que la dépense fiscale a été divisée par deux entre 2011 et 2012, le nombre de bénéficiaires a connu une baisse moins marquée, passant de 1,51 à 1,27 million de foyers fiscaux. Néanmoins, la baisse s’est poursuivie en 2013, le nombre de foyers concernés étant ramené à 850 000. Les réformes du CIDD ont donc conduit à une diminution de l’avantage fiscal moyen pour les ménages qui en ont bénéficié, davantage qu’une réduction drastique du nombre de ces ménages.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE ASSOCIÉE AU CIDD DEPUIS 2005

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

CIDD (en millions d’euros)

400

985

1 873

2 100

2 763

2 625

2 015

1 110

673

620

890

Nombre de bénéficiaires (en millions)

nd

0,992

1,255

1,329

1,559

1,558

1,512

1,269

0,85

Montant moyen du crédit d’impôt
(en euros)

nd

993

1 492

1 580

1 772

1 685

1 333

875

792

Source : tome II du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Sans que l’on puisse définir avec précision l’incidence de chacune des dispositions des lois de finances pour 2011 et pour 2012 (44), la diminution uniforme des taux du CIDD pour les différents équipements a sans doute joué un rôle important, de même que la limitation des avantages fiscaux accordés au solaire photovoltaïque et la suppression de l’avantage fiscal pour les fenêtres hors « bouquets » de travaux en loi de finances pour 2012.

IV. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique constitue l’un des outils qui doivent permettre d’atteindre les objectifs ambitieux définis par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, en cours d’examen au Parlement. Le projet de loi prévoit notamment de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de les diviser par quatre en 2050, mais aussi de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030, tout en divisant par deux la consommation d’énergie finale en 2030.

De fait, la rénovation énergétique des bâtiments revêt un caractère stratégique, alors que, comme le soulignait un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’efficacité énergétique (45), le bâtiment représente 44 % de la consommation finale d’énergie et occupe à ce titre la première place de la demande finale ; il recèle un fort potentiel d’économies et d’efficacité énergétique. Les actions engagées en faveur de la rénovation énergétique des logements ont pour objectifs premiers de réduire la consommation énergétique nationale et de limiter les émissions de gaz à effet de serre, tout en permettant de diminuer la facture énergétique de la France et sa dépendance en la matière. Par ailleurs, la rénovation énergétique répond également à des enjeux sociaux, afin de réduire les charges qui pèsent sur les ménages et de maintenir leur pouvoir d’achat. Enfin, au-delà de ces enjeux écologiques et sociaux, la rénovation énergétique permet de soutenir le développement de la filière de rénovation énergétique et plus globalement, l’activité dans le bâtiment, qui constitue un secteur créateur d’emplois qui ne peuvent être délocalisés.

Le présent article tend donc à rendre sensiblement plus attractif le crédit d’impôt existant, afin de procurer aux ménages une forte incitation à engager des travaux de rénovation.

A. LA SUPPRESSION DE LA CONDITION DE RESSOURCES POUR BÉNÉFICIER DU CRÉDIT D’IMPÔT EN ACTION SEULE, HORS « BOUQUET » DE TRAVAUX

● La première modification proposée par le présent article est de supprimer la condition de réalisation d’un « bouquet » de travaux, pour bénéficier du crédit d’impôt, pour les contribuables dont le RFR excède les plafonds prévus au II de l’article 1417 du code général des impôts. La loi de finances pour 2014 a en effet imposé aux contribuables aux revenus supérieurs à certains seuils de réaliser plusieurs catégories de travaux (par exemple l’achat d’une pompe à chaleur et l’isolation des murs) pour avoir droit au crédit d’impôt. Les ménages plus modestes, en revanche, pouvaient toujours bénéficier du crédit d’impôt au titre d’une seule sorte de travaux, en « action seule ». Le présent article vient supprimer la condition d’un « bouquet » : quel que soit son niveau de ressources, un foyer fiscal bénéficiera du crédit d’impôt à partir d’une seule catégorie de travaux.

Le a) du du B du présent article vient modifier en ce sens le 1 de l’article 200 quater, tout en procédant à une harmonisation rédactionnelle. Corrélativement, le du B du I vient supprimer le 5 bis de l’article 200 quater, lequel définit les conditions d’application d’un « bouquet », à savoir la réalisation de dépenses relevant d’au moins deux des six catégories de travaux qu’il énumère (46).

Enfin, le b) du du B du I vient supprimer une disposition introduite par la loi de finances pour 2012, qui tendait à subordonner l’obtention du crédit d’impôt au titre de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des fenêtres, des volets isolants et des portes d’entrée ouvrant sur l’extérieur, à la réalisation d’une autre catégorie de dépenses, dans les conditions prévues au 5 bis de l’article 200 quater, là encore, dans le cadre d’un « bouquet ». Cette condition n’est toutefois applicable que lorsque l’acquisition de tels matériaux est réalisée pour une maison individuelle – le raisonnement étant que, dans certains cas, l’isolation des fenêtres est le seul travail d’amélioration de l’efficacité énergétique que peut entreprendre un propriétaire sans l’accord de sa copropriété. Parallèlement à la suppression du 5 bis de l’article 200 quater, cette condition applicable à ces dépenses en maison individuelle est donc supprimée.

La suppression de la condition d’un « bouquet » de travaux pour ouvrir droit au CITE vise à inciter les ménages, quel que soit leur niveau de RFR, à entreprendre des travaux de rénovation, même de façon progressive, sans imposer l’engagement de plusieurs dépenses dans un laps de temps réduit – ce laps de temps ayant toutefois été porté à deux ans en loi de finances pour 2014, au lieu d’une année initialement prévu dans le projet de loi.

● Ces différentes modifications sont applicables aux dépenses payées à compter du 1er septembre 2014 (II), afin de produire leurs effets le plus rapidement possible.

Pour ne pas pénaliser les contribuables qui se seraient engagés dans la réalisation d’un « bouquet » de travaux au cours des huit premiers mois de 2014, le du B du I prévoit des dispositions transitoires, visant à ce que le crédit d’impôt s’applique selon les modalités issues de la loi de finances pour 2014, lorsque les dépenses relevant d’au moins deux catégories de travaux énumérées au 5 bis, dans sa rédaction actuelle, sont réalisées au cours de l’année 2014 ou des années 2014 et 2015.

En effet, s’agissant de contribuables dont le RFR excède les plafonds fixés, certains ont pu engager des dépenses d’équipement au cours des huit premiers mois de septembre. S’ils ont réalisé avant le 1er septembre 2014 des dépenses relevant de deux catégories de travaux, ils bénéficieront d’un crédit d’impôt de 25 % au titre de ces dépenses, comme le prévoit l’article 200 quater issu de la réforme de la loi de finances pour 2014. En revanche, s’ils ont engagé une dépense relevant d’une des catégories énumérées au 5 bis avant le 1er septembre 2014, sans avoir eu le temps d’effectuer une deuxième dépense permettant de constituer un « bouquet » de travaux, leur première dépense, en l’absence de dispositions transitoires, n’ouvrirait pas droit à crédit d’impôt, puisqu’elle ne serait qu’en « action seule ». Par souci de sécurité juridique pour le contribuable, le présent article prévoit que dans ce cas, le crédit d’impôt s’applique dans les conditions prévues initialement pour la première dépense : si le contribuable procède à une nouvelle dépense, entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, relevant du 5 bis dans sa rédaction actuelle, sa première dépense ouvrira droit à un crédit d’impôt à hauteur de 25 % – puisque la condition du « bouquet » sera réalisée –, tandis que la deuxième dépense ouvrira droit à un crédit d’impôt de 30 %, compte tenu de l’entrée en vigueur du nouveau taux pour toutes les dépenses à compter du 1er septembre 2014 (voir infra).

La logique est la même pour les contribuables dont le RFR est inférieur aux seuils définis au II de l’article 1417 du code général des impôts : ceux qui ont engagé une dépense au cours des huit premiers mois de 2014, et qui réaliseront une deuxième dépense relevant d’une autre catégorie de travaux d’ici le 31 décembre 2015, bénéficieront d’un taux de 25 %, et non de 15 %, au titre de leur première dépense – la deuxième dépense ouvrant droit à un taux de 30 %.

B. L’AUGMENTATION DU TAUX DU CRÉDIT D’IMPÔT, PORTÉ À 30 % DANS TOUS LES CAS

Le du B du I du présent article vient simplifier les taux du crédit d’impôt, en prévoyant un taux unique de 30 %, pour toutes les catégories de dépenses et quel que soit le niveau de ressources du contribuable. Cette disposition est applicable aux dépenses payées dès le 1er septembre 2014 (II).

La fixation d’un taux unique permet de simplifier le dispositif actuel, qui résultait déjà d’une première refonte des taux applicables. Comme vu supra, la loi de finances pour 2014 a permis de rationaliser les taux de crédit d’impôt, en prévoyant seulement deux taux, de 15 % et de 25 %, venant remplacer une multitude de taux, très différents selon les catégories d’équipements.

Pour autant, la condition de réalisation de « bouquets » de travaux a conduit à une certaine complexité dans l’application des taux de crédit d’impôt. En effet, les six catégories de travaux énumérées au 5 bis précité et ouvrant droit au crédit d’impôt pour les contribuables au-dessus du plafond de ressources ne recouvrent pas l’intégralité des dépenses mentionnées au 1 de l’article 200 quater. Se trouvent ainsi hors de leur champ les dépenses suivantes :

− acquisition de matériaux de calorifugeage ;

− acquisition d’appareils de régulation de chauffage ;

− acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de chaleur ;

− acquisition de volets isolants et de portes d’entrée donnant sur l’extérieur ;

− réalisation de diagnostics de performance énergétique ;

− acquisition et pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques sur les planchers bas sur sous-sol, sur vide sanitaire ou sur passage ouvert.

Comme le souligne l’administration fiscale dans sa mise à jour du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) du 27 juin dernier, ces dépenses ne peuvent donc ouvrir droit au crédit d’impôt au taux de 25 %. Elles n’ouvrent droit au crédit d’impôt au taux de 15 % que si elles sont réalisées soit en « action seule » par un ménage dont le RFR est inférieur aux plafonds fixés, ou si elles interviennent en complément d’un bouquet de travaux, c’est-à-dire en plus de deux autres catégories de travaux.

Par ailleurs, et comme c’était déjà le cas, l’administration fiscale requiert que les dépenses de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées ou opaques portent sur une partie significative des éléments installés pour entrer dans la composition d’un bouquet de travaux. À défaut, ces dépenses ne sont là encore éligibles au crédit d’impôt au taux de 15 % qu’au titre des dépenses réalisées en complément d’un bouquet de travaux ou, pour les ménages modestes, en « action seule ».

Enfin, les dépenses de volets isolants ou de portes d’entrée dans une maison individuelle ne peuvent pas faire partie d’un bouquet de travaux au taux de 25 %, mais ouvrent droit au crédit d’impôt à 15 % si elles sont réalisées en complément d’un bouquet de travaux, et ce, quelles que soient les ressources du contribuable. De même, les dépenses portant sur les parois vitrées dans une maison individuelle entrent dans la composition d’un bouquet de travaux et ouvrent droit à l’avantage fiscal au taux de 25 % si elles portent au moins sur la moitié des parois vitrées de la maison. En revanche, si elles portent sur moins de la moitié des parois vitrées de la maison, elles ouvrent droit au crédit d’impôt au taux de 15 % à condition d’être réalisées en complément d’un bouquet.

Le tableau infra permet de constater l’évolution des taux applicables depuis 2012, et la simplification opérée par le présent article :

(en %)

Nature des dépenses

Taux 2013

Taux à compter de 2014 (jusqu’au 1er septembre)

Taux à compter du 1er septembre 2014

Dépenses isolées

Dépenses dans un bouquet de travaux

Dépenses isolées (1)

Dépenses dans un bouquet de travaux (2)

Chaudières à condensation

10

18

15

25

30

Chaudières à microcogénération gaz

17

26

15

25

30

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées (sous réserve des règles particulières applicables dans les maisons individuelles)

10

18

15

25

30

Volets isolants et portes d’entrée [sous réserve des règles particulières applicables dans les maisons individuelles)

10

non applicable

15

non applicable

30

Matériaux d’isolation des parois opaques et frais de pose de ces matériaux

15

23

15

25

30

Appareils de régulation de chauffage Matériaux de calorifugeage

15

non applicable

15

non applicable

30

Équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable (cas général)

32

40

15

25

30

Panneaux photovoltaïques

11

non applicable

non applicable

non applicable

non applicable

Pompes à chaleur (autres qu’air/air) dont la finalité essentielle est la production de chaleur, à l’exception des pompes à chaleur géothermiques

15

23%

15

25

30

Pompes à chaleur géothermiques dont la finalité essentielle est la production de chaleur

26

34

15

25

30

Pompes à chaleur (autres qu’air/air thermodynamiques produisant exclusivement de l’eau chaude sanitaire

26

34

15

25

30

Pose de l’échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermiques

26

34

15

25

30

Chaudières et équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant au bois ou autres biomasses :

       

30

– cas général

15

23

15

25

30

– en cas de remplacement des mêmes matériels

26

34

15

25

 

Équipements de raccordement à un réseau de chaleur

15

non applicable

15

non applicable

30

Équipements de récupération et de traitement des eaux de pluie

15

non applicable

non applicable

non applicable

non applicable

Frais de diagnostic de performance énergétique

32

non applicable

15

non applicable (1)

30

(1) Uniquement les dépenses réalisées par des contribuables dont le revenu fiscal de référence n’excède pas les plafonds définis au II de l’article 1417 du code général des impôts.

(2) Possibilité de réaliser un bouquet de travaux sur deux années consécutives.

Le taux de 30 % s’avère toujours plus favorable que les taux issus de la réforme de la loi de finances pour 2014, et, dans la quasi-totalité des cas, que les taux applicables en 2012 et 2013, tels qu’issus de la loi de finances pour 2012. Pour ces derniers, quelques exceptions peuvent être relevées, mais uniquement dans des cas très spécifiques de « bouquets » de travaux entraînant une bonification des taux, incluant des pompes à chaleur géothermiques et thermodynamiques, ou encore des chaudières à bois (mais seulement en cas de remplacement de celles-ci).

La réforme proposée est donc beaucoup plus avantageuse pour le contribuable que le droit applicable depuis 2012, dans la très grande majorité des cas. Par ailleurs, elle propose une simplification utile, s’inscrivant dans la volonté du Gouvernement de simplifier la norme fiscale : les règles applicables seront ainsi plus lisibles pour le contribuable.

C. L’EXTENSION DES DÉPENSES ÉLIGIBLES À L’AVANTAGE FISCAL

Le c) du B du I étend le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique à deux nouvelles catégories d’équipement, afin de soutenir leur développement.

Ouvriraient désormais droit à avantage fiscal les appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude dans un bâtiment équipé d’une installation centrale ou alimenté par un réseau de chaleur – en pratique, en copropriété. Ces appareils permettent en effet d’isoler la consommation de chaque copropriétaire et de les responsabiliser davantage.

L’évaluation préalable mentionne qu’environ 900 000 logements seraient concernés en 2015, répartis par moitié entre ceux pour lesquels des robinets thermostatiques sont déjà installés (soit un coût de 31 euros par logement) et ceux pour lesquels ils doivent être installés (soit un coût évalué à 370 euros par logement). Le taux de recours au dispositif est estimé à 20 % pour les logements nécessitant l’installation de robinets et à 5 % pour les autres, compte tenu de la nécessité d’obtenir le vote par l’assemblée générale de copropriété des modalités pratiques de mise en œuvre.

Ensuite, les dépenses afférentes à l’acquisition d’un système de charge pour véhicule électrique ouvriraient également droit à avantage fiscal, et ce afin de favoriser le développement du parc des véhicules électriques et donc le recours à un mode de transport non polluant. L’évaluation préalable fait état d’un volume de ventes attendu de l’ordre de 19 000 véhicules électriques pour 2015, soit environ 26 000 véhicules entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. Il est estimé qu’environ 25 % de ces ventes entraîneront la vente d’une borne de recharge murale éligible – son coût moyen étant évalué à environ 700 euros.

Il convient enfin de noter que les conditions de non cumul du CITE avec d’autres avantages fiscaux sont précisées par le du B du I : outre l’impossibilité de cumuler, pour une même dépense, le bénéfice du CITE avec celui de la réduction ou du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile (prévu par l’article 199 sexdecies du code général des impôts) (47), qui est déjà en vigueur, le présent article dispose que le contribuable ne peut à la fois bénéficier du CITE et d’une déduction de charge pour la détermination de ses revenus catégoriels. Depuis l’imposition des revenus de 2014, les propriétaires bailleurs ne peuvent pas bénéficier du CIDD. Néanmoins, un logement peut changer d’affectation en cours d’année, et être mis en location : la présente disposition vise donc à éviter toute ambiguïté dans ce cas et à ce que le bénéfice du crédit d’impôt ne puisse être cumulé avec le mécanisme de déduction de charges pour la détermination de bénéfices industriels et commerciaux ou de revenus fonciers.

V. L’IMPACT DE LA RÉFORME

Selon les estimations figurant dans l’évaluation préalable, la présente réforme du CIDD, qui le transforme en CITE, devrait occasionner environ 701 millions d’euros de dépenses fiscales supplémentaires en année pleine, pour l’année 2016 (au titre des dépenses engagées en 2015). La répartition de ce coût de 701 millions d’euros entre les différentes mesures serait la suivante :

– 360 millions d’euros au titre de la suppression de la condition de ressources pour bénéficier du CITE en « action seule » ;

– 330 millions d’euros au titre de l’augmentation du taux du CITE à 30 %, contre 15 % ou 25 % auparavant ;

– 10 millions d’euros au titre de l’extension du CITE aux compteurs individuels visant à individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude ;

– 1,5 million d’euros au titre de l’extension du CITE aux bornes de recharge murale pour véhicules électriques.

Compte tenu de l’entrée en vigueur de la réforme dès le 1er septembre 2014, le coût estimé pour l’année 2015, au titre des dépenses engagées au cours des quatre derniers mois de 2014, est estimé à 230 millions d’euros, soit le tiers du coût en année pleine.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 118 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à conditionner le CITE au non-dépassement d’un certain plafond de ressources. Nous avons constaté que le taux de recours au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) pour le décile des ménages les plus riches était onze fois supérieur à celui du décile des ménages les moins aisés. Cela signifie que certains ménages ont dès à présent les moyens de procéder à la rénovation, rentable sur le moyen terme, de leur logement.

Notre amendement vise donc à concentrer l’argent public sur les ménages qui n’ont pas cette capacité, à travers une incitation fiscale qui leur permettra de rentabiliser au plus vite leur investissement : ils pourront rapidement constater une augmentation de leur pouvoir d’achat grâce aux économies réalisées sur leur facture énergétique.

Nous sommes, comme vous, sensibles à l’équilibre des comptes publics. Nous recherchons des économies sur les ménages les plus aisés afin de redéployer ces moyens sur le budget de l’écologie, notamment sur celui des transports. Malgré les efforts consentis, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) est passé de 2,1 milliards d’euros en 2012 à 1,9 milliard d’euros en 2015.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : en renvoyant par trop au décret le soin de fixer le plafond de revenu fiscal de référence conditionnant le bénéfice du CITE, nous pourrions être taxés d’incompétence négative.

La Commission rejette l’amendement I-CF 118.

Elle en vient à l’amendement I-CF 257 de M. Romain Colas.

M. Romain Colas. Je défendrai en même temps mes amendements I-CF 258 à I-CF 262. Je propose que nous adoptions pour le CITE le même dispositif que pour le CICE grâce à l’instauration de la possibilité d’une avance de fonds pour les ménages souhaitant réaliser des travaux de rénovation. Il s’agit de renforcer son caractère incitatif et de soutenir le secteur du bâtiment dans le domaine de la rénovation thermique.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Comment contrôler qu’un devis a bien donné lieu à travaux ? Est-ce que le montant défini par le devis a bien été respecté ? Comment éviter qu’un contribuable ne multiplie les devis sans réaliser les dépenses ensuite ?

M. Olivier Carré. Une grande partie des crédits dévolus aux travaux réalisés dans le cadre de la transition énergétique n’est pas utilisée, car les ménages visés n’ont pas les moyens d’engager ces dépenses extrêmement lourdes dans leur logement. L’État ne finance pas 100 % de ces travaux – ce n’est pas l’objet de la politique suivie – et tout ce que vous proposez existe déjà sous d’autres formes, n’est pas utilisé et ne le sera pas davantage, car cela ne fonctionne pas du tout.

M. le président Gilles Carrez. Cet article vise précisément à supprimer des conditions de ressources qui empêchaient la réalisation des travaux.

M. Romain Colas. Je partage le diagnostic de la Rapporteure générale quant aux imperfections du dispositif qui est proposé. Je retire mes amendements pour les retravailler et les représenter au titre de l’article 88.

L’amendement I-CF 257 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 275 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. L’article 3 vise à faire en sorte que tous les contribuables puissent réaliser des travaux d’amélioration énergétique sans condition de « bouquet » de travaux. Toutefois, mon amendement vise à conserver cette condition de « bouquet » pour les travaux relatifs aux fenêtres et aux volets isolants, dans les seules maisons individuelles. En effet, le marché des fenêtres présente une maturité élevée. Il ne concerne que les maisons individuelles, car, dans les copropriétés, les seuls travaux pouvant être réalisés sans l’aval des copropriétaires sont souvent le remplacement des fenêtres. Il s’agit donc de maintenir le « bouquet » de travaux – permettant, par exemple, de changer les fenêtres et la chaudière en même temps pour vraiment lutter contre les déperditions de chaleur – seulement pour les maisons individuelles.

M. le président Gilles Carrez. Ce type d’aide fiscale peut-il être accordé au locataire lorsque le propriétaire refuse de faire ces travaux ?

M. Marc Goua. Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure par notre collègue Olivier Carré, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a accru de manière considérable les aides au financement de ce type de travaux, au point qu’elle se trouve en rupture de fonds dans l’attente des moyens supplémentaires qui vont lui être alloués.

Néanmoins, les professionnels indiquent que le principe du « bouquet », qui paraissait séduisant, freine certains travaux. Comme le souhaite le ministère de l’écologie, je pense qu’il ne faut pas revenir au système ancien, qui introduit des blocages.

M. Marc Le Fur. Votre souhait de garder le « bouquet » de travaux pour les maisons individuelles m’inspire deux réactions. D’une part, ce système induirait une inégalité un peu surprenante entre différents types de résidents et de contribuables. D’autre part, comme le soulignait notre collègue Marc Goua, ce dispositif est compliqué à mettre en œuvre et il exclut de fait un certain nombre de gens modestes : si les deux types de travaux ne sont pas réalisés la même année, l’avantage fiscal ne peut pas être obtenu. Sortons définitivement de ce dispositif du « bouquet ».

Dans le cadre de l’article 88 du règlement, je déposerai un amendement concernant l’extension aux maisons individuelles des mesures prévues pour les investissements dans des compteurs individuels pour le chauffage et l’eau.

M. Razzy Hammadi. L’expérience des trois ou quatre dernières années montre qu’il existe des failles. D’après les travaux réalisés par les associations de consommateurs dans ce domaine, la France se distingue en Europe par un niveau élevé de dépenses fiscales et d’exonérations dont la réelle efficacité n’est pas forcément mesurée.

Mme Monique Rabin. L’amendement revient sur le principe de la suppression du « bouquet » de travaux, mais seulement pour les maisons individuelles. Cela mériterait une étude d’impact, car beaucoup de gens modestes sont obligés d’étaler les travaux de rénovation de leur maison sur plusieurs années.

Mme Eva Sas. À l’instar de Marc Goua, je pense que la notion de « bouquet » représente un frein à la réalisation de travaux, compte tenu de l’importance des montants en jeu. Les entrepreneurs spécialisés dans la rénovation thermique font d’ailleurs le même constat. En levant cette obligation d’effectuer plusieurs travaux en même temps, nous facilitons la réalisation d’un plus grand nombre de chantiers. Nous devons donc nous en tenir à la suppression, prévue dans cet article, du bouquet de travaux.

Mme Karine Berger. La commission des Finances veille à ce qu’il y ait des mécanismes de contrôle pour vérifier que chaque dépense est efficace et qu’elle répond à l’intérêt général. L’amendement de la Rapporteure générale vise à rappeler qu’il est nécessaire de contrôler ces dépenses fiscales, afin d’apporter la preuve qu’elles atteignent bien l’objectif visé. J’aimerais que, au cours de la journée, l’opposition nous fasse aussi des propositions d’économies de dépense fiscale.

M. Christophe Castaner. Les vérifications sont d’autant plus importantes que ces mesures ont provoqué des effets d’aubaine : sur ces installations, les marges ont augmenté corrélativement aux montants des crédits d’impôt accordés.

L’article 3, qui met en place ce crédit d’impôt dans le cadre de la transition énergétique, vise à l’universalité de l’enjeu, que nous avons rappelée lorsque nous avons écarté la question des revenus. Il faut éviter de prendre le risque qu’un amendement puisse limiter la montée en puissance du CITE et freiner ses effets rapides sur l’activité, l’emploi et l’amélioration de la performance énergétique des logements. Il serait intéressant que nous fixions une « clause de revoyure » et d’évaluation de cet article 3 au cours de l’année, tout en gardant le caractère universel de la proposition initiale.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes tous d’accord pour éviter les effets d’aubaine qui, en l’occurrence, sont relativement réduits. Il est plus ennuyeux de constater que les personnes, qui font réaliser des travaux à leur domicile, ne sont pas toujours très bien conseillées. Il me semble excessif d’exiger la réalisation d’un bouquet de travaux dont le coût prohibitif finit par freiner les rénovations. On peut imaginer que les travaux se déroulent en deux temps – commencer par l’isolation et finir par les panneaux et un chauffe-eau solaires –, mais ce n’est pas du ressort de la loi. L’idée de revenir à ce bouquet de travaux me laisse très dubitatif.

M. Philippe Vigier. Nous sommes tous concernés par l’efficacité de la dépense fiscale et l’évaluation. Ayant animé trois opérations programmées d’amélioration de l’habitat, j’ai constaté que le montage de ce type de dossiers se heurte à des contraintes qui, si elles étaient étendues, deviendraient des obstacles. Dans le cas présent, les contraintes ajoutées empêcheront de vaincre la précarité énergétique et feront baisser le nombre de personnes éligibles au dispositif. Voilà pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

Mme la Rapporteure générale. Je vais retirer cet amendement dans l’attente d’une étude d’impact sur les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la loi de finances initiale de 2012 par nos collègues de l’opposition.

L’amendement est retiré.

L’amendement I-CF 258 de M. Romain Colas est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 44 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Lorsque nous avons créé le CIDD en 2005, la dépense fiscale devait atteindre un rythme de croisière de l’ordre de 1 milliard d’euros. En trois ans, elle est passée à 3 milliards d’euros. Face à cet emballement de la dépense fiscale, la Commission a reçu deux ou trois fois par an le ministre chargé de ce dossier, afin de lui demander des évaluations. Il n’a pas été possible d’obtenir ces évaluations et des mesures correctrices. Résultat, nous avons dû prendre en catastrophe diverses mesures visant à réduire le champ d’application du CIDD : création du « bouquet » de travaux, arrêt de l’aide fiscale au photovoltaïque qui s’emballait outre-mer, avec les tarifs d’achat garantis.

Si nous maintenons un système aussi large que celui qui est proposé avec un taux fixé à 30 %, et si nous ne créons pas un dispositif d’évaluation trimestre par trimestre, la dépense fiscale va s’emballer. Monsieur Le Fur, ces dépenses fiscales répondent certes à des objectifs très louables, mais elles sont financées par la dette. Pour que la dépense fiscale reste sous contrôle, je propose que le taux passe de 30 % à 25 %.

M. Marc Goua. Il se trouve que j’ai rencontré une association qui regroupe des fabricants et des poseurs de chaudières. Ils se satisferaient d’un taux de 25 %, car ils estiment que le taux de 30 %, trop généreux, risque d’entraîner un effet d’aubaine.

M. Charles de Courson. Pour ma part, je soutiens l’amendement de notre président. Dans les offices publics de l’habitat (OPH), on va au-delà de l’aide fiscale et on finance jusqu’à 90 % ou 95 % des rénovations. L’excès d’aide peut être déraisonnable. Il serait intéressant que nous obtenions la consolidation de l’ensemble des aides pour savoir à quel taux global elles aboutissent. Outre le crédit d’impôt, il faut compter les aides de l’ANAH, des communes, des intercommunalités, de la région.

M. Marc Le Fur. Le fuel de chauffage doit augmenter progressivement de 2 à 6 centimes au titre de la contribution climat-énergie, ce qui va pénaliser les contribuables les plus modestes, exclus des réseaux de gaz. Ne pourrait-on conserver le taux de 30 % pour ceux qui font des efforts d’économie d’énergie, alors qu’ils sont obligés de se chauffer au fuel ?

Mme Monique Rabin. Monsieur de Courson, je connais des ménages très modestes et, contrairement à vos affirmations, les aides qui leur sont accordées n’atteignent pas 90 %.

Quant à l’amendement du président, il me paraît intéressant, mais il le serait plus encore si nous nous accordions sur un suivi de ces mesures, en annonçant d’emblée que notre objectif est de stabiliser le CITE, afin de répondre à la fois aux besoins des entreprises et à ceux des particuliers modestes.

Mme Eva Sas. Le CITE est la principale transcription, dans le projet de loi de finances, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Si la disposition est affaiblie, cette loi n’aura pas les moyens d’atteindre ses objectifs ambitieux. C’est pourquoi je souhaite le maintien du dispositif tel que prévu à l’article 3, avec un taux de 30 % : il est le principal outil de la rénovation thermique. Cela étant, je vous rejoins sur le constat d’une dérive de la dépense fiscale et sur la nécessité d’une évaluation. Si vous aviez déposé un amendement demandant une évaluation trimestrielle, je l’aurais approuvé avec plaisir.

M. Christophe Caresche. Comme Mme Sas, je pense que ce serait une erreur de limiter l’impact de ce crédit d’impôt qui a une double vocation : aider les ménages à isoler leur logement pour réduire la consommation d’énergie et soutenir l’activité des entreprises de BTP dont la situation est extrêmement dégradée. Il peut certes y avoir des dérives, mais, à défaut d’incitations fortes à la rénovation, beaucoup de sociétés vont faire faillite.

M. Dominique Lefebvre. Notre commission ne serait pas dans son rôle si elle ne posait pas la question de la soutenabilité budgétaire de ces dispositifs et celle de l’évaluation de leur efficacité. Je n’aurais pas été gêné de voter l’amendement du président Carrez, à titre d’appel. Une autre solution serait de retirer cet amendement pour que nous débattions de ces enjeux dans l’hémicycle.

L’article précédent nous fait sortir d’un système double : d’un côté, des aides accordées sous condition de ressources et pouvant être affectées à une seule dépense ; de l’autre, au-delà d’un certain niveau de revenus, des aides servant à financer un panier de travaux. Ceux qui ont plus d’argent font plus d’efforts et bénéficient d’aides supérieures. L’effet d’aubaine existe. Quels sont les travaux qui auraient été réalisés même sans aides ? La question se pose. Je peux citer mon cas personnel puisque je suis en train de changer les fenêtres d’un appartement où je vais emménager. Avant le 1er septembre, il m’en coûtait 12 000 euros ; grâce aux mesures prévues, je vais bénéficier en 2015 d’un crédit d’impôt de 4 000 euros. De toute façon, j’aurais changé ces fenêtres sans tenter de trouver d’autres travaux à réaliser dans le cadre d’un « bouquet ».

Les objectifs sont clairs : favoriser la transition énergétique et soutenir l’activité économique. Encore faut-il comparer le volume supplémentaire de travaux engendrés par ces mesures avec leur coût budgétaire. Que cet amendement soit adopté comme un amendement d’appel ou qu’il soit retiré, il est nécessaire de relancer dans l’hémicycle le débat sur la nécessité de mesurer l’impact économique de ce crédit d’impôt. Sinon, le dispositif mourra de son insoutenabilité budgétaire, sans que nous ayons cerné les effets d’aubaine et mesuré le surcroît d’activité engendré.

Mme la Rapporteure générale. Avant tout, je voudrais redonner les chiffres concernant le coût du crédit d’impôt : 1,1 milliard d’euros en 2012, 673 millions d’euros en 2013 et 620 millions d’euros cette année. Le taux de 30 % vise à enrayer cette chute. Quoi qu’il en soit, je retiens l’idée d’une évaluation trimestrielle de l’incidence de la dépense fiscale, dans la perspective de nos débats en séance.

M. le président Gilles Carrez. En matière de crédit d’impôt, le taux de 30 % est un peu élevé. J’estime qu’une dépense fiscale ne doit pas dépasser 25 %.

M. Dominique Baert. Monsieur le président, peut-être pourriez-vous nous confirmer que cet amendement, dès lors qu’il ferait réaliser une économie de 100 millions d’euros, pourrait permettre de majorer la dotation de solidarité urbaine (DSU) à due proportion ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Lors du débat que nous avons eu en commission des Affaires économiques, il a été proposé un taux plus favorable pour les personnes qui recourent à des spécialistes.

M. le président Gilles Carrez. Comment définir ces spécialistes ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. C’est bien le problème. La commission des Affaires économiques prône un contrôle accru des investissements.

M. Jean-Louis Gagnaire. Malheureusement, les entreprises certifiées ne représentent que 8 % de l’ensemble des entreprises. Peut-être les taux du crédit d’impôt pourraient-ils être fonction de la qualification de l’entreprise.

Soyons lucides : ces mesures permettent davantage de soutenir le secteur du BTP que de réduire les dépenses énergétiques. Je ne crois pas qu’un crédit d’impôt puisse permettre de réduire les dépenses énergétiques. Je préfère que les entreprises appliquent de vrais tarifs plutôt que de gonfler leurs prix parce qu’un crédit d’impôt existe.

Nous avons eu de nombreuses discussions ici pour savoir s’il fallait ou non élargir l’assiette des dépenses éligibles au taux réduit de TVA. Si cela permet aux entreprises artisanales d’augmenter leurs marges, le crédit d’impôt n’incite pas vraiment les ménages à réaliser des travaux d’isolation.

M. Éric Alauzet. Notre discussion prouve qu’une évaluation est nécessaire pour déterminer si le crédit d’impôt de 30 % va réellement bénéficier aux ménages. Cette étude pourrait également montrer si la mesure a un impact sur le prix de vente des matériaux.

Certes, le taux du crédit d’impôt est élevé, mais, dans la période que nous vivons, nous avons besoin de chocs. Toutefois, il ne faudrait pas que l’on annonce aujourd’hui que le taux du crédit d’impôt sera de 25 %, tandis que la loi sur la transition énergétique prévoit un taux de 30 %. Tous, nous souhaitons de la stabilité et de la lisibilité. Une telle annonce serait détestable.

M. Éric Woerth. De tels dispositifs coûtent extrêmement cher et sont peu maîtrisables. Mieux vaudrait parvenir à baisser l’impôt sans recourir au crédit d’impôt. Comme ce n’est pas possible, je suis favorable au plafonnement du taux du crédit d’impôt.

Par ailleurs, le contrôle est complexe. C’est une bonne idée que de faire appel à des spécialistes, mais cela complexifie le dispositif, alors que le nombre d’experts de toutes sortes qui doivent intervenir est déjà extrêmement élevé pour les propriétaires comme pour les locataires.

M. Dominique Lefebvre. Je propose le retrait de cet amendement afin d’éviter le risque de confusion qu’il peut engendrer. Peut-être pourrions-nous déposer ensemble un amendement relatif au suivi de l’évaluation de la mesure.

M. le président Gilles Carrez. Je retire cet amendement, que je n’avais pas déposé dans un esprit polémique. Je le redéposerai au titre de l’article 88 du règlement.

L’amendement est retiré.

Les amendements I-CF 259 à I-CF 262 de M. Romain Colas sont retirés.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

*

* *

Article 4
Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières de cession
de terrains à bâtir

Cet article vise à traduire dans la loi deux engagements pris par le Premier ministre dans le cadre du plan de relance en faveur du logement rendu public le 29 août 2014.

Aux termes du discours du Premier ministre, « afin d’encourager la vente de foncier privé, nous allons modifier, de façon pérenne, la fiscalité s’appliquant aux plus-values sur les terrains à bâtir. Le régime actuel, établi en 2011 par la précédente majorité, encourage en effet la rétention de ces terrains. Il sera donc remplacé par le régime, plus favorable, qui s’applique à tous les autres immeubles ».

Le Premier ministre a ajouté : « Et pour que les propriétaires concernés vendent vite, nous irons encore plus loin. De manière temporaire, nous allons également accorder un abattement exceptionnel de 30 % de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, lorsque les promesses de vente auront été conclues avant le 31 décembre 2015. »

D’après l’évaluation préalable de cet article, leur coût global s’établirait à 39 millions d’euros dès 2014, à 156 millions d’euros en 2015, à 277 millions d’euros en 2016, à 250 millions d’euros en 2017 puis à 156 millions d’euros à compter de 2018.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Depuis une décennie, et plus particulièrement depuis 2011, la fiscalité applicable aux plus-values immobilières – qui était d’une relative stabilité depuis sa création en 1963 – a fait l’objet de plusieurs modifications importantes.

Dans l’absolu, la fiscalité des plus-values immobilières doit parvenir à une synthèse entre des objectifs divergents :

– lutter contre la spéculation immobilière, en évitant d’offrir un avantage fiscal à la réalisation de plus-values de court terme ;

– éviter d’inciter les contribuables à conserver leurs biens sur de trop longues périodes afin de bénéficier d’un abattement important de leurs plus-values ;

– prendre en compte les évolutions de la conjoncture immobilière afin de jouer un rôle contracyclique.

Sans exposer l’intégralité du régime des plus-values immobilières, il convient de rappeler à titre liminaire les principes de détermination de la plus-value taxable :

– les plus-values liées à la résidence principale sont exclues de cette taxation ; le régime s’applique uniquement aux personnes physiques, dans le champ de leur patrimoine privé, soit directement, soit au travers de sociétés de personnes comme les sociétés civiles immobilières ou des fonds de placement dans l’immobilier ;

– la plus-value imposable est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien ou des droits immobiliers par le cédant, tels que stipulés dans les actes de vente ;

– le prix de cession du bien est diminué des frais de cession effectivement supportés par le cédant : commission de vente, honoraires d’architecte, frais de mainlevée d’hypothèque, frais des diagnostics immobiliers obligatoires ;

– en outre, le prix d’acquisition est majoré forfaitairement de 7,5 % pour tenir compte des frais d’acquisition. Le vendeur peut toutefois choisir de substituer à ce forfait le montant réel des frais supportés à condition qu’ils soient dûment justifiés : frais de contrat, notamment les honoraires du notaire et les commissions d’intermédiaire, les droits d’enregistrement ou de TVA.

– le prix d’acquisition est enfin majoré des éventuels travaux réalisés. Les intérêts d’emprunt ne peuvent pas être pris en compte.

Ces différents éléments permettent de déterminer une plus-value brute dont le montant n’est pas corrigé en fonction d’un élément important, à savoir le temps de détention du bien qui peut être considérable dans le cas de certaines résidences secondaires. Cette prise en compte de l’élément temporel, qui suppose a minima que le montant de la plus-value soit corrigé de l’érosion monétaire, a fait l’objet d’une appréhension législative changeante, parfois contradictoire, depuis la création de cette taxation.

A. UN DISPOSITIF INITIALEMENT FOCALISÉ SUR LA SPÉCULATION (1963-2003)

Lorsque le législateur a instauré une taxation des plus-values immobilières, en 1963, il a souhaité dans un premier temps la limiter aux plus-values sur les terrains à bâtir et sur les profits exceptionnels consécutifs à la revente d’immeubles dans un délai inférieur à dix ans.

Par la suite, la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 a traité différemment les plus-values immobilières de court terme des plus-values immobilières de long terme, en considérant que les premières sont réalisées dans un but purement spéculatif et appellent par conséquent une taxation plus sévère.

Ainsi, étaient distingués trois types de plus-values immobilières :

– les plus-values immobilières réalisées moins de deux ans après l’acquisition d’un bien, assimilées à un revenu, étaient taxées au barème de l’impôt sur le revenu sans application du système du quotient ;

– les plus-values immobilières réalisées entre deux ans et dix ans après l’acquisition ne pouvaient être taxées en application du système du quotient que si le vendeur apportait la preuve de son intention non spéculative ;

– les plus-values immobilières réalisées plus de dix ans après l’acquisition faisaient l’objet d’un abattement de 5 % par année de possession au-delà de la dixième année (et de 3,33 % dans le cas des terrains à bâtir) pour être totalement exonérées à compter de la vingtième année de détention pour les immeubles (et de la trentième année pour les terrains à bâtir).

Le mécanisme de l’abattement pour durée de détention a ensuite été modifié à plusieurs reprises, sans jamais être supprimé :

– la loi de finances pour 1983 a élargi son application à toutes les plus-values réalisées plus de deux ans après l’acquisition du bien (l’exonération étant acquise au bout de vingt-deux ans pour les immeubles et de trente-deux ans pour les terrains à bâtir) ;

– la loi de finances rectificative du 30 décembre 1987 a supprimé le régime plus sévère jusqu’alors applicable aux terrains à bâtir ;

– la loi de finances pour 1991 a baissé le taux de l’abattement annuel applicable au-delà de la deuxième année de détention de 5 % à 3,33 %, avant que la loi de finances rectificative du 23 juin 1993 ne relève ce taux à 5 % ;

– enfin, la loi de finances pour 2004 a modifié le calcul de l’abattement afin qu’il soit applicable l’issue de la cinquième année de détention (et non plus à l’issue de la deuxième) et en portant le taux de l’abattement annuel à 10 %. Les plus-values immobilières étaient par conséquent exonérées lors de toute vente d’un bien acquis depuis plus de quinze ans.

B. UN DURCISSEMENT DU RÉGIME DES ABATTEMENTS (2004-2011)

1. La « débarémisation » des plus-values immobilières en 2004

La loi de finances pour 2004 a cherché, sans totalement y parvenir, à simplifier la fiscalité des plus-values immobilières, en procédant à la « débarémisation » des plus-values immobilières.

Ce terme technique désigne la fin de l’imposition de ces plus-values suivant les tranches progressives de l’impôt sur le revenu, pour les soumettre à un prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 16 %. Ce taux a ensuite été porté à 19 % en 2011, auxquels il faut ajouter les prélèvements sociaux, dont les taux ont été progressivement augmentés pour atteindre aujourd’hui 15,5 %.

Cette mesure a conduit mécaniquement à privilégier fiscalement les plus-values importantes des foyers dont les revenus étaient déjà imposés dans les tranches hautes de l’impôt sur le revenu, tout en ne permettant pas d’appréhender la composition du foyer, notamment le nombre d’enfants.

2. Un durcissement des conditions d’abattement en 2011

La loi de finances rectificative du 19 septembre 2011 (48) a durci le régime d’abattement des plus-values immobilières.

Alors que le projet de loi initial prévoyait une suppression pure et simple de tout abattement, que ce soit pour un immeuble bâti ou non bâti, le dispositif définitivement adopté a finalement été légèrement assoupli au cours de son examen par l’Assemblée. Il s’est traduit par :

– un allongement de deux ans à trente ans la durée de détention du bien immobilier permettant d’obtenir une exonération totale de la plus-value ;

– la fixation d’un mécanisme d’abattement très limité durant les premières années de détention (de 2 % entre la sixième et la dix-septième année de détention), s’accélérant ensuite (de 4 % entre la dix-huitième et la vingt-quatrième année) pour être considérable en fin de période (abattement de 8 % par an jusqu’à la trentième année).

Ces deux mesures concernaient à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, sans opérer de distinction entre les immeubles bâtis et les terrains à bâtir.

Alors qu’il était censé inciter les propriétaires à vendre leur bien entre la dixième et la vingtième année, il est rapidement apparu que, dans un contexte économique particulièrement incertain, ce dispositif a, au contraire, conforté les propriétaires dans l’idée qu’il fallait conserver davantage leur bien pour profiter des abattements importants en fin de période.

C. UN ASSOUPLISSEMENT (2012-2014) 

1. Une tentative de relance amorcée en 2013

Si la première loi de finances rectificative présentée à l’été 2012 par le Gouvernement ne contenait aucune mesure relative aux plus-values immobilières, la loi de finances pour 2013 a largement démontré sa volonté d’apporter un accompagnement fiscal favorable à la construction de logements ; cet accompagnement devait reposer à la fois sur des mesures de durcissement de la législation applicable, afin de dissuader la rétention du foncier, et d’allégement, afin de créer un choc d’offre, en restaurant la distinction, déjà opérée par le passé, entre les immeubles bâtis et les terrains à bâtir.

Ce dispositif prévoyait :

– la suppression de tout abattement pour durée de détention pour les terrains à bâtir ;

– l’intégration des plus-values liées aux ventes de ces terrains dans le barème de l’impôt sur le revenu, supprimant ainsi le mécanisme du prélèvement forfaitaire libératoire ;

– s’agissant des immeubles bâtis, le projet prévoyait en outre un abattement exceptionnel, limité à l’année 2013, correspondant à 20 % de la plus-value nette, applicable uniquement à l’assiette de l’impôt sur le revenu et non à celle des prélèvements sociaux.

Ce dispositif, qui devait constituer un soutien puissant à un secteur commençant à montrer des signes de faiblesses, a toutefois été très largement amputé par une décision du Conseil constitutionnel dont la prise de position était, à certains égards, difficile à prévoir.

Le Conseil a en effet été saisi de l’ensemble de l’article par des députés de l’opposition contestant :

– le caractère « confiscatoire » du prélèvement résultant de la « barémisation » des plus-values liées à un terrain à bâtir ;

– la rupture d’égalité devant l’impôt résultant de la distinction entre immeuble bâtis et immeuble non bâtis ;

– l’absence de prise en compte des capacités contributives résultant de la suppression de l’abattement pour durée de détention.

Dans le considérant 101 de sa décision du 29 décembre 2012 (49), le Conseil constitutionnel s’est focalisé sur le premier moyen soulevé par les requérants ; il a noté qu’en additionnant l’ensemble des impôts pouvant frapper une telle plus-value, notamment en application de la « barémisation », de la contribution exceptionnelle et des trois taxes annexes qui peuvent affecter ces plus-values (l’une obligatoire au profit de l’Agence de services et de paiements, les deux autres facultatives et exclusives l’une de l’autre au profit des communes ou de l’autorité organisatrice des transports urbains), le taux marginal d’imposition pouvait atteindre 82 %, ce qui aurait pour effet de faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives constituant par conséquent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

2. Une mesure particulière adoptée en loi de finances rectificative pour 2012

Dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (50), a été adoptée à l’initiative du précédent Rapporteur général, avec un avis favorable du Gouvernement, une nouvelle taxe sur les plus-values de cessions immobilières portant sur immeubles bâtis dont le montant imposable, déterminé après application des abattements pour durée de détention de droit commun, est supérieur à 50 000 euros.

Il s’agissait de compenser la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes d’HLM (institué en 2010 par l’article L. 423-14 du code de la construction et de l’habitation), par ailleurs prévue par l’article 33 de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (51).

Le produit de cette taxe est affecté, initialement dans la limite de 120 millions d’euros par an, au fonds de péréquation géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). L’article 15 du présent projet de loi de finances abaisse toutefois ce plafond à 45 millions d’euros.

Son barème est établi suivant la formule de calcul suivante, où PV désigne le montant net de la plus-value :

Plus-value imposable
(en euros)

Barème

De 50 001 à 60 000

2 % PV–(60 000-PV) × 1/20

De 60 001 à 100 000

2 % PV

De 100 001 à 110 000

3 % PV–(110 000-PV) × 1/10

De 110 001 à 150 000

3 % PV

De 150 001 à 160 000

4 % PV–(160 000-PV) × 15/100

De 160 001 à 200 000

4 % PV

De 200 001 à 210 000

5 % PV–(210 000-PV) × 20/100

De 210 001 à 250 000

5 % PV

De 250 001 à 260 000

6 % PV–(260 000-PV) × 25/100

Supérieur à 260 000

6 % PV

3. Des mesures d’allégement fiscal en loi de finances pour 2014

La loi de finances initiale pour 2014 a envisagé à nouveau trois mesures importantes.

a. Le régime d’abattement des plus-values immobilières des immeubles bâtis ramené à vingt-deux ans pour le seul impôt sur le revenu

L’article 27 de la loi de finances initiale pour 2014 (52) a prévu une mesure consistant à envisager, en plus de la distinction entre immeubles bâtis et terrains à bâtir, un régime d’abattement différent applicable aux plus-values immobilières (PVI) suivant qu’il s’agit des prélèvements sociaux ou du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) de l’impôt sur le revenu.

S’agissant des immeubles bâtis, cet article a prévu un cadencement des abattements permettant une exonération totale au bout de vingt-deux ans au titre de l’impôt sur le revenu, et de trente ans au titre des prélèvements sociaux.

RÉGIME D’ABATTEMENT DES PVI PESANT SUR LES TERRAINS BÂTIS ISSU
DE L’ARTICLE 27 DE LA LFI 2014

Durée de détention

Montant de l’abattement annuel sur la PVI

PFL de l’impôt sur le revenu

Prélèvements sociaux

De 6 à 21 ans

6 %

1,65 %

La 22e année

4 %

1,6 %

De 23 à 30 ans

9 %

b. Un abattement exceptionnel de 25 % pour les immeubles bâtis

Poursuivant et amplifiant la logique de l’automne 2012, cet article 27 a par ailleurs prévu un abattement exceptionnel, au seul bénéfice des terrains bâtis, correspondant à 25 % du montant de la plus-value nette réalisée.

Cette disposition allait donc plus loin que la disposition déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013 :

– le montant de l’abattement n’était plus de 20 % mais de 25 % ;

– il concernait à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, alors que l’abattement prévu en 2013 ne devait concerner que l’imposition sur les revenus ;

Cet abattement s’appliquait aux cessions intervenues entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, pour un coût évalué à 145 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 100 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

En nouvelle lecture, le Gouvernement a en outre étendu ce dispositif aux cessions intervenues jusqu’au 31 décembre 2014 s’agissant des biens immobiliers situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dans lesquelles il existe « un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant », selon les termes retenus dans le cadre de la taxe annuelle sur les logements vacants (53).

c. Un durcissement de la fiscalité applicable aux terrains à bâtir en partie censuré

L’article 18 du projet de loi de finances pour 2014, poursuivant la logique de l’année précédente, prévoyait un durcissement de la fiscalité applicable aux terrains à bâtir.

Non seulement ces plus-values ne devaient pas entrer dans le champ de l’abattement exceptionnel de 25 %, mais encore l’article prévoyait-il à nouveau une suppression de tout abattement pour durée de détention pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. On rappellera d’ailleurs qu’à l’initiative du précédent Rapporteur général, un amendement a été voté à l’Assemblée nationale afin de reporter du 1er janvier au 1er mars 2014 l’entrée en vigueur de la suppression de cet abattement.

Dans sa décision sur le projet de loi de finances pour 2014, le Conseil constitutionnel a précisé à nouveau sa jurisprudence en matière de plus-values immobilières en censurant le principe d’une suppression de l’abattement pour durée de détention.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel précise pour la première fois que « l’application de règles fiscales différentes à la plus-value brute résultant de la cession de terrains à bâtir et de droits s’y rapportant, d’une part, et à la plus-value brute résultant de la cession d’autres biens ou droits immobiliers, d’autre part, ne méconnaît pas, en elle-même, le principe d’égalité devant la loi », écartant ainsi le grief relatif à la rupture d’égalité devant les charges publiques résultant de cette différence de traitement.

Dans un second temps, le Conseil constitutionnel indique que l’assujettissement de ces plus-values immobilières à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux « sans que soit prise en compte l’érosion de la valeur de la monnaie ni que soit applicable aucun abattement sur le montant de la plus-value brute calculée (...) conduit à déterminer l’assiette de ces taxes dans des conditions qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables intéressés ; que, dans ces conditions, les dispositions (...) contestées portent atteinte à l’égalité devant les charges publiques ».

En conséquence, le Conseil a ciblé sa censure de telle manière que les plus-values des terrains à bâtir restent soumises au régime antérieur fixé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011, évitant ainsi de dégrader les recettes fiscales par rapport à l’état du droit.

Dans son commentaire, le Conseil constitutionnel apporte plusieurs éléments de compréhension de sa décision :

– lorsque la plus-value frappée par l’impôt est purement nominale, la taxation conduit à frapper une fraction du capital initial, ce qui est contradictoire avec l’objet d’une taxe censée frapper l’enrichissement qui résulte de l’augmentation de la valeur du bien ;

– même en cas de plus-value réelle, l’absence d’application d’un coefficient de dépréciation monétaire ou d’un abattement pour durée de détention peut conduire à renchérir l’imposition, voire aboutir à une imposition équivalente ou supérieure à la totalité de la plus-value réelle, ce qui constituerait une taxation confiscatoire.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Rompant avec la logique antérieure, le présent projet de loi de finances prévoit d’inciter à la libération du foncier constructible en allégeant le régime d’abattement et en l’alignant sur celui applicable aux immeubles bâtis.

De fait, l’ensemble des mesures prévues par le présent article porte sur des terrains à bâtir dont il n’est pas inutile de rappeler la définition juridique.

la définition du terrain à bâtir retenue par le présent article

Aux termes du 1° du 2 du I de l’article 257 du code général des impôts, sont considérés comme terrains à bâtir « les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou des dispositions de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ».

Doivent ainsi être considérés comme terrains à bâtir, sous réserve des dispositions particulières aux zones littorales ou de montagne, les terrains situés dans les zones urbaines (U), les zones ouvertes à l’urbanisation des zones à urbaniser (AU), les zones constructibles des cartes communales, les parties constructibles des communes et les périmètres constructibles en zones naturelles et forestières (NB, NC et ND).

Cette définition objective du terrain à bâtir, qui repose sur un critère de constructibilité, est adaptée pour opérer la distinction entre les terrains constructibles et ceux qui ne le sont pas. Elle est toutefois insuffisante pour identifier, au sein de la catégorie des terrains constructibles, ceux sur lesquels un bâtiment a effectivement été édifié.

L’instruction 3 A-9-10 du 29 décembre 2010 apporte donc de nombreuses précisions relatives à la notion de terrain à bâtir en s’appuyant également sur les distinctions opérées dans le régime de la TVA immobilière.

Ainsi, peut seul constituer un terrain à bâtir un terrain qui ne comporte pas d’ores et déjà des bâtiments, au sens de constructions incorporées au sol, qu’il s’agisse d’immeubles neufs ou achevés depuis plus de cinq ans. L’instruction précise qu’une intention de démolir un immeuble existant ne suffit pas à caractériser un terrain à bâtir. En sens inverse, elle indique qu’un immeuble dont l’état le rend impropre à un quelconque usage doit être assimilé à un terrain à bâtir (il peut s’agir d’une ruine résultant d’une démolition plus ou moins avancée, d’un bâtiment rendu inutilisable par suite de son état durable d’abandon, d’un immeuble frappé d’un arrêté de péril ou d’un chantier inabouti).

La distinction entre terrain à bâtir et immeuble bâti trouve toute sa portée lorsque l’un et l’autre sont réunis dans une même mutation. En règle générale, une division parcellaire devra intervenir préalablement à la mutation, permettant de distinguer la part de l’emprise libre de constructions, dont la cession sera taxée comme terrain à bâtir, et la part déjà bâtie. En revanche, lorsqu’en cas de cession conjointe d’un terrain et d’un bâtiment, l’emprise susceptible d’être qualifiée comme terrain à bâtir à raison de ce qu’elle est libre de construction (voire occupée par une construction devenue impropre à tout usage) ne constitue que le prolongement direct et accessoire d’un bâtiment lui-même en état d’être utilisé, l’ensemble sera considéré en tant qu’immeuble bâti s’il est identifié de la sorte comme une seule parcelle pour l’établissement du plan cadastral, ou comme un seul lot dans un règlement de copropriété ou un état descriptif de division.

A. L’ALIGNEMENT DES RÉGIMES D’ABATTEMENT

Le I de cet article conduit à aligner le régime de taxation des plus-values des terrains à bâtir sur celui des immeubles bâtis à compter du 1er septembre 2014.

Cet alignement emporte deux conséquences différentes, suivant que l’on considère l’impôt sur le revenu ou les prélèvements sociaux :

– s’agissant de l’impôt sur le revenu, son exonération totale est obtenue au bout de vingt-deux années au lieu de trente, moyennant un cadencement permettant de préserver une certaine linéarité de l’abattement ;

– s’agissant des prélèvements sociaux, l’alignement sur le cadencement en vigueur pour les terrains bâtis est au contraire légèrement moins favorable que celui en vigueur depuis la loi de finances rectificative pour 2011.

Régime d’abattement des PVI pesant sur les immeubles bâtis (LFI 2014)

Durée de détention

Montant de l’abattement annuel sur la PVI

Impôt sur le revenu

Prélèvements sociaux

De 6 à 21 ans

6 %

1,65 %

La 22e année

4 %

1,6 %

De 23 à 30 ans

9 %

Le nouveau régime d’abattement sur vingt-deux ans permet, s’agissant de l’impôt sur le revenu, d’obtenir un profil plus régulier que celui en vigueur, permettant d’assurer une certaine neutralité vis-à-vis des choix patrimoniaux qui seront opérés par le redevable.

COMPARAISON DE LA CADENCE DE L’ABATTEMENT POUR DURÉE DE DÉTENTION
AU TITRE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU EN APPLICATION DU DROIT EN VIGUEUR
ET DE LA RÉFORME PROPOSÉE


À l’inverse, l’alignement des deux régimes mentionné précédemment conduit, s’agissant des prélèvements sociaux, à substituer au cadencement issu de la loi de finances rectificative pour 2011 celui prévu par la loi de finances initiale pour 2014.

ÉVOLUTION DU CADENCEMENT DE L’ABATTEMENT
AU TITRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

Cadencement issu de la LFR 2011

Cadencement issu de la LFI 2014

De 6 à 17 ans

2 %

De 6 à 21 ans

1,65 %

De 18 à 24 ans

4 %

La 22e année

1,6 %

De 25 à 30 ans

9 %

De 23 à 30 ans

9 %

De ce fait, le profil de la courbe d’abattement est plus « creusé » que celle actuellement en vigueur. Ce choix s’explique essentiellement pour des considérations budgétaires, dans la mesure où l’application du cadencement applicable à l’impôt sur le revenu aurait été relativement coûteuse.

COMPARAISON DE LA CADENCE DE L’ABATTEMENT POUR DURÉE DE DÉTENTION
AU TITRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX EN APPLICATION DU DROIT EN VIGUEUR
ET DE LA RÉFORME PROPOSÉE

B. LA CONCENTRATION DE L’ABATTEMENT EXCEPTIONNEL CENTRÉ SUR LES TERRAINS À BÂTIR

Le II du présent article prévoit en outre un abattement exceptionnel du montant de la plus-value taxable destiné à créer un choc d’offre de terrains constructibles.

Le présent abattement mérite d’être bien distingué de ceux envisagés en loi de finances initiale pour 2013 et 2014. En effet, l’abattement exceptionnel envisagé par l’article 10 du projet de loi de finances pour 2013 présentait les caractéristiques suivantes :

– il portait sur 20 % de la plus-value ;

– il était limité aux terrains bâtis ;

– l’abattement n’était applicable qu’au titre l’impôt sur le revenu et non aux prélèvements sociaux.

Le coût net de cette mesure était chiffré à 260 millions d’euros en 2013 et 25 millions d’euros en 2014.

Compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel, un dispositif comparable limité aux terrains bâtis a été adopté en loi de finances initiale pour 2014, l’abattement exceptionnel étant toutefois porté à 25 % et s’appliquant à la fois sur les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu. Le coût de ce nouvel abattement était évalué par le Conseil supérieur du notariat, en l’absence de chiffrage transmis par le Gouvernement, à 145 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 100 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

La présente mesure présente les caractéristiques suivantes :

– le montant de l’abattement est porté à 30 % de la plus-value taxable ;

– cet abattement est pris en compte au titre de l’impôt sur le revenu mais aussi des prélèvements sociaux ;

– il porte uniquement sur les terrains à bâtir ;

– il est applicable aux cessions pour lesquelles une promesse de vente est signée entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, soit une durée totale de l’abattement d’un an et quatre mois, contre une année dans les dispositifs prévus antérieurement ;

– la promesse de vente doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse à acquis date certaine. Le présent dispositif se traduira donc par des dépenses budgétaires jusqu’à la fin de l’année 2017.

Les trois derniers alinéas du présent article conduisent enfin à exclure du bénéfice de l’abattement exceptionnel les cessions aux conjoints, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), au concubin notoire, à un ascendant ou un descendant du cédant ou de l’une des personnes précitées.

C. LE COÛT DU PRÉSENT DISPOSITIF

D’après les informations transmises par le Gouvernement, le coût des deux mesures envisagées dans cet article s’établit à 39 millions d’euros dès 2014, 156 millions d’euros en 2015, 277 millions d’euros en 2016, 250 millions d’euros en 2017 puis 156 millions d’euros à compter de 2018.

S’agissant en premier lieu du coût de l’alignement du régime d’abattement entre les terrains à bâtir et les immeubles bâtis, le chiffrage est réalisé à partir des données disponibles au premier semestre de l’année 2014. À partir de ces données, le coût en année pleine au titre de l’impôt sur le revenu s’établirait à 175 millions d’euros, tandis que le nouveau cadencement légèrement moins favorable des abattements au titre des prélèvements sociaux engendrerait une recette fiscale de 19 millions d’euros. Pour l’année 2014, le Gouvernement retient l’hypothèse d’une application sur trois mois du nouveau dispositif, soit un coût de 44 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et un gain de 5 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

S’agissant de l’abattement exceptionnel de 30 % entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, le Gouvernement évalue le coût du dispositif en année pleine à 62 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et à 99 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

Il fait en outre l’hypothèse que la vente intervient dix-huit mois après la promesse de vente. Suivant ces hypothèses, l’abattement exceptionnel produirait ses effets uniquement entre avril 2016 et juillet 2017.

Par conséquent, le coût de l’abattement exceptionnel devrait, selon le Gouvernement, être de 47 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu (IR) (soit 62 x 9/12) et de 74 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux (PS) (soit 99 x 9/12) pour l’année 2016. Au titre de l’année 2017, le coût s’établirait selon les mêmes calculs à 36 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et à 58 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

SYNTHÈSE DU COÛT DU DISPOSITIF SELON LE GOUVERNEMENT

(en millions d’euros)

Mesure

2014

2015

2016

2017

À compter de 2018

Alignement du régime d’abattement des terrains à bâtir

39

156

156

156

156

– dont IR

44

175

175

175

175

– dont PS

– 5

– 19

– 19

– 19

– 19

Abattement exceptionnel de 30 %

0

0

121

94

0

– dont IR

0

0

47

36

0

– dont PS

0

0

74

58

0

TOTAL

39

156

277

250

156

synthèse des mesures récentes concernant les plus-values immobilières

Loi

Immeubles bâtis

Terrains à bâtir

Remarque

LFI 2004

– Débarémisation des PVI (bâti et non bâti) au profit d’un PFL de 16 % + prélèvements sociaux (15,5 %).

– Maintien du régime d’abattement antérieur sur 22 ans (5 % par an de 2 à 22 ans), applicable IR et PS.

 

LFI 2011

– PFL porté à 19 %.

 

LFR 2011 (septembre)

– Abattement allongé à 30 ans (IR et PS) :

Ø 2 % par an de la 6e à la 17e année ;

Ø 4 % de la 18e à la 24e année ;

Ø 8 % de la 25e à la 30e.

Le projet initial prévoyait la suppression totale de tout abattement pour durée de détention.

Le cadencement sur 30 ans résulte d’un amendement parlementaire.

LFI 2013

Immeubles bâtis : Abattement exceptionnel 2013 de 20 % (IR et non PS).

Terrains à bâtir :

– Adoption de la suppression de tout abattement pour durée de détention (IR et PS) ;

– Intégration des PVI au barème de l’IR.

Censure de l’ensemble des mesures par le Conseil constitutionnel.

(imposition confiscatoire dans certains cas du fait de la barémisation des PVI sur les terrains à bâtir)

LFR 2012 (décembre)

Immeubles bâtis : surtaxe pour les PVI supérieures à 50 000 euros (jusqu’à fin 2015) au taux progressif de 2 % à 6 %.

   

LFI 2014

Immeubles bâtis :

– Abattement exceptionnel de 25 % jusqu’au 31 août 2014 (IR et PS) ;

– Réforme du régime d’abattement :

Ø IR (sur 22 ans) : 0 % de 0 à 5 ans, 6 % de 5 à 21 ans, 4 % la 22année

Ø PS (sur 30 ans) : 1,65 % de 0 à 5 ans, 1,60 % de 5 à 21 ans, 9 % de 22 à 30 ans

Terrains à bâtir :

– Adoption de la suppression de l’abattement pour durée de détention (IR et PS).

Censure de la mesure concernant les terrains à bâtir par le Conseil constitutionnel

(taxation d’un capital virtuel)

PLF 2015

 

Terrains à bâtir :

– Abattement exceptionnel de 30 % jusqu’au 31 décembre 2015 (IR et PS) ;

– Réforme du régime d’abattement :

Ø IR sur 22 ans : 6 % de 5 à 21 ans, 4 % la 22e année ;

Ø PS sur 30 ans mais selon le cadencement prévu en LFI 2014 pour les immeubles bâtis.

 

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 146 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La mesure proposée par le présent article va certes dans le bon sens, mais il est nécessaire de la rendre pérenne.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’article 4 vise à créer un choc d’offre. Le coût de l’abattement est estimé à 160 millions d’euros.

M. le président Gilles Carrez. En 1976, lorsque je suis entré au ministère de l’équipement, on estimait déjà qu’il fallait taxer la rétention des terrains à bâtir en augmentant le taux de la fiscalité en fonction de la durée de détention. Cette idée a fini par triompher en 2011, ce qui a provoqué une paralysie. En zone urbaine, les terrains à bâtir se confondent souvent avec les terrains sur lesquels on détruit un pavillon pour construire un immeuble. Avoir un dispositif fiscal différent pour un terrain à bâtir et un terrain déjà bâti est absurde.

Sur un plan psychologique, une fiscalité qui augmente en fonction de la durée de la détention exacerbe au contraire le comportement de rétention : le détenteur du terrain s’estimant lésé, il ne met pas son bien sur le marché. La commission des Finances doit mettre un terme à cette idée absurde selon laquelle on parviendrait à fluidifier le marché en taxant progressivement en fonction de la durée de détention. Toutes les tentatives qui ont été faites depuis quarante ans ont été vouées à l’échec. Voilà pourquoi l’amendement de Charles de Courson me paraît prima facie intéressant.

La fiscalité sur les plus-values immobilières a été stable de façon quasiment miraculeuse, qu’il s’agisse de terrains à bâtir ou de terrains bâtis, pendant une vingtaine d’années, avec une exonération au bout de vingt-deux ans. Puis est arrivé au ministère du budget un homme très éminent qui avait par ailleurs exercé la profession de notaire et qui était persuadé que, en ramenant le délai à quinze ans, on augmenterait le nombre de mutations et en conséquence la recette. En 2004, l’exonération est passée de vingt-deux à quinze ans. Mais, dès 2011, elle a été portée à trente ans. De telles pratiques sont détestables, car il s’agit d’investissements à long terme. En la matière, il faut donner de la visibilité et de la stabilité.

M. Christophe Caresche. L’année dernière, le Gouvernement avait dissocié les mesures d’abattement sur les plus-values immobilières des terrains bâtis et des terrains à bâtir. Mais le Conseil constitutionnel avait censuré le régime concernant les terrains à bâtir. Le régime, qui sera donc le même pour les terrains à bâtir et les terrains bâtis, prévoit une exonération au bout de vingt-deux ans et non plus de trente ans, et un abattement progressif plus rapide.

Par ailleurs, le Gouvernement propose un abattement supplémentaire exceptionnel de 30 % sur les plus-values de cession jusqu’au 31 décembre 2015. L’amendement de M. de Courson vise à rendre pérenne l’abattement alors qu’il doit être exceptionnel.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez raison, monsieur Caresche. J’avais mal compris l’amendement de M. de Courson.

M. Dominique Lefebvre. Il ne faut pas rendre pérenne l’abattement de 30 %. Il sera toujours temps, dans dix-huit mois, en fonction du rythme d’accélération des mutations, de voir s’il est nécessaire de prolonger le dispositif.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas pourquoi le président Gilles Carrez a changé d’avis. Le Gouvernement propose un abattement supplémentaire exceptionnel d’une durée de seize mois : ce n’est pas une bonne mesure. Il faut pérenniser le dispositif au moins jusqu’à la fin de la législature pour donner de la visibilité. Je suis sûr que l’évaluation de cette mesure exceptionnelle n’aboutira à rien.

M. Marc Le Fur. On prend des mesures fiscales pour inciter les propriétaires de terrains à les mettre sur le marché. Le vrai sujet n’est pas fiscal, mais réglementaire. Au travers des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU), on est en train d’organiser la rareté des terrains à bâtir, même là où ils sont nombreux, et donc de renchérir le coût de la construction. Si l’on veut que les terrains ne soient pas chers, au moins dans certaines zones, encore faut-il s’affranchir de dispositions réglementaires qui sont devenues aujourd’hui contre-productives.

M. Éric Alauzet. En l’état actuel, il est difficile de savoir si l’abattement exceptionnel de 30 % sera efficace ou non. C’est pourquoi je souhaiterais que le dispositif soit évalué lorsqu’il prendra fin.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 4 sans modification.

*

* *

Article 5
Aménagement de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire – Dispositif « Pinel »

S’inscrivant dans le Plan de relance du logement présenté par le Gouvernement le 29 août dernier, le présent article vient réformer le dispositif fiscal de soutien à l’investissement locatif intermédiaire dit « Duflot », rebaptisé « Pinel », afin d’accroître son attractivité, alors que le nombre d’investissements locatifs réalisés dans ce cadre en 2013 a été moins élevé qu’escompté.

La réforme proposée vise à donner davantage de souplesse au dispositif, en permettant aux investisseurs de moduler la durée de leur engagement de location, de six ans à douze ans, au lieu d’une durée unique de neuf ans, tout en faisant varier parallèlement les taux de la réduction d’impôt, qui varieraient entre 12 % et 21 % en métropole et entre 23 % et 32 % en outre-mer, au lieu respectivement de 18 % en métropole et 29 % en outre-mer dans le droit en vigueur. Il est également proposé d’ouvrir la possibilité pour les investisseurs de louer le bien donnant droit à avantage fiscal à un ascendant ou à un descendant, et d’augmenter la base de la réduction d’impôt, de 95 % à 100 % de la souscription, pour les investissements réalisés par l’intermédiaire de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).

Entrant en vigueur, pour deux d’entre eux, dès le 1er septembre 2014, les aménagements ainsi proposés devraient permettre d’atteindre un objectif de 40 000 logements bénéficiant du « Pinel » en 2014 et 50 000 logements en 2015 et 2016, au lieu de 35 000 en 2013. Ils devraient occasionner une dépense fiscale supplémentaire de 7 millions d’euros en 2016 et 33 millions d’euros en 2017 – la dépense fiscale au titre du « Duflot-Pinel » étant évaluée à 21 millions d’euros en 2014 et à 110 millions d’euros en 2015.

I. L’ÉTAT DU DROIT : UN DISPOSITIF DE SOUTIEN FISCAL EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT LOCATIF INTERMÉDIAIRE INSTAURÉ EN 2013

A. LA SUCCESSION DES MESURES INCITATIVES

Le dispositif « Duflot », introduit par la loi de finances pour 2013 (54) et applicable à compter du 1er janvier 2013, est venu s’inscrire dans la lignée des différentes aides au secteur locatif neuf qui se sont succédé depuis trois décennies. Si plusieurs de ses conditions d’application sont tout à fait novatrices, le cadre général retenu s’inspire du dispositif « Scellier », qui est venu à échéance au 31 décembre 2012 (55), lequel a lui-même pris la suite de différents dispositifs d’aide fiscale à l’investissement locatif.

● Depuis 1985, différents dispositifs fiscaux ont été introduits afin d’encourager l’investissement locatif des particuliers.

Présentation des différents dispositifs incitatifs à l’investissement locatif applicables jusqu’en 2009

Le premier dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif, dit « Quilès », a été mis en place en 1985. Il accordait une réduction d’impôt plafonnée, permettant aux investisseurs personnes physiques et aux sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés de soustraire de leur impôt une fraction de leur investissement (5 % étalés sur deux ans) en échange d’un engagement de location durant 6 ans. Le « Quilès-Méhaignerie » l’a ensuite remplacé deux ans plus tard en doublant l’avantage fiscal.

En 1993, un « Quilès-Méhaignerie intermédiaire » a également été mis en place. Il triplait l’avantage initial du « Quilès » pour les investisseurs qui respectaient des loyers plafonnés et des plafonds de ressources pour leurs locataires au niveau du logement locatif intermédiaire, en distinguant deux zones : Paris et la province.

En 1996, le dispositif « Périssol » a introduit un changement de logique fiscale et d’échelle d’intervention publique. La déduction fiscale a en effet laissé place à un système d’amortissement permettant à l’investisseur de déduire de ses revenus fonciers un pourcentage du prix d’acquisition du bien pendant plusieurs années, ce qui génère alors un déficit (ou éventuellement un moindre bénéfice), et donc une diminution du revenu imposable global. En fixant le niveau de l’amortissement à 80 % sur vingt-quatre ans (10 % du prix d’acquisition chaque année pendant quatre ans, puis 2 % pendant les vingt années suivantes), le dispositif « Périssol » a fortement accru l’attractivité de l’aide, ce qui a induit un triplement de la dépense fiscale annuelle, qui est passée de 200 à 600 millions d’euros.

Le dispositif « Besson » a remplacé le « Périssol » à l’été 1999. Outre une réduction de l’amortissement cumulé à 50 %, cette nouvelle mesure avait la caractéristique principale de cibler le locatif intermédiaire, avec des plafonds de loyers et des plafonds de ressources pour les locataires, établis sur la base du zonage historique du logement locatif social qui distingue quatre zones : zone I bis (Paris et les communes limitrophes), zone I (reste de l’Île-de-France), zone II (agglomérations de plus de 100 000 habitants), zone III (reste de la France). La territorialisation du dispositif visait alors à adapter les caractéristiques de l’aide aux réalités des marchés locaux (loyers de marché, revenus moyens des populations).

En 2003, le « Robien » s’est substitué au « Besson » en atténuant les contraintes pour les investisseurs, par la suppression du plafond de ressources pour les locataires et la hausse des plafonds de loyers, pour les situer au niveau du marché. Un nouveau découpage en trois zones (A, B et C) a également été élaboré pour mieux prendre en compte la réalité des tensions des marchés locatifs locaux. Le 1er septembre 2006, ce zonage a d’ailleurs été revu afin de limiter les constructions dans les secteurs de moindre tension, alors même que certains investissements peu viables économiquement, et peu utiles pour le marché locatif, avaient été favorisés par le « Robien » dans sa première version. Une subdivision de la zone B a été mise en place pour créer une zone B2 avec un plafond de loyer inférieur ; en outre, le plafond de loyer de la zone C a été diminué. Le dispositif avec ces nouvelles caractéristiques a alors été dénommé « Robien recentré ».

Cette révision du « Robien » a par ailleurs été accompagnée de la création d’un nouveau dispositif, proche du « Besson » : le « Borloo populaire ». Plus incitatif que le « Robien recentré », il ciblait le logement intermédiaire.

À la suite de la crise immobilière de 2008, une nouvelle incitation fiscale en faveur de la construction neuve a été introduite, visant à corriger certains des défauts présentés par les dispositifs antérieurs. La réduction d’impôt « Scellier », créée à l’initiative de l’Assemblée nationale, est ainsi entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2009.

Elle reposait sur des critères d’application simples : un taux de 25 % de réduction d’impôt – abaissé à 22 % pour les logements dits « BBC » (56) et à 13 % pour les logements non-BBC pour l’année 2011, puis ramené à 13 % pour les logements BBC et 6 % pour les autres en 2012 (57) – était appliqué au prix de revient de l’investissement dans les limites d’un plafond de 300 000 euros comprenant les éventuels travaux de réhabilitation. Le montant de la réduction d’impôt obtenue est réparti en parts égales sur les neuf années constituant la durée minimale de l’engagement de location.

En dehors des variations de son taux, les règles d’application du dispositif « Scellier » sont demeurées stables :

– les bénéficiaires de cette mesure sont des personnes physiques qui réalisent des investissements locatifs directement ou par l’intermédiaire de sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés. Ils peuvent également bénéficier de la réduction d’impôt au titre de la souscription au capital d’une société civile de placement immobilier (SCPI), sous certaines conditions ;

– les logements acquis ou construits doivent être loués à une personne autre qu’un membre du foyer fiscal en tant que résidence principale pendant une durée minimale de neuf ans. L’engagement de location doit être effectif dans les douze mois suivant la date d’achèvement du logement ou de son acquisition ;

– la réduction d’impôt est majorée si les logements construits présentent une performance énergétique supérieure à ce qu’impose la législation en vigueur ;

– les logements dont l’acquisition ou la construction ouvre droit à la réduction d’impôt doivent être situés dans une commune caractérisée par une tension entre l’offre et la demande de logements, à savoir dans les zones A bis, A, B1 et B2. Toutefois, depuis la loi de finances initiale pour 2010, les communes situées en zone C peuvent bénéficier de la réduction d’impôt lorsqu’elles font l’objet d’un agrément délivré par le ministre chargé du logement tenant compte des besoins en logements constatés localement ;

– un investissement dans le secteur intermédiaire permet également de bénéficier de la déduction spécifique de 30 % du montant des loyers perçus sur les revenus fonciers pendant la période d’engagement de location, ainsi que d’un supplément de réduction d’impôt de 5 points par période triennale, reconductible une fois, si la location est poursuivie dans les mêmes conditions au-delà de la durée minimale d’engagement de location.

● Le coût annuel (58) cumulé des différentes mesures qui se sont succédé en faveur de l’investissement locatif neuf a fortement augmenté en trente ans. Il est ainsi passé de 345 millions d’euros en 1989 à 1,395 milliard d’euros en 2013, avec des prévisions de 1,574 milliard pour l’année 2014 et de 1,613 milliard pour l’année 2015. Il convient de noter que le dispositif « Scellier », à lui seul, représente près de la moitié de la dépense fiscale prévue pour 2014 (sans prendre en compte le « Scellier intermédiaire »).

Par ailleurs, l’incidence sur le budget de l’État de ces mesures est encore sensible pour nombre d’entre elles, jusqu’en 2030 pour les plus récentes.

COÛT DE LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT LOCATIF
EN MÉTROPOLE

(en millions d’euros)

Dispositif

Nombre de ménages bénéficiaires en 2013

Fin d’incidence budgétaire

Coût 2010

Coût 2011

Coût 2012

Coût 2013

Coût 2014

(prévisions)

Coût 2015

(prévisions)

Périssol

95 000

2024

50

60

51

50

50

50

Besson ancien

49 500

20

35

26

20

20

20

Besson neuf

33 000

2013

30

37

26

22

Robien classique

240 000

2018

410

455

331

285

250

200

Robien ZRR + Scellier ZRR (1)

6 000

2021

15

14

9

9

9

9

Borloo populaire

25 000

2024

60

60

40

40

40

40

Borloo ancien

48 000

15

20

20

24

24

24

Scellier

nd

2024

80

240

430

620

760

760

Scellier intermédiaire

nd

2030

40

120

215

325

400

400

Duflot-Pinel

6 696

2025

21

110

Total coût

   

720

1 021

1 148

1 395

1 574

1 613

(1) ZRR : zone de revitalisation rurale.

Source : tome II du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Ce coût annuel ne reflète qu’une partie du coût global de chacune des générations de logements ouvrant droit à la réduction d’impôt. À titre d’exemple, les premières générations de logements éligibles à la réduction d’impôt « Scellier » coûteront, à l’échéance de la période d’étalement de la réduction d’impôt (de neuf à quinze ans selon si le contribuable a choisi de louer dans le secteur intermédiaire ou non), 3,4 milliards d’euros au titre des 50 000 logements acquis ou construits par des investisseurs en 2009, 3,9 milliards d’euros au titre des 75 000 logements construits ou acquis en 2010 et 1,8 milliard d’euros au titre des 60 000 logements acquis ou construits en 2011.

Ce coût doit toutefois être mis en regard avec les résultats obtenus en matière de construction. S’il est difficile d’obtenir des évaluations du nombre de logements associés aux différents dispositifs fiscaux, les chiffres établis par les professionnels du secteur permettent de disposer d’un ordre de grandeur. La dépense fiscale en faveur de l’investissement locatif neuf a concerné environ 925 200 logements depuis 1986, acquis ou construits dans le but de bénéficier de l’avantage fiscal. Le seul dispositif « Scellier », qui s’est avéré très attractif en 2009 et 2010 – alors que le taux de réduction d’impôt était fixé à 25 % –, aurait permis la construction de 239 000 logements, soit environ un quart du total des logements construits dans le cadre de ces dispositifs fiscaux.

NOMBRE DE LOGEMENTS CONSTRUITS DESTINÉS À L’INVESTISSEMENT LOCATIF
ENTRE 1986 ET 2012

Dispositif fiscal

Méhaignerie (1986-1996)

Périssol (1996-1999)

Besson (1999-2002)

Robien (2003-2005)

Robien recentré et Borloo (2006-2009)

Scellier (2009-2012)

Total

Nombre de logements

61 600

133 700

142 000

184 700

164 200

239 000

925 200

Source : Fédération française du bâtiment.

B. LA RÉDUCTION D’IMPÔT « DUFLOT »

1. Les principales caractéristiques du dispositif

La réduction d’impôt « Duflot », codifiée à l’article 199 novovicies du code général des impôts, a repris l’architecture générale du dispositif « Scellier », tout en s’en distinguant sur plusieurs points : elle ne s’applique qu’à des investissements locatifs dans le secteur intermédiaire, situés dans des zones très tendues, selon un zonage recentré par rapport à celui applicable au « Scellier », et respectant un niveau de performance énergétique globale élevé.

● La réduction d’impôt s’applique aux contribuables domiciliés fiscalement en France et investissant dans un logement locatif neuf en direct ou par le biais d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, par exemple, une société civile immobilière de gestion ou toute autre société de personnes. Un contribuable peut également bénéficier de la réduction d’impôt, sous certaines conditions, au titre de ses souscriptions de parts dans une SCPI.

Les investissements éligibles à la réduction d’impôt sont les logements acquis ou construits entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 qui appartiennent à l’une des catégories suivantes :

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES LOGEMENTS OUVRANT DROIT À LA RÉDUCTION D’IMPÔT

Type de logement

Conditions particulières à respecter

Logement neuf

Logement en l’état futur d’achèvement

Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date d’ouverture du chantier

Logement que le contribuable fait construire

– Dépôt de permis de construire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016

– Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date d’obtention du dépôt du permis de construire

Logement qui fait ou qui a fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf

– Si les travaux ont été réalisés avant l’acquisition du logement par le contribuable, la réduction d’impôt s’applique aux logements qui n’ont pas été utilisés ou occupés depuis l’achèvement des travaux

– Si les travaux sont réalisés après l’acquisition du logement, leur achèvement doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition du bien concerné

Logement qui ne satisfait pas aux caractéristiques de décence qui fait ou qui a fait l’objet de travaux permettant à ce logement d’acquérir des performances techniques voisines de celles d’un logement neuf

Local affecté à un usage autre que l’habitation qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de transformation en logement

Pour être éligibles à la réduction d’impôt, les logements doivent être loués nus à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans et ce, dans un délai de douze mois après la date d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition par le contribuable si celle-ci est postérieure.

Il en va de même dans le cas d’un investissement par l’intermédiaire d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés ou d’une souscription au capital d’une SCPI : l’associé doit conserver la totalité de ses titres jusqu’au terme de l’engagement de location souscrit par la société dans le respect des conditions prévues par l’article 199 novovicies.

Cette location ne peut pas être conclue au profit d’un membre du foyer fiscal ou de l’un de ses ascendants ou descendants. Tel est également le cas pour les associés d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, autre qu’une SCPI, détenant la propriété du logement : l’un des associés, les membres de leur foyer fiscal ou leurs ascendants et descendants ne peuvent être locataires du bien.

● Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 18 %. Il s’applique au prix de revient d’au plus deux logements, retenu dans la limite d’un plafond par mètre carré de surface habitable, fixé à 5 500 euros afin de limiter l’effet inflationniste de la réduction d’impôt sur les prix de l’immobilier dans les zones les plus tendues.

Le montant de la réduction d’impôt est alors réparti de manière égale (soit 2 % par an) sur neuf années à compter de l’année d’achèvement du logement ou de l’année de son acquisition si elle est postérieure. La réduction s’impute pour la première fois sur l’impôt dû au titre de cette même année, puis sur celui des huit années suivantes.

Le prix de revient est apprécié de façon différente selon le type d’investissement concerné :

– lorsque des travaux ont été réalisés à la suite de l’acquisition d’un bien afin de le transformer en un logement, le prix de revient correspond au prix d’acquisition du bien augmenté du montant des travaux réalisés ;

– lorsque le logement est détenu en indivision, chaque indivisaire bénéficie de la réduction d’impôt appliquée à la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits ;

– lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, autre qu’une SCPI, le contribuable bénéficie de la réduction d’impôt appliquée à la quote-part de ses droits sur le logement concerné ;

– lorsque le logement est la propriété d’une SCPI, la réduction d’impôt est calculée sur 95 % du montant de la souscription réalisée par le contribuable, à la condition que cette même fraction de souscription ait servi exclusivement à financer un investissement éligible à la réduction d’impôt dans un délai de dix-huit mois suivant la clôture de la campagne de souscription.

Le montant total des dépenses retenues pour l’application de la réduction d’impôt au titre de l’acquisition ou de la construction d’au plus deux logements et de la souscription de titres, ne peut excéder globalement 300 000 euros par contribuable pour une même année d’imposition.

Il convient de signaler que la réduction d’impôt « Duflot » est prise en compte pour le calcul du plafonnement global des niches fiscales, prévu par l’article 200-0 A du code général des impôts, soit 10 000 euros.

● La réduction d’impôt est réservée aux logements situés dans des communes dans lesquelles existent de fortes tensions sur le marché.

Un classement des communes au sein des cinq zones A bis, A, B1, B2 et C (59) est prévu par un arrêté des ministres chargés du budget et du logement. Ce classement évolue périodiquement, certaines communes pouvant passer d’une zone à l’autre selon les changements observés sur leur marché du logement. Dans le cadre du « Duflot », seuls les logements situés dans des communes classées dans des zones caractérisées par un « déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement sur le parc locatif existant », à savoir les zones A bis, A et B1, ouvrent droit à la réduction d’impôt.

À cet égard, le dispositif « Scellier » couvrait une part du territoire plus importante puisqu’il s’appliquait également en zone B2. De plus, il était possible, par dérogation, de rendre éligibles au dispositif certaines communes classées en zone C, sous réserve de l’obtention d’un agrément délivré par le ministère chargé du logement. Dans le cadre du dispositif « Duflot », une possibilité de dérogation existe également, mais uniquement pour des communes relevant de la zone B2 : les modalités diffèrent de celles du « Scellier », puisque c’est auprès du préfet de région, après avis du comité régional de l’habitat, que l’agrément doit être obtenu.

● Le dispositif « Duflot » est réservé aux seuls logements loués dans le secteur intermédiaire, à la différence du dispositif « Scellier » : si ce dernier ouvrait droit à un taux bonifié à la condition que le logement soit loué dans le secteur intermédiaire, il a principalement donné lieu à des investissements dans le secteur libre, pour lesquels les conditions de location étaient moins contraignantes.

Dans le cadre du « Duflot », les loyers et les ressources des locataires appréciées à la date de la conclusion du bail ne peuvent excéder certains plafonds, afin de permettre aux locataires aux ressources modestes et moyennes de bénéficier de loyers inférieurs aux loyers de marché. Les plafonds mensuels de loyers par mètre carré, codifiés à l’article 2 terdecies D de l’annexe III au code général des impôts, ont été fixés comme suit pour l’année 2014 :

(en euros)

Zones

Plafonds mensuels de loyers

Zone A bis

16,72

Zone A

12,42

Zone B1

10

Zone B2

8,69

DOM, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon

10,02

Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna

12,45

Par ailleurs, ces plafonds de loyer peuvent être réduits par le préfet de région après avis du comité régional de l’habitat « afin d’être adaptés aux particularités des marchés locatifs locaux ». Concrètement, le préfet de région peut décider, en concertation avec les acteurs locaux, d’abaisser les plafonds de loyer applicables à certaines communes de façon à assurer que le logement soit loué dans des conditions correspondant à la réalité du secteur intermédiaire local. Cette souplesse permet de répondre aux difficultés liées à la définition de règles au niveau national devant s’appliquer à des marchés locaux très hétérogènes (60).

Les ressources des locataires ne doivent pas être supérieures à des plafonds fixés par décret en fonction de la composition du foyer fiscal, et codifiés également à l’article 2 terdecies D de l’annexe III précité.

Pour les baux conclus en 2014, les plafonds annuels de ressources sont les suivants :

(en euros)

Composition
du foyer locataire

Zone A bis

Zone A

Zone B1

Zone B2

Personne seule

36 831

36 831

30 019

27 017

Couple

55 045

55 045

40 089

36 079

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

72 159

66 169

48 210

43 389

Personne seule ou couple ayant deux personnes à charge

86 152

79 257

58 200

52 380

Personne seule ou couple ayant trois personnes à charge

102 503

93 826

68 465

61 619

Personne seule ou couple ayant quatre personnes à charge

115 344

105 584

77 160

69 443

Majoration par personne à charge à partir de la cinquième

+ 12 851

+ 11 764

+ 8 608

+ 7 746

2. Un nombre de logements construits légèrement inférieur à l’objectif annuel

Le dispositif « Duflot » s’applique aux logements acquis ou construits à partir du 1er janvier 2013, et jusqu’au 31 décembre 2016. Dans son évaluation préalable, était défini un objectif annuel de 40 000 logements ouvrant droit à la réduction d’impôt, et ce dès l’année 2013. Il est estimé qu’en 2013, 35 000 logements ont été construits grâce au dispositif « Duflot ».

● Au titre de la deuxième émission de revenus de l’année 2013 (61), les données transmises à la Rapporteure générale par l’administration fiscale font état de 6 828 foyers fiscaux ayant mentionné dans leur déclaration de revenus un montant d’investissement locatif au titre du dispositif « Duflot » (62). 6 343 foyers fiscaux ont réalisé des investissements en métropole, pour un montant de 943,6 millions d’euros, tandis que 492 foyers fiscaux ont réalisé des investissements outre-mer, pour un montant de 49,1 millions d’euros (63); le montant total des investissements réalisés s’établit donc à près de 993 millions d’euros, soit un investissement moyen par foyer fiscal de 145 390 euros.

Sur ces 6 828 foyers, 6 696 foyers fiscaux ont bénéficié d’une réduction d’impôt – les 132 restants n’ayant pas un impôt suffisant pour pouvoir l’imputer. Le montant total de la dépense fiscale à ce titre s’établit à 19,3 millions d’euros.

La ventilation par décile des foyers fiscaux bénéficiaires de l’avantage fiscal « Duflot » est présentée dans le tableau ci-dessous.

Déciles de revenu fiscal de référence (RFR) des foyers fiscaux bénéficiant de la réduction d’impôt (en euros)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction d’impôt « Duflot »

Montant de réduction d’impôt « Duflot » imputé
(en millions d’euros)

RFR<= 30 883

670

0,7

30 883 <RFR<= 39 852

670

1,2

39 852 <RFR<= 47 592

669

1,5

47 592 <RFR<= 54 912

670

1,7

54 912 <RFR<= 62 319

669

2

62 319 <RFR<= 70 723

670

2,2

70 723 <RFR<= 80 792

670

2,3

80 792 <RFR<= 94 882

669

2,5

94 882 <RFR<= 124 408

670

2,5

RFR> 124 408

669

2,7

Total

6 696

19,3

Source : direction de la législation fiscale.

● Ces premières données fiscales ne correspondent toutefois pas à l’ensemble des investissements locatifs réalisés au cours de l’année 2013 dans le cadre du « Duflot ». En effet, aux termes du VII de l’article 199 novovicies, la réduction d’impôt est accordée au titre de l’année d’achèvement du logement, ou de son acquisition si elle est postérieure, ce qui implique un décalage entre l’engagement d’un projet et le bénéfice de l’avantage fiscal.

Ainsi, les premières informations fournies par les professionnels pour l’année 2013 font état d’environ 35 000 logements ayant bénéficié du dispositif « Duflot » pour l’année 2013, soit un niveau relativement proche de l’estimation initiale de 40 000 logements. Ces chiffres constituent un point bas au regard de l’évolution des investissements locatifs aidés dans le secteur neuf depuis dix ans, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’INVESTISSEMENTS LOCATIFS AIDÉS DEPUIS 2003

Année de vente

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre d’investissements locatifs aidés (en milliers)

54

62

68

66

62

35

68

72

59

39

Source : évaluation préalable du présent article joint au présent projet de loi de finances.

Le nombre de ventes annuelles en investissement locatif neuf oscille assez fortement depuis une dizaine d’années, autour d’une moyenne d’environ 58 000. Outre les effets conjoncturels – comme la crise économique et financière de 2008 –, ces fluctuations sont pour partie liées aux différents dispositifs fiscaux soutenant ces investissements. Ainsi, la diminution sensible de la production entre 2011 et 2012 trouve au moins pour partie son origine dans le resserrement du dispositif « Scellier », dont le taux de réduction d’impôt est passé de 22 % à 13 % (pour les logements BBC) entre ces deux années.

En tout état de cause, le volume des investissements locatifs réalisés doit être mis en regard avec la dépense fiscale occasionnée par les dispositifs fiscaux afférents. Ainsi, si le « Scellier » a donné lieu à d’importants investissements, il se traduit par des dépenses fiscales estimées à 1,16 milliard d’euros tant pour l’année 2014 que pour l’année 2015.

Le dispositif « Duflot » apparaît d’ailleurs plus attractif, pour les investisseurs, que son prédécesseur « Scellier ». Les plafonds de loyers des deux dispositifs sont relativement proches, tandis que l’avantage fiscal est nettement plus important pour le « Duflot » que pour le « Scellier » dans les conditions applicables en 2012, soit 18 % contre 13 %.

● Une première évolution du dispositif est récemment intervenue par l’intermédiaire d’une réforme du zonage, lequel découpe le territoire en cinq zones, de la plus tendue, avec la zone A bis, à la plus détendue, avec la zone C. Le zonage été révisé le 1er août dernier, pour une application à compter du 1er octobre 2014, et ce afin de favoriser l’investissement locatif.

Avant la révision du zonage, les différentes zones étaient composées comme suit :

– la zone A bis, qui comprend Paris et 29 communes de la petite couronne ;

– la zone A, qui comprend la partie agglomérée de l’Île-de-France, la Côte d’Azur et la partie française de l’agglomération genevoise ;

– la zone B1, qui comprend les agglomérations de plus de 250 000 habitants, la grande couronne parisienne, quelques villes comme Annecy, Bayonne, Cluses, Chambéry, Saint-Malo ou La Rochelle, les départements d’outre-mer et la Corse ;

– la zone B2, qui comprend les autres communes de plus de 50 000 habitants et les franges de la zone B1 ;

– la zone C, qui correspond au reste du territoire.

La réforme du zonage a été engagée dès le début de l’année 2013, afin de tenir compte des évolutions territoriales et de s’adapter le plus finement possible aux réalités locales du marché immobilier. Elle se traduit par :

– le reclassement d’une centaine de communes en zone A bis et A, soit plus de 3,5 millions d’habitants supplémentaires concernés ; par exemple, les communes de Lyon, Lille, Marseille et Montpellier basculent de la zone B1 à la zone A ;

– le reclassement de villes telles que Le Havre, Caen et Dijon de la zone B2 à la zone B1 et le reclassement de 600 communes actuellement en zone C vers les zones B1 et B2 ;

– le déclassement de 670 communes, mais uniquement en zones B1 et B2, sans aucun déclassement en zone C.

Au total, 1 180 communes, réunissant 10 millions d’habitants, ont été reclassées, tandis que les 670 communes déclassées ne représentent que 700 000 habitants.

Cette révision élargit donc le champ d’application du dispositif « Duflot » en rendant éligibles de nouvelles communes, qui rejoignent les zones B1 et B2 (64). Elle renforce également l’attractivité des investissements locatifs dans de nombreuses communes, puisque la zone dont relève la commune où se trouve le logement détermine les plafonds de loyers et de ressources applicables.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ASSOUPLISSEMENT DU DISPOSITIF, DESTINÉ À FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE LOGEMENTS INTERMÉDIAIRES

Pour dynamiser un secteur du logement actuellement en difficulté, le Gouvernement a engagé un ambitieux plan de relance, présenté le 29 août dernier, qui comporte plusieurs volets. Parmi les dispositions fiscales présentées, outre les mesures sur l’imposition des plus-values sur les terrains à bâtir et sur les abattements applicables à certaines donations, figure la réforme du dispositif « Duflot », devenant le dispositif « Pinel », qui vient renforcer l’attractivité du dispositif et ainsi encourager l’investissement locatif privé.

Le présent article permet de moduler les durées d’engagement de location afin d’attirer de nouveaux investisseurs, dont les horizons temporels peuvent être variés. Il ouvre la possibilité pour l’investisseur de louer le bien donnant droit à l’avantage fiscal à un ascendant ou un descendant, tout en augmentant la base de la réduction d’impôt pour les investissements réalisés par l’intermédiaire de SCPI.

A. LA MODULATION DES DURÉES D’ENGAGEMENT DE LOCATION
ET DE TAUX DE RÉDUCTION D’IMPÔT

Afin de bénéficier de la réduction d’impôt « Duflot », les contribuables doivent s’engager à mettre en location le logement pour une durée minimale de neuf années. La réduction d’impôt, au taux de 18 % du prix de revient du logement, est répartie par parts égales sur les neuf années, soit 2 % par an.

Le présent article introduit davantage de souplesse dans la durée d’engagement de location, en prévoyant la possibilité de la moduler, associée à la variation du taux de la réduction d’impôt. Il s’agit de mieux tenir compte de la diversité des projets immobiliers des investisseurs, qui peuvent souhaiter s’engager pour des durées plus courtes ou plus longues que neuf années.

● En premier lieu, le a) du du I vient introduire la possibilité pour le contribuable de bénéficier de l’avantage fiscal soit pour un engagement de location d’une durée minimale de six ans, soit pour un engagement d’une durée minimale de neuf ans, sur option.

Le du I définit les taux de réduction d’impôt applicables en fonction de la durée d’engagement : le taux est maintenu à 18 % du prix de revient du logement pour un engagement de location de neuf années, tandis qu’il est ramené à 12 % lorsque l’engagement de location est de six années. Dans ce dernier cas, la réduction d’impôt serait répartie sur une durée de six années par parts égales ( du I), ce qui conduirait à une réduction de 2 % par an, comme pour un engagement de neuf années.

L’option en faveur d’un engagement de six ou de neuf années est exercée par le contribuable lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année d’achèvement de l’immeuble, ou de son acquisition si elle est postérieure. Elle est irrévocable pour le logement considéré, ce qui signifie qu’un contribuable s’étant engagé à louer le bien pour neuf années ne pourrait décider, en cours de location, de ramener sa durée d’engagement à six années.

● En revanche, s’il a opté pour une durée d’engagement de six années, le contribuable pourra décider, en application des dispositions prévues au du I, de proroger son engagement initial, ce qui relativise dans ce cas le caractère irrévocable de l’option. En effet, à la fin de la période d’engagement initiale, de six années ou de neuf années, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt sous réserve qu’il s’engage à louer le bien pour une durée plus longue :

– à l’issue d’un engagement de location de neuf ans, le contribuable peut bénéficier de la réduction d’impôt pendant trois années de plus, à hauteur de 3 %, (soit 1 % par an), s’il s’engage à louer le bien pour trois années supplémentaires ;

– à l’issue d’un engagement de location de six ans, le contribuable peut bénéficier de la réduction d’impôt pendant trois années supplémentaires, renouvelables une fois, à hauteur de 6 % pour la première période triennale (soit 2 % par an) et de 3 % pour la seconde période triennale (soit 1 % par an), s’il s’engage à louer le bien pour trois années supplémentaires, renouvelables.

Le contribuable bénéficie donc de conditions identiques in fine, qu’il se soit engagé initialement pour une durée de six ans ou de neuf ans, puisque la durée maximale d’engagement, et donc de bénéfice de l’avantage fiscal, est de douze ans, tandis que la réduction d’impôt est dans les deux cas de 2 % du prix de revient du logement pendant les neuf premières années, et de 1 % pour les trois dernières années, soit un taux maximal de 21 %. L’investisseur dispose ainsi d’une certaine souplesse, en pouvant réexaminer par période triennale – s’il s’est engagé initialement à louer pour six ans – la mise en location de son bien.

● Le b du du I vient prévoir les mêmes conditions de modulation de la durée de l’engagement initial, de six ou neuf années, pour les investissements locatifs réalisés par l’intermédiaire de SCPI. Les dispositions ouvrant la possibilité de proroger l’engagement de location pour trois ou six ans, au-delà des engagements initiaux de neuf ans ou six ans, sont également applicables à ce type d’investissements.

● Le du I vient procéder à des coordinations s’agissant des conditions de reprise de l’avantage fiscal en cas de rupture de ses engagements par le contribuable, afin de tirer les conséquences de la possibilité de proroger l’engagement de location pour trois ou six ans.

● Enfin, s’agissant des investissements locatifs réalisés outre-mer, le taux de la réduction d’impôt est aujourd’hui fixé à 29 %, contre 18 % en métropole. Le du I du présent article prévoit un taux moindre, de 23 %, lorsque l’engagement de location est ramené à six ans. En l’absence de dispositions spécifiques à l’outre-mer en cas de prorogation de l’engagement, les taux de réduction d’impôt applicables sont ceux de droit commun.

Le dispositif proposé permet de maintenir, dans toutes les configurations, un différentiel de 11 % de réduction d’impôt avec la métropole (29 % au lieu de 18 % pour un engagement initial de neuf années, 23 % au lieu de 12 % pour un engagement initial de six années, et 32 % au lieu de 21 % pour un engagement total de douze années), comme cela était le cas dans le cadre du « Scellier ».

Néanmoins, il en résulte que les taux applicables outre-mer sont quelque peu discontinus, puisque, dans le cas d’un engagement initial de neuf années, la réduction d’impôt par année s’élève à 3,22 % du prix de revient, pour être ramenée à 1 % pour les trois années suivantes. Dans le cas d’un engagement initial de six années, la réduction d’impôt par année s’élève à 3,83 % par an, puis à 2 % pour les trois années suivantes et à 1 % pour les trois dernières années.

C’est donc l’engagement de location pour six années qui apparaît le plus attractif, compte tenu du montant annuel de la réduction d’impôt de 3,83 %, au risque de favoriser les durées d’engagement courtes. Ainsi, au bout de six années, un contribuable investissant en outre-mer bénéficiera de près de 72 % du total de la réduction d’impôt qu’il peut obtenir en louant son bien pendant douze années (soit 23 % sur 32 %) alors qu’en métropole, le même contribuable ne disposera au bout de six ans que de 57 % de l’avantage fiscal auquel il peut prétendre en louant son bien pendant douze années (soit 12 % sur 21 %).

Le tableau ci-dessous retrace les différentes configurations possibles, en termes d’engagement initial et de prorogation et en termes de taux de réduction d’impôt :

Durée d’engagement

Taux de la réduction d’impôt au titre de l’engagement initial

Possibilité de prolonger l’engagement de location en bénéficiant d’un avantage fiscal supplémentaire

Taux de la réduction d’impôt en cas de prolongement de la location

Taux maximal de la réduction d’impôt

Engagement initial de 9 ans

18 %, soit 2 % par an

3 ans supplémentaires, non renouvelables, soit 12 ans au total (9+3)

3 % pour les trois années supplémentaires

21 % (18+3), soit 2 % par an pendant 9 ans et 1 % par an pendant 3 ans

Engagement initial de 6 ans

12 %, soit 2 % par an

3 ans supplémentaires, renouvelables une fois, soit 12 ans au total (6+3+3)

6 % pour les trois premières années supplémentaires, et 3 % pour les trois années suivantes

21 % (12+6+3), soit 2 % par an pendant 9 ans et 1 % par an pendant trois ans

Outre-mer : engagement initial de 9 ans

29 %, soit 3,22 % par an

3 ans supplémentaires, non renouvelables, soit 12 ans au total (9+3)

3 % pour les trois années supplémentaires

32 % (29+3), soit 3,22 % par an pendant neuf ans et 1 % par an pendant trois ans

Outre-mer : engagement initial de 6 ans

23 %, soit 3,83 % par an

3 ans supplémentaires, renouvelables une fois, soit 12 ans au total (6+3+3)

6 % pour les trois premières années supplémentaires, et 3 % pour les trois années suivantes

32 % (23+6+3), soit 3,93 % par an pendant six ans, 2 % par an pendant trois ans et 1 % par an pendant trois ans

Aux termes du A du II, ces aménagements doivent s’appliquer aux acquisitions, constructions et souscriptions réalisées à compter du 1er septembre 2014. Ils renouent avec des dispositions de précédents dispositifs fiscaux ; ainsi, plusieurs d’entre eux, comme le « Scellier intermédiaire », le « Robien classique » et le « Besson », offraient la possibilité de proroger l’engagement de location au-delà de neuf années, par période triennale (jusqu’à deux fois), en contrepartie d’un avantage fiscal supplémentaire. La possibilité de s’engager pour une location limitée à six années s’avère en revanche plus novatrice – même si elle était prévue dans le cadre du « Besson ancien », par exemple – et elle apparaît particulièrement attractive pour les SCPI, qui disposeraient ainsi de davantage de souplesse dans la sortie des fonds collectés.

B. LA POSSIBILITÉ DE LOUER LE BIEN À UN ASCENDANT OU UN DESCENDANT

Le b) du du I vise à lever l’interdiction qui s’applique au contribuable de louer le bien ouvrant droit à avantage fiscal à un ascendant ou un descendant. Il vient également permettre aux associés d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés (autre qu’une SCPI) détenant la propriété du logement de louer ce dernier à un ascendant ou un descendant. Le B du II prévoit que la possibilité ainsi ouverte ne s’applique qu’aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015.

En effet, le fait de ne pas pouvoir disposer du logement, objet de l’investissement, pour le louer à ses enfants, à ses petits-enfants ou à ses parents, peut détourner certains investisseurs, par exemple des parents ayant des enfants bientôt en âge de faire des études, et limiter ainsi l’attractivité du dispositif.

Cette possibilité était d’ailleurs ouverte dans plusieurs dispositifs fiscaux précédents, là encore : le « Scellier classique » ainsi que le « Robien » autorisaient la location du bien à un ascendant ou un ascendant, à la différence des dispositifs « Scellier intermédiaire », « Borloo neuf » et « Besson ». Il convient d’ailleurs de préciser que pour le « Scellier intermédiaire », il est prévu qu’à l’issue d’une période de location d’au moins trois ans, le bailleur peut suspendre son engagement de location pour mettre le logement à la disposition, à titre onéreux ou gratuit, d’un ascendant ou d’un descendant. La mise à disposition au profit d’un ascendant ou descendant a pour effet de suspendre le régime de faveur ; pendant cette période, les avantages fiscaux associés au dispositif (réduction d’impôt et déduction spécifique) ne sont pas applicables ; de plus, cette période de mise à disposition n’est pas prise en compte pour la durée de location minimale de neuf ans. Des dispositions similaires étaient prévues dans le cadre du « Borloo neuf » et du « Besson », offrant de ce fait une certaine souplesse au contribuable.

En tout état de cause, l’interdiction de conclure la location avec un membre du foyer fiscal – ou, lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés (autre qu’une SCPI), avec l’un des associés ou un membre de son foyer fiscal – est maintenue.

À cet égard, il convient de rappeler que sont considérées comme membres du foyer fiscal :

– les personnes à charge, au sens des articles 196 et 196 A bis du code général des impôts ;

– les personnes rattachées, au sens du 3 de l’article 6 du code général des impôts, quel que soit l’avantage procuré par ce rattachement (majoration du nombre de parts ou abattements) (65).

Dès lors, sont membres du foyer fiscal d’un contribuable et, à ce titre, ne peuvent être locataires de ce même contribuable pour l’application de la réduction d’impôt « Pinel » :

– les enfants mineurs ou infirmes, à charge du contribuable ;

– les enfants, quelle que soit leur situation de famille, âgés de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu’ils justifient de la poursuite de leurs études, effectuant leur service national, ou infirme quel que soit leur âge, ayant demandé leur rattachement au foyer fiscal du contribuable (66).

En d’autres termes, un contribuable ne peut à la fois bénéficier d’une demi-part de quotient familial au titre d’un enfant étudiant de moins de vingt-cinq ans rattaché à son foyer fiscal, et louer un bien ouvrant droit à réduction d’impôt à ce même enfant.

En revanche, le bénéfice pour un contribuable célibataire, divorcé ou veuf vivant seul, d’une demi-part du quotient familial au titre d’un enfant faisant l’objet d’une imposition distincte dont ce contribuable a supporté la charge pendant au moins cinq années au cours desquelles il vivait seul (67) ne le prive pas du bénéfice de la réduction d’impôt « Pinel » en cas de location du logement à cet enfant majeur, puisque celui-ci est, par hypothèse, non membre du foyer fiscal du contribuable.

Il convient enfin de signaler qu’en application de l’article L. 351-2-1 du code de la construction et de l’habitation, un locataire ne peut prétendre au bénéfice de l’aide personnalisée au logement (APL) si son logement lui est loué par un ascendant ou un descendant, ou par un ascendant ou descendant de son conjoint ou concubin. De ce fait, un cumul de l’APL pour un enfant étudiant et de l’avantage fiscal pour ses parents lui louant le logement est bien évidemment exclu.

C. L’AUGMENTATION DE LA BASE DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT
POUR LES INVESTISSEMENTS RÉALISÉS VIA DES SCPI

L’avantage fiscal « Duflot » bénéficie aussi bien aux personnes physiques achetant un logement directement – ou par l’intermédiaire d’une société de personnes non soumise à l’impôt sur les sociétés – qu’aux personnes qui souscrivent des parts de SCPI, à la condition toutefois que 95 % du montant de la souscription serve à financer une acquisition répondant aux conditions du « Duflot ».

Une SCPI a pour objet de gérer exclusivement un patrimoine immobilier locatif, et distribue à ses associés des revenus fonciers. Selon les données présentées par l’Association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM), 161 SCPI disposaient au 30 juin 2014 d’une capitalisation de 31,34 milliards d’euros, pour une collecte nette au cours des six derniers mois de 1,262 milliard d’euros. Les « SCPI fiscales », c’est-à-dire celles dédiées à l’investissement neuf ou ancien rénové ouvrant droit à avantage fiscal, (SCPI « Malraux », « Duflot », et, en stock, SCPI « Robien », « Scellier »…), ne représentent qu’une part limitée de cet ensemble, soit 3,25 milliards d’euros de capitalisation et seulement 21,6 millions de collecte nette – la plus grande part des placements étant réalisée en bureaux (21,2 milliards d’euros de capitalisation) et en commerces (4,4 milliards d’euros).

Pour l’heure, la capitalisation des 3 SCPI « Duflot » s’avère relativement limitée : au 30 juin 2014, elle était de 57,8 millions d’euros (68) – à comparer à 1 877 millions pour les 25 SCPI « Scellier » et 603 millions d’euros pour les 16 SCPI « Robien ».

Afin de favoriser le développement de ces SCPI, en les rendant plus attractives, le a) du du I vise à augmenter la base de la réduction d’impôt pour les investissements répondant aux critères du « Pinel » et réalisés via des souscriptions dans des SCPI.

À ce jour, la réduction d’impôt de 18 %, prévue par le E du VIII de l’article 199 novovicies, est calculée sur 95 % du montant de la souscription, ce qui ramène in fine le taux de la réduction d’impôt dont bénéfice le contribuable à 17,1 % du montant de l’investissement (69). Le présent article vise à ce que la réduction d’impôt soit désormais calculée sur 100 % du montant de la souscription, afin de permettre aux contribuables de bénéficier de la réduction d’impôt aux taux de 12 %, 18 % et 21 %, selon les durées d’engagement, comme les investisseurs achetant directement un bien.

Le A du II dispose que la modification du mode de calcul de la réduction d’impôt pour les investissements en SCPI est applicable à compter du 1er septembre 2014. Néanmoins, le B du II prévoit que les différents aménagements introduits par le présent article ne s’appliquent pas aux souscriptions dans des SCPI dont la date de clôture serait antérieure au 1er septembre 2014, afin d’éviter toute application rétroactive des adaptations ainsi apportées.

Il convient enfin de noter que l’exclusion des collectivités d’outre-mer du champ de la réforme prévue au III de cet article vise à laisser le temps à ces collectivités de se prononcer sur l’intérêt pour elles de bénéficier, pour les investissements réalisés sur leur territoire, des nouvelles modalités d’application de la réduction d’impôt. Elle ne constitue nullement une exclusion de principe et a vocation à être levée.

D. L’IMPACT DE LA RÉFORME

Selon l’évaluation préalable du présent article, la mise en place du dispositif « Pinel » devrait permettre d’augmenter le nombre d’investissements locatifs neufs ouvrant droit à l’avantage fiscal, pour le porter à 40 000 dès 2014
– du fait de l’entrée en vigueur de deux des trois aménagements proposés dès le 1er septembre 2014 – et à 50 000 en 2015 et 2016.

Sur la base de diverses hypothèses, en termes de choix de durée d’engagement et de prorogation, ainsi que de prix moyen des logements (70), le coût budgétaire de la réforme proposée serait négligeable pour l’année 2015, et il atteindrait 7 millions d’euros en 2016 et 33 millions d’euros en 2017.

Le coût d’une génération de logements du nouveau dispositif est évalué à 1 700 millions d’euros en 2015 et 1 750 millions d’euros en 2016. Par ailleurs, le coût de la mesure relative à la réduction d’impôt pour l’acquisition de parts de SCPI est estimé à 0,2 % de la dépense fiscale, soit 3 millions d’euros par génération d’investissement en année entière – en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle l’acquisition de parts de SCPI représente environ 4 % du montant total des investissements locatifs ouvrant droit à réduction d’impôt.

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* *

La Commission examine l’amendement I-CF 25 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Chacun a bien compris que la construction de logements est à l’arrêt dans les zones denses comme dans certaines zones rurales. Je souhaiterais que ces secteurs cessent d’être oubliés. Actuellement, il y a peu d’accession à la propriété, peu de constructions HLM et pas de construction de logements d’initiative privée à des fins locatives. Il semble que le Gouvernement s’en soit rendu compte, puisqu’il est revenu sur la funeste loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), et c’est une bonne chose. Mais il faut aller au bout de la logique en relançant la construction.

M. Christophe Caresche. Le Gouvernement propose de réserver le dispositif « Pinel » aux zones les plus tendues et de stimuler, grâce à un article dont nous discuterons dans la seconde partie du PLF, le prêt à taux zéro (PTZ) dans les zones qui ne le sont pas. Le PTZ permet de favoriser l’accession à la propriété en zone C, mais son avantage devient moindre dans les zones tendues, où le Gouvernement mise sur l’investissement locatif intermédiaire. Il y a donc une approche territoriale cohérente à travers ces deux dispositifs.

Mme la Rapporteure générale. Je suis défavorable à cet amendement. Il faut regarder la politique du logement dans son ensemble. Le Gouvernement propose d’avantager le logement locatif dans les zones tendues – c’est l’objet du redécoupage des zones qui a été proposé en août dernier – et de favoriser la construction dans les zones moins tendues en accroissant le nombre de bénéficiaires du PTZ.

M. Charles de Courson. Les dispositions de l’article 5 ne s’appliquent pas aux collectivités d’outre-mer (COM) ni en Nouvelle-Calédonie, ce que je ne comprends pas.

Mme la Rapporteure générale. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux COM ni en Nouvelle-Calédonie, car des consultations de ces communautés sont en cours.

M. Marc Le Fur. Le PTZ est un très bon dispositif, mais son avantage relatif est très faible en raison des taux d’intérêt très bas. Je comprends bien qu’il faille favoriser l’accession à la propriété dans les zones où elle est accessible pour les personnes relativement modestes, mais il ne faut pas négliger l’investissement locatif qui a toujours existé également dans ces zones, mais qui est aujourd’hui inexistant. Actuellement, ces personnes sont obligées d’investir dans les villes.

M. Christophe Caresche. Les dérives sur le dispositif « Scellier » sont connues !

M. le président Gilles Carrez. De même que celles des dispositifs « Robien » ou « Borloo » ! Il faut tirer les conséquences de ces dérives partout en France. M. Pierre Méhaignerie m’a dit récemment qu’il existe une pression à Vitré pour construire des logements, le taux de chômage n’étant que de 5 %. Mais comme ce n’est pas possible, ils sont construits à Rennes. On pourrait peut-être traiter à la marge ce genre de problème par dérogation préfectorale, mais les préfets font l’objet de telles pressions que cette solution n’est pas toujours satisfaisante.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 276 de la Rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet amendement est une réponse à l’amendement I-CF 160 de M. Lurel. Ce dernier souligne, dans l’exposé sommaire de son amendement, que le plafond de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire pour les investissements réalisés outre-mer est dépassé de 11 500 euros lorsque l’engagement de location est de six ans, soit un montant supérieur au plafond global de 10 000 euros défini par l’article 200-0 A d code général des impôts. Mon amendement vise à modifier les taux, ce qui aboutit au même avantage fiscal, mais réparti différemment, que le contribuable se soit engagé initialement pour six ans ou pour neuf ans, tout en entrant dans le plafond des 10 000 euros annuels.

La Commission adopte l’amendement (amendement I-236).

Elle adopte ensuite l’article 5 modifié.

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Après l’article 5

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 12 de M. Marc Le Fur et I-CF 135 de M. Charles de Courson, ainsi que l’amendement I-CF 137 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Lorsque le Gouvernement a supprimé l’exonération d’impôt sur le revenu applicable aux majorations de pension, nous avons expliqué que cette mesure injuste était un mauvais coup porté aux familles, et en particulier aux classes moyennes. En effet, si vous bénéficiez d’une majoration de retraite, c’est parce que vous avez élevé des enfants, ce qui a entraîné des dépenses plus importantes que si vous n’en aviez pas eu. À cette mesure, il faut ajouter le décalage de dix-huit mois de la revalorisation des retraites.

Au total, ces dispositions ont concerné 3,8 millions de foyers fiscaux et ont majoré l’impôt sur le revenu de 300 à 350 euros. C’est pourquoi le Gouvernement doit mettre en place des mesures visant à corriger son erreur. Mais, comme nous estimons que ces mesures ne régleront pas tous les problèmes, nous proposons de revenir au dispositif antérieur, c’est-à-dire de rétablir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les majorations de pension pour charges de famille.

M. Marc Le Fur. Mon amendement revêt une importance d’autant plus singulière que le Conseil d’analyse économique, qui est le bureau d’études du Gouvernement, vient de formuler deux propositions extrêmement redoutables. D’une part, il propose de supprimer la majoration de pension de 10 % accordée aux femmes et aux hommes ayant élevé au moins trois enfants, d’autre part d’imposer non plus par foyer fiscal, mais par individu, c’est-à-dire en quelque sorte d’adopter le système anglo-saxon. Ces propositions vont extrêmement loin puisqu’elles remettent en cause tout le dispositif fiscal institué en 1945. J’aimerais que le Gouvernement démente ces propositions.

M. le président Gilles Carrez. Nous poserons la question au ministre en séance publique.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Avis défavorable à ces amendements. Le tableau retraçant la ventilation du rendement et du nombre de foyers concernés par cette mesure par décile de revenu déclaré par unité de consommation montre que la mesure est concentrée sur les déciles les plus élevés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure est relativement récente, puisqu’elle a été adoptée dans le cadre de la loi de finances initiale de 2014. Or nous avons déjà tous pu en mesurer l’impact sur les foyers concernés – près de 4 millions. Le nombre de personnes qui n’étaient pas imposables et qui le sont devenues après l’adoption de cette mesure est assez impressionnant. Le Gouvernement en a pris conscience et prévoit un allégement. Il est obligé de sortir les plus bas revenus de l’impôt sur le revenu et d’augmenter la décote. C’est assez illisible, incompréhensible. Il eût été beaucoup plus simple de revenir sur cette disposition parce que les dépenses liées à la mise en œuvre des mesures proposées par le Gouvernement sont assez inquiétantes.

M. le président Gilles Carrez. Ces amendements ont déjà été présentés dans le cadre de l’examen de la loi de finances initiale pour 2014 puis de la loi de finances rectificative en juillet dernier.

M. Charles de Courson. Le document dont a fait état Mme la Rapporteure générale montre que l’incidence de cette fiscalisation des majorations de pension n’est pas du tout proportionnelle au revenu. Elle baisse même entre les déciles 5 et 6. Plus vous avez d’enfants, moins vous avez de droits propres, parce que vous avez consacré une partie de votre vie à les élever. La fiscalisation de la majoration de pension pour charge de famille est donc profondément antisociale. Cette majoration de pension est un substitut très partiel de la perte de droits à la retraite des femmes, alors que l’on nous a fait croire que cette mesure ne bénéficiait qu’aux plus aisés. Or le tableau permet de constater que le dixième décile voit son impôt augmenter de 835 euros mais que les autres déciles sont aussi concernés. Voilà pourquoi l’amendement I-CF 137 prévoit d’affranchir de l’impôt les majorations de pension pour charges de famille, dans la limite de 1 000 euros.

M. Olivier Carré. Si j’ai bien compris, les 580 millions d’euros inscrits au dixième décile représentent 40 % du rendement budgétaire de la mesure, alors que ce décile doit concentrer environ les deux tiers de l’impôt sur le revenu.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 10 de M. Marc Le Fur, I-CF 106 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 143 de M. Charles de Courson, et l’amendement I-CF 127 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous connaissons maintenant l’impact catastrophique, en année pleine, de la fiscalisation des heures supplémentaires. L’année dernière, certains députés de la majorité considéraient que faire des heures supplémentaires était un choix et que cela revenait à prendre le travail d’un autre employé. En réalité, dans l’industrie, les salariés des entreprises de mon territoire travaillent en temps posté : de quatre heures à midi, de midi à vingt heures, ou de vingt heures à quatre heures du matin. Comment expliquer à un salarié qui travaille quarante heures en temps posté qu’il prend le travail de quelqu’un d’autre ? Comment peut-il négocier son contrat de travail ? Dans ce cas, ce sont des heures supplémentaires subies. Je peux vous assurer que l’effet de la fiscalisation des heures supplémentaires est réel sur les ménages dont chacun des membres travaille au SMIC. Voilà pourquoi nous vous proposons de défiscaliser les heures supplémentaires.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la première fois que nous déposons cet amendement, qui est d’autant plus d’actualité que le monde ouvrier subit les effets de la fiscalisation des heures supplémentaires sur les revenus de 2013, pour lesquels l’impôt est payé en 2014. Il se trouve que j’ai été convié récemment à une cérémonie de remise de médaille du travail dans une grande entreprise du secteur agroalimentaire. Vous n’imaginez pas le nombre de salariés qui sont venus me voir pour m’expliquer la perte de revenus qu’ils ont subie.

Je souhaiterais qu’on en revienne aux dispositions antérieures, d’autant que certains députés, dont nos collègues Pierre-Alain Muet et M. Dominique Lefebvre, nous expliquaient que la fiscalisation des heures supplémentaires allait entraîner des recrutements massifs, ce qui n’a pas été le cas.

M. Philippe Vigier. Durant l’été 2012, on nous a dit que la suppression de la « défiscalisation » des heures supplémentaires allait déboucher sur des créations d’emplois. Or on sait maintenant ce qu’il en est : la Cour des comptes a montré que l’effet attendu sur les créations d’emplois n’était pas au rendez-vous.

Certains considèrent, à tort, que la défiscalisation des heures supplémentaires crée un appel d’air et une augmentation du nombre des heures supplémentaires. En faisant voter, au mois de juillet 2012, la fiscalisation des heures supplémentaires, le Gouvernement a commis une erreur stratégique qui entache d’ailleurs durablement le pouvoir d’achat des Français. Nous vous demandons donc de revenir sur cette erreur qui sera, à coup sûr, l’une des plus graves de ce quinquennat.

M. Jérôme Chartier. Je soutiens ces amendements de bon sens qui n’ont pas vocation à se substituer à l’indispensable réflexion sur l’augmentation du temps de travail et le retour aux trente-neuf heures hebdomadaires.

Les heures supplémentaires doivent contribuer à améliorer le pouvoir d’achat des salariés. L’exonération pour les employeurs constitue une incitation à y recourir.

M. Michel Vergnier. Ce débat, ô combien politique, devrait se dérouler dans l’hémicycle.

Je rappelle à l’ancienne majorité qu’elle n’a pas fait preuve des mêmes scrupules sur la « fiscalisation » des indemnités pour les accidents du travail – je regrette d’ailleurs que nous ne l’ayons pas annulée. J’invite donc l’opposition à la cohérence.

M. Christophe Castaner. Je suggère de sous-amender le traditionnel amendement de l’opposition pour tenir compte de ses propositions en matière de temps de travail.

En proposant un retour de la durée légale de travail à quarante heures, vous privez les salariés de la rémunération d’heures supplémentaires entre trente-cinq et quarante heures. Vous demandez à l’État de financer à hauteur de 4,5 milliards d’euros la défiscalisation des heures supplémentaires, mais vous refusez aux salariés l’avantage que représentent ces dernières.

M. Éric Alauzet. L’annulation de la défiscalisation des heures supplémentaires a mécontenté et pénalisé les ménages, c’est incontestable. Vous trouvez là un argument électoral auprès de ceux qui ont subi une perte de pouvoir d’achat, notamment les plus modestes. Mais quelle inconséquence de la part de l’opposition ! Vous proposez des plans d’économies allant de 80 à 130 milliards d’euros pour rembourser la dette, mais vous soutenez une mesure qui coûte 4,5 milliards d’euros.

En outre, pourquoi les salariés faisant des heures supplémentaires bénéficieraient-ils d’une faveur fiscale à laquelle les salariés à temps partiel contraint ne peuvent pas prétendre ? Pourquoi rémunérer plus favorablement les dernières heures travaillées que les premières heures ?

M. Pierre-Alain Muet. Dans une situation économique normale, le bon équilibre économique consiste, pour une entreprise, à payer au salarié des heures supplémentaires qui sont moins coûteuses pour elle et plus rémunératrices pour lui. Dans une période de chômage, on peut s’interroger, à l’instar de M. Alauzet, sur le fait de préférer les heures supplémentaires aux premières heures de travail, qui sont pourtant plus importantes pour la société. Il serait plus logique de subventionner les premières heures et de mettre l’accent sur l’embauche.

Si la question des heures supplémentaires peut légitimement se poser en situation de plein-emploi, elle est absurde aujourd’hui d’un point de vue économique.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons examiné, en deux heures et demie, 25 des quelque 180 amendements déposés. Je ne perçois pas la plus-value que représente, en commission, la discussion d’amendements sur des sujets déjà maintes fois débattus. Je vous suggère de réserver vos déclarations de principe pour la séance. Nuire ainsi au sérieux des travaux de la Commission est particulièrement détestable.

M. Jérôme Chartier. Cette inversion des rôles prête à sourire…

À l’attention de M. Vergnier, je rappelle que sa majorité a décidé de fiscaliser la part patronale des régimes complémentaires « santé ».

L’augmentation du temps de travail est souhaitable, mais elle n’est pas encore d’actualité. L’amendement tient donc compte de la durée du travail actuelle. Lorsque celle-ci sera de nouveau de trente-neuf heures, les heures supplémentaires qui seront défiscalisées se déclencheront à partir du nouveau seuil.

M. Philippe Vigier. Je me permets de rappeler que les conditions de travail de la Commission sont la conséquence de la présentation tardive par le Gouvernement du projet de loi. La Rapporteure générale elle-même a souligné la difficulté de l’exercice.

Contrairement à ce que vous laissez croire, nous ne prévoyons pas de payer trente-neuf heures au prix de trente-cinq ni de faire 100 milliards d’euros d’économies, mais 40.

Mme la Rapporteure générale. Je ne tiens pas à relancer le débat. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 13 de M. Marc Le Fur et I-CF 138 de M. Charles de Courson.

M. Marc Le Fur. Cet amendement entend revenir sur la funeste disposition que vous avez adoptée sur les mutuelles.

M. Charles de Courson. Que nous apprennent les documents diffusés par la Rapporteure générale sur les effets de la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire « santé » ? Une fois de plus, et contrairement à ce qu’avaient affirmé la majorité et le Gouvernement, la mesure touche essentiellement les classes moyennes. L’impact social de la mesure, par ailleurs déresponsabilisante, est catastrophique.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF 47 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement reprend l’une des recommandations du rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés. Il vise à aligner la situation des adhérents à un centre de gestion agréé et celle des non-adhérents en matière de déductibilité du salaire du conjoint de l’exploitant.

Mme la Rapporteure générale. J’approuve cet amendement, mais son insertion dans la première partie lui confère un caractère rétroactif. Il n’est pas question de revenir sur le principal avantage de l’adhésion à un centre de gestion agréé – l’imposition des bénéfices sur une base 100 au lieu de 125. Je vous suggère de retirer cet amendement et de le redéposer dans la seconde partie du projet de loi de finances. Il recevra alors un avis favorable de ma part.

M. le président Gilles Carrez. Je suis d’accord et retire l’amendement.

M. Charles de Courson. Je mets en garde contre cet amendement qui pourrait inciter les entreprises à se retirer des centres de gestion agréés au détriment des rentrées fiscales. On sait que les redressements fiscaux sont plus importants chez les non-adhérents que chez les adhérents.

M. le président Gilles Carrez. La Rapporteure générale a rappelé que la principale incitation que constitue l’imposition sur une base 100 n’est pas remise en cause. Le rapport de la Cour des comptes montre que les autres avantages accordés – déplafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint, réduction d’impôt pour frais de comptabilité et d’adhésion et réduction à deux ans du délai de reprise – sont redondants avec l’avantage principal.

M. Charles de Courson. Je regrette que le rapport de la Cour des comptes n’ait pas fondé ses recommandations sur une étude des écarts entre les taux de redressement pour les personnes adhérentes et celles qui ne le sont pas.

Mme Véronique Louwagie. La majoration de 25 % des revenus imposés en cas de non-adhésion constitue un élément très dissuasif. Quant au plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint, il favorise le travail au noir en incitant à déclarer une rémunération correspondant au plafond alors que la rémunération réelle est supérieure.

M. le président Gilles Carrez. Je souscris aux propos de la Rapporteure générale. La mesure ne doit s’appliquer qu’à compter du 1er janvier 2015.

M. Jérôme Chartier. L’ensemble des réductions d’impôt supprimées représente des économies importantes pour le budget de l’État. Cet amendement fait œuvre utile de réduction des dépenses fiscales.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 62 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. Il s’agit du premier de trois amendements de M. Dassault que j’ai cosignés afin de flécher l’épargne française, dont le taux avoisine les 16 %, vers les entreprises, particulièrement les PME.

Cet amendement propose de clarifier la situation des business angels qui prennent des risques en leur permettant de déduire les pertes résultant de leurs investissements de leur revenu global, pas seulement des bénéfices industriels et commerciaux.

Mme la Rapporteure générale. Avis très défavorable. Avec cet amendement, l’investissement est réputé être une activité professionnelle alors qu’il existe déjà des dispositifs pour l’investissement. En outre, cela revient à subventionner les pertes.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 238 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je souhaite au travers de cet amendement, dont je reconnais les imperfections juridiques, attirer l’attention sur les cas, peu nombreux, de personnes imposables en situation de surendettement.

En effet, le code général des impôts ne tient pas compte, dans le revenu imposable, des mesures de remboursement de créances décidées dans le cadre du plan de redressement, autrement dit du revenu disponible. Je ne plaide pas pour une exonération, mais pour un étalement de la créance fiscale.

Mme la Rapporteure générale. Je comprends la finalité de votre amendement. Vous proposez de déduire du revenu imposable les versements réalisés au titre du plan de redressement, mais la commission de surendettement, lorsqu’elle établit le budget « vie courante », tient compte de l’impôt acquitté par les ménages. Il serait utile de recouper les deux dispositifs pour vérifier que votre préoccupation n’est pas doublement prise en compte. J’émets un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je suis très hostile à cet amendement qui transforme l’impôt sur le revenu en impôt sur la trésorerie disponible. Or il existe des cas dans lesquels une personne peut s’être endettée sans être pour autant en situation de surendettement.

Mme Rabin souhaite que les ménages surendettés puissent obtenir un étalement de leur dette fiscale. Mais des dispositifs en ce sens sont déjà prévus. Il est sans doute possible d’aller plus loin – l’étalement est aujourd’hui limité à dix-huit mois –, mais cela ne relève probablement pas du domaine de la loi.

Mme Véronique Louwagie. L’intention est louable, mais je suis également opposée à cet amendement, car les entreprises pourraient réclamer un dispositif similaire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 166 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Cet amendement a pour but d’alléger l’impôt des contribuables vivant seuls ou divorcés et supportant à titre exclusif ou principal la charge d’au moins un enfant. Il propose d’ajouter une demi-part supplémentaire, en sus de la demi-part accordée d’ores et déjà aux parents isolés ayant la charge exclusive ou principale des enfants. Cette mesure permettrait de soulager des foyers dont le fort taux de pauvreté est avéré.

L’amendement prévoit donc qu’un parent isolé élevant deux enfants puisse bénéficier de trois parts au lieu de deux et demi dans le droit actuel, tandis qu’un parent veuf élevant également deux enfants bénéficie d’ores et déjà de trois parts. Il contribuerait à réduire la différence de traitement qui existe, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme la Rapporteure générale. Vous proposez d’ajouter une demi-part à la demi-part supplémentaire dont bénéficie le contribuable parent isolé. Avec le barème actuel, une personne seule avec un enfant entre dans l’impôt avec un revenu de 21 000 euros. Après la réforme prévue dans l’article 2 du projet de loi de finances, le seuil sera de 26 279 euros. Avec votre amendement, l’entrée dans l’impôt correspondrait à un revenu de 31 662 euros. Votre proposition ne me paraît pas soutenable sur le plan budgétaire, alors que des efforts importants sont déjà consentis dans le projet de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 14 de M. Marc Le Fur. 

M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à revenir sur l’extinction de la demi-part attribuée aux veufs et veuves.

Mme la Rapporteure générale. Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire en juillet dernier à M. Le Fur : cet amendement est contraire à la Constitution. Votre argumentation fondée sur la distinction entre célibataires ou divorcés, d’une part, et veufs, d’autre part – ces derniers, contrairement aux premiers, n’ayant pas choisi d’être seuls – n’est pas conforme au principe d’égalité, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF 46 de M. le président Gilles Carrez est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 233 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement étend la réduction d’impôt attribuée au titre des souscriptions au capital de sociétés aux investissements dans des sociétés de production d’électricité photovoltaïque. La production d’énergies renouvelables est exclue du bénéfice de ce dispositif au motif que les entreprises profitent déjà du tarif de rachat préférentiel de l’énergie. Au nom de l’équité, l’amendement prévoit que l’investissement dans des sociétés qui ne bénéficient pas du tarif d’achat ouvre droit à une réduction d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Je rappelle que la contribution au service public de l’électricité (CSPE) représente une dépense de 6,2 milliards d’euros au titre de l’année 2014 dont 35 % bénéficient au photovoltaïque. Je propose d’en rester là.

M. le président Gilles Carrez. Cette somme colossale est une dette de l’État complètement masquée.

Mme Eva Sas. J’entends l’argument de la Rapporteure générale, mais cet amendement s’adresse précisément aux sociétés qui ne bénéficient pas du tarif de rachat.

Mme la Rapporteure générale. Je suis prête à analyser la situation de l’ensemble des acteurs.

M. Charles de Courson. Pourquoi votre amendement est-il limité à l’énergie solaire alors que le problème que vous soulevez se pose aussi pour l’éolien ou la méthanisation ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 18 de M. Marc Le Fur et I-CF 104 de Mme Marie-Christine Dalloz, et l’amendement I-CF 230 de Mme Eva Sas.

M. Marc Le Fur. Pour enrayer la baisse très sensible de l’emploi à domicile à laquelle nous assistons, M. Christian Eckert avait évoqué la piste consistant à porter la réduction forfaitaire de cotisation par heure travaillée, qu’il avait introduite en tant que rapporteur général, de 0,75 à 1,50 euro. Or le projet de loi de finances ne porte pas trace d’une telle mesure. Les représentants des employeurs à domicile sont très inquiets.

Mon amendement propose une solution qui n’est peut-être pas la bonne, mais il a le mérite d’interroger le Gouvernement sur ses intentions, notamment sur le devenir de l’engagement qu’avait pris le secrétaire d’État dans ses anciennes fonctions.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les majorités successives se sont employées à détruire l’emploi à domicile, alors qu’il est un facteur d’insertion pour des personnes peu qualifiées ou non qualifiées, et une source d’emplois pérennes.

La suppression de la possibilité d’opter pour une déclaration sur une base forfaitaire a eu des effets dramatiques. Elle a provoqué une chute de l’emploi à domicile déclaré et accru le recours au travail au noir avec deux conséquences : une plus grande précarité pour les salariés et une moins-value des recettes fiscales et sociales.

Nous avons besoin d’un regard objectif sur ce sujet. Le passage à 1,50 euro de la réduction de cotisation constituerait une incitation à récréer de l’emploi à domicile déclaré.

Mme la Rapporteure générale. En effet, un célibataire qui travaille, ou un couple où les deux conjoints travaillent, a droit à un crédit d’impôt, plus avantageux que la réduction d’impôt dont bénéficie un retraité ou un couple non-actif. Nous en avons discuté en juin, et j’entends bien le problème.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur les services à la personne, publié en juillet dernier, 3,9 millions de foyers fiscaux emploient des salariés à domicile, dont 40 % bénéficient du crédit d’impôt, 38 % de la réduction d’impôt et 22 % ne disposent d’aucun avantage fiscal.

Les amendements en discussion représentent un surcoût budgétaire très important. Mieux vaudrait sans doute privilégier l’option consistant à porter à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisation par heure travaillée, fixée à 0,75 euro fin 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous parlez de surcoût, madame la Rapporteure générale, mais, aujourd’hui, c’est l’État qui paie le prix fort dans le budget, puisque les pertes d’emplois à domicile, ce sont autant de recettes fiscales en moins.

Quant au 1,50 euro, il ne représente qu’un coût brut, dont il faut déduire les impôts payés par les employés à domicile pour obtenir le coût net. De ce point de vue, nous ne serions pas perdants.

Mme Eva Sas. J’aimerais introduire un peu d’humanité dans ce débat, en vous expliquant pourquoi j’ai déposé l’amendement I-CF 230. Un jour, un homme a téléphoné à ma permanence et m’a demandé de venir le voir chez lui : il ne pouvait pas laisser seule à la maison sa femme, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Lorsque je suis arrivée, il m’a fait part de sa tristesse : il venait de découvrir que, comme retraité, il n’aurait pas droit au crédit d’impôt au titre de l’emploi d’une salariée à domicile qu’il venait d’embaucher pour prendre soin de sa femme. Certes, il existe des aides spécifiques pour les proches et aidants de personnes dépendantes. Mais pourquoi cet homme en très grande difficulté n’aurait-il pas droit à un crédit d’impôt au même titre qu’un salarié ? À cette question, je n’ai su que lui répondre, sinon que j’allais déposer un amendement.

M. le président Gilles Carrez. M. Le Fur, qui fait preuve de la même humanité que vous, dépose le sien depuis plusieurs années. Le rapporteur général – inhumain par fonction ! – n’a cessé de lui répondre que cela coûterait 2 milliards d’euros et que nous n’en avions pas les moyens.

Mme la Rapporteure générale. J’ajoute, madame Sas, que ce monsieur bénéficie d’un abattement sur son revenu imposable s’il a plus de soixante-cinq ans et, s’il a plus de soixante-dix ans, d’une exonération totale des cotisations sociales patronales en tant que particulier employeur. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 63 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. À l’heure du crowdfunding, il faut orienter l’épargne de nos concitoyens vers le haut de bilan de nos PME, surtout les plus petites, qui manquent toujours de trésorerie. Nous proposons donc de relever de 10 000 à 25 000 euros le plafonnement des avantages à l’impôt sur le revenu à caractère incitatif ou liés à un investissement.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’impôt moyen sur le revenu acquitté par les Français est d’environ 2 000 euros. Relever le plafond des avantages fiscaux à 25 000 euros, auxquels s’ajoutent 10 % du revenu imposable, est tout à fait excessif.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 133 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. On a ramené à 10 000 euros le plafonnement global des avantages fiscaux. Mais l’emploi à domicile, qui concerne au moins 4,5 millions de familles, a besoin d’être encouragé, car il est en baisse. Nous proposons donc d’exclure cet avantage du plafonnement global, comme on l’a fait pour d’autres, moins utiles à l’emploi.

M. le président Gilles Carrez. Vous songez aux parts des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA), mais l’avantage est moins coûteux : il est réservé aux happy few

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Marc Goua. Je m’étonne que M. de Courson, chantre de l’abandon des niches fiscales, ait déposé cet amendement.

M. Charles de Courson. Je constate simplement que l’emploi à domicile est en repli, du fait des modifications de la fiscalité et des allégements de charges sociales – la suppression du forfait a été une catastrophe. Comme d’habitude, le mieux est l’ennemi du bien ! Cette chute drastique, dont attestent les statistiques de l’URSSAF, ne provient pas seulement d’une réduction du recours effectif à l’emploi à domicile, mais aussi de son transfert partiel vers l’emploi non déclaré. Au contraire, lorsqu’ils bénéficient d’un avantage fiscal, les employeurs ont intérêt à déclarer leur employé et la recette fiscale est préservée.

Une autre possibilité consiste à doubler la réduction forfaitaire de cotisation : c’est la proposition de notre ancien collègue Christian Eckert, proposition que je m’attendais, comme le président, à retrouver aujourd’hui.

Quelle que soit l’option que l’on choisisse, il faut faire quelque chose !

M. Christophe Castaner. Ayons l’honnêteté de rappeler que ce sont deux mesures successives qui ont fait basculer l’emploi à domicile vers le travail au noir : la suppression en 2011 de la réduction de 15 % des cotisations patronales, dont la responsabilité incombe à l’actuelle opposition ; la suppression du forfait, mesure de justice qui met fin à la possibilité de priver certains salariés des droits attachés à leur travail réel.

Vous avez raison de déplorer leurs conséquences sur l’emploi à domicile, mon cher collègue. Pour y remédier, après la censure de la disposition introduite en loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 par le Conseil constitutionnel, j’espère que nous trouverons des solutions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

M. le président Gilles Carrez. Assurément. La censure s’explique par des raisons purement procédurales, à savoir par la règle dite « de l’entonnoir », l’amendement n’ayant pas été examiné en première lecture. Nous le retrouverons donc en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 64 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. Il s’agit, comme l’avait proposé M. Christian Eckert lorsqu’il était rapporteur général, de porter à 18 000 euros et 4 % du revenu imposable le plafonnement de la réduction d’impôt dite « Madelin ». Nous cherchons à créer des emplois : toute mesure qui y contribue est bonne à prendre, même si elle paraît coûteuse dans un premier temps.

Mme la Rapporteure générale. La réduction d’impôt « Madelin » a été soumise au plafonnement global de 10 000 euros, mais il est possible de reporter l’excédent de réduction d’impôt sur l’impôt sur le revenu dû au titre des cinq années suivantes. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF 134 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En guise de variante à mon précédent amendement, je propose de rétablir le plafond de 18 000 euros pour l’avantage fiscal attaché à l’emploi à domicile, soumis au plafonnement global de 10 000 euros. Si le Gouvernement s’engage à agir dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, fort bien. En tout cas, il faut soit revenir sur la suppression du forfait – mais je doute que la majorité en soit d’accord –, soit doubler la réduction forfaitaire de cotisation, soit relever le plafond.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

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Après l’article 5
Augmentation du plafond du crédit d’impôt au titre des travaux de prévention des risques technologiques

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 36 de M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Cet amendement déjà examiné en juin dernier suscitait l’assentiment général, mais avait dû être retiré en raison d’un problème technique. Il convenait de prévoir un même plafond à l’avantage fiscal, qu’il bénéficie à un contribuable célibataire ou en couple, mais en prévoyant aussi un plafond par habitation, pour éviter qu’un couple de concubins n’en bénéficie deux fois, une par déclaration d’impôt. J’en ai donc revu la rédaction avec mon collègue Yves Blein.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement (amendement n° I-237).

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Article 6
Incitation à la libération du foncier constructible et à la construction de logements par l’aménagement des droits de mutation à titre gratuit

Le présent article vise à créer une incitation supplémentaire à la libération du foncier constructible par le biais d’un allégement ciblé des droits de donation.

Il vient ainsi compléter les mesures, également annoncées dans le cadre de ce plan, visant à inciter les mutations de terrains à bâtir par le biais d’un aménagement des plus-values immobilières (71). L’originalité du présent dispositif consiste à lier l’avantage fiscal non pas seulement à la transmission du bien mais également à la construction effective d’un immeuble à usage d’habitation.

Le présent dispositif prend la forme de deux abattements sur la valeur du bien soumis aux droits de donation :

– un abattement de 100 000 euros applicable aux donations entre vifs de terrains à bâtir, à condition qu’une habitation y soit construite dans un délai de quatre ans ;

– un abattement de 35 000 à 100 000 euros, suivant le lien de parenté avec le donateur, applicable aux donations entre vifs d’immeubles neufs.

En l’absence de mention spécifique, ces deux abattements sont cumulables avec les autres régimes d’exonération et d’abattement par ailleurs prévus par le code général des impôts.

Aucun impact financier n’est disponible pour cette mesure.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Du point de vue de la taxation du patrimoine, les dispositifs fiscaux visant à inciter à la libération du foncier non bâti, à sa construction ou à la densification des constructions existantes sont relativement ciblés – à l’exception notable des abattements exceptionnels ou pour durée de détention déjà exposés dans le cadre de l’examen de l’article 4 du présent projet de loi de finances.

Dans le cadre de l’examen du présent article, seront plus spécifiquement rappelés les autres dispositifs entrant dans cette catégorie.

A. UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE POUR LES SURÉLÉVATIONS

Le 9° de l’article 150 U du code général des impôts (72) prévoit un dispositif permettant l’exonération de plus-values immobilières liées à la cession d’un droit de surélévation, jusqu’au 31 décembre 2014.

1. Un enjeu lié à une volonté de simplification législative

L’enjeu de la surélévation des immeubles a été mis en lumière par le législateur qui, dans le cadre de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, a introduit une souplesse nouvelle en matière de décision d’aliéner le droit de surélever un bâtiment appartenant à une copropriété.

Jusqu’alors, la décision de surélever un bâtiment appartenant à une copropriété devait être prise à l’unanimité des copropriétaires, et à la majorité qualifiée des deux tiers des voix et de la moitié des copropriétaires, incluant l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur, lorsque le droit de surélévation était confié à un tiers.

Une modification de ce régime de délibération a été introduite pour les bâtiments situés dans un périmètre sur lequel s’exerce le droit de préemption urbain, c’est-à-dire dans des zones caractérisées par une tension foncière. Dans ces zones, la décision d’aliéner est désormais subordonnée à un accord à la majorité des voix des copropriétaires, incluant l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur.

Néanmoins, si les conditions de la délibération permettant de céder le droit de surélévation d’un immeuble en copropriété ont été assouplies, le régime fiscal applicable demeurait en revanche dissuasif.

En effet, en cas de cession du droit de surélévation d’un immeuble, le cédant était assujetti à l’imposition des plus-values immobilières. L’assiette de cette imposition correspondait alors à l’intégralité du prix de cession, dans la mesure où il n’existe pas de prix d’acquisition de ce droit, la taxation en résultant pouvant alors être tout à fait significative.

Si le propriétaire de l’immeuble procédait lui-même à la surélévation, puis à la vente du bien immobilier construit grâce à la surélévation, il n’acquittait pas d’imposition sur la plus-value mais est assujetti à la TVA sur la vente du bien immobilier, qui est un bien neuf.

2. Un dispositif peu utilisé

L’article 42 de la loi du 28 décembre 2011 précitée prévoit une exonération de la cession d’un droit de surélévation effectuée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 en vue de la réalisation et de l’achèvement de locaux destinés à l’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la cession.

Cette exonération permet de n’acquitter ni prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu ni prélèvements sociaux sur la plus-value résultant de la cession du droit de surélévation.

L’exonération de la plus-value est expressément subordonnée à la création de nouveaux logements. Il ne sera donc pas possible de prévoir la construction, sur tout ou partie des surfaces résultant de la surélévation, de locaux professionnels ou de locaux à usage de bureau, ou de locaux à usage commercial, sauf à perdre le bénéfice de la surélévation.

Par ailleurs, il est exigé que le cessionnaire procède à la réalisation et à l’achèvement des travaux dans un délai de quatre ans à compter de la date de cession du droit de surélévation.

Les différentes personnes pouvant bénéficier de l’exonération en cas de cession du droit de surélévation d’un immeuble sont :

– les personnes physiques (en vertu de l’introduction d’un nouveau cas d’exonération dans le II de l’article 150 U du code général des impôts) ;

– les fonds de placement immobilier et les sociétés ou groupements à prépondérance immobilière (en vertu de la modification de l’article 150 UC du même code) ;

– les fiducies (en vertu de la modification de l’article 150 UD) ;

– les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu et celles relevant de l’impôt sur les sociétés (en vertu du nouvel article 238 octies-0 A) ;

– les contribuables étrangers assujettis à l’impôt sur le revenu (en vertu de la modification du 1° du II de l’article 244 bis A) ;

– les personnes morales étrangères assujetties à l’impôt sur les sociétés, dès lors qu’elles sont résidentes d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance en matière de fraude et d’évasion fiscales (en vertu du III de l’article 244 bis A du code général des impôts, permettant l’application des règles applicables aux personnes morales résidentes de France).

Si le champ des personnes pouvant bénéficier de l’exonération est donc très large, le nombre des opérations visées par ce dispositif, arrivant à échéance à la fin de l’année, est assez restrictif. Bien que le Gouvernement n’ait pas été en mesure de fournir des chiffres précis sur l’utilisation du dispositif, il semble que son efficacité sur l’offre de logement ait été marginale, justifiant qu’il n’envisage pas sa prorogation.

B. LES DROITS PESANT SUR LES VENTES D’IMMEUBLES

Le régime des droits pesant sur les ventes d’immeubles comporte certaines spécificités permettant de soutenir la construction de logements.

L’article 1594-0 G du code général des impôts prévoit ainsi que l’acquisition d’immeubles réalisés par une personne assujettie à la TVA sont exonérés de droits d’enregistrement, à l’exception du droit fixe de 125 euros prévu par l’article 691 bis de ce code, à condition que l’acquéreur prenne l’engagement, dans l’acte de vente, à effectuer dans un délai de quatre ans à compter de l’acquisition, les travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé.

Ce régime s’applique également aux acquisitions d’immeubles que l’acquéreur s’engage à rénover lorsque les travaux envisagés ne peuvent pas être qualités de remise à neuf au sens de la TVA.

Une prolongation annuelle renouvelable de ce délai de quatre ans peut être accordée sur demande. En cas de mutations successives entre assujettis, l’engagement de construire pris par le cédant peut être repris par l’acquéreur auquel s’impose alors ce délai.

À l’expiration du délai, l’acquéreur doit justifier de l’achèvement des travaux par le dépôt d’un imprimé particulier n° 940. Faute de pouvoir justifier de l’achèvement des travaux à l’expiration du délai imparti, l’acquéreur est tenu d’acquitter spontanément, dans un délai d’un mois suivant l’expiration de ce délai, les droits de mutation dont la perception a été différée assortis des intérêts de retard.

Le bénéfice de cette exonération est toutefois soumis à plusieurs conditions :

– elle est applicable dans la limite de 2 500 mètres carrés par maison lorsqu’il s’agit de maisons individuelles ;

– sans limitation de superficie s’il s’agit d’immeubles collectifs, à condition que les immeubles couvrent avec leurs cours et jardins la totalité des terrains ;

– lorsqu’il s’agit d’immeubles qui ne sont pas affectés à l’habitation, l’exonération s’applique dans la limite des surfaces occupées par les constructions et les dépendances nécessaires à l’exploitation de ces constructions.

La personne à laquelle s’impose l’engagement de construire peut, dans la limite de cinq années à compter de la première vente (et sous réserve d’avoir obtenu le droit de prolonger le délai initial de quatre ans), substituer un engagement de revendre, qui est alors réputé avoir pris effet à compter de cette même date.

C. LE RÉGIME DES DONATIONS

Le régime général des donations comporte certaines dispositions portant sur l’exonération de terrains, comportant un engagement d’affectation par le donataire qui permet d’éclairer la portée de certaines dispositions prévues par le présent article. Toutefois, ces régimes portent davantage sur le maintien de ces terrains dans leur état naturel que sur leur construction future.

1. Les propriétés non-bâties incluses dans les espaces naturels protégés

Les transmissions à titre gratuit intéressant les propriétés non bâties incluses dans les sites protégés Natura 2000, dans les zones centrales des parcs nationaux, des réserves naturelles, des sites classés et des espaces remarquables du littoral sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quart de leur valeur.

Les donataires prennent l’engagement pour eux et leurs ayants cause l’engagement d’appliquer pendant dix-huit ans le dispositif de protection propre à ces espaces naturels.

En cas de rupture de l’engagement, le donataire est passible d’un rattrapage des droits, des intérêts de retards et d’un droit supplémentaire de 30 % ou 20 % du complément selon que le manquement est constaté avant ou après l’expiration de la dixième année suivant la transmission.

2. Les terrains en bois et forêts

Un dispositif similaire est applicable en cas de donation d’un terrain couvert par des bois ou forêts.

Aux termes de l’article 793 du code général des impôts, les donations de tels terrains bénéficient d’une exonération des trois quarts du montant, à condition de prendre un engagement de gestion durable de ces bois ou forêts pendant un délai de trente ans.

Le bénéficiaire de l’exonération doit produire tous les dix ans, à compter de la date de la donation, un bilan de la mise en œuvre du document de gestion durable.

La rupture de cet engagement entraîne l’exigibilité du complément de droit et d’un droit supplémentaire de 30 %, 20 % ou 10 % suivant que le manquement a lieu avant l’expiration de la dixième, la vingtième ou la trentième année. Cette pénalité est assortie des intérêts de retard au titre des cinq premières années.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Afin d’inciter les propriétaires à libérer des terrains en vue de relancer la construction, le présent dispositif prévoit deux abattements spécifiques portant, d’une part, sur les donations de terrains constructibles, à condition qu’ils fassent l’objet d’une construction postérieurement à la donation dans un délai de quatre ans, et, d’autre part, sur les donations de logement neufs opérées avant la fin de l’année 2019.

A. UNE EXONÉRATION EXCEPTIONNELLE DE 100 000 EUROS POUR LES DONATIONS ENTRE VIFS DE TERRAINS À BÂTIR

Le présent article prévoit, en premier lieu, l’insertion dans le code général des impôts d’un nouvel article 790 H, prévoyant une exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit entre vifs de terrains à bâtir, constatés par un acte authentique signé entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015, à concurrence de 100 000 euros et dans la limite de la valeur déclarée des biens. Cette exonération partielle s’applique à la condition que le donataire s’engage à y construire, dans un délai de quatre ans à compter de l’acte de donation, un logement neuf destiné à l’habitation.

1. La portée de l’avantage fiscal

a. Les personnes intéressées

Le présent dispositif concerne les donations entre vifs, c’est-à-dire entre personnes physiques vivantes, qu’ils soient ou non unis par un lien de parenté. Si le présent dispositif n’est de ce fait pas ouvert aux sociétés, même unipersonnelles, il n’exclut pas que la donation entre vifs porte sur les parts d’une société civile immobilière.

Conformément à l’article 894 du code civil, la donation entre vifs est « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». Conformément à l’article 931 du code civil, la donation entre vifs doit être passée devant notaire « dans la forme ordinaire des contrats » (73). La donation n’est valable qu’à la condition d’être acceptée par le bénéficiaire, qui conserve le droit de refuser.

L’article prévoit que la donation puisse être négociée entre deux personnes qui ne se connaîtraient pas, par exemple si le donateur consent à attribuer au donataire un terrain constructible avec, comme contrepartie, la charge pour le donataire d’édifier un logement neuf dans lequel le donateur pourrait ensuite être logé.

b. Les donations concernées

Le champ des donations visées est strictement limité à la fois s’agissant du type de donations et du moment où celles-ci pourront être réalisées.

i.  Les donations en pleine propriété

Le présent dispositif concerne uniquement les donations en pleine propriété. Sont donc exclues a contrario du présent dispositif toutes donations auxquelles sont associées des réserves d’usufruit, c’est-à-dire la possibilité, pour le donateur, de conserver la jouissance de son bien tout en transmettant la nue-propriété aux donataires (74). À ce titre, l’usufruit constitue un démembrement de la propriété qui est exclue du bénéfice du présent article.

La présente exonération ne peut donc pas être combinée avec les dispositions de l’article 669 du code général des impôts, permettant d’organiser la transmission de son bien en réalisant une donation avec réserve d’usufruit ; dans pareil cas, le montant des droits de mutation à percevoir au moment de la succession ne porte que sur la valeur de la nue-propriété.

À condition qu’elle soit opérée en pleine propriété, toute donation est visée par le présent article, qu’elle soit une donation simple (c’est-à-dire consentie à une seule personne), une donation-partage (c’est-à-dire consentie à plusieurs personnes avec une répartition de l’actif) ou une donation en indivision (c’est-à-dire consentie à plusieurs personnes qui partagent la propriété d’un même bien).

Le présent dispositif n’impose pas non plus que la donation porte sur l’intégralité de la propriété du bien mais seulement que la part faisant l’objet de la donation soit en pleine propriété.

ii.  Les donations constatées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015

Contrairement à plusieurs dispositions annoncées dans le cadre du Plan de relance du logement, dont la mise en œuvre a été anticipée au 1er septembre 2014, le présent dispositif ne sera pleinement applicable qu’à compter des donations définitivement signées devant notaire à compter du 1er janvier 2015.

Afin de créer un choc d’offre foncière, le présent dispositif est limité à l’année 2015. Compte tenu de la révision des plans locaux d’urbanisme en cours dans de nombreuses villes de France, les terrains qui seront classés comme terrains à bâtir dans le courant de l’année 2015 pourront de fait bénéficier du présent dispositif, à condition que la donation soit postérieure au classement de l’immeuble en terrain à bâtir.

iii.  Les donations concernant les seuls terrains à bâtir

Pour la définition du terrain à bâtir, le présent article renvoie à l’article 257 du code général des impôts relatif à la TVA immobilière, définissant les terrains à bâtir les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, conformément à l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme. Est donc considéré comme constructible tout terrain sur lequel un document d’urbanisme opposable permet l’édification d’un immeuble.

Ainsi que le rappelle l’instruction 3 A-9-10 du 29 décembre 2010, relative aux nouvelles règles de TVA applicable aux opérations immobilières, cette définition retenue par le législateur est « de nature administrative, autonome des définitions fiscales connues par ailleurs qui reposent sur un critère de constructibilité effective », c’est-à-dire en prenant en compte « la question de savoir si la réalisation concrète d’une construction se trouve subordonnée à la réalisation d’autres conditions tenant, par exemple, à des exigences de surface, de densité ou de consistance, ou encore au respect de servitudes du fait de tiers ».

L’instruction met en évidence le fait que la définition des terrains à bâtir au regard des seules règles d’urbanisme permet d’opérer une distinction claire avec les terrains qui ne sont pas constructibles ; toutefois, pour l’application du présent dispositif, il est également nécessaire d’opérer, au moyen des règles applicables en matière de TVA immobilière, une distinction claire entre les terrains à bâtir sur lesquels un édifice a été mis en place et les terrains à bâtir sur lesquels aucun édifice n’est établi.

Conformément au droit de l’urbanisme, sont donc considérés comme terrains à bâtir, sous réserve de dispositions plus restrictives prévues en zone littorale ou en zone de montagne, les terrains situés :

– en zone urbaine (zone « U » du PLU), c’est-à-dire les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ;

 en zone à urbaniser (zone « AU » du PLU), c’est-à-dire les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation ;

– les zones constructibles des cartes communales ;

 les périmètres constructibles des zones classées dans le document d’urbanisme comme « naturelles et forestières », dans lesquelles certaines constructions de taille limitée peuvent être admises.

Outre cette définition reposant sur un zonage issu du droit de l’urbanisme, l’instruction contient des dispositions importantes permettant d’identifier matériellement un terrain à bâtir et de le distinguer d’un immeuble déjà bâti en s’appuyant sur le régime de la TVA immobilière :

– peut seul constituer un terrain à bâtir un terrain qui ne comporte pas d’ores et déjà des bâtiments, c’est-à-dire de construction incorporée au sol ;

 la capacité à utiliser la construction est également déterminante au sens de cette instruction, un immeuble assorti d’une construction dont l’état la rend impropre à un quelconque usage devant être considéré comme terrain à bâtir. Dès lors que la construction est propre à être utilisée, l’immeuble doit être considéré comme bâti, y compris lorsque la construction est destinée à être détruite par le propriétaire.

2. Les modalités de mise en œuvre

a. Les conditions tenant à la construction effective d’un logement dans un délai de quatre ans

L’originalité du présent dispositif consiste à ne pas se focaliser uniquement sur la transmission du terrain à bâtir mais à lier l’octroi de l’avantage fiscal à l’édification effective d’un logement.

Établir ce lien alors que le bien change de propriétaire est juridiquement particulièrement délicat. À cet effet, le présent dispositif prévoit deux obligations :

– l’acte de donation doit contenir l’engagement, par le donataire, pris pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs à usage d’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte ;

– l’exonération est subordonnée à la condition que le donataire justifie à l’expiration du délai de quatre ans de la réalisation et de l’achèvement des locaux destinés à l’habitation.

Le respect de la première condition, bien qu’elle semble peu contraignante pour le donateur comme pour le donataire (75), semble assuré par l’octroi de l’avantage fiscal, qui est concomitant à la réalisation de la donation.

Le respect de la seconde condition semble toutefois délicat ; si le bénéfice du présent avantage est ouvert aux donations réalisées dans le courant de l’année 2015, la réalisation du logement doit être effective dans un délai de quatre ans, soit au plus tard le 31 décembre 2019.

Selon les informations données par le Gouvernement, le contrôle sera opéré par le biais du dépôt d’une attestation prouvant l’achèvement des travaux, comparable à celui exigé pour bénéficier de l’exonération des droits d’enregistrement mentionnée précédemment.

b. Les modalités de calcul de l’exonération

Le régime des droits de mutation à titre gratuit comporte à la fois des exonérations, consistant à faire sortir de l’assiette taxable un montant ou un bien donné, et des abattements qui consistent, sur une assiette déterminée, à réduire le montant net taxable.

i.  Les exonérations et abattements existants

En l’absence de précisions, la présente exonération pourrait en théorie se cumuler avec d’autres régimes d’exonération existants. On note cependant que les recoupements entre les dispositifs existants et la présente exonération sont relativement limités.

LES EXONÉRATIONS DE DROITS DE DONATION EN VIGUEUR

Nature de l’exonération

Montant de l’exonération

Recoupements possibles
avec le présent dispositif

Transmission de parts de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation (« pacte Dutreil »)

¾ de la valeur de la propriété

Les parts de la société peuvent concerner une activité agricole. Un terrain agricole rendu constructible peut en théorie être éligible aux deux exonérations.

Transmission de propriétés en nature de bois et forêts ou de part de groupements forestiers

¾ de la valeur de la propriété

Le bénéficiaire prend un engagement de gestion durable de 30 ans, qui n’exclut pas a priori la construction d’un logement sur une partie constructible de la propriété.

Biens ruraux donnés à bail à long terme ou parts de groupements fonciers agricoles

¾ de la valeur de la propriété

Le bail doit être signé depuis au moins deux ans et pour une durée d’au moins 18 ans ; mais son régime n’exclut pas de bâtir un immeuble sur une parcelle constructible

Propriétés non bâties incluses dans certains espaces naturels protégés

¾ de la valeur de la propriété

Le cumul avec toute autre exonération est exclu par l’article 793 du CGI

En revanche, le régime d’exonération partielle prévu par le présent article sera cumulable avec certains abattements spécifiques existants dans le régime de droit commun des donations.

LES ABATTEMENTS DE DROITS DE DONATION EN VIGUEUR

Nature de l’abattement

Montant de l’abattement

Abattement au bénéfice d’une personne handicapée

159 325 euros sur la part de chaque personne

Abattement de droit commun pour les donations en ligne directe (art. 779 du CGI)

100 000 euros sur la part de chacun des ascendants ou enfants vivants

Abattement entre époux ou partenaires liés par un PACS

80 724 euros

Abattements entre frères et sœurs (art. 779 du CGI)

15 932 euros sur la part de chaque frère et sœur

Abattement en faveur d’un neveu ou d’une nièce

7 967 euros par bénéficiaire

Abattement en faveur d’un petit-enfant

31 865 euros par bénéficiaire

Abattement en faveur d’un arrière-petit-enfant

5 310 euros par bénéficiaire

Une fois les différentes exonérations et abattements pris en compte, le montant des droits à percevoir est calculé en appliquant à l’actif un taux par tranche différent suivant le lien de parenté avec le donataire.

TAUX APPLICABLE PAR FRACTION TAXABLE
(DONATIONS EN LIGNE DIRECTE)

Moins de 8 072 euros

5 %

De 8 072 euros à 12 109 euros

10 %

De 12 109 euros à 15 932 euros

15 %

De 15 932 euros à 552 324 euros

20 %

De 552 324 euros à 902 838 euros

30 %

De 902 838 euros à 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Pour les donations entre frères et sœurs le taux applicable et de 35 % pour la fraction n’excédant pas 24 430 euros et de 45 % au-delà. Pour les autres parents, le taux est de 55 % jusqu’au quatrième degré et de 60 % au-delà.

ii.  Les modalités de calcul de la présente exonération

Le présent article prévoit que l’exonération de 100 000 euros s’applique :

– d’une part dans la limite de la valeur des biens faisant l’objet de la donation ;

– d’autre part aux donations consenties par un même donateur ; il s’agit par conséquent d’un abattement global appliqué au montant de l’actif faisant l’objet de la donation, et non d’un abattement personnel qui pourrait être demandé par chacun des bénéficiaires. Le dispositif peut porter sur plusieurs donations successives : la limite s’apprécie alors en totalisant les abattements dont a bénéficié successivement le même donataire.

B. UNE EXONÉRATION PARTIELLE SUR LES DONATIONS DE LOGEMENTS NEUFS

Le présent article prévoit, en second lieu, l’insertion dans le code général des impôts d’un article 790 I dont l’objet est d’accorder une exonération partielle exceptionnelle de droits de donation lorsqu’elles portent sur un logement neuf.

1. La portée de l’avantage fiscal

Ce second avantage est ouvert aux mêmes personnes que celles mentionnées dans le cadre de la première exonération, à savoir les parents du donataire ou des tiers.

Les donations concernées par ce second dispositif sont également les donations en pleine propriété. La donation doit être réalisée dans les trois années maximum suivant l’obtention du permis de construire, soit au plus tard le 31 décembre 2019.

2. Les modalités de mise en œuvre

a. Les conditions tenant à la construction effective d’un logement neuf

Alors que le premier dispositif octroie l’avantage fiscal dans un premier temps, en le liant à la réalisation postérieure d’une habitation, le présent dispositif semble plus solide juridiquement en prévoyant un enchaînement temporel logique :

– le permis de construire, sollicité au nom du donateur, doit être obtenu avant la donation, entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016 ;

– la construction doit ensuite être opérée avant la fin de l’année 2019, sachant que le donataire est alors encore propriétaire du terrain et de la nouvelle construction ;

– une fois la construction achevée, la donation peut être réalisée, en tout état de cause avant le 31 décembre 2019, au vu de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité de travaux.

On notera que le présent dispositif ne s’oppose pas à ce que le donateur fasse construire un logement neuf afin de le mettre en location, au besoin en bénéficiant du dispositif « Pinel » prévu par l’article 5 du présent projet de loi, pour le transmettre loué à un membre de sa famille avant la fin de l’année 2019.

b. Les modalités de calcul de l’exonération

L’articulation entre la présente exonération et les autres régimes d’exonérations et d’abattements existants pour les droits de donations appelle les mêmes commentaires que pour l’exonération précédente.

À la différence du premier dispositif, le montant de l’avantage fiscal est toutefois modulé en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire :

– 100 000 euros pour les donations consenties à un descendant ou un ascendant en ligne directe, au conjoint ou au partenaire lié au donateur par un PACS ;

– 45 000 euros s’agissant des donations consenties à un frère ou une sœur ;

– 35 000 euros pour les donations consenties à une autre personne.

L’ensemble des donations consenties par un même donateur ne peuvent être exonérées qu’à hauteur de 100 000 euros.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 147 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Rien de pire que les mesures temporaires. Celle qui nous est ici proposée par le Gouvernement va dans le bon sens, mais doit être pérennisée pour plus de prévisibilité. Je n’ignore pas que certains souhaitent limiter l’application des dispositions que nous adoptons à la durée de la législature ; mais un an, c’est beaucoup trop court !

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable, pour les raisons précédemment invoquées et parce que le coût du dispositif prévu par l’amendement n’est pas évalué.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 sans modification.

*

* *

Après l’article 6

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 34 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. La loi de finances pour 2014 permet un amortissement exceptionnel des investissements dans le domaine de la robotique, sur vingt-quatre mois, pour les PME au sens du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008.

L’amendement vise à étendre cette possibilité, car les entreprises de plus de 250 salariés, surtout dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’agro-alimentaire, sont susceptibles d’investir dans ce domaine pour moderniser leur outil de travail et créer ainsi des emplois.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons rejeté cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

Il existe un amortissement exceptionnel sur les constructions ou acquisitions de certains robots, instaurés en loi de finances pour 2014 au bénéfice des PME : les investissements réalisés entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015 pourront être amortis sur deux ans, au lieu de dix en principe. Cette aide est soumise au plafond communautaire de minimis : son montant ne peut excéder 200 000 euros sur trois ans. Votre amendement a pour objet de supprimer ce plafond, ce qui obligerait à notifier l’aide à la Commission européenne. Il risque donc de fragiliser le dispositif existant, pour un coût budgétaire non évalué.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 55 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit du statut fiscal applicable à la pluriactivité agricole, qui permet aux exploitants individuels soumis à un régime réel d’imposition de rattacher leurs recettes commerciales accessoires à leurs bénéfices agricoles dès lors qu’elles n’excèdent ni 30 % des recettes tirées de l’activité agricole ni 50 000 euros.

Nous proposons d’appliquer ces dispositions aux groupements d’exploitation en commun (GAEC) conformément au principe de transparence, aux termes duquel leurs associés ne doivent pas être placés dans une situation moins favorable que les exploitants individuels.

Mme la Rapporteure générale. Il y a en effet une difficulté, dont nous avons déjà parlé en juillet.

Trois points posent problème dans l’amendement. D’abord, les seuils n’y sont pas appréciés en pourcentage des recettes : vous vous contentez, madame Dalloz, de multiplier les montants en valeur absolue par le nombre d’exploitants. Ensuite, nous cherchons actuellement à obtenir un complément d’information sur l’articulation entre la loi et la jurisprudence du Conseil d’État, lequel a jugé que les recettes accessoires du GAEC et celles enregistrées par les exploitants individuels en dehors du GAEC doivent être consolidées avant l’application du principe de transparence. Enfin, il convient évidemment d’étudier le coût de la mesure.

Nous avons demandé au Gouvernement d’expertiser votre amendement. Dans l’attente de sa réponse, je vous suggère de le retirer.

Mme Marie-Christine Dalloz. De deux choses l’une, madame la Rapporteure générale : soit vous obtenez bientôt une réponse, auquel cas je redéposerai l’amendement en séance publique pour nous laisser le temps d’y retravailler ; soit vous avez une solution à nous proposer dès aujourd’hui.

Mme la Rapporteure générale. Nous n’en avons pas encore, malheureusement, mais nous vous transmettrons l’appréciation de la direction de la législation fiscale dès que nous en aurons connaissance.

M. Charles de Courson. Notre collègue Marie-Christine Dalloz a raison sur le fond. Le droit de l’Union européenne reconnaît depuis peu les GAEC et accepte donc de multiplier par le nombre d’associés les avantages existants, les droits à paiement unique (DPU), etc. Il a été refusé d’étendre le dispositif aux sociétés, mais l’amendement, étant limité aux GAEC, ne devrait poser aucun problème communautaire. Il faut trouver une solution pour équilibrer le dispositif.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement I-CF 59 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans l’agriculture, la pluriactivité se développe. On l’a vu à propos de la TVA sur les centres équestres. Les agriculteurs diversifient leur activité en dispensant des formations, en faisant de l’animation et, au-delà même de l’agriculture, en produisant de l’électricité d’origine photovoltaïque.

Pour en tenir compte, nous proposons de relever les seuils de 50 000 euros et de 30 % des recettes de l’activité agricole, en deçà desquels les recettes commerciales accessoires des exploitants peuvent être rattachées à leurs bénéfices agricoles.

Mme la Rapporteure générale. Les exploitants agricoles peuvent cumuler différentes activités dont le produit est intégré à leur chiffre d’affaires et à leur revenu. En ce qui concerne la production d’électricité photovoltaïque et éolienne, le plafond de recettes accessoires en deçà duquel il leur est possible de rester soumis au régime favorable des bénéfices agricoles a été porté à 50 % du chiffre d’affaires total et 100 000 euros.

Le relèvement à ces niveaux du plafond applicable à l’ensemble des activités commerciales, que vous proposez, ferait diminuer à la fois l’impôt sur le revenu et la TVA, ce qui aurait un coût, dans un contexte d’attention accrue à la situation de nos finances publiques. C’est essentiellement pour cette raison que j’émets un avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Je comprends cette objection, mais les seuils actuels découragent l’activité économique des exploitants, qui font en sorte de ne pas les dépasser. C’est un problème pour les territoires ruraux, qui ont besoin d’être soutenus. Par cet amendement, nous donnerions un coup de pouce au développement économique de nos territoires.

Mme la Rapporteure générale. C’est sur toute la fiscalité agricole qu’il faudrait alors faire le point : régimes forfaitaires ou au réel, défiscalisation applicable à l’investissement en matériel agricole, statut de la pluriactivité, qui peut permettre de développer les circuits courts, par exemple, sans oublier les difficultés que connaissent nombre d’agriculteurs. Toutefois, selon une étude réalisée par l’INSEE en 2010, un salarié qui gagne cinq fois le SMIC paie deux fois plus d’impôt sur le revenu qu’un agriculteur bénéficiant du même niveau de revenu – ce qui n’est évidemment pas le cas de tous, j’en conviens. Peut-être notre président pourrait-il proposer au Bureau de notre commission une mission sur le sujet.

M. le président Gilles Carrez. J’y suis d’autant plus favorable que la péréquation entre collectivités locales dans le cadre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) tient compte du revenu des habitants, pondéré de 25 % : un territoire est d’autant plus contributeur que le revenu de ses habitants est supérieur à la moyenne nationale. Ce qui pose un problème vu l’écart de revenu entre celles qui comptent surtout des salariés, notamment en milieu urbain, et les petites communes rurales où habitent essentiellement des agriculteurs.

Je proposerai la constitution de cette mission au prochain Bureau.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 11 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Une partie des plans d’épargne-logement (PEL) échappe au régime applicable au reste de l’épargne administrée : au-delà de douze ans, les détenteurs de PEL ne peuvent plus opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire pour leurs intérêts, imposés au taux marginal de l’impôt sur le revenu. Nous proposons de remédier à cette distorsion.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. La fiscalisation n’intervient qu’après douze ans, ce qui reste avantageux. Mais nous tenons au principe selon lequel un euro de revenu du capital doit être taxé comme un euro de revenu du travail.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 168 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Les mesures fiscales encourageant la surélévation ou la transformation de bureaux en logements arrivent à échéance au 31 décembre prochain. Nous proposons de proroger de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2017, l’exonération d’impôt sur le revenu des plus-values immobilières résultant de la cession de droits de surélévation d’immeubles existants, l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés des plus-values professionnelles, afin que professionnels et entreprises bénéficient du même traitement fiscal que les particuliers, et l’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés de 19 % aux cessions d’immeubles de bureaux ou de locaux commerciaux que l’entreprise cessionnaire s’engage à transformer en immeubles d’habitation.

Mme la Rapporteure générale. Selon le Gouvernement, cette niche fiscale est très peu utilisée. On peut s’interroger sur son efficacité. Je répète que les dispositifs que nous adoptons doivent faire l’objet d’une évaluation. Par ailleurs, dans la majorité des cas, c’est le propriétaire de l’immeuble qui procède lui-même à la surélévation et vend le bien immobilier ainsi construit, de sorte qu’il n’est pas imposé sur la plus-value, mais n’acquitte que la TVA.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement I-CF 252 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Mes collègues Christophe Caresche, Pascal Terrasse et moi-même avons déposé trois amendements relatifs aux business angels. En effet, la loi qui les régit paraît inadaptée à la réalité de leur financement. Nous proposons donc de l’assouplir afin que les business angels ne soient pas considérés comme des professionnels, notamment lorsqu’ils sont organisés sous forme de sociétés de bénévoles, et de ne pas les astreindre à un nombre maximum d’associés et de salariés. Il convient aussi de faire en sorte que leurs réinvestissements soient soumis à des règles plus souples que celles qui sont actuellement prévues et de ne pas réduire leurs conditions de réemploi en cas de cession ou de revente. Nous avons besoin d’un véhicule simple permettant l’investissement collectif dans un projet unique. Cet ensemble de mesures permettra d’accompagner les business angels existants – hélas trop peu nombreux en France – qui adoptent une véritable démarche d’investissement et non seulement d’optimisation fiscale, et qui souhaitent accompagner de jeunes entreprises.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet amendement est intéressant car il permet aux business angels de s’associer pour investir dans des PME. De plus, il offre un moyen terme entre la souscription personnelle et une holding. J’ai cependant manqué de temps pour l’expertiser. Je vous suggère donc de le retirer et de le redéposer lors de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 du règlement.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission en vient à l’amendement I-CF 249 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Cet amendement concerne la part d’activités lucratives que peuvent accessoirement exercer les organismes à but non lucratif. Cette limite n’a pas été relevée depuis 2002. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce point dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 et la Rapporteure générale avait alors estimé qu’il aurait mieux sa place dans le projet de loi de finances pour 2015. De la même façon, lors de l’examen de cet amendement en séance publique, le ministre du budget s’était engagé à ce qu’on le réexamine – raison pour laquelle je l’ai redéposé.

Mme la Rapporteure générale. J’émettrais à un avis favorable à votre amendement s’il ne prévoyait qu’une indexation sur l’inflation.

M. le président Gilles Carrez. Le fait que l’inflation soit inférieure à 0,5 % explique sans doute la mansuétude de Mme la Rapporteure générale…

M. Régis Juanico. J’accepte de retirer mon amendement afin d’en modifier la rédaction d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 129 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Afin de renforcer la lisibilité de la politique fiscale, nous proposons de baisser d’un point par an pendant cinq ans les taux d’impôt sur les sociétés (IS).

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : la baisse des taux d’imposition sur les sociétés a effectivement été annoncée mais elle sera proposée dans un autre PLF.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement I-CF 190 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à moduler le taux de l’IS en fonction de la destination des profits.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : nous avons déjà institué une taxation des revenus distribués.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 24 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lorsque le Gouvernement a instauré un prélèvement d’1 % sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), il a annoncé que cette mesure s’inscrivait dans la perspective d’une réforme structurelle de la fiscalité des entreprises et qu’elle devait constituer la contrepartie pour l’État de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle et de l’application du crédit d’impôt compétitivité emploi. Or la réalité est tout autre : d’une part, cette taxe a été instaurée pour compenser les moindres rentrées de l’impôt sur les sociétés ; d’autre part, elle concerne des entreprises confrontées à la compétition internationale. Nous proposons donc d’abroger les articles 223 duodecies, 223 terdecies et 223 quaterdecies du code général des impôts.

Mme la Rapporteure générale. En fait, la taxe sur l’EBE n’a jamais été mise en place. Autrement dit, vous proposez de supprimer une taxe qui n’existe pas.

M. Marc le Fur. Mais qui reste dans la tête de certains !

M. Philippe Vigier. C’est le principe de précaution…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 161 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement a pour objet d’aligner le régime de déductibilité des charges logées dans des États à fiscalité privilégiée sur celui des charges logées dans des États non coopératifs.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà débattu de cet amendement. Or, votre proposition doit faire l’objet d’une analyse pour s’assurer de sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne. Car le fait que vous proposiez l’entrée en vigueur de votre amendement à la date d’adoption d’une mesure similaire par l’Union européenne ne nous semble pas un argument suffisant. Je suis donc défavorable à cet amendement à ce stade.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement I-CF 57 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les agriculteurs ayant constitué des sociétés d’exploitation ont la possibilité d’opter pour l’imposition sur le revenu pendant cinq ans. De nombreux agriculteurs ont fait ce choix mais, à l’issue de la période de cinq exercices, ils doivent se soumettre à l’impôt sur les sociétés. Qui plus est, ce changement de régime fiscal emportant en principe la cessation d’activité, il génère pour l’associé exploitant un surcoût d’imposition non négligeable. Notre amendement vise donc à prolonger la durée de l’option visée à l’article 239 bis du code général des impôts en la portant de cinq à dix ans.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Vous souhaiteriez que les sociétés agricoles puissent bénéficier plus longtemps de dispositions favorables réservées aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu. Il me paraîtrait préférable, comme je l’ai évoqué lors de notre précédente réunion, de mener une mission d’information globale sur la fiscalité agricole afin de discuter de l’ensemble des questions qui se posent en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 175 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Nous proposons de recadrer le crédit impôt recherche (CIR). Les grands groupes ont largement optimisé cet avantage fiscal : 0,4 % des entreprises se retrouvent ainsi à bénéficier de 38 % des dépenses de recherche et développement. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné cette stratégie d’optimisation qui pourrait s’installer dans la durée et jugé nécessaire de recentrer cette dépense fiscale ; pour l’heure, les groupes intégrés fiscalement ont toute liberté de faire réaliser des dépenses par leurs filiales afin de bénéficier largement du CIR.

L’État supporte une dépense lourde qui n’a pas porté tous les fruits escomptés. De fait, le budget de recherche et développement des grandes entreprises est passé de 16 à 16,4 milliards d’euros seulement entre 2008 et 2010.

Nous proposons donc d’apprécier le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche au niveau du groupe et non au niveau des filiales. Nous pourrions ainsi, toujours selon la Cour des comptes, réaliser une économie de l’ordre de 530 millions d’euros.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que cette proposition est issue du rapport d’information de nos collègues Alain Claeys et de Jean-Pierre Gorges de 2010 et qu’elle a été reprise sous forme d’amendement par Mmes Berger et Rabault l’an dernier.

Mme la Rapporteure générale. Je reste favorable à cet amendement sur le fond. Cela étant, s’il était en première partie de la loi de finances, il aurait un effet rétroactif car il s’appliquerait aux revenus perçus en 2014. Je vous invite donc à le redéposer en deuxième partie.

M. Dominique Lefebvre. Cette question, dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises, a été tranchée par le groupe socialiste : nous ne reviendrons pas sur les modalités actuelles du CIR.

M. Michel Piron. Lorsqu’un système fonctionne, on peut toujours s’interroger sur les effets d’aubaine qu’il produit. Mais doit-on pour autant systématiquement le remettre en cause ?

M. le président Gilles Carrez. Le précédent gouvernement avait accepté plusieurs modifications consensuelles du CIR inspirées du rapport « Claeys-Gorges », notamment afin de prendre en compte de l’assiette de recherche. Ces modifications ont d’ailleurs été adoptées à l’unanimité dans l’hémicycle. Et il avait été affirmé à cette occasion que nous ne toucherions plus à ce crédit d’impôt – c’est la position que reprend aujourd’hui M. Lefebvre.

Il convient de mettre le CIR en regard avec l’allégement général de cotisations sociales dit « Fillon » et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : nos dispositifs d’allégement des prélèvements sur les cotisations patronales, ciblés sur les bas salaires, et qui représentent 40 milliards d’euros ou 2 % du PIB, touchent peu l’industrie, à la différence du CIR.

Tous ces arguments pèsent lourd et nous en débattrons en seconde partie du PLF d’autant qu’il ne s’agit pas de sujets d’opposition entre nous.

Mme Karine Berger. Un mécanisme aussi fantastique que le crédit impôt recherche peut mourir de sa belle mort si nous ne parvenons pas à en éviter les dérapages : Saint-Gobain a créé quarante-deux filiales éligibles au CIR. Nous nous trouvons là face à un montage d’optimisation fiscale qui relève véritablement du mensonge.

M. Jean-Louis Gagnaire. J’ai toujours le souci de nous rapprocher de la position de nos collègues de la commission des Affaires économiques, qui, pour l’heure, est souvent diamétralement opposée à celle que l’on défend ici : on a même, dans des temps plus anciens, assisté à un affrontement direct entre les membres des deux commissions, qui transcendait les clivages politiques.

Personne ne nie le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez. Mais c’est parfois par nécessité qu’un grand groupe bénéficie du CIR par le biais d’autant de filiales. Ainsi en est-il, dans mon département, de Thalès-Angénieux qui non seulement travaille pour la défense, mais produit également de l’optique très haut de gamme pour l’audiovisuel. Sans le CIR, cette entreprise aurait fermé ses portes depuis bien longtemps et n’aurait pu continuer à faire de la recherche ni développer de nouveaux produits.

Il nous faut en revenir à ce pour quoi le CIR a été créé. Représentant l’Assemblée des régions de France au sein de la commission d’évaluation des politiques d’innovation, j’ai appris que c’était afin de donner des marges de compétitivité aux industriels. Car si le CICE prend en compte les bas salaires, le CIR apporte un élément d’attractivité pour les entreprises étrangères. J’ai d’ailleurs pu le vérifier la semaine dernière dans ma propre région : sans le CIR
– et une électricité bon marché –, jamais nous n’aurions pu y attirer un groupe américain qui s’apprête à créer 200 emplois.

M. le président Gilles Carrez. Vous nous accorderez que l’on ne peut diviser un groupe en quarante-deux filiales à 100 millions d’euros de crédit d’impôt plafonné chacune. Il doit être possible de trouver une proposition intermédiaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Certes mais nous essayons actuellement d’attirer des investisseurs sur le territoire français. Tout contre-signal envoyé en ce domaine, au motif de réaliser des économies mineures, pourrait avoir l’effet d’une déflagration. La stabilité du droit doit être garantie même si ce crédit d’impôt présente des dépenses dynamiques.

On entend dire qu’il existerait une autre forme possible de plafonnement du dispositif : elle consisterait à exclure de son bénéfice les entreprises ne faisant pas appel à des laboratoires publics de recherche. J’espère qu’une telle mesure n’est pas réellement envisagée tant l’équilibre actuel est fragile.

M. Marc Goua. Notre économie est totalement atone. J’ai récemment accueilli une association représentant les grandes entreprises françaises et étrangères implantées sur notre territoire ; on ne nous a réclamé ni des baisses d’impôts ni des diminutions de charges, mais seulement une stabilité fiscale et juridique – car l’instabilité dissuade d’investir. Je faisais auparavant partie de ceux qui pensaient qu’il fallait mieux encadrer le dispositif. Mais on ne peut revenir tous les ans sur des mesures déjà prises sans créer d’effets désastreux pour notre économie : le soutien financier à l’investissement a certes son importance dans la relance, mais la confiance joue aussi un rôle.

M. Éric Alauzet. Certes, ce dispositif est utile et fonctionne. Mais nous ne serons pas à la hauteur de notre responsabilité si nous tranchons le débat de cette façon. Nous trouvant dans une période où les euros sont difficiles à ramasser et encore plus à distribuer, nous sommes soumis à une exigence d’efficience de la dépense. Si la position de la Cour des comptes est pour nous une référence, elle ne doit pas l’être à géométrie variable, au sens où l’on ne s’y référerait que lorsque cela nous arrange : elle vaut aussi pour cette question et nous avons le devoir d’ajuster ce dispositif. Il est certes nécessaire d’assurer la stabilité du droit, mais si l’on ne fait plus rien, on ouvre la porte à tous les abus. Nous devons donc nous laisser la possibilité d’ajuster un dispositif pour les faire cesser.

M. Philippe Vigier. Tout le monde s’accorde sur l’efficience du crédit impôt recherche. Car ainsi que vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le président, le CICE ne permet de cibler que 23 à 25 % des emplois industriels. Et les allégements « Aubry-Fillon » présentent la même faiblesse. Nous devons nous attacher à définir un système de consolidation au niveau des groupes de manière à éviter l’optimisation fiscale à tout va dénoncée tout à l’heure par Karine Berger sans créer pour autant de bouleversements pénalisants.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Robert, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Thierry Robert. Oui, je le redéposerai en deuxième partie.

L’amendement I-CF 175 est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 128 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Le rapport remis par M. Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française préconisait une baisse des charges – d’un tiers des charges sociales salariales afin de provoquer une augmentation immédiate du pouvoir d’achat, et de deux tiers des charges sociales patronales – qui s’articulerait avec les allégements « Aubry-Fillon ». Une telle mesure permettrait de ne pas modifier le taux intermédiaire de TVA : on a vu que son relèvement a eu un effet désastreux sur le secteur du bâtiment et des travaux publics, alors que l’incidence sur le pouvoir d’achat d’une augmentation d’1 ou 2 % de la TVA à taux plein est négligeable.

J’ajoute qu’alors que l’on s’attendait à ce que le CICE coûte 12 milliards d’euros en 2014, son montant s’élève à un peu plus de 8,5 milliards.

Enfin, le taux de marge des entreprises, malgré l’entrée en vigueur du CICE, s’est encore dégradé, comme en témoignent les chiffres de la Cour des comptes.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Votre amendement vise à instaurer une TVA sociale et à supprimer le CICE ; nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. Je souhaiterais aussi corriger le chiffre que vous venez de citer : on avait effectivement prévu que la créance de CICE s’élèverait à 13 milliards en 2014, les prévisions réactualisées sont certes en-deçà, mais sont tout de même de 10,8 milliards d’euros.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 20 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques I-CF 102 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 132 de M. Charles de Courson, et l’amendement I-CF 21 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le CICE a été créé pour aider les entreprises soumises à la concurrence internationale. Or s’il est un secteur qui y est soumis, c’est bien celui du transport maritime, confronté aux difficultés que l’on sait, alors que l’Allemagne et d’autres pays disposent d’avantages comparatifs conséquents. Pourtant, le CICE ne s’applique pas aux entreprises de transport maritime qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés mais à la taxe au tonnage. Actuellement, ces entreprises perdent entre 10 et 20 millions d’euros par an. Certaines sont plus touchées que d’autres, notamment celles qui traversent la Manche, car elles emploient de nombreux salariés. Brittany Ferries, par exemple, a perdu 2 millions d’euros l’an dernier et 3 millions cette année. Il est paradoxal que l’on accorde le CICE à des officiers ministériels qui salarient des personnels alors qu’ils ne sont pas soumis à une concurrence internationale effrénée, et qu’on le refuse à des entreprises soumises à une concurrence réelle, alors même que la taxe au tonnage qu’elles acquittent n’est autre qu’une forme particulière d’impôt sur les sociétés.

Mme la Rapporteure générale. Le CICE bénéficie effectivement aux entreprises
– que celles-ci soient assujetties à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu – qui ne bénéficient pas d’un régime forfaitaire tel que celui de la taxe au tonnage. Et il est vrai que le choix d’être taxé à ce régime vaut pour dix ans, ce qui interdit aux entreprises de changer d’avis avant cette échéance.

Le problème est que vous proposez dans votre amendement que ces sociétés soumises au régime forfaitaire puissent bénéficier du CICE à condition qu’elles soient « exposées à la concurrence internationale », sans définir ce que cela signifie exactement.

Enfin et surtout, le rapporteur de la mission sur le CICE, notre collègue Yves Blein, a proposé de permettre aux entreprises ayant exercé l’option pour le régime forfaitaire de reconsidérer leur choix et de bénéficier du CICE.

Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Le problème est réel. Mais la rédaction de cet amendement n’est pas adaptée.

M. Marc Le Fur. Le monde maritime est soumis à une concurrence quasiment pure et parfaite. En outre, le régime d’option de la taxe au tonnage a été défini à une époque où la législation fiscale était totalement différente.

M. le président Gilles Carrez. Il ne me semble pas que nous ayons abordé ce sujet spécifique lorsque nous avons créé le CICE. Mais il est vrai que la durée d’option de dix ans est trop longue. Je vous propose, monsieur Le Fur, de réexaminer votre proposition à la lumière du rapport d’information d’Yves Blein.

M. Olivier Carré. Dans le cadre de la mission d’information sur le CICE créée par la Conférence des présidents que je présidais et qui a remis ses conclusions le 2 octobre dernier, le rapporteur Yves Blein nous a convaincus d’adopter une proposition visant à permettre aux entreprises ayant opté en faveur d’un régime forfaitaire d’imposition avant la mise en place du CICE de revenir sur leur option, afin d’être soumises à un régime réel ouvrant droit au CICE. Il est essentiel d’offrir un choix aux entreprises en question qui feront ensuite leurs calculs. L’administration fiscale nous a confirmé que seul le législateur pouvait dénouer la situation.

M. le président Gilles Carrez. Serons-nous en mesure d’adopter une disposition de cette nature lors du prochain collectif budgétaire pour une application l’année prochaine ?

M. Olivier Carré. Une telle mesure prise dans le projet de loi de finances rectificative du mois de décembre pourra, en effet, s’appliquer pour l’exercice prochain au titre de cette année.

Mme Karine Berger. Je m’en veux de me faire l’avocat du diable, mais la majorité et l’opposition viennent à l’instant d’insister sur la stabilité souhaitée par les entreprises. N’est-il pas paradoxal…

M. Olivier Carré. Pas du tout ! Nous répondons à une demande des entreprises concernées que nous ramenons en quelque sorte dans le droit commun.

M. le président Gilles Carrez. Madame Berger, le CICE est devenu la règle générale, l’alpha et l’oméga, et nous découvrons qu’il ne s’applique pas à certaines entreprises particulièrement soumises à la concurrence. Nous ne faisons que rétablir un équilibre, et nous œuvrons plutôt en faveur de la stabilité.

Mme Karine Berger. Si je comprends bien, l’instabilité ne pose aucun problème dès lors que l’on augmente les dépenses… Cela devient insupportable !

M. Marc Le Fur. Nous n’avons pas été saisis du sujet jusqu’à ce jour parce que les professionnels attendaient que les négociations avec le ministère des finances aboutissent. Le problème, c’est qu’ils ne voient rien venir.

Je retire mon amendement. Je le déposerai ultérieurement afin que nous puissions l’examiner en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. Et nous connaîtrons ainsi la position du ministre. Rendez-vous est pris pour le prochain projet de loi de finances rectificative.

L’amendement I-CF 20 est retiré.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF 102 concerne les exploitations agricoles relevant du régime forfaitaire d’imposition. Elles devraient pouvoir bénéficier du CICE. Conçu à l’origine comme un dispositif incitatif, le CICE s’apparente de plus en plus à un mécanisme compensatoire. Or les petites structures et particulièrement groupements agricoles d’exploitation en commun ne peuvent en bénéficier.

Il est frappant que les coopératives soient également exclues du bénéfice du CICE alors qu’elles créent des emplois et qu’elles sont soumises à la concurrence.

M. le président Gilles Carrez. Si vous voulez que les coopératives bénéficient du CICE, madame Dalloz, il faut remettre à plat l’ensemble de leur régime fiscal, qui lui aussi pose un problème de concurrence par rapport à celui des entreprises privées qui exercent le même métier et sont assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Reconnaissez que CICE est devenu un mécanisme d’aide pour les salaires et que certains acteurs en sont exclus. Pourquoi ce dispositif bénéficierait-il à certaines entreprises dont l’activité ne relève pas du secteur concurrentiel, et pas à l’agriculture ?

M. Philippe Vigier. L’amendement I-CF 132 vise également à permettre aux entreprises agricoles au forfait de bénéficier du CICE. Dans le secteur de la viticulture ou de l’arboriculture par exemple, ces entreprises – je ne parle pas des coopératives – sont soumises à une sévère concurrence extérieure et elles emploient une main-d’œuvre qui permettrait de calculer le montant du crédit d’impôt. Pourquoi les priver d’un dispositif favorable à la compétitivité ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Les mêmes arguments valent pour l’amendement I-CF 21.

Mme Véronique Louwagie. Pour donner satisfaction aux amendements dont nous venons de débattre relatifs aux entreprises de transports maritimes et aux entreprises agricoles, grosses pourvoyeuses d’emplois, pourquoi ne pas raisonner globalement et permettre à toutes les entreprises de bénéficier du CICE ?

Mme la Rapporteure générale. Je suis défavorable à ces amendements pour la simple et bonne raison qu’aucun crédit d’impôt, quel qu’il soit, ne peut être accordé aux entreprises relevant d’un régime forfaitaire d’imposition.

M. Olivier Carré. C’est la raison pour laquelle le rapport d’information propose de permettre aux entreprises concernées de changer d’option plus rapidement et de renoncer au régime forfaitaire si elles estiment qu’elles ont plutôt intérêt à devenir bénéficiaire du CICE. Cette approche globale est préférable à un traitement secteur par secteur. Elle évite également de modifier la loi fiscale sur le fond.

M. le président Gilles Carrez. C’est la bonne démarche. Peut-être verrons-nous des coopératives demander à être assujetties à l’impôt sur les sociétés pour bénéficier du CICE.

La commission rejette les amendements I-CF 102 et I-CF 132.

Puis elle rejette l’amendement I-CF 21.

Elle en vient à l’amendement I-CF 101 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Présentée par M. Benoît Hamon à l’époque où il était encore ministre, la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a fait naître de nombreux espoirs. Les coopératives qui ont une longue histoire créent souvent, en particulier les fruitières, de l’emploi local non délocalisable dont elles garantissent l’intégration pérenne. Rappelons que le Crédit agricole, devenu une grande banque mondiale, est né du système coopératif. Il faut que les coopératives puissent bénéficier du CICE.

Mme la Rapporteure générale. Madame Dalloz, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement nous a indiqué que la Commission européenne, qu’il avait consultée, s’opposait à cette évolution. Je suis en conséquence défavorable à l’amendement.

M. Marc Le Fur. Le Gouvernement a-t-il véritablement fait diligence pour convaincre la Commission sur ce sujet ? Nous n’en avons pas la preuve.

M. Régis Juanico. En tant que ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation, M. Benoît Hamon s’était rendu à Bruxelles avec une délégation de parlementaires… Mais le combat n’est pas perdu, d’autant que la Commission vient de changer.

M. Marc Le Fur. Ce voyage concernait l’étiquetage des produits, non les coopératives.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 130 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Le CICE doit être étendu aux travailleurs indépendants qui représentent 10 % des emplois de notre pays.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Ce débat a été tranché lors de la création du crédit d’impôt, et je rappelle que les indépendants ont bénéficié au mois de juillet dernier d’une réduction d’1 milliard d’euros des cotisations familiales.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 169 et I-CF 170, tous les deux de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. L’amendement I-CF 169 fixe le taux du CICE à 4 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions assujettis à la contribution exceptionnelle définie à l’article 253 ter ZAA du code général des impôts.

Les études montrent une distorsion de l’aide apportée par le CICE selon la taille des entreprises. En 2013, celles visées par l’amendement ont capté 57,7 % du total des créances du CICE. Les montants moyens accordés aux grandes entreprises à ce titre se sont élevés à 12,43 millions d’euros alors que les PME n’ont bénéficié, en moyenne, que de 25 000 euros, et les micro-entreprises de 2 750 euros.

Afin que le CICE profite davantage aux PME et aux micro-entreprises nous proposons que son taux, qui était passé de 4 à 6 % en 2014, soit ramené à 4 % pour les plus grosses entreprises.

L’amendement I-CF 170 vise à fixer à 8 % le taux du CICE pour les sociétés qui ne sont pas mères d’un groupe et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 euros au cours de l’exercice. Afin de créer des conditions plus favorables à l’embauche et à l’investissement, il est légitime que ces PME et TPE bénéficient d’un taux plus favorable que celui qui s’applique aux grandes entreprises.

Cette proposition se conforme aux critères de l’annexe I du règlement communautaire CE 800/2008, s’agissant d’entreprises dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Le rapport d’information sur le CICE présenté par M. Yves Blein relève que, d’après les données fiscales disponibles fin août 2014, 42 % de la créance constatée bénéficiait à des TPE et PME. Cette surreprésentation par rapport à la part de ces entreprises dans l’emploi total s’explique par le fait que les salaires y sont, en moyenne, plus faibles que dans les grandes entreprises, ce qui leur permet de bénéficier d’une part de CICE plus élevée.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement I-CF 164 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. À sa création, le CICE avait pour vocation de permettre aux entreprises de reconstituer leurs marges. Il était prévu de « tracer » les aides publiques consenties afin qu’elles ne servent à augmenter ni les dividendes ni les rémunérations des dirigeants. Je propose de réduire de moitié le taux du CICE lorsque les dividendes versés aux actionnaires représentent plus de 10 % du bénéfice annuel imposable.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : 90 % des entreprises distribuent des dividendes…

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF 22 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Certaines exploitations agricoles qui emploient des salariés sont constituées en exploitation agricole à responsabilité limitée. Si l’un des membres de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) n’est pas un agriculteur actif, l’exploitation ne peut bénéficier que partiellement du CICE. Toutes les EARL devraient recevoir le même traitement.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 123 de M. Henri Emmanuelli.

M. Pascal Cherki. Le CICE a été très utile pour augmenter la rémunération des salariés ou reconstituer les taux de marge des entreprises, mais il n’a pas constitué un dispositif efficace pour cibler le soutien à l’investissement. Or la France est confrontée à un problème de sous-investissement chronique qu’elle veut tenter de résoudre en menant une politique de l’offre. Dans un amendement « œcuménique », nous proposons avec mes collègues Henri Emmanuelli et Pascal Terrasse, de créer un crédit d’impôt investissement (CII) fléché, dont le taux serait fixé à 10 % pour les micro-entreprises, 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire, et 2 % pour les grandes entreprises.

Pour optimiser l’efficacité et la lisibilité de la politique de compétitivité, ce nouveau crédit d’impôt est assis sur les dépenses effectives d’investissement corporel ou incorporel réalisées par les entreprises, à l’exception de celles relatives à l’immobilier, à la recherche et développement ainsi qu’à la réalisation de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits, dépenses déjà couvertes par le crédit d’impôt recherche

Le coût de cette mesure est estimé à 11 milliards d’euros. Son financement est assuré par trois sources : une modulation du taux du CICE, une augmentation à 10 % du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, et, en tant que de besoin, la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la Rapporteure générale. Je note d’abord que cet amendement portant sur la première partie du PLF, les entreprises bénéficieraient en 2014 à la fois du CII et du CICE, plus le CIR… Je constate ensuite que vous annoncez une « modulation » du taux de CICE mais que des incertitudes demeurent quant au financement du dispositif très technique que vous proposez. Je suis défavorable à l’amendement.

M. Nicolas Sansu. La liste des signataires de cet amendement permet de couvrir tout le terrain de gauche : l’aile gauche et l’aile droite convergent. Il me reste à jouer avant-centre pour mettre le but !

Le CII me paraît plus intelligent que le CICE. Mme la Rapporteure générale a raison : il faut modifier l’amendement afin que les entreprises ne bénéficient pas des deux dispositifs à la fois. Je suggère donc de supprimer purement et simplement le CICE dans le II de l’amendement.

La modulation constitue à mon sens une bonne idée. Je vous rappelle que nous avons déjà abordé le sujet lorsque j’ai rapporté pour notre commission la proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse relative à la modulation des contributions des entreprises, qui a été examinée en séance le 22 mai dernier.

Je suis très favorable au dispositif proposé par cet amendement.

M. Dominique Lefebvre. Je suis favorable à la discussion de cet amendement dans l’hémicycle – et même en première partie, dans le cadre du débat sur le CICE –, mais défavorable à son adoption. S’il n’était pas retiré, j’en proposerai le rejet.

Il est utile que nous ayons un véritable débat sur les différents usages du CICE. Les chefs d’entreprises ont donné une priorité à l’augmentation des salaires alors qu’ils auraient pu faire autrement. Ce n’est évidemment pas la meilleure solution.

Je note que cet amendement n’est pas gagé. Je ne vois pas d’autre solution pour le groupe socialiste que de maintenir in fine le solde d’équilibre et le niveau de la dépense tels qu’ils sont proposés par le Gouvernement, sauf à donner un signe négatif à la Commission européenne avec laquelle des discussions vont commencer. Il me semble impossible de voter un amendement portant sur plusieurs milliards d’euros.

Cet amendement n’est pas non plus « bouclé » juridiquement. La notion de « branches d’activité se caractérisant par une forte exposition à la concurrence internationale » ne me semble ni opposable en droit ni pertinente, car une telle « exposition » s’apprécie en fait entreprise par entreprise.

Pour ma part, je ne crois pas que toute l’aide apportée aux entreprises doive se concentrer sur le seul investissement. En misant tout sur l’investissement, nous risquerions de pénaliser les entreprises auxquelles le CICE est utile pour créer de l’emploi.

La stabilité a été unanimement vantée, et elle semble constituer la première revendication des entreprises ; il serait donc pour le moins paradoxal d’adopter cet amendement, même s’il est utile d’en débattre dans l’hémicycle.

M. Pierre-Alain Muet. Le CICE visait à la fois à traiter le problème du taux de marge des entreprises, celui de la compétitivité, et celui de l’emploi. Les économistes et les politiques savent pourtant pertinemment qu’un seul instrument ne peut pas résoudre trois problèmes la fois. Si l’on veut sérieusement s’attaquer à ces trois problèmes, on est amené à se poser la question de savoir ce que devient le CICE.

Comment pérenniser un crédit d’impôt désormais requalifié en dépense ? Il est possible de procéder à des allégements de cotisations, mais ceux-ci ne seront efficaces sur l’emploi que s’ils portent sur les bas salaires situés autour du SMIC. La gauche et la droite ont joué sur ce levier ; il faut poursuivre en ce sens 
– les 4 milliards d’euros supplémentaires prévus dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale entrent dans cette logique. Il faut également améliorer la compétitivité, et le CICE peut constituer en la matière un instrument particulièrement efficace.

Ce crédit d’impôt avait une vocation très générale qui a sans doute servi à accroître les salaires, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose dans la conjoncture actuelle. Mais à plus long terme, nous devons disposer d’instruments cohérents au service des objectifs majeurs que sont l’emploi, d’une part, et la compétitivité, d’autre part.

Cet amendement est de ce point de vue très intéressant : il permet d’ouvrir un débat sur le CICE et de traiter des questions qui, à mon sens, se posent de façon beaucoup plus urgente que ne le dit le rapport d’information qui vient de paraître.

M. Olivier Carré. Le rapport d’information a sans doute été adopté à l’unanimité parce qu’il prévoyait d’inscrire le CICE dans la logique de développement des entreprises et de ne pas le modifier avant plusieurs années. Toute remise en cause du dispositif est à même d’introduire un doute qui altérerait son efficacité. Je rappelle que le CICE commence seulement à devenir une réalité : depuis deux ans, on parle de 20 milliards, mais les entreprises n’ont en fait encore encaissé que 6 milliards d’euros – 10 milliards si l’on compte toute la créance.

Les crédits d’impôt ne peuvent être examinés qu’à l’aune des charges des entreprises. N’oublions qu’entre l’impôt sur les sociétés et les diverses charges, nous affichons en la matière le taux le plus élevé du monde ! Quant à la multiplication de mécanismes visant à alléger ce taux, elle ne favorise pas la lisibilité.

La droite et la gauche se font plaisir en intervenant dans le monde de l’entreprise, mais ce monde peut décider seul de ses choix et de ses investissements sachant qu’il ne licencie pas pour le plaisir et qu’il n’investit pas à fonds perdus.

M. Marc Le Fur. La presse économique montre qu’une bonne partie de l’argent du CICE a permis d’augmenter les salaires dans les entreprises. Ce crédit d’impôt aide donc paradoxalement les insiders, ceux qui ont déjà un emploi alors qu’il visait à provoquer une embauche immédiate ou un investissement dont aurait découlé une embauche future.

M. Pascal Cherki. Madame la Rapporteure générale, nous sommes prêts à corriger notre amendement afin d’en améliorer le dispositif en tenant compte de vos suggestions judicieuses qui constituent à nos yeux un encouragement. À ce stade, nous le retirons afin qu’une nouvelle version plus performante puisse être examinée en séance publique. Je suggérerai à M. Emmanuelli de se rapprocher de vous.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 49 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Afin de favoriser les donations entre vifs, qui diminuent de manière inquiétante, mon amendement propose d’instaurer, pour les donations en pleine propriété, une réduction sur les droits dégressive en fonction de l’âge du donateur. Ces dispositions tempéreraient les effets de plusieurs réformes qui ont progressivement supprimé, pour des raisons budgétaires, les avantages applicables aux droits de donation : réduction de l’abattement entre parent et enfant de 150 000 à 100 000 euros, allongement du délai de rappel fiscal du six à dix, puis de dix à quinze ans, suppression des réductions de droits spécifiques aux donations.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Votre amendement vise à étendre à tous et quel que soit le mode de transmission, les dispositions qui s’appliquent aujourd’hui aux personnes de moins de soixante-dix ans, ayant séparé la nue-propriété de l’usufruit. Outre son coût budgétaire, l’amendement n’est guère protecteur : une personne âgée qui aura donné son appartement perdrait la sécurité de l’usufruit, et risquerait de se retrouver à la porte de chez elle.

La Commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 6
Intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité
sur la fortune

La Commission étudie l’amendement I-CF 142 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement, qui vise à inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, a déjà été présenté plusieurs fois. On nous a objecté la difficulté d’évaluer les œuvres, mais la question ne se pose pas, puisque cet impôt est déclaratif. Dès lors que les œuvres d’art font l’objet d’un marché spéculatif, il n’y a aucune raison de les soustraire du champ d’application de l’ISF.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement est bien connu : il a été régulièrement soutenu par M. Christian Eckert, avant qu’il ne devienne rapporteur général. Et M. Le Fur a le bénéfice de l’antériorité : il le défend depuis plus de dix ans !

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable. Je l’avais voté il y a deux ans, quand M. Eckert l’avait présenté.

M. Nicolas Sansu. Il faudrait tout de même soustraire de l’assiette les œuvres mises à la disposition du public.

M. Éric Woerth. Mieux vaudrait supprimer l’ISF qu’élargir son assiette !

La Commission adopte l’amendement (amendement n° I-238).

M. le président Gilles Carrez. La Commission a déjà adopté l’amendement, il y a quelques années.

M. Marc Le Fur. J’espère que nous aurons plus de succès cette fois en séance publique. Mme Aurélie Filippetti, qui avait soutenu l’amendement en tant que députée, y avait été défavorable en tant que ministre de la culture.

M. Éric Woerth. On peut craindre en effet que toutes les œuvres d’art ne quittent le pays.

*

* *

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements I-CF 141, I-CF 144 et I-CF 139 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Nul n’ignore les difficultés de financement que rencontrent les PME. Dans nos circonscriptions, des chefs d’entreprise, qui ne peuvent se financer auprès des banques, nous sollicitent fréquemment sans que nous ne possédions les aider. L’amendement I-CF 141 tend à doubler le plafond de la réduction liée à l’ISF-PME pour le porter à 90 000 euros. Les amendements I-CF 144 et I-CF 139 sont des amendements de repli.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La mesure coûterait trop cher. Selon le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les niches fiscales, le coût total des dispositifs fiscaux en faveur des PME est passé de 240 millions en 2005 à 1,12 milliard en 2009. Le même rapport pointe les difficultés de pilotage de ces dépenses. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, avait plafonné le dispositif ISF-PME à 45 000 euros et limité la réduction à 50 %...

La Commission rejette successivement les amendements I-CF 141, I-CF 144 et I-CF 139.

Elle examine, en présentation commune, les amendements I-CF 250 et I-CF 251 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ces amendements ont le même objet que l’amendement I-CF 252 que j’ai présenté en début de réunion, après l’article 6. Ils visent à étendre aux sociétés d’investissement de business angels (SIBA) l’avantage fiscal propre à l’ISF. Les SIBA, qui permettent aux contribuables d’entrer dans le capital des entreprises, constituent un bon véhicule, puisqu’elles sont gérées par des bénévoles et que le travail d’investissement est collectif.

Des amendements adoptés en 2010 et 2011 ont restreint leur champ d’intervention en les obligeant à employer au moins deux salariés et à limiter le nombre de leurs associés à cinquante. Ces restrictions ne sont pas pertinentes : les petites sociétés n’ont pas toujours besoin de deux salariés, et peinent à réunir le capital suffisant si elles comptent moins de cinquante actionnaires. L’amendement I-CF 250 propose d’assouplir ce dispositif. Le deuxième amendement, I-CF 251, beaucoup plus simple, propose de maintenir le bénéfice de la réduction de l’ISF et d’impôt sur le revenu en cas de cession, quelle qu’en soit la cause, à condition que la somme soit réinvestie.

Ces amendements ayant été déposés tardivement, je suis prêt à les retirer si la Rapporteure générale estime qu’il lui faut plus de temps pour les examiner.

Mme la Rapporteure générale. Je suggère le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Vous avez déposé trois amendements sur le sujet. J’ai commenté l’amendement I-CF 252 portant article additionnel après l’article 6. Les amendements I-CF 250 et I-CF 251 réduisent les obligations relatives aux sociétés dans lesquelles la nouvelle holding pourra investir. Il me faut davantage de temps pour me prononcer sur ce dispositif.

Les amendements sont retirés.

*

* *

Article 7
Application du taux réduit de 5,5 % de la TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Cet article soumet, à compter du début de l’année 2015, au taux réduit de TVA, actuellement fixé à 5,5 %, la livraison d’immeubles et la réalisation de travaux, lorsqu’elles sont conduites dans le cadre d’une opération d’accession sociale à la propriété menée dans les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans une bande de 300 mètres autour de ces quartiers. Cette adaptation législative, qui figure au nombre des mesures annoncées par le Premier ministre le 29 août 2014 au titre du Plan de relance du logement, devrait stimuler tant la construction de logements neufs que la réhabilitation de logements anciens dans les zones urbaines les plus défavorisées, au profit de ménages à revenu modeste.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Les opérations d’accession sociale à la propriété bénéficient d’ores et déjà d’un régime de TVA favorable qui a été conforté depuis la fin de l’année 2013.

Ainsi, l’article 278 sexies du code général des impôts permet d’ores et déjà de soumettre la livraison de logements neufs ou la réalisation de travaux de construction à une TVA au taux de 5,5 % à une triple condition :

– les logements doivent être destinés à devenir la résidence principale de leur acquéreur, car le but de cette mesure n’est pas de favoriser l’investissement locatif ;

– les ressources des futurs propriétaires doivent être inférieures aux plafonds prévus par l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ce qui permet de garantir que la mesure bénéficie aux ménages modestes, c’est-à-dire ceux qui, compte tenu des prix de l’immobilier, ont le plus de difficultés à devenir propriétaires. En application du huitième alinéa de cet article, sont éligibles au bénéfice de telles opérations les personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum, majorés de 11 %, que l’autorité administrative a prévus pour l’attribution de logements locatifs conventionnés, correspondant notamment aux logements gérés par les organismes d’habitation à loyer modéré. Ces derniers plafonds, exprimés en revenu annuel de référence pour chaque type de ménage, ont été révisés pour la dernière fois à la suite d’un arrêté du 23 décembre 2013 (76) et sont actuellement compris, si l’on excepte la région Île-de-France, entre 20 013 euros pour une personne seule et 38 800 euros pour un foyer de quatre personne – ce qui donne, pour l’éligibilité au taux réduit de TVA, une fois appliquée la majoration de 11 %, des montants s’élevant respectivement à 22 214 et 43 068 euros (voir tableau ci-après).

– et que les immeubles concernés doivent être situés dans des quartiers, ou dans une bande de terrain de 300 mètres autour de ceux-ci, ayant fait l’objet d’une convention conclue entre les collectivités territoriales et les organismes publics ou privés menant des opérations de rénovation urbaine, d’une part, et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), d’autre part.

PLAFONDS DE RESSOURCES DES PROPRIÉTAIRES APPLICABLES POUR L’ÉLIGIBILITÉ
DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES AU TAUX DE TVA À 5,5 %

(en euros)

Nombre de personnes composant le ménage

Paris et communes limitrophes

Autres communes
d’Île-de-France

Communes situées dans les autres régions

1

33 217

33 217

28 879

2

49 644

49 644

38 565

3

65 078

59 677

46 378

4

77 699

71 481

55 988

5

92 444

84 619

65 863

6

104 026

95 224

74 228

Personne supplémentaire au-delà de 6

+ 11 591

+ 10 610

+ 8 279

Sources : Légifrance et secrétariat d’État au Budget (direction de la législation fiscale).

Lecture du tableau : une famille composée, par exemple, de 2 adultes et 3 enfants (soit un ménage de 5 personnes) peut bénéficier du taux de TVA à 5,5% sur les opérations immobilières à condition que son revenu annuel soit inférieur à 92444 euros si elle habite Paris, et inférieur à 65863 euros si elle habite en dehors de l’Île de France.

L’ANRU est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par l’article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, pour coordonner et subventionner les opérations de rénovation urbaine conduites dans les zones urbaines sensibles (ZUS) en partenariat avec les collectivités territoriales concernées. Les conventions pluriannuelles conclues, pour la conduite de ces opérations, entre l’ANRU et les collectivités et organismes impliqués dans la rénovation urbaine doivent expirer, pour la plupart d’entre elles, à la fin des années 2014, 2015 ou 2016 et, pour les plus tardives, à la fin de l’année 2018.

Ce dispositif, qui contribue à soutenir la politique en faveur du logement social aux côtés des efforts accomplis pour développer le parc locatif correspondant, a été modifié récemment à deux reprises :

– l’article 29 de la loi de finances pour 2014 du 29 décembre 2013 a rendu applicable à ces opérations, à partir du 1er janvier 2014, le taux réduit de TVA de 5,5 %, en remplacement du taux intermédiaire, lequel passait, à la même date, de 7 % à 10 %). En complément du renforcement de cette incitation fiscale, le dispositif a également été concentré sur les zones urbaines en ayant le plus besoin, grâce à la limitation à 300 mètres, au lieu de 500 mètres auparavant, de la bande de terrain adjacente aux zones ANRU et également éligible au taux réduit de TVA à ce titre ;

– l’article 27 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014 a prolongé jusqu’au 31 décembre 2015 l’éligibilité au taux de TVA à 5,5 % des nouvelles constructions situées dans des zones couvertes par une convention ANRU expirant avant la fin de l’année 2014. Le but de cette prolongation était d’éviter que la date butoir de la fin de l’année 2014 n’ait un effet trop brutal, et en réalité contre-productif, sur les projets de rénovation urbaine qui pourraient encore débuter l’an prochain.

Cette dépense fiscale, dont le Gouvernement estime qu’elle amoindrit les recettes de TVA de l’ordre de 80 millions d’euros par an, est appréciée des acteurs économiques et a fait l’objet, au mois de septembre 2013, d’appréciations positives dans le cadre du rapport d’analyse de la mission pour la modernisation de l’action publique (MAP) consacré à l’évaluation de la territorialisation des politiques du logement (77). Les auteurs du rapport estiment que « le dispositif a incontestablement permis de développer des opérations d’accession qui n’auraient jamais vu le jour autrement » et soulignent que ces opérations « permettent de maintenir sur le quartier des ménages qui en seraient partis » et, de ce fait, « sont un facteur certain de mixité sociale ».

Toutefois, le champ de ce dispositif est appelé à se restreindre progressivement, à mesure que les conventions conclues avec l’ANRU arrivent à expiration. Il apparaît aujourd’hui nécessaire à la fois de pérenniser et d’accentuer cet effort financier, dans un contexte économique encore difficile pour la construction, ainsi que de tenir compte de la définition récente d’une nouvelle politique de la ville reposant sur des zonages différents.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Afin de mieux prendre en compte l’évolution de la pauvreté en milieu urbain, l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a défini les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, en faisant reposer le nouveau zonage, dont la délimitation a été renvoyée à un décret en Conseil d’État, sur deux critères :

– le quartier, situé en zone urbaine, doit comprendre un nombre d’habitants minimal ;

– le quartier doit se caractériser, par rapport tant à l’unité urbaine dans laquelle il s’insère qu’au territoire national, par un « écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants ».

L’article 2 du décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 relatif à la liste nationale des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à ses modalités particulières de détermination dans les départements métropolitains a fixé à 1 000 habitants le seuil de population exigé pour qu’un quartier puisse être éligible au nouveau dispositif.

La nouvelle carte, qui en a résulté et a été présentée par le Gouvernement le 17 juin 2014, comprend 1 300 quartiers, situés sur 700 communes, identifiés par l’INSEE comme comptant une majorité d’habitants dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian. Ce nouveau zonage, reposant sur des critères sociaux objectifs, est plus fin et ne se superpose qu’en partie avec la carte des 530 quartiers actuellement soutenus par l’ANRU (voir carte ci-après) (78).

La réduction du taux de TVA applicable s’inscrit bien sûr dans le cadre d’un effort plus large de renouvellement de la politique de la ville. Ainsi, le Gouvernement a notamment précisé, lors de la présentation de la nouvelle carte des 1 300 quartiers prioritaires : « Les 200 quartiers qui, identifiés par l’ANRU comme présentant les dysfonctionnements les plus lourds, bénéficieront d’une rénovation urbaine qui mobilisera 5 milliards d’euros de subventions nationales, qui feront effet levier pour un investissement de près de 20 milliards au total sur [la période] 2014-2024. »

CARTE NATIONALE DES 700 COMMUNES COMPRENANT DES QUARTIERS PRIORITAIRES DANS LESQUELS S’APPLIQUERA LA TVA À 5,5 %
POUR L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

Source : Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), 2014.

L’article 278 sexies du code général des impôts ayant jusqu’à présent maintenu le lien entre l’éligibilité au taux de TVA à 5,5 % et la localisation des logements dans des quartiers ayant fait l’objet d’une convention avec l’ANRU, une partie des nouveaux quartiers prioritaires risquerait, sans modification du droit applicable, de ne pas bénéficier de cet avantage fiscal destiné à soutenir l’accession sociale à la propriété.

Le projet de loi propose donc de compléter la liste des opérations éligibles au taux de TVA à 5,5 %, fixée à cet article du code général des impôts, afin d’en élargir le bénéfice aux opérations d’accession sociale à la propriété menées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité immédiate de ceux-ci – c’est-à-dire à moins de 300 mètres des limites de ces quartiers. Qu’il s’agisse de la nature des opérations immobilières concernées, des plafonds de revenu applicables ou de la largeur de la bande de terrain adjacente aux quartiers, qui est également rendue éligible, le nouveau dispositif constitue le décalque de celui qui est actuellement prévu pour les zones ANRU. Ce parallélisme permettra ainsi d’assurer la continuité de la politique suivie et bien connue des acteurs économiques intéressés, tout en adaptant sa géographie à l’évolution de la pauvreté en milieu urbain.

La dépense fiscale résultant de cette mesure devrait rester raisonnable, puisque l’évaluation préalable jointe au projet de loi estime qu’elle devrait s’établir à 10 millions d’euros en 2015, 35 millions d’euros en 2016, 70 millions d’euros en 2017, avant de se stabiliser à 105 millions d’euros en 2018, année d’expiration des dernières conventions ANRU. Si l’on compare ce coût à celui du dispositif actuel évalué à 80 millions d’euros par an et auquel il se substituera entièrement après 2018, le surcoût pour les finances publiques paraît modéré
– d’autant qu’une augmentation du nombre de logements livrés aboutira à un élargissement de l’assiette soumise à la TVA et, ainsi, réduira d’autant la perte de recettes résultant de la seule baisse du taux.

*

* *

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

*

* *

Après l’article 7

La Commission examine l’amendement I-CF 248 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Mon amendement vise à porter de 60 000 à 77 000 euros le seuil de recettes en dessous duquel l’activité des organisations sans but lucratif est exemptée de TVA. Il est très proche de l’amendement I-CF 249, qui concernait l’impôt sur les sociétés. Anticipant la réponse défavorable de la Rapporteure générale, je le retire, afin de proposer une nouvelle rédaction au titre de l’article 88 de notre règlement.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement I-CF 31 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’ai proposé plusieurs amendements visant à réduire le taux de TVA de certains produits. Celui-ci vise à assujettir au taux de 5,5 % les produits de l’horticulture n’ayant subi aucune transformation.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 26 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Même proposition pour le bois de chauffage, les produits de la sylviculture agglomérés et les déchets de bois destinés au chauffage.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement I-CF 99 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a aucune raison pour que le bois de chauffage, qui est une matière première en même temps qu’un bien de première nécessité, ne bénéficie pas d’un taux de TVA réduit.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde, en discussion commune, les amendements I-CF 156 de M. Éric Alauzet et I-CF 27 de M. Marc Le Fur.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 156 vise à appliquer le taux de TVA réduit aux prestations de gestion des déchets qui entrent dans l’économie circulaire. Il s’agit des activités de collecte, de tri, de valorisation matière, du compostage et des opérations en déchetterie visant à réintégrer les déchets dans la chaîne de l’activité économique.

Mme Marie-Christine Dalloz. La rédaction de mon amendement I-CF 27 est plus générale.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable sur ces deux amendements. Nous les avons déjà examinés en juillet, et souligné que la liste des opérations était imprécise.

M. Éric Alauzet. L’argument ne tient pas pour l’amendement I-CF 156 : nous proposons au contraire une liste des activités très précise. Dans le budget d’une collectivité locale, on sait fort bien individualiser la prévention, le recyclage et la collecte des matières triables et recyclables.

La Commission rejette successivement les amendements.